Regards croisés France-Mali
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Regards croisés France-Mali
Compte-rendu du Colloque « Regards croisés France-Mali » Colloque international, Bamako, 24-26 janvier 2005 Catherine Choquet Pierre Boilley Le 24 janvier 2005, nous avons ouvert au Palais des congrès de Bamako, le Colloque « Regards croisés France Mali », placé sous le haut parrainage de SE Abdou Diouf, Secrétaire général de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) et de SE Amadou Toumani Touré, Président de la République du Mali. Il constitue une étape importante des travaux menés depuis fin 2000 par un groupe de chercheurs et de chercheurs maliens qui travaillent en binômes sur des pages de notre histoire commune, qu’elles remontent à la période coloniale ou qu’elles traitent de la période actuelle. Plus de 150 personnes ont assisté à la cérémonie d’ouverture placée sous la présidence de M. Mamadou Lamine Traoré, Ministre de l’Education, ayant à ses côtés, M. Mamadou Clazié Cissouma, Ministre de la Défense et des Anciens combattants, Mme Ginette Siby, Recteur de l’Université de Bamako et M. Jean Claude Piet, Chef de la Mission de coopération et d’action culturelle, représentant SE M. Nicolas Normand, Ambassadeur de France ainsi que les coordinateurs français et malien du programme, Mme Catherine Choquet, Secrétaire générale du GEMDEV12 et le Professeur Drissa Diakité, Doyen de la FLASH. Après une allocution de M. Piet, retraçant les origines du programme de coopération francomalien, soutenu par l’Ambassade de France depuis sa mise en place, Mme le Recteur Ginette Siby a souligné les enjeux de ce programme de coopération universitaire. M. Mamadou Lamine Traoré, Ministre de l’Education a affirmé l’importance de cette collaboration et affirmé qu’il était devenu le programme phare de l’Université de Bamako, d’une part parce qu’il permet à des chercheurs appartenant à différentes disciplines et différentes institutions de travailler ensemble au Mali et en partenariat avec des chercheurs en France, mais également parce qu’il contribue à la formation de jeunes étudiants chercheurs français et maliens, associés depuis les origines à ce travail. Placée sous la présidence du Pr Bakary Kamian, la conférence inaugurale a été prononcée par Catherine Choquet qui a retracé les différentes étapes du projet depuis sa création, soulignant les acquis essentiels de ces premières années de travaux communs, sans omettre de parler des difficultés rencontrées par les participants. Né suite à une initiative de SE Christian Connan, alors Ambassadeur de France au Mali, ce programme a bénéficié du soutien constant de l’Ambassade de France au Mali et du Ministère des Affaires étrangères français et de l’appui des autorités maliennes. Enthousiasmés par l’occasion inestimable qui leur était ainsi offerte de jeter les bases d’une nouvelle coopération, les chercheurs français et maliens ont affirmé cependant dès le départ, l’indépendance de leurs recherches. Parmi les difficultés rencontrées, outre les questions matérielles, on peut souligner l’apprentissage des cultures institutionnelles et des logiques administratives différentes qu’il a fallu apprendre à dépasser et qu’il faut continuer à surmonter très régulièrement. Cette conférence s’est tenue en séance plénière au Palais des Congrès de Bamako devant une assistance assez fournie puisque plus d’une centaine de personnes y ont assisté et ont ensuite débattu avec les animateurs français et maliens du programme. Ces débats ont été 1 GEMDEV, Groupement pour l’étude de la mondialisation et du développement, Paris 2 FLASH, Faculté des lettres, arts et sciences humaines de Bamako 1 l’occasion d’affirmer clairement qu’il n’y avait aucun sujet tabou dans les travaux engagés qu’ils concernent la période coloniale ou la période contemporaine, le rôle de la France juste avant les indépendances, la place des anciens combattants, le rôle des migrants ou des politiques de coopération en matière de décentralisation, etc. L’après-midi de la première journée a été consacrée à la présentation des quatre grands thèmes retenus pour la tenue de ces journées : - Les représentations collectives de l’autre, thème présenté par le Professeur Pierre Boilley, entouré de deux anciens boursiers du programme, Marie Tranchet et Aly Ouologuem ; - Les relations franco-maliennes, thème introduit par le Professeur Boubacar Sega Diallo et illustré par l’intervention du Professeur Philippe Hugon ; - Le thème « Evolutions et réformes de l’Etat » introduit par l’économiste Issa Sacko et complété par la communication de Mme Michèle Leclerc-Olive ; - Enfin, Monsieur le Ministre Issa N’Diaye, sur la thématique concernant la « diversité des pratiques socio-culturelles » dont un aspect présenté par une ancienne stagiaire du programme, Melody Van Liempd. Ces présentations ont été suivies d’un débat avec la salle. On peut souligner à cette occasion, les progrès réalisés et l’assurance prise par les trois jeunes chercheurs français et malien qui ont présenté une synthèse de leurs travaux en session plénière. Plus de 80 personnes ont suivi ces présentations. Un écho large a été donné à cette première journée tant dans la presse écrite malienne que par l’ORTM (télévision et radio). Une courte table ronde radiophonique a également été organisée par Mme Sadio Kanté, journaliste de Radio Nederlands (radio sur laquelle devrait être programmée une émission de 30 mn autour du colloque) et de BBC on line. D’autre part, le succès remporté par la mobilisation des jeunes étudiants chercheurs français et maliens intégrés dans ce programme est indubitable. Sur 7 jeunes chercheurs maliens accueillis depuis novembre 2002, 2 ont déjà obtenu des bourses de 3è cycle en France et l’un d’eux entame cette année une thèse de doctorat en économie. Quant aux jeunes Français, l’opportunité qui leur a été ainsi donnée de faire un séjour d’étude de deux mois au Mali et de préparer sur cette base des mémoires de maîtrise, de DESS ou de DEA a également été un apport essentiel dans leur parcours personnel. Les liens de compagnonnage, de travail et de recherche qu’ils ont créés entre eux sont à remarquer ainsi que les réalisations qu’ils ont conduites en marge de leurs études : réalisation de deux expositions photographiques sur la thématique du programme, l’une historique autour des axes « femmes, pouvoirs, voyages », l’autre contemporaine croisant les regards de jeunes photographes français et maliens sur les deux pays. L’un des stagiaires a également réalisé un documentaire intitulé « Une histoire de rap à Bamako » après avoir suivi pendant deux mois des rappeurs maliens et leur collaboration avec des rappeurs français. Ce documentaire a été présenté au Centre culturel français, le lundi 24 au soir dans sa version longue. Une version plus courte sera préparée dans les semaines à venir afin d’être proposée à une diffusion plus large, en particulier, si cela est possible, par l’ORTM. Une partie des jeunes rappeurs maliens étaient présents à cette projection et étaient très touchés par l’intérêt qui leur a ainsi été porté. La journée du mardi a été consacré aux travaux en ateliers au cours desquels chercheurs français et maliens, mais également chercheurs venus du Burkina Faso, du Sénégal, d’Italie, et de Russie ont présenté leurs communications et discuté de leurs recherches. 2 Les interventions ont été largement suivies tout au long de la journée du mardi. Les quatre salles consacrées aux quatre thèmes du colloque n’ont pas désempli (autour de 80 à 90 personnes ont participé aux travaux et aux débats tout au long de la journée). Les débats avec la salle qui ont suivi chacune des séances ont été animés, et les intervenants se sont exprimés sans aucun tabou, mais sans animosité réciproque, y compris sur des sujets sensibles, tels ceux concernant la colonisation ou l’émigration. Certains présidents de séance ont d’ailleurs souligné l’intérêt et la franchise de ce type d’échanges, rarement observés dans d’autres circonstances. Le mardi soir une conférence-débat a été organisée au Mess des Officiers de Bamako, qui a prêté gratuitement ses locaux pour assurer la projection du film de Sembène Ousmane, « Le Camp de Thiaroye » et permettre l’organisation d’un débat avec les Anciens combattants sous la présidence de M. le Ministre de la Défense et en présence des représentants de l’Association et de l’Office des anciens combattants, avec l’appui des Pr Bakary Kamian, Drissa Diakité et Pierre Boilley. La matinée de la journée du mercredi a été consacrée à la projection du film « L’Homme du Niger », du réalisateur Baroncelli, et au débat qui a suivi sur l’Office du Niger, animé par le professeur Vittorio Morabito. Cette séance, qui s’est déroulée dans la salle de conférence de la FLASH, a rassemblé plus de soixante personnes. Dans cette même salle, ont été présentées l’après-midi en séance plénière les synthèses des ateliers, rédigées par les quatre rapporteurs Michèle Leclerc-Olive, Issa Ndiaye, Issa Sacko et Philippe Hugon. Ces présentations ont été suivies d’un débat général. Ce débat est revenu sur certains questionnements thématiques, mais a été aussi le lieu d’un premier bilan. Les participants se sont félicités de la qualité des présentations, bien qu’ils aient dans beaucoup de cas regretté que les débats aient été trop courts. Il en est ressorti l’utilité et l’évidence de prolonger ce type de rencontre. Ont été aussi évoqués l’absence de certaines disciplines, notamment le droit et les Sciences politiques, et parfois la difficulté à croiser les regards entre générations différentes qui n’ont pas eu le même vécu des relations franco-maliennes. Un autre constat de ces débats fut la prise en compte nécessaire de la complexité des réalités étudiées, complexité revendiquée afin de ne pas céder aux stéréotypes et clichés, ainsi qu’à la volonté d’échapper à la pétrification des discours en affrontant les conflits. La séance de clôture, présidée par M. le Ministre de la Culture Cheikh Oumar Sissoko, en présence de SE l’Ambassadeur de France M. Nicolas Normand, du Recteur de l’Université de Bamako Mme Ginette Siby, et animée par le professeur Drissa Diakité, doyen de la FLASH et coordinateur du programme au Mali, a permis au Président du GEMDEV Vincent Géronimi de présenter les premières conclusions des travaux et les perspectives d’avenir du projet « Regards croisés ». M. Géronimi a souligné la forte motivation qui a porté les chercheurs impliqués dès le départ du projet, leur opiniâtreté face aux difficultés inhérentes à la conduite d’une recherche éclatée entre des pays si éloignés, et l’implication des étudiants français et maliens. Il a mis en exergue l’intérêt fondamental de l’octroi de bourses : les jeunes chercheurs ont participé à la création d’une dynamique forte, attestée par la qualité de leurs travaux et leur profond investissement dans le projet. M. Géronimi a aussi montré combien l’engagement des coordinateurs et l’extrême implication des organisateurs maliens et français ont permis le succès de ces rencontres. Enfin, le président du GEMDEV a abordé, au nom du comité de pilotage, les perspectives de ce programme. 3 A court terme, la publication des actes de ce colloque dans un ouvrage en édition francomalienne, d’ici un an maximum, doit mobiliser tous les participants, et élargir la base des chercheurs confirmés et des jeunes chercheurs mobilisés autour de ce programme. A ce titre, la présence de chercheurs maliens appartenant à d’autres institutions que celles déjà impliquées dans le programme (FLASH, FSJE, IUG, ISFRA, etc…) doit être soulignée et prise en compte. A moyen terme, il est souhaitable de renforcer les potentialités logistiques du programme par le recrutement d’un jeune chercheur malien qui vienne en appui de la volontaire internationale française en poste actuellement, afin de créer au Mali un nouveau pôle mobilisateur d’énergies et de compétences. L’ambition du programme est aussi de réussir à renforcer la formation des jeunes étudiants-chercheurs et d’approfondir les thématiques de recherche entamées depuis trois ans. A plus long terme, les modalités de coopération qui ont déjà fait leurs preuves permettent d’envisager la mise en place d’une «tête de réseau» de recherche inter-régionale tant européenne qu’ouest-africaine. Ce réseau de recherche inter-régional doit être souple mais assez structuré pour permettre des échanges et les rencontres régulières de ses membres. Cette tête de réseau qui devrait être basée à Bamako et prendre appui sur une institution déjà existante, doit devenir un véritable catalyseur d’énergies. Il s’agit aussi de permettre aux chercheurs et étudiants du programme de bénéficier d’un lieu leur donnant accès à des ordinateurs et à de la documentation. Ce réseau pourrait dans l’avenir devenir une institution franco-malienne ou européo-ouest africaine incontournable. 4