L`influence des accents régionaux sur la compréhension de l`anglais

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L`influence des accents régionaux sur la compréhension de l`anglais
L’influence des accents régionaux sur la compréhension
de l’anglais britannique contemporain chez les sujets
francophones.
Edensor Kizzi
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Edensor Kizzi. L’influence des accents régionaux sur la compréhension de l’anglais britannique contemporain chez les sujets francophones.. Linguistique. Université de Provence Aix-Marseille I, 2010. Français. <tel-00578088>
HAL Id: tel-00578088
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Submitted on 18 Mar 2011
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DOCTORAT AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ
délivré par
L’Université de Provence
N° attribué par la bibliothèque
………………………………
THÈSE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE I
Formation Doctorale : Cognition, Langage, Éducation
(spécialité phonétique et linguistique anglaise)
Présentée et soutenue publiquement
Par
Kizzi EDENSOR
le 10 décembre 2010
TITRE
L’INFLUENCE DES ACCENTS RÉGIONAUX SUR LA COMPRÉHENSION DE
L’ANGLAIS BRITANNIQUE CONTEMPORAIN PAR DES SUJETS
FRANCOPHONES
Directeur de thèse :
Monsieur Daniel HIRST
JURY
Monsieur Philip Carr (Université de Montpellier)
Monsieur Jean-Yves Dommergues (Université de Paris VIII)
Monsieur Jacques Durand (Université de Toulouse)
Monsieur Emmanuel Ferragne (Université de Paris XII)
Monsieur Noël Nguyen (Université de Provence)
Introduction générale
REMERCIEMENTS
Ce travail n’aurait pas été possible sans l’aide, le soutien et les encouragements
de beaucoup de personnes que je tiens à remercier.
Daniel Hirst, qui m’a supporté/supported toutes ces années. Je n’ai plus de mots pour
exprimer ma gratitude.
Je tiens à remercier mes rapporteurs et membres du jury pour avoir accepté de lire ce travail et
pour leur disponibilité.
Merci à :
Philip Carr et Jacques Durand qui m’ont toujours encouragée et qui ont accepté de travailler
dans des conditions parfois peu évidentes.
Jean-Yves Dommergues pour son soutien et ses suggestions pertinentes et utiles dont j’espère
être à la hauteur.
Noël Nguyen pour ses conseils lors de la mise en place des expériences.
Emmanuel Ferragne qui a mis la barre très haut en terme de travail sur les accents régionaux.
Je remercie Carine André pour tout le temps qu’elle m’a consacré avec tant de gentillesse afin
de m’apprendre à faire des scripts pour Perceval et Lancelot.
Toutes les personnes du Laboratoire de Parole et Langage, ses secrétaires, ses
documentalistes, ses doctorants. Mais un remerciement tout particulier à Noël Nyguen,
Sophie Dufour, Christine Meunier, Robert Espesser, Cheryl Frenck-Mestre, Alain Ghio,
Christian Cavé, Phillipe Blache, Joëlle, Seb et Cyril pour leurs précieux conseils et temps
qu’ils m’ont consacrés.
Nicolas Ballier, Francis Nolan, Anthea Fraser Gupta, Raymond Hickey, Paul Kerswill,
Dominic Watt, Catherine Best, Kevin Watson, John Wells, Clive Upton, Caroline Floccia,
Caroline Bouzon, Nadine Herry-Bénit de m’avoir accordé du temps et d’avoir répondu à mes
questions.
i
Toute l’équipe professorale du département d’anglais de l’Université de Provence ainsi que
les secrétaires et bibliothécaires toujours présents, notamment Gabor, Sophie, Cécile Valérie,
Michel, Peter et Jean-Marie.
Je tiens à remercier Armelle de s’être souciée de moi et de m’avoir encouragée ainsi que
Rachida qui a toujours eu des mots gentils.
Merci à Céline pour sa grande disponibilité ; à Pauline, Amandine, Vincent et surtout à celle
qui ne m’a jamais laissé flancher : Anne.
Encore un grand merci à tous mes participants, sans qui ce travail n’aurait pu exister et qui se
sont rendus disponibles même lors de la fermeture de l’Université.
Merci à Monsieur Jacques Vauclair et à Madame Sonia Testa.
À Jacques et Michel, for Grandad et Claude pour m’avoir écoutée, merci.
Un dernier grand merci à (entre autres) mes Pygmalions ; Daniel pour m’avoir poussée à y
croire et à Cyril, pour tout.
ii
iii
Accent
is in the ear of the beholder
iv
RÉSUMÉ
Titre : L'influence des accents régionaux sur la compréhension de l'anglais britannique
contemporain chez les sujets francophones.
L’objectif principal de ce travail est d’examiner les capacités de perception et de
compréhension des francophones lorsqu’ils sont confrontés aux différentes variétés régionales
de l’anglais britannique.
Pour ce faire, nous avons mené quatre expériences sous forme de tests de perception
(expériences d’identification des accents et de compréhension). Les enregistrements que nous
avons choisis, extraits du corpus IViE, incluent neuf accents : Cambridge, Londres
(ascendance jamaïcaine), Liverpool, Leeds, Bradford (bilingues anglais-Panjabi), Cardiff
(bilingues anglais-gallois), Newcastle, Belfast et Malahide (Dublin). L’expérience
d’identification des accents par région a démontré que les apprenants francophones ont plus
de facilités à catégoriser les accents aux sonorités non-natives (jamaïcain et panjabi) que les
autres variétés. La plupart des erreurs de compréhension et de perception concernaient la
réduction de mots qui est commune à tous les accents et présente dans la parole continue.
Toutefois, les traits les plus caractéristiques de ces accents ont été également difficiles à traiter
pour les sujets francophones. Ce travail souligne l’importance de l’attention qu’il faut prêter à
ce type d’erreurs afin d’en faciliter la compréhension et ce, dans une perspective d’application
didactique.
Mots-clés: variétés de l'anglais, perception, compréhension, identification, sujets
francophones, sujets anglophones, corpus IViE (Intonational Variation in English).
UFR LACS
École doctorale: Cognition, Langage, Éducation
Laboratoire Parole et Langage
UMR 6057 CNRS / Université de Provence
5, avenue Pasteur
13100 Aix-en-Provence, France
v
ABSTRACT
Title : The influence of regional accents upon French speakers' understanding of
contemporary British English.
The main aim of this study is to examine French speakers' perception and comprehension
skills when they are faced with different regional variations of British English.
In order to do this, we conducted 4 experiments in the form of perception tests (experiments
in the identification and understanding of accents). The recordings that we selected are
extracts from corpus IViE, and comprise nine accents : Cambridge, London (of Jamaican
descent), Liverpool, Leeds, Bradford (English-Punjabi bilingual), Cardiff (English-Welsh
bilingual), Newcastle, Belfast and Malahide (Dublin). The regional accent identification
experiments showed that French speakers find it easier to categorise non-native sounding
accents (Jamaican and Punjabi) than other variations. Most comprehension and perception
errors were related to the use of word reduction, a trait that is common to all these accents and
present in continuous speech. That being said, French speakers also had difficulty in
processing these accents' most common characteristics. This study highlights the fact that
attention has to be paid to mistakes of this kind, in order to facilitate understanding with
regard to the application of teaching methods. This study provides important information on
understanding language processing and how different learners cope with aspects of variation.
The results show that some accents were easier to understand than other, for example, the
Cardiff variety was better comprehended than the Cambridge accent, which is similar to the
pronunciation model taught in France (Received Pronunciation). This has never been tested
before and proves that despite years of linguists claiming that this accent is the most
comprehensive for EFL learners, empirical research is always necessary and the results can be
contrary to popular beliefs.
Key words : English regional accents, perception, comprehension, identification, native
French (EFL) subjects, native English subjects.
vi
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION GÉNÉRALE ....................................................................... 1
CHAPITRE 1 LES VARIÉTÉS DE L’ANGLAIS.......................................... 7
1. INTRODUCTION ...................................................................................................................... 7
1.1. La terminologie ........................................................................................................... 9
1.1.1. Les travaux sur les variétés régionales .................................................................. 12
1.1.2. Quelle place pour la RP : son statut et sa position de modèle de prononciation en
anglais langue étrangère ................................................................................................... 14
1.2. LES VARIETES DE L’ANGLAIS DU CORPUS IVIE ............................................................... 17
1.2.1. Received Pronunciation (RP) ................................................................................. 18
1.2.2. Le système vocalique de la RP (Wells, 1982)........................................................ 19
1.3. L’Angleterre du Sud.................................................................................................. 20
1.3.1 Londres.................................................................................................................... 20
1.3.1.1. Le cockney .......................................................................................................... 21
1.3.1.2. Le système vocalique du cockney (Wells, 1982)................................................ 22
1.3.1.3. Les consonnes du cockney .................................................................................. 23
1.3.2. L’accent populaire londonien................................................................................. 23
1.3.2.1. Le système vocalique de l’accent populaire londonien (Wells, 1982)................ 24
1.3.2.2. Les consonnes de l’accent populaire londonien .................................................. 25
1.3.3. L’anglais de l’estuaire ............................................................................................ 25
1.3.3.1. Les voyelles de l’anglais de l’estuaire................................................................. 26
1.3.3.2. Les consonnes de l’anglais de l’estuaire ............................................................. 27
1.3.4. Le Sud-Est .............................................................................................................. 27
1.3.4.1. Le système vocalique de l’Anglia de l’Est (Wells, 1982)................................... 27
1.3.4.2. Les consonnes de l’Anglia de l’Est ..................................................................... 28
1.3.4.3. Cambridge ........................................................................................................... 28
1.4. LE PAYS DE GALLES ......................................................................................................... 29
1.4.1. Le système vocalique du Sud-est du Pays de Galles (Wells, 1982)....................... 30
1.4.2. Les consonnes du Sud-est du Pays de Galles......................................................... 31
1.4.3. Cardiff .................................................................................................................... 32
1.4.3.2. Les consonnes de Cardiff .................................................................................... 36
1.5. L’ANGLETERRE DU NORD ................................................................................................ 38
vii
1.5.1. Le Nord-Est ............................................................................................................ 38
1.5.1.2 Les consonnes de Leeds et de Bradford ............................................................... 40
1.5.2. Bradford ................................................................................................................. 41
1.5.3. Liverpool ................................................................................................................ 41
1.5.3.1. Le système vocalique de Liverpool (Wells, 1982 et Watson, 2007)................... 42
1.5.3.2. Les consonnes de Liverpool ................................................................................ 43
1.5.4. L’Extrême Nord ..................................................................................................... 44
1.5.4.1. Le système vocalique de Newcastle (Wells, 1982 et Watt et Milroy, 1999) ...... 45
1.5.4.2. Les consonnes de Newcastle ............................................................................... 47
1.6. L’IRLANDE ........................................................................................................................ 48
1.6.1. L’Irlande du Sud : Dublin et Malahide .................................................................. 48
1.6.1.2. Le système vocalique des trois catégories d’accents de Dublin (Local,
Mainstream, Fashionable) selon Hickey (1999).............................................................. 50
1.6.1.3. Les consonnes de Dublin et de Malahide............................................................ 52
1.6.2. L’Irlande du Nord : Belfast .................................................................................... 53
1.6.2.1. Le système vocalique d’Irlande du Nord : Belfast (Wells, 1982)....................... 54
1.6.2.2. Les consonnes d’Irlande du Nord : Belfast ......................................................... 57
1.7. LES VARIETES ETHNIQUES ................................................................................................ 58
1.7.1. L’anglais de Jamaïque............................................................................................ 58
1.7.1.1. Le système vocalique de l’anglais Jamaïcain (Wells, 1982 et Sebba, 2007) ...... 59
1.7.1.2. Les consonnes l’anglais Jamaïcain...................................................................... 59
1.7.2. L’anglais Panjabi.................................................................................................... 60
1.8 CONCLUSION ...................................................................................................................... 61
CHAPITRE 2 LA COMPRÉHENSION ET LA PERCEPTION D’UNE
L2 : LES ÉTUDES SUR LES ACCENTS RÉGIONAUX ............................ 63
2.1 INTRODUCTION .................................................................................................................. 63
2.2. LES THEORIES DE L’ACQUISITION ET DE LA PERCEPTION DES LANGUES ........................ 64
2.2.1. Speech Learning Model (SLM).............................................................................. 64
2.2.2. Perceptual Assimilation Model (PAM).................................................................. 67
2.2.3. The Native Language Magnet Model (NLM) et The Perceptuel Magnet Effect
(PME) ............................................................................................................................... 68
2.2.4. Mise en question des modèles d’acquisition .......................................................... 69
2.2.5. Conclusion.............................................................................................................. 71
viii
2.3. LA PERCEPTION ET LA COMPREHENSION DES VARIATIONS ............................................. 71
2.3.1. Introduction ............................................................................................................ 71
2.3.2. La terminologie ...................................................................................................... 72
2.3.3. L’influence de la variation dans le traitement de la parole .................................... 73
2.3.3.1. L’influence de la variation due aux locuteurs ..................................................... 75
2.3.3.2. L’influence des stimuli et le style de parole........................................................ 77
2.3.3.3. L’influence de la longueur des énoncés .............................................................. 78
2.3.3.4. Conclusion........................................................................................................... 81
2.4. LES ETUDES SUR LES VARIETES D’ANGLAIS ..................................................................... 83
2.4.1 Le traitement des accents par les natifs ................................................................... 83
2.4.2. Le traitement des variétés de l’anglais par les natifs et les non-natifs ................... 85
2.4.3. Conclusion.............................................................................................................. 88
2.5. LES ERREURS DE PERCEPTION .......................................................................................... 89
2.5.1. Les voyelles............................................................................................................ 91
2.5.2. Les consonnes ........................................................................................................ 93
2.5.3. Les connaissances lexicales ................................................................................... 93
2.5.4. Les frontières de mots ............................................................................................ 94
2.5.5. Les mots lexicaux et grammaticaux ....................................................................... 96
2.5.6. La syntaxe .............................................................................................................. 97
2.5.6.1. Les énoncés « bien » et « mal » formés .............................................................. 97
2.5.7. La morphologie ...................................................................................................... 98
2.5.8. Structure et fonction ............................................................................................... 98
2.5.9. Conclusion.............................................................................................................. 99
2.6. L’IDENTIFICATION ET L’EVALUATION DES ACCENTS ...................................................... 99
2.6.1. L’évaluation subjective des accents ..................................................................... 102
2.6.2. Conclusion............................................................................................................ 104
CHAPITRE 3 HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS DE RECHERCHE ...... 106
3.1. INTRODUCTION ............................................................................................................... 106
3.2. HYPOTHESES DE TRAVAIL .............................................................................................. 106
3.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs
connaissances de la langue anglaise............................................................................... 106
3.2.2. Hypothèse 2 : L’accent des locuteurs de Cambridge sera le plus facile à
comprendre..................................................................................................................... 107
ix
3.2.3. Hypothèse 3 : Les francophones ne peuvent pas identifier les accents régionaux de
l’anglais. ......................................................................................................................... 108
3.2.4. Hypothèse 4 : La compréhension de la parole dépendra du traitement de la
variation induite par les variétés régionales. .................................................................. 108
3.2.5. Hypothèse 5 : Les auditeurs natifs seront les seuls chez qui le mécanisme de
compensation pourra être observé.................................................................................. 108
3.2.6. Hypothèse 6 : La longueur des phrases est un paramètre qui joue un rôle important
dans le traitement de la variation.................................................................................... 109
3.2.7. Hypothèse 7 : Dans la compréhension des non-natifs, il peut y avoir plusieurs
niveaux de confusion à cause de mauvaises perceptions. .............................................. 110
3.2.8. Hypothèse 8 : Les variétés les plus faciles à comprendre sont les moins
identifiables. ................................................................................................................... 110
3.3. INTERET SCIENTIFIQUE ET OBJECTIFS DE CETTE ETUDE............................................... 110
CHAPITRE 4 CORPUS ET MÉTHODOLOGIE ....................................... 113
4.1 INTRODUCTION ................................................................................................................ 113
4.2. DESCRIPTION DU CORPUS IVIE ...................................................................................... 113
4.2.1. Le choix du corpus : les contraintes et avantages ................................................ 114
4.2.2. Choix du style de parole....................................................................................... 116
4.2.3. Choix des locuteurs et l’étiquetage des stimuli.................................................... 118
4.2.4. Remarques sur les variétés régionales et les locuteurs d’IViE............................. 119
4.2.4.1. Cambridge – Notre système de référence ......................................................... 120
4.2.4.2. Londres-jamaïcain............................................................................................. 121
4.2.4.3. Liverpool ........................................................................................................... 122
4.2.4.4. Leeds ................................................................................................................. 123
4.2.4.5. Bradford – Panjabi ............................................................................................ 124
4.2.4.6. Newcastle .......................................................................................................... 126
4.2.4.7. Cardiff ............................................................................................................... 126
4.2.4.8. Belfast................................................................................................................ 128
4.2.4.9. Dublin –Malahide.............................................................................................. 129
4.3. LES PARTICIPANTS .......................................................................................................... 131
4.3.1. Groupe 1 (G1-FR) ................................................................................................ 131
4.3.2. Groupe 2 (G2-ANG) ............................................................................................ 131
4.3.3. Groupe 3 (G3-FR) ................................................................................................ 132
x
4.3.4. Groupe 4 (G4-AM)............................................................................................... 132
4.4. LES EXPERIENCES SUR LE CORPUS : LE CARACTERE TYPIQUE DES VARIETES
REGIONALES D’IVIE .............................................................................................................. 133
4.4.1. Expérience 1 : L’identification des accents en fonction de la provenance régionale
........................................................................................................................................ 134
4.4.2. Expérience 2 – Identification de l’accent régional en fonction de la ville de
provenance des locuteurs ............................................................................................... 136
4.4.3. L’expérience 3 : Test de qualité de l’accent régional (Goodness test)................. 137
4.5. L’EXPERIENCE DE COMPREHENSION ............................................................................. 138
4.5.1 Expérience 4 : « écrivez ce que vous entendez » .................................................. 138
4.5.2. La notation de l’expérience 4 ............................................................................... 142
CHAPITRE 5 LES RÉSULTATS ................................................................ 145
5.1. INTRODUCTION ............................................................................................................... 145
5.2. EXPERIENCE 1 : IDENTIFICATION DE LA PROVENANCE GEOGRAPHIQUE ..................... 145
5.2.1. Expérience 1 : résultats des natifs britanniques (G2-ANG) ................................. 147
5.2.1.1. Résultats des natifs sans la catégorie NUK....................................................... 150
5.2.1.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G2ANG).............................................................................................................................. 151
5.2.1.3. Résumé des résultats des natifs de l’expérience 1............................................. 159
5.2.2. Expérience 1 : résultats des francophones peu expérimentés (G1-FR)................ 160
5.2.2.1. Résultats des non-natifs sans la catégorie NUK................................................ 163
5.2.2.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G1FR).................................................................................................................................. 164
5.2.2.3. Résumé des résultats des francophones pour l’expérience 1 ........................... 168
5.2.3. Conclusion des résultats des auditeurs anglophones natifs et des francophones nonnatifs dans la tâche d’identification de la provenance régionale.................................... 169
5.3. EXPERIENCE 2 : IDENTIFICATION DE LA VILLE DE PROVENANCE DES LOCUTEURS
ANGLOPHONES DU CORPUS IVIE PAR DES ANGLOPHONES (G2-ANG) ................................ 170
5.3.1. Réponses d’identification correctes en fonction de la ville de provenance et de la
longueur de phrases (G2-ANG) ..................................................................................... 175
5.3.2. Résumé des résultats de l’expérience 2................................................................ 177
5.3.3. Commentaires sur l’expérience 1 (identification de la provenance régionale) et
l’expérience 2 (identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones) .... 178
xi
5.4. EXPERIENCE 3 : REPRESENTATIVITE DES LOCUTEURS PAR VILLE VIA UN TEST DE
QUALITE (G2-ANG)
.............................................................................................................. 180
5.4.1. Résultats de l’expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de
qualité (G2-ANG) .......................................................................................................... 182
5.4.2. Homogénéité des variétés régionales ................................................................... 183
5.4.3. Qualité du corpus : comparaison des résultats de l’expérience 3 à ceux des
expériences 1 et 2 ........................................................................................................... 184
5.4.4. Choix des locuteurs pour l’expérience de compréhension................................... 185
5.5. EXPERIENCE 4 : MESURE DE L’INTELLIGIBILITE DES ACCENTS : COMPREHENSION ET
RECONNAISSANCE DES MOTS PRODUITS PAR LES LOCUTEURS ANGLOPHONES EN FONCTION
DE LEUR PROVENANCE REGIONALE ....................................................................................... 187
5.5.1. Résultats de G2-ANG (natifs britanniques) ......................................................... 188
5.5.1.1. Résultats de G2-ANG en fonction de la longueur de phrases........................... 190
5.5.2. Résultats de G1-FR (francophones peu expérimentés) ........................................ 191
5.5.2.1. Résultats de G1-FR en fonction de la longueur de phrases............................... 193
5.5.3. Les résultats des francophones du groupe G3-FR (francophones expérimentés) 195
5.5.3.1. Résultats de G3-FR en fonction de la longueur de phrases............................... 197
5.5.4. Résultats de G4-AM (anglophones américains)................................................... 199
5.5.4.1. Résultats de G4-AM en fonction de la longueur de phrases ............................. 200
5.5.5. CONCLUSION ................................................................................................................ 202
CHAPITRE 6 DISCUSSION ........................................................................ 204
6.1. INTRODUCTION ............................................................................................................... 204
6.2. DISCUSSION ET VALIDATION DES HYPOTHESES DE TRAVAIL ......................................... 204
6.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs
connaissances de la langue anglaise............................................................................... 204
6.2.1.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG. ................................ 205
6.2.1.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G1-FR..................................... 206
6.2.1.3. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche
d’identification de la provenance régionale à travers l’accent. ...................................... 206
6.2.2. Tâche de compréhension...................................................................................... 208
6.2.2.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG. ................................ 208
6.2.2.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G4-AM. .................................. 209
6.2.2.3. Validation de l’hypothèse 1. c) dans le groupe G3-FR. .................................... 209
xii
6.2.2.4. Validation de l’hypothèse 1. d) dans le groupe G1-FR..................................... 209
6.2.2.5. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche de
compréhension des accents régionaux britanniques....................................................... 209
6.3. HYPOTHESE 2 : L’ACCENT DES LOCUTEURS DE CAMBRIDGE SERA LE PLUS FACILE A
COMPRENDRE......................................................................................................................... 211
6.3.1. Validation de l’hypothèse 2.................................................................................. 211
6.3.2. Discussion : hypothèse 2 sur la compréhension de l’accent de Cambridge......... 211
6.4. HYPOTHESE 3 : LES FRANCOPHONES NE PEUVENT PAS IDENTIFIER LES ACCENTS
REGIONAUX DE L’ANGLAIS. ................................................................................................... 212
6.4.1. Validation de l’hypothèse 3.................................................................................. 212
6.4.2. Discussion : hypothèse 3 sur les capacités des francophones à identifier des
accents britanniques en fonction de leur région. ............................................................ 213
6.5. HYPOTHESE 4 : LA COMPREHENSION DE LA PAROLE DEPENDRA DU TRAITEMENT LA
VARIATION INDUITE PAR LES VARIETES REGIONALES EST TRAITEE. ................................... 213
6.5.1. Validation de l’hypothèse 4.................................................................................. 213
6.5.2. Discussion : hypothèse 4, la variation est elle rapidement écartée ?.................... 214
6.6. HYPOTHESE 5 : LES AUDITEURS NATIFS SERONT LES SEULS CHEZ QUI LE MECANISME DE
COMPENSATION POURRA ETRE OBSERVE.............................................................................. 214
6.6.1. Validation de l’hypothèse 5.................................................................................. 215
6.6.2. Discussion : hypothèse 5, le mécanisme de compensation chez les natifs et les nonnatifs ............................................................................................................................... 216
6.7. HYPOTHESE 6 : LA LONGUEUR DES PHRASES EST UN PARAMETRE QUI JOUE UN ROLE
IMPORTANT DANS LE TRAITEMENT DE LA VARIATION.......................................................... 217
6.7.1. Validation de l’hypothèse 6 : La tâche d’identification. ...................................... 218
6.7.1.1. Validation de l’hypothèse 6. a) dans le groupe G2-ANG : ............................... 219
6.7.1.2. Validation de l’hypothèse 6. b) dans le groupe G1-FR :................................... 219
6.7.1.3. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une
tâche d’identification d’accents par régions................................................................... 219
6.7.2. Validation de l’hypothèse 6 : L’expérience de compréhension ........................... 221
6.7.2.1. Validation de l’hypothèse 6. a) chez le G2-ANG : ........................................... 222
6.7.2.2. Validation de l’hypothèse 6. b) chez le G1-FR :............................................... 222
6.7.2.3. Validation de l’hypothèse 6. c) chez le G3-FR : ............................................... 222
6.7.2.4. Validation de l’hypothèse 6. d) chez le G4-AM : ............................................. 223
xiii
6.7.2.5. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une
tâche de compréhension des accents régionaux. ............................................................ 223
6.8. HYPOTHESE 7 : DANS LA COMPREHENSION DES NON-NATIFS, IL PEUT Y AVOIR
PLUSIEURS NIVEAUX DE CONFUSION A CAUSE DES MAUVAISES PERCEPTIONS..................... 226
6.8.1. Confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale ......................... 227
6.8.2. Confusions totales avec l’illusion de comprendre................................................ 230
6.8.3. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole continue ...... 231
6.8.3.1. Les voyelles et la réduction de mot ................................................................... 231
6.8.3.2. Les consonnes ................................................................................................... 232
6.8.3.3. Les noms propres .............................................................................................. 232
6.8.3.4. Les mots rares.................................................................................................... 233
6.8.4. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent (mots fréquents)
........................................................................................................................................ 235
6.8.5. Discussion : hypothèse 7 sur les types de compréhension chez les francophones.
........................................................................................................................................ 237
6.9. HYPOTHESES 8 : LES VARIETES LES PLUS FACILES A COMPRENDRE SONT LES MOINS
IDENTIFIABLES. ...................................................................................................................... 239
6.9.1. Validation de l’hypothèse 8.................................................................................. 240
6.9.2. Discussion : hypothèse 8 la compréhension et l’identification d’un accent régional.
........................................................................................................................................ 240
6.10. CONCLUSION................................................................................................................. 240
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHES
........................................................................................................................... 243
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES...................................................... 250
ANNEXES........................................................................................................ 264
Annexe 1 : Le plan d’Irlande du Nord et du Sud avec les influences linguistiques....... 265
Annexe 3 : The Cinderella Passage (original)................................................................ 267
Annexe 4 : The Cinderella Passage (segmenté) ............................................................. 269
Annexe 5: ðə ˌsɪndəˈrelə ˈpæsɪdʒ .................................................................................... 273
Annexe 6 : Les participants et les expériences............................................................... 278
Annexe 7 : La carte du Royaume-Uni............................................................................ 280
Annexe 8 : Liste de groupes lexicaux concernant l’expérience 4 .................................. 281
xiv
Annexe 9 : Les phrases de l’expérience de compréhension (dans l’ordre de l’écoute) . 284
Annexe 10 : Tableaux du chapitre 5............................................................................... 286
Annexe 11 : Mots rares ou difficiles .............................................................................. 296
Annexe 12 : Liste de mots inconnus des participants G1-FR ........................................ 298
xv
xvi
Introduction générale
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. La situation actuelle de l’anglais britannique contemporain
L’enseignement de l’anglais langue étrangère a connu énormément de changements ces
dernières années. Différentes méthodes d’enseignement ont été développées et les théories
d’apprentissage ont évolué. Il n’en est pas de même toutefois pour les modèles de
prononciation aujourd’hui utilisés. Ils sont en effet toujours basés essentiellement sur deux
systèmes : la Received Pronunciation (RP) pour la variété britannique et le General American
pour les États-Unis. Ellis a été le premier à employer le terme de RP en 1869. Selon Macaulay
(1997), il l’aurait utilisé sans pour autant dire qu’il devait être pris avec la signification de
prononciation standard. La RP est en effet utilisée dans l’enseignement car cet accent est en
général considéré comme prestigieux et facile à comprendre.
Hudson (1980) a montré le rôle que peut jouer l’accent dans la façon dont les britanniques
« jugent » une personne. L’auteur, qui maîtrisait à la fois l’accent RP et l’accent régional de
Birmingham, a présenté à différents groupes de lycéens des études menées en psychologie. À
la fin de sa présentation, il a demandé aux lycéens d’écrire ce qu’ils avaient pu penser de son
discours, de son niveau intellectuel et s’il était apte à donner des cours à la faculté. Les
résultats de son étude montrent qu’il est considéré plus « intelligent » et plus apte à donner
des cours dans l’enseignement supérieur lorsqu’il utilisait dans ses interventions l’accent RP
(Hudson, 1980).
Toutefois, en Grande-Bretagne, la plupart des Anglais parlent avec un accent régional, et la
RP est aujourd’hui parlée par moins de 3% de la population (Crystal, 1988). Cet accent était
et demeure associé à une classe sociale bourgeoise ou élitiste (Wells, 1982), ce qui fait que
l’on peut montrer parfois une certaine hostilité envers ce dernier. Cependant, la situation est
bien plus complexe qu’elle n’y paraît en Grande-Bretagne. Si les Britanniques peuvent se
montrer hostiles envers la RP, ils peuvent l’être aussi envers d’autres variétés régionales, à tel
point que les auditeurs de radios se plaignent lorsqu’ils y entendent un intervenant avec un
fort accent social ou régional (Kerswill, 2000). L’accent a donc une place tout à fait
particulière dans la société anglaise. Pour Crystal, les attitudes envers les accents régionaux
peuvent en fait prendre deux formes : « As long as society contains divisions, there will
always be differences in pronunciation, and as a consequence, arguments about which form
1
Introduction générale
is best and which accent is most acceptable. The arguments can be healthy and informative or
nasty and intolerant. They are usually the latter » (Crystal, 1988: 61).
Wells (1982) explique par exemple qu’un reporter venu travailler à Londres se faisait
automatiquement identifier comme provincial et était quelque peu « ridiculisé » lorsqu’il
conservait son accent, associé à la classe ouvrière. Il mentionne aussi que cette tendance est
d’autant plus marquée qu’il s’agit d’un accent du Nord (Wells, 1982). Cependant, les
dialectes et accents régionaux demeurent très présents en Grande-Bretagne et existeront
toujours parce qu’ils reflètent notre identité linguistique (Crystal, 1988).
Abercrombie (1967) fait remarquer que non seulement l’accent RP occupe une position
sociale particulière, mais qu’en plus c’est un accent phonétiquement complexe par rapport à
d’autres accents. L’accent écossais, par exemple, serait, selon lui, beaucoup plus facile à saisir
pour les apprenants étrangers.
Nous verrons que d’autres linguistes partagent le point de vue que la RP présente plusieurs
difficultés pour les apprenants non-natifs. Outre le fait que la RP soit peu parlée en GrandeBretagne, l’apprenant peut tout de même se heurter à une difficulté de compréhension avec
cet accent, car la RP qu’on lui enseigne n’est plus celle qu’on pratique aujourd’hui. Il a en
effet évolué. Pour toutes ces raisons, il nous semble donc important d’en parler et que les
apprenants non-natifs (francophones) en prennent conscience.
En France, l’accent de la RP est probablement celui qui est le plus enseigné, peut-être parce
qu’il s’agit du modèle le plus décrit dans la littérature, et également celui qui est toujours
considéré comme le plus prestigieux de la langue anglaise. Pourtant, nous verrons que la RP a
subi des changements qui ne sont pas toujours pris en compte dans l’enseignement.
Il apparaît donc nécessaire aujourd’hui, dans l’enseignement de l’anglais langue étrangère, de
réexaminer l’enseignement de la RP, plus précisément la version de cet accent qui, selon
Crystal, est devenu obsolète.1 Au vu l’importance des variétés régionales de l’anglais en
Grande-Bretagne, leur enseignement ne serait pas négligeable. Afin de pouvoir décrire les
variétés régionales de l’anglais, les enseignants doivent pouvoir se baser sur des descriptions
acoustiques de ces variétés mais aussi avoir connaissance des difficultés que peuvent
rencontrer les apprenants francophones à leur écoute. Chevillet évoquait déjà en 1991 la
possibilité qu’un apprenant francophone puisse ne pas comprendre certains locuteurs à cause
de leur accent. Pourtant la situation n’a guère changé. En 1991, Chevillet fut le premier à
écrire en français à propos des variétés régionales britanniques depuis il y a eu d’autres
1
Cyrstal affirme que la RP « classique », n’est
http://www.davidcrystal.com/DC_articles/English30.pdf.
2
parlée
que
par
2%
de
la
population:
Introduction générale
travaux, ce qui montre que cette question devient de plus en plus importante.2 Il ne faut pas
non plus négliger le fait que certaines caractéristiques des accents britanniques comme le
cockney ou l’accent irlandais se retrouvent dans d’autres variétés anglophones comme c’est le
cas en Australie (Crystal, 1988).
Dès lors que nous nous intéressons aux variétés régionales d’une langue, et notamment de
l’anglais, certaines études sociolinguistiques (telles que celles menées par Labov sur le Newyorkais et les habitants de Martha’s Vineyard aux États-Unis et celle de Trudgill sur les
habitants de Norwich en Grande-Bretagne) apparaissent incontournables. Elles abordent la
question des variétés régionales sous l’angle de la sociolinguistique. Dans le domaine de la
dialectologie, d’autres études ont aussi été menées sur l’identification des accents régionaux
depuis les années soixante (Lambert et al., 1960, cité dans Pisoni et Remez, 2005). Ce n’est
que bien plus tard que les questions sur la perception et la compréhension des accents
régionaux se sont réellement posées (Iverson et Evans 2004, Fraser Gupta, 2005). Cependant,
d’une façon générale, il existe peu de recherches sur la perception et la compréhension des
accents régionaux britanniques. Pourtant la variation linguistique due aux différences
régionales et ethniques est une propriété importante de la langue parlée. Plusieurs linguistes se
joignent à Uchanski (2005) pour dire que nos connaissances actuelles de la perception de la
parole sont insuffisantes pour pouvoir prédire avec exactitude l’intelligibilité de ces variétés
régionales à partir d’une simple étude du signal acoustique. Des études empiriques sont
nécessaires pour donner des indices sur leur traitement. Certains travaux ont commencé à
ouvrir la voie mais ceux qui portent sur la compréhension des accents régionaux sont encore
peu fréquents. Plusieurs facteurs tels que la familiarité et les connaissances de la langue ou
d’une variété jouent un rôle important dans la compréhension. Mieux connaître la façon dont
les auditeurs traitent certaines caractéristiques des accents avec lesquels ils sont moins
familiers peut ainsi contribuer à une compréhension plus générale de la perception.
Puisqu’il existe très peu d’études qui ont examiné la perception et la compréhension des
accents régionaux, il apparaissait nécessaire de se pencher sur la question. Est-il exact que
l’accent RP est facile à comprendre ou existe-il d’autres variétés qui le sont davantage ?
2
Il s’agit, entre autres de thèses de : Ferragne, E. 2008. Étude phonétique des dialectes modernes de l’anglais des
Iles Britanniques : vers l’identification automatique du dialecte ; Carlotti, L.M. 2007. Traitement des variations
phonologiques régionales en anglais britannique chez l’apprenant francophone et Coadou, M. 2007. L’étude de
la qualité de voix et de la variante dialectale dans les Iles Britanniques.
3
Introduction générale
2. Objectifs de ce travail
Ce travail s’articule autour de la thématique des variétés régionales. L’objectif principal de ce
travail est d’évaluer les capacités de perception et de compréhension des apprenants
francophones lorsqu’ils sont confrontés aux différentes variétés de l’anglais. Pour ce faire
nous avons mené au total quatre expériences, chacune dans un but bien précis. Nous voulions
connaître la façon dont les variétés régionales de l’anglais sont traitées dans la parole continue
par des populations différentes, notamment chez les francophones. Nous traitons dans ce
travail à la fois l’identification des accents et leur perception et compréhension dans le but
d’observer les difficultés possibles que peuvent rencontrer les francophones à l’écoute de ces
variétés régionales. Les apprenants d’anglais francophones ont aujourd’hui très peu de
connaissances des différentes variétés existantes en Grande-Bretagne, du fait que, comme
nous l’avons déjà mentionné, seul la RP leur est enseignée. Or, c’est essentiellement en
Angleterre qu’il existe le plus de différences entre les accents régionaux (Wells, 1982).
Notre étude constitue un premier travail portant sur l’évaluation des accents du corpus
d’English Intonation in the British Isles (IViE).3 Ce dernier contient au total des
enregistrements de neuf accents ; Cambridge, Londres (les locuteurs sont d’ascendance
jamaïcaine), Liverpool, Leeds, Bradford (bilingues anglais-panjabi), Cardiff (bilingues
anglais-gallois), Newcastle, Belfast et Malahide (banlieue de Dublin).
Toutefois, puisque l’accent RP demeure celui qui est le plus décrit (certains disent même le
plus compréhensible) et celui auquel les apprenants francophones sont le plus souvent
confrontés, nous l’avons utilisé comme « accent témoin » dans les études comparatives
menées sur la perception et la compréhension des variétés régionales. Dans notre travail, cet
accent témoin est représenté par les locuteurs originaires de Cambridge. En effet, parmi les
accents présents dans le corpus, l’accent de Cambridge est celui qui est le plus proche de
l’accent RP. Nous formulons donc l’hypothèse que cet accent devrait être le mieux perçu et le
mieux compris. Cependant, devant le manque de recherches empiriques à ce sujet, rien
n’exclut a priori que d’autres variétés soient plus faciles à comprendre pour des
francophones.
3
http://www.phon.ox.ac.uk/files/apps/IViE//
4
Introduction générale
3. Détails des chapitres
Le travail est divisé en deux parties. La première présente les aspects théoriques nécessaires à
la compréhension de cette étude. La deuxième présente les objectifs recherchés, la
méthodologie employée et les résultats obtenus pour chacune de nos expériences.
Dans le premier chapitre de cette étude, nous présentons des différents travaux consacrés à
l’étude des accents que nous avons cités ci-dessus et à leurs différences phonologiques
vocaliques et consonantiques. Certains linguistes essayent de faire évoluer les mentalités sur
les modèles de prononciations actuels. Nous verrons que tout comme l’a expliqué
Abercrombie (1967), d’autres auteurs pensent que l’accent RP induit des difficultés
supplémentaires dans l’apprentissage de l’anglais. Ils encouragent l’utilisation d’autres
systèmes en insistant sur le fait que les non-natifs n’ont nullement besoin d’établir toutes les
distinctions phonétiques qui existent dans l’accent RP (Jenkins, 2006).
Le deuxième chapitre introduit un bref examen des travaux d’acquisition d’une deuxième
langue qui ont, bien entendu, une place importante dans toute recherche sur les apprenants
d’une langue seconde, mais qui sont moins centraux dans ce travail que l’étude de la
variation. Nous présentons les différents types de variations qui existent et les diverses
approches utilisées pour leur étude. La variation peut être traitée de deux façons majeures :
une première qui postule que toute forme de variation de la parole est rapidement écartée par
l’auditeur afin de ne traiter que le signal linguistique ; dans ce cas, la variation ne pose pas de
difficultés puisqu’elle est ignorée. La deuxième approche consiste à penser que cette variation
est réelle et robuste mais que l’auditeur est capable de la traiter comme il le fait tous les jours
au quotidien. Nous abordons aussi, dans cette deuxième section, les différentes formes que
peuvent prendre les mauvaises perceptions telles qu’elles ont été décrites par Bond (2005),
ainsi que notre explication de celles-ci. Nous présentons enfin les études qui ont été faites sur
la perception, la compréhension et l’identification des variétés régionales, ainsi que les
travaux menés sur les variétés régionales qui ont inspiré la présente étude.
Le troisième chapitre introduit nos recherches empiriques. Nous émettons les questions et les
hypothèses que ce travail a suscitées et détaillerons davantage ce que nous espérons être
l’intérêt de cette étude.
5
Introduction générale
Le quatrième chapitre présente le corpus d’IViE ainsi que nos impressions phonologiques des
différentes variétés régionales. Nous parlons des expériences que nous avons menées et des
sujets qui y ont participé. Nous avons choisi de faire plusieurs expériences dans le but de
fournir le plus d’informations possibles sur le domaine de la perception et la compréhension
des variétés régionales, domaine qui demeure encore assez inexploré. En ce qui concerne nos
participants, nous avons choisi quatre populations différentes : des natifs britanniques et
américains qui ont servi de groupe témoins tout en fournissant les informations essentielles
sur le traitement de ces accents ; puis deux groupes de francophones. Le premier groupe est le
plus étudié dans ce travail. C’est essentiellement leur compréhension en tant qu’auditeurs
naïfs que nous voulions évaluer. Il s’agit d’étudiants en deuxième année de Licence,
spécialisés en anglais mais qui n’ont reçu aucune formation particulière sur les accents
régionaux. Le deuxième groupe de francophones ont participé à une seule expérience : celle
sur la compréhension. Nous voulions voir si le fait d’avoir un niveau supérieur d’études
(Master 2) et davantage d’expérience avec la langue anglaise pouvaient influencer les
résultats.
Les deux derniers chapitres (5 et 6) sont consacrés aux résultats des expériences. Nous y
tentons de répondre aux hypothèses posées et d’en tirer des conclusions. Les résultats
pourront, nous l’espérons, servir de base de travail pour l’enseignement des variétés de
l’anglais. Nous proposons en effet pour la première fois, un travail empirique sur ces neuf
variétés. Ce travail informe notamment des difficultés que peuvent rencontrer les
francophones face à la compréhension de la parole continue.
Nous nous penchons à présent sur la question principale de ce travail, à savoir comment les
non-natifs peuvent traiter la variation dans une langue étrangère ; sont-ils en effet capables de
la traiter ?
6
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
CHAPITRE 1 LES VARIÉTÉS DE L’ANGLAIS
1. Introduction
Cette partie va détailler les travaux existants sur les variétés de l’anglais des Iles Britanniques.
Nous nous concentrerons principalement sur les variétés régionales qui sont représentées dans
le corpus IViE4 que nous avons utilisé pour nos expériences (cf. §1.2). Nous parlerons
essentiellement de neuf accents régionaux,5 dont Belfast (B), Cambridge (C), Leeds (L),
Malahide (M), Newcastle (N), Liverpool (S), Cardiff (W), Bradford-Panjabi (P) et LondresJamaïcain (J). Nous allons établir le système phonétique de chacune de ces variétés à l’aide de
la littérature sur les accents et les dialectes. Cependant, il est d’abord important de donner
plus de précisions sur certains de ces accents, notamment celui de Cambridge qui tient un rôle
clé dans ce travail mais également ceux de Londres et de Bradford. Nous parlerons en premier
de l’accent de Cambridge notamment parce qu’il détient une place très importante dans cette
étude. Ensuite, nous évoquerons les deux accents de Bradford-Panjabi (P) et LondresJamaïcain qui apportent un aspect particulier à cause de leur double statut d’accent
britannique et ethnique.
Parmi ces variétés, celle de Cambridge est la plus proche de l’accent « Received
Pronunciation » (RP). Nous avons vu que ce terme fut d’abord utilisé en 1869 par Ellis. Cet
accent est largement considéré comme l’accent standard de l’anglais britannique et celui qui
est utilisé en tant que modèle de prononciation britannique dans l’enseignement. En effet, il
demeure le modèle de prononciation anglais enseigné notamment en France. Or, selon Crystal
(1988), cet accent est réellement parlé par moins de 3% de la population en Grande-Bretagne
et ne reflète plus tellement la réalité linguistique.
Étant donné que la variété de Cambridge du corpus est celle qui se rapproche le plus de
l’accent RP et, qu’a priori, ce dernier est celui avec lequel les apprenants francophones sont
le plus familiarisés, elle (C) nous servira d’accent « témoin ». Il convient donc d’établir une
comparaison entre les autres accents et celui de Cambridge ainsi qu’avec l’ensemble des
résultats obtenus pour les expériences menées.6 Nous partons du principe que cet accent-là
sera le mieux compris puisqu’il est celui auquel les apprenants de l’anglais sont le plus
4
English Intonation in the British Isles : http://www.phon.ox.ac.uk/files/apps/IViE//
Ces accents seront codés par des lettres en majuscule qui seront désormais utilisées dans la suite de cette
rédaction.
6
Cf. le chapitre 4 pour une explication de nos expériences.
5
7
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
habitués. De façon générale, l’accent RP est considéré comme l’accent britannique le plus
intelligible. Cependant, à l’heure actuelle, il n’existe pas de recherches empiriques qui
confirment ce point de vue. Par nos expériences, nous espérons pouvoir voir si cela est
réellement le cas. En attendant, nous prenons comme point de départ l’accent RP qui est le
plus connu et sera donc supposé être le plus intelligible. Nous nous servirons de cet accent
pour comparer les autres variétés ainsi que leur compréhension.
Dans le corpus IViE, deux variétés sont un peu particulières car elles sont chacune composées
de deux accents, autrement dit, elles ont deux origines. Cela signifie donc qu’elles sont un
mélange de l’accent « anglais » et d’une variété « ethnique ». Cela concerne les accents de
Londres et de Bradford. Le premier contient à la fois des traits londoniens et des traits
jamaïcains. Il s’agit de locuteurs qui vivent à Londres mais qui ont des ascendances
jamaïcaines. Le deuxième est un mélange de l’accent de Bradford et de celui du Panjab,7
c'est-à-dire que ces locuteurs-là ont grandi à Bradford mais ont des origines au Panjab. Ce
dernier groupe est bilingue ; de ce fait, leur parler est influencé par deux langues. Nous ne
savions pas au départ comment ces accents allaient être perçus par les participants de nos
expériences. Allaient-ils percevoir les différentes origines ou seulement l’une des deux? Nous
pensons qu’il est plausible d’entendre les deux et qu’il est tout à fait possible d’avoir deux
accents parallèlement. Cependant, en ce qui concerne la variété Bradford-panjabi, nous
trouvons que les traits panjabis sont largement plus audibles que l’aspect septentrional. Tandis
que les londoniens ont peut-être davantage de traits typiques de la capitale. La différence entre
les deux est sans doute due au fait que les locuteurs de Bradford sont bilingues.
Il est encore assez rare de trouver des accents minoritaires ou « ethniques » dans un corpus
sur les accents régionaux et l’intérêt que cela présente nous a paru évident. Nous verrons qu’il
existe peu de travaux sur la compréhension des accents régionaux par des non-natifs et encore
moins sur l’intelligibilité des accents régionaux minoritaires. Du fait de l’existence de ces
locuteurs, nous parlerons brièvement des traits phonétiques qui peuvent être apparents dans ce
type de parler.
Il existe un autre groupe de bilingues. Il s’agit des locuteurs de Cardiff qui parlent l’anglais et
le gallois. Toutefois, leur accent nous semble très peu influencé par la langue galloise. Nous
parlerons davantage de ce groupe dans la partie concernant le Pays de Galles (cf. section 1.7).
7
Le Panjab fait partie de l’une des quatre provinces de la République islamique du Pakistan. Le panjabi est la
langue parlée dans cette région.
8
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Ce chapitre est construit de la manière suivante. Dans un premier temps, et avant de définir la
terminologie que nous allons utiliser dans cette étude, nous exposerons les problèmes et les
désaccords sur la terminologie dans le domaine des dialectes. Ensuite, nous établirons une
description détaillée de chaque variété présente dans le corpus IViE.
1.1. La terminologie
Lorsque nous voulons parler des variétés régionales, nous nous heurtons à une première
difficulté qui est de trouver une harmonisation des définitions et des mots adéquats à utiliser.
S’attaquer à un sujet tel que celui des accents est assez délicat puisque notre façon de parler
est intimement liée à notre histoire personnelle. Autrement dit, dans un seul énoncé nous
dévoilons une grande quantité d’informations, notamment sur notre environnement social et
géographique. Nous pensons que c’est pour cette raison qu’il existe autant de problèmes
terminologiques et que les phonéticiens éprouvent souvent des problèmes avec leurs
définitions dans leurs propres travaux. Tous ces termes, qui sont parfois confus ou même
contradictoires, nécessitent une mise au point avant d’avancer la terminologie que nous nous
proposons d’utiliser dans ce travail. Nous avons décidé de ne présenter que les termes les plus
fréquemment utilisés.
La difficulté s’accroît et rend les choses plus délicates lorsque nous travaillons en plusieurs
langues comme en anglais et en français puisque le mot « accent » est le même dans les deux
langues, avec des significations diverses selon son contexte. En anglais, le mot accent fait
référence, entre autres, aux différentes prononciations (régionales, sociales) et également à
l’accent de mot, alors qu’en français, le terme renvoie plus systématiquement à la différence
entre accents orthographiques : aigus, graves ou circonflexes. Cela dit, nous pensons que le
mot « accent » ne se réfère qu’à la prononciation, contrairement au mot « dialecte » qui
touche d’autres domaines, tels que la grammaire et le lexique. Chevillet (1991), qui a écrit le
seul livre en français sur les variétés anglaises, utilise de façon systématique le mot accent
lorsqu’il parle de la prononciation des locuteurs d’une région où d’une ville. Wells (1982) dit
que les variantes phoniques relèvent uniquement de l’accent. Il explique qu’un accent régional
peut tout de même être comparé à une deuxième langue, tellement la phonologie, la prosodie
et la phonotactique peuvent être éloignées de l’accent « standard ». Les accents régionaux
sont souvent regroupés comme des accents « non standards » par rapport aux accents
« standards », ce qui fait plutôt référence aux accents de la Received Pronunciation en
Grande-Bretagne et du General American pour les Etats-Unis. De manière générale, la
9
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
terminologie est assez complexe et reste souvent connotée. Dès lors, dans le cadre de ce
travail, nous nous limiterons à aborder de manière sommaire les étapes les plus connues de
l’évolution de notre terminologie.8
Dans les premiers travaux sur la phonétique anglaise, certains auteurs utilisent les expressions
accents standards et non standards qui sont souvent synonymes de « bon anglais » (l’anglais
de la cour ou des gens éduqués) ou de « mauvais ou anglais vulgaire » (celui des personnes
ayant un accent régional).9 Pour certains, cette différence existe toujours. Bex et Watts (1999)
citent et s’attaquent ouvertement à Honey (1997), un auteur connu pour sa position très
défensive envers la sauvegarde de la RP et qui réitère les propos vieux de presque un siècle.
Dans sa quatrième édition de « Pronunciation of English » de 1956, Daniel Jones admet qu’il
ne se sent pas disposé à recommander une certaine manière de prononcer plutôt qu’une autre.
Il explique qu’il va continuer à utiliser l’expression de « Received Pronunciation »10 pour
parler d’une prononciation qui est très compréhensible et sans indication géographique. Il
explique qu’il utilise ce terme « faute de mieux » et souhaite ôter toute connotation positive
ou négative telle qu’un bon ou mauvais accent. Cette expression sera par la suite adoptée par
la plupart des phonéticiens.
Le terme received signifie que la prononciation est généralement acceptée par tout le monde.
Contrairement aux autres termes, il ne désigne aucun aspect géographique et la RP n’est donc
pas considérée comme un accent régional. Gimson (1968), admet qu’un « mauvais » accent
peut être encore un obstacle pour l’avancement social d’une personne et que l’attention et la
valeur accordées aux accents par les Britanniques ne trouve pas son équivalent dans d’autres
pays.
Trudgill (1974) reprend l’expression « anglais standard » pour parler des caractéristiques de
l’anglais qui a le statut social le plus prestigieux, celui qui est utilisé dans les livres et la
presse. Les variétés non standards sont celles qui utilisent des formes grammaticales
différentes de celles utilisées dans les publications officielles, par exemple la double négation
dans une phrase comme : I didn’t do nothing. Il utilise pour ceci le terme « dialecte » qui a le
mérite d’être défini. Pour Trudgill, un dialecte dépend de deux aspects : l’origine
géographique d’une part, l’origine sociale de l’autre. Le dialecte concerne les formes
grammaticales et les différences lexicales. Trudgill (1974) explique que, dans les divers
8
Cf. Chevillet (1991) pour une description très détaillée des différences terminologiques.
Wyld (1907).
10
Macaulay (1997 : 36), « la prolifération des parenthèses indiques l’embarras de Jones devant les implications
sociales de ce terme ».
9
10
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
dialectes, il y a davantage de variations sociales que géographiques mais que les deux existent
toujours. Pour cet auteur, tout le monde parle un dialecte et ce n’est pas quelque chose de
purement rustique ou rural. Contrairement à cela, Wells (1982) affirme qu’il existe une
différence entre les dialectes traditionnels qui sont effectivement plus ruraux et qui sont en
train d’être peu à peu remplacés par des dialectes modernes ou urbains.
Trudgill (1974) classe l’anglais standard comme un dialecte et selon lui la plupart des Anglais
parlent l’anglais standard avec un accent régional. Il propose le terme « anglais
d’Angleterre », qui est assez neutre socialement mais qui pourrait laisser sous entendre que
les Écossais ne parlent pas anglais. Pour Wells (1982), lorsque l’on parle de dialecte, c’est
pour évoquer des variations phonétiques, grammaticales, lexicales et sociales. Trouvant ce
mot ambigu, il utilise le terme « dialecte traditionnel », c’est-à-dire celui qui est parlé dans
une aire géographique précise en voisinage avec l’anglais. Il choisit d’utiliser l’expression
« variétés standards » ou « non-standards » pour illustrer les différences syntaxiques,
morphologiques, lexicales et également au niveau de la prononciation. Il propose également
d’autres termes, tel que celui d’« acrolecte », pour parler de la forme la plus standard et
prestigieuse, ou celui de « basilecte », qui correspond à la variété la plus éloignée de
« l’acrolecte » et celui de « mesolecte » qui se situe entre les deux. Ces termes ont des
connotations sociales et chacun fait référence à une classe sociale précise.
Chevillet (1991) distingue dialecte régional et social. Il explique qu’il est peut-être difficile de
les séparer et qu’il existe des cas où les deux se superposent comme pour le cockney qui est à
la fois le dialecte stéréotype de Londres et celui de la classe ouvrière.
D’autres auteurs rejettent le terme dialecte à cause de ses connotations péjoratives et de son
manque de précision (Edwards, 1976).
Nous ne rentrerons pas dans le détail ici sur les différents registres et les styles d’énoncés,
sauf pour dire que la partie du corpus que nous avons choisie est uniquement constituée de
parole lue. Elle est parfois assez emphatique et certains locuteurs utilisent une élocution
théâtrale.
En ce qui concerne le choix de la terminologie, nous suivrons l’exemple de Wells (1982) et de
Chevillet (1991). Ainsi, par le terme « accent », nous désignerons la façon dont la
prononciation d’une personne peut varier en fonction de ses origines géographiques (et
11
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
sociales).11 Pour éviter toute ambiguïté et des confusions possibles entre les différentes
significations du mot « accent », nous parlerons, d’accent régional ou l’accent d’une ville, de
variétés, de variétés régionales ou de la variété d’une ville donnée. Nous gardons l’expression
RP puisqu’elle demeure la forme britannique la plus reconnue et sert fréquemment de modèle
lorsqu’il s’agit d’établir une comparaison entre deux variétés. Il s’agit également du modèle
de prononciation britannique souvent utilisé dans l’enseignement. Cette terminologie nous
semble la plus claire et est celle qui sera utilisée dans ce travail.
1.1.1 Les travaux sur les variétés régionales
En Grande-Bretagne, les différences qui existent entre les variétés du Nord et celles du Sud ne
sont pas récentes. Dès le quatorzième siècle, certains écrivains avaient déjà noté les
différentes prononciations qui existaient. Chaucer, par exemple, avait inventé un personnage
avec un accent du Nord qu’il utilisait pour représenter une certaine classe sociale. Les
premières recherches sur les variations régionales ont commencé à la fin du XIXème siècle en
Allemagne. En 1892, Joseph Wright un des premiers dialectologues en Grande-Bretagne, a
publié la première description d’un dialecte anglais. Il a également publié un dictionnaire des
dialectes anglais (1898-1905).12
Ellis fut le premier à décrire tous les dialectes en quatre volumes de 1869 à 187413 et à utiliser
l’expression RP. Selon Macaulay (1997), Ellis a utilisé pour la première fois ce terme en 1869
sans sous-entendu. Bien que cet accent ne soit pas associé à une région spécifique, nous
pouvons considérer que : « In the present day we may, however, recognize a received
pronunciation all over the country ... It may be especially considered as the educated
pronunciation of the metropolis, of the court, the pulpit, and the bar ». (p.23)14
Depuis, la quantité de livres sur le système phonétique de la langue anglaise n’a cessé de
croître mais la majorité décrit l’anglais standard et la RP. En 1982, Wells relance les
recherches en publiant les trois volumes « Accents of English ». C’est le premier livre à
donner une description détaillée d’un grand nombre de variétés urbaines d’anglais
contemporain. Afin de comprendre pourquoi les différences entre les accents subsistent
11
Selon Wells (1982), les variations sociales sont les plus importantes lorsqu’il s’agit de la classe ouvrière,
plutôt que la classe moyenne. Il faut noter que les locuteurs d’IViE sont issus de la classe moyenne, donc a
priori auront un accent moins marqué.
12
Il s’agit du « English Dialect Dictionary » (EDD).
13
Son oeuvre s’intitule « On Early English Pronuncation » (EEP).
14
Citation du site : http://www.yaelf.com/rp.shtml
12
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
encore aujourd’hui nous avons noté que c’est une façon de montrer son appartenance
linguistique à un groupe de personnes (Trudgill, 1991). Wells propose aussi plusieurs
réponses. Le principe de l’effort minimal est une des premières causes. Ce principe est basé
sur le fait qu’une personne va choisir une prononciation qui est plus facile à réaliser au niveau
articulatoire. Par exemple, il explique qu’il est plus simple de dire le mot better avec un coup
de glotte qu’avec un /t/. Il est également plus naturel de prononcer un mot comme middle de
la façon suivante: /mɪdʊ/15 plutôt que /mɪdɫ/. Un autre exemple concerne les phonèmes /f/ et
/v/ qui sont utilisés à la place de /ð/ et /θ/. Wells (1982) a nommé ce phénomène « THFronting ». Cette réalisation est souvent associée au langage des enfants ou aux personnes
ayant des troubles langagiers. Normalement, la plupart des enfants apprennent à corriger ce
trait mais certaines personnes le gardent en permanence. Le TH-Fronting était également
fortement associé à l’accent londonien (Wells, 1982). Cependant, par le biais du phénomène
du nivellement d’accents,16 ces réalisations sont désormais en train de se diffuser à travers
tout le pays.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que les différents phénomènes qui sont en train de créer
des changements dans le paysage linguistique des Iles britanniques viennent d’autres variétés
que celle de l’accent RP. Auparavant, l’utilisation de /f/ et /v/ à la place de /ð/ et /θ/ aurait été
considérée comme une erreur de prononciation. Désormais, ce genre de changement est de
plus en plus répandu, bien que pour les plus conservateurs d’entre nous cette réalisation soit
toujours considérée comme incorrecte (cf. discussion dans Foulkes et Docherty, 1999 : 11).
D’autres accents prennent une place importante dans les références ; c’est le cas par exemple
de « Estuary English » (Rosewarne, 1984, 1994 cité dans Foulkes et Docherty, 1999).17 Il
semblerait même que cette variété soit d’avantage acceptée que l’accent RP puisque son statut
social est plus souple et qu’elle paraît plus atteignable que la RP. Alors, que reste-il de la RP ?
15
Nous utilisons soit les crochets soit les barres obliques selon les transcriptions de chaque auteur dans toute
cette étude.
16
« Dialect levelling and by extension accent levelling is a process whereby differences between regional
varieties are reduced, features which make varieties distinctive disappear, and new features emerge and are
adopted over a wide geographical area ». Définition de Williams et Kerswill,1999.
17
Cf. ci-dessous pour davantage d’explications sur cette variété.
13
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.1.2. Quelle place pour la RP : son statut et sa position de modèle de prononciation en
anglais langue étrangère
La caractéristique principale de la RP est qu’en principe cet accent ne correspond à aucune
région, mais plutôt à une classe sociale. Il est encore connu sous divers noms tels que
« l’anglais de la BBC », « l’anglais de la Reine », « l’anglais des écoles privées ».18 Il s’agit
de l’accent le plus prestigieux de l’anglais britannique. Il est associé à une éducation privée
très élitiste et à une classe sociale dominante ou à la bourgeoisie. Cela signifie qu’un Écossais
peut avoir une prononciation de type RP ou ce que Wells appelle « RP approximatif »19. Mais,
un Écossais, un Irlandais ou un natif de Manchester, qui est intensément lié à sa région et son
accent, va souvent garder un certain nombre de traits régionaux par signe d’appartenance
régionale. Wells (1982) donne l’exemple d’un Écossais qui était fier d’avoir deux voyelles
distinctes dans les groupes lexicaux STRUT et FOOT mais qui en aucun cas n’aurait établi la
distinction entre BATH et TRAP.20
Il est notamment question de ces groupes-là puisqu’il s’agit des voyelles qui permettent de
différencier entre le Nord et le Sud de la Grande Bretagne. Par contre, ces quatre groupes
lexicaux portent également des connotations sociales. Dans l’exemple donné, l’Écossais est
fier de distinguer entre STRUT et FOOT parce que c’est un signe d’une classe sociale élevée
alors que la distinction entre BATH et TRAP est moins porteuse de connotations sociales et
permet de montrer l’appartenance linguistique (Wells, 1982). Wells distingue plusieurs sortes
de RP. Par exemple, il différencie la RP de la bourgeoisie, la RP approximative ou régionale,
conservatrice, adoptive et courante.21 Nous avons choisi de ne parler que de la RP courante
(mainstream) puisque elle est la plus fréquente de toutes et comporte moins de connotations
sociales ou autres.22
Nous avons vu que cette variété est une des deux variétés enseignées aux non-natifs, non
seulement à cause de son prestige mais également puisqu’elle est considérée comme une
18
Public school English, aussi connu sous le nom de « Cambridge or Oxford English ».
Near RP signifie que la prononciation d’un individu a plusieurs similitudes avec la RP, mais garde quelques
traits régionaux. (Wells, 1982).
20
Wells (1982) a établi des groupes lexicaux pour correspondre à chaque prononciation possible des mots. Par
exemple, le groupe FOOT correspond au phonème /ʊ/ et STRUT à /ʌ/. Ces groupes lexicaux sont encore utilisés
comme la référence pour une distinction inter-phonèmes.
21
Cf. Wells (1982) volume 1 pour plus de détails sur ces différentes sortes de RP.
22
Cependant, l’accent de Cambridge que nous utilisons comme accent « témoin » lors de nos expériences,
comporte tout de même certains traits régionaux et pourrait donc être classé comme « RÉGIONAL ou NEAR RP ».
Mais ces éléments sont très subtils et nous pensons que les auditeurs naïfs l’associeront tout simplement à
l’accent RP courant.
19
14
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
variété très intelligible. Bien qu’elle bénéficie de ce statut, nous n’avons trouvé aucune preuve
empirique pour affirmer que la RP est plus compréhensible que d’autres accents. Macaulay
(1988) était le premier à remettre en question le statut de la RP en tant qu’accent standard ou
norme pour l’enseignement des non-natifs. Il a attiré l’attention sur le fait que cet accent
comporte des difficultés supplémentaires pour les apprenants de l’anglais, notamment à cause
de la réalisation du /r/ ainsi que les nombreuses diphtongues.
Wells (1997) remet en question son intelligibilité et les formes de cet accent, plus ou moins
récentes, qui sont enseignées aux non-natifs. Par exemple, la diphtongue /ʊə/ continue d’être
enseignée dans des mots tels que sure, alors que même dans la variété RP, cette réalisation est
devenue assez conservatrice. Il semble nécessaire de mettre à jour certains ouvrages utilisés
dans l’enseignement de l’anglais langue étrangère qui présentent des formes désuètes ou
archaïques de la RP. Les accents changent et il est important de prendre certains de ces
changements en compte. Foulkes et Docherty (1999 : 12) en conviennent en expliquant
qu’étant donné les changements de la RP ainsi que le changement de son statut devenu moins
favorable, « we might perhaps reassess the continuing role of RP as an educational norm
particularly with regards to teaching English as a foreign language ». Une étude
chronologique de Harrington, Palethorpe, et Watson (2000) a montré que même la Reine
Elizabeth II a modifié sa prononciation à travers le temps et qu’elle est désormais plus proche
de la RP courante.
Selon Foulkes et Docherty (1999), avec le déclin de l’image de la RP, certains locuteurs
cherchent à adopter un autre accent moins stéréotypé que la RP (par exemple, l’accent de
l’estuaire). Le fait que cette variété soit associée à une certaine classe sociale a eu plusieurs
conséquences et elle est souvent mal considérée pour tout ce qu’elle représente. Depuis
quelque temps, certains linguistes lancent des appels pour renoncer à l’utilisation de cette
variété dans l’enseignement de l’anglais aux non-natifs. Jenkins (2006) explique qu’il faut
accepter l’accent non-natif et arrêter de le considérer comme une erreur. Elle s’appuie
notamment sur le fait, qu’à partir d’un certain âge, les possibilités d’un apprenant d’acquérir
un accent natif sont rares. Elle a rédigé le Lingua Franca Core, une liste de réalisations
phonémiques qui sont primordiales pour la compréhension mais qui exclut beaucoup de
réalisations standards. Par exemple, elle explique que ni la longueur des voyelles ni la
réalisation de « th » par /θ/ et /ð/ ne sont essentielles à la compréhension.
Macaulay (1988) a également attiré l’attention sur le fait que la RP contient des difficultés
supplémentaires pour les apprenants non-natifs. La RP est souvent utilisée car ce modèle est
15
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
supposé être très facilement compréhensible mais ceci n’a jamais été démontré de façon
empirique.
Cependant, discuter du choix de l’accent qu’il convient d’enseigner peut être encore assez
controversé. Il y a plusieurs enjeux dans ce choix. Avoir un modèle de prononciation semble
nécessaire, mais est-ce que celui de la RP est toujours d’actualité ? Il existe des différences
entre la RP des années 2000 et celle qui est enseignée aux non-natifs. Certains linguistes
suggèrent à des degrés différents d’utiliser d’autres modèles de prononciation que celui de la
RP. Ils expliquent que certains contrastes saillants rendent d’autres variétés plus faciles à
comprendre. Ils n’hésitent pas à proposer l’apprentissage d’autres variétés régionales, soit
pour essayer de contourner certaines difficultés de production ou simplement parce qu’ils
estiment qu’un modèle a plus de propriétés bénéfiques pour la compréhension. Par exemple,
lorsque Wells (2000) parle d’une difficulté bien identifiée, telle que la perception et la
production du /l/ pour les Japonais, il suggère d’utiliser la prononciation de l’anglais de
l’estuaire. Puisque cette variété utilise un /o/ à la place du /l/, c'est-à-dire milk est prononcé
[mɪok] au lieu de [mɪɫk], cela permettrait aux Japonais de contourner une de leurs plus
grandes difficultés en anglais sans rien enlever à leur compréhensibilité. Ces propos peuvent
paraître surprenants, mais Wells souligne que cette réalisation est très fréquente et est utilisée
par des millions d’Anglais et d’Américains. Abercrombie (1967) a très fortement argumenté
en faveur des qualités de l’anglais d’Écosse qui serait un meilleur modèle pour les apprenants
d’anglais que celle de la RP. Les raisons principales sont liées à ses caractéristiques rhotiques
et aux larges contrastes vocaliques qui prônent une meilleure intelligibilité. D’autres vont plus
loin dans leurs propos, comme Rajadurai (2007) qui affirme que c’est un mythe de dire que le
locuteur natif constitue toujours la meilleure représentation de l’intelligibilité. Cependant les
quelques études qui prouvent que les natifs ne sont pas toujours les plus intelligibles sont
encore assez peu connues (Hanson et Ikeno, 2007 ; Fraser Gupta, 2005). Pour son dictionnaire
de prononciation Wells (1999) met en place régulièrement des questionnaires sur la
prononciation de certains mots qui peuvent refléter des changements dans la société anglaise.
Ce type d’information pourrait être un moyen facile d’être au courant des changements et
d’en parler lors des cours d’anglais. Wells a surtout noté que certaines réalisations de mots qui
ont typiquement les voyelles de la RP ont tendance à évoluer vers une prononciation associée
avec le nord. De cette façon, chance est plutôt /tʃants/ que /tʃɑːnts/ et la réalisation /wɒn/ (one)
est préférée à /wʌn/.
16
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.2. Les variétés de l’anglais du corpus IViE
La suite de ce chapitre est dédiée à la présentation et à la description des variétés qui sont
présentes dans le corpus IViE (Intonational Variation in English). Voici la carte des Iles
Britanniques avec les neuf variétés enregistrées dans ce corpus. Nous pouvons constaté que le
corpus comporte donc deux accents du Sud Cambridge et Londres), quatre du Nord (Leeds,
Liverpool, Bradford et Newcastle), un accent gallois (Cardiff) ainsi qu’un accent de l’Irlande
du Nord (Belfast) et de l’Irlande du Sud (Malahide de la banlieue de Dublin).
Figure 1.2 : Les variétés du corpus IViE23
En premier lieu, nous donnons le système de chaque variété, tel qu’il est proposé par Wells
(1982). Bien que ses descriptions datent à peu près de l’année de la naissance des futurs
locuteurs du corpus IViE, Wells demeure une des références principales en la matière. Les
23
Explication du sytème de numérotation des figures. Le premier numéro (1) correspond au chapitre et le
deuxième à la partie du chapitre (2).
17
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
systèmes vocaliques sont donnés sous forme de mots clés représentant les groupes lexicaux de
Wells (1982). Ces mots clés sont devenus un outil standard dans le domaine de la
dialectologie. Wells (1999) souligne que ces mots clés et groupes lexicaux sont « intended to
be unmistakable no matter what accent one says them in ». Foulkes et Docherty (1999) ont
ajouté de nouveaux groupes lexicaux à ceux de Wells lorsqu’ils trouvaient nécessaire d’établir
d’autres distinctions entre différents groupes de mots. Nous allons utiliser tous les groupes
lexicaux de ces auteurs lorsque cela s’avère nécessaire.24
Dans le cas où le système proposé par Wells semble insuffisant ou considéré comme ne plus
refléter la réalité linguistique récente, nous mettrons à la fois celui de Wells et d’autres
systèmes, plus récents. Il peut arriver de mettre deux propositions différentes pour un seul
phonème ce qui reflète une divergence de point de vue des linguistes. Il semble tout à fait
normal qu’il y ait des points de vues différents. Les systèmes phonétiques proposés par divers
auteurs peuvent également refléter davantage une classe sociale qu’une autre.
Les locuteurs dans le corpus IViE appartiennent a priori à la classe moyenne et nous y ferons
référence lorsqu’il y a des éléments spécifiques à ce groupe. Cependant, nous ne nous
limitons pas seulement aux traits de cette classe mais nous décrivons également, de façon
générale, les éléments qui nous semblent les plus caractéristiques de chaque accent. Certains
traits comme l’omission du /h/ (H-dropping : Wells, 1982) ne sont pas mentionnés. Nous
estimons que la plupart des locuteurs de toutes les variétés peuvent omettre le /h/. Nous en
parlons surtout lorsqu’une variété est connue pour le garder, par exemple, l’accent de
Newcastle.
Nous donnons également les éléments généraux sur la région en question avant de parler des
spécificités que nous avons trouvées pour chaque ville.
1.2.1. Received Pronunciation (RP)
Cet accent va représenter le système de référence dans ce travail. Premièrement, c’est, de
manière générale, ce statut que l’on lui accorde dans les recherches, et deuxièmement, il s’agit
de l’accent qui est le plus proche de celui de Cambridge dans ce corpus. C’est l’accent de
Cambridge qui est l’accent témoin dans cette étude ; de fait, par ce biais, la RP l’est
également. Nous ne prétendons pas que les deux soient complètement comparables.
L’exemple d’un accent rural de Cambridge en est très loin. Mais le parler des locuteurs du
24
Par exemple, le groupe lexical de horSES représentent les terminaisons –es et –ed qui n’existent pas dans les
groupes lexicaux de Wells (1982).
18
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
corpus IViE nous semble se rapprocher de la RP. De plus, dans la littérature il n’existe pas de
système vocalique établi spécifiquement pour la ville de Cambridge. Wells (1982) parle de la
variété de « East Anglia » qui comprend une partie du Cambridgeshire et nous ferons de
même.25 L’accent le plus souvent associé avec cette région est celui de Norwich. Cependant,
il est très différent de l’accent de Cambridge tel que nous le trouvons dans ce corpus. C’est
également pour cette raison que nous utilisons le système de la RP ci-dessous.
1.2.2. Le système vocalique de la RP (Wells, 1982)
KIT
ɪ
FLEECE
i:
NEAR
ɪə
DRESS
e
FACE
eɪ
SQUARE
eə
TRAP
æ
PALM
ɑ:
START
ɑ:
LOT
ɒ
THOUGHT ɔ:
NORTH
ɔ:
STRUT
ʌ
GOAT
əʊ
FORCE
ɔ:
FOOT
ʊ
GOOSE
u:
CURE
ʊə
BATH
ɑ:
PRICE
aɪ
happY
ɪ
CLOTH
ɒ
CHOICE
ɔɪ
lettER
ə
NURSE
ɜ:
MOUTH
aʊ
commA
ə
Nous pouvons noter que le groupe lexical de CURE peut également avoir le phonème /ɔː/.
Nous ne nous attarderons pas sur cet accent puisqu’il est le plus connu et le plus largement
décrit dans la littérature.
En ce qui concerne le coup de glotte intervocalique, il est encore considéré comme « non
standard », et ne fait pas a priori, partie de cette variété (Sebba, 2007). Son utilisation est très
critiquée par les médias (Foulkes et Docherty, 1999)
25
Cependant, Nolan explique que la ville de Cambridge est devenue désormais plus associée avec la banlieue
londonienne au niveau de son accent (communication personnelle).
19
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.3. L’Angleterre du Sud
Il y a deux accents de l’Angleterre du Sud dans le corpus IViE. Nous venons de parler de
l’accent de Cambridge et expliquer les raisons qui nous poussent à utiliser l’incidence de la
RP lorsque nous parlons de la variété de Cambridge. Nous allons tout de même présenter le
système phonologique qui est représentatif du Sud-est de l’Angleterre dont le comté du
Cambridgeshire fait partiellement partie (Wells, 1982).
L’autre variété du Sud dans le corpus d’IViE est celle de Londres. Plus précisément, il s’agit
d’un accent Londonien-Jamaïcain. Il y a plusieurs accents différents dans la ville de Londres,
mais ils existent sur un continuum et il n’y a pas de ligne nette où l’un commence et l’autre se
termine. Nous allons donc rapidement présenter les variétés principales de Londres, c'est-àdire, le cockney, « Popular London » et « Estuary English ».
Le cockney ne concerne, a priori, que la classe ouvrière. Étant donné que les locuteurs d’IViE
sont censés être de classe moyenne, il est possible qu’il n’y ait pas d’éléments du cockney
dans leur parler. Néanmoins, nous allons tout de même établir les différences entre les
principaux accents londoniens et ensuite voir quels aspects se trouvent chez des locuteurs
d’IViE. À la fin de ce chapitre nous avons également abordé les deux variétés minoritaires,
c'est-à-dire l’anglais jamaïcain et celle de l’anglais panjabi.26
1.3.1 Londres
Nous venons d’expliquer qu’à Londres, il y a plusieurs catégories d’accents. Nous allons donc
présenter ces trois variétés puisque toutes les trois peuvent influencer le parler des locuteurs
du corpus IViE.
Le cockney est sans doute la variété la plus connue de la capitale. Cet accent est normalement
associé à la classe ouvrière (Wells, 1982).
C’est à partir des années 80 que l’accent appelé Estuary English, c’est-à-dire l’anglais de
l’estuaire, a été décrit (Rosewarne, 1994 cité dans Kerswill, 2001). C’est un mélange de
l’accent cockney et de la RP, mais qui est plutôt associé à la classe moyenne. Entre ces deux,
Wells (1982) parle d’un autre accent qu’il appelle « Popular London » (l’accent populaire
26
Cf.1.7 : sur les variétés ethniques.
20
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
londonien). Il existe donc un continuum allant du cockney jusqu’à la RP que nous allons
décrire dans la section suivante.
1.3.1.1. Le cockney
Cet accent vient des quartiers de l’est de Londres. Dans le dialecte du cockney nous trouvons
du rhyming slang (un jargon fondé sur des rimes). Bien que cette façon de parler soit de
moins en moins entendue, certaines de ces expressions ont fait leur entrée dans d’autres
variétés et sont devenues des expressions courantes.27 Autrement dit, ces expressions se sont
infiltrées dans d’autres variétés de l’Angleterre. Wells (1982) ne présente pas le cockney sous
forme de tableau séparément de l’accent populaire londonien mais le décrit suffisamment
pour montrer que les deux sont bien distincts. Le cockney est décrit comme le dialecte
traditionnel de la classe ouvrière de Londres. Mais c’est également l’accent stéréotype qui est
le plus fréquemment associé avec la capitale et qui a été rendu célèbre dans des films comme
My Fair Lady. Wells (1982) affirme que cet accent est la source qui a le plus d’influence sur
les innovations phonologiques en Angleterre. Kerswill (1996) explique que c’est le langage
des adolescents de Londres qui est le plus innovateur et qu’il est une véritable source des
diverses variations qui se trouvent souvent diffusées dans tout le pays.
Bien entendu, toute la classe ouvrière ne parle pas le vrai « cockney ». C’est une question de
géographie mais on retrouve quelques caractéristiques du cockney dans l’accent général de la
classe ouvrière. C’est pourquoi nous parlons également de l’accent populaire londonien
(désormais PL), un accent qui englobe de façon plus générale la classe ouvrière et qui est,
selon Wells (1982), moins éloigné de l’accent RP. Il choisit cet accent (PL) pour représenter
le système phonologique de Londres.
Le cockney est non seulement très différent de l’accent PL au niveau des voyelles mais
également au niveau des consonnes. Par exemple, contrairement à l’accent PL, l’omission
du /h/ initial (H-Dropping) dans le cockney est presque systématique (Wells, 1982). Ce trait est
également devenu de plus en plus commun dans toutes les variétés sauf à Newcastle Upon
Tyne (Wells, 1982). Par contre, dans le véritable cockney, le phonème /h/ est également
ajouté au début des mots qui n’en ont pas. Par exemple, un mot comme apple serait prononcé
happle. Ce trait n’est pas sans rappeler la faute que font énormément d’apprenants
francophones lorsqu’ils omettent le /h/ dans les mots tels que hungry et l’ajoutent devant une
27
Par exemple : dog and bone ce qui signifie téléphone, bread and butter veut dire l’argent.
21
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
voyelle comme dans angry. Que cela soit fait par un Londonien parlant le cockney ou un
francophone, la plupart des Anglais pourrait considérer ces réalisations comme incorrectes.
Cependant, selon certains linguistes (Wells, 1982, Abercrombie, 1967 et Jenkins, 2006) il
n’est pas problématique de choisir une prononciation autre que celle de la RP dans la mesure
où elle est plus facile à réaliser et qu’elle n’empêche pas la compréhension.
Il convient maintenant de regarder le système vocalique du cockney plus en détail avant
d’ajouter quelques commentaires.
1.3.1.2. Le système vocalique du cockney (Wells, 1982)
KIT
ɪ
FLEECE
əi
NEAR
iə
DRESS
ɛ
FACE
æɪ/aɪ
SQUARE
eə
TRAP
æ
PALM
ɑ:
START
ɑ:
LOT
ɒ
THOUGHT ɔə/ɔo/o̜ʊ
STRUT
a
GOAT
FOOT
ʊ
BATH
NORTH
ɔə/ɔo/o̜ʊ
aʊ/aɤ
FORCE
ɔə/ɔo/o̜ʊ
GOOSE
əʉ/ʉː
CURE
uə
ɑ:
PRICE
ɒɪ
happY
əi
CLOTH
oː
CHOICE
oɪ
lettER
ə
NURSE
ɜ:/œ̈ː
MOUTH
æ:
commA
ə
Les triphtongues et le grand usage de diphtongues sont considérés comme des marqueurs
typiques de l’accent cockney. Les voyelles /a/ et /ɑ:/ ont la même distribution qu’en RP mais
sont réalisées /ɛ/ et /ɛi/ (Hughes et Trudgill, 1979). Ces derniers ne donnent pas les mêmes
phonèmes que Wells (1982) pour plusieurs groupes lexicaux, c'est-à-dire que happY est
transcrit avec un /i:/, FACE avec [æɪ], GOAT avec [ʌʉ] et PRICE avec [ɑɪ].
22
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.3.1.3. Les consonnes du cockney
À l’heure actuelle, le coup de glotte peut remplacer le /t/ dans plusieurs variétés mais il était
fortement associé et continue à l’être avec l’accent de Londres, notamment avec celui du
cockney. Sa distribution est en partie semblable à celle de la RP surtout au niveau du /t/
intervocalique et final, mais il peut aussi renforcer, voire remplacer le /p/ et le /d/ final
(Hughes et Trudgill, 1979). Dans un accent très marqué le coup de glotte peut remplacer /f/,
/v/, /θ/ et /ð/, par exemple safer → [ˈsʌɪʔə] et different → [ˈdɪʔrən̩] (Wells, 1982). La
labialisation du TH (TH-fronting) est également, à l’origine, associée avec cette variété. /θ/ et
/ð/ sont réalisés /f/ et /v/. Il devient donc possible de confondre three avec free. Nous avons
déjà mentionné que beaucoup de traits innovateurs viennent de cette variété, et comme tant
d’autres, le TH-fronting est également en train de se diffuser dans d’autres variétés. La
terminaison –ing est /ɪn/ ou parfois /ɪnk/ dans les mots tels que nothing et something (Hughes
et Trudgill, 1979).
1.3.2. L’accent populaire londonien
La région où l’on peut entendre l’accent populaire londonien comprend non seulement
Londres mais également les Home Counties (les comtés qui entourent Londres). Il s’agit des
comtés du Kent, du Surrey, du Sussex, du Hertfordshire, de l’Essex, une partie de
Buckinghamshire, le Berkshire et le Bedfordshire. Ces comtés sont très liés à Londres,
notamment de façon linguistique, puisqu’un grand nombre de leurs habitants travaillent à
Londres. C’est seulement dans les endroits très ruraux que des éléments du dialecte
traditionnel persistent. Par exemple, dans le Kent et le Surrey ruraux, le seul genre de
différence phonétique que Wells (1982) souligne est la rhoticité. La classe moyenne possède
normalement un accent qui est plus proche de la RP que l’accent PL tout en gardant certains
traits régionaux. Wells (1982) introduit une nouvelle catégorie qu’il appelle « London
Regional Standard » qui serait apparemment plus proche de la RP que l’accent PL.
Néanmoins, il ne donne que très peu de détails et nous n’en parlerons pas davantage.
23
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Voici maintenant le système vocalique de l’accent populaire londonien suivi de nos
commentaires.
1.3.2.1. Le système vocalique de l’accent populaire londonien (Wells, 1982)
KIT
ɪ
FLEECE
ɪi
NEAR
iə
DRESS
e
FACE
ʌɪ
SQUARE
eə
TRAP
æ
PALM
ɑ:
START
ɑ:
LOT
ɒ
THOUGHT oː/ɔə
NORTH
oː/ɔə
STRUT
ʌ
GOAT
ʌʊ
FORCE
oː/ɔə
FOOT
ʊ
GOOSE
ʉː
CURE
uə
BATH
ɑ:
PRICE
ɑɪ
happY
ɪi
CLOTH
ɒ
CHOICE
ɔɪ
lettER
ə
NURSE
ɜ:
MOUTH
æʊ
commA
ə
L’incidence lexicale ou la distribution lexicale28 est assez proche de celui de l’accent RP, mis
à part quelques exceptions. Dans le groupe lexical MOUTH, la classe moyenne peut avoir la
diphtongue /ɑʊ/ très proche de /aʊ/ en RP mais avec une articulation davantage postérieure
pour éviter d’utiliser /æʊ/ qui est davantage marquée socialement (Wells, 1982).
À Londres, bored (/ɔə/) et board (/o:/) ne sont pas forcément des paires minimales, alors que
la RP n’a qu’un phonème (/ɔ:/) dans les groupes lexicaux THOUGHT, NORTH et FORCE.
28
Speech Internet Dictionary à: http://www.phon.ucl.ac.uk/home/johnm/sid/sidl.htm. Définition d’incidence
lexicale: « A possible feature of the difference between two accents of a language. Lexical incidence differences
involve the occurrence of different phonemes in the same word in the two accents in question and do not
necessarily have implications for the phonological systems of the two accents, nor for the phonetic realisation of
the phonemes in question. An example of a lexical incidence difference between northern and southern accents
of English involves words such as pass, laugh, bath. In many northern accents these contain the vowel phoneme
/æ/, whereas in the south the vowel is usually /ɑː/. Both accents have both phonemes, /æ/ in gas, mass, for
instance and /ɑː/ in father ».
24
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
De la même façon, roller (/ɒə/) et polar (/ʌʊ/) ne riment pas. Dans les groupes lexicaux
NEAR, SQUARE, THOUGHT-NORTH-FORCE, CURE et MOUTH il existe à la fois une
diphtongue et une monophtongue. Ainsi nous retrouvons également dans ces groupes /ɪ:/, /ɛ:/,
/ɔ:/, /ʊ:/ et /æ:/ respectivement. Il n’y a pas de règle fixe concernant la distribution mais Wells
(1982) explique que les monophtongues sont plus courantes à l’intérieur d’un mot tandis que
les diphtongues apparaissent fréquemment à la fin d’un mot ou dans une syllabe proéminente.
Une des façons les plus faciles pour distinguer les deux accents (le cockney versus PL) se fait
par le groupe lexical de MOUTH ; l’accent de cockney le réalise /mæ:f/ ou /ma:f/ avec des
monophtongues alors que l’accent populaire londonien a plutôt des diphtongues (/mæʊf/ ou
/mæʊθ/).
1.3.2.2. Les consonnes de l’accent populaire londonien
En ce qui concerne les consonnes, l’aspect le plus marqué de l’accent londonien (en général)
est que la consonne /l/ est réalisée comme une voyelle. Ce phénomène s’appelle la
vocalisation du /l/.29 Deux exemples sont fill et field qui sont prononcés /fɪo/ et /fɪod/. /l/ se
transforme la plupart du temps en /o/ ou /ʊ/. Lorsque la voyelle précédente est /ɔ:/, il n’y a pas
de transformation, les mots Paul’s et pause sont ainsi identiques (Hughes et Trudgill, 1979).
Il est de plus en plus possible de trouver cette réalisation dans d’autres variétés.
Un autre trait est la chute du yod (Yod-dropping) après une occlusive alvéolaire donnant des
prononciations caractéristiques comme /tʉ:n/ (tune) et /dʉ:/ (dew) (Chevillet, 1991).
1.3.3. L’anglais de l’estuaire
Rosewarne (1984, 1994 cité dans Foulkes et Docherty, 1999) fut le premier à parler d’une
variété qu’il a appelée « Estuary English ». Rosewarne (1994 : 3, cité dans Kerswill, 2001)
définit cette variété de la manière suivante :
29
L-Vocalisation (Wells, 1982).
25
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
« Estuary English is a variety of modified regional speech. It is a mixture of nonregional and local south-eastern English pronunciation and intonation. If one imagines
a continuum with RP and popular London speech at either end, Estuary English
speakers are to be found grouped in the middle ground. They are between Cockney and
the Queen’, in the words of The Sunday Times ».
Ce terme a été énormément employé par les médias. Watt et Milroy (1999) suggèrent que ce
n’est pas une variété d’anglais à part entière mais plutôt une forme de langage nivelée. Tous
les traits caractéristiques de cette variété existent sur un continuum à la fois sociolinguistique
et géographique se situant entre la RP et le cockney. Pour cette raison, cette variété est une
solution linguistique assez attirante puisqu’elle ne représente ni la forme standard (RP) ni la
forme non-standard (cockney). C’est à la fois la raison de son « succès » mais aussi la cause
de la diffusion de certains de ses traits dans d’autres variétés en Angleterre (Foulkes et
Docherty, 1999). Il s’avère qu’à cause de son statut social intermédiaire, les Anglais ont
moins de problèmes pour adopter certains de ses traits, par rapport à la RP, qui n’a pas
toujours une image positive. Watt et Milroy (1999) suggèrent que ce n’est pas une variété
d’anglais à part entière mais plutôt une forme de langage nivelée.
Il n’existe pas assez d’éléments pour établir le système vocalique en entier pour cette variété.
Nous allons simplement parler des traits les plus caractéristiques de cet accent.
1.3.3.1. Les voyelles de l’anglais de l’estuaire
L’anglais de l’estuaire partage certaines prononciations avec le cockney (Wells, 1997). Voici
les traits les plus saillants :
•
La voyelle dans le groupe lexical de happY est longue [i:].30
•
Les mots du groupe lexical GOAT sont prononcés [ɒʊ] devant un /l/ sombre, mais le /l/
peut également être prononcé /o/ à cause de sa vocalisation, par exemple [rɒʊo].
•
30
PRICE est énoncé [prɑɪs] et MOUTH est [mæʊθ].
Nous avons utilisé les crochets ici [ ], comme le fait l’auteur.
26
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.3.3.2. Les consonnes de l’anglais de l’estuaire
•
La vocalisation de /l/ pré-consonantique.
•
Le coup de glotte à la place du /t/, en position non-initiale et pré- vocalique (ex : take
i’ off).
•
Le yod qui apparaît dans les mots tels que tune dans la variété RP est plutôt
réalisé avec [tʃ].
•
La réalisation de [dj] dans les mots comme reduce est [dʒ].
•
Le /r/ se rapprocherait de [ʋ].
•
Selon Wells (1997), /θ/ et /ð/ ne sont pas réalisés /f/ et /v/ comme dans l’accent
cockney. Cependant, Trudgill (1990) associe cette prononciation avec tous les comtés
qui entourent Londres. Elle est également en train de se diffuser dans tout le pays.
1.3.4. Le Sud-Est
L’Anglia de l’Est31 se trouve dans le Sud-est de l’Angleterre. Cette région comprend le
Norfolk, le Sulfolk, une partie du Cambridgeshire et de l’Essex. Les villes les plus
importantes sont Ipswich et Norwich. Trudgill (1974) est notamment connu pour ses travaux
sociolinguistiques sur la ville de Norwich qui était une des premières études de ce genre.
Wells (1982) a également basé son système phonologique pour la région sur la ville de
Norwich mais il souligne qu’il peut y avoir des déviations vers la RP ou l’accent de Londres.
1.3.4.1. Le système vocalique de l’Anglia de l’Est (Wells, 1982)
KIT
ɪ
FLEECE
i:
NEAR
ɛː
DRESS
ɛ
FACE
æi
SQUARE
ɛː
TRAP
æ
PALM
a:
START
a:
LOT
ɒ
THOUGHT ɔː
NORTH
ɔː
31
En anglais « East Anglia ».
27
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
STRUT
ʌ
GOAT
ʌʊ/uː/ʊ
FORCE
ɔː
FOOT
ʊ
GOOSE
ʉː
CURE
ɜ:/ɔː
BATH
a:
PRICE
ʌi
happY
i
CLOTH
ɒ/ɔ
CHOICE
oi
lettER
ə
NURSE
ɜ:
MOUTH
æʉ
commA
ə
1.3.4.2. Les consonnes de l’Anglia de l’Est
Sur le plan consonantique, Chevillet (1991) retient trois phénomènes : la glottalisation du /t/,
l’omission du /h/ initial et la neutralisation du /l/ sombre et clair. Bien entendu, les deux
premiers sont maintenant considérés comme des traits assez communs dans plusieurs variétés.
Nous avons également l’impression que la neutralisation du /l/ sombre et clair est en train de
se répandre dans plusieurs variétés tout comme la vocalisation du /l/. Chevillet (1991) affirme
que plus un accent est septentrional, moins cette distinction entre les deux formes du /l/ existe.
La terminaison –ing est typiquement /ən/ dans cette variété (Hughes et Trudgill, 1979).
1.3.4.3. Cambridge
Cette ville évoque au moins deux variétés d’accents. Premièrement, Wells (1982) explique
qu’une partie du Cambridgeshire a le même accent que la région de l’Anglia de l’Est.
Néanmoins, la ville de Cambridge est fortement associée à l’accent de la RP (de la même
façon que la ville d’Oxford peut l’être), tout simplement à cause de ses écoles et universités.
Nous avons déjà souligné le fait que la RP peut aussi être appelée Oxford ou Cambridge
English ou alors Public School English. Les premiers noms parlent d’eux-mêmes, mais il faut
ajouter que la plupart des « Public Schools » sont souvent associées à une de ces villes. Nous
pensons que c’est à cause de cette association étroite que nous n’avons trouvé aucune étude
détaillée sur cette variété.
Étant donné que les locuteurs du corpus IViE sont issus de la classe moyenne, nous nous
attendons donc à ce qu’ils aient un accent proche de celui de la RP. Le système phonétique de
28
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
ce dernier nous servira de base pour les locuteurs venant de Cambridge. Nolan les classent
comme des locuteurs de « SSBE» (Standard Southern British English) qui peut être
globalement associé à une sorte de RP moderne.32
1.4. Le Pays de Galles
Au Pays de Galles, l’anglais est la langue principale depuis le seizième siècle. En 1991, 35%
des Gallois étaient bilingues mais seulement 20% en 1971 (Chevillet, 1991). Depuis l’an
2000, l’enseignement de la langue galloise est obligatoire dans les écoles.33 Aujourd’hui, il
existe des personnes pour qui l’anglais est leur deuxième langue. Mais malgré le fait que le
gallois soit une langue rhotique, il n’y a que quelques endroits qui ont gardé leur rhoticité en
anglais. Pour Chevillet (1991) et Wells (1982) le Nord et le Sud du Pays de Galles sont bien
différents, surtout au niveau de leur relation avec la langue galloise. Wells (1982) donne le
système vocalique pour le Sud-est du pays (ci-dessous). Chevillet (1991) indique que dans le
Sud, on parle un anglais qui se démarque nettement des origines galloises et qui possède
davantage d’affinités avec l’anglais des Midlands de l’ouest et du Sud de l’Angleterre. Au
Sud, le substrat celtique est minime contrairement au Nord où l’influence du gallois se fait
davantage sentir. Wells (1982) explique que la rhoticité persiste dans le Nord mais également
chez certaines personnes pour qui le gallois est la première langue.
Nous allons nous concentrer seulement sur le Sud-est du Pays de Galles puisque la ville qui
nous intéresse, c'est-à-dire Cardiff, s’y trouve. Les locuteurs du corpus d’IViE viennent de
cette ville. Dans un premier temps, nous parlerons des détails recueillis au cours de nos
recherches sur le Sud-est du pays pour ensuite parler de la ville de Cardiff elle-même.
32
Communication personnelle: « SSBE is in itself controversial - some people object to 'Standard'; but the fact is
this variety of pronunciation is the one to which people tend to modify their speech and in that sense a 'target'
when people wish to, in some sense, standardise their pronunciation. The problem with “RP” is that it was
originally a very tightly defined variety of pronunciation, associated with a very narrow social stratum. We
recorded at Cambridge in order to get a sample of Standard Southern British English pronunciation, which
might broadly be considered the modern, and some democratised, equivalent of “RP” » (Nolan, F.)
33
http://www.mod.uk/DefenceInternet/DefenceFor/ServiceCommunity/Education/CurriculumInWales.htm
29
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.4.1. Le système vocalique du Sud-est du Pays de Galles (Wells, 1982)
KIT
ɪ
FLEECE
i:
NEAR
jɜː/iːə
DRESS
ɛ
FACE
ei/e:
SQUARE
ɛː
TRAP
a
PALM
aː
START
aː
LOT
ɒ
THOUGHT ɔ:
NORTH
ɔ:
STRUT
ə
GOAT
ou/o:
FORCE
ɔ:
FOOT
ʊ
GOOSE
u:
CURE
uːə
BATH
a/aː
PRICE
əi
happY
i:
CLOTH
ɒ/ɔ:
CHOICE
ɔi
lettER
ə
NURSE
ɜ:
MOUTH
əu
commA
ə
Dans cette section, nous commentons les traits les plus caractéristiques de l’anglais parlé au
Sud-est du Pays de Galles.
La réduction vocalique en syllabe finale fermée et inaccentuée ne se produit pas (Chevillet,
1991). Par exemple, le mot moment est prononcé [ˈmo:mɛnt]. Il est impossible d’avoir une
voyelle longue en syllabe inaccentuée tel que dans le mot expert qui est réalisé [ˈɛkspət]. Ce
phénomène est peut être lié à l’influence de la langue galloise (Chevillet, 1991). Les suffixes
–ed, -est sont souvent réalisés avec la voyelle /ɛ/, par exemple : /landɛd/ (Wells, 1982).
Apparemment, la réalisation des voyelles réduites ou non-réduites est souvent le contraire de
ce qui se produit en RP. Un autre exemple est celui de /a/ en position pré-tonique dans des
mots tels que above /aˈbəv/ (au lieu de /ə/ en RP).
Le groupe lexical de GOOSE peut avoir la voyelle /u:/, comme l’affirme Wells (1982), mais
celle-ci s’oppose à la diphtongue /ɪu/ (Chevillet, 1991). La distribution est la suivante : les
mots orthographiés <-o, -oo, -ou> sont prononcés avec /u:/, et les mots en <-u, -ue, -eu, -ew>
avec la diphtongue /ɪu/. En général, selon Chevillet, (1991) il n’y a pas de diphtongues
30
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
mixtes : c'est-à-dire, /ɪə/, /ɛə/, /ʊə/, comme il existe en RP. Les semi-vocaliques (/w/ et /j/)
viennent s’insérer dans les mots qui contiennent ces diphtongues-là. Ainsi le mot fear est
souvent réalisé /fi:jə/ et poor est /pu:wə/.
La voyelle de NURSE peut être arrondie en [ø]. Cela dit, Chevillet (1991) met en garde les
francophones de ne pas utiliser cette réalisation qui ressemble à la prononciation du mot bœuf
en français, à moins d’avoir un accent gallois parfait.
Les groupes lexicaux TRAP et PALM sont réalisés avec la voyelle /a/ la seule différence entre
les deux réside dans la longueur de la voyelle et non dans sa qualité : /kat/ - cat et /ka:t/ - cart
(Trudgill, 1990). Mees et Collins (2008) rejettent cette hypothèse en disant qu’il y a toujours
une différence entre la qualité des deux groupes (TRAP /a/ et PALM /æ/).
Concernant les mots de type FACE et GOAT, ils peuvent être produits avec les
monophtongues /e:/ et /o:/ respectivement.
1.4.2. Les consonnes du Sud-est du Pays de Galles
Dans sa globalité, l’accent gallois n’est pas rhotique. En ce qui concerne les différentes
réalisations de /r/, elle varie selon sa position. Le /r/ intervocalique est réalisé /ɾ/. Dans toute
autre environnement il varie entre [r] et [ɾ] et peut même être [ɹ].
Les occlusives sourdes sont fortement aspirées comme cela est le cas en RP. En revanche,
elles le sont également à la position médiane, par exemple le mot upper est réalisé [ˈəpʰə].
Chevillet (1991) souligne un phénomène intéressant en expliquant que l’aspiration touche
aussi les occlusives sonores. Par conséquent, ces dernières peuvent être confondues avec les
occlusives sourdes. De ce fait, les écrivains britanniques parodient l’accent gallois en écrivant
« Pring the pottle Petty » pour « bring the bottle Betty » (Chevillet, 1991).
/l/ est clair dans tous les contextes. Les consonnes de cette variété diffèrent d’autres variétés
(d’Angleterre) par leur durée, surtout lorsqu’elles sont en position intervocalique. Cela
concerne le plus souvent les consonnes sourdes. Hughes et Trudgill (1979) parlent plutôt d’un
doublement de consonne qu’il note [ˈsi:t:i:] - city.
Regardons maintenant les aspects spécifiques à la ville de Cardiff.
31
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.4.3. Cardiff
La ville de Cardiff se trouve dans le comté de Glamorgan situé au Sud du Pays de Galles.
Dans cette partie du pays, l’anglais est parlé depuis bien avant 1800, ce qui pourrait expliquer
l’attitude quelque peu favorable envers l’anglais (Mees et Collins, 1999). Selon Mees et
Collins (2008), la perception des habitants de Cardiff envers les différents accents diffère de
celle des Gallois du reste du pays. La plupart des habitants de Cardiff ne considèrent pas
l’accent du Pays de Galles comme un modèle prestigieux et n’ont pas forcément embrassé le
renouement général avec la culture et la langue galloises comme cela est le cas dans le reste
du pays. Ils ne s’y identifient pas et de ce fait ne cherchent pas à avoir un accent très
prononcé, qui pourrait souffrir d’une stigmatisation négative. La RP ne subit pas d’avis
négatif comme cela peut être le cas dans le reste du pays.
Mees et Collins (2008) émettent l’hypothèse que le manque de sentiment d’appartenance
entraîne certains locuteurs, voire encore plus des locutrices (femmes) de Cardiff à utiliser les
traits caractéristiques de la RP, comme pour s’éloigner des traits de l’accent local.34 La classe
moyenne de Cardiff utilise des coups de glottes parce qu’ils sont considérés comme un trait
prestigieux et ne sont pas stigmatisés (Mees et Collins, 1999).
L’anglais de Cardiff est très différent de celui trouvé dans le Nord de l’Angleterre, cependant,
il est possible d’observer quelques similarités avec le Sud-ouest de l’Angleterre (Wells,
1982).
Selon Mees et Collins (1999), cette variété a beaucoup de traits communs avec celle des
comtés du Sud comme le Gloucestershire et le Somerset. Ces ressemblances se manifestent,
par i) la présence de la distinction allophonique du /l/ clair et sombre, ii) l’absence de
l’intonation typique du Pays de Galles, iii) l’absence de certains contrastes vocaliques (cf. cidessous) et iv) l’utilisation très fréquente de l’assimilation et de l’élision (cf. la partie sur les
consonnes pour des exemples).
L’histoire de la ville de Cardiff ainsi que ces attitudes et sentiments d’appartenances diverses
expliquent les différences entres certains aspects de l’accent de Cardiff et le reste du pays. Il
est donc important d’établir un système vocalique propre à Cardiff. Le système que nous
avons décrit ci-dessus recouvre le Sud du pays en général (Wells, 1982), toutefois il reste
possible de trouver certains de ces traits chez les locuteurs d’IViE. Cependant, le système
34
Labov fut le premier à remarquer ce genre de phénomène, notamment à Martha’s Vineyard (1976).
32
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
vocalique présenté ci-dessous est davantage représentatif de l’accent de Cardiff et ce, pour
deux raisons. Tout d’abord, puisqu’il a été établi spécifiquement par rapport à la ville de
Cardiff, ensuite il est plus récent et risque de refléter davantage la prononciation des locuteurs
d’IViE. Ces remarques nous amènent à apporter quelques commentaires concernant ce
système dans la section suivante ; viendront également s’ajouter les points de vue d’autres
spécialistes apportant des informations spécifiques sur cet accent.
1.4.3.1. Le système vocalique de Cardiff (Mees et Collins, 1999)35
KIT
ɪ
FLEECE
i:
NEAR
jøː/iːə
DRESS
ɛ
FACE
ei
BEER36
iːə
TRAP
a
PALM
æː
SQUARE
ɛː
LOT
ɒ
THOUGHT ʌː
START
aː
STRUT
ə
GOAT
ɤu
NORTH
ʌː
FOOT
ɤ
GOOSE
u:
FORCE
ʌː
BATH
a/æ
PRICE
əi
CURE
juːə/jʌː
CLOTH
ɑ
CHOICE
ʌi
happY
i
NURSE
øː
MOUTH
ʌu
lettER
ə
horSES37
ɪ
commA
ə
Il faut constater qu’il n’existe que quelques différences entre le système vocalique de Wells
pour la région du Sud-Est (1982) et celui de Mees et Collins (1999). La première chose que
nous pouvons remarquer est que ces auteurs ont ajouté deux groupes lexicaux
supplémentaires au système vocalique proposé par Wells. De manière générale, les auteurs
qui ont écrit depuis la publication de Wells en 1982 rajoutent d’autres groupes lexicaux, bien
35
Les groupes lexicaux apparaissent dans l’ordre donné par l’auteur.
BEER concerne certains mots qui aurait normalement appartenu à NEAR mais qui sont à part dans cette variété
(Cf. ci-dessous).
37
horSES fait référence à la voyelle utilisé dans les formes plurielles : -es, et le suffixe du passé : -ed.
36
33
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
qu’ils restent fidèles aux principaux mots clés de Wells. Pour cette variété, il s’agit des
groupes lexicaux de horSES et BEER. HorSES représentent les terminaisons –es et –ed qui
n’existent pas dans les groupes lexicaux de Wells (1982). En ce qui concerne le groupe BEER,
il établit la distinction entre certains mots du groupe original qui est NEAR.
Selon Mees et Collins (1999), le groupe de NEAR38 ne représente que quelques mots tels que :
near, mere, year, ear, here, hear et leurs dérivatifs. Alors que la voyelle dans BEER est
utilisée pour tous les autres mots de ce groupe lexical, par exemple, idea, real. Devant un /r/
ou un /l/ intervocalique, les mots du groupe BEER sont réalisés avec la monophtongue [i:]
(really – [ɹi:li]).
Dans cette variété, START peut être réalisé [stæ:t] ou même [stɛ:t] pour la classe ouvrière.
Cette prononciation est caricaturée en nommant la ville de Cardiff [kɛ:dɪf]39 (Wells, 1982).
Les voyelles de LOT et de THOUGHT sont plus ouvertes à Cardiff et sont plutôt [ɒ(:)] et [ɒ]
(Wells, 1982). Par contre, Mees et Collins (1999), parlent plutôt de /ʌː/ pour les groupes de
THOUGHT, NORTH et FORCE.
FACE et GOAT sont réalisés avec des diphtongues plutôt qu’avec des monophtongues comme
dans d’autres variétés du pays. Wells (1982) parle respectivement de /ei/ et /ou/, qu’il donne
de façon globale pour la région du Sud-Est mais également pour Cardiff, alors que Mees et
Collins (1999) ont noté [ɤu] pour la réalisation de GOAT. Toutes les voyelles brèves sont
non-arrondies. La voyelle de TRAP peut varier entre /a/ et /æ/ (Wells, 1982). Mees et Collins
(1999) n’ont relevé que /a/.
En ce qui concerne le groupe lexical de BATH il peut y avoir les voyelles /a/ ou /a:/ mais la
distribution n’est apparemment pas très claire. Seuls certains mots tels que class, grass, ont la
voyelle longue alors que des mots comme chance et fast peuvent avoir l’une ou l’autre
(Wells, 1982). Mees et Collins (1999) ajoutent des précisions sur ce point. Elles expliquent
que certains mots appartenant au groupe lexical de BATH varient entre la voyelle de TRAP /a/
et celle de PALM /æː/. La première (/a/) est préférée devant une consonne nasale alors que la
dernière (/æː/) est utilisée devant des fricatives. Elles conviennent que la distribution n’est pas
38
Elles le transcrivent /jøː/iːə/ qui diffèrent de la transcription de Wells (1982) pour la région du Sud-est :
/jɜː/iːə/.
39
« Caerdydd » en gallois (Wells, 1982).
34
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
toujours claire et qu’un seul locuteur peut prononcer le même mot, avec les deux voyelles.
Pour Mees et Collins (1999), la voyelle de PALM (/æː/) est la plus caractéristique de cette
variété tout en étant la plus stigmatisée.
D’autres distinctions notables entres les deux systèmes de cette région se trouvent dans les
groupes lexicaux de NURSE qui sont transcrits : /ɜː/ (Wells, 1982) et /øː/ (Mees et Collins,
1999). La transcription de MOUTH est également différente pour les deux auteurs : /əu/ et /ʌu/
respectivement. Cependant, la réalisation vocalique de NURSE selon Mees et Collins (1999)
est assez proche de la voyelle française que nous trouvons dans les mots comme feu et nœud,
mais bien entendu, sans la durée. Est-ce que cet élément en facilitera la perception par rapport
au phonème /ɜː/ qui n’existe pas dans la langue française ? Dans tous les cas, nous avons vu
que Chevillet (1991) déconseille aux francophones d’adopter cette prononciation (/øː/), dans
la mesure où ils n’ont pas un accent gallois typique. Nous pourrons essayer de répondre à ces
questions une fois les mécanismes de traitement des langues étrangères analysés, ce que nous
nous proposons d’examiner dans le prochain chapitre.
Cardiff se différencie à nouveau par rapport à d’autres variétés du Pays de Galles, avec la
prononciation de certains mots du groupe lexical de CURE qui est /ʌː/ ou /jʌː/ lorsque ceux-ci
contiennent déjà le phonème /j/ comme dans pure et cure (Mees et Collins, 1999). Autrement,
la prononciation de CURE est /juːə/, ce qui est identique à celle décrite par Wells (1982), à
savoir /juːə/ pour la région du Sud-Est. Pour Mees et Collins (1999), la voyelle de FOOT est
non-arrondie et centralisée [ɤ̈]. Cette dernière peut également être entendue en RP
(Cruttenden et Gimson cité dans Foulkes et Docherty, 1999). Alors que selon Wells (1982) la
réalisation de FOOT est semblable à celle de l’Angleterre du Nord : /ʊ/. Cependant, les deux
auteurs confirment la scission FOOT-STRUT, ce dernier (STRUT) étant réalisé avec un schwa.
Comme toutes les autres variétés du Pays de Galles, celle de Cardiff est résistante au
phénomène du « Smoothing », ce qui correspond à la réduction des triphtongues en
diphtongues ou en monophtongues (Wells, 1982). Ainsi, les mots comme buying et tower sont
prononcés [ˈbəiɪn] et [ˈtʌuə]. Mees et Collins (1999) ajoutent qu’il peut arriver qu’un glide soit
inséré : [ˈbəiʲɪn], [ˈtʌuʷə]. En revanche, le mot our peut être réalisé [a:], mais cette
35
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
prononciation est également fréquente dans d’autres variétés, notamment en Angleterre du
Nord.
1.4.3.2. Les consonnes de Cardiff
Nous avons déjà évoqué le fait que l’influence de la langue galloise est assez limitée à
Cardiff. Nous avons vu que le coup de glotte est généralement peu entendu au Pays de Galles
et il n’apparaît pas en position finale (Mees et Collins, 1999). Ces auteurs expliquent que « In
basilectal Cardiff English, /p, t, k/ normally lack glottalisation in final position, although
more sophisticated speakers tend to adopt glottalisation along the lines of mainstream RP ».
Ce phénomène est très particulier et intéressant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le coup
de glotte reste un élément encore très stéréotypé en Grande-Bretagne et de façon générale
considéré comme « non-standard » (Sebba, 2007). Il est curieux de voir qu’un tel trait peut
bénéficier d’un tout autre statut au Pays de Galles. Il est possible de trouver un coup de glotte
devant un /l/ syllabique, mais ceci est systématique uniquement dans le mot little.
Selon Wells (1982), le /t/ intervocalique est souvent produit [ɾ]. Mees et Collins (1999)
s’accordent sur cette réalisation mais la transcrivent [t̬].
Cette variété n’est pas rhotique et /r/ est souvent [ɾ] lorsqu’il est intervocalique ou après /b/,
/v/ et /θ/ (Wells 1982). Selon Mees et Collins (1999), il peut y avoir élision du /r/ en position
intervocalique, par exemple dans very – [vɛ:i].
Nous avons vu qu’en général au Pays de Galles les occlusives /p/, /t/, /k/ sont fortement
aspirées en position initiale. À Cardiff, c’est également le cas mais dans une moindre mesure
par rapport aux autres variétés du pays.
La terminaison –ing est /ɪn/. Le phonème /j/ n’apparaît pas devant la voyelle /i:/, ainsi la
prononciation de yeast est [i:st] (Mees et Collins, 1999). Cette variété utilise le /l/ sombre et
clair de la même façon que la RP.
Nous avons vu qu’en ce qui concerne la parole continue, selon les travaux de Chevillet (1991)
sur le Sud du Pays de Galles, l’aspiration peut toucher les occlusives sonores. Par conséquent,
il peut être difficile de les distinguer des occlusives sourdes. Wells (1982) cite une étude de
Mees (1977) menée chez les enfants à Cardiff et dont les résultats montrent également ce
36
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
phénomène d’assimilation du trait lenis/fortis de certaines consonnes. Il n’existait donc plus
de distinction entre /p/ - /b/ ; /t/ - /d/ et /f/ - /v/ dans la parole continue. Cette recherche a
aussi montré que l’assimilation et l’élision étaient beaucoup plus fréquentes et variaient
davantage qu’en RP. L’assimilation touchait souvent /ð/, par exemple : in the était réalisé
[ɪnnə] et all that [ɔ:llat].40 Dans certains mots tels que wasn’t, doesn’t, Mees (1977) explique
que sous l’influence de la consonne nasale, /z/ était réalisé /d/, de cette facon wasn’t était
prononcé [wɑdn̩]. L’élision de /t/ était fréquente, notamment avant une pause (that’s right –
[ˈas ˈɹəɪ]), dans une position intervocalique (but I - [bə əi]) et dans les groupes consonantiques
finaux /ts/ et /nt/ (can’t handle – [kæ:n ˈandl̩]). L’élision de /ð/ initial dans les mots tels que
the, this, then était très fréquente.
Au vu des observations exposées concernant les sentiments d’appartenance et les attitudes
envers l’accent typiquement gallois dans la ville de Cardiff, nous pouvons d’ores et déjà
supposer que le groupe des locuteurs de Cardiff du corpus IViE n’a pas un accent typique du
Pays de Galles.
Par contre, nous avons vu, lors de la présentation des différents groupes de locuteurs du
corpus IViE, qu’il s’agissait de sujets bilingues ; par conséquent, cela peut également
influencer leur accent dans un sens ou dans un autre. Autrement dit, plusieurs facteurs sont à
prendre en considération dans l’analyse de ces locuteurs : i) la langue galloise peut avoir plus
d’influence sur la langue anglaise ce qui laisserait apparaître des traits typiquement gallois
lorsqu’ils parlent anglais, ou bien ii), il n’existe aucune interférence entre les deux langues et
aucun des accents montre de signes de ce bilinguisme. Il est possible que leur appartenance
s’exprime tout simplement par le fait qu’ils parlent la langue galloise et qu’ils n’ont
aucunement besoin de le montrer à travers leur accent anglais.
La situation de ce groupe de locuteurs est donc assez complexe. L’exemple du cas de Cardiff
nous amène à prendre conscience que l’accent des locuteurs du corpus peut ne pas être très
représentatif. Il sera donc envisageable d’examiner, au cours de notre étude, le degré de leur
accent (c’est ce que nous proposerons, dans le chapitre 4 de ce manuscrit, au travers d’une
analyse de chaque variété). Par la suite, au travers des expériences mises en place pour nos
40
Dans Foulkes et Docherty 1999, Mees donne la transcription de [ˈʌ:l lat] all that, contrairement à ce qui est
cité par Wells (1982) à propos de cette étude.
37
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
travaux, nous évaluerons la qualité typique (ou non) des accents du corpus IViE, ce qui n’a
jamais encore été réalisé.41
1.5. L’Angleterre du Nord
Wells (1982) sépare le Nord du Sud par une frontière naturelle qui est la rivière de Severn (à
l’ouest) et l’estuaire de Wash (à l’est). Cette frontière correspond également à la séparation
linguistique de FOOT et STRUT. Au Nord, la scission FOOT-STRUT n’a pas eu lieu, de ce fait
le système des voyelles courtes ne compte que cinq voyelles, contrairement au système du
Sud qui en contient six.
Wells (1982) traite en profondeur le système phonologique de seulement deux villes du Nord
de l’Angleterre, il le subdivise en trois parties qu’il commente de façon plus brève. Les trois
régions du Nord proposées par Wells sont : les « Midlands », qui constituent le centre du
pays, le « Middle North » qui est au milieu du Nord du pays, et le « Far North » qui est la
partie la plus haute de l’Angleterre, juste en dessous de l’Écosse.
Suivant cette logique, des villes telles que Birmingham, Wolverhampton, Stoke-on-Trent et
Derby font parties des Midlands. Un peu plus au Nord (Middle North), on trouve Manchester,
Huddersfield, Bradford jusqu’à inclure Leeds et Sheffield. La partie la plus au Nord du
territoire britannique (Far North) comprend le Tyneside qui se distingue du Tees-side.
Selon Wells (1982), d’un point de vue linguistique, l’Angleterre est divisée de façon égale
entre le Nord et le Sud. Autrement dit, approximativement la moitié de la population parle
avec un accent du Nord. Plus on monte dans le Nord de l’Angleterre, plus il est possible de
trouver la réalisation /ʊ/ dans le groupe lexicale STRUT (indépendamment de la classe sociale
des locuteurs). Cette prononciation sera considérée comme « parfaitement normale » pour une
personne de classe moyenne à Newcastle Upon Tyne (Wells, 1982).
1.5.1. Le Nord-Est
Le Middle North, à l’exception de quelques endroits qui gardent leur rhoticité englobe l’ouest
Yorkshire Urbaine (Bradford, Leeds, Wakefield et Huddersfield), l’agglomération de
41
Cf. chapitre 5 : les résultats des expériences.
38
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Manchester y compris Stockport, le Yorkshire du Sud (Sheffield et Barnsley), et l’ouest des
Midlands (Leicester et Nottingham).
Wells (1982) choisit la ville de Leeds pour illustrer le système phonétique de cette région et
les villes qu’elle comprend. Dans le corpus IViE, deux villes du Middle North sont présentes.
Il s’agit de Leeds et Bradford qui sont géographiquement très proches, contrairement à
d’autres villes données pour cette région comme Manchester. De ce fait, nous pouvons
imaginer qu’il existe peu de différences phonétiques entre Leeds et Bradford. Bien entendu,
dès que nous en rencontrerons dans la littérature nous en prendrons note. La différence
principale intra-locuteurs que l’on peut évoquer dans le corpus IViE concerne les locuteurs de
Bradford ; en effet, ces derniers sont des bilingues anglais-panjabi. Il est donc possible qu’ils
aient un accent panjabi assez fort qui pourrait même masquer en quelque sorte l’accent de
l’Angleterre du Nord (cf. la section 1.7 de ce chapitre).
Regardons à présent le système de Leeds puis commentons les différences observées pour la
ville de Bradford.
1.5.1.1. Le système vocalique de Leeds (Wells, 1982)42
KIT
ɪ
FLEECE
i:
NEAR
ɪə
DRESS
ɛ
FACE
e:
SQUARE
ɛ:
TRAP
a
PALM
a:/ɑ:
START
a:/ɑ:
LOT
ɒ
THOUGHT ɔ:
NORTH
ɔ:
STRUT
ʊ
GOAT
o:
FORCE
ɔ:.ɔə
FOOT
ʊ
GOOSE
u:
CURE
ʊə.ɔ:
BATH
a
PRICE
aɪ
happY
ɪ
CLOTH
ɒ
CHOICE
ɔɪ
lettER
ə
NURSE
ɜ:
MOUTH
aʊ
commA
ə
Pour KIT, DRESS, LOT/CLOTH et happY, Wells (1982) nous informe que les voyelles sont
généralement plus ouvertes qu’en anglais RP. FLEECE peut être réalisé avec une
42
Nous considérons que ce système peut également s’appliquer à la ville de Bradford.
39
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
monophtongue ou une diphtongue : /i:/ ou /ɪə/. Les mots de type meet/meat et grease/geese ne
sont pas toujours des homophones. Hughes et Trudgill (1979) signalent que les mots de type
FORCE/NORTH sont différenciés de la manière suivante : les mots contenant un /r/ sont
prononcés /ɔə/, mais en l’absence du /r/ ils seront prononcés /ɔ:/. Les mots comme paw et
pore ne sont alors pas homophones.
La voyelle de MOUTH peut être une diphtongue ou une monophtongue. NEAR peut varier
entre /ɪə/ et /i:ə/, SQUARE entre /ɛə/ et /ɛ:/. Les mots du groupe lexical de CURE sont
susceptibles de présenter les mêmes variations /ʊə/ et /ɔ:/qu’en RP. Néanmoins Chevillet
(1991) parle de monophtongaison des diphtongues chez les jeunes locuteurs.
Le système vocalique de cette région donné par Petyt (1985) est quasiment identique à celui
de Wells (1982), bien que ce dernier ajoute des diphtongues, notamment pour FACE /ɛɪ/ et
SQUARE /ɛə/. La diphtongue de PRICE est quant à elle réalisée [aɛ] (Hughes et Trudgill,
1979).
1.5.1.2 Les consonnes de Leeds et de Bradford
Wells (1982), Chevillet (1991), Hughes et Trudgill (1979) évoquent l’assimilation
caractéristique de la variété de l’ouest de Yorkshire. Une occlusive sourde dévoise les
consonnes sonores qui la précèdent immédiatement, que ce soit à l’intérieur d’un mot
composé ou à la frontière d’un mot. Par exemple : bed time devient /bɛttaɪm/et a big piece se
dit /ə/ /bɪk/ /pi:s/.43 De cette façon, les locuteurs de Bradford se disent de /bratfəd/. Trudgill
(1990) explique que le dévoisement est possible pour les consonnes /b/, /d/, /g/, /v/, /z/ et /j/
qui sont réalisées /p/, /t/, /k/, /f/, /s/ et /tʃ/.
Un autre phénomène fréquent est appelé « la conversion T > R » (Chevillet, 1991). Ceci
consiste à utiliser un /r/ à la place d’un /t/ devant une voyelle courte qui est précédée d’une
frontière plus une voyelle. Par exemple, au lieu de dire /gɛt ɒf/, on dirait /gɛr ɒf/. Chevillet
(1991), Hughes et Trugdill (1979) et Wells (1982) affirment que l’accent de l’ouest du
43
WELLS. J.C. (1982 : 3366-367). L’auteur donne le schéma : « obstruent → unvoiced/—# [unvoiced C] ».
40
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Yorkshire n’est pas rhotique et que le /r/ est réalisé [ɾ]. Selon Chevillet (1991), la terminaison
-ing est réalisée /ɪŋ/.
Dans le Nord, il n’y a pas vraiment de distinction nette entre le /l/ clair et sombre. Les
locuteurs utilisent plutôt un /l/ qui est entre les deux. Cependant, Wells (1982) prévient que
lorsqu’un /l/ apparaît, on peut avoir l’impression que le /l/ est clair ou sombre selon son
environnement. Par exemple, dans le mot silly, il semble tout de même être clair dans cette
variété mais dans feel, il paraît sombre. Britain (2007) le contredit et affirme que le /l/ est
sombre dans toutes les positions.
1.5.2. Bradford
Nous n’avons trouvé que quelques éléments supplémentaires sur cette ville. De ce fait, nous
considérons que cette ville a essentiellement les mêmes caractéristiques que Leeds. Nous
savons, par exemple qu’à Bradford de façon générale, la voyelle de GOAT est [ə:] ou [ø:]
(Britain, 2007).
Dans le corpus IViE, les locuteurs de Bradford sont des locuteurs bilingues anglo-panjabi.
Nous allons parler de cet accent dans la partie 1.7 ci-dessous.
Certaines villes en Angleterre sont très fortement associées à une population anglopakistanaise. En 1996, plus de 50% de la population de Bradford était d’origine pakistanaise
(Britain, 2007). Certains de nos participants anglais qui avaient passé nos expériences ont
évoqué le fait que Bradford était tellement stigmatisé par cette population pakistanaise que
cela lui avait valut le surnom de « Bradistan ». Un jeu de mot entre Bradford et le Pakistan.
Ce surnom est porteur de connotations fortes. Nous verrons le degré de l’accent panjabi chez
nos locuteurs dans la partie sur la méthodologie.
1.5.3. Liverpool
La ville de Liverpool a un système phonétique très différent des autres villes du Nord.44
Cependant, contrairement aux autres régions, Wells (1982) ne nous donne pas d’informations
complètes sur cette ville. Il ne consacre que quelques pages à Liverpool. Nous allons tout de
même établir le système phonétique de cette ville avec les éléments que nous avons pu
44
Notons que Wells (1982) n’inclut pas cette ville dans sa définition du Middle North.
41
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
recueillir. Toutefois, il manque certains détails que nous essayerons de combler avec des
éléments donnés par d’autres auteurs, notamment Watson (2007). Nous ajouterons les
voyelles qu’il donne en gras.
1.5.3.1. Le système vocalique de Liverpool (Wells, 1982 et Watson, 2007)
KIT
ɪ
FLEECE
ɪi/i:
i:
NEAR
iɛ
DRESS
ɛ
FACE
eɪ
SQUARE
ëː
TRAP
a
PALM
ɑ:/a:
a:
START
a:/ɑ:
ɑ:
LOT
ɒ
THOUGHT ɔ:
NORTH
ɔ:
STRUT
ʊ
GOAT
FORCE
ɔ:
FOOT
ʊ
GOOSE
u:/ʉ:/y
CURE
BATH
a
PRICE
aɪ
happY
i
CLOTH
ɒ
CHOICE
ɔɪ
lettER
-
NURSE
ëː
MOUTH
aʊ
commA
-
oʊ/ɔʊ/ëʊ/ɛʉ
ɛʉ
ɪuə/ɪwə/uɛ
Chevillet (1991) donne quelques traits qu’il qualifie de typiques pour cette variété. Il s’agit de
la réalisation de la voyelle dans STRUT comme [ɤ] et le groupe lexical FOOT qui peut être
réalisé /u:/ pour les mots finissant en –ook (look, cook, book). Selon Watson (2007), STRUT et
FOOT sont réalisés de la même manière que dans le reste du Nord du pays ([ʊ]). Cependant, il
convient sur la prononciation des mots qui finissent en –ook, mais signale que cette
prononciation devient moins fréquente. Bien entendu, comme dans toutes les variétés qui
n’ont pas la distinction STRUT-FOOT, la variation sociale peut induire la réalisation de /ə/
pour le groupe STRUT, notamment par la classe moyenne.
Le groupe lexical de BATH est bien réalisé [a] mais la voyelle dans START et PALM est soit
[a:] soit [ɑ:]. À Liverpool, la convergence phonémique existe pour les deux groupes lexicaux
NURSE et SQUARE, leurs voyelles peuvent varier entre [e:], [ɛ:] ou [ɪ:] (Watson, 2007).
42
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Watson45 admet que cette prononciation est encore la norme à Liverpool mais il existe
certaines personnes pour qui NURSE et SQUARE ne sont pas les homophones. Il cite une
étude de Knowles (1973) qui a montré que la classe moyenne peut avoir une prononciation
qui s’approche davantage de l’accent RP en utilisant [ɜ:] dans NURSE et [ɛ:] dans SQUARE
(Watson, 2007).
Selon Chevillet (1991), la fin des mots en –y est réalisée /i:/. Il explique que ce trait n’apparaît
pas dans d’autres variétés du Nord à l’exception de Newcastle. Il est possible que cela ne soit
plus le cas puisque désormais il existe davantage de variétés qui ont soit /i/ soit /i:/ dans cette
position. Cependant, ce sont les seules informations que nous avons trouvées concernant la
réalisation du groupe lexical happY.
Contrairement à d’autres villes du Nord, les groupes lexicaux FACE et GOAT sont réalisés
avec des diphtongues. Certains locuteurs peuvent garder la monophtongue [a:] dans PRICE.
1.5.3.2. Les consonnes de Liverpool
Un trait caractéristique de l’anglais de Liverpool est l’affrication des occlusives /p/,46 /t/, /k/
initiale et leur remplacement par des allophones fricatifs [ɸ], [s],47 [x] en position finale. Ce
qui donne la prononciation [kˣan] pour can. La série ripe, right et rake est réalisée [raɪɸ],
[raɪs] et [reɪx] (Chevillet, 1991). Ce phénomène est connu sous le nom de « lenition »
(Watson, 2007).48 À la différence de Chevillet, Watson (2007) a trouvé que /s/ pouvait être
réalisé soit par une affriquée soit par une fricative. Après [i:], [ei] et [ai] /k/ peut être
prononcé [ç] : week [wi:ç], like [laiç], mais [x] ou [χ] après une voyelle ouverte ou
postérieure : back [bax], dock [dɒχ].
De la même manière que dans d’autres variétés du Nord, le /t/ intervocalique peut être réalisé
/r/. Par contre, ce n’est qu’à Liverpool qu’un /t/ peut également être réalisé comme /h/ en fin
45
46
Communication personnelle.
La réalisation de /p/ comme [ɸ] est désormais assez rare (Watson, 2007).
47
Wells (1982) donne la transcription [t̨], ce qui représente une /t/ fricative qui est distincte de [s].
« Lenition is a term frequently used to group together a series of phonological weakenings which turn
underlying plosives into affricates and fricatives » (Watson, 2007).
48
43
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
de mot. Par exemple, what [wɒh] et market [ma:xɪh] (Watson, 2007). En ce qui concerne le
coup de glotte, il est très rare à Liverpool, mais peut apparaître parfois devant une consonne
syllabique (Watson, 2007). De façon générale, /r/ est un battement apico-alvéolaire [ɾ], qui est
particulièrement fréquent après /θ/ et à la position intervocalique (Chevillet, 1991). Selon
Watson, /r/ est typiquement [ɹ] comme dans beaucoup d’autres variétés et [ɾ] est plus commun
dans la position intervocalique mais jamais en position initiale. À Liverpool les locuteurs de
la classe moyenne évitent d’utiliser [ɾ] (Watson, 2007).
Les consonnes /θ/ et /ð/ peuvent être remplacées par [t̪] et [d̪] dans toutes les positions, mais
les deux réalisations existent (Watson, 2007). Ce trait est le résultat de l’immigration
irlandaise (surtout de Dublin). Knowles l’a trouvé uniquement chez la classe ouvrière
catholique (Knowles, 1974, cité dans Wells, 1982).
Selon Wells (1982) la fin de mot –ing est réalisée /ɪn/ lorsqu’il s’agit d’un suffixe
(swimming), mais /ɪŋg/ dans les mots tels que finger et thing. Cette différenciation n’existe
peut être plus car Watson (2007) parle de /ŋg/ ou /ən/ dans tous les positions, par exemple
along [əlɒŋg], singing [sɪŋgɪŋg], making /meɪkən/.
1.5.4. L’Extrême Nord
Pour la région de Tyneside, Wells (1982) donne comme ville de référence Newcastle Upon
Tyne, mais il n’établit pas le système phonétique complet. L’accent de Newcastle est aussi
connu pour être distinct dans sa région. Les informations que nous donne Wells sont les
seules plus au moins complètes concernant le Far North dans son oeuvre. D’autres précisions
sont très vaguement mentionnées (par exemple, l’auteur nous dit que dans le County Durham,
.q. est .Q. et est connu sous le nom de Northumbrian Burr). Nous avons donc procédé de la
même manière que pour Liverpool en nous appuyons sur d’autres sources, notamment celles
données par Watt et Milroy (1999) pour le système ci-dessous.49 Watt et Milroy (1999) citent
49
Il s’agit des groupes lexicaux : KIT, DRESS, LOT, FORCE.
44
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
des exemples plus récents que Wells (1982) et lorsqu’ils diffèrent de ce dernier, ou que Wells
n’en donne pas, nous les mettons en gras.
Ils ont ajouté le groupe lexical horSES qui représente la prononciation des mots qui se
terminent par –ed ou –es.
1.5.4.1. Le système vocalique de Newcastle (Wells, 1982 et Watt et Milroy, 1999)
KIT
ɪ
FLEECE
i:
NEAR
iɑ
DRESS
ɛ
FACE
e:/ɛ:
ɛ:
SQUARE
ɛː
TRAP
a/a: /ɑ:
ɑ:
PALM
ɑ:
START
ɑ:
LOT
ɒ
THOUGHT ɔː/a:
NORTH
ɔ:
STRUT
ʊ
GOAT
o:/ɵ:/oʊ/
FORCE
ɔː/ɑ:
FOOT
ʊ
GOOSE
u:
CURE
uɑ
BATH
a/a:/ɑ:
ɑ:
PRICE
ɛi/aɪ
happY
i:
CLOTH
ɒ
CHOICE
ɔɪ
lettER
ɑ/ɛ
NURSE
ø:/ɔː
MOUTH
aʊ/ɛʊ/uː
commA
ɑ/ɛ
horSES
ə
Dans un accent très fort de Newcastle, qui est connu sous le nom du « Geordie », NURSE et
NORTH ont la même voyelle /ɔː/, ainsi shirt et short sont des homophones (Chevillet, 1991).
Cependant, cette prononciation est devenue plutôt rare pour NURSE ; [ɜ:] est désormais plus
fréquent et [ø:] apparaît de plus en plus, surtout chez les femmes (Watt et Milroy, 1999).
Les mots du groupe lexical de THOUGHT qui s’écrivent avec un –a peuvent être réalisés [a:].
Les groupes lexicaux TRAP et BATH peuvent également avoir [a:] devant une consonne ou un
groupe consonantique sonore finale ; par exemple le mot band est prononcé /ba:nd/ mais
laugh est réalisé avec [a] (Wells 1982). Beal (2004) contredit Wells (1982) en expliquant que
ce dernier est désormais peu commun et la voyelle de BATH est plutôt [ɑ:]. STRUT et FOOT
peuvent être réalisés avec un schwa chez la classe moyenne, surtout chez les femmes (Watt et
45
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Milroy, 1999). La réalisation de STRUT avec un schwa peu exister dans beaucoup de variétés
chez la classe moyenne. C’est ce que Wells (1982) appelle « NEAR-RP ». Cependant,
l’utilisation d’un schwa dans le groupe lexical de FOOT est plutôt rare.
FACE et GOAT peuvent avoir soit une monophtongue soit une diphtongue.
FACE peut varier entre [e:], [eə] ou [ɪɐ] (Wells, 1982). Mais selon Watt et Milroy (1999), les
prononciations prédominantes de FACE sont [e:] ou [ɛ:]. La prononciation traditionnelle de
FACE ([ɪə]) est encore utilisée, mais seulement par des locuteurs âgés (Watson, 2007). La
diphtongue [eɪ], qui est une réalisation plutôt associée avec les Midlands, peut être utilisée par
des femmes de la classe moyenne à Newcastle (Watt et Milroy, 1999).
Selon Watt et Milroy (1999), les prononciations dominantes de GOAT sont [o:] ou [ʊə] chez
la classe ouvrière. En ce qui concerne la classe moyenne, ils notent [ɵ:] pour les locuteurs
(hommes) et [oʊ] parmi les locutrices (femmes).
La voyelle de FLEECE peut avoir [ei] comme variante en position finale (Wells, 1982). Selon
Watt et Milroy (1999) FLEECE varie entre [i:], [ei] et [ɪi].
MOUTH a gardé la voyelle traditionnelle /u:/, mais ceci ne concerne que les locuteurs de la
classe ouvrière (Chevillet, 1991). En ce qui concerne PRICE, Watt et Milroy (1999) donnent
deux variantes et expliquent qu’il s’agit de [ɛi] devant les occlusives sourdes et les fricatives,
et de [ai] dans tous les autres environnements.
La réalisation typique de CURE est [jʊɐ] qui reflète davantage l’accent typique de Newcastle,
mais [jʊə] existe également (Watt et Milroy, 1999). En ce qui concerne ce groupe lexical, il
est intéressant de noter que la plupart de variétés ont adoptées la voyelle /ɔ:/. Il faut souligner
que malgré cette évolution, /ʊə/ continue à être enseigné aux non-natifs pour la réalisation de
CURE. Néanmoins, Newcastle ne montre aucun changement envers la monophtongue.
Autre prononciation surprenante est la voyelle finale /ɑ/ des groupes lexicaux de lettER et
commA, ce qui donne la réalisation [ˈklɛvɑ] du mot clever. Watt et Milroy (1999) associent [ɐ]
avec la classe ouvrière alors que [ə] est plus commun dans la classe moyenne. Ces traits
46
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
donnent vraiment un accent très typique qui est difficilement méconnaissable par rapport aux
autres accents.
La voyelle de happY est très longue et souvent plus longue que la voyelle accentuée qui la
précède, de cette façon elle ressemble plus à la voyelle de FLEECE (Watt et Milroy, 1999).
Wells cite les travaux de McNeany (1971) lorsqu’il parle de mots qui sont souvent réduits
dans la parole continue. McNeany a trouvé que at, of, as, can et us avaient la voyelle [ɪ] et
que des mots tels que from, but, could et that n’avaient pas de formes faibles.
1.5.4.2. Les consonnes de Newcastle
Newcastle est connu comme étant la seule grande ville du Nord où le /h/ initial est toujours
prononcé (Wells 1982, Watt et Milroy, 1999). Dans cette variété, /l/ est clair dans tous les
environnements. Une des caractéristiques principales de cette variété est la glottalisation de
/p/, /t/, /k/ à la fin d’une syllabe et parfois au début d’une syllabe avant une voyelle faible. De
cette manière un coup de glotte peut remplacer une occlusive ou bien il peut avoir une
combinaison des deux : [ˈkʊpʔəl] – couple, [ˈpɪtʔi] – pity (Wells, 1982). Pour Watt et Milroy
(1999), /p/ et /k/ sont renforcés par un coup de glotte et ceci seulement lorsqu’ils se trouvent
entre deux sonnantes. Cela se produit beaucoup plus pour /p/ que pour /k/. Pour le cas du /t/
intervocalique Watt et Milroy (1999) ont relevé au moins cinq possibilités : [ɹ], [t ̬], [t], [ʔ] et
[t͡ʔ], bien que le /r/ remplace /t/ de moins en moins. Par contre, dans une autre étude plus
récente il est noté que /t/ est presque exclusivement [ʔ] devant un /l/ syllabique (Watt et Allen,
2003). En ce qui concerne [t͡ʔ] et [ʔ͡͡t] le relâchement de l’occlusive est masqué par le
mouvement glottal. Les consonnes /b/, /d/ et /g/ ne sont pas complètement voisées dans cette
variété (Watt et Allen, 2003). Ces auteurs ont également trouvé certains phénomènes de
nivellement d’accent dans cette variété. Ils donnent des exemples du TH-fronting et du /r/ qui
est réalisé [ʋ]. Le /r/ étant normalement énoncé [ɹ] ou bien [ɾ] dans une position
intervocalique (Watt et Allen, 2003). Ce type de changement lié au nivellement des accents
sont en train de se répandre à travers le pays. En revanche, il n’est pas indiqué à quel moment
ces traits peuvent être considérés comme faisant intégralement partie d’un accent.
47
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.6. L’Irlande
L’histoire de la langue anglaise en Irlande est assez complexe, ce qui entraîne des attitudes
diverses de la part de la population. Bien que la constitution de l’Irlande stipule que la langue
irlandaise est la langue nationale et officielle, la langue anglaise détient une place importante.
Cependant, nous allons limiter la discussion sur le plan historique pour parler essentiellement
des systèmes vocaliques et consonantiques qui existent actuellement en Irlande.
Dans le corpus IViE, les locuteurs viennent de l’Irlande du Nord (Belfast) et du Sud50
(Malahide).51 Nous allons donc commenter ces deux capitales.
L’Irlande du Nord et du Sud ne sont pas seulement divisées politiquement mais également
linguistiquement. Wells (1982) explique même que les différences phonologiques existent
entre les protestants et catholiques. Ces différences ont plusieurs causes, notamment
historiques. Par exemple, à cause des immigrations écossaises et anglaises l’accent de
l’Irlande du Nord a aujourd’hui encore énormément de ressemblances avec le système
vocalique écossais, avec l’accent du Nord de l’Angleterre, celui de l’ouest des Midlands
(Angleterre) ainsi qu’avec le Pays de Galles.
L’anglais parlé au Sud est connu sous le nom d’Anglo-Irish. Il y a des ressemblances avec
l’anglais de Bristol et de Sud-ouest de l’Angleterre (Chevillet, 1991). La langue irlandaise a
également eu énormément d’influences sur cet accent.52
Nous donnerons plus de détails sur l’Irlande du Nord dans la section ci-dessous. Nous allons
tout d’abord parler de l’Irlande du Sud ainsi que la ville de Dublin.
1.6.1. L’Irlande du Sud : Dublin et Malahide
L’anglais est parlé en Irlande du Sud depuis la fin du douzième siècle. Cependant, la langue
irlandaise a une influence sur la prononciation de l’anglais même chez les personnes qui n’en
connaissent que très peu (Wells, 1982). La forme d’anglais le plus prestigieux n’est pas
l’accent de la RP mais celui de Dublin (Trudgill, 1990). Cette idée est réitérée par Hickey
(1999) qui explique que la RP est mal acceptée et surtout représente tout ce qui n’est pas
50
Nous allons utiliser le terme « Irlande du Sud », pour bien faire l’opposition entre le Nord et le Sud, bien que
les termes comme la République d’Irlande ou Eire sont plus corrects.
51
Il s’agit d’une ville de la banlieue de Dublin.
52
Cf. Annexe 1 : un plan détaillé d’Irlande afin de mieux comprendre les aires linguistiques en Irlande du Sud et
surtout du Nord. Nous pouvons y voir les influences historiques des différents immigrations et invasions du
pays.
48
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
irlandais. Un sentiment qui évoque toutes les difficultés qui ont existé entre l’Angleterre et
l’Irlande.
Contrairement à ce que nous avons vu pour le Pays de Galles, l’attitude négative envers la RP
ne fait que préserver le prestige de l’accent de Dublin. Cela crée une toute autre ambiance à
l’égard des locuteurs du corpus d’IViE et pourrait avoir un effet sur la qualité typique de leur
accent.
Les locuteurs d’IViE viennent précisément de Malahide, une ville balnéaire située dans le
comté de Dublin, approximativement à seize kilomètres de la ville de Dublin. De ce fait, nous
supposons qu’il n’y a pas de différences majeures d’accent. Il est possible que Malahide fut
choisie pour les enregistrements d’IViE parce qu’elle est considérée comme une ville de la
classe moyenne.53 Il n’existe aucune littérature spécifique sur Malahide.
Contrairement à ce que nous avons fait pour les autres villes dans ce chapitre, nous n’incluons
pas le système vocalique de Wells (1982)54 pour l’Irlande du Sud. Bien qu’il n’y ait que
quelques différences entre le système de Wells et celui de Hickey (voir ci-dessous), ce dernier
est beaucoup plus complet. Hickey (1999) explique que le système donné par Wells (1982) a
besoin d’être mis à jour et propose d’autres systèmes vocaliques avec surtout des groupes
lexicaux en plus. De cette façon, vu la complexité du système de Hickey (1999) nous allons
nous concentrer seulement sur celui-ci.
Hickey (1999) distingue d’abord deux types d’accents à Dublin : « local » et « non local ».
L’accent « local » (L) est le plus populaire et celui qui représente les personnes qui souhaitent
s’identifier à la culture dublinoise.
Le contraire de cette forme est l’accent « non-local », celui-ci concerne des personnes qui
désirent moins être identifiées à la ville. Ce dernier est ensuite divisé en deux autres
catégories ; un accent qui est appelé « mainstream » (M)55 qui est l’accent courant de Dublin
et un accent plus minoritaire mais néanmoins important qui est appelé « fashionable » (F).
Hickey (1999) associe plusieurs populations différentes à l’accent qu’il appelle
« fashionable » (F). Tout d’abord, il s’agit de la variété de la classe moyenne, les femmes en
particulier. Cet accent est ensuite identifié comme étant celui du quartier le plus prestigieux de
53
Nous rappelons que c’était plutôt la classe moyenne qui était ciblée dans le corpus IViE.
Cf. annexe 2 pour voir le système vocalique de Wells (1982).
55
Il est intéressant de noter que Hickey (1999) classe l’accent courant (mainstream) dans la catégorie ‘non
local’, ce qui est très bizarre. Ceci pourrait signifier que la plupart des Dublinois ne souhaitent pas être associés
avec l’accent local (plus stéréotypé).
54
49
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Dublin. Il s’agit du quartier Dublin 4, qui se trouve dans le Sud de la ville et il est maintenant
devenu le nom d’un même accent, qui est très reconnu parmi les Irlandais du Sud.56
Puis, un autre groupe qui peut avoir cet accent (F) est constitué de personnes qui ne veulent
pas être associées avec l’accent local puisqu’elles le considèrent comme peu prestigieux.
Dernièrement, Hickey (1999) a expliqué que ceux qui ont cet accent sont souvent considérés
comme des précurseurs en matière de changements linguistiques.
La situation à Dublin paraît donc assez complexe. D’un côté, il y a des personnes qui ne
souhaitent pas être associées à l’accent dublinois puisqu’il est considéré peu prestigieux, puis
ceux qui n’apprécient pas l’accent RP et cherchent à se désengager de tout ce qui pourrait être
associé à l’Angleterre. Pour l’instant, donc, il est n’est guère possible de prédire quel genre
d’accent auront les locuteurs d’IViE. Ce que nous pouvons dire est qu’étant donné qu’ils sont
a priori issus de la classe moyenne, il est possible qu’ils s’approchent plus de l’accent
« fashionable ». Cependant, au vu de l’histoire de cette région et d’autres facteurs comme des
sentiments d’appartenance potentiels, cela reste pour l’instant assez incertain.
Par défaut, et pour plus de lisibilité, nous avons choisi de ne pas traduire « fashionable ». Ce
terme pourrait être remplacé par le terme plus controversé d’accent « éduqué » ou « instruit »
souvent utilisé par Trudgill (1990), Wells (1982) et Chevillet (1991). Cependant, nous ne
voulons pas insinuer un sens qui n’a pas été voulu par l’auteur.
1.6.1.2. Le système vocalique des trois catégories d’accents de Dublin (Local, Mainstream,
Fashionable) selon Hickey (1999)
Mot clé
L
M
F
Mot clé
L
M
F
KIT
ɪ
ɪ
ɪ
FLEECE
ijə
i:
i:
DRESS
ɛ
ɛ
ɛ
MEAT
i:
i:
i:
NEAR
TRAP
æ
æ
æ
FACE
ɛ:
e:
e:
LOT
a
ɒ
ɔ
PALM
æ:
a:
STRUT
ʊ
ʌ
ʌ
THOUGHT
a:
FOOT
ʊ
ʊ
ʊ
GOAT
ʌo
56
Mot clé
L
M
F
æu
æu
ɪ
iə
iə
SQUARE
ɛɐ
eə
ə:
a:
START
æ:
ɑ:
ɑ:
ɒ:
ɔ:
NORTH
a:
ɒ:
o:
oʊ
ʊə
FORCE
ʌo
o:
o:
MOUTH ɛwə
« The D4 accent refers to the place where it originated in Dublin (postal code 4), it has become the new
accent for young Irish people, especially females, and hence is found around the rest of Dublin and the country
in general » Communiqué personnel de R. Hickey.
50
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
BATH
æ:
a:
a:
GOOSE
uwə
u:
u:
CURE
jʊa
juə
juə
DANCE
æ:
a:
a:
PRICE
əjə
aɪ
aɪ
happY
i
i
i
NURSE
ʊ:
ə:
ə:
PRIZE
əjə
aɪ
ɑɪ
lettER
ɐ
ə
ə
GIRL
ɛ:
ə:
ə:
CHOICE
aɪ
ɒɪ
ɔɪ
horSES
ə
ə
ə
commA
ə
ə
ə
Les groupes lexicaux suivants ont été ajoutés à ceux de Wells (1982) : celui de MEAT est
utilisés pour les réflexes57 du moyen anglais /ɛ:/ ; GIRL pour la différence entre des mots du
type NURSE mais qui ont une voyelle brève antérieure devant un /r/ et DANCE est nécessaire
pour des mots qui se réalisent /a:nC#/. Les mots du dernier groupe se prononcent /ɑ:/ en RP
mais [a:] à Dublin. PRIZE a la diphtongue /ai/ devant une consonne sonore, contrairement au
mot lexical PRICE. Selon Hickey (1999) ce dernier est réalisé /əɪ/, alors que pour Wells
(1982) PRICE est normalement réalisé /aɪ/ mais peut avoir la variante [ɑɪ] dans un langage
éduqué. Le groupe lexical de CHOICE peut avoir une diphtongue qui s’approche davantage de
celui de PRICE dans l’accent local, alors que l’accent « fashionable » de Dublin a [ɔɪ] dans
CHOICE (Hickey, 1999). Les voyelles que Wells (1982) écrit /ɒ/ et /ɔ:/ sont plutôt non-
arrondies ([ɑ] et [ɑ:]) respectivement.
FACE et SQUARE sont des monophtongues dans cette variété. Les habitants instruits de
Dublin peuvent avoir la voyelle [æ] dans le groupe lexical de TRAP et des mots tels que any
(Chevillet, 1991), sinon ils sont réalisés [a]. Pour STRUT et NURSE la voyelle est plutôt
arrondie en [ö] et ressemble ainsi au « peu » français (Chevillet, 1991). Wells (1982)
distingue entre l’accent de Dublin typique et l’accent de Dublin « smart ».58 Le premier a /e:r/
dans SQUARE et /ʌr/ ([ɜ˞:]) ou /ʊr/ dans NURSE. Le deuxième type d’accent a /ʌr/ ([ɜ˞:]) dans
les deux groupes lexicaux et dans ce cas, hair et her sont des homophones. Selon Hickey
57
A reflex is a speech element derived from a corresponding form in an earlier state of the language, for
example « sorrow » is a reflex of Middle English « sorwe ». Définition du dictionnaire de Collins.
58
Ne sachant pas la signification souhaitée par cet auteur nous ne le traduisons pas. Toutefois, nous supposons
que cela veut dire sophistiqué, ou éduqué comme Wells appelle souvent certains types d’accents.
51
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
(1999), les choses sont légèrement différentes. Si nous revenons au groupe lexical de NURSE,
l’accent local distingue NURSE [nʊ:(ɹ)s] qui a une voyelle postérieure et GIRL [gɛ:(ɹ)l] qui a
une voyelle antérieure devant /r/. Ces réalisations sont très typiques de l’accent local. Afin de
garder une certaine distance avec ce genre d’accent qui peut être considéré comme stéréotypé,
il y a eu un changement dans l’accent « fashionable » qui utilise la voyelle de SQUARE dans
les groupes lexicaux de NURSE et GIRL. De cette façon, les mots pair et purr sont des
homophones [pə:ɻ].
Bien que Wells (1982) parle de ce trait caractéristique dès 1982, Hickey (1999) le présente
plus comme un changement récent.
Il peut arriver que /ʌ/ et /ʊ/ ne soient pas distincts dans un accent fort, mais /ʌ/ existe dans un
langage plus sophistiqué (Hughes et Trudgill, 1979). Par contre, Wells (1982) affirme que
cette opposition existe bien à Dublin sauf devant /l/ où il y a toujours /ʊ/, ainsi dull et pull ont
des voyelles homophones. La distribution des voyelles de STRUT et FOOT est assez différente
comparée à l’accent RP. STRUT a plusieurs variantes et peut être réalisé [ɔ̈] [ɵ], [ɤ] ou [ə]
(Wells, 1982).
Le phonème /ɒ/ est plutôt [ɑ]. Pour un Dublinois, stop est prononcé [stɑp] (Chevillet, 1991).
La voyelle /ɔ:/ est réalisée [ɑ:]. Certains mots du groupe lexical CLOTH tels que was et lost
peuvent avoir /ɔ:/ au lieu de /ɒ/ (Wells, 1982). L’accent de Dublin se distingue par le fait
d’avoir des diphtongues dans GOAT [ɛɪ] et FACE [ou] sauf devant un /r/ où ils vont avoir /e:/
et /o:/.
1.6.1.3. Les consonnes de Dublin et de Malahide
À Dublin back est réalisé /bax/ comme à Liverpool (Wells, 1982). Par contre, Hickey (1999)
ne fait aucune allusion à ce trait. /θ/ et /ð/ peuvent être réalisés [t̪] et [d̪] ou /t/ et /d/. Le
substrat celtique est responsable de ce trait qui est caractéristique de l’accent irlandais type en
Irlande du Sud seulement. Ce trait est utilisé par tous les locuteurs à Dublin (Hickey, 1999).
Toutefois, Wells (1982) explique que seuls ceux qui ont un langage assez sophistiqué, qui
sont de la classe moyenne ou utilisent expressivement de la parole soignée, prononcent /θ/ et
52
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
/ð/ en tant que tels. Ce qui rappelle à nouveau le besoin de certains locuteurs de Dublin de se
différencier d’un accent typique qu’ils doivent considérer peu prestigieux. Les occlusives
dentales apparaissent toujours devant un /r/, faisant de true et through des homophones. Les
autres allophones de /t/ utilisés à Dublin sont [ʔ] et [t̬], ce dernier apparaît surtout dans une
position intervocalique. Dans les séquences /nt/, /lt/, /nd/ ou /nd/, /t/ et /d/ sont soit enlevés,
soit réalisés comme un coup de glotte, par exemple : [pəwən(ʔ)] – pound (Hickey, 1999). /t/
est énoncé /ɾ/, mais seulement en fin de mot et lorsque le mot suivant commence avec une
voyelle, par exemple : what I mean peut être réalisé [hwɑɾ ɑɪ mi:n] (Wells, 1982).
Il existe un phénomène de palatalisation consonantique qui touche tous les milieux sociaux où
/t/ et /j/ sont prononcés /tʃ/ et /d/ et /j/ est /dʒ/ dans des syllabes accentuées. De cette façon, les
mots dew, due et Jew sont tous dits /dʒu:/ et tune est réalisé /tʃu:n/ contrairement à l’accent
RP (/dju:/ et /tju:n/). Il est également possible d’entendre /tu:n/ sans /j/ dans les syllabes
accentuées et non-accentuées. Bien que /l/ soit normalement clair, le /l/ sombre apparaît de
plus en plus (Wells, 1982). Hickey n’a pas trouvé de /l/ sombre à Dublin. Le /h/ initial n’est
jamais omis dans cette variété (Hickey, 1999). Alors que l’accent de l’Irlande du Sud est
globalement rhotique et /r/ est réalisé [ɹ] avant une voyelle accentuée et [ɻ] dans toutes les
autres positions (Wells, 1982). L’accent local de Dublin ne l’est pas forcément. Lorsqu’il est
rhotique, il ne s’agit que d’un [ɹ] faible en position finale. Par contre, l’accent de la classe
moyenne est rhotique (Wells, 1982, Hickey, 1999) et le /r/ est rétroflexe [ɻ] en position finale.
Dans la mesure où nous avons vu que la classe moyenne a plutôt tendance à s’approcher
d’une prononciation semblable à celle de la RP, le fait que leur parler est rhotique est
surprenant. Hickey (1999) fait l’hypothèse qu’il s’agit, encore une fois, d’une façon de se
distinguer de l’accent local. Un accent rhotique est un signe d’appartenance à l’accent
prestigieux de Dublin.
1.6.2. L’Irlande du Nord : Belfast
Nous avons vu que l’Irlande du Nord a beaucoup d’influences extérieures. Sous la grande
influence de l’anglais et parce que l’Ulster se trouve coupé de Dublin (et ses alentours
53
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
linguistiquement dominés par le gaélique irlandais) les différences se sont installées entre le
Nord et le Sud.
Elle peut être divisée en trois aires linguistiques.59 Ulster Scots, qui a des origines écossaises
du fait de l’immigration des Écossais au dix-septième siècle, Mid-Ulster English, qui contient
des traits de l’Angleterre du Nord avec l’immigration des Anglais à la même époque, et South
Ulster English qui consiste en une mélange de variétés du Nord et du Sud de l’Irlande.60
McCafferty (1999) souligne qu’il est assez difficile de préciser clairement où une aire
commence et les autres s’arrêtent mais il insiste sur le fait que c’est la Mid-Ulster English qui
est la variété la plus répandue. La ville de Belfast est normalement associée avec Mid-Ulster
English, mais nous verrons que les points de vue divergent sur ce sujet.
1.6.2.1. Le système vocalique d’Irlande du Nord : Belfast (Wells, 1982)
KIT
ɪ
FLEECE
i
NEAR
ir
DRESS
ɛ
FACE
e
SQUARE
ɛr
TRAP
a
PALM
a
START
ar
LOT
ɒ
THOUGHT ɔ
NORTH
ɔr
STRUT
ʌ
GOAT
o
FORCE
or
FOOT
u
GOOSE
u
CURE
ur
BATH
a
PRICE
aɪ
happY
e/ɪ
CLOTH
ɔ
CHOICE
ɔɪ
lettER
ər [ɚ]
NURSE
ʌr
MOUTH
aʊ
commA
ə
En tout premier lieu, nous remarquons qu’il n’y a aucun diacritique dans ce système indiquant
la durée des voyelles. Wells (1982) explique que la différence majeure entre l’anglais parlé au
Nord et au Sud d’Irlande réside dans la convergence entre les groupes lexicaux de GOOSE et
59
Cf. Annexe 1 : un plan détaillé d’Irlande afin de mieux comprendre les aires linguistiques en Irlande du Sud et
surtout du Nord.
60
Cf. McCafferty (1999) pour les explications historiques et linguistiques de l’Irlande du Nord.
54
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
FOOT (/u/). De cette manière, nous retrouvons des similitudes avec l’anglais de l’Écosse,
notamment dans l’absence de durée de certaines voyelles. Ceci trouve ces origines dans la loi
d’Aitken ou « Scottish Vowel Length Rule »61 (cité dans Wells, 1982). Cette règle explique
qu’il n’y a jamais d’opposition entre une voyelle brève et longue. Il peut y avoir de la
longueur seulement en fonction de l’environnement phonétique mais ce n’est jamais intégré
dans le système comme cela est le cas en RP. Il y a trois cas possibles où la longueur existe.
Premièrement, en position finale, avant les fricatives sonores (/v/, /ð/ et /z/) et avant un /r/.62
La loi d’Aitken s’applique à des niveaux différents selon la région de l’Irlande du Nord
(McCafferty, 1999). D’autres convergences comprennent les groupes TRAP et PALM (/a/)
ainsi que TRAP et BATH (/a/) et LOT et THOUGHT (/ɔ/) (Wells, 1982). Ce genre de
convergence, en plus d’autres réalisations brèves de certaines voyelles, apportent des
prononciations très différentes à d’autres variétés d’anglais, notamment des homophones
comme ant – aunt [ant] qui rappellent plutôt un accent américain qu’anglais. Parfois, il existe
même le contraire des prononciations de la RP, par exemple : la forme pleine du mot can est
[ka:n] alors que can’t contient une voyelle brève [kant] (Wells, 1982).
Pour STRUT et NURSE (absence de /ɜ:/) la voyelle est plutôt arrondie en [ö] et ressemble ainsi
au « peu » français (Chevillet, 1991). Le phonème /ɒ/ est parfois absent en raison de la
convergence /ɒ/ - /ɔ/.
Nous avons vu que l’anglais de l’Irlande du Nord avait deux sources d’influences principales ;
l’Écosse et l’Angleterre du Nord. Belfast a ces mêmes sources d’influences mais il y a
également des traits qui lui sont propres. Bien que McCafferty (1999) place l’anglais de
Belfast comme étant une variété de l’anglais du Mid Ulster, il indique que ce dernier est en
fait un « dialecte mélangé » avec un système du SVLR modifié. En revanche, Hickey63 pense
clairement que l’anglais de Belfast est un mélange de la variété d’Ulster Scots et du Mid
Ulster.
McCafferty (1999) cite des exemples donnés par Harris (1985) de trois groupes lexicaux qu’il
représente sous forme d’un tableau avec les mots qui ont une voyelle brève et longue.
61
Désormais SVLR.
Cf. Wells (1982) et Chevillet (1991) pour une explication plus complète.
63
Communication personnelle de Professer Hickey.
62
55
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Table 1.6.2.1. Trois groupes lexicaux de l’accent du Mid Ulster en fonction de leur longueur
(Harris, 1985, cité dans McCafferty, 1999)
Voyelle
Mid Ulster
Longue
Brève
/i/ (FLEECE)
See, breeze, fear, Fiat, died
Keen, seed, geese, feet, feel
/e/ (FACE)
Day, daze, rain, fade
face, fate
/ɛ/ (DRESS)
Pen, dead, mess
pet
Nous pouvons voir dans ce tableau que le groupe de FLEECE suit les règles de SLVR.
FACE en fait de même sauf que la voyelle est longue devant /n/ et /d/. Le dernier groupe
(DRESS) n’apparaît jamais en syllabe ouverte et subit les mêmes changements de longueur
que FACE, sauf que la voyelle est également longue devant /s/ (McCafferty, 1999). Wells
(1982) appelle ce phénomène « Ulster Lengthening ». Il ajoute que les voyelles /e/, /ɛ/, /a/, et
/ɔ/ sont longues seulement dans les monosyllabes fermées qui se terminent avec n’importe
laquelle consonne sauf /p/, /k/, /t/ et /tʃ/, ce qui donne des réalisations comme [re:d] raid,
[bɛ:d] bed et [pa:d] pad.
Selon Trudgill (1990) il y a des caractéristiques du Sud-ouest de l’Angleterre. Il donne un
système et une distribution assez différents. Voici le résumé des différences:
/i/ - bee, beer, meet, meat
/e/ - bay, bear, plate, weight, mate. Ceci peut varier entre [ɛə] [iə] [ɛ:].
/ɪ/ - pit, fur, bird, city. Ceci est transcrit [ɪɹ].
/o/ - boat, board
/ɔ:/ - pause, doll
Wells (1982) explique que la voyelle de KIT est plus ouverte et centrale que dans la plupart
des autres accents. Elle peut même atteindre [æ̈] surtout devant un /l/, les mots tels que fill et
thing peuvent ainsi être réalisés [fæ̈l] et [θæ̈ŋ].
56
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
Certains mots qui ont /ʊ/ en RP peuvent avoir /ʌ/ dans l’accent de Belfast, ainsi l’on peut
trouver wood prononcé /wʌd/ (Wells, 1982). Une autre particularité de l’accent de Belfast est
que les voyelles /ɛ/, /ɑ/ et /ɔ/ lorsqu’elles sont brèves donnent l’impression d’être
complètement neutralisées. Autrement dit, les trois mots différents pet, pat, pot sont réalisés
comme [pat]. Wells (1982) maintient qu’une étude de Milroy (1976) a montré que cette
convergence n’avait pas réellement eu lieu. Cependant, cette impression existe et elle peut
être trompeuse.
1.6.2.2. Les consonnes d’Irlande du Nord : Belfast
L’accent de l’Irlande du Nord est rhotique. Le /r/ est généralement rétroflexe mais peut être
soit un /r/ apico-alvéolaire roulé ([r]) ou un battement ([ɾ]) dans certains endroits. Le /l/ est
normalement clair sauf à Belfast où le /l/ sombre est très commun (Wells, 1982). Le /t/
intervocalique peut être réalisé comme un battement que Chevillet (1991) note [ḓ]. Par contre,
McCafferty (1999) transcrit ce trait comme un battement, par exemple le mot writer est
[ˈreiɾər]. Cette réalisation, d’origine d’Ulster du Sud apparaît de plus en plus à Belfast. Il est
possible de parler de neutralisation de l’opposition entre /t/ et /d/, alors les mots party et hardy
deviennent les homophones (Chevillet, 1991).
Les consonnes /t/, /d/, /n/ et /l/ peuvent avoir des variantes dentales sauf à Belfast où ce trait
est stéréotypé comme étant rural (McCafferty, 1999).
De la même manière que la variété de Liverpool, get on peut être dit avec un /r/ au lieu du /t/.
Contrairement à l’Irlande du Sud, les fricatives /θ/ et /ð/ existent sans opposition avec /t/ et /d/
(Wells, 1982), y compris à Belfast. /ð/ est souvent absent de façon intervocalique dans des
mots tels que brother : [brɔ̈ər]. La glottalisation de /p/, /t/ et /k/ non-initial font également
partie des réalisations courantes à Belfast (McCafferty, 1999). /ʔ/ apparaît fréquemment
devant un /n/ ou /l/ syllabique, par exemple : [ˈbɑʔl ̩] - bottle (Wells, 1982)
McCafferty (1999) signale également d’autres différences avec le Sud, notamment en ce qui
concerne le /k/ initial, qui peut être réalisé /kʲ/ dans un mot tel que cat.
57
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
La terminaison –ing est réalisée /ɪn/ (Wells, 1982). Tout comme en l’Irlande du Sud, le HDropping n’existe pas (Chevillet, 1991).
1.7. Les variétés ethniques
Au début de ce chapitre nous avons évoqué le fait que dans le corpus IViE, deux variétés
avaient une particularité. Il s’agit des accents de Londres (les locuteurs ont des ascendances
Jamaïcaines) et de Bradford (bilingues anglais-panjabi). Il est assez rare que des variétés
ethniques soient représentées dans un corpus d’accents régionaux et les recherches sur le
traitement de ces variétés sont encore plus rares. Il nous semble donc important de donner
quelques détails sur ces deux variétés. Nous avons déjà exprimé le fait que nous pensions que
deux accents peuvent subsister ensemble chez un même locuteur, ce qui donne un accent
assez unique. Toutefois il s’agit de donner des traits les plus représentatifs que nous
retrouverons peut être chez les locuteurs d’IViE.
1.7.1. L’anglais de Jamaïque
Nous allons décrire quelques traits de l’anglais de Jamaïque avant de donner les quelques
informations trouvées sur l’accent Londonien-Jamaïcain. En Angleterre il existe des
communautés des Caraïbes vivant dans des villes telles que Londres, Bristol, Cardiff et
Liverpool depuis l’époque de l’esclavage (Sebba, 2007). La langue anglaise est celle de
l’éducation et de l’administration sur les territoires des Caraïbes. Cependant, les créoles basés
sur l’anglais, c’est-à-dire, le créole jamaïcain (pour les Caraïbes de l’ouest) et le créole des
Caraïbes de l’est sont employés tous les jours. Au début des années quatre-vingts, des études
de Sebba et Le Page ont montré qu’à Londres le créole jamaïcain dépassait les frontières de
cette communauté (Sebba, 2007). Le créole était devenu un symbole d’identité pour les
enfants et adolescents britanniques noirs mais aussi par leurs « amis » blancs afin de montrer
leur appartenance et amitié (Sebba, 2007).
Pour pouvoir parler des locuteurs d’IViE il va falloir prendre en considération les deux
systèmes, celui de la région anglaise (Londres) et celui de la variété ethnique.
58
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.7.1.1. Le système vocalique de l’anglais Jamaïcain (Wells, 1982 et Sebba, 2007)
KIT
i
FLEECE
ii
NEAR
-
DRESS
e
FACE
ie/e:/ɪɛ
ɪɛ
SQUARE
-
TRAP
a
PALM
aa
START
a:/a:(ɹ)
a:/a:(ɹ)
LOT
ɒ/a
THOUGHT ɒ:/a:/
a:/ɔ
a:/ɔ
NORTH
a:/a:(ɹ)
a:/a:(ɹ)
STRUT
o/ɔɔ̈
GOAT
uo/o:
FORCE
o:/o:(ɹ)
o:/o:(ɹ)
FOOT
u
GOOSE
uu
CURE
-
BATH
ɒ:/aa
PRICE
ɒɪ/aaɪ
happY
-
CLOTH
a
CHOICE
ɒɪ/aaɪ/ɔɪ
lettER
a/ɐ/ə
ɐ/ə
NURSE
ɔ̈/ɔ̈r
MOUTH
ou//ɔʊ
commA
-
La première transcription est celle donnée par Wells (1982) et celles en gras sont de Sebba
(2007). Ce dernier différencie entre la forme de créole jamaïcain basilecte64 et acrolecte.
Les voyelles du type /ɒ/ et /ɔ:/ ne sont pas arrondies dans les mots tels que thought, lot, stop,
talk et il peut arriver que la distinction entre TRAP et LOT et THOUGHT et START n’existent
plus (Wells, 1982). PRICE et CHOICE sont devenus homophones (/ɒɪ/). Wells (1982) note les
mots attack, letter et breakfast de la manière suivante : /atàk/, léta/ et /brékfas/.
1.7.1.2. Les consonnes l’anglais Jamaïcain
En ce qui concerne les consonnes, il existe peu de différences entre le système consonantique
créole et le système de l’anglais britannique (Sebba, 2007). Comme nous pouvons constater
dans le système vocalique ci-dessus, la forme la plus prestigieuse (l’acrolecte) peut avoir un
/r/ post-vocalique dans certains groupes lexicaux comme START. Cependant, il semblerait
que cette réalisation n’existe pas dans la variété en Angleterre où elle n’est plus considérée
comme prestigieuse mais plutôt comme un trait stigmatisé.
La distinction n’existe plus aux Antilles entre la prononciation de « th » qui est réalisée
comme une occlusive dentale et celle de /t/ et /d/ qui sont réalisés comme des occlusives
64
Celui-ci est présenté en gras en premier dans le tableau.
59
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
alvéolaires (Wells, 1982). Sebba (2007) note toutefois qu’il est encore possible d’entendre
/tɪŋk/ - think, et /wid/ - with dans des formes basilectales du créole jamaïcain mais elles
n’existent plus en Angleterre. Ce qui semble le plus important à établir est ce qui relève de
certaines variétés britanniques, notamment à Londres avec le phénomène de TH-fronting mais
qui ne fait pas partie du créole (Sebba, 2007). Si ce trait est présent chez les locuteurs d’IViE,
c’est à cause de l’influence londonienne et non pas créole. Nous pouvons dire la même chose
pour la réalisation de /l/ qui est toujours claire en créole (Wells, 1982) mais peut être sombre
ou carrément réalisée /u/ dans les variétés de Londres.
Un allophone de /w/ qui est typiquement antillais ([ɥ]) se retrouve dans les mots comme
wheel et wet. Un phénomène typiquement associé à la variété londonien-jamaïcain est que les
locuteurs ont tendance à allonger des fricatives initiales. (Sebba, 2007).
1.7.2. L’anglais Panjabi
Le panjabi est parlé au Pakistan et dans les provinces Punjab et Gujarat en Inde. La
population originaire de ces régions qui habite en Grande Bretagne est connue sous le nom
d’« Asian » ou de « British Asian » (Hirson et Sohail, 2007). La communauté indienne65
représente la première communauté ethnique en Grande Bretagne (Lambert, Alam, et StuartSmith, 2007). Du fait de cette importance, de plus en plus d’études se sont penchées sur leur
prononciation (Hirson et Sohail, 2007 ; Heselwood et McChrystal, 1999, 2000). Dans une
étude sur les enfants bilingues de Bradford, les locuteurs avaient plus de traits caractéristiques
du Panjabi que les locutrices (Heselwood et McChrystal, 2000). Les résultats de cette étude
montrent l’influence des deux langues dans le parler des bilingues. Ce mélange est dû à la fois
au contact avec les monolingues de Bradford, à la langue Panjabi mais aussi au fait d’entendre
de l’anglais qui contient des caractéristiques de panjabi. Les traits trouvés chez les locuteurs
bilingues anglo-panjabi seront au cœur des discussions ici. Voici la liste des traits vocaliques
et consonantiques qui ressortent le plus souvent de cet accent.
65
« British Asian » dans le sens le plus large, ce qui comprend des personnes avec des origines indiennes,
pakistanaises et bangladaises.
60
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
1.7.2.1. Les traits vocaliques et consonantiques de l’accent anglais-panjabi
•
Une articulation post alvéolaire ou rétroflexe de /t/, /d/ et /n/. Ceci rappelle bien le
Panjabi qui réalise certains sons de façon rétroflexe.
•
Certaines consonnes sont aspirées.
•
Un /l/ très clair dans les mots tels que candle. Bien que Wells (1982) ait noté que le /l/
du Nord de l’Angleterre soit assez clair en position finale, Heselwood et McChrystal
affirment que le /l/ chez les bilingues anglo-panjabis l’était encore plus. Wells (1982)
a remarqué que le /l/ est clair dans toutes les positions en anglais indien ainsi que dans
l’anglais parlé au Pakistan.
•
Une voyelle d’appui de type /e/ ou un schwa devant les consonnes /l/ et /n/ dans les
mots du types candle et garden. En Panjabi, aucune consonne n’est syllabique, donc
les locuteurs, sous l’influence de ce dernier, insèrent une voyelle plutôt que
d’employer une consonne syllabique.
•
La réalisation postérieure des voyelles /a/ et /a:/. Il s’agit peut-être d’un effet de
coarticulation des consonnes rétroflexes. Ce trait trouve son origine dans le panjabi.
•
En ce qui concerne la réalisation du /r/ Hirson et Sohail (2007) ont trouvé qu’elle
changeait selon le sentiment d’appartenance des locuteurs. Les locuteurs qui
s’identifiaient comme « British Asian » n’avaient pas un accent rhotique. Cependant,
ceux qui s’affirmaient comme « Asian » avaient tous un accent rhotique. Ils avaient
tous deux réalisations ; un /r/ post alvéolaire [ɹ] et une approximante rétroflexe [ɻ].
D’autres réalisations comprenaient [ɽ] et [ʋ].
1.8 Conclusion
Nous avons passé en revue toutes les variétés d’anglais qui figurent dans le corpus IViE. Nous
avons constaté que plusieurs accents pouvaient avoir des racines différentes ou être affectés
par d’autres phénomènes comme le nivellement dialectal. Il a été souvent important de parler
de l’appartenance régionale ou sociale qui a de forts effets sur certaines variétés et dans
certaines communautés. Nous avons constaté les réactions différentes que cela peut créer, par
exemple, au Pays de Galles où certains Gallois cherchent à se distancer de l’accent stéréotypé
61
Chapitre 1 Les variétés de l’anglais
qu’ils considèrent comme peu prestigieux. Nous nous sommes interrogé sur le statut des
locuteurs de Cardiff. Leur bilinguisme leur permet peut être de ne pas renoncer aux racines
galloises et de ce fait, ils n’ont pas besoin de montrer leur appartenance en ayant un accent
anglais très saillant. Le contraire semble se passer à Dublin où l’accent RP est mal accepté.
Cependant, certains locuteurs de cette ville se gardent de conserver ou rejeter l’accent local
qui peut être également apprécié différemment selon le locuteur.
Dès le début de ce chapitre, nous avons évoqué le fait que parler des accents n’était pas
toujours facile puisqu’il s’agit d’un sujet qui est loin d’être seulement phonétique. Nous
pouvons mieux voir les effets de tous ces phénomènes lorsque nous regardons nos locuteurs
de plus près. Pour l’instant, nous allons voir comment la parole et la variation sont traitées de
façon générale. Quelles sont les difficultés de perception ou de compréhension que ces
variétés peuvent causer ?
62
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
CHAPITRE 2 LA COMPRÉHENSION ET LA PERCEPTION D’UNE
L2 : LES ÉTUDES SUR LES ACCENTS RÉGIONAUX
2.1 Introduction
Lorsqu’il s’agit de notre langue native (désormais L1), nous sommes moins conscients de
toute la complexité des phonèmes que l’on entend. La plupart du temps, et ce malgré les
variations de la parole (phonologiques, des locuteurs), nous percevons et interprétons les
phonèmes plus ou moins sans difficulté. En revanche, qu’en est-il lorsqu’il s’agit des
variations dans une langue étrangère (désormais L2) ?
Les difficultés que rencontrent les apprenants francophones, en ce qui concerne la perception
et la compréhension de l’anglais standard, comprennent la perception de certains phonèmes,
la réduction de voyelles ou les frontières de mots. Mais qu’en est-il des autres variétés, telles
que les variétés régionales britanniques ? Sont-elles plus difficiles à comprendre ? Les
difficultés sont-elles les mêmes ? En se basant sur ces difficultés typiques il est possible de
penser que les francophones rencontreraient des difficultés face aux variétés régionales de
l’anglais. Mais, en l’absence de recherches empiriques, nous ne pouvons pas prédire ces
difficultés avec certitude. Il n’est pas exclu que certaines variétés soient plus faciles à
comprendre que d’autres.
À l’heure actuelle, il est impossible d’affirmer quels accents régionaux britanniques sont les
plus faciles ou difficiles à percevoir pour les francophones. Comment traitent-ils la variation
dans la parole continue ? Le manque de familiarité avec ces accents régionaux peut jouer un
rôle. Wells (1997) souligne le fait que les apprenants devraient être davantage confrontés aux
différents accents d’anglais pour en faciliter leur compréhension.
La perception et la compréhension d’une L2 dépendent de beaucoup de facteurs différents que
nous allons présenter dans cette partie. Les recherches sur les variations et la perception
peuvent nous aider à mieux comprendre comment une L2 est perçue de façon générale.
Premièrement, nous présenterons brièvement les modèles d’acquisition qui ont été proposés.
Ensuite, nous présenterons la perception et la compréhension d’une manière plus globale, puis
nous exposerons les travaux concernant la perception et la compréhension des différents
63
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
accents. Nous noterons également d’autres aspects des études sur les accents, tels que les
tâches d’identification et l’évaluation des variétés différentes.
2.2. Les théories de l’acquisition et de la perception des langues
Certains contrastes phonétiques sont moins difficiles que d’autres à percevoir et cela dépend
de facteurs tels que l’âge et la durée d’apprentissage. En effet, à partir de six mois un enfant
met en place son système phonologique qui est propre à sa langue maternelle (L1) et à douze
mois l’enfant a déjà des difficultés à percevoir les phonèmes qui n’en font pas partie. (Werker,
1984 in Best, 1995).
Il existe une multitude d’études sur la façon dont les auditeurs perçoivent les segments d’une
langue étrangère. Nous allons passer rapidement en revue trois modèles qui ont eu beaucoup
d’influence sur les études de la perception et l’apprentissage d’une L2. Ils tentent de rendre
compte du fonctionnement perceptif en tenant compte de la structure phonologique des
langues. En général, les auditeurs adultes perçoivent un phonème différemment selon les
distinctions qui existent dans leur langue native et dans la L2.
2.2.1. Speech Learning Model (SLM)
Ce modèle d’apprentissage d’une L2 (Flege, 1986, 1991, 1995) propose que les apprenants
adultes utilisent leur catégories phonétiques pour produire et percevoir les phonèmes nonnatifs. Pour Flege (1986, 1991, 1995), une catégorie phonétique est une représentation des
phonèmes spécifiques à une langue qui est conservée dans la mémoire à long terme. Pour
cette opération on utilise le terme de « catégoriser », autrement dit, regrouper plusieurs unités
physiques sous une même représentation. Selon Flege (1995) la notion d’une catégorie
phonétique implique la capacité perceptive à :
-
identifier une large gamme de phonèmes différents comme étant « les mêmes » malgré
les différences auditives discernables entre eux
-
distinguer les exemplaires d’une même catégorie des autres catégories.
64
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
La capacité à apprendre une L2 diminue avec l’âge, mais les mécanismes et le processus que
nous utilisons pour l’acquisition de notre propre système demeure intact toute la vie et
peuvent être appliqués à une L2 (Flege, 1995).
Flege (1995) définit plusieurs catégories de classification :
-
Les phonèmes qui sont déjà assimilés ou qui sont presque identiques dans les deux
langues (old). Les apprenants utilisent l’équivalence en L1 et les mêmes stratégies de
traitement pour ces phonèmes qui posent peu de problèmes au niveau perceptif et
productif.
-
Les nouveaux phonèmes, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas d’équivalent dans le système
L1. Ces phonèmes présentent des difficultés initiales de perception. Cependant les
apprenants peuvent apprendre à créer de nouvelles catégories pour ces phonèmes.
-
Les phonèmes qui sont similaires ou proches d’autres phonèmes dans la L1. Le fait
qu’ils soient assimilés à des catégories proches en L1 peut faciliter la perception et la
production tout du moins au début. Mais il existe souvent une disparité entre ces
phonèmes similaires qui peut amener à des confusions perceptives.
Il est très difficile de différencier les phonèmes qui sont similaires dans les systèmes de la L1
et de la L2. Pour les apprenants tardifs ceci peut être un vrai problème (Flege, 1995). L’âge
d’apprentissage de la L2 est très important. Plus une langue est apprise tard, plus on a des
difficultés à percevoir les différences entre les phonèmes et, par conséquent, il est davantage
difficile de créer de nouvelles catégories phonétiques. Un apprenant tardif, celui qui apprend
une langue après l’âge de 7 ans, peut encore créer de nouvelles catégories (Flege, 1995).
Cependant, il rencontre des difficultés à produire et à percevoir des phonèmes de la L2 qui
sont proches de ceux dans la L1. Par contre, apprendre une langue après l’âge de 15 ans rend
la formation de nouvelles catégories difficile (Flege, 1995). Pour bien percevoir une langue,
l’idéal est de créer les catégories pour les phonèmes qui sont similaires dans les deux langues
ou qui n’existent pas dans la L1. Cependant, la mise en place de catégories phonétiques d’une
L2 peut être fortement perturbée si l’apprenant classe deux phonèmes proches de la L1 et la
L2 dans la même catégorie.
Un exemple donné par Flege (1995) est celui des apprenants espagnols qui avaient tendance à
identifier des représentations du /æ/ anglais comme une réalisation appartenant à la catégorie
65
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
phonétique du /a/ espagnol. Ils les percevaient comme appartenant à la même catégorie. Afin
de pouvoir créer une nouvelle catégorie les apprenants doivent d’abord arriver à percevoir la
différence phonétique entre les phonèmes. Selon ce modèle, ils vont continuer à percevoir les
deux phonèmes comme étant les mêmes tant qu’ils n’auront pas créé une nouvelle catégorie
phonétique ou modifié les phonèmes dans leur L1. La création de catégories nouvelles peut
être facilitée par l’âge d’apprentissage mais aussi selon la distance acoustique entre les
phonèmes. Le modèle postule que les phonèmes de la L1 et la L2 existent dans un seule
espace phonologique. Lorsque deux phonèmes sont acoustiquement très proches il faut
d’abord arriver à modifier ceux de la L1 afin de garder un contraste entre les deux.
Les nouveaux phonèmes sont ceux qui n’ont pas d’équivalent dans le système L1.
L’apprentissage d’une deuxième langue est différent selon la densité du système vocalique
d’une langue ; en effet, le nombre de voyelles dans un système vocalique joue un rôle
important dans la perception d’autres voyelles. ’D'un côté, on peut formuler l’hypothèse que
la création de nouvelles catégories est plus facile pour les apprenants qui ont un système
vocalique L1 complexe (par exemple, le norvégien ou l’allemand), que pour les apprenants
qui ont un système vocalique plus simple (par exemple, l’espagnol et le français). Iverson et
Evans (2009) expliquent en effet que l’assimilation peut être plus difficile pour ceux dont le
système vocalique de la L1 est simple du fait qu’ils puissent assimiler plusieurs voyelles de la
L2 à une seule catégorie de la L1. Par exemple, les espagnols auraient tendance à assimiler les
voyelles anglaises /i/ et /ɪ/ à une seule catégorie, c'est-à-dire /i/. Il leur est donc initialement
difficile de distinguer les voyelles de la L2. D’un autre côté, malgré ce premier obstacle, un
système vocalique réduit pourrait au contraire faciliter l’apprentissage ; en effet, Flege (1995)
a montré qu’ il est plus facile de créer de nouvelles catégories quand la distance acoustique
entre deux phonèmes est grande. Il reste davantage de place dans l’espace acoustique qui n’est
pas déjà occupé par une voyelle de la L1 (Flege, 1995). En revanche, Flege (1995) souligne
que, pour les langues dont le système vocalique est complexe, l’espace acoustique libre est
réduit et la création d'une nouvelle catégorie est plus difficile à faire.
Lorsque le système vocalique de la L1 est simple, deux possibilités acoustiques peuvent alors
être formulées (Flege, 1995) :
-
L’assimilation pose des problèmes parce qu’il y a plus de voyelles dans la L2 que dans
la L1. Il est donc plus probable que plusieurs voyelles de la L2 soient assimilées à une
seule voyelle en L1.
66
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
-
Le fait d’avoir moins de voyelles dans sa L1 peut faciliter l’apprentissage à long
terme, malgré cette première difficulté d’assimilation.
Afin d’illustrer ce que nous venons de voir, prenons le cas des anglophones qui n’ont pas de
catégorie /y/. À priori, ils devraient avoir de l’espace libre pour créer cette nouvelle catégorie
cependant, ils le perçoivent comme la voyelle anglaise /u/. Un autre exemple de phonème
nouveau est celui de /θ/ qui est plus souvent assimilé à une catégorie similaire par les nonnatifs (/f/, /s/) plutôt qu’à une nouvelle. Le fait qu’un phonème en L2 n’existe pas dans le
système phonologique de la L1 ne garantit pas que le phonème soit perçu comme nouveau.
2.2.2. Perceptual Assimilation Model (PAM)
Ce modèle se base sur les patterns d’assimilation de phonèmes non-natifs dans une population
monolingue. Il postule que l’assimilation perceptive des phonèmes non-natifs dans le système
phonologique natif dépend à la fois des types de contrastes qui existent dans la L1 et des
similitudes ou dissimilitudes phonétiques entre les catégories de la L1 et la L2 (Best, 1995).
Dans ce modèle la structure de la L1 joue un rôle essentiel dans la façon dont les phonèmes
d’une L2 sont perçus. Selon ce modèle lorsque les phonèmes sont similaires dans les deux
langues, l’auditeur a tendance à assimiler les phonèmes de la L2 aux catégories de la L1. la
distinction entre deux phonèmes (d’une L1 et d’une L2) se fait en fonction de leurs
similitudes ou leurs dissimilitudes. Le mécanisme principal est celui de l’assimilation de
contrastes phonémiques non-natifs et aux catégories natives.
Il y a quatre types d’assimilation qui prédisent comment un phonème non-natif est traité :
-
Un phonème contrastif de la L2 est assimilé à une catégorie de la L1 (single category
goodness). Ceci peut se produire même si le phonème est un bon ou un mauvais
exemplaire. Autrement dit le phonème peut être perçu comme un bon exemplaire alors
qu’il ne l’est pas.
-
Un contraste de la L2 est assmilié à deux catégorie de la L1 (two category).
-
Deux phonèmes sont assimilés à une seule catégorie de la L1. Un seul est considéré
comme le meilleur exemplaire parce qu’il est plus proche du prototype. Un prototype
est le meilleur exemplaire d’une catégorie phonétique. Malgré la similitude des deux
phonèmes avec une seule catégorie de la L1, l’auditeur commence à se rendre compte
67
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
qu’ils sont différents (category goodness). Percevoir la distinction entre deux
phonèmes est le point de départ du développement d’un nouveau contraste.
-
Les phonèmes non-natifs ne sont pas perçus comme de la parole (non speech sounds)
comme cela est le cas des clicks dans certaines langues africaines.
Le cas qui présente la plus haute difficulté au niveau de la perception et de l’apprentissage est
lorsque les phonèmes sont perçus comme de bons exemplaires alors qu’en réalité ils ne le sont
pas. Dans ce cas, il est très difficile de percevoir le contraste entre les deux, et les phonèmes
de la L2 sont assimilés à une catégorie de la L1.
2.2.3. The Native Language Magnet Model (NLM) et The Perceptuel Magnet Effect (PME)
Le modèle de l’aimant de la langue maternelle (Kuhl, 1991, Iverson et Kuhl, 1995) se base
sur les concepts d’aimants perceptifs et de prototypes. Ce dernier est la meilleure
représentation d’un phonème. Il agit comme un aimant qui attire les exemplaires dans son
voisinage (Kuhl, 1991).
À la fin de la première année de notre vie, les catégories sont formées et les aimants
fonctionnent pour la L1. Désormais l’enfant n’est plus capable de distinguer entre tous les
phonèmes des différentes langues mais seulement ceux qui font partie de sa L1. Avec
l’expérience de la langue maternelle, ces aimants s’affinent, ce qui rend possible la
reconnaissance ou la perception d’un phonème quelle que soit la manière dont il est réalisé ou
son contexte phonétique. Pour les adultes, leur prototype est représenté mentalement. Il est
basé sur ce qui est typique ou idéal dans leur L1. Selon ce modèle, nous pouvons identifier
des phonèmes qui sont plus ou moins proches du prototype de notre L1. De cette façon, la
variabilité des phonèmes qui est due aux locuteurs (entre autres : l’idiolecte ou l’accent)
n’affecte pas notre perception. En ce qui concerne la perception d’une langue étrangère, cet
effet « d’aimant perceptif » peut aider à expliquer comment les phonèmes non-natifs sont
perçus. L’aimant perceptif va attirer les phonèmes qui sont proches des exemplaires de la L1,
ce qui peut rendre difficile la distinction entre deux phonèmes de deux systèmes différents. À
contrario, les phonèmes qui sont très différents sont a priori plus faciles à distinguer
puisqu’ils ne ressemblent pas aux phonèmes du système natif. Par exemple, pour un
francophone qui a un seul exemplaire du /i/ il est difficile de faire la différence entre les
68
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
voyelles anglaises /i:/ et /ɪ/ puisqu’elles sont toutes les deux attirées par le prototype /i/ du
français.
L’effet de l’aimant perceptif fait que l’exposition à une langue entraîne la distorsion des
distances perçues entre les phonèmes qui ensuite entraîne des difficultés à produire et à
percevoir correctement des phonèmes qui ne font pas partie de notre L1.
Kuhl (1995) indique que la perception de la variation phonétique est déterminée par
l’expérience spécifique à la L1. Ainsi, la distinction entre deux phonèmes est moins efficace
lorsqu’un phonème s’approche du prototype d’une catégorie.
Ces théories ont été à la base d’énormément d’études sur la perception. Cependant, elles ont
leurs limites, que nous allons développer dans la section suivante.
2.2.4. Mise en question des modèles d’acquisition
Il y a certains paradoxes dans les modèles que nous venons de voir. Leurs objectifs étaient de
contribuer au développement de la perception cependant, ils ne donnent aucun indice concret
permettant aux apprenants de traiter les problèmes de perception qu’ils rencontrent (Wode,
1995). Comment un apprenant peut-il savoir ce qui constitue un phonème nouveau, similaire
ou identique ? En ce qui concerne le modèle de Best (1995), qu’est ce qui est non-assimilable
ou assimilable ? Rochet (1995) fait remarquer qu’il n’existe aucun moyen de prédire quels
phonèmes de la L2 vont être identifiés aux phonèmes de la L1, ou lesquels seront catégorisés
comme nouveaux.
Trois critères sont souvent utilisés pour déterminer s’il s’agit de phonèmes nouveaux,
assimilés ou similaires à savoir, le symbole phonétique utilisé, la similitude acoustique et la
perception de l’auditeur.
Le critère du symbole phonétique paraît insuffisant. Nous avons vu le cas de /θ/, qui est
souvent un phonème nouveau mais qui peut être assimilé à une catégorie similaire plutôt que
nouvelle. Nous pouvons également citer les voyelles (/u/ et /i/) qui sont transcrites de la même
façon en anglais et en français mais qui ne sont pas pour autant produites de la même façon
dans les deux langues. Est-ce que ces phonèmes sont à classer comme identiques ? Cela reste
assez vague dans les modèles. Weinreich (1953, cité dans Strange, 1995) a dit qu’utiliser le
phonème était insuffisant pour expliquer tout les cas de substitution et a suggéré d’utiliser des
traits distinctifs, mais ceux-ci se sont également avérés insuffisants. D’autres phonèmes
peuvent se ressembler mais n’ont pas les mêmes valeurs dans les langues différentes. Par
69
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
exemple, en français et en anglais /p/t/k/ ne sont pas identiques notamment à cause de leur
délai d’établissement du voisement (VOT). Selon le modèle de Kuhl,66 nous pouvons
comprendre tous les locuteurs de notre L1, malgré les variations possibles. Il ajoute que
l’expérience ou les connaissances de la L1 rendent possible la perception d’un phonème
quelle que soit la manière dont il est réalisé. Ceci paraît problématique. Nous n’avons pas
forcément les connaissances de toutes les variations possibles dans notre L1. Comprendre un
accent dont nous n’avons pas l’habitude peut s’avérer très difficile, notamment à cause de la
distribution des phonèmes ou à cause de ceux qui n’existent pas dans notre propre système
phonologique. Nous avons vu dans le chapitre précédent à quel point les variétés régionales
de l’anglais peuvent être différentes. La plupart des britanniques diront qu’ils ont déjà
rencontré des difficultés de compréhension face à un autre britannique. Avec nos expériences,
notamment celle sur la compréhension, nous pouvons vérifier si la variation crée une gêne
pour la compréhension.
La L1 est centrale dans ces modèles. Selon Strange (1995) il ne suffit pas de dire que les
phonèmes les plus éloignés ou les plus différents de la L1 vont être les plus difficiles à
comprendre ou à percevoir. De plus, ils ne semblent pas prendre en compte la variabilité qui
peut exister au sein de la L1. Expliquer les problèmes d’apprentissage et de perception à partir
de la L1 peut être inexact si la variation de la L1 n’est pas prise en compte. Prenons l’exemple
du français standard et du français méridional. Il y a plusieurs différences : le français
standard utilise des voyelles nasales, alors que le français méridional a des voyelles
partiellement nasalisées, suivies de [ŋ]. L’opposition entre côte et cote est souvent neutralisée
dans le Sud. (Woehrling et Boula de Mareüil, 2005, Dufour et al., 2007). Dans notre étude, les
participants francophones sont quasiment tous nés dans le Sud, dans les environs d'Aix-enProvence
67
et de Marseille. De ce fait, perçoivent-ils une L2 de façon différente ? Autrement
dit, un Marseillais perçoit-il l'anglais d’une manière différente qu'un Parisien? Si nous
considérons ces modèles il est fort possible que cela soit le cas.
Alors pour toutes ces raisons, est-ce que ces théories peuvent s’avérer adéquates pour notre
travail ? La plupart des études qui s’appuient sur ces modèles ne traitent que de la perception
66
« Avec l’expérience de la langue maternelle, ces aimants s’affinent, ce qui rend possible la reconnaissance ou
la perception d’un phonème quelle que soit la manière dont il est réalisé ou son contexte phonétique » (Iverson et
Kuhl, 1995).
67
Cf. Floccia, C., Goslin, J., Girard, F., et Konopczynski, G. (2006), pour une description plus exhaustive de
l’accent d’Aix en Provence.
70
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
des phonèmes, des mots ou les syllabes isolés. Il existe très peu d’études qui mesurent la
compréhension ou la perception de phrases.
2.2.5. Conclusion
Une des critiques principales faite à propos de ces modèles est qu’il y a peu d’indication pour
savoir à quelle catégorie appartient un phonème et comment l’apprenant doit faire pour
résoudre les problèmes qu’il peut rencontrer dans l’apprentissage d’une L2 (Bohn, 1995).
Les deux premiers modèles font l’hypothèse que les types de phonèmes de la L1 et de la L2
peuvent prédire les difficultés initiales de perception. Les phonèmes de la L2 peuvent être
assimilés aux catégories de la L1. Certains phonèmes peuvent être mal-assimilés. Cependant,
avec de l’expérience, il est fort probable que les apprenants puissent faire la distinction entre
les deux. Pour les phonèmes nouveaux il n’y a pas forcément de transfert entre la L1 et la L2
(Bohn, 1995). De cette façon les nouvelles catégories peuvent être créées. Deux situations
qui posent des difficultés majeures ressortent clairement de la plupart des recherches : soit les
phonèmes de la L2 ne se trouvent pas dans le système de la langue native et sont compliqués à
catégoriser ; soit les phonèmes se trouvent proches d’une catégorie phonologique dans la
langue native mais ils sont phonétiquement différents et posent également des problèmes.
2.3. La perception et la compréhension des variations
Il convient maintenant de présenter les différents types de variations qui peuvent influencer la
perception et la compréhension des natifs et des non-natifs. Tout d’abord, nous allons parler
de la terminologie avant de proposer celle que nous allons utiliser dans la suite de ce travail.
2.3.1. Introduction
Nous venons de voir quelques théories qui sont liées à la fois à l’apprentissage et à la
perception. Nous voulons maintenant présenter la terminologie que nous allons employer
avant de parler de certaines variations qui peuvent avoir un impact sur la perception et la
compréhension. Dans la suite de ce travail, nous allons présenter les divers points de vue sur
la variation dans la parole ainsi que les différentes théories qui tentent d’expliquer sa
71
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
perception. Nous verrons qu’il existe différentes formes de variations en plus de celle induite
par les variétés régionales. Ces éléments sont indispensables pour expliquer la façon dont
nous avons construit notre étude ainsi que notre positionnement sur le traitement de la
variation. Nos recherches portent essentiellement sur les accents régionaux mais il fallait
également prendre en compte les autres sources de variabilité qui peuvent avoir des
conséquences sur le traitement de la parole. Nous verrons que la plupart des études sur les
accents régionaux ont introduit une deuxième variable, celle de la longueur des énoncés. Des
théories différentes existent sur l’influence que celle-ci peut avoir sur la compréhension des
accents régionaux. Nous allons voir qu’il existe une étude en particulier qui a mené des
expériences d’identification et de compréhension des variétés régionales chez des natifs et des
non-natifs. Tout d’abord, nous définissons la compréhension et la perception telles que nous
les concevons dans ce travail.
2.3.2. La terminologie
Dans les recherches sur les variétés régionales que nous citons dans cette partie les auteurs
utilisent de façon interchangeable les termes tels que perception, compréhension,
intelligibilité, et reconnaissance de mots. Par exemple, Fraser Gupta (2005) parle
d’intelligibilité, alors que nous verrons qu’elle fait référence à plusieurs procédés.
Globalement, il est évident que par la nature des expériences et les types d’énoncés ciblés
(souvent les syllabes ou phonèmes isolés), il y a plus de références faites à la perception et à
la reconnaissance qu’à la compréhension. Il en va de même concernant les recherches sur
l’identification d’accents ou de dialectes. La littérature parle autant d’identification, de
reconnaissance, et de catégorisation pour les tâches identiques.
Nous allons donner quelques exemples des définitions existantes pour ensuite proposer celle
que nous comptons utiliser.
La perception bénéficie de diverses définitions, celle que nous avons choisie nous semble très
fructueuse puisqu’elle met en relation la compréhension et la perception. Ce lien est central
dans les expériences de notre travail (cf. hypothèses).
« The process of speech perception can be described, in the most simple way as what happens
in between the perception of an acoustic wave and the discovery of the meaning of the word »
(Sebastian-Gallés 2005: 547).
Ce processus paraît très simple, mais nous verrons que la variation inhérente aux accents
régionaux peut troubler à la fois la perception et la compréhension du signal.
72
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
Lorsque Munro et Derwing (1995 : 291) parlent de comprendre la parole des non-natifs, ils
définissent trois dimensions : l’intelligibilité, la compréhensibilité et le degré d’accent. Ils
expliquent également de quelle façon ces dimensions peuvent être évaluées.
-
Intelligibility : refers to the extent to which an utterance is actually understood. This
may be assessed by presenting listeners with words, sentences, or longer units and
asking them to write, in standard orthography, what they have heard. The number of
words correctly transcribed is an index of speaker intelligibility.
-
Comprehensibility : refers to listeners’ perceptions of difficulty in understanding
particular utterances. Speech samples have often been rated for comprehensibility with
Likert-type scales.
-
Accentedness : refers to how strong the talker’s foreign accent is perceived, also by
using Likert scale methods.
Si ces définitions nous semblent tout à fait pertinentes, elles abordent peu la dimension de la
perception dans la compréhension. De plus, les auteurs spécifient que dans une transcription
orthographique, le nombre de mots correspond à ceux que l’auditeur a compris. Le nombre de
mots transcrits ne correspond-il pas également aux mots reconnus ou perçus ? Le fait de
reconnaître un mot signifie-t-il que nous l’avons compris ? Nous ne pourrons réellement
répondre à ces questions que lors de l’analyse de nos résultats.
Si nous reprenons les termes de Munro et Derwing (1995), la définition donnée de la
première, c'est-à-dire l’intelligibilité, correspond à notre expérience de compréhension qui
demande aux participants d’écrire orthographiquement les énoncés entendus. Nous pensons
que cela pourrait s’appeler autant une tâche de perception, d’intelligibilité ou de
compréhension, mais nous avons opté pour celle qui est peut être la plus académique, c'est-àdire la compréhension. Cependant, dans la suite de ce chapitre, nous allons garder les termes
tels qu’ils sont donnés dans les travaux que nous citons.
Maintenant, nous allons noter les différentes sortes de variations que nous pensions trouver
dans les enregistrements du corpus IViE afin d’en déterminer son traitement. Est-ce qu’elle
peut réellement empêcher les processus de perception et de compréhension ?
2.3.3. L’influence de la variation dans le traitement de la parole
La question de savoir comment la variation est perçue fait encore débat. L'approche
traditionnelle dans l'étude de la perception de la parole et dans le traitement du langage a été
73
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
d'ignorer la variation phonétique (Clopper et Pisoni, 2005). Une approche différente est de
reconnaître que ces sources de variabilité sont les conséquences naturelles de la variation du
langage et d’examiner comment la variation et la variabilité sont traitées dans la perception.
Les modèles basés sur les exemplaires peuvent expliquer comment les auditeurs traitent la
variabilité. Par exemple, la façon dont les apprenants assimilent des contrastes non-natifs, ou
s’adaptent à différents locuteurs. Les mots sont représentés de façon concrète et détaillée chez
l’auditeur sous la forme d’exemplaires. En écoutant la parole, les auditeurs rassemblent les
exemplaires concernant un certain contraste non-natif ou un trait linguistique d’un locuteur.
Ensuite, ils comparent ce qu’ils entendent aux autres exemplaires rassemblées dans le lexique
mental pour trouver un exemplaire similaire. Ce procédé peut amener à un traitement de la
parole et des variations plus rapides et plus correctes (Nygaard, 2005). La variation est
détectée et peut aider dans la perception de la parole. Ces modèles adoptent la notion que la
variation dans la parole est importante et que les auditeurs ont la capacité de décoder les
détails du signal vocal et que cela fait partie du processus de perception (Pisoni, 2005).
Jusqu’à très récemment, la variation dans la parole a été traitée comme une source de bruit,
c'est-à-dire comme un attribut qui n’avait aucune importance dans le processus du traitement
de la parole. Ainsi, les différences phonétiques entre locuteurs furent traitées comme des
aspects indésirables qu’il fallait réduire ou éliminer pour ne révéler que les propriétés
linguistiques sous-jacentes du message.
Certains modèles actuels supposent encore que la variation est rapidement écartée par un
processus de normalisation pour que le contenu significatif du signal puisse être reconnu.
Cette supposition est centrale dans les modèles traditionnels abstractionnistes de la parole
selon lesquels la variation est traitée comme du bruit (Pisoni, 1997). Selon ces modèles, les
auditeurs associent à chaque mot une représentation phonologique qui est indépendante des
caractéristiques spécifiques aux locuteurs. La variation, le bruit, voire l’assimilation ne font
ainsi pas obstacle dans le traitement du signal. Les auditeurs sont en quelque sorte insensibles
aux variations, ou celles-ci ne sont simplement pas détectées. Cependant, pour comprendre le
processus de perception de la parole, il faut en savoir davantage sur la perception des sources
majeures de variabilité et sur sa codification avec le message linguistique de l'énoncé. Le fait
d’avoir voulu éliminer les sources de variation dans les expériences a peut être donné de
fausses idées concernant le processus perceptif. Nous allons voir que le processus perceptif
peut traiter la variabilité mais qu’elle peut avoir des conséquences importantes sur la
perception et la compréhension.
74
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
Dans le signal vocal, il peut y avoir énormément de sources de variabilité. Nous pensons qu’il
y a celles qui sont plutôt naturelles dans la parole : par exemple, la variation entre locuteurs,
les changements de débit et de dialecte, la variation à cause du contexte social, les effets
syntaxiques, sémantiques, et pragmatiques ainsi que l’état émotionnel du locuteur. Il y a aussi
toutes sortes de variations liées à l’environnement et qui n’ont rien à voir avec la voix et
peuvent être nuisibles dans certains cas, tels que le bruit de fond, les caractéristiques et la
qualité du microphone et les enregistrements en général. De nombreux chercheurs ont réduit
ou éliminé ces deux types de variations (Strange, 1995). Dans ce travail il nous paraît
important de réduire certaines sources de variabilité (par exemple, le bruit extérieur) pour se
concentrer sur la variation qui est centrale dans ce travail, c'est-à-dire les différences
régionales.
Nous n’examinons que quelques-unes de ces sources de variation. Nous commençons par la
variation entre locuteurs, qui est un sujet de grande importance dans cette étude.
2.3.3.1. L’influence de la variation due aux locuteurs
Un phonème n’est jamais réalisé deux fois exactement de la même façon, même chez un seul
locuteur. Le terme « speaker normalisation » fait référence au fait que les énoncés qui sont
phonologiquement identiques montrent énormément de variations acoustiques d’un locuteur à
un autre et que les auditeurs sont capables de reconnaître les mots malgré ces variations. Par
exemple, le mot « cat » prononcé par une femme ou par un homme est normalement identifié
comme « cat » alors que l’analyse acoustique montre que les formants sont très différents.
Néanmoins les auditeurs normalisent et comprennent la parole. Pour les natifs, la
normalisation se fait assez facilement. Nagle et Sanders (1986) citent Fant (1956), Ladefoged
et Broadbent (1957) qui à l’époque pensaient déjà qu’un processus d’ajustement (tuning
process) jouaient un rôle essentiel dans le traitement de la parole.
Le fait d’utiliser plusieurs locuteurs peut donner des résultats plus pauvres ou des temps de
réaction plus longs. Par exemple, lors d’une expérience d’identification de mots, Pisoni et
Lively (cité dans Strange, 1995) ont montré que les auditeurs s’adaptent rapidement à un seul
locuteur. Trois mois plus tard, ils ont fait une deuxième expérience. Les sujets ont eu de
meilleurs résultats avec le locuteur familier qu’avec un locuteur inconnu. Cependant, les
auteurs ont remarqué que cela pouvait empêcher la reconnaissance de mots nouveaux.
Summerfield et Défait (1973, in Pisoni et Remez, 2005) ont constaté lors d’une tâche de
reconnaissance de mots que les temps de réponses étaient plus longs lorsqu’il y avait plusieurs
75
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
locuteurs. Verbrugge et al. (1974, idem) ont constaté que l'identification des voyelles était
plus précise avec un seul locuteur. Il y avait 9.5 % d’erreurs contre 17% d’erreurs avec
plusieurs locuteurs.
Kakehi (1992) décrit des expériences faites pour examiner l'adaptation des auditeurs à la voix
d’un seul locuteur. Il a trouvé un effet très intéressant : l'exactitude des réponses a augmenté
de façon régulière : de 70% de réponses correctes sur le premier stimulus à 76% réponses
correctes sur le cinquième stimulus. Après le cinquième stimulus, aucune amélioration n’a été
observée. Afin d’expliquer pourquoi les résultats sont meilleurs avec un seul locuteur,
Johnson (2005) suppose que les auditeurs utilisent « un système de référence » qui est comme
une représentation du locuteur. Dans ce cas, il est normal de trouver que l’auditeur prend
quelque temps pour s’adapter à un nouveau locuteur. Autrement dit, le locuteur s’adapte ou
enregistre des points de référence à chaque fois qu’il écoute le locuteur, ici à quatre reprises ;
à la cinquième le processus est terminé et les résultats ne s’améliorent donc plus. L’auditeur
montre des difficultés dans le traitement du stimulus en faisant des erreurs ou en ayant des
temps de réponses plus longs puisqu’il est en train de construire un système de référence pour
ce locuteur. Ces difficultés persistent pendant l’exécution du processus d’adaptation.
Ce que Johnson (2005) décrit fait penser à un phénomène que nous avons tous probablement
connu lorsque l’on rencontre de nouvelles personnes. Il semble que nous ayons besoin d’un
temps d’ajustement. Comme s’il fallait se calibrer aux changements ou si l’on devait prendre
quelques instants pour enregistrer et s’habituer à certains traits, par exemple à une voix très
basse ou un accent peu familier. Ce système de référence nous paraît très fructueux comme
explication à certains phénomènes. Il sera intéressant de voir si nous pouvons l’appliquer à
notre travail. Est-ce que cette notion de système de référence ou d’ajustement peut être
appliquée aux accents régionaux ?
Contrairement à ce que nous venons de voir, Joos (1948, in Pisoni et Remez, 2005 : 373)
explique que les natifs sont capables de construire un modèle assez complet de voyelles d’un
nouveau locuteur basé seulement sur un énoncé court. Des expériences faites par Kakehi
(1992) ont montré qu’il fallait seulement 4 à 5 monosyllabes aux natifs japonais pour arriver à
s’adapter complètement à un nouveau locuteur japonais. Ceci est peut être possible pour les
natifs, mais qu’en est-il pour les non-natifs ? Il n’est pas certain que les systèmes de référence
décrits ici fonctionnent de la même façon.
Nous venons de voir certaines études qui établissent les effets négatifs et positifs au fait
d’avoir un ou plusieurs locuteurs lors d’une expérience. Nous avons surtout retenu que le fait
d’écouter plusieurs locuteurs peut créer des difficultés pour les auditeurs. Ces difficultés se
76
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
traduisent par des temps de réponses plus longs ou des résultats plus pauvres. Autrement dit,
cela produit un coût de traitement dans la reconnaissance des mots. Au vu de ces résultats
nous avons décidé de n’utiliser qu’un seul locuteur par variété régionale pour l’expérience de
compréhension.
2.3.3.2. L’influence des stimuli et le style de parole
Pisoni et certains de ses confrères (Bradlow et al., 1997, Lively et al., 1994, Logan, Lively et
Pisoni, 1991 in Pisoni et Remez, 2005) estiment que la meilleure façon d’avoir des catégories
phonétiques robustes est d’utiliser des méthodes d’apprentissage qui s’appuient sur des
stimuli variés. Ils reconnaissent que la variation peut être initialement plus difficile à traiter
par des non-natifs mais affirment que « the potential long-term benefits in terms of developing
new phonetic categories outweighed these concerns » (Logan et al., 1991 : 876 cité dans in
Pisoni et Remez, 2005 : 560).
Le type de parole utilisé dans les expériences de perception et lors de l’apprentissage d’une
langue peut contenir plus ou moins de variabilité. Cependant, les plupart des expériences
n’utilisent que des stimuli de syllabes ou des mots isolés. La parole continue, justement par sa
nature, contient énormément de variations et peut s’avérer problématique pour les non-natifs.
Strange (1995) soulève ce problème : « Cross-language studies demonstrate that adult
listeners have considerable difficulty perceiving many non-native contrasts among both
vowels and consonants, especially when the stimulus materials incorporate the type of
variability normally found in natural speech utterances ».
Il est supposé que les natifs utilisent un mécanisme de compensation perceptive (Lindblom,
Studdert-Kennedy 1967 cité dans Tohkora, 1992). Ce mécanisme est utilisé par les auditeurs
pour ajuster les frontières entre les phonèmes en fonction du contexte afin de les aider à
reconnaître un mot qui a été mal prononcé ou masqué par du bruit. Il est peu probable que les
non-natifs (les non-bilingues) aient ce même mécanisme de compensation. Il est assez rare de
tester les capacités des auditeurs à comprendre et à percevoir des phrases entières. Cependant,
le traitement par des non-natifs de la parole continue, même celle qui n’est pas spontanée,
s’approche d’une situation réelle à laquelle les apprenants pourraient être confrontés dans la
vie de tous les jours.
Le style de parole peut aussi avoir une influence sur la perception et la compréhension. Il ne
faut pas oublier que dans les expériences linguistiques, la parole des locuteurs est souvent une
parole lue et assez soignée. Bradlow et Bent (2002) ont examiné jusqu’à quel point le fait de
77
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
parler clairement pouvait influencer l’intelligibilité. Leurs résultats ont montré que ce style de
parole était bénéfique à la fois pour les natifs mais aussi pour les non-natifs, bien que dans
une moindre mesure. La parole soignée a légèrement moins de modifications vocaliques, telle
que la réduction de voyelles. Par contre, dans des expériences sur l’identification d’accents
régionaux en français, le style de parole (lecture formelle et parole spontanée) n’a pas affecté
les résultats et les deux types de parole étaient identifiés de la même façon (Woehrling et
Boula de Mareüil, 2005). Cependant, il faut souligner que ces expériences étaient faites par
les natifs francophones, les apprenants d’anglais francophones sont peut être plus sensibles
aux variations présentent dans la parole spontanée. Ce qui important de retenir est que la
parole « claire » n’était que légèrement bénéfique pour les non-natifs lorsqu’ils écoutaient de
la parole continue dans l’expérience de Bradlow et Bent (2002).
2.3.3.3. L’influence de la longueur des énoncés
Le choix des stimuli est important et peut avoir des effets sur les résultats. Nous allons voir
que certaines études sur l’identification ou la compréhension d’accents ont ajouté la variable
de la longueur des énoncés. La plupart de ces études consistent à traiter la parole native par
des natifs ou bien la parole non-native par des natifs. Il existe encore peu d’expériences qui
testent la capacité des non-natifs à identifier ou à comprendre des variations chez des natifs, et
encore moins qui ajoutent un autre élément tel que la longueur des énoncés. Différentes
hypothèses existent concernant le traitement de cette variable, son impact, et son effet sur les
capacités d’adaptation de la part des auditeurs. Il semble raisonnable de penser que plus
l’auditeur reçoit d’informations, plus il peut s’adapter à ce qu’il entend. La parole peut être
extrêmement variable mais notre système perceptif est remarquablement efficace et peut
ignorer ou normaliser ces variations et extraire les représentations lexicales. Comment agit le
système perceptif des non-natifs lorsqu’il est confronté à des variations et en particulier, estce qu’ils peuvent bénéficier des énoncés plus longs afin de mieux comprendre un accent
régional ?
Certains linguistes se sont intéressés au phénomène de la parole comprimée68 comme point de
départ pour l’étude de la perception des accents et ont analysé les effets produits par
68
Une condition extrême d’une variation de débit qui mène à la démonstration de phénomènes très locaux et
provisoires d’adaptation tels que la normalisation de traits phonétiques temporels comme le VOT (Miller et
Liberman, 1979 in Pisoni et Remez, 2005).
78
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
l’adaptation des auditeurs à la parole comprimée. Dupoux et Green (1997) ont rapporté que
seulement cinq à dix phrases comprimées étaient suffisantes pour une adaptation satisfaisante.
Selon ces auteurs, cette adaptation résulterait de l’action conjuguée de deux mécanismes :
-
Un ajustement à court terme aux paramètres locaux.
-
Un apprentissage à long terme, qui coderait l’information phonologique et lexicale sur
ce nouveau modèle de parole.
Ils ajoutent que ces mécanismes permettent également de s’adapter à un accent régional ou
étranger.
Floccia et al. (2004, 2006) ont mené plusieurs études sur la reconnaissance de mots des
accents régionaux français chez les francophones. Ils ont émis l’hypothèse que la familiarité
avec un accent régional détermine le traitement de la phrase plutôt que les aspects spécifiques
de l’accent. Ils voulaient mettre en évidence un coût perceptif causé par la présence d’un
accent régional non familier qui varie en fonction de la longueur des phrases porteuses. Dans
une expérience, ils ont choisi trois longueurs d’énoncés : des mots isolés, des phrases courtes
(7/9 syllabes) et des phrases moyennes (12/14 syllabes). Les résultats ont montré qu’il n’y
avait aucune différence entre le traitement de l’accent familier et le non familier sur les mots
isolés par contre, il existait une différence dans le traitement des deux accents lors des phrases
moyennes. Afin d’évaluer cette différence, ils ont ensuite mené une deuxième expérience
avec trois longueurs de phrases différentes : les phrases courtes (7/9 syllabes), les phrases
moyennes (12/14 syllabes) et les phrases longues (17/19 syllabes). L’ensemble des phrases
moyennes était toujours présenté en premier. Tout d’abord, les résultats ont effectivement
montré que les sujets étaient plus rapides lorsque l’accent leur était familier. Ils ont également
montré que l’effet était d’autant plus important que les phrases étaient longues. Il n’y avait
aucun effet sur les phrases courtes pour les deux types d’accents. Le temps de réaction était
plus important pour les phrases moyennes, ce qu’ils ont expliqué par un « effet
d’habituation » puisqu’elles étaient toujours présentées en premier. Nous pensons que pour
les auteurs, ce terme correspond au temps d’ajustement. Cependant, lors des phrases
moyennes il y avait peu de différences entre le temps de réaction pour l’accent familier et non
familier. En revanche, le coût de traitement dû aux accents non familiers émergeait
principalement lors des phrases longues. Ce résultat montre l’importance de la longueur de
l’énoncé. Le temps de réaction est plus important pour les phrases moyennes que pour les
phrases longues car bien que l’auditeur soit en train de s’habituer aux accents de façon
79
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
générale lors de phrases moyennes, mais que le coût du traitement de l’accent non-familier se
manifeste seulement lors des phrases longues. Il semble donc qu’il y ait deux processus qui
fonctionnent en même temps. Un processus d’habituation qui ralentit le traitement de façon
générale (phrases moyennes) et un processus d’adaptation qui a besoin d’une plus grande
quantité d’information pour fonctionner, ce qui explique le coût élevé pour les phrases
longues. Le coût associé à la présence d’un accent n’est pas rapidement éliminé mais
s’installe progressivement dans la phrase. Le coût est d’autant plus grand lorsque l’accent
n’est pas familier. Lorsqu’il y a de grandes différences phonémiques, Floccia et al. (2006)
comparent un accent régional à une deuxième langue. Cette remarque est très loin du modèle
de Kuhl (NLM, 1991) qui explique que la variabilité n’affecte pas notre perception de la L1.
Floccia et al. (2006) postulent qu’en s’exposant plus souvent à un accent régional, il est
possible d’élaborer un filtre multidimensionnel pour mieux s’adapter à un accent. À partir de
ces résultats, nous pouvons dire que le processus d’adaptation ne s’enclenche que lorsqu’il
reçoit une certaine quantité d’informations dans le signal. Cela expliquerait pourquoi il n’a
pas d’effet sur les phrases courtes et peu sur les phrases moyennes (même s’il y a un effet
d’habituation avec ces dernières). Dès lors que ce processus d’adaptation se met à
fonctionner, il perturbe le traitement de la parole. C’est de cette façon que Floccia et al.
(2004) expliquent que le coût du traitement d’un accent non familier émerge principalement
avec les phrases longues. Ils concluent en disant que le processus d’adaptation nécessiterait du
temps pour pouvoir être efficace et le coût de traitement devrait disparaître si l'accent reste
inchangé. Ces faits suggèrent que le processus d'adaptation à l'accent régional nécessite un
mécanisme d'ajustement à court terme, qui exige une certaine quantité d’informations du
signal pour être efficace, et qui perturbe temporairement le traitement de la parole. Autrement
dit, le traitement est différent parce que les auditeurs sont en train de construire des
représentations de l’accent non-familier.
Il faut cependant souligner que cette étude porte sur les accents français perçus par les
francophones. Il n’est pas certain que les francophones écoutant des accents non-natifs
réussissent à s’ajuster aussi facilement.
Munro et Derwing (1995) ont mené des études sur l'adaptation des natifs à un accent nonnatif. Leurs résultats indiquent que les coûts de traitement inhérents à l’accent devraient
finalement retomber au niveau initial69 après que l'exposition à l'accent a été suffisante pour
permettre une adaptation complète. Autrement dit, la compréhension a tendance à s'améliorer
69
Les auteurs parlent de « baseline level » Munro et Derwing (1995).
80
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
avec l'exposition à la parole d’un non-natif. Selon ces auteurs, le processus de normalisation
se fait en deux étapes ; une rupture initiale de compréhension suivie par une adaptation rapide.
Le temps nécessaire pour la reconnaissance de mots peut être plus important si les mots
diffèrent considérablement des prototypes de l’auditeur. Un manque de compréhension ou une
mauvaise perception des segments peuvent nécessiter un temps de traitement plus long. Pour
que le message du locuteur puisse être compris, l'auditeur devrait travailler davantage pour le
décoder.
Un accent peut évidemment rendre la parole moins intelligible mais ce n'est pas toujours le
cas. Clark et Garrett (2004) ont constaté que le traitement d'un accent non-natif revient au
niveau initial après seulement deux à quatre phrases, mais soulignent que l'adaptation n’est
pas toujours assurée. Cette étude évaluait les natifs écoutant des non-natifs. Étant donné que
dans notre étude, nous évaluons des accents natifs par des non-natifs et la tâche semble
beaucoup plus compliquée, il n’est pas certain que nous trouverons les mêmes résultats.
Nous pouvons donc constater que selon ces trois études, les résultats sont assez similaires
dans la mesure où ils sont tous d’accord pour dire qu’il existe un coût de traitement lié à la
perception des accents. Cependant, à l’exception de Clark et Garrett (2004), les autres
demeurent assez vagues sur le temps nécessaire à l’adaptation.
Il faut également prendre en compte le type de stimuli. Un énoncé long fournit généralement
davantage d'indices et le contexte peut également aider à retrouver le sens. Cependant,
l'auditeur doit traiter simultanément de nouvelles et de vieilles informations pendant que le
locuteur continue à parler, ce qui peut aussi compliquer la tâche.
Au vu des résultats de Floccia et al. (2004) nous avons décidé que dans ce travail ainsi que
pour les expériences, nous allons comparer toutes les variétés régionales présentes dans le
corpus IViE avec l’accent qui est le plus proche de celui du type RP, c'est-à-dire l’accent de
Cambridge. Ce dernier nous servira d’accent « témoin » puisque c’est celui auquel les
apprenants francophones sont a priori le plus habitués. Cela nous permettra également
d’évaluer la compréhensibilité de la RP qui a rarement été vérifiée de façon empirique.
2.3.3.4. Conclusion
De façon générale, la variabilité dans la parole est encore aujourd’hui considérée par certains
linguistes comme un aspect indésirable dont il faut absolument se débarrasser. Toutefois,
depuis quelque temps, elle est mieux acceptée et prise en compte dans certaines théories.
81
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
Certains pensent qu’elle peut même aider dans la perception de la parole et dans
l’apprentissage malgré les difficultés qu’elle peut entraîner (Pisoni, 1995). Il semble
important lors de l’apprentissage d’une L2, d’être exposé aux différentes variations. Il est
possible que dans l’enseignement, la façon de parler aux apprenants soit systématiquement
faite dans un style soigné. Autrement dit, sans les éléments caractéristiques de la parole
continue tels que la réduction vocalique ou celle des mots. Ce qui permet d’être bien compris
mais n’oblige pas les apprenants de s’habituer à entendre ce genre de phénomènes. Le fait
d’être confronté à diverses variations permettrait aux apprenants de prendre l’habitude et de
s’y adapter. Bien que nous n’ayons fait qu’aborder la question de la variation présente dans la
parole, nous avons vu que la perception des locuteurs et différents styles de parole est souvent
facilitée par la familiarité et un processus d’adaptation à court terme.
De la même façon que pour la normalisation d’un locuteur, il faut s’ajuster à un accent non
familier. Le processus d’adaptation a besoin de temps pour extraire les indices importants du
signal. Le temps nécessaire à ce processus reste cependant incertain. Pour Clark et Garrett
(2004) il faut deux à quatre phrases pour s’adapter à un accent, mais ils ajoutent que ce n’est
pas toujours possible, même lorsqu’il s’agit de natifs qui écoutent des non-natifs. D’autres
études ont montré qu’après suffisamment d’expositions à un accent, la compréhension devrait
revenir au niveau initial. (Dupoux et Green 1997, Munro et Derwing, 1995). Cependant, ils ne
donnent aucune indication ce que signifie « suffisamment d’exposition ».
Les études de Floccia et al. (2006) ont prouvé que le coût de traitement induit par un accent
non familier augmente dans les phrases longues. Ils n’ont pas trouvé d’effet dans les phrases
courtes. Ils expliquent que le processus d’adaptation à l’accent régional nécessite un
mécanisme d’ajustement à court terme, qui exige une certaine quantité d’information du
signal pour être efficace, et qui perturbe temporairement le traitement de la parole. Floccia et
al. (2006) suggèrent que c’est la familiarité avec un accent régional qui détermine le
traitement de la phrase et non les caractéristiques particulières des accents. Mais les deux ne
vont-ils pas ensemble ? Être familiarisé à un accent ne signifie-t-il pas connaître ses traits
particuliers ? Lorsque nous sommes confrontés à un accent peu familier nous pensons que
même un natif peut avoir des difficultés à le comprendre. Les propositions de Dupoux et
Green (1997) qui postulent qu’il y a deux mécanismes qui fonctionnent ensemble
(l’ajustement à court terme et l’apprentissage à long terme), semblent plus cohérents que de
parler tout simplement de familiarité.
Évidemment, il semble logique que plus on est familiarisé avec un accent, moins sa
compréhension est difficile. Mais ne s’agit-il pas justement d’un ajustement et d’un
82
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
apprentissage à long terme ? Si cela est le cas pour les natifs, l’adaptation de la part des nonnatifs pourrait être également possible.
Il existe une autre étude qui évalue l’effet de la longueur des énoncés (Hanson et Ikeno,
2007). Cependant, il s’agit d’un travail fondamental à nos recherches puisqu’il traite à la fois
de l’identification et de la compréhension de trois accents régionaux du corpus IViE mais
également de l’impact de la longueur des énoncés.70
2.4. Les études sur les variétés d’anglais
Dans nos recherches, nous avons vu que les études sont souvent basées sur la perception et la
compréhension soit des non-natifs par des natifs, soit des natifs par d’autres natifs. Quelquesunes mélangent les deux, c'est-à-dire la perception des variétés régionales natives par les
natifs et les non-natifs. Pourtant, nous avons vu que selon Crystal71 il est plus probable
d’entendre l’accent RP parlé par une communauté entière à Moscou ou à Copenhague qu’à
Reading ou à Manchester. Mais à ce jour, peu de recherches se sont penchées sur la
perception sous cet angle là. Dans un premier temps, nous présenterons quelques études qui
traitent des accents de l’anglais de façon générale avant de présenter les travaux qui existent
sur la compréhension et la perception des variétés régionales par les natifs et les non-natifs.
2.4.1 Le traitement des accents par les natifs
La perception d'accents natifs par des non-natifs n'a pas souvent été l’objet de recherches
empiriques. Toutefois, nous pensons que ce genre de variation peut être difficile à traiter. Des
natifs anglophones peuvent également rencontrer des difficultés de compréhension mutuelle
(Trudgill, 1990). Les études précédentes qui ont examiné la perception et l’identification des
accents natifs anglophones incluent Clopper et Pisoni (2004, 2005) et Labov et Sharon (1997)
sur l’anglais américain et Evans et Iverson (2004) sur l’anglais britannique. Dans ces études
tous les auditeurs étaient des natifs de l’un des accents présents dans la tâche. Contrairement à
ce qui est affirmé par Kuhl (1991) dans sa théorie NLM, Labov (1994) a constaté qu’en
général plus d'un quart des mauvaises perceptions sont directement liées aux différences de
70
71
Cf. 2.4.2. Le traitement des variétés d’anglais par les natifs et les non-natifs.
Cf. « Prologue: The future of Englishes. » http://www.davidcrystal.com/DC_articles/English30.pdf
83
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
dialectes. Il a observé que les voyelles accentuées sont rarement à la source des mauvaises
perceptions (contrairement aux voyelles réduites ou non accentuées). À l’origine des erreurs,
on trouve souvent des consonnes qui entourent les voyelles, en particulier les consonnes
nasales et liquides qui peuvent obscurcir la qualité des voyelles (Labov, 1994). Les accents
régionaux des Iles Britanniques sont souvent cités comme source de difficulté dans la
reconnaissance et la compréhension de la parole. Wells (1982) estime que ce n’est
pratiquement qu’en Angleterre qu’une telle extrémité de variations entre accents existent.
Iverson et Evans (2004) ont mené une expérience sur la capacité des Britanniques à
normaliser les voyelles qui n’étaient pas dans leur système vocalique ou qui n’avaient pas la
même distribution. Il s’agit notamment de voyelles qui distinguent un accent de l’Angleterre
du Nord d’un accent du Sud. Ils ont montré qu’afin de comprendre la parole, les auditeurs
devaient s’ajuster à la variation phonétique, surtout lorsqu’ils étaient confrontés à un accent
très différent de leur propre représentation linguistique. Ils ont constaté que « When listening
to a southerner, native speakers of North English are required to map words that contain [ɑ:]
and [ʌ] onto their lexical representations that may be based on [a] and [ʊ] » (Iverson et
Evans, 2004 : 352).
Bien qu’il soit parfois difficile pour les Anglais du Nord de savoir quels mots sont prononcés
avec [ɑ:] et [ʌ], il serait extrêmement rare que leur perception de ces phonèmes en soit gênée.
En revanche, d’autres prononciations peuvent causer des gênes perceptives. Les différences
entre deux systèmes phonologiques peuvent affecter les capacités d’un auditeur d’extraire le
contenu linguistique. Flemming (2005) explique que dans tous les cas, les contrastes
maximaux sont préférés puisqu’on a moins tendance à les confondre avec notre propre
système acoustique. Ceci rappelle les principes émis par les théories de l’acquisition.
Pour se comprendre mutuellement et de façon efficace, la perception de la parole doit être
rapide et précise. Les auditeurs sont plus rapides et précis à identifier une catégorie
phonologique lorsqu’elle est assez distincte des autres catégories. Mais que se passe-t-il
lorsqu’il n’y a que peu, voire aucun contraste entre deux mots dans un accent régional ? Dans
certaines variétés d’anglais la même voyelle existe pour deux groupes lexicaux différents. Par
exemple, dans un accent irlandais du sud, le mot hair peut être confondu avec le mot her, les
deux peuvent avoir la voyelle [ɜ˞:] (Wells, 1982) et sont donc homophones. Les auditeurs
peuvent-ils compenser cette variation en cherchant dans le contexte, ou vont-ils comprendre
hair à la place de her et vice versa ? Les natifs britanniques peuvent s’appuyer à la fois sur
leurs connaissances de la langue et de l’accent en général, ainsi que sur le sens de la phrase
84
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
afin de tenter de compenser cette variation. Mais est-il possible qu’un non-natif retrouve
l’information alors qu’il n’a pas forcément les même connaissances ni de la langue ni de
l’accent ?
2.4.2. Le traitement des variétés de l’anglais par les natifs et les non-natifs
Dans cette section nous allons d’abord présenter une recherche concernant la compréhension
et la perception de deux variétés de l’anglais. Ensuite nous examinerons une étude qui a
utilisé le corpus IViE. Ces travaux ont beaucoup inspiré notre travail.
Une étude de compréhension a été faite sur deux variétés d’anglais (Fraser Gupta, 2005). Il
s’agit de l’anglais de type RP et de l’anglais des Singapouriens. Bien qu’il ne s’agisse pas
seulement de variétés régionales de l’Angleterre, la méthodologie est particulièrement
intéressante. Les deux groupes de participants (Anglais et Singapouriens) devaient écouter un
passage court dans les deux variétés et écrire ce qu’ils entendaient. Fraser Gupta (2005)
estime que la compréhension est un travail qui implique que les participants devinent parfois
le sens. L’annotation des transcriptions orthographiques des participants était basée sur le
contenu et l'exactitude de la reconnaissance des mots. La méthode utilisée pour noter le
contenu évaluait les capacités des auditeurs à écrire correctement l’histoire. Pour la deuxième
note, les mots correctement transcrits ont été comptés, mais il s’agissait plus d’une
transcription basée sur la phonologie. Par exemple un participant ayant écrit « pastas » au lieu
du mot « pastors » a perdu des points pour le contenu, mais a marqué des points pour la note
des mots correctement transcrit. Bien que cet exemple soit clair, les mots pastors et pastas
étant des homophones (en RP), Fraser Gupta souligne qu’il n’était pas toujours évident de
trancher entre ce qui était à considérer comme une transcription correcte et ce qui relevait
d’une mauvaise perception.
Les résultats ont montré que les accents familiers étaient plus faciles à traiter que les non
familiers. Les Singapouriens ont notamment eu des difficultés avec le coup de glotte. Fraser
Gupta (2005) a affirmé que ses résultats suggèrent que l’anglais de Singapour est plus facile à
comprendre que l’accent du type RP. La motivation à apprendre une langue et à participer à
une expérience peut également avoir des effets sur la perception. L’avis ou le jugement d’un
auditeur envers une certaine variété est un facteur important que nous verrons plus tard. Fraser
Gupta (2005) explique qu’en examinant ses résultats de plus près, les facteurs culturels
avaient un impact aussi important sur la compréhension que l’effet de la variation causée par
un accent peu familier.
85
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
Une autre étude a été faite à la demande des constructeurs de tests TOEFL afin de savoir quels
effets un accent pouvait avoir sur la compréhension (Major et al, 2005). Cette démarche est
assez étonnante étant donné que le TOEFL se base sur la compréhension d’une variété
standard (américaine ou britannique) bien que celle-ci ne reflète pas la situation réelle de la
diversité de la langue anglaise. Cette étude a montré que les accents ont eu un effet sur la
compréhension des natifs et des non-natifs. Les non-natifs ont même rencontré des difficultés
avec l’accent le plus familier c’est-à-dire le « General American ».
La seule étude similaire à notre travail est celle de Hanson et Ikeno (2007). Elle mérite d’être
décrite en détail. Les auteurs utilisent une partie du corpus d’IViE pour évaluer les capacités
des non-natifs et des natifs à identifier et à comprendre trois variétés d’accents à savoir, ceux
de Belfast, de Cambridge et de Cardiff. Ils se sont servis du passage d’IViE où deux locuteurs
se donnent les directions géographiques à l’aide d’un plan d’une ville.72 Il s’agit donc de la
parole quasi spontanée. Ils ont utilisé trois types de longueurs d’énoncés différents : les mots
de 1-3 syllabes, les énoncés courts (3-10 mots) et longs (11-26 mots). Il y avait trois groupes
d’auditeurs : un groupe de non-natifs (entre autres, les Chinois, les Croates, les Allemands et
les Japonais) et deux groupes natifs, un qui était a priori familier avec ces accents (les
Britanniques) et un autre moins, voire pas du tout familiarisé (les Américains). La première
expérience consistait en une tâche d’identification d’accents où il fallait déterminer l’origine
géographique des locuteurs. Les résultats ont montré une différence entre les non-natifs et les
natifs, mais aussi entre les deux groupes de natifs. Les auditeurs britanniques ont mieux
identifié les accents (83%) que les auditeurs américains (56%). Les auditeurs non-natifs n’ont
correctement identifié que 45% des accents.
Les accents de Cambridge et de Belfast ont été identifiés de façon plus au moins semblable
(Britanniques : 90% et 91%, Américains : 63% et 66% respectivement). L’accent de Cardiff
était le moins souvent correctement identifié (Britanniques : 66% et Américains : 38%). Les
non-natifs ont correctement identifié l’accent de Cambridge à hauteur de 63%, celui de
Belfast à 38% et celui de Cardiff à 34%.
En ce qui concerne la longueur des énoncés, les natifs britanniques ont bénéficié du contexte
plus long, ce qui n’était pas le cas pour les auditeurs peu familiers (les natifs américains et les
non-natifs). L’accent de Cardiff était plus souvent confondu avec l’accent de Cambridge
qu’avec l’accent de Belfast par tous les auditeurs. Les auteurs en ont conclu qu’il était plus
probable de confondre l'accent de Cardiff avec l'accent de Cambridge et vice-versa que de les
72
Cf. Chapitre 4 sur la méthodologie et le corpus.
86
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
confondre avec l'accent de Belfast. Cela voudrait dire qu’il y a des fortes ressemblances entre
l’accent de Cambridge et l’accent de Cardiff. Cependant, nous avons vu les différences qui
existent dans le chapitre précédent entre la RP (proche de l’accent de Cambridge) et Cardiff.
Ces résultats nous paraissent problématiques et ne semblent pas refléter la réalité linguistique.
Toutefois, ils démontrent qu’être anglophone peut être avantageux dans l’identification d'un
accent britannique, mais que la familiarité de ces accents aide énormément.
Leur deuxième tâche consistait en une transcription orthographique. Cette méthode est encore
peu utilisée pour les expériences de perception et de compréhension. Les auditeurs n’ont
entendu les stimuli qu’une seule fois. Les taux d'erreurs ont été automatiquement calculés par
rapport à l'insertion, l'effacement et la substitution de mots. Les résultats indiquent un effet lié
à l’origine de l'auditeur et le type d'accent entendu. Les natifs ont mieux compris que les nonnatifs. Pour les trois groupes, l'accent de Cardiff était le plus compréhensible, et l'accent de
Belfast l’était le moins. Cependant, pour les auditeurs natifs, les accents de Cambridge et de
Cardiff étaient aussi compréhensibles l’un que l’autre.
Les auteurs ne donnent aucune information sur l’effet de la longueur des phrases sur la
compréhension. Nous pouvons en déduire que ce facteur n’a pas eu d’impact important. Ces
résultats indiquent toutefois que l’accent le plus compréhensible n’est pas nécessairement
celui qui est le mieux identifié. Les accents qui étaient bien compris ont souvent été pris l’un
pour l’autre contrairement à ceux qui étaient moins compréhensibles. En revanche, dans une
autre étude, Hanson et Ikeno (2006) ont montré que les accents anglais les plus
compréhensibles ont eu tendance à être correctement identifiés comme des accents natifs. Par
contre, l’accent natif qui a été le moins compris avait tendance à être classé en tant qu’accent
non-natif. Cela suggère qu’il y a un lien entre l’intelligibilité d’un accent et le jugement des
auditeurs sur ces accents.
Nous avons déjà vu qu’être familiarisé avec la variation, que cela soit au niveau des locuteurs
ou des accents, peut avoir un rôle important à jouer. La façon dont les auditeurs traitent
certaines caractéristiques d'accents avec lesquels ils sont moins familiers peut fournir une
compréhension plus générale sur leur perception.
Selon Major et al. (2005), les auditeurs comprennent certains dialectes plus facilement que
d'autres. Les apprenants de la langue anglaise qui vont dans un pays anglophone vont
sûrement être confrontés à des variétés autres que la variété standard qu'ils ont apprises dans
leur pays. Nous avons souligné que la relation entre la compréhension d'une variété et la
familiarité avec cette même variété est une idée très répandue à savoir, plus on a été
familiarisé à une ou plusieurs variétés, plus il sera facile de la comprendre. Par conséquent, il
87
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
est normal de penser que les apprenants auront plus de facilités à comprendre la variété RP
que d'autres variétés régionales, ethniques ou même internationales. Cependant, il est
nécessaire de déterminer si les variétés régionales ont réellement un coût de compréhension et
si toutes les variétés ou seulement certaines posent des difficultés. Les résultats de Hanson et
Ikeno (2007) donnent un premier aperçu de la compréhension des accents régionaux par des
non-natifs. Cependant, cette étude s’est limitée à seulement trois accents du corpus IViE. Lors
de nos expériences nous tenterons d’évaluer la perception et la compréhension des neuf
accents afin d’avoir une vue d’ensemble sur leur traitement. Le fait que certains accents
puissent affecter la compréhension de la langue a des implications pédagogiques. Il est
important d'aborder ces variétés et de préparer les étudiants afin qu'ils disposent des outils
nécessaires pour limiter les difficultés. Il est souvent dit que plus on apprend de langues, plus
cela devient facile. Est-ce que cela fonctionne de la même manière concernant différents
accents ? La migration des Britanniques a laissé quelques traces linguistiques dans les autres
pays anglophones. L’étude d’un accent facilite-t-il la compréhension d'autres accents
anglophones ?
2.4.3. Conclusion
De la même façon que pour la variation des locuteurs, la variation d’accents est perçue et
codée dans le langage quotidien des natifs. Cependant la familiarité joue un rôle important
dans le traitement de la variabilité. Par leur expérience avec leur L1, les natifs sont plus aptes
à normaliser la parole afin de faciliter sa compréhension. En ce qui concerne les non-natifs, le
manque de familiarité avec certaines variétés constitue un obstacle dans la compréhension.
Dans le traitement des accents, Fraser Gupta (2005) souligne la nécessité de pouvoir projeter
les phonèmes de la L2 sur ceux de la L1 pour mieux les percevoir. Nous avons vu que ceci
n’est pas toujours souhaitable dans la mesure où cela ne favorise pas forcément la perception
des phonèmes de la L2.
En revanche, les résultats de l’étude de Hanson et Ikeno (2007) qui traitent de la
compréhension de trois accents régionaux nous laissent perplexe. Comment est-il possible
d’identifier l’accent du Pays de Galles comme celui de Cambridge ? Étant donné les
différences entre ces variétés, ce résultat paraît plutôt inattendu. Il sera intéressant de voir
quels sont nos résultats vis-à-vis de l’accent de Cardiff. Cela reflète-t-il des capacités de
perception des auditeurs ? Ou bien, est-ce que l’accent des locuteurs n’est pas assez typique ?
Le fait que l’accent de Cardiff soit le plus facilement compris donne un premier résultat qui
88
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
laisse penser que la RP n’est pas toujours l’accent le plus facile à comprendre. À l’heure
actuelle, les recherches de Fraser Gupta (2005) et de Hanson et Ikeno (2007) constituent les
études les plus approfondies sur la compréhension des variétés britanniques par des nonnatifs.
2.5. Les erreurs de perception
Dans cette section nous allons parler des erreurs de perception afin de tenter d’envisager
lesquelles nous trouverons dans notre expérience de compréhension. La manière dont un
auditeur sépare les segments et les mots dans la parole continue est encore peu compris
(Studdert-Kennedy in Pisoni et Remez, 2005). Les mauvaises perceptions ou ‘slips of the ear’
(Bond, 2005) ont été recensées depuis plus d’un siècle. Meringer et Mayer furent les premiers
à le faire en 1895 (Bond, 2005). Ils ont noté que les voyelles accentuées étaient perçues plus
correctement que les consonnes. Les mauvaises perceptions peuvent fournir des indices sur la
façon dont les auditeurs utilisent leurs connaissances linguistiques dans la compréhension
d’une langue. Elles montrent comment une langue est perçue de façon phonétique et
phonologique, mais également au niveau syntaxique et lexical. Par exemple, Cole et Jakinik
(1980, in Matlin, 1983) explique que les mots sont reconnus par l’interaction de l’information
dans les stimuli et des connaissances déjà acquises. La reconnaissance d’un mot aide à en
reconnaître d’autres. Par exemple, le mot green est normalement suivi d’un nom ou d’un autre
adjectif. Un mot peut donc donner des indices sur ce qui suit. Ces connaissances de la langue
peuvent aider les natifs mais pour les non-natifs cela dépend de leur niveau de langue. De la
même manière, les mots les plus fréquents sont a priori reconnus avec plus de sûreté et plus
facilement que les moins fréquents ou rares (Nygaard, 2005). Des lacunes dans la
connaissance de la langue peuvent influer d’une manière ou d’une autre sur la perception, tout
comme la familiarité ou l’habitude face à certains phénomènes. (Bond, 2005).
Buck (2001) explique que deux types de confusion peuvent empêcher la compréhension : (1)
les confusions partielles qui mènent à des incompréhensions totales et (2) des confusions
totales avec l’illusion de comprendre. Nous verrons que Bond (2005) indique également
qu’on peut arriver à détecter l’origine de la mauvaise perception, mais que parfois la phrase
est tellement éloignée de l’énoncé initial que l’incompréhension demeure inexplicable.
Nous avons trouvé un résumé de différentes sortes de mauvaises perceptions, leurs origines
ainsi que les éléments d’explication (Bond, 2005). Nous tenterons d’apporter des explications
89
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
concernant ces erreurs. La compréhension est au centre de cette étude et nous pensons qu’il
est très utile de se familiariser avec les différentes erreurs qui peuvent exister dans le cas où
nous y sommes confrontés dans les chapitres suivants. Les exemples de Bond (2005) sont des
erreurs de perception faites par les natifs, soit à cause d’un accent régional, soit à cause d’un
accent étranger. Bien qu’elles concernent souvent les erreurs des natifs, elles montrent à quel
point la perception peut être déformée par un accent. Cependant, il existe également quelques
exemples de perception des accents régionaux et non-natifs. Dans le cadre de ce travail, ces
informations sont indispensables et sont rarement regroupées. Nous allons regarder le cas des
voyelles, des consonnes et d’autres phénomènes classiques. Puis, nous aborderons les
catégories de mots les plus touchées par les mauvaises perceptions et les formes qu’elles
peuvent prendre.
Tout d’abord, notons que Bond (2005) explique que les mauvaises perceptions entre natifs de
dialectes différents ou celles qui peuvent être faites en écoutant un accent non-natif peuvent
prendre deux formes :
-
Les auditeurs perçoivent le détail phonétique correctement mais retrouvent autre chose
que l'énoncé initial.
-
Ils peuvent compenser incorrectement ou sur-compenser en raison des caractéristiques
de l'accent du locuteur.
Afin d’illustrer ces deux formes Bond (2005) note que lorsqu’un non-natif entend une
vibrante battue il peut la confondre avec une occlusive alvéolaire réduite. Par exemple : barrel
→ bottle.
Autrement dit, l’auditeur entend [ɾ], mais à cause de sa ressemblance avec un /t/ ou un /d/,
retrouve un autre mot. Cependant, si l’auditeur avait eu des connaissances de l’accent
américain il aurait su que dans cette variété d’anglais, le /t/ ressemble souvent à [ɾ]. De cette
façon, il sur-compense à cause des caractéristiques de la variété.
Il donne également l’exemple d’un auditeur qui n’a pas su compenser l’accent régional du
sud-est de l'Ohio : That’s a special → spatial
Segui, Frauenfelder et Hallé (2001, cité dans Pisoni et Remez, 2005 : 547) expliquent que la
perception des phonèmes qui ne font pas partie de notre système phonologique maternel peut
amener à des illusions linguistiques. Ils proposent trois exemples qui peuvent expliquer
certaines difficultés de la part des non-natifs :
-
La surdité phonologique : nous n’entendons pas la différence entre deux phonèmes et
sommes incapables d’entendre correctement un segment. Un exemple qui est
90
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
largement cité est la difficulté ou l’incapacité des japonophones à percevoir la
différence entre road et load en anglais. L’auditeur ignore l’information contrastive
qui est contenue dans le signal.
-
Un mirage : l’auditeur crée d’information qui n’est pas présente dans le signal, par
exemple, les Espagnols peuvent penser entendre un /ɛ/ devant des consonnes initiales
de mots anglais en suivant le modèle de leur propre langue (spain – espain). Ceci est
aussi appelé, entendre un son fantôme.
-
La mutation : l’auditeur transforme un son en un autre. Par exemple puisque le cluster
/tl/ n’existe ni en français ni en anglais, les auditeurs vont le changer en /tr/ ou /kl/, les
suites de segments qui existent dans les deux systèmes.
Ces explications s’appliquent davantage au niveau des phonèmes, nous souhaitons rester dans
cette optique pour pouvoir tout d’abord détailler les mauvaises perceptions des voyelles.
2.5.1. Les voyelles
D’une manière générale, les erreurs de perception sont plus fréquentes sur les voyelles non
accentuées ou réduites que sur les voyelles accentuées. Bien qu’il puisse parfois arriver
qu’une voyelle accentuée soit remplacée par une autre voyelle. Par exemple :
It’s a math problem → a mouth problem
Cependant, Labov (1994) affirme que c’est plutôt l’environnement consonantique qui peut
changer la qualité de la voyelle. Après les voyelles non-accentuées, c’est la deuxième cause
de mauvaises perceptions des voyelles. Par exemple :
Alan → Ellen
Wendy will come → windy
Cherri and me → cheery and me
En effet, nous pouvons remarquer la présence des consonnes liquides qui induisent souvent
des erreurs. En parlant des différences entre la langue française et anglaise, Hallé, Best et
Levitt (2000) ont expliqué que les phonèmes /r/l/w/j/ sont très différents sur le plan
phonétique articulatoire de ces mêmes phonèmes en anglais américain. Sur ce constat, ils ont
mené des expériences qui ont montré que les francophones avaient certaines difficultés à
91
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
percevoir le /r/ américain mais qu’il était davantage problématique de percevoir le contraste
entre /r/ et /w/. Nous pouvons donc nous attendre à rencontrer ce type d’erreur dans notre
expérience de compréhension.
Une autre possibilité avec les voyelles non-accentuées est lorsque le schéma accentuel des
mots est mal perçu, mais ceci est toujours accompagné d’une certaine restructuration de
l’énoncé.
Giving an award → giving an oral
Roll up the back window → patrol the back window
I’m in the political science department → pickel science departement
Effectivement, la transformation de l’énoncé est considérable. En ce qui concerne le troisième
exemple, la rapidité de la parole ou/et la réduction phonologique laissent imaginer que pickel
et political peuvent être confondus. Mais pour le deuxième exemple, il est intéressant de voir
que des consonnes (et une voyelle réduite) ont été carrément ajoutées dans la perception de
cet énoncé : roll → patrol.
Les voyelles réduites sont souvent mal perçues, ajoutées ou omises. Cela peut être le cas dans
les mots lexicaux :
Grammar Workshop → grandma workshop
Mais plus souvent dans les mots grammaticaux :
They took footprints when you’re born → in the dorm
Lorsque les voyelles réduites sont omises ou ajoutées, la forme de l’énoncé change puisqu’il y
a des syllabes en plus ou en moins.
Evolution of tense systems → intense systems : la syllabe initiale a été mal entendue ce qui
induit la mauvaise perception.
Le fait de ne pas percevoir une voyelle inaccentuée peut causer la perte de toute une syllabe
non-accentuée.
My coffe cup refilled my → coffee cup fell : le mot refilled perd sa syllabe initiale et est
restructuré phonologiquement.
Accidents → actions : la syllabe médiane n’est pas perçue.
92
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
2.5.2. Les consonnes
Plusieurs études ont montré que de façon générale, les consonnes posaient plus de difficultés
de perception que les voyelles, et ce même lorsque ces deux étaient mal prononcées (Cole et
al, 2001, Neel, Bradlow et Pisoni, 1998, Bond et Small, 1983 cité par Bond, 2005). Lors
d’une mauvaise perception des consonnes, l’énoncé perçu peut être extrêmement éloigné de
l’énoncé l’initial. Comme pour les voyelles, les consonnes peuvent être omises, ou ajoutées
mais aussi très souvent substituées par une autre consonne. Bond (2005) souligne que
l’omission d’une consonne peut concerner le début ou la fin d’un mot. Bien qu’en position
finale cela soit beaucoup plus fréquent. Par exemple :
When their condition → air condition : consonnes initiales non perçues.
The only poor meet → the only poor me; else → elfs ; Tapas bar → Topless bar.
La substitution d’une consonne par une autre se fait assez librement. Cependant, elles ont
tendance à avoir les mêmes catégories articulatoires. De cette façon, une obstruante est prise
pour une autre obstruante. Les mauvaises perceptions de ce genre arrivent normalement au
début du mot.
/t/ peut être pris pour une autre occlusive (1), une fricative (2), une affriquée (3) ou une
sonante (4). Par exemple :
great → grape ; at least this part of it → this park ; training for great books → grade books
she had on a trench suit → French suit
I bet that’ll be a teary program → cheery program
bootie → boolie; Fifth Street → fifth string
Bond (2005) décrit un processus qui inclut à la fois les mauvaises perceptions des voyelles
mais aussi des consonnes. Il est connu sous le nom de ‘Law of Hobson Jobson’. L’exemple
donné est a fancy seductive letter qui est entendu comme a fancy structive letter. Bond
explique que l’auditeur n’a probablement pas détecté la voyelle réduite de la première syllabe,
et a perçu le /d/ comme non-voisé.
2.5.3. Les connaissances lexicales
Les auditeurs peuvent être aidés ou au contraire induits en erreur à cause des connaissances
lexicales et du contexte. Normalement, ces derniers peuvent aider à trouver les mots de
l’énoncé et le sens de la phrase. Un natif est souvent capable de compenser les variations ou
93
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
interférences. Autrement dit, ils retrouvent le sens d’une phrase même lorsqu’ils ne perçoivent
pas tous les mots. Il a été montré lors des expériences de Warren (1970, in Matlin, 1983) que
des auditeurs natifs pensaient avoir entendu un mot à cause du contexte, alors qu’en réalité, le
mot en question était remplacé par un bip ou par un non mot. Ils ont pensé entendre le mot
wheel dans la phrase : the xeel was on the axle.
Les non-natifs seraient-ils capables de compenser les variations ? Est-ce qu’ils peuvent
utiliser leurs connaissances lexicales pour retrouver le sens d’un énoncé ?
-
Les auditeurs entendent les non-mots
Les erreurs de perceptions ou slip of the ears peuvent aboutir à la perception de non-mots, de
non sens ou d’autres mots non appropriés ou non voulus par le locuteur, c'est-à-dire que les
séquences phonologiques ne correspondent à aucun item lexical existant ou alors à un item
inapproprié. De nombreuses raisons peuvent expliquer ces erreurs. Par exemple, dans le cas
des noms propres ou d’un vocabulaire spécialisé, il arrive que les auditeurs n’aient tout
simplement pas les connaissances suffisantes pour retrouver le message (Bond, 2005). Cela
peut être aussi dû à des facteurs culturels qui peuvent varier d’un pays à un autre et qui
peuvent créer des difficultés de compréhension. Dans ce cas l’auditeur cherche le mot qui est
le plus proche dans ses connaissances lexicales de la langue. En revanche, les mots longs ne
sont que rarement mal perçus ou mal compris. Bond (2005) explique aussi que des
perceptions de non-mots peuvent être causées par l’accent régional d’un locuteur. L'auditeur
n'a pas assez connaissance de l’accent en question pour traiter la variation et même les mots
communs peuvent être mal perçus sans aucune raison linguistique évidente. Par exemple :
Kings → kangs : L'auditeur a annoncé avoir entendu un non-mot quand il était présenté avec
la voyelle nasalisée produite par un locuteur du sud des États-Unis.
2.5.4. Les frontières de mots
On peut être confronté à des difficultés de perception dans la parole continue à cause de
certains phénomènes tels que l’assimilation ou l’élision qui ne se produisent pas dans les tests
de type CVC. Une erreur très fréquente est liée aux frontières des mots. Il est difficile pour les
auditeurs de segmenter le flux de parole et ainsi trouver le mot dans leur lexique.
Bond et Garnes (1980, in Matlin,1983) ont répertorié trois types de difficultés liées aux
frontières de mots qui peuvent être :
94
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
-
Supprimée : get a pill out → get a pillow.
-
Déplacée : there’s some iced tea made → there’s a nice team mate.
-
Insérée : he’s Snoopy in disguise → he’s Snoopy in the skies.
Les auditeurs peuvent ne pas détecter les frontières de mots, ou en insérer parce qu’une partie
de l’énoncé a été mal comprise ou perçue. Ce classement est très intéressant et pourrait
s’avérer utile pour expliquer les erreurs de reconnaissance de mots et de compréhension.
Selon ses connaissances, l’auditeur peut utiliser certains indices afin de faciliter sa perception
d’un énoncé. Les erreurs de perception qui impliquent les frontières de mots suggèrent que les
auditeurs s’appuient sur les syllabes accentuées pour les aider à segmenter. Étant donné que le
français est une langue à rythme syllabique, il est possible lors de nos expériences que les
participants francophones essayent de segmenter d’autres langues en se servant de leur
système L1.
Il peut arriver que toutes les propriétés vocaliques et consonantiques de l'énoncé se trouvent
dans ce qui est perçu, sauf en ce qui concerne les frontières de mots.
Une erreur classique de ce type est :
Acute back pain /əˈkju:t/ /bæk/ /peɪn/ → a cute back pain → /ə/ /kju:t/ /bæk/ /peɪn/
L'auditeur a correctement perçu les phonèmes, mais a mal analysé l'énoncé en interprétant la
syllabe inaccentuée initiale comme un article. L’énoncé est phonologiquement intact mais
l’auditeur a perçu autre chose que l’énoncé initial simplement à cause d’un mauvais
placement de frontière de mots. Les erreurs typiques indiquent que les auditeurs se basent sur
la structure de leur langue. Par exemple en anglais, l’accent des noms se trouve
principalement en début de mot. Les expériences menées par Cutler et al (1987) ont montré
que les francophones ont segmenté les mots anglais au niveau de la syllabe, alors que les
anglophones ne l’ont pas fait pour les mots français. Ce qui indique que les auditeurs traitent
la parole de la même façon que leur langue maternelle, plutôt que par rapport aux réelles
propriétés phonologiques de la langue en question. Cutler et al. (1987) ont également montré
que les francophones n’utilisent pas l’accent de mot comme outil dans la reconnaissance des
mots.
Dans les cas où la frontière de mot est mal insérée ou omise et lorsqu’il n’y a pas de
changement phonologique radical, l'environnement phonologique est forcément une syllabe
accentuée suivie d’une syllabe non accentuée Bond (2005). Par exemple :
95
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
we’re going to pour him into the car → purim into the car
Cependant, il existe des exceptions. La frontière de mot n’est pas toujours placée devant les
voyelles accentuées parce que les auditeurs utilisent d'autres indices phonétiques pour
indiquer son emplacement. Le déplacement des frontières de mot peut aussi concerner la
mauvaise répartition des consonnes, c'est-à-dire faire d’une consonne finale une consonne
initiale. Par exemple :
I need a loose crew → loose screw
We could give them an ice bucket → a nice bucket
2.5.5. Les mots lexicaux et grammaticaux
Bond (2005) a trouvé que les auditeurs pouvaient percevoir un mot lexical qui n’est que
vaguement lié à l'énoncé initial. Toutefois ces substitutions ont quelque ressemblance avec le
domaine du mot cible. Bond explique que ceci peut venir d’un manque d’attention. Par
exemple, le mot pathology est perçu comme psychology. Cette explication est cohérente, mais
nous pensons qu’il est possible d’expliquer ce phénomène autrement. Il peut refléter un
manque de connaissances lexicales, surtout pour les non-natifs, qui, de par le contexte global,
saisissent la signification de l’énoncé, mais remplacent un mot rare ou inconnu par un mot
fréquent. Par exemple, le mot insisted pourrait être remplacé par le mot said. Les deux n’ont
pas exactement le même sens mais signifient tout de même que le locuteur a parlé. Un
exemple de Bond rejoint cette idée :
Sounds interesting → sounds intriguing
Il est possible de faire le lien entre quelque chose d’intéressant et quelque chose d’intrigant.
En ce qui concerne les mots grammaticaux, ils ont tendance à être non accentués dans la
parole continue. Ils sont souvent mal perçus ou ajustés pour correspondre à la phrase. Il peut
arriver que les auditeurs perçoivent incorrectement les mots grammaticaux dans un contexte
d'autres erreurs. Par exemple:
Did you put the food out for him → did you put the food for them : le mot grammatical a été
mal perçu.
I think I see a place → I think I see his face : un mot lexical et un mot grammatical ont été
mal perçus.
96
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
Des mots grammaticaux peuvent résulter de mauvaises perceptions de frontières de mots. Les
auditeurs ont entendu de mauvaises frontières de mots et ont interprété la matière
phonologique non utilisée comme des mots grammaticaux appropriés.
Jefferson Starship → Jeffers and starship
You swallowed a watermelon → you smiled at a watermelon
I’ve been doing research → a search
Parfois, les auditeurs réinterprètent ou modifient des mots grammaticaux pour correspondre à
ce qu’ils ont entendu et pour que la phrase soit correcte, soit en donnant un mot qui est faux
soit en supprimant un mot.
hypnotic age regression → hypnotic aid to regression: le mot age est perçu comme aid,
ensuite une préposition est insérée pour que l’énoncé soit correct.
change for a dollar → exchange a dollar : comme le mot exchange n'exige pas de
préposition, la préposition est tout simplement supprimée.
2.5.6. La syntaxe
Les expériences sur la perception utilisent souvent les mots isolés ou des phrases courtes, ce
qui donne peu d’informations sur la syntaxe. Lorsque les erreurs de perception impliquent des
énoncés plus longs, ils peuvent montrer des divergences considérables avec l’énoncé initial.
Dans ce cas, les énoncés sont tellement déformés qu’il peut être difficile de déterminer
exactement ce qui a été mal perçu. Bond (2005) décrit plusieurs sous-catégories dans cette
section.
2.5.6.1. Les énoncés « bien » et « mal » formés
La plupart des erreurs donnent des énoncés correctement formés au niveau syntaxique, c'està-dire qu'il n'y a pas de changement syntaxique dans les parties mal perçues. Parfois, les
mauvaises perceptions peuvent empêcher l’auditeur d'analyser l’énoncé. Ou alors, les
mauvaises perceptions créent des énoncés que l’auditeur est incapable d’analyser.
Has knocked real dents → has not real dents : le verbe knocked a été perçu comme le négatif
not.
97
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
Ceci peut conduire à l’incompréhension avant même que le locuteur ait pu finir sa phrase. Ce
genre de mauvaises perceptions suggère que les auditeurs essayent de projeter immédiatement
ce qu’ils ont entendu sur des structures syntaxiques.
Des erreurs de perceptions peuvent donner des énoncés grammaticalement incorrects. Par
exemple :
I just got back from Denison → from dentist : l’article est omis
Wouldn’t she look good with a ring in her nose → oregano nose : une mauvaise perception de
« a ring in her ».
Dans certains cas, il n’est plus possible de parler d’énoncé bien formé ou non.
We offered six → we Alfred six : le verbe est perçu comme un nom propre sans ajustement
quelconque de la suite de l’énoncé. La phrase ne veut plus rien dire.
2.5.7. La morphologie
Les erreurs de perception impliquent essentiellement les suffixes pluriels. Dans ce genre de
mauvaise perception l’énoncé initial contient de la matière phonétique qui peut être
interprétée comme un pluriel, parfois à cause de la consonne initiale du mot suivant. Par
exemple :
Her niece was in the hospital → her knees
On an island with a moat surrounding it → with moats surrounding it
2.5.8. Structure et fonction
La fonction et structure interne d’un énoncé peuvent être mal analysées de plusieurs façons. Il
existe deux causes essentielles, qui fonctionnent souvent ensemble. Les auditeurs récupèrent
un mot qui est similaire phonétiquement au mot d’origine mais a une fonction langagière
différente : une question est interprétée comme une commande, un nom est perçu comme un
verbe, ou/et ils perçoivent incorrectement les frontières de mots.
Where are your jeans ? → wear your jeans !
May the force be with you → metaphors be with you
I’m going to get it towed → to get a toad
I’m going to go downstairs and do some laminating → lemon eating
98
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
Parmi les différents types de mauvaises perceptions que nous avons vus, Bond (2005)
souligne que lorsque plusieurs mauvaises perceptions ont les mêmes caractéristiques, il est
possible qu’elles représentent le véritable processus perceptif.
2.5.9. Conclusion
Nous pensons avoir souligné les problèmes de perception les plus courants et les plus
importants afin de donner des informations globales.
Nous avons pris le soin d’être exhaustive dans cette section afin de prendre conscience du fait
que les mauvaises perceptions pouvaient prendre plusieurs formes. Le travail de Bond nous a
permis de mieux les comprendre. On est loin de l’exemple plutôt simple de Fraser Gupta
(2005) pastors écrit comme pastas. Il était également important de constater que parfois il
n’existe tout simplement aucune d’explication pour certaines erreurs de perception. Nous
pensons que les différents cas exposés dans cette section pourront être utiles pour notre partie
expérimentale.
2.6. L’identification et l’évaluation des accents
Dans cette dernière partie, nous allons présenter quelques travaux sur l’identification des
accents régionaux ainsi que les jugements qui sont faits à propos des accents en général.
Les études d’identification des variétés régionales sont encore assez limitées dans la
littérature. De façon traditionnelle, la perception de la provenance géographique d’un locuteur
était considérée comme séparée de la perception de la parole (Nygaard, 2005). Ce type
d’expérience peut aider à comprendre quelles sont les propriétés acoustiques du signal vocal
les plus importantes afin d’identifier la provenance géographique d’un locuteur. Les auditeurs
écoutent des énoncés de différents locuteurs et doivent les classer en fonction de leur région
ou leur ville. En identifiant les indices utilisés dans la catégorisation d’accent, il est possible
de déterminer quels types d’informations de la variation dialectale sont codés, stockés et
représentés par l'auditeur naïf.
Différentes méthodes sont utilisées telles que celle de la technique du locuteur masqué,73 qui
consiste en un seul locuteur qui reproduit différents accents régionaux que les auditeurs
73
« Matched guise technique is when one speaker talks with different accents » (Lambert et al., 1960, Preston,
1989 cité dans Pisoni et Remez, 2005).
99
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
doivent ensuite identifier (Lambert et al., 1960, Preston, 1989 cité dans Pisoni et Remez,
2005). Une autre façon d’évaluer les capacités de classer un accent est de demander aux
participants de dessiner les régions sur une carte du pays74 (Preston, 1989 cité dans Pisoni et
Remez, 2005). Par contre, cette tâche est souvent faite sans écouter de locuteurs. Ces
méthodes ont été critiquées pour plusieurs raisons. Par exemple, la technique du locuteur
masqué peut parfois tomber dans des stéréotypes de variétés qui ne reflètent plus la réalité
linguistique. En ce qui concerne la méthode demandant aux sujets de dessiner des régions ou
des villes sur une carte, il ne fournit pas d’explication sur la perception des dialectes puisqu’il
est davantage basé sur les stéréotypes et les notions géographiques.
Plus récemment, des chercheurs ont employé des méthodes expérimentales développées dans
la psychologie cognitive pour explorer la perception de la variation à l’aide d’expériences de
discrimination, d’identification et de catégorisation. (Clopper et Pisoni, 2004, Preston, 1996,
Williams, Garret et Coupland, 1999). La réponse se fait par un choix fermé (de villes ou de
régions).
L'identification d'un accent régional dans notre propre langue constitue une tâche relativement
simple pour la plupart des personnes (Clopper et Pisoni, 2004). Les tâches d'identification
sont d'habitude basées sur les représentations mentales de la langue dans la mémoire à long
terme.
Preston (1996) a évalué deux groupes d’auditeurs américains qui devaient déterminer
l’origine géographique des locuteurs en choisissant une ville parmi neuf. Ils ont entendu
chaque locuteur une seule fois. Alors que les auditeurs ont rencontré des difficultés à
déterminer une ville exacte, ils furent capables de distinguer ceux qui venaient du Nord et
ceux qui venaient du Sud des États-Unis. La frontière majeure pour les deux groupes
d'auditeurs (le Michigan et l'Indiana) était légèrement différente, suggérant que l'identification
d’un dialecte est seulement en partie basée sur l’origine de l'auditeur. Les résultats ont montré
que les auditeurs naïfs pouvaient distinguer les locuteurs du Nord et du Sud et que les
connaissances des sujets de la variation linguistique étaient un facteur important qui pouvaient
améliorer la capacité d’identifier un accent.
Une autre étude similaire a été conduite par Williams et al. (1999) sur les variétés d'anglais
parlées au Pays de Galles. Les participants gallois devaient correctement identifier des
locuteurs de six villes différentes. Ils ont été capables de correctement catégoriser 30% des
locuteurs. Williams et al. (1999) ont également trouvé que les auditeurs ont correctement
74
« Map drawing task » Cf. Preston, 1989 cité dans Pisoni et Remez, 2005.
100
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
identifié les locuteurs qui venaient de leur propre région guère mieux que ceux qui venaient
d’une région différente. Cependant, cette expérience nous semble assez difficile puisqu’il
s’agissait d’une zone géographique très réduite (six villes aux Pays de Galles), ce qui entraîne
des différences phonétiques très fines et exige des connaissances assez pointues.
Van Bezooijen et Gooskens (1999) ont effectué une expérience d’identification des variétés
d’anglais aux îles Britanniques. Il y avait cinq régions : l’Angleterre du Sud et du Nord,
l’Irlande, l’Écosse et le Pays de Galles. Les participants étaient tous anglophones et ils ont
correctement identifié 52% des locuteurs. Ce résultat est supérieur à celui de Williams et al.
(1999) et reflète peut être davantage les capacités des natifs. Toutefois, ce chiffre n’est pas
très élevé ce qui traduit la difficulté que peut représenter une tâche d’identification.
Selon les sociolinguistes, les hommes ont tendance à avoir un langage plus conservateur qui
contient plus de traits caractéristiques de leur région, par rapport aux femmes (Labov, 1976).
Ils ont trouvé que les femmes adoptaient plus rapidement les traits innovateurs de la langue,
peu importe qu’ils soient associés à des acrolectes ou des basilectes (Trudgill, 1994). Au vu
de ces résultats, Clopper, Conrey et Pisoni (in Pisoni et Remez, 2005) ont mené des
expériences d’identification avec des locuteurs et des locutrices. Les résultats ont montré que
le sexe de la personne n’avait aucune répercussion sur l’identification d’un accent régional.
De façon générale, il est supposé que les natifs sont capables d’identifier globalement les
locuteurs par région. En revanche, lorsqu’il s’agit de catégoriser un accent par des auditeurs
non-natifs, Bradlow et Pisoni (1998) fournissent plusieurs raisons expliquant que ces
auditeurs auraient plus de difficultés que des natifs. D'abord, les non-natifs ont moins de
connaissance et d'exposition à la variation dans la langue cible. Deuxièmement, ils sont moins
sensibles à la variation dans une L2 que des locuteurs natifs. Cependant, ces mêmes auteurs
ont constaté que les auditeurs non-natifs n’étaient pas plus sensibles aux variations entre
locuteurs dans une expérience de reconnaissance de mots que des auditeurs natifs. Ce qui
laisse supposer que certaines variations sont traitées de la même façon par tous les auditeurs.
De plus, Bradlow et Bent (2002) ont remarqué que les auditeurs non-natifs réussissent mieux
les tâches d'intelligibilité que des auditeurs natifs lorsqu’il s’agit d’écouter des non-natifs. La
recherche concernant la catégorisation des accents régionaux par des auditeurs non-natifs
serait une contribution importante afin de mieux comprendre la façon dont la variation
linguistique est perçue.
101
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
2.6.1. L’évaluation subjective des accents
Ce type de test est très fréquemment utilisé pour évaluer l’accent ou l’intelligibilité des nonnatifs. Les jugements d’accents entre natifs sont aussi assez fréquents. On trouve de
nombreux articles sur ce sujet dans les journaux en Angleterre, indiquant quel accent est le
plus détesté, le plus prestigieux etc. Lorsque les auditeurs écoutent et traitent le signal vocal,
ils sont en train de se faire un avis sur la personne et l’accent qu’ils entendent. Ces
observations ou attitudes peuvent aborder toutes sortes de sujets. Lors des expériences, les
participants peuvent juger la classe sociale, l’origine régionale ou ethnique, l’intelligence ou
la personnalité d’un locuteur ; dire si la personne est agréable, honnête ou parle d’une façon
correcte. Cependant, il est très rare que ce soient les non-natifs qui donnent leur avis sur les
natifs.
Les recherches en dialectologie ont examiné cette question par le biais de la connaissance que
les auditeurs naïfs ont de la variation linguistique ethnique et régionale. Giles (1970 cité dans
Pisoni et Remez, 2005) a été un des premiers, avec Labov (1976), à s’intéresser à ce que
pense un auditeur d’un accent. Giles (1970) a trouvé par exemple, sans véritable surprise, que
l’accent RP était considéré comme ayant le meilleur statut et qui était le plus apprécié et que
le Cockney était plus agréable que l’accent allemand. Ces résultats ne reflètent peut être pas la
réalité d’aujourd’hui, où l’anglais de l’estuaire est sans doute un des accents les mieux
appréciés (Watson, 2006). Cependant, certains avis varient peu, surtout concernant des
accents des villes industrielles tels que ceux de Liverpool et Birmingham, qui sont jugés au
mieux comme désagréables.
Certaines études socio-phonétiques ont remarqué que lorsque les auditeurs ont été informés de
l’origine du locuteur, cela avait un effet sur la tâche demandée. Il est souvent suggéré que cela
arrive soit à cause des stéréotypes sociaux ou ethniques, soit parce que l’auditeur veut montrer
son appartenance à un groupe de locuteurs. Par exemple, Preston (1989, in Pisoni et Remez,
2005) a demandé à des sujets de donner leur avis sur l’anglais parlé dans les cinquante états
des États-Unis. Ils devaient juger de l’intelligibilité, l’amabilité des habitants et dire s’ils
pensaient qu’ils parlaient de façon correcte. Ces trois choix sont les plus fréquemment
utilisés. En règle générale, les sujets ont classé leur propre dialecte en premier. Toutefois, ils
semblaient avoir des opinions préétablies sur des endroits où l’on parle l’américain standard
(« correct »), ces accents ont également été les mieux classés dans les autres domaines. Il faut
noter que les sujets n’ont pas entendu de locuteurs. Cette étude ne portait que sur des
102
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
représentations mentales et sur des stéréotypes, mais il n’est pas certain qu’une étude
perceptive aurait changé les résultats.
Une étude a été réalisée sur l’opinion des accents anglais par les apprenants espagnols de
l’anglais L2 (López-Soto et Barrera-Pardo, 2007). Ils devaient évaluer sur une échelle de 1 à 4
la façon dont ils estimaient l’accent. Les catégories pour ce faire étaient : « agréable » et
« correct ». Ils devaient mettre 1 pour signifier que l’accent était désagréable ou incorrect et 4
pour dire que l’accent était très agréable et très correct.
Voici les résultats pour les accents britanniques :
Table 2.6.1. L’évaluation des non-natifs espagnols des accents britanniques
Accents
« Pleasant »
« Correct »
Northern Ireland
3
4
Dublin
4
4
Scottish British
3
3
Northern English - Newcastle
1
1
Welsh English
3
4
Bournemouth
4
4
London
4
4
Les auditeurs espagnols devaient appliquer ces critères sur les sept accents ci-dessus. Il s’agit
des accents du Nord et du Sud de l’Irlande, de l’accent écossais, de Newcastle (un accent du
Far North de l’Angleterre), de l’accent gallois et de Bournemouth (une ville balnéaire de
l’Angleterre du Sud) et de Londres.
Nous pouvons voir que les résultats montrent des avis assez catégoriques. Les non-natifs
n’apprécient pas l’accent de Newcastle et peut être par conséquent le trouvent incorrect, alors
que l’accent écossais est beaucoup mieux considéré. En revanche, l’accent de Dublin obtient
des résultats aussi bons que celui de l’Angleterre du Sud (Londres et Bournemouth). Il est
étonnant que les réponses soient aussi catégoriques et que les non-natifs n’aient pas hésité à
juger sévèrement certains accents. Est-ce que les accents du Sud s’en sortent mieux parce
qu’ils sont ceux qui ressemblent le plus à l’accent RP ? Il est souvent question de l’influence
que ces attitudes peuvent avoir sur la compréhension de la parole. Elle est peut être parfois
103
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
très négative. Une étude a montré qu’un locuteur était considéré comme moins intelligible
lorsque les auditeurs natifs voyaient une photographie qui associait la voix avec un homme
d’origine indienne (Rubin, 1992 in Pisoni et Remez, 2005).
2.6.2. Conclusion
Nous avons abordé les sujets qui nous semblent centraux pour la suite de ce travail. On trouve
de nombreuses divergences dans les différentes théories qui abordent le traitement des
phonèmes d’un L2. Les modèles de Best (1995), Flege (1986, 1991, 1995) et Kuhl (1991)
demeurent les plus cités et commentés en ce qui concerne l’acquisition d’une deuxième
langue. Nous avons soulevé les difficultés liées à ces modèles ainsi que leurs limites en
soulignant qu’il est difficile d’identifier par exemple, quels sont les phonèmes nouveaux et les
phonèmes assimilables.
En ce qui concerne la variation de la parole, deux hypothèses sont émises : soit elle est
rapidement écartée par l’auditeur, soit elle est prise en compte par l’auditeur qui est capable
de la traiter. L’information que l’on reçoit dans le signal peut perturber son traitement et
nécessite un certain temps pour pouvoir s’y adapter.
Nous avons vu que la variation peut prendre plusieurs formes et que la familiarité et
l’habitude ont leur rôle à jouer. Lorsque la variation est due aux locuteurs, elle est assez
facilement traitée aussi bien par les natifs que par les non-natifs contrairement à la variabilité
qui est due à un accent. Pour les accents régionaux, les natifs peuvent s’adapter a priori plus
facilement que les non-natifs mais les mauvaises perceptions subsistent dans les deux
populations. Elles concernent fréquemment les voyelles non-accentuées mais peuvent toucher
d’autres domaines linguistiques. Les recherches semblent indiquer que lors de l’apprentissage,
plus les non-natifs sont confrontés aux locuteurs et styles de parole différents plus ils seront
amenés à s’y adapter et la compréhension deviendrait ainsi davantage facile. C’est en tout cas
un débat que ce travail veut tenter d’ouvrir.
Les erreurs de perception ainsi que les capacités des auditeurs à identifier un accent régional
fournissent des indices sur les mécanismes de perception. Ce type d’informations peut ensuite
nous aider à comprendre la façon dont les auditeurs perçoivent, comprennent ou s’adaptent à
la variation de la parole. Les attitudes négatives ou positives envers un locuteur ou un accent
peuvent également avoir des répercussions sur la façon dont on comprend la parole. Nous
avons vu que parler des accents peut parfois être délicat pour les natifs et les non-natifs. Il
104
Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux
peut y avoir plusieurs conséquences négatives à avoir un accent non-natif voire un accent
natif peu apprécié. Les raisons linguistiques jouent évidemment un rôle important dans le fait
d’avoir un accent (l’âge d’apprentissage et la capacité à bien percevoir ou non les phonèmes
d’une autre langue), mais d’autres raisons peuvent être citées, psychologiques par exemple.
L’accent d’une personne lui est propre et caractérise cette personne. Il se peut que garder un
accent non-natif ou tel accent natif soit nécessaire pour certaines personnes afin de pouvoir
conserver leur identité. Le fait d’imposer un modèle de prononciation aux apprenants, n’est-ce
pas l’obliger à endosser une façon de parler avec toutes les connotations qui vont avec ? Nous
avons donné quelques exemples d’attitudes qui varient énormément en fonction des diverses
variétés. Elles ne sont pas toutes considérées de la même façon dans le monde anglophone et
surtout les avis changent assez rapidement.
Nous avons constaté qu’il existe peu d’études sur le traitement des accents régionaux chez les
non-natifs. Les recherches menées jusque-là ont laissé nombre de questions en suspens. Le
fait qu’un non-natif a plus de chances de rencontrer un anglophone avec un accent autre que
celui du RP nous pousse à vouloir en savoir davantage sur leurs capacités à comprendre et à
s’adapter.
105
Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches
CHAPITRE 3 HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS DE RECHERCHE
3.1. Introduction
Dans le chapitre précédent, nous avons traité de la notion de variation, notamment celle
causée par un accent régional, ainsi que de la manière dont elle peut être traitée par les natifs
et les non-natifs. Nous avons constaté dans le premier chapitre qu’il peut exister des
différences importantes entres les variétés de l’anglais. L’objectif premier de ce travail était
d’examiner le traitement de la variation chez les apprenants d’anglais francophones.
Toutefois, afin d’avoir des éléments de comparaison, nous avons choisi plusieurs types de
population (quatre groupes) pour participer à nos expériences d’identification et de
compréhension. Le premier groupe est composé de natifs britanniques (G2-ANG) ; le
deuxième de francophones en deuxième année de Licence d’anglais (G1-FR) ; le troisième de
natifs américains (G4-AM), et le quatrième, de francophones plus expérimentés d’un niveau
d’étude minimum équivalent au Master 2 (G3-FR). Chaque groupe a été choisi pour une
raison précise, qui sera developpée dans la partie consacrée à la méthodologie et les
expériences (cf. chapitre 4). Dans cette section, nous posons tout d’abord un certain nombre
d’hypothèses auxquelles nous tenterons de répondre dans le dernier chapitre (6). Afin de les
tester, nous avons mis en place quatre expériences. Elles sont consacrées à l’identification et à
la compréhension des variétés régionales du corpus IViE.
3.2. Hypothèses de travail
3.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs
connaissances de la langue anglaise.
Les participants n’ont ni le même contact avec les variétés de l’anglais, ni le même niveau de
langue. Il apparaît logique d’après ce que nous avons vu sur les théories d’acquisition, de
compréhension et de perception, qu’ils aient des résultats différents selon leurs connaissances.
Autrement dit, il est attendu que les Britanniques (G2-ANG) aient des meilleurs résultats
parce qu’il s’agit de natifs qui sont a priori plus familiarisés avec ces variétés régionales
britanniques. Les Américains (G4-AM) devraient quant à eux obtenir de moins bons résultats
106
Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches
que les Britanniques en raison de leur manque de familiarité avec les accents en question.
Toutefois, ce sont des natifs et de ce fait ils devraient pouvoir compenser la variation induite
par les accents régionaux malgré leur manque de connaissances. Il est également attendu que
le groupe de francophones le plus expérimenté (G3-FR) ait davantage de difficultés que les
deux groupes de natifs mais réussisse mieux que le groupe de francophones le moins
expérimenté (G1-FR). Nous nous attendons donc à trouver des résultats similaires que ceux
de Hanson et Ikeno (2007) bien que nous n’excluions pas la possibilité de trouver des
résultats peut-être différents du fait que nous utilisons dans ce travail neuf accents régionaux.
Les raisons qui ont motivé notre choix d’avoir ces quatre populations seront expliquées en
détail dans le chapitre 4. Cependant, il est important de noter que nous avons choisi ces deux
groupes de francophones afin de pourvoir évaluer le traitement des accents régionaux du
groupe plus expérimenté par rapport au moins expérimenté. Aucun des groupes n’a une
véritable expérience de ces accents mais G3-FR a une plus grande connaissance de la langue
anglaise, par exemple au niveau du lexique et de la phonétique mais également en matière de
parole continue. Est-ce que ces connaissances peuvent faciliter la compréhension des variétés
régionales ? Si jamais cela n’est pas le cas, nous pourrions émettre l’hypothèse qu’une
connaissance plus approfondie de la langue n’est pas garante d’une meilleure sensibilité aux
variétés régionales.
En ce qui concerne l’identification des locuteurs en fonction de la provenance géographique,
seuls les deux premiers groupes (G1-FR et G2-ANG) y ont participé. Nous nous attendons ici
aussi à ce que les auditeurs natifs aient de meilleurs résultats que les non-natifs.
3.2.2. Hypothèse 2 : L’accent des locuteurs de Cambridge sera le plus facile à comprendre.
Nous avons déjà souligné le fait que l’accent de Cambridge est le plus proche de l’accent RP
et de ce fait, qu’il nous sert dans nos expériences d’accent « témoin ». Étant donné que les
participants sont davantage familiarisés avec la RP, nous émettons l’hypothèse que l’accent le
plus proche (Cambridge) sera le mieux compris. Malgré le manque de preuve empirique, il est
généralement admis que l’accent RP est le plus facile à comprendre. Par contre, la possibilité
que d’autres variétés puissent être plus faciles à comprendre n’est pas à exclure.
107
Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches
3.2.3. Hypothèse 3 : Les francophones ne peuvent pas identifier les accents régionaux de
l’anglais.
D’après l’étude de Hansen et Ikeno, 2007, décrite dans le chapitre précédent,, l’identification
des accents régionaux de l’anglais est une tâche très difficile pour les non-natifs. Bradlow et
Pisoni (1999) ont expliqué que les non-natifs peuvent avoir des difficultés lors d’une tâche
d’identification car ils ont moins de connaissances et sont moins sensibles à la variation dans
une L2. Les francophones ne sont pas familiers avec les accents régionaux de l’anglais et les
identifier devrait être quasiment impossible à faire.
3.2.4. Hypothèse 4 : La compréhension de la parole dépendra du traitement de la variation
induite par les variétés régionales.
Traditionnellement, la variation était considérée comme du bruit dont il fallait se débarrasser
pour percevoir la parole. Plus récemment, certains linguistes pensent qu’au contraire, elle peut
aider dans la perception de la parole et qu’elle peut être traitée par les locuteurs. Nous avons
vu que deux modèles s’opposent en ce qui concerne le traitement de la variation dans la
parole : celui des abstractionnistes d’une part et celui qui est basé sur les exemplaires
(Nygaard, 2005, Pisoni, 1997) d’autre part. Ces modèles ont des façons différentes
d’expliquer le traitement de la variation à savoir :
-
soit les sujets n’ont pas de difficulté de compréhension parce que la variation est
rapidement écartée ou ignorée pour ne laisser que le message linguistique
(abstractionniste).
-
soit les auditeurs perçoivent la variation qui peut éventuellement les aider à traiter la
parole et à retrouver la signification de la phrase (à l’aide d’exemplaires).
3.2.5. Hypothèse 5 : Les auditeurs natifs seront les seuls chez qui le mécanisme de
compensation pourra être observé.
Malgré le niveau de la langue et le contexte des phrases, les participants n’arrivent pas
toujours à retrouver la signification de la phrase à cause des variations. Il est supposé que les
natifs
utilisent
un
mécanisme de compensation
perceptive (Lindblom, Studdert-
Kennedy (1967) in Tohkora, 1992). Le contexte peut servir comme moyen de compensation
108
Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches
pour les différentes variations et aider à les comprendre. Mais est-ce que les participants nonnatifs vont suffisamment comprendre ou reconnaître assez de mots pour que cela les aide ?
Autrement dit, est-ce que ce mécanisme de compensation fonctionne face à des variations
dans une L2 ? Au sujet de la variation, Kuhl (1991) indique que la perception de la variation
phonétique est déterminée par l’expérience spécifique à la L1. Selon ce modèle, nous sommes
capables de comprendre les locuteurs de notre langue maternelle malgré les variations
possibles. Nous pensons, au contraire, qu’il n’est pas toujours possible de compenser. Les
différences phonologiques qui peuvent exister entre deux accents peuvent être très grandes et
sauf si l’on est habitué à entendre un accent en particulier, ces différences peuvent mener à
l’incompréhension même pour les natifs. Dans l’expérience de compréhension que nous
avons menée, le contexte peut servir comme moyen de compenser pour les différentes
variations et aider à comprendre le sens de la phrase.
3.2.6. Hypothèse 6 : La longueur des phrases est un paramètre qui joue un rôle important dans
le traitement de la variation.
Nous avons vu que des linguistes utilisent souvent cette variable dans leurs études mais que
ce paramètre a eu des effets légèrement différents (Dupoux et Green, 1997 ; Munro et
Derwing, 1995 ; Hansen et Ikeno,2007 ; Floccia et al.,2004 ; 2006 ; Clark et Garrett, 2004).
Notamment, les auteurs ne sont pas toujours d’accord sur la quantité d’énoncés qui favorise le
traitement de la parole. Nos expériences d’identification et de compréhension contiennent
trois types de phrases : longues, moyennes et courtes. À quel point la longueur des phrases
peut faciliter les tâches ?
-
soit les phrases longues sont plus faciles à traiter ou à comprendre puisqu’elles
contiennent plus d’informations et de ce fait peuvent permettre aux participants de
s’adapter à l’accent non familier.
-
soit ce même type de phrases est plus difficile à traiter parce que son traitement
entraîne un processus d’adaptation. Le processus d’adaptation ne s’enclenche que
lorsqu’il reçoit une certaine quantité d’informations dans le signal mais peut perturber
le traitement. Ceci expliquerait pourquoi il n’a pas d’effet sur les phrases courtes et
peu sur les phrases moyennes (Floccia et al., 2004, 2006).
109
Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches
3.2.7. Hypothèse 7 : Dans la compréhension des non-natifs, il peut y avoir plusieurs
niveaux de confusion à cause de mauvaises perceptions.
-
des confusions partielles qui mènent à des incompréhensions totales
-
des confusions totales avec l’illusion de comprendre
Ces deux cas sont dus au fait que les auditeurs n’arrivent pas à reconnaître les segments ou les
mots. Lorsque les phonèmes ne sont que légèrement différents, la compréhension est possible
après un temps d’adaptation (Buck, 2001). Nous avons vu qu’il existe une multitude de
mauvaises perceptions (Bond, 1995). Lors de notre expérience de compréhension, sont-elles
liées aux difficultés courantes du traitement de la parole, comme la réduction de mots, ou la
compréhension de mots rares, ou bien, retrouvons-nous des explications de mauvaises
perception seulement dans les caractéristiques intrinsèques aux accents ? Parmi ces deux
types de difficultés, il est possible que celle causée par les accents donne une forte impression
aux auditeurs d’avoir compris l’énoncé (par exemple : hair/her) alors que la réduction de
mots et de mots rares mène plutôt à des confusions totales.
3.2.8. Hypothèse 8 : Les variétés les plus faciles à comprendre sont les moins identifiables.
Nous pensons que les accents les moins identifiés dans l’expérience 1 sont les moins typiques
parce qu’ils ne contiennent pas suffisamment de traits caractéristiques régionaux pour être
identifiés. Dans le type de tâche que nous utiliserons, il est possible de parler d’une certaine
neutralité dans ces accents qui devraient donc, de ce fait être plus facilement compris. Hansen
et Ikeno (2007) ont trouvé cet effet lors de leur étude sur les accents de Cambridge, Cardiff et
de Belfast.
3.3. Intérêt scientifique et objectifs de cette étude.
Cette étude se veut une première tentative de comprendre la façon dont la variation est traitée
par des populations différentes et en particulier par les apprenants de l’anglais. Il n’existe pas
d’étude qui utilise autant de variétés régionales différentes et nous espérons ainsi contribuer
aux recherches dans ce domaine. Ce sont les premiers objectifs de ce travail. Nous avons vu
110
Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches
que l’enseignement de l’anglais en France est basé sur deux modèles de prononciation : la RP
et le « General American ». Malgré la position dominante que la RP occupe dans
l’enseignement en France, nous avons vu que cet accent est loin de refléter la réalité
linguistique en Angleterre. Avec cette étude, nous espérons apporter un autre point de vue sur
ce modèle qui est rarement remis en question. Est-ce que son utilisation peut être justifiée par
ces recherches empiriques ? Nos résultats pourront montrer qu’elle est en effet plus
compréhensible pour les non-natifs. Cependant, il semble important d’étudier d’autres
variétés régionales et de montrer la façon dont elles sont perçues et appréhendées par les
francophones. Il ne s’agit pas de remettre en cause le fait d’avoir un seul modèle de
prononciation mais de rappeler que le fait de se limiter à un seul modèle pourrait en réalité
mettre en difficulté les apprenants.
Nous avons vu dans le chapitre 2 que la familiarité avec les différentes sources de variations
est très importante. Sans cela, le traitement de la variabilité risque d’être toujours
problématique. Nous souhaitons expliciter la façon dont les apprenants francophones font face
aux variations qu’ils ont peu étudiées. Afin d’avoir une meilleure idée de la difficulté de ces
accents régionaux, nous avons introduit d’autres groupes dans nos expériences. Cela permet
d’établir des comparaisons et de mesurer l’impact de la familiarité de la L2. Nous avons vu
qu’il existe peu d’études sur la compréhension des variétés régionales. Le fait d’inclure
plusieurs populations permet d’élargir le champ de ce travail en établissant également une
analyse contrastive.
Dans le deuxième chapitre, il a été souligné que la plupart des expériences de perception
utilisent des mots isolés ou des phonèmes. Nous espérons que nos recherches vont permettre
d’avoir un aperçu plus juste des difficultés que peut poser la parole continue. De plus, ce
genre de stimuli est rarement utilisé pour évaluer la compréhension et la perception des nonnatifs. Nous avons vu que les mauvaises perceptions de la parole continue peuvent entraîner
différents types d’erreurs (Bond, 1995). Nous avons remarqué que certaines mauvaises
perceptions sont facilement explicables alors que d’autres ne le sont pas forcément. Notre
compréhension de ces erreurs est encore insuffisante mais le fait de les étudier peut nous
donner des informations sur le fonctionnement du traitement de la parole et des variations,
surtout chez les non-natifs.
111
Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches
Nous proposons à présent d’exposer, dans une première partie, la méthodologie utilisée dans
ce travail, puis dans une deuxième, les résultats obtenus afin de pouvoir répondre à nos
hypothèses et objectifs.
112
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
CHAPITRE 4 CORPUS ET MÉTHODOLOGIE
4.1 Introduction
Dans les chapitres précédents, nous avons détaillé les variétés d’anglais du corpus IViE.
Ensuite, nous avons parlé d’un certain nombre de problèmes qui peuvent être liés aux
différents types de variations et à la compréhension d’une langue orale. À partir de ces
constats, nous avons essayé de poser certaines questions auxquelles nous souhaitions répondre
et qui motivent l’importance de ce travail et sa potentielle contribution à l’enseignement de
l’anglais. Il faut maintenant décrire le corpus que nous avons choisi, pour ensuite parler des
expériences que nous avons conçues et menées et de leurs objectifs.
La conception de tests et d’expériences est en évolution permanente. Tout d’abord,
l’évaluation de l’écrit a été mise en avant, puis celle de l’oral a pris une place de plus en plus
grande. Cependant, la question de la variation dans une langue et sa perception par des
auditeurs natifs et non-natifs demeure un sujet encore peu abordé. De ce fait, concevoir des
tâches afin d’évaluer les capacités de traitement de la variation n’est pas une chose aussi aisée
que cela paraît. Nous y avons consacré énormément de temps et d’importance et nous
pouvons espérer trouver quelques résultats satisfaisants.
Strange (1995) donne une liste de paramètres à prendre en considération dans le choix des
stimuli et rappelle que tout dépend de ce que nous voulons tester ou prouver et surtout de nos
hypothèses. Le choix des stimuli et des expériences ont des conséquences sur les résultats.
Nous avons été très attentives aux différents facteurs qui pouvaient influencer la qualité des
stimuli.
4.2. Description du corpus IViE
Le corpus IViE (Intonational Variation in English) fut enregistré en 1996 par une équipe dont
les principaux investigateurs étaient Esther Grabe, Brechtje Post et Francis Nolan.75 Il est
constitué de variétés contemporaines de neuf villes des Iles Britanniques, dont Cambridge,
75
IViE est consultable et téléchargeable gratuitement à : http://www.phon.ox.ac.uk/files/apps/IViE/
113
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Londres (les locuteurs ont des ascendances jamaïcaines), Liverpool, Leeds, Bradford
(bilingues anglais-panjabi), Cardiff (bilingues anglais-gallois), Newcastle, Belfast et Malahide
(Dublin). Il contient des enregistrements qui ont été constitués dans les écoles de ces villes.
Pour chaque variété, il y a entre douze et quatorze locuteurs âgés de seize à dix-sept ans. Il
contient cinq styles de paroles différentes.
En règle générale, chaque variété est représentée par six locuteurs (hommes) et par six
locutrices (femmes)76 issus de la classe moyenne. Au total, il y a 111 locuteurs. 77 Ils furent
choisis par leurs professeurs, ce qui est un point important à noter, puisque cela signifie que la
sélection n’a pas été faite spécifiquement par les chercheurs et que cela peut avoir des
conséquences sur la qualité typique des accents des locuteurs (Grabe, E., 2004). Les
enregistrements ne sont pas toujours d’une qualité idéale, et certains contiennent du bruit de
fond. Nous avons dû écarter certains locuteurs, à cause de ces problèmes du bruit de fond trop
important. Cela dit, le fait d’avoir fait les enregistrements dans un lieu familier a peut être
permis aux locuteurs d’être légèrement plus détendus.
Le corpus dure au total 36 heures. Les cinq styles de paroles (types de production)
différentes sont:
•
Une conversation ; deux locuteurs parlent des problèmes liés à la cigarette.
•
Des directions géographiques ; les locuteurs se donnent des indications pour se
déplacer d’un point à l’autre sur le plan d’une ville.
•
Un passage lu ; il s’agit d’une version abrégée de l’histoire de Cendrillon.
•
La narration de l’histoire de Cendrillon ; les locuteurs racontent l’histoire de
Cendrillon à partir de dessins fournis.
•
La lecture de phrases qui ont été conçue uniquement dans un but d’étudier
l’intonation.
4.2.1. Le choix du corpus : les contraintes et avantages
Le corpus IViE fut choisi pour l’homogénéité de l’âge et de la classe sociale des locuteurs. De
façon générale, ce corpus est très bien conçu comparé à d’autres sur les accents régionales tel
76
Nous allons utiliser ces termes de locuteurs et locutrices lorsque nous voulons différencier entre les deux
sexes. Cette distinction existante dans la langue française nous paraît très claire et utile à employer.
77
Il y a exactement douze locuteurs (6 locutrices et 6 locuteurs) dans les variétés de Belfast, Cambridge, Cardiff,
Dublin, Leeds, Liverpool et Newcastle. La variété de Bradford est représentée par quatorze locuteurs (7
locuteurs et 7 locutrices) et dans celle de Londres il y a treize locuteurs (7 locutrices et 6 locuteurs).
114
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
que ABI.78 Les enregistrements de ce corpus ne sont pas vraiment homogènes, c'est-à-dire que
les personnes n’ont le même age, ni la même classe sociale, ce qui rend les analyses encore
plus difficiles. Il existe un projet français qui est en train d’étudier les variétés phonétiques au
Royaume-Uni. Cette étude s’intitule « Phonology of Contempory English » (PAC), et est
coordonnée par les universités de Montpellier et de Toulouse. Ce projet constitue une des
premières grandes recherches françaises sur le sujet.
Le corpus IViE a parfois été critiqué pour la qualité non-typique de certains locuteurs.79 Dans
ce corpus, nous avons, nous aussi, trouvé que l’accent des locuteurs n’était pas toujours très
caractéristique de certaines variétés. Par exemple, les locuteurs de la variété de Belfast ont un
accent que nous avons jugé assez typique, alors que pour le Pays de Galles, la plupart des
locuteurs ont un accent assez neutre. Autrement dit, nous pensons que leur accent ne
permettait pas toujours d’identifier leurs origines. De ce fait, nous avons fait très attention au
choix des personnes à utiliser dans nos expériences et nous avons décidé de faire appel à la
fois à des locuteurs et à des locutrices. En se référant à la littérature sur les dialectes, qui a
démontré à plusieurs reprises que les locuteurs gardent des traits plus traditionnels et typiques,
l’idée de départ était d’utiliser seulement des hommes (Labov, 1976). Il est très souvent
expliqué que les femmes ont tendance à utiliser des traits innovateurs alors que les hommes,
par désir de signaler leur appartenance, emploient plus fréquemment un accent plus prononcé
(Trudgill, 1990).
Cependant, dans certaines variétés de ce corpus nous avons constaté que les femmes avaient
des accents plus prononcés et plus typiques que les hommes, notamment dans la variété du
Pays de Galles. Le choix d’utiliser une locutrice galloise nous a forcément obligée à inclure
d’autres locutrices dans nos expériences. Il aurait été trop préjudiciable de n’avoir qu’une
femme et huit hommes. Les résultats des premières expériences allaient donc nous aider à
choisir les locuteurs qui ont les accents les plus typiques (cf. Chapitre 5).
Il y a d’autres problèmes d’ordre plus général, liés aux corpus et à leur authenticité : dès lors
que des personnes sont enregistrées, leur comportement change et elles s’adaptent à la
personne qui se trouve en face. Armstrong (2004) cite l’exemple de « audience design » .
C’est un principe selon lequel les locuteurs adoptent leur « design », c'est-à-dire leur
78
Cf. Thèse sur l’Étude phonétique des dialectes modernes de l’anglais des Iles Britanniques : vers
l’identification automatique du dialecte (Ferragne, 2008) pour une description de ce corpus. L’auteur émet
également quelques réserves sur la qualité du corpus ABI.
79
Notamment, de la part du jury lors de la soutenance de thèse de Marion Coadou sur l’Étude de la qualité de
voix et de la variante dialectale dans les Iles Britanniques (2007).
115
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
production linguistique change en fonction des attributs sociaux perçus de leurs observateurs.
Labov (1976) explique que le meilleur moyen d’obtenir une parole authentique est d’observer
la façon dont les gens parlent lorsqu’ils ne se sentent justement pas observés. La présence
d’un observateur peut avoir des conséquences sur le langage et le locuteur peut changer sa
façon de parler à plusieurs niveaux (phonétique, registre). Ce phénomène est connu comme le
« paradoxe de l'observateur ». L’idéal est de minimiser la participation de l’observateur aux
tâches demandées. Dans le corpus IViE, pour les quelques occasions où l’observateur à dû
intervenir, nous avons effectivement remarqué un changement chez certains locuteurs qui se
mettaient à parler de façon plus soignée. Parfois, ils tentaient même de se rapprocher de
l’accent des enquêteurs. Parmi les enquêteurs d’IViE, deux seulement n’étaient pas de
l’Angleterre du Sud ; un étant de Belfast et un autre du Pays Bas. Dans le corpus, nous avons
constaté que lorsque les locuteurs remarquaient la différence entre leur accent et celui des
enquêteurs ils avaient tendance à converger avec l’observateur, devenu à son tour, pour
quelque temps, interlocuteur. Ce changement pouvait avoir lieu le temps de quelques phrases.
Nous avons donc fait attention à ce genre de phénomène et écarté les passages et les locuteurs
de ce type. Un aspect contraignant de ce corpus est que nous manquons d’informations
approfondies sur les locuteurs. Nous avons quelques éléments à savoir, l’âge, le sexe,
l’origine, la classe sociale. Cependant, au vu de ce que nous avons constaté dans le premier
chapitre sur les sentiments d’appartenance et l’effet que cela peut avoir sur l’accent d’un
locuteur, il aurait été intéressant d’avoir ce type de renseignements. Cette information n’est
pas disponible, ce qui est regrettable dans la mesure où cela nous aurait peut être permis de
comprendre certaines différences qui existent entre les locuteurs d’une même variété
régionale.
4.2.2. Choix du style de parole
Nous avons choisi d’utiliser la parole lue.80 Ce choix présente certains avantages, mais aussi
des inconvénients. Par exemple, aux niveau de la comparaison entre les variétés il était plus
facile d’avoir les mêmes phrases. Par contre, il est évident qu’une seule et même phrase ne
pouvait être entendue qu’une seule fois dans chaque variété, surtout lorsqu’il s’agissait
d’évaluer la compréhension de celle-ci. Nous sommes consciente que cela risque de limiter
les traits caractéristiques que nous pouvons trouver dans chaque variété.
80
Cf. annexe 3 pour la version écrite de l’histoire de Cendrillon.
116
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Le passage lu est l’histoire de Cendrillon. Il permet d’avoir une quantité de parole (à peu près
cinq minutes par locuteur) avec des phrases « complètes » que nous pouvions facilement
couper sans en dénaturer le sens. Dans la partie précédente, nous avons constaté qu’il existe
peu d’expériences de perception qui utilisent la parole continue. Autrement dit, la plupart des
études se sont concentrées sur la perception des phonèmes ou des mots seuls. Ce type de
travail peut nous fournir les explications sur le traitement de ces items par les natifs et les
non-natifs. Néanmoins, dès lors que nous avons décidé de nous intéresser à la compréhension,
il fallait utiliser des énoncés plus longs.
Avant de choisir ce type de parole, nous avons d’abord comparé en détail les deux versions de
l’histoire de Cendrillon (la parole lue et le récit d’après les dessins, cf. 4.2. pour la description
du corpus IViE). Cette première analyse nous semblait importante afin de vérifier à quel point
les accents pouvaient être affectés par la tâche demandée. Nous redoutions que la lecture de
l’histoire, un exercice moins naturel que le récit, entraîne une certaine perte de l’accent
régional. En réalité, mis à part quelques changements lexicaux, il existe peu de différence au
niveau du degré de l’accent.
Le seul autre frein qui aurait pu nous empêcher d’utiliser l’histoire de Cendrillon pouvait
venir du lexique, c'est-à-dire l’utilisation de mots peu fréquents ou non connus des auditeurs.
Il est vrai que certains mots de l’histoire peuvent être considérés comme étant assez
spécifiques ou difficiles. Nous avons tenu compte de ce problème et avons essayé de le
contourner dans l’expérience de compréhension en utilisant plusieurs catégories de sujets afin
de mesurer l’impact au niveau du lexique.
À l’aide du logiciel Audacity81 et avec vérification dans PRAAT, tous les stimuli furent
harmonisés pour se situer entre 60 et 75 décibels afin que le niveau sonore soit confortable.
En effet, il ne fallait pas induire une variable supplémentaire susceptible de créer des
différences entre les locuteurs et les variétés. Dans une étude de Floccia et al. (2006), nous
avons constaté que les auteurs ont sélectionné les parties du corpus les plus « propres »,
principalement au niveau de la qualité de la voix. Lors de la segmentation, nous avons écarté
certains facteurs gênants pour l’écoute dans le but de limiter l’effet de ces variables et de
contrôler la qualité des stimuli. Par exemple, le bruit extérieur (dans la mesure du possible),
les pauses trop longues, les hésitations dues aux différents niveaux de lecture des locuteurs,
les interventions de l’observateur etc.
81
Audacity est un logiciel destiné à l'édition et à l'enregistrement audio (disponible à l’adresse
http://audacity.sourceforge.net/).
117
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Désormais, nous avions un style de parole choisi et nous avions ôté les variables considérées
comme nuisibles à la compréhension des accents.
Ensuite, il fallait décider de la meilleure segmentation du passage lu afin de choisir les stimuli
pour nos expériences. Les études observées sur les accents régionaux dans le deuxième
chapitre de ce travail ont souvent ajouté un autre facteur, celui de la longueur des énoncés
(Hanson et Ikeno, 2007, et Floccia et al., 2006). Il n’est pas déraisonnable de penser que plus
le sujet reçoit de signaux, plus il peut se familiariser avec la variété et la compréhension en
devient ainsi plus facile. Nous avons vu que ces auteurs émettent des hypothèses diverses à ce
sujet et que leurs recherches indiquent des résultats différents. Ils ont montré que la longueur
de l'énoncé est un facteur clef dans les tâches de perception. Les phrases plus longues peuvent
effectivement aider les sujets à s’adapter et à stocker les informations afin de créer un système
de référence. D'autres études ont suggéré que la longueur de la phrase n'influence pas la
capacité des sujets à s'adapter. Mais notre mécanisme d'adaptation fonctionne-t-il seulement
pour notre langue maternelle ? Est-ce que les apprenants francophones sont capables de
s'adapter aux variations et de comprendre les accents régionaux ?
Nous avons segmenté le passage lu d’IViE en syllabes. De la même manière que Hanson et
Ikeno, (2007) nous avons sélectionné trois types de longueurs : des phrases courtes (entre 4 à
9 syllabes), des moyennes (10-14 syllabes) et des longues (15-24 syllabes). Nous avons
essayé autant que possible de respecter des pauses naturelles lors de la segmentation, ce qui
n'était pas toujours facile, mais la plupart des locuteurs ont fait des pauses aux mêmes endroits
lors de la lecture du texte. Suivant ces critères de syllabes, notre corpus fut divisé en 81
énoncés : 28 phrases courtes, 28 moyennes et 25 longues.82
4.2.3. Choix des locuteurs et l’étiquetage des stimuli
Avant de passer en revue chacune des régions et les caractéristiques des accents, il est
important de parler du choix de notre sélection des locuteurs et des stimuli ainsi que des
étiquetages utilisés.83
Pour chaque accent, nous avons écouté tous les locuteurs dans les cinq styles différents.
Ensuite, nous avons effectué à nouveau plusieurs écoutes de chaque personne dans le registre
de la lecture, afin de faire une première sélection de six locuteurs par variété. Autrement dit,
82
Cf. annexe 4 pour le passage lu tels que nous l’avons segmenté.
Cf. CD-ROM joint. Les fichiers et les phrases sont classés par expérience. À l’exception de l’expérience de
compréhension, les stimuli étaient mis dans un ordre aléatoire par le logiciel Perceval. Sur le CD-ROM, ils sont
simplement classé par variété.
83
118
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
trois locutrices (femmes) et trois locuteurs (hommes), considérés comme les plus
représentatifs de l’accent en question. Dès cette étape, nous avons écarté les personnes qui
avaient un niveau d’élocution ou de lecture trop insuffisant. Cela inclut par exemple, les
lecteurs trop hésitants. Nous avons classé les six locuteurs de 1 à 3, un correspond à la femme
ou à l’homme que nous trouvions le plus typique. Nous avons donc divisé le nombre initial de
locuteurs de moitié : 54 personnes au total.
Nous avons gardé en partie le même style de marquage qui existait dans IViE. Nous avons
déjà utilisé ce système d’étiquetage dans le premier chapitre. Cela correspond à la lettre
employée qui indique chaque région, par exemple : B pour Belfast ; J pour Londresjamaïcain. En plus de ces lettres, nous avons laissé les mêmes initiales des locuteurs telles
qu’elles existent dans le corpus original. Par exemple, BDO signifie la personne DO de
Belfast. Il n’y avait rien pour indiquer le sexe de la personne. À cette étiquette, nous avons
donc ajouté un chiffre de 1 à 3 pour les locuteurs et les locutrices. Ensuite, nous avons indiqué
le type de phrase de la manière suivante : S - short sentence ; M - medium sentence ; L - long
sentence. Pour finir l’étiquetage, le numéro de la phrase84 selon l’ordre dont elles
apparaissaient dans l’histoire de Cendrillon. Un exemple des étiquettes est B1DOS1.
4.2.4. Remarques sur les variétés régionales et les locuteurs d’IViE
Nous pouvons maintenant donner plus de détails sur les variétés. Les transcriptions reflètent
notre première perception, ils sont très impressionnistes et ne prétendent en aucun cas à une
exhaustivité quelconque.
En ce qui concerne les variétés de Bradford et de Londres, nous avons privilégié les locuteurs
utilisant le plus de traits caractéristiques de leurs origines ethniques. La présence de ces
accents est une occasion d’ouvrir des horizons afin d’évaluer leur perception encore très peu
étudiée.
Nous avons essayé le plus possible de sélectionner des locuteurs avec un accent homogène
dans chaque groupe. Autrement dit, lorsqu’une ou deux personnes utilisaient un trait
phonétique différent de tous les autres locuteurs, nous les avons écartées. Nous avons donc
évité d’inclure des phénomènes dus au nivellement dialectal lorsque ces traits
n’apparaissaient pas chez la plupart des locuteurs d’un seul et même accent. Pour chaque
variété nous parlerons uniquement des traits qui nous ont paru frappants, soit parce qu’ils
84
1 à 28 pour les phrases courtes (S) ; 1 à 28 pour les moyennes (M) et 1à 25 pour les longues (L).
119
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
étaient très fréquents ou typiques, soit parce qu’ils constituent un élément que nous n’avions
pas vu dans le système phonétique du premier chapitre. Nous avons pris en compte les
groupes lexicaux qui permettent de différencier les variétés lorsque nous comparons tous les
systèmes vocaliques et consonantiques. Nous avons établi ces différences selon les systèmes
de Wells (1982). Nous nous sommes servie de ces éléments afin d’aider à la sélection des
phrases caractérisant le mieux l’accent pour l’expérience de compréhension.
4.2.4.1. Cambridge – Notre système de référence
Nous avons déjà souligné que l’accent de Cambridge nous sert de système de référence. Cette
variété ressemble le plus à l’accent RP avec lequel les participants des expériences sont le
plus familiers. Il est celui avec lequel nous pouvons comparer toutes les autres variétés.85
Dans ce travail, nous avons expliqué que l’accent de Cambridge prend la place d’accent
« témoin ».
Nous pouvons qualifier les locuteurs choisis de cet accent NEAR RP (Wells, 1982). Autrement
dit, ils ont pour l’essentiel des traits caractéristiques de la RP.
Voici des commentaires généraux sur l’ensemble des locuteurs. L’accent de ce groupe n’était
pas toujours très homogène ; certaines personnes ont un accent très proche de la RP et
d’autres ont un accent qui ressemble davantage à celui de Londres, voire celui de l’Estuary
English. Les six locuteurs que nous avons choisi ont un accent proche de la RP.
Nous avons fait un premier classement des locuteurs de la manière suivante : 86
Locutrices : 1→ C1ER ; 2 → C2MF ; 3 → C3SM
Locuteurs : 1 → C1PT ; 2 → C2TG ; 3 → C3JE
Dans les enregistrements il y avait peu de bruit extérieur. Un des locuteurs avait une voix
craquée (creaky voice) et une locutrice zézayait, ce qui les a exclut. Certaines locutrices ont
une parole extrêmement soignée, qu’on pourrait presque qualifier d’accent affecté (ex :
C1ER). Dans ce groupe, la lecture était d’un bon niveau et les participants racontaient
l’histoire d’une manière vive et souvent théâtrale. Dans la version de Cendrillon où les
85
86
Cf. annexe 5 pour la transcription de Cendrillon en RP.
Certains extraits de chaque locuteur sont joints dans le CD-ROM dans les expériences d’identification.
120
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
locuteurs racontaient l’histoire librement, leur vocabulaire était quelque peu plus soutenu que
dans la plupart des autres variétés (decreed, proclaimed). Dans les autres variétés, on
entendait quelques expressions grammaticalement « non-standards ».
Voici des quelques unes des prononciations relevées. Pour tout autre aspect de cet accent se
reporter au premier chapitre.
La voyelle de DRESS (/ɛ/) semble se rapprocher plus de la réalisation associée avec East
Anglia qu’avec la RP.
Nous avons noté que la voyelle de happY est /i:/ : parties → /pɑ:ti:z/.
L’utilisation d’un coup de glotte en position finale : hat → /hæʔ/ ; went → /wɛnʔ/. Mais /ʔ/
est désormais un trait également associé avec la RP.
4.2.4.2. Londres-jamaïcain
Dans ce groupe le niveau de lecture était souvent lent et peu fluide, surtout chez les locuteurs
qui paraissaient mal à l’aise avec l’exercice de la lecture. Ils se trompaient (their feet was
enormous) et hésitaient sur beaucoup de mots. Certains ont la voix craquée. Le fait qu’ils ne
soient pas bilingues mais d’ascendance jamaïcaine expliquerait pourquoi l’accent jamaïcain
ressort un peu moins, et que l’accent de Londres l’emporte. Toutefois, nous avons choisi les
locuteurs avec le plus de traits jamaïcains. Nous avons également pris en compte la qualité de
la voix et la façon dont ils lisaient. Nous n’avons constaté aucune disparité entre les locuteurs
masculins et féminins.
Voici notre première sélection :
Locutrices : 1→ J1SF ; 2 → J2JB ; 3 → J3KJ
Locuteurs : 1 → J1RA ; 2 → J2MM ; 3 → J3KG
Voici quelques mots caractéristiques de cette variété : asked → /akst/okst/, mother /mʌva/
failed → /feld/.
Selon Wells (1982), les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus
marquants de cette variété sont :
-
Pour Londres : STRUT ; GOAT ; MOUTH ; GOOSE ; commA et vocalisation du /l/.
121
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
-
Jamaïque : NEAR ; SQUARE ; FORCE ; lettER; FACE ; GOAT ; « th »→ /t/ et /d/.
-
Estuary English : happY ; STRUT ; FLEECE ; GOOSE ; GOAT ; MOUTH.
Il y avait énormément de coups de glotte, en position finale → hat et en position médiane →
beautiful. Cet aspect est associé à Londres.
/ei/ en position pré-tonique dans les mots du types : arrived, amazed, ainsi que l’article « a »
qui était souvent prononcé de façon pleine /ei/. Alors que dans les mots tels que failed, le
phonème est très bref.
« th » était souvent /f/ ou /v/ dans les mots tels que : thought, mother, three (TH-Fronting).
Mais nous avons également trouvé the /də/ et their /deə/ qu’on associe davantage avec une
prononciation jamaïcaine.
La voyelle de GOAT est curieusement proche de celle que l’on peut retrouver dans le Nord
/o:/ tout comme la voyelle de BATH qui est courte. CommA et LettER sont plutôt /a:/. Ces
traits rappellent surtout l’accent jamaïcain.
Le mot gown ressemblait plus à gun, donc la voyelle était aussi plus brève. HappY est /i:/ par
exemple dans /pɑʔi:z/. CURE varie entre /ʊə/ et /ɔ:/. La vocalisation de /l/ apparaissait dans
les mots tels que girl, ball mais n’était pas systématique chez tous les locuteurs. La
terminaison -ing était /ɪn/, sauf pour everything qui finissait en /ɪnk/.
Il semble exister un véritable mélange de l’accent de Londres et l’accent jamaïcain chez le
plupart de ces locuteurs.
4.2.4.3. Liverpool
Parmi les douze locuteurs, seulement quatre n’avaient pas de traits typiques de cet accent.
Nous avons trouvé qu’il y avait peu de différence entre les locuteurs masculins et féminins.
Cependant, un des éléments les plus caractéristiques de cet accent tel que la convergence de
NURSE et SQUARE ([ɛ:]) n’apparaît pas chez ces locuteurs. Nous avons sélectionné les
locuteurs suivants :
Locutrices : 1→ S1DS ; 2 → S2LP ; 3 → S3RB
Locuteurs : 1 → S1SB ; 2 → S2NS ; 3 → S3GW
122
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Les groupes lexicaux ou les aspects consonantiques les plus marquants sont : BATH ; STRUT ;
GOAT ; CURE ; NURSE ; SQUARE ; FLEECE ainsi que -ing (/ɪŋɡ/) (Wells, 1982). Ces
éléments ont été utilisés pour faire l’expérience de compréhension.
Parmi les mots très caractéristiques, il y avait : fairy, looking embarrassed, perfectly,
recognise. La première chose remarquée est la prononciation typique telle que looking →
[lʊxɪn] recognise → /ɾɛxənaɪz/. Ce phénomène a été plus souvent trouvé au milieu d’un mot
plutôt qu’en position finale. Ceci montre que chez ces locuteurs les mots en –ook n’ont pas
de voyelle longue (/u:/).
/ɾ/ apparaît de façon presque systématique dans la position intervocalique mais également
après une consonne et devant une voyelle : spray, dreamed. Contrairement à ce qui était
attendu dans cette variété nous avons trouvé plusieurs locuteurs qui remplaçaient « th » par
/f/ ou /v/, notamment dans les mots tels que thing, three. La terminaison -ing était /ɪn/ ou
/ɪŋɡ/, mais le mot nothing se terminait avec /ɪŋk/. Le coup de glotte remplaçait le /t/ surtout en
position médiane.
La voyelle de PRICE ressemblait à celle de DRESS dans le mot sighed. La voyelle de GOAT
était souvent /o:/. Ceci reflète un accent de l’Angleterre du Nord et n’est pas la réalisation
spécifique à Liverpool. CommA et lettER étaient principalement prononcées /ə/ mais pouvaient
être /a/.
4.2.4.4. Leeds
Dans ce groupe il y avait peu de bruit de fond. Certains locuteurs avaient la voix craquée ce
qui les a exclus de notre sélection. Certaines locutrices avaient la voyelle /ʌ/ dans STRUT et
/ɑ:/ dans BATH, ce qui n’est pas du tout typique pour le Nord. Il y a même un passage dans
les enregistrements où une locutrice dit /ɑ:ftə/, puis se reprend en disant /aftə/. Elle ne le fait
qu’une fois et nous pensons que cela s’est produit sous l’influence de l’enquêteur, ou bien à
cause du style de parole. Nous avons vu que ces réalisations sont associées avec le Sud, il
était donc très surprenant de les trouver dans l’accent de Leeds. De façon générale, ce groupe
était assez peu représentatif et il n’y avait pas d’accent vraiment typique. Nous avons choisi
les locuteurs suivants :
Locutrices : 1→ L1CM ; 2 → L2KF ; 3 → L3KP
Locuteurs : 1 → L1SU ; 2 → L2JP ; 3 → L3JW
123
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Les groupes lexicaux ou les aspects consonantiques les plus marquants sont : BATH ; STRUT ;
GOAT ; CURE ; FACE ; PRICE (Wells, 1982).
Il s’agit souvent des mêmes mots du texte de Cendrillon qui portent le plus de traits
caractéristiques de l’accent, nous avons trouvé : heart (/a:/), pumpkin (/ʊ/), garden, midnight,
started.
L’aspect le plus marquant est l’utilisation quasiment systématique de coups de glotte en
position finale : foot → /fʊʔ/ ; fit → /fɪʔ/ ; meet → /mi:ʔ/ ; went → /wɛnʔ/.
GOAT est une diphtongue plutôt que /o:/. Le mot one varie d’un locuteur à un autre entre
/wʊn/ et /wɒn/. Ce dernier est davantage associé avec les Midlands (Wells, 1982).
Les mots tels que laughed et dance ont la voyelle /a/ chez le plupart des locuteurs. Cette
prononciation est tout à fait attendue dans le Nord de l’Angleterre.
4.2.4.5. Bradford – Panjabi
Le niveau de lecture pouvait être extrêmement lent. La plupart des locuteurs masculins
lisaient très mal, se trompaient et hésitaient sur beaucoup de mots. Nous avons été obligé
d’écarter certains locuteurs qui avaient pourtant un accent très typique mais qui posaient trop
de problèmes de ce genre. D’une façon générale, il y avait souvent un bruit de fond mais pas
dans tous les passages.
L’accent panjabi était légèrement plus fort chez les locuteurs masculins que chez les
locutrices féminines. Une locutrice a la voyelle /ʌ/ dans STRUT ce qui signifie qu’elle est
issue de la classe sociale moyenne. L’accent n’est pas rhotique bien que l’accent panjabi soit
fortement présent.
Notre premier classement est basé sur des locuteurs qui ont un fort accent panjabi :
Locutrices : 1→ P1RA ; 2 → P2FM ; 3 → P3RR
Locuteurs : 1 → P1AA ; 2 → P2RH ; 3 → P3ZM
Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants par rapport à
L’Angleterre du Nord, ou bien par rapport au panjabi sont : BATH ; STRUT ; GOAT ; CURE ;
FACE ; SQUARE ; NURSE.
124
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
En ce qui concerne l’accent anglais du Nord, à la première écoute il est difficile d’identifier
un endroit précis, alors qu’il est indéniablement du Nord de l’Angleterre.
Les traits les plus marquants sont les réalisations de « th » comme /t/ ou /d/. Les consonnes /r/,
/v/ et /w/ peuvent être interchangeables dans cet accent et parfois [ʋ]. La prononciation de
garden est /ga:dɛn/ avec une voyelle forte devant les phonèmes /n/ ou /l/.
FOOT et STRUT sont /ʊ/ ; ex : one → /wʊn/; /wonderful → /wʊndəfʊl/. Nous avons trouvé
que le mot wanted est également prononcé avec la voyelle /ʊ/ plutôt qu’avec /ɒ/ → /wʊntɪd/
et /wʊnted/.
Il nous a semblé que le /l/ est sombre malgré ce qui est dit dans la littérature (Wells, 1982).
D’après Heselwood et McChrystal (2000) il peut s’agir d’une voyelle d’appui de type /e/ ou
d’un schwa ajouté devant le /l/ ce qui nous donnerait l’impression que le /l/ est sombre.
TRAP est /a/. Par contre, le mot carriage ressemble beaucoup au mot courage. Nous l’avons
transcrit /ˈkʊɾɪdʒ/. La voyelle de GOAT est typiquement celle du Nord de l’Angleterre /o:/.
Le mot changed ressemble plus à chained, le son /dʒ/ n’étant pas audible.
Le coup de glotte apparaît souvent en position médiane et finale, par exemple : daughter →
/dɔ:ʔə/ ; heart → /ha:ʔ/ ; foot → /fʊʔ/.
« th » peut être prononcé /d/, /t/ et /ʔ/ par exemple : thought → /tɔ:t/ ou /tɔ:ʔ/ ; third → /tɜ:d/ à
l’exception de trois locuteurs. Les locutrices utilisent également cette prononciation. Dans ce
groupe, /d/ peut remplacé « th » en position initiale : there → /dɛ:/ ; the /dɪ/ ; thing → /tɪŋɡ/
« th » peut également être réalisé /ɾ/ ou /d/ entre voyelles : mother → /mʊɾə/ ou /mʊdə/.
Le /r/ semble être un battement en position intervocalique : horrified → /hɒɾɪfɑɪd/ ; married ;
hurry. Cette réalisation peut se trouver aussi après une consonne → ballroom et en position
initial → royal.
La terminaison -ing est prononcé /ɪŋɡ/. /h/ initial est absent chez certains locuteurs et
locutrices : heart → /a:ʔ/.
125
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
4.2.4.6. Newcastle
Dans ce groupe il y a énormément de bruit de fond. Globalement, l’accent est assez typique et
ce, chez les locuteurs comme chez les locutrices. Un seul des locuteurs a employé /f/ et /v/ au
lieu de « th », ce qui montre que le TH-Fronting peut exister à Newcastle.
Nous avons fait le premier classement suivant des locuteurs :
Locutrices : 1→ N1SB ; 2 → N2EP ; 3 → N3JW
Locuteurs : 1 → P1AA ; 2 → P2RH ; 3 → P3ZM
Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants par rapport à
L’Angleterre du Nord, ou bien par rapport à Newcastle, sont : BATH ; STRUT ; GOAT ;
CURE ; FACE ; NEAR ; MOUTH ; SQUARE ; NURSE ; PRICE ; commA et lettER.
Les traits les plus caractéristiques que nous avons trouvés sont la prononciation de poor /puɑ/, ce qui est fortement associé à l’accent le plus saillants de Newcastle (Geordie). La
voyelle de lettER et commA qui est /ɑ/.
L’utilisation des coups de glotte est très fréquente. Nous avions vraiment l’impression dans
certains mots d’entendre [t͡ʔ] mais le relâchement de l’occlusive était masqué par le
mouvement glottal : pity → /pɪ[t͡ʔ]ɪ/, alors que dans daughter, beatiful on n’entend que le coup
de glotte.
MOUTH est réalisé /ɛʊ/ plutôt. GOAT est prononcé /o:/ mais dans l’expression oh dear on a
l’impression d’entendre un /r/ « ordia ». Dans la partie « retold » du corpus clothes a la
voyelle /ɵ:/ chez certains locuteurs. NEAR est /iɑ/.
FACE est /e:/ amazed →/əˈme:zd/.
Le mot royal est réalisé comme une diphtongue /ɔɪ/. La voyelle dans failed peut être très
brève /e/. Nous avons eu l’impression que ball se disait boil. Le mot sighed est réalisé /sɛid/,
mais n’est que légèrement diphtongué.
4.2.4.7. Cardiff
Il y a quelques passages où il y a un bruit de fond dans cette variété. Dans ce groupe, nous
considérons qu’il n’y avait qu’une seule personne avec un accent gallois plus au moins
126
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
typique. Il s’agit d’une locutrice (W1HW).87 Tous les autres locuteurs avaient soit un accent
très léger, soit un accent qu’on pourrait classer de NEAR RP. Avant d’écouter ce groupe et en
voyant qu’il s’agissait de bilingues, nous avons d’abord pensé trouver des accents très
prononcés. Puis, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, la ville de Cardiff a un
regard différent envers l’accent gallois par rapport au Pays de Galles en général. Mees et
Collins (1999) expliquent que les habitants de Cardiff ne cherchent pas à avoir un accent très
prononcé, qui est regardé d’une façon négative. Par contre, la RP ne subit pas d’avis négatif
dans cette ville comme cela peut être le cas dans le reste du pays. Il est également possible du
fait du bilinguisme des locuteurs que ceux-ci n’aient aucunement besoin d’affirmer davantage
leur appartenance. Cet accent n’est a priori pas rhotique (Wells, 1982). Cependant, aux
premières écoutes du corpus, il nous semblait entendre des voyelles légèrement rétroflexes (rcoloured).
Dans ce contexte, le classement des locuteurs était difficile, le voici :
Locutrices : 1→ W1HW ; 2 → W2KV ; 3 → W3SC
Locuteurs : 1 → W1HR ; 2 → W2ER ; 3 → W3XT
Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants sont : NEAR ;
GOAT ; PRICE ; MOUTH ; SQUARE ; happY.
Nous avons utilisé ces éléments pour les phrases lors de l’expérience de compréhension.
Les mots où l’accent était très présent : fairy, heart, pumpkin, garden, awful, gowns, down, en
plus de la prononciation de /r/. Fairy → /fɜ:ɾɪ/ (ressemblance avec le mot furry). Heart →
/hæːt/. Le /a/ paraît très long.
Le /r/ intervocalique est [ɾ]. very → /vɛɾɪ/, hurry→ /həɾɪ/ ou /hʌɾɪ/. Le /r/ intrusif apparaissait
beaucoup et était souvent un battement.
Dans les mots tels que garden, nous avons effectivement trouvé le trait typiquement gallois
où la syllabe fermée est accentuée /gæ:dɛn/. Ce phénomène n’affecte pas tous les locuteurs,
mais nous l’avons trouvé également dans des mots comme pumpkin et carriage.
Nous avons tout de même trouvé certains traits caractéristiques chez une locutrice qui avait un
accent proche de RP. Par exemple, nous avons vu que la réalisation des voyelles réduites ou
non-réduites peut apparaître comme le contraire de ce qui arrive en RP. Ainsi l’article « a »
87
C’est à cause de cette personne que nous avons inclut des locutrices dans notre étude.
127
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
est souvent prononcé de façon pleine, tout comme /æ/ en position pré-tonique dans le mot
arrived. Wells avait trouvé ce phénomène (1982). Cependant, nous avons trouvé cette
prononciation des articles dans plusieurs variétés, il se peut que cela soit dû au style de parole.
La voyelle de happY varie entre /ɪ/ et /i:/ nous avons noté qu’il y a la voyelle courte dans les
mots very, hurry, fairy alors qu’elle est longue dans parties. Il est possible qu’elle soit courte
après un /r/ et longue dans d’autres environnements.
BATH peut être prononcé /a/ ou /ɑ:/ selon les locuteurs. Tout comme la voyelle de STRUT
peut varier entre /ʌ/, /ə/ et /ʊ/.
On remarque un rythme différent par rapport à celui trouvé en Angleterre. On parle d’un
rythme sing-song (Wells, 1982). Les voyelles paraissent plus longues, les consonnes plus
fortes ou plus soutenues. Le fait d’avoir une voyelle non-réduite en fin de mot (tel que dans le
mot garden) donne l’impression que cette variété est davantage une variété basée sur le
rythme syllabique plutôt que sur un rythme accentuel.
4.2.4.8. Belfast
Il n’y avait pas beaucoup de différences entre les locuteurs et les locutrices au niveau de
l’accent. De façon générale, il n’y avait pas beaucoup de bruit de fond mais le volume des
énoncés variait d’un locuteur à un autre. Nous avons fait un premier classement de ces
locuteurs de la manière suivante :
Locutrices : 1→ B1CC ; 2 → B2AM ; 3 → B3DH
Locuteurs : 1 → B1DO ; 2 → B2RG ; 3 → B3GM
Selon Wells (1982), les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus
marquants pour cette variété sont : BATH ; GOAT ; SQUARE ; NURSE ; en plus du rhotacisme.
Ensuite selon nos écoutes, nous avons ajouté le groupe de PRICE.
Nous avons utilisé ces éléments autant que possible pour faire l’expérience de
compréhension.
Cet accent est effectivement rhotique. Dans le groupe lexical PRICE la diphtongue est assez
brève /ɛͥ/.
palace ressemble à police ; shouting peut ressembler shooting ; smiling → smelling
128
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Hair → /hɚ/, hairpins → /hɚpɪnz/ (la même chose dans hairspray ; hairbrushes ; carefully ;
wear). Cette prononciation existait chez dix locuteurs (sur douze). ressemble à: /ʊ:r/ et il
semble avoir une convergence entre NURSE et SQUARE. En tous cas, hair et her (forme
pleine) seraient des homophones dans cet accent.
D’autres réalisations incluent: announce → /ju:nans/; hours → /ɚ:z/.
4.2.4.9. Dublin –Malahide
Certains enregistrements étaientt très mauvais et nous avons dû mettre de côté certains
locuteurs qui était inutilisables. L’accent de ce groupe variait énormément entre locuteurs
mais en général n’était pas très prononcé. Par exemple, moins de la moitié des locuteurs
utilisaient /t/ ou /d/, pour remplacer « th ». Alors que nous avons vu que cet élément était
caractéristique de l’accent de Dublin (Hickey, 1999). Cependant, Wells (1982) rappelle que
cette réalisation n’est présente ni chez la classe moyenne, ni chez ceux qui ont un style de
parole assez soigné. En effet, ces locuteurs sont issus de la classe moyenne. De plus, montrer
son appartenance à cette région se fait en évitant d’utiliser certains traits considérés peu
prestigieux.
Nous avons fait une première sélection en gardant ceci à l’esprit :
Locutrices : 1→ M1KG ; 2 → M2AB ; 3 → M3EC
Locuteurs : 1 → M1MP ; 2 → M2DH ; 3 → M3PM
Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants par rapport à
L’Angleterre du Nord, ou bien par rapport au panjabi sont : BATH ; THOUGHT ; GOAT ;
CURE ; FACE (Wells, 1982).
Cet accent est rhotique. Le /t/ intervocalique était souvent réalisé [t̬] ou avec [ɾ]. Nous avons
trouvé que « th » était remplacé par /d/ dans les mots comme mother, mais également par un
battement. Dans le mot parties, le /t/ peut être absent et dans dirty le /t/ est très faible. En RP
la triphtongue est normalement utilisée pour un mot tel que hours. Dans ce groupe nous
avons l’impression qu’il s’agit plus d’une monophtongue /ɜ˞:/. BATH est réalisé avec la
voyelle /a/ alors que Hickey (1999) et (Wells, 1982) disent qu’elle est longue dans cette
variété.
129
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Le phonème /w/ dans white est plutôt /ʍait/. La terminaison -ing variait entre /ɪn/ et /ɪŋɡ/
selon les locuteurs. Ce dernier apparaît le plus souvent dans le mot thing.
L’utilisation des coups de glotte n’est pas vraiment fréquente mais apparaît dans les mots
comme beauty et midnight.
FOOT et STRUT ont la même voyelle : (/ʊ/), ce qui correspond à la transcription de Wells
(1982). THOUGHT est réalisé /ɒ:/. NURSE ressemble à: /ʊ:r/.
Lorsque nous regardons le système vocalique de Hickey (1999) la réalisation de ces traits est
associée avec l’accent « local » alors que la prononciation de /θ/ et /ð/ en tant que telle est
plutôt liée à l’accent « fashionable ». Nous nous attendions à trouver davantage d’éléments de
ce dernier mais cela ne fut pas le cas. Dans le classement fait par Hickey (1999) que nous
avons vu dans le premier chapitre, il est difficile de savoir à quelle catégorie ces locuteurs
appartiennent (ex : fashionable versus local). À propos de la prononciation de « th », Wells a
expliqué que seuls les locuteurs qui ont un parler assez soigné ou sophistiqué, ou qui sont
issus de la classe moyenne prononcent « th » /θ/ et /ð/. Dans cette variété, la plupart des
locuteurs réalisent « th » de cette façon, ce qui peut correspondre à l’explication de Wells.
Cependant, certains locuteurs remplacent « th » avec /t/ ou /d/ (un trait plus représentatif), ce
qui pourrait signifier une envie de montrer son appartenance à un groupe différent de la part
de certains locuteurs.
Nous venons de passer en revue quelques aspects des neuf variétés du corpus d’IViE. Nous
aurions pu donner beaucoup plus de détails mais nous pensons avoir souligné les points
essentiels qui peuvent nous servir pour la suite de ce travail. L’essentiel était de dégager les
groupes lexicaux et phénomènes consonantiques qui caractérisaient ces accents afin de
déterminer les éléments à inclure dans les expériences, notamment celle sur la
compréhension. Avant de présenter les tests que nous avons conçus nous allons introduire les
groupes de participants que nous avons choisis. Il faut rappeler que l’objectif principal de ce
travail est d’évaluer le traitement des variétés régionales chez les francophones. Cependant,
nous avons également fait appel à d’autres populations afin d’avoir des éléments de
comparaison.
130
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
4.3. Les participants
Nous avons choisi au total quatre populations d’auditeurs. Bien que cette étude soit centrée
sur la compréhension et la perception des apprenants francophones, qu’est-ce qu’un résultat
sans élément de comparaison ? Le fait d’avoir un groupe témoin est assez fréquent dans les
expériences de perception. Par exemple, ce qui est testé sur des non-natifs l’est également sur
des natifs ou sur des apprenants de différents niveaux afin d’avoir d’autres résultats pour
pouvoir faire des comparaisons. Chaque groupe présente des intérêts différents dans la
présente étude. Ils ne sont malheureusement pas de taille identique, toutefois nous pensons
avoir assez de participants dans chaque groupe pour pouvoir en tirer des résultats. Voici les
détails de chaque groupe et les raisons pour lesquelles ils ont été choisis.
4.3.1. Groupe 1 (G1-FR)
Le premier groupe est constitué d’étudiants francophones en deuxième année de licence soit
de LLCE (Langues, Littératures et Civilisations Étrangères) soit de LEA (Langues Étrangères
Appliquées). Ce groupe constitue le cœur de nos recherches. Il y a, au total, 26 participants.
Cependant, certains parmi les participants ont passé toutes les expériences tandis que d’autres
n’en ont passé que quelques-unes.88 Nous ne faisons pas de distinction entre les auditeurs et
les auditrices. Parmi nos participants, il n’y a qu’une personne qui avait passé plus d’un an
dans un pays anglophone. La majorité n’est jamais allée dans un pays anglophone. Ces
étudiants n’avaient encore eu ni de cours théorique, ni de contact prolongé avec les variétés
régionales de l’anglais. Leur moyenne d’âge est de 20.8 ans et la durée moyenne
d’apprentissage est de 9.1 ans.
4.3.2. Groupe 2 (G2-ANG)
Ce groupe est constitué de 11 Anglais ainsi qu’une Irlandaise (Eire). Il s’agit du groupe de
natifs, supposés être familiarisés avec les accents régionaux britanniques. Au départ, nous
voulions seulement les faire participer aux expériences de 1 à 389 afin d’utiliser les résultats
lors de la sélection des locuteurs. Devant l’intérêt que présentaient les éventuels résultats,
nous leur avons finalement demandé de participer à toutes les expériences. C’est à la fois le
88
89
Cf. annexe 6 pour le tableau concernant tous les participants et ce que chacun a passé comme expérience.
Cf. Partie 5 sur ces expériences.
131
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
groupe témoin, celui par rapport auquel nous pouvons faire des comparaisons, mais c’est
aussi celui dont les résultats ont été essentiels pour choisir les locuteurs pour la suite de ce
travail. Leur moyenne d’âge est de 31 ans. Pour l’expérience 3, en plus de ce groupe, deux
britanniques expérimentés dans le domaine des accents régionaux ont participé.
4.3.3. Groupe 3 (G3-FR)
Ce groupe est le plus petit et est constitué de six francophones qui ont un niveau d’étude
d’anglais au moins équivalent au Master 2. Il s’agit du groupe de non-natifs expérimentés en
langue anglaise. De ce fait, nous les avons seulement fait participer à l’expérience 4, celle sur
la compréhension des accents régionaux. Nous avons voulu évaluer l’impact de la difficulté
du lexique sur la compréhension. Nous voulions voir à quel point les manques de
connaissances lexicales potentielles des participants du G1-FR pesaient sur les résultats. Nous
souhaitions savoir si ce groupe avait une meilleure perception de l’anglais et comment il
traitait des difficultés tel qu’il en apparaît dans la parole continue. Bien qu’ils aient certaines
connaissances théoriques, aucun de ces participants n’avait eu un contact prolongé avec des
variétés régionales. Nous pouvons dire du G1-FR qu’il s’agit d’anglicistes encore peu
expérimentés et du G3-FR qu’il est composé d’anglicistes expérimentés.
4.3.4. Groupe 4 (G4-AM)
Il est constitué de huit Américains. Il s’agit du groupe de sujets natifs non-familiarisés avec
les accents régionaux britanniques. Le fait d’inclure ce quatrième groupe devait permettre de
juger de l’intelligibilité des variétés régionales en elles-mêmes. Autrement dit, ces
participants n’auront pas de difficulté à comprendre le lexique dans l’histoire de Cendrillon
puisque ce sont des natifs. Cependant, ils n’ont pas de connaissances approfondies de ces
accents régionaux. Dans le cas où ce groupe rencontrerait des problèmes de compréhension
nous estimerions que cela serait seulement dû à une difficulté de perception de ces accents. Ils
ont seulement participé à l’expérience de compréhension.
Nous avons ainsi quatre groupes dont les participants ont tous quelque chose de particulier ,
ce qui deviendra important lors des analyses ; en résumé :
132
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
•
G1-FR – groupe francophone peu expérimenté et naïf concernant les variétés
régionales britanniques. Pour cette population, ces expériences traitent à la fois d’une
L2 mais également d’une deuxième variété (V2) dans cette L2.
•
G2-ANG – groupe britannique natif et non-naïf (L1 et V1).90
•
G3-FR – groupe francophones expérimenté et quasi-naïf.91 De la même façon que le
G1-FR, les stimuli utilisés dans ces expériences est à la fois une L2 et une V2.
•
G4-AM – groupe américain natif et quasi-naïfs (L1 et V2).
4.4. Les expériences sur le corpus : le caractère typique des variétés régionales d’IViE
La suite de ce chapitre est consacrée aux expériences et à la méthodologie utilisée pour les
réaliser. Tout d’abord, nous avons mené plusieurs expériences pour tenter de confirmer notre
choix original des six locuteurs sélectionnés par variété (expériences 1 à 3). La première
expérience a pour objectif de tester les capacités de natifs et non-natifs à identifier les accents
régionaux. À partir des résultats de ces expériences, nous désignerons un seul locuteur, celui
qui caractérise le mieux son accent. Cette personne nous servira pour l’expérience de
compréhension. Nous avons décidé que chaque variété devait être représentée par un seul
locuteur. Le fait d’avoir plusieurs locuteurs aurait pu avoir des conséquences sur les résultats
parce que cela introduit d’autres sources de variabilité. (Summerfield et Défait (1973). Nous
avons surtout retenu que le fait d’écouter plusieurs locuteurs peut créer des difficultés pour les
auditeurs et peut produire un coût de traitement dans la reconnaissance des mots. Au vu de
ces résultats nous avons décidé de n’utiliser qu’un seul locuteur par variété régionale (9 au
total) pour l’expérience de compréhension. Il fallait donc être sûr d’avoir un locuteur typique
pour chaque variété régionale.
Voici le déroulement des tests qui vont aider à en choisir un seul. Il s’agit des expériences de
1 à 3.
90
Bien qu’ils ne s’agisse pas toujours de leur propre accent, ce sont des variétés très communes aux Iles
britanniques qu’ils peuvent entendre dans leur quotidien et dans les médias.
91
Nous avons choisi d’utiliser le terme quasi-naïfs plutôt que naïfs parce que nous savons que ces personnes
n’ont pas de connaissances approfondies de ces variétés régionales, n’ayant pas séjourné dans ces régions. Par
contre, nous ne pouvons pas quantifier leurs connaissances de par leur expérience avec la langue anglaise au
quotidien.
133
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
4.4.1. Expérience 1 : L’identification des accents en fonction de la provenance régionale
Nous pouvons émettre certaines réserves sur la valeur représentative des corpus des variétés
régionales. Le corpus IViE fut parfois critiqué parce qu’il n’est pas considéré comme un reflet
exact des caractéristiques les plus typiques de ces variétés. Nous avons voulu tester la
représentativité de ce corpus en le soumettant à des expériences. La première évalue les
capacités de G1-FR et de G2-ANG à situer les locuteurs au niveau régional. Autrement dit, à
identifier leurs origines géographiques à partir d’un choix imposé.
Ce premier test a donc été mis en place pour deux raisons. Premièrement, afin d’évaluer les
capacités de ces deux populations à identifier un locuteur par son accent. Deuxièmement pour
aider à la sélection d’un locuteur : si les accents sont correctement identifiés cela signifie que
le locuteur est représentatif de sa région. L’identification des régions est considérée comme
réalisable pour les natifs, surtout pour différencier le Nord du Sud. Par contre, il n’existe que
quelques rares études avec des non-natifs (Hanson et Ikeno, 2007). Nous avions pour idée que
la tâche serait difficile, mais ce genre de test n’a jamais était proposé à des sujets
francophones.
Cette expérience (ainsi que toutes les autres) a été mise en place au moyen du logiciel
Perceval92 qui permet de construire des tests de perception. Deux groupes ont participé à cette
tâche : G1-FR93 et G2-ANG.
Les instructions ont été données dans la langue de l’auditeur. Nous avons demandé au
participants de dire d’où venait chaque locuteur. Les auditeurs pouvaient répondre dès qu’ils
le voulaient, pendant ou à la fin de l’énoncé. Ils avaient le temps du stimulus, plus 7 secondes
pour répondre avant que la phrase suivante soit automatiquement lancée. L’expérience a duré
20 minutes et contenait 162 items. Les auditeurs devaient taper au clavier un chiffre de 1 à 5
pour choisir une des propositions suivantes qui sont apparues à l'écran de l’ordinateur :
1. South England (SE)
2. North England (NE)
3. Wales (W)
4. Ireland (IR)
5. « Not UK » (NUK)
92
Cela signifie un Système Piloté par ordinateur pour l'Éxpérimentation sur la Perception Auditive et Visuelle.
Voir http://aune.lpl.univ-aix.fr/~lpldev/perceval/.
93
Il s’agit de vingt francophones de ce groupe.
134
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Avant l’expérience, nous avons expliqué ce qui correspondait à chacune des catégories, à
l’aide d'une carte94 pour aider les sujets francophones. Ils furent informés que la région Sud
incluait tout ce qui se situe au Sud de Birmingham, et au-dessus le Nord. Nous avons vérifié
que les francophones associaient bien l’accent RP avec le Sud de l’Angleterre et signalé que
la catégorie « Not U.K. » était réservée aux locuteurs considérés comme n’étant pas nés au
Royaume-Uni.95 Cette dernière catégorie a été ajoutée pour juger les réactions des
Britanniques et des francophones envers des locuteurs aux sonorités non-natives. Est-ce qu'il
est possible d’avoir deux accents ? Par exemple, peut-on dire que les locuteurs d’origine
Bradford-punjabi viennent du Nord par opposition aux Londonien jamaïcain ?
Six phrases ont été choisies de façon plus au moins aléatoire. Il aurait été trop compliqué,
voire impossible, de cibler les caractéristiques propres à chaque variété dans chacune des
phrases. Il y a tout de même, certains indices phonologiques qui peuvent aider à identifier
l’accent. Par exemple, les différences entre le Nord et le Sud de l’Angleterre (ex : l’opposition
entre STRUT et FOOT), les variétés rhotiques ou non-rhotiques. Pour cette expérience, nous
avons utilisé les six locuteurs par variété choisie au début afin de s’assurer que l’identification
était basée plutôt sur les caractéristiques régionales et non pas sur les particularités d'un
locuteur spécifique. Chaque phrase est énoncée aussi bien par une locutrice que par un
locuteur et ensuite aléatoirement par l’un ou l’autre. Les auditeurs ne savaient pas combien de
locuteurs il y avait par régions. De ce fait, il peut avoir beaucoup de variations ou de
confusions dans les réponses, surtout pour les accents les moins saillants.
Nous avons choisi deux phrases longues (L), deux moyennes (M) et deux courtes (S). Il était,
bien sûr, supposé que les phrases longues, contenant normalement plus d’indices
phonologiques, seraient plus faciles à identifier. Nous avons inclus les stimuli pour chaque
expérience sur le CD-ROM joint. Les phrases sont les suivantes :
S2: And she had to do the cleaning!
S16: Suddenly the clock chimed midnight!
M14: And would you like a blue gown or a green gown?
M12: The girl went, and found one... two...three...four mice.
L12: Just remember one thing - the magic only lasts until midnight!
L18: So he declared: The girl whose foot will fit this slipper shall be my wife.
94
Cf. annexe 7 pour voir la carte du Royaume-Uni.
Bien entendu, les locuteurs irlandais devaient être classés dans la région « Irlande », bien que les Irlandais du
Sud ne fassent pas partie du Royaume-Uni.
95
135
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
4.4.2. Expérience 2 : Identification de l’accent régional en fonction de la ville de provenance
des locuteurs
La deuxième expérience fut basée sur le même principe que la première mais cette fois il
s’agissait d’identifier la ville et non pas la région. Identifier une personne par rapport à une
certaine ville est sans doute plus difficile, mais est-ce que cela reflète les capacités des
auditeurs ou la qualité du corpus ? Ce test était conçu uniquement pour les natifs (G2-ANG)
avec les mêmes objectifs que le précédent, c'est-à-dire : évaluer les capacités des participants
à situer géographiquement un accent et trouver un seul locuteur pour chaque variété. Les
stimuli étaient énoncés par six locuteurs de chaque accent et étaient composés des trois types
de longueurs des phrases (au total, 162).
Les choix suivants apparaissaient à l’écran de l’ordinateur dans cet ordre. Les participants
devaient taper 1 à 9 pour sélectionner la ville:
1) Belfast,
2) Cambridge,
3) London,
4) Leeds,
6) Newcastle,
7) Bradford,
8) Liverpool,
9) Cardiff 96
5)Dublin,
Le choix des phrases utilisées dans cette expérience s’est fait de façon aléatoire, avec les trois
types de phrases.
S11: Where will I find something to wear?
S13: And off Cinders went to the ball.
M3: One day, a royal messenger came to announce a ball.
M11: Now bring me four white mice, the godmother said.
L4: The ball would be held at the Royal Palace, in honour of the Queen's only son, Prince
William.
L8: The girl poured her heart out: Lily and Rosa have it all! she cried, even though they're
awful, and fat, and they're dull!
Le but de ces deux expériences était de constituer une première évaluation du corpus, au
niveau des accents, ainsi que des capacités des deux groupes (G1-FR et G2-ANG) à identifier
96
Les noms des villes étaient sous forme de liste présentées verticalement.
136
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
les locuteurs en fonction de leur provenance géographique. La suivante tente également
d’évaluer le corpus mais avec une méthode différente.
4.4.3. L’expérience 3 : Test de qualité de l’accent régional (Goodness test)
Cette expérience, que l’on a baptisée « Goodness test » vise à trouver les locuteurs les plus
conformes à une représentation typique de leurs villes. Autrement dit, il s’agit d’un test qui
jugé de la qualité typique de l’anglais régional des locuteurs du corpus. Seuls les natifs (G2ANG) ont participé à cette expérience ainsi que deux spécialistes britanniques.97 Les résultats
vont être comparés aux deux expériences d’identification pour certifier que les meilleurs
locuteurs (les plus typiques) sont choisis pour la suite des évaluations. Nous avons utilisé
presque tous les locuteurs de chaque variété.98 Il y avait 106 stimuli et le test durait 24
minutes.
L’expérience se déroulait de la façon suivante : avant d’entendre les locuteurs d’une même
localité, les auditeurs voyaient s’afficher sur l’écran de l’ordinateur le nom de la ville
d’origine de ceux qu’ils allaient entendre. Par exemple, ils ont d’abord entendu tous les
locuteurs de Belfast, puis de Cambridge etc. Pour cette expérience, nous avons spécifié que
les locuteurs de Londres et de Bradford étaient à considérer comme ayant l’accent LondonJamaican et Bradford-Punjabi.
La question à laquelle il fallait répondre était : « do you think this person is a typical speaker
from… » . Les auditeurs devaient donner leur réponse sur une échelle de 1 à 5.
1) Absolutely
2) Very much
3) Somewhat
4) Not very much
5) Not at all.
97
Il s’agit de Daniel Hirst (DH) et Kizzi Edensor (KE) du Laboratoire Parole et Langage, Université de
Provence.
98
Certains ont été écartés pour des diverses raisons. Par exemple, à cause des passages incomplets dans les
enregistrements originaux.
137
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Les phrases utilisées étaient les mêmes que pour l’expérience sur l’identification des régions.
4.5. L’expérience de compréhension
Une fois ces expériences menées, nous avons pu sélectionner un locuteur ou une locutrice par
variété. Pour ce faire, nous avons calculé le nombre de réponses correctes pour chaque
locuteur lors des deux premières expériences, puis nous l’avons comparé avec ceux qui ont eu
les meilleurs résultats dans le troisième test. Lorsqu’il y avait des résultats ambigus, l’avis des
deux spécialistes britanniques l’emportait.99
La suite de ce chapitre est entièrement dédiée à évaluer la compréhension et la perception de
ces variétés. Cette expérience aspire à mesurer la compréhension des participants des variétés
régionales. Cependant, la question est comment la mesurer ? Peu d’expériences ont étudié ces
questions en utilisant de la parole continue. Ce style de parole est davantage réservé aux
examens scolaires ou aux tests de niveaux du type TOEFL. Deux études récentes (FraserGupta, 2005 et Hanson et Ikeno, 2007) utilisent la transcription orthographique pour évaluer
la compréhension des non-natifs et des natifs. Nous en sommes inspirées pour la suite de ce
travail.
4.5.1. Expérience 4 : « écrivez ce que vous entendez »
L’intitulé de cette expérience laisse sans doute paraître toute la difficulté de sa conception.
Fraser-Gupta (2005) et Hanson et Ikeno (2007) parlent de test de « compréhension ».
Cependant, est-il possible d’évoquer la notion de compréhension sans parler de la perception
des mots ou de la reconnaissance de mots ? Nous avons conçu cette expérience en nous basant
sur ces deux études. Nous verrons plus tard s’il est possible de parler réellement de
compréhension et si les locuteurs n’essaient pas tout simplement de reconnaître les mots.
Les deux problèmes majeurs pour réaliser cette expérience étaient de choisir les phrases et de
décider comment donner les instructions aux auditeurs. Pour le choix des phrases, nous avons
regardé les mots relevés lors des premières écoutes du corpus et écouté des phrases à
nouveau. Nous avons ensuite fait un tableau des phrases les plus intéressantes pour chaque
accent, c'est-à-dire, après plusieurs écoutes, celles qui nous paraissaient contenir le plus de
99
Cf. Chapitre 5.
138
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
traits saillants pour chaque variété. Il s’est trouvé que les plupart de phrases choisies étaient
souvent sélectionnées pour plusieurs variétés. Ainsi nous avons rapidement établi une
comparaison entre des groupes lexicaux trouvés dans les phrases100 et ceux qui étaient le plus
marquants pour chaque variété (Wells, 1982). En prenant en compte ces traits et nos
impressions auditives, nous avons réussi à trouver trois phrases (une de chaque longueur)
pour chaque variété, soit 27 au total. Certaines phrases choisies pouvaient être mal comprises
par rapport à une prononciation standard mais nous n’avons pas choisi les phrases qui
pouvaient être expressivement difficiles pour les francophones. La parole continue présente
des avantages et des inconvénients pour l’auditeur. En écoutant, il est possible de s’appuyer
sur le contexte pour comprendre ou reconnaître des mots, ce qui peut aider l’auditeur. Par
contre, la parole continue contient des éléments pouvant être problématiques tels que la
segmentation des mots, la réduction et l’assimilation des phonèmes. L’objectif de ce travail
n’était pas de mettre des énoncés incompréhensibles mais de voir, par exemple, si le fait de
prononcer « th » d’une façon autre que /θ/ ou /ð/ posait un problème de compréhension.
Cependant, il est possible que les traits les plus typiques soient également les plus durs à
comprendre.
La deuxième difficulté était de choisir la façon de donner les instructions. La phonétique
auditive est centrée sur la perception des sons et la façon dont ils sont entendus ou interprétés
par l’auditeur. Il y a deux opérations qui sont à la fois distinctes et intimement liées. La
première est la perception des sons par le système auditif et la transformation de l’information
en signaux neuronaux qui sont envoyés au cerveau, la deuxième est le traitement de cette
information par le cerveau qui doit décoder le message et le comprendre. Ainsi entendre et
comprendre sont deux processus différents et la compréhension de ce que l’on entend a une
influence sur le processus même de l’écoute. Il y a une différence entre les instructions :
« écrivez ce que vous entendez », et : « écrivez ce que vous comprenez ».101 On a demandé
aux sujets d’écrire de façon orthographique ce qu'ils avaient entendu et s’ils rencontraient des
problèmes de compréhension, d’écrire ce qu’ils pensaient avoir entendu ou compris. De cette
façon, nous espérions contourner le problème.
100
Cette liste de groupes lexicaux est assez approximative et parfois un peu « faite maison » puisque tous les
mots ne sont pas dans la liste de Wells. Nous avons donc assigné un mot à un certain groupe en fonction de la
prononciation de la voyelle en anglais standard. Par exemple, le prénom Cinders a été affecté au groupe lexical
de commA. Cf. annexe 8.
101
Nous avons effectué le test deux fois en donnant des instructions différentes pour voir si il y avait une
différence dans le traitement de l’exercice par le sujet. Cela n’était pas le cas. Cependant, il est certain qu’avoir
effectué ce genre de test qu’une seule fois est trop peu pour pouvoir en tirer des conclusions.
139
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Dans cette expérience, nous avons contrôlé l’ordre des stimuli. Les auditeurs n’ont jamais
entendu le même locuteur ni la même variété de fois à la suite. Nous avons également établi
une liste de phrases qui contenait le même lexique afin de veiller à ce que les mots identiques
ne soient jamais entendus à la suite dans deux phrases. Ils pouvaient écouter chaque phrase un
maximum de quatre fois. Nous avons choisi cette fréquence de quatre puisque les recherches
de Kakehi (1992) ont montré qu’il n’y avait aucune amélioration d’adaptation (de
reconnaissances de syllabes dans du bruit) lorsque le sujet entendait le stimulus une
cinquième fois.
L’expérience a été conçue avec le logiciel Lancelot qui fait partie du logiciel de Perceval.
Lancelot nous a permis de laisser la liberté à l’auditeur d’aller à son propre rythme,
contrairement à Perceval où le délai de réponse est imposé.
Les participants qui ont passé cette expérience sont: 21 du G1-FR ; 12 personnes du G2ANG ; 5 du G3-FR et 8 du G4-AM.
Voici les phrases par variété que nous avons choisies102
Belfast – B1DO (locuteur).
S19 : I don't even know her name, he sighed.
M6 : They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray.
L22 : But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly!
Bradford-Punjabi – P2RH (locuteur).
S9 : Then the girl looked at her old rags.
M4 : Lily and Rosa thought this was divine.
L9 : Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling
carriage.
Newcastle – N2EP (locutrice).
S10 : Oh dear! she sighed.
M2 : Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs!
L13 : In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown.
102
Voir annexe 9 pour l’ordre des phrases lors de l’expérience.
140
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
Malahide – M3PM (locuteur).
S26 : And her face was dirty!
M20 : Prince William and Cinders danced for hours.
L3 : They spent all their time buying new clothes and going to parties.
Liverpool – S1SB (locuteur).
S3 : They dreamed of wedding bells!
M22 : When the Royal travellers arrived at Cinders' home,
L23 : The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her.
Cardiff – W1HW (locutrice).
S8 : It was her fairy godmother!
M7 : Suddenly, a voice said: 'Why are you crying, my dear?
L17 : After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart.
Londres-Jamaïcain – J1SF (locutrice).
S21 : The glass slipper was his only clue.
M16 : A ballgown, a robe and jewels appeared.
L21 : Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother.
Leeds – L1SU (locuteur)
S23 : But the slipper was always too small.
M19 : And may I have the honour of this dance?
L15 : Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning.
Cambridge – C1ER (locutrice).
S20 : But he held on to the slipper.
M18 : You look wonderful, her fairy godmother said, smiling.
L24 : It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me?
141
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
4.5.2. La notation de l’expérience 4
Afin d’évaluer le niveau de compréhension puis de donner des résultats pour chaque groupe
nous nous sommes inspirées du système utilisé par Fraser Gupter (2006) dans son étude. Cet
auteur a employé un système de comptage automatique d’erreurs. Notre test de
compréhension comporte 260 mots au total dont le détail par type d’accent et également par
type de phrases (longue, moyenne, courte) se trouve ci-dessous. Il fallait savoir combien de
mots il y avait pour ensuite calculer le nombre d’erreurs commises. De la même façon que
Fraser Gupter (2006), nous avons ensuite calculé la proportions d’erreurs.
Tableau : 4.5.2. Le détail des phrases entendu (nombre de mots) lors de l’expérience de
compréhension103
Variété
Totaux des
Phrases courtes
Phrases moyennes
Phrases longues
mots
Cambridge
30
7
9
14
Belfast
30
9
9
12
Londres
26
7
8
11
Leeds
30
7
9
14
Malahide
24
5
7
12
Newcastle
32
4
11
17
Bradford
31
8
7
16
Liverpool
25
5
8
12
Cardiff
32
5
10
16
Total
260
58
78
124
Nous avons rencontré des problèmes lorsque nous avons essayé de trouver le meilleur moyen
de corriger les transcriptions. Après une première analyse, il s’est avéré très difficile de parler
de la compréhension en ce qui concerne les étudiants francophones. D’une façon générale,
nous pensons que les apprenants n’ont pas vraiment compris de ce qu’ils ont entendu. C’est
pour cette raison que le test a été noté en utilisant un taux d’erreurs. Il y avait parfois
103
Explication de la numérotation des tables. Le premier chiffre correspond au numéro du chapitre (4) et les
chiffres suivants à la partie du chapitre (5.2).
142
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
tellement d'erreurs que cela semblait le meilleur moyen de s’y prendre à cause de la difficulté
à quantifier leur compréhension.
Nous nous sommes beaucoup inspiré du travail de Fraser Gupta (2005) qui, par exemple, n'a
enlevé aucun point pour l'insertion de mots. Les erreurs d'orthographe n'ont pas été pénalisées
lorsque nous pensions qu’il s’agissait réellement d’une faute d’orthographe. Les mots
composés et les contractions ont été comptés comme deux mots. Ainsi, un point a été marqué
pour chaque mot correct.
La première chose que nous voulions justement voir était le nombre de mots qui ont été
correctement transcrits. Pour ce faire, nous n’avons pas pris en compte les fautes
d’orthographe si cela ne changeait pas la prononciation des mots. Les phrases contenaient un
certain nombre de mots correctement transcrits mais aussi des blancs et des non-sens. Voici
quelques exemples des décisions prises à propos de la notation : le mot would écrit whould est
compté comme correct. La faute d’orthographe ne change pas la prononciation du mot et est
assez courante chez les apprenants francophones. Par contre, le mot thought qui a été écrit
tought est considéré comme une erreur parce que cette transcription change la prononciation
du mot. Nous pensons que la faute d’orthographe la plus fréquente serait du genre
thougt/thougth. Dans l’expérience, ce mot est prononcé /tɔ:t/ dans l’accent de Bradford. Nous
voulions justement savoir si cette prononciation empêchait l’auditeur de faire le cheminement
vers le mot thought ou si elle posait un problème de compréhension. Nous avons estimé que
la transcription de thought comme tought signifiait que l’auditeur n’avait pas compris et
n’avait pas pu compenser la variation.
La différence entre ces deux exemples est toutefois fine. Nous ne pouvons pas dire avec
exactitude si l’un est davantage une faute d’orthographe ou bien une faute de compréhension.
Cependant, nous pensons que le fait qu’il n’y ait pas de différence de prononciation entre
whould et would permet de soutenir cet argument. Ce type de « faute » sera considéré comme
correct. Un autre exemple du même genre, mais qui est beaucoup plus explicite, est la
transcription de Lily and Rose qui était souvent Lily Andrews. Ce qui est plus au moins
rapproché de l’énoncé de façon phonétique (selon la variété) mais qui est trop éloigné
orthographiquement pour pouvoir être considéré comme correct au niveau de la
compréhension. D’autres exemples incluent : founder – found a, phonétiquement juste mais
qui démontre un manque de compréhension, nous n’avons pas accepté cloth pour clothes
puisque le sens est différent. Pour les noms propres tel que Cinders nous avons accepté
143
Chapitre 4 Corpus et méthodologie
comme corrects les suivants : Cindy’s, Cindy, Cindas. Nous savons que les noms propres sont
difficiles à percevoir et à comprendre et sont également liés à la culture de l’auditeur. Il est
possible que les auditeurs connaissaient le mot Cinderella mais peut être moins Cinders ainsi
que sa signification littérale : « cendres ».
Les mots de type réduits (it’s) et les mots composés (godmother, everyone) ont été comptés au
nombre de deux mots et non pas d’un seul.
Maintenant, nous avons établi nos hypothèses ainsi que la méthodologie des expériences.
Avant de pouvoir apporter des réponses nous allons commenter les résultats des quatre
expériences.
144
Chapitre 5 Les résultats
CHAPITRE 5 LES RÉSULTATS
5.1. Introduction
Ce chapitre a pour but de commenter les résultats obtenus lors de nos expériences. Nous
proposons tout d’abord de dégager les tendances qui ressortent de ces premiers résultats, puis
de les expliciter. Nous cherchons enfin à répondre aux hypothèses de travail énoncées dans
notre chapitre 6. Ces résultats sont présentés dans des figures sous forme de pourcentages ou
de proportions. Les hypothèses seront aussi soumises à validation.
5.2. Expérience 1 : Identification de la provenance géographique
Cette première tâche concerne vingt auditeurs non-natifs (G1-FR) et onze natifs (G2-ANG).
L’exercice consistait à essayer d’identifier la provenance géographique de chaque locuteur
dans le but de juger de la qualité du corpus, ainsi que de constater les capacités de deux
populations à identifier les accents régionaux. Les participants ont entendu dans un ordre
aléatoire les stimuli.104
Ils devaient choisir entre cinq régions qui englobaient les neuf accents :
« SE » : l’Angleterre du Sud (Cambridge et éventuellement Londres-Jamaïcain)
« NE » : l’Angleterre du Nord (Leeds, Liverpool, Newcastle et éventuellement
Bradford-Panjabi)
« IR » : l’Irlande (Malahide, banlieue de Dublin, et Belfast)
« W » : le Pays de Galles (Cardiff)
« NUK » : not U.K 105 (Londres-Jamaïcain et Bradford-Panjabi).
Avant l’expérience, nous avons expliqué, à l’aide d’une carte, ce nous entendions par ces cinq
catégories, notamment que l’accent de l’Angleterre du Sud pouvait correspondre à la variété
RP, proche de celle enseignée à l’université. Nous avons également vu que la catégorie NUK
104
105
Cf. le chapitre 4 pour tout détail sur les phrases entendues.
Désormais « NUK ».
145
Chapitre 5 Les résultats
représentait les éventuels locuteurs non-natifs, ceux qui n’étaient pas considérés comme
Britanniques.106
Nous avons choisi d’ajouter la catégorie NUK afin d’évaluer la façon dont les variétés
Londres-Jamaïcain (J)107 et Bradford-Panjabi (P) sont perçues par les deux populations. Nous
pensons qu’il est possible d’entendre à la fois des traits typiquement anglais (du Nord et du
Sud) et des traits jamaïcains et panjabi. Nous pensions qu’au moins les natifs entendraient
également ces différences et ne les classeraient donc pas comme NUK. Cependant, il est
probable que la présence même de cette catégorie influence les auditeurs, surtout le groupe
G1-FR, qui risque de s’arrêter seulement aux aspects « étrangers » et de classer les accents J
et P comme non-natifs.
L’objectif est donc double : (1) évaluer les capacités des deux groupes à catégoriser les
variétés et déterminer le degré d’accent non-natif. Les locuteurs qui sont identifiés comme
NUK sont donc considérés comme ayant un accent « ethnique » dominant ; (2) utiliser les
locuteurs qui ont l’accent le plus prononcé de leur variété dans la suite des expériences afin de
déterminer les neuf locuteurs les plus représentatifs de leur région. Les concepteurs du corpus
IViE ont pris la décision d’inclure des locuteurs des variétés panjabi et jamaïcaine. Bien que
ces accents introduisent un autre facteur (l’ethnicité), il nous semblait important de ne pas les
écarter.
Au moment de la mise en place des expériences pour ce travail, nous connaissions déjà très
bien le corpus et la qualité typique ou pas des variétés et nous avions déjà choisi six locuteurs
de chaque accent qui nous semblaient les plus représentatifs. Nous émettons tout de suite des
réserves sur la possibilité de bien identifier certains locuteurs, notamment des accents de
Cardiff et de Leeds. Nous avons déjà noté que ce sont les deux variétés les moins
représentatives du corpus. Nous nous attendions donc à ce que les résultats des expériences
d’identification soient assez faibles pour ces deux variétés. Cependant, nous pensions que les
natifs seraient davantage capables que les non-natifs de les classer en tant que britanniques. À
priori, dans la variété J, les traits londoniens et jamaïcains coexistent de façon assez
équilibrée, ce qui pourrait permettre de les identifier plus facilement. Pour ce qui est des
locuteurs de Bradford, l’accent panjabi est très prononcé, ce qui risque de pousser même les
Britanniques à les classer dans la catégorie NUK. Cependant, il est possible d’entendre par
exemple, l’utilisation du phonème /ʊ/ dans les mots du groupe lexical STRUT, ce qui est un
106
Bien évidemment, cela ne concerne pas les Irlandais du Sud.
Nous utilisons les abréviations: Belfast (B), Cambridge (C), Londres (J), Leeds (L), Malahide (M), Newcastle
(N), Bradford (P), Liverpool (S) et Cardiff (W).
107
146
Chapitre 5 Les résultats
des indicateurs principaux pour les natifs d’identifier un locuteur du Nord ou du Sud de
l’Angleterre.
Nous proposons à présent de présenter les résultats obtenus pour les participants natifs.
5.2.1. Expérience 1 : résultats des natifs britanniques (G2-ANG)
Tout d’abord, nous allons commenter les résultats totaux des Britanniques pour ensuite rentrer
Proportions
davantage dans les détails, notamment en examinant l’effet de la longueur des énoncés.
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
SE
NE
IR
NUK
W
SE
NE
IR
NUK
W
Régions
Figure 5.2.1.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance
régionale : G2-ANG (proportions)108
Ce graphique représente les réponses données par les Britanniques dans une tâche
d’identification des locuteurs en fonction de la région. Le taux global moyen des locuteurs
correctement classés est de 64%. Dans l’ensemble, les locuteurs de l’Angleterre du Sud sont
le mieux identifiés avec 95% (0.95), suivi des Irlandais (0.72), ensuite, les locuteurs de
l’Angleterre du Nord (0.69), puis la catégorie NUK (0.50). Les Gallois sont les moins bien
identifiés (0.33).109
Il convient maintenant d’examiner ces réponses plus précisément afin de repérer les
confusions éventuelles. Nous pourrons ainsi déterminer, si nous prenons l’exemple de
108
Rappel du système de numérotation des figures et des tables. Le premier chiffre correspond au chapitre (5), ce
qui suit correspond à la partie du chapitre. Ensuite, nous avons ajouté a, b, c (etc) lorsqu’il y en plusieurs afin de
signaler l’ordre de ceux-ci.
109
Cf. annexe 10 pour le tableau de ces résultats.
147
Chapitre 5 Les résultats
l’accent gallois, qui est le moins correctement classé, s’il est simplement mal perçu ou s’il est
plutôt associé à un autre accent ? Afin de répondre à cette question nous utilisons d’autres
graphes-mosaïques et des matrices de confusion.
Figure 5.2.1.b. Distribution des réponses des natifs britanniques en fonction des provenances
géographiques suggérées (%).110
Ce graphique montre la façon dont chaque variété 111 a été classée en fonction des régions de
provenance possibles. Autrement dit, il met en évidence les confusions faites par les
participants lors de cette expérience. Il permet ainsi de voir exactement la façon dont les
110
Nous avons utilisé les mêmes couleurs pour les régions que dans le premier graphique : vert pour l’Irlande
(IR) ; bleu pour l’Angleterre du Nord (NE); turquoise pour la catégorie des non-natifs (NUK); mauve pour
l’Angleterre du Sud (SE); et jaune pour le Pays de Galles (W).
111
Les villes sont notées de la manière suivante: Belfast (B), Cambridge (C), Londres (J), Leeds (L), Malahide
(M), Newcastle (N), Bradford (P), Liverpool (S) et Cardiff (W).
148
Chapitre 5 Les résultats
locuteurs ont été classés par les auditeurs. L’axe X représente les réponses par régions alors
que l’axe Y indique l’origine effective des variétés régionales. Par exemple, l’accent de
Belfast a été identifié à la région d’Irlande et la seule vraie confusion commise est avec la
région de l’Angleterre du Nord. Cela signifie que les participants ont bien reconnu cette
variété mais que certains l’ont également prise pour un accent NE. Ce graphique permet de
visualiser très facilement les réponses correctes par rapport aux confusions faites. Au premier
regard, il est simple de constater que les accents sont plutôt bien reconnus à l’exception de J et
de W.
Plus les pourcentages sont élevés, et moins les réponses sont considérées comme aléatoires.
Par exemple, il n’y a aucune confusion au sujet de l’accent de Cambridge puisqu’il est
majoritairement classé dans la région SE (95%) comme permet de le constater la présence
quasi-unique du bloc mauve. De la même façon, nous pouvons également voir que les variétés
B, M, L, N et S sont bien identifiées. Toutefois nous pouvons noter quelques confusions. Par
exemple, l’accent de Belfast est davantage pris pour un accent NE alors que pour Malahide
les réponses incorrectes sont distribuées de façon assez homogène dans toutes les régions.
Cependant les auditeurs détectent bien la provenance irlandaise de cet accent, qui est proche
de Dublin. La variété Londonienne (ascendance jamaïcaine) a été classée à la fois dans les
groupes SE (44%) et NUK (32%), ce qui montre que pour certains auditeurs et certains
locuteurs les traits des deux accents coexistent. En revanche, la variété de Bradford (Panjabi),
qui était également susceptible d’être considérée comme un accent non-natif, l’a été beaucoup
plus (68%). Le pourcentage des réponses classant la variété P comme un accent NE est très
réduit (12%), et l’est encore moins pour les autres catégories.
Le seul accent du Nord où l’on trouve une confusion assez nette est celui de Leeds qui est
aussi classé dans le groupe SE (20%). Nous avons vu que l’accent de Cardiff est le moins bien
identifié parmi tous les accents, avec seulement 33% d’identification correcte. Mais, il est
également classé comme un accent NE (25%) et SE (23%), ce qui montre que cette variété est
difficilement associée avec le Pays de Galles, mais très peu prise pour un accent NUK ou
irlandais.
Identifier un accent par rapport à une région géographique demeure a priori une tâche assez
simple, à condition que l’accent soit suffisamment représentatif de sa région. Nous pensons
que ce résultat reflète davantage la qualité moins typique, ou spécifique, de l’accent gallois
dans ce corpus qu’un manque de connaissance de la part des auditeurs. Ce résultat confirme
donc les premières impressions que nous avions eues sur la qualité peu typique de cet accent.
149
Chapitre 5 Les résultats
5.2.1.1. Résultats des natifs sans la catégorie NUK
Puisqu’en réalité tous les locuteurs sont des natifs, que se passe-t-il lorsque nous ne tenons
pas compte des réponses NUK ? Les locuteurs londo-jamaicains sont alors être identifiés
Proportions
comme appartenant au Sud de l’Angleterre et ceux de Bradford-panjabi au Nord.
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
SE
NE
IR
W
SE
NE
IR
W
Régions
Figure 5.2.1.1.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance
régionale sans la catégorie NUK: G2-ANG (proportions)
Les auditeurs natifs apparaissent alors comme étant moins performants et la proportion de
bonnes réponses baisse (0.52). Pour les deux catégories SE et NE, auxquelles appartiennent J
et P, la proportion de bonnes réponses diminue (SE – 0.62 et NE – 0.55). Dans cette nouvelle
distribution, c’est désormais l’accent irlandais qui a été le mieux identifié (0.72). Ceci montre
que les auditeurs britanniques ont en quelque sorte été piégés par la présence de l’option
NUK. Bien entendu, sa présence les a sans doute influencés. Ceci nous amène à dire que
l’aspect « non-natif » de certains locuteurs est très fort, peut être plus fort que leur accent
« anglais ». C’est effectivement ce que nous voulions savoir, car cela nous semblait être le cas
pour certains locuteurs. Ce résultat ressort davantage pour l’accent de Bradford. Il est toujours
possible que cet état de chose ne reflète que la présence même de la catégorie NUK. Nous
avons donc cherché dans une deuxième expérience à obtenir plus d’informations sur le
traitement de ces deux variétés (cf. expérience 2).
Pour la suite de nos analyses nous avons décidé de traiter la réponse NUK comme correcte.
L’intérêt premier de proposer cette catégorie étant d’évaluer le degré d’accent non-natif de ces
locuteurs tel qu’il est perçu par les auditeurs.
150
Chapitre 5 Les résultats
5.2.1.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G2-ANG)
Dans le deuxième chapitre nous avons vu que la longueur des énoncés peut avoir un impact
sur la tâche proposée et que les chercheurs l’utilisaient souvent dans ce type d’expérience.
Nous souhaitons savoir à quel point la longueur des phrases peut faciliter son identification.
Est-ce que les énoncés plus longs, qui contiennent a priori plus d’information, permettent une
identification plus facile que les courtes ?
Effectivement, la figure suivante indique que la proportion de phrases correctement associées
à leur région de provenance s’améliore au fur et à mesure que la longueur des énoncés
s’accroît. En général, les phrases les plus longues tendent à être globalement mieux identifiées
(0.72) que les moyennes (0.64) et les courtes (0.57). Cependant, si nous regardons le détail de
Proportions
chaque région, cette tendance ne s’applique pas toujours systématiquement.
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
Long
Moyen
Court
SE
NE
IR
NUK
W
Régions
Figure 5.2.1.2.a. Réponses correctes en fonction de la longueur de phrases (G2-ANG)
À l’exception de la région NE (0.65), pour laquelle cet effet de la longueur des phrases ne se
manifeste pas, les phrases courtes sont les moins bien identifiées. Pour les régions SE et W,
les énoncés de longueur moyenne permettent une meilleure identification alors que pour les
autres régions (IR, NE et NUK) ce sont les phrases longues.
Parmi les cinq régions, SE a les proportions les plus élevées (au-dessus de 0.92). Le même
schéma se retrouve pour Cardiff : phrases moyennes (0.44), longues (0.33) et courtes (0.23).
Les réponses des catégories IR et NUK suivent le schéma le plus attendu : le taux
151
Chapitre 5 Les résultats
d’identification correct augmente avec les énoncés les plus longs. Ainsi pour l’Irlande, la
proportion correctement identifiée des phrases longues est de 0.77, puis 0.70 pour les
moyennes et descend jusqu’à 0.58 pour les courtes. Les proportions sont moins élevées pour
la catégorie NUK (0.59 pour les longues ; 0.48 pour les moyennes et 0.42 pour les courtes).
En ce qui concerne la région NE, les phrases longues sont correctement identifiées en premier
(0.77) et les phrases courtes sont quasiment à la même proportion (0.66) que les phrases
moyennes (0.65).
Notons que les phrases courtes n’ont jamais été mieux identifiées que les autres types de
phrases.
Il convient maintenant de regarder plus en détail les résultats obtenus pour les différents types
de phrases afin de voir si les confusions entre régions, que nous avons déjà constatées,
concernent les trois longueurs d’énoncés. Pour ce faire, nous avons d’abord utilisé des
matrices de confusion pour lesquelles les résultats sont présentés en fonction de la longueur
de la phrase et de la région de provenance.112 Ensuite nous avons établi un seul graphique qui
regroupe les trois types de phrases mais cette fois-ci par ville afin de donner une présentation
plus visuelle.
-
Résultats des natifs pour les phrases longues par région (réponses en proportions)
Dans l’ensemble, les phrases longues sont bien catégorisées. Pour les régions IR, SE et NE, il
y a peu de confusion avec les autres régions. En ce qui concerne Cardiff, l’avis des
participants est davantage éparpillé et les locuteurs sont identifiés à la fois comme des Gallois
(0.33) et comme des locuteurs SE (0.26) et NE (0.30). Ce résultat laisse penser que la
répartition des réponses entre ces trois types de phrase s’est faite dans ce cas de façon
aléatoire. Comme nous l’avons déjà souligné, nous pensons que ce résultat traduit la qualité
peu représentative, ou spécifique, de cette variété plutôt qu’un manque de connaissance de
l’accent gallois de la part des auditeurs natifs. La catégorie NUK est largement identifiée en
tant que telle (0.59). Cependant, les locuteurs en question sont aussi désignés comme
appartenant au Sud de l’Angleterre (0.19), bien qu’à un taux nettement inférieur. Ce résultat
112
Les matrices de confusion sont consultables dans l’annexe 10.
152
Chapitre 5 Les résultats
est surprenant parce que, dans cette catégorie, il y a des locuteurs septentrionaux. Concerne-til tous les locuteurs susceptibles d’être classés NUK, même ceux de Bradford ? Pour le savoir,
nous détaillons les résultats ville par ville (cf. expérience 2).
-
Résultats des natifs pour les phrases moyennes par région (réponses en
proportions).
Globalement, les phrases moyennes sont bien identifiées. Les réponses pour les régions IR
(0.70) et SE (0.98) sont très claires. Pour cette dernière, il n’y a quasiment aucune erreur. Les
locuteurs de la catégorie NUK sont à nouveau classés dans les groupes NUK (0.48) et SE
(0.24). Ceci montre que ce groupe reste davantage perçu comme des non-natifs. Par contre,
par rapport aux phrases longues, ils sont moins catégorisés comme NUK et davantage
identifiés comme SE. Nous n’avançons pas d’explication sur cette différence.
La région NE est correctement identifiée (0.65) mais il y a une légère confusion avec la région
SE (0.18). Au niveau des accents, la différence entre l’Angleterre du Nord et du Sud est, a
priori, la plus importante. Bien que le taux d’erreurs ne soit pas très important et pourrait ne
rien signifier, il est tout de même étonnant. La plupart des Anglais sont tout de même
capables de distinguer un accent du Nord d’un accent du Sud à condition que l’accent soit
produire avec suffisamment de clarté. Il est donc fort possible qu’un des accents du Nord soit
assez neutre.
Plusieurs choses pourraient expliquer ce résultat : les participants ont identifié l’accent de
Londres comme appartenant à la catégorie NUK, ce qui réduit le nombre de réponses
possibles pour la région SE. Les participants ont pu être influencés devant ce « manque » de
réponses pour la SE et ont cherché à combler ce manque, en répondant un peu au hasard. Ou
alors tout simplement, les accents du Nord n’étaient pas assez caractéristiques de leur région,
ce qui a conduit les auditeurs à répondre au hasard.
En ce qui concerne la ville de Cardiff, la proportion de réponses correctes est supérieure à
celle des phrases longues (0.44). Les confusions existent avec les régions SE (0.15), NUK
(0.12) et avec la région NE (0.23).
153
Chapitre 5 Les résultats
-
Résultats des natifs pour les phrases courtes par région (réponses en proportions).
Lorsque les auditeurs entendent des énoncés courts, le taux de réponses correctes diminue. La
région d’Irlande est dans ce cas la moins bien identifiée (0.58) et il existe une confusion avec
la région NE (0.20). La longueur des phrases a peu d’impact sur la proportion de réponses
correctes pour l’Angleterre du Sud (0.92).
Par contre, pour la catégorie NUK, les énoncés courts sont cette fois-ci associés avec trois
régions : NUK (0.42), SE (0.29) et NE (0.17). Ceci peut signifier deux choses : soit la tâche
devient plus difficile, soit il y a davantage de traits septentrionaux dans l’accent P. Nous
verrons cela dans le détail par ville. Pour la région NE, les accents sont assez bien identifiés
(0.66).
Nous constatons que la confusion augmente pour Cardiff. Pour ce type d’énoncé, les réponses
pour l’accent gallois sont réparties dans toutes les catégories sauf celle de NUK. Ce résultat
souligne à nouveau la difficulté des participants à identifier cet accent qu’ils classent en
premier comme appartenant à l’Angleterre du Sud (0.29).
Nous traitons à présent les résultats pour chaque ville afin de mieux comprendre les
confusions par région que nous avons mentionnées ci-dessus. Dans ces matrices de confusion,
donc, nous donnons la proportion des cinq réponses proposées ainsi que la proportion des
non-réponses. En incluant la non-réponse comme choix possible, nous avions donc 6 réponses
possibles. Avec une répartition entièrement aléatoire des réponses, nous pouvions attendre
une proportion de 0.167 (=1/6) pour chaque réponse possible.
Dans les matrices de confusions qui suivent, nous mettons donc en gras les valeurs qui
dépassent cette valeur seuil de 0.167 et en gris les valeurs qui restent en dessous de ce seuil.
154
Chapitre 5 Les résultats
Origine
IR
SE
NUK
NE
xxx
W
Réponses
Belfast
0.85
0
0
0.045
0.061
0.045
Malahide
0.89
0.045
0.045
0.015
0
0
Cambridge
0
0.94
0.015
0
0
0.045
Londres
0
0.35
0.33
0.076
0
0.24
Bradford
0.045
0.030
0.85
0.030
0.015
0.030
Leeds
0
0.11
0.015
0.80
0.015
0.061
Newcastle
0.015
0.015
0
0.82
0.061
0.091
Liverpool
0
0.076
0
0.68
0.15
0.091
Cardiff
0.045
0.26
0
0.30
0.33
0.061
Tableau 5.2.1.2.a. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des
phrases longues (proportions).113
L’accent de Malahide est légèrement mieux identifié (0.89) que celui de Belfast (0.85). Parmi
les villes de la catégorie NE, les locuteurs de Newcastle sont les mieux catégorisés (0.82),
suivis de Leeds (0.80) puis de Liverpool (0.68).
En ce qui concerne la catégorie NUK, seul les Londoniens sont classés dans deux groupes :
NUK (0.33) et SE (0.35). Les locuteurs de Londres semblent avoir posé des difficultés aux
auditeurs qui n’ont souvent pas répondu (0.24). Ce résultat est le seul à dépasser le seuil
aléatoire de 0.167.
Les locuteurs de Bradford sont uniquement catégorisés comme des non-natifs (0.85) : ils ne
sont donc pas associés à l’Angleterre du Sud, comme le résultat par région (ci-dessus) aurait
pu le laisser croire. Les auditeurs ne semblent avoir aucun doute sur l’origine non-native de
ces locuteurs contrairement à ce que nous observons pour les locuteurs Londo-jamaïcains.
113
Les nombres en gras sont ceux qui dépassent un seuil de 0.167 qui correspond à la valeur attendue pour une
réponse donnée au hasard (=1/6).
155
Chapitre 5 Les résultats
Origine
IR
SE
NUK
NE
xxx
W
Réponses
Belfast
0.76
0.015
0
0.15
0.030
0.045
Malahide
0.64
0.12
0
0.12
0.045
0.076
Cambridge
0.015
0.98
0
0
0
0
Londres
0
0.44
0.38
0.12
0
0.061
Bradford
0.015
0.045
0.59
0.14
0.12
0.091
Leeds
0
0.29
0
0.68
0.015
0.015
Newcastle
0.091
0.076
0.015
0.65
0.11
0.061
Liverpool
0
0.18
0.061
0.62
0.061
0.076
Cardiff
0
0.15
0.12
0.23
0.44
0.061
Tableau 5.2.1.2.b. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des
phrases moyennes (proportions).
Lorsque nous analysons les résultats des régions en fonction des phrases de longueurs
moyennes, il apparaît que la ville de Malahide a été moins bien identifiée (0.64) que la ville
de Belfast (0.76).
Pour la catégorie NUK, l’accent de Londres est le seul à être associé à la fois à un accent du
Sud (0.44) et au NUK (0.38). La ville de Bradford est uniquement associée à un accent nonbritannique (0.59), mais dans une proportion inférieure à celle des phrases longues. La
confusion Nord/Sud pour la région NE ne concerne que les villes de Leeds et de Liverpool.
Bien que principalement associées avec le Nord, elles le sont également avec le Sud,
respectivement à 0.29 et 0.18. L’accent de Newcastle est correctement identifié (0.65).
156
Chapitre 5 Les résultats
Origine
IR
SE
NUK
NE
W
xxx
Belfast
0.56
0.076
0
0.26
0.045
0.061
Malahide
0.61
0.14
0.045
0.14
0.015
0.061
Cambridge
0.030
0.92
0
0.015
0
0.030
Londres
0.015
0.54
0.24
0.15
0
0.045
Bradford
0.045
0.045
0.61
0.20
0.061
0.045
Leeds
0.015
0.20
0.030
0.73
0
0.030
Newcastle
0.061
0.12
0.015
0.65
0.11
0.045
Liverpool
0.11
0.15
0
0.61
0.091
0.045
Cardiff
0.20
0.29
0.015
0.23
0.23
0.045
Réponses
Tableau 5.2.1.2.c. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas
des phrases courtes (en proportions).
Le détail de ces résultats montre que la confusion entre l’Irlande et le Nord de l’Angleterre ne
concerne finalement que l’accent de Belfast (0.26). À l’intérieur de la catégorie NUK, la
variété de Londres est toujours associée à deux « régions » (SE : 0.54 et NUK : 0.24).
Toutefois, elle est davantage associée avec le Sud. Pour la première fois, l’accent de
Bradford est catégorisé comme une variété du Nord (0.20). Seule la ville de Leeds continue à
être associée à l’Angleterre du Sud (0.20).
Afin d’avoir un support visuel plus clair et global de l’ensemble des résultats obtenus, nous
proposons ci-dessous une représentation sous forme de graphique mosaïque de toutes les
phrases.
157
Chapitre 5 Les résultats
Figure 5.2.1.2.b. Distribution des réponses des natifs britanniques en fonction des
provenances géographiques suggérées et en fonction de la longueur de phrases (%).
Dans ce graphique constitué en pourcentage, l’axe Y montre les différents types de phrases
pour chaque ville. On voit que l’accent J a été tantôt classé comme NUK tantôt comme SE.
Pour cet accent, les phrases courtes sont plus identifiées comme SE que comme NUK, mais
certains auditeurs ont associé également cet accent avec l’Angleterre du Nord, alors que pour
l’accent P, la confusion est moins prononcée. On voit très nettement qu’il y a une confusion
importante en ce qui concerne l’accent gallois, qui est surtout classé dans les catégories SE,
NE et W. Nous constatons de façon générale, comme on l’a déjà remarqué plus haut, que la
plupart du temps les phrases longues sont les mieux identifiées.
Pour les accents de l’Angleterre du Nord, Leeds est le plus souvent confondue avec la région
SE. Liverpool et Newcastle sont légèrement pris pour un accent du Sud, mais ils sont
158
Chapitre 5 Les résultats
également associés avec Cardiff. Nous avons vu que la confusion entre l’Angleterre du Nord
et du Sud n’est pas vraiment normale, ni possible si l’accent est assez fort, ce qui laisse
supposer que certains locuteurs n’ont pas un accent très caractéristique du Nord.
Comme nous l’avons vu pour les accents irlandais, l’accent de Belfast est davantage pris pour
un accent NE alors que celui de Malahide est associé à la fois aux régions NE et SE, et de
façon assez homogène.
Il apparaît très clairement qu’il n’y a que l’accent de Cambridge pour lequel il n’y a guère de
confusion.
5.2.1.3. Résumé des résultats des natifs de l’expérience 1
Les auditeurs natifs ont pu correctement identifier l’origine de 64% des énoncés entendus. Les
variétés de Londres et de Bradford sont associées au groupe NUK, en particulier l’accent de
Bradford, alors que l’accent de Londres est toujours identifié en premier comme celui de
l’Angleterre du Sud. Il est cependant impossible de dire à quel point l’existence même de
cette catégorie est la cause de ce résultat. Pour pouvoir répondre à cette question, il aurait
fallu faire une deuxième expérience sans cette catégorie, mais rien ne nous indique que son
absence aurait donné des réponses plus informatives et correctes. Nous avons donc cherché à
voir si nous obtenions plus d’éléments sur ces deux accents dans l’expérience suivante où il
est demandé de classer les locuteurs par ville. Cependant, les études sur les bilingues anglaispanjabi ont montré que les locuteurs avaient plus de traits caractéristiques du Panjabi
(Heselwood et McChrystal, 1999, 2000 ; Hirson et Sohail, 2007).
La longueur des énoncés est un facteur important : plus il y a de syllabes et de mots, plus
l’identification de la zone géographique est correcte. Ainsi, les phrases longues sont
globalement correctement classées à hauteur de 72%, les moyennes à 64% puis les courtes à
57%.
En ce qui concerne les confusions, seule la variété de Cambridge est toujours correctement
identifiée, quelle que soit la longueur des énoncés. L’Irlande est classée comme un accent IR
et NE avec les phrases courtes, mais en réalité, cela ne concerne que la ville de Belfast. La
catégorie de l’Angleterre du Nord est identifiée comme un accent NE et SE, surtout l’accent
de Leeds. Le groupe NUK est toujours associé au Sud de l’Angleterre (la variété J) et à des
non-natifs, quelle que soit la longueur des énoncés. La région la moins bien perçue est celle
du Pays de Galles. Pour les phrases longues, elle est classée dans les régions SE, NE et W ;
159
Chapitre 5 Les résultats
NE et W lors des phrases moyennes et dans toutes les catégories sauf NUK pour les phrases
courtes. Cela démontre les difficultés d’identification pour cette variété.
5.2.2. Expérience 1 : résultats des francophones peu expérimentés (G1-FR)
Cette première tâche d’identification de la provenance régionale des locuteurs est, a priori,
plus problématique pour les non-natifs en raison de leur manque de familiarité avec les
accents britanniques. Mais ce qui pourrait s’ajouter à cette absence de familiarité est le fait
que les francophones ont des difficultés à percevoir certains phonèmes en anglais, tels que la
distinction entre /ʊ/ et /ʌ/ ou bien /æ/ et /ɑː/. De tels phonèmes peuvent aider par exemple à
distinguer le Nord et le Sud de l’Angleterre, mais pour cela, il faut connaître ce phénomène et
aussi pouvoir le détecter. Nous pensons que la seule variété que ce groupe peut identifier est
celle dont ils ont le plus habitude, c'est-à-dire, celle qui est le plus proche de l’accent en
principe enseigné (RP) dans les écoles et à l’université (SE, Cambridge). Vingt francophones
de ce groupe ont participé à cette expérience.
La tâche s’est effectivement avérée être difficile. La proportion totale de réponses correctes
est seulement de 0.31. C'est-à-dire, moins de la moitié du taux correct des natifs. Cependant,
Proportions
nous allons voir que ce groupe G1-FR a très bien su identifier deux accents en particulier.
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
SE
NE
IR
NUK
W
SE
NE
IR
NUK
W
Régions
Figure 5.2.2.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance
régionale : G1-FR (proportions)
160
Chapitre 5 Les résultats
Deux tendances ressortent de ces premiers résultats : les catégories d’accents les mieux
identifiées sont NUK (0.60), et SE (0.44). Le taux d’identification correcte des autres régions
est peu élevé : 0.21 pour les accents du Nord ; 0.16 pour l’Irlande et 0.15 pour le Pays de
Galles. Les non-natifs sont donc capables de percevoir et d’identifier deux variétés d’anglais
sur les cinq présentes.
Premièrement, ils ont catégorisé les accents P et J comme des accents non-natifs. Autrement
dit, ils perçoivent que ces accents-là sont différents d’un accent « anglais » et ils considèrent
qu’ils appartiennent à des locuteurs non natifs.
Ensuite, ils ont reconnu la variété qui ressemble le plus à celle qui leur est enseignée, c'est-àdire celle de Cambridge (SE). L’indice donné dans les consignes sur l’existence d’un accent
proche de RP les a probablement poussés à chercher cet accent dans les stimuli afin de
l’identifier avec le Sud de l’Angleterre (cf. le chapitre 4 pour les consignes).
Il apparaît nettement que pour les autres accents ils ne les (re)connaissent pas. Les réponses
semblent avoir été données au hasard, sûrement à cause d’un manque de familiarité avec ces
accents. Il est possible que les auditeurs non-natifs entendent une certaine différence entre ces
accents sans pour autant pouvoir les identifier.
En tout cas, la différence de traitement entre les accents NUK et SE et ceux de IR, NE et W
apparaît clairement.
Regardons maintenant dans le détail ces résultats afin de constater d’éventuelles confusions.
Pour ce faire, nous utilisons comme pour les anglophones un graphique mosaïque.
161
Chapitre 5 Les résultats
Figure 5.2.2.b. Distribution des réponses des francophones en fonction des provenances
géographiques suggérées (%).
Ce graphique met en évidence les confusions (ou réponses multiples) pour chaque variété en
fonction des régions.
Dans un premier temps, nous remarquons que les accents fortement associés avec la catégorie
NUK sont : Bradford (66%), Londres (55%).
Liverpool (27%) est également légèrement associée à cette même catégorie. Les deux variétés
d’Irlande et du Pays de Galles sont davantage classées dans NUK que dans d’autres
catégories, bien que dans des proportions moins importantes. Seulement Cambridge, Leeds et
Newcastle ne sont pas classées en premier dans la catégorie NUK. Cela veut-il dire que ces
trois accents sont les plus « neutres » ou les plus « anglais », donc difficile à confondre avec
162
Chapitre 5 Les résultats
des non-natifs ? Nous avons vu que l’accent de Cambridge est majoritairement identifié
comme appartenant à l’Angleterre du Sud (44%) mais il l’est également avec le Nord (19%).
Les résultats des variétés de Leeds et de Newcastle sont assez partagées entre les régions SE
et NE. Cependant, les réponses pour Newcastle sont assez homogènes pour toutes les
catégories, ce qui refléterait des réponses données au hasard. Au début de ce chapitre, nous
avons émis des doutes sur la qualité de l’accent de Leeds qui nous semble peu typique du
Nord et quelque peu neutralisée. Nous pensons que c’est pour cette raison que cette variété est
associée au Sud et non associée à la catégorie NUK, comme c’est le cas pour les autres
accents. Il semble donc que les non-natifs ne soient pas capables de faire la différence entre
un accent de l’Angleterre du Sud et du Nord. Il est possible que lorsqu’ils ont entendu les
accents de Leeds et de Cambridge les participants ont trouvé que ceux-ci ressemblaient assez
à l’accent qu’ils entendent à la faculté. En ce qui concerne les locuteurs de Newcastle et ceux
de Cambridge qui sont classés dans le Nord de l’Angleterre, soit les réponses ont été données
au hasard, soit nous pouvons émettre l’hypothèse suivante : il est possible que les participants
aient trouvé qu’il y avait suffisamment de traits pour identifier les locuteurs comme des natifs,
mais puisqu’ils ne ressemblaient pas assez à l’accent RP, ils les ont donc classés dans la
catégorie (qui leur semblait plus plausible) de l’Angleterre du Nord. Tous les autres locuteurs
(IR, W, S) avaient peut être trop de traits inconnus ou étaient trop éloignés de l’anglais
standard : alors ils ont d’abord été classés dans la catégorie NUK.
5.2.2.1. Résultats des non-natifs sans la catégorie NUK
Regardons ce qui se passe maintenant si nous enlevons les réponses NUK. Dans ce graphique
nous pouvons constater la différence.
163
Proportions
Chapitre 5 Les résultats
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
SE
NE
IR
W
SE
NE
IR
W
Régions
Figure 5.2.2.1.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance
régionale sans la catégorie NUK: G1-FR (proportions)
Si nous considérons que la réponse NUK est fausse (puisque tous les locuteurs sont
britanniques), le taux de réponses correctes chute à 0.19, ce qui est très bas. Dans ce cas, la
variété du Sud est la mieux catégorisée (0.26) alors que les autres régions sont toutes à peu
près au même niveau.
5.2.2.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G1-FR)
Nous allons maintenant regarder les résultats en fonction du facteur longueur des phrases.
Globalement, les pourcentages de réponses correctes pour les phrases longues s’est élevé à
0.33, et plus spécifiquement à 0.30 pour les énoncés de longueur moyenne et 0.29 pour les
courts. La longueur ne semble donc pas être un facteur très important pour l’identification des
locuteurs par région car il n’y a guère de différence sensible entre les réponses correctes des
trois types de phrases. Toutefois, les proportions suivent un schéma logique. C'est-à-dire qu’il
est tout de même légèrement plus facile de correctement catégoriser les phrases longues que
les courtes. Nous pouvons constater le détail par variété dans le graphique suivant.
164
Proportions
Chapitre 5 Les résultats
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
Long
Moye
n
Court
SE
NE
IR
NUK
W
Régions
Figure 5.2.2.2.a. Réponses correctes en fonction de la longueur de phrases (G1-FR)
Dès lors que nous regardons les résultats par région, nous constatons que les deux catégories
les mieux identifiées n’ont pas reçu le même traitement. Pour SE, les phrases courtes sont
plus facilement identifiées (0.50) par rapport aux phrases moyennes (0.40) et longues (0.43).
Ceci est contraire à la tendance générale que nous avions trouvée pour les proportions totales.
Par contre, la catégorie NUK suit bien ce même schéma et les énoncés les plus longs sont les
mieux identifiés. Étant donné les taux faibles pour les autres régions, le facteur de la longueur
n’a pas vraiment d’impact chez les francophones. Toutefois, dans trois cas sur cinq (IR, NUK
et W), les énoncés courts suscitent le taux d’identification le plus faible.
À l’aide d’un matrice de confusion, nous allons regarder quelles types de confusions il y a eu
pour les différentes longueurs de phrase.
-
Résultats des francophones pour les phrases longues par région (réponses en
proportions)
En ce qui concerne les énoncés longs, les variétés qui sont correctement identifiées sont NUK
(0.69) et SE (0.43). Les accents de l’Angleterre du Nord sont aussi bien classés comme IR
(0.20), NE (0.20) mais surtout SE (0.25). Ce qui suggère que leur traitement est dû au hasard.
Les variétés d’Irlande et du Pays de Galles sont catégorisées en premier lieu comme accents
non-natifs. Étant donné les taux généralement peu élevés des résultats, nous ne les
détaillerons pas par ville comme nous l’avions fait pour les résultats des natifs. De toute
façon, la plupart des réponses semblent avoir été données au hasard. Cependant, nous
165
Chapitre 5 Les résultats
soulignons que dans la catégorie NUK, Bradford y est davantage associée (0.82) par rapport à
Londres (0.57).
-
Résultats des francophones pour les phrases moyennes par région (réponses en
proportions)
Les réponses pour IR et NE sont éparpillées dans les cinq catégories de façon assez
homogène. Cela laisse encore supposer qu’elles ne peuvent qu’être dues au hasard. SE et
NUK sont à nouveau les seules catégories correctement classées, bien que dans des
proportions légèrement inférieures que celles des phrases longues, 0.40 et 0.60
respectivement. Comme lors des énoncés longs, le Pays de Galles est davantage identifié à un
accent non-natif (0.28).
En ce qui concerne le détail par ville, dans le groupe NE, Liverpool est fortement associé à un
accent non-natif (0.43). À l’intérieur de la catégorie NUK, les locuteurs de Bradford y sont
moins classés (0.54) que lors des phrases longues, alors que ceux de Londres le sont
davantage (0.66). Nous pouvons visualiser ces résultats dans un graphique mosaïque un peu
plus loin.
-
Résultats des francophones pour les phrases courtes par région (réponses en
proportions)
Nous sommes partie du principe qu’il est logique de penser que plus les énoncés sont courts,
moins il y a d’indices pour arriver à identifier la zone géographique des locuteurs. C’est ce
qui semble être le cas ici et ce, malgré les difficultés que connaissent les non-natifs pour
identifier les régions. Ainsi, à l’exception de la catégorie NUK, toutes les autres régions sont
d’abord identifiées comme des accents de l’Angleterre du Sud. Parfois, il y a peu de
différence entre les proportions. Par exemple, NE est classé en premier dans la catégorie SE
(0.29) puis, comme un accent du Nord à la hauteur de 0.24. Les variétés de Londres et de
Bradford continuent à être identifiées en tant que NUK. Cette fois-ci, c’est à nouveau
Bradford qui est davantage perçu comme un accent non-natif (0.62) par rapport à Londres
(0.42). D’autres éléments apparaissent dans le détail des résultats par ville pour les énoncés
166
Chapitre 5 Les résultats
courts : dans le groupe NE, Newcastle est à nouveau davantage associé au Nord de
l’Angleterre (ce taux n’a cessé d’augmenter) à hauteur de 30% pour les énoncés courts et
Leeds continue à être classée comme un accent du Sud. La variété de Liverpool n’est plus
identifiée comme un accent non-natif mais plutôt un accent du Sud. Ce résultat renforce l’idée
que l’accent est perçu comme quelque peu « neutralisé » dans les phrases courtes par les
francophones non-natifs.
Afin d’avoir un vue d’ensemble voici le graphique correspondant à nos commentaires cidessus.
Figure 5.2.2.2.b. Distribution des réponses en fonction des provenances géographiques
suggérées et en fonction de la longueur de phrases (%).
Dans ce graphique, il est clair que les deux accents de la catégorie NUK ainsi que l’accent de
Cambridge sont globalement les plus correctement identifiés. Pour tous les autres accents, les
167
Chapitre 5 Les résultats
blocs sont plus ou moins homogènes pour les cinq catégories. Ce graphique nous permet
également de voir que la longueur des phrases a peu d’impact et que les francophones nonnatifs ne mettent pas à profit la durée supplémentaire des énoncés longs pour mieux identifier
l’origine des locuteurs. Nous pouvons dire qu’à l’exception des variétés P, J et C, les nonnatifs ne savent pas identifier les accents britanniques, parfois à tel point qu’ils prennent des
accents anglais pour des accents non-natifs.
5.2.2.3. Résumé des résultats des francophones pour l’expérience 1
Les non-natifs ont, en général, des difficultés à identifier la zone géographique des locuteurs.
Globalement, les non-natifs ont pu identifier correctement 31% de la provenance régionale
des locuteurs. Cependant, les seules régions qu’ils arrivent à bien classer sont SE et NUK.
Étant donné les instructions concernant l’accent du SE, nous nous attendions à ce qu’ils
arrivent plus ou moins à identifier les locuteurs SE mais les résultats de la catégorie NUK sont
assez inattendus et prouvent tout de même que les non-natifs sont capables de percevoir
certaines différences et variétés d’anglais. En ce qui concerne les autres groupes, ils sont soit
incorrectement associés aux catégories NUK ou SE, soit incorrectement associés à plusieurs
régions de façon homogène. Ceci permet de dire que les non-natifs n’ont pas de véritable
familiarité avec les variétés IR, NE et W.
Lorsque nous regardons dans le détail les réponses nous observons que la longueur des
énoncés n’a pas eu d’effet sur les résultats globaux. Nous avons seulement noté que plus les
énoncés sont courts, plus l’identification est incorrecte mais elle et également erronée dans les
phrases moyennes et longues. Au final, les non-natifs arrivent de façon constante à identifier
les groupes SE et NUK. Cependant, il leur est arrivé de se tromper plus fréquemment sur la
catégorisation de SE (qui est parfois classée comme NE) que sur la catégorie NUK. Nous
pouvons donc conclure que les non-natifs sont davantage capables de reconnaître un accent
possédant une sonorité non-native.
L’homogénéité et les taux bas de certains résultats font poser la question de la vraie valeur des
réponses. Lorsque les réponses sont toutes assez homogènes, elles n’ont plus vraiment de
valeur significative. Pour les phrases longues et moyennes, les réponses tournent souvent
autour de 20% (ou moins), en particulier pour les régions IR, NE et W. Alors que pour les
168
Chapitre 5 Les résultats
énoncés courts à l’exception de NUK, toutes les régions sont davantage classées dans la
catégorie SE. Est-ce que cela veut-il dire que les réponses sont moins données par hasard (qui
est de 16.7%), et que les auditeurs pensent réellement qu’il ne s’agit que de locuteurs du
Sud ? Ou alors, au contraire, puisqu’ils ne savent pas les identifier, on pourrait aussi faire
l’hypothèse qu’ils répondent SE de façon systématique. L’idée que les non-natifs perçoivent
encore moins l’accent dans les phrases courtes pourrait expliquer un tel résultat dans une
tâche où ils ont déjà énormément de difficultés.
5.2.3. Conclusion des résultats des auditeurs anglophones natifs et des francophones nonnatifs dans la tâche d’identification de la provenance régionale
Il ressort de cette expérience que les non-natifs arrivent beaucoup moins à identifier les
variétés que les natifs. Ce résultat est rassurant et logique et s’explique par la familiarité avec
ces accents, mais à notre connaissance, c’est la première fois que ce résultat a été mis en
évidence de façon empirique.
Un résultat qui était moins attendu est l’identification des variétés de Londres et de Bradford
qui sont principalement associées aux locuteurs non-natifs par les deux populations.
D’ailleurs, les auditeurs francophones non-natifs ont un taux d’identification pour cette
catégorie globalement supérieur (0.60) à celui des natifs (0.50). Ce résultat peut être expliqué
par le fait que les natifs ont été davantage partagés en ce qui concerne l’accent J, le classant à
la fois dans le groupe SE et NUK. Ceci montre bien que les deux accents (jamaïcain et
londonien) coexistent dans cette variété, en tout cas de façon beaucoup plus affirmée que chez
les locuteurs de Bradford. Parmi tous les accents, celui de Cambridge est le mieux catégorisé
par les deux populations, ce qui confirme que cet accent est bien perçu comme typique de
l’Angleterre du Sud. L’accent du Pays de Galles s’est révélé le plus difficile à reconnaître.
Ceci correspond à notre première perception de la qualité peu typique de cette variété. Nous
nous attendons donc à ce que cette non-typicalité se fasse sentir dans les expériences
suivantes et que les résultats soient moins parlants pour cette variété que pour les autres. Il
nous a fallu prendre en compte cet état de chose lors du choix des locuteurs, afin d’en
sélectionner les plus représentatifs. Nous avons également émis quelques doutes sur la qualité
de l’accent de Leeds qui a été identifié comme un accent du Sud, même par les natifs. Il est en
effet très surprenant de voir des natifs confondre un authentique accent de l’Angleterre du
Nord avec un accent du Sud.
169
Chapitre 5 Les résultats
Ces résultats nous donnent un premier constat sur le traitement des accents anglais par les
non-natifs qui ont pu identifier les locuteurs des régions SE et NUK. Ils permettent également
de pouvoir juger la qualité typique de ces variétés, ce qui est essentiel pour pouvoir choisir
des locuteurs aussi authentiques que possible pour la suite des expériences. Pour l’instant
nous allons continuer dans cette lignée afin de trouver les locuteurs les plus typiques possibles
et de juger de la qualité et l’homogénéité de ces accents.
5.3. Expérience 2 : Identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones du
corpus IViE par des anglophones (G2-ANG)
Les trois premières expériences que nous avons menées avaient deux objectifs principaux :
juger la qualité typique (ou non) du corpus IViE et nous aider à choisir les deux locuteurs ou
locutrices qui soient les plus facilement identifiables. Il est indubitable que les personnes qui
peuvent être correctement identifiées dans une zone géographique peuvent être considérées
comme assez typiques de cette ville ou de la région. Étant donné les difficultés qu’ont
connues les francophones lors de la tâche précédente,114 les deux tests suivants ont été
seulement effectués par des natifs (G2-ANG). Il s’agit d’un exercice qui devrait être
relativement facile pour ce groupe et devrait également donner des résultats assez fiables.
Cette deuxième expérience d’identification a été construite sur la base des neuf villes
représentées dans le corpus IViE. Les Britanniques devaient préciser de quelle ville venaient
chaque locuteur. Il y avait au total six locuteurs par ville que les participants ont entendu
chacun au moins deux (et au maximum quatre) fois. Les dix auditeurs natifs (neuf
Britanniques et une Irlandaise) ont entendu une seule fois 162 stimuli dans un ordre aléatoire
et devaient taper un chiffre (1 à 9) correspondant à une ville. Il y avait des énoncés longs (1524 syllabes), moyens (10-14 syllabes) et courts (4-9 syllabes) afin de juger de l’impact
informationnel de ce facteur.
Les villes apparaissaient à l’écran toujours dans le même ordre et en même temps que les
stimuli. 115
Les participants devaient assigner chaque locuteur à une des neuf villes dont l’ordre était le
suivant :
114
115
Cf. l’expérience 1 sur l’identification des régions.
Cf. Chapitre 4 pour la liste de stimuli.
170
Chapitre 5 Les résultats
1.
Belfast (B)
2.
Cambridge (C)
3.
London (J)
4.
Leeds (L)
5.
Dublin (M)
6.
Newcastle (N)
7.
Bradford (P)
8.
Liverpool (S)
9.
Cardiff (W)
Vu la qualité du corpus dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, mais aussi les
résultats de la première expérience, il est fort possible que les auditeurs rencontrent des
difficultés à classer l’accent de Cardiff et peut être celui de Leeds. Ces deux ont eu un taux
d’identification correct assez faible par rapport aux autres variétés. Nous avons déjà évoqué le
fait que les locuteurs de Cardiff nous semblent assez peu typiques et que le parler du locuteur
de Leeds est mal articulé.
Il sera aussi intéressant de voir comment les deux accents qui était plutôt associés à la
catégorie NUK (J et P) vont être traités. Cette catégorie (NUK) n’existant plus les auditeurs
étaient forcés de choisir une ville précise parmi la liste ci-dessus pour les accents de Bradford
et de Londres. Nous nous posions la question de l’impact de la présence même de cette
catégorie et son influence sur les réponses des auditeurs. D’après les résultats de cette tâche
nous espérions pouvoir ainsi l’évaluer. Deux situations semblaient possibles : soit les
auditeurs les identifieraient (J et P) correctement par ville et nous pourrions alors imaginer
que lors de la première expérience ils les avaient placés dans le groupe NUK plus par défaut
que par véritable « conviction phonétique ». Soit, dans le cas contraire, ces variétés ne
seraient pas bien identifiées et nous pourrions en conclure que l’existence de la catégorie
NUK n’a pas influencé le choix des auditeurs et qu’ils trouvaient l’aspect non-natif des
accents plus prononcé que leur aspect natif.
Regardons d’abord les résultats globaux de cette expérience.
171
ff
Ca
rd
i
ol
er
po
Li
v
N
ew
ca
stl
e
or
d
Br
ad
f
Le
ed
s
do
n
Lo
n
ge
br
id
Ca
m
Be
lfa
st
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
M
al
ah
id
e
Proportions
Chapitre 5 Les résultats
Régions
Proportion correct
Figure 5.3.a. Résultats de l’identification de la ville de provenance des locuteurs par des
anglophones (G2-ANG)
La proportion totale de réponses correcte est de 0.52, ce qui est à comparer avec la valeur
aléatoire de 0.11 (=1/9). Étant donné que cette tâche implique un choix précis et donc des
connaissances beaucoup plus fines, ce résultat semble satisfaisant. Ce qui montre toute la
finesse de cette capacité des auditeurs anglophones ce qui pourrait être expliqué par la place
importante des accents régionales. Il est généralement admis que l’identification de la région
ou de la ville d’un locuteur est une des premières choses remarquées par les anglophones
britanniques. Néanmoins, les taux corrects sont assez variés ; il y a des variétés qui ont été
très bien identifiées, d’autres moins. Nous pouvons voir à partir du graphique que l’accent le
mieux classé est celui de Londres, à hauteur de 69%. Ce résultat est intéressant puisque lors
de l’expérience précédente, cet accent était tantôt placé dans la catégorie SE tantôt dans celle
de NUK. Du fait de l’absence de cette dernière catégorie il y avait peut être moins
d’ambiguïté pour les participants à propos de cet accent. Ce résultat indique que cette variété
est associable à la ville de Londres et ce, malgré ses sonorités « non-natives ».116 Cela suggère
116
Il est important de rappeler que sur l’écran d’ordinateur s’affichait seulement Londres et non pas Jamaicain
London comme c’est le cas pour la troisième expérience.
172
Chapitre 5 Les résultats
que la présence du choix NUK avait bien influencé les auditeurs. Cependant, nous verrons
que ceci ne s’applique pas forcement à l’accent de Bradford.
Il y a ensuite un certain nombre d’accents qui sont très bien identifiés. Dans l’ordre :
Newcastle (0.60), Cambridge et Liverpool (0.59), puis, Malahide et Belfast (0.58). La variété
de Leeds est moins bien reconnue (0.42). Ce résultat rappelle celui de la première expérience
qui était également moins élevé que par rapport aux autres variétés (40%). L’accent était
associé à la fois au Nord et au Sud de l’Angleterre. Dans ce classement, les deux dernières
variétés sont Bradford (0.33) et Cardiff (0.32). Nous avions déjà une idée sur la qualité peu
typique de l’accent de Cardiff et ce résultat confirme qu’il est difficile de le situer
géographiquement. L’homogénéité de certaines tendances comme celle-là est rassurante pour
notre méthodologie.
En ce qui concerne la variété de Bradford, au vu des résultats, nous pouvons dire que son
aspect « non-natif » est sans doute plus prononcé que son aspect septentrional. Lors de
l’expérience, il est important de souligner qu’il n’y avait écrit que le mot « Bradford » dans la
liste des villes à choisir, sans explications supplémentaires. Il est possible de penser que si
nous avions mis « Bradford-panjabi », l’identification aurait été plus facile. Cependant, il n’a
pas été nécessaire de préciser davantage concernant la variété londonienne (London
Jamaicain) pour qu’elle soit bien identifiée. Une autre explication possible du résultat moyen
de Bradford, mais également de celui de Leeds, tient au fait que ces deux villes sont assez
proches sur le plan géographique et phonologique. Il est sans doute difficile pour un auditeur
naïf de reconnaître les différences entre ces deux villes. Le seul facteur qui permet de
différencier ces deux accents est l’aspect ethnique des locuteurs de Bradford. Les participants
ignoraient cet élément au moment où ils ont passé l’expérience et la confusion entre les
accents de Leeds et de Bradford est compréhensible.
Nous pouvons vérifier les confusions éventuelles à l’aide d’une matrice de confusion.
Toutefois, cette tâche apparaît comme délicate dans la mesure où l’accent panjabi ressort
davantage que l’accent septentrional.
Il convient maintenant d’examiner ces réponses plus finement afin de repérer les confusions
éventuelles d’identification. Tout d’abord, observons les proportions totales puis les résultats
par type de phrases.
173
Chapitre 5 Les résultats
Origine B
M
C
J
L
P
N
S
W
xxx
Réponses
0.580
0.290 0.011
0.0055 0.011
0.022
0.028
0.017
0.017
0.011
Malahide (M) 0.170
0.580 0.011
0.033
0.055
0.033
0.022
0.011
0.033
0.044
Cambridge(C) 0.011
0.000 0.590
0.340
0.033
0.000
0.000
0.000
0.033
0.0055
0.028
0.000 0.006
0.690
0.089
0.039
0.044
0.039
0.000
0.067
Bradford (P) 0.011
0.011 0.072
0.160
0.150
0.330
0.067
0.078
0.022
0.140
0.022
0.006 0.011
0.078
0.420
0.200
0.039
0.067
0.067
0.044
Newcastle (N) 0.000
0.033 0.0055 0.039
0.050
0.033
0.600
0.067
0.140
0.028
Liverpool (S) 0.011
0.000 0.028
0.061
0.100
0.061
0.094
0.590
0.022
0.033
0.055
0.028 0.061
0.100
0.200
0.039
0.078
0.067
0.320
0.055
Belfast (B)
Londres (J)
Leeds (L)
Cardiff (W)
Tableau 5.3.a. Matrice de confusion pour toutes les réponses d’identification de la ville de
provenance (proportions). En gras et en couleur les proportions qui dépassent le seuil d’une
réponse aléatoire (0.10 = 1/10).
Dans cette matrice de confusion (indiquant les taux d’identification correcte), nous avons
constaté que l’accent de Belfast est davantage pris pour l’accent de Malahide que le contraire.
Dans l’expérience précédente117 l’accent de Cambridge était bien identifié avec sa région SE.
En ce qui concerne celle-ci, il y a davantage de confusions, surtout avec Londres (0.340).
L’identification d’une ville spécifique à partir d’un accent est bien entendu un exercice plus
difficile. Néanmoins, cette variété reste bien classée (0.590). La variété Londres-jamaïcaine
est bien identifiée (0.690) et n’est aucunement prise ni pour l’accent de Cambridge, ni pour un
autre accent. Ceci laisse supposer qu’il existe bien des traits l’associant avec la capitale. En ce
qui concerne la ville de Leeds, l’accent est correctement perçu en tant que tel à hauteur de
0.420 avec une légère confusion avec la variété de Bradford (0.200). En revanche, l’accent de
Bradford est confondu à la fois avec la ville de Leeds (0.150) et Londres (0.160) et en plus
demeure moyennement identifié (0.330) De plus, l’absence de réponse est assez importante
(0.140). Ceci nous rassure à propos des résultats de la première expérience et la présence de la
catégorie NUK puisqu’il s’agit des mêmes participants. Ils ont apparemment toujours des
117
Le taux d’identification était de (95%). Bien qu’il y ait un plus grand nombre de choix dans cette expérience,
rendant ainsi toute comparaison délicate, le résultat est presque moitié moindre.
174
Chapitre 5 Les résultats
difficultés à trouver l’origine de cet accent. Les variétés de Newcastle et de Liverpool sont
bien perçues avec respectivement 0.600 et 0.590. Comme nous l’avons vu, l’accent de Cardiff
reste le moins bien identifié (0.320) et est majoritairement associé avec la ville de Leeds
(0.200).
5.3.1. Réponses d’identification correctes en fonction de la ville de provenance et de la
longueur de phrases (G2-ANG)
Nous allons maintenant regarder les résultats des matrices de confusions en fonction de la
longueur des phrases afin de voir quel a été l’impact de ce facteur sur l’identification.118
-
Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de
provenance : le cas des phrases longues (proportions)
Avec les phrases longues, la provenance de Belfast est un peu mieux identifiée (0.65) que
celle de Malahide (0.53). De plus, la variété de Malahide est souvent identifiée comme étant
celle de Belfast (0.27) alors que le contraire arrive un peu moins fréquemment (0.20).
L’accent de Cambridge est le mieux classé ici (0.75), cependant, 22% des énoncés sont
associés à Londres.
Il semble difficile pour les auditeurs de différencier Leeds de Bradford. L’accent de Leeds est
correctement identifié à hauteur de 40% et est associé à Bradford dans 17% des cas. Mais le
cas contraire n’arrive pas. L’accent de Bradford est correctement classé à hauteur de 35% et
est parfois associé à Londres (0.17) et à Leeds (0.12). Cela veut dire que les traits
septentrionaux ne sont pratiquement pas audibles ou reconnaissables, puisque les auditeurs en
viennent à les confondre avec ceux d’un accent du Sud. Il est possible qu’il ait été classé dans
la catégorie de l’accent londonien à cause de son fort versant « ethnique » plus facilement
associable avec la capitale, connue pour sa diversité linguistique.
Les autres variétés sont bien identifiées, y compris celle de Cardiff (0.57).
118
La matrice de confusion est consultable en annexe 10.
175
Chapitre 5 Les résultats
-
Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de
provenance : le cas des phrases moyennes (proportions)
De façon générale les énoncés de longueur moyenne entraînent plus de confusion dans les
résultats. La variété de Malahide est mieux identifiée (0.70) que celle de Belfast (0.52). Cette
dernière est davantage prise pour l’accent de Malahide (0.38) que l’inverse (0.15).
En ce qui concerne l’accent de Cambridge, il est presque autant associé à Londres (0.43)
qu’avec Cambridge (0.53). Toutefois, la confusion est limitée à ces deux villes de façon quasi
exclusive. Les variétés de Londres et de Liverpool sont très bien identifiées : 0.67 et 0.60
respectivement.
L’accent de Leeds est davantage confondu avec celui de Bradford (0.23) que dans le cas des
phrases longues (0.17). Le résultat pour l’identification de la variété de Bradford montre que
celle-ci est difficile à classer (0.38) mais la confusion avec l’accent de Leeds (0.17) n’est pas
pour autant l’unique cause (non-réponses : 0.13 et Londres : 0.15).
Concernant l’accent de Newcastle, il continue à être bien identifié (0.68) ; cependant il y a
une petite confusion avec Cardiff (0.20).
Avec les énoncés de longueur moyenne, la variété de Cardiff est de nouveau peu reconnue
(0.13). C’est la première fois que la proportion d’identification est aussi basse. Les auditeurs
l’ont fortement associée à la ville de Leeds (0.35). On peut émettre deux hypothèses : soit ces
locuteurs ont un accent qui les associe bien au Nord de l’Angleterre, soit les auditeurs ont une
autre idée de l’accent gallois.
-
Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de
provenance : le cas des phrases courtes (proportions)
Dans cette matrice de confusion pour les énoncés courts, nous pouvons voir que certaines
villes de provenance sont mieux identifiées que pour les phrases de longueur moyenne. Il
s’agit de Belfast (0.58), Cambridge (0.50), Londres (0.70), et Cardiff (0.25). Cependant, il n’y
a qu’une variété (en l’occurrence, Londres), qui a un meilleur résultat qu’avec les énoncés
plus longs. L’accent de Belfast est bien identifié (0.58) et moins confondu avec l’accent de
Malahide (0.30). Cependant, ce n’est pas le cas de la variété de Malahide qui est nettement
moins bien classée que pour les phrases de longueur moyenne (0.52). Toutefois, ce résultat
reste assez élevé et l’accent n’est pratiquement plus confondu avec celui de Belfast (0.10).
176
Chapitre 5 Les résultats
La confusion entre Londres et Cambridge diminue légèrement (0.38) et nous avons noté que
le résultat pour l’accent de Cambridge est en légère hausse (0.50).
L’accent de Leeds est assez bien perçu (0.40) mais continue à être quelque peu associé avec la
ville de Bradford (0.20). La confusion subsiste pour l’accent de Bradford (0.28 réponses
correctes), et il est à nouveau classé à la fois dans la catégorie de Leeds (0.18) et de Londres
(0.17). Un tel résultat suggère que les auditeurs ne savent pas l’identifier.
Les variétés de Newcastle et de Liverpool continuent à être bien identifiées (0.48) mais le sont
moins que pour les phrases moyennes. Cette fois-ci, l’accent de Cardiff est reconnu (0.25)
sans atteindre le même niveau d’identification que pour les phrases longues. Le taux reste tout
de même assez faible, ce qui traduit de l’incertitude chez les auditeurs. Il continue à être
associé avec d’autre accents, celui de Leeds en premier lieu (0.17).
5.3.2. Résumé des résultats de l’expérience 2
Globalement les accents sont assez bien identifiés. Il est assez surprenant de constater que les
natifs naïfs arrivent à bien distinguer les variétés de Belfast et de Malahide. En ce qui
concerne les accents septentrionaux, la longueur des énoncés a un impact sur les résultats,
même sur les variétés qui sont normalement assez distinctes (par exemple, Liverpool et
Newcastle) : il est plus difficile de classer correctement les phrases courtes que les longues.
Identifier l’accent de Bradford s’est révélé être une tâche compliquée : les résultats indiquent
que l’accent comporte peu de traits qui l’associent spécifiquement à la ville de Bradford.
Nous avons vu dans un chapitre précédent que la variété que Wells (1982) classe comme le
« Middle North » recouvre un zone géographique assez vaste qui comprend Manchester, le
Yorkshire et une partie des Midlands. En d’autres termes, même si les auditeurs arrivaient à
détecter le fait qu’il s’agissait d’un accent du Nord, il est difficile pour un non-spécialiste de
différencier les accents de cette zone. Il est possible que si l’aspect « anglais » de cet accent
avait été plus distinct, comme par exemple celui de Liverpool, l’identification aurait pu être
plus facile.
Bien que les auditeurs soient natifs, ils restent tout de même naïfs. Les différences
phonologiques qui existent entre les accents de Leeds et Bradford sont sans doute trop fines
pour permettre de les départager. Cependant, nous pensons que la raison se trouve dans le fait
que les participants ne savaient pas que la différence se trouvait aussi dans l’aspect ethnique.
Ils auraient pu imaginer qu’une partie des locuteurs de Leeds était en réalité des locuteurs de
177
Chapitre 5 Les résultats
Bradford ou vice-versa. Cependant, nous n’avons pas à faire à un seul accent de Bradford : il
y a dans cette variété des fortes sonorités panjabi. Il est possible que cela ait compliqué
davantage la tâche puisque nous pensons que l’auditeur entend tout simplement un accent
panjabi avec au mieux quelques éléments de l’Angleterre du Nord. Cependant, il faut émettre
quelques réserves sur le fait que les participants ont entendu les éléments septentrionaux de
cette variété : les traits panjabis sont forts présents et il aurait pu s’agir de n’importe quelle
ville d’Angleterre. C’est pour cette raison que l’accent est difficile à classer. Cela dit, après
l’expérience, nous avons appris de certains participants qui venaient du Nord de l’Angleterre
que la ville de Bradford est très stéréotypée par sa population panjabi à un tel point qu’elle est
surnommée « Bradistan ».119 Donc, l’explication de ce résultat reste ambigu. Il est intéressant
de noter que l’autre accent aux sonorités non-natives (Londres Jamaïcain) n’a pas connu les
mêmes problèmes d’identification. Deux explications sont possibles : soit les traits londoniens
de cette variété sont plus prononcés (alors que l’aspect septentrional se ressent moins dans
celle de Bradford panjabi), soit un accent jamaïcain est plus facilement associé à la capitale
alors que l’accent panjabi est davantage diffusé dans tous le pays.
5.3.3. Commentaires sur l’expérience 1 (identification de la provenance régionale) et
l’expérience 2 (identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones)
Le résultat principal qui ressort des 2 premières expériences est que la longueur des énoncés
facilitent majoritairement l’identification de la provenance géographique pour les natifs. En
principe, si l’accent est suffisamment marqué, ils ne devraient pas être confondus avec
d’autres accents, ce qui arrive davantage dans les énoncés courts.
Les résultats ont confirmé ce que nous pensions sur les variétés de Leeds et de Cardiff, c'està-dire qu’elles sont peu représentatives de ces endroits. Par contre, nous pensions que l’accent
de Cambridge était très typique alors que lors de l’expérience 2, les participants anglophones
l’ont souvent confondu avec celui de Londres. Ceci reflète le continuum d’accents qui sont
associés avec la capitale.
Lors de la première expérience les accents ont été classés dans l’ordre suivant :
C, L, B, M, N, (P dans la catégorie NUK seulement, sinon dans le groupe NE cette variété
arrive en dernier), S, J, W.
119
Un mot-valise impliquant Bradford et Pakistan.
178
Chapitre 5 Les résultats
Cet ordre n’est pas le même dans l’identification des villes :
(J & N), (S & C), B & M, L, P, W.
Il apparaît donc clairement que l’accent de Cardiff est le moins bien identifié de tous, dans les
deux expériences, ce qui correspond à nos prévisions pour cet accent.
Lorsque l’accent de Bradford est associé à la catégorie NUK, le taux d’identification est assez
élevé (68%). Par contre, il s’est avéré difficile de l’associer à l’une des neuf villes proposées.
Cela signifie que l’accent panjabi prime sur l’aspect septentrional. Il ne faut pas négliger le
fait que la langue panjabi est la première langue minoritaire en Angleterre. Contrairement à
d’autres variétés comme le jamaïcain, il est moins associé à une seule ville. En ce qui
concerne l’accent londonien, il est parmi les derniers accents correctement classés dans les
résultats de la première expérience puisqu’il est associé à la fois avec la région SE et NUK.
Cependant, lorsque la ville de Londres a été proposée dans la deuxième tâche, l’ambiguïté a
disparu et son taux d’identification est devenu le plus élevé. Cela montre que cet accent-là est
fortement associé à Londres.
La variété de Leeds est bien associée à la région du Nord de l’Angleterre mais les participants
n’ont pas toujours pu identifier sa provenance exacte dans la deuxième expérience. Comme
nous l’avons vu, cet accent fait partie d’une grande zone géographique (Middle North, Wells,
1982). Pour les non-spécialistes il aurait pu être associé à beaucoup d’autres endroits dans le
Nord de l’Angleterre, comme la ville de Bradford, par exemple.
Le fait que les résultats varient entre les deux expériences est sans doute largement dû au fait
que les tâches ne sont pas les mêmes. Il est possible que la présence de la catégorie NUK ait
influencé les participants lors de l’identification par région. Alors que dans la deuxième
expérience, la difficulté a résidé dans le fait que les villes sont soit géographiquement ou
phonologiquement proches. Ainsi nous avons trouvé des confusions entre Cambridge et
Londres (jamaïcain), Belfast et Malahide et entre Leeds et Bradford (panjabi).
Nous pensons que l’accent de Cardiff est le moins bien identifié non pas à cause d’un manque
de finesse phonétique de la part de participants mais à cause de l’accent lui-même qui est peu
typique. Il ne ressemble pas suffisamment à l’idée qu’on a d’un accent gallois. En tout cas il
n’est pas assez marqué pour être facilement identifiable.
Il convient maintenant de constater les jugements sur la qualité typique ou non de ces accents
(par G2-ANG) avant de tester leur compréhension par plusieurs types de population.
179
Chapitre 5 Les résultats
5.4.
Expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de qualité (G2-
ANG)
Nous avons appelé cette expérience « test de qualité », ou Goodness test en anglais. Elle vise
à évaluer la typicalité des locuteurs de chaque dialecte.120 De ce fait, et par souci d’avoir un
test qui ne soit pas trop long, chaque locuteur n’a été entendu qu’une seule fois. Avec ces
résultats, nous avons pu avoir une idée à la fois de la typicalité de chaque individu mais aussi
de l’homogénéité des locuteurs à l’intérieur d’un même groupe dialectal. Seuls les natifs (G2ANG) ont participé à cette expérience : huit auditeurs britanniques ainsi qu’une irlandaise, en
plus de deux spécialistes britanniques (phonéticiens). Les locuteurs ont été regroupés par
dialecte et, avant de les entendre, le nom de leur ville de provenance apparaissait à l’écran de
l’ordinateur.121 De cette façon, il n’y a eu aucune ambiguïté quant à leur origine
géographique122 et les auditeurs ont eu tout le loisir de se concentrer plus spécifiquement sur
l’aspect typique ou non des locuteurs.
Un des objectifs de cette expérience a été de confirmer (ou d’infirmer) la qualité de notre
sélection initiale des locuteurs. Cette sélection devait permettre d’évaluer l’homogénéité des
dialectes de ce corpus qui n’a jamais, à notre connaissance été soumise à ce genre de test. Ce
corpus, comme d’autres corpus des dialectes britanniques, a parfois été critiqué pour la
« mauvaise » représentativité des dialectes. Cette expérience a été conçue pour permettre cette
représentativité et garantir en quelque sorte des résultats aussi fiables que possible. Les
variétés qui ont été bien identifiées au niveau des régions et des villes vont-elles également
jugées typiques ? Nous pensons que lorsque les participants arrivent à identifier l’origine
géographique des locuteurs, cela signifie que les locuteurs ont suffisamment de traits
caractéristiques de la région ou de la ville en question. Alors que les résultats de la présente
expérience (de qualité) risquent d’être davantage basés sur des stéréotypes ou des jugements
personnels. Bien entendu, les trois expériences sont toutes basées sur ces facteurs mais dans le
test de qualité, les avis sont davantage subjectifs. C’est pour cette raison que les deux moyens
d’évaluation (celles d’identifications celle qui jugent de la qualité typique) sont très utiles
mais qu’il risque de ne pas y avoir les même résultats dans les trois. Prenons l’exemple de
Cambridge et le genre de stéréotypes que l’on peut y associer. Nous pourrions nous attendre
120
Pour les deux premières expériences, nous n’avons utilisé que six locuteurs sur douze afin de pouvoir les
entendre plusieurs fois.
121
L’ordre des accents était toujours le même mais, à l’intérieur de chaque groupe, l’ordre de passage des
locuteurs était aléatoire.
122
Ainsi, pour les locuteurs des groupes P et J, nous avons précisé le fait qu’il s’agissait de Punjabi Bradford et
Jamaican London.
180
Chapitre 5 Les résultats
à ce que l’accent soit proche de la variété RP ou celle de Londres, ou d’un accent beaucoup
plus « campagnard ». Dans le cas où les participants s’attendent à un accent proche de la RP,
ils pourraient bien noter cet accent en fonction de sa typicalité ; s’ils s’attendent à autre chose,
ils risquent de dire que l’accent n’est pas typique.123 C’est peut etre ce qui s’est passé lors de
l’expérience 2, où l’accent de Londres était souvent confondu avec l’accent de Londres. Lors
du chapitre 1, nous avons vu que l’accent de Londres existe sur un continuum, allant du
cockney à l’accent RP, en passant par « Estuary English ». Il est donc impossible de savoir ce
que les participants considèrent comme typique. Les mêmes connotations et échelles existent
pour les autres accents. Par exemple, pour celui de Liverpool, on pourrait s’attendre à la
variété la plus stéréotypée de cette ville, c'est-à-dire le Scouse,124 mais dans notre corpus
l’accent est moins marqué que le Scouse car les locuteurs viennent de la classe moyenne (et
non ouvrière). En fait, tout dépend de l’idée que les auditeurs ont de chaque accent.
Nous avons utilisé les mêmes énoncés que lors de la première expérience.125 Cette fois-ci, afin
d’éviter que l’exercice ne dure trop longtemps, les participants ont entendu chaque locuteur
une seule fois. En revanche, nous avons utilisé tous les locuteurs de chaque variété.
La question à laquelle ils devaient répondre était : Is this person a typical speaker from….. ?
Puis, le nom de la ville de provenance des locuteurs apparaissait à l’écran. Il fallait faire un
choix sur une échelle de 1 à 5.
1. Absolutely
2. Very much
3. Somewhat
4. Not very much
5. Not at all126
Au vu des résultats que nous avons déjà commentés et de nos premières impressions sur la
qualité du corpus, il est fort probable que l’accent de Cardiff soit classé comme le moins
typique. Nous avons également émis quelques réserves sur la typicalité des locuteurs de
123
Dans les enregistrements de Cambridge, certains locuteurs ont effectivement un accent proche de la RP,
d’autres plus près d’un accent londonien. Dans les deux premières expériences, nous avons choisi d’utiliser celui
proche de RP puisque cela correspond à la fois à l’accent enseigné en France et à ce que nous voulions comme
accent témoin.
124
Il ne faut pas oublier que les locuteurs appartiennent à la classe moyenne et que leur accent ne contient pas
toutes les caractéristiques de l’accent scouse qui est souvent associé avec la classe ouvrière. (Well, 1982)
125
Cf. Chapitre 4 pour la liste des phrases.
126
En français nous utilisons les termes suivants : absolument ; très ; quelque peu ; assez peu ; pas de tout.
181
Chapitre 5 Les résultats
Leeds. La difficulté que ces participants ont eu à identifier correctement l’accent P pourrait
avoir des conséquences sur leur jugement.
5.4.1. Résultats de l’expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de
qualité (G2-ANG)
Sur l’ensemble du corpus, pris globalement, les auditeurs ont jugé que l’accent était « très »
typique à hauteur de 33.7% et « absolument » typique à 21.87%. Ceci montre que malgré des
doutes concernant la qualité du corpus, les variétés représentées sont caractéristiques de leur
ville. L’indice de qualité est globalement satisfaisant : en tout, l’addition des deux meilleures
réponses (55.57%) est supérieure à celle des trois autres réponses : 42.37% (somewhat :
18.87% ; not very much : 18.78% ; not at all : 4.72%).127
Voici le détail par variété :
100
Pourcentage
80
60
40
20
Ca
rd
iff
Br
ad
fo
rd
N
ew
ca
stl
e
Li
ve
rp
oo
l
Le
ed
s
Lo
nd
on
br
id
ge
Ca
m
Be
lfa
st
M
al
ah
id
e
0
Régions
Absolutely
Very Much
Somewhat
Not very Much
Not at all
Figure 5.4.1.a Évaluation de la qualité du corpus (typicalité des locuteurs) par ville de
provenance.
Au niveau du détail des réponses, l’accent de Newcastle est incontestablement absolument
représentatif de cette ville (« absolument » : 44%). Les locuteurs de la variété J sont « très »
typiques (42,7%). Ceux de Bradford-panjabi et de Cardiff sont « assez peu » typiques. Le
plupart des locuteurs sont jugés « très » typiques en premier lieu (B, C, J, L, M). Les locuteurs
127
Il y avait 2.06% d’absence de réponse (Cf. annexe 10).
182
Chapitre 5 Les résultats
de la variété de Liverpool sont considérés à la fois comme « absolument » typiques et « très »
typiques à même hauteur (27.3%).
5.4.2. Homogénéité des variétés régionales
Afin de comparer la typicalité des neuf variétés nous avons accordé 5 points par locuteur
lorsqu’ils ont été classés absolutely typical et 1 point pour les locuteurs classés not at all.
Nous avons ensuite calculé la moyenne de chaque variété. De cette façon la typicalité sur
l’ensemble du corpus est devenue plus lisible. Plus le score total s’approche de 5, plus
l’accent est typique.
5
Moyenne
4
3
2
1
iff
Ca
rd
l
ve
rp
oo
Li
e
ew
ca
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N
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Br
ad
fo
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s
n
do
Lo
n
ge
br
id
st
Be
lfa
Ca
m
M
al
ah
i
de
0
Variétés
Proportion correct
Figure 5.4.2.a. Indices moyens de l’homogénéité des variétés régionales observées dans neuf
villes britanniques.
Les résultats ne varient pas énormément d’un accent à l’autre. La variété de Newcastle est
toujours classée comme la plus typique (3.7), suivie de Cambridge et Belfast (3.6). L’accent
de Leeds arrive juste après avec 3.5, ce qui est assez étonnant au vu des résultats des 2
premières expériences. Les accents de Bradford-Panjabi (3.03) et du Pays de Galles (3.05)
sont considérés comme étant les moins représentatifs, mais dépassent tout de même le seuil de
qualité de 3 sur 5. Il existe donc quelques divergences au niveau de l’homogénéité. Sur
183
Chapitre 5 Les résultats
l’ensemble du corpus, la réponse moyenne des participants est de 3.41, ce qui place le corpus
entre somewhat et very much. Bien qu’une moyenne en dessus de 4 aurait été plus
convaincante, elle indique que la qualité du corpus est tout de même satisfaisante. Cependant,
ces résultats sont basés sur des stéréotypes. Nous avons vu lors du premier chapitre que
certains accents sont assez stigmatisés et moins appréciés que d’autres. Nous devons ensuite
regarder quelles différences il peut y avoir entre les trois expériences afin de donner un aperçu
valide de la qualité du corpus.
5.4.3. Qualité du corpus : comparaison des résultats de l’expérience 3 à ceux des expériences
1 et 2
Les divergences qui existent entre les trois tâches pourraient bien expliquer les différences
obtenues entre les trois expériences. Par exemple, nous avons vu que Leeds était souvent mal
identifié alors qu’ici le jugement des participants est plutôt positif concernant la qualité des
locuteurs : Leeds est classé d’abord comme « assez » typique (40,9%). En ce qui concerne
l’accent de Cambridge, il a été très bien associé à la région de l’Angleterre du Sud (95%).
Puis il s’est avéré plus difficile à classer dans l’expérience 2 (59%), mais il a été très bien
apprécié lors du troisième test (3.6). En revanche, les résultats de l’accent de Newcastle sont
homogènes dans les trois expériences : pour l’identification par rapport à une région, 60% de
réponses correctes lors de l’expérience 2 et il a été d’abord classé comme « absolument »
typique dans la troisième tâche.
Lors de le première expérience nous avons vu que les auditeurs étaient davantage capables
d’entendre l’accent « Angleterre du Sud » dans la variété jamaïcaine que l’accent « Angleterre
du Nord » dans la variété panjabi. Le fait que J a un meilleur résultat que P au niveau de la
typicalité pourrait signifier une attitude plus positive envers celui-ci : cela peut traduire une
plus grande volonté de vouloir l’identifier de la part des auditeurs.
De manière consciente ou inconsciente, toutes les trois expériences font appel à des
stéréotypes et à des attitudes positives ou négatives envers ces accents, bien que cela
apparaisse de façon plus évidente dans la troisième en particulier. Les trois expériences ne
constituent ni le même exercice ni le même traitement des stimuli, ce qui explique en partie
les différences au niveau des résultats.
184
Chapitre 5 Les résultats
Qu’en est-il des deux autres ? Les différentes représentations régionales sont stockées en
mémoire et afin d’identifier un accent nous le comparons aux traits que nous en avons
conservés. Cependant, ce qui constitue tel ou tel accent varie d’une personne à l’autre et les
différents stéréotypes ont sans doute un rôle à jouer. Les différences qui existent pour un seul
et même accent peuvent être très grandes. Nous avons déjà donné l’exemple de Londres et ces
différentes variétés allant du cockney à l’accent RP, en passant par « Estuary English ». Il est
donc difficile de savoir ce que les participants considèrent comme « typique ». Il est aussi
difficile de savoir laquelle des trois expériences est la plus fiable. Lorsque nous les avons
conçues, nous pensions que les résultats de la troisième seraient plus convaincants pour
choisir des locuteurs typiques. Nous nous sommes donc appuyée sur ces résultats dans le
choix des locuteurs, en particulier sur les résultats des deux spécialistes anglophones.
Rétrospectivement, nous aurions peut-être dû accorder autant de valeur aux résultats des trois
expériences puisque, comme nous l’avions déjà souligné, lorsqu’on arrive à identifier
l’origine régionale d’une personne cela indique que son accent est suffisamment typique.
Alors que la troisième est sans doute davantage basée sur des facteurs extra-linguistiques.
Ces trois expériences ont montré les capacités de natifs et des non-natifs d’indiquer la
provenance géographique des locuteurs anglophones ainsi que la typicalité de ces derniers.
Avec ces résultats, nous avons pu choisir un locuteur par variété afin de s’assurer que lors de
l’expérience sur la compréhension de ces mêmes variétés nous utilisons le locuteur le plus
représentatif. Ce cette façon, nous pensons que les résultats de l’expérience 4 refléteront le
traitement des caractéristiques typiques des variétés régionales de l’anglais.
5.4.4. Choix des locuteurs pour l’expérience de compréhension
Pour la suite de ce travail nous avions besoin de prendre le locuteur le plus représentatif de
chaque variété. Ce choix était donc très important puisque nous allions avoir à tester ensuite la
compréhension de ces accents régionaux. Il nous semblait que le fait d’avoir les locuteurs les
plus typiques donnerait des résultats reflétant autant que possible la réalité linguistique des
variétés. Afin de choisir ces locuteurs, nous avons d’abord établi la liste des locuteurs ayant le
meilleur score dans les expériences d’identification. Ensuite, nous en avons fait de même pour
la troisième expérience. Étant donné les différences entre les résultats des trois expériences
ainsi que les recherches effectuées sur le traitement d’un accent, nous avons pris conscience
185
Chapitre 5 Les résultats
que les résultats des 2 premières expériences avaient probablement une valeur
scientifiquement plus fiable. En effet, identifier un accent par rapport à une région nécessite
un traitement qui fait davantage appel aux références que nous avons stockées dans notre
mémoire. Il s’agit d’un travail plus complexe par rapport à un simple jugement sur un accent
qui dépend d’autres facteurs en plus des représentations conservées en mémoire.
Au vu des résultats, nous avons décidé d’écarter les locuteurs pour qui nous n’avions pas de
résultat sur l’identification.128 Il était important d’avoir des locuteurs qui ont pu à la fois être
correctement identifiés et qui ont été bien notés dans le troisième test. Un point que nous
n’avions hélas pas pris en compte lors de la conception des expériences.
Nous n’avons pas pu utiliser tous les locuteurs dans l’expérience 3 pour plusieurs raisons.
Nous nous trouvions, par conséquent, avec un nombre déséquilibré de locuteurs par variété.129
Prenons l’exemple précis du locuteur : premièrement cette personne n’avait pas une lecture
très fluide, elle est très irrégulière et lente. Il n’aurait pas été utilisable dans les test de
compréhension à cause du débit de lecture puisque cela aurait introduit non seulement trop
d’écarts par rapport aux autres locuteurs mais également des difficultés supplémentaires de
compréhension non-associées avec la variété en soi. De plus, cette personne a certains traits
qui ne sont pas typiques de cet accent, notamment sa prononciation de /θ/ et /ð/ énoncé /f/ et
/v/ respectivement. Bien que ce trait tend à se répandre de plus en plus en Angleterre
(Kerswill, 2001), il n’est pas encore considéré comme faisant partie de la variété de Bradford
ni de l’accent panjabi. Parmi les treize locuteurs de ce dialecte, il est le seul à avoir cette
prononciation. Ces facteurs ont été suffisants pour ne pas l’inclure dans les expériences.
D’autres raisons sont liées à une mauvaise qualité de son ou à des fichiers incomplets dans le
corpus.
Nous avons donc établi une liste des locuteurs qui ont eu les meilleurs résultats dans les
expériences. Parfois il s’agissait d’une locutrice qui avait l’accent le plus typique (par
exemple, dans la variété du Pays de Galles) ; nous avons donc, par suite de ce choix, veillé à
avoir un nombre équilibré des deux sexes. Lorsqu’il fallait trancher, nous avons suivi l’avis
des deux spécialistes qui, nous l’espérons ont eu une écoute plus objective lors de la troisième
expérience.
128
Dans les deux premières expériences nous n’avons malheureusement pas pu utiliser tous les locuteurs puisque
cela aurait donné des tests beaucoup trop longs.
129
Rappelons que dans le troisième test nous avons utilisé 12/13 des locuteurs pour la variété de Bradford, 13/13
pour Londres-jamaïcain, 11/12 pour Newcastle et 12/12 pour tous les autres accents.
186
Chapitre 5 Les résultats
5.5. Expérience 4 : Mesure de l’intelligibilité des accents : compréhension et
reconnaissance des mots produits par les locuteurs anglophones en fonction de leur
provenance régionale
Cette expérience vise à juger l’intelligibilité des accents et la capacité à les comprendre par
différents auditeurs. Nous avons utilisé quatre groupes de participants, à savoir : G1-FR, G2ANG, G3-FR et G4-AM afin de mesurer leur intelligibilité respective. Par exemple, nous
pouvons évaluer l’impact du niveau de langue ou de la familiarité avec ces accents sur la
compréhension. Lors de l’expérience, les participants ont pu écouter chaque énoncé jusqu’à
quatre fois et devaient transcrire ce qu’ils entendaient. Il y avait trois phrases par type
d’accent régional, une courte (entre 4 à 9 syllabes), une moyenne (10-14 syllabes) et une
longue (15-24 syllabes).130 Selon certains auteurs (Floccia, 2004 ; Hanson et Ikeno, 2007), la
longueur de la phrase est un facteur psycholinguistique important et nous voulions
précisément savoir si les différents types de phrases peuvent avoir un impact sur la
compréhension.
Nous nous attendions à ce que les Britanniques aient la meilleure compréhension (puisque les
locuteurs étaient britanniques), suivi des Américains, ensuite des francophones expérimentés
(niveau d’études minimum d’un Master 2 en anglais), puis des francophones de deuxième
année de Licence, spécialisés en anglais. En ce qui concerne le traitement des accents, on a
fait l’hypothèse que la variété de Cambridge serait la plus facile à comprendre pour tous les
groupes. Il s’agit en effet de l’accent qui est le plus proche de la variété RP et donc, en
principe, celui avec lequel les participants devaient être le plus familiarisés. Nous pensions
que le locuteur de Leeds serait un des plus difficiles à comprendre, mais plus à cause de la
qualité de la parole du locuteur (inarticulation/voix traînante), qu’en raison de la difficulté
intrinsèque de l’accent.
Il est permis de penser que les accents les plus typiques poseraient davantage de problèmes au
niveau de la compréhension. Ce que nous appelons « accents typiques » sont ceux qui ont été
correctement identifiés lors des deux premières expériences ainsi que ceux qui ont été jugé
« absolument » ou « assez typique » lors de l’expérience 3. Par exemple, lors de la tâche
d’identification par ville, les accents J, N, C, S, B et M ont tous été identifiés à plus de 50%.
Nous pensions que les natifs auraient très peu de difficulté à comprendre l’ensemble des
accents. De façon générale, cela ne devait pas forcément être le cas pour les sujets
130
Cf. Chapitre 4 pour plus de détails ainsi que l’explication de la notation de cette expérience.
187
Chapitre 5 Les résultats
francophones qui ont a priori, beaucoup moins d’expérience des accents différents de la RP.
Cela risquait donc de concerner les accents forts ou peu familiers, notamment les accents
irlandais, ceux de Newcastle et de Liverpool ainsi que ceux qui ont été classés lors la première
tâche comme « non-natifs » (J et P). La variété galloise ne devait pas poser de grande
difficulté de compréhension puisque, comme nous l’avons déjà remarqué, nous la
considérions depuis le départ comme la moins typique des neuf variétés.
5.5.1. Résultats de G2-ANG (natifs britanniques)
Nous allons commencer par commenter les résultats des Britanniques pour ensuite traiter ceux
des groupes G1-FR, G3-FR et G4-AM. Pour chaque groupe nous parlerons d’abord du taux
d’erreurs par accent, puis de l’effet de la longueur des phrases. Ensuite, nous établirons une
liste d’erreurs types. Les participants devaient transcrire 27 phrases (trois par variété et une de
chaque longueur). Ils pouvaient écouté chaque phrases jusqu’à quatre fois à leur rythme.131
Ce premier graphique montre la proportion d’erreurs de compréhension des Britanniques (G2ANG). Dans ce groupe il y a 12 Anglais et une Irlandaise. Malheureusement, nous n’avons
pas pu trouver davantage d’Irlandais pour passer l’ expérience ni aucun Gallois. Bien entendu,
il aurait été très informatif d’avoir plusieurs personnes de chaque pays des Iles Britanniques
afin de juger l’impact de leur origine régionale sur la compréhension des auditeurs. Il est
légitime de penser que les Gallois auraient eu davantage de facilité à comprendre les Gallois,
de même pour les Irlandais. Cependant, la raison principale de la présence de ce groupe est de
d’évaluer l’intelligibilité de ces accents et d’avoir un élément de comparaison avec les autres
groupes. C’est ce que ce groupe nous permettra de faire, quelle que soit sa composition.
La figure suivante illustre la proportion d’erreurs commise par les natifs britanniques lors de
cette tâche de compréhension des variétés régionales britanniques.
131
Cf. Chapitre 4 pour la liste de phrases utilisé.
188
Chapitre 5 Les résultats
1
Proportions
0,8
0,6
0,4
0,2
Ca
rd
iff
Br
ad
fo
rd
Li
ve
rp
oo
l
e
ew
ca
stl
e
N
M
al
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id
Le
ed
s
n
nd
o
Lo
Be
lfa
st
Ca
m
br
id
ge
0
Villes
Proportion Erreurs
Figure 5.5.1.a Proportions totales d’erreurs de compréhension pour G2-ANG
La proportion totale d’erreurs est seulement de 00.53. Les accents pour lesquels on n’observe
que très peu, voire aucune faute, sont: Cambridge (0), Cardiff (0.0052), Liverpool (0.020),
Bradford (0.032) et Leeds (00.55). Nous pouvons dire que ceux-ci sont les plus
compréhensibles pour G2-ANG : leur degré d’intelligibilité est quasiment total. Les variétés
qui ont posé quelques problèmes d’intelligibilité sont : Londres (00.74), Belfast (00.83),
Newcastle (00.99) et Malahide (0.12).
Nous remarquons la disparité entre ces résultats-ci et ceux des expériences d’identification.
Par exemple, bien que la variété de Cardiff ait été difficile à identifier géographiquement, sa
compréhension n’en est pas affectée. Il apparaît que les deux tâches sont bien distinctes et que
le fait d’échouer dans l’une d’entre elles n’aura pas de conséquence pour l’autre. On pourrait
même penser qu’au contraire, si un accent est difficile à identifier, c’est qu’il est peu marqué
par rapport à la norme RP et qu’il serait alors logique qu’il ne présente pas de difficulté de
compréhension.
À souligner également que les deux accents irlandais sont parmi ceux qui sont les moins
compris. Cela reflète peut-être le fait que les auditeurs sont presque exclusivement anglais
(d’Angleterre) et sont a priori, moins habitués à l’accent irlandais. Cependant, l’accent de
Cardiff n’a pas posé de difficulté de compréhension. Nous l’avons souligné à maintes
reprises, mais nous ne sommes pas convaincue de la qualité typique de l’accent de Cardiff par
rapport aux accents irlandais qui semblent beaucoup plus caractéristiques.
189
Chapitre 5 Les résultats
Il est également possible que le lexique, qui n’est évidemment pas identique dans chaque
phrase, affecte l’intelligibilité des variétés. Nous avons vu qu’il est plus facile de comprendre
les mots fréquents que des mots rares. Nous regarderons le lexique lors des réponses aux
hypothèses.
5.5.1.1. Résultats de G2-ANG en fonction de la longueur de phrases
Évaluons maintenant l’effet de la longueur des phrases sur la compréhension des auditeurs
britanniques.
1
Proportions
0,8
0,6
0,4
0,2
Ca
rd
iff
Br
ad
fo
rd
Li
ve
rp
oo
l
e
ew
ca
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e
N
M
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ed
s
n
nd
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Lo
Be
lfa
st
Ca
m
br
id
ge
0
Villes
Longues
Moyennes
Courtes
Figure 5.5.1.1.a Proportion totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur
de phrases (G2-ANG)
Nous voulons savoir si la longueur de la phrase a un effet sur la compréhension des natifs et
s’il y a un schéma récurrent. Les proportions totales montrent que les phrases moyennes sont
les plus difficiles à comprendre (0.078) suivies des phrases courtes (0.053) puis les longues
(0.0.37).
Il y a seulement trois accents qui suivent le même schéma, c'est-à-dire pour lesquels il y a plus
d’erreurs dans les énoncés courts. Cela signifie que la compréhension devient plus difficile au
fur et à mesure que les phrases deviennent courtes. Il s’agit des accents de Newcastle,
Bradford et Liverpool. En ce qui concerne la variété de Newcastle la différence entre, d’une
part, les énoncés longs et moyens et, d’autre part, les énoncés courts, est assez importante
comparé aux accents de Bradford et de Liverpool. Cependant, pour tous les trois, les taux
190
Chapitre 5 Les résultats
d’erreurs augmentent de L à C (L<M<C). Pour l’accent de Cardiff, il n’y a que dans les
phrases longues que des erreurs de compréhension ont été commises. Seules les phrases
longues et courtes ont posé problème dans la variété de Leeds. Il ne s’agit que des phrases
longues et moyennes en ce qui concerne l’accent de Londres. Au sujet des deux accents
irlandais, les schémas ne sont pas les mêmes. Pour la variété de Malahide, il y a plus de fautes
dans l’énoncé de longueur moyenne et aucune dans l’énoncé court. Alors que, dans l’accent
de Belfast, les phrases longues et courtes ont à peu prés les mêmes taux d’erreurs alors que
celui-ci est plus faible dans l’énoncé moyen.
5.5.2. Résultats de G1-FR (francophones peu expérimentés)
Dans ce groupe, 21 sujets ont participé à l’expérience. Nous nous attendions, bien entendu, à
ce que certaines variétés soient plus difficiles à comprendre que d’autres, notamment celles de
Liverpool, Newcastle, Belfast et Malahide puisque nous considérions leurs accents comme
assez marqués. Les variétés de Londres et de Bradford ont été largement identifiées par G1FR comme non-britanniques dans l’expérience d’identification. Nous pensions qu’il serait
possible que l’aspect non-natif soit difficile à comprendre ou bien qu’il crée des attitudes
négatives envers ces accents qui pourraient compliquer leur intelligibilité. Il a déjà été montré
que les auditeurs peuvent trouver difficiles à comprendre les voix ou des variétés dont ils
n’ont pas un avis favorable. L’accent de Leeds pouvait également causer des problèmes de
compréhension par rapport à la qualité de la voix du locuteur.
Regardons maintenant la proportion globale d’erreurs des francophones peu expérimentés lors
de la compréhension des accents régionaux.
191
Chapitre 5 Les résultats
1
Proportions
0,8
0,6
0,4
0,2
Ca
rd
iff
Br
ad
fo
rd
Li
ve
rp
oo
l
e
ew
ca
stl
e
N
M
al
ah
id
Le
ed
s
n
nd
o
Lo
Be
lfa
st
Ca
m
br
id
ge
0
Villes
Proportion Erreurs
Figure 5.5.2.a. Proportions totales des erreurs de compréhension pour G1-FR
La proportion globale d’erreurs est de 0.53 (soit 53%) pour les francophones de ce groupe, ce
qui est évidemment nettement plus élevé que pour les Britanniques avec 0.053 (soit 5,3%).
L’accent qui correspond au plus faible taux d’erreurs dans ce groupe est celui de Cardiff
(0.15). L’accent de Cambridge arrive deuxième sur l’échelle de compréhension (0.31). Ce
taux d’erreurs est relativement important si l’on considère qu’il s’agit de la variété qui est
phonologiquement la plus proche de l’accent RP avec lequel les participants sont a priori, les
plus familiers.
Nous pouvons conclure que ces deux accents posent le moins de problèmes de
compréhension. Il est tout de même assez étonnant de constater que l’accent de Cardiff est
moins dur à comprendre que celui de Cambridge à ce niveau. Nous ne pensions pas trouver ce
résultat puisque l’intelligibilité de cet accent n’a jamais réellement été mis en cause. Il faut à
nouveau souligner que l’accent gallois n’est pas très marqué. Cela dit, nous avons quand
même choisi une locutrice qui a toujours été associée au Pays de Galles. On peut penser
qu’une explication possible de ce résultat viendrait d’une tendance à surarticuler dans l’accent
gallois, ce qui pourrait avoir pour effet de rendre cet accent encore plus compréhensible pour
des auditeurs francophones que l’anglais de Cambridge qui ressemble davantage à la RP du
point de vue de l’articulation.
En bas de l’échelle de la compréhension, Leeds et Newcastle ont eu les taux d’erreurs les plus
élevés (0.74) et (0.77) respectivement. Ces deux accents sont les moins intelligibles.
192
Chapitre 5 Les résultats
Entre ces deux extrêmes, il y a un groupe d’accents dont Liverpool, Belfast, Bradford,
Londres, Malahide avec des taux qui varient entre 0.44 (Liverpool) et 0.64 (Malahide).
En ce qui concerne Liverpool, la proportion d’erreurs est de moins de 50% mais demeure
élevée (0.44). Cela dit, sur une échelle de 1 à 9, cet variété arrive troisième avec seulement
13% d’erreurs de plus de Cambridge. Ce résultat montre que cette tâche a été globalement
difficile pour les francophones de ce groupe, mais malgré cela, l’accent de Liverpool n’est pas
beaucoup plus difficile à traiter que celui de Cambridge.
Si nous considérons que les accents qui ont eu plus de 50% d’erreurs sont très difficiles à
comprendre pour ce groupe de francophones, nous trouvons ceux de Belfast (0.56), Bradford
(0.60), Londres (0.63), Malahide (0.64) Newcastle (0.77) et Leeds (0.74). Il y a une légère
différence entre l’intelligibilité de Belfast et Malahide (moins de 10% d’erreurs pour Belfast),
l’accent de Belfast étant le mieux compris.
Au départ, nous nous attendions à trouver Liverpool, Newcastle, Belfast, Malahide, Leeds,
Bradford et Londres. Comme prévu, la variété de Leeds a été assez mal comprise. Nous avons
trouvé que malgré le fait que l’accent lui même n’était pas très fort, la parole de ce locuteur
était assez mal articulée.
À la fin du test de compréhension nous avons demandé aux auditeurs non-natifs de souligner
les mots qu’ils ne connaissaient pas ou ne comprenaient pas dans l’ensemble du texte de
Cendrillon.132
5.5.2.1. Résultats de G1-FR en fonction de la longueur de phrases
Nous venons de voir l’effet de la longueur des énoncés pour les natifs britanniques, nous
voulons faire de même pour les francophones peu expérimentés. Cette figure illustre les
erreurs en fonction de la longueur de phrases.
132
Cf. Annexe 11 pour la liste de mots inconnus de G1-FR.
193
Chapitre 5 Les résultats
1
Proportions
0,8
0,6
0,4
0,2
Ca
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Br
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M
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s
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nd
o
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Ca
m
br
id
ge
0
Villes
Longues
Moyennes
Courtes
Figure 5.5.2.1.a. Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur
de phrases (G1-FR)
Globalement, ce sont les phrases de longueur moyenne (0.60) qui ont été les plus difficiles à
comprendre pour le groupe G1-FR. Ensuite, la proportion d’erreur est la plus élevée dans les
énoncés longs (0.51) et la moins élevée dans les courts (0.48).
Le niveau d’erreur a été supérieur dans les phrases moyennes par rapport aux phrases longues
et ensuite a baissé dans les énoncés courts mais, sans jamais atteindre le niveau initial
d’erreurs qu’il y avait dans les phrases longues. Il y a donc moins d’erreurs dans les phrases
longues que dans les courtes.
Nous venons de constater au cours de l’examen des proportions globales que le nombre
d’erreurs augmentait dans les phrases moyennes par rapport aux longues puis baissait dans les
courtes.
En ce qui concerne le détail par accent pour les différentes types de phrases, il est possible
d’établir trois groupes d’accents en fonction de la durée de l’énoncé :
-
Belfast, Leeds et Bradford où il y a plus d’erreurs dans les phrases longues.
-
London, Malahide et Newcastle où il y a plus d’erreurs dans les énoncés moyens.
-
Liverpool, Cambridge et Cardiff dans lesquels le taux d’erreurs est plus élevé dans
les phrases courtes.
194
Chapitre 5 Les résultats
Nous ne pouvons pas avancer d’explication à cet état de chose. Par contre, lorsque nous
regardons à l’intérieur de chaque groupe, ce n’est que dans le troisième groupe d’accent que
tous les accents ont le même schéma en fonction de la longueur des phrases.
Dans ce groupe d’accents (Liverpool, Cambridge et Cardiff) le nombre de fautes est assez bas
dans les phrases longues et continuent augmente jusqu'à atteindre son maximum dans les
énoncés courts. Ce résultat est assez surprenant puisque Floccia a dit que les phrases courtes
sont les plus faciles à traiter et comprendre, justement parce qu’il n’y a pas beaucoup de mots.
En même temps, le nombre faible ou limité de mots signifie que lorsqu’on ne comprend pas
un des mots, il reste peu d’éléments pour retrouver ou deviner le message. Par contre
lorsqu’on écoute une phrase longue, nous pouvons compenser une mauvaise perception de
quelques mots par le contexte plus important.
Il est également intéressant de remarquer que les trois variétés de ce groupe ont été les mieux
comprises de toutes. Est-il donc possible que les francophones soient capables de compenser
la variation lorsque la durée du message est suffisamment longue ? S’il ne s’agissait que des
accents de Cambridge et de Cardiff, nous pourrions dire que l’accent n’est pas trop difficile à
comprendre, mais qu’en est-il de l’accent de Liverpool ? Bien que le locuteur ne parle pas le
« scouse », son accent est tout de même caractéristique. Y a-t-il des aspects particuliers dans
l’accent de Liverpool qui permettent aux francophones de le comprendre plus facilement que
d’autres accents ? Le taux global de niveau d’erreurs est tout de même élevé pour cette variété
(0.44). Dans ce cas peut-on réellement parler de compréhension ? Mais cela pourrait bien
n’être qu’une question de vocabulaire, comme nous le verrons plus loin.
5.5.3. Les résultats des francophones du groupe G3-FR (francophones expérimentés)
Afin d’avoir un autre groupe auquel comparer les résultats de G1-FR, nous avons choisi de
créer ce groupe de francophones plus expérimentés en anglais. C'est-à-dire qu’ils avaient tous
fait au minimum quatre années d’études d’anglais à l’université. Nous voulions juste avoir
une idée de la façon dont ces francophones plus expérimentés pouvaient se débrouiller avec
ces variétés d’anglais. Ce groupe est largement moins représentatif que G1-FR puisqu’il ne
comprend que six personnes. Les résultats que nous allons commenter auraient sans doute pu
être différents si ce groupe avait été plus grand. Cependant, il peut tout de même servir
d’élément de comparaison. Allaient-ils rencontrer les mêmes problèmes de compréhension ?
Nous nous attendions à avoir un meilleur niveau de compréhension que G1-FR mais toutefois
195
Chapitre 5 Les résultats
moins aisé que G2-ANG. Nous pensions qu’il serait possible que nous trouvions des résultats
similaires à ceux de G1-FR mais probablement avec des proportions d’erreurs de
compréhension moins importantes. Cela dit, nous nous demandions si leur expérience de la
langue anglaise allait améliorer leur compréhension. Il semblait y avoir deux possibilités : soit
les résultats seraient les mêmes, ce qui confirmerait bien qu’il s’agissait de difficultés
spécifiques aux francophones ; soit les problèmes seraient différents, ce qui signifierait que
l’expérience de la langue pouvait enrichir voire améliorer le traitement de la variation. Dans
ce cas, nos résultats pouvaient montrer qu’avec davantage d’expérience, il serait possible
d’améliorer le traitement des accents peu familiers. Dans le graphique suivant nous pouvons
constaté la proportion d’erreurs de ce groupe, c'est-à-dire la proportion de mots qui n’ont pas
été correctement transcrit.
1
Proportions
0,8
0,6
0,4
0,2
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s
n
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lfa
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Ca
m
br
id
ge
0
Villes
Proportion Erreurs
Figure 5.5.3.a. Proportions totales des erreurs de compréhension pour G3-FR
La proportion globale d’erreurs de G3-FR est de 0.39, ce qui est nettement supérieur aux G2ANG mais inférieur au taux global des G1-FR. Ce résultat indique que l’expérience peut donc
aider à traiter ou compenser la variabilité dans la parole dans une langue étrangère sans pour
autant que leur performance atteigne le même niveau que celui des auditeurs natifs.
Le taux d’erreurs est presque nul pour l’accent de Cardiff (0.068). Il n’y a que cette variété
galloise qui a suscite moins de 1% d’erreurs. Ensuite, l’accent de Cambridge s’accompagne
de 13% d’erreurs de compréhension. Bien que ce résultat ne soit pas très important, il est
surprenant dans la mesure où les participants ont un minimum de quatre ans d’expérience
avec la variété RP qui est similaire à l’accent de Cambridge. Il se peut que le lexique utilisé
soit plus difficile dans cet accent-ci comparé à la variété galloise. Cependant, la différence
196
Chapitre 5 Les résultats
entre les deux résultats est assez flagrante. Encore une fois, on pourrait imaginer que l’accent
gallois, par son hyper-articulation, est intrinsèquement plus facile à comprendre même que la
RP pour des sujets francophones.
Ensuite, on observe deux variétés qui ont moins de 40% d’erreurs de compréhension. Il s’agit
de Liverpool (0.25) et Belfast (0.38).
Deux autres accents ont entre 40 et 44% d’erreurs : Bradford (0.40) et Malahide (0.44). Ceux
qui arrivent en dernier ont plus de 50% de fautes, autrement dit plus d’un mot sur deux n’a
pas été correctement perçu. Nous trouvons dans cette catégorie les variétés de Londres (0.56),
Newcastle (0.63) et Leeds (0.66).
Au niveau de la difficulté de la compréhension, il est possible de classer les accents dans trois
catégories sur une échelle allant des plus faciles au plus difficiles à comprendre:
-
Peu de difficulté, compréhension assez facile : Cambridge et Cardiff.
-
compréhension accompagnée de quelque difficulté : Liverpool et Belfast.
-
compréhension difficile : Bradford, Malahide, Londres, Newcastle et Leeds.
5.5.3.1. Résultats de G3-FR en fonction de la longueur de phrases
Regardons maintenant quel effet la longueur des énoncés a eu sur la compréhension des
francophones du groupe G3-FR.
1
Proportions
0,8
0,6
0,4
0,2
Ca
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Br
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0
Villes
Longues
Moyennes
Courtes
Figure 5.5.3.1.a. Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur
de phrases (G3-FR)
197
Chapitre 5 Les résultats
Au niveau des erreurs totales par types de phrases, nous constatons que ce sont les énoncés
moyens qui ont à nouveau le plus de fautes (0.51). La proportion d’erreurs est moins élevée
dans les phrases longues (0.36) pour atteindre le niveau le plus bas dans les phrases courtes
(0.30).
Il convient maintenant d’observer plus en détail ces données afin de détecter les schémas
semblables. On observe trois types de schéma.
Premièrement, il y a deux accents pour lesquels le nombre d’erreurs est le plus élevé dans les
phrases longues. Il s’agit de Bradford et de Leeds. Ces deux variétés suivent le même schéma,
c'est-à-dire que la quantité de fautes est importante dans les phrases longues, puis baisse dans
les moyennes et continue de diminuer dans les courtes.
Dans la plupart des accents, le nombre d’erreurs augmente dans les énoncés moyens. Six
variétés sont concernées. Dans l’ordre décroissant, il s’agit de Cambridge, Liverpool, Belfast,
Malahide, Londres et Newcastle. À l’intérieur de ce groupe, il y a deux types de résultats.
Examinons-les.
Pour trois des accents, Cambridge, Liverpool et Londres, le nombre de fautes augmente dans
les phrases moyennes, puis baisse dans les énoncés courts mais n’atteint jamais une
proportion inférieure à celle qu’il y avait dans les phrases longues. Les deux premiers accents
cités (C et S) font partie de ceux dans lesquels il y a eu le moins de fautes de compréhension,
alors qu’en ce qui concerne l’accent de Londres il s’agit d’un des accents les plus difficiles à
comprendre. La proportion de fautes atteint 0.83 dans les énoncés moyens, ce qui traduit une
grande incompréhension. Ce type de schéma ne concerne donc pas uniquement les accents qui
ont été facilement compris.
Pour les trois accents restant dans ce groupe (B, M et N), la quantité de fautes augmente dans
les phrases moyennes mais diminue largement dans les courtes. Autrement dit, bien que la
compréhension soit difficile dans les énoncés moyens elle baisse encore plus dans les courts
et ne devient plus facile que dans les énoncés longs.
Il ne reste que la variété de Cardiff, qui rappelons le, a été la mieux comprise de toutes. Le
nombre de fautes est le plus élevé dans les énoncés courts (0.17) alors qu’il est extrêmement
faible dans les moyens (0.017) et les longs (0.062). Étant donné la quantité globale d’erreurs
de cet accent (0.068), ce résultat nous conduit à poser la question sur la difficulté lexicale
198
Chapitre 5 Les résultats
potentielle d’une phrase courte. Nous devons examiner cette question afin de voir les types de
mots présents dans les phrases entendues.
Désormais, nous allons commenter notre dernier groupe d’auditeurs, celui des Américains.
5.5.4. Résultats de G4-AM (anglophones américains)
Afin de constater l’effet de la familiarité sur la compréhension des accents britanniques, nous
avons voulons inclure des participants américains. De cette façon nous pouvions juger si le
fait d’être natif est un facteur important dans le traitement de la variation ou s’il s’agit
simplement d’une question de familiarité avec les accents? Les Américains auraient-ils les
mêmes résultats que les natifs britanniques ou bien seraient-ils plus proches de G3-FR
puisque les deux groupes ont peu l’habitude d’entendre les différents accents britanniques ?
Il nous a également semblé important d’ajouter ce groupe afin de pouvoir se faire une
meilleure idée de la difficulté réelle des variétés sans l’interférence d’une L2. Avec ce groupe
nous n’avions plus à nous poser la question de la difficulté du lexique. Cependant, les
auditeurs ont peu l’habitude de ces accents et il risque tout de même d’y avoir quelques
problèmes entre les variétés britanniques et l’anglais américain. Nous avons donc fait passer
la même expérience sur des auditeurs américains. Nous pensions que ceci nous donnerait un
meilleur point de vue sur la difficulté que ressentent des personnes qui connaissent peu ces
variétés. Nous pouvons constaté le niveau d’erreurs dans le graphique ci-dessous.
1
0,6
0,4
0,2
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m
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Proportions
0,8
Villes
Proportion Erreurs
Figure 5.5.4.a. Proportions totales des erreurs de compréhension pour G4-AM
199
Chapitre 5 Les résultats
La proportion globale d’erreurs des auditeurs américains est de 0.11. Ce résultat est nettement
plus élevé que la proportion globale de G2-ANG mais largement inférieure à celle des deux
groupes de francophones.
Il y a un premier groupe de quatre accents pour lesquels les erreurs ne dépassent pas 1%, puis
un deuxième groupe avec un taux supérieur.
L’accent de Cambridge est celui qui a été le plus facilement compris (0.0042). Ensuite, il y a
la variété de Cardiff (0.012), puis Liverpool (0.055) et en dernier Bradford (0.081). Il est
possible de dire que ces accents n’ont causé pratiquement aucune baisse de compréhension.
Même si ces auditeurs n’ont pas l’habitude d’entendre ces accents, ils n’ont pas vraiment eu
de problème ou en tout cas, ils ont pu compenser les difficultés et retrouver tout le sens de la
phrase. Les autres accents ont été plus difficiles à traiter bien que la proportion d’erreurs reste
assez basse.
La variété de Belfast (0.12) se situe entre les deux groupes avec un taux d’erreur plus élevé
que les accents précédents mais légèrement inferieurs à ceux du groupe suivant. Les autres
variétés ont des taux d’erreurs quasiment identiques. Il s’agit de Malahide (0.17), Leeds et
Londres avec 0.18 respectivement, puis Newcastle (0.19).
Nous pouvons constater que la compréhension de ces accents ne se fait pas sans heurt mais
que la variation n’est pas insurmontable.
5.5.4.1. Résultats de G4-AM en fonction de la longueur de phrases
De la même façon que pour les autres groupes, tournons notre attention maintenant vers
l’effet de la longueur des énoncés sur la compréhension.
200
Chapitre 5 Les résultats
1
Proportions
0,8
0,6
0,4
0,2
Ca
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Br
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Ca
m
br
id
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0
Villes
Longues
Moyennes
Courtes
Figure 5.5.4.1.a. Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur
de phrases (G4-AM)
Globalement, ce sont les phrases moyennes qui ont été les plus difficiles à comprendre (0.15)
suivies de près par les courtes (0.12) puis par les énoncés longs où il y a nettement moins
d’erreurs (0.073). Ce schéma pour les taux globaux d’erreurs est différent de celui que nous
avons vu jusqu’ici.
Lorsque nous regardons en détails les résultats par type de phrases il est possible de classer les
accents dans trois catégories : ceux où la proportion d’erreur est plus élevée dans les phrases
longues, ceux dans lesquelles il y a plus de fautes dans les moyennes puis dans les courtes.
En ce qui concerne le premier groupe, nous y trouvons les accents de Belfast et Leeds. Tous
les deux suivent le même schéma, c'est-à-dire que le nombre d’erreurs baisse dans les phrases
moyennes puis augmente à nouveau dans les courtes. Cependant, ce taux n’atteint pas le
nombre de fautes initiales qu’il y avait dans les phrases longues.
Ensuite, le groupe d’accents où il y a eu davantage de fautes dans les énoncés moyens inclut :
Liverpool, Bradford, Malahide et Londres. Il n’existe pas un seul et même schéma pour les
quatre. En ce qui concerne l’accent de Malahide des erreurs n’ont été faites que dans la
phrases de longueur moyenne avec un taux très élevé (0.57). Autrement dit, les phrases
courtes et longues n’ont posé aucune difficulté de compréhension pour ce groupe de natifs
américains.
Il est assez surprenant de voir dans le dernier groupe que les deux accents les mieux compris
s’y trouvent (C et W) mais également la variété la moins bien comprise, c’est-à-dire celle de
201
Chapitre 5 Les résultats
Newcastle. Dans les deux premiers, le taux d’erreurs est très bas et ne dépasse pas 1%, même
dans les phrases courtes. Alors que dans l’accent de Newcastle la proportion d’erreur est de
0.72, ce qui est très élevé.
En dernier, ce sont les énoncés longs qui comportent le plus d’erreurs. Il s’agit de Cambridge,
le Pays de Galles et Newcastle. Les deux premières variétés sont celles qui ont été les mieux
comprises et le taux d’erreur est très faible (moins de 1%). En ce qui concerne l’accent de
Cambridge, c’est seulement dans les phrases courtes qu’il y a eu des erreurs, il n’y en a aucun
dans les autres longueurs. Pour le Pays de Galles, il n’y a aucune erreur dans l’énoncé moyen
puis très peu dans l’énoncé long (0.0078) et la proportion demeure très basse dans la phrase
courte (0.042). Contrairement à ces deux accents, le taux d’erreur est vraiment haut dans
l’énoncé court dans la variété de Newcastle (0.72) alors qu’il est moins important dans le
moyen (0.24) et très bas dans le long. Au vu de l’importance de la proportion d’erreur dans la
phrase courte, nous devons regarder le vocabulaire afin de voir si le lexique est
particulièrement difficile ou s’il s’agit réellement de la difficulté intrinsèque de l’accent.
Il n’existe donc pas de schéma dans ce groupe. Nous pouvons juste noter que les deux
variétés les mieux comprises ont toutes les deux plus de fautes dans les phrases courtes.
5.5.5. Conclusion
Cet exercice n’a pas été difficile pour les natifs britanniques avec un taux d’erreurs très bas
(00.53). L’impact de la longueur des énoncés a été plutôt positif pour les phrases longues qui
ont permis un taux de compréhension plus important (seulement 0.037 d’erreurs) ; Ensuite ce
sont les phrases courtes qui ont eu le moins d’erreurs (0.053) ; quant aux phrases moyennes,
bien qu’elle montre le taux d’ erreurs le plus élevé, il est cependant très bas (0.078). Pour le
deuxième groupe de natifs (G4-AM), nous remarquons que leur compréhension n’a pas
vraiment été gênée (0.11). Toutefois, cela montre l’importance de la familiarité sur la
perception des accents régionaux britanniques. L’effet de la longueur des phrases suit le
même schéma que pour le groupe G2-ANG (L : 0.073, C : 0.12 et M : 0.15), ce qui laisse
penser que les natifs anglophones peuvent bénéficier d’un contexte plus long et des indices
supplémentaires.
En ce qui concerne les non-natifs, le groupe cible est celui qui a commis le plus d’erreurs,
avec un taux global très important (0.53) ce qui signifie qu’en moyenne, les non-natifs n’ont
202
Chapitre 5 Les résultats
correctement perçu qu’un mot sur deux. Ce résultat indique que leur niveau de langue et leur
manque de familiarité des accents régionaux, gênent leur compréhension.
Quant aux francophones plus expérimentés, leur compréhension s’est fait un peu plus
facilement que pour le groupe G1-FR mais le taux d’erreur demeure tout de même élevé
(0.39) ; on est en effet très loin des résultats des natifs, même ceux obtenus pour les natifs
américains qui, eux non plus, ne sont pas habitués aux accents britanniques.
L’impact de la longueur des énoncés suit le même schéma pour les deux groupes de nonnatifs mais avec des taux d’erreurs différents. Les phrases courtes ont été les plus faciles à
comprendre suivies des longues, puis des moyennes.
Les résultats de cette expérience révèlent plusieurs effets importants. Premièrement, le fait
que l’effet de la longueur des énoncés est le même pour le groupe de francophones et pour le
groupe d’anglophones indique qu’ils utilisent chacun un système de traitement semblable.
Deuxièmement, les connaissances qu’ont les auditeurs priment sur la familiarité des accents
puisque trois groupes sur quatre n’avaient pas l’habitude d’entendre ces accents. L’ordre des
taux d’erreurs varie en fonction de leurs connaissances de la langue avec les natifs en premier,
puis les francophones expérimentés et en dernier les moins expérimentés.
Un autre phénomène important à noter est que les natifs ont mieux compris l’accent de
Cambridge (proche RP) alors que les francophones, qui sont censés être le plus familiarisés
avec cet accent-là, ont eux mieux perçu l’accent de Cardiff. Ce résultat pourrait être expliqué
par le fait que l’accent de Cardiff aurait davantage un rythme syllabique (Coadou, 2007) que
les autres variétés de l’anglais qui, elles, ont un rythme accentuel. Étant donné que le français
est une langue à rythme syllabique, il a peut-être été plus facile pour les francophones de
traiter l’accent de Cardiff.
Les résultats des quatre expériences de cette étude à présent décrits, nous nous proposons
dans la suite de ce travail de rappeler les hypothèses que nous avions formulées dans le
chapitre 3 et d’y répondre
203
Chapitre 6 Discussion
CHAPITRE 6 DISCUSSION
6.1. Introduction
Lors du chapitre précédent nous avons commenté les expériences que nous avons menées
ainsi que les résultats. Nous avons essayé de dégager les tendances de chacune d’elles et de
mettre en évidence les divers types de résultats existant entre les populations différentes ; un
résumé de chaque étape de ce travail figure en fin de compte rendu de chaque expérience.
Cette partie sera consacrée à l’analyse de ces résultats afin de tenter de répondre aux
hypothèses que nous avons émises dans le troisième chapitre. Il faut rappeler que l’objectif
principal de ce travail demeure le traitement des accents régionaux britanniques chez les
sujets francophones non expérimentés (G1-FR). Cependant afin d’avoir des éléments de
comparaison quant à leur compréhension et à leur perception nous avons inclus d’autres
populations dans cette étude, à savoir des natifs britanniques (G2-ANG), un groupe de
francophones expérimentés (G3-FR) ainsi que des natifs américains (G4-ANG). Dans le
chapitre précédent, nous avons étudié les différences de traitement des accents par ces
différentes populations. Le présent chapitre est essentiellement consacré à la façon dont les
francophones ont traité la variation induite par les accents régionaux. Pour ce faire, nous
allons étudier nos hypothèses une par une et tenter de vérifier leur exactitude.
6.2. Discussion et validation des hypothèses de travail
6.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs
connaissances de la langue anglaise.
Hanson et Ikeno (2007) ont constaté que l’ordre des résultats trouvés dans les tâches
d’identification et de compréhension de trois accents régionaux pouvait être expliqué par
l’expérience ou la connaissances de la langue ainsi que par la familiarité avec ces derniers.133
Cette explication nous semble fructueuse et nous avons émis l’hypothèse que lors de
l’expérience sur l’identification des variétés régionales en fonction des régions, les
Britanniques auraient de meilleurs résultats que les francophones qui n’ont ni les mêmes
133
Cf. Chapitre 2.
204
Chapitre 6 Discussion
connaissances ni la même familiarité avec la langue. Bien que cette supposition paraisse
évidente, les francophones n’ont jamais été confrontés à ce genre de test.
Lors de l’expérience, les participants devaient identifier les accents en fonction de cinq
régions134 dont :
1) South England (SE)
2) North England (NE)
3) Wales (W)
4) Ireland (IR)
5) « Not UK » (NUK)
Nous avons donc émis l’hypothèse que la détection de la provenance régionale à partir de
l’accent suivrait cet ordre: G2-ANG > G1-FR.
6.2.1.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG.
Les résultats ont montré que les sujets britanniques ont bien réussi cette tâche et qu’ils ont
globalement identifié la provenance géographique des locuteurs britanniques dans 64% des
cas. La région SE a été la première classée et W s’est révélée la catégorie la moins bien
identifiée.
Cependant, lorsque nous choisi de ne pas prendre en compte la réponse NUK135 le nombre de
réponses correctes a baissé (52%). Les variétés de Londres et de Bradford sont associées au
groupe NUK, en particulier l’accent de Bradford, alors que l’accent de Londres est toujours
identifié en premier avec l’Angleterre du Sud. Ce résultat montre que les traits NUK sont
importants dans ce corpus et pour notre échantillon de locuteurs et que les réponses des
auditeurs du groupe G2-ANG ont été influencées par l’existence de cette catégorie.
Les Britanniques ont réussi à percevoir qu’il ne s’agissait pas de locuteurs non-natifs
puisqu’ils les ont moins classés dans NUK que les francophones. Cette perception
différentielle de l’accent de ce groupe par les francophones et les Britanniques est très
informative. Cela nous apprend à la fois que l’accent « étranger » est très perceptible chez ces
134
Voici le rappel des villes : Belfast (B), Cambridge (C), Londres (J), Leeds (L), Malahide (M), Newcastle (N),
Bradford (P), Liverpool (S) et Cardiff (W).
135
Nous avions introduit cette catégorie afin de juger de la qualité « non-natif » des locuteurs de Londres et de
Bradford.
205
Chapitre 6 Discussion
locuteurs mais qu’il est possible pour les anglophones de ne pas toujours se tromper et de se
rendre compte qu’il s’agissait effectivement de locuteurs natifs.
6.2.1.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G1-FR.
L’identification des régions a été plus difficile pour les francophones qui n’ont correctement
classé que 31% des accents des régions. Les deux accents qui ressortent le mieux
correspondent aux deux accents associés avec la catégorie NUK, à savoir P et J. Ce n’est que
pour ces deux accents que nous pouvons réellement parler d’identification correcte (60%).
Ensuite vient l’accent de Cambridge (44%). Pour les autres régions les résultats sont très bas,
avec W en dernier (15%).
Nous pouvons donc conclure que les francophones peuvent correctement percevoir un accent
aux sonorités « non-natives » et celui proche de la RP (Cambridge). Ils semblent en tout cas
avoir une idée précise de ce qui constitue un locuteur non-britannique.
Sans la catégorie NUK le résultat chute davantage : 19%. En revanche, ils arrivent encore à
identifier SE (26%). Cependant, le résultat sur l’ensemble du corpus est en dessous de 20%,
ce qui montre que les non-natifs, sans la présence de la catégorie NUK, ne sont plus capables
d’identifier les accents régionaux britanniques contrairement aux Britanniques dont le résultat
reste encore élevé.
La différence entre ces deux résultats est flagrante. Il apparaît nettement qu’à l’exception des
régions NUK et SE, les non-natifs ne sont pas capables d’identifier les accents régionaux
britanniques.
6.2.1.3. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche
d’identification de la provenance régionale à travers l’accent.
Récapitulatif : validation de l’ordre prévu : G2-ANG > G1-FR ; ordre final obtenu : G2ANG > G1-FR.
Nous pouvons dire que l’ordre final était plus ou moins attendu. Un point positif est que les
francophones ont pu identifier l’accent de Cambridge, qui est le plus proche de la RP
enseignée à l’université.
206
Chapitre 6 Discussion
En revanche, ils n’ont aucune notion des différences qui existent entre les variétés et ne savent
pas à quelles régions ces accents sont associés. D’après nos résultats nous constatons qu’ils
sont également capables d’identifier les accents « non-natifs ». À priori, cela voudrait dire
qu’ils perçoivent les différences phonétiques, en tout cas celles qui se trouvent dans ces deux
catégories. Les résultats des autres régions (IR, NE et W) semblent avoir été données au
hasard. Toutefois ces résultats permettent de conclure que les francophones sont capables
d’entendre certaines variations liées aux accents régionaux dans les stimuli.
Lorsque les participants nous ont donné leurs impressions sur le test, les Britanniques l’ont
trouvé plutôt difficile.
Le plupart des participants Francophones ont dit qu'ils pensaient n’avoir eu aucune réponse
juste et qu’ils avaient entendu parmi d'autres des accents écossais, américains, français, ce qui
est évidement faux. Ils avaient donc peu d’idée réelle de ce qu’ils entendaient. Cela signifie
que beaucoup de réponses ont été données au hasard.
De façon générale, les participants ont jugé que les groupes de Londres et de Bradford
appartenaient à NUK, c'est-à-dire, à ceux qui sont nés hors Royaume-Uni.136 Cependant,
l’existence même de cette catégorie les a sans doute influencés. Les auteurs du corpus font la
différence entre les locuteurs de Bradford, qui sont classés comme des bilingues anglopanjabis, et les londoniens qui sont seulement d’ascendance jamaïcaine. Le fait que dans le
groupe Londres-jamaïcain les locuteurs ne sont pas bilingues pourrait expliquer pourquoi ils
sont davantage identifiés comme des natifs contrairement au groupe Bradford-panjabi.
Hanson et Ikeno (2007) ont trouvé que les accents de Cardiff et de Cambridge ont souvent été
confondus et ce, même chez les auditeurs natifs. Cela signifierait qu’il existe des fortes
ressemblances entre les deux. Cependant, nous avons examiné les différences qui existent
dans le chapitre 1 entre la RP (proche de l’accent de Cambridge) et l’accent de Cardiff. Bien
que nos deux populations aient difficilement identifié le Pays de Galles, nous ne pensons pas
qu’un accent gallois typique ressemble à un accent de Cambridge. Ces résultats nous
paraissent problématiques et ne semblent pas refléter la réalité linguistique. Les seules
explications possibles pour ce résultat résident dans la qualité peu typique de l’accent W dans
le corpus IViE, ou alors, d’un choix douteux ou aléatoire de la part des locuteurs. Les deux
sont possibles. Nous avons évoqué le fait que cette variété était une des moins représentatives
136
Il faut souligner que nous avons insisté sur la notion « d’étrangers » pour cette catégorie. L’Irlande du Sud ne
fait bien entendu pas partie du Royaume-Uni mais ses habitants ne sont toutefois pas classés comme
« étrangers ».
207
Chapitre 6 Discussion
du corpus. La plupart de locuteurs avaient même un accent proche de l’accent RP. Mees et
Collins (1999) ont évoqué le fait que les habitants de Cardiff adoptaient souvent cet accent
qui bénéficie chez eux d’un statut positif. Le fait que ces locuteurs soient bilingues signifie
également qu’ils n’ont nullement besoin de montrer leur appartenance au Pays de Galles par
un accent typiquement gallois.
6.2.2. Tâche de compréhension
Au sujet de la compréhension de ces accents, nous avons également estimé que les sujets
natifs auraient moins de difficultés que les groupes francophones. Si nous nous référons à
nouveau à l’étude de Hanson et Ikeno (2007), ils ont effectivement trouvé que pour les
Britanniques et les Américains la variation induite par les accents régionaux n’a pas empêché
la compréhension. Toutefois, il est apparu des différences dues au manque de familiarité avec
ces accents de la part des auditeurs américains. En revanche, pour les sujets non-natifs, il a été
observé une différence d’intelligibilité entre les accents de Cambridge (C) et de Cardiff et
celui de Belfast (B).
Nous avons donc émis l’hypothèse que la compréhension détection de la provenance
régionale à partir de l’accent suivrait cet ordre: G2-ANG > G4-AM > G3-FR > G1-FR.
6.2.2.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG.
L’incompréhension des accents régionaux de ce groupe était quasiment inexistant (0.053).137
La variété de Cambridge n’a causé aucune difficulté. La moins intelligible était celle de
Malahide, sans doute à cause d’une manque de familiarité puisque le groupe était
essentiellement composé d’anglophones d’Angleterre (une seule Irlandaise du Sud).
L’ordre obtenu a été est le suivant, allant d’aucune erreur à 0.12 : C, W, S, P, L, J, B, N, M.138
137
Les résultats sont donnés en proportion.
Cambridge (C), le Pays de Galles (W), Liverpool (S), Bradford-panjabi (P), Leeds (L), Londres-jamaïcain (J),
Belfast (B), Newcastle (N), Malahide (M)
138
208
Chapitre 6 Discussion
6.2.2.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G4-AM.
La proportion globale d’erreurs des auditeurs américains est de 0.11. Ce résultat est plus élevé
que la proportion globale de G2-ANG mais largement inférieure à ceux des deux groupes
francophones. L’ordre dans lequel les accents ont été compris est le suivant : C, W, S, P, B,
M, (J & L) N.
6.2.2.3. Validation de l’hypothèse 1. c) dans le groupe G3-FR.
La proportion globale d’erreurs du groupe des auditeurs francophones avancés G3-FR est de
0.39. Ce qui est inférieur au taux global du groupe de compétence inférieure G1-FR mais
nettement supérieur à celui des groupes natifs. Au niveau de la difficulté de la compréhension,
l’ordre sur une échelle allant des plus faciles au plus difficiles à comprendre est : W, C, S, B,
P, M, J, L, N.
6.2.2.4. Validation de l’hypothèse 1. d) dans le groupe G1-FR.
Nous pouvons dire que la compréhension s’est révélée très difficile pour G1-FR (0.53).
L’accent qui a posé le moins de problèmes est celui de Cardiff (0.15), ce qui est peu élevé par
rapport à la proportion globale. L’ordre général s’est établi ainsi : W, C, S, B, P, J, M, L, N
6.2.2.5. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche de
compréhension des accents régionaux britanniques
Nous pouvons donc constater que l’ordre prévu corrobore notre hypothèse.
Récapitulatif : ordre prévu: G2-ANG > G4-AM > G3-FR > G1-FR ; ordre final : G2ANG > G4-AM > G3-FR > G1-FR.
Il existe une grande différence entre les groupes natifs et non-natifs. Lorsque nous regardons
plus en détails nous pouvons observer des similitudes entre les deux groupes de francophones
et les deux groupes de natifs.
209
Chapitre 6 Discussion
-
Ordre G1-FR :
W, C, S, B, P, J, M, L, N
-
Ordre G3-FR :
W, C, S, B, P, M, J, L, N
-
Ordre G4-AM : C, W, S, P, B, M, (J & L) N
-
Ordre G2-ANG: C, W, S, P, L, J, B, N, M
Ceci pourrait signifier soit que ces accents étaient les plus faciles à comprendre, soit que les
natifs et les non-natifs ont utilisé un mécanisme de compréhension propre à leur L1.
En ce qui concerne les deux groupes de francophones, il est possible de constater qu’ils n’ont
pas le même traitement des variétés régionales. En effet, la compréhension des francophones
expérimentés est meilleure que celles des non-expérimentés. Le taux d’erreur du G3-FR est de
39% alors que celui du G1-FR est de 53%. Ce qui montre que plus de connaissances de la
langue peut aider dans ce type de tâche, mais que la variation demeure difficile à traiter.
L’ordre d’intelligibilité des cinq premiers accents est identique pour les deux groupes, à
savoir l’accent de Cardiff en premier, puis celui de Cambridge, Liverpool, Belfast et
Bradford.
Ce constat est surprenant et bouscule l’idée reçue sur l’intelligibilité forte de l’accent de
Cambridge. Il est également surprenant de constater que la variété de Liverpool peut arriver
troisième sur cette échelle d’intelligibilité, surtout après avoir montré que son locuteur est très
représentatif. Lors de l’expérience 3 sur la qualité de l’accent (« goodness »), cette personne a
été classée comme « absolument » typique par 12 auditeurs sur 13, dont les deux spécialistes.
En ce qui concerne l’ordre des autres accents, à l’exception d’une petite inversion dans les
derniers accents (J et M) ils sont identiques :
-
Ordre G1-FR : W, C, S, B, P
J, M, L, N
-
Ordre G3-FR : W, C, S, B, P
M, J, L, N
Cette similitude suggère qu’ils ont perçu les accents d’une manière identique bien qu’avec un
niveau de compréhension différent. Nous pouvons penser que leur perception est basée sur le
même système de traitement.
Bien que les taux de compréhension soient différents, nous avons observé les types d’erreurs
identiques chez les deux groupes, notamment dans le traitement de la réduction des mots et la
segmentation de la parole.
Nous avons pu observer que les accents ont été globalement perçus de la même manière, c'està-dire en fonction de la L2, mais que l’expérience de la langue a aussi compté.
210
Chapitre 6 Discussion
Nous pouvons en conclure que la connaissance de la langue est primordial dans la
compréhension des accents régionaux. Il apparaît de façon évidente que la familiarité avec ces
accents est également importante.
6.3. Hypothèse 2 : L’accent des locuteurs de Cambridge sera le plus facile à comprendre.
Dans le corpus IViE, l’accent de Cambridge est le plus proche de celui utilisé dans
l’enseignement comme prononciation britannique standard (RP). Par conséquent, les
participants francophones sont a priori plus familiarisés avec la RP qu’avec les autres accents.
Il est généralement admis que la variété RP est la plus aisée à comprendre. En revanche, il
n’existe pas à notre connaissance de preuve empirique pour soutenir cet argument.
6.3.1. Validation de l’hypothèse 2.
Les résultats de l’expérience de compréhension ont montré que pour les deux groupes de
natifs la variété de Cambridge est effectivement la mieux comprise. Les Britanniques n’ont
commis aucune erreur de compréhension et les Américains ont un taux d’erreurs qui
s’approche de zéro (0.0042).
En revanche, les deux groupes francophones ont mieux compris l’accent de Cardiff. En ce qui
concerne G1-FR, la proportion d’erreurs associée à ce groupe est de 0.15 alors qu’elle double
pour la variété de Cambridge (0.31). Le groupe de francophones expérimenté a très bien traité
la variété de Cardiff (0.068), un taux qui se rapproche davantage de celui des natifs. Par
contre, pour l’accent de Cambridge, le résultat du G3-FR (0.13) est plus proche des autres
francophones que les natifs alors que le G1-FR ont moins de connaissances à la fois de la
langue et de l’accent.
6.3.2. Discussion : hypothèse 2 sur la compréhension de l’accent de Cambridge.
Ce résultat montre que notre hypothèse est à moitié validée. Les natifs ont facilement compris
la variété de Cambridge. Cependant, les deux populations francophoneses ont mieux compris
l’accent de Cardiff. Nous avons noté que l’accent de Cardiff est globalement l’un des moins
typiques de ce corpus. L’accent de la personne choisie pour cette expérience ne nous a pas
semblé être extrêmement marqué et s’est montré facilement compréhensible. Cependant, elle
a été choisie parce qu’elle a toujours été identifiée comme galloise lors des tâches
211
Chapitre 6 Discussion
d’identification et s’est classée comme la plus représentative de Cardiff. Il est possible que
d’autres facteurs la rendent facile à comprendre. Par exemple, son utilisation d’un schwa dans
les mots de type STRUT et FOOT ainsi qu’une lecture claire et posée avec une tendance à
hyperarticuler les voyelles et consonnes. Le rythme et le fait que les locuteurs ont tendance à
garder une syllabe fermée accentuée est également une explication possible. Par exemple,
chez cette locutrice le mot garden est énoncé /gæ:dɛn/, ce qui est un trait typiquement gallois.
Hanson et Ikeno (2007) ont également trouvé que cette variété était la plus compréhensible
pour les non-natifs. Ce résultat va à l’encontre de l’avis général selon lequel une
prononciation du type RP demeure la plus facile à comprendre.
L’étude de Hanson et Ikeno (2007) a montré que les auditeurs ne percevaient pas beaucoup de
différences entre ces deux variétés et que parmi les trois accents dans cette étude, Belfast,
Cambridge et Cardiff, ce sont les deux derniers qui ont été le mieux compris. Le lexique
utilisé dans ses phrases peut avoir également joué un rôle.
6.4. Hypothèse 3 : Les francophones ne peuvent pas identifier les accents régionaux de
l’anglais.
Les francophones qui ont passé le test d’identification n’avaient pas d’expérience des accents
régionaux britanniques (G1-FR). Nous pensions qu’ils répondraient seulement au hasard lors
de cette tâche. Toutefois, Hanson et Ikeno (2007) ont montré que les non-natifs pouvaient
identifier les accents régionaux en fonction de leur familiarité (Cambridge, Cardiff et Belfast).
6.4.1. Validation de l’hypothèse 3.
Nous avons pu constater lors de la validation de notre première hypothèse que les
francophones ont tout de même réussi à identifier les deux variétés (J et P) comme des nonnatifs ainsi que l’accent de Cambridge comme appartenant à la région SE. Cela signifie qu’ils
sont capables de distinguer entre un accent natif (familier) et un accent non-natif. Par contre,
pour ce qui est des autres variétés, la proportion de réponses s’est révélée assez homogène, ce
qui traduit un manque de connaissance et des réponses données au hasard.
212
Chapitre 6 Discussion
6.4.2. Discussion : hypothèse 3 sur les capacités des francophones à identifier des accents
britanniques en fonction de leur région.
Bradlow et Pisoni (1998) ont expliqué que les non-natifs devraient avoir des difficultés lors
d’une tâche d’identification car ils ont moins de connaissances et sont moins sensibles à la
variation dans une L2. cependant nos résultats montrent que les apprenants francophones
peuvent reconnaître et identifier certains accents, ceux aux sonorités « non-natifs » ainsi que
celui avec lequel ils sont le plus familiarisés, c'est-à-dire Cambridge (RP). Nous pouvons
penser que les caractéristiques non-natives des accents J et P ont été suffisamment marquées
pour permettre aux francophones de les distinguer des autres accents. En ce qui concerne
l’accent de Cambridge, il leur est davantage familier puisqu’ils ont l’habitude d’entendre un
accent proche de la norme RP. Ils sont donc capables d’en identifier deux catégories sur cinq.
6.5. Hypothèse 4 : La compréhension de la parole dépendra du traitement la variation
induite par les variétés régionales est traitée.
Nous avons vu que deux modèles s’opposent : celui des abstractionnistes (1) et celui de
l’encodage des informations variables (exemplaires).
1. soit les sujets n’ont pas de difficulté de compréhension parce qu’ils font abstraction de
la variation, et l’écartent rapidement pour ne conserver que le message linguistique : la
variabilité est considérée par le système comme du bruit qu’il convient d’éliminer.
2. soit ils entendent bien les nombreux indices accentuels des variétés régionales, qu’ils
encodent en mémoire, au risque de créer un problème, comme un ralentissement du
traitement de l’information entrante, au moins au début d’un énoncé.
6.5.1. Validation de l’hypothèse 4.
Il semble y avoir deux cas de figure selon la population. Les deux groupes natifs semblent
avoir facilement écarté la variabilité induite par les accents régionaux, qui n’a donc posé que
quelques difficultés sur certains mots. Cependant, la familiarité demeure un facteur important
dans le traitement des accents régionaux. Il y a une différence entre les résultats des
Britanniques qui ont eu un taux d’erreurs beaucoup moins élevé et ceux des Américains, qui
eux ont moins l’habitude d’entendre ces accents.
213
Chapitre 6 Discussion
En revanche, en ce que concerne les non-natifs, les accents régionaux ont souvent créé des
problèmes de compréhension. La variation n’est pas rapidement écartée et empêche la
compréhension de la parole. Toutefois, de là familiarité avec la langue a un rôle à jouer dans
le traitement de la variation. Les francophones expérimentés ont plus facilement compris les
variétés régionales que les non-expérimentés.
6.5.2. Discussion : hypothèse 4, la variation est elle rapidement écartée ?
Les deux théories dont nous avons parlé pour justifier cette hypothèse semblent donner une
explication trop catégorique sur le traitement de la variation.
Les résultats de l’expérience de compréhension montrent que la familiarité et les
connaissances de la langue sont des facteurs importants lors du traitement de la variation
induit par les accents régionaux. Il existe également une distinction entre les natifs et les nonnatifs. La première supposition concerne davantage les natifs alors que la deuxième
s’applique aux non-natifs, mais les deux éléments que sont la familiarité et les connaissances
font que les francophones expérimentés sont capables de traiter la variation plus facilement
dans certains accents, notamment dans ceux de Cardiff et de Liverpool dont ils n’ont pas
l’habitude.
6.6. Hypothèse 5 : Les auditeurs natifs seront les seuls chez qui le mécanisme de
compensation pourra être observé.
Il existe plusieurs causes à la difficulté qu’il y a à comprendre la parole continue. Le
mécanisme de compensation perceptive est une explication donnée par Lindblom, StuddertKennedy (1967 in Tohkora, 1992). Il est utilisé par les auditeurs afin de les aider à reconnaître
un mot qui a été mal prononcé ou masqué par du bruit. Il est peu probable que les non-natifs
ait ce même mécanisme de compensation, qui repose sur une bonne connaissance de la
langue.
Kuhl (1991) indique que la perception de la variation phonétique est déterminée par
l’expérience spécifique à la L1. Selon ce modèle, nous sommes capables de comprendre les
locuteurs de notre langue maternelle, malgré les variations possibles. Nous pensons, au
contraire, qu’il convient de nuancer cette position car il n’est pas toujours possible de
compenser. Les différences phonologiques qui peuvent exister entre deux accents peuvent être
très grandes et sauf si l’on est habitué à entendre un certain accent, ces différences peuvent
214
Chapitre 6 Discussion
mener à l’incompréhension même pour les natifs. Dans l’expérience de compréhension que
nous avons menée le contexte peut servir comme moyen de compenser les différentes
variations et aider à comprendre le sens de la phrase.
Récapitulatif de l’effet attendu :
-
Le mécanisme fonctionne pour les natifs et ils arrivent toujours à retrouver le sens de
l’énoncé.
-
Le mécanisme ne fonctionne pas pour les non-natifs qui n’arrivent pas à retrouver le
message linguistique.
6.6.1. Validation de l’hypothèse 5.
Il existe toutefois énormément d’exemples qui montrent que les groupes natifs ont pu
compenser les mots mal perçus. Toutefois, ils ne sont pas toujours arrivés. D’autres exemples
montrent que les francophones ne parviennent pas toujours, notamment avec les noms
propres, cela pouvant être lié aux manques de connaissances (encyclopédiques) et aux
différences de culture entre les deux populations, mais ils peuvent arriver à compenser la
variation de certains mots.
Il se peut que les mauvaises perceptions telles que sighed perçu comme said (N et B) puissent
être une question de vocabulaire pour les participants francophones. Il est vrai que said est un
mot plus commun et qui se rapproche le plus de ce qu’ils ont entendu, donc ils vont choisir ce
mot là parce que c’est celui qui s’approche le plus de sighed et qui leur semble le plus simple.
Cependant, presque tous les auditeurs anglais et les américains ont également transcrit said
dans les deux variétés. Il aurait fallut chercher dans les analyses acoustiques pour vérifier
qu’il s’agit bien du mot sighed, comme il nous a semblé.
Le mot carriage (P) ressemble beaucoup à la réalisation du mot courage en RP. Les natifs
sont arrivés à comprendre le mot initial alors que les francophones ont compris, entre autres,
le mot courage qui n’a pas de sens dans le contexte de la phrase.
Dans la phrase, they dreamed of wedding bells (S1SBS3) le /r/ est réalisé /ɾ/. Les
francophones n’ont pas su compenser cette prononciation dont ils ne sont pas familiers alors
qu’elle n’a posé aucun problème aux anglophones.
215
Chapitre 6 Discussion
Dans l’expérience, le mot thought est prononcé /tɔ:t/ dans l’accent de Bradford. Nous
voulions justement savoir si cette prononciation empêchait l’auditeur de faire le cheminement
vers le mot thought ou si elle posait un problème de compréhension. Nous avons estimé que
la transcription de thought comme tought signifiait que l’auditeur n’avait pas compris et
n’avait pas pu compenser à cause de la variation. Lorsque « th » était réalisé /v/f/t/ ou /d/, ce
n’était pas souvent problématique pour les non-natifs, peut être parce que ce phonème ne fait
pas partie de leur L1 et qu’ils ont de toute façon des problèmes pour le percevoir. Ces
réalisations n’étaient pas difficiles à compenser pour les deux groupes : seulement quelques
auditeurs ont transcrit thought comme taught.
6.6.2. Discussion : hypothèse 5, le mécanisme de compensation chez les natifs et les nonnatifs
Récapitulatif de l’effet attendu :
-
Le mécanisme fonctionne pour les natifs et ils arrivent toujours à retrouver le sens de
l’énoncé.
-
Le mécanisme ne fonctionne pas pour les non-natifs qui n’arrivent pas à retrouver le
message linguistique.
Récapitulatif de l’effet final :
-
Les natifs sont majoritairement capables de retrouver le sens de l’énoncé, cependant
cela n’arrive pas toujours.
-
Les non-natifs réussissent à compenser certains effets de l’accent mais beaucoup
moins que les natifs.
Même les anglophones natifs n’ont pas pu toujours compenser les différentes réalisations dans
les accents pour arriver à comprendre et transcrire correctement chaque phrase dans chaque
accent. Les francophones y sont parvenus dans une moindre mesure. Nous pouvons conclure
que la variation induite par un accent régional peut être traitée par des non-natifs. Ce constat
pourrait sans doute être amélioré avec un plus grand habitude des variétés régionales.
216
Chapitre 6 Discussion
6.7. Hypothèse 6 : La longueur des phrases est un paramètre qui joue un rôle important
dans le traitement de la variation.
Nos expériences contiennent trois types de phrases : longues, moyennes et courtes.139 Nous
voulions savoir à quel point la longueur des phrases pouvaient faciliter l’identification et la
compréhension d’une variété régionale. Est-ce que les énoncés plus longs, qui contiennent
plus d’information, permettent une identification plus facile que les courtes ? Dans le cas où
la longueur des énoncés a un effet sur ces tâches, trouvons-nous le même impact chez les
sujets natifs et non-natifs ?
Les études sur les accents (natifs et non-natifs) ont souvent introduit l’élément de la longueur
des phrases afin de tenter de comprendre le traitement de la variation induite par ceux-ci.
(Dupoux et Green, (1997), Munro et Derwing, (1995), Hanson et Ikeno (2007), Floccia et al.
(2004, 2006), Clark et Garrett (2004). À l’exception de ces derniers qui constatent que
l’adaptation n’est pas systématique, ils sont d’accord pour dire qu’elle est possible dès lors
que la quantité de parole est suffisante. En revanche, le temps nécessaire à ce processus reste
incertain.140
Floccia et al. (2004, 2006) expliquent que le coût du traitement d’un accent non familier
émerge principalement avec les phrases longues parce que le processus d’adaptation
s’enclenche seulement lorsque le sujet reçoit une certaine quantité d’informations dans le
signal, ce qui peut perturber le traitement.
Dupoux et Green (1997) évoquent deux mécanismes qui fonctionnent ensemble : l’ajustement
à court terme et l’apprentissage à long terme.
Nous avons vu que Johnson (2005)141 a expliqué qu’il est possible pour des locuteurs de se
former rapidement un système de référence. Est-ce que nous pouvons en dire autant pour les
accents régionaux et est-ce que ce processus peut expliquer les perturbations dans le
traitement des phrases ? Les autres études montrent que le processus d’adaptation a besoin de
temps pour permettre l’extraction des indices importants du signal. Cependant, l’estimation de
cette quantité de temps diverge selon les recherches. Pour Clark et Garrett (2004) il faut entre
deux et quatre phrases pour s’adapter à un accent, mais ils ajoutent que ce n’est pas toujours
possible, même lorsqu’il s’agit de natifs qui écoutent des non-natifs. D’autres études ont
139
Les énoncés longs étaient constitués de 15 à 24 syllabes, les moyens de 10 à 14 syllabes et les courts de 4 à 9
syllabes.
140
Cf. 2.3.6.
141
Johnson (2005) suppose que les auditeurs utilisent « un système de référence » qui est comme une
représentation du locuteur. Nous pensons que cette idée peut s’appliquer également au traitement des accents
régionaux.
217
Chapitre 6 Discussion
montré qu’après suffisamment d’exposition à un accent, la compréhension devenait normale
(Dupoux et Green, 1997, Munro et Derwing, 1995). Cependant, ils ne donnent aucune
estimation quantitative sur ce qui constitue « suffisamment d’exposition ».
En revanche, l’étude de Hanson et Ikeno (2007) qui porte sur l’identification et la
compréhension de trois accents régionaux du corpus IViE142 chez les natifs et non-natifs, a
montré que la longueur des énoncés avait un impact sur la tâche d’identification. Les natifs
britanniques ont mis à profit la présence d’un contexte plus long pour identifier les accents
régionaux contrairement aux auditeurs peu familiers (les non-natifs).
Lors de l’expérience évaluant la compréhension, ces auteurs ne donnent aucune information
sur l’impact de la longueur des phrases. Nous en avons conclu que ce facteur n’a pas eu
d’effet significatif.
Si nous pouvions nous attendre donc à trouver un résultat similaire en ce qui concerne la tâche
d’identification dans cette étude (c'est-à-dire que la longueur des énoncés est bénéfique pour
les natifs), rien ne nous indique l’effet attendu lors de la compréhension de ces accents.
Toutefois, on pouvait penser trouver le même effet que lors de l’expérience de compréhension
d’Ikeno et Hanson (2007), qui est la seule étude qui traite à la fois des natifs et non-natifs.
Autrement dit, le paramètre de la longueur aurait une influence sur les résultats des natifs
mais aucune sur la compréhension des non-natifs
6.7.1. Validation de l’hypothèse 6 : La tâche d’identification.
Nous allons d’abord examiner l’effet de la longueur des énoncés lors de l’expérience
d’identification effectuée par le G1-FR et G2-ANG. Ensuite, nous en ferons de même pour les
quatre populations afin de voir s’il y a eu un impact lors de la compréhension des variétés
régionales.
Effet prévu de la longueur des phrases lors de l’identification des accents régionaux par
régions :
-
G2-ANG : les phrases longues permettent une meilleure identification que les phrases
moyennes et courtes.
-
142
G1-FR : il n’y a pas d’effet.
Il s’agissait de Cambridge, Belfast et Cardiff. Cf. Chapitre 2 (2.4.2).
218
Chapitre 6 Discussion
6.7.1.1. Validation de l’hypothèse 6. a) dans le groupe G2-ANG :
L’impact de la longueur des phrases s’est effectivement avéré faciliter l’identification des
variétés régionales pour les natifs britanniques. Les phrases longues ont été correctement
identifiées en premier (0.72), suivies des moyennes (0.64) puis les courtes (0.57). Nous
pouvons dire que la longueur des énoncés joue un rôle important lors de cette tâche
d’identification.
Lorsque nous avons regardé les résultats en détail pour chaque région, nous avons remarqué
qu’aucune région n’avait été identifiée en premier lors des énoncés courts. Ce qui confirme
l’effet global de la longueur lors de cette expérience.
6.7.1.2. Validation de l’hypothèse 6. b) dans le groupe G1-FR :
La longueur des énoncés n’a pas aidé les non-natifs à identifier les accents régionaux Les
énoncés longs ont été très légèrement classé en premier (0.33), ensuite les moyens (0.30), puis
les courts (0.29) : les différences entre ces trois conditions sont à l’évidence faibles.
Toutefois, dans le détail des résultats par type de phrase en fonction de chaque région, la
catégorie la mieux identifiée (NUK) a un taux correct plus élevé pour les phrases longues
(0.69). Alors que la région SE a été plus correctement classée (0.50) lors des phrases courtes.
Cela pourrait signifier que les francophones ont pu mettre à profit les énoncés plus longs afin
d’identifier l’accent « non-natif ».
6.7.1.3. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une tâche
d’identification d’accents par régions.
Récapitulatif de l’effet prévu :
-
G2-ANG : les phrases longues permettent d’identifier les régions de façon plus
correcte.
-
G1-FR : aucun effet.
Effet obtenu :
-
G2-ANG : globalement les régions sont davantage identifiées lors des phrases
longues. Aucune région n’est d’abord identifiée grâce aux énoncés courts.
219
Chapitre 6 Discussion
-
G1-FR : l’ensemble des résultats montre qu’il n’y a eu aucun effet. Cependant, ce
groupe a correctement classé la catégorie NUK à l’aide des phrases longues en
premier.
Il existe bien une différence à la fois de traitement des phrases en fonction de la longueur et
entre les natifs britanniques et les non-natifs (effet de la longueur et de la langue native).
Contrairement au G2-ANG, les sujets francophones n’ont pas bénéficié de la longueur pour
mieux identifier les accents régionaux à l’exception de l’identification des accents NUK.
Nous étions partie du principe que plus les énoncés sont courts, moins il y a d’indices pour
arriver à identifier la région des locuteurs. Floccia et al (2004, 2006) ont fait ce même constat.
Cela semble être le cas pour le G2-ANG. Cependant d’une façon générale, cet effet ne se
retrouve pas chez les non-natifs. Nous avions pensé que la quantité faible du nombre de mots
pouvait « neutraliser » en quelque sorte les accents et les rendre de plus en plus similaires
puisque les traits caractéristiques de chacun seraient dans ce cas moins apparents. Ce qui
revient à dire que lorsqu’il y a moins de mots, il deviendrait plus difficile de différencier les
variétés.
Hanson et Ikeno (2007) ont trouvé que pour les non-natifs, le contexte des phrases longues n'a
pas fourni d’indices supplémentaires pour percevoir les trois accents de façon plus précise. En
revanche, ce facteur a aidé les natifs britanniques.
Nous pensons qu’il n’y a pas eu d’effet chez les francophones en fonction de la longueur car
la tâche a été trop difficile à cause de leur manque de connaissance des accents régionaux.
Dans le cas où ils arriveraient à s’adapter comme Dupoux et Green (1997) l’ont proposé ou à
former un système de référence tel que Johnson (2005) l’a décrit, à quoi auraient-ils pu le
comparer ? Ils ne connaissent pas les traits caractéristiques des accents régionaux
britanniques : par exemple, que le fait que les différentes réalisations de FOOT et STRUT
peuvent aider à distinguer entre les accents du Nord et du Sud de l’Angleterre. Alors, même
s’ils étaient parvenus à percevoir la distinction (/ʊ/ - /ʌ/), ils n’auraient pas pu associer cette
distinction à une région particulière. Ce qui ne permet pas de savoir ce qu’ils ont perçu
exactement. Par contre, pour les accents de Bradford et de Londres (NUK), nous pouvons
constater qu’ils ont déjà une idée précise sur ce que constitue un accent « non-natif » : ils ont
ainsi pu à la fois percevoir cette différence et reconnaître les locuteurs qui avaient un accent
de ce type.
220
Chapitre 6 Discussion
Nous allons maintenant essayer de répondre à cette même question pour l’expérience de
compréhension. Est-ce que la longueur des énoncés a un effet sur les résultats de
compréhension et lequel ?
6.7.2. Validation de l’hypothèse 6 : L’expérience de compréhension
Au vu du résultat que nous venons de trouver, nous pouvons nous attendre à observer un effet
similaire. Autrement dit, les phrases longues vont permettre une meilleure compréhension des
accents régionaux que les courtes, au moins pour les natifs.
En plus de ce facteur, il devrait exister une différence entre le traitement des natifs et nonnatifs. Pour ces derniers, il n’est pas dit que la longueur des énoncés améliore la
compréhension.
Pour cette expérience nous avions quatre groupes différents dont deux natifs (G2-ANG et G4AM) et deux non-natifs (G1-FR et G3-FR). Est-ce que le facteur longueur a une influence
différente selon les populations ? Quel est l’impact de la longueur des énoncés sur les natifs
naïfs (G4-AM) et non-naïfs (G2-GB) et les francophones non-expérimentés (G1-FR) et
expérimentés (G3-FR) ? Les erreurs de compréhension augmentent-elles dans les énoncés
longs ? Selon les résultats des études citées ci-dessus, nous pouvons imaginer deux
possibilités :
-
soit les énoncés plus longs permettent une meilleure compréhension. Les sujets
peuvent s’adapter à l’accent plus facilement avec davantage d’informations.
-
soit les énoncés courts, qui ne requièrent pas que le processus d’adaptation
s’enclenche, sont plus faciles à comprendre parce que le coût du traitement est moins
élevé qu’avec les phrases longues.
Cependant selon ces auteurs le processus d’adaptation, comme on l’a vu, peut causer une
perturbation dans le traitement avant que les auditeurs n’arrivent réellement à s’habituer. Cela
pourrait induire un coût dans le traitement lorsque ce processus reçoit suffisamment
d’informations pour être enclenché. Toutefois nous ignorons à quel moment ce processus
pourrait se mettre à fonctionner.
Par contre, la seule étude qui a évalué la compréhension des accents régionaux en fonction de
la longueur des énoncés à la fois chez les natifs et non-natifs n’a constaté aucun effet de ce
paramètre sur la compréhension. Il est également possible d’imaginer que nos résultats
ressemblent davantage à ceux de Hanson et Ikeno (2007), surtout pour les non-natifs. En
221
Chapitre 6 Discussion
revanche, il paraît raisonnable de penser que les natifs peuvent mettre à profit un contexte
plus long pour traiter l’information.
Effet prévu de la longueur des phrases lors de la compréhension des accents régionaux :
G2-ANG : les phrases longues permettent une meilleure compréhension que les phrases
moyennes et courtes.
-
G2-ANG : la longueur des énoncés aide à comprendre.
-
G1-FR : il n’y a pas d’effet.
-
G3-FR : aucun effet.
-
G4-AM : les phrases longues permettent de comprendre de façon plus correcte.
6.7.2.1. Validation de l’hypothèse 6. a) chez le G2-ANG :
En ce qui concerne la compréhension des natifs familiers, nous avons constaté que les phrases
moyennes étaient les plus difficiles à comprendre (0.078) suivies des phrases courtes (0.053)
puis des longues (0.0.37).143 De façon globale, l’ordre de compréhension est donc L, C, M.
6.7.2.2. Validation de l’hypothèse 6. b) chez le G1-FR :
Sur l’ensemble des phrases écoutées par les francophones non-expérimentés ce sont
également lors des phrases de longueur moyenne qu’il existe le plus d’erreurs de
compréhension (0.60). Ensuite, la proportion d’erreurs est la plus élevée dans les énoncés
longs (0.51) puis dans les courts (0.48). L’ordre de compréhension est donc C, L, M.
6.7.2.3. Validation de l’hypothèse 6. c) chez le G3-FR :
En ce qui concerne les francophones expérimentés (bien que quasi naïfs au sujet des accents)
il existe à nouveau plus d’erreurs dans les énoncés moyens (0.51). La proportion d’erreurs est
moins élevée dans les phrases longues (0.36) pour atteindre le niveau le plus bas dans les
courtes (0.30). L’ordre de compréhension en fonction de la longueur des phrases est C, L, M.
143
Ces chiffres correspondent aux proportions d’erreurs commises. Cf. Chapitre 4 pour le détail de cette
expérience.
222
Chapitre 6 Discussion
6.7.2.4. Validation de l’hypothèse 6. d) chez le G4-AM :
Globalement, ce sont les phrases moyennes qui ont été les plus difficiles à comprendre (0.15),
suivies de près par les courtes (0.12), puis par les énoncés longs où il y a nettement moins
d’erreurs (0.073). L’ordre croissant de compréhension est donc ici le suivant : L, C, M.
6.7.2.5. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une tâche de
compréhension des accents régionaux.
Récapitulatif de l’effet prévu :
-
G2-ANG : les phrases longues permettent une meilleure compréhension que les phrases
moyennes et courtes.
-
G1-FR : il n’y a pas d’effet.
-
G3-FR : aucun effet.
-
G4-AM : les phrases longues permettent de comprendre de façon plus correcte.
L’effet obtenu :
-
G2-ANG : L, C, M. Les phrases longues ont effectivement été les mieux comprises,
suivies des courtes puis des moyennes.
-
G1-FR : il existe un effet de la longueur des énoncés qui est le suivant : C, L, M. Les
phrases courtes ont été plus faciles à comprendre.
-
G3-FR : nous avons trouvé des résultats identiques au G1-FR (C, L, M) mais avec des
taux d’erreurs moins élevés.
-
G4-AM : il y a également un effet de la longueur des phrases comme chez les natifs
britanniques (L, C, M). Cependant, le niveau d’erreurs est plus élevé chez les auditeurs
américains.
La longueur des énoncés a un impact sur la compréhension des accents régionaux mais cet
effet dépend de l’origine des participants.
En ce qui concerne les deux groupes de natifs, ils ont eu le même ordre de compréhension
selon la longueur des énoncés : L, C, M. Nous pouvons dire que le contexte aide puisqu’il y a
moins d’erreurs dans les énoncés longs.
Les deux groupes non-natifs n’ont pas pu tirer bénéfice d’un contexte plus long pour
comprendre la phrase. La longueur a même eu un effet négatif chez eux. Il semble que les
223
Chapitre 6 Discussion
phrases courtes posent moins de difficulté puisqu’il y a moins de mots à traiter. Il est possible
de dire que la mémoire à court terme permet le traitement de ces mots, l’énoncé plus court
permettant de les retenir et de les transcrire plus facilement.
Il est logique de penser que les phrases courtes ne requièrent pas de traitement trop exigeant
mais que les phrases moyennes et longues peuvent enclencher le processus d’adaptation et
que leur compréhension en soit affectée.
Concernant la longueur des phrases, il y a deux points importants à retenir : tout d’abord
l’idée que la possibilité de transcrire correctement ce qui est énoncé augmente avec la
longueur des phrases (plus il y a de mots, plus le contexte peut aider à en comprendre
d’autres). Ce cas s’applique aux groupes natifs.
Puis, nous pouvons imaginer le cas contraire, c'est-à-dire que plus la phrase est longue, plus il
existe de mots qui posent des difficultés de perception et le coût du traitement augmente en
conséquence. Ce phénomène se traduirait par une compréhension plus difficile lors des
phrases longues et s’appliquerait aux non-natifs.
Prenons un exemple concret : on peut penser que si la phrase contient 8 mots et que le sujet
n’en perçoit que 6, alors il est dans une meilleure position pour retrouver le sens de la phrase
que lorsqu’il n’y a que 4 mots et qu’il n’en comprend que 2.
On peut avancer deux possibilités pour expliquer ces résultats :
-
si la longueur aide à la compréhension d’un énoncé cela signifie que l’auditeur est en
train de se familiariser (ou de créer un système de référence par le biais du processus
d’adaptation) qui doit alors permettre de mieux traiter l’accent et de commettre moins
d’erreurs.
-
ou tout simplement l’information supplémentaire (le sens et le contexte/lexique) aide
la compréhension. Les auditeurs peuvent « deviner » le sens ou les mots mal perçus.
Il est possible que les phrases courtes ne posent pas trop de problèmes parce qu’elles font
uniquement appel à la mémoire à court terme et que leur traitement est donc moins lourd
(Floccia, 2004, 2006). Les phrases courtes ne nécessitent pas ou n’enclenchent pas le
processus d’adaptation puisqu’elles sont justement trop courtes. Il n’y a pas assez
d’information pour que l’auditeur puisse commencer à construire un système de référence
afin de se familiariser avec l’accent et améliorer sa compréhension. En ce qui concerne les
phrases moyennes, elles ne sont pas assez longues pour que l’auditeur s’habitue à l’accent et
puisse utiliser les indices phonologiques ou le contexte pour comprendre. Cependant, elles
224
Chapitre 6 Discussion
sont trop longues pour que l’auditeur puisse simplement reconnaître les mots : le processus
d’adaptation se met à fonctionner, et cela perturbe la compréhension. Le traitement de
l’énoncé est alors plus difficile. Par contre, cela ne correspond plus aux explications de
(Floccia (2004) qui a observé que le coût du traitement d’un accent non familier émerge
principalement avec les phrases longues. Cependant, il correspond davantage à la fois à ce
que Dupoux et Green (1997) ont évoqué, à savoir : l’ajustement à court terme et
l’apprentissage à long terme. Ce qui pourrait expliquer la perturbation lors des phrases
moyennes puisque ces deux mécanismes se mettent à fonctionner en même temps, ce qui
rend la compréhension plus difficile.
Ces deux phénomènes expliqueraient pourquoi les phrases moyennes ont systématiquement le
taux d’erreurs le plus élevé pour tous les auditeurs. Alors que Floccia (2004, 2006) a constaté
que c’était lors des phrases longues que la compréhension était perturbée.
Ceci expliquerait pourquoi l’ordre de compréhension est L, C, M pour les natifs puisqu’ils ont
plus de facilités à tirer parti du contexte pour retrouver les mots mal perçus.
De la même manière, cela explique également les résultats des non-natifs dont l’ordre de
compréhension est C, L, M. Les énoncés courts sont plus faciles à traiter de par leur nature.
Les phrases longues ont à la fois plus d’indices pour retrouver le sens, mais il est également
possible que les francophones ont été capables de s’adapter à l’accent. Ce processus est
déclenché lors des énoncés plus longs (M et L). La perturbation causée par ce processus se
traduit par davantage d’erreurs dans les phrases moyennes. Cependant, au vu des résultats sur
la compréhension en général qui montrent des taux d’erreurs très élevé pour les non-natifs, il
n’est pas complètement certain qu’ils ont vraiment réussi à s’adapter ni à créer un système de
référence pour ces accents. Ce qui est non sans rappeler ce que Clark et Garrett (2004) ont
observé : que ce n’est pas toujours possible de s’adapter à un accent.
Toutefois, le fait que les résultats des groupes natifs et non-natifs suivent le même schéma ne
fait que souligner la présence du même système de traitement pour les deux groupes.
Il ne semble pas y avoir de relation entre les accents qui ont été les plus reconnus et la
longueur de phrases. Autrement dit, nous ne pouvons pas dire que les deux accents les mieux
perçus ont eu le plus d’erreurs dans l’énoncé court, moyen ou long. Il n’existe donc pas de
schéma qui soit en fonction de la variété régionale.
Lors des deux premières expériences l'accent a changé à chaque phrase, et ce changement
d’une phrase à l’autre n’a sûrement pas aidé le processus d'adaptation du G1-FR. Présenter les
phrases en bloc par variété aurait peut-être amélioré les résultats.
225
Chapitre 6 Discussion
Nous avons évoqué le fait qu’il n’y avait pas d’effet chez les francophones en fonction de la
longueur des phrases lors de l’expérience d’identification puisque leur connaissance des
accents régionaux était insuffisante. Ils n’ont pas de système de référence auquel ils puissent
comparer ce qu’ils perçoivent. En revanche, lors de la compréhension, ils n’étaient pas
obligés de comparer un accent à un autre, et devaient juste arriver à traiter l’information afin
de tenter de comprendre. Le traitement de ces deux types d’expériences est donc différent et
fait appel à des processus différents.
6.8. Hypothèse 7 : Dans la compréhension des non-natifs, il peut y avoir plusieurs
niveaux de confusion à cause des mauvaises perceptions.
-
des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale
-
des confusions totales avec l’illusion de comprendre
Ces deux cas sont dus au fait que les auditeurs n’arrivent pas à reconnaître certains segments
ou mots. Lorsque les confusions impliquent des phonèmes qui ne sont que légèrement
différents de ceux quoi sont perçus, la compréhension est possible après un temps
d’adaptation (Buck, 2001).
Nous allons tenter de répondre à cette hypothèse et de mettre en évidence les exemples de
confusions ainsi que les deux grands types de mauvaises perception mentionnés.
Lors du chapitre 2, nous avons énuméré certains types de mauvaises perceptions (Bond,
1995). Elles peuvent être liées aux problèmes courants du traitement de la parole continue (les
réductions de mots, les mots rares) ou bien peuvent relever des traits intrinsèques aux
accents ? Nous allons classer les mots lexicaux en deux catégories : les mots rares ou peu
fréquents et les mots fréquents,144 afin de voir à quel point ils peuvent impliquer différents
niveaux de confusion. Nous donnerons quelques détails sur les mauvaises perceptions
majeures que nous avons trouvées dans les transcriptions des francophones.
Ces exemples peuvent concerner les traits caractéristiques des accents.145 Cependant, nous
allons vérifier si la présence de mots inconnus ou peu fréquents ainsi que la réduction des
mots sont des obstacles supplémentaires à la compréhension d’un accent régional.
144
Il s’agit de mots que nous avons estimés rares ou non. Nous avons cherché des listes de fréquences de mots
pour la langue anglaise, mais celles-ci ne concernent que les natifs et ne sont probablement pas bien adaptées
aux non-natifs. Pour chaque accent nous avons mis en gras les mots que nous considérons comme peu fréquents
ou particulièrement difficiles à comprendre : ils sont consultables par variété d’accent en annexe 11.
145
Ils sont énumérés dans les chapitres 1 et 4.
226
Chapitre 6 Discussion
Récapitulatif de l’effet prévu de la tâche:
-
des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale.
-
des confusions totales avec l’illusion de comprendre.
-
certaines mauvaises perceptions sont liées purement au traitement de la parole
(réduction de mots, mots rares ou peu fréquents, frontières de mots)
-
d’autres mauvaises perceptions sont liées au traitement de l’accent (mots fréquents)
Nous allons traiter les différents points de cette hypothèse un par un, afin de dégager une
réponse globale à celle-ci. Il semble que pour expliquer les raisons de la compréhension
partielle ou totale, plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Il peut aussi bien s’agir de
phénomènes tels que la réduction ou les frontières de mots ; mais la mauvaise perception d’un
mot peut également être simplement le fait de traits intrinsèques à l’accent en question. Nous
allons d’abord donner quelques exemples où l’incompréhension a été totale ou partielle pour
ensuite fournir des détails d’erreurs récurrentes que nous avons trouvées.
6.8.1. Confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale
Parmi les 27 phrases que les participants francophones ont écoutées, certaines n’ont
pratiquement jamais été comprises, c'est-à-dire, que les participants ont transcrit seulement
quelques mots ou n’ont rien transcrit de la phrase entendue.146 Nous pouvons parler
d’incompréhension totale de la part de certains francophones dans les phrases suivantes :
P2RHL9 - Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a
dazzling carriage
M3PMM20 - Prince William and Cinders danced for hours
N2EPM2 - Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs
S1SBM22 – when the Royal travellers arrived at Cinders' home
L1SUL15 - Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning
C1ERS20 -But he held on to the slipper
Ces phrases contiennent soit des mots rares (en gras) soit des noms propres (soulignés). Nous
donnerons quelques exemples des mots qui n’ont pas été compris dans la section suivante.
Cependant, lorsque nous avons demandé aux participants du G1-FR d’identifier les mots du
146
Au moins un auditeur n’a rien transcrit pour ces phrases.
227
Chapitre 6 Discussion
texte de Cendrillon qu’ils ne connaissaient pas, certains de ces mots n’ont pas été cités : les
deux listes ne se correspondaient pas.147 Cela peut suggérer que la non-connaissance de
certains mots ne se traduit pas nécessairement par une mauvaise perception. Un mot peu
fréquent comme hand-me-downs,148 par exemple, est constitué de trois mots fréquents ; nous
avions pensé que même si les participants ne connaissaient pas cette expression, ils pourraient
toutefois percevoir les trois mots individuellement. En ce qui concerne les autres items
soulignés ou en gras, nous en parlerons davantage dans les parties qui leur sont consacrées sur
les mauvaises perceptions en général. Il faut également souligner que l’énoncé C1ERS20 cidessus était le premier entendu lors de l’expérience, ce qui expliquerait qu’il n’a pas toujours
été bien identifié et retranscrit.
Nous allons donner quelques exemples de la transcription de ces phrases lorsque les
participants ont tenté d’écrire quelque chose, afin de donner un aperçu de ces
incompréhensions. Cela pourra donner une idée générale de l’influence du lexique dans le
traitement des énoncés. La dernière transcription exposée se rapproche le plus de la phrase
initiale, bien qu’il arrive que la phrase soit méconnaissable. Nous suggérerons des
explications quand nous le pourrons, mais souvent la transcription est tellement éloignée de la
phrase initiale qu’il nous sera difficile de d’y parvenir systématiquement. Bond (2005)
rappelle que lorsque les erreurs de perception impliquent des énoncés plus longs, ils peuvent
montrer des divergences considérables avec l’énoncé initial. Dans ce cas, les énoncés sont
tellement déformés qu’il peut être difficile de déterminer exactement ce qui a été mal perçu.
Toutefois, ces exemples illustrent le fait que les sujets francophones ont eu tendance à mieux
retenir la fin de la phrase que le début. Pour chaque exemple, nous essayerons de mettre en
parallèle le mot initial et la façon dont il a été perçu.
P2RHL9 - Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a
dazzling carriage
….on fanders……. with a…… change into……..
Since he went, on founders planted pumpkin in ……college
Cindy’s went and found us splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage
147
Cf. annexe 12 pour la liste de mots inconnus des participants G1-FR.
Ce qui signifie « vieux vêtements », quand on donne des habits de l’aînée de la famille à ses frères et sœurs
plus jeunes.
148
228
Chapitre 6 Discussion
Les erreurs sont plus liées aux mots peu fréquents (carriage est perçu comme college),149 aux
noms propres (Cinders est perçu comme Since he), et à la mauvaise identification des
frontières de mots (splendid est transcrit planted ; found a s(plendid) comme founders) qu’à
l’accent lui-même.
M3PMM20 - Prince William and Cinders danced for hours
-
prince wouldn’t Cinderella first
-
Prince really want to downstairs
-
Prince really wanted to dance for hers
Le nom propre Prince (qui correspond aussi à un nom commun) a été plus souvent compris
que celui de Cinders.
Cependant, il s’agit ici de mots fréquents qui ont été mal perçus (danced for hours). Nous
évoquerons ce point dans la section sur l’effet de l’accent.
N2EPM2 - Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs
-
Pronce….wear all the hole times with them
-
power seem does all and all have widows
-
……………..all level hold me downs
La réalisation de poor /puɑ/, qui pourtant se rapproche de celle enseignée aux apprenants nonnatifs /ʊə/, n’a pas été comprise.150 Alors qu’il n’y a aucun mot rare (il s’agit d’une expression
rare constituée de trois mots fréquents) l’incompréhension est totale.
S1SBM22 – when the Royal travellers arrived at Cinders' home
-
…………seen this home
-
Commandant lawyers slapped a lie since this home
-
when the royal subles arrived at cindy’s home
149
carriage - /ʊ/ - perçu également comme: carriage, college, courage.
150
Toutes les autres variétés ont la monophtongue /ɔ:/.
229
Chapitre 6 Discussion
Le nom propre Cinders a été mal perçu (seen this/since this), par contre, travellers que nous
n’avons pas considéré comme mot rare, l’a été également (subles). Nous pensons qu’il s’agit
davantage d’un effet de l’accent.
L1SUL15 - Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning
-
….she felt to remeber…….this morning
-
Since it was circles it fall out numbers even Government is warning
-
do glad…..she felt an and have very morning
Cette phrase illustre à nouveau le fait qu’il n’y a pas que les mots peu fréquents qui sont
incompris. La réalisation brève (non-diphtonguée) de failed donne l’impression d’entendre
felt. Le mot warning est pratiquement toujours transcrit morning.
C1ERS20 - But he held on to the slipper
-
could you holl/hell On this laper
-
put your onto the sleeper
-
But he held into the sleeper
Nous pouvons constater que le mot slipper est celui qui a causé le plus de difficultés.
Passons maintenant aux résultats que nous avons trouvés et qui ont été mal perçus tout en
donnant aux participants l’impression d’avoir compris.
6.8.2. Confusions totales avec l’illusion de comprendre
Il est plus difficile d’identifier ce type d’erreurs puisqu’il ne s’agit finalement que de notre
jugement. Toutefois, voici quelques exemples pour lesquels nous avons estimé que les sujets
francophones ont pensé avoir compris le sens de la phrase.
Dans la section sur l’effet de l’accent, nous verrons que le mot hairbrush, que nous
considérons comme fréquent, a tout de même été mal transcrit à cause de la réalisation de hair
(/hɚ/). Les participants ont écrit her brushes, ce qui reste cohérent avec sens de la phrase
(B1DOM6).
230
Chapitre 6 Discussion
Dans la phrase : After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his
heart (W1HWL17), la moitié des auditeurs ont correctement écrit tous les mots sauf le dernier
pour lequel ils ont noté hat. Étant donné la réalisation de la voyelle dans la variété de Cardiff,
il est tout à fait compréhensible qu’ils aient perçu ce mot là. La question est de savoir si l’on
peut considérer qu’ils ont compris cette phrase où non. Dans le cas où ils l’auraient réellement
comprise, nous aurions pu penser qu’ils auraient pu retrouver le mot initial, heart, qui est
beaucoup plus attendu que hat dans ce contexte. La phrase écrite avec hat n’est pas non plus
complètement incohérente, donc ils ont tout de même écrit quelque chose qui aurait pu
exister, ce qui nous pousse à dire qu’ils ont eu l’impression de comprendre.
6.8.3. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole continue
Les deux premières hypothèses sur la confusion peuvent être dues aux mauvaises perceptions
qui peuvent prendre plusieurs formes. Dans cette section, nous allons parler des erreurs
causées par le traitement de la parole continue et tenter de donner plus de détails qui peuvent
expliquer les confusions totales ou partielles.
6.8.3.1. Les voyelles et la réduction de mot
D’une manière générale, les erreurs de perception ont été plus fréquentes sur les voyelles non
accentuées ou réduites que sur les voyelles accentuées.
Les mots grammaticaux ont souvent été omis ou mal compris, sûrement à cause de leur
réduction, par exemple but est souvent omis dans la transcription orthographique, ce qui
rappelle la difficulté que représente le traitement de la parole continue. Il existe beaucoup
d’erreurs associées aux mots grammaticaux et à leur réduction phonologique. Sans doute
étions-nous tellement préoccupées par les erreurs éventuelles dues aux variétés régionales que
nous n’avions pas anticipé que and her pouvait être compris comme under et que found a
transcrit founder. Nous pouvons dire que ces exemples traduisent une perception
phonétiquement juste mais aboutissent à un manque de compréhension (réduction de mots en
plus d’un mauvais placement de la frontière de mot).
Cependant, la réalisation de l’article « a » est souvent prononcé de façon pleine /ei/, ce qui a
souvent facilité la compréhension. Nous avons trouvé cette prononciation des articles dans
plusieurs variétés alors il se peut que cela soit dû au style de parole.
231
Chapitre 6 Discussion
6.8.3.2. Les consonnes
En parlant des mauvaises perceptions causées par un accent régional, Bond (2005), a noté que
lorsqu’un non-natif entend une vibrante battue il peut la confondre avec une occlusive
alvéolaire réduite. Par exemple : barrel → bottle. Autrement dit, l’auditeur entend [ɾ], mais à
cause de sa ressemblance avec un /t/ ou un /d/, retrouve un autre mot.
En effet dans certains mots [ɾ] a été perçu comme /d/. Par exemple, fairy dans l’accent du
Pays de Galles (/fɜ:ɾɪ/ : ressemblance avec le mot furry). Les francophones ont écrit fedi ici
mais ont écrit very pour le même mot dans l’accent de Cambridge. Cependant ce type de
confusion ne se produit pas systématiquement dans toutes les variétés (cf. carriage /ˈkʊɾɪdʒ/).
Dans le classement de Bond (2005), nous avons constaté que les auditeurs pouvaient entendre
les non-mots, donc des séquences phonologiques ne correspondant à aucun item lexical
existant. Dans cette catégorie, Bond inclut le cas des noms propres ou d’un vocabulaire
spécialisé. Il explique que les auditeurs n’ont tout simplement pas les connaissances
suffisantes pour retrouver le message. Nous allons désormais regarder quelques exemples de
noms propres et de ce que Bond appelle « vocabulaire spécialisé ». Nous parlons plutôt de
mots rares ou fréquents, mais il paraît évident que le lexique qui existe dans l’histoire de
Cendrillon est spécifique au contexte de l’histoire.
6.8.3.3. Les noms propres
La transcription de Lily and Rose est souvent Lily Andrews ou Lilian Rose. Phonétiquement
parlant, ces transcriptions sont acceptables, par contre elles montrent l’incompréhension des
participants. Il y a également un problème au niveau de l’accent de mot qui a été déplacé.
Cinders a aussi été mal perçu ce qui peut être expliqué par des manques de connaissances (par
ailleurs, ce prénom n’existe pas en français).
Voici les transcriptions les plus fréquentes de ce dernier :
232
Chapitre 6 Discussion
Cinders
•
Senders
•
Cindy
•
Cinder
•
Sander
•
Send us
•
Send this
•
Since this
•
Since us
Cependant, la plupart du temps, ce mot n’a pas du tout été transcrit.
6.8.3.4. Les mots rares
Le lexique de l’auditeur affecte l’intelligibilité des variétés et les mots fréquents sont plus
faciles à comprendre que les mots rares. Bond (2005) a trouvé que les auditeurs pouvaient
percevoir un mot lexical qui n’était que vaguement lié à l'énoncé initial. Ces substitutions ont
quelque ressemblance avec le domaine du mot cible. Il donne l’exemple du mot pathology qui
est perçu comme psychology. Nous pensons qu’il est possible que ce phénomène reflète un
manque de connaissances lexicales de la part des auditeurs, qui saisissent la signification de
l’énoncé, mais remplacent un mot rare ou inconnu par un mot fréquent qu’ils connaissent. Par
exemple, le mot insisted pourrait être remplacé par le mot said. Les deux n’ont pas
exactement le même sens mais signifient tout de même que le locuteur a parlé.
Nous allons illustrer ce point avec quelques exemples ainsi que leur transcription la plus
fréquente.
Yelled : (Cambridge)
•
Yelled
•
Yeld
•
Year
•
Yeald
Nous pouvons dire que ce mot a été perçu, même si les participants ne le connaissaient pas (ce
qui explique sans doute une mauvaise orthographe). La structure de la phrase (C1ERL24)
233
Chapitre 6 Discussion
indique qu’il s’agit d’un mot équivalent à « dire » même s’il n’est pas certain qu’ils sachent
que cela correspond à « crier ». Cela signifie que le sens de l’énoncé a globalement été
compris, mais que ce mot ne l’a pas été. Nous pouvons imaginer que les auditeurs ont eu
l’impression de comprendre.
Le prochain exemple est celui de slipper qui apparaît souvent dans le texte et qui a été
transcrit de la façon suivante :
Slipper (Cambridge)
•
Slipper
•
Slepper/sleper
•
Sepper
•
Sleeper
•
Sleep out
•
This laper
Les transcriptions dans cet accent montrent clairement que /p/ est bien perçu dans le mot
slipper même lorsque l’item lui ne l’est pas. Par contre, nous notons la difficulté à percevoir
correctement la voyelle /ɪ/, ce qui est fréquent chez les francophones. La transcription
singulière de « this laper » est un très bon exemple d’un problème de segmentation de « this
slipper » avec en plus, une mauvaise perception de la voyelle /ɪ/. Ce genre de perception est
fréquent dans d’autres variétés, notamment dans la perception de glass slipper.
Glass slipper : (Belfast)
•
Glass slipper
•
Glass/glasses
•
Glass laver
•
Class labour
•
Clan labour
•
Class level/library/leder
•
Class
Nous pensions que glass poserait pas de problèmes. Toutefois, l’erreur la plus fréquente
rappelle le fait que les groupes consonantiques sont difficiles à percevoir pour les
234
Chapitre 6 Discussion
francophones. En plus, ils ont tendance à se tromper dans la perception des plosives (/g/ –
/k/). Ce type de transcription a souvent été noté dans les autres variétés.
Nous avons évoqué le cas du mot hairbrushes dans l’accent de Belfast, que nous avons
considéré comme un mot fréquent. En revanche, nous estimions que le mot hairpins serait
difficile à comprendre tout d’abord à cause de sa basse fréquence.
Les auditeurs francophones ont transcrit hairpins de la manière suivante :
Hairpins : (Belfast)
•
Hairpins
•
Hairpaints
•
Her pens
•
Her pants
•
Her pounds
•
Her parts
En effet, ils ont compris her à la place de hair → /hɚ/, hairpins → /hɚpɪnz/. Cette mauvaise
perception était à prévoir pour deux raisons :
-
premièrement, elle est normale si l’on ne connaît pas ce trait de l’accent de Belfast.
-
deuxièmement, lorsque le mot her remplace celui de hair, la phrase garde une
signification tout à fait plausible : they wanted her brushes, her pins and her spray.
De cette manière, nous pensons que les auditeurs avaient l’impression de
comprendre.
Par contre, ce qui était moins prévisible est que pins soit perçu comme pens/pants. /ɪ/ est
perçu comme /e/ ou /a/. Cependant, nous pensons qu’ici il s’agit davantage d’un effort de
compensation pour un mot inconnu qui est remplacé par un mot beaucoup plus fréquent.
6.8.4. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent (mots fréquents)
Nous allons voir maintenant que les mots fréquents peuvent également être mal perçus. Nous
pensons que cette incompréhension peut parfois donner l’impression de comprendre l’énoncé.
235
Chapitre 6 Discussion
Dans cette section, ces mauvaises perceptions sont davantage liées aux traits caractéristiques
des accents puisqu’il s’agit de mots fréquents.
Par exemple dans l’énoncé S1SBL23, recognised her (/ɾɛxənaɪz/) a été perçu comme:
•
recognise(d,s) him/the/them/it,
•
(a very) nice day – {(recog) nise dher}.
Nous pensons que plusieurs phénomènes ont transformé ce dernier ; nous allons tenter
d’expliquer notre point de vue sur la perception de ce mot. Il y a d’abord la réalisation de /ɾ/
au début de la phrase qui a sans doute perturbé les auditeurs qui n’ont surtout pas l’habitude
de l’entendre dans une position initiale. Ensuite, il existe une difficulté à percevoir /x/, un
phonème qu’ils ne connaissent pas. Il est possible qu’ils aient inséré une frontière de mots
après ce phonème et qu’ils n’aient pas compris le début du mot à cause de ces deux traits de
l’accent. Ils ont donc ignoré cette partie (recog), ce qui laisse « nisedher ». En cherchant ce à
quoi cela pourrait correspondre, ils ont de nouveau mal inséré une frontière de mots et
transcrits nice day – nise dher. 151
En revanche, dans le mot dreamed, les auditeurs francophones n’ont pas perçu le /ɾ/.
152
Ils
ont transcrit : deemed, dimed à la place.
Nous avons vu le cas de hairpins, plutôt un mot rare ; voilà maintenant ce que les
francophones ont perçu en entendant les mots hairbrushes (mot fréquent).
Hairbrushes: (Belfast)
•
Hairbrushes
•
Her brushes
•
Her precious
•
Irish pressure
•
Hair pressure
•
Higher pressure
•
Her pressure
•
Her…
151
La voyelle dans her donne l’impression de percevoir «day ». Communication personnelle de Kevin Watson.
À Liverpool /ɾ/ est fréquent au début d’un mot dans la séquence (obstruant + r), communication personnelle
de Kevin Watson.
152
236
Chapitre 6 Discussion
•
To appreciate/to impressure
Nous estimons que les auditeurs ont eu l’impression de comprendre puisque la phrase reste
cohérente. La tendance est de percevoir brushes comme pressure (/b/ - /p/) et il y a davantage
de personnes qui ont compris her à la place de hair. Il y a toutefois quelques transcriptions
correctes.
En ce qui concerne la phrase: Prince William and Cinders danced for hours (M3PMM20), les
sujets l’ont trouvée difficile, ce qui pourrait être considéré comme normal à cause des noms
propres. Toutefois, la mauvaise perception concernait plutôt la fin de la phrase : danced for
hours, qui est constituée de trois mots très fréquents. Nous ne l’avons pas classé dans la
section sur les noms propres puisque nous considérons que la difficulté principale ne se trouve
pas dans ceux-ci.
Il paraît évident qu’il s’agit de la réalisation de hours (/ɚ:z/), intrinsèque à l’accent de
Malahaide qui empêche la compréhension.
Au début de cette section, nous avons donné l’exemple de heart (/hæːt/) qui était perçu
comme hat pour illustrer le fait que les participants avaient l’impression de comprendre
l’énoncé.
Dans l’accent de Newcastle, le mot amazed (/əˈme:zd/) a été perçu par les francophones
comme amazed, miss, admissed, a mess, the miss, missed, a myth, amused, à cause de la
voyelle brève dans ce mots. Cela montre également qu’une confusion lexicale peut aussi
mener à une incompréhension totale.
6.8.5. Discussion : hypothèse 7 sur les types de compréhension chez les francophones.
Récapitulatif de l’effet prévu de la tâche:
-
des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale
-
des confusions totales avec l’illusion de comprendre
-
différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole (réductions de mots,
mots rares)
-
différentes mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent (mots fréquents)
237
Chapitre 6 Discussion
Validation de l’hypothèse 7 : l’effet obtenu :
-
des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale de l’énoncé.
Ceci s’est avéré exacte. Quelquefois, les auditeurs ne transcrivent (presque) rien ; d’autre part,
la transcription de certaines phrases démontre bien l’incompréhension.
-
des confusions totales avec l’illusion de comprendre.
En effet, la transcription de mots tels que hairbrushes comme her brushes prouvent que les
auditeurs francophones avaient l’impression de comprendre les énoncés.
Ces confusions ont pu être observées en raison d’une mauvaise perception.
-
il existe différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole, notamment
la réduction de mots, les mots rares et le traitement de noms propres.
-
il existe des mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent : il s’agit surtout de
mots fréquents qui,
soit ont été mal compris, soit donnaient l’impression de
comprendre.
Le vocabulaire ne semble pas être toujours problématique au point où nous l’avions craint.
Nous nous attendions à voir des difficultés avec certains mots peu fréquents et avec les noms
propres. Bien que nous ayons effectivement trouvé des exemples de ce genre d’erreurs, les
sujets ont également réussi à reconnaître certains mots qu'à l’origine ils ne connaissaient
pas.153 Par exemple, le mot resolved, qui était un mot peu connu par les sujets et qui n’est pas
très fréquent ; mais il a été correctement transcrit.154 Mais les mêmes sujets qui étaient
capables de transcrire ce mot inconnu ont eu des difficultés avec d’autres, tels que fairy
godmother (seulement une personne a dit ne pas connaître le mot fairy, personne pour fairy
godmother). Ces résultats montrent que les francophones peuvent comprendre certains mots
qu’ils ne connaissent pas. Cependant, Cinders était difficile à comprendre, ce qui montre que
les noms propres (qui n’ont en tout cas pas d’équivalent proche en français) aboutissent
souvent à une incompréhension totale.
153
Cf. annexe 12 pour la liste des mots non connus. Cette liste a été établit à la fin des toutes les expériences.
Aucun participant n’a noté ce mot comme inconnu, mais après l’expérience certains ont raconté qu’ils ne le
connaissaient pas.
154
238
Chapitre 6 Discussion
Chez les non-natifs, ce qu’ils pensaient avoir entendu pouvait résulter en des phrases qui
n’avaient plus rien à voir avec la phrase d’origine.
Comme on l’a déjà suggéré plus faut, les difficultés pour les participants francophones, qui ne
sont pas toujours liées aux variétés, sont le lexique, la réduction des mots et les frontières de
mots. Cependant, les mots fréquents pouvaient être mal compris, ce qui se traduit par un effet
de l’accent sur ces mots-là. Les phrases contenaient un certain nombre de mots correctement
transcrits mais aussi des blancs et des non-sens. Il est toutefois difficile de considérer cette
tâche comme un véritable test de compréhension, tout simplement parce que nous ne sommes
pas convaincue qu’ils aient toujours compris. Il semble difficile de d’avoir accès aux
processus mentaux que les auditeurs non-natifs ont utilisés. C’est peut être pour cette raison
que nous avons trouvé à la fois des confusions totales et partielles ainsi que de
l’incompréhension et l’impression de comprendre. Certains accents ont été mieux compris
que d’autres et ce, malgré la présence de mots rares ; dans les accents de Cambridge et de
Cardiff, les mots rares n’ont pas empêché la compréhension. Cela voudrait dire que dans les
accents de Newcastle et de Malahide, bien que les mots soient difficiles ou rares, c’est plutôt
les traits intrinsèques à l’accent qui ont gêné la compréhension.
Nous pensons que la transcription peut nous donner une bonne idée des capacités des
auditeurs à comprendre ce qu’ils entendent, même si certains résultats montrent qu’ils ne
comprennent pas toujours ce qu’ils ont écrit.
Les mots réduits montrent tout le problème que constitue la réduction des voyelles pour un
francophone, chose que nous n’attendions pas à ce point.
D’une façon générale, nous pensons que les étudiants n’ont pas vraiment compris tout ce
qu’ils ont entendu. Certains mots sont essentiels dans l’histoire de Cendrillon, ce qui n’est pas
un facteur négligeable. Il est possible que si nous avions utilisé un autre passage lu avec
moins de noms propres, nos résultats auraient été différents.
6.9. Hypothèses 8 : Les variétés les plus faciles à comprendre sont les moins identifiables.
Nous pensons que les accents les moins identifiés dans l’expérience 1 sont les moins typiques
parce qu’ils ne contiennent pas suffisamment de traits caractéristiques régionaux pour être
identifiés. Il est possible de parler d’une certaine neutralité dans ces accents et donc qu’ils
devraient être les plus facilement compris.
239
Chapitre 6 Discussion
Dans l’étude d’Ikeno et Hanson (2006), les résultats ont montré que les accents régionaux les
plus compréhensibles ont eu tendance à être perçus comme accent natif. Ces résultats
indiquent toutefois que l’accent le plus compréhensible n’est pas nécessairement celui qui est
le mieux identifié.
6.9.1. Validation de l’hypothèse 8.
Les deux variétés les mieux comprises de la part de francophones ont été W et C. Cambridge
(SE) a été le mieux identifié lors de l’expérience 1 et le Pays de Galles le moins bien identifié.
Cependant, les francophones ont bien compris l’accent de Liverpool qu’ils n’arrivaient pas à
associer au Nord de l’Angleterre.
En ce qui concerne les natifs, la variété de Liverpool s’est montré le troisième accent le mieux
compris alors que dans la tâche d’identification des régions, NE était également classé
troisième, sur cinq régions différentes. Lors de l’expérience d’identification par ville (que
seuls les natifs ont passé), la ville de Liverpool arrive quatrième (sur neuf). Cependant, les
accents de Londres et de Newcastle sont identifiés avant tous les autres alors qu’il ne
s’agissait pas des plus faciles à comprendre dans l’expérience 4.
6.9.2. Discussion : hypothèse 8 la compréhension et l’identification d’un accent régional.
Nous pouvons en conclure qu’une des variétés les mieux comprises est également la moins
identifiable (W) en particulier pour les non-natifs. Le rapport entre les deux pour les natifs
n’est pas apparent. Cela signifierait que cette hypothèse n’est pas vraiment bonne. L’accent de
Cambridge est sans doute le plus familier pour les deux populations ce qui explique qu’il était
à la fois très bien compris et bien identifié. Nous pensons donc que les résultats dépendent
davantage de ce facteur que du rapport entre identification et compréhension.
6.10. Conclusion.
Dans la plupart des expériences que nous avons vues dans le chapitre précédent, la perception
et la compréhension varient selon les sujets et selon les expériences. Pouvons nous trouver les
mêmes erreurs de perception ainsi que des similitudes dans les réponses ? Si la réponse est
positive, on pourrait dire que les participants perçoivent les accents régionaux de la même
manière. Par exemple, si les francophones répondent de façon semblable il serait possible, à
240
Chapitre 6 Discussion
partir de ce constat, de comprendre davantage leurs mécanismes de perception et de
compréhension. En quelque sorte, cette hypothèse nous sert également de résumé de l’effet de
les accents régionaux lors des tâches différentes et chez les populations différentes.
Expérience 1 – Identification des régions
Les deux populations qui ont passé cette expérience ont eu des résultats bien différents. Dans
la mesure où il s’agit de natifs et de non-natifs, ce résultat est bien normal et indique que les
natifs font appel à un système de référence de ces variétés conservé en mémoire. Ceci leur a
permis de bien réussir cette tâche. En revanche, les sujets non-natifs n’avaient aucune
connaissance des accents britanniques et de ce fait ne pouvaient pas se référer à des
représentations de ceux-ci. Par conséquent, ils ne sont pas arrivés à identifier les accents, à
l’exception des accents « non-natifs et de celui du SE. Cela s’explique par le fait qu’ils ont
l’habitude d’entendre l’accent du Sud de l’Angleterre (RP) et qu’ils peuvent donc le comparer
aux représentations qu’ils ont gardées en mémoire. Les résultats laissent également supposer
qu’ils ont une bonne idée de ce qui constitue un locuteur non-natif et c’est pour cette raison
qu’ils ont pu correctement l’identifier.
Ce résultat est important parce qu’il met clairement en évidence le rapport entre la capacité
d’identifier une région et la familiarité de l’auditeur avec celle-ci.
Expérience 1 à 3 – Les auditeurs britanniques
Ces tâches ont permis de constater que les auditeurs britanniques pouvaient identifier les
accents à la fois en fonction de la ville et de la région. Les résultats ont montré qu’il pouvait
exister une différence entre les jugements de la part des auditeurs et leur réelle capacité à
identifier les accents régionaux. Nous en avons conclu que les résultats des 2 premières
expériences sont beaucoup plus fiables puisqu’elles font moins appel à des jugements liés à
des stéréotypes.
Expérience 4
Nous avons vu que pour cette expérience les groupes natifs avaient des résultats semblables à
ceux des groupes non-natifs mais avec des taux d’erreurs beaucoup moins élevés. Bien
entendu, leur niveau de compréhension variait selon leur familiarité avec les accents ; les
241
Chapitre 6 Discussion
auditeurs britanniques ont le mieux compris et les francophones non-expérimentés le moins
bien. Mais de façon générale, les mêmes accents ont été les mieux compris (W, C et S).
Les erreurs de certains mots pouvaient être similaires chez les non-natifs et les natifs (sighed
– said). La compensation de la variation induite par les variétés régionales se retrouve donc
chez tous les groupes mais à des niveaux différentes et pour certains mots elle ne fonctionnait
pas du tout. Nous avons vu qu’il pouvait arriver que toutes les populations perçoivent mal les
accents même lorsqu’ils avaient l’impression de comprendre.
Il avaient notamment des similitudes dans la perception des deux groupes de francophones, ce
qui montre que ces derniers avaient le même traitement des accents régionaux. L’effet de la
longueur de phrases était le même chez les non-natifs (C, L, M) et était également identique
pour les deux groupes d’anglophones. Ce qui suggère que le traitement est fait en fonction de
la L1.
Nous avons trouvé que la RP n’était pas l’accent le plus facile à comprendre pour les
francophones. Nous avons également constaté à quel point la parole continue pouvait poser de
difficultés lors de cette expérience de compréhension.
Chaque expérience, ainsi que chaque groupe, nous a fourni des informations sur le traitement
des variétés régionales britanniques. Maintenant que nous avons validé et discuté nos
hypothèses, il convient de présenter une conclusion générale sur l’ensemble de ce travail.
242
Conclusion générale et perspectives de recherches
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHES
On sait que les auditeurs comprennent certains dialectes plus facilement que d’autres (Major
et al, 2005). Les apprenants d’anglais qui se rendent dans un pays anglophone sont
inévitablement confrontés à des variétés autres que la variété standard (RP) qu’ils ont
généralement apprise dans leur pays. Pourtant, il semble toujours normal à la majorité des
didacticiens de faire l’hypothèse que les apprenants auront plus de facilité à comprendre la
variété standard que d’autres variétés régionales, ethniques ou même internationales. Cette
hypothèse est de plus en plus remise en question tout comme le statut de l’accent RP. Certains
linguistes proposent que ce dernier est même plus difficile à comprendre que d’autres accents.
Wells (1982) suggère que face à des difficultés de prononciation, les apprenants devraient
emprunter des traits d’autres variétés tels que le remplacement du phonème /l/ par une
voyelle, comme cela est le cas dans l’anglais de l’estuaire (de cette façon, le mot milk est
énoncé /mɪok/). Foulkes, P. et Docherty, G. (1999) s’interrogent sur le statut de la RP, ses
changements qui ne sont pas toujours reflétés dans l’enseignement ainsi que sa place en tant
que modèle dans l’enseignement de l’anglais langue étrangère. D’autres linguistes suivent
cette idée et proposent soit d’utiliser une autre variété comme modèle de prononciation
(Abercrombie le faisait déjà en 1967), ou bien une liste de réalisations essentielles pour la
compréhension (Jenkins, 2006). Il semblait donc nécessaire de conduire des recherches
empiriques sur la compréhension de ces variétés afin d’en déterminer le coût de traitement et
d’identifier les difficultés particulières rencontrées par les apprenants, tout particulièrement
francophones.
Nous avons vu que les quelques études qui ont essayé de mesurer l’intelligibilité de la RP
ainsi que d’autres variétés d’anglais ont conclu que l’accent RP n’était pas le plus facile à
comprendre (Hanson et Ikeno, 2007, Fraser Gupta 2005). L’étude de Hanson et Ikeno (2007)
a en effet montré que l’accent de Cardiff était plus facile à comprendre que l’accent proche de
la RP (Cambridge). Cependant, les auteurs n’avaient utilisé que trois variétés régionales du
corpus IViE. Nous voulions connaître l’intelligibilité des neuf accents présents dans ce corpus
afin d’apporter une réponse plus complète que celle avancée par Hanson et Ikeno.
Dans la présente étude nous avons voulu donc évaluer un plus grand nombre d’accents et
nous avons mené des expériences non seulement sur la compréhension de ceux-ci mais
également sur leur identification en fonction de la provenance géographique des locuteurs. Ce
243
Conclusion générale et perspectives de recherches
travail a ciblé en premier une population d’apprenants francophones en deuxième année de
Licence en anglais afin de voir comment ils pouvaient traiter la variation induite par les
accents régionaux. Cependant pour pouvoir établir une analyse contrastive, trois autres
groupes ont également participé à l’expérience de compréhension. Il s’agit de natifs
britanniques qui ont servi de groupe témoin, de francophones plus expérimentés avec la
langue anglaise (niveau Master 2 minimum) et un groupe de natifs américains.
Avec les trois premières expériences, nous avons tout d’abord cherché à valider l’utilisation
du corpus IViE afin de s’assurer qu’il contenait des accents suffisamment caractéristiques
pour une étude des accents régionaux. Elles ont également permis de choisir les locuteurs les
plus typiques possible pour l’expérience de compréhension. En plus de ces objectifs, nous
avions aussi voulu connaître les capacités des auditeurs natifs et non-natifs à classer
correctement ces accents en fonction de leur provenance géographique. Il est généralement
admis que les natifs peuvent effectuer cette tâche sans grande difficulté mais une population
francophone n’avait jamais été soumise à ce genre d’exercice.
Premièrement, les résultats des expériences 1 à 3 ont mis en évidence certaines
caractéristiques du corpus, telles que la non-typicalité des enregistrements des variétés de
Leeds et de Cardiff. Cependant, si certains avancent l’hypothèse que le corpus IViE est
constitué d’accents très modérés ou peu représentatifs, nos résultats indiquent le contraire.
Dans le présent travail nous avons montré que ce corpus n’est, en réalité, pas si atypique. Les
résultats de la troisième expérience viennent confirmer que, de façon globale, ce corpus
pouvait être évalué entre « assez » et « quelque peu » typique sur une échelle allant de
« absolument » à « pas du tout » typique.
Tout au long de ce travail, nous avons souligné que lorsqu’on arrive à identifier la provenance
régionale d’un locuteur, il est possible de dire que celui-ci est suffisamment représentatif de
sa ville ou région. Les auditeurs britanniques ont su classer les locuteurs en fonction de ces
deux éléments (cf. les expériences 1 et 2 : régions et villes), ce qui montre à la fois que cette
tâche est à la portée des natifs britanniques naïfs mais aussi, que l’accent des locuteurs est en
général typique.
Les apprenants francophones (peu expérimentés) ont également participé à l’expérience sur
l’identification des régions. Étant donné qu’ils n’avaient aucune connaissance particulière des
variétés régionales, nous avions émis l’hypothèse que cette tâche leur serait trop difficile. Les
résultats ont toutefois montré qu’ils étaient capables d’identifier deux groupes sur cinq. Il
s’agit des locuteurs Bradford-Panjabi et Londres-Jamaïcain, qu’ils ont effectivement perçus
244
Conclusion générale et perspectives de recherches
comme ayant un accent non-natif ainsi que les locuteurs de Cambridge, qu’ils ont pu
identifier comme appartenant à l’Angleterre du Sud. Ces résultats sont non seulement les
premiers à démontrer que les apprenants francophones sont capables de percevoir les
différences phonologiques induites par un accent régional dans une langue étrangère, mais
également que les participants ont su reconnaître l’accent avec lequel ils sont le plus
familiarisés (RP). Cela indique qu’ils ont une représentation conservée dans leur mémoire de
l’accent de type RP et qu’ils peuvent y faire appel. Nous pouvons en conclure qu’à force
d’entendre un seul et même accent anglais, ils s’y sont habitués. Cela représente une avancée
substantielle en matière de perception et indique que les apprenants pourraient faire de même
pour d’autres variétés de la langue. L’autre conclusion que nous pouvons tirer de cette
expérience est que ces francophones ont aussi une idée très précise de ce qu’est un accent
anglais non-natif ; ils savent ce qui n’est pas une représentation d’une variété anglaise. Ils sont
donc capables de percevoir et de traiter la variation lors d’une tâche d’identification avec le
peu de connaissances qu’ils avaient à cet égard.
Tout comme d’autres études sur la perception de variétés régionales (en anglais ou en français
par exemple), nous avons utilisé une autre variable, celle de la longueur des énoncés. Le fait
d’entendre des phrases plus longues peut avoir un effet sur les résultats. Nous avons
effectivement trouvé que les indices supplémentaires fournis dans les phrases longues ont aidé
les auditeurs britanniques à identifier la provenance des locuteurs plus facilement. En
revanche, ce facteur n’a pas eu d’effet sur les résultats des francophones. Cependant, ces
derniers n’avaient aucune connaissance générale des accents régionaux britanniques et il leur
été donc impossible de comparer ce qu’ils entendaient à un quelconque système de référence,
comme pouvaient le faire les Britanniques. Une des limites de cette expérience est qu’à
l’exception des deux variétés que les apprenants francophones ont su identifier, il est
impossible de dire à quel point ils percevaient les différences entre les trois autres catégories
d’accents (Irlande, l’Angleterre du Nord et le Pays de Galles). Autrement dit, même s’ils
arrivaient à percevoir certaines différences ils n’avaient pas les connaissances requises pour
pouvoir les classer en fonction de la région. On peut toutefois dire que ces accents ont, de
façon générale, été perçues comme étant ni standards, ni étrangers.
Ensuite, nous avons voulu évaluer les capacités des quatre populations à comprendre ces
accents régionaux. La variabilité induite par ceux-ci peut être problématique à traiter, surtout
pour les non-natifs. Nous avons souvent constaté lors de nos recherches que la familiarité et
les connaissances de la langue et ses variétés régionales pouvaient être des facteurs
245
Conclusion générale et perspectives de recherches
importants. Pour cette expérience sur la compréhension, nous avons aussi introduit deux
groupes de natifs afin d’évaluer l’effet des problèmes liés à l’interférence de la L1 des
francophones et ainsi juger de la véritable difficulté des accents régionaux. Les natifs
britanniques sont à la fois familiers avec ces accents et n’ont a priori aucun problème lié au
lexique ni au traitement de la parole continue. Le deuxième groupe de natifs (G4-AM) n’a pas
l’habitude d’entendre ces accents britanniques mais sont supposés ne pas rencontrer de
difficultés dans le traitement des énoncés. Ce groupe a été introduit dans notre expérience
pour juger des coûts des accents régionaux lors de la compréhension.
En effet, les anglophones ont eu beaucoup moins de difficulté à s’adapter et à compenser la
variation des stimuli que les francophones. Bien entendu, le fait d’être natif et donc d’avoir
une profonde connaissance de la langue facilite la compréhension. De plus, l’effet de
l’habitude a également un rôle à jouer puisque nos résultats montrent que les participants
britanniques ont mieux réussi cet exercice que les auditeurs américains qui y étaient moins
familiarisés. Ceci rejoint ce que Hanson et Ikeno (2007) ont trouvé sur trois des accents du
même corpus.
Cependant, malgré les critiques faits sur la typicalité des accents du corpus IViE, il n’en reste
pas moins que ces derniers causent quelques difficultés de compréhension chez les natifs et
des problèmes importants chez les francophones, quel que soit leur niveau de langue et
d’études.
Nous avions aussi émis l’hypothèse que les francophones qui ont un niveau de langue plus
élevé (G3-FR) que ceux qui ne sont que dans leur deuxième année d’études universitaires
(G1-FR) pourraient nous donner une idée des difficultés lexicales qui étaient parfois assez
spécialisées. Cependant, nos résultats montrent que d’autres facteurs que le lexique se posent,
tels que les problèmes des frontières de mots ou de réduction. Il apparaît que les francophones
de tous niveaux (en tout cas des deux niveaux exploités ici) ont rencontré des difficultés à
traiter les variations dues à des variétés régionales, bien entendu à des degrés différents.
Toutefois, il leur a été parfois difficile de retrouver le sens correct d’un mot ou un sens
cohérent à la phrase, du fait de variations peu familières, mais aussi de problèmes liés à la
parole continue. Ces deux facteurs ont causé davantage de problèmes que le lexique. En effet,
nous avons constaté que les francophones étaient capables de correctement transcrire certains
mots qu’ils ne connaissaient pas. Nous avons toutefois pu valider l’hypothèse en montrant que
les auditeurs francophones qui avaient un niveau d’études supérieures ont mieux compris et
traité les accents régionaux. Nous pouvons donc conclure que les connaissances d’une langue
aident dans le traitement de la variation.
246
Conclusion générale et perspectives de recherches
La plupart des études de perception se concentrent sur des phonèmes ou des mots isolés. Dans
ce travail, afin d’évaluer la compréhension des accents régionaux, nous avons utilisé des
phrases de longueurs différentes. Il a été montré que lorsqu’un auditeur reçoit plus
d’informations (avec un énoncé plus long) il peut se servir davantage du contexte ou des
indices dans la phrase pour retrouver le message linguistique. Cependant, certaines études ont
trouvé que la longueur ne contribuait pas toujours à une meilleure perception mais introduisait
plutôt un coût dans le traitement de la phrase. Lors de cette expérience, tous les groupes ont
eu des taux d’erreurs plus élevés lorsqu’ils écoutaient les phrases de longueur moyenne. Ce
constat rappelle les résultats des études qui ont également utilisées cette variable (Floccia et
al. 2004, 2006, Dupoux et Green, 1997). Ces auteurs ont expliqué que le processus
d’adaptation se déclenchait seulement après avoir reçu une certaine quantité du signal. Cela
voudrait dire que pendant l’écoute des phrases de longueur moyenne, ce processus se met à
fonctionner et perturbe ainsi que le traitement de l’énoncé. À partir de ce moment, l’auditeur
doit à la fois traiter l’information qu’il reçoit (l’ajustement à court terme) tout en créant un
système de référence (l’apprentissage à long terme) auquel il peut se reporter à l’avenir. Bien
que la familiarité des accents régionaux semble être un facteur important, comme Floccia et
al. (2004, 2006) l’ont expliqué, la possibilité qu’il y ait ces deux mécanismes qui fonctionnent
ensemble nous paraît être plus cohérent. Cela expliquerait pourquoi la compréhension lors des
phrases moyennes est plus difficile. Ce résultat signifierait que les non-natifs sont non
seulement capables de percevoir et traiter la variabilité induite par les accents régionaux mais
qu’ils essayent également d’en conserver certains traits dans leur mémoire.
Nos résultats ont confirmé que les variétés d’anglais sont difficiles à comprendre pour les
francophones, certaines plus que d’autres. Par exemple, celle qui s’est révélée la mieux
comprise est curieusement celle de Cardiff. Contrairement à ce que l’on pense souvent,
l’accent RP n’a pas été le plus facile à comprendre. Ce résultat est le premier, à notre
connaissance, à remettre en cause, de façon empirique, la suprématie de l’intelligibilité de ce
dernier en le comparant à autant d’accents régionaux britanniques. Cela entraîne des
implications sur l’enseignement de l’anglais aux francophones et sur certains facteurs
susceptibles de faciliter l’apprentissage et la compréhension de cette variété. Il serait
intéressant de confirmer dans d’autres expériences si l’accent gallois est toujours le plus facile
à comprendre pour les apprenants francophones. Il serait également intéressant de mener des
recherches pour essayer de comprendre quels sont les caractéristiques objectifs de cet accent
247
Conclusion générale et perspectives de recherches
(débit plus lent, sur-articulation, rythme, absence de neutralisations vocaliques) qui le rendent
particulièrement compréhensible pour des francophones.
D’après nos résultats nous pouvons constater que la connaissance et la familiarité sont des
facteurs importants lors du traitement de la variabilité. Cela explique l’ordre dans lequel les
participants ont mieux réussi la tâche de compréhension à savoir, ceux qui en avaient le plus
de connaissances et de familiarité (les Britanniques) ont eu de meilleurs résultats que ceux qui
en avaient le moins (les francophones peu expérimentés). Parmi ces deux facteurs, la
connaissance semble primer sur la familiarité puisque les participants américains ont
largement mieux compris que les francophones expérimentés.
Les résultats de nos expériences devraient donc être pris en compte dans l’enseignement de
l’anglais. Il serait en effet intéressant de proposer des cours d’entraînement où l’apprenant
serait confronté aux phénomènes décrits ci-dessus afin d’améliorer sa compréhension globale
de l’anglais, notamment en parole continue. L’expérience menée sur la compréhension de la
langue cible a surtout montré que certains traits des accents régionaux sont plus faciles à
comprendre que d’autres. Nous avons montré qu’il existe deux types d’erreurs ; celles qui
sont le fruit d’aspects inconnus tels que le phonème /χ/ dans la variété de Liverpool mais aussi
celles qui reflètent les problèmes de perception récurrents chez les francophones, par exemple
la distinction de certaines voyelles (par exemple, la distinction entre /ɪ/ et /e/).
Ces résultats viennent donc infirmer l’idée selon laquelle la RP serait plus « accessible » aux
apprenants que d’autres accents. Nous suggérons donc, puisque la RP est toujours la norme
dans l’enseignement de l’anglais L2, qu’il serait primordial de mettre à jour les
caractéristiques de ce dernier afin de refléter davantage les changements et la réalité
linguistique.
Ces résultats de l’expérience menée sur la compréhension des francophones illustrent bien le
fait que la parole continue est un véritable problème pour eux, chose à laquelle nous ne nous
attendions pas à ce point. Nous avons montré que ce type de parole rend la compréhension
difficile aux niveaux de la perception et du placement des frontières de mots et la réduction
des voyelles et des mots. Ces aspects de la parole continue s’avèrent donc être plus complexes
à traiter que les items lexicaux inconnus.
Parce que ces phénomènes posent des difficultés dans la compréhension des variétés de
l’anglais, il est donc nécessaire que l’enseignant d’anglais ne se restreigne pas lors de son
cours à une parole « soignée » mais au contraire pratique un style de parole très naturel voire
plus rapide afin d’habituer l’apprenant francophone à ces différents phénomènes. Le fait que
248
Conclusion générale et perspectives de recherches
certaines variétés peuvent affecter la compréhension de la langue a également des
implications pédagogiques. Il est important d’aborder et de présenter ces variétés pour
préparer les étudiants à se doter des mécanismes perceptifs nécessaires pour y faire face.
À terme, il serait intéressant de conduire d’autres expériences plus ciblées basées sur ces
résultats. Par exemple, des expériences qui mettent en évidence les différences vocaliques les
plus difficiles pourraient être menées dans le but de connaître avec précision les
caractéristiques des « prototypes vocaliques » qui servent de repères aux francophones lors
d’une tâche de compréhension en anglais. Nous nous proposons aussi de concevoir une
expérience qui utiliserait les mêmes mots pour l’accent de Cambridge et les autres accents.
Nous pourrions alors avoir recours à deux groupes : un qui n’écouterait que celui de
Cambridge puis l’autre qui se verrait présenter toutes les autres variétés régionales.
Toutefois, cette étude a également souligné le fait qu’il existe énormément de possibilités
dans le domaine de la parole continue et de son traitement, aussi bien pour les variétés
régionales que pour les accents plus familiers. Il paraît donc primordial de continuer dans
cette voie.
Dans le présent travail, nous voudrions attirer l’attention des pédagogues sur le fait qu’il
existe d’autres variétés de l’anglais qui font aussi partie de la langue anglaise. À l’évidence,
les étudiants francophones n’ont que trop peu connaissance de ces variétés et rencontrent
donc d’énormes difficultés lorsqu’ils y sont confrontés. Cette étude souligne également qu’il
faut prendre en compte les changements qu’il y a eu dans l’accent RP qui ne sont pas reflétés
dans celui qui est enseigné. L’autre objectif de ce travail était de convaincre pédagogues et
didacticiens de former les étudiants francophones à la compréhension de la parole continue,
avec ses assimilations, ses réductions vocaliques et ses « subtiles » frontières de mots : il
s’agit ici tout simplement de préparer une écoute de l’anglais tel qu’il est parlé dans les divers
pays anglophones. Même si nous avons conscience de l’ambition et de la difficulté que
pourrait poser un tel défi, nous pensons cependant qu’il est aujourd’hui indispensable, dans le
cadre de l’apprentissage des langues étrangères, de confronter l’apprenant aux variétés d’une
langue.
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Sites Internet Consultés
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262
Références bibliographiques
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Wales.htm L’enseignement de la langue Galloise au Pays de Galles. [consulté le 20/08/2010]
Logiciels et Programmes Informatiques Utilisés
PRAAT, Doing Phonetics by Computer, www.praat.org, de Boersma, P. et Weenink, D.
Laboratoire Parole et Langage, CNRS. Perceval. Université de Provence, UMR6057, Aix-enProvence, France, URL http://aune.lpl.univ-aix.fr/~lpldev/perceval/index.hml
Audacity de Dominic Mazzoni http://audacity.sourceforge.net/
263
Annexes
Annexes
264
Annexes
Annexe 1 : Le plan d’Irlande du Nord et du Sud avec les influences linguistiques.
265
Annexes
Annexe 2 : Le système vocalique d’Irlande du Sud (Wells, 1982)
KIT
ɪ
FLEECE
i:
NEAR
i:r
DRESS
ɛ
FACE
e:
SQUARE
e:r
TRAP
æ
PALM
a:
START
a:r
LOT
ɒ
THOUGHT ɔ:
NORTH
ɔ:r
STRUT
ʌ
GOAT
o:
FORCE
o:r
FOOT
ʊ
GOOSE
u:
CURE
u:r
BATH
æ
PRICE
aɪ
happY
ɪ:
CLOTH
ɒ
CHOICE
ɔɪ
lettER
ər
NURSE
ʌr
MOUTH
aʊ
commA
ə
266
Annexes
Annexe 3 : The Cinderella Passage (original)
Once upon a time there was a girl called Cinderella. But everyone called her Cinders. Cinders
lived with her mother and two stepsisters called Lily and Rosa. Lily and Rosa were very
unfriendly and they were lazy girls. They spent all their time buying new clothes and going to
parties. Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs! And she had to do the
cleaning!
One day, a royal messenger came to announce a ball. The ball would be held at the Royal
Palace, in honour of the Queen¹s only son, Prince William. Lily and Rosa thought this was
divine. Prince William was gorgeous, and he was looking for a bride! They dreamed of
wedding bells!
When the evening of the ball arrived, Cinders had to help her sisters get ready. They were in a
bad mood. They'd wanted to buy some new gowns, but their mother said that they had enough
gowns. So they started shouting at Cinders. 'Find my jewels!' yelled one. 'Find my hat!'
howled
the
other.
They
wanted
hairbrushes,
hairpins
and
hair
spray.
When her sisters had gone, Cinders felt very down, and she cried. Suddenly, a voice said:
'Why are you crying, my dear?'. It was her fairy godmother!
The girl poured her heart out: 'Lily and Rosa have it all!' she cried, 'even though they're awful,
and fat, and they're dull! And I want to go to the ball, and meet Prince William!'
'You will, won¹t you?' laughed her fairy godmother. 'Go into the garden and find me a
pumpkin'. Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a
dazzling carriage.
'Now bring me four white mice,' the godmother said. The girl went, and found one...
two...three...four mice. The fairy godmother changed the mice into four lovely horses to pull
the carriage.
Then the girl looked at her old rags. 'Oh dear!' she sighed. 'Where will I find something to
wear? I don't have a gown!' 'Hmmm...' said the fairy : 'Let's see, what do you need? You'll
need a ballgown... you need jewellery... you need shoes, and... something needs to be done
about
your
hair.
And
would
you
like
a
blue
gown
or
a
green
gown?'
For the third time, Cinders' godmother waved her magic wand. A ballgown, a robe and jewels
appeared. And there were some elegant glass slippers. 'You look wonderful,' her fairy
godmother said, smiling. 'Just remember one thing - the magic only lasts until midnight!' And
off Cinders went to the ball.
267
Annexes
In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown. 'Who
is she?' they asked. Prince William thought Cinders was the most beautiful girl he had ever
seen. 'Have we met?' he asked. 'And may I have the honour of this dance?'
Prince William and Cinders danced for hours. Cinders was so glad that she failed to
remember her fairy godmother¹s warning. Suddenly the clock chimed midnight! Cinders ran
from the ballroom. 'Where are you going?' Prince William called. In her hurry, Cinders lost
one of her slippers. The Prince wanted to find Cinderella, but he couldn't find the girl. 'I don't
even
know
her
name,'
he
sighed.
But
he
held
on
to
the
slipper.
After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart. The glass
slipper was his only clue. So he declared: 'The girl whose foot will fit this slipper shall be my
wife'. And he began to search the kingdom.
Every girl in the land was willing to try on the slipper. But the slipper was always too small.
When the Royal travellers arrived at Cinders' home, Lily and Rosa tried to squeeze their feet
into the slipper. But it was no use; their feet were enormous! 'Do you have any other girls?'
the Prince asked Cinders' mother. 'One more,' she replied. 'Oh no,' cried Lily and Rosa. 'She is
much too busy!' But the Prince insisted that all girls must try the slipper.
Cinders was embarrassed. She didn't want the Prince to see her in her old apron. And her face
was dirty! 'This is your daughter?' the Prince asked, amazed. But then Cinders tried on the
glass slipper, and it fitted perfectly!
The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her. 'It's you, my darling isn't
it?' he yelled. 'Will you marry me?' Lily and Rosa were horrified. 'It was you at the ball,
Cinders?' they asked. They couldn't believe it! Then Cinders married William, and they lived
happily ever after.
268
Annexes
Annexe 4 : The Cinderella Passage (segmenté)
M1: Once upon a time there was a girl called Cinderella.
S1: But everyone called her Cinders.
L1: Cinders lived with her mother and two stepsisters called Lily and Rosa.
L2: Lily and Rosa were very unfriendly and they were lazy girls.
L3: They spent all their time buying new clothes and going to parties.
M2: Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs!
S2: And she had to do the cleaning!
M3: One day, a royal messenger came to announce a ball.
L4: The ball would be held at the Royal Palace, in honour of the Queen's only son, Prince
William.
M4: Lily and Rosa thought this was divine.
M5: Prince William was gorgeous, and he was looking for a bride!
S3: They dreamed of wedding bells!
L5: When the evening of the ball arrived, Cinders had to help her sisters get ready.
S4: They were in a bad mood.
L6: They wanted to buy some new gowns, but their mother said that they had enough gowns.
S5: So they started shouting at Cinders.
S6: Find my jewels! yelled one.
S7: Find my hat! howled the other.
M6: They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray.
L7: When her sisters had gone, Cinders felt very down, and she cried.
M7: Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear ?
S8: It was her fairy godmother!
269
Annexes
L8: The girl poured her heart out: Lily and Rosa have it all! she cried, even though they're
awful, and fat, and they're dull!
M8: And I want to go to the ball, and meet Prince William!
M9: You will, won't you? laughed her fairy godmother.
M10: Go into the garden and find me a pumpkin.
L9: Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling
carriage.
M11: Now bring me four white mice, the godmother said.
M12: The girl went, and found one... two...three...four mice.
L10: The fairy godmother changed the mice into four lovely horses to pull the carriage.
S9: Then the girl looked at her old rags.
S10: Oh dear! she sighed.
S11: Where will I find something to wear?
S12: I don't have a gown!
M13: Hmmm... said the fairy : Let's see, what do you need?
L11: You'll need a ballgown... you need jewellery... you need shoes, and... something needs to
be done about your hair.
M14: And would you like a blue gown or a green gown?
M15: For the third time, Cinders' godmother waved her magic wand.
M16: A ballgown, a robe and jewels appeared.
M17: And there were some elegant glass slippers.
M18: You look wonderful, her fairy godmother said, smiling.
L12: Just remember one thing - the magic only lasts until midnight!
S13: And off Cinders went to the ball.
L13: In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown.
270
Annexes
S14: Who is she? they asked.
L14: Prince William thought Cinders was the most beautiful girl he had ever seen.
S15: Have we met? he asked.
M19: And may I have the honour of this dance?
M20: Prince William and Cinders danced for hours.
L15: Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning.
S16: Suddenly the clock chimed midnight!
S17: Cinders ran from the ballroom.
S18: Where are you going? Prince William called.
M21: In her hurry, Cinders lost one of her slippers.
L16: The Prince wanted to find Cinderella, but he couldn't find the girl.
S19: I don't even know her name, he sighed.
S20: But he held on to the slipper.
L17: After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart.
S21: The glass slipper was his only clue.
L18: So he declared: The girl whose foot will fit this slipper shall be my wife.
S22: And he began to search the kingdom.
L19: Every girl in the land was willing to try on the slipper.
S23: But the slipper was always too small.
M22: When the Royal travellers arrived at Cinders' home,
L20: Lily and Rosa tried to squeeze their feet into the slipper.
M23: But it was no use; their feet were enormous!
L21: Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother.
S24: One more, she replied.
M24: Oh no, cried Lily and Rosa. She is much too busy!
271
Annexes
M25: But the Prince insisted that all girls must try the slipper.
S25: Cinders was embarrassed.
M26: She didn't want the Prince to see her in her old apron.
S26: And her face was dirty!
M27: This is your daughter? the Prince asked, amazed.
L22: But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly!
L23: The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her.
L24: It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me?
S27: Lily and Rosa were horrified.
M28: It was you at the ball, Cinders? they asked.
S28: They couldn't believe it!
L25: Then Cinders married William, and they lived happily ever after.
272
Annexes
Annexe 5: ðə ˌsɪndəˈrelə ˈpæsɪdʒ
M1 : wʌnts əˈpɒn ə taɪm ðeə wəz ə ɡɜːɫ kɔːɫd ˌsɪndəˈrelə
S1 : bət ˈevrɪwʌn kɔːɫd hə ˈsɪndəz
L1 : ˈsɪndəz lɪvd wɪð hə ˈmʌðə r ənd tuː ˈstepˌsɪstəz kɔːɫd ˈlɪli ən ˈrəʊzə
L2 : ˈlɪli ən ˈrəʊzə wə ˈveri ʌnˈfrendli ən ðeɪ wə ˈleɪzi ɡɜːɫz
L3 : ðeɪ spent ɔːɫ ðeə taɪm ˈbaɪɪŋ njuː kləʊðz ən ˈɡəʊɪŋ tə ˈpɑːtiːz
M2 : pʊə ˈsɪndəz hæd tə weə r ɔːɫ ðeə r əʊɫd ˈhændmidaʊnz
S2 : ən ʃɪ hæd tə duː ðə kli:nɪŋ
M3 : wʌn deɪ ə ˈrɔɪəɫ ˈmesɪndʒə keɪm tʊ əˈnaʊnts ə bɔ:ɫ
L4 : ðə bɔˈɫ wʊd bɪ heɫd ət ðə ˈrɔɪəɫ ˈpælɪs ɪn ˈɒnə əv ðə kwi:nz ˈəʊnli sʌn prɪnts
ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm
M4 : ˈlɪli ən ˈrəʊzə θɔ:t ðɪs wəz dɪˈvaɪn
M5 : prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm wəz gɔ:dʒəs ənd hɪ wəz ˈlʊkɪŋ fə r ə braɪd
S3 : ðeɪ dri:md əv ˈwedɪŋ beɫz
L5 : wen ðɪ ˈi:vnɪŋ əv ðə bɔ:ɫ əˈraɪvd ˈsɪndəz həd tə help hə sɪstəz get ˈredɪ
S4 : ðeɪ wə r ɪn ə bæd mu:d
L6 : ðeɪd wɒntɪd tə baɪ səm nju: gaʊnz bət ðeə mʌðə sed ðət ðeɪ həd ɪˈnʌf gaʊnz
S5 : səʊ ðeɪ ˈstɑ:tɪd ˈʃaʊtɪŋ ət ˈsɪndəz
273
Annexes
S6 : faɪnd maɪ ˈdʒʊəɫz jeɫd wʌn
S7 : faɪnd maɪ hæt haʊɫd ðɪ ˈʌðə
M6 : ðeɪ ˈwɒntɪd ˈheəbrʌʃɪz ˈheəpɪnz ənd ˈheəspreɪ
L7 : wen hə ˈsɪstəz həd gɒn ˈsɪndəz feɫt ˈverɪ daʊn ən ʃɪ kraɪd
M7 : ˈsʌdnli ə vɔɪs sed waɪ ə r jə ˈkraɪɪŋ maɪ dɪə
S8 : ɪt wəz hə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə
L8 : ðə gɜ:ɫ pɔ:d hə hɑ:t aʊt ˈlɪli ən ˈrəʊzə hæv ɪt ɔ:ɫ ʃɪ kraɪd ˈi:vn ðəʊ ðeə r ˈɔ:fʊɫ ən fæt ən
ðeə dʌɫ
M8 : ænd aɪ wɒnt tə gəʊ tə ðə bɔ:ɫ ən mi:t prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm
M9 : jʊ wɪɫ wɒnt ju: lɑ:ft hə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə
M10 : gəʊ ˈɪntə ðə ˈgɑ:dn ən faɪnd mɪ ə ˈpʌmpkɪn
L9 : ˈsɪndəz went ən faʊnd ə ˈsplendɪd ˈpʌmpkin wɪtʃ ðə ˈfeərɪ tʃeɪndʒd ˈɪntʊ ə ˈdæzlɪŋ ˈkærɪdʒ
M11 : naʊ brɪŋ mɪ fɔ: waɪt maɪs ðə ˈgɒdˌmʌðə sed
M12 : ðə gɜ:ɫ went ən faʊnd wʌn tu: θri: fɔ: maɪs
L10 : ðə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə tʃeɪndʒd ðə maɪs ˈɪntə fɔ: ˈlʌvli ˈhɔ:sɪs tə pʊɫ ðə ˈkærɪdʒ
S9 : ðen ðə gɜ:ɫ lʊkt ət hə r əʊɫd rægz
S10 : əʊ dɪə ʃɪ saɪd
S11 : weə wɪɫ aɪ faɪnd ˈsʌmθɪŋ tə weə
S12 : aɪ dəʊnt hæv ə gaʊn
274
Annexes
M13 : həm sed ðə ˈfeərɪ lets si: wɒt də jə ni:d
L11 : jɔ:ɫ ni:d ə ˈbaʊɫgaʊn jə ni:d dʒʊəlri jə ni:d ʃu:z ən sʌmθɪŋ ni:dz tə bɪ dʌn əˈbaut jɔ: heə
M14 : ən wʊd jə laɪk ə blu: gaʊn ɔ: r ə gri:n gaʊn
M15 : fə ðə θɜ:d taɪm ˈsɪndəz ˈgɒdˌmʌðə weɪvd hə ˈmædʒɪk wɒnd
M16 : ə ˈbaʊɫgaʊn ə rəʊb ən ʃu:z əˈpɪed
M17 : ən ðə wə sʌm ˈelɪgnt glɑ:s ˈslɪpəz
M18 : jə lʊk ˈwʌndəfʊɫ hə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə sed ˈsmaɪlɪŋ
L12 : dʒʌst rɪˈmembə wʌn θɪŋ ðə ˈmædʒɪk ˈəʊnlɪ lɑ:sts ʌnˈtɪɫ ˈmɪdnaɪt
S13 : ən ɒf ˈsɪndəz went tə ðə bɔ:ɫ
L13 : ɪn ðə ˈrɔɪəɫ ˈpælɪs evrɪwʌn wəz əˈmeɪzd baɪ ðə ˈreɪdɪənt gɜ:ɫ ɪn ðə ˈbju:tɪfʊɫ ˈbɔ:ɫgaʊn
S14 : hu: ɪz ʃɪ/ hʊ ɪz ʃi: ðeɪ ɑ:skt
L14 : prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm θɔ:t ˈsɪndəz wəz ðə məʊst ˈbju:tɪfʊɫ gɜ:ɫ hɪ həd ˈevə si:n
S15 : hæv wɪ met hɪ ɑ:skt
M19: ən meɪ aɪ hæv ðɪ ˈɒnə əv ðɪs dɑ:ns
M20: prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm ən ˈsɪndəz dɑ:nst fə r ˈaʊəz
L15: ˈsɪndəz wəz səʊ glæd ðət ʃɪ feɪɫd tə rɪˈmembə həˌfeərɪ ˈgɒdmʌðəz wɔ:nɪŋ
S16: sʌdnlɪ ðə klɒk tʃaɪmd ˈmɪdnaɪt
S17: ˈsɪndəz ræn frəm ðə ˈbɔːɫrʊm
S18: weə r ə jə gəʊɪŋ prɪns ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm kɔ:ɫd
275
Annexes
M21: ɪn hə ˈhʌrɪ ˈsɪndəz lɒst wʌn əv hə ˈslɪpəz
L16: ðə prɪnts ˈwɒntɪd tə faɪnd ˌsɪndəˈrelə bət hɪ ˈkʊdnt faɪnd ðə gɜ:ɫ
S19: aɪ dəʊnt ˈiːvn nəʊ hə neɪm hɪ saɪd
S20: bət hɪ heɫd ɒn tə ðə ˈslɪpə
L17: ˈɑ:ftə ðə bɔ:ɫ ðə prɪnts wəz rɪˈzɒɫvd tə faɪnd ðə ˈbjuːtiː hʊ həd ˈstəʊln hɪs hɑ:t
S21: ðə glɑ:s ˈslɪpə wəz hɪs ˈəʊnlɪ kluː
L18: səʊ hɪ dɪˈkleəd ðə gɜ:ɫ hu:z fʊt wɪɫ fɪt ðɪs ˈslɪpə ʃəɫ bɪ maɪ waɪf
S22: ən hɪ bɪˈgæn tə sɜ:tʃ ðə ˈkɪŋdəm
L19: ˈevrɪ gɜ:ɫ ɪn ðə lænd wəz ˈwɪlɪŋ tə traɪ ɒn ðə ˈslɪpə
S23: bət ðə ˈslɪpə wəz ˈɔ:ɫweɪz tu: smɔ:ɫ
M22: wen ðə ˈrɔɪəɫ ˈtrævələz əˈraɪvd ət ˈsɪndəz həʊm
L20: ˈlɪli ən ˈrəʊzə traɪd tə skwi:z ðeə fi:t ˈɪntə ðə ˈslɪpə
M23: bət ɪt wəz nəʊ ju:s ðeə fi:t wə r ɪˈnɔ:məs
L21: də jə hæv ˈenɪ ˈʌðə gɜ:ɫz ðə prɪnts ɑ:skt ˈsɪndəz ˈmʌðə
S24: wʌn mɔ: ʃɪ rɪˈplaɪd
M24: əʊ nəʊ ˈlɪli ən ˈrəʊzə kraɪd ʃɪ ɪs mʌtʃ tu: ˈbɪzi
M25: bət ðə prɪnts ɪnˈsɪstɪd ðət ɔ:ɫ gɜ:ɫz mʌst traɪ ðə ˈslɪpə
S25: ˈsɪndəz wəz ɪmˈbærəst
M26: ʃɪ ˈdɪdnt wɒnt ðə prɪnts tə si: hə r ɪn hə r əʊɫd ˈeɪprən
276
Annexes
S26: ənd hə feɪs wəs ˈdɜ:tɪ
M27: ðɪs ɪz jɔ: ˈdɔ:tə ðə prɪnts ɑ:skt əˈmeɪzd
L22: bət ðen ˈsɪndəz traɪd ɒn ðə glæs ˈslɪpə r ənd ɪt ˈfɪtɪd ˈpɜ:fɪklɪ
L23: ðə prɪnts lʊkt ˈkeəfʊlɪ ət ðə gɜ:ɫz feɪs ənd hɪ ˈrekəgnaɪzd hə
L24: ɪts ju: maɪ ˈdɑ:lɪŋ ˈɪznt ɪt hɪ jeɫd wɪɫ jə ˈmærɪ mɪ
S27: ˈlɪli ən ˈrəʊzə wə ˈhɒrɪfaɪd
M28: ɪt wəz ju: ət ðə bɔ:ɫ ˈsɪndəz ðeɪ ɑ:skt
S28: ðeɪ ˈkʊdnt bɪˈli:v ɪt
L25: ðen ˈsɪndəz ˈmæri:d ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm ən ðeɪ lɪvd ˈhæpɪlɪ ˈevə ˈɑ:ftə
277
Annexes
Annexe 6 : Les participants et les expériences
G2-ANG
Auditeurs
Identification
Région
Identification
ville
Goodness
Test de
Compréhension
1
SK
✔
✔
✔
✔
2
RS
✔
✔
✔
✔
3
PM
✔
✔
✔
✔
4
RW
✔
✔
✔
✔
5
UP
✔
✔
✔
✔
6
DK
✔
✔
✔
✔
7
PP
✔
✔
✔
✔
8
RT
✔
9
AC
✔
✔
✔
✔
10
RM
✔
✔
✔
✔
11
CE
✔
12
MBL
✔
13
IP
✔
14
DC
Specialist
DH
✔
Specialist
KE
✔
11
Total
✔
11
✔
10
278
12
Annexes
G1-FR
Auditeurs
1) RB
Identification région
Test de compréhension
2) NB
✔
3) LN
✔
✔
4) RN
✔
✔
5) EM
✔
✔
6) CarineB
✔
✔
7) JM
✔
✔
8) PDM
✔
✔
9) CE
✔
✔
10) ClaireB
✔
11) LU
✔
12) MR
✔
13) SB
✔
✔
14) RM
✔
✔
15) AF
✔
✔
16) II
✔
17) ML
✔
✔
✔
18) SBF
✔
19) MLC
✔
20) VD
✔
21) CT
✔
22) CDV
✔
✔
23) AG
✔
24) JbO
✔
25) ClemB
✔
✔
26) BAA
✔
20
✔
21
Total
279
Annexes
Annexe 7 : La carte du Royaume-Uni
280
Annexes
Annexe 8 : Liste de groupes lexicaux concernant l’expérience 4
En-dessous de chaque phrase il y a des groupes lexicaux qui apparaissent dans les phrases, ou
qui correspondaient aux voyelles dans la phrase, ainsi que quelques notes sur les consonnes.
Nous avons pris en compte le nombre de noms propres afin de limiter leur usage (par
exemple, L&R signifie Lily and Rosa, CCOMMA signifie Cinders, PW, Prince William). Nous
avons également vérifié à ce que les locuteurs disent exactement ce qui est marqué, dans le
cas contraire nous avons fait les changements nécessaires par rapport à ce qui est réellement
énoncé.
Belfast – B1DO:155 locuteur
S19 : I don't even know her name, he sighed.
Groupes : PRICE-GOAT-FINAL-T-FLEECE-GOAT /R/-FACE-PRICE
M6 : They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray.
Groupes : SQUARE-STRUT-FACE
L22 : But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly!
Groupes : TH-CCOMMA-PRICE-BATH-COMMA-R-KIT-NURSE-HAPPY
Bradford-punjabi – P2RH : locuteur
S9 : Then the girl looked at her old rags.
Groupes : TH-NURSE-L-FOOT-R-GOAT-TRAP
M4 : Lily and Rosa thought this was divine.
Groupes : L&R-THOUGHT-TH-W-PRICE
L9 : Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling
carriage.
Groupes : COMMA-DRESS-T-MOUTH-DRESS-STRUT-W-SQUARE-FACE-TRAP-ING-R
155
Ceci est le code du locuteur que nous avons choisi tel qu’il apparaît sur nos stimuli.
281
Annexes
Newcastle – N2EP: locutrice
S10 : Oh dear! she sighed.
Groupes : GOAT-NEAR-PRICE
M2 : Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs!
Groupes : CURE-CCOMMA-W-SQUARE-R-all-GOAT-TH-TRAP-MOUTH
L13 : In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown.
Groupes :TH-TRIPHTHONGUE-DRESS-STRUT-W-FACE-PRICE-FACE/NEAR-NURSE-GOOSE
-ball-MOUTH
Malahide – M3PM – locuteur
S26 : And her face was dirty!
Groupes : FACE-NURSE-T-HAPPY
M20 : Prince William and Cinders danced for hours.
Groupes : – PW-CcommA-TRIPHTHONG-R-BATH
L3 : They spent all their time buying new clothes and going to parties.
Groupes : DRESS-all-TH-PRICE-GOOSE-GOAT-START-ING
Liverpool – S1SB: locuteur
S3 : They dreamed of wedding bells!
Groupes : TH-FLEECE-w-ing-DRESS
M22 : When the Royal travellers arrived at Cinders' home.
Groupes : W-TH-TRIPHTONGUE-(travellers)-PRICE-T-COMMA-GOAT
L23 : The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her.
Groupes : Prince-FOOT-SQUARE-happY-NURSE-FACE-PRICE-TH
Cardiff – W1HW: locutrice
S8 : It was her fairy godmother!
Groupes : SQUARE-CLOTH-STRUT-TH-COMMA
M7 : Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear?
Groupes : STRUT-HAPPY-CHOICE-DRESS-PRICE-R-PRICE-ING-NEAR
L17 : After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart.
Groupes : BATH-ball-P-resolved-PRICE-GOOSE-HAPPY-GOAT-L-START
282
Annexes
Londres-Jamaïcain – J1SF: locutrice
S21 : The glass slipper was his only clue.
Groupes : BATH-commA-GOAT-GOOSE
M16 : A ballgown, a robe and jewels appeared.
Groupes : ball-MOUTH-GOAT-CURE-NEAR
L21 : Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother.
Groupes : DRESS-HAPPY-STRUT-TH-NURSE-P-BATH-CCOMMA-STRUT
Leeds – L1SU: locuteur
S23 : But the slipper was always too small.
Groupes : COMMA-always-GOOSE-THOUGHT-TH-W
M19 : And may I have the honour of this dance?
Groupes : FACE-PRICE-TH-LOT-COMMA-BATH
L15 : Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning.
Groupes :CCOMMA-GOAT-TRAP-TH-FACE-R-COMMA-SQUARE-LOT-STRUT-COMMA
NORTH-ING
Cambridge – C1ER: locutrice
S20 : But he held on to the slipper.
Groupes : DRESS-COMMA
M18 : You look wonderful, her fairy godmother said, smiling.
Groupes : FOOT-PRICE-STRUT-SQUARE-ing
L24 : It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me?
Groupes : Bath/start-DRESS-TRAP-happY-R
283
Annexes
Annexe 9 : Les phrases de l’expérience de compréhension (dans l’ordre de l’écoute)
1.But he held on to the slipper. C1ERS20
2.Lily and Rosa thought this was divine P2RHM4
3.Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning. L1SUL15
4. They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray B1DOM6
5.Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother J1SFL21
6. They dreamed of wedding bells S1SBS3
7. In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown
N2EPL13
8. It was her fairy godmother W1HWS8
9. Prince William and Cinders danced for hours M3PMM20
10. But the slipper was always too small L1SUS23
11. Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling
carriage P2RHL9
12. Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear W1HWM7
13. But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly B1DOL22
14. A ballgown, a robe and jewels appeared J1SFM16
15. Oh dear! she sighed N2EPS10
284
Annexes
16. When the Royal travellers arrived at Cinders' home S1SBM22
17. And her face was dirty M3PMS26
18. It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me C1ERL24
19. I don't even know her name, he sighed B1DOS19
20. The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her S1SBL23
21. Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs N2EPM2
22. After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart
W1HWL17
23. You look wonderful, her fairy godmother said, smiling C1ERM18
24. Then the girl looked at her old rags P2RHS9
25. And may I have the honour of this dance L1SUM19
26. The glass slipper was his only clue J1SFS21
27. They spent all their time buying new clothes and going to parties M3PML3
285
Annexes
Annexe 10 : Tableaux du chapitre 5
Expérience 1 : Identification de la provenance géographique
Les natifs (G2-ANG)
Tableau 1 : Les proportions de résultats globaux des réponses correctes d’identification en
fonction de la région : G2-ANG. (Figure 5.2.1.a.)
SE
NE
IR
NUK
W
Proportion
0,95
0,69
0,72
0,50
0,33
correcte
Tableau 2 : Les proportions de résultats globaux des réponses correctes d’identification par
région sans la catégorie NUK: G2-ANG. (Figure 5.2.1.1.a.)
SE
0,62
Proportion
correcte
NE
0,55
IR
0,72
NUK
0
W
0,33
Tableau 3 : Réponses correctes en fonction de longueur de phrases : G2-ANG
(Figure 5.2.1.2.a.)
SE
NE
IR
NUK
W
Longue
0,94
0,77
0,87
0,59
0,33
Médium
0,98
0,65
0,7
0,48
0,44
Courte
0,92
0,66
0,58
0,42
0,23
Tableau 4 : Résultats des natifs pour les phrases longues par région (réponses en proportions)
Origine
IR
SE
NUK
NE
W
xxx
IR
0.87
0.068
0.023
0.030
0.030
0.023
SE
0
0.94
0.015
0
0
0.045
Réponses
286
Annexes
NUK
0.023
0.19
0.59
0.053
0.0076
0.14
NE
0.0050
0.066
0.0050
0.77
0.076
0.081
W
0.045
0.26
0
0.30
0.33
0.061
Tableau 5 : Résultats des natifs pour les phrases moyennes par région
(réponses en proportions).
Origine
IR
SE
NUK
NE
W
xxx
IR
0.70
0.068
0
0.14
0.038
0.061
SE
0.015
0.98
0
0
0
0
NUK
0.0076
0.24
0.48
0.13
0.061
0.076
NE
0.030
0.18
0.025
0.65
0.060
0.050
W
0
0.15
0.12
0.23
0.44
0.061
Réponses
Tableau 6 : Résultats des natifs pour les phrases courtes par région (réponses en proportions).
Origine
IR
SE
NUK
NE
W
xxx
IR
0.58
0.11
0.023
0.20
0.030
0.061
SE
0.030
0.92
0
0.015
0
0.030
NUK
0.030
0.29
0.42
0.17
0.030
0.045
NE
0.061
0.16
0.015
0.66
0.066
0.040
W
0.20
0.29
0.015
0.23
0.23
0.045
Réponses
287
Annexes
Expérience 1 : Identification de la provenance géographique
Les francophones peu expérimentés (G1-FR)
Tableau 7 : Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance
régionale : G1-FR (proportions - figure 5.2.2.a.)
Région
SE
NE
IR
NUK
W
Proportion
0,44
0,21
0,16
0,6
0,15
correcte
Tableau 8 : Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance
régionale sans la catégorie NUK: G1-FR (proportions - figure 5.2.2.1.a.)
Région
SE
NE
IR
NUK
W
Proportion
0,26
0,17
0,16
0
0,15
correct
Tableau 9 : Réponses correctes en fonction de la longueur de phrases
(G1-FR - figure 5.2.2.2.a.)
Région
SE
NE
IR
NUK
W
Longue
0,43
0,2
0,19
0,69
0,16
Médium
0,4
0,21
0,16
0,6
0,16
Courte
0,5
0,24
0,13
0,52
0,13
288
Annexes
Tableau 10 : Résultats des non-natifs pour les phrases longues par région
IR
SE
NUK
NE
W
xxx
IR
0.19
0.12
0.27
0.14
0.17
0.10
SE
0.058
0.43
0.067
0.17
0.13
0.14
NUK
0.025
0.042
0.69
0.079
0.062
0.096
NE
0.20
0.25
0.16
0.20
0.11
0.10
W
0.12
0.13
0.29
0.13
0.16
0.16
Origine
Réponses
Tableau 11 : Résultats des non-natifs pour les phrases de longueur moyenne par région
Origine
IR
SE
NUK
NE
W
xxx
IR
0.16
0.20
0.20
0.18
0.19
0.054
SE
0.067
0.40
0.10
0.16
0.14
0.13
NUK
0.075
0.067
0.60
0.075
0.087
0.096
NE
0.15
0.22
0.21
0.20
0.13
0.060
W
0.15
0.14
0.28
0.20
0.16
0.067
Réponses
Tableau 12 : Résultats des non-natifs pour les phrases courtes par région
Origine
IR
SE
NUK
NE
W
xxx
IR
0.13
0.32
0.19
0.19
0.18
0.025
SE
0.083
0.50
0.0083
0.24
0.14
0.025
NUK
0.071
0.12
0.52
0.10
0.13
0.046
NE
0.16
0.29
0.15
0.24
0.11
0.047
W
0.11
0.36
0.16
0.21
0.13
0.033
Réponses
289
Annexes
Expérience 2 : Identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones du corpus
IViE par des anglophones (G2-ANG)
Tableau 13 : Résultats de l’identification de la ville de provenance des locuteurs par des
anglophones (G2-ANG - Figure 5.3.a.)
Ville
Correct
Malahide Belfast Cambridge London Leeds Bradford Newcastle Liverpool Cardiff
0,58
0,58
0,59
0,69
0,42
0,33
0.60
0,59
0,32
Tableau 14 : Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de
provenance : le cas des phrases longues (proportions)
Origine
B
M
C
J
L
P
N
S
W
xxx
B
0.65
0.20
0
0
0.017
0
0.033
0.05
0.033
0.017
M
0.27
0.53
0
0
0.033
0.033
0.017
0
0.05
0.067
C
0
0
0.75
0.22
0
0
0
0
0.017
0.012
J
0
0
0
0.70
0.083
0.05
0
0.067
0
0.1
L
0.017
0
0.13
0.05
0.40
0.17
0.033
0.067
0.033
0.1
P
0
0
0
0.17
0.12
0.35
0.05
0.083
0.05
0.067
N
0
0.033
0
0
0.067
0.067
0.67
0.033
0.067
0.067
S
0.017
0
0
0
0.067
0.033
0.12
0.68
0.033
0.05
W
0.033
0
0.05
0.05
0.083
0.067
0.033
0.05
0.57
0.067
Réponses
290
Annexes
Tableau 15 : Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de
provenance : le cas des phrases moyennes (proportions)
Origines
B
M
C
J
L
P
N
S
W
xxx
B
0.52
0.38
0.017
0.017
0
0
0.05
0
0
0.017
M
0.15
0.70
0.017
0.033
0.017
0.033
0
0.017
0.017
0.017
C
0
0
0.53
0.43
0.017
0
0
0
0.017
0
J
0.05
0
0
0.67
0.12
0.05
0.05
0.017
0
0.05
L
0
0.017
0.033
0.12
0.45
0.23
0.083
0.033
0.017
0.017
P
0
0
0.033
0.15
0.17
0.38
0.033
0.05
0.05
0.13
N
0
0.017
0
0.017
0.033
0
0.68
0.05
0.20
0
S
0
0
0.05
0.083
0.083
0.067
0.083
0.60
0.017
0.017
W
0.05
0.05
0.12
0.13
0.35
0
0.05
0.05
0.13
0.067
Réponses
Tableau 16 : Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de
provenance : le cas des phrases courtes (proportions)
Origines
B
M
C
J
L
P
N
S
W
xxx
B
0.58
0.30
0.017
0
0.017
0.067
0
0
0.017
0
M
0.10
0.52
0.017
0.067
0.12
0.033
0.05
0.017
0.033
0.05
C
0.033
0
0.50
0.38
0.083
0
0
0
0
0
J
0.033
0
0.017
0.70
0.067
0.017
0.083
0.033
0
0.05
L
0.017
0.017
0.05
0.067
0.40
0.20
0.083
0.13
0.017
0.017
P
0.05
0.017
0
0.17
0.18
0.28
0.033
0.067
0.10
0.10
N
0
0.05
0.017
0.10
0.033
0.033
0.48
0.12
0.15
0.017
S
0.017
0
0.033
0.10
0.15
0.083
0.083
0.48
0.017
0.033
W
0.083
0.033
0.017
0.12
0.17
0.05
0.15
0.10
0.25
0.033
Réponses
291
Annexes
Expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de qualité (G2-ANG)
Tableau 17 : Evaluation de la qualité du corpus (typicalité des locuteurs) par ville de
provenance (figure 5.4.1.a).
B
C
J
L
M
N
P
S
W
absolutely 25,8
25
13,3
22
19
44
10
27,3
15,15
very much 38,6
39,4
42,7
40,9
37
23
28,8
27,3
22,73
somewhat 15,9
15,2
21
16,7
19,5
16,5
24,2
18,2
22,73
not v much 13,6
15,9
17,5
11,4
23
6,6
29,5
20
31,06
not at all
6,1
4,5
4
4,5
1,5
0,8
6,8
5,5
8,33
xxx
0
0
1,5
4,5
1,5
9,1
0,7
1,7
0
Tableau 18 : Indices moyens de l’homogénéité des variétés régionales observées dans neuf
villes britanniques (figure 5.4.2.a.).
Typicalité
B
P
C
L
S
J
M
N
W
3,6
3,03
3,6
3,5
3,4
3,4
3,4
3,7
3,05
Expérience 4 : Mesure de l’intelligibilité des accents : compréhension et reconnaissance des
mots produits par les locuteurs anglophones en fonction de leur provenance régionale
Résultats de G2-ANG (natifs britanniques)
Tableau 19 : Proportions totales d’erreurs de compréhension pour G2-ANG (figure 5.5.1.a)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff
Proportion
Erreurs
0,08
0
0,07
0,06
0,12
292
0,1
0,03
0,02
0,01
Annexes
Tableau 20 : Proportion totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de
phrases (G2-ANG - figure 5.5.1.1.a)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff
Longues
0.095
0
0,015 0,077
0,035
0,069
0,01
0,0069
0,01
Moyennes 0.037
0
0,22
0
0,34
0,098
0,048
0,021
0
0
0
0,083
0
0,23
0,062
0,05
0
Courtes
0.092
Résultats de G1-FR (francophones peu expérimentés)
Tableau 21 : Proportions totales des erreurs de compréhension pour G1-FR (figure 5.5.2.a.)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff
Proportion 0,56
0,31
0,63
0,74
0,64
0,77
0,6
0,44
0,15
Erreurs
Tableau 22 : Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de
phrases (G1-FR - figure 5.5.2.1.a.)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff
Longues
0,60
0,23
0,42
0,89
0,59
0,68
0,73
0,22
0,11
Moyennes
0,56
0,36
0,89
0,59
0,88
0,96
0,45
0,76
0,043
Courtes
0,36
0,45
0,67
0,62
0,42
0,5
0,42
0,39
0,44
293
Annexes
Les résultats des francophones du groupe G3-FR (francophones expérimentés)
Tableau 23 : Proportions totales des erreurs de compréhension pour G3-FR (figure 5.5.3.a.)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff
Proportion 0,38
0,13
0,56
0,66
0,44
0,63
0,4
0,25
0,068
Erreurs
Tableau 24 : Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de
phrases (G3-FR - figure 5.5.3.1.a.)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool
Cardiff
Longues
0,37
0,12
0,26
0,77
0,37
0,54
0,52
0,083
0,062
Moyennes
0,55
0,15
0,83
0,61
0,81
0,89
0,31
0,46
0,017
Courtes
0,13
0,14
0,74
0,52
0,1
0,33
0,23
0,33
0,17
Résultats de G4-AM (anglophones américains)
Tableau 25: Proportions totales des erreurs de compréhension pour G4-AM (figure 5.5.4.a.)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool
Proportion 0,12
0,0042
0,18
0,18
0,17
Erreurs
294
0,19
0,081
0,055
Cardiff
0,012
Annexes
Tableau 26 : Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de
phrases (G4-AM - figure 5.5.4.1.a.)
Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool
Longues
Cardiff
0,14
0
0,1
0,27
0
0,044
0,07
0,021
0,0078
Moyennes 0,069
0
0,33
0,028
0,57
0,24
0,12
0,11
0
0,018
0,12
0,18
0
0,72
0,062
0,05
0,042
Courtes
0,097
295
Annexes
Annexe 11 : Mots rares ou difficiles
Pour chaque accent nous mettons en gras les mots que nous considérons comme peu fréquents
ou particulièrement difficiles à comprendre (par exemple, les noms propres qui sont souvent
difficiles à percevoir puisqu’ils relèvent également de la culture liée à la langue).
CAMBRIDGE
But he held on to the slipper C1ERS20
You look wonderful, her fairy godmother said, smiling. C1ERM18
It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me? C1ERL24
BELFAST
But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly B1DOL22
They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray B1DOM6
I don't even know her name, he sighed B1DOS19
MALAHIDE
Prince William and Cinders danced for hours M3PMM20
And her face was dirty M3PMS26
They spent all their time buying new clothes and going to parties M3PML3
LIVERPOOL
They dreamed of wedding bells S1SBS3
When the Royal travellers arrived at Cinders' home S1SBM22
The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her S1SBL23
BRADFORD-PUNJABI
Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling
carriage P2RHL9
Lily and Rosa thought this was divine P2RHM4
Then the girl looked at her old rags P2RHS9
296
Annexes
CARDIFF
It was her fairy godmother W1HWS8
Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear W1HWM7
After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart W1HWL17
LONDRES-JAMAÏCAIN
Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother J1SFL21
A ballgown, a robe and jewels appeared J1SFM16
The glass slipper was his only clue J1SFS21
LEEDS
Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning. L1SUL15
But the slipper was always too small L1SUS23
And may I have the honour of this dance L1SUM19
NEWCASTLE
Oh dear! she sighed N2EPS10
Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs N2EPM2
In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown
N2EPL13
297
Annexes
Annexe 12 : Liste de mots inconnus des participants G1-FR
Hand me downs
Gowns
Yelled
Howled
Hairpins
Rags
Ballgown
Wand
Poured
Dazzling
Chimed
Ballroom
Sighed
Squeeze
Radiant
Hairbrushes
Dull
Carriage
Slippers - 1
Apron
Lazy
Held
Gorgeous
Pull
Glass slippers - 2
Fitted
Mice
Stepsisters
Fairy - 1
Pumpkin - 1
Willing
298