Archives Berbères - Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc
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VOLUME I FASCICULE 2 Archives Berbères Publication du Comité d'Études Berbères ANNÉE de Rabat 1915 SOMMAIRE I . R E N É BASSET. II. III. IV. Capitaine F. — Les Géalogistes Berbères QUERLEOX. ;. — Les Zemmour 3 ta — Le Talion et le Prix du Sang chez les Berbères Marocains N E L H I L . — L'Azref des Tribus et Qsour berbères du Haut-Guir ARIN. (suite) 62 88 V. Chronique Berbère Administration'de 104 la Revue : DIRECTION du SERVICE des RENSEIGNEMENTS (Résidence Générale), RABAT J LES Archives Berbères Publication du Comité d ' É t u d e s Berbères de Rabat VOLUME 1 Les ANNEE 1915 Archives FASCICULE 2 Berbères PUBLICATION DU COMITÉ D'ÉTUDES BERBÈRES DE RABAT LES GÉNÉALOGISTES BERBÈRES P a r m i les sources dont s'est servi Ibn Knaldoun pour la partie du Kitâb cl 'Iber consacrée aux B e r b è r e s , il en est une catégorie qu'il parait avoir été p r e s q u e le seul à consulter : ce sont les généalogistes b e r b è r e s . A part Ibn H ' a z m et 131 Bekri, ni ion Id^ari, ni El Marrakochi, ni ion H ' a m m a d , ni Ibn Ab: Z e r a ' , p o u r ne p a r l e r que des plus anciens, ne semblent les avoir c o n n u s , et ce silence est d'autant plus étonnant que ces généalogistes pouvaient avoir conservé des traditions, complétant, sinon modifiant les récits des historiens a r a b e s . Mais tout en les consultant, Ibn Knaldoun a négligé de n o u s fournir les renseignements indispensables s u r e u x . N o u s ne savons pas, sauf de r a r e s exceptions, à quelle é p o q u e ils vivaient, à c o m m e n c e r par le plus illustre d ' e n t r e eux ; n o u s ignorons m ê m e en quelle langue étaient rédigées leurs généalogies, et c'est seulement par. conjectures que n o u s arrivons à s u p p o s e r qu'ils les écrivirent et qu'il ne s'agit pas seulement d ' u n e tradition o r a l e . En outre, la plupart sont a n o n y m e s . Les familles qui possédèrent des généalogistes sont les Ketâmah que leurs traditionnistes indigènes faisaient desc e n d r e de Ketâm, fils de B e r n e s , tandis q u ' I b n el Kelbi et T ' a b a r i leur attribuaient les H ' i m y a r i t e s p o u r ancêtres ( i ) . (I) Ibn Khaldoun. Kitâb el 'Iber, Boulaq. 1284. 7 vol. in-4°, T. V I , p. 148-149 ; Histoire des Berbères, trad. De Slane, Alger, 1852-1856, 4 vol. in-8", T. III, p. 2 9 1 - 2 9 4 . — 4 — Les Z o u a o u a , les G h o m a r a et les Meklata ( i ) avaient aussi leurs généalogistes, ainsi que les H o o u â r a (_>) et sans doute aussi les Senhâdja (3). U n e des principales préoccupations de ces généalogistes paraît avoir été de p r o u v e r la descendance h ' i m y a r i t e des triDus b e r b è r e s . Ibn Khaldoun en d o n n e les raisons : c'est, p o u r les Zénata, «< qu'ils voulaient répudier toute liaison avec la souche berbère, en voyant des peuples de cette race réduits au rang d'esclaves tributaires et chargés du poids des impôts » (4). Mais ces légendes, nées de la conquête arabe, torgées dans le but de se rattacher aux plus nobles d ' e n t r e les v a i n q u e u r s , étaient adoptées par quelques généalogistes peu scrupuleux, m ê m e parmi les Z é n a t a : elles étaient r e p o u s s é e s p a r les autres qui tenaient aux héros é p o n y m e s indigènes (5). ibn Khaldoun, lui-même, quoique moins crédule sur ce point que 1 'abari, Maqrizi, 1:1 Djordjani, M a s ' o u d i , El Baihâqi, Ibn el Kelbi, se montra encore intérieur en exactitude historique à la plupart des généalogistes zénata, en faisant descendre les Senhâdja et les Ketâma des H ' i m y a r i t e s (0). Ibn H ' a z m , dans sa Djemharah avait p r o testé contre ces inventions : » Les H ' i m y a r i t e s n ' e u r e n t jamais p o u r se r e n d r e au Maghrib que les récits m e n s o n g e r s des historiens yéménites >> (7). T o u s ces généalogistes sont a n o n y m e s et tout ce q u ' o n peut dire de plus certain sur eux, c'est qu'ils vivaient avant Ibn Khaldoun (xiv" et xv" siècles). Nous allons avoir affaire maintenant à des écrivains ayant une personnalité souvent réduite à un nom, et tout d ' a b o r d , il y a lieu de parler des Kharedjites qui paraissent avoir été les plus anciens. (I) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Ibcr, T. V I , p. 97 ; Histoire des Berbères, T. I. p. 185. .,2) Maqrizi, arabischen Staminé, Abhandlung iiber aie in /h^yplen éd. Wiistenfeld, Gôttingen, 1847, cingeWanderlen in-8", p. 37 du texte arabe. (3) Ibn des Berbères, Khaldoun, Kitâb I . J, p. 2 9 4 . el 'Iber, (4) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, Berbères, T. III, p. 183. T. T. (5) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. (6) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Ibcr, Berbères, T. I, p. 185. T. VI, VII, p. p. 149 4 ; ; Histoire Histoire des I, p. 9. VI, (7) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. V I I , Berbères, T. III, p. 183. p. p, 77 ; Histoire des 4 ; Histoire des P a r m i eux, nous trouvons Abou Sahl el Fârisi enNefousi, arrière-petit-fils de l'imam ' A b d e r R a h ' m a n , fondateur de l'empire rostemide de T i h a r e t ( T a g d e m t ) . Il vivait dans la seconde moitié du iv" siècle de l'hégire, était interprète p o u r la langue berbère de ses oncles Aflah' et Yousof. Après la chute de Tagdemt, il se retira, suivant les uns à Mersa 1 Kharez (la Calle), suivant les autres à Mersa ddadjâdj (entre Alger et B o u g i e ) . Son Diwân. composé en langue berbère, renfermait des poésies ayant trait à des é v é n e m e n t s historiques. Mais s'agissait-il des origines de sa tribu ou de l'histoire m ê m e des luttes des Kharedjites contre l ' o r t h o doxie ou entre eux, nous l ' i g n o r e r o n s sans doute toujours, car le Diwân fut en partie détruit p a r les N e k k â r i t e s : le reste brûlé lors de la prise de la Q a l ' a h des B. Derdjin. Le volume composé a p r è s ce désastre en recueillant ce que la m é m o i r e des Abadhites avait retenu du Diwân, et qui formait vingt-quatre chapitres, paraît définitivement perdu ( i ) . Ibn Khaldoun n ' a pas connu Abou Sahl el Fârisi, mais il a utilisé un autre Kharedjite de la secte intransigeante des N e k k â r i t e s , Ayoub ben Abou Yazid, un des fils de « l ' h o m m e à l'âne >> qui mit en péril la domination des Fâtimites. Son p è r e l'avait e n v o y é en Hspagne à la cour du Khalife o m a y y a d e E n - N â c e r pour solliciter des secours contre leurs ennemis c o m m u n s . Il fut plus tard assassiné en m ou 3.1 fi hég. par 'Abdallah ibn B a k k â r qui porta sa tête au khalife fatimite El M a n ç o u r (2). P e n d a n t son séjour en Espagne, il c o m m u n i q u a à Abou Yousof El O u a r r â q la généalogie de son père, remontant à Ifren, fils de Djana ou Zenata. C'est d ' a p r è s lui que la donna le célèbre Ibn H ' a z m , mais elle devait être incomplète (elle ne contient d'ailleurs que onze générations) car des B e r b è r e s lui c o m m u n i q u è r e n t d ' a u t r e s n o m s à insérer dans cette liste entre Ifren et Djana (,-5). (1) Ed-Dcrdjini, Kitâb et' 1 'abaqâl sp. De Motylinski, Les Livres de la Secte abâàhite, Alger, 1885, in-8°, p. 31 ; Ech Chemmâkhi, Kitâb es Star, Le Qairc, s. d., in-8", p. 2 8 9 - 2 9 0 ; Solaïman cl Bârouni, Kitâb el Azhâr er Riâdhyah, T. II, Le Qairc, s. d.. in-8", ._ 6 8 - 6 9 . (2) Ibn H'ammâd, Chronique des Obàidites, ms. de la Bibliothèque Nationale d'Alger, n' 1588, p. 108, trad. dans Cherbonneau, Documents historiques sur l'hérétique Abou Yézid, Alger, 1869, in-8", p. 30 : Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. VII. p . ' 1 7 ; Histoire des Berbères, T. III, p. 212 : Fournel, Les Berbères, Paris, 1875-1881, 2 vol. in-4". T. II, . 2 8 2 . (3) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. V I I , p. 13 ; Histoire des Berbères, T. III, p. 2 1 . P D — 6 — D a n s un autre passage, une d o n n é e Yazid, publiée aussi par Ibn H ' a z m , et O u a r r â q et relative à la filiation de était en contradiction avec celle des Sâbiq, Hâni ben M a s d o u r et Kehlan plus loin ( i ) . d ' A y o u b ben Abou d ' a p r è s Abou Yousof Madghis et de B e r n e s , généalogistes zenata, dont il sera question Un autre généalogiste kharedjite est Abou B e k r bou igenni (ou Ighni) el Barzâli, qui donna à Ibn H ' a z m , sur l'origine des Zenâta des renseignements qui sont en contradiction avec ceux des autres généalogistes zenâta. Cet Abou Bekr était un p e r s o n n a g e d ' u n e très grande piété et très savant dans les généalogies b e r b è r e s (2). N o u s a r r i v o n s maintenant aux écrivains sunnites de race zénâta. Ibn Khaldoun qui les a utilisés et qui en loue quelques-uns, ne se fait pas d'illusions s u r l'étendue des r e n seignements q u ' o n peut en tirer : « L e u r s g u e r r e s (des » Zénata) avec les autres tribus, leurs contestations avec les « peuples et les r o y a u m e s voisins, leurs expéditions vic« torieuses contre les s o u v e r a i n s furent signalées p a r des « batailles et des combats que l'on ne peut indiquer avec " précision, vu le peu de soin que les Zénâta ont mis à en « c o n s e r v e r les détails. La cause de cette négligence fut le H grand p r o g r è s que firent la langue et l'écriture arabes à « la suite du triomphe de l'islamisme : elles finirent par p r é « valoir à la cour des princes indigènes, et, p o u r cette raison, » la langue b e r b è r e ne sortit point de sa rudesse primitive. a Aussi d a n s les temps anciens, la race zénatienne n ' e u t « jamais un roi qui ait encouragé les écrivains à recueillir << avec soin et à enregistrer l'histoire de sa nation : elle ne « connut point les b e a u x m o n u m e n t s que possèdent les « habitants des villes et du littoral, parce qu'elle n ' e u t pas « de liaison avec e u x . Vivnnf au fond des déserfs p o u r « éviter la domination des é t r a n g e r s , elle négligea le soin de » sa p r o p r e histoire, an ooint d'en laisser tomber une « g r a n d e partie dans l'oubli. M ê m e quand elle eut fondé des a r o y a u m e s , elle ne n o u s conserva que de vagues rensei¬ « g n e m e n t s : indications que l'historien intelligent recherche << partout, bien h e u r e u x encore q u a n d il peut en suivre les (1) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. Berbères, T. I, p. 168-169. V I , p. 89 ; Histoire des (2) Ibn Khaldoun. Kitâb cl 'Iber, T. V I I , p. Berbères, T. III, p. 187. 5 ; Histoire des — 7 — <( traces, afin de les tirer de l'abandon où on les avait lais¬ «« sées » ( 1 ) . Au p r e m i e r rang apparaît Sâbiq el M a t ' m â t ' i qui fut le plus souvent cité, et avec éloge, par Ibn K h a l d o u n . N o u s ne savons absolument rien de lui, sinon qu'il se nommait Sâbiq ben Solaïmân ben H ' a r r â t h ben D o u n â s (2). Il eût été tentant de l'identifier avec Sâbiq el Berberi, poète religieux contemporain du Khalife ' O m a r ben 'Abdel 'Aziz (3) ; il tirait son s u r n o m ethnique de son origine b e r b è r e , opinion contredite cependant D a r Ibn el Athir dans le Kitâb el Ansâb. Mais celui-ci était fils de 'Abdallah, tandis que l ' a u t r e l'était de Solaïman ; il s'agit donc é v i d e m m e n t ici de deux p e r s o n nages distincts (4). Sâbiq el Mat'mât'i est très fréquemment cité p a r Ibn Khaldoun qui le n o m m e le plus grand généalogiste b e r b è r e : (1) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Ibcr, T. V I I , p. 59-60 ; Histoire des Berbères, T. III. p. 3 0 5 - 3 0 6 . (2) Ibn Khaldoun, Kitâb cl 'Ibcr, T. V I , p. 124 ; Histoire des Berbères, T. I, p. 2 4 8 . (3) Cf. sur lui Ibn Djaouzi, Manâqib 'Omar b. Abd cl 'Aziz, Le Qaire, 1291-1338 hég. et Becker, Manâqib 'Omar, Leipzig, 1899, in-8" passim ; Abou'l farâdj el Isfahâni. Kitâb el Aghâni, Boulaq, 1285 héa.. 20 v. in-4", T. V, p. 158-159 ; Edz. Dzahabi. Kitâb el Mochiabih, éd. De long, Leiden, 1881, p. 30 ; Ibn el Khaïr, Index librorum, éd. Codera et Ribera, Saragosse, 1894-1895, 2 v. in-8", T. I, p. 4 0 6 - 4 0 7 ; "Abd er Rah'mân eth Tha'alibi, El 'Oloum el tfkhirah. Le Qairc, 1317. T. I. p. 126 : El Baghdâdi. Khizânat el Adab, Le Qaire. 1299 hég., 4 vol. i n - 4 , T. I V , p. 164. (4) Les poésies de Sâbiq el Berberi ne nous sont parvenues qu'en fragments dont voici la liste : 0 0 I U n e qasidah rimée en S' (basit) : Ech Cherichi, Commentaire des séances de H'ariri (Boulaq, 1300 hég., 2 v. in-4"). T. II, p. 66, 2 vers reproduits par de Sacy. Commentaire des Séances de H'ariri (Paris. 2 v. in-4", 1847-1853), p. 342 ; Ech Cherichi, Cornmentaire de H'ariri, T. I. p. 152, 2 vers ; 2" U n e nièce rimée en w^>. (motaqârib), El Boh'tori H'amâsah. § 577, 1 vers (Mélanges de la Faculté Orientale de Be\}rout, T. IIL fasc. 2. Beyrout. 1909, in-8°. p. 678) ; 3° U n e pièce rimée en de H'ariri, I, 260 : , J (ouâfir), Ech Cherichi, Cornm. 4° U n e qasidah rimée en * (basit) qui paraît donnée complètement par Ibn el Diaou/.i, Manâqib Omar ben 'Abd el Aziz et Becker. id.. o. 9 2 - 9 7 : 46 vers dont un est cité par El Boh'tori, Hamâsah. Mélanges, ibid.. p. 6 9 4 : 3 Dar Ech Cherichi. Comm. de H'ariri, T. II. p. 6 9 - 7 0 . et 1 par El Moberred, Kâmil (Constanti¬ nople, 1286, in-8°), p. 452 ; ( — 8 — p o u r la d e s c e n d a n c e de B e r n e s , fils de B e r r , issu de Mâzigh, fils de K e n a ' â n ( i ) ; p o u r celle de L o u a le j e u n e (2) ; p o u r les b r a n c h e s des Nefzaoua d a n s un d o u n s e m b l e le citer t e x t u e l l e m e n t n'est pas berbère pouvoir mais h ' i m y a r i t e . d'Ittououaft qui l'adopta p a s s a g e où Ibn Khal- : « On dit q u e Meklata Il pour tomba tout jeune fils. Son nom au était Mekla ben R i ' â n K e l a ' - H â t i m ben S a ' d ben H ' i m y a r » (д). Il le mentionne aussi pour l'origine des Ouarfadjdjouma et celle des D h a r i s a d a n s un passage qu'il semble r a p p o r t e r textuellement : « Les b r a n c h e s de T a m s ' i t se r a t t a c h e n t à la descendance de Dharejah, 5° U n e qasidah rimée en à l'exception о d e s ramifications (taouil) ; El Biqa'i. Asouâq el Achouâq ap. Kosegatten, Chreslomathia arabica (Leipzig, 1828, in-8°). p. 6 2 , 5 vers ; Ez Zedjdjâdji, Amâli (Le Qaire, 1324, in-8°), p. 119, 2 vers ; 6° Une qasidah rimée en ' (basit) : El Boh'tori, Hamâsah, § 576 {Mélanges, ibid), p. 6 7 8 , 1 vers ; 7° Une qasidah nmée en . El Ibchihi. Kitàb el Mostat'rej (Boulaq, 1292 hég., 2 v. in-4"), T. I. p. 9 0 , 2 vers ; 8" Une qasidah en 38 vers (Kâmil), rimée en -i , dans les msc. 8 0 6 7 et 8 7 9 6 (f. 92) de la Bibliothèque Royale^de Berlin. Cf. Ahlwardt, Verzeichniss der arabischen Handschrtftcn, T. IX (Berlin 1895, in-4"), p. 173, 6 8 4 ; 9° U n e qasidah rimée en w' (taouil) : El Baghdâdi, Khizânat el Adab, T. I V , p. 164, I v. ; Ech Cherichi, Comm. de H'ariri, T. I, p. 174, 176, 325, 6 vers ; El Boh'tori, Hamâsah, § 6 8 2 (Mélanges, ibid.), p. 6 9 4 , I vers ; 10" Une qasidah rimée en -A-> (basit) : Ech Cherichi, Commentaires de H'ariri, T. I, p. 78, 6 vers. Il y a en outre deux pièces dont l'attribution est contestée : I" Une qasidah rimée en (taouil) : Xamakhchâri, Kechchâf (Le Qaire, 1308 hég, 2 v. in-4"):"T. II, p. 303, I vers, tandis que Mohi'bb eddin Efendi dans le Cherh' Chaouahid el Kcchchâj (Le Qaire, s. d., in-4"), p. 8 4 - 8 5 , attribue ce vers à Djamil et cite le commencement de la pièce ; 2° Es Soyouti, Cherh' Chaouahid cl Moghni (Le Qaire. 1322 hég., in-4°) cite, p. 264, 10 vers d'une qasidah rimée en et Ç; (Kâmil), généralement attribuée à Abou'l Asouad ed Douâli. mais aussi à Abou Djohaïnah, à Tirimmah", à Hassan ben Thâbit, à Ll Alch'tal et enfin, par El Mâtimi à Sâbiq el Berberi. (1) Berbères, (2) dans le (3) Berbères, Ibn Khaldoun. Kitàb el 'Iber, T. V I , p. 189 ; Histoire des T. I, p. 169. Histoire des Berbères, T. I, p. 171. Le passage manque texte arabe de Boulaq. Ibn Khaldoun, Kitàb el 'Iber, T. V I , p. 91 ; Histoire des T. I, p. 172. — 9 — de Yah'ya » ( i ) . D ' a u t r e s renseignements s u r les Nefzaoua et les Lemaïa sont e m p r u n t e s à Sâbiq par Ibn Khaldoun (2) qui cite plus loin un extrait textuel, mais ne c o m p r e n a n t que des n o m s p r o p r e s dont la lecture est p o u r la plus grande partie incertaine (3). II est encore mentionné p o u r la division des Ourtnadja (4), pour la généalogie des H o o u â r a h , où il oppose son témoignage aux récits fabuleux d ' a u t r e s généalogistes dont il semble r e p r o d u i r e les paroles : « El Mothanni ben el Misouar eut p o u r fils Khabbouz et celui-ci e n g e n d r a Righ q u ' o n appelle aussi Aourigh ben B e r n e s et c'est par lui que sont c o n n u e s les tribus H o o u â r a . . . H o o u â r a fut ainsi n o m m é parce que, l o r s q u e El Misouar eut parcouru divers pays et se fut trouvé dans le Maghrib, il dit : Taha warnâ, c'est-à-dire : << N o u s s o m m e s arrivés ici par inadvertance » (5). Ibn Khaldoun parle à plusieurs reprises de Sâbiq c o m m e d ' u n chef d'école ((>) à qui se ralliaient d ' a u t r e s généalogistes berbères : il est probable que ce sont eux qu'il désigne à plusieurs reprises par les n o m s suivants (7) et s u r lesquels, à l'exception d ' u n seul, nous n ' e n savons pas plus que s u r Sâbiq. H â n i ben Mesdour (var. Isdour) ben Meris ibn Nefout. Il était des Nefouta, issu des N e d r o m a et portait le s u r n o m ethnique d'El Koumi ( s ) . (1) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. Berbères, T. I, p. 172. VI, p. 91 (2) Ibn Khaldoun. Kitâb el 'Iber, toire des Berbères, T. I, p. 237, 241. V I , p. T. ; Histoire des 114. 120 ; His- (3) Ibn Khaldoun. Kitâb el 'Iber, T. VI, p. Berbères, T. I, p. 245-246. 123 ; Histoire des (4) Ibn Khaldoun, Kitâb cl 'Iber, T. V I , p. Berbères, T. I, p. 258. 129 ; Histoire des (5) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. V I . p. 139 ; Histoire des Berbères, T. I, p. 273-274. La même légende est racontée avec quelques variantes par El Idrisi. Description de l Afrique et de l'Espagne (éd. D o / y de Goeje. Leiden, 1866, in-8"), p. 57-58 du texte, 66-67 de la traduction. (6) Ce mot semble indiquer, non pas un groupe dirigé par Sâbiq, mais ceux qui partageaient ses idées et ses tendances. (7) Ibn Khaldoun. Kitâb el 'Iber. T. V I . p. 89 ; T. VII, p. 5 ; Histoire des Berbères, T. I, p. 169 ; T. III, p. 187. (8) Ibn Khaldoun, Kitâb el 'Iber, T. VI, p. Berbères, T. I. p. 251. 126 ; Histoire des — IO — Kehlân ben Abou I.ouâ ben Islâsen ( i ) , qui était, c o m m e Sâbiq, de la tribu des M a t ' m â t ' a , et un grand personnage très versé d a n s les généalogies. Il se rendit en Espagne, a u p r è s de 'Ali en Nâcer, le p r e m i e r souverain de la dynastie h ' a m m o u d i t e de Malaga (407-40S hég.), nous ne savons dans quel but (2). Peut-être faut-il leur joindre deux savants des Maghila — les Maghila étaient un rameau des M a t ' m â t ' a : Khâled, fils de Khiddâch et Khalifah ibn K h a y y â t ' , cités par Ibn Khaldoun à p r o p o s de la prise de Q a ï r o u â n par le Kharedjite Abou Q o r r a h en 150 hég. (3). Il faut encore m e n t i o n n e r Hâni ben B a k o u r edh D h â risi, cité à p r o p o s de la division des B e r b è r e s en d e u x b r a n c h e s (4), mais il ne paraît pas mériter grand crédit, si l'on en juge p a r u n e p h r a s e q u ' I b n Khaldoun r a p p o r t e textuellement : << La Kâhinah régna 35 ans et vécut 127 ans >> (5). Un autre généalogiste plus sérieux fut Ibrahim ben 'Abd Allah et-Timzoughti K le p r e m ' e r de son é p o q u e ", qui paraît avoir vécu peu de temps avant Ibn K h a l d o u n . Celuici, en effet, cite l'opinion d ' a p r è s laquelle les B. Sindjâs, les Righâ, les L a g h o u â t ' et les B. O u r r a appartenaient, suivant quelques-uns, non aux M a g h r a o u a , mais à une autre famille zenâta. Il tenait ce renseignement d ' u n h o m m e digne de confiance qui l'avait appris d ' I b r a h i m ben 'Abd Allah etTimzoughti ((>). De cet ensemble de r e m a r q u e s on peut conclure que s'il a existé des généalogistes, m ê m e des annalistes b e r b è r e s , il est très probable qu'ils écrivirent divers ouvrages, mais (1) Ibn Khaldoun. Kitàb el 'iber, T. VI, p. 89 ; T. VII, p. 5: Histoire des Berbères, T. I, p. 169 ; T. III, p. 187. (2) Ibn Khaldoun, Kitàb cl 'iber, T. V I . p. 124 ; Histoire des Berbères, T. I, p. 247-248. (3) Ibn Berbères, T. Khaldoun, Kitàb el 'Iber, I, p. 249. T. I, p. 125 (4) Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, toire des Berbères, T. I, p. 178. T. M, (5) Ibn Khaldoun. Kitàb el 'Iber, Berbères, T. III, p. 193. T. VII, p. 9 (6) Ibn Khaldoun, Kitàb el 'Iber, Berbères, T. III, p. 273. T. VII, p. 46 ; Histoire des p. 95 ; ; Histoire Hisdes ; Histoire des — 11 que, à l'exception d'Abou Sahl el Fârisi, ils les écrivirent en arabe, non en b e r b è r e . A en juger p a r les faibles débris qui n o u s en sont p a r v e n u s , ils consistaient surtout en généalogies avec de r a r e s détails historiques. Quoi qu'il en soit, on doit regretter leur perte qui paraît définitive a u j o u r d ' h u i . RENÉ Doyen de la BASSET, Faculté des Correspondant de Lettres d'Alger, l'Institut. LES ZEMMOUR (Étude ethnographique d'après le Questionnaire de la Résidence Générale de France au Maroe) l" CONSTITUTION DE LA FAMILLE Deux principes essentiels apparaissent très nettement dès que l'on étudie la constitution de la société berbère chez les Z e m m o u r , au temps de Siba. a) Le caïd n'est guère q u ' u n p e r s o n n a g e représentatif sans g r a n d e autorité effective. La direction de la tribu est surtout assurée par la djemâa qui s'inspire uniquement des coutumes locales. Les individualités sont toujours respectées et la forme générale du régime est démocratique. b) La » famille >>. comprise dans son sens le plus large, est la véritable base de la société berbère, avec la suprématie du chef de famille. Lille forme une •< unité » qui s'étend de l'individu à toute la parenté par les m â l e s . C ' e s t le ikhs berbère, formant au p r e m i e r degré, un g r o u p e m e n t bien solidaire, qui, assemblé avec d ' a u t r e s cellules similaires plus ou moins alliées entre elles, constituera la tribu. P a r t a n t de ces données, il nous sera facile de comp r e n d r e , au cours de l'esquisse qui va suivre, l'absolutisme de certaines traditions. C o n t r a i r e m e n t à ce qui se passe p o u r les populations urbaines, le jeune h o m m e connaît généralement au préalable celle qu'il désire p r e n d r e p o u r é p o u s e . 11 l'a rencontrée à l'occasion de ses divers déplacements : fêtes, travaux agricoles, réunions diverses. Celle-ci peut a p p a r t e n i r indistinctement soit à sa fraction, soit à sa tribu, soit m ê m e à une tribu différente. Le désir de se créer un foyer lui est-il venu, le jeune àzri ( i ) ne s'en ouvrira pas directement à son père, la coutume lui interdisant des conversations sur ce sujet avec ses ascendants. Il confiera ses intentions à un frère ou à un ami, qui sera son représentant en cette occurrence : c'est le (1) Ar. \'jr , célibataire. — 13 — amazan (mot berbère s y n o n y m e de reqqas, « envoyé, émissaire » ) . L amazan va trouver ie p è r e (ou à son défaut la mère) lequel p r e n d r a ses dispositions p o u r s'informer des quautes, de la conduite et de la moralité de la j e u n e fille. Si le mariage lui agrée, il tait connaître à l'amazan qu'il juge la proposition acceptable. Accompagné de cinq ou six notaoïes de sa Ojemâa, il se rend chez ie p e r e de cène que son nis a choisie, se p r é sente suivant la iradmon en qualité de « dliir Allah », 1 note ue Dieu, et, après quelques p a r o l e s échangées, e x p o s e ie uut de sa visite. Bien que cnez les Z e m m o u r ie mariage se réduise souvent à un simpie « acte ue vente », il n en est p a s moins vrai cependant que le p è r e ue la jeune fille p r e n d r a des garanties p o u r assurer ie Donneur de sa fille et tienura compte, avant de iaire savoir sa décision, du caractère uu d e m a n d e u r , de sa vaieur personnelle autant que de sa situation de fortune. Ou il refuse la proposition : en mettant en avant la nécessité de consulter sa t e m m e , la trop g r a n d e jeunesse de sa fille, en e x a g é r a n t ses prétentions ; ou il consent et d e m a n d e l'acceptation de sa fille. Si le mariage convient à cette d e r n i è r e , on entame aussitôt le côté attaire, et l'accord se tait bientôt, en présence de ia djemaa, quant a la constitution de la dot à p a y e r , aux é p o q u e s et au m o d e de p a i e m e n t . 11 n ' y a à ce sujet aucune règle précise, le tout est question d ' a r r a n g e m e n t entre les parties intéressées. La valeur de ce douaire varie d a n s de très g r a n d e s p r o portions, c o m m e n ç a n t à q u e l q u e s d o u r o s p o u r les p a u v r e s , allant j u s q u ' à 500 d o u r o s parfois. On cite m ê m e un cas, r a r e il est vrai, où une jeune fille de la tribu des Ait O u n b e l fut p a y é e 1.400 d o u r o s . Mais en général de pareils chiffres sont i n c o n n u s chez les Z e m m o u r et la m o y e n n e des aots oscille entre 80 et ¿50 d o u r o s . Le paiement est p r e s q u e toujours échelonné et se fait partie en argent, partie en n a t u r e (produits agricoles ou tètes de bétail dont l'estimation est faite p a r la djemâa). Naturellement, le mariage le plus r e c h e r c h é est celui du jeune h o m m e avec u n e vierge, et la coutume veut que, dans ce cas particulier, le prétendant offre à sa fiancée un cadeau p e r s o n n e l : le tchicha. Celui-ci comporte généralement, chez les Ait Z e k r i , S m o u d s de blé, 1 j a r r e de b e u r r e , 1 m o u t o n ; — 14 — chez les Béni A h m e u r , 6 m o u d s de blé, i j a r r e de b e u r r e , 2 m o u t o n s . La jeune fille en dispose à son g r é . 11 est parfois des e x e m p l e s où le mari s'aperçoit, a p r è s la nuit nuptiale, qu'il a été t r o m p é ; il ne s'en émeut pas a u t r e m e n t , mais n'oublie pas alors de réclamer le tchicha qu'il a oiïert. Naturellement, quelques c o m m è r e s n'hésitent pas à se livrer à certaines p r a t i q u e s p o u r tenter d'éviter ces d é s a g r é m e n t s toujours e n n u y e u x p o u r l ' a m o u r - p r o p r e des é p o u s é e s . Si la j e u n e fille n'est p a s vierge, le mari ne lui remet qu'un mouton. Les m a r i a g e s sont interdits entre p a r e n t s r a p p r o c h é s , frères et s œ u r s , n e v e u x et tantes, n e v e u x et nièces. Toutefois, les unions entre cousins g e r m a i n s et cousines g e r m a i n e s du côté p a r t e r n e l sont accueillies avec l a v e u r . Suivant la c o u t u m e z e m m o u r et d a n s ce cas particulier, un jeune h o m m e a le droit d ' é p o u s e r sa cousine germaine avant tout autre p r é t e n d a n t . Ce droit est absolu et au besoin r e v e n d i q u é par la force. Le prix en est débattu c o m m e p r é cédemment, et si l'accord ne se fait pas s u r ce point, p e r s o n n e ne peut épouser la jeune fille avant la m o r t de son cousin. Si plusieurs frères p r é t e n d e n t à la m ê m e cousine germaine, l'aîné a le droit de priorité. La j e u n e fille n'est jamais consultée d a n s ce cas particulier, et si elle se soustrayait à cette règle, elle se verrait contrainte de s'exiler de sa tribu p o u r é c h a p p e r aux représailles. Le mariage avec u n e veuve ou divorcée (tadgel) est moins recherché bien q u ' a s s e z fréquent c e p e n d a n t . La célébration du mariage est toujours accompagnée de réjouissances, g é n é r a l e m e n t très c o u r t e s , les Z e m m o u r étant exclusivement composés de populations rurales, d ' u n e g r a n d e p a u v r e t é et n ' a y a n t ni les m o y e n s , ni le temps de se soustraire à leur d u r labeur quotidien. U n e dhifa est offerte aux p a r e n t s et amis, un mouton égorgé, quelques poulets sacrifiés. 11 ne faut pas oublier que toute fête berbère, si simple soit-elle, se r é s u m e en ce principe << on boit, on mange ». Puis, le lendemain, chacun se s é p a r e , et la vie normale reprend. C e p e n d a n t , lorsque les p a r e n t s des deux conjoints sont suffisamment fortunés, des cérémonies plus importantes ont lieu, suivant un rite local bien établi. L ' e n s e m b l e de ces fêtes p o r t e le n o m d'islan. Le p r e m i e r j o u r des réjouissances, le fiancé, ou isli, envoie le tchicha qui est apporté en g r a n d e p o m p e p a r un g r o u p e de s e s amis d a n s la tente du p è r e de la fiancée (tislil). Aussitôt les femmes commencent à m o u d r e les grains, les h o m m e s égorgent des moutons, p e n d a n t q u e la hancée, accompagnée de ses amies, va inviter les p a r e n t s et les gens du d o u a r à la fête. Le soir du m ê m e jour, un grand diner est onert p a r le p è r e de la jeune fille, et très tard d a n s la nuit les plats succéderont a u x plats. A l'issue du festin, u n e p r i è r e est p a r fois récitée p a r un feqih et les femmes rassemblées poussent ensuite des y o u y o u s de joie. Toute la nuit se passe à causer, boire du thé, s ' a m u s e r . D e s musiciens ont été c o n v o q u é s ; les u n s soufflent à pleins p o u m o n s d a n s des zemmara (en b e r b è r e : ghanim) ( i ) ou des ghaitas (en b e r b è r e : arbaben (2), tandis que d ' a u t r e s frappent é p e r d û m e n t sur leur tareja (en berbère : agouel). Le résultat ne se fait pas attendre, et bientôt l'ensemble de tous ces s o n s divers produit u n e cacop n o n i e effroyable, que soutient et domine le j o u e u r de tambourin, bendir (en b e r b è r e ; alloul), qui frappe à tour de b r a s sur son i n s t r u m e n t . L'excitation gagne peu à peu les invités qui deviennent de plus en plus b r u y a n t s . Les jeunes ne tardent pas à sortir p o u r se livrer au plaisir de la danse ou ahidous. D e s g r o u p e s de dix à douze s ' o r g a nisent ; h o m m e s et femmes se tiennent p a r la main, formant un cercle au centre duquel se placeront les musiciens, et tournent en r o n d e en se livrant à toutes sortes de déhanchements et balancements de c o r p s . Puis, à un signal, chacun projette le corps d ' u n coup de reins en avant, m o u vement q u ' a c c o m p a g n e un cri p o u s s é p a r tous en refrain, et q u e scandent les pieds frappant le sol en c a d e n c e . Le futur mari qui, d a n s la journée, a soigné et s'est fait des applications de h e n n é a u x mains, au cours du diner. A p r è s être d e m e u r é quelque a b a n d o n n e les convives qui restent à festoyer matin, et r e n t r e chez lui. Il a soin de laisser un ami, ïouzir (3), chargé de veiller s u r la fiancée. sa toilette est arrivé temps, il jusqu'au p a r e n t ou Il est d'usage, à la fin du r e p a s qui a i n a u g u r é la fête, de faire p a r m i les invités u n e collecte dont le produit est (1) Sorte de cornemuse ; m. à m. roseau. (2) Sorte de hautbois. (3) Garçon d'honneur ; m. à m. ministre. — 16 — remis à la jeune fille. A la d e m a n d e d ' u n « crieur >> ou berrah', le mari donne le p r e m i e r son offrande, i ou 2 d o u r o s , suivant sa condition de fortune. Le berrah élève la ou les pièces d ' a r g e n t en l'air en criant : « Cela vient du Sultan », expression imagée indiquant que le fiancé est le sultan, c'est-à-dire le maître du jour. Puis chacun des hôtes, h o m m e ou femme, remet son obole qui est successivement l'objet d ' u n e démonstration publique du b e r r a h ' . Ce dernier crie à chaque fois le nom du d o n a t e u r . Le lendemain, la fête r e p r e n d d a n s la tente du fiancé. La jeune fille reste chez son p è r e , où de vieilles femmes e x p e r t e s emploient la j o u r n é e à la p a r e r . On la lave, on la revêt de vêtements neufs, on lui tait des applications de h e n n é sur le corps, les mains et les pieds, on lui pose du collyre ou kolieul aux y e u x , du suuak (1) aux l è v r e s . D a n s la soirée du m ê m e jour, vers les cinq h e u r e s , le fiancé envoie une jument sellée et un fanion blanc à la tente de la jeune fine. Celle-ci est hissée sur la bête ; on lui passe le fanion qu'elle tient devant elle, à la m a i n . L'ouzir, accompagné de quelques cavaliers, p r e n d la direction du cortège que grossissent rapidement tous les amis et voisins, et le départ se t'ait au milieu des cris, des fantasias et des y o u y o u s des femmes. L ' u s a g e veut que le p è r e soit absent à ce m o m e n t . Le cortège p é n è t r e dans le d o u a r de l ' é p o u x , se dirige vers le jamàa (école) qui en occupe le centre, la c o n t o u r n e p a r trois fois, et va s ' a r r ê t e r devant la tente du m a r i , i.a jeune fille met pied à terre a p r è s avoir touché trois fois, ue son fanion baissé, la tente de son futur m a r i . Llle entre ensuite dans la tente ou khima et baise sur la tête la plus vieille des femmes qui l'attendent, en signe de b i e n v e n u e . Le m a r i n ' e s t jamais présent et s'est réfugié dans la tente d ' u n ami. La coutume z e m m o u r veut que la r e n c o n t r e des d e u x é p o u x se fasse dans un endroit e x t é r i e u r au douar, un jardin, un bouquet d ' a r b r e s , p a r exemple, situé à p r o x i mité, et où une installation a u r a été p r é p a r é e au préalable avec de n o m b r e u x tapis. C'est là en effet que se consomm e r a la nuit nuptiale. Donc, vers la tombée de la nuit, l'ouzir conduira la jeune fille au lieu du rendez-vous. Le mari y arrivera de (1) Ecorce de noyer employée pour blanchir les dents et rougir les lèvres. — 17 — son côté, a m e n é p a r un ami de l'ouzir. Les d e u x a m a n t s sont alors a b a n d o n n é s , le mariage se c o n s o m m e . Parfois, la jeune fille, mariée contre son gré, ou p o u r tout autre raison, s'oppose au désir de son mari qui ne peut a r r i v e r à e x e r c e r son droit conjugal. Celui-ci n ' h é s i t e r a pas alors à e m p l o y e r la force brutale, et son fidèle ouzir sera là p o u r lui p r ê t e r main forte. Au m o y e n d ' u n e rezza, ils lui lieront les poignets d e r r i è r e le dos, en laissant entre eux un jeu de 75 à So centimètres, puis r e n v e r s e r o n t la jeune fille p a r s u r p r i s e , r a m è n e r o n t la partie libre de la rezza e n t r e ses d e u x jambes et la lui passeront d e r r i è r e le cou. Il est évident que, dans cette position, la m a l h e u r e u s e est incapable de faire le m o i n d r e m o u v e m e n t et se voit contrainte de subir le contact de son é p o u x . Après avoir été ainsi violée, elle est délivrée de ses liens. Le lendemain, son vêtement ensanglanté est exposé sur la tente du mari, où la jeune femme r e n t r e seule. Des réjouissances et des fantasias, où l'on fera p a r l e r la p o u d r e , m a r q u e r o n t cette journée et termineront les fêtes du mariage. P e n d a n t trois jours, la jeune femme ne sortira p a s de la tente du mari, sous aucun prétexte, et restera couchée. Au bout de ce temps, elle p o u r r a revêtir la ceinture, ainsi que toutes les femmes mariées, se mettra s u r le front u n e application de âker ( 1 ) , et p o u r r a sortir p o u r v a q u e r aux soins du m é n a g e . Les sept p r e m i e r s j o u r s qui suivent la nuit nuptiale, le mari habite dans la tente que son ami a mise à sa disposition. Il y passe toutes les journées, mais se rend la nuit venue d a n s la tente de sa j e u n e femme qu'il doit quitter avant le lever de l ' a u r o r e . Le huitième jour seulement, il p o u r r a p r e n d r e la vie c o m m u n e avec sa femme et cohabiter avec elle. C o m m e n o u s l'avons vu plus haut, la « famille » zemm o u r r e p o s e s u r le principe de l'autorité de son chef. Celleci, s a n s être absolue, est considérable. Le p è r e est le maître absolu du foyer et reste seul juge de ses actes et des peines qu'il croit devoir infliger aux siens. Le n o m b r e des femmes que peut p r e n d r e un h o m m e est limité à quatre, mais, dans la pratique, s ' a u g m e n t e de (1) Ocre rouge. — 18 — toutes les esclaves et concubines qui vivent en c o m m u n a u t é d a n s sa tente. D a n s certains cas, cependant, la coutume limite la puissance maritale. E x e m p l e : un mari tue sa femme. S'il dispose de motiffs suffisamment sérieux p o u r expliquer son acte, aucune observation ne lu' est faite ; au cas contraire, les p a r e n t s de la victime interviennent pour exiger le paiement d ' u n e dia. Si celle-ci leur est refusée, ils se vengeront par le m e u r t r e d ' u n e femme de la famille du m e u r t r i e r . L'autorité du p è r e est absolue sur les enfants mâles j u s q u ' à leur émancipation, un peu restreinte cependant p a r l'obligation de s'enfuir en territoire étranger en cas de m e u r t r e sans raison suffisante. Lorsque les enfants ont atteint l'âge de la p u b e r t é , ou plus exactement l'âge de j e û n e r et de faire le Ramadan, l'autorité du père devient d ' o r d r e moral, et, si un désaccord a lieu entre eux, la séparation devient alors complète et le fils quitte la tente. L o r s q u e la femme a à se plaindre de la conduite de ses fils, elle s'adresse au p è r e ou, en l'absence de ce dernier, à l'un des oncles ou à la djemâa. En principe, la m è r e s'occupe de l'éducation des filles jusqu'à l ' é p o q u e de leur mariage dont le père est seul juge. En cas de contestation, le p è r e r e p r e n d tous SJJ droits et les enfants, à quelque sexe qu'ils appartiennent, relèvent u n i q u e m e n t de lui. L o r s q u e la femme a à se plaindre de mauvais traitements de la part de son m a r i , elle se réfugie d a n s la tente de son p è r e . La djemâa apprécie et, sur la d e m a n d e de l ' é p o u x , délègue un ou deux de ses m e m b r e s p o u r la réclamer si son geste n ' a pas été motivé ; des observations seront au besoin faites au m a r i . Au contraire, les torts de l ' é p o u x sont graves et la femme a des raisons sérieuses p o u r expliquer son départ de la tente conjugale ( m a n q u e de n o u r r i t u r e , de vêtements, mauvais traitements répétés, etc.), elle est alors bien accueillie par ses p a r e n t s et le divorce peut être d e m a n d é . Et pourtant si la femme z e m m o u r apparaît c o m m e un être s°.ns personnalité, il ne s'ensuit pas que son rôle soit absolument nul. Bien q u ' a s s e r v i e <ÎUX exigences de son mari, elle tiendra bien souvent les c o r d o n s de la b o u r s e . Son é p o u x p r e n d r a son avis pour ses affaires, sollicitera ses conseils, en dépit du p r o v e r b e arabe : « Consulte ta femme et n ' e n fais q u ' à ta tête ». La coutume est ainsi q u ' u n h o m m e — 19 — peut é c h a p p e r m o m e n t a n é m e n t à ses e n n e m i s en r e c h e r chant la protection d ' u n e femme, c o m m e n o u s le v e r r o n s plus loin. C ' e s t ce double aspect de la femme b e r b è r e , achetée et traitée c o m m e un objet de r e n d e m e n t , et d ' a u t r e part r e s pectée, écoutée, douée d ' u n e puissance qui lui p e r m e t de s a u v e r m ê m e un criminel, qui en fait le côté e x t r ê m e m e n t original et la fait diversement d é p e i n d r e . Si la polygamie est n o r m a l e dans la société b e r b è r e , le divorce est d ' u n e p r a t i q u e non moins c o u r a n t e . Ce d e r n i e r peut être p r o n o n c é s u r la d e m a n d e de l'un ou l ' a u t r e des é p o u x , avec cette différence toutefois que la femme doit p r é s e n t e r u n e raison suffisante. E x a m i n o n s les divers cas, et interrogeons la c o u t u m e . Le m a r i a des motifs s é r i e u x p o u r se s é p a r e r de sa f e m m e . Il consulte les djemâas des d e u x parties intéressées, le p è r e de la jeune fille étant p r é s e n t . Le divorce est alors accepté et un feqih rédige l'acte séance tenante, puis le remet à la f e m m e . En principe, la dot doit être r e n d u e intégralement, d a n s les trois mois et dix jours qui suivent celui du divorce. D a n s la pratique, elle est r e n d u e à t e m p é r a m e n t , suivant les conventions qui ont été établies. La femme r e n t r e chez son p è r e qui en dispose à son g r é et peut la r e m a r i e r à sa volonté, m ê m e si la dot n ' e s t pas encore entièrement r e m boursée, quitte au p r e m i e r mari de profiter de cette occasion p o u r se faire r e m b o u r s e r sur la dot versée p a r le nouveau prétendant. C o n t r a i r e m e n t à ce qui se passe d a n s les tribus m a k h z e n , la femme ne s'appartient jamais et retombe toujours sous la coupe paternelle. Au m o m e n t de p r o n o n c e r le divorce, la djemâa d e m a n d e à la femme si elle est enceinte. Si elle ne l'est pas, elle doit j u r e r trois v e n d r e d i s de suite devant un m a r a b o u t du pays, a p r è s quoi elle peut se r e m a r i e r s a n s autre délai. En r é s u m é , ces trois s e m a i n e s constituent le degré de viduité. Si la femme déclare à la djemâa qu'elle est enceinte, le divorce est n é a n m o i n s p r o n o n c é . La femme r e t o u r n e chez ses p a r e n t s et, lorsque l'enfant vient au m o n d e , il est e n v o y é au p è r e qui le fait élever c o m m e il l ' e n t e n d . Toutefois, la m è r e l'allaite un mois environ, et peut m ê m e continuer à l'élever s'il y a entente entre elle et son ancien mari, à — 20 — charge pour celui-ci d ' e n v o y e r les vêtements nécessaires et la n o u r r i t u r e pendant cette p é r i o d e . Cette faveur subsiste m ê m e au cas où la femme se r e m a r i e , mais a p r è s accord e n t r e le p r e m i e r et le nouveau mari, sinon l'enfant est porté au p è r e dès sa naissance et est allaité par une autre femme ou élevé avec du lait de c h è v r e . Le mari n ' a d ' a u t r e raison de d e m a n d e r le divorce que sa p r o p r e volonté. D a n s ce cas, le p è r e de la répudiée ne r e m b o u r s e que la moitié de la dot, et seulement le jour où il r e m a r i e sa fille. La femme est elle-même contrainte de d e m a n d e r le divorce, invoquant les sévices de son m a r i . Si la djemâa reconnaît l'exactitude des motils allégués, aucune dot n ' e s t r e m b o u r s é e , mais, quels que soient les torts de l ' é p o u x , les enfants lui a p p a r t i e n n e n t . P a r contre, si les raisons ne sont pas suffisantes, le p è r e r a m è n e r a lui-même sa fille à la tente conjugale, et, si le mari réclame le divorce, la dot lui sera r e n d u e . Si, p a r mauvaise conduite, la femme a b a n d o n n e son mari et, contre ia volonté des siens, s'est enfuie, elle ne doit plus r e p a r a î t r e sur ie territoire de la confédération z e m m o u r . Son mari fera p r o n o n c e r le divorce p a r le djemâa. D a n s ce cas particulier, la femme, coupable d'avoir déserté le foyer conjugal et d'être partie avec un amant, est reniée par sa tribu, et de ce fait les coutumes z e m m o u r ne lui sont plus appliquées. Bile peut donc se r e m a r i e r à son g r é . Son p è r e la considère désormais c o m m e une é t r a n g è r e et n ' i n t e r vient p a s . C h e z les Z e m m o u r , le vieillard est en général respecté et très écouté. On a foi en son expérience, on sollicite souvent ses conseils. Si sa situation de fortune le lui permet, il vivra d a n s sa tente, avec sa femme et ses enfants non m a r i é s . S'il est veuf et qu'il n'ait plus de filles a u p r è s de lui, ou il se r e m a r i e r a avec une femme d'âge p r o p o r t i o n n é qui s'occupera des soins du ménage, ou il d e m a n d e r a à faire tente c o m m u n e avec l'un de ses fils. Il est bien rare q u ' u n vieillard nécessiteux ne soit pas recueilli par l'un ou l'autre de ses enfants qui pourvoit à ses besoins matériels, au cas où u ne puisse y subvenir p a r luim ê m e . Un désaccord vient-il à les obliger à une séparation, le fils quittera la tente qu'il laissera à la disposition du p è r e et e n v e r r a la n o u r r i t u r e nécessaire. 21 Les miséreux qui n ' o n t plus aucun parent et que leur grand âge e m p ê c h e de travailler vivent de la charité publique, ou sont recueill's par des voisins secourables. 2° (La LA FAMILLE ÉTENDUE AU CLAN kharouba arabe, le ikhs des la fraction, la tribu ou qabila, langage.) Chleuh, la sous-fraction le khoms, le rebaâ, le La famille, étendue à toute la descendance mais far les mâles seulement, constitue le groupement au premier degré. C'est la cellule originelle sur laquelle se construira l'édifice social par assemblage avec d ' a u t r e s cellules similaires, plus ou moins a p p a r e n t é e s entre ellec. Elle forme l'ossature de la tribu, c o m m e l'indique son nom : àdham (os), et c o m p r e n d un certain n o m b r e de tentes qui peut varier de dix à \ i n g t : c'est bien la famille patriarcale au sens complet du mot, appelée en chleuh le ikhs (plur. ikhsan) » os ». Les m e m b r e s en restent généralement groupés, chaque chef de foyer habitant dans sa tente avec ses descendants. Le foyer s'appelle kanoun, mot qui a une signification synonyme de celle de l'ancienne expression française « !e feu ». La jeune fille qui se marie change de ikhs et passe dans une autre famille. Les m e m b r e s d ' u n e m ê m e famille ont, en plus des devoirs naturels q u ' i m p o s e tout lien de parenté, l'obligation d ' o b s e r v e r une solidarité constante entre e u x . C'est là d'ailleurs une nécessité pour a s s u r e r la sauvegarde de leurs intérêts et parfois de leurs existences. Les chefs de famille importants ont souvent des clientèles de gens p a u v r e s , qui vivent sous leur protection et habitent dans leurs tentes. Ce sont soit des m a l h e u r e u x qu'ils recueillent et nourrissent en échange de leur travail, soit des serviteurs salariés qu'ils emploient, ou des esclaves qu'ils ont achetés. Ce serait d'ailleurs u n e e r r e u r de croire nue ces derniers ont une vie pénible, sans cesse en bute aux vexations cl châtiments corporels ; ils sont, au contraire, généralement bien traités et lont partie de la famille. T r è s souvent m ê m e une esclave sera la concubine du maître et admise à partager sa couche ; si elle devient enceinte, l'enfant sera considéré au m ê m e titre que les a u t r e s . 22 Q u a n t au n o m b r e , à !a composition et à la d é n o m i n i tion des diverses subdivisions entre la famille et la tribu, il est bien difficile de d o n n e r des précisions et il y a lieu de se r a p p o r t e r aux indications générales suivantes •. P l u s i e u r s familles, ou ikhsan se réunissent pour former un asoun (plur. isoun), groupe qui offre certainement plus de cohésion et une personnalité plus grande que la tribu elle-même, et qui peut être considéré c o m m e la sous-fraction. Après le asoun, n o u s trouvons la fakhda, c o m p r e n a n t un n o m b r e variable de issoun. et c o r r e s p o n d a n t à la fraction. La réunion de plusieurs fakhdas constitue la tribu ou qabila, g r o u p e m e n t indépendant, ayant son chef et suffis a m m e n t fort p o u r pouvoir résister par ses p r o p r e s m o y e n s à ses e n n e m i s e x t é r i e u r s . Les gens qui composent la tribu ont e n t r e eux des liens de parenté plus ou moins lointains; ce qui explique leur solidarité et l'appellation de « frères » qu'ils se donnent entre e u x . Enfin, au-dessus de la tribu se trouve un g r o u p e m e n t s u p é r i e u r , qui ne porte pas de nom spécial et qui englobe l'ensemble des tribus d ' u n e m ê m e confédération : c'est sous ce nom q u ' o n la désignera, et l'on dira proupemenf zemmour. g r o u p e m e n t zaïan. etc. Autrefois, lorsque les Zemmour relevaient encore de l'autorité m a k h z é n i e n n e , l'ensemble du bloc avait été divisé en cinq g r o u p e s ou khoms, se fractionnant e u x - m ê m e s en divisions olus petites ou rebaâ. Le rebaâ, malgré son nom, n'était pas toujours le quart du k h o m s , et ce cas était m ê m e u n e exception. Ce sectionnement avait été opéré non en vue du comm a n d e m e n t , mais p o u r la répartition de l'impôt et des contributions, chaque k h o m s payant un cinquième de la part totale et le répartissant à son tour entre les rebaâ. C ' e s t ainsi qu'il existait d a n s l'ensemble des Z e m m o u r les cinq khoms ci-dessous : r I. - Ait Zekri : r Rebaâ : Aït Ouribel, Qabliyin : 2° Rebaâ : Ait Abbou, Aït Belqacem, Aït O u a h i ; 3 Rebaâ : Beni A m a r . II. — M e s s a g h r a . I I I . — Aïf M i m o u n . I V . — Djebel ed D o u m . V. — Beni H a k e m . e — 23 — Le tout était c o m m a n d é par un seul caïd : Si Bel Ghazi, des Qabliyin, qui habitait personnellement à Ras Tfaouti, entre Tiflet et Khemisset. A sa mort, des dissensions intervinrent et le bloc se scinda en deux : un p r e m i e r g r o u p e m e n t formé par le k h o m s des Ait Zekri fut c o m m a n d é par Djilali M ' B a r e k , des Ait Belqacem ; le deuxième groupement, c o m p r e n a n t les quatre autres k h o m s , resta sous les o r d r e s d ' u n n o m m é T o u m i , des Ait Sibeur. Sous le prétexte que la région z e m m o u r était infestée de c o u p e u r s de route, le sultan Moulay A b d e r r a h a m a n rendit les d e u x caïds responsables. Djilali ben M ' B a r e k fut saisi et envoyé en prison à Mogador. T o u m i , p r é v e n u à temps, s ' e n fuyait chez les B e n H a s s e n . Moulay A b d e r r a h a m a n vint luim ê m e en pays z e m m o u r , s'installa aux e n v i r o n s de Khemisset et brûla les récoltes, cependant que les indigènes s'enfuyaient au Tafoudeit. Les m ê m e s représailles eurent lieu pendant trois a n n é e s de suite, l o r s q u e Moulay Abderrahaman mourut à Meknès. : Le nouveau sultan, Sidi Mohamed, qui résidait à Marrakech, voulut se r e n d r e à sa capitale de Fez. Arrivé à Rabat, il ne put continuer sa route, les Beni H a s s e n s'étant o p p o s é s par la force à son passage. Le Sultan eut r e c o u r s aux cavaliers z e m m o u r , les fit appeler et se fit escorter par eux jusq u ' à Fez, dont les portes furent forcées. En r é c o m p e n s e , il libéra Djilali Ben M ' B a r e k et laissa c o m m e prérogative aux Z e m m o u r d'appliquer entre eux leurs coutumes locales. A ce m o m e n t c o m m e n ç a une longue période au c o u r s de laquelle des luttes continuelles mirent aux prises les différentes fractions entre elles. C h a q u e g r o u p e m e n t se s é p a r a du bloc, devint peu à peu a u t o n o m e et se donna un chef p o u r défendre ses intérêts. C e r t a i n s d ' e n t r e eux réussirent à faire ratifier leur nomination par le Sultan dont ils reçurent un dahir. En réalité, leur autorité était nulle et leur rôle ne consistait guère q u ' à aller se présenter au Sultan à l'occasion des fêtes, quand ils ne l'oubliaient pas, ce qui arrivait souvent. Aussi le Sultan n'avait en eux q u ' u n e confiance limitée et entretenait, dans les tribus, des indigènes dont il connaissait l'influence et qu'il mandait souvent a u p r è s de lui ; ce représentant en quelque sorte du M a k h z e n était désigné sous le nom de rouaga et intervenait principalement dans la répartition et la levée des impôts, résultat qui ne pouvait d'ailleurs être obtenu q u ' à la condition que la — 24 — mehalla makhzéViîenne vienne s'installer au milieu des contribuables. P u i s l'anarchie devint de plus en plus complète, et le pays échappa entièrement à l'autorité du Sultan, p o u r devenir bled siba. D a n s la tribu elle-même, le caïd n'avait aucun pouvoir et la direction des intérêts c o m m u n s était confiée à un groupe de gens c o n n u s p o u r l e u r expérience et jouissant de l'estime de tous : ce conseil portait le nom de djemâa. Les Z e m m o u r sont des B e r b è r e s , bien que l'on trouve chez eux des g r o u p e m e n t s arabes : dans l ' a n n e x e de Tiflet, les Beni A h m a r (Ait Ali ou I.hassen, Qotbiyin, M'zeurfa, Rzazna) : dans l ' a n n e x e de Khemisset, les Ait Sibeur et les Ait bou Khaled. En réalité, les p r e m i e r s sont très arabisés, parlent indistinctement l'arabe et le berbère, tout en employant de préférence le chleuh dans leurs relations q u o tidiennes. Les femmes emploient p r e s q u e toutes le chleuh, et n o m b r e u s e s sont celles qui ne c o m p r e n n e n t oas l ' a r a b e . Les coutumes suivies sont les m ê m e s p o u r l'ensemble de la confédération z e m m o u r , quelles que soient les origines. Les relations des tribus entre elles, lorsqu'elles ne sont pas en état de g u e r r e , sont assez fréquentes et de nature commerciale. T o u t étranger ne peut p é n é t r e r s u r le terrain z e m m o u r sans risquer de s'y faire tuer : le moins qu'il puisse craindre serait de se voir dépouiller et enlever ses m a r c h a n d i s e s . P o u r pouvoir circuler avec le m a x i m u m de sécurité, il lui faut d e m a n d e r son mezrag à un indigène de la tribu où il désire se r e n d r e . Si celui-ci accepte, ce qui entraîne toujours le paiement d ' u n e certaine redevance, soit en n a t u r e , soit en argent, appelée la zetata. il conduit ou fait conduire son protégé au point c o n v e n u . Naturellement, la protection est fonction du protecteur. II n ' e n est pas moins vrai que celui qui accorde son mezrag considère son h o n n e u r comme engagé et par tous les m o y e n s fera respecter la parole donnée, dût-elle lui coûter la vie. La m ê m e cérémonie r e c o m m e n c e p o u r traverser la tribu voisine et l'on conçoit facilement q u ' u n étranger, qui n ' y est pas appelé par ses affaires, évite soigneusement h territoire z e m m o u r plutôt que de s ' e x p o s e r à tous ces aléas. Si l'étranger veut séjourner, il lui faut se placer sous la protection d ' u n p e r s o n n a g e important à qui il immolera — 25 — un m o u t o n . Le protecteur fait crier sur le souq le nom de son protégé et avertit q u ' o n a à respecter ses e n g a g e m e n t s . C e s conditions satisfaites, l'étranger peut se r e n d r e sur les souqs où il apportera les m a r c h a n d i s e s de la ville, étoffes, drogueries, etc., qu'il échangera contre les produits agricoles locaux. Les Z e m m o u r , qui trouvaient sur leurs p r o p r e s m a r chés les objets nécessaires à leur existence, se déplaçaient très peu. P o u r passer de leur tribu dans u n e autre, ils étaient e u x - m ê m e s obligés de s ' e n t e n d r e avec un ami qui leurs facilitait le « passage >> en leur assurant la « protection ». L o r s q u e deux tribus avaient entre elles des relations fréquentes, elles concluaient u n e sorte de traité, échangeaient leur mezrag, et toute violation à ce pacte d'alliance entraînait généralement la g u e r r e . D a n s chacune des tribus, un m e m b r e de la djemâa, le Moul cl Mezrag. était r e s p o n sable de la narole donnée et répondait de ses frères. En p a y s b e r b è r e , Vamghar est e m p l o y é dans le sens de chef de douar, toutefois les Z e m m o u r lui d o n n e n t plutôt la signification de chef de g u e r r e . L o r s q u ' u n e tribu entre en lutte, elle réunit les djemâas de différentes fractions qui choisissent ceux qui sont c o n n u s pour leur courage et leur expérience des choses de la g u e r r e d e s imgharen). Ceux-ci s'assemblent en conseil et d o n n e n t les o r d r e s de détail. Ils marchent à la tête de leurs frères le jour du combat. En temps de paix, aucun des notables de la djemâa n ' a voix p r é p o n d é r a n t e , l'égalité de tous étant le p r e m i e r des principes. Les réunions de la djemâa sont publiques et se tiennent soit dans la tente de l'un des m e m b r e s , soit en plein air. Il n ' y a pas de rang de préséance, et les gens se placent en cercle où bon leur semble. Les h o m m e s p r é s e n t s peuvent être appelés à d o n n e r leur avis, puis la djemâa décide. P e r s o n n e ne pouvait s ' o p p o s e r à la décision de la djemâa, et un chef, fût-ce m ê m e un caïd, qui ne s'y serait pas conformé de bonne grâce, y était contraint par la force, sous peine de voir ses biens razziés. Les attributions des djemâas étaient des plus variées : elles traitaient des affaires criminelles, civiles, politiques et financières ; elles réglaient en particulier les contestations de terrains, les discussions entre familles, les questions ue — 26 — mariage, divorce, ventes et transactions ; elles étaient chargées de l'entretien des mosquées, écoles, de la location des terrains collectifs, de la police, de la distribution des eaux d'irrigation, si les propriétaires intéressés ne s'entendaient pas à l'amiable, enfin elles présidaient à l'organisation des fêtes. En r é s u m é , la djemaâ était le véritable o r g a n e de comm a n d e m e n t dans la tribu z e m m o u r , o r g a n e essentiellement démocratique, puisque tous étaient admis à p r e n d r e part aux délibérations. 2° L'HABITAT Les Z e m m o u r occupaient autrefois la région O u l m è s Azrou, tandis que les Beni Hassen résidaient dans leur territoire actuel. Obéissant au m o u v e m e n t de migration SudE s t - N o r d - O u e s t qui amenait les tribus du Moyen Atlas vers les plaines du Sebou et du G h a r b , ils descendirent de la montagne, cédant à la double pression des Zaïan et des Beni M ' G u i l d . A leur tour ils refoulèrent les Beni Hassen qu'ils rejetèrent au Nord de la M a ' m o r a , à la suite de longues luttes que d'un c o m m u n accord les combattants interrompaient au m o m e n t des moissons. Le Sultan Moulay .Abderrahman, pas plus que son prédécesseur Moulay Sliman, ne put intervenir et dut accenter le nouvel état de choses. Anrès i<ne trêve de courte durée, les Z e m m o u r r e p r i r e n t les a r m e s et achevèrent la conquête de la M a ' m o r a . Battus à Dhaiet Aicba, à I alla Ito, à D a r bel Amri, les B e n H a s s e n se retirèrent dans la boucle du Sebou, a b a n d o n n a n t entièrement la forêt à leurs vainqueurs qui la considérèrent dès lors comme leur propriété, labourant les vallées, les clairières, envovant leurs t r o u p e a u x dans des azibs : c'est d'ailleurs s u r ces faits que les Z e m m o u r appuient aujourd'hui leurs prétentions à la possession de la M a ' m o r a . ; Sous le règne de Sidi Mohamed, les Z e m m o u r ont définitivement acquis droit de cité, et s'installèrent dans la région Monod-Tiflet-Khemisset. Des querelles intestines ou des causes diverses viendront par la suite modifier les emolacements primitifs. Telle tribu, c o m m e les Rzazna, cnmpée entre le Zimeri et le Bou Regreg, cédera le terrain aux Ait Belqacem plus puissants, et ira planter ses tente'- sur les rives du T a g h e r e s t . Telle autre, c o m m e les Ait Ali ou Lahsen, peu favorisée p a r la mauvaise qualité des t e r r e s qui composent son domaine, quitte son emplacement du Bel Kouch et du H a m m a p o u r aller s'installer plus au N o r d , dans le S m e n t o et le Zilli aux abords de la forêt. Enfin, vers 1S60, les tribus occupent à peu près des emplacements définitifs, et le Sultan aurait alors envoyé des r e p r é s e n t a n t s pour procéder officiellement aux l i m i t a t i o n s , consacrant en quelque sorte la c o n q u ê t e . C ' e s t d'ailleurs vers cette m ê m e époque que la région échappa à l'autorité m a k h z é n i e n n e p o u r devenir bled siba. Puis, les djemâas, prenant la direction des tribus, divisèrent le territoire qui leur revenait en partage, d o n n è r e n t à chacun u n e portion de terrain en r a p p o r t avec sa richesse, sa situation, ses animaux de labour. Elles r é s e r v è r e n t p o u r les besoins de la c o m m u n a u t é u n e partie des terres, dites terres collectives, qu'elles pouvaient louer à des particuliers, jamais pour plus d ' u n e saison, et le prix de la location était remis au m o q a d d e m du Jamaâ (école) qui utilisait l'argent p o u r l'entretien de l'école (réparation à la tente, achat de natles, paiement des fqihs). Les terrains non cultivés, collectifs ou particuliers, étaient considérés comme terrains de p a r c o u r s et tous avaient le droit d'y e n v o y e r leurs animaux en pacage. I.a propriété des terres n ' e n était pas moins établie, r e c o n n u e et respectée. En r é s u m é , la délimitation était parfaitement définie, tant à l'inférieur des tribus q u ' e n t r e celles-ci et leurs voisines. Naturellement des transactions ultérieures vinrent a p p o r t e r des modifications de détail, et, pourvu que les contribules du v e n d e u r aient fait abandon de leur droit de chefâa (préemption), rien ne s'opoosaif à ce q u ' u n indigène acquierre des propriétés d a n s l'intérieur des tribus voisines. I.e résultat était un enchevêtrement inextricable des p r o priétés, source inépuisable de discussions dont le règlement était rendu très diffic'le par l'absence de titres écrits et p a r la mauvaise foi de-, intéressés. N o u s v e r r o n s plus loin comment la coutume intervient p o u r régler ces contestations. l e s Z e m m o u r sont exclusivement des c a m p a g n a r d s , pratiquant le s e m i - n o m a d i s m e . Ils s ' a d o n n e n t à l'agriculture, mais dans des proportions assez restreintes. S a n s cesse en g u e r r e , jamais certains de récolter le produit de leur travail, ils ne cultivaient guère jusqu'à notre arrivée que pour leurs besoins strictement nécessaires. Ils préféraient s ' a d o n n e r à l'élevage des t r o u p e a u x , se déplaçant — 28 — avec leurs a n i m a u x p o u r utiliser les vastes terrains de parcours. Ils habitent constamment sous la tente (khima) en group e m e n t s plus ou moins n o m b r e u x suivant l'état de sécurité du m o m e n t . Si la situation le permet, ils s'isoleront de p r é férence, chacun habitant a u p r è s du morceau de terrain qu'il cultive. D e u x poteaux, rkiza, soutenant une perche en bois, ou hommar. que recouvre et maintient u n e bande mince de toile, triga, fixée en terre par ses extrémités inférieures ; s u r le tout repose par sa partie médiane une pièce d'étoffe noire formée de plusieurs flidjs cousus ensemble : telle est la tente z e m m o u r . Le flidj est u n e bande d'étoffe d ' u n e largeur formée de plusieurs fellidjs cousus ensemble : telle est la tente m o y e n n e de s<> centimètres et pouvant atteindre m mètre:; de l o n g u e u r . Ce sont les femmes qui généralement s ' e m ploient d a n s les d o u a r s à la confection des flidjs, qu'elles tissent, soit avec du poil de chèvre mélangé de fibres d ' a s phodèles, soit avec de la laine de mouton et du palmier nain, suivant la condition de fortune du m a î t r e . Les tentes de dimensions m o y e n n e s comptent de sept à huit flidjs, les plus grandes en ont j u s q u ' à douze et s'achètent de No à <;n d o u r o s . La richesse d ' u n indigène peut p r e s q u e s'apprécier au n o m b r e de flidjs de sa tente. Les p a u v r e s se contentent d ' u n e misérable tente tissée en palmier nain. Les bords de la tente, rabattus la nuit, sont relevés le jour au moyen de bâtons (amoud), l'intervalle libre étant fermé par des sortes de nattes étroites et longues (m.s.s). L'intérieur est divisé en deux compartiments par une pièce d'étoffe. U n e moitié est affectée à la cuisine et aux femmes, l'autre est le côté des h o m m e s . Le mobilier est des plus simples, un moulin à m o u d r e les grains, quelques plats et ustensiles de cuisine. Le luxe de la tente se manifestera par les tapis que l'on étendra sur le sol le jour des réceptions. La literie est également peu compliquée : un matelas de laine de mouton (farrach) étendu à ferre, quelques c o u v e r t u r e s ou h'anbels et un oreiller formé d ' u n e peau de mouton b o u r r é e de laine (nusada) ou simplement de v ê t e m e n t s légers (mzoud). On c o m p r e n d fac'lement combien ce matériel est portatif et avec quelle mobilité l'indigène transporte sa tente : quelques mulets suffisent, au besoin des bourricots ou m ê m e des bœufs assureront le t r a n s p o r t . — 2Ç — Si les tentes se groupent p o u r les besoins de leur sécurité, elle se placeront en cercle, d'où le mot douar. Au centre, ou merati, se trouve généralement la tente école, ïamaa, qui servira également à abriter les hôtes de pasoage. La p é r i p n é r i e porte le nom de rij. La nuit venue, tou.; les a n i m a u x , cnevaux, Dœuis, moutons, etc., sont r e n t r é s uans l'intérieur du d o u a r . Aucune deciira ni gourbi d a n s la région. Toutefois, depuis i j paviiiwauv.ni uu p a y s par nos troupes, quelques caïus ont tait construire s u r l'emplacement de leur douar des noualas laites de roseaux assembles et recouvertes de p â m e , u est la un p r e m i e r essai vers le oien-etre matériel, et nui doute q u ' a v e c le temps, et la sécurité se taisant de j o u r eu jour plus grande, le cnapitre ue 1 naDitat aura a enregistrer ae nouveaux progrès. L o r s q u e les p â t u r a g e s commencent a m a n q u e r , et que leurs a n i m a u x n y trouvent plus u n e n o u r r i t u r e suffisante, les indigènes les envoient dans une tribu voisine plus favorisée en terrains d h e r b a g e . Le bétail est alors en azib sous la garde de bergers que va visiter de temps à autre un fils ou un p a r e n t de l'un des p r o p r i é t a i r e s . Au cours de ces déplacement, on laisse la g r a n d e tente à l'emplacement du c a m p e m e n t habituel, et on e m p o r t e u n e petite tente légère, dite acha, généralement tissée en douin. C ' e s t la tente d'été, rudimentaire et facilement transportable, juste assez g r a n d e p o u r contenir d e u x ou trois h o m m e s accroupis. U n e natte, une mauvaise c o u v e r t u r e , un ustensile ou d e u x de cuisine composent tout le mobilier. N o m b r e u x d'ailleurs sont ceux qui ne disposent pas d ' a u t r e chose leur vie d u r a n t . L'habillement est également des plus simples et bien souvent ne consiste q u ' e n une u n i q u e chemise de cotonnade descendant j u s q u ' a u x g e n o u x et s e r r é e à la taille p a r u n e corde formant ceinture. Le c a m p a g n a r d circule p r e s q u e toujours pieds nus et tête nue, et si, p a r hasard, il porte un rezza, celui-ci laisse toujours à découvert le s o m m e t du c r â n e . Q u e l q u e s - u n s s ' e n t o u r e n t la tête d ' u n e corde en poil de c h a m e a u ou khit. P o u r les indigènes de condition plus élevée, le costume c o m p r e n d ordinairement, en c o m m e n ç a n t p a r les vêtements de dessous, la qachaba, sorte de chemise fermée de chaque côté du cou par un cordon, la faradjia, qui se fixe s u r le devant p a r - u n e rangée de petits b o u t o n s . S u r ces d e u x vêtem e n t s , compris sous la dénomination de kesoua, se portent — 3 o — la djellaba braz, lâche et tombante, à m a n c h e s larges et courtes, et enfin le selham ou b u r n o u s , blanc ou bleu foncé. Les jours de fête, on revêt une d e u x i è m e jaradjia en couleur, appelée qajtan, qui se place sous la djellaba choisie à cette occasion en tissu plus fin et t r a n s p a r e n t . L'hiver, on porte entre la djellaba et le selham u n e pièce d'étoiie, le liaïk, dont on s ' e n v e l o p p e r a les épaules et la tête. Les femmes, employées aux travaux pénibles ou dans les c h a m p s , s'habillent p r e s q u e u n i q u e m e n t d ' u n vêtement de cotonnade, ou izar, fixé sur les épaules par des agrafes, ou khellala, et maintenu à la taille p a r une ceinture assez large (hezam). Hlles ne se voilent généralement p a s . Le costume complet de la femme de condition plus élevée c o m p o r t e la qachaba, le qajtan en couleur, une d e u x i è m e qachaba plus fine laissant transparaître b vêtement de dessous, et Y izar reguig. Le degré de richesse se manifestera plutôt p a r le n o m b r e et le volume des bijoux que p a r des variations d a n s le c o s t u m e . 3" (Agriculture, MOYENS D'EXISTENCE élevage, commerce, échanges, industrie.) D e m i - n o m a d e s et vivant constamment en état d'insécurité, les Z e m m o u r ne cultivaient guère avant notre arrivée que p o u r leurs besoins strictement nécessaires. Les nejras, les m e u r t r e s pouvaient être autant de causes amenant p o u r eux l'obligation de fuir d a n s le délai le plus bref s o u s peine de représailles £t d'être razziés. Il leur fallait donc être très mobiles afin de pouvoir rapidement évacuer, le cas échéant, tentes, femmes et t r o u p e a u x vers l ' a r r i è r e , d'où la nécessité de s ' a d o n n e r de préférence à la vie p a s t o r a l e . Les indigènes divisent leurs cultures en cultures bekri : blé, orge, qui se sèment à l'automne, et en cultures mazouzi : maïs, mil, sorgho qui se cultivent plus tardivement, à la fin de l'hiver. De m ê m e ils classent leurs terres en bled kebira, c o m p r e n a n t le tirs ou terre noire, grasse et argileuse, et le hamri, riche en calcaire et acide p h o s p h o r i q u e , et en bled sghira formé de rmel ou terrain s a b l o n n e u x . Ils ont l'habitude de laisser les c h a m p s relevant de la p r e m i è r e catégorie en jachère un an s u r trois, les autres un an sur d e u x . Avant de c o m m e n c e r leurs labours, ils attendent généralement que les pluies aient d é t r e m p é le sol desséché et durci p a r le soleil d'été. L e u r s i n s t r u m e n t s aratoires sont en effet — 3i — assez primitifs •. u n e c h a r r u e en bois m u n i e d ' u n sabot en fer (mahrats) qui, s'usant très vite, a besoin d'être remplacé plusieurs fois au cours de la saison. L'attelage est inuistinctement composé de kidars, mulets ou bourricots, souvent m ê m e de b œ u f s . Un faux collier en duum, un bâton placé sous le ventre de l'animal, des cordes reliant le tout à la c h a r r u e , tel est le h a r n a c h e m e n t dont disposent les labour e u r s . Il est inutile d'ajouter q u ' a v e c le pareils m o y e n s le sillon aura à peine 15 à 20 centimètres de p r o f o n d e u r ; aussi sèment-ils souvent avant de l a b o u r e r . S u r les terres de qualité m o y e n n e , on laboure deux fois en croisant les sillons. Malgré toutes ces imperfections et le m a n q u e complet d'irrigation, les céréales arrivent cependant à d o n n e r un r e n d e m e n t pouvant atteindre de 10 à 12 u/'o d a n s les bonnes a n n é e s . Les indigènes emploient u n i q u e m e n t les faucilles pour effectuer leurs moissons et coupent les tiges à vingt centimètres environ des épis. Le reste est a b a n d o n n é s u r place, sera m a n g é par les t r o u p e a u x , ou, en se décomposant constituera l'engrais pour l ' a n n é e suivante. Q u e l q u e s branches d ' a r b r e s assemblées en forme de hotte p e r m e t t r o n t aux h o m m e s et aux femmes de r e n t r e r le produit de leur récolte, si elle ne l'est pas à dos de mulet au moyen de grands filets. Le dépiquage des grains est fait par les pieds des a n i m a u x tournant en cercle s u r une aire de fortune. P o u r le vannage, une fourche en bois suffira. Le grain sera aussitôt soigneusement enfoui d a n s les silos, le teben mis en meule formera la réserve p o u r l'alimentation du bétail à la mauvaise saison. II est à r e m a r q u e r , du moins dans l ' A n n e x e de Tiflet, q u ' a u blé se trouve toujours mélangée une notable p r o p o r tion de grains d ' o r g e . La raison en est la suivante .- les Z e m m o u r ont l'habitude de s'installer en d o u a r et de faire c a m p e r leurs troupeaux sur les t e r r a i n s qu'ils désirent cultiver en blé. Les déjections des a n i m a u x fournissent ainsi une fumure naturelle, mais c o m m e parmi elles se trouvent toujours des grains d ' o r g e mal digérés, ceux-ci germent avec le blé s e m é . C'est évidemment là un gros inconvénient du procédé. Un des p r e m i e r s bienfaits de notre occupation a été d'inciter les indigènes à a u g m e n t e r leurs travaux agricoles d a n s de grandes p r o p o r t i o n s . Les blés et les orges y ont la place dominante, puis, d a n s l ' o r d r e d ' i m p o r t a n c e décroissante, le maïs, le s o r g h o , les fèves et les pois chiches. On — 32 — r e n c o n t r e un peu partout, et notamment dans les vallées, u n e quantité de petits jardins plantés d'oliviers et d ' o r a n gers en excellent r a p p o r t . Q u e l q u e s - u n s , plus favorisés par leur situation, ont pu être irrigués par des saqias amenant l'eau de l'oued voisin ; on y trouve alors des oignons, carottes, navets, pastèques, etc. A noter également des plants de vignes n o m b r e u x et d ' u n e belle venue, d o n n a n t un raisin de bonne qualité et en assez grande abondance pour alimenter les m a r c h é s locaux, lînfin, les tribus riveraines de la M a ' m o r a pratiquent encore l'élevage des abeilles, mais la nécessité de se p r o c u r e r des écorces d ' a r b r e s p o u r la confection et la réparation des ruches, et les m e s u r e s prises en vue de la protection de la forêt, ont un peu ralenti cette industrie. On ne rencontre plus guère aujourd'hui q u ' u n e trentaine de zribas, renfermant chacune de cinquante à cent ruches et fournissant un miel d ' u n e excellente qualité. L'élevage est surtout la principale ressource des p o p u lations z e m m o u r , et c o r r e s p o n d mieux à leurs goûts naturels et à leurs habitudes de d e m i - n o m a d i s m e . Résidant d a n s les emplacements habituels de c a m p e m e n t pendant la bonne saison, les bergers s'en vont, dès que l'herbe se fait r a r e , à la recherche de pâturages meilleurs où leurs t r o u p e a u x trouveront une n o u r r i t u r e plus a b o n d a n t e . M a l h e u r e u s e m e n t , avec son insouciance habituelle, l'indigène ne se préoccupe nullement d'améliorer les conditions d'élevage, et préfère s'en r e m e t t r e à la fatalité. Aussi rien d ' é t o n n a n t s'il subit chaque année des pertes sensibles par la disparition d ' u n certain n o m b r e de têtes qui périssent en raison du m a n q u e complet de soins. Si en plus l'herbe vient à m a n q u e r par suite d ' u n e trop g r a n d e sécheresse, alors la mortalité atteint de fortes proportions : c'est ainsi q u ' e n 1 9 1 2 , où l ' a n n é e fut particulièrement mauvaise, le déchet alla jusq u ' à 50 0/0 pour les ovins et 75 0/0 p o u r les bovins. La p r e s q u e totalité des veaux fut p e r d u e , seule la race caprine résista m i e u x . Le bœuf, élevé à la fois en vue de la boucherie et c o m m e bête de trait q u ' o n attellera à la c h a r r u e pendant la période des labours, est la ressource la plus précieuse du c a m p a g n a r d . Aussi enfre-t-il p o u r une g r a n d e part d a n s la composition du cheptel marocain. La vache est une laitière médiocre, ayant probablement perdu ses qualités par ce fait que les jeunes veaux sont sevrés aussitôt que possible et e n v o y é s au p â t u r a g e . — 33 — Le m o u t o n , de g r a n d e taille et à toison épaisse, est u n e des sources importantes de r e v e n u s , avec les c h è v r e s , de tace rustique et résistante. Les Z e m m o u r se livrent peu à la production des chevaux et mulets ; ils vont de préférence acheter chez les Z a ë r et les Beni H a s s e n les a n i m a u x qui leur sont nécessaires. Ils utilisent les juments et les c h e v a u x de mauvaise qualité, dits kidars, soit à la c h a r r u e , soit c o m m e bêtes de bât. A ce point de vue, l'âne ou bourricot est l'auxiliaire le plus apprécié de l'indigène et bien p a u v r e est celui qui n ' e n possède point. Les c h a m e a u x , en très petit n o m b r e d'ailleurs, appartiennent à des doukkala c a m p é s d a n s le p a y s . En r é s u m é , la région z e m m o u r peut devenir un excellent centre d'élevage, mais il y aurait lieu, p o u r lui faire d o n n e r son véritable r e n d e m e n t , de combattre l'indifférence, pour ne pas dire l'incurie de l'éleveur indigène. Celui-ci aurait des résultats bien s u p é r i e u r s en apportant des soins plus s é r i e u x , en construisant des installations, m ê m e sommaires, p o u r abriter les jeunes têtes en cas d ' i n t e m p é r i e , en prévoyant des réserves de fourrages p o u r p a r e r a u x disettes probables. Les échanges se faisaient en g r a n d e partie s u r les m a r chés locaux, surtout entre indigènes de tribus différentes. Les tribus, jalouses les u n e s des autres, avaient p r e s q u e toutes leur souq particulier, qui se tenait en un point central de la fraction, sous la présidence du caïd. C e s souqs étaient non seulement des centres c o m m e r c i a u x , mais encore des lieux de réunion publique, où les gens causaient de leurs affaires personnelles, des é v é n e m e n t s de la semaine, où les djemâas tranchaient les questions d ' o r d r e politique intéressant la c o m m u n a u t é et communiquaient leurs décisions. Un petit n o m b r e de c o m m e r ç a n t s de M e k n è s et de Rabat avaient l'habitude de les fréquenter, et s'y rendaient s o u s la garantie du mezrag qu'ils devaient acheter de tribu en tribu. Ils y apportaient les produits d'usage courant •. thé, sucre, cotonnades, parfumerie, bijouterie, et achetaient p o u r les e m m e n e r vers les ports ou les villes de l'intérieur : œ u f s , b e u r r e , volailles, céréales et a n i m a u x . Il faut cependant reconnaître q u e la sécurité toute relative dont jouissaient les colporteurs é t r a n g e r s était u n e entrave sérieuse au m o u v e m e n t commercial. Q u e l q u e s transactions avaient lieu directement dans l'intérieur des d o u a r s , soit quand elles intéressaient des gens — 34 — d'une même munitions. tribu, soit q u a n d il s'agissait d ' a r m e s et de S u r les s o u q s se vendent également les quelques p r o duits industriels du p a y s ; ceux-ci ne sont pas fabriqués en vue de l'exportation, mais p o u r les besoins agricoles et la vie familiale indigène. Les femmes confectionnent des hanbch (couverture) d ' u n cachet spécial, des nattes en palmier nain doublé de laine, d ' u n travail assez original. C h e z les Ait O u a h i n o t a m m e n t , elles îabriquent des tapis présentant des dimensions, des assemblages de couleurs et des dessins qui rappellent les tapis zaïan. Ce sont elles aussi qui font les jlidjs qui, cousus ensemble, constituent la tente indigène. Lnfin, elles pourvoient à p r e s q u e tous les besoins de l'habitation, de l ' a m e u blement et des vêtements, elles tissent les b u r n o u s , gand o u r a s et haïks de laine. Avec le palmier nain, les h o m m e s fabriquent les divers objets de vannerie (nattes ordinaires, couffins, paniers, plats à couscous), et le c h a p e a u , tenu, à bords très larges et garnis de dessins et glands de laine que les indigènes portent p o u r se p r é s e r v e r du soleil. Les Kotbiine, les M ' Z e u r f a ont le monopole de la construction des c h a r r u e s en bois, des accessoires de tente (piquets et m o n t a n t s ) . Les Ait O u a h i fournissent les m a r é c h a u x ferrants et les forgerons. Les Ait Belqacem sont des potiers, ils trouvent l'argile nécessaire à leurs travaux aux environs de T a ï c h a . Les principales essences d ' a r b r e s sont : le c h ê n e liège de la forêt de M a ' m o r a , dont le liège et le tanin sont v e n d u s à la ville et l'écorce utilisée par les éleveurs d'abeilles, le cèdre et le tizera qui se rencontrent plus particulièrement dans les vallées du Bou Regreg et du Beth. 4° LA PROPRIÉTÉ Il n'existe pas de titres écrits établissant les droits de l'occupant, mais ces droits sont c o n n u s de tous, et la djemâa se charge de les faire respecter. Ils sont de m ê m e n a t u r e , que la terre soit cultivée ou non ; d a n s ce dernier cas, celle-ci entre dans la catégorie des terrains de p a r c o u r s et les anim a u x de la collectivité y ont le droit de pacage. L'indigène peut devenir propriétaire par héritage ou par acquisition, soit à titre gratuit, soit à titre o n é r e u x . — 35 — La transaction immobilière, de quelque n a t u r e qu'elle soit, est r a r e m e n t consignée p a r un acte, et se passe devant l'assemblée des notables, qui se contente de recevoir les déclarations verbales des partis intéressés ; aussi, les contestations de terrain sont-elles toujours d ' u n règlement très difficile, qui s ' a u g m e n t e e n c o r e du fait de la vénalité des g e n s . Le plus favorisé sera celui qui peut p r o u v e r à son actif u n e possession paisible pendant dix ans, sans empiétement ni usurpation é t r a n g è r e . Ne pas faire acte de propriétaire p o u r rait donc e x p o s e r , en cas de discussions ultérieures, à u n e dépossession. Il existe une certaine catégorie de terres, vagues ou vaines, n ' a y a n t jamais été défrichées (dayas, berges d ' o u e d s , etc.) désignées s o u s le nom de meharem ou mahruum, qui sont généralement utilisées c o m m e t e r r a i n s de p a r c o u r s . Le propriétaire d ' u n e parcelle contiguë à un bled meharem peut p r é t e n d r e avant tout autre à la p r o p r i é t é de la prolongation de sa parcelle dans ce terrain, mais seulement l o r s q u ' u n tiers essaie de le d é t o u r n e r à son profit. En cas de conflit, la djemâa intervient et fait le partage entre les riverains. Enfin, tout particulier peut devenir p r o p r i é t a i r e d ' u n e t e r r e inculte et que p e r s o n n e ne r e v e n d i q u e en la défrichant, en la mettant en valeur ; c'est l'application du droit de vivification parfaitement admis- en matière indigène. Il reste encore à noter l'acquisition des propriétés p a r droit de conquête, la tribu victorieuse s ' e m p a r a n t de la partie de terrain évacuée p a r une tribu vaincue, et, au m o m e n t de conclure la trêve, régularisant la nouvelle situation par un a r r a n g e m e n t m u t u e l . Le bled z e m m o u r , ayant é c h a p p é à l'autorité d o m a niale du Sultan, a donc été morcelé e n t r e les individualités, et de ce fait la propriété privée est devenue la règle du régime foncier local. Toutefois, certaines terres avaient été r é s e r vées p o u r les besoins de la collectivité, et les djcmâas qui les géraient pouvaient les louer en partie à des particuliers. Le montant de la location servait à l'entretien des écoles. En aucun cas, ces terres ne pouvaient être vendues et ne devenaient p r o p r i é t é privée. P o u r éviter toute emprise, la location était à la saison, les terres incultivées restaient t e r r a i n s de p a r c o u r s pour la c o m m u n a u t é , et jamais il ne s'élevait de contestation à ce sujet. - 36 - Les terres incultes pouvaient être mises en culture p a r des particuliers après autorisation de la djemâa et devenir propriété privée p a r droit de vivification, c o m m e n o u s l'avons vu plus haut, mais à la condition que les riverains aient renoncé à leur droit de p r é e m p t i o n . Il n ' y avait pas de régime d'exploitation des forêts, chacun avait le droit d'y m e n e r paître ses t r o u p e a u x , d'y aller c h e r c h e r le bois mort ou d'industrie p o u r la fabrication des c h a r r u e s , d'y cueillir les glands pour la n o u r r i t u r e des anim a u x , d'y chasser le gibier, d'y établir des c h a r b o n n i e r s , d'enlever l'écorce des a r b r e s pour la confection des ruches, etc. Les Z e m m o u r , qui avaient conquis la forêt à la suite de luttes longues et pénibles, tenaient à se r é s e r v e r cette source inépuisable de r e v e n u s et ne toléraient pas la moindre incursion d ' u n e tribu é t r a n g è r e à la confédération. Q u e l q u e s indigènes exploitaient le liège et le tanin ~es a r b r e s , mais le m a n q u e de connaissances techniques, leur insouciance imprévoyante causèrent de n o m b r e u x m é c o m p t e s p o u r la vitalité des a r b r e s , et nous d û m e s imposer une réglementation stricte pour la s a u v e g a r d e de la forêt. Il n ' y avait généralement pas de contestations au sujet des terres de p a r c o u r s , m ê m e entre tribus voisines, celles-ci convenant au préalable d ' a r r a n g e m e n t s à l'amiable. Les transmissions et aliénations immobilières être classées en quatre catégories : peuvent a) Héritage. — Les préceptes du C o r a n et le la S o u n n a ne sont pas appliqués, seules les coutumes locales règlent les questions d'héritage, sous la surveillance des djemâas. Les enfants mâles se partagent la succession en parties égales, au détriment des femmes et filles qui n ' o n t aucun droit. Si le défunt n ' a pas laissé de fils, les collatéraux héritent d a n s l ' o r d r e ci-après : frère, oncle, cousin germain, cousin éloigné, etc. Les femmes ne peuvent p r é t e n d r e à rien en aucun cas et font elles-mêmes, en quelque sorte, partie de l'héritage. Si les enfants sont en bas âge, la m è r e ou, à son défaut, le plus proche parent mâle du mort, conserve l'usufruit des biens j u s q u ' à la majorité des ayants droit, vis-à-vis desquels elle d e m e u r e responsable. Si la femme est enceinte au m o m e n t du décès de son mari, elle conserve l'usage des biens j u s q u ' à son accouche- m e n t . Si elle met au m o n d e un garçon, elle a s s u r e r a la gérance j u s q u ' à la majorité de l'enfant ; s'il naît u n e fille, l'héritage passe aux m a i n s du plus proche p a r e n t mâle. Celui-ci recueille généralement la femme et les filles du défunt. b) Vente. Aucun contrat écrit n'enregistrait les ventes immobilières ; celles-ci étaient consenties par de simples déclarations verbales de la part des contractants, faites en présence des djemâas de la ou des fractions intéressées. L ' a c h e t e u r choisissait d a n s la tribu du v e n d e u r un indigène c o m m e caution du m a r c h é . Cet indigène portait le nom de douaz ou hamil, assistait au règlement de l'opération, dont il était une garantie vivante, et touchait une légère rétribution de л à 5 d o u r o s ; sa parole faisait force de loi en cas de contestations ultérieures. Si le douaz venait à m o u r i r , son fils le remplaçait. En r é s u m é , il consacrait la vente, s'assurait que les paiements en étaient intégralement effectués et faisait respecter le contrat en toute occasion. Il était e x t r ê m e m e n t rare q u ' u n douaz se laisse déconsidérer p a r l'apport d ' u n faux témoignage en cas de conflit ; certains se sont m ê m e fait tuer p o u r n ' a v o i r pas voulu se parjurer, d'où l'appellation symbolique de qimt el kefen (traduction : prix du linceul d'ensevelissement) donnée à la redevance qui leur est remise. Inutile d'ajouter que les douaz étaient gens de caractère ; tous n'acceptaient pas cette fonction, peut-être honorifique, mais toujours périlleuse. Il n'existait donc pas de pièce pouvant établir le droit de propriété et, en cas de discussions, les témoignages o r a u x étaient les seuls q u ' o n puisse i n v o q u e r . Les témoins étaient en principe au n o m b r e de douze, mais cependant d e u x suffisaient parfois, si leur honorabilité et leur loyauté étaient indiscutées des partis en c a u s e . En cas de vente de terrain, les p a r e n t s du vendeur, d a n s l ' o r d r e du degré de parenté, ont toujours le droit de priorité sur les autres acheteurs, à condition toutefois de p a y e r la valeur de l'enchère présentée p a r le plus offrant des candidats. De plus, le vendeur ne peut aliéner son bien s'il n'est muni du consentement, toujours verbal et devant témoins, de la totalité des enfants. c) Don. -- Un propriétaire ne peut disposer du sol à titre gratuit que dans le cas d ' u n e terre, dite morte, qu'il défriche et remet en valeur a p r è s le consentement de la djemâa. P u i s ce terrain peut devenir à son tour l'objet de — 3* transmissions successives, par héritages ou ventes. P e r s o n n e ne peut déshériter ses héritiers naturels ni d é t o u r n e r une partie de ses biens au profit d ' u n tiers é t r a n g e r . Les dons, lorsqu'il en est fait, le sont toujours sous forme d ' a n i m a u x (moutons, chèvres, e t c . ) . Il n ' y a pas de biens aliénés au profit de fondations religieuses, les mosquées sont entretenues par les soins des visiteurs et les revenus des zaouias proviennent en totalité des offrandes des pèlerins. Les travaux d'utilité publique sont à peu p r è s nuls, les c r e u s e m e n t s de puits, les saqias sont faits par les p r o p r i é taires intéressés après entente entre e u x . d) Confiscation des terres. - - La propriété individuelle étant imprescriptible, la coutume n ' o r d o n n e jamais U confiscation des biens. D a n s les affaires de sang, elle peut autoriser les p a r e n t s de la victime à cultiver le terrain du m e u r trier en fuite, mais celui-ci p o u r r a r e p r e n d r e sa propriété quand il aura acquitté le paiement de la dia. 5° ATTENTATS CONTRE LA PROPRIÉTÉ La djemâa avait qualité p o u r juger les contestations de terrains. D e u x indigènes de la m ê m e tribu avaient-ils une discussion entre eux, ils portaient le différend devant les m e m b r e s de leurs djemâas, qui se réunissaient pour juger le conflit. C h a c u n des adversaires amenait avec lui un dhaman ou répondant, qui avait le double rôle d'intervenir p o u r r a m e n e r les parties au calme, si cela était nécessaire, et d ' a s s u r e r l'exécution de la sentence p r o n o n c é e . C'était généralement lui d'ailleurs qui prenait la parole. Le dhaman était, en principe, de la fraction de celui qu'il assistait et souvent l'un de ses p r o c h e s p a r e n t s . Naturellement le témoignage oral était la seule preuve q u ' o n pouvait invoquer en l'occurrence et il était fourni par le douaz que devait p r o d u i r e celui qui prétendait avoir acheté le t e r r a i n . Ce douaz choisissait, parmi ses frères, dix témoins q-t certifiaient de sa qualité, déclarait par s e r m e n t avoir présidé à la vente qui faisait l'objet du litige, et désignait le nom de l'ayant droit. Le jugement était toujours rendu conformément à sa déclaration. — 39 — Si l'adversaire évincé se refusait à e x é c u t e r la sentence, il y était contraint par son d h a m a n qui forçait son obéissance par tous les m o y e n s , j u s q u ' a u m e u r t r e s'il était nécessaire. P a r contre, si aucun douaz ne pouvait être présenté, le réclamant eût-il cultivé le bled pendant vingt ans et plus, il était obligé de renoncer à ses prétentions. Autre cas : il n ' y a pas eu vente, et l'un des partis déclare avoir hérité de son p è r e du bled que lui conteste son a d v e r s a i r e . T o u s deux, toujours accompagnés de leur d h a m a n , vont encore p o r t e r le différend devant leurs djemâas. Celui qui prétend avoir reçu le terrain en héritage doit a m e n e r cinquante ou cent témoins choisis parmi ses frères. Si ceux-ci attestent par serment que le p è r e du plaignant possédait bien en toute propriété le terrain contesté et l'a laissé effectivement à son fils a p r è s sa mort, il lui est d o n n é raison. Si, par contre, les témoins se refusent à jurer, le bled lui est enlevé. Le d h a m a n responsable assure l'obéissance de son client en cas de décision défavorable à ce dernier. Cette fois, le désaccord porte s u r u n e question de limites entre deux parcelles voisines ; les deux partis vont encore avec leur d h a m a n trouver la djemâa de leur fraction. Si celle-ci connaît la limite, elle la trace et l ' i m p o s e . Au cas contraire, elle désigne, soit le plus âgé des deux plaignants, soit celui dont l'honorabilité semble présenter le plus de garanties, lequel jure connaître la limite, en indique le tracé devant tous, s e r m e n t qui est complété par celui de cinquante de ses frères ; la djemâa prononce alors sa décision qui est imposée aux partis en cause, au besoin p a r la force. La djemâa ne se réunissait généralement pas à chacun des conflits, mais déléguait toujours trois ou q u a t r e de ses m e m b r e s p o u r e x a m i n e r la réclamation. Il pouvait être fait appel de l e u r s jugements devant la djemâa qui jugeait alors en dernier ressort. En cas de non acceptation de cette dernière décision, les biens du récalcitrant étaient razziés ou, si ce dernier était assez puissant, le barond seul tranchait la question. P a r contre, la djemâa s'occupait r a r e m e n t des questions de vols, et laissait aux intéressés le soin de se débrouiller en l ' o c c u r r e n c e . Aussi le vol était-il d'un usage courant, et d ' a u c u n s disent que les jeunes gens z e m m o u r offrant — 40 — q u e l q u e s aptitudes étaient dressés par les professionnels à ce genre d ' e x e r c i c e s . 11 faut reconnaître d'ailleurs que le vol et le brigandage étaient p r e s q u e considérés c o m m e des actes honorables et donnaient m ê m e une g r a n d e considération à leur auteur, l'essentiel était de ne pas se faire p r e n d r e . Un animal était-il volé, le propriétaire lésé se mettait aussitôt à la r e c h e r c h e de sa bête. Si les traces le conduisaient d a n s une tente, il s'y rendait. D e u x solutions pouvaient se p r é s e n t e r : ou il trouvait la bête et, dans ce cas, l ' e m m e n a i t p u r e m e n t et simplement, ou on l'avait fait disp a r a î t r e . Il s'abouchait alors avec le chef de la tente qui, p o u r se défendre de l'accusation qui pesait s u r lui, devait p r ê t e r s e r m e n t avec dix de ses frères. D a n s la pratique, il avait souvent plus d'avantage à p r o p o s e r à son voleur un a r r a n g e m e n t à l'amiable et, m o y e n n a n t u n e légère r e d e vance, rentrait généralement en possession de son animal. Aucune trace, aucun indice ne renseignent le volé. D a n s ce cas, celui-ci sera contraint d'avoir recours à un bechar, s'il a la b o n n e fortune d'en trouver un. le bechar est un indigène quelconque, qui a l'avantage de connaître l'animal dérobé, d'avoir p a r hasard vu les voleurs l ' e m m e n e r , et qui s'est bien gardé d'intervenir p o u r pouvoir ensuite vendre le renseignement argent c o m p t a n t . Ce sera d'ailleurs souvent lui qui ira au devant de la victime et lui fera des propositions p o u r lui faire r e t r o u v e r sa b ê t e . La coutume veut q u ' e n aucun cas son n o m soit dévoilé — aussi son rôle se borne-t-il uniquement à fournir le renseignement — et que la s o m m e d e m a n d é e , la bechara, ne soit payée q u ' a p r è s restitution de la chose d é r o b é e . Il appartient au volé d'aller trouver l'indigène d é m a s q u é p a r le bechar et de lui d e m a n d e r la prestation au s e r m e n t qui sera complété p a r celui de dix témoins (hellafas). En r é s u m é , on voit que les questions dans la plupart des cas par s e r m e n t prêté témoins, devant un marabout local, en accusateur. Les dix témoins appartenaient qui jurait et étaient choisis p a r lui. de vol se réglaient par l'accusé et dix présence du parti à la tribu de celui Naturellement, la valeur du s e r m e n t était fonction de l'honorabilité de ceux qui le prêtaient. Aussi, certaines tribus avaient-elles é p r o u v é le besoin d ' a u g m e n t e r les condit'ons de garantie en concluant entre elles un lien d'amitié p a r l ' a p plication de la c o u t u m e du taia. — 4i -- L o r s q u ' u n e affaire de vol se réglait e n t r e ces tribus, le n o m b r e des gens auxquels le s e r m e n t était d e m a n d é était p o r t é à vingt-cinq, dix d ' e n t r e eux étant désignés p a r le plaignant. Il fallait donc à ce dernier un ami ou conseiller dans chacune des tribus alliées par le tata. Ce conseiller occasionnel -— qui était son tata c o r r e s p o n d a n t --• l'aidait à choisir, le cas échéant, des témoins présentant une h o n o r a bilité sérieuse. Il lui était désigné au c o u r s de la cérémonie suivante : L o r s q u e deux tribus avaient décidé de faire c o m m e r c e d'amitié, elles se réunissaient un jour fixé. Un r e p r é s e n t a n t de chacune d'elles rassemblait toutes les belghas de ses frères et les plaçait sous son b u r n o u s . Un troisième indigène se plaçait entre eux, prenait successivement une belgha d a n s chacun des b u r n o u s et les élevait en l ' a i r . Aussitôt les propriétaires des d e u x belghas sortaient de la foule, se désignaient à haute voix, se promettaient amitié devant tous et s'en allaient e n s e m b l e . L ' u n était d é s o r m a i s le tata de l ' a u t r e . Il est procédé ainsi j u s q u ' à l'épuisement des belghas. Il était très r a r e q u ' u n indigène lié p a r cette c o u t u m e cherchât à t r o m p e r son tata en lui désignant des témoins douteux, car il se serait fait déconsidérer p a r tous et sa mauvaise foi aurait jeté le discrédit s u r sa tribu e n t i è r e . 6° LES IMPOTS. — REDEVANCES. — CORVÉES Les Z e m m o u r payaient autrefois les impôts suivants au M a k h z e n : la zaka. qui portait s u r les a n i m a u x ; Vachour, s u r les grains. Le Sultan envoyait des r e p r é s e n t a n t s , généralement les C a ï d s des C h e r a r c h a : Ben Driss, Ahmed Zirari ou Ben Chliha, qui en assuraient la répartition e n t r e les t r i b u s . Les djemâas rassemblaient le montant de la quote-part fixée, qui était acquittée partie en argent, partie en n a t u r e . Cette perception ne se faisait pas d'ailleurs sans de g r a n d e s difficultés et la p r é s e n c e d ' u n e force a r m é e n'était pas indispensable p o u r en a s s u r e r l'exécution. La mehalla campait au milieu du p a y s et brûlait les récoltes des récalcitrants, aussi b e a u c o u p s'enfuyaient au djebel avec l e u r s a n i m a u x et n ' e n rentraient q u ' a p r è s le départ des r e p r é s e n t a n t s du Sultan. — 42 — C ' e s t vers la d e u x i è m e a n n é e du règne d'Abd el Aziz que le p a y s échappa complètement à toute autorité et aucune contribution ne fut plus payée par la suite. En d e h o r s de ces d e u x impôts, les djemâas ne levaient d'imposition q u ' e n cas de g u e r r e , en vue d'achat d ' a r m e s , de munitions et de c h e v a u x . C h a c u n était taxé suivant ;on degré de richesse, et participait ainsi à la formation de la h a r k a levée pour la défense de la c o m m u n a u t é . Les Imgharen se réunissaient en conseil, prenaient la direction des opérations, mais ne touchaient aucun subside. Ils infligeaient des a m e n d e s à ceux qui ne se conformaient pas à leurs o r d r e s dans le délai voulu ; ces a m e n d e s entraient d a n s le casuel de g u e r r e . Les frais occasionnés p a r les fêtes étaient s u p p o r t é s par la collectivité sous forme de dons volontaires. La liberté individuelle était le p r e m i e r des principes, les corvées en n a t u r e n'étaient jamais imposées et n ' e x i s taient p a s . A l ' é p o q u e des moissons, les caïds ou les particuliers qui désiraient r é u n i r des o u v r i e r s non rétribués circulaient en tribus et demandaient des gens de b o n n e volonté p o u r aider à leurs récoltes. Ils les trouvaient toujours, et leur offraient une dhifa en r e m e r c i e m e n t . Ce n'étaient donc là que des prestations librement consenties, ou touiza, n ' a y a n t aucun caractère régulier. Les travaux d'utilité publique étaient à peu près n u ' s et les quelques a m é n a g e m e n t s qui étaient faits relevaient plutôt de l'initiative privée des p r o p r i é t a i r e s intéressés, qui s'entendaient entre eux dans chaque cas particulier. Le service des reqqas des Imgharen ne fonctionnait q u ' e n temps de g u e r r e et était assuré par des cavaliers volontaires. De m ê m e aucune redevance n'était p a y é e p a r le commerçant ou l'industriel qui exerçaient leurs métiers en toute liberté. Parfois, d a n s les a n n é e s m a l h e u r e u s e s , on faisait des collectes au profit des p a u v r e s de la tribu, mais cet appel aux bonnes volontés individuelles relevait plutôt du domaine de la charité publique. Aucune pénalité n'était prise en temps de paix en d e h o r s des paiements de la dia, r e m b o u r s e m e n t de vol ou règlement des dommages-intérêts que les particuliers p o u r s u i vaient entre eux, soit par entente mutuelle, soit sous la direction de la djemâa. En cas de lutte avec les voisins, celui qui ne se conformait pas aux o r d r e s d o n n é s p a r les Imgharen — 43 — se voyait infliger des a m e n d e s payables immédiatement au profit du trésor c o m m u n . 7° LA JUSTICE Les prescriptions du C o r a n et de la S o u n n a étaient très mal c o n n u e s et inobservées. Le Cadi ou fonctionnaire similaire n'existait p a s . Seules les lois de la c o u t u m e étaient appliquées. Elles ne sont notées dans aucun recueil. Les anciens les transmettaient aux jeunes et p e r s o n n e ne les ignorait. C e s coutumes étaient sensiblement les m ê m e s pour la confédération z e m m o u r , les variantes de tribu à tribu ne portant que s u r de légers points de détail. Les réclamations étaient portées en principe devant la djemâa, qui pouvait déléguer plusieurs de ses m e m b r e s p o u r e x a m i n e r le dinérend ; chacun des plaignants se présentait avec son hamil qui répondait de l'exécution de la décision prise. Parfois aussi les conflits étaient portés devant des p e r s o n n a g e s âgés, c o n n u s pour leur caractère droit et impartial, leur connaissance des choses juridiques, ou tout au moins la jusiesse de leur jugement. B e a u c o u p préféraient cette juridiction patriarcale, en laquelle ils avaient confiance, et qui était moins susceptible d ' ê t r e achetée. N o u s avons vu plus haut que la djemâa était le seul organe compétent p o u r la consécration des m a r i a g e s . C'est p a r son intermédiaire que la d e m a n d e était transmise au père de la jeune Fille r e c h e r c h é e . C ' e s t elle encore qui préside la discussion s u r le montant et la composition de la dot. Le caractère public de la réunion tient lieu du m a n q u e d ' e n r e gistrement. C ' e s t elle enfin qui, s u r la d e m a n d e justifiée de l'un ou de l'autre des partis p r o n o n c e r a le divorce et en réglera les conditions suivant les raisons qui l'ont motivé. Les causes du divorce peuvent être des plus variées ; à r e n c o n t r e de la femme : adultère, m œ u r s dissolues, stérilité, mauvaise condition physique, insuffisance dans la conduite du ménage, simple volonté m ê m e du mari ; à l'encontre de l ' h o m m e : mauvais traitements e n v e r s sa femme, m a n q u e de n o u r r i ture ou de vêtements, etc. La polygamie est permise, mais dans la p r a t i q u e est peu fréquente. Seuls, les gens fortunés peuvent acheter plusieurs femmes. La c o u t u m e , d'accord avec le C o r a n , en — 44 — accorde quatre, mais ce n o m b r e peut s ' a u g m e n t e r des concubines qui vivent sous la tente conjugale. Les différends journaliers étaient réglés à l'amiable e n t r e les intéressés et, seuls, les conflits plus importants (contestations de terrains, délits sérieux, règlement de dia) étaient portés devant la djemâa ou ses délégués. R a r e m e n t celle-ci intervenait d a n s les questions de crime et laissait à chacun le droit de se venger, l'individu ne reconnaissant en cette matière d ' a u t r e autorité que celle de son fusil. L o r s q u ' u n h o m m e riche ou puissant en tuait un autre, il se tirait généralement d'affaire en acquittant aux p a r e n t s de sa victime le prix du sang (dia). C'était là le seul tempérament q u ' a p p o r t a i t la c o u t u m e et, si le m e u r t r i e r était d a n s l'incapacité de payer, il n'avait d ' a u t r e ressource que dans la fuite et l'exil. 8° ATTENTATS CONTRE LA V I E . •— LA SÉCURITÉ T o u t indigène qui se rend coupable d'homicide, volontaire ou non, n'a pas à r e n d r e compte de son acte devant la djemâa. Il n ' e n répond q u e vis-à-vis de la famille de la victime, qui peut e x e r c e r sur lui le droit de vengeance. T r è s souvent, chacun p r e n a n t fait et cause p o u r les siens, non en toute connaissance des faits, mais u n i q u e m e n t par solidarité ; il se formera deux partis hostiles, qui parfois en viendront a u x m a i n s . C e sera alors d ' â p r e s démêles, d o n n a n t lieu à des vendettas interminables j u s q u ' à ce q u ' u n e intervention étrangère r a m è n e le calme et fasse aboutir une transaction. La liste des morts sera faite ainsi que le décompte des dias respectives. Le clan resté en débet sera indemnisé. H e u r e u s e m e n t les m e u r t r e s ne seront pas toujours suivis de pareilles querelles intestines, et les p a r e n t s du meurtrier, qui a été obligé de se réfugier d a n s u n e tribu é t r a n g è r e , décideront de payer l'impôt du sang à la famille du défunt. Ils lui adresseront alors quelques représentants, accompagnés de plusieurs m e m b r e s de leur djemâa. Ils immoleront un mouton devant la tente du père, frère ou parent mâle le plus proche du mort. C ' e s t la debiha, indiquant qu'ils demandent la réconciliation et proposent des négociations. Si leur offre est acceptée, des p o u r p a r l e r s , souvent longs et pénibles, c o m m e n c e r o n t entre les djemâas et les intéressés. L'accord finit par se faire. Les p a r e n t s du coupable, soli- — 45 — daires les u n s des autres, s ' e n t e n d e n t p o u r acquitter le m o n tant de la s o m m e fixée. Seulement alors le m e u r t r i e r p o u r r a r e n t r e r d a n s sa tribu. Il viendra, en signe de paix, égorger un mouton devant l'habitation de son ancien e n n e m i . Il r e p r e n d r a ses biens que, pendant son absence, ses adversaires avaient le droit de saisir et de cultiver j u s q u ' a u règlement définitif du litige. Parfois, la famille de la victime refuse tout a r r a n g e m e n t , se sentant plus puissante et plus a p p u y é e . Le m e u r t r i e r sera, dans ce cas, contraint de s'exiler pendant plusieurs a n n é e s , et la g u e r r e ensanglantera les deux p a r t i s . Ce n ' e s t q u ' à la longue que le calme renaîtra et que la paix se fera p a r l'intermédiaire d ' u n p e r s o n n a g e influent de la tribu ou d ' u n chérif de p a s s a g e . La coutume ne fait aucune différence, quels que soient les motifs qui aient p r o v o q u é le m e u r t r e ; raisons d ' o r d r e privé ou intime, raison d'intérêt ou a u t r e s . Il est seulement tenu compte p a r la djemâa des circonstances diverses et des considérants qui entourent l'acte : situation de la victime, validité des motifs qui sont présentés, etc. Mais, dans tous les cas, elle ne peut q u ' é m e t t r e un avis. Les p a r e n t s du mort peuvent toujours se refuser à toute considération et p o u r suivre l'accomplissement de leur vengeance. Celle-ci se transmettra de père en fils si elle n ' a pu être c o n s o m m é e p a r la fuite du parti adverse, tous les p a r e n t s ayant au m ê m e degré le souci et la volonté C!J venger ieurs m o r t s . Si le m e u r t r i e r appartient à la m ê m e tribu que la victime, la vengeance p o u r r a s'accomplir en tout t e m p s et en tout lieu, au c o u r s des r é u n i o n s publiques ou privées, fêtes, m a r c h é s locaux et leurs c h e m i n s d'accès. Seule, la tente d ' u n tiers est inviolable, et l'individu qui s'y réfugie est m o m e n t a n é m e n t en sécurité. Mais ce n'est là q u ' u n e trêve de courte durée, car son e n n e m i , qui l'a aperçu, attendra patiemment sa sortie, caché dans un sentier des e n v i r o n s . Si m e u r t r i e r et victime sont de d e u x tribus différentes, le droit de représailles ne s ' e x e r c e r a pas dans une fête publique, mais il est d'usage que le p r e m i e r , avant de s'y r e n d r e , d e m a n d e l'autorisation au parti a d v e r s e . C o m m e au cas ci-dessus, la tente d ' u n tiers est un lieu inviolable. Enfin, un m e u r t r i e r poursuivi et en danger de mort peut é c h a p p e r à son ennemi en se mettant sous la protection d ' u n e femme. Cette protection de la femme — anaia — s'obtient en faisant le simulacre d ' ê t r e allaité p a r elle, ou en lui entourant la - 46 — taille des d e u x b r a s . T o u t e puissante, elle cesse dès que le protégé a quitté sa protectrice. Le taux de la dia est e x t r ê m e m e n t variable et dépend, c o m m e nous Lavons vu, de la condition sociale de la victime et surtout des exigences autorisées des ayants droit. Il est également tenu compte du sexe et de l'âge de la pers o n n e tuée. La dia d ' u n h o m m e oscille entre i . o o o et 1.500 d o u r o s ; celle d ' u n e femme, évaluée à la moitié de celle d'un h o m m e , sera de 500 à 700 d o u r o s ; celle d ' u n enfant, p r o portionnelle à son âge, varie également suivant son s e x e . La dia est payée, suivant les conditions convenues, à la fois en argent et en n a t u r e , et à des é p o q u e s échelonnées. P o u r compléter le paiement de cet impôt du sang, le m e u r trier n'hésitera pas, si cette solution lui offre quelque avantage, à utiliser la valeur m a r c h a n d e de sa fille, en la donnant en mariage à son débiteur, ce qui diminuera d'autant la s o m m e dont il a à s'acquitter. Les blessures, non suivies de mort, entraînent de m ê m e le paiement d ' u n e dia. Si celles-ci p r o v o q u e n t une infirmité et p a r suite une incapacité de travail (perte d ' u n m e m b r e , d ' u n œil, etc.), la dia s e r a tarifée à la moitié de celle qui aurait été payée p o u r le m e u r t r e du m ê m e individu. Si le blessé n'est que m o m e n t a n é m e n t dans l'impossibilité de travailler, il n'est pas accordé de dia, mais le coupable s u p p o r t e les frais de n o u r r i t u r e du blessé jusqu'à son complet rétablissement. Enfin, le m e u r t r i e r qui s'obstine à refuser tout a r r a n gement sera a b a n d o n n é des siens, obligé de s'exiler de sa tribu, et les p a r e n t s du mort auront l'usufruit de ses oiens j u s q u ' a u règlement définitif de l'affaire. Il en résulte que, malgré le régime de siba, les m e u r t r e s étaient moins fréquents q u ' o n pourrait le s u p p o s e r . La crainte des représailles était en effet un frein puissant et la meilleure garantie pour le respect de la vie des g e n s . </' (Les LA GUERRE querelles intestines dans la sous-fraction, la Les çofs. - La guerre entre les tribus. La guerre sainte.) fraction. Les querelles de partis sont le fond m ê m e de l'âme berbère, et les Z e m m o u r , au caractère naturellement h a r g n e u x et vindicatif, ne pouvaient manquer à cette tradition. Aussi, — 47 — tout était matière à discussion, et les incidents les plus futiles, toujours considérablement grossis, engendraient des disputes interminables, chacun p r e n a n t fait et cause p o u r ses frères, sans m ê m e r e c h e r c h e r la cause du conflit et le côté du droit. Il se formait ainsi, dans la fraction, deux partis hostiles, g r o u p é s a u t o u r de deux individualités qui prenaient la q u e relle à leur compte et entraient en lutte. F r é q u e m m e n t des fractions voisines intervenaient à leur tour dans l'incident, se rangeaient d a n s l'un ou l'autre des g r o u p e m e n t s adverses, et la g u e r r e ensanglantait toute la tribu. I.'alliance des partis était consacrée par la remise officielle des b u r n o u s à celui qui d e m a n d e le secours, en gage de la parole d o n n é e . Si l'un des partis m a n q u e aux engagements pris, les o u r n o u s de ceux qui se sont parjurés sont teints de h e n n é , en noir ou en vert, et p r o m e n é s ostensiblement dans les lieux publics, pendant q u ' o n crie à haute voix les n o m s des gens ayant m a n q u é à leur s e r m e n t de fidélité. Ceux-ci étaient désormais l'objet du plus profond m é p r i s , et toute considération leur était enlevée de la part de leurs frères. L o r s q u ' u n des partis, vaincu ou épuisé, désirait conclure la paix, il le faisait connaître à son adversaire p a r l'intermédiaire d ' u n e fraction n e u t r e à laquelle il offrait des debiha (sacrifice de m o u t o n s ) . Cette oernière intervenait alors et proposait des a r r a n g e m e n t s . Si les offres étaient acceptées, il était procédé au décompte des dias à r a p p e l e r et au paiement des a r r i é r é s . Parfois aussi, des p e r s o n n a g e s influents et jouissant du respect général s'immisçaient entre les combattants p o u r rétablir Yaman. T r è s souvent leur parole était écoutée et l'accord se faisait sous leurs auspices. Les causes qui provoquaient ces querelles étaient plus diverses : m a n q u e m e n t a u x obligations du mezrag, tata, m e u r t r e , rapt, contestations de terrains, refus de tituer le produit d ' u n vol découvert, néfras s u r les souqs, des du resetc. P o u r les m ê m e s raisons, d'ailleurs, la g u e r r e p o u r r a s'allumer e n t r e tribus différentes. U n e femme est-elle enlevée p a r un h o m m e de la tribu voisine, quatre ou cinq k e b a r s vont trouver la djemâa de la fraction du ravisseur, et d e m a n dent la restitution de la femme, lin cas de refus, le m e z r a g est officiellement r o m p u entre eux et la g u e r r e déclarée. U n e tribu essaie-t-elle de déplacer ses limites au détriment d ' u n e autre, les hostilités éclateront si la p r e m i è r e persiste dans sa mauvaise foi. - 4 8 - L o r s q u e l'état de g u e r r e est décidé, la djemâa le fait connaître sur les souqs et c o m m u n i q u e r dans l'intérieur de la tribu. T o u s les notables se réunissent et il est procédé à la nomination des imgharen, ou chefs de g u e r r e , qui donneront des o r d r e s pour le rassemblement et l'organisation des effectifs, l ' a p p r o v i s i o n n e m e n t en a r m e s , munitions et chevaux. Sur la proposition des chioukii, qui indiquent le degré de fortune de l e u r s frères, chacun est taxé suivant ses r e s sources et se voit imposer, sous peine d ' a m e n d e , l'achat d ' u n fusil, d ' u n e m o n t u r e ou de cartouches ; les r a n c u n e s particulières sont a b a n d o n n é e s d a n s l'intérêt générai, et tous les h o m m e s valides deviennent des d é f e n s e u r s . En général, le choc des d e u x g r o u p e s e n n e m i s ne sera pas b r u s q u é , et des r e q q a s sont envoyés pour avertir le parti opposé de la date à laquelle c o m m e n c e r o n t ies hostilités. C e s cavaliers sont toujours respectés, et il leur est accordé un délai suffisant p o u r se retirer a p r è s l'accomplissement de leur mission. La lutte a u r a lieu partout, sans distinction de lieu ni d ' é p o q u e , s u r les territoires des tribus belligérantes c o m m e en terrain n e u t r e . Tout point de rencontre est un lieu de bataille, on fait évacuer vers l ' a r r i è r e les femmes, les enfants et les t r o u p e a u x . Ce sont alors d ' â p r e s luttes à la faveur desquelles les vengeances et les haines seront satisfaites, des crimes de toutes sortes se c o m m e t t r o n t . En principe, aucune trêve n ' e s t accordée, chacun cherchant l'écrasement complet de son a d v e r s a i r e . C e p e n d a n t une suspension des hostilités sera parfois consentie, d ' u n accord mutuel, pendant d e u x ou trois lunes, soit à l'époque des moissons, soit à celle des l a b o u r s . P o u r a u g m e n t e r leurs chances de succès, les g r o u p e ments en lutte se p r o c u r e r o n t des alliés parmi les tribus amies. Il se forme ainsi des ligues temporaires, ou leffs, basées s u r des raisons d'intérêt ou fondées s u r des traditions a n c i e n n e s . L o r s q u ' u n e fraction engagée désire contracter u n e alliance, elle e n v e r r a les plus anciens de sa djemâa trouver la fraction recherchée, à laquelle des debihas seront offertes. Si les propositions sont acceptées, un b u r n o u s est remis aux délégués qui l ' e m p o r t e n t en gage de l'alliance conclue. La m ê m e cérémonie r e c o m m e n c e d a n s toutes les tribus dont on sollicite le c o n c o u r s . Puis une assemblée générale des v — 49 —• notables a lieu ; des imgharen sont n o m m é s p o u r diriger l'ensemble des opérations, le plus ancien reçoit en dépôt tous les b u r n o u s remis p a r les tribus e n t r é e s d a n s le réseau d'alliances. L ' h o n n e u r de chacune d'elles est ainsi engagé, et u n e trahison individuelle entraîne la flétrissure s u r toute la fraction. La dhifa habituelle clôture la réunion, et rendezvous est d o n n é à la date choisie p o u r le c o m m e n c e m e n t des opérations. Si la g u e r r e a lieu e n t r e Z e m m o u r et u n e confédération é t r a n g è r e , Beni H a s s e n p a r e x e m p l e , alors viendront s'ajouter les haines de g r o u p e m e n t à g r o u p e m e n t , et la lutte a u r a de suite un caractère plus aigu et plus a c h a r n é . L ' e n vahisseur c h e r c h e r a à brûler les tentes de l'ennemi, piller ses d o u a r s , enlever ses t r o u p e a u x , et à écraser entièrement son adversaire ou tout au moins l'obliger à fuir pendant plusieurs a n n é e s . Il s'installera aussitôt s u r le terrain évacué, qu'il r e v e n d i q u e r a p a r la suite c o m m e lui a p p a r t e nant p a r droit de conquête. Il n ' y a u r a ni trêve ni terrain neutre. Les femmes elles-mêmes interviennent d a n s la lutte, portant les munitions, soignant les blessés, et, p o u r exciter l ' a r d e u r des combattants, de vieilles femmes n u e s circulent parfois d a n s la mêlée, agitant des d r a p e a u x et portant des pots de h e n n é dont elles aspergent les fuyards. Les m o r t s de l ' e n n e m i sont toujours a b a n d o n n é s sur place, s a n s sépulture ; p a r contre, on met un point d ' h o n n e u r à e m p o r t e r les siens. Les é t r a n g e r s qui, p a r le concours des circonstances, se trouvent m o m e n t a n é m e n t dans les tribus en lutte, ne sont jamais inquiétés s'ils conservent une neutralité absolue. Si l'un d ' e u x était tué p a r hasard, u n e dia serait offerte i m m é diatement ; d'ailleurs, celui sous le mezrag duquel cet é t r a n g e r a p é n é t r é d a n s le pays a s s u r e r a sa protection et r é p o n d r a de sa sécurité ; il porte le n o m de zettat et la r e d e vance qui lui est p a y é e est la zettaia. Le parti qui, le p r e m i e r , désire d e m a n d e r l ' a m a n t r a n s mettra sa d e m a n d e p a r l'intermédiaire d ' u n e tribu é t r a n g è r e au conflit, ou fera intervenir un p e r s o n n a g e religieux. Les prises faites au c o u r s des combats ne reviennent pas à la c o m m u n a u t é , mais sont la propriété de l'individu ou du g r o u p e qui les a faites. Enfin, il reste à envisager la levée en m a s s e p o u r la g u e r r e sainte. Mais il faut mettre les c h o s e s au point en — 5o — ajoutant de suite que les Z e m m o u r , assez indifférents en matière religieuse, ont vu plutôt en n o u s , p a r e x e m p l e , les e n n e m i s de leur indépendance que de leur religion. L o r s q u ' e n i y i i , ils combattirent contre nos troupes, à Kenitra, à Lalla Ito, puis chez e u x , ils luttèrent m o i n s contre le « r o u m i » que contre l'envahisseur qui menaçait leur territoire. Il ne pouvait en être a u t r e m e n t de la part de gens j u s q u ' a l o r s réfractaires à toute autorité, et dont le Sultan lui-même évitait soigneusement ie p a y s . Aussi, rien n etait-h prévu pour le cas de la levée en m a s s e . Aucun trésor de g u e r r e , aucune r é s e r v e d ' a r g e n t et d ' a r m e m e n t n'existent. Le m o m e n t venu, on fait appel aux contributions volontaires en invoquant les facteurs d ' o r d r e moral et religieux. Les contingents disponibles se r é u n i r o n t au grand complet sous la voix des chefs les plus écoutés ou des chérits les plus influents, et si l'insuccès répond aux efforts et aux sacrifices, les m e n e u r s , toujours mis h o r s de cause, ne seront p o u r ainsi dire jamais atteints. 10" LA RELIGION (Tulbas. — Ecoles coraniques. Chorja. — Marabouts. — Confréries. — Zaouias. Rôle des personnages religieux. — Pratiques religieuses. -•Mosquées. Influence de l'Islam.) L ' e n s e i g n e m e n t coranique est très peu r é p a n d u chez les Z e m m o u r . La raison principale en est certainement l'indifférence et l'ignorance complètes des populations, et aussi, il faut bien le reconnaître, le m é p r i s manifeste qu'elles ont p o u r les gens d ' é t u d e . C e s d e r n i e r s sont considérés p a r c e u x - m ê m e s qui les emploient c o m m e un élément sans valeur utile, incapable de fournir des cavaliers un jour de r a n d o n n é e , craignant les fatigues et les risques de la g u e r r e . Aussi n ' y a-t-il pas de véritables lettrés dans le pays, et les fqihs et tolbas ne possèdent q u ' u n e instruction des plus r u d i m e n t a i r e s . La science, la réputation q u ' o n leur prête parfois, reposent surtout sur la profonde ignorance générale. Il y a quatre à cinq écoles (djamâa) par tribu ; mais, p a r école, c o m p r e n o n s une misérable tente, placée au centre du douar et servant en m ê m e temps d'habitation pour le fqih et d'asile p o u r les hôtes de passage. Lx3 tolbas qui les dirigent sont p r e s q u e tous des étr..ngers à la confédération, et originaires des D o u k k a l a ou des Beni H a s s e n . Ils a p p r e n n e n t aux jeunes enfants les p r e m i e r s éléments de la lecture et de l'écriture, et les initient aux principes de la religion. Bn réalité, ils ont e x t r ê m e m e n t peu d'influence, et pas la m o i n d r e considération. D'ailleurs, les enfants sont envoyés à la garde des t r o u p e a u x dès que leur âge le p e r m e t , et il est bien r a r e qu'ils fréquentent l'école plus d ' u n e saison ou d e u x . Les tolbas forment entre eux une sorte d'association, sous la direction d ' u n m o q a d dem ,- une fois l'an ils se réunissent et organisent entre eux u n e petite fête. Les dépenses afférentes à l'école (réparation de la tente, achat de nattes, tapis, etc.) sont s u p p o r t é e s au moyen des bénéfices p r o v e n a n t de la location de certaines terres a p p a r tenant aux djemâas. Les fqihs ou tolbas sont rétribués p a r les d o n s volontaires des gens des d o u a r s qui contribuent suivant leurs m o y e n s à les payer, soit en argent, soit en n a t u r e . T o u t e autre est la considération a p p o r t é e aux chorfa. De tout temps, les Z e m m o u r furent visités p a r des chorfa d ' O u e z z a n qui habitaient quelque t e m p s d a n s chaque tribu successivement. A cette occasion, les tentes étaient rassemblées formant d ' i m m e n s e s cercles autour du c a m p e m e n t du chérif. On se livrait à des fantasias en son h o n n e u r , la p o u d r e parlait pendant plusieurs jours ; on lui offrait des ziaras, toujours librement consenties ; on honorait en lui un rang sacré, on avait foi d a n s sa bénédiction p o u r la fertilisation de la terre, la prospérité des t r o u p e a u x et la guérison des m a u x divers. Son passage était considéré c o m m e un bienfait pour la c o m m u n a u t é et sa parole très écoutée. Les chorfa intervenaient parfois dans les questions de dia, restées j u s q u ' a l o r s insolubles, p o u r a m e n e r les adversaires à composition, et fixaient e u x - m ê m e s le montant de la dia à p a y e r . Ils réconciliaient souvent des partis e n n e m i s qui s'entredéchiraient depuis plusieurs a n n é e s . L e u r intervention h e u r e u s e ramenait le calme et la paix. L e u r s jugements et leurs décisions étaient r a r e m e n t discutés et il est h o r s de doute que leur influence sur ces populations primitives et brutales était salutaire et bienfaisante. Les chorfa descendent du P r o p h è t e p a r sa fille Fatma, mais beaucoup parmi eux n ' o n t aucune filiation, bien que se réclamant de cette qualité. Parfois des tribus entières se p r é tendent issues de Moulay Idriss. C'est ainsi que, uans l'An- — 5 2 — nexe de Khemisset, les Ait Yaddine, les Ait Sibeur, les Ait El Madjoub, les Ait Khaled et les Ait Ben H a m a d i puisent dant cette origine la considération et le respect qui les e n t o u r e n t . En réalité, ils ont souvent e m p r u n t é le caractère religieux de celui qui les a évangélisés. Il y a lieu de distinguer entre le chérit et le marabout dont les tombeaux sont l'objet de vénération à un titre p r e s q u e égal. Le p r e m i e r a une signification exclusivement religieuse, appartient à la secte Idrissiste ou Alaouite. Le second a un sens plus général et ce titre lui a été acquis a p r è s sa mort, p a r sa réputation de sainteté, ses vertus, sa sagesse. Q u e l quefois aussi la folie, l'imbécilité conduisent à la réputation m a r a b o u t i q u e et sont h o n o r é e s c o m m e aes é m a n a t i o n s de la divinité. Les femmes elles-mêmes peuvent p r é t e n d r e à la sainteté et devenir des oualias dont le tombeau sera visité par les fidèles. C e s tombeaux se rencontrent un peu partout dans la c a m p a g n e marocaine, a u p r è s d ' u n arbre, d ' u n e source, d ' u n puits et on peut juger de leur fréquentation par le n o m b r e des petits fanions blancs accrochés en ex-voto, i.es uns sont e n t o u r é s d ' u n e modeste m u r e t t e en pierres sèches, disposée de m a n i è r e à former u n e enceinte circulaire à ciel ouvert : c'est le haouch. D ' a u t r e s sont r e n f e r m é s dans des édifices plus s o m p t u e u x , affectant u n e forme c a r r é e , et dont la partie s u p é r i e u r e est formée p a r une coupole r o n d e ou ogivale : c'est la qoubba classique, blanchie à la c h a u x , point de r e p è r e précieux p o u r le voyageur é g a r é . Parfois enfin, à côté de la qoubba viendront s'édifier une école, u n e maison d'asile, une m o s q u é e et l'habitation du chef religieux. L ' e n s e m b l e de ces constructions porte le n o m de zaouia. La zaouia est un lieu de refuge p o u r le fidèle qui vient y prier et v i v r ' quelque temps d a n s la paix et l'isolement, p o u r le voyageur qui y passera la nuit sans avoir à craindre les voleurs et les c o u p e u r s de route, p o u r le p a u v r e qui est toujours certain d'y trouver l'hospitalité, p o u r le réfugié, enfin, qui m o m e n t a n é m e n t é c h a p p e r a à l'étreinte de ses ennemis. La zaouia s'érige ainsi en tribunal de paix et de concorde, et bien souvent des différends s'y régleront, des adversaires s'y réconcilieront, des animosités s'y apaiseront. Elle constitue un terrain n e u t r e où les poursuites s'arrêtent, où la vengeance ne peut s ' e x e r c e r , où le criminel c o m m e l ' h o m m e de bien trouvent un abri égal. C o m m a n d é e p a r un p e r s o n n a g e généralement descendant du chérif, dont il se — 53 - réclame, elle est administrée par un m o q a d d e m , qui réunit les offrandes et les ziaras a p p o r t é e s p a r les visiteurs et les pèlerins, dont l'ensemble constitue les ressources de la zaouia. Naturellement la personnalité morale et la réputation du m o q a d d e m a une très g r a n d e importance p o u r la prospérité de l'institution. Il existait d a n s la région quentées autrefois : z e m m o u r trois zaouia fré- A. — Celle de Qabliyn, c o m m a n d é e p a r Moulay M ' H a m m e d ould Moulay Ahmed avec Mouloud ould H a s s o u t c o m m e m o q a d d e m . Affiliée à la confrérie des Kettaniyin, elle subsiste encore aujourd'hui, mais a beaucoup perdu de son influence. B. — Celle des Ait Ouribel, c o m m a n d é e par Sidi M o h a m e d Ben El H a d j , a été détruite par n o u s en 1 9 1 1 , son chef s'étant enfui en dissidence à l'arrivée des t r o u p e s françaises ; se rattache à la confrérie des D e r q a o u a . C. — Celle des Ait Sibeur, c o m m a n d é e par Sidi Dahat avec M ' B a r e k comme m o q a d d e m . D'affiliation kertanite, elle est en ruines a u j o u r d ' h u i . Son chef est toujours en dissidence. La seconde était certainement la plus florissante et la plus fréquentée. Leur zone d'action était cependant assez restreinte et leur influence L,:alisée p a r suite de la concurrence et de la jalousie des zaouias voisines et aussi de l'action des caïds du M a k h z e n . Ls indigènes du pays seuls les visitaient, y demeuraient quelque temps pour faire leurs dévotions, assistaient à la prière dite en c o m m u n le vendredi. C e u x qui se faisaient r e m a r q u e r par leur piété, leur zèle surérogatoire, recevaient du moqaddem l'appellation de faqir (pluriel .- foqqara), et étaient généralement affiliés à une confrérie religieuse. Des confréries se sont en effet créées sous la direction de saints personnages, recrutant des adeptes un peu partout qu'elles envoyaient ensuite dans les tribus les plus éloignées du pays siba exalter la foi et réagir contre la froideur religieuse. Elles constituent de formidables organisations, disposant de ressources et de m o y e n s p r o p r e s , et e x e r ç a n t parfois une puissance considérable que le Sultan a cherché en vain à combattre plusieurs fois. — 54 — T r è s n o m b r e u s e s (certains d o n n e n t le chiffre de 42), elles m a n q u e n t certainement de cohésion entre elles et rivalisent d'influence. Elles ont cependant des principes comm u n s excellents : la recherche du bien et de la justice, l'observance des principes coraniques et des devoirs des musulm a n s . C e r t a i n e s de ces confréries sont r e p r é s e n t é e s chez les Z e m m o u r , en particulier : Les Touhamiyin ( 1 ) . dont le fondateur fut Moulay T h a m i , e n t e r r é à O u e z z a n . Cette confrérie, qui se rattache directement aux chorfa d ' O u e z z a n , est certainement la plus puissante et la mieux organisée. Elle compte de n o m b r e u x adeptes d a n s les tribus Beni A h m e u r . Ses foqara jouissent d ' u n e g r a n d e réputation de sagesse parmi leurs contribules, et passent la plus g r a n d e partie de leurs journées en p r i è r e s . ; Un o r d r e simila re est les T'albiyin (2), dont la doctrine fut prêchée par le frère de Moulay T h a m i : Moulay T ' a ï e b , mais il ne compte pas de représentant dans le p a y s . Les Tidjanivin (.-;), fondés par Si Ahmed Tidjani, e n t e r r é à Fez ; o r d r e tranquille, se b o r n a n t à la récitation des prières. Les Kettaniyin (4), fondateur Sidi M o h a m m e d Kettani, dont le tombeau est à Eez orôn;?nt surtout l'assistance mutuelle. Les Derqaoua (5), fondateur Moulay El Arbi, e n t e r r é chez les Djebala : o r d r e affect.nt de m é o r i s e r les richesses. Ses adeptes s'habillent de vêtements sordides, se coiffent d ' u n e rezza verte, laissant croître cheveux et barbe, et se nourrissent de farine d ' o r g e . Si ceux du pays paraissent assez indifférents à ces pratiques, il n ' e n est pas de m ê m e des (1) Sur les Chorfa d'Oua7?cn, Touhamiyin et T'aihiyin, cf. Depont et Coppolani. Les Confréries religieuses musulmanes, p. 484 et suiv. E. Michaux Bellaire, La Maison d'Ouazzen, in Reçue du Monde Musulman, T. V, p. 23 et suiv. (2) Sur les T'aibiyin, cf. de Neveu, Les Khouan, 3' édit., Alger, 1913, p. 29 et suiv. <3) Sur les Tidjanivin du Maroc, cf. Rinn, Marabouts et Khouans, pp. 416 et suiv. : Depont et Coppolani, Les Confréries religieuses musulmam:s, pp. 439 et suiv. ; Montet, Les Confréries religieuses de l'Islam marocain, pp. 14 et suiv. (4) Sur les Kiltaniyin, cf. Reçue du Monde Musulman, I . V, p. 403 et stiiv (5) Sur les Derqaoua. cf. Rinn. op. cit., p. 108 et suiv. ; Depont et Coppolani, oO. cit.. p. 503 et suiv. ; Montet, op. cit., p. 16 et suiv. ; de Neveu, p. I 15 et suiv. — 55 — adeptes é t r a n g e r s , qui viennent parfois visiter la région. Ce sont des fanatiques, e r r a n t de par les routes, a p p u y é s s u r de longs bâtons, mendiant leur n o u r r i t u r e et se livrant sans cesse à des imprécations contre les impies. Les Naceriyin ( i ) , fondateur Sidi Ahmed e n t e r r é dans l'oued Dra ; peu r é p a n d u . ben Nacer, Les Qadriyin ( J ) , fondateur Sidi Moulay Abd el Q a d e r Djilali, mort et e n t e r r é à Baghdad ; comptent peu de fidèles, constitueraient plutôt un o r d r e violent et intransigeant. Les prières sont récitées b r u y a m m e n t avec de n o m b r e u s e s démonstrations e x t é r i e u r e s . L e u r s adeptes, au c o u r s de leurs exaltations religieuses, se percent les joues, les bras, les jambes avec de longues aiguilles ou des lames de couteau, et se livrent à toutes sortes d'exercices relevant plutôt du domaine de l ' h y p n o s e . Les quatre p r e m i è r e s confréries sont certainement celles qui ont réuni le plus d ' a d h é r e n t s d a n s les tribus z e m m o u r ; les deux dernières, bien que connues, n ' e n comptent q u ' u n n o m b r e infime. Fn réalité, les Z e m m o u r sont toujours restés insensibles à toutes ces influences, et si quelques-uns sont e n t r é s dans des confréries, ils en connaissent à peine la doctrine et s'en désintéressent. Ils sont restés Z e m m o u r avant tout, jaloux de toute emprise, m ê m e sous le couvert de la religion, p r e s q u e fiers de leur réputation de bandits et faisant le nécessaire d'ailleurs pour la c o n s e r v e r . Enfin, on trouve e n c o r e chez eux des r e p r é s e n t a n t s de certaines confréries, d ' u n degré bien inférieur, bien qu'elles soient peutêtre les plus r é p a n d u e s . Ainsi, les Aisanua (\), fondateur Sidi Mohamed ben Aïsa, e n t e r r é à M e k n è s . H o n n ê t e s fellahs en t e m p s ordinaire, ils se réunissent une fois l ' a n , à la fête du Mouloud, p o u r se r e n d r e au pèlerinage à M e k n è s et visiter le tombeau du cheikh de l ' o r d r e . C ' e s t alors qu'ils se livrent à toutes sortes de d é b o r d e m e n t s et d'exaltations fanatiques. Ils organisent (1) Sur les Naceriyin. cf. Rinn, op. cit., p. 277 et suiv. : Depont et Coppolani. op. cil., p. 467 et suiv. : Monlet, op. cit., p. 2 0 - 2 1 . (2) Sur les Qadriyin, cf. Rinn, op. cii., p. 173 et suiv. ; Depont et Coppolani, op. cit., p. 293 et suiv. ; Montet, op. cit., p. 4 8 - 4 9 ; de Neveu, Les Khouan, 3" édit., Alger, 1913, p. 21 et suiv. (3) Sur les Aïsaoua, cf. Rinn, op. cit., p. 349 et suiv. ; Depont et Coppolani, op. cit., p. 3 4 9 et suiv. : Montet, op. cit., p. 8 ët suiv. ; de Neveu, p. 55 et suiv. - 56 - des processions, ils dansent la hadkra, danse faite de m o u vements du corps lents et lascifs, puis rapides et convulsifs, p e n d a n t que la tête est secouée violemment en tous s e n s . Ils atteignent bientôt ainsi un degré d'excitation qui en fait de véritables fous furieux. Si, à ce moment, on leur jette un mouton vivant, p a r e x e m p l e , ils se précipitent dessus, I'égorgent avec les mains et les dents, et en dévorent toutes les parties, peau et laine c o m p r i s e s . C ' e s t d'ailleurs là un spectacle r é p u g n a n t car dans leurs yeux brillent des lueurs féroces, tandis q u e le sang coule s u r leurs figures et l e u r s vêtements. L o r s q u ' i l s traversent le bled pour se r e n d r e à leur lieu de pèlerinage, ils se font p r é c é d e r généralement de fifres et de sonnettes, avertissant ainsi les gens de leur passage. Il faut alors s ' e m p r e s s e r de faire évacuer les quelques a n i m a u x qui sont restés s u r leur route, car ils les saisissent et les e m p o r t e n t pour les sacrifices. A cet o r d r e se rattachent : les Hamadcha (i) (cheikh Sidi Ali ben H a m d o u c h du Z e r h o u n ) qui p r e n n e n t part aux démonstrations des Aïsaoua, se frappent la tête et se tailladent le corps de coups de hachette ; les Dghoughiyin ( J ) , qui lancent en l'air des boulets qu'ils se laissent ensuite r e t o m b e r sur le c r â n e . On trouve des r e p r é s e n t a n t s de ces sectes fanatiques chez les Kotbiyin, les Ait Ali ou I.ahssen et surtout les S e h o u l . Les cinq devoirs qui sont imposés à tout bon m u s u l m a n sont : le jeûne, la prière, l ' a u m ô n e , le pèlerinage, la g u e r r e sainte. Le jeûne n'est pas imposé aux jeunes gens n ' a y a n t pas encore atteint l'âge de p u b e r t é . Mais, en général, les Z e m m o u r observent peu ce précepte, et n o m b r e u x sont ceux qui s'en dispensent totalement ou qui, tout au moins, y apportent de sérieux t e m p é r a m e n t s . L ' a u m ô n e est certainement l'obligation la mieux acceptée, car elle s'accorde naturellement avec le t e m p é r a ment des indigènes. Un vieux p r o v e r b e dit : « La prière conduit à mi-distance du P a r a d i s , le jeûne m è n e j u s q u ' à la porte, seule l ' a u m ô n e la fait passer ». Aussi le M a k h z e n n ' a pas hésité, p o u r faciliter la rentrée de certains impôts, à leur d o n n e r un caractère religieux. D ' o ù la distinction e n t r e (1) Sur les Hamadcha, cf. Mont, \oc. cit., p. 12-13. (2) Sur bs Dglio.g'aiyin, cf. Montet, /oc. cit., p. 13. — 57 — les a u m ô n e s légales : zaka, et les offrandes faites librement p a r les fidèles et les dons g é n é r e u x aux p a u v r e s . Il n'est pas de fêtes, de réjouissances, où la part des m a l h e u r e u x ne soit mise de côté. Les Z e m m o u r ne faillissent jamais à cette obligation, et, s'ils donnent u n e a u m ô n e , ils la donnent généreusement, sans se soucier s'ils tendent une petite pièce de m o n n a i e ou u n e s o m m e plus i m p o r t a n t e . T r i e r leur argent d a n s le but de limiter leur a u m ô n e serait à leurs yeux p e r d r e tout le bénéfice de leur b o n n e action. E x t r ê m e m e n t hospitaliers, ils hébergent toujours le passant qui se présente à leur tente et se confie à eux sous la r u b r i q u e du dhif Allah (hôte de D i e u ) . Il est vrai que, le lendemain, ils ne se gêneront pas pour le dévaliser en cours de route s'ils le savent nanti d ' u n e quantité respectable de d o u r o s ; leurs scrupules s ' a r r ê t e n t avec la limite de leur circonscription. La plus g r a n d e ambition du m u s u l m a n est d'aller une fois au moins dans sa vie visiter les lieux sacrés de la M e c q u e . D a n s ce but, il économisera laborieusement l'argent nécessaire et, lorsqu'il reviendra parmi les siens, il p o u r r a faire p r é c é d e r son nom du titre de El Hadj (le p è l e r i n ) . Si le n o m b r e des Z e m m o u r n'est pas très élevé dans le contingent qui chaque année quitte le Maroc, c'est plutôt à cause de la pauvreté de la population que du m a n q u e de désir de leur part. I e u r n o m b r e oscille entre m et 15 par an. N o u s avons vu p r é c é d e m m e n t que la g u e r r e sainte n'est pas p r é v u e et que celle-ci a plutôt les allures d ' u n e lutte p o u r la défense de leur indépendance q u ' u n appel aux a r m e s contre l'ennemi de leur religion. D'ailleurs l'étroitesse et l'intolérance du dogme m u s u l m a n étaient incompatibles avec le caractère et les habitudes z e m m o u r . T r o p ignorants pour se livrer à l'étude de la langue et des principes coraniques, ils ne sont que très superficiellement islamisés et on retrouve chez e u x de nom breux débris de croyances primitives et de superstitions anciennes. Ainsi la peur des djenoun est restée profondément ancrée en leur esprit. Nul ne met en doute que le djinn, être mystérieux et malfaisant, rôde constamment dès la tombée de la nuit et menace les voyageurs. Il fréquente de préférence les endroits s o m b r e s , plantés d ' a r b r e s , ou les b o r d s des rivières dans lesquelles il entraîne ses victimes. Aussi, avant de t r a v e r s e r un oued, la nuit venue, il sera bon - 5« - de p r e n d r e ses précautions contre le mauvais génie, et il faudra répéter plusieurs fois : ••< Bism Allah ar-rahman ar Rahim » (au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux). Le djinn sera sans nul doute obligé de s'enfuir. De m ê m e , s'il p é n è t r e dans u n e tente, c'est p o u r prédire la m o r t de l'un des habitants. Il y a donc lieu de l ' e m p ê c h e r d'y entrer, et dans cette intention, on lui p r é p a r e à discrétion des plats de couscous, q u e l'on placera à la tombée de la nuit p r è s de la source ou du puits où il s'abrite dans la j o u r n é e . Le sel et le goudron sont également très r e c o m m a n d é s . Enfin, c o m m e toutes ces frayeurs sont cause d'insomnies fréquentes, il est bon de se m é n a g e r de t e m p s à autre une b o n n e nuit en s'aspergeant le corps d'eau salée avant de s ' e n d o r m i r . Le procédé est absolu, paraît-il! l e s djenoun, poussés p a r leurs mauvais instincts, cherchent parfois à détruire les meules de céréales, fruit du travail du p a u v r e fellah. On a u r a encore r e c o u r s au goudron et à l'eau salée, q u ' o n r é p a n d r a s u r les grains désormais protégés contre leur action. C o m m e on le voit, l'indigène est très superstitieux, et la peur des djenoun le hante sans cesse : mais il est bien possible que cette crainte, habilement entretenue chez les simples, soit mise à profit par q u e l q u e s - u n s . C ' e s t ce que me faisait c o m p r e n d r e l'un des p e r s o n n a g e s de la région, lorsqu'il me disait avec un fin sourire : •< Les djenoun... mais fous les Z e m m o u r en sont ». T o u j o u r s est-il que le Z e m m o u r en voyage e m p o r t e r a toujours deux choses : son fusil p o u r se défendre contre les mortels, une amulette, cousue dans un petit sac en cuir, pour conjurer le mauvais esprit contre lequel son courage ne peut r i e n . Il y a également certaines pratiques qui sont intéressantes à connaître : Y a-t-il une trop g r a n d e sécheresse et la récolte est-elle m e n a c é e ? Les gens du douar se réunissent, r e n v e r s e n t la tente école, puis vont c h e r c h e r une vache de robe noire qu'ils traînent p a r les oreilles et p r o m è n e n t autour des tentes. Ils frappent de leurs mains en criant : « Es Seboula Akhana, ghitini ta moulana » (l'épi a soif, ô mon Dieu, aidez-moi). C h a q u e fois que la procession passe devant une khima, le propriétaire de celle-ci jette le contenu d ' u n seau d'eau en l'air ; le liquide retombant s u r les gens simule la pluie désirée, qui dès lors ne saurait tarder à t o m b e r ! — 59 — Cette fois, les v œ u x sont exauces et la pluie tombe, mais tellement en abondance que les craintes renaissent dans le sens o p p o s é . Il y a lieu de l ' a r r ê t e r . D e u x m o y e n s se présentent p o u r cela : Les femmes emplissent d'eau un pilon à grains, qu'elles couvrent d ' u n e planchette et enfouissent à une légère p r o fondeur dans le sol ; s u r le tout est r a p p o r t é e une légère couche de terre sur laquelle un feu sera allumé. De cette façon on d e m a n d e que la pluie disparaisse c o m m e l'eau du pilon d e m e u r e cachée dans la t e r r e . Un second procédé consiste à planter en terre u n e aiguille longue, la pointe effilée en l'air. Mais il faut avoir soin d ' e m p l o y e r une aiguille ayant servi au préalable à coudre le linceul d ' u n m o r t . P o u r apaiser un o u r a g a n , on prend la crépine d ' u n mouton égorgé par l'Aïd el Kebir. et q u ' o n a soigneusement laissée sécher dans u n e tente. On la coupe en petits m o r c e a u x q u ' o n projette en l'air. Enfin, il y a les devins et devineresses (maouchia ou n'daka), qui lisent l'avenir dans la main, font des prédictions et indiquent les emplacements d'objets égarés, p e r d u s ou volés. On trouve également les maciciens et magiciennes pratiquant la demi-sorcellerie. Il v a lieu de r e m a r q u e r que ce sont surtout les femmes oui s ' a d o n n e n t à ces pratiques, et c'est elles que l'on va trouver dans les cas difficiles : r e p r e n d r e un mari qui se détache de vous, réchauffer l'ardeur de son a m o u r , asservir sa volonté à ses uésirs, etc. La magicienne n ' e s t jamais à bout de ressources et connaît une g r a n d e variété de r e m è d e s et de procédés m y s t é r i e u x . Ainsi, une femme stérile qui désire avoir des e n t a n t s pour ne pas être répudiée par son mari ira trouver u n e mqeddema. Celle-ci lui enduit les gencives et les dents de souak. lui met du khol aux y e u x et u n e application de henné aux pieds : puis elle se p r o c u r e un jeune coq noir, et, après avoir enlevé une partie des vêtements de la femme, p r o m è n e lentement l'animal sur toutes les parties de son corps sans exception. Le manège continuera j u s q u ' à la m o r t de la bête. P e n d a n t la cérémonie, qui a lieu de suite a p r è s le dohor, c'est-à-dire a p r è s le milieu de la journée, l ' o p é r é e doit se n o u r r i r d'aliments sans sel ; o r d i n a i r e m e n t la m o r t de l'animal se produit avant le coucher du soleil ; le coq, enve- — 6o — loppé d ' u n linceul, est enseveli d a n s une Fosse creusée à son intention, avec le m ê m e rite que s'il s'agissait d ' u n e personne h u m a i n e . La mqeddema assiste à l ' e n t e r r e m e n t . Il appert de toutes ces pratiques que le culte superstitieux et mystique des primitifs a survécu en dépit du dogme m u s u l m a n . D'ailleurs les Z e m m o u r n'hésitent pas à adapter la religion à leurs besoins et joindre le caractère pratique au côté idéaliste. Aussi, lorsqu'ils vont en pèlerinage à un m a r a bout vénéré, ils vont sans nul doute faire l e u r s dévotions, mais n'oublieront pas cependant que Moulay Yaqob guérit la syphilis, que Moulay Idriss est très r e c o m m a n d é p o u r les r h u m a t i s m e s et la stérilité, que Moulay bou Azza des Zaïan assure la fécondité des femmes. Si les tombeaux des saints locaux sont de leur part l'objet de démonstrations de piété, il n ' e n est pas moins vrai que le fidèle sera c o m m e p a r hasard un malade qui a une guérison à d e m a n d e r . T o u t en faisant ses prières, il immolera un mouton aux m â n e s du saint dont il implorera le secours, mouton qui, d ' a p r è s la coutume, doit être a b a n d o n n é sur place au bénéfice du p r e mier passant. II ne faut n é a n m o i n s pas nier l'influence très réelle des chorfa s u r les populations z e m m o u r , bien plus effective que ne l'a jamais été celle des Sultans. C ' e s t ainsi q u ' à la voix du chérif Moulay Taïbi, ces insoumis irréductibles se levèrent en masse p o u r aller défendre la cause du Makhzen contre les Ghiata, les Tsoul et H a y a ï n a . U n e h a r k a de cavaliers zemm o u r aida Moulay Abd el Aziz à combattre le p r é t e n d a n t Bou H a m a r a qui menaçait la capitale. Mais de pareils sentiments ne pouvaient d u r e r , et a p r è s deux ou trois mois d ' u n e a d h é sion inaccoutumée au pouvoir central, les Z e m m o u r décidèrent de r e n t r e r chez eux, e m p o r t a n t 4.000 fusils et de l'argent. L o r s q u ' i l s revinrent quelques mois plus tard s u r un nouvel appel du Makhzen, ils mirent littéralement la ville de Fez au pillage, saccagèrent les s o u q s de la capitale, dévalisèrent les négociants, dévastèrent les p r o p r i é t é s . P u i s , lorsque le Sultan se p r é p a r a à d o n n e r l ' o r d r e de départ à la mehalla, les Z e m m o u r , gorgés de butin, ne se sentirent aucune disposition pour engager de n o u v e a u x combats, plièrent leurs tentes un beau matin et regagnèrent leur p a y s . Inutile d'ajouter que le M a k h z e n , instruit par l'expérience, ne sollicita plus jamais leur intervention. En r é s u m é , les Z e m m o u r b e r b è r e s forment une p o p u lation e x t r ê m e m e n t fermée, orgueilleuse, vindicative, jalouse — a i de son indépendance et du respect de son territoire. Ils ne se sont pas plus soumis à l'autorité m a k h z é n i e n n e qu'ils ne se sont laissés d o m i n e r p a r l'absolutisme de la religion musulm a n e . T r o p insuffisamment arabisés, p o u r ainsi dire complètement illettrés, ils ne pouvaient, de p a r leurs origines et leur t e m p é r a m e n t , p r e n d r e q u ' u n e teinte très superficielle de l'islamisme. C'est pourquoi ils virent en nous bien plus l'ennemi de leur liberté et de leurs prérogatives que celui de leur religion, et la résistance qu'ils nous o p p o s è r e n t fut bien plus dirigée contre l'étranger que contre le roumi. Aussi est-il nécessaire de tenir compte, d a n s nos méthodes administratives, de leur race, de leurs coutumes locales et de leurs traditions anciennes. L'observance de ce principe, et leur i n a n férence en matière religieuse, sont certainement les meilleurs facteurs de notre réussite et les plus solides garanties de notre domination. CAPITAINE QUERl.EUX, Chef du Bureau des Renseignements de T if let. LE TALION ET LE PRIX DU SANG CHEZ LES BERBÈRES P R O G R E S Avant de tendre à la p r é s e r v a t i o n sociale, ou m ê m e à la moralisation du coupable, la répression n ' e s t à l'origine que la revanche prise p a r la victime de l'infraction ou p a r les siens. C h e z tous les peuples primitifs, la vendetta existe au profit de l'individu ou du clan offensé contre l ' a g r e s s e u r ou la collectivité dont il t'ait partie : le talion est la p r e m i è r e loi p é n a l e . A ce droit de vindicte privée, qui peut faire l'objet d ' u n e renonciation gratuite ou payée, vient se s u p e r p o s e r plus tard la vindicte publique, sur laquelle la société ne transige pas, et qui absorbe peu à peu, ou du moins discipline le droit de l'individu en lui interdisant de se faire justice lui-même ; la réparation aussi bien que la répression est alors a s s u r é e p a r l'Etat. Cette évolution c o m p o r t e de n o m b r e u x stades intermédiaires, c o r r e s p o n d a n t à des degrés plus ou m o i n s élevés d'organisation sociale. La vengeance privée et l'action publique coexistent d ' a b o r d en restant i n d é p e n d a n t e s ; mais à m e s u r e que celle-ci se développe, elle p r e n d s u r î o n aînée un ascendant de plus en plus considérable et l ' a m è n e progressivement à résigner e n t r e ses m a i n s un pouvoir dont elle fera un usage plus équitable et plus h u m a i n . La transition s ' o p è r e p a r le système de la composition. Le rétaliateur est maître d ' e x e r c e r sa vindicte ou d ' y renoncer, soit en p a r d o n n a n t au coupable, soit en acceptant de lui un d é d o m m a g e m e n t . L ' a b a n d o n de la vengeance, (I) La plupart des matériaux qui ont servi pour cette étude ont été puisés dans des rapports fournis à la Résidence Cénérale par les Officiers du Service des Renseignements sur les coutumes locales en matière de diya. - 6 3 — s u r t o u t lorsqu'il est acheté, c o m m e n c e p a r s o u l e v e r l a r é p r o bation ; puis les moeurs deviennent m o i n s fières en devenant moins farouches, et ce qui était l ' e x c e p t i o n h o n n i e est consacré c o m m e c o u t u m e a d m i s e . La compensation, débattue par les parties, est bientôt fixée par la c o u t u m e , qui fait loi, et dès qu'il existe un pouvoir assez fort p o u r l ' i m p o s e r , elle cesse d ' ê t r e facultative : dès lors le talion a vécu, et il n ' y a plus d'option ouverte au profit de la victime ou de ses a y a n t s cause, d é s o r m a i s forcés d'accepter la composition légale ( 1 ) . La p e i n e infligée au nom de la société, contre laquelle l ' a u teur de l'infraction a péché en y troublant l ' o r d r e , p r e n d le pas de plus en plus s u r cette r é p a r a t i o n de l'atteinte p o r t é e a u x intérêts particuliers de l'individu ou du clan. La juridiction qui p r o n o n c e la p r e m i è r e en vient à a p p r é c i e r le taux de la seconde, l ' o p p o r t u n i t é m ê m e de l ' a c c o r d e r , et d a n s le dernier état du droit la répression socialisée domine la vindicte privée au point que de la loi b a r b a r e du talion ne subsiste que ce résidu juridique : la faculté de r é c l a m e r des d o m m a g e s - i n t é r ê t s . L e s B e r b è r e s n ' o n t franchi que les p r e m i è r e s étapes de cette évolution du droit p é n a l . L o r s q u e la F r a n c e soumit la Kabylie, elle y trouva la vengeance privée (thamegueret, a r . reqba - litt. cou), exercée p a r la k h a r o u b a , et la vindicte publique, e x e r c é e p a r le village ; mais celle-ci n'existait que l o r s q u e l'infraction portait atteinte à l ' h o n n e u r ou à la sécurité générale, et elle n'avait p a s a b s o r b é le droit privé, (1) C'est le point auquel était arrivé le droit germanique lorsque furent codifiées les lois franques des Saliens et des Ripuaires, qui contiennent les tarifs des compositions (Wehrgeld) à payer pour le meurtre de toutes les catégories de personnes, car elles variaient suivant la condition sociale de la victime. D e s institutions parallèles ont été relevées en droit celtique, iranien, Scandinave. La loi romaine des X I I I ables montre l'évolution déjà achevée pour les délits publics, dont le meurtre, et plus ou moins avancée pour les délits prr.^s, où le droit de l'offensé prime encore celui de la société, mais où il n'a plus qu'en certains cas (libelle diffamatoire, rupture d'un membre, vol Haçjrant) le choix entre la vengeance et la composition, qu'il est forcé d'accepter dans les autres (fracture d'un os, coups et blessures, vol non flagrant, etc.). Cf. Girard, Manuel de Droit romain, pp. 3 9 0 sqq. Il est à noter que la diffamation est avec l'adultère l'un des cas où subsiste encore dans la loi française un droit privé de répression (Hanoteau et Letourneux, La Kabylie et les Coutumes kabvlcs. tome III. p. 106). - 6 4 - sauf d a n s des cas assez r a r e s . Le plus souvent elle s ' e x e r çait i n d é p e n d a m m e n t de ce droit, et parfois elle lui prêtait main forte. Le talion était la règle, et la composition n'était admise que dans quelques tribus plus arabisées du versant méridional du Djurdjura ( i ) . Cette admission est évidemment due à l'influence de la loi m u s u l m a n e , qui laisse le choix, en matière de m e u r t r e ou de blessures intentionnelles, entre l'exigence du talion (qiçàç) et l'acceptation du prix du sang (diva), et impose la diya en matière d'homicide ou de blessures involontaires. Le montant de la diya est fixé p a r la loi : il y a donc composition légale, tantôt facultative, tantôt obligatoire. U n e peine est p r o n o n c é e contre le m e u r t r i e r dont on a accepté le prix du sang : la société agit contre le coupable qui é c h a p p e au talion en rachetant sa vie. L o r s q u e la doctrine m u s u l m a n e lut importée en Afrique, elle r e n c o n t r a chez les B e r b è r e s une doctrine moins évoluée, tant au point de vue juridique q u ' a u point de vue dogmatique et politique ; et de m ê m e que le m o n o t h é i s m e rigide du P r o p h è t e dut incorporer les vieux cultes naturistes en leur i m p r i m a n t seulement une islamisation superficielle, de m ê m e que la constitution démocratique des cités (2) berbères résista à la théocratie des khalifes, de m ê m e le Chraâ islamique fut souvent réduit à c o m p o s e r avec les coutumes auxquelles ces populations indépendantes étaient fermement attachées. N é a n m o i n s le contact avec des institutions plus avancées eut p o u r effet de hâter à certains é g a r d s l'évolution de ï'azref b e r b è r e : c'est ainsi q u ' e n matière pénale le système primitif de la vengeance p u r e a fait place à celui de la composition facultative d a n s certaines tribus. L'option e n t r e la vengeance et l'acceptation du prix du sang est admise au M a r o c p a r la majorité des tribus b e r b è r e s du g r o u p e septentrional (3) : Ait Mgild, Ait N d h i r , Izayan, Ait T s e g h r o u c h e n , Ait Youssi, etc. C h e z les Igerouan, l'islamisation est e n c o r e plus complète, puisque le talion a été absolument supplanté p a r la diya d a n s le cas d'homicide ou (1) Hanotcau et Letourneux, op. cit., tome III, 3" section. (2) Nous prenons ici, bien entendu, le mot cité dans le sens du latin cioitas, non dans celui d'agglomération urbaine. (3) Sur le groupe du Sud-Ouest (Chleuh de l'Atlas de Marrakech, du Sous, etc), nous ne disposons pas d'indications nous permet- tant de nous prononcer. — fis — de blessures involontaires ( i ) . Il en Kabylie, dans quelques villages (2). était de m ê m e , en Mais les Imazighen du Sud-Est (Ait Atta du Reteb, Ait Izdeg, Ait Aissa, Ait M o r g h a d , Ait H a d d i d o u (3), les B e r a ber (Ait Yafelman, Ait Atta) (4), les Djebala du N o r d et les tribus non soumises de la région de l ' O u e r g h a (5) s'en tiennent encore, c o m m e la plupart des Kabyles (6), au vieux principe d ' a p r è s lequel la dette de sang ne peut se p a y e r que p a r le sang, et r é p r o u v e n t toute transaction pécuniaire (7). D ' a p r è s les p r e m i e r s , se faire p a y e r la diya serait « v e n d r e l ' â m e du mort » et l ' e x p o s e r à être t o u r m e n t é e éternellement d a n s l'autro m o n d e . Celui qui souscrirait à un pareil m a r c h é encourrait le m é p r i s public. Q u e la victime ait été tuée volontairement ou non, u n e tête vaut u n e tête. Les m o n t a g n a r d s , d ' a p r è s certaines indications, ne se contenteraient m ê m e p a s d ' u n e seule exécution et immoleraient, o u t r e le m e u r t r i e r , un ou d e u x de ses p a r e n t s (8). C e s représailles avec u s u r e , contraires à la c o u t u m e kabyle (9), et dont l'existence ne nous a p a s été attestée dans d ' a u t r e s tribus m a r o c a i n e s , sont s a n s doute le vestige (1) Rapport du Colonel Seal, Commandant la Région de Meknès. On a constaté également dans le territoire de Bou Denib que plus les Berbères se rapprochent des tribus arabes, plus le principe de la diya reprend de force. Ex. : Ait Bouchaouen et Beni Guil. (Rapport du Lieutenant-Colonel Bertrand, Commandant le Territoire de Bou Denib). (2) Llanoteau et Letourneux, III, p. 71. H) Nous devons la plupart des renseignements que nous donnons sur v-es populations à l'obligeance de VI. Nehlil, le distingué Directeur de l'Ecole Supérieure de Langue arabe et de Dialectes berbères de Rabat. (4) Lieutenant-Colonel Bertrand. (5) Rapports du Colonel Jouinot-Gambetta, Commandant la Région de Rabat, et du Chef de Bataillon Becker, Commandant le Cercle de l'Ouergha. (6) Hanoteau et Letourneux, III, p. 6 2 . (7) Certaines tribus, qui admettent la diya entre leurs membres, ne composent pas ou ne composent qu exceptionnellement avec les gens d'autres tribus : ainsi les Bouhassoussen (Izayan) avec les Arabes. Il semblait du reste impossible à un Arabe de venir tirer vengeance d'un meurtrier en pays zayan et réciproquement. (Rapport du Capitaine Mortier, Chef du Bureau des Renseignements de l'Annexe de Moulay Bou Azza.) (8) Chef de Bataillon Becker. (9) Hanoteau et Letourneux, III, p. 6 2 . — 66 — d ' u n âge plus b a r b a r e , où la vengeance ne connaissait pas de loi et n'avait d ' a u t r e frein q u e la force. En général, on ne dépasse p a s le talion, c'est-à-dire le châtiment m e s u r é à l'offense, et si n o u s n ' a v o n s pas relevé au Maroc, c o m m e en Kabylie, l ' e x i g e n c e précise d ' u n e équivalence r i g o u r e u s e de qualité entre la victime de la thamegret et celle de Vertal ( i ) , du m o i n s l'équivalence de quantité est-elle la règle o r d i n a i r e . La vengeance peut d'ailleurs s ' e x e r c e r , en principe, c o n t r e tout p a r e n t du m e u r t r i e r aussi bien que contre luim ê m e : en vertu de cette solidarité du clan qui est un trait c o m m u n à toutes les organisations sociales primitives, tous ies m e m b r e s de la famille (guulsa des B r a n è s , ri] des Z a ë r ) sont débiteurs au m ê m e titre du sang versé p a r 1 un d ' e u x . De m ê m e chacun des p a r e n t s de la victime a le droit d ' e x e r cer la v e n g e a n c e . En fait, cette responsabilité collective est souvent écartée, de sorte que la vengeance ne s ' e x e r c e pas c o n t r e les khuut (frères au sens large) du m e u r t r i e r . Ceux-ci obtiennent de la famille de la victime leur mise h o r s de cause m o y e n n a n t le paiement d ' u n e s o m m e appelée, suivant ies régions, fçàl (2) ou tcbriya (3). Cette t r a n s a c tion, que les c o u t u m e s kabyles e u s s e n t p r o b a b l e m e n t r é p r o u v é e (4), est en usage d a n s les tribus b e r b è r e s du (1) Hanoteau et Letourneux, III, p 6 4 . Les Kabyles appellent citai (prêt) l'homicide initial qui a donné naissance à la reqba. (lbid., 111, p. 6 3 ) . (2) Berbère du Sud-Est. (3) Izayan, région de b e z . — Les Izayan lappellent, sous une forme berbérisée, leblith. Avant de dégager complètement par ce moyen leur responsabilité, les parents du meurtrier peuvent obtenir de ceux du mort une trêve dite lehna, pendant laquelle ils peuvent rester dans la tribu sans être exposés à aucunes représailles. L observation rigoureuse de la trêve est garantie par Yah.mil, choisi parmi les parents de la victime. Cette trêve est ordinairement de dix jours, exceptionnellement d'u> mois, et peut être prorogée de deux mois en deux mois jusqu'à concurrence d'un an. A l'expiration de lehhna, les parents du meurtrier doivent suivre celui-ci dans sa fuite, ou payer la teblith si elle est acceptée par la famille de la victime. Nous empruntons ces détails à une étude très documentée de M. l'interprète-stagiaire Loubignac, du poste de Moulay Bou A z z , sur la diya chez les Iza\)an. (4) En Kabylie, en effet, la vengeance pouvait s'exercer contre tous les parents du meurtrier, et celui qui se rachetait à prix d'argent était méprisé de tous, et même parfois puni d'une amende. (Hanoteau et Letourneux, III, p. 61.) Sud-Est, d a n s celles de la région de Fez et chez les I z a y a n . D a n s la région de Fez, la tebriya est p a y é e p a r le frère ou le plus p r o c h e héritier du m e u r t r i e r ( i ) et fixée p a r la djemâa ; lorsque le m e u r t r i e r est inconnu, tous les m e m b r e s de la djemâa sont t e n u s de la p a y e r , à m o i n s qu'ils ne désignent le coupable (2). C h e z les B r a n è s (3), elle est versée p a r les p a r e n t s éloignés, et quelquefois aussi p a r les frères et les p r o c h e s p a r e n t s du m e u r t r i e r , qui reste alors seul soumis à la r e q b a . C h e z les B o u h a s s o u s s e n (Izayan), la tebriya est p a y é e p a r la famille et quelquefois m ê m e p a r la fraction ; on égorge un animal p o u r la faire a g r é e r des p a r e n t s de la victime. Le m o n t a n t en est fixé p a r la djemâa ; il varie suivant les relations a n t é r i e u r e s d e s d e u x familles, l'état de fortune des intéressés, l ' a n n é e b o n n e ou m a u v a i s e , et peut aller d ' u n qaleb de sucre à 200 r é a u x (4). La tebriya n ' e s t jamais r e m b o u r s é e . L e s Izayan l'imputent s u r la diya quand elle est ensuite acceptée ; les B r a n è s , au c o n t r a i r e , ne la font jamais e n t r e r en ligne de c o m p t e . Ainsi désolidarisés d'avec le m e u r t r i e r , ses « frères » échappent à la nécessité de le suivre d a n s sa fuite (5) ; car il quitte toujours le territoire de la fraction ou de la tribu p o u r c h e r c h e r au d e h o r s un asile plus s û r . Il y est m ê m e poussé souvent p a r ses p r o p r e s p a r e n t s ou sa djemâa. S'il ne s'éloignait, en effet, il serait e x p o s é à tomber sous les coups des p a r e n t s de sa victime, qui ont le droit de le tuer là où ils le r e n c o n t r e n t , sauf d a n s u n e zaouia, s u r un m a r c h é ou s u r la route qui y conduit, au c o u r s d ' u n e fête ou d ' u n m a r i a g e , d a n s la maison d ' u n tiers, ou en p r é sence d ' u n e femme ((>). C e s diverses restrictions découlent ( I ) Rapport du Capitaine de Blois, Chef du Service des Renseignements du poste d'Anoceur. Le plus proche héritier supporte-t-il seul cette charge ou toute la famille y centribue-t-elle ? Nous ne 01r1u.es pas en mesure de l'affirmer. (2) Ibidem. (3) Les renseignements que nous reproduisons sur les Branès sont tirés d'une intéressante monographie consacrée à cette tribu par M. l'Officier Interprète de l ' classe Trenga. (4) Capiuii'i Mortier. (5) A Merzaga (Zaër), où l'usage de la tebriya n'est pas signalé, le ril du meurtrier quitte avec lui le douar où il a commis son crime. (Rapport du Lieutenant Tailhadc, Chef du Bureau des Renseigner.ïen • ) (6) Trenga, op. cit. Sur la anâ'ia de la femme, cf. Hanoteau et Letourneux, III, p. 8 0 . Il est rare que l'on se venge sur une femme. r — 68 — toutes du mezrag 'anàia kabyle) ( i ) , de la protection accordée à l'hôte, au réfugié, à celui qui s'est placé sous l'égide d ' u n e p e r s o n n e ou qui se trouve d a n s un lieu inviolable. C ' e s t en considération de la m ê m e idée que le m e u r trier fugitif sera en sécurité dans la tribu, le village, le clan étranger qui lui aura d o n n é asile. S'il y était tué, il y aurait violation du mezrag, ce qui entraînerait de graves conséquences : le respect de cette s a u v e g a r d e est chose sacrée, et sa r u p t u r e , qui peut déchaîner la g u e r r e (2), fait naître un droit de vengeance au profit du protecteur o u t r a g é . Moins r i g o u r e u x que les Kabyles, les C h l e u h d ' A n o c e u r (3) et les Ait Mgild (4) permettent à l ' a u t e u r de cette violation de s'en libérer en versant au maître du m e z r a g qu'il a enfreint une indemnité dite 'dr (honte) (5). Mais il reste débiteur du sang e n v e r s la famille de l ' h o m m e qu'il a tué (0). C h e z les Izayan, le protecteur qui n ' a pu sauver son protégé parait agir p o u r le compte de la famille du mort en m ê m e temps que p o u r le sien p r o p r e : il doit tuer le violateur du m e z r a g ou l ' u n de ses p a r e n t s , ou se faire r e m e t t r e p a r eux 200 m o u t o n s et 50 d o u r o s qu'il partage avec les p a r e n t s de la victime. C ' e s t ce q u ' o n appelle « d i y a t - e l - a r ». D a n s l ' u n et l ' a u t r e cas, la dette, payée p a r le talion ou p a r la composition, est éteinte à l ' é g a r d de tous (7). linfin certaines tribus astreignent le maître du m e z r a g violé à p a y e r et les parents du meurtrier peuvent généralement venir, sans être inquiétés, au souq de la tribu, qu'elles ne quittent pas pour suivre leur famille. U n e sauvegarde temporaire peut parfois être accordée au meurtrier ou à l'un de ses parents, qui revient dans la tribu pour une affaire exigeant sa présence. 11 y séjourne alors sous la protection de 1 ameztidh (ar. I^asi) qui l'accompagne partout. 11 en est ainsi chez les Izayan (Loubignac) (1) V. Hanoteau et Letourneux, II, p. 61 et suiv., III, pp. 77 ss., 107 ss. (2) La horma de la tribu ou du groupe est, en effet, intéressée à ce que réparation soit obtenue, au besoin par les armes. (3) Capitaine de Blois. (4) Notes sur » La Société berbère >:, par l'Officier interprète stagiaire Condamine. (5) Sur le 'âr, cf. Doutté, En Tribu, pp. 252 ss. : Westermarck, L'âr, or tbe Transparence oj conditional curses in Morocco, dans les « Anthropological Essais presented to E. B. Tylor » (Oxford, 1907), pp. 361 ss. (6) Cf. Hanoteau et Letourneux, III, p. 8 1 . (7) Capitaine Mortier. - 6o - aux p a r e n t s de son protégé u n e indemnité (50 brebis chez les Igerouan) ( 1 ) . Le m e u r t r i e r réfugié d a n s u n e tribu voisine et protégé p a r le m e z r a g ne r i s q u e g u è r e de p a y e r de sa vie son forfait ; ses biens sont quelquefois saisis et cultivés p a r les créanciers du s a n g . Cette confiscation est en usage chez les Ait Mgild, les Z e m m o u r et les Z a ë r ; ceux-ci, qui solidarisent toujours avec le m e u r t r i e r ses p r o c h e s p a r e n t s (rif) et ne leur p e r m e t t e n t pas, semble-t-il. de se d é r o b e r à cette solidarité (2), font également main basse s u r leurs p r o priétés q u a n d ils ont fui leur d o u a r . Aucune trace ne subsiste d a n s l'orf des B r a n è s de l ' u s a g e de démolir la maison du m e u r t r i e r , qui se r e t r o u v e en Kabyl'e (3), ni du s é q u e s t r e de ses biens au profit de la famille de la victime. C e p e n d a n t , ces m e s u r e s ont pu y exister à l'origine, et c'est peut-être p o u r s'y soustraire q u e les p a r e n t s du m e u r t r i e r , qui vivent p r e s q u e toujours d a n s l'indivision avec lui, ont c o m m e n c é à d e m a n d e r leur mise h o r s de cause (4). Quoi qu'il en soit, le c o n c o u r s de l'indivision et de la tebriya rend impossible ou illusoire cette m a i n m i s e s u r les biens du débiteur du sang, et faute de pouvoir l'atteindre d a n s sa p e r s o n n e ni d a n s son patrimoine, les p a r e n t s de la victime se r é s o u d r o n t , l o r s q u e l'azref local ne le leur interdira pas, à p r ê t e r l'oreille a u x offres de composition qui leur seront faites de la p a r t de l'exilé d é s i r e u x de r e n t r e r d a n s sa fraction. C ' e s t habituellement a p r è s q u e la violence de leur r e s sentiment a eu le t e m p s de s'apaiser, c'est-à-dire au m o i n s un an a p r è s le crime, que les p o u r p a r l e r s sont e n t a m é s , g é n é r a l e m e n t p a r l ' e n t r e m i s e des m a r a b o u t s , des chorfa, des notables du d o u a r du m e u r t r i e r ou du d o u a r où il s'est réfugié (5). (1) Colonel Seal. (2) Cf. ci-dessus, p. 9. note 1. (3) Hanoteau et Letourneux, III, pp. 70, 109. (4) Trenga, op. laud. (5) Chez les Izayan, l'intermédiaire choisi pour entamer les pourparlers est un notable choisi parmi ceux de son douar et nommé akesouath. II reçoit du meurtrier un aâl°ib (arabe : taârqiba) ; c'est un nouvel exemple de la permutation de / et de r, cf. tcblith pour tebriya, p. 7 n° 3, comprenant en pénéral un taureau, un bélier, une brebis, de la farine et quelques cruches de beurre salé (oudi). L'n^esouath, accompagné de la grande djcmâa, se rend chez famille de la victime : on coupe le jarret du taureau (d'où le nom de taârgib), on égorge les autres bêtes et, pendant la diffa, le délégué du meur- — 7o — On égorge un animal ( i ) et les négociations comm e n c e n t . Elles sont souvent longues et laborieuses, c o m m e toutes les tractations en pays m u s u l m a n , et d'autant plus que les p a r e n t s du mort, m ê m e s'ils ne r é p u g n e n t p a s au fond à accepter le prix du sang, aiment à paraître céder à des instances pressantes, pour ne pas avoir l'air de tirer un profit pécuniaire du m e u r t r e de leur p a r e n t . Il y a là un reste de la vieille conception, non d é p o u r v u e de noblesse, qui attache u n e idée de d é s h o n n e u r au paiement du sang a u t r e m e n t q u e par le sang. Parfois c e p e n d a n t la c o u t u m e oblige la famille du mort, au bout d ' u n certain temps, à se contenter de la diya : la vengeance peut s ' e x e r c e r pendant un délai, passé lequel la composition ne peut plus être refusée. Il en est ainsi, au bout de deux ans au plus, chez les Ait Ndhir, et la diya est exclusive de toute autre peine (2). La diya est aussi obligatoire chez les Ait Mgild, lorsqu'il s'agit du m e u r t r e d ' u n e femme p a r son m a r i (3). L o r s q u ' o n s'est mis d'accord sur l'acceptation de la diya, la réconciliation s ' o p è r e avec un cérémonial particulier : chez les Izayan, le m e u r t r i e r et sa djemâa conduisent aux p a r e n t s de la victime une offrande expiatoire. Le sacrifice a lieu e n t r e les pieds du cheval du plus proche parent, ou à défaut en face de la grande corde située au milieu de la tente. En égorgeant l ' a n i m a l , le m e u r t r i e r sollicite son p a r d o n , puis il e m b r a s s e la tête du plus proche p a r e n t . Cette réconciliation a lieu tantôt a p r è s !e p r e m i e r versement, tantôt a p r è s le paiement intégral de la diya (4). C h e z les B r a n è s , le débiteur du sang est a m e n é par le chérif médiateur, les m a i n s liées liées d e r r i è r e le dos, à la maison de sa victime : le p è r e ou les frères du m o r t le délient, le m o n t a n t de la diya est compté par le chérif et remis à la famille, et le m e u r t r i e r racheté e m b r a s s e la tête des trier étend le pan de son burnous au-dessus du plat de couscouss en demandant à ses botes d'accepter la diva (I.oubipnac). (1) Cette coutume de sacrifier un animal à quelqu'un dont on veut obtenir quelque chose procède du 'âr. Cf. ci-dessus, p. 10, note 3. (2) Indications fournies par le caïd Akka Bouidmani et recueillies par le Capitaine Le Glay. (3) Condamine. op. cit. Cela s'explique vraisemblablement par 1 idée que la femme est en quelque sorte la propriété du mari, ou du moins au'il a sur elle droit de vie et de mort. En tous ras. la femme infidèle oeut être tuée impunément . (4) Loubignac. — 7i — p a r e n t s du défunt en signe d ' a m e n d e h o n o r a b l e . O u t r e le prix du sang, il doit fournir le bœuf du sacrifice, un tellis de blé moulu et un pot de b e u r r e ou d'huile qui serviront à l'apprêt du r e p a s de çolh ( i ) . Ailleurs il fournit un bovin, deux quintaux de semoule, vingt-cinq kilos de b e u r r e , sucre, thé et bougies (Beni Yznacen), et parfois paie les frais funéraires (Beni Mathar et Ouled Bakhti) (2). C h e z les Izayan, il doit verser des s o m m e s variables suivant ses ressources à tous les chefs de tente du d o u a r de la victime, p o u r qu'ils gardent le silence s u r son crime et évitent de le lui r e p r o cher (2 bis). Le m e u r t r i e r , et sa famille q u a n d elle l'avait suivi, r e n t r e n t alors dans leur d o u a r et r e p r e n n e n t possession de leurs biens. Le taux de la diya (3) est tantôt débattu de gré à gré (4), tantôt fixé p a r la djemâa (5) ou p a r des arbitres (6), tantôt déterminé p a r la coutume (7). 11 varie non seulement de tribu à tribu (s), mais parfois de clan à clan et m ê m e de d o u a r à d o u a r . Il diffère encore suivant que le m e u r t r i e r appartient ou non à la m ê m e fraction, à la m ê m e tribu que la victime (<)), suivant l'état des relations entre les deux (1) Trenga, op. cit. Le baiser sur la tête est signalé aussi à Mer7aga (Zaër). Comp. les rites du pardon chez les Kabyles, où il y a adoption du meurtrier par la famille de la victime (Hanoteau et Letourneux, III, pp. 68-69). (2) Rapports du Capitaine Grasset, du Cercle des Beni Yznacen, et du Capitaine Morbieu, du Cercle d'Oudjda. (2 bis) Loubignac. (3) V. à l'appendice, tableaux donnant les chiffres moyens de la diya dans les diverses tribus. (4) Slès, Fichtala. Zemmour. Tadla, Ait Mgild, et au Figuig entre Ksouriens et Nomades. (5) Ait Makhlouf, A ï t Fringo, Ait Tseghrouchen, Yzayan. (6) Aït Youssi Gheraba, Ait Halli (des Aït Youssi Djebala). (7) Aït Ndhir, igerouan, Chleuh de la région de Fez, Zaër. (8) On a remarqué que c'est chez les tribus les plus guerrières que la diya est le plus élevée. Cela tient au souci de restreindre le plus possible le nombre des attentats contre la vie des personnes, afin de conserver le plus grand nombre de combattants pour la défense de la tribu (Trenga). (9) L'extîanéité est tantôt un motif d'augmentation, tantôt de réduction. Chez les Ait Sidi Abdessclam, petite fraction de chorfa des Aït Ndhir, la diya est d'environ 100 réaux quand le meurtrier appartient g r o u p e s ( i ) , la condition (2) et la fortune les circonstances du m e u r t r e (3). des p e r s o n n e s , à la fraction ; lorsqu'il fait partie des fractions voisines des Ait Mgild, elle va jusqu'à 2 0 0 brebis. Chez les Igerouan, le meurtrier -qui appartient à une autre tribu paie une diya inférieure (Colonel Seal). Chez les Ait Tseghrouchcn d'Immouzer, la diya est : entre eux, de 12 taureaux estimés 12 douros l'un : entre eux et les gens du Kandar, de 250 douros (Capitaine de Blois). Les Ait Youssi Gheraba entre eux paient 300 douros, les Ait Halli entre eux jusqu'à 700 douros ; ils paient ;iux tribus voisines, en moyenne, 500 douros (Chef de Bataillon Grasset, Commandant le Cercle de Sefrou). Entre Ait Raho, la diya est de 450 à 6 5 0 réaux ; entre eux et les Ait At'ssa ou Lhacen, elle monte jusqu'à 1.050 réaux. Dans le groupe des Ait Raho, Hammara et Ait Chao, elle est de 6 0 0 réaux. Elle est de 50 à 60 moutons dans les rares cas où un arrangement intervient entre Izayan et Arabes (Capitaine Mortier). Cf. p. 6, note 1. A Oudjda. les Beni Oukil, qui paient entre eux 1.000 francs, ne paient aux tribus voisines que 750 francs, et les Zekara 2 5 0 (Capitaine Morbieu). Aux Beni Guil. dans la même fraction, la diya est de 500 douros ; entre deux fractions de la tribu, elle est de 8 0 0 douros ; entre Beni Guil et gens d e s tribus limitroDhes, elle monte à 1.000 douros (Chef de Bataillon Panel, Commandant le Cercle). (I) Aux Beni Yznaccn, pour le premier sang qui coule entre deux familles, la diya est généralement de 1.000 francs : s'il s'agit d'une vendetta et que le prix du sang du premier mort n'ait pas été payé, elle n'est plus que de moitié (Capitaine Grasset). Entre tribus différentes, quand il existe des relations suivies et amicales, le prix du sang est fixe, soit qu'il ait été arrêté par convention spéciale, comme entre Haouara, Sedjâa et Ahlaf (Capitaine Garbies. Chef de l'Annexe de Guercif) ou entre Oulad Naceur et Ait Aïssa ou Ait Tseghrouchcn (Capitaine Noël, Chef du Bureau des Renseignements du Poste de Bou Anan), ou entre Ait Raho, Hammara, Ait Chao (Capitaine Mortier), soit qu'on applique le tarif de la tribu de la victime, comme cela avait lieu entre Aït Yafelman, Ait Tseghrouchen et Ait Atta 'Beraber) lorsque la diva y était en usage (Capitaine Allemand. Chef du Service des Renseignements à Bou Denib). Lorsqu'il n'y a pas de relations, le montant de la diya est débattu de gré à gré et fait l'objet de marchandages parfois prolongés. Il en est ainsi entre les Haouara et les Chlcuh de l'Est marocain (Ghiata, Mtalsa, Beni Bou Yahhi. Beni Ouaraïn) et entre Ksouriens et Nomades du Eiguig (Capitaine Garbies, Chef de Bataillon Pariel). Lorsque les deux tribus sont en état d'hostilité (et cet état peut tenir précisément à l'existence de vendettas entre membres de l'une et de l'autre), le talion seul est la règle : chaque meurtre est payé d un meurtre. On a vu ainsi, en pavs zaër, jusqu'à 75 morts à la suite d un seul assassinat (Lieutenant Tailhade). Si de guerre lasse on songe à faire la paix ou à conclure une trêve, par exemple pour les — 7.3 — Le sexe de la influence : la diya celle d ' u n h o m m e , s'agit d ' u n e femme victime, mais non d ' u n e femme est le plus souvent de enceinte, les Ait son âge, a aussi une toujours m o i n d r e que moitié ( i ) . Lorsqu il N d h i r font p a y e r une moissons, on calcule le nombre de morts de chaque côte, et la tribu qui a tué le plus d hommes à l'autre lui paie le prix du sang de ceux qu'elle a tués en surplus, le reste se compensant. Ce mode de règlement, usité dans les tribus du Sud-Lst (Nehlil) et dans le Cercle d'Oudjda (Capitaine Morbieu) est aussi signalé comme existant à Merzaga (Lieutenant Tailhade). Ln ce cas, le montant de la diya est fixé d'avance conventionnellernent à tant par homme. (2) La diya d'un homme libre diffère de celle d'un esclave, celle d un Ksourien de celle d'un Nomade, celle d'un Juif de celle d'un Musulman. On n'accepterait par la diya dans le cas de meurtre d'un Musulman par un Juif et celui-ci serait tué (Capitaine Noël). (3) Aux Béni Y/naccn, la diya n'est que du tiers ou du quart lorsque la victime a été tuée près de la tente ou de la maison du meurtrier, où elle venait pour voler ou pour séduire une femme. C'est une application de la théorie de la légitime défense (Capitaine Grasset). Observons cependant que la légitime défense est, en droit français, une excuse légale dont l'admission soustrait le meurtrier à toute sanction. En général, un meurtre commis par vengeance, en même temps qu'il éteint la dette de sang, en fait naître une nouvelle a la charge du vengeur et de sa famille. M. Condamine signale une singulière exception chez les Ait Mgild où, d'après lui, le vengeur n est pas poursuivi par les parents de lassassin qu'il a tué. (I) Ait Mgild, Ait Ndhir, Igerouan, Zaër, Zemmour, Izayan, Tadla. De ce principe, les Izayan concluent que la vengeance est éteinte par la mort donnée à deux femmes de la famille du meurtrier, et que si l'on en a tué une, la moitié seulement de la diya reste exigible. Pour la même raison, la livraison d'une femme compte également chez eux pour moitié de la diya (Capitaine Mortier). Comp. en droit musulman, le témoignage de deux femmes celui d'un homme. — Chez les Ouerba, fraction des Branès, la diya de la femme est de 100 à 150 réaux et celle de l'homme de 2 0 0 . Elle est plus forte dans les autres fractions de la même tribu. Celle de l'homme l'est du reste également : les Taifa, par exemple, la fixent à 400 réaux (Trenga). Chez les Zaër, la diya de la femme est de moitié à Merzaga (Lieutenant Tailhade) ; à Nkheila. elle est fixée à 700 douros alors que celle de l'homme oscille entre 1.200 et 2 . 0 0 0 doiffos (Colonel Jouinot-Gambetta). Au Tadla. tandis que la diya d'un étranger est de 50 réaux, pour une étrangère rien n est fixé et l'on ne verse généralement rien (Lieutenant-Colonel Thouvenel, Commandant le Cercle du Tadla). — 74 — diya entière ( i ) ; les B o u h a s s o u s s e n (Izayan) exigent, outre la diya de la femme, celle de l'enfant, qui est toujours p r é s u m é mâle (2) ; les B e r a b e r déterminent le sexe du fœtus p a r autopsie et perçoivent, suivant le cas, le prix du sang d ' u n garçon ou d ' u n e fille ; les B r a n è s débattent e n t r e p c r ties la s o m m e à p a y e r p o u r la m è r e et l ' e n f a n t qu'elle o r fait d a n s son sein (;,). Au cas d ' a v o r t e m e n t , les Z a ë r de Nkheïla font p a y e r u n e diya de femme (700 douros) l o r s q u e l'enfant était du sexe masculin, et la moitié de cette s o m m e s'il était du sexe féminin (4). Chez les Izayan de Moulay Bou Azza, celui qui a p r o v o q u é l ' a v o r t e m e n t en causant u n e g r a n d e frayeur à la femme doit u n e diya ou u n e demi-diya, suivant le s e x e d e l'enfant ( 5 ) . L'homicide involontaire, sauf d a n s les q u e l q u e s tribus qui ont adopté intégralement s u r ce point la loi m u s u l m a n e (C>), fait naître c o m m e le m e u r t r e la dette de s a n g . D a n s la conception primitive, en effet, la mort d ' u n m e m b r e de la famille, qu'elle ait été voulue ou non, la lèse et la diminue pareillement, et le droit de représailles ne procède p a s à l'origine de l ' i d é e m o r a l e de culpabilité et de châtiment, mais de celle de perte à c o m p e n s e r p a r un affaiblissement égal de l ' a d v e r s a i r e . C e p e n d a n t , de m ê m e q u ' e n Kabylie on en était arrivé à c o n s i d é r e r que l'homicide involontaire pouva't sans d é s h o n n e u r être p a r d o n n é (7), au Maroc, la plupart des tribus qui admettent la diya l'acceptent plus aisément et en réduisent le m o n t a n t l o r s q u e la m o r t n ' a pas été d o n n é e à dessein ( s ) . Les Izayan semblent ne faire (1) Colonel Sral. (2) Capitaine Mortier. On fait quelquefois l'autopsie : plus souvent I o n se met d'accord sur une diya intermédiaire (Loubignac). (3) Trenga. (4) Colonel Joinnot-Gambetta. (5) Capitaine Mortier. (6) Cf. ci-dessus, p. 5. (7) Hanoteau et Letourneux, III, p. 6 8 . (8) Chez les SIès et Fichtala, l'arrangement est habituel et la diya est alors de 50 à 100 douros au lieu de 300 à 600 (Chef de Bataillon Becker). Lile est réduite considérablement chez les Igerouan, où elle est en outre obligatoirement acceptée (Colonel Seal, cf. ci-dessus, p. 5). F.lle est réduite de moitié ou des trois quarts chez les Zemmour, et diminuée chez les Zaër : dans l'Annexe de Nkheila, elle varie de 1.200 à 2 . 0 0 0 douros « suivant que l'homme a été tué accidentellement ou au cours d'une discussion » (Colonel Jouinot-Gam- de réduction qu'exceptionnellement ; mais si la victime est de g r a n d e famille, ses parents n'exigent généralement pas la tebriya des p a r e n t s du débiteur du sang ( i ) . Les B e r a b e r , qui répudient la diya en matière de m e u r t r e , l'admettent en matière d'homicide involontaire (2). Les Imazighen du SudEst r é p r o u v e n t la diya m ê m e en matière d'homicide involontaire. (3). Le talion ne doit g u è r e s ' e x e r c e r en matière de blessures, p o u r les m ê m e s raisons q u ' e n Kabylie (4) ; mais une blessure entraînant infirmité ou incapacité se paie p a r une demi-diya chez les Z a ë r et les Z e m m o u r (5) ; la perte d ' u n m e m b r e ou d ' u n œil vaut aussi u n e demi-diya chez les Izayan ,- si le blessé a été seulement défiguré, la djemâa fixe le d é d o m m a g e m e n t à lui p a y e r (6). C h e z les Igerouan, la perte d ' u n e main, d ' u n b r a s ou d ' u n e jambe d o n n e lieu au paiement d ' u n quart de diya, et la perte des deux mains, des deux bras ou des deux jambes au paiement d ' u n e demi diya (7). La perte d'un m e m b r e se solde p a r un quart de diya chez les Ait Ndhir, mais ils exigent une diya entière p o u r la perte des deux y e u x (8). C h e z les Izayan, le coupable s u p p o r t e , o u t r e la diya, les frais d'entretien du blessé j u s q u ' à sa guérison, fournit les victuailles qu'il offre à ses visiteurs p e n d a n t sa maladie, a s s u r e avec les siens l'exécution des t r a v a u x (labours, moissons, etc.) que le bessé est e m p ê c h é de faire. Si la blessure est sans conséquence, la djemâa réconcilie les parties en imposant au m e u r t r i e r le sacrifice d ' u n ou plusieurs anim a u x en p r é s e n c e de sa victime ( g ) . C ' e s t aussi la règle bettn). A Boujad (Tadla) la diva légale M . 0 0 0 douros) paraît s'appliquer plutôt au cas d'homicide involontaire, et au cas de meurtre les parties fixent à leur gré une somme qui peut être supérieure ou inférieure (Capitaine de Saint-Martin, Chef du Bureau des Renseignements de Boujad). (1) Capitaine Mortier. (2) Lieutenant-Colonel Bertrand. (3) Nehlil. (4) Hanoteau et Letourneux, III, p. 7 3 . (5) Colonel Jouinot-Gambetta. (6) Capitaine Mortier. (7) Indications recueillies au cours d'une mission à Meknès par M. Bruno, Contrôleur civil suppléant, chargé de conférence à l'Ecole Supérieure de Rabat. (8) Colonel Seal. (9) Cf. ci-dessus, p. 12, note I. - 7 6 - suivie p o u r réconcilier des individus dont l ' u n a désiré la mort de l'autre s a n s l'atteindre ( i ) . C h e z les B r a n è s , la victime a droit à u n e indemnité de 5 à _>o d o u r o s p o u r blessure légère, de 20 à 50 p o u r blessure plus g r a v e . lorsqu'il existe un В о й Larba. le m o q a d d e m fait v e r s e r au coupable c o m m e caution un ou p l u s i e u r s fusils qui lui sont r e n d u s s'il paie d a n s le délai fixé (un ou deux m a r c h é s , soit huit ou quinze jours) et qui, sinon, sont vendus p o u r d é s ' n t é r e s s e r la victime (2). La diya se paie r a r e m e n t en une seule fois. Les Izayan l'appellent alors « diya de d u r e t é » ou « diya d u r e ». G é n é r a l e m e n t elle se paie chez eux en deux (3), trois (4) ou q u a t r e (5) fois, à c h a q u e saison, suivant la décision de la djemâa ; la moitié ou le tiers est fourni en argent (6), le reste en b é t a l estimé par la djemâa (7). Les Igerouan paient moitié en espèces, moitié en n a t u r e . C h e z les Ait Ndhir, le paiement a lieu en espèces, en n a t u r e , ou moitié en espèces et moitié en n a t u r e ; l'offre d ' u n e femme équivaut à environ 100 геяих ( s ) . C e t t e c o u t u m e de livrer d e s femmes en paie m e n t de la diya se r e t r o u v e chez les Izayan : la r e m i s e d ' u n e femme c o m p t e chez les B o u h a s s o u s s e n p o u r moitié du prix du sang (()). Les Ait B o u m e z z o u g h exigent c o u r a m m e n t que la famille du m e u r t r i e r livre une femme qui plaît à l ' u n des p a r e n t s de la victime ( 1 0 ) . C h e z les C h l e u h de I'Kst (Beni bou Yahi, Mtalsa et G h i a t a ) , celui qui paie la diya d o n n e en s u s deux femmes ( I I ) . Au Tadla, le prix du sang peut consister en u n e pension alimentaire, en a n i m a u x , en récoltes, en immeubles, en or ou en argent, payable c o m p - (1) Capitaine Mortier. (2) Trenga. (3) Bouazzaouin. (4) Ait Raho, Ait Boukkeyyo. D'après Loubignac, c'est le mode de règlement habituel chez les Izayan. qui divisent l'année en trois saisons : celle des pluies, celle de la verdure, celle de la chaleur. (5) Hammara, Ait Chao. (6) Les Ait Boukkeyyo et Ait Chao paient la moitié, les autres tribus le tiers. (7) Capitaine Mortier. Il y a généralement surestimation du quart ou du cinquième (Loubignac). (8) Colonel Seal. (9) Cf. ci-dessus, p. 16, note 1. (10) Capitaine Mortier. (11) Capitaine Garbies. — 77 — tant ou à t e r m e ( 1 ) . D a n s le cercle de la Moulouya, elle se paie soit en grains et bestiaux, soit en argent (2). Aux B e n > guil, la diya, e x p r i m é e en argent (monnaie française), est p r e s q u e toujours convertie en c h a m e a u x et en m o u t o n s (3). C h e z les Z a ë r et les Z e m m o u r , il y a trois versements, au p r i n t e m p s , à l'été et à l ' a u t o m n e (4). Un tiers se paie en espèces, d e u x tiers en a n i m a u x : c'est ce q u ' o n appelle defâa. Les a n i m a u x sont surestimés au double ou au triple de leur valeur : ainsi, tout en m a i n t e n a n t un chiffre élevé qui satisfait Vamour-propre de la famille du mort, on évite de r u i n e r celle du m e u r t r i e r (5). Ses « frères » participent en effet au paiement, et ici reparaît la responsabilité collective : à Merzaga, le m e u r t r i e r n'est tenu personnellement que de la moitié, l ' a u t r e est acquittée p a r son rif (0) ; à Anoceur, les gens Ue sa fraction l'aident aussi et fournissent, sinon la moitié, au moins un tiers de la s o m m e . La djemâa perçoit du reste la m ê m e p r o portion s u r le p r i x du sang dû à un m e m b r e de la fraction (7). C h e z les Oulad Sidi Abdelhakem, Oulad Sidi Ali B o u Chenafa, Beni Mathar, Oulad Bakhti (Maroc Oriental), la diya se partage également e n t r e la djemâa et le plus p r o c h e p a r e n t mâle de la victime ( s ) . C h e z les Beni Guil, la djemâa perçoit un tiers et les p a r e n t s de la victime les deux tiers (y). A défaut de p a r e n t s , le p r i x du sang est touché p a r le douar (10). (1) Capitaine de Saint-Martin. (2) Capitaine Cancel, Commandant du Cercle. (3) Chef de Bataillon Pariel. (4) Dans l'Annexe d'Oulmès, un premier versement, appelé rechoua, a lieu sur-le-champ, indépendamment des trois autres qui s'échelonnent ensuite (Capitaine Sajous, Chef du Bureau d'Oulmès). (5) Colonel Jouinot-Gambetta. Le taux très élevé de la diya dans ces tribus en rend en effet le règlement très difficile. En fait, au lieu de 1.200 à 1.600 réaux, on ne vefse guère que 8 0 0 à 1.200 (Lieutenant 1 ailhade). Il n'existe pas, à l'heure actuelle, à Oulmès un seul indigène assez riche pour payer une diya, d'où des revendications qui traînent de longues années et qu'il est impossible de régler (Capitaine Sajous). (6) Cf. ci-dessus, p. 9, note I. (7) Capitaine de Blois. (8) Capitaine Morbieu. Chez les Izayan, le plus proche parent mâle de la victime remet à la veuve une part de la diya qu'il a perçue (Loubignac). (9) Chef de Bataillon Pariel. (10) Attesté pour Merzaga par le Lieutenant Tailhade. - 7 8 - L o r s q u e la victime et le m e u r t r i e r appartenaient à la m ê m e famille, il ne peut être question de responsabilité collective, car les m e m b r e s de la famille, également a p p a r e n t é s à la victime et au m e u r t r i e r , seraient à la fois créanciers et débiteurs du sang. Le m e u r t r i e r r é p o n d donc seul de son forfait. 11 est à p r é s u m e r qu'il peut être mis à mort ou se racheter. Au Tadla, la transaction a g é n é r a l e m e n t lieu en ce, cas p o u r une s o m m e intérieure à la diya légale ( i ) . A Mer¬ zaga, le fratricide ne paie la diya que si le i r è r e qu'il a tué avait des enfants mâles, qui toucheront le prix du sang, ou si la s œ u r qu'il a tuée était m a r i é e ; le mari touche alors deux tiers de la diya, l'autre tiers revenant aux p a r e n t s de la femme, « ce qui est la répartition habituelle p o u r les diya de femme » (2). Le paiement de la diya est constaté, chez les Igerouan, p a r acte dressé devant le cadi y; ; mais les tribus moins islamisées se contentent de témoins. A Merzaga, un notable est choisi p a r le m e u r t r i e r c o m m e caution du paiement en vue u éviter les contestations ultérieures (4). A Anoceur, ia caution, fournie p a r les gens qui ont reçu la diya, est appelée adouas et garantit leur renonciation à toute vengeance (5). Ce p e r s o n n a g e porte chez les Izayan le nom voisin de dououas ; il est choisi par le m e u r t r i e r p a r m i les p a r e n t s de la victime ou les gens r é p u t é s braves et honnêtes, et a p o u r mission de garantir l'exécution p a r les deux parties de la décision de la djemâa. C ' e s t lui qui reçoit le montant de la diya et le verse entre les mains des créanciers du sang, qui renoncent devant lui à la vengeance. 11 reçoit 10 r é a u x du m e u r t r i e r ((>). 11 doit e m p ê c h e r d a n s la suite toutes représailles ; car il pourrait arriver que, quoique ayant touché la diya, quelque p a r e n t du mort veuille tuer le m e u r t r i e r ou l'un des siens. Cette violation de la parole d o n n é e est punie d ' a m e n d e p a r certains q a n o u n s kabyles (7); (1) Lieutenant-Colonel Thouvenel. La jeune fille est puissance de ses agnats jusqu'à son mariage, et ensuite sous son époux. Son père et ses frères ont, comme plus tard son ci-dessus, p. 12, note 3), le droit de la tuer si elle manque neur. (2) Lieutenant Tailhade. (3) Colonel Seal. (4) Lieutenant Tailhade. (5) Capitaine de Blois. (6) Capitaine Mortier. (7) Hanoteau et Letourneux, III, p. 6 9 . sous la celle de mari (cf. à l'hon- — 79 — l'orf des B r a n è s prévoit le cas, un p e u différent, où le pri:: du sang a été versé en l'absence et sans l'aveu d ' u n parent de la victime. Si celui-ci tue ensuite le m e u r t r i e r ou l'un de ses p a r e n t s , on décide simplement que la diya doit être remboursée ( i ) . C h e z les Slès et les Hchtala, les débiteurs de la diya qui ne disposeraient p a s de la s o m m e nécessaire p o u r s'acquitter seraient, d ' a p r è s certains r e n s e i g n e m e n t s , e m p r i s o n n é s j u s q u ' à leur m o r t . On cite c o m m e exemple deux individus qui seraient m o r t s en prison sous le règne de Moulay Abdelaziz ; mais on ajoute qu'ils y avaient été mis parce que la diya avait été refusée (2). Le fait paraît étrange, car si la composition n ' e s t p a s acceptée, c'est n o r m a l e m e n t la vengeance qui doit s ' e x e r c e r , et, d ' a u t r e p a r t , u n e incarcération, m ê m e p o u r insolvabilité, s u r p r e n d en p a y s berbère, où les peines privatives de liberté n ' e x i s t e n t p a s en général (3). Si de telles exceptions ont pu se p r o d u i r e , c'est s a n s doute en des t e m p s et d a n s des régions où un M a k h z e n puissant avait pu asseoir solidement son autorité et faire prévaloir ses m é t h o d e s de g o u v e r n e m e n t sur les règles de l'azref b e r b è r e . Pareillement, l'influence du M a k h z e n avait a m e n é jadis l'usage de la diya chez les B e r a b e r , qui se rappellent qu'elle a été pratiquée dans la vallée du Ziz sous son autorité. A u j o u r d ' h u i , elle n ' y est plus acceptée, sauf en cas de mort accidentelle (4). Il y a là un c u r i e u x cas de régression qui m o n t r e que les p r o g r è s imposés avant l ' h e u r e , fût-ce dans le sens naturel de l'évolution, ne se maintiennent pas, et que l'on ne gagne rien à vouloir accélérer cette évolution. C ' e s t p o u r q u o i , et d'accord en cela avec des p e r s o n nalités autrement qualifiées, n o u s c r o y o n s qu'il n ' y aurait auun intérêt à t r a n s f o r m e r du jour au lendemain les habitudes des Imazighen m a r o c a i n s et à d é c r é t e r b r u s q u e m e n t l'abolition de la vindicte privée au profit de la vindicte publique. Ce n'est p a s en s u p p r i m a n t la p r e m i è r e , mais bien (1) Trenga. (2) Chef de Bataillon Becker. (3) La prison est inconnu e dans toutes les tribus berbères du Maroc. Aucune peine d'emprisonnement n'est prévue dans les quelques coutumes écrites qui existent (V. Azref de Bou Denib, publié par Nehlil, Archives Berbères, n" I, p. 83 ss.). Pour la Kabylie, cf. Hanoteau et Letourneux, III, p. 128. (4) Lieutenant-Colonel Bettrand. — 8o — en développant la seconde, que n o u s a m è n e r o n s les B e r bères à la notion m o d e r n e du droit pénal. P o u r r e p r e n d r e la terminologie juridique r o m a i n e , à m e s u r e que les délits privés deviendront des délits publics, ils p e r d r o n t d ' e u x m ê m e s leur caractère primitif. Les c o u t u m e s b e r b è r e s admettent fort bien la coexistence de l'un et de l'autre système : en Kabylie, le droit du village venait se s u p e r p o s e r à celui de la k h a r o u b a ( i ) ; au Maroc, l'action publique trouve également place à côté de la vengeance privée et la djemâa, juge en matière pénale, p r o n o n c e des sanctions contre les délinquants. L'azref de B o u Denib prévoit une a m e n d e c o n t r e le m e u r t r i e r (2). D a n s le Rit, o u t r e qu'il est soumis au talion, il encourt un bannissement d ' u n an et sa famille doit p a y e r une a m e n d e de 80 à 100 d o u r o s (3). Le bannissement p o u r un an se r e t r o u v e à Oudjda, indépend a m m e n t du paiement de la diya (4) ; a u x Beni Guil il en est de m ê m e , sauf que le coupable peut se s o u s t r a i r e à l'exil m o y e n n e n t un v e r s e m e n t s u p p l é m e n t a i r e de I U U dour o s (5). La c o u t u m e rifaine (et ce ne doit p a s ê t r e la seule) p r o n o n c e m ê m e la peine de mort contre le m e u r t r i e r qui a violé le m e z r a g en tuant sa victime sur un m a r c h é ou dans une n o c e . La fuite seule le soustrait à l'exécution ; il se trouve alors exilé p o u r longtemps et ses biens sont confisqués, détruits, brûlés ou vendus (o). C ' e s t un cas ou le droit social absorbe le droit privé, l ' u n des cas où le coupable en Kabylie était lapidé p a r tout le village, la famille de h victime n ' a y a n t plus d ' a u t r e droit que de lancer sa pierre c o m m e les a u t r e s (7). Mais il y a plus, et déjà les citadins de M e k n è s « n ' e x i g e n t plus de diya et se contentent u ' u n e sanction p r o p o r t i o n n é e au crime » (S) ; déjà au Figuig, milieu pius p u r e m e n t b e r b è r e , « l'action publique s ' e x e r c e seule et il n ' y a plus de diya, mais seulem e n t une a m e n d e infligée p a r la djemâa et variable suivant (1) Hanoteau et Letourneux, 111, p. 57, 106 ss. (2) Nehlil, loc. cit. (3) Biarnay, Archives Berbères, n" 1, p. 2 4 , note I. (4) Capitaine Morbieu. (5) Chef de Bataillon Pariel. (6) Biarnay, loc. cit. Chez les Ait Mgild, celui qui a « cassé un soûq » encourt une pénalité curieuse, indépendamment du àr, qui est de 2 0 0 moutons et de 2 0 0 douros : on rase les cheveux de sa femme en public (Condamine). (7) Hanoteau et Letourneux, III, p. 6 2 . (8) Colonel Seal. — 8i — les qçour » ( i ) . Le m e u r t r i e r est, il est vrai, expulsé j u s q u ' à ce que la famille de la victime ait p a r d o n n é , et ce p a r d o n s'obtient parfois à prix d'argent ; mais ces vestiges du droit privé et de la composition, qui ne sauraient disparaître si vite s a n s laisser de traces, n ' e m p ê c h e pas que la r é p r e s sion sociale a gagné du terrain et que les B e r b è r e s de ces régions se sont ainsi r a p p r o c h é s sensiblement du terme de l'évolution. T o u s s'y acheminent, au reste de leur p r o p r e m o u v e ment, qu'il suffit de surveiller s a n s p r é t e n d r e en régir la m a r c h e : chez e u x c o m m e chez les autres p e u p l e s , la composition, que bien peu persistent encore à r é p u d i e r , se substituera de plus en plus au talion ; s a n s prohibition radicale, insensiblement et p a r la force des choses, ils abandonn e r o n t l'habitude de se faire justice lorsqu'ils v e r r o n t qu'elle leur est r e n d u e . Le jour où une organisation sociale perfectionnée a p e r m i s de se p r o c u r e r chez des fournisseurs spécialisés les objets nécessaires, p e r s o n n e ne s'est plus astreint à les fabriquer à domicile p o u r sa consommation ; de m ê m e , le jour où des juges c o n d a m n e r o n t les assassins et attribueront a u x victimes ou à leur famille la r é p a r a t i o n équitable, les B e r b è r e s s ' e x p o s e r o n t de m o i n s en moins aux risques de la vendetta, et au lieu de frapper e u x - m ê m e s le coupable, ils se contenteront de r e q u é r i r son châtiment. Ainsi disparaîtront peu à peu les interminables séries de m e u r t r e s et les g u e r r e s civiles e n t r e tribus. L ' i m p o r t a n t n ' e s t donc pas d ' e m p ê c h e r la vendetta, mais de la r e n d r e inutile en assurant u n e r é p r e s s i o n qui satisfasse à la fois l ' o r d r e public et les intérêts p r i v é s . D ' o r e s et déjà, le Conseil des affaires criminelles institué à Rabat, et compétent p o u r connaître des crimes commis p a r les M a r o cains (2), juge conformément à l'orf des tribus en c a u s e . Il (1) Chef de Bataillon Pariel. Le tarif des amendes est le suivant : Zenaga : meurtre avec préméditation, 280 douros (mon. fr.) ; meurtre au cours d'une rixe, 140 douros (mon. fr.). Oudaghir : 140 douros (mon. fr.). El Maïz : 180 douiros (mon. fr.). Oulad Sliman : 150 douros (mon. fr.). Hammam lougani : 140 douros (mon. fr.). Hammam Tahtani : 120 douros (mon. fr.). El Abid : 30 douros (mon. fr.). (2) A l'exception de ceux déférés aux juridictions françaises du Protectorat en vertu de l'article 6 du Dahir organique du 12 août 1V13. — 82 — serait à désirer q u e des assesseurs b e r b è r e s y siégeassent p o u r les affaires intéressant les B e r b è r e s . Peut-être m ê m e un tribunal criminel établi s u r le m ê m e modèle pourra-t-il fonctionner un jour en p a y s amazigh. La jurisprudence de ces tribunaux indigènes détermin e r a le passage de la composition facultative à la composition obligatoire, qui, sauf qu'elle ne relève pas de l ' a p p r é ciation du juge, ne diffère pas essentiellement de notre r é p a ration civile. Sous cette forme compatible avec les principes m o d e r n e s , la vindicte privée, qui aura cessé d ' ê t r e un élément de trouble et d'insécurité, p o u r r a sans inconvénient subsister à côté de l'action publique. F. ARIN, Contrôleur Sous-Chef du Civil, Bureau de la Justice musulmane au Secrétariat Général du Gouvernement Chérifien. A P P E N D I C E TABLEAUX DONNANT UE TAUX DE liA DIYA dans les diverses Tribus du Maroc MAROC OCCIDENTAL RÉGION DE Annexe de RABAT Nkhella (Zaër) Diya d ' u n h o m m e : 1.200 à 2.000 d o u r o s . Diya d ' u n e femme : 700 d o u r o s . Cercle des Zemmour Diya d ' u n h o m m e : 1.000 à 2.000 d o u r o s . Diya d ' u n e femme : 500 à 1.000 d o u r o s . RÉGION DE FEZ Territoire de Taza Ghiata : 1.500 à 3.ocx) francs. Beni O u a r a ï n : 1.500 à 2.500 francs. Gzemaïa : 1.500 à 2.000 francs. Tsoul : 1.500 à 2.000 francs. B r a n è s : 1.000 à 1.500 francs. ( O u e r b a Taifa 400 r é a u x ) . Taza-Ville : 500 à 1.000 francs. M a g h r a o u a -. 500 à 1.000 francs. Oulad Bou Rima : 500 à 1.000 francs. Meknassa : 250 à 500 francs. Oulad B e k k a r .- 250 à 500 francs. Cercle de Fez Ait Ayach : 100 d o u r o s et 100 brebis. Sedjâa : 100 d o u r o s . 200 réaux, - 84 — C h e r a g a , Oulad Djamaâ : 100 à i .000 d o u r o s . O u d a ï a : 300 à 1.000 d o u r o s . O u l a d El Hadj de l ' O u e d : 200 à 500 d o u r o s . Beni Sadden : 300 à 500 d o u r o s . Hedjaoua, Oulad Aïssa : 100 à 500 d o u r o s . Cercle des Hayaïna H a y a ï n a : 200 d o u r o s en m o y e n n e . Cercle de Sefrou Ait T s e g h r o u c h e n d ' I m m o u z e r : entre eux, 12 taureaux (estimés 12 d o u r o s chacun) ; avec les gens de Kandar, 250 d o u r o s hassanis. Ait Youssi G h e r a b a (Ait Rebaà, Ait Fringo, Ait Makhlouf) : entre eux, 300 d o u r o s hassanis. Ait Youssi Djebala (Ait Halli) : entre eux, j u s q u ' à 700 d o u r o s hassanis. E n t r e Ait Youssi G h e r a b a et Ait Halli ou tribus voisines : environ 500 d o u r o s hassanis en m o y e n n e . Cercle de VOuergha Slès et Fichtala : homicide involontaire, 50 à 100 d o u r o s hassanis ; homicide volontaire, 300 à 000 d o u r o s hassanis. RÉGION DE MEKNÈS Oulad Nacir, Z e r a h n a , Dkhissa, B o u a k e r : 250 à 500 d o u r o s hassanis. G u e r o u a n du N o r d (Ait H a m m o u ) : Ooo r é a u x ; (Ait Lahssen) : 600 r é a u x . — G u e r o u a n du Sud (Ait Yazem) : 300 r é a u x ; (Ait Ouikhilfen) : 500 r é a u x . Mjat : 250 r é a u x . Arab du Sais : 300 r é a u x . [La moitié en espèces, la moitié en n a t u r e . — Réduction de moitié p o u r u n e femme.] Ait Mgild : 200 m o u t o n s p o u r un h o m m e ; 100 m o u tons p o u r u n e f e m m e . Ait N d h i r : Iqueddaren : environ 500 r é a u x . Ait N a a m a n : 240 à 550 r é a u x . Ait B o u r z o u n : environ 600 r é a u x . - 85 - Ait Arzalla : 500 à 600 r é a u x . Ait B o u i d m a n : environ 450 r é a u x . Aït Lahssen ou Youssef : environ 500 r é a u x . Ait Sliman : 280 r é a u x . Aït H a m m a d : environ 300 r é a u x . Aït Ourtindi : environ 400 r é a u x . Aït ou Allai : environ 450 r é a u x . Aït Sidi Abdesselam : entre e u x . environ 100 r é a u x ; entre eux et les fractions voisines des Aït Mgild : j u s q u ' à 200 brebis. [Réduction de moitié p o u r une femme.] SURDIVISION Cercle de TADLA-ZAIAN Moulay Rouazza à) Annexe de Moulay Bouazza (Bouhassoussen) : Bouazzaouin : 600 r é a u x . H a m m a r a : 450 à 800 r é a u x . Aït Raho : entre eux, 450 à 650 r é a u x ; entre eux et les Aït Aïssa ou Lhassen, j u s q u ' à 1.050 r é a u x . Aït C h a o : 500 à 1.000 r é a u x . Mobarkiin : 600 r é a u x . Ait Raho, H a m a r a . Aït C h a o .- entre e u x . 600 r é a u x • avec les Arabes ( r a r e m e n t acceptée), 50 à 60 m o u t o n s . fRéduction de moitié p o u r une femme.] b) A n n e x e de Merzaga (Zaër) : 1.200 à (réduction de moitié c o u r u n e femme). 1.600 r é a u x c) Poste de Christian : 1.200 r é a u x . d) A n n e x e d ' O u l m è s : Aït Alla : 100 m o u t o n s et 100 d o u r o s . Aït Ychcho : 200 m o u t o n s et 20 d o u r o s . Aït Hattem : 200 m o u t o n s et 20 d o u r o s . Zitchouen : 220 m o u t o n s et 10 d o u r o s . Cercle du Tadla Beni Amir, Ait Roboâ : 1.000 r é a u x (réduction de moitié pour une femme). Boujad : m ê m e s o m m e ; mais au cas d'homicide volontaire le prix du sang, débattu de gré à gré, peut être s u p é rieur ou inférieur. — 86 — MAROC ORIENTA^ TERRITOIRE D'OUDJDA Cercle d'Oudjda Oulad Sidi Abdelhakem, Oulad Sidi Ali Bou Chenafa : 12 c h a m e a u x ou 20 c h a m e l o n s . Beni Mathar, Oulad Bakhti : Ko moutons, s vaches et 1 / 1 4 de c h a r r u e (réduction de moitié p o u r une femme). Entre Beni Mahiou et Beni Iznacen : 1 5 0 d o u r o s (autrefois 1 0 0 ) . Beni Bou Zeggou : entre e u x , 100 d o u r o s ; entre eux et Beni Iznacen, 150 d o u r o s (autrefois 100) ; entre eux et Sedjâa, 100 d o u r o s ; entre eux et Z e k a r a , 100 d o u r o s ; e n t r e e u x et Oulad Amor, 100 d o u r o s . Oulad Sidi Cheikh : 1.000 d o u r o s . Angad : e n t r e eux, 500 francs ; avec les tribus voisines, 500 francs. Mehaias : entre eux, 500 francs : avec les tribus voisines. 500 francs. Beni Oukil : entre eux, 1.000 francs ; avec les tribus vois nes, 750 francs. Z e k a r a : entre eux, 1.000 francs ; avec les tribus voisinas, 250 francs. : Cercle des Beni Iznacen 150 à 2.500 francs (en m o y e n n e 500). T E R R I T O I R E DE T A O U R I R T Cercle de la Moulouya 100 d o u r o s (à l'amiable 50 d o u r o s ) . Annexe de Cuercif H a o u a r a : 500 francs (au m a x i m u m ) . Entre H a o u a r a , Sedjâa, Ahlaf : 250 francs. Beni Bou Yahi, Metalsa, Ghiata : fi.000 francs et deux femmes. Cercle de Debdou Ahl Debdou et vallée de Debdou : 1.500 francs. O u l a d O u e n n a n : 2.000 francs. Beni Fachet : 1.500 francs. - 87 — O u l a d A m o r : 1.500 francs. Oulad Sidi Belkacem, Azeroual du M e k a m : 1.500 francs. Oulad Sidi Ali ben Samah : r.500 francs. Beni Reis : 1.500 francs. Rechida, Beni Kheleften, Ahl A d m e r : 1.500 francs. Oulad Sidi M o h a m m e d ben Ahmed : 4.000 francs. Oulad El Hadj : 1.000 francs. CERCLE DES BENI GUIL Figuig : entre Ksouriens, pas de diya : entre Ksouriens et n o m a d e s , de 50 à QOO d o u r o s (en m o y e n n e 250 à 300). Beni Guil : d a n s la m ê m e fraction, 500 d o u r o s plus 100 d o u r o s p o u r éviter l ' a n n é e de b a n n i s s e m e n t ; e n t r e d e u x fractions de la tribu, 800 d o u r o s plus 100 d o u r o s p o u r éviter l ' a n n é e de bannissement ; e n t r e la tribu et les tribus voisines, 1.000 d o u r o s . TERRITOIRE DE BOU DENIB Poste de Boa Anan Oulad N a c e u r : i o n d o u r o s hassanis. B e r a b e r (Ait B o u c h a o u e n ) : 700 d o u r o s hassanis. E n t r e Arabes (Oulad N a c e u r ) et B e r b è r e s CAït Aïssa, Ait T s e g h r o u c h e n ) : =,00 d o u r o s hassanis. P o u r un Ksourien tué p a r un n o m a d e : 200 d o u r o s hassanis. P o u r un n o m a d e tué p a r un Ksourien : 400 d o u r o s h a s sanis. P o u r un juif tué p a r un M u s u l m a n : s'il a ses siyâd dans la tribu, .ino douros hassanis : s'il n ' a pas de siyâd d a n s la tribu, ?no d o u r o s hassanis. rRédnrfion de moitié n o u r la femme.l Entre Oulad N a c e u r et ï>oui Menià • 100 m o u t o n s . E n t r e Oulad N a c e u r et cens d'Aïn C h a i r : 200 d o u r o s . E n t r e Oulad N a c e u r et pens de Finuig : .100 d o u r o s . E n t r e Oulad N o c e u r et Reni Guil : 100 m o u t o n s . Poste de Bov Denib Aït Yafelman • ?oo francs (usitée autrefois). Aït T s e g h r o u c h e n : Roo francs (usitée autrefois). Aït Atta : 1.200 francs (usitée autrefois). h'RZREf DES TRIBUS ET QSOUR BERBÈRES DU flflUT-GUlR (Suite) 11 flzref du qsar de Taouz ( l ) Les Ait Khebbach de Bou Denib se sont réunis pour a r r ê t e r des m e s u r e s destinées à a s s u r e r l ' o r d r e d a n s leur qsar et à établir parmi eux tous une bonne organisation. A cette réunion ont pris part les Ait Atta, les Ait Ghali et les L e h ' i a n , lesquels ont présenté leurs m e z r a g s et ont déclaré que ceux d ' e n t r e eux qui sont p r é s e n t s à cette assemblée parlent également au n o m de leurs frères absents. Les dispositions suivantes ont été arrêtées d ' u n c o m m u n accord : i° P o u r un vol commis dans le qsar, si le coupable est u n h o m m e , 1 0 d o u r o s d ' a m e n d e ; s i c'est u n e femme, 5 d o u r o s seulement. 2° Les travaux de la muraille du qsar et de la m o s q u é e incombent aux habitants, c h a q u e maison devant participer à la d é p e n s e . 3° Le voleur est puni d ' a m e n d e lorsque sa culpabilité est établie à la suite d ' u n s e r m e n t d'accusation ou d ' u n témoignage. 4° La victime d ' u n vol qui désire fouiller une maison ou tout lieu suspecté par elle doit se p r é s e n t e r devant le che'kh en compagnie d ' u n m e z r a g . Si elle découvre la chose volée, elle n'est pas tenue de j u r e r ou de p r é s e n t e r des témoins et le voleur est puni d ' a m e n d e . (1) Sur la création du qsar de Taouz, à proximité de Bou Denib, voir la note sur l'azref de Bou Denib, Archives Berbères, fasc. I, p. 8 3 , note I. - 89 - 5° Les gardiens de j o u r et les gardiens de fournis par c h a q u e maison du q s a r . nuit sont 6° La maison qui ne fournit pas de fusil (pour la garde du qsar) est frappée d ' u n e a m e n d e de 5 o u q i a s . 7° Le propriétaire d ' u n fusil qui ne se p r é s e n t e pas (pour p r e n d r e la garde). 5 ouqias. 8° Celui qui a b a n d o n n e la garde du bordj pendant la nuit, 1 me'tqal ; pendant le jour, 5 o u q i a s . 0° Celui qui se dispense de p r e n d r e part aux corvées du village, 1 metqal. ro° Celui qui vole s u r des aires à battre, 2 d o u r o s . I I ° Celui qui vole et transporte la chose volée d ' u n bordj dans un autre. 1 d o u r o . i 2 ° Celui qui vole un seJham, u n e pioche, une faucille ou une hache, t d o u r o . 0 1 3 Celui qui s ' a p p r o p r i e l'eau de la saqia avant son tour d ' a r r o s e r , 1 m e t q a l . 1 4 Celui qui vole dans un jardin e n t o u r é de m u r s , 1 douro. 1 5 ° Celui qui vole ce que la main de l ' h o m m e sème c o m m e céréales, 1/2 douro d ' a m e n d e , que le coupable soit un h o m m e ou une femme. Celui qui monte s u r le palmier d'aufrui alors que l ' a r b r e est c h a r g é d e fruits, 1 / 2 d o u r o d ' a m e n d e . 0 1 7 ° Si des vaches, des ânes, des chevaux et des cham e a u x sont lâchés dans les cultures d ' a u t r u i , l e u r s p r o p r i é taires paient une a m e n d e de cinq s o u s p a r animal. Cette a m e n d e est d ' u n sou p a r animal q u a n d il s'agit de brebis, de chèvres, de chevreaux ou d ' a g n e a u x . rS" P o u r un mouton d ' a m e n d e au p r o p r i é t a i r e . paissant d a n s la saqia, r sou I O " Celui qui fauche l'herbe dans une saqia, 1 metqal. 2o° Si des enfants de l'âge de la deuxième dentition sont s u r p r i s jouant sur les b o r d s de la saqia, il est infligé à chacun d ' e u x 5 sous d ' a m e n d e . 2 ? " Celui qui porte préjudice aux Ahl Bou Denib en commettant chez eux des vols paie un metqal d ' a m e n d e si l'une de ses victimes témoigne contre lui. 0 2 2 Celui qui coupe ou brise les branches d ' u n palmier ne lui appartenant pas, 1 metqal d ' a m e n d e , que le coupable soit un h o m m e ou u n e f e m m e . — go — 0 2 3 Q u i c o n q u e a la jouissance d ' u n e maison dans le qsar est tenu de p a y e r toutes les dépenses qu'elle occasionne. 2 4 Si deux h o m m e s se disputent et se donnent des coups, t metqal d ' a m e n d e à chacun ; s'il n ' y a pas échange de coups, 5 ouqias d ' a m e n d e seulement. 0 25" D a n s les m ê m e s conditions, les femmes qui se q u e rellent paient la moitié de l ' a m e n d e p r é v u e p o u r les h o m m e s . 0 2C1 D a n s le cas où un h o m m e en blesse ou frappe un autre, sans être dénoncé à la djemâa au bout de trois jours, 1/2 d o u r o d ' a m e n d e à la victime qui a gardé le silence. 0 2 7 Celui qui blesse son semblable avec un instrument de fer, 1/2 d o u r o . Ce tarif de 1 / 2 d o u r o est également appliqué en cas de blessure faite au moyen d ' u n e pierre ou d ' u n oâton. 2 8 Celui qui. d ' u n coup de poing, fait saigner quelq u ' u n du nez, 1 m e t q a l . 0 0 2Q La femme qui insulte un h o m m e , 1/2 d o u r o , à condition que l ' h o m m e présente des témoins p o u r certifier que la femme a m a n q u é de tenue vis-à-vis de lui. 0 3 0 Si c'est l ' h o m m e qui se m o n t r e grossier e n v e r s u n e femme. l ' a m e n d e à infliger est également de ('2 réal. 0 3 1 Q u i c o n q u e est s u r p r i s par l e cheikh o u p a r tout autre que lui creusant des t r o u s s u r les b o r d s de la saqia, 1 metqal. 3 2 ° Celui qui inonde un rHsmn !nho"ré aopartenanf à autrui est tenu de le travailler et de le fumer. 3 3 ° T o u t e femme qui se dispute avec une autre paie u n e a m e n d e de r metqal. 34° Le cheikh de la qabila doit tenir dépenses et des recettes du village. 0 un compte des ; 3 5 S q u e l q u ' u n refuse d'obéir à la qabila en la pers o n n e du cheikh, on compte jusqu'au chiffre 700, a p r è s quoi si le récalcitrant persiste dans son attitude, il lui est infligé une a m e n d e de 1/2 d o u r o . 0 3 6 Le cheikh doit traduire devant la djemâa quiconque refuse de lui obéir p o u r lut être fait application des règles de l'orf. 37° Si le cheikh e n t r e p r e n d un voyage et néglige de se faire r e m p l a c e r nar q u e l q u ' u n d u r a n t son absence, u n e a m e n d e de 1 /2 douro lui est infligée par la djemâa. — gi — 38° Si deux individus se battent entre e u x et q u ' u n troisième p r e n n e parti en paroles pour l'un d ' e u x , i metqal. 39° Si c'est en donnant des coups ou en frappant avec un instrument de fer, r d o u r o . 0 4 0 Si un enfant se m o n t r e grossier e n v e r s une personne âgée et que celle-ci présente des témoins, i metqal d'amende à lenfant. 4 1 ° Q u i c o n q u e m a n q u e de respect au feqih, 2 d o u r o s d ' a m e n d e . cheikh ou au 42" Si le cheikh se retire au c o u r s d ' u n e réunion de la djemâa sans y être invité par l'assemblés, 1 metqal. 43° Si les mezarig quittent la séance dans les m ê m e s conditions, 1 metqal. 44" Q u i c o n q u e se m o n t r e inconvenant e n v e r s femmes du feqih du village paie 1 d o u r o d ' a m e n d e . les 45° Celui qui commet un adultère dans le qsar, 2 d o u r o s d ' a m e n d e , s'il est dénoncé par la femme. 4f>° S'il y a entente entre l ' h o m m e et la femme, cette a m e n d e est également payée p a r chacun d ' e u x . 47° Q u a n d deux voisins, s'accusant mutuellement d ' e m piéter sur la plate-bande séparant leurs propriétés respectives, comparaissent devant la djemâa, celui des deux qui a tort paie 1 metqal. 0 4 S Celui qui obtient la jouissance d ' u n bien pendant une a n n é e ne doit rien en soustraire sous peine de 1 douro d'amende. 0 4 9 Celui qui avance un témoignage contre q u e l q u ' u n paie 1/2 douro d ' a m e n d e si son témoignage vient à être reconnu faux. 0 5 0 Si les mezarig et le cheikh jugent à p r o p o s d'introduire d a n s le présent règlement des dispositions nouvelles d ' u n caractère utile, ils peuvent le faire, de m ê m e qu'ils peuvent corriger toute e r r e u r pouvant y être r e m a r q u é e . 5 1 " C h a q u e fraction de la qabila doit se faire r e p r é senter par deux mezarig pour p r o p o s e r l'adoption d ' u n e règle nouvelle s u r laquelle l'accord s'est fait e n t r e ses membres. 52° Il ne p o u r r a être consenti aucun a c c o m m o d e m e n t touchant ce qui vient d'être a r r ê t é dans cette copie et quic o n q u e se rend coupable d ' u n e infraction est obligé de p a y e r l ' a m e n d e ici p r é v u e . — 92 — 53° Celui qui a r r ê t e en chemin q u e l q u ' u n allant r é p o n d r e à une convocation reçue d a n s un but utile à la qabila, et lui livre dispute, paie (r) d ' a m e n d e . 54" Celui qui, ayant reçu du cheikh l'avis d'assister à la séance de la djemâa, néglige de s'y r e n d r e , i metqal. 5 3 " Celui qui p é n è t r e d a n s le qsar p a r - d e s s u s la muraille et a u t r e m e n t que p a r la porte ou qui introduit dans le village ou en fait sortir toute chose au m o y e n d ' u n e corde (jetée par-dessus la muraille), i d o u r o s d ' a m e n d e . 56° Celui qui, recevant du cheikh et des mezarig l'invitat on d'avoir à participer a u x travaux de la qabila ou de fournir quelque animal de boucherie, refuse d'obéir en fomentant en m ê m e t e m p s de l'agitation, 1 douro d ' a m e n d e . 57° Si deux h o m m e s se disputent à l'intérieur du qsar et q u ' u n troisième ferme la porte du village, soit qu'il la ferme p u r e m e n t et simplement, soit q u ' a p r è s l'avoir fermée il enlève le p ê n e qui s'y trouve, T douro d ' a m e n d e sans aucun a c c o m m o d e m e n t . 5 S Celui qui cogne sur la porte du q s a r avec u n e pierre ou un bâton, 1 m e t q a l . ; 0 50° Celui qui m a r c h e à l'aveuglette dans les cultures en s'écartanf du chemin, 5 sous d ' a m e n d e . 6o° Celui qui vole un mouton, soit à l'intérieur du qsar, soit à un berger du village, 1 d o u r o . II T Azref des Beni Ouziem ( 2 ) Louange à Dieu s e u l ! Les m e m b r e s de la djemâa des Beni O u z i e m , Dieu leur accorde un jugement sain, une parole droite et un entendement parfait, ont, d ' u n c o m m u n accord, pris des décisions devant avoir p o u r effet d ' a s s u r e r l ' o r d r e dans leur qsar et consistant en des lois, règlements et dispositions a r r ê t é s suivant la coutume des tribus qui ne sont pas régies par la loi du M a k h z e n . (1) Lacune dans le texte arabe. (2) Beni Ouziem ou Talzimt est un qsar comptant 100 fusils environ, habité par des Ait Fergan (Aït Izoaz) et des Qbala. — 93 — E s p é r a n t couper court au trouble de leur p a y s , ils ont formulé ces règles d ' u n e m a n i è r e impérative et les ont déclarées non susceptibles de c h a n g e m e n t ni de modification. Celui qui cherchera à les fausser a u r a à r é p o n d r e de ses actes devant Dieu et méritera Son châtiment. P o u r le détail de ces dispositions, voici les règles : 1. — Le gardien qui a b a n d o n n e son poste la nuit paie i metqal. 2. —• Le gardien qui quitte son poste pendant le jour : 5 ouqias. 3. — Celui qui commet un vol dans u n e maison privée et qui est a p p r é h e n d é avec p r e u v e s à l'appui, paie 50 metqals p o u r c h a q u e seuil de porte et p o u r chaque pièce p a r où il est sorti et 100 metqals à la djemâa. II doit, en outre, quitter le pays et n ' y reviendra q u ' a p r è s qu'il aura offert une debiha à l'entrée de la porte du qsar. 4. — Q u i c o n q u e vole un ovin doit p a y e r 2 d o u r o s à la djemâa et restituer d e u x a n i m a u x pareils au propriétaire volé. 5. — Si deux h o m m e s se disputent : 1 metqal p o u r chacun d ' e u x . L ' a m e n d e à infliger au provocateur sera double. o. — Celui qui dégaine u n e a r m e tranchante : 1 d o u r o . 7. — Celui qui p r e n d parti p o u r q u e l q u ' u n (dans une rixe) -. 1 d o u r o . 8. — Celui qui lance des p i e r r e s s u r son semblable : 1 douro. 9. — Q u i c o n q u e porte des coups de bâton à un autre : 1 douro. 1 0 . — Q u i c o n q u e d o n n e un souflet à un individu : 1 douro. n. — Celui qui commet un vol s u r les aires à battre : 50 metqals, nonobstant la restitution de la chose volée. 1 2 . — Q u i c o n q u e subtilise un objet quelconque à un individu : 1 d o u r o . Il sera, en outre, tenu de restituer l'objet volé. 1 3 . — Celui qui vole un fusil à la porte du qsar paie 10 d o u r o s , nonobstant la restitution de l ' a r m e volée. 14. — Q u i c o n q u e vole sur un palmier : 2 d o u r o s . — 94 — i5- — Quiconque appréhende un voleur trouvant m o y e n de lui é c h a p p e r ensuite : s'il lui a r r a c h e un objet quelconque de n a t u r e à le d é m a s q u e r et le porte à la djemâa, le voleur doit p a y e r l ' a m e n d e p r é v u e d ' a p r è s l'endroit où le vol a été commis ; s'il ne lui a r r a c h e rien, il p o u r r a établir sa culpabilité au m o y e n de cinq co-jureurs et le voleur sera tenu de p a y e r l ' a m e n d e qui lui sera infligée. 1 6 . — Celui qui coupe un palmier-nain, entre Hassi Abdallah ou lil Maâti et Sedret-LT Merfeq, paie 2 d o u r o s . 1 7 . — P o u r tout ovin qui sera trouvé en train de paitre dans un verger, le p r o p r i é t a i r e devra p a y e r 2 m o u z o u n a s . Si l'animal n'est pas d a n s un verger : 1 m o u z o u n a . 1 8 . — P o u r l'âne, s'il est trouvé paissant d a n s un verger : 5 o u q i a s . L t ailleurs que d a n s un verger : 10 m o u zounas. Cette règle est également applicable q u a n d il s'agit de vache, d ' â n e ou de j u m e n t . KJ. — Si un âne s ' é c h a p p e et s'en va paitre dans un verger : 5 ouqias au p r o p r i é t a i r e . ; 20. — Si d e u x p e r s o n n e s sont en contestation au sujet d ' u n e dette ou de toute a u t r e chose, il y a lieu de recourir à cinq témoins. Mais si la dette est inférieure à 2 d o u r o s (le débiteur) doit j u r e r lui-même. 21. Q u i c o n q u e refuse de d o n n e r l'hospitalité à son hôte 10 m o u z o u n a s . De plus, il sera tenu de l ' h é b e r g e r . Celui qui ignore l'arrivée d ' u n hôte chez lui ne paie rien. 2 2 . — Q u i c o n q u e fauche d a n s le c h a m p de son semblable : 1 metqal. 2 3 . -• Q u i c o n q u e coupe, à l'aide d ' u n e faucille, de la luzerne ne lui a p p a r t e n a n t pas : 1 d o u r o . S'il l ' a r r a c h e à la main : 1 / 2 d o u r o . 24. - Q u i c o n q u e s ' a d o n n e aux jeux de h a s a r d : 1 douro. 2 5 . — Celui qui refuse de suivre son adversaire devant le C h a r â a paie 10 d o u r o s : moitié p o u r la djemâa, moitié pour l'adversaire. 26. — Celui qui p r e n d une motte de terre dans le c h a m p de son semblable p o u r m o n t e r u n e b o r d u r e de saqia paie 1 m e t q a l . 27. — T o u t h o m m e s o u p ç o n n é doit p r ê t e r s e r m e n t p o u r se disculper. — 95 — 28. — Si des femmes se disputent entre elles : i metqal pour chacune. Si c'est à l'intérieur de la maison, elles ne paient rien. 2g. — 11 n'est infligé aucune a m e n d e à des frères associés (se disputant). 3 0 . — Q u i c o n q u e voie des grains ou du maïs : 1 d o u r o . Cette a m e n d e est doublée lorsque le vol est i m p o r t a n t . Si le vol consiste en épis de maïs, l ' a m e n d e est de 1 d o u r o . 3 1 . — Q u i c o n q u e coupe une grosse branche d e palmier sans fruits paie 5 o u q i a s . 3 2 . — Celui qui lance des p i e r r e s c h a r g é de fruits : 1 metqal. sur un palmier 3 3 . — Q u i c o n q u e grimpe s u r le palmier et en secoue les branches : 1 d o u r o . 3 4 . — Celui dattes : 2 d o u r o s . qui c o u p e les (branches) chargées de 3 5 . — Celui qui tue un oiseau a p p a r t e n a n t à autrui .¬ 1 douro. 3 6 . — Celui qui p r e n d un oiseau d a n s un nid ne lui a p p a r t e n a n t p a s , s a n s l'autorisation du p r o p r i é t a i r e : t d o u r o . 3 7 . — Celui qui a b a n d o n n e le travail de la « saqia » paie 5 ouqias et doit terminer le travail i n t e r r o m p u . 3 8 . — Q u i c o n q u e d o n n e sa démission au cheikh c o m m e « m e z r a g » alors qu'il est un de ceux qui complètent le n o m b r e des reffads ( 1 ) , paie 1 / 2 d o u r o . 3 9 . — Si le cheikh trouve moyen de compléter p a r un autre notable le n o m b r e de ces reffads s a n s le démissionnaire, la djemâa se réunit p o u r (désigner) cet autre notable. 40. — Q u i c o n q u e reço't la visite de son créancier, venu d ' u n e autre tribu, doit lui d o n n e r l'hospitalité j u s q u ' a u m o m e n t où il a réglé son affaire avec lui. 4 1 . — Le dimmi (israélite) qui offre une debiha à un h o m m e du qsar (pour obtenir sa protection) est considéré c o m m e âar (2) de toute la qabila, à m o i n s qu'il ne soit rattaché à cet h o m m e personnellement p a r des liens de protection r e m o n t a n t a u x ancêtres et a n t é r i e u r s à la présente réglementation. (1) Ici le mot rejjad est synonyme de chef de clan. (2) Sur le âar, cf. la note 5, p. 68 de l'article Arin. — go — 4 2 . - - Les s e r m e n t s p o u r délits commis d a n s les maisons ou dans les jardins doivent être prêtés avec dix coj u r e u r s d a n s le p r e m i e r cas et cinq co-jureurs dans le second. 4 3 . — Q u i c o n q u e grimpe s u r la muraille d'enceinte du village ou en descend paie 5 d o u r o s . 44. — Le volé qui s ' a r r a n g e avec son voleur, à l'intér i e u r de la maison, paie 5 d o u r o s , si le fait est découvert. S'il y a simple soupçon de la part des m e m b r e s de la djemâa, la victime du vol doit p r ê t e r s e r m e n t avec cinq cojureurs. 4 5 . — L ' a m e n d e à infliger q u a n d il y a vol de b r a n c h e s de palmier sèches est de 5 o u q i a s . 4 5 . — Q u i c o n q u e se sert, p o u r irriguer, de l'eau du puits de la m o s q u é e : 1 metqal. 47. — Q u i c o n q u e menace une p e r s o n n e de son fusil s a n s toutefois s'en servir : 10 d o u r o s . 4S. — Celui qui 2 douros. commet un vol dans un jardin : 49. — P o u r les règles restant à établir, le cheikh solutionnera les cas i m p r é v u s qui pourraient se p r o d u i r e et en informera le public par le m o y e n du brin'. 50. — T o u t e s les m e s u r e s p r é v u e s d a n s le présent azref sont indépendantes de celles qu'édicté le C h a r â a et la justice régulière, applicables d ' a u t r e part. f4ouvel Azref des Beni Ouziem ( , ) L o u a n g e à Dieu ! Législation coutumière relative aux r é p a r a t i o n s des p r é judices et applicable sous l'égide du G o u v e r n e m e n t F r a n çais. Le qaïd M o u h ' a ou H ' a d d o u des Beni Ouziem l'a mise en vigueur p o u r mettre un frein a u x abus et p o u r p r o t é g e r s e s administrés contre les o p p r e s s i o n s dont ils étaient victimes. (I) Cet azref date de l'occupation du Haut-Guir par nos troupes. Ceci a été a r r ê t é à la suite d ' u n e d é m a r c h e de ceux d ' e n t r e ses administrés qui ont constaté ces abus et ont l'expérience voulue p o u r indiquer les m e s u r e s à p r e n d r e contre ceux qui commettent des délits. Ils r e p r é s e n t e n t leurs compatriotes et ont été désignés par les p r é s e n t s et les absents. Ils ont e x a m i n é la question et se sont concertés. Ce sont : Ali ou H ' a d d o u et les Oulad H ' a d d o u , Q e r bouch, H ' a m o u Ould H ' s a i n ou H ' a m m o u ; H ' s a i n ou Iddir ould Assou ou Iddir ; M o u h ' a ou Fzit ; A h ' m e d ou H ' a n i n ; H sain ou H ' a d d o u et L l Arhi ben Ali. : Ils ont convenu que le soin d'infliger les a m e n d e s reviendrait au qaïd. 1. — Le voleur s u r p r i s d a n s la cour d ' u n e maison paie 20 d o u r o s français p a r seuil franchi. 2. — Si deux h o m m e s se disputent et en viennent aux mains, 1 franc d ' a m e n d e à chacun. 3. — Toute p e r s o n n e qui dégaine u n e a r m e t r a n c h a n t e : 1 d o u r o , qu'elle ait frappé ou n o n . 4. — Q u i c o n q u e frappe q u e l q u ' u n avec u n e p i e r r e et l'atteint : 1 d o u r o . 5. — De 1 douro. même celui qui frappe avec un bâton : 6. — Celui qui d o n n e une gifle à q u e l q u ' u n , c'est-àdire le frappe avec la main ouverte : 1 d o u r o . 7. — L'individu tire, lors m ê m e que le Si l'on témoigne son côté, sa peine est qui menace q u e l q u ' u n de son fusil et coup ne porte pas : 10 d o u r o s . que les torts sont en m ê m e t e m p s de doublée. 8. — Celui qui refuse de suivre son adversaire en justice paie 1 douro, si on témoigne qu'il a réellement refusé. De plus, il doit se conformer au jugement p o r t é contre lui. 9. — Celui qui p r e n d parti p o u r un frère, ou un fils, ou un de ses p r o c h e s et se bat avec leur adversaire : 4 d o u r o s . 1 0 . — Si d e u x h o m m e s se battent et si, a p r è s s ' ê t r e s é p a r é s , l'un d ' e u x attaque l'autre p a r surprise, l'assaillant paie 4 d o u r o s . 1 1 . — Si deux femmes se battent : 1 franc d ' a m e n d e à chacune. 1 2 . — Si deux enfants se battent : 2 sous c h a c u n . - 9 8 - i 3 - — Celui qui vole u n e brebis dans un troupeau doit 4 brebis au propriétaire et 2 d o u r o s à la djemâa, si la p r e u v e du vol est bien établie contre lui. 1 4 . — Celui qui vole d a n s une aire à battre, au m o m e n t de la récolte des céréales et des dattes : 5 d o u r o s . 1 5 . — Celui qui vole d a n s un jardin : 2 d o u r o s si la p r e u v e est bien établie. S'il est simplement accusé, il doit p r é s e n t e r cinq c o - j u r e u r s . 1 6 . — Si le propriétaire du jardin en p e r s o n n e le s u r p r e n d en flagrant délit, celui-ci doit n é a n m o i n s p r é s e n t e r cinq j u r e u r s , a p r è s quoi le voleur paie l ' a m e n d e p r é v u e p o u r les délits commis d a n s les jardins. 1 7 . — Celui qui coupe voler : 2 d o u r o s . un palmier d a n s le but de 1 8 . — Celui qui dépouille un palmier de ses dattes paie 1 douro, si ce palmier est à a u t r u i . 1 9 . — Celui qui vole du mais dans un c h a m p paie 50 centimes s'il n ' y a q u ' u n épi de volé ; p o u r plus d ' u n épi : 1 douro. 20. — L'enfant qui vole du maïs : 10 sous, quelle que soit la quantité volée. 2 1 . — La m ê m e règle s'applique aux grains. 2 2 . — Celui qui vole 1 franc. de la luzerne avec la main : 2 3 . — Avec la faucille : 1 / 2 d o u r o . 24. — De m ê m e pour les productions de la t e r r e (pois chiches, lentilles, sorgho) : 1 d o u r o . 2 5 . — Si u n e bête de s o m m e , ou u n e vache, ou un chameau, pénètrent d a n s un verger et y commettent des dégâts : 50 centimes d ' a m e n d e au p r o p r i é t a i r e . 26. — L ' â n e qui e n t r e dans un c h a m p e n s e m e n c é 5 sous d ' a m e n d e au p r o p r i é t a i r e . : 27. — P o u r l'ovin qui entre d a n s un verger : 2 s o u s . 51 c'est un 1 sou ( 1 ) . 28. — Celui qui coupe du palmier-nain p o u r voler : 2 d o u r o s , si le vol est commis d a n s l'espace compris entre l'endroit appelé El Adba et Ait H a r o u et C h â b a t E z - Z a o u i a . Si le voleur est excusé, il n ' a u r a rien à p a y e r . (1) Lacune dans le texte arabe. — 99 — 20- — Celui qui coupe u n e b r a n c h e d ' u n palmier ne lui appartenant pas : i d o u r o . 30. Celui qui empiète sur les limites qui séparent son c h a m p de celui de son voisin paie 1/2 d o u r o . D a n s ce cas, les h o m m e s de la djemâa visitent les lieux et s'ils constatent l'empiétement, ils font cesser le préjudice ; s'ils ne le font pas dans la m ê m e journée, l ' a m e n d e à payer p a r celui qui a empiété est de 1 d o u r o . 3 1 . - L ' a m e n d e que s'attire un h o m m e des Beni O u z i e m . aux Oulad Ali, revient à ces d e r n i e r s et pas à d'autres. 3 2 . — Celui qui, se trouvant en procès, intéresse à lui un h o m m e d ' u n e tribu é t r a n g è r e et poursuit l'affaire avec le concours de ce dernier, 10 d o u r o s d ' a m e n d e , sauf s'il agit avec l'autorisation du qaïd. S'il est simplement accusé d'avoir eu recours à cet étranger, il doit, pour se disculper et éviter l'amende, p r é s e n t e r cinq j u r e u r s . 3 3 . — Celui qui vole un objet important ou insignifiant à son hôte : 4 d o u r o s . 3 4 . — Celui qui commet un vol et qui monte ou descend par-dessus l'enceinte du lieu où se réunit la djemâa : 10 d o u r o s . 3 5 . — Toute décision prise p a r les autorités et p o u r laquelle le qaïd a donné des o r d r e s doit être exécutée. Si q u e l q u ' u n en a eu connaissance et ne s'y conforme pas : 2 douros, et il est mis en prison. 3(1. - Celui qui insulte les 2 d o u r o s et la p r i s o n . 3 7 . — Celui qui ne participe saqia, 1 franc. hommes de la djemâa : pas aux travaux de la 3. - Celui qui vole u n e poutre doit la r e n d r e p a y e r 1 franc ; de m ê m e p e u r les bois combustibles. et 3 9 . -— Celui qui a un procès avec q u e l q u ' u n et qui adresse une plainte au bureau ( 1 ) sans l'autorisation du qaïd : 2 douros, car le qaïd doit recevoir toutes les plaintes de ses administrés (m. à m. est la porte des plaintes de ses administrés). Le qaïd est tenu d ' a s s u r e r la solution des litiges portés devant lui ; s'il se trouve en face de cas e m b a r r a s s a n t s , il écrit au B u r e a u . (I) 11 s'agit du Bureau des Renseignements de Bou Denib. IOO 40. - - Celui qui (faisant partie de la djemaâ) désire voyager, doit désigner au qaïd la p e r s o n n e devant le r e p r é senter p e n d a n t son absence. 4 1 . — Celui qui s'accroche à u n e b r a n c h e d ' a r b r e derrière la clôture d ' u n jardin ou grimpe s u r le m u r de ce jardin et vole des abricots, des p o m m e s , des figues ou d ' a u t r e s fruits •. 1 d o u r o . 4 - ' . — S'il frappe les a r b r e s avec un bâton : 1 d o u r o d ' a m e n d e également. 1v Azreî des Louange à Dieu seul Rît A eh a ( 1 ) ! Inscription des règlements régissant les Ait Acha, p o u r p e r m e t t r e aux intéressés d'en p r e n d r e c o n n a i s s a r c e . 1. - - Si d e u x h o m m e s se disputent sans se servir d ' a r m e s tranchantes, l ' a m e n d e à L u r infliger est de 1 d o u r o à chacun. J. Si l'un d ' e u x sort une a r m e tranchante, il sera tenu de payer 10 d o u r o s ; s'il en fait usage •. 20 d o u r o s . V — Q u i c o n q u e e m p ê c h e une p e r s o n n e de passer en la menaçant d ' u n fusil -. 10 d o u r o s . 4. Q u i c o n q u e menace une p e r s o n n e avec une koumia (poignard), un couteau ou autre a r m e semblable : 1/2 d o u r o . 5. — Si, au moyen de ces a r m e s , il blesse q u e l q u ' u n , il sera puni d ' u n e a m e n d e de 5 d o u r o s . 6. — Celui qui dit des m e n s o n g e s à un autre, et qu'il soit établi qu'il a dit ces m e n s o n g e s : 2 d o u r o s . 7. - - Q u i c o n q u e s'introduit d r n s une maison avec le produit d ' u n larcin paie m douros pour chaque seuil franchi. S. - Si deux enfants non adultes se disputent, l ' a m e n d e à infliger à chacun d ' e u x est de 5 s o u s . (I) Les Ait Acha sont originaires des Beni Ouziem. A la suite de querelles intestines, ils se séparèrent de ces derniers et bâtirent le petit qsar qui porte leur nom, à 150 mèïres des Beni Ouziem. o. — Si deux femmes se disputent entre elles : i d o u r o pour chacune. Mais l ' a m e n d e à infliger à la provocatrice est doublée. 1 0 . — Si une femme p r e n d parti p o u r 2 douros. une autre : 1 1 . — La femme qui dit des m e n s o n g e s à une autre, si le fait d'avoir dit ces m e n s o n g e s est bien établi : 2 d o u r o s . 1 2 . — Si un h o m m e marié se m o n t r e inconvenant e n v e r s u n e femme : 2 d o u r o s . Cette règle est également applicable à la femme. 1 3 . — Celui qui frappe un enfant autre que son fils paie 1 metqal. 1 4 . — Celui qui g r i m p e s u r la muraille d'enceinte du qsar : 1 douro. 1 5 . — Q u i c o n q u e i n t r c . u i t un larcin dans le qsar en sautant par-dessus la muraille d'enceinte : 2 d o u r o s . 1 6 . — Q u i c o n q u e vole un ovin doit en restituer q u a t r e au propriétaire volé et p a y e r 10 d o u r o s c o m m e a m e n d e à la djemaâ. 1 7 . — Celui qui vole quatre. une volaille doit en restituer i S . — Tout vol de bestiaux est puni par u n e a m e n d e de 10 d o u r o s . uj. — Celui qui a m è n e dans le qsar un voleur ou un « un c o u p e u r de routes », en d e h o r s des gens «-a qsar : 10 d o u r o s , si le fait est bien établi. 20. — Si le qaïd o r d o n n e à u n e femme de s'occuper, p o u r i?s besoins de la djemâa, de la m o u t u r e (des grains), ou du bois à apporter, ou encore de la cuisine à faire, et qu'elle refuse : 2 d o u r o s . 2 1 . — De m ê m e , les h o m m e s , s'ils sont invités par le qaïd à faire quoi que ce soit intéressant la djemâa et qu'ils refusent de se p r é s e n t e r sur-le-champ : 2 d o u r o s . 2 2 . — Q u i c o n q u e ne pourvoit pas c o m m e il faut à la ration de vivres du berger, si celui-ci dépose contre lui à ce sujet : 1 d o u r o . 2 3 . — Celui dont le tour arrive de g a r d e r le troupeau, c o m m e berger, et qui ne le fait pas, paie 1 d o u r o . 24. — Celui qui intercepte l'eau de la (saqia) au détriment de q u e l q u ' u n : 1 d o u r o si la djemâa est saisie de l'affaire. 25. — Celui qui ferme la « saqia >> ailleurs q u ' à l'endroit habituel : i franc. 26. — Celui qui commet un vol d a n s un jardin : 2 dour o s . Il est tenu, en outre, de restituer les l é g u m r s et autres produits réclamés par le propriétaire du dit jardin. 27. — Q u i c o n q u e coupe, avec une faucille, la luzerne d'autrui : 1 d o u r o . 2.S. - - Celui qui a r r a c h e la luzerne avec les mains : 1 2 douro. 2(j. — Q u i c o n q u e fauche dans le c h a m p de son semblable : 1 d o u r o . 3 0 . — Celui qui, à l'aide d ' u n e faucille, coupe le blé d'autrui : 2 d o u r o s . 3 1 . — Celui qui l ' a r r a c h e avec les mains : 2 d o u r o s . Il est tenu, en outre, de r e n d r e le blé v;.lé. 3 2 . — Q u i c o n q u e lance des pierres s u r un palmier : 1 franc p o u r chaque jet de p i e r r e s . 33- — Q u i c o n q u e grimpe sur le palmier et en s e c o u ; les branches : 2 d o u r o s . 34. — Q u i c o n q u e coupe une branche d'autres arbres : 2 douros. de palmier ou 3 5 . — Celui qui coupe les grosses b r a n c h e s p r o d u c tives du palmier : 1 franc p o u r chaque b r a n c h e . 36. — Q u i c o n q u e coupe les petites b r a n c h e s : 1 d o u r o . 3 7 . — Celui qui s u r p r e n d un individu en flagrant délit de vol et ne le dénonce pas est puni d ' u n e a m e n d e équivalente à celle infligée au voleur. 3<S. — Celui qui coupe du palmier-nain entre « El Hassi Abbou ou El Maâti et Sedret-El Merfeq » : 2 d o u r o s . 39. — P o u r tout vol commis, il est infligé une a m e n d e de 10 d o u r o s qui revient à la djemâa. Le voleur, en outre, est tenu de restituer à la victime quatre fois autant qu'il a volé. 4 1 . — Les s e r m e n t s p o u r des délits commis dans les maisons doivent être c o r r o b o r é s p a r dix co-jureurs. 42. — Q u i c o n q u e refuse de suivre son adversaire devant le Charaâ .- 20 d o u r o s , si le qaïd est saisi de l'affaire et que le récalcitrant ne s ' a r r a n g e p a s avec son a d v e r s a i r e . 4 3 . — P o u r tout ovin qui sera trouvé paissant d a n s un verger : 2 sous d ' a m e n d e au p r o p r i é t a i r e . — 103 — 44- — Pour les a n i m a u x tels q u e la vache, 1 â n e et le mulet, le p r o p r i é t a i r e doit p a y e r 4 sous et d é d o m m a g e r la p e r s o n n e chez qui les dégâts ont été c o m m i s . 45. - Celui qui refuse de c o m p a r a î t r e devant le qaïd : 20 d o u r o s . 4<). — Q u i c o n q u e injurie le fqih ou lui m a n q u e do respect ainsi q u ' à ses enfants, qu'il s'agisse d ' h o m m e s ou de femmes : 4 d o u r o s . 47. — Q u i c o n q u e applique un souflet s u r la joue de son semblable : 2 d o u r o s . 48. — Celui 2 douros. qui frappe q u e l q u ' u n avec un bâton : 4<j. — Celui qui crache sur son semblable : 1 d o u r o . 50. — Si un individu intente un procès à un autre et que celui-ci refuse de c o m p a r a î t r e devant le Charaâ : 1 / 2 douro. 5 1 . — Celui qui se m o n t r e insolent e n v e r s les m e m b r e s de la djemâa, qu'il s'agisse d ' h o m m e ou de femme : 1 douro. 5 2 . — Si u n e femme invoque le Charâa contre son é p o u x (pour obtenir d'être divorcée), celui-ci est tenu de la r é p u d i e r ; s'il ne le fait pas : 20 d o u r o s . En outre, il sera e m p r i s o n n é j u s q u ' à ce qu'il la r é p u d i e . 5 3 . — Si un é t r a n g e r verse p o u r le récalcitrant les 20 d o u r o s de pénalité, cet individu sera puni d ' u n e a m e n d e égale à celle indiquée plus haut. 54. — Si le qaïd c o m m a n d e de faire une chose et qu'ensuite il se m o n t r e négligent au point que son o r d r e ne s'exécute pas, il sera tenu de p a y e r 2 a o u r o s . 5 5 . — Dieu tirera vengeance de tous ceux qui o p é r e ront un changement ou une modification quelconque dans les règles de cet azref. FIN DE L'AZREF DES AIT ACHA (A suivre.) CHROHIQUE BERBÈRE Les Archives B e r b è r e s ont annoncé, dans leur premier numéro, la création d'une chaire de Langue berbère à l'Institut Oriental de N'aples. A la suite du concours ouvert à Rome, en avril dernier, le titulaire de cette chaire vient d'être désigné : c'est M. BEGUINOT, précédemment lecteur de Berbère au même Institut Oriental et qui s'est acquis une compétence toute spéciale dans la dialectologie berbère de la Lybie par des études et des recherches poursuivies au cours d'une mission en Tripolitaine, d'où il a rapporté de nombreux documents sur les parlers de la région de Zouagha. Nous sommes heureux de lui adresser ici nos plus vives félicitations. Les lecteurs des Archives B e r b è r e s trouveront ci-après le texte du rapport officiel par lequel la Commission du Concours de Rome a rendu compte de ses travaux. R. IJiSTiTuTO ORIENTALE DI JiAPOuI Relazione della Commissione giudicatrice del concorso alla cattedra di berbero Eccellenza, La C o m m i s s i o n e nominata d ' a l l ' E . V. p e r giudicare del concorso alla cattedra di berbero del Regio Istituto Orientale di Napoli ha iniziato il giorno 8 aprile 1 9 1 5 e nelle a d u n a n z e successive, dal 9 al 13 dello stesso mese, ha compiuto i suoi lavori. Avevano chiesto di p r e n d e r e p a r t e al concorso i signori : 1 " prof. Francesco BEGUINOT, 2" dott. F. C R O U Z E T di Algeri. — ios — Ma ¡1 secondo fece s a p e r e all'ultimo m o m e n t o che, per troppa scarsa conoscenza della lingua italiana, rinunziava a partecipare al concorso. Secondo il bando del Ministero, i candidati dovevano, non soltanto con titoli scientifici, ma anche con p r o v e scritte ed o r a l , dimostrare di possedere una buona conoscenza di almeno uno fra i dialetti berberi della Libia, u n a adeguata cultura nel campo degli studi berberi in genere, ed ancora le indispensabili cognizioni di arabo letterario e di qualche dialetto arabo della Tripolitania. La C o m m i s s i o n e pertanto delibero che due fossero le prove scritte p e r il berbero : una consistente nello svolgimento di un tema di genere narrativo nel dialetto del Gebel Nefusa, e l'altra nella traduzione nello stesso dialetto, con trascrizione fonetica latina e con caratteri arabi, di un testo italiano, con osservazioni com parative morfologiche e lessicali con gli altri dialetti berberi della Tripolitania. P e r l'arabo fu stabilita u n ' u n i c a prova scritta, consistente nella traduzione italiana di un testo arabo di carattere storico-geografico, relativo alla Tropolitania. ; Le prove orali furono stabilite nel n u m e r o ui quattro : cioè : r) lettura, interpretazione e illustrazione filológicacomparativa di testi berberi di vario genere : 2 ) lettura e versione di testi in arabo volgare della Tripolitania e conversazione nello stesso arabo volgare : T,") conversazione nel dialetto berbero del Gebel Nefusa con un indigeno fatto venire al Ministero a tale scopo : 4 ) una lezione della durata di so o 45 minuti, su un a r g o m e n t o storico-geografico relativo ai berberi, per la cui p r e p a r a z i o n e furono assegnate al concorrente tre ore di t e m p o . 0 0 ; La C o m m i s s i o n e n base all'esame dei titoli accademici, didattici e scientifici del concorrente ed ai risultati delle prove scritte ed orali testé ndicate, è giunta alle conclusioni seguenti : ; Il dott. Francesco B E C U I N O T , laureato in lettere nella R. Università di R o m a nel 1004, libero docente di lingue semitiche e storia d'Abissinia nella stessa Università (1007), e. dal gennaio 1 0 1 4 , incaricato di b e r b e r o nel R. Istituto Orientale di Napoli, ha p r e s e n t a t o alcune pubblicazioni relative alla filologia semitica, e sovra tutto alle cose d'Abissinia, nelle quali mostra buona p r e p a r a z i o n e filologica, buon metodo scientifico e particolare attitudine alle ricerche i carattera fonetica. — io6 Le stesse qualità si palesano nei copiosi lavori m a n o s critti ch'egli presenta intorno a parecchi dialetti berberi della Tripolitania ; taluno dei quali è stato da lui studiato per la prima volta in base ai materiali ch'egli ha con gran cura raccolto dalla bocca degli indigeni. Essi costituiscono un notevole e nuovo contributo agli studi berberi. Altre memorie dimostrano che il concorrente ha rivolto la sua attenzione anche ai vari aspetti della vita sociale e religiosa dei berberi tripolitani, in mezzo ai quali ha vissuto parecchio tempo, facendovi utili e spesso acute osservazioni. Gli studi d'archeologia berbero-libica fatti dal concorrente in C i r e naica risultano da materiali che il concorrente ha presentato non ancora elaborati. Le prove scritte ed orali h a n n o confermato che il concorrente ha ottima cognizione teorica e pratica dei dialetti berberi del Gebel Nefusa, che sono quelli di maggiore importanza per la Tripolitania. Meno versato invece è a p p a r s o nella lessicologia comparata dei dialetti berberi dell'Algeria e del Marocco ; inoltre gli si può m u o v e r e l ' a p punto di non conoscere l'alfabeto tifinagh usato dai T u a r e g h . Risulta poi dalle prove scrite ed orali che il concorrente ha dell'arabo letterario le cognizioni necessarie per comp r e n d e r e i libri attinenti alla storia e alla geografia dei paesi berberi ; e che è in grado di parlare speditamente l ' a r a b o dialettale della Tripolitania. La lezione, infine, ha provato che il concorrente sa e s p o r r e con chiarezza ed efficacia gli argomenti che deve trattare a voce : confermando cosi le attitudini didattiche che già e r a n o risultate dall'insegnamento finora da lui tenuto per incarico dell'Istituto Orientale. La C o m m i s s i o n e pertanto è lieta di p r o p o r r e unanime a l l ' n . V . che il dott. Francesco REGUINOT sia nominato p r o fessore titolare di berbero nel R. Istituto Orientale di Napoli, ritenendo ch'egli abbia in larga misura tutti i requisiti per occupare degnamente tale cattedra. Roma, 1 3 aprile 1 0 1 3 . Firmati : L. B O N E L L I . R. H. I. C. BASSET. STUMME. GUIDI. A. NALLINO.