Regards croisés France Mali Genèse d`un projet de coopération

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Regards croisés France Mali Genèse d`un projet de coopération
Regards croisés France Mali
Genèse d’un projet
de coopération universitaire
Catherine Choquet
Cet ouvrage est le fruit d’une coopération engagée en l’an 2000
entre des enseignants-chercheurs du Mali et de France. Mais il n’est
que l’un des premiers fruits d’un jeune arbre dont nous espérons qu’il
va grandir et produire de nombreuses autres récoltes. Lorsque le
GEMDEV1 a été contacté par un représentant de l’Ambassade de
France au Mali, au cours de l’été 2000, pour savoir s’il acceptait le
principe d’une rencontre entre chercheurs pour réfléchir à un
programme de coopération universitaire portant sur l’histoire des
relations entre les deux pays, il n’y eut guère d’hésitation. Tout
d’abord parce que le GEMDEV a pour « tradition » de travailler aussi
systématiquement que cela est possible avec des partenaires du Sud :
comment en effet analyser et réfléchir sur des situations sans
travailler avec ceux qui les subissent, ou les ont subies, ceux qui ont
une meilleure connaissance de la société dans laquelle ils vivent et
dont ils cherchent à comprendre les mécanismes ? Et nous savions
que parallèlement des contacts étaient également pris avec des
universitaires maliens.
Mais dès le début, le GEMDEV a proposé que ce programme
ne soit pas uniquement conduit par des historiens. Il nous a paru
indispensable que ce programme soit pluridisciplinaire et
1. Le GEMDEV est un réseau d’équipes de recherche et de formations doctorales
travaillant sur les thématiques génériques du développement et de la
mondialisation. Il est interuniversitaire et interdisciplinaire.
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qu’il associe aussi bien des économistes, des sociologues, des
politistes, des juristes… que des historiens.
La première rencontre a eu lieu à Bamako en décembre 2000.
Elle a été l’occasion pour l’Ambassadeur de France en poste, SE.
Christian Connan d’expliquer ce qui l’avait amené à nous proposer ce
projet, à savoir comment un certain nombre d’idées fausses, de nondits, de présupposés ou d’interprétations divergentes de faits ayant
marqué l’histoire des relations franco-maliennes pouvaient entraîner
aujourd’hui « une appréciation erronée de tel ou tel comportement
actuel du partenaire »2. C’était donc une proposition éminemment
politique qui nous était faite de relire ensemble les pages d’une
histoire partagée. L’ouvrage disponible aujourd’hui est la première
pierre d’un édifice qu’il reste à construire et dont les fondations ne
seront solides que si le ciment, encore frais, de la coopération entre
chercheurs se solidifie, mais également si les décideurs des deux pays
acceptent de poursuivre le projet de construction engagé avec ce
programme conjoint3. Ce qui constitue un véritable défi.
Pourquoi parler de défi ? D’une part, parce que nous avons dès
le début proposer de travailler de manière pluridisciplinaire, mais
aussi parce que nous avons choisi de ne pas limiter le champ de nos
recherches à l’histoire ancienne des relations coloniales mais de traiter
de thématiques qui concernent aussi la période actuelle, telles les
questions des migrations, de la coopération décentralisée, etc.
Pourtant, il ne s’agissait pas de réécrire une histoire officielle
des relations entre nos deux pays. Il s’agissait de prendre conscience
ensemble des interprétations et des analyses qui existent dans chaque
pays sur les mêmes événements, et peut-être ainsi d’en apaiser
certaines pages ou au moins de comprendre pourquoi l’autre l’analyse
différemment.
2. Cf. préface.
3. Précisons que les rencontres organisées dans le cadre du programme Regards
croisés France Mali de fin 2000 à ce jour ont été financées par l’Ambassade de
France au Mali et que le colloque de janvier 2005 à Bamako a principalement été
organisé avec des fonds publics maliens (Présidence de la République, Ministère de
l’Education, Ministère de la culture, Ministère de la défense et des Anciens
combattants).
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Défi encore, parce que nous allions devoir apprendre à
travailler en croisant non seulement les regards sur l’histoire de nos
relations économiques, politiques, sociales, mais aussi en
expérimentant nos cultures institutionnelles diverses et les logiques
différentes de nos administrations respectives. Et ceci n’a pas été
sans nous poser régulièrement des problèmes que nous avons appris
à surmonter ou à contourner ensemble.
Défi enfin, parce que dès l’année 2002, nous avons pu intégrer
au programme d’échange des jeunes étudiants-chercheurs français et
maliens en veillant à ce que leur encadrement soit également
« croisé ».
Des premières rencontres houleuses…
En décembre 2000, nous avons été accueillis dans les locaux de
l’ENSUP4 par un certain nombre de collègues maliens appartenant à
la FLASH, à la FSJE, à l’ISFRA, à l’ISH, à l’IUG, mais également par
le directeur des Archives nationales et des chercheurs d’autres
instituts.
Au cours de cette session plénière, plusieurs pistes de
réflexions ont été évoquées et nous avons ensuite essayé de les
affiner en groupes de travail. Parmi les chercheurs français et maliens,
certains bien sûr se connaissaient et avaient une longue habitude
d’échange, mais ce n’était pas le cas de la majorité des présents. Que
dire de ces premières rencontres ? Elles n’ont pas été simples, elles
ont même été houleuses. Cela fait maintenant partie de notre
patrimoine, c’est même devenu un sujet de plaisanterie entre nous ;
cela appartient à notre mode de fonctionnement puisque nous avons
régulièrement des « altercations » assez vives, mais cela veut dire aussi
que nous sommes arrivés à un point de nos relations où nous nous
parlons et – parfois nous fâchons – en toute franchise sans que cela
ne remette en cause notre volonté de travailler ensemble et le plaisir
que nous y trouvons.
4. ENSUP, Ecole normale supérieure, FLASH, Faculté des lettres, arts et sciences
humaines, FSJE, Faculté des sciences juridiques et économiques, ISFRA, Institut
supérieur de formation et de recherche appliquée, ISH, Institut des sciences
humaines, IUG, Institut universitaire de gestion.
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Pourquoi dire de nos premières rencontres qu’elles ont été
houleuses ? Parce qu’une ambiguïté planait sur les objectifs et les
modalités de notre projet de collaboration. Des réticences perçues en
plénière se sont confirmées en ateliers... et il a fallu quelques heures
et quelques discussions en petits comités avant d’en comprendre les
causes. Pour la plupart d’entre nous, chercheurs français et maliens, il
était clair que la proposition faite par l’Ambassade de France était
une opportunité à saisir, mais pour certains il y avait la crainte d’être
« sous contrôle » pour ne pas dire « aux ordres ».
Il est bien connu que les chercheurs ont « l’indépendance
susceptible » ! Le débat fut donc assez rude avant de lever vraiment
tout soupçon de tentative de manipulation de la recherche par le
politique. S’il a été entendu dès le départ que cette proposition était
bien très politique, il a aussi été très clair et affirmé fortement que
seuls les chercheurs avaient pouvoir décisionnel sur les thèmes qu’ils
travailleraient en toute liberté.
… et une expérience très enrichissante
L’année 2001 fut une « année blanche » pour ce programme,
mais les suivantes ont été très actives avec des rencontres de travail et
des séminaires publics organisés deux fois par an, une fois au Mali,
une fois en France. Cela semble aujourd’hui une évidence que les
rencontres aient lieu régulièrement dans les deux pays, mais si c’est le
cas, c’est parce que nous avons conjointement affirmé notre volonté
de réciprocité en tout dans ce programme, y compris en matière de
déplacement. Dès les premiers échanges, nous avons prévu la mise
en place de groupes de travail en binômes franco-maliens devant
conduire ensemble leurs réflexions ; certains ont réussi à le faire,
d’autres non. Les travaux qui ont été présentés au cours du colloque
tenu à Bamako en janvier 2005 sont en partie le fruit de ces
échanges ; certaines communications furent co-signées par des
chercheurs français et maliens. Pour des personnes qui se sont
physiquement rencontrées à peine une trentaine de jours en trois ans,
c’est une réussite. Les communications présentées dans cet ouvrage
sont issues des travaux de ce colloque. Et là encore nous avons
souhaité mettre en place la réciprocité en publiant ces textes en coédition franco-malienne et nous ne pouvons que remercier les deux
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éditeurs, Donniya au Mali et Karthala en France, d’avoir accepté de
relever à leur tour le défi… surtout dans des délais aussi courts.
Un aspect essentiel de ce programme concerne les jeunes
étudiants, apprentis chercheurs. Dès 2002, les services de
coopération français ont proposé de mettre en place un programme
de bourses. C’est ainsi qu’ont été accueillis, en quatre ans, huit jeunes
chercheurs maliens et une dizaine de jeunes étudiants et étudiantes
français. Ces chiffres sont modestes – mais les moyens mis à
disposition ne permettent pas actuellement de faire mieux. Parmi les
jeunes Maliens accueillis, deux ont déjà eu la possibilité, grâce aux
bons résultats de leur travail, d’obtenir des bourses de 3è cycle et
entament à la rentrée 2005 une thèse de doctorat en économie. Un
ou deux autres devraient suivre le même chemin pour la rentrée
suivante. Bien qu’ils ne soient plus boursiers du programme, nous
continuons de les accompagner avec intérêt et grand plaisir, tant ils
font preuve de détermination dans leurs recherches.
Soulignons que ces jeunes boursiers, français et maliens, ont
montré un esprit assez fertile. Du film documentaire réalisé sur et
avec de jeunes musiciens maliens, au reportage photo réalisé en
partenariat avec des jeunes Maliens, en passant par les entretiens avec
les anciens ou l’étude des relations économiques actuelles (Office du
Niger, coton, chemin de fer, relations monétaires…), la variété des
thèmes et des activités qu’ils ont mises en place, sont là pour en
témoigner. Les anciens boursiers maliens ont maintenant créé un
« Club regards croisés » afin de poursuivre les travaux engagés,
d’organiser eux-mêmes des conférences publiques avec des
chercheurs confirmés, d’assurer le relais du bureau local puisque,
après trois ans de présence successive de deux jeunes volontaires
internationales françaises, le programme ne bénéficie plus de cet
appui essentiel.
Les anciens boursiers des deux pays continuent à travailler
ensemble dans leur grande majorité ou sont restés en relation. Ils
effectuent un véritable tutorat avec les nouveaux candidats
sélectionnés, les accompagnant dans leurs démarches administratives,
leur vie quotidienne ou leurs recherches universitaires. Un petit
groupe d’une vingtaine de jeunes apprentis chercheurs s’est ainsi
constitué et a été rejoint par d’autres étudiants et étudiantes
souhaitant collaborer avec eux – avec ou sans bourse – sur la base de
l‘intérêt qu’ils/elles portent à divers aspects des relations franco-
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maliennes. Nous assistons à la naissance de liens d’émulation et de
recherche entre jeunes de nos deux pays et espérons que leur
collaboration se poursuivra encore de longues années.
Une coopération complexe
Les lignes qui précèdent pourraient laisser croire que tout a été
simple et évident, mais c’est loin d’être le cas. Bien que disposant de
moyens modestes, ce programme est un succès certain du fait de
l’opiniâtreté des chercheurs impliqués. Il a fallu faire face en effet à
plusieurs difficultés : la première est liée à la conduite d’une
recherche éclatée entre des pays si éloignés. Rappelons qu’en cinq
années d’existence, hors le temps fort du colloque de janvier 2005, les
chercheurs participant au programme ne se sont côtoyés que
quarante-cinq jours. Bien sûr les nouvelles technologies sont là pour
faciliter les échanges, mais ce programme a été aussi l’occasion
d’expérimenter la fracture numérique Nord-Sud. Le Mali et la ville de
Bamako commencent à être équipés dans ce domaine (bien que
l’ADSL ne soit pas disponible partout) mais l’accès reste difficile soit
parce que les coûts sont encore élevés pour des revenus maliens, soit
parce que les points de connexion mis à disposition des chercheurs et
des étudiants, comme le Campus numérique de l’AUF5 par exemple,
sont d’une part submergés par leur succès et leur fréquentation, mais
également situés en des lieux peu faciles d’accès pour tous.
La complexité de cette coopération n’est pas liée uniquement à
ces difficultés matérielles. L’Université du Mali est jeune, elle a ouvert
en novembre 19966, ce qui signifie qu’elle est encore en train de se
mettre en place. Il faut noter que de véritables efforts ont été faits
avec la construction de locaux spacieux sur la colline de
Badalabougou où sont déjà situés plusieurs facultés et instituts ainsi
que le rectorat. Mais d’autres facultés et écoles supérieures sont
réparties ailleurs dans l’immense ville de Bamako ; toutes n’ont pas
encore tout l’équipement nécessaire. Ce que notre programme a
5. AUF : Agence universitaire de la Francophonie.
6. L’Université du Mali a été créée par la loi N° 93-060/P-RM du 08 Septembre
1993 mais son ouverture effective date de novembre 1996. Elle est composée de
quatre Facultés, trois Instituts, trois Ecoles supérieures et devrait voir la création
d’une Bibliothèque universitaire centrale.
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également mis à jour, ce sont les difficultés liées à des dysfonctionnements administratifs – en France comme au Mali. Les
logiques administratives et leurs délais ne sont pas les mêmes selon
qu’on se trouve à travailler avec une ambassade ou un ministère qui
fonctionnent en année civile ou avec les centres de recherche
universitaires qui eux sont organisés en année scolaire, de septembre
à juillet. Un tel détail, aussi simple et ridicule soit-il, peut mettre à mal
un projet ou une partie de projet.
Les débats menés par les chercheurs au cours de leurs
rencontres ont également permis de repérer des compétences qui
n’ont parfois pas pu être mises à profit et encouragées. « Les regards
eux-mêmes se croisent, entre chercheurs français et maliens, entre
disciplines, et comme on l’a vu dans nos débats, entre générations »7.
Cela a été le cas avec certains chercheurs confirmés des deux pays,
mais également avec de jeunes enseignants-chercheurs, en particulier
au Mali. En effet, la jeunesse de l’institution universitaire malienne
fait qu’il est difficile pour les nouveaux enseignants-chercheurs
d’obtenir des postes. Beaucoup ont des statuts fragiles, de type
vacataires, ce qui les contraint à chercher d’autres occupations, à
« courir les contrats », pour avoir les moyens de vivre. Le temps qui
leur reste pour faire de la recherche est donc réduit à la portion
congrue, freinant encore plus leur possibilité d’intégration dans le
système universitaire et de recherche… Si l’on souhaite que le Mali
construise un véritable outil de formation et de recherche, ce qui est
une condition sine qua non de renforcement de ses capacités de
développement indépendantes, il est indispensable que la nouvelle
génération puisse accéder à des fonctions reconnues dans les
instances de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Cela amène aussi à poser la question du devenir des jeunes
chercheurs en cours de formation. Dans le cadre de notre
programme, nous avons pu soutenir quelques jeunes apprentis
chercheurs maliens dont certains souhaitent faire de la recherche – ce
qui n’était pas forcément le cas quand ils sont arrivés dans le
programme. La question qui se pose aujourd’hui est : que peut leur
7. Extrait de l’allocution de Vincent Géronimi, Président du GEMDEV, à la
clôture du colloque de janvier 2005.
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proposer leur pays quand ils auront achevé leur formation doctorale ?
Ils affirment vouloir rentrer chez eux et contribuer au développement de leur pays, mais en auront-ils la possibilité ou devront-ils
accepter des postes dans des instances internationales ou dans des
pays du Nord… simplement parce qu’ils n’auront pas le choix s’ils
veulent avoir les moyens de vivre ! Ce débat, les chercheurs impliqués
dans le programme ont commencé à le poser et à en discuter avec les
autorités de tutelle des deux pays. Peut-on envisager la création de
contrats provisoires permettant à des jeunes doctorants de recevoir
un pécule pendant qu’ils font leur thèse en échange d’heures de cours
fournies dans le supérieur ? Peut-on penser à un système francomalien permettant que ces doctorants ou post-doctorants pendant
quelques années exercent dans les deux pays jusqu’à ce qu’ils puissent
rentrer définitivement chez eux dans des conditions professionnelles
décentes ?
… et retour au politique
Pour les chercheurs impliqués dans ce programme, ces
premiers travaux sont un succès et doivent être poursuivis. Nous
avons entamé des recherches et « nous nous retrouvons tous face à
une complexité croissante d’objets qui deviennent de moins en moins
évidents au fur et à mesure que nos analyses progressent (…) Les
dynamiques de recherche émergent à l’intersection de ces
complexités et diversités. ( …) Il faut échapper à la pétrification des
discours et affronter les conflits »8, se réapproprier notre histoire
partagée, déconstruire des idées préconçues… Il s’agit aujourd’hui de
permettre la mise en place de nouvelles dynamiques en assurant un
futur à ce programme.
A l’issue des rencontres de Bamako, nous nous étions fixés
quelques objectifs : à court terme, publier les actes dans un délai d’un
an, objectif atteint dans un délai plus court ; trouver à moyen-terme
les solutions permettant qu’un (ou des) jeune(s) chercheur(s)
malien(s) compétent(s) prenne(nt) en charge l’animation du bureau
du programme de Bamako, en remplacement de la jeune volontaire
internationale française qui assurait le travail jusqu’en juillet 2005 (ou
8. V. Géronimi, allocution de clôture.
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en appui à celle-ci si un nouveau poste était disponible) ; ce dossier
est encore en chantier. Mais nous souhaitons arriver ainsi à créer au
Mali un nouveau pôle mobilisateur d’énergies et de compétences.
Enfin à long-terme, nous souhaitons que cette ébauche de réseau que
nous avons créé deviennent une « tête de réseau » de recherche
interrégionale, basée à Bamako, associant chercheurs européens et
chercheurs ouest-africains, permettant d’approfondir les thématiques
de recherche entamées depuis quatre années et d’en développer de
nouvelles. Nous avons aussi l’ambition de réussir à renforcer les
aspects formation des jeunes étudiants-chercheurs impliqués dans ce
programme et tenons à souligner dans ce cadre le rôle central des
bourses de stage.
Pour que ces termes passent du statut de souhaits à celui de
réalisations concrètes, la balle retourne dans le camp des décideurs
politiques des deux pays. Nous sommes tous convaincus que le
développement humain, tel qu’énoncé par le PNUD9, passe par la
prise en compte de l’éducation et de la formation, en les plaçant au
cœur des processus de développement. C’est un élément stratégique
de l’avenir du Mali, et pas seulement en matière d’enseignement
primaire, secondaire ou professionnel. Quel pays peut croire au
renforcement de ses capacités et de son indépendance, s’il n’est pas
en mesure d’assurer la formation et le renouvellement de ses élites,
s’il est menacé régulièrement d’exode de ses cerveaux ? Ces priorités
font également partie des mesures préconisées par l’Union
européenne dans le cadre de la Convention de Cotonou, mais elles
ont également été affirmées par la dernière réunion du CICID10 dont
le relevé de conclusions du 18 mai 2005 précise dans le point
consacré à la mise en œuvre de nouveaux chantiers :
« La France oeuvrera pour que l’enseignement supérieur retrouve
toute sa priorité dans les stratégies de développement. La
coopération universitaire en direction des pays africains sera
rénovée afin de conforter des pôles d’excellence régionaux et de
favoriser l’adoption par des universités africaines du schéma
Licence-Mastère-Doctorat (LMD). La création de formations
d’excellence, en partenariat avec des consortiums d’universités
9. PNUD, Programme des Nations unies pour le développement.
10. Comité interministériel (français) de la coopération internationale et du
développement.
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françaises et des cursus intégrés permettant d’insérer le temps de
formation en France et en Europe dans des parcours de formation
sera privilégiée. Le concours des scientifiques originaires de ces
pays sera sollicité.
La recherche pour le développement a vocation à appuyer la
constitution de capacités scientifiques locales et leur insertion dans
les réseaux internationaux ainsi que l’expression des pays du Sud
sur les grands défis qu’affronte notre planète (…) ».
Ce programme de coopération modeste entre l’Université du Mali et
le GEMDEV a commencé à faire ses preuves. Il est souhaitable qu’il
se développe et qu’il essaime. Pour que cela fonctionne, il faut
permettre à ce type de programme d’exister sur des durées d’au
moins quatre à cinq années renouvelables, sans crainte des coupures
de crédits comme on les connaît depuis quelques années ; il faut
enfin que leur coordination soit confiée à des enseignants-chercheurs
convaincus de leur utilité, de leur nécessité et prêts à se battre pour
leur succès. De tels programmes demandent une forte volonté
politique de ceux qui les financent et une mobilisation quasi-militante
de ses animateurs scientifiques.
Les chercheurs maliens et français qui ont participé à ces
premières étapes du Programme regards croisés France Mali espèrent
que cet ouvrage n’est que le premier produit public d’une
coopération promise à de nouveaux succès… si on veut bien lui
prêter vie et moyens dans les années à venir.