Fabio Pedrina, président de l`Initiative des Alpes - Alpen

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Fabio Pedrina, président de l`Initiative des Alpes - Alpen
Conseil fédéral et Parlement doivent enfin négocier sérieusement en vue
d’atteindre l’objectif
Fabio Pedrina, président de l’Initiative des Alpes
Les régions de l’arc alpin souffrent du trafic poids lourds, et les Alpes sont un milieu particulièrement sensible sous l’angle écologique. Des rapports de l’UE en font d’ailleurs état. Il
n’est donc pas étonnant que les régions d’Autriche, d’Italie, de France et de Suisse touchées
par le trafic de transit à travers les Alpes appellent ensemble de leurs vœux la mise en place
d’une bourse du transit alpin (BTA), comme elles l’ont fait en décembre 2011 lors de la conférence iMonitraf de Lucerne 1. Le Conseil fédéral doit impérativement et sans plus tarder
engager des négociations sur une BTA en vue d’atteindre l’objectif de transfert fixé. Il peut
associer à ces négociations les régions alpines voisines, comme partenaires importants.
Une chance énorme s’offre aujourd’hui au Conseil fédéral pour négocier une BTA sur la
base de l’accord sur les transports terrestres dans le cadre de la commission mixte
Suisse/UE. En effet, la fermeture totale que nécessitera la rénovation du tunnel du Gothard oblige à créer un système viable de gestion du trafic (transparent). Avec un second
tunnel, en revanche, cette chance serait gâchée et le tapis rouge déroulé pour le libre transit
des camions.
L’Initiative des Alpes est favorable aux mesures proposées par le Conseil fédéral dans son
Rapport sur le transfert de trafic 2 (transparent). Elle appuie également les demandes des
milieux économiques pour rendre plus attractif et meilleur marché le transport ferroviaire de
marchandises par des mesures de rationalisation 3 (transparent). Sur le principe, nous
n’avons rien non plus contre l’idée de mettre moins d’argent dans les indemnités
d’exploitation et davantage dans l’infrastructure. Et nous comptons nous aussi sur des innovations telles que l’attelage automatique à tampon central ou le train-navette cargo.
Mais nous mettons en garde contre l’illusion de croire qu’ainsi l’objectif sera atteint.
Cette fable nous a déjà été servie par le Conseil fédéral et le Parlement dans le cas du tunnel de base du Lötschberg. Voyant alors que le «miracle» du Lötschberg n’était pas automatique, ils ont prolongé le délai jusqu’à la mise en service du tunnel de base du Gothard. Fautil attendre maintenant le corridor de 4 mètres, puis les raccordements sud, etc.? L’Initiative
des Alpes continue d’estimer que toutes ces mesures sont judicieuses, mais qu’elles ne suffisent pas. La mise en place d’une BTA ou d’un instrument similaire est incontournable.
Nous ne sommes d’ailleurs pas seuls à réclamer une BTA: toutes les régions
d’Autriche, d’Italie, de France et de Suisse concernées par le trafic de transit à travers
les Alpes, l’appellent de leurs vœux. C’est uniquement avec une telle bourse que nous
pourrons mettre suffisamment d’argent dans l’infrastructure, car nous pourrons faire
l’économie des indemnités d’exploitation.
Pour que le Conseil fédéral puisse mener des négociations avec la vigueur nécessaire, le
Parlement doit desserrer le frein en modifiant la loi sur le transfert du trafic marchandises (LTTM).
1
www.imonitraf.org
Corridor de 4 mètres, utilisation de la pleine marge de manœuvre disponible pour la fixation du montant de la RPLP, reconduite du plafond de dépenses, augmentation des capacités des terminaux au sud des Alpes
3
Meilleure prise en compte du trafic marchandises dans l’attribution des sillons, système de prix du sillon qui charge moins le
trafic marchandises, différenciation du prix du sillon selon l’offre et la demande resp. la qualité des sillons et les nuisances
sonores 2
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D’une part, le Parlement doit modifier l’article 6 de la LTTM. Dans sa teneur actuelle, cet
article prévoit la possibilité de créer une BTA uniquement «en coordination avec des
pays étrangers». Ne serait-ce qu’en raison du risque de voir certains pays de l’UE traîner
les pieds, la loi doit relativiser la coordination avec d’autres pays («si possible»), afin que
la Suisse puisse, si nécessaire, agir de façon autonome. C’est la seule manière d’éviter
une situation bloquée par un refus de l’UE d’entrer en négociation.
D’autre part, la loi doit donner mandat au Conseil fédéral, comme ce dernier l’envisageait
dans son message initial de 2007, d’introduire une BTA au plus tard à la mise en service
du tunnel de base du Gothard (et pas simplement de négocier à son sujet, avec de fait
les mains liées). Cette BTA devra ramener progressivement le nombre de trajets autorisés à travers les Alpes au niveau de l’objectif final de 650'000 en 2018. La loi doit être
complétée de façon à comporter tous les éléments nécessaires à la création d’une BTA.
Il faut prévoir la possibilité, pour les pays étrangers, d’avoir leur part aux recettes de la
BTA, dans le but spécifique de les aider à financer les lignes d’accès à la Suisse.
L’article 8, alinéa 2, qui prescrit une diminution continue du montant des indemnités dans
le transport ferroviaire de marchandises, doit être biffé. En tout état de cause, il est encore nécessaire actuellement de maintenir le montant des indemnités à leur niveau
maximal. Ces indemnités ne deviendront superflues qu’une fois que la BTA aura été
mise en place. L’argent qui leur est réservé pourrait alors être affecté à l’infrastructure.
Compte tenu de ce qui précède, l’Initiative des Alpes recommande la conclusion d’un accord
cadre avec les pays alpins et l’UE, accord dont les grands axes seraient les suivants:
1. Fixation de l’objectif commun en matière de transfert modal.
2. Détermination des parts de trafic dévolues aux différents pays (cf. proposition des régions iMonitraf 4) (transparent ).
3. Reconnaissance mutuelle des différents instruments de transfert (afin d’éviter toute querelle stérile et interminable les concernant).
4. Participation de l’Allemagne et de l’Italie aux recettes de la BTA dans un but spécifique
de cofinancement du développement des lignes ferroviaires d’accès.
5. L’accord pourrait également prévoir des efforts communs en vue de l’installation à
l’échelle européenne de l’attelage automatique à tampon central, système laissant entrevoir, pour un investissement relativement modeste, un important gain de rationalisation.5
La Suisse n’a aucune raison de mettre ses prestations sous le boisseau. Avec la réalisation des deux tunnels ferroviaires de base, elle a fait énormément pour l’Europe – et cela
sans que l’UE ait eu à débourser quoi que ce soit. L’UE elle-même a un intérêt éminent à ce
que les transports de fret à travers les Alpes puissent, à l’avenir aussi, se faire sans accrocs.
Or, cela n’est possible que si ces transports se font principalement par rail. La Suisse a en
quelque sorte déplié le «tapis de fer» devant l’UE. Celle-ci ne peut attendre de la Suisse
qu’elle subventionne son trafic marchandises «ad vitam aeternam». Nous sommes sûrs que
nos voisins ont grand intérêt à trouver une solution commune. Des menaces de rétorsion de
la part de l’UE ne feraient, dans le meilleur des cas, que conforter le peuple suisse dans sa
conviction que nous ne devons pas sacrifier la protection des Alpes au secret bancaire ou à
d’autres intérêts, comme naguère la limite de 28 tonnes l’a été en faveur de l’aviation suisse.
Airolo / Berne, 22 mars 2012
4
5
Helen Lückge, Markus Maibach, Jürg Heldstab, Damaris Bertschmann: Innovative approaches for the Alpine transport system
– the regional viewpoint, Zurich, 14th September 2011. Sur: www.imonitraf.org => Publications => Rapports
http://www.automatische-mittelpufferkupplung.de/files/automatische_mittelpufferkupplung.pdf