droit public de la concurrence (ii) : les ressources essentielles

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droit public de la concurrence (ii) : les ressources essentielles
UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II
Année universitaire 2007-2008
Travaux dirigés - Master I en droit
DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE II
Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD
Distribution du 10 au 14 mars 2008.
Séance n° 4
DROIT PUBLIC DE LA CONCURRENCE (II) :
LES RESSOURCES ESSENTIELLES
1°/ BIBLIOGRAPHIE
BAZEX Michel, Entre concurrence et régulation la théorie des facilités essentielles, Revue de la
concurrence et de la consommation, n° 119, janvier 2001, p. 37-44.
BLANC Patrick, Les entreprises publiques face à la concurrence, Revue de la concurrence et de la
consommation, n° 125, janvier 2002, p. 5-13.
BRISSON Jean-François, L’incidence de la loi du 20 avril 2005 sur le régime des infrastructures
aéroportuaires, AJDA, 3 octobre 2005, n° 33, p. 1835-1843.
CANIVET Guy, Le droit de propriété confronté à la théorie des infrastructures essentielles, Rev. Lamy
droit des aff., décembre 2006, p.79.
FRISON-ROCHE Marie-Anne et alii, Conquête de la clientèle et droit de la concurrence, Gaz. Pal., 9
novembre 2001, n° 313, numéro spécial droit de la concurrence, p. 36-49.
GRARD Loïc, Nouvelles régulations et nouveaux régulateurs dans le secteur des transports en Europe,
Revue du Marché Commun et de l'Union Européenne, 2001, p. 258-266.
L’HÉNORET-MARCELLESI Doris, Les infrastructures essentielles dans le secteur des nouvelles
technologies, Gaz. Pal., 20 juillet 2005, n° 201, p. 32-35.
IDOT Laurence, Dans quelle mesure le droit de la concurrence (déloyale) impose-t-il de donner à
d'autres opérateurs économiques accès à des infrastructures, services ou informations que l'on détient
?, Revue internationale de la concurrence, n° 183, 1997, p. 16-25, et n° 186, 1998, p. 30-33.
MARTIN Sylvain, LEVILAIN, Fabienne, L'application de la théorie des facilités essentielles dans le
secteur des télécoms, de l'électricité et du gaz, Gaz. Pal., 23 octobre 2002, n° 296, doct., p. 4-6.
NICINSKI Sophie, Règles de concurrence et exploitation des ressources essentielles, JCP A, 29 octobre
2007, p.57.
RICHER Laurent, Le droit à la paresse ? Essential Facilities. Version française, D. 1999, chron., p.
523-525.
1
THILL-THAYARA Mélanie et COUADOU Cyrille, Le droit d'accès à l'épreuve de la théorie des
installations essentielles, Contrats-Concurrence-Consommation (CCC), 1999, n° 5, p. 4-7.
VEGIS Emmanuel, La théorie des essential facilities : genèse d'un fondement autonome visant des
interdictions d'atteinte à la concurrence ?, Revue de Droit Commercial Belge, 1999, p. 4-21.
WEINGARTEN Florence, La théorie des infrastructures essentielles et l'accès des tiers aux réseaux en
droit communautaire, CJEG, 1998, p. 461-480.
Les étudiants pourront se reporter au rapport public du Conseil d’Etat de 2002 Collectivités
publiques et concurrence, spéc. pp.237-243 et pp.403-423.
2°/ DOCUMENTS
Document n° 1 : Décision de la Commission du 21 septembre 1994, European Night Services,
IV/34.600 JOCE, L, 259 du 7/10/94.
F. Daudret, Revue de la concurrence et de la consommation, 1er janvier 1996, n° 89, p. 49-58.
Document n° 2 : TPICE, 12 décembre 2000, ADP c/ Commission des Communautés européennes, aff.,
T-128/98, Rec., 2000, p. II-03929.
DA, 1er avril 2001, n° 4, p. 19-23, comm. M. Bazex et S. Blazy ; Europe, février 2001, n° 2, p. 21-22,
comm. L. Idot ; JDI, 1er avril 2001, n° 2, p. 667-670, chron. C. Prieto.
Document n° 3 : CJCE, 24 octobre 2002, ADP c/ Commission et Alpha Flight Services SAS, aff., C82/01, Rec., 2002, p. I-9297.
J.-Y. Chérot, L’identification par la Cour de justice des Communautés européennes de l'activité
économique au sens du droit de la concurrence, AJDA, 10 mars 2003, n° 9, p. 436-442 ; L. Idot,
Europe, 1er décembre 2002, n° 12, p. 13 ; S. Poillot-Peruzzetto, CCC, 1er janvier 2003, n° 1, p. 15-16 ;
C. Prieto, JDI, 1er avril 2003, n° 2, p. 632-634.
Document n° 4 : CE, 29 juillet 2002, Société CEGEDIM, req. n° 247.769.
AJDA, 28 octobre 2002, n° 16, p. 1072-1077, note S. Nicinski ; DA, novembre 2002, n° 11, pp. 13-15,
comm. M. Bazex et S. Blazy ; JCP E, 23 janvier 2003, n° 4, p. 179-181, note J.-M. Bruguière ; CJEG,
janvier 2003, n° 594, p. 16-22, concl. C. Maugüe ; D., 2003, jurispr., p. 901, note G. Gonzalez ; CCC,
1er mars 2003, n° 39, p. 12-13, comm. M. Malaurie-Vignal.
Document n° 5 : Cass. com., 12 juillet 2005, NMPP, pourvoi n°04-12.388.
JCP E, 2005, p.1994 ; Rev. Lamy droit des aff., décembre 2006, p.76 ; Gaz. Pal., 15 juin 2007, p.37.
2
Cas pratique
Le maire d'une grande ville, sensible aux nombreuses campagnes menées actuellement contre les
inconvénients, voire les dangers des affichages publicitaires sur les véhicules des transports en commun
comme sur les portes de certaines voitures, a décidé d'encadrer plus strictement les messages
publicitaires sur ces divers véhicules aux abords des lignes de tramway ainsi que les affichages sur le
nouveau tramway lui-même. Il souhaite en limiter la prolifération, tout en laissant subsister cette source
de revenus au profit du concessionnaire de la gestion du service des transports urbains.
L'établissement public auquel ce service a été concédé ne pourra consentir des emplacements d'affichage
sur les wagons de tramway et dans les différentes stations qu'au profit d'une seule entreprise de publicité,
de façon à limiter le nombre des publicités et à maintenir une certaine cohérence dans les messages
diffusés.
Cependant la baisse des revenus tirés de la publicité, risque de nuire à la qualité des services de
transports en commun municipaux. La perte ainsi subie se traduit par le rééchelonnement du programme
d’acquisition de nouvelles rames et par l’abandon du projet de fonctionnement du tramway jusqu’à 2
heures du matin, la régie municipale souhaitant économiser sur les heures supplémentaires. Afin
permettre aux citoyens municipaux de se déplacer dans des conditions acceptables, le maire décide de
développer l’activité des taxis dans sa ville. Il prévoit ainsi la pose, à intervalles réguliers, de
nombreuses bornes d’appel sur l’ensemble du territoire municipal ainsi que sur celui des communes
périphériques. Afin de réduire le coût d’investissement du projet, un partenariat est conclu avec l’une
des quatre compagnies de taxis exerçant leur activité dans la région. Celle financera une partie de
l’installation et assurera leur entretien. En contrepartie, elle bénéficiera d’un droit d’utilisation gratuit et
exclusif des bornes pendant 3 ans.
Le maire prend également un arrêté interdisant l'accès des véhicules sur lesquels sont apposés des
messages publicitaires aux axes de circulation où sont installées les lignes de tramway, sauf pour ceux
appartenant à la compagnie de taxi partie à l’opération .
Ayant eu vent de l’inquiétude suscitée par ce projet chez certaines entreprises, de publicité comme de
taxi, le maire s’inquiète des éventuels risques de contentieux. Il vous demande une note portant sur la
nature des procédures pouvant être engagées contre les mesures qu’il envisage, les moyens juridiques
sur lesquels elles peuvent être fondées, et leur chance de succès.
3
Document n° 1 : Décision de la Commission, du 21 septembre 1994, European Night Services
(ENS).
I. LES FAITS
(…)
- les touristes plus soucieux des prix et pouvant se
contenter de sièges inclinables confortables conçus
pour le voyage de nuit.
B. Les parties en cause
(11) La seconde catégorie d'accords concerne des
accords d'exploitation signés le 30 juin 1992 par
ENS avec les entreprises ferroviaires parties à
l'accord ENS ainsi qu'avec la SNCB.
(2) BR, EPS, NS, DB, SNCF et SNCB sont des
entreprises ferroviaires au sens de l'article 3 de la
directive 91/440/CEE du Conseil (1).
(12) En vertu des accords d'exploitation, ENS sera
chargée de l'émission, sous son nom, de billets de
train pour chaque itinéraire, et chacune des sociétés
de chemins de fer concernées convient de lui fournir
les services suivants :
- traction ferroviaire sur son réseau: fourniture de la
locomotive, de l'équipage et du sillon horaire,
- services de nettoyage à bord: nettoyage du matériel
roulant utilisé, entretien des wagons-lits, opérations
de terminal et personnel à bord,
- entretien journalier: maintenance journalière,
contrôles de sécurité, réparations d'urgence du
matériel roulant arrivant à la gare du terminal,
- services voyageurs pour les services de nuit
comprenant notamment des arrêts commerciaux
dans une gare située sur le réseau de la société de
chemins de fer, sécurité des voyageurs aux
terminaux ou dans les trains, utilisation de systèmes
de réservation, distribution de systèmes de
réservation aux points de vente,
- services de marketing en coopération avec ENS,
mais à l'exclusion de la distribution de billets.
(3) European Passenger Services (EPS) était, au
moment de la notification, une filiale contrôlée à 100
% par BR. Depuis le 10 mai 1994, elle constitue une
entreprise ferroviaire contrôlée par les pouvoirs
publics britanniques. Celle-ci s'est substituée à BR
pour la prestation des services de transport
international de passagers. En même temps, la
participation de BR dans ENS a été transférée à EPS.
(4) German Rail UK Limited (GR UK) est une
filiale à part entière de DB.
(5) Transmanche Night Travel Limited (TNT) est
une filiale à 100 % de France Rail, elle-même filiale
à 100 % de la SNCF.
(6) ENS est une entreprise commune constituée
entre BR, désormais EPS, DB, NS et SNCF.
(…)
D. Les accords en cause
(8) Le premier accord porte sur la création d'ENS,
private company limited by shares, constituée au
Royaume-Uni, (…)
(13) Outre les services mentionnés ci-dessus, EPS et
la SNCF conviennent d'assurer la traction ferroviaire
sur le trajet du tunnel sous la Manche, en fournissant
notamment les locomotives appropriées, les
équipages et les sillons horaires.
(9) ENS aura pour mission de fournir et d'exploiter
des services de transport ferroviaire de nuit pour le
transport de voyageurs entre la Grande-Bretagne et
le Continent par le tunnel sous la Manche.
Il est prévu de mettre en service à partir de
1995/1996 un train par nuit, dans chaque direction
sur chacun des itinéraires suivants:
- Londres-Amsterdam,
- Londres-Francfort/Dortmund,
- Paris-Glasgow/Swansea,
- Bruxelles-Glasgow/Plymouth.
(14) Le service requiert un matériel roulant
spécialisé pouvant circuler sur des réseaux
ferroviaires différents et conforme aux exigences en
matière de sécurité pour la traversée du tunnel.
(15) Pour l'achat de ce matériel roulant, les
entreprises ferroviaires participantes (BR, DB, NS,
SNCF) ont conclu par l'intermédiaire d'ENS un
accord de vente et de cession-bail, en vertu duquel
les bailleurs sont convenus de louer le matériel
roulant à ENS pour une période initiale de vingt ans.
(10) Les services de nuit doivent répondre aux
besoins de trois catégories de voyageurs :
- les hommes d'affaires, désirant avoir un lit
confortable et un maximum d'intimité, une qualité et
un service de haut niveau et des heures de départ et
d'arrivée adaptées à leur activité,
- les touristes, désirant un confort égal ou similaire à
celui offert aux hommes d'affaires,
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
4
C. La notion d'accord
(…)
(…)
(31) ENS est donc une entreprise conjointement
contrôlée par quatre entreprises, celles-ci étant soit
filiales d'entreprise ferroviaire, soit entreprises
ferroviaires. ENS constitue dès lors une entreprise
commune au sens de la communication de la
Commission relative aux entreprises communes (1).
B. Le marché en cause
a) Le marché des services
(17) Il résulte de la jurisprudence de la Cour de
justice que « la notion de marché implique qu'une
concurrence effective puisse exister entre les
produits ou les services qui en font partie, ce qui
suppose un degré suffisant d'interchangeabilité en
vue du même usage entre tous les services faisant
partie d'un même marché » (1).
(32) Il est prévu qu'ENS développe ses activités de
façon durable et prenne en charge toutes les
fonctions d'une unité économique autonome.
(33) Il convient également de constater que les
entreprises fondatrices d'ENS ne se retirent pas de
façon permanente du marché en cause. Celles-ci
disposent des moyens techniques et financiers pour
aisément créer un regroupement international au
sens de l'article 3 de la directive 91/440/CEE et
fournir des services de transport nocturne de
passagers.
(18) Dès lors, s'agissant de transports de passagers,
la seule substituabilité technique entre différents
modes de transport ne saurait suffire à démontrer
l'appartenance de ceux-ci à un même marché.
(…)
(25) Dès lors, il convient de constater dans le cas
d'espèce l'existence de deux marchés des services.
(34) Par ailleurs, EPS, SNCF, DB et NS restent
prioritairement actives sur un marché en amont du
marché d'ENS, celui des services ferroviaires
indispensables que les entreprises ferroviaires
vendent aux opérateurs de transport, notamment à
ENS.
(26) D'une part, un marché du transport des
personnes qui voyagent pour affaires et pour qui le
transport aérien en vol régulier et le transport
ferroviaire à grande vitesse constituent des modes de
transport substituables.
Les trains de nuit exploités par ENS constituent
également un service substituable en raison de leur
niveau de confort et des horaires particulièrement
adaptés pour les voyages d'affaires.
(35) En conséquence, la Commission est d'avis que
l'entreprise commune ENS a pour objet et pour effet
une coordination du comportement concurrentiel
d'entreprises qui restent indépendantes.
(27) D'autre part, un marché du transport des
personnes qui voyagent dans le cadre de leurs loisirs,
pour qui les services substituables peuvent
comprendre l'avion en classe économique, le train,
l'autobus et éventuellement la voiture individuelle.
(36) ENS constitue dès lors une entreprise commune
de nature coopérative qui entre dans le champ
d'application de l'article 85 du traité CE.
(37) Les accords d'exploitation, conclus entre d'une
part ENS et d'autre part chacune des entreprises
ferroviaires suivantes: EPS, NS, DB, SNCF, SNCB,
constituent des accords au sens de l'article 85 du
traité.
b) Le marché géographique
(…)
(29) Dès lors, la Commission est d'avis que le
marché géographique en cause ne recouvre pas
l'ensemble du Royaume-Uni, de la France, de
l'Allemagne et des pays du Benelux, mais doit être
limité aux lignes effectivement desservies par ENS,
soit:
D. Les restrictions de concurrence
a-1) Restrictions de concurrence entre fondateurs et
effets vis-à-vis des tiers
(38) Aux fins d'apprécier les restrictions de
concurrence actuelles et potentielles, il convient de
rappeler le cadre juridique dans lequel les entreprises
ferroviaires fournissent leurs services.
- Londres-Amsterdam,
- Londres-Francfort/Dortmund,
- Paris-Glasgow/Swansea,
- Bruxelles-Glasgow/Plymouth.
(39) En vertu de l'article 10 de la directive
91/440/CEE, dans le domaine du transport de
passagers, les regroupements internationaux
d'entreprises ferroviaires disposent de droits d'accès
5
sur les infrastructures ferroviaires des États membres
où elles sont établies ainsi que de droits de transit
sur les infrastructures des autres États membres aux
fins de réaliser des transports internationaux.
pouvoir bénéficier de la totalité des sillons
disponibles pour les trains internationaux, elles
disposeront néanmoins d'une partie significative de
ces sillons pour exploiter des trains internationaux et
faire face à leurs engagements vis-à-vis
d'Eurotunnel.
(40) Ces possibilités sont ouvertes aux entreprises
ferroviaires existantes ainsi qu'à d'éventuelles
nouvelles entreprises ferroviaires, y compris à des
filiales des entreprises existantes.
(48) Dès lors, eu égard à la puissance économique
des entreprises fondatrices, la création d'ENS risque
d'entraver l'accès au marché d'opérateurs de
transport susceptibles de concurrencer ENS.
(41) Les dispositions de ladite directive laissent aux
États membres la possibilité d'adopter des
législations nationales plus libérales en matière
d'accès à l'infrastructure.
(…)
G. Article 5 du règlement (CEE) n° 1017/68
(42) Dès lors, DB ou NS ont la possibilité de
constituer un regroupement international avec une
entreprise ferroviaire établie au Royaume-Uni et
d'exploiter des services de transport internationaux
en achetant à Eurotunnel, en qualité de gestionnaire
d'infrastructures, les sillons horaires nécessaires pour
traverser le tunnel sous la Manche.
a) La contribution au progrès économique
(59) Dans le contexte de l'ouverture du tunnel sous
la Manche, la création d'ENS favorise la mise en
place de nouveaux services de transport d'un niveau
qualitatif élevé.
Pour les personnes voyageant pour des raisons
professionnelles, ENS offre un service substituable
au transport aérien qui n'existait pas antérieurement.
Les services offerts par ENS sont ainsi de nature,
dans certaines circonstances, à accroître la
concurrence entre les modes de transport.
(43) De même, une entreprise ferroviaire partie à
l'accord a la possibilité de créer une filiale
spécialisée en qualité d'opérateur de transport, aux
fins d'exploiter des services de transport
internationaux en achetant aux entreprises
ferroviaires concernées les services ferroviaires
indispensables.
(60) Par ailleurs, l'accord en cause, en assurant
l'essor du trafic entre le Royaume-Uni et le
Continent, concourt à la réussite du tunnel sous la
Manche.
D'une façon générale, la constitution d'ENS est donc
de nature à promouvoir le progrès économique.
(…)
(65) Dès lors, la Commission est d'avis que les
restrictions de la concurrence qui résultent de la
constitution d'ENS sont nécessaires au moins
pendant une période transitoire, et compte tenu de la
situation spécifique du marché en cause.
(44) Enfin, une entreprise ferroviaire peut se placer
elle-même en situation d'opérateur de transport et
exploiter des services internationaux en achetant aux
entreprises concernées les services ferroviaires
indispensables.
(45) Or, en confiant l'exploitation et la
commercialisation de ces services à ENS, EPS,
SNCF, DB et NS annulent ou restreignent
considérablement ces possibilités de concurrence.
(46) Par ailleurs, les sociétés mères d'ENS
conservent une position dominante pour la fourniture
des services ferroviaires dans leur État d'origine,
notamment en ce qui concerne les locomotives
spécialisées pour le tunnel sous la Manche, et ENS
disposera d'un accès direct à ces services
conformément aux accords d'exploitation conclus
avec EPS, SNCF, DB, NS et SNCB. L'existence de
relations privilégiées entre les sociétés mères et ENS
risque ainsi de placer les autres opérateurs dans une
situation
concurrentielle
défavorable
pour
l'acquisition de services ferroviaires indispensables.
(66) Il convient toutefois que la Commission impose
une condition visant à s'assurer que les restrictions
de concurrence continuent à ne pas excéder ce qui
est indispensable et à garantir la présence sur le
marché d'opérateurs de transport ferroviaire
concurrents d'ENS.
d) Absence d'élimination de la concurrence
(67) S'agissant du marché du transport de passagers
qui voyagent pour affaires, des services substituables
sont offerts par les entreprises de transport aérien.
(47) De même, il convient de prendre en
considération la convention d'utilisation signée entre
Eurotunnel et BR/SNCF. Même si en application du
droit communautaire, BR et SNCF ne devraient pas
(68) Les passagers qui voyagent à des fins de loisirs
peuvent, pour leur part, avoir recours au transport
6
aérien, ou au transport par autobus ainsi qu'au
transport maritime.
(83) Les entreprises ferroviaires ne doivent pas être
tenues de fournir ces services si le nouvel entrant est
en mesure de les fournir lui-même ou si elles ne
disposent pas des moyens de traction nécessaires.
(69) Par ailleurs, d'autres opérateurs de transport,
similaires à ENS, doivent être en mesure de fournir
des services concurrents en achetant aux entreprises
ferroviaires les services ferroviaires indispensables.
(84)
Ces
obligations
doivent
s'entendre
indépendamment des obligations générales qui
pèsent sur les entreprises ferroviaires en vertu des
dispositions de l'article 86 du traité,
(70) Dans ces conditions, la création d'ENS
n'élimine pas toute concurrence sur le marché en
cause.
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
H. Modalités de l'exemption
Article premier
Conformément à l'article 5 du règlement (CEE) n°
1017/68 et à l'article 53 paragraphe 3 de l'accord sur
l'Espace économique européen, les dispositions de
l'article 85 paragraphe 1 du traité CE et de l'article
53 paragraphe 1 de l'accord EEE sont déclarées
inapplicables aux accords relatifs à European Night
Services Limited, ci-après ENS. Cette exemption
prend effet le 29 janvier 1993 et se termine le 31
décembre 2002.
(…)
(79) L'octroi de l'exemption doit cependant être
soumis à certaines conditions destinées à éviter que
les restrictions de concurrence excèdent ce qui est
indispensable.
(80) Pour ce faire, les nouveaux entrants sur le
marché, regroupements d'entreprises ferroviaires ou
opérateurs de transport, qui ne sont pas en mesure de
fournir eux-mêmes les services ferroviaires
indispensables ou une partie de ceux-ci, doivent
pouvoir acquérir auprès des entreprises ferroviaires
parties à l'accord ENS, les mêmes services
ferroviaires indispensables que celles-ci se sont
engagées à vendre à leur filiale.
Article 2
L'exemption visée à l'article 1er est assortie de la
condition que les entreprises ferroviaires parties à
l'accord ENS fournissent en tant que de besoin à tout
regroupement international d'entreprises ferroviaires
ou à tout opérateur de transport souhaitant exploiter
des trains de nuit de passagers empruntant le tunnel
sous la Manche, les services ferroviaires
indispensables que celles-ci se sont engagées à
fournir à ENS. Ces services concernent la fourniture
de la locomotive, de son équipage et du sillon
horaire sur chaque réseau national, ainsi que dans le
tunnel sous la Manche. Les entreprises ferroviaires
doivent fournir ces services sur leurs réseaux dans
les mêmes conditions techniques et financières que
celles accordées à ENS.
(81) Ces services concernent la fourniture de la
locomotive, de son équipage et du sillon horaire sur
chaque réseau national ainsi que dans le tunnel sous
la Manche. Les entreprises ferroviaires parties à
l'accord ne doivent toutefois pas être tenues de
fournir un sillon horaire si le demandeur intervient
en qualité de regroupement d'entreprises ferroviaires
au sens de l'article 10 de la directive 91/440/CEE et
peut donc demander lui-même ce sillon aux
gestionnaires d'infrastructures concernés.
(82) Sur leurs réseaux, les entreprises ferroviaires
doivent fournir ces services dans les mêmes
conditions techniques et financières que celles
accordées par les entreprises ferroviaires à ENS.
(…)
Fait à Bruxelles, le 21 septembre 1994.
Par la Commission Karel VAN MIERT Membre de
la Commission
(1) JO n° C 43 du 16. 2. 1993, p. 2.
7
Document n° 2 : TPICE, 12 décembre 2000, ADP c/ Commission des Communautés européennes,
aff., T-128/98.
(…)
Faits à l'origine du litige
laquelle AFS était autorisée à assurer des services de
commissariat aérien à l'aéroport d'Orly et à occuper un
ensemble de bâtiments situés dans le périmètre de
celui-ci ainsi qu'un terrain de [...], et à y bâtir à ses
frais les installations nécessaires à son activité.
1. Le requérant, les Aéroports de Paris (ci-après
«ADP»), est un établissement public de droit français
doté de l'autonomie financière, qui, en vertu de l'article
L. 251-2 du code de l'aviation civile français, est
«chargé d'aménager, d'exploiter et de développer
l'ensemble des installations de transport civil aérien
ayant leur centre dans la région parisienne et qui ont
pour objet de faciliter l'arrivée et le départ des
aéronefs, de guider la navigation, d'assurer
l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à
terre des voyageurs, des marchandises et du courrier
transportés par air, ainsi que toutes installations
annexes».
8. Selon l'article 23 de la convention, la redevance due
par AFS était déterminée comme suit:
i) aucune redevance domaniale n'est perçue;
ii) une redevance commerciale est calculée
proportionnellement au chiffre d'affaires [total annuel
réalisé par AFS, en excluant le chiffre d'affaires
correspondant à la fourniture de plats kascher à partir
de Rungis (extérieur au périmètre de l'aéroport) aux
sociétés assurant des services de commissariat aérien
sur les plates-formes d'ADP. Le chiffre d'affaires
généré par les prestations effectuées dans les
installations de Rungis et fournies directement à tout
autre client installé sur les plates-formes d'ADP, qu'il
s'agisse de compagnies aériennes ou non, reste soumis
à redevance];
iii) enfin, l'exploitant doit verser à ADP une somme de
[...] de FRF en sus de la redevance prévue ci-dessus.
2. ADP assure l'exploitation des aéroports d'Orly et de
Roissy-Charles-de-Gaulle (ci-après «Roissy-CDG»).
3. Dans les années 60, les services de commissariat
aérien («catering») étaient fournis à l'aéroport d'Orly
par quatre sociétés: Pan Am, TWA, Air France et la
Compagnie internationale des wagons-lits (ci-après la
«CIWL»). Les trois premières assuraient en réalité, et
ce de manière presque exclusive s'agissant d'Air
France, l'auto-assistance, c'est-à-dire le ravitaillement
de leurs propres vols. À la suite de la création de
l'aéroport de Roissy-CDG dans les années 70, TWA et
Pan Am y ont transféré leurs activités.
9. [...], un nouveau prestataire de services, Orly Air
traiteur (ci-après «OAT») a commencé une activité de
commissariat aérien à l'aéroport d'Orly. OAT est une
filiale détenue majoritairement par le groupe Air
France à travers sa filiale Servair qui fournit également
des services d'assistance en escale à l'aéroport de
Roissy-CDG. OAT a progressivement repris les
activités de commissariat aérien jusqu'alors assurées
par Air France à l'aéroport d'Orly.
4. C'est à cette époque qu'ACS, filiale de Trust House
Forte, devenue THF, aux droits de laquelle se trouve la
société Alpha Flight Services (ci-après «AFS») a
commencé son activité de prestataire de services de
commissariat aérien à l'aéroport d'Orly.
10. [...], ADP a octroyé à OAT une concession d'une
durée de 25 ans, [...] et portant sur les autorisations
d'exploitation de services de commissariat aérien à
l'aéroport d'Orly et d'occupation de biens immobiliers
situés dans le périmètre de celui-ci. OAT était ainsi
autorisée à occuper un terrain de [...] et à y bâtir à ses
frais les installations nécessaires. L'article 26 de la
convention de concession, relatif aux conditions
financières, prévoyait une rémunération distincte pour
chacune des deux autorisations dans les termes
suivants :
- d'une part, en contrepartie de l'autorisation
d'occupation de terrain, le bénéficiaire s'engage à
verser à ADP une redevance domaniale annuelle
proportionnelle à la surface occupée [...],
- d'autre part, en contrepartie de l'autorisation
d'exercice d'activité accordée, le bénéficiaire s'engage
à verser à ADP une redevance commerciale composée
de:
5. À la suite d'un appel d'offres lancé par ADP en
1988, AFS a été sélectionnée en tant que seul
prestataire de services de commissariat aérien à
l'aéroport d'Orly, en plus d'Air France qui n'y assurait
que l'auto-assistance.
6. Les conditions financières demandées par ADP ne
prévoyaient que le versement périodique d'une
redevance calculée sur la base du chiffre d'affaires du
prestataire. Dans son offre, AFS proposait une
redevance moyenne sur son chiffre d'affaires de [...] %
(variant de [...] %) ainsi que la construction d'un
nouveau bâtiment et le rachat, pour [...] de francs
français (FRF), des bâtiments de la CIWL.
7. Le 21 mai 1992, ADP et AFS ont signé une
convention de concession d'une durée de 25 ans,
prenant effet rétroactivement le 1er février 1990, par
8
i) un taux de [...] % sur le chiffre d'affaires total réalisé
avec la compagnie nationale Air France et les
compagnies filiales du groupe Air France, Air Charter,
Air Inter (les prestations réalisées par OAT avec les
filiales ou sous-filiales de Servair, titulaires d'une
autorisation d'exploitation commerciale avec ADP sont
exclues de l'assiette du chiffre d'affaires);
ii) un taux de [...] % sur le chiffre d'affaires total
réalisé avec toute autre compagnie aérienne.
sans que ces différences soient objectivement
justifiées. Conformément à l'article 7, paragraphe 1, du
règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25
juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19,
paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127,
p. 2268), ADP a eu l'occasion de développer
verbalement son point de vue lors d'une audition tenue
le 16 avril 1997.
17. Le 11 juin 1998, la Commission a adopté la
décision relative à une procédure d'application de
l'article 86 du traité CE (IV/35.613 - Alpha Flight
Services/Aéroports de Paris) (JO L 230, p. 10, ci-après
la «décision attaquée») qui énonce :
11. À la fin de 1992, à la suite de l'arrivée d'OAT sur
le marché et d'un différend entre ADP et AFS
concernant la rémunération due par celle-ci, le taux de
la redevance d'AFS a été revu à la baisse et est passé
de [...] %.
«Article premier
[ADP] a enfreint les dispositions de l'article 86 du
traité en utilisant sa position dominante d'exploitant
des aéroports parisiens pour imposer aux prestataires
ou aux usagers fournissant des services d'assistance ou
d'auto-assistance en escale relatifs au commissariat
aérien (incluant les activités de chargement dans
l'avion et de déchargement de l'avion de la nourriture
et des boissons), au nettoyage des avions età
l'assistance fret, des redevances commerciales
discriminatoires dans les aéroports parisiens d'Orly et
de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Article 2
[ADP] est tenu de mettre fin à l'infraction mentionnée
à l'article 1er en proposant aux prestataires de services
d'assistance en escale concernés un régime de
redevances commerciales non discriminatoire avant
l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la
notification de la présente décision.»
(…)
12. Le 29 décembre 1993, AFS a informé ADP qu'elle
considérait que son taux de redevance et ceux
appliqués au chiffre d'affaires de ses concurrents à
l'aéroport d'Orly n'étaient pas équivalents, même après
la prise en compte d'éventuelles différences de charges
domaniales, et que cette disparité introduisait un
déséquilibre entre les prestataires. En conséquence,
AFS a demandé un alignement des taux de redevance.
13. ADP a refusé au motif que la diminution de taux
obtenue par AFS précédemment mettait les redevances
des différents concessionnaires, compte tenu des
charges foncières, à des niveaux équivalents.
14. Le 22 juin 1995, AFS a déposé une plainte auprès
de la Commission à l'encontre d'ADP au motif que
celui-ci imposerait des redevances discriminatoires
aux prestataires de services de commissariat aérien en
violation des dispositions de l'article 86 du traité CE
(devenu article 82 CE).
15. Le 1er février 1996, la Commission a adressé à
ADP une demande de renseignements au titre des
dispositions de l'article 11 du règlement n° 17 du
Conseil, du 6 février 1962, premier règlement
d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962,
13, p. 204), afin d'obtenir des précisions sur l'identité
des prestataires de services d'assistance en escale
autorisés par ADP à exercer leur activité à l'aéroport
d'Orly et à celui de Roissy-CDG et les redevances
demandées à ces prestataires. Il ressort notamment de
la réponse d'ADP que les catégories d'assistance
soumises à une redevance sur le chiffre d'affaires
incluent les services de commissariat, les services de
nettoyage des avions et les services relatifs au fret.
En droit
26. À l'appui de son recours, ADP invoque sept
moyens tirés, le premier, d'un vice de procédure, le
deuxième, d'une violation des droits de la défense, le
troisième, d'une violation de l'obligation de
motivation, le quatrième, d'une violation de l'article 86
du traité, le cinquième, d'une violation de l'article 90,
paragraphe 2, du traité CE (devenu article 86,
paragraphe 2, CE), le sixième, d'une violation de
l'article 222 du traité CE (devenu article 295 CE) et, le
septième, d'un détournement de pouvoir.
(…)
4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de
l'article 86 du traité
16. La Commission a adressé à ADP une
communication des griefs en date du 4 décembre 1996
au titre de l'article 86 du traité, dans laquelle elle
estimait que les redevances commerciales appliquées
par celui-ci reposent sur des règles d'assiette
différentes selon l'identité des entreprises autorisées
93. Ce moyen se divise en cinq branches.
9
installations de transport civil aérien ayant leur centre
dans la région parisienne et qui ont pour objet de
faciliter l'arrivée et le départ des aéronefs, de guider la
navigation, d'assurer l'embarquement, le débarquement
et l'acheminement à terre des voyageurs, des
marchandises et du courrier transportés par air
(considérant 51 de la décision attaquée).
Sur la première branche du moyen, tirée de ce qu'ADP
n'exercerait pas, au titre de l'activité en cause, une
activité d'entreprise au sens de l'article 86 du traité
(…)
Appréciation du Tribunal
106. Le requérant soutient qu'il n'est pas une entreprise
au sens de l'article 86 du traité. Il fait valoir, en
substance, que la Commission a dénaturé l'activité en
cause en ce sens que les redevances litigieuses seraient
dues en contrepartie d'une occupation privative du
domaine public et non des services de gestion des
aéroports qu'il assure. Or, l'administration du domaine
public ne saurait constituer une activité économique. À
titre subsidiaire, le requérant soutient que les services
de gestion des aéroports, que la Commission a
identifiés comme constitutifs de l'activité en cause, ne
lui confèrent pas la qualité d'entreprise.
112. Il convient de faire une distinction entre, d'une
part, les activités purement administratives d'ADP,
notamment les missions de police, et, d'autre part, les
activités en cause de gestion et d'exploitation des
aéroports parisiens qui sont rémunérées par des
redevances commerciales variant selon le chiffre
d'affaires réalisé.
113. Dans la décision attaquée, la Commission n'a mis
en cause que les redevances commerciales et a défini
le marché comme celui de la gestion des services de
l'aéroport, les redevances commerciales constituant la
contrepartie de ces services. Ainsi, aux considérants
105 et 106 de la décision attaquée, il est indiqué :
«La Commission considère dès lors que la redevance
commerciale variable constitue une charge d'accès
versée en contrepartie de l'autorisation d'activité dans
l'aéroport. Cette redevance assise sur le chiffre
d'affaires du prestataire rémunère des services rendus
par le gestionnaire de l'aéroport qui ne concernent pas
la mise à disposition de biens immobiliers. Ces
services du gestionnaire d'aéroport incluent, entre
autres, le contrôle et l'organisation des activités
d'assistance en escale ainsi que la mise à disposition
des installations utilisées en commun par les usagers et
les prestataires opérant sur l'aéroport. La gestion des
infrastructures utilisées en commun nécessite
l'organisation et la coordination de l'ensemble des
activités qui s'y déroulent dans des conditions
d'efficacité et de sécurité suffisantes.»
107. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en
droit communautaire de la concurrence, la notion
d'entreprise comprend toute entité exerçant une
activité économique, indépendamment du statut
juridique de cette entité et de son mode de financement
(voir, notamment, arrêts de la Cour du 23 avril 1991,
Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, point 21,
Poucet et Pistre, précité, point 17, et du 18 juin 1998,
Commission/Italie, C-35/96, Rec. p. I-3851, point 36)
et que constitue une activité économique toute activité
consistant à offrir des biens ou des services sur un
marché donné (arrêt du 16 juin 1987,
Commission/Italie, précité, point 7).
108. Il convient également de préciser que les
dispositions du traité en matière de concurrence restent
applicables aux activités d'un organisme qui sont
détachables de celles qu'il exerce en tant qu'autorité
publique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet
1985, Commission/Allemagne, 107/84, Rec. p. 2655,
points 14 et 15).
114. Le requérant souligne qu'il n'y a pas deux
redevances, l'une fixe, domaniale, et l'autre
commerciale, variable, mais une redevance globale,
laquelle peut cependant comprendre une composante
fixe et une composante variable.
109. Il s'ensuit que la circonstance qu'ADP soit un
établissement public placé sous l'autorité du ministre
chargé de l'aviation civile et qu'il assure la gestion
d'installations relevant du domaine public ne saurait
exclure à elle seule qu'il puisse, en l'espèce, être
considéré comme une entreprise au sens de l'article 86
du traité.
115. À cet égard, il convient de souligner, d'abord,
que, à tout le moins du point de vue du droit de la
concurrence, cette dernière distinction est sans
incidence et reste donc purement sémantique.
110. Il convient donc de déterminer d'abord quelles
sont les activités en cause, puis d'examiner si celles-ci
constituent ou non des activités de nature économique.
116. Ensuite, force est de constater que les
conventions passées par ADP avec AFS, d'une part, et
OAT, d'autre part, distinguent clairement dans les
contreparties financières dues par le prestataire de
services d'assistance en escale celle prévue au titre de
la mise à sa disposition de biens immobiliers de celle
correspondant à l'autorisation d'exploitation, calculée
111. ADP est un établissement public doté de
l'autonomie financière, inscrit au registre du commerce
de Paris et exerçant les activités d'aménagement,
d'exploitation et de développement de l'ensemble des
10
proportionnellement au chiffre d'affaires. Ainsi,
l'article 23 de la convention entre ADP et AFS fait état
d'une autorisation d'occupation et d'exploitation puis
prévoit qu'aucune redevance domaniale ne sera perçue
et que la redevance commerciale sera calculée
proportionnellement au chiffre d'affaires. De même,
l'article 14 de la convention entre ADP et OAT stipule
qu'OAT doit verser àADP une redevance comportant
une partie fixe, rémunérant l'occupation de tout ou
partie des locaux nécessaires à l'exploitation de
l'activité autorisée, et une partie variable,
proportionnelle à l'activité exercée.
l'exécution, sur le domaine public, d'un ensemble de
prestations de nature économique et participe ainsi à
son activité économique. Dès lors, la circonstance que
les conventions entre ADP et les prestataires de
services aient été conclues dans le cadre du droit
français des conventions d'occupation du domaine
public, à la supposer établie, n'est pas de nature à
remettre en cause le raisonnement sur lequel repose la
décision attaquée.
121. La mise à la disposition des compagnies
aériennes et des différents prestataires de services,
moyennant le paiement d'une redevance dont le taux
est fixé librement par ADP, d'installations
aéroportuaires doit être considérée comme une activité
de nature économique.
117. C'est donc à juste titre que, dans la décision
attaquée, la Commission fait une distinction entre,
d'une part, l'occupation des terrains, bâtiments et
équipements situés dans le périmètre de l'aéroport, en
contrepartie de laquelle le prestataire de services verse
une redevance domaniale, et, d'autre part, les services
de gestion de l'aéroport et l'autorisation de prestations
des services d'assistance en escale en contrepartie de
laquelle le prestataire verse une redevance
commerciale. Le fait que le chiffre d'affaires
correspondant à la fourniture par les prestataires de
services de commissariat aérien de services de traiteur
à des clients hors de l'aéroport ne soit pas pris en
compte dans le calcul de la redevance commerciale
confirme également que cette redevance constitue la
contrepartie non pas de l'occupation privative du
domaine public, mais bien, contrairement à ce que
soutient le requérant, de l'autorisation d'exploitation
dans l'aéroport et des services de gestion des
infrastructures aéroportuaires qu'il assure.
122. De même, les installations des aéroports de Paris
constituent une facilité essentielle en ce sens que leur
utilisation est indispensable pour la fourniture de
divers services, notamment d'assistance en escale. La
gestion et la mise à disposition de ces installations
pour la prestation de tels services constituent une
activité de nature économique.
123. La jurisprudence confirme cette analyse. Ainsi
dans l'arrêt Italie/Commission, précité (points 18 à 20),
la Cour a jugé que l'activité par laquelle BT gère les
installations publiques de télécommunication et les
met, moyennant le paiement de redevances, à la
disposition des usagers, constitue une activité
d'entreprise soumise aux obligations de l'article 86 du
traité et que les règlements adoptés par BT dans le
cadre du pouvoir normatif qui lui est reconnu par la loi
font partie intégrante de son activité d'entreprise dans
la mesure où le législateur britannique n'a en aucune
manière déterminé par avance le contenu desdits
règlements. De même, il ressort de l'arrêt Deutsche
Bahn/Commission, précité, que la mise à disposition
de locomotives, leur traction et l'accès à l'infrastructure
ferroviaire s'analysent comme une activité de nature
économique.
118. La Commission a donc considéré à juste titre,
dans la décision attaquée, que les redevances
commerciales en cause constituent la contrepartie des
services de gestion assurés par ADP et de la mise à
disposition d'installations utilisées en commun par les
usagers et les prestataires de services d'assistance en
escale opérant dans l'aéroport.
119. Il convient maintenant d'examiner si ces services
constituent une activité d'entreprise au sens de l'article
86 du traité.
124. Enfin, il y a lieu d'ajouter que le fait qu'une
activité puisse être exercée par une entreprise privée
constitue un indice supplémentaire permettant de
qualifier l'activité en cause d'activité d'entreprise (voir,
en ce sens, arrêt Höfner et Elser, précité, point 22). Or,
dans la décision 98/190/CE de la Commission, du 14
janvier 1998, relative à une procédure d'application de
l'article 86 du traité CE (IV/34.801 FAG - Flughafen
Frankfurt/Main AG) (JO L 72, p. 30), la Commission a
constaté que l'entreprise qui possède et exploite
l'aéroport de Francfort (Flughafen Frankfurt/Main AG)
est une entreprise privée agréée conformément à la
législation allemande.
120. Par le biais de son activité de gestionnaire des
infrastructures aéroportuaires, ADP détermine les
modalités et les conditions d'activité des prestataires
d'assistance en escale et perçoit en contrepartie la
redevance litigieuse. Une telle activité d'ADP ne
saurait être qualifiée d'activité de police. L'existence
en droit national d'un régime de police spéciale de la
domanialité publique n'est nullement incompatible
avec l'exercice sur le domaine public d'activités de
nature économique. Ainsi, la mise à disposition par
ADP des installations aéroportuaires concourt à
11
125. Il ressort de cette analyse que les activités d'ADP
en cause sont des activités de nature économique,
certes exécutées sur le domaine public, mais qui ne
relèvent pas, de ce fait, de l'exercice d'une mission de
puissance publique.
139. Ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, l'argument du
requérant relatif à HRS ne saurait modifier cette
analyse dès lors que, s'il est certes concevable qu'un
prestataire de services d'assistance en escale n'ait pas
besoin de locaux situés dans le périmètre de l'aéroport,
de tels services doivent, par définition, être fournis lors
de l'escale des avions et donc dans le domaine
aéroportuaire. Or, il est constant qu'aucune entreprise
ne peut avoir accès, ni encore moins fournir de
services, sur le domaine aéroportuaire géré par ADP
sans son autorisation.
(…)
Sur la deuxième branche du moyen, tirée de ce que la
définition du marché du produit et du marché
géographique à prendre en compte serait
manifestement erronée
(…)
Appréciation du Tribunal
140. S'agissant du marché géographique, il convient de
rappeler qu'il peut être défini comme le territoire sur
lequel tous les opérateurs économiques se trouvent
dans des conditions de concurrence similaires, en ce
qui concerne, précisément, les produits concernés
(arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra
Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 91).
137. La première partie de l'argumentation du
requérant, relative à la définition du marché du
produit, se confond avec la question de la nature des
activités en contrepartie desquelles les redevances
commerciales en cause sont versées. Ainsi qu'il a été
exposé dans le cadre de l'examen de la branche
précédente du moyen, c'est à bon droit que la
Commission a considéré que les redevances
commerciales en cause constituaient la contrepartie
des services de gestion des infrastructures
aéroportuaires. Le marché à prendre en considération
est donc celui des services de gestion des aéroports
parisiens. ADP est, en tant que gestionnaire de ces
aéroports, l'offreur sur le marché pertinent, tandis que
les prestataires de services d'assistance en escale, qui
ont besoin, pour exercer leur activité, de l'autorisation
délivrée par ADP et des installations aéroportuaires, en
sont les demandeurs.
141. L'argumentation du requérant, selon laquelle il
convient de prendre en considération l'ensemble des
biens immobiliers disponibles dans la région
parisienne, est, compte tenu de la définition du marché
du produit pertinent en l'espèce, dénuée de tout
fondement. Ce qui est en cause, ce sont les conditions
d'accès aux installations aéroportuaires fixées par ADP
afin de pouvoir y fournir des services d'assistance en
escale, lesquels ne peuvent être assurés que dans le
domaine aéroportuaire et avec l'autorisation d'ADP.
Les biens immobiliers de la région parisienne ne
peuvent êtrepris en considération puisqu'ils ne
permettent pas, en eux-mêmes, de fournir lesdits
services.
138. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, la
situation en l'espèce peut être rapprochée de celle dans
l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 11
novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84,
Rec. p. 3263, point 5), concernant le monopole dont
disposait British Leyland pour la délivrance des
certificats
de
conformité
nécessaires
à
l'immatriculation des véhicules de sa marque, dans
laquelle la Cour a considéré que «le marché en cause
[...] n'[était] pas celui de la vente des véhicules, mais
un marché dérivé et distinct qui est celui des services
indispensables en fait aux revendeurs professionnels
pour assurer la commercialisation des véhicules
produits par British Leyland». De la même façon, en
l'espèce, c'est sur le marché de la gestion des
installations
aéroportuaires,
lesquelles
sont
indispensables à l'exercice des services d'assistance en
escale, et auxquelles ADP donne accès, qu'il convient
de se placer pour apprécier la position dominante et le
comportement de celui-ci au regard de l'article 86 du
traité.
142. Enfin, s'agissant de l'argumentation subsidiaire
visant à inclure les autres grands aéroports
continentaux, il y a lieu de relever, d'abord, que c'est à
juste titre qu'il est constaté dans la décision attaquée
(considérants 59 à 63) que, pour la plupart des
passagers au départ ou à destination de la région
parisienne ou d'autres régions françaises, les services
aériens utilisant les aéroports d'Orly et de Roissy-CDG
ne sont pas interchangeables avec les services offerts
dans d'autres aéroports et que la concurrence entre
aéroports n'est importante que dans la mesure où ils
représentent un point de correspondance pour d'autres
destinations. À cet égard, il ressort des statistiques
fournies par la défenderesse et non contestées par le
requérant que la part de trafic des aéroports parisiens
pour laquelle ceux-ci sont utilisés comme point de
correspondance représente moins de [...] % à l'aéroport
d'Orly et [...] % à celui de Roissy-CDG. Dans ces
conditions, la substituabilité des différents aéroports
est nettement insuffisante pour qu'il puisse être
12
considéré que le marché géographique s'étend, en
l'espèce, à d'autres aéroports qu'Orly et Roissy-CDG.
de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, du
monopole légal de la gestion des aéroports concernés
et lui seul peut donner l'autorisation d'y exercer des
activités d'assistance en escale et fixer les conditions
d'exercice de celles-ci.
143. En ce qui concerne l'argument du requérant selon
lequel les transporteurs aériens fournissant des
prestations au départ ou à destination de la région
parisienne ne sont pas tenus d'utiliser les services
d'assistance en escale qui sont offerts dans les
aéroports d'Orly et de Roissy-CDG, il y a lieu de
relever, ainsi que le souligne à juste titre la
défenderesse, que le choix de se fournir dans un autre
aéroport pour les repas est limité par les exigences de
fraîcheur et de qualité des aliments, les possibilités de
stockage des appareils et par le fait que de tels choix
ne peuvent être opérés que pour des vols de courte
distance. Enfin, en ce qui concerne les services de fret,
le requérant n'ayant pas contesté l'affirmation selon
laquelle une grande partie du fret est transportée dans
les mêmes avions que les passagers, le choix de
l'aéroport dépend donc principalement du trafic des
passagers pour lequel les autres aéroports ne sont pas
substituables.
150. ADP se trouve, par conséquent, dans une
situation de puissance économique qui lui donne le
pouvoir de faire obstacle au maintien d'une
concurrence effective sur le marché en lui fournissant
la possibilité de comportements indépendants (voir, en
ce sens, arrêts de la Cour du 13 novembre 1975,
General Motors Continental/Commission, 26/75, Rec.
p. 1367, point 9, et British Leyland/Commission,
précité).
151. Ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, l'argument tiré
du défaut de prise en compte de l'ensemble des biens
immobiliers en région parisienne ne saurait prospérer,
car la gestion des services aéroportuaires, qui est le
marché pertinent en l'espèce, ne concerne que
l'enceinte aéroportuaire dès lors que l'offre
monopolistique de services d'ADP est une condition
nécessaire à l'exercice des activités d'assistance en
escale.
144. Il s'ensuit que l'argumentation tirée d'une
définition inexacte du marché n'est pas fondée.
152. Enfin, il doit être considéré que les aéroports
d'Orly et de Roissy-CDG constituent une partie
substantielle du marché commun, compte tenu du
volume du trafic et de leur importance dans le cadre du
réseau aéroportuaire européen (voir, en ce sens, arrêt
de la Cour du 10 décembre 1991, Merci convenzionali
porto di Genova, C-179/90, Rec. p. I-5889, point 15).
Sur la troisième branche du moyen, tirée de l'absence
de position dominante d'ADP
(…)
Appréciation du Tribunal
147. Selon une jurisprudence constante, la position
dominante visée par l'article 86 du traité concerne une
situation de puissance économique détenue par une
entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au
maintien d'une concurrence effective sur le marché en
cause, en lui fournissant la possibilité de
comportements indépendants dans une mesure
appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients
et, finalement, des consommateurs (voir, notamment,
arrêts de la Cour du 14 février 1978, United
Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 65 et
66, et du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti
AG/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 90).
153. Il s'ensuit que la troisième branche du moyen tiré
de la violation de l'article 86 du traité doit être rejetée.
Sur la quatrième branche du moyen, tirée de ce que le
comportement d'ADP ne répondrait pas aux prévisions
de l'article 86 du traité
(…)
Appréciation du Tribunal
162. Le requérant invoque, en substance, quatre
arguments au soutien du grief selon lequel son
comportement ne répond pas aux prévisions de l'article
86 du traité.
148. Il résulte également de la jurisprudence que
l'application de l'article 86 du traité n'est pas exclue
par le fait que l'absence ou la limitation de la
concurrence est favorisée par des dispositions
législatives ou réglementaires (voir arrêts de la Cour
du 3 octobre 1985, CBEM, 311/84, Rec. p. 3261, point
16, et du 4 mai 1988, Bodson, 30/87, Rec. p. 2479,
point 26).
163. En premier lieu, il soutient que cet article ne peut
lui être appliqué au motif qu'il n'est pas présent sur les
marchés à propos desquels la Commission a constaté,
au considérant 134 de la décision attaquée, que le jeu
de la concurrence était affecté. Il ressortirait de l'arrêt
de la Cour, Tetra Pak/Commission, précité, que
l'application de l'article 86 du traité est exclue en cette
hypothèse.
149. Le marché pertinent en l'espèce étant celui des
services de gestion des aéroports parisiens, ADP jouit
incontestablement d'une position dominante et même
d'un monopole légal. En effet, ADP dispose, en vertu
164. Cet argument est dépourvu de tout fondement en
droit. La Cour a, en effet, très clairement rappelé dans
13
son arrêt du 14
novembre 1996, Tetra
Pak/Commission, précité (point 25), que les arrêts
Istituto chemioterapico italiano et Commercial
Solvents/Commission, précité, et CBEM, précité,
fournissent des exemples d'abus produisant des effets
sur des marchés autres que les marchés dominés. Il ne
fait donc aucun doute qu'un abus de position
dominante sur un marché peut être condamné en
raison d'effets qu'il produit sur un autre marché. Ce
n'est que dans l'hypothèse différente où c'est l'abus qui
est localisé sur un marché autre que le marché dominé
que l'article 86 du traité est, en dehors de circonstances
particulières, inapplicable (voir arrêt du 14 novembre
1996, Tetra Pak/Commission, précité, point 27).
la situation était substantiellement différente de celle
existant lorsque AFS a remis son offre du fait de
l'arrivée de concurrents sur le marché de la prestation
de services d'assistance en escale.
169. L'abus consistant en l'application de redevances
discriminatoires ne pouvait d'ailleurs, par définition,
apparaître que lorsqu'un concurrent d'AFS, en
l'occurrence OAT, est arrivé sur le marché. La
circonstance que le taux de la redevance due par AFS
résulte d'une proposition faite par celle-ci, dans le
cadre d'une soumission à un appel d'offres, ne saurait
suffire pour permettre à une telle redevance d'échapper
à toute incrimination au titre de l'article 86 du traité
dès lors, notamment, que ce qui est en cause ici n'est
pas le niveau des redevances en tant que tel, mais leur
caractère discriminatoire. En outre, lorsqu'elle a estimé
qu'elle était victime d'une discrimination, AFS a
demandé à ADP d'y mettre fin.
165. En l'espèce, même si le comportement d'ADP
sanctionné dans la décision attaquée, à savoir
l'application de redevances discriminatoires, a des
effets sur le marché des services d'assistance en escale
et, indirectement, sur celui des transports aériens, il
n'en demeure pas moins qu'il se situe sur le marché de
la gestion des aéroports où ADP se trouve en position
dominante. Par ailleurs, lorsque l'entreprise
bénéficiaire du service se situe sur un marché distinct
de celui sur lequel est présent l'offreur de service, les
conditions d'applicabilité de l'article 86 du traité sont
remplies dès lors que la bénéficiaire se trouve, du fait
de la position dominante occupée par l'offreur, dans
une situation de dépendance économique par rapport à
celui-ci, sans qu'il soit nécessaire qu'ils soient présents
sur le même marché. Il suffit que la prestation
proposée par l'offreur soit nécessaire à l'exercice, par
la bénéficiaire, de sa propre activité.
170. Il convient de rappeler, ensuite, que «la notion
d'exploitation abusive est une notion objective qui vise
les comportements d'une entreprise en position
dominante qui sont de nature à influencer la structure
d'un marché» (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission,
précité, point 91) et que pour une entreprise se
trouvant enposition dominante sur un marché, le fait
de lier - fût-ce à leur demande - des acheteurs par une
obligation ou promesse de s'approvisionner pour la
totalité ou pour une part considérable de leurs besoins
exclusivement auprès de ladite entreprise est
constitutif d'abus. De même, dans l'arrêt de la Cour du
21 février 1973, Europemballage et Continental
Can/Commission (6/72, Rec. p. 215, points 27 et 29),
la Cour a jugé que «le renforcement de la position
détenue par l'entreprise [peut] être abusif et interdit par
l'article 86 du traité, quels que soient les moyens ou
procédés utilisés à cet effet», même «en dehors de
toute faute».
166. Ainsi que le souligne à juste titre la Commission,
la situation en l'espèce peut être rapprochée de celle
dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Corsica Ferries,
précité, dans laquelle il était reproché à la corporation
des pilotes du port de Gênes, investie par les pouvoirs
publics italiens du droit exclusif d'effectuer les
services de pilotage obligatoire dans ce port, d'avoir
abusé de sa position dominante sur ce marché de
services en imposant des tarifs discriminatoires aux
entreprises de transport maritime effectuant des
transports entre États membres, alors que ladite
corporation n'était pas présente sur le marché des
transports maritimes.
171. Il s'ensuit que l'argument tiré de ce que le taux de
redevance a été proposé par AFS doit être rejeté.
172. En troisième et quatrième lieux, le requérant fait
valoir, d'une part, qu'il se serait attaché à préserver la
concurrence en ce qu'il aurait poursuivi l'exécution de
la convention passée avec AFS en dépit des
manquements de celle-ci à ses obligations
contractuelles et lui aurait même accordé une baisse du
taux de redevance et, d'autre part, qu'il n'aurait aucun
intérêt à fausser le jeu de la concurrence sur les
marchés des services d'assistance en escale et de
transport sur lesquels il n'est pas présent.
167. En deuxième lieu, le requérant estime ne pas
avoir commis d'abus au motif qu'il s'est borné à
accepter l'offre d'AFS et n'a donc rien imposé.
168. À cet égard, il convient de rappeler, d'abord, que
la légalité de la décision attaquée doit s'apprécier par
rapport à la situation existant au moment de son
adoption et non pas au moment où AFS a formulé sa
proposition tarifaire. Or, au moment de cette adoption,
173. Il convient de rappeler, à cet égard, que la notion
d'abus a un contenu objectif et n'implique pas
d'intention de nuire. La circonstance qu'ADP n'ait pas
14
d'intérêt à fausser la concurrence sur un marché où il
n'est pas présent, voire qu'il se serait attaché à la
préserver, à la supposer établie, est donc, en tout état
de cause, dépourvue de pertinence. Ce n'est pas
l'arrivée sur le marché des services d'assistance en
escale d'un autre prestataire qui est en cause, mais le
fait que, au moment de l'adoption de la décision
attaquée, les conditions applicables aux différents
prestataires de ces services ont été considérées par la
Commission comme objectivement discriminatoires.
La diminution du taux de redevance accordée à AFS a,
par ailleurs, été prise en considération, puisque la
Commission a estimé qu'il y avait discrimination sur la
base du nouveau taux réduit.
prestataires d'assistance en escale que celui-ci imposait
des redevances discriminatoires, sauf à ce qu'il justifie
cette différence de traitement par des raisons
objectives.
202. En outre, même à suivre la thèse du requérant,
selon laquelle la redevance ne constitue pas la
contrepartie des services de gestion des aéroports et de
l'autorisation d'assurer les services d'assistance en
escale mais la contrepartie due à l'établissement public
pour l'exploitation privative du domaine public, cette
redevance ne peut pour autant être arbitraire. Elle doit,
en principe, être fonction de critères objectifs, de sorte
que, en cas de disparité, il appartient à ADP de
justifier les raisons et le bien-fondé des différences de
taux de redevance appliqués aux différents prestataires
de services d'assistance en escale présents aux
aéroports d'Orly et de Roissy-CDG. Il convient
d'ajouter que, selon les dispositions citées par le
requérant, la partie variable de la redevance globale
correspond à l'utilisation effective du bien, dans la
mesure où cette utilisation est génératrice de profits. Si
le chiffre d'affaires du concessionnaire est un critère
approprié pour déterminer ainsi la partie variable de la
redevance globale, il convient de souligner que ce
critère doit être appliqué par ADP de façon non
discriminatoire à tous les prestataires de services
d'assistance en escale. Si ADP impose à ces
prestataires des taux de redevance différents, il lui
appartient donc d'établir l'existence de situations ou
circonstances objectivement différentes de nature à
justifier cette disparité de traitement.
174. Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir
d'éventuels manquements d'AFS à ses obligations
contractuelles pour justifier ses propres manquements
à une disposition d'ordre public économique, tel
l'article 86 du traité. Force est de constater, en
revanche, qu'ADP a consenti, en pleine connaissance
de cause, aux nouveaux prestataires de services
d'assistance en escale des redevances qui aboutissent à
faire supporter à AFS des conditions tarifaires
différentes.
175. Il s'ensuit que la quatrième branche du moyen tiré
d'une violation de l'article 86 du traité doit être rejetée.
Sur la cinquième branche du moyen, tirée de ce
qu'ADP
n'aurait
pas
commis
un
«abus
discriminatoire» au sens de l'article 86 du traité
(…)
Appréciation du Tribunal
203. Il s'ensuit que le grief tiré d'un prétendu
renversement de la charge de la preuve n'est pas fondé.
200. Le requérant développe en substance trois griefs à
l'appui de cette branche du moyen. Il soutient que la
Commission a renversé la charge de la preuve, qu'elle
a dénaturé totalement la portée et le contenu des
conventions d'occupation du domaine public et qu'elle
a commis une erreur d'appréciation en qualifiant à tort
les redevances de discriminatoires.
204. S'agissant, en deuxième lieu, du grief tiré de la
prétendue dénaturation de la portée et du contenu des
conventions signées entre ADP et les différents
prestataires de services d'assistance en escale dans les
aéroports parisiens, il a déjà été rejeté dans le cadre de
l'examen de la première branche du quatrième moyen
(voir point 130 ci-dessus).
201. En ce qui concerne, en premier lieu, le grief tiré
du prétendu renversement de la charge de la preuve, il
convient de rappeler que c'est à bon droit que la
Commission a décidé que les redevances
commerciales en cause constituaient la contrepartie
des services de gestion des aéroports et de
l'autorisation d'effectuer les services d'assistance en
escale. Dès lors, ainsi qu'il est exposé au considérant
120 de la décision attaquée, ADP offre les mêmes
services à tous les prestataires qui se trouvent, par
rapport à l'objet de ladite décision, dans la même
situation vis-à-vis de lui. Dans ces conditions, la
Commission était fondée à déduire de la différence des
taux des redevances demandées par ADP aux
205. En ce qui concerne, en troisième lieu, le grief tiré
de la prétendue absence de caractère discriminatoire
des redevances, le requérant soutient, en substance,
d'une part, que des différences d'ordre factuel et
juridique justifient objectivement un traitement
tarifaire différent des prestataires de services
d'assistance aux tiers et des prestataires de services
d'auto-assistance, a) et, d'autre part, qu'il n'existe pas
de discrimination concernant l'assistance aux tiers, b).
a) Sur l'auto-assistance
206. Il convient d'abord de relever, ainsi que le
souligne la Commission, que, dans la mesure où le
15
présent litige porte sur le comportement d'ADP, c'est
la situation des prestataires de services à l'égard de
celui-ci qui est pertinente et non leur situation sur le
marché des services d'assistance en escale. Or, les
deux catégories de prestataires en cause bénéficient
des mêmes services de gestion d'ADP.
avoir aucune incidence sur la concurrence entre
prestataires sur le marché de l'assistance aux tiers au
motif que l'auto-assistance serait une activité distincte
de l'assistance aux tiers. En effet, il convient de
rappeler d'abord que les prestataires de ces deux
catégories d'assistance bénéficient des mêmes services
de la part d'ADP. Ensuite, le fait que l'auto-assistance
soit affectée d'un taux de redevance [...] permet aux
prestataires autorisés à fournir les deux catégories
d'assistance d'amortir leurs investissements et de
pouvoir ainsi offrir de meilleures conditions pour les
services d'assistance aux tiers. Enfin, ce taux de
redevance [...] peut inciter certaines compagnies
aériennes à pratiquer l'auto-assistance plutôt que de
recourir aux services d'un tiers.
207. Ensuite, s'il est vrai que le transporteur aérien
décidant d'effectuer lui-même son assistance en escale
doit supporter des coûts importants, ceux-ci sont
supportés de la même manière par le prestataire
d'assistance aux tiers, lequel les intégrera ensuite dans
le prix de son intervention qu'il facture au transporteur
aérien.
(…)
b) Sur l'assistance aux tiers
216. Il s'ensuit que les deux types de services
d'assistance doivent être pris en compte aux fins de
vérifier si les redevances sont discriminatoires.
- En ce qui concerne AFS et OAT
211. Il convient d'abord de rappeler que les arguments
selon lesquels ADP s'est borné à accepter l'offre
d'AFS, s'est attaché à poursuivre l'exécution de la
convention passée entre eux et a consenti une
diminution à [...] % du taux de redevance de cette
société à la suite de l'arrivée d'OAT sur le marché en
1992 ont déjà été rejetés dans le cadre de la quatrième
branche du moyen.
217. En tout état de cause, force est de constater que la
discrimination ressort clairement du tableau figurant
au considérant 19 de la décision attaquée, dont le
requérant ne conteste pas l'exactitude et dont les
données résultent d'ailleurs de ses propres réponses
aux demandes de renseignements de la Commission.
En effet, il y apparaît que le taux de redevance d'OAT
est de [...] % pour l'auto-assistance et de [...] % pour
l'assistance aux tiers, alors que le taux de la redevance
d'AFS est de [...] %.
212. Il convient ensuite de constater que le tableau
présenté par le requérant en vue de démontrer
l'absence de discrimination ne peut être retenu.
218. Enfin, l'argument du requérant selon lequel il n'y
a pas de discrimination sur le marché du transport
aérien lui-même dès lors qu'il n'existe aucune
limitation dans les aéroports parisiens en ce qui
concerne l'auto-assistance doit également être rejeté.
D'une part, cet argument, à le supposer fondé, ne met
pas en cause la discrimination entre prestataires
d'assistance aux tiers et prestataires d'auto-assistance.
D'autre part, il est inexact dans la mesure où, ainsi qu'il
est relevé au considérant 123 de la décision attaquée,
seules les grandes compagnies aériennes développant
un trafic important dans les aéroports de Paris ont, en
pratique, la possibilité de développer et de rentabiliser
un service d'auto-assistance, les autres étant
contraintes de s'adresser aux prestataires d'assistance
aux tiers.
213. En premier lieu, la composante fixe de la
redevance ne peut être prise en compte, car elle a pour
objet de rémunérer l'occupation du domaine public,
laquelle n'est pas en cause ici. À titre surabondant, il
convient de souligner que les montants de cette
composante ne peuvent, en tout état de cause, être
comparés de manière abstraite, mais doivent être
rapportés à la surface, la qualité et la situation des
biens immobiliers mis à la disposition des différents
prestataires de services. En outre, le requérant ne
mentionne pas la somme de [...] de FRF qu'AFS a
versée initialement pour le rachat des locaux de la
CIWL.
214. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient
le requérant, il convient de tenir compte du chiffre
d'affaires relatif aux prestations d'auto-assistance, dans
la mesure où, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, OAT
bénéficie des mêmes services de gestion rendus par
ADP pour ses prestations d'auto-assistance et pour ses
prestations d'assistance aux tiers.
(…)
LE TRIBUNAL (troisième chambre)déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Le requérant supportera ses propres dépens
ainsi que ceux exposés par la Commission et par la
partie
intervenante
Alfa
Flight
Services.
215. En troisième lieu, il ne saurait être admis que le
taux de redevance appliqué à l'auto-assistance ne peut
16
Document n° 3 : CJCE, 24 octobre 2002, ADP c/ Commission et Alpha Flight Services SAS, aff., C82/01.
prestataire de services d'assistance en escale peut se
livrer à son activité.
Sur le huitième moyen, tiré d'une violation de l'article
86 du traité s'agissant de la définition du marché
(…)
84. ADP fait valoir que, dans la mesure où les
redevances commerciales en cause ne sont que la
contrepartie de l'occupation privative du domaine
public, laquelle n'est pas nécessaire à la prestation des
services d'assistance en escale, le Tribunal a retenu à
tort comme marché pertinent celui des «services de
gestion des aéroports parisiens». L'octroi par ADP
d'une autorisation d'accès à la zone réservée de
l'enceinte aéroportuaire ne serait pas limité aux
prestataires occupant de manière privative le domaine
public et ne donnerait lieu en tant que tel à la
perception d'aucune redevance. II en résulterait une
violation de l'article 86 du traité s'agissant de la
définition du marché.
90. Quant au fondement de cette branche du moyen, il
convient de rappeler qu'il ressort de l'examen du
cinquième moyen que le Tribunal a justement constaté
que les redevances commerciales en cause
constituaient la contrepartie des services de gestion des
installations aéroportuaires.
91. Le Tribunal a pu, à bon droit, en conclure, au point
137 de l'arrêt attaqué, que le marché à prendre en
considération est celui des services de gestion des
aéroports parisiens, sur lequel ADP est, en tant que
gestionnaire de ces aéroports, l'offreur, tandis que les
prestataires de services d'assistance en escale, qui ont
besoin, pour exercer leur activité, de l'autorisation
délivrée par ADP et des installations aéroportuaires,
sont les demandeurs sur ce marché.
85. ADP fait valoir à cet égard que le Tribunal a
commis une erreur de droit en faisant une application
erronée de la jurisprudence de la Cour. En effet, dans
l'affaire à l'origine de l'arrêt du 11 novembre 1986,
British Leyland/Commission (226/84, Rec. p. 3263), il
aurait été nécessaire d'obtenir un certificat de
conformité pour immatriculer les véhicules importés,
alors que, en l'espèce si des redevances sont perçues en
contrepartie de l'occupation privative du domaine
public, cette dernière n'est pas nécessaire pour exercer
une activité de services d'assistance en escale, comme
en témoignerait la situation de HRS qui, tout en
exerçant une telle activité, n'occupe pas le domaine
public et ne paye pas de redevance.
92. À cet égard, contrairement aux allégations d'ADP,
le Tribunal a pertinemment rapproché la situation de
l'espèce de celle dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt
British Leyland/Commission, précité, qui concernait le
monopole dont disposait British Leyland plc pour la
délivrance des certificats de conformité nécessaires à
l'immatriculation des véhicules de sa marque. Dans cet
arrêt, la Cour a, en effet, considéré que le marché en
cause était celui des services indispensables en fait aux
revendeurs
professionnels
pour
assurer
la
commercialisation des véhicules produits par British
Leyland plc. De la même façon, en l'occurrence, le
marché pertinent est celui de la gestion des
installations aéroportuaires, qui sont indispensables à
la prestation des services d'assistance en escale et
auxquelles ADP donne accès, ainsi que le Tribunal l'a
relevé au point 138 de l'arrêt attaqué.
86. Quant aux modifications introduites par ADP,
postérieurement à la communication des griefs, dans le
cadre du nouveau régime d'accès aux installations
aéroportuaires mis en place à compter du 1er mars
1999, régime dont le Tribunal fait état au point 127 de
l'arrêt attaqué, elles prouveraient que, à l'époque des
faits de l'espèce, le seul accès aux installations
aéroportuaires ne pouvait juridiquement, en tant que
tel, donner lieu à la perception d'une redevance.
93. Cette définition du marché du produit pertinent
n'est pas remise en question par le fait que l'un des
prestataires de services d'assistance en escale, à savoir
HRS, exerce son activité sans occuper de manière
privative le domaine public et sans verser de
redevance. En effet, dans ce cas, l'autorisation d'ADP
est également nécessaire pour accéder au marché des
services offerts par ADP et un tel accès est
indispensable à la fourniture des services d'assistance
aux compagnies aériennes. Comme le relève à juste
titre le Tribunal au point 139 de l'arrêt attaqué, il est
constant qu'aucune entreprise ne peut avoir accès au
87. ADP soutient que, en tout état de cause, dans la
mesure où les redevances concernées étaient perçues
en contrepartie de l'occupation privative du domaine
public, le Tribunal a violé l'article 86 du traité en
refusant d'inclure, dans sa définition de la dimension
géographique du marché pertinent, l'ensemble des
surfaces et des immeubles de la région parisienne
équivalents au domaine public d'ADP, sur lesquels un
17
domaine aéroportuaire géré par ADP sans son
autorisation ni encore moins y fournir des services. Par
ailleurs, la circonstance qu'aucune redevance n'est
demandée aux prestataires n'ayant pas besoin de
locaux situés dans le périmètre de l'aéroport ne saurait,
en tout état de cause, affecter la définition dudit
marché.
escale que les locaux et les surfaces situés sur le
domaine public d'ADP dont l'usage a pour contrepartie
les redevances en cause. Il serait manifeste que le
requérant ne détient aucune position dominante sur un
marché ainsi défini, le domaine public d'ADP
représentant une part extrêmement réduite des surfaces
et des locaux concernés.
(…)
100. Quant à l'autorisation délivrée, à l'époque, par
ADP pour l'accès à la zone réservée de l'enceinte
aéroportuaire, ADP rappelle qu'elle n'était nullement
réservée aux prestataires occupant de manière
privative le domaine public et que sa délivrance ne
donnait lieu en tant que telle à aucune redevance.
95. En ce qui concerne la seconde branche du huitième
moyen, qui porte sur la détermination du marché
géographique visé, à supposer même qu'elle soit
recevable dans la mesure où elle ne se limiterait pas à
réitérer la thèse développée par ADP devant le
Tribunal et examinée au point 141 de l'arrêt attaqué,
elle est en tout état de cause non fondée.
101. Le Tribunal aurait donc violé l'article 86 du traité
en qualifiant de dominante la position d'ADP sur le
marché.
96. En effet, il ressort des points 91 à 93 du présent
arrêt que le marché pertinent est celui des installations
aéroportuaires dans lesquelles, par définition, doivent
être effectuées les prestations de services d'assistance
en escale. C'est ainsi que le Tribunal a relevé à bon
droit, au point 141 de l'arrêt attaqué, que sont en cause
les conditions d'accès aux installations aéroportuaires
fixées par ADP afin de pouvoir y fournir des services
d'assistance en escale, lesquels ne peuvent être assurés
que dans le domaine aéroportuaire et avec
l'autorisation d'ADP. Il en a déduit correctement que
les biens immobiliers de la région parisienne ne
peuvent être pris en considération puisqu'ils ne
permettent pas, en eux-mêmes, de fournir lesdits
services.
(…)
105. L'affirmation d'ADP, selon laquelle les pouvoirs
dont il dispose sur son domaine public sont ceux de
n'importe quel propriétaire sur son bien, n'est pas de
nature à modifier l'appréciation selon laquelle ADP
jouit d'une position dominante sur le marché pertinent.
106. En l'occurrence, ADP, en tant que propriétaire des
installations aéroportuaires, est seul à pouvoir en
autoriser l'accès. Ainsi que le Tribunal l'a relevé à juste
titre au point 149 de l'arrêt attaqué, ADP dispose, en
vertu de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile
français, du monopole légal de la gestion des aéroports
concernés et lui seul peut donner l'autorisation d'y
exercer des activités d'assistance en escale et fixer les
conditions d'exercice de celles-ci.
97. Dès lors, le huitième moyen doit être également
rejeté.
107. Dans ces conditions, le Tribunal a pu, à bon droit,
conclure, au point 150 de l'arrêt attaqué, qu'ADP se
trouve dans une situation de puissance économique qui
lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien
d'une concurrence effective sur le marché en lui
fournissant la possibilité de comportements
indépendants.
Sur le neuvième moyen, tiré d'une violation de l'article
86 du traité s'agissant de la position dominante d'ADP
98. ADP soutient que les droits détenus sur son
domaine public sont équivalents à ceux d'un
propriétaire et que, contrairement à ce que le Tribunal
a considéré aux points 149 et 151 de l'arrêt attaqué, il
ne détient donc pas plus de «monopole» sur ledit
domaine que n'importe quel propriétaire sur son bien.
Ce domaine public ne constituerait pas un marché au
sens du droit de la concurrence.
108. Par conséquent, le neuvième moyen doit être
rejeté comme non fondé.
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Aéroports de Paris est condamné aux dépens.
99. Selon ADP, le marché pertinent inclut l'ensemble
des locaux et des surfaces immobilières de la région
parisienne susceptibles d'être utilisés de la même
manière par les prestataires de services d'assistance en
18
Document n° 4 : CE, 29 juillet 2002, Société CEGEDIM.
Considérant que l'Institut national de la statistique et
des études économiques (INSEE) gère le répertoire
national d'identification des entreprises et de leur
établissement, dénommé répertoire SIRENE, qui
comprend des informations relatives aux entreprises ;
que ce fichier est commercialisé par l'INSEE sous la
forme de licences d'usage final interdisant de
communiquer ses données aux tiers et sous la forme de
licences
de
rediffusion
permettant
la
commercialisation des données du répertoire auprès de
tiers ; que la société CEGEDIM demande l'annulation
de l'arrêté du 11 août 1998 du ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie relatif aux conditions de
tarification s'appliquant à l'accès au service public
d'information sur les entreprises, organismes publics et
leurs établissements, qui fixe les conditions de
commercialisation du répertoire SIRENE ;
Considérant que l'arrêté attaqué a été pris en
application de l'article 1er du décret du 17 février 1995
relatif à la rémunération de certains services rendus
par l'Institut national de la statistique et des études
économiques (INSEE) qui prévoit que peut donner lieu
à rémunération la fourniture par l'INSEE à des
particuliers ou à des organismes publics ou privés
autres que l'Etat de certaines prestations ; que cet
arrêté fixe un tarif dégressif en fonction du nombre
d'unités
documentaires, c'est-à-dire
d'adresses
d'entreprises pour la mise à disposition de l'ensemble
du répertoire SIRENE à l'usage des titulaires d'une
licence d'usage final ; qu'il prévoit en revanche que les
titulaires d'une licence de rediffusion, les rediffuseurs,
doivent acquitter un abonnement obligatoire aux mises
à jour du répertoire et leur impose une redevance de 8
centimes par unité documentaire en cas de cession à un
utilisateur final pour un usage unique et de 20
centimes par unité documentaire en cas de cession
pour un usage multiple :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens
de la requête ;
Considérant qu'en vertu de l'article 8 de l'ordonnance
du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-2 du
code de commerce, est prohibée "l'exploitation abusive
par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une
position dominante sur le marché intérieur ou une
partie substantielle de celui-ci" ;
Considérant que si l'Etat peut percevoir des droits
privatifs à l'occasion de la communication de données
publiques en vue de leur commercialisation, lorsque
cette communication peut être regardée, au sens des
lois sur la propriété littéraire et artistique, comme une
œuvre de l'esprit, ces droits ne peuvent faire obstacle,
par leur caractère excessif, à l'activité concurrentielle
d'autres opérateurs économiques lorsque ces données
constituent pour ces derniers une ressource essentielle
pour élaborer un produit ou assurer une prestation qui
diffèrent de ceux fournis par l'Etat ; que, dans un tel
cas, la perception de droits privatifs excessifs constitue
un abus de position dominante méconnaissant les
dispositions législatives précitées ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et
notamment de l'avis en date du 28 décembre 2001 du
Conseil de la concurrence demandé par une décision
avant dire droit du Conseil d'Etat en date du 15 mars
2000, qu'il existe un marché des fichiers de
prospection de grande taille vendus à des entreprises
afin d'effectuer des opérations de démarchage direct de
leurs clients ; que l'INSEE intervient directement sur
ce marché en commercialisant le répertoire SIRENE ;
que des concurrents de l'INSEE, comme la SOCIETE
CEGEDIM, interviennent également sur ce marché en
commercialisant des fichiers élaborés à partir du
répertoire SIRENE mais qui se distinguent de celui-ci
par les opérations d'enrichissement qu'ils effectuent sur
le fichier originel et constituent donc un produit
différent du répertoire SIRENE vendu par l'INSEE ;
que le répertoire SIRENE constitue une ressource
essentielle pour les sociétés qui élaborent de tels
fichiers de prospection, dès lors notamment que,
contrairement à ce que soutient le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, le registre
national du commerce et des sociétés ne contient pas
toutes les informations figurant au répertoire SIRENE
et ne peut ainsi lui être substitué ;
Considérant que l'application d'une redevance
proportionnelle de 20 centimes par adresse rediffusée
prévue par l'arrêté du 11 août 1998, qui provient
principalement de l'existence de droits privatifs de
l'INSEE sur le répertoire SIRENE et non de coûts liés
à la reproduction de cette base de données, a pour effet
d'empêcher les rediffuseurs de dégager une marge pour
la cession des fichiers de grande taille élaborés par eux
au regard du prix de cession d'extraits pratiqué par
l'INSEE ; qu'ainsi, les rediffuseurs ne peuvent
proposer leurs produits sur le marché des fichiers de
grande taille ;
Considérant que si le ministre soutient que le contrat
de commissionnaire, qui est un contrat d'un an
renouvelable par tacite reconduction, permettrait aux
rediffuseurs de dégager un bénéfice et de réaliser, le
cas échéant, une prestation d'enrichissement du
répertoire SIRENE pour le compte de leurs clients, ce
contrat ne permet pas en principe de procéder à des
modifications sur le produit livré et ne peut donc être
regardé comme équivalent à une licence de rediffusion
;
19
Considérant que la circonstance que les licences de
rediffusion accordées sur le fondement de l'arrêté
attaqué ont plafonné le montant de la redevance exigée
par l'INSEE pour la commercialisation des fichiers est
sans incidence sur la légalité de cet arrêté qui ne
prévoit pas un tel plafonnement ;
Considérant, par suite, que l'arrêté attaqué en
établissant à la fois un tarif unitaire dégressif pour les
clients finaux de l'INSEE et une redevance
proportionnelle de 20 centimes pour les rediffuseurs
est de nature à placer l'INSEE en situation d'abuser
automatiquement de sa position dominante sur le
marché pertinent des fichiers de prospection
commerciale de grande taille et méconnaît les
dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er
décembre 1986 ; que, compte-tenu des modalités de
calcul ainsi fixées, l'arrêté attaqué présente un
caractère indivisible et ne peut qu'être annulé dans son
intégralité ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 11 août 1998 du ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la
SOCIETE CEGEDIM et au ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie.
Document n° 5 : Cass. com., 12 juillet 2005, NMPP
de bonification exceptionnelle figurant dans ses
barèmes"; que la cour d'appel a rejeté les recours
formés par les NMPP et la SAEM-TP ;
…
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société
Messageries lyonnaises de Presse (les MLP) a
saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de
pratiques mises en oeuvre par la société Nouvelles
Messageries de la presse parisienne (les NMPP) et
la Société auxiliaire pour l'exploitation des
messageries transports de presse (la SAEM-TP)
qui abuseraient de la position dominante conjointe
qu'elles détiendraient sur le marché de la
distribution de la presse au numéro, d'une part, en
lui refusant un accès direct au tronc commun du
logiciel Presse 2000 mis en place par les NMPP,
logiciel qui sert aux dépositaires pour le suivi de
la distribution de la presse par les marchands de
journaux et dont le tronc commun est utilisé par
les trois messageries de presse, d'autre part, en
pratiquant certaines conditions tarifaires ; que les
MLP ont sollicité le prononcé de mesures
conservatoires ; que, par décision n° 03-MC-04 du
22 décembre 2003, le Conseil a notamment, à titre
conservatoire, fait injonction aux NMPP
"d'accorder aux MLP un accès direct au tronc
commun du logiciel Presse 2000 dans des
conditions économiques équitables en mettant en
place -pour chaque dépôt qui le souhaiterait et
selon des modalités qui devront faire l'objet d'un
accord entre les parties concernées- un transfert
automatique de fichiers entre le système
informatique des MLP, TID ou équivalent, et
Presse 2000" et "de ne pas reconduire le système
…
Sur le sixième moyen :
Attendu que la société NMPP fait grief à l'arrêt
d'avoir rejeté son recours contre la décision du
Conseil ayant au titre des mesures conservatoires
et dans l'attente d'une décision au fond, enjoint
aux NMPP "d'accorder aux MLP dans un délai de
quatre mois un accès direct au tronc commun du
logiciel Presse 2000, dans des conditions
économiques équitables, en mettant en place -pour
chaque dépôt qui le souhaiterait et selon des
modalités qui devront faire l'objet d'un accord
entre les parties concernées- un transfert
automatique de fichiers entre le système
informatique des MLP, TID ou équivalent, et
Presse 2000" et "de ne pas reconduire le système
de bonification exceptionnelle figurant dans ses
barèmes", alors, selon le moyen, que le Conseil de
la concurrence ne peut pas ordonner, à titre
conservatoire, une mesure qui aurait des effets
identiques à ceux qui résulteraient d'une décision
au
fond
sanctionnant
des
pratiques
anticoncurrentielles ; qu'en ordonnant les mesures
précitées "dans l'attente d'une décision au fond",
donc sans terme précis, et en donnant aux MLP la
possibilité irréversible d'avoir accès à l'ensemble
des données du logiciel Presse 2000, le Conseil de
la concurrence a prononcé des mesures
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dépourvues de caractère provisoire ; qu'en
validant sa décision, la cour d'appel a violé
l'article L. 464-1 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'en faisant injonction aux NMPP
de ne pas reconduire le système de bonification
exceptionnelle figurant dans ses barèmes, la cour
d'appel a ordonné une mesure conservatoire dont
le terme est celui de la décision au fond ; que le
moyen, sans objet pour le surplus en l'état de la
cassation à intervenir sur le troisième moyen, n'est
pas fondé ;
dépositaires parallèlement au logiciel Presse 2000
n'apparaît pas réaliste compte tenu, d'une part, des
particularités du contexte concurrentiel caractérisé
tant par une forte intégration verticale des
différents niveaux de distribution de la presse que
par le poids des NMPP sur le réseau des
dépositaires centraux et compte tenu, d'autre part,
de l'attachement à un système informatique
unique proclamé par le Syndicat national des
dépositaires de presse (SNDP), syndicat dont la
dépendance à l'égard des NMPP ne peut être
exclue ; qu'il en est de même de la création par les
MLP, qui ne détiennent que 15 % des parts du
marché en cause, dont les NMPP et la SAEM-TP
détiennent ensemble les autres parts, de la
création trop coûteuse d'un réseau propre de
dépositaires ; que le refus des NMPP de consentir
aux MLP un accès direct au tronc commun du
logiciel Presse 2000 qu'elles utilisent serait
susceptible de constituer une pratique prohibée
par l'article L. 420-2 du Code de commerce ayant
un objet ou un effet anticoncurrentiel ;
Mais sur le troisième moyen, pris en ses première
et quatrième branches :
Vu les articles L. 420-2 et L. 464-1 du Code de
commerce ;
Attendu qu'après avoir constaté que les
dépositaires qui, ayant notamment pour mission
de réceptionner la presse, la répartir, reprendre les
invendus et assurer la comptabilisation de ces
opérations, jouent un rôle central dans la
transmission de l'information entre les éditeurs et
les diffuseurs de presse et utilisent pour ce faire
un logiciel dit Presse 2000 créé et exploité par les
NMPP, logiciel dont les fonctionnalités
essentielles, dites "tronc commun" soit le
référencement des diffuseurs, celui des titres, la
mise en œuvre du réglage des titres, la gestion des
réassortiments et des invendus et la création des
documents comptables, sont partagées par les trois
messageries de presse et qu'après avoir relevé que
les MLP, qui ne disposent pas d'un accès direct à
ce tronc commun, ont développé leur propre
système informatique dit TID pour assurer la
transmission des informations qu'elles échangent
avec les dépositaires, ces informations devant être
ressaisies par les dépositaires pour être utilisées
par Presse 2000 à destination des diffuseurs, et les
informations en provenance de ceux-ci tels les
ventes et invendus par titre et point de vente
devant de même être recopiées de Presse 2000 sur
disquette pour être transférées sur TID, la durée
quotidienne de ces manipulations étant estimée à
une heure, la cour d'appel retient que le tronc
commun du logiciel Presse 2000 constitue pour la
distribution de la presse au numéro une
infrastructure essentielle dont la reproduction à
des conditions économiques raisonnables n'est pas
envisageable ; qu'en effet, la création par les MLP
d'un logiciel dédié qui serait utilisé par les
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs
impropres à établir que des solutions alternatives
économiquement
raisonnables,
fussent-elles
moins avantageuses que celles dont bénéficient
les NMPP, ne pourraient être mises en oeuvre par
les MLP qui avaient admis devant le Conseil être
en mesure matériellement et financièrement de
concevoir un logiciel équivalent à Presse 2000 et
avoir mis en place un logiciel qui leur permettrait
d'adapter les quantités livrées au réseau et de
communiquer avec ce dernier, et faute par
conséquent de constater que le tronc commun du
logiciel Presse 2000 serait indispensable à
l'exercice de l'activité des MLP, la cour d'appel n'a
pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de
statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce
qu'en rejetant les recours, il a ordonné aux NMPP
d'accorder aux MLP un accès direct au tronc
commun du logiciel Presse 2000, l'arrêt rendu le
12 février 2004, entre les parties, par la cour
d'appel de Paris ;
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