L`influence des accents régionaux sur la compréhension de l`anglais
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L`influence des accents régionaux sur la compréhension de l`anglais
L’influence des accents régionaux sur la compréhension de l’anglais britannique contemporain chez les sujets francophones. Edensor Kizzi To cite this version: Edensor Kizzi. L’influence des accents régionaux sur la compréhension de l’anglais britannique contemporain chez les sujets francophones.. Linguistique. Université de Provence Aix-Marseille I, 2010. Français. <tel-00578088> HAL Id: tel-00578088 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00578088 Submitted on 18 Mar 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. 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DOCTORAT AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ délivré par L’Université de Provence N° attribué par la bibliothèque ……………………………… THÈSE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE I Formation Doctorale : Cognition, Langage, Éducation (spécialité phonétique et linguistique anglaise) Présentée et soutenue publiquement Par Kizzi EDENSOR le 10 décembre 2010 TITRE L’INFLUENCE DES ACCENTS RÉGIONAUX SUR LA COMPRÉHENSION DE L’ANGLAIS BRITANNIQUE CONTEMPORAIN PAR DES SUJETS FRANCOPHONES Directeur de thèse : Monsieur Daniel HIRST JURY Monsieur Philip Carr (Université de Montpellier) Monsieur Jean-Yves Dommergues (Université de Paris VIII) Monsieur Jacques Durand (Université de Toulouse) Monsieur Emmanuel Ferragne (Université de Paris XII) Monsieur Noël Nguyen (Université de Provence) Introduction générale REMERCIEMENTS Ce travail n’aurait pas été possible sans l’aide, le soutien et les encouragements de beaucoup de personnes que je tiens à remercier. Daniel Hirst, qui m’a supporté/supported toutes ces années. Je n’ai plus de mots pour exprimer ma gratitude. Je tiens à remercier mes rapporteurs et membres du jury pour avoir accepté de lire ce travail et pour leur disponibilité. Merci à : Philip Carr et Jacques Durand qui m’ont toujours encouragée et qui ont accepté de travailler dans des conditions parfois peu évidentes. Jean-Yves Dommergues pour son soutien et ses suggestions pertinentes et utiles dont j’espère être à la hauteur. Noël Nguyen pour ses conseils lors de la mise en place des expériences. Emmanuel Ferragne qui a mis la barre très haut en terme de travail sur les accents régionaux. Je remercie Carine André pour tout le temps qu’elle m’a consacré avec tant de gentillesse afin de m’apprendre à faire des scripts pour Perceval et Lancelot. Toutes les personnes du Laboratoire de Parole et Langage, ses secrétaires, ses documentalistes, ses doctorants. Mais un remerciement tout particulier à Noël Nyguen, Sophie Dufour, Christine Meunier, Robert Espesser, Cheryl Frenck-Mestre, Alain Ghio, Christian Cavé, Phillipe Blache, Joëlle, Seb et Cyril pour leurs précieux conseils et temps qu’ils m’ont consacrés. Nicolas Ballier, Francis Nolan, Anthea Fraser Gupta, Raymond Hickey, Paul Kerswill, Dominic Watt, Catherine Best, Kevin Watson, John Wells, Clive Upton, Caroline Floccia, Caroline Bouzon, Nadine Herry-Bénit de m’avoir accordé du temps et d’avoir répondu à mes questions. i Toute l’équipe professorale du département d’anglais de l’Université de Provence ainsi que les secrétaires et bibliothécaires toujours présents, notamment Gabor, Sophie, Cécile Valérie, Michel, Peter et Jean-Marie. Je tiens à remercier Armelle de s’être souciée de moi et de m’avoir encouragée ainsi que Rachida qui a toujours eu des mots gentils. Merci à Céline pour sa grande disponibilité ; à Pauline, Amandine, Vincent et surtout à celle qui ne m’a jamais laissé flancher : Anne. Encore un grand merci à tous mes participants, sans qui ce travail n’aurait pu exister et qui se sont rendus disponibles même lors de la fermeture de l’Université. Merci à Monsieur Jacques Vauclair et à Madame Sonia Testa. À Jacques et Michel, for Grandad et Claude pour m’avoir écoutée, merci. Un dernier grand merci à (entre autres) mes Pygmalions ; Daniel pour m’avoir poussée à y croire et à Cyril, pour tout. ii iii Accent is in the ear of the beholder iv RÉSUMÉ Titre : L'influence des accents régionaux sur la compréhension de l'anglais britannique contemporain chez les sujets francophones. L’objectif principal de ce travail est d’examiner les capacités de perception et de compréhension des francophones lorsqu’ils sont confrontés aux différentes variétés régionales de l’anglais britannique. Pour ce faire, nous avons mené quatre expériences sous forme de tests de perception (expériences d’identification des accents et de compréhension). Les enregistrements que nous avons choisis, extraits du corpus IViE, incluent neuf accents : Cambridge, Londres (ascendance jamaïcaine), Liverpool, Leeds, Bradford (bilingues anglais-Panjabi), Cardiff (bilingues anglais-gallois), Newcastle, Belfast et Malahide (Dublin). L’expérience d’identification des accents par région a démontré que les apprenants francophones ont plus de facilités à catégoriser les accents aux sonorités non-natives (jamaïcain et panjabi) que les autres variétés. La plupart des erreurs de compréhension et de perception concernaient la réduction de mots qui est commune à tous les accents et présente dans la parole continue. Toutefois, les traits les plus caractéristiques de ces accents ont été également difficiles à traiter pour les sujets francophones. Ce travail souligne l’importance de l’attention qu’il faut prêter à ce type d’erreurs afin d’en faciliter la compréhension et ce, dans une perspective d’application didactique. Mots-clés: variétés de l'anglais, perception, compréhension, identification, sujets francophones, sujets anglophones, corpus IViE (Intonational Variation in English). UFR LACS École doctorale: Cognition, Langage, Éducation Laboratoire Parole et Langage UMR 6057 CNRS / Université de Provence 5, avenue Pasteur 13100 Aix-en-Provence, France v ABSTRACT Title : The influence of regional accents upon French speakers' understanding of contemporary British English. The main aim of this study is to examine French speakers' perception and comprehension skills when they are faced with different regional variations of British English. In order to do this, we conducted 4 experiments in the form of perception tests (experiments in the identification and understanding of accents). The recordings that we selected are extracts from corpus IViE, and comprise nine accents : Cambridge, London (of Jamaican descent), Liverpool, Leeds, Bradford (English-Punjabi bilingual), Cardiff (English-Welsh bilingual), Newcastle, Belfast and Malahide (Dublin). The regional accent identification experiments showed that French speakers find it easier to categorise non-native sounding accents (Jamaican and Punjabi) than other variations. Most comprehension and perception errors were related to the use of word reduction, a trait that is common to all these accents and present in continuous speech. That being said, French speakers also had difficulty in processing these accents' most common characteristics. This study highlights the fact that attention has to be paid to mistakes of this kind, in order to facilitate understanding with regard to the application of teaching methods. This study provides important information on understanding language processing and how different learners cope with aspects of variation. The results show that some accents were easier to understand than other, for example, the Cardiff variety was better comprehended than the Cambridge accent, which is similar to the pronunciation model taught in France (Received Pronunciation). This has never been tested before and proves that despite years of linguists claiming that this accent is the most comprehensive for EFL learners, empirical research is always necessary and the results can be contrary to popular beliefs. Key words : English regional accents, perception, comprehension, identification, native French (EFL) subjects, native English subjects. vi TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION GÉNÉRALE ....................................................................... 1 CHAPITRE 1 LES VARIÉTÉS DE L’ANGLAIS.......................................... 7 1. INTRODUCTION ...................................................................................................................... 7 1.1. La terminologie ........................................................................................................... 9 1.1.1. Les travaux sur les variétés régionales .................................................................. 12 1.1.2. Quelle place pour la RP : son statut et sa position de modèle de prononciation en anglais langue étrangère ................................................................................................... 14 1.2. LES VARIETES DE L’ANGLAIS DU CORPUS IVIE ............................................................... 17 1.2.1. Received Pronunciation (RP) ................................................................................. 18 1.2.2. Le système vocalique de la RP (Wells, 1982)........................................................ 19 1.3. L’Angleterre du Sud.................................................................................................. 20 1.3.1 Londres.................................................................................................................... 20 1.3.1.1. Le cockney .......................................................................................................... 21 1.3.1.2. Le système vocalique du cockney (Wells, 1982)................................................ 22 1.3.1.3. Les consonnes du cockney .................................................................................. 23 1.3.2. L’accent populaire londonien................................................................................. 23 1.3.2.1. Le système vocalique de l’accent populaire londonien (Wells, 1982)................ 24 1.3.2.2. Les consonnes de l’accent populaire londonien .................................................. 25 1.3.3. L’anglais de l’estuaire ............................................................................................ 25 1.3.3.1. Les voyelles de l’anglais de l’estuaire................................................................. 26 1.3.3.2. Les consonnes de l’anglais de l’estuaire ............................................................. 27 1.3.4. Le Sud-Est .............................................................................................................. 27 1.3.4.1. Le système vocalique de l’Anglia de l’Est (Wells, 1982)................................... 27 1.3.4.2. Les consonnes de l’Anglia de l’Est ..................................................................... 28 1.3.4.3. Cambridge ........................................................................................................... 28 1.4. LE PAYS DE GALLES ......................................................................................................... 29 1.4.1. Le système vocalique du Sud-est du Pays de Galles (Wells, 1982)....................... 30 1.4.2. Les consonnes du Sud-est du Pays de Galles......................................................... 31 1.4.3. Cardiff .................................................................................................................... 32 1.4.3.2. Les consonnes de Cardiff .................................................................................... 36 1.5. L’ANGLETERRE DU NORD ................................................................................................ 38 vii 1.5.1. Le Nord-Est ............................................................................................................ 38 1.5.1.2 Les consonnes de Leeds et de Bradford ............................................................... 40 1.5.2. Bradford ................................................................................................................. 41 1.5.3. Liverpool ................................................................................................................ 41 1.5.3.1. Le système vocalique de Liverpool (Wells, 1982 et Watson, 2007)................... 42 1.5.3.2. Les consonnes de Liverpool ................................................................................ 43 1.5.4. L’Extrême Nord ..................................................................................................... 44 1.5.4.1. Le système vocalique de Newcastle (Wells, 1982 et Watt et Milroy, 1999) ...... 45 1.5.4.2. Les consonnes de Newcastle ............................................................................... 47 1.6. L’IRLANDE ........................................................................................................................ 48 1.6.1. L’Irlande du Sud : Dublin et Malahide .................................................................. 48 1.6.1.2. Le système vocalique des trois catégories d’accents de Dublin (Local, Mainstream, Fashionable) selon Hickey (1999).............................................................. 50 1.6.1.3. Les consonnes de Dublin et de Malahide............................................................ 52 1.6.2. L’Irlande du Nord : Belfast .................................................................................... 53 1.6.2.1. Le système vocalique d’Irlande du Nord : Belfast (Wells, 1982)....................... 54 1.6.2.2. Les consonnes d’Irlande du Nord : Belfast ......................................................... 57 1.7. LES VARIETES ETHNIQUES ................................................................................................ 58 1.7.1. L’anglais de Jamaïque............................................................................................ 58 1.7.1.1. Le système vocalique de l’anglais Jamaïcain (Wells, 1982 et Sebba, 2007) ...... 59 1.7.1.2. Les consonnes l’anglais Jamaïcain...................................................................... 59 1.7.2. L’anglais Panjabi.................................................................................................... 60 1.8 CONCLUSION ...................................................................................................................... 61 CHAPITRE 2 LA COMPRÉHENSION ET LA PERCEPTION D’UNE L2 : LES ÉTUDES SUR LES ACCENTS RÉGIONAUX ............................ 63 2.1 INTRODUCTION .................................................................................................................. 63 2.2. LES THEORIES DE L’ACQUISITION ET DE LA PERCEPTION DES LANGUES ........................ 64 2.2.1. Speech Learning Model (SLM).............................................................................. 64 2.2.2. Perceptual Assimilation Model (PAM).................................................................. 67 2.2.3. The Native Language Magnet Model (NLM) et The Perceptuel Magnet Effect (PME) ............................................................................................................................... 68 2.2.4. Mise en question des modèles d’acquisition .......................................................... 69 2.2.5. Conclusion.............................................................................................................. 71 viii 2.3. LA PERCEPTION ET LA COMPREHENSION DES VARIATIONS ............................................. 71 2.3.1. Introduction ............................................................................................................ 71 2.3.2. La terminologie ...................................................................................................... 72 2.3.3. L’influence de la variation dans le traitement de la parole .................................... 73 2.3.3.1. L’influence de la variation due aux locuteurs ..................................................... 75 2.3.3.2. L’influence des stimuli et le style de parole........................................................ 77 2.3.3.3. L’influence de la longueur des énoncés .............................................................. 78 2.3.3.4. Conclusion........................................................................................................... 81 2.4. LES ETUDES SUR LES VARIETES D’ANGLAIS ..................................................................... 83 2.4.1 Le traitement des accents par les natifs ................................................................... 83 2.4.2. Le traitement des variétés de l’anglais par les natifs et les non-natifs ................... 85 2.4.3. Conclusion.............................................................................................................. 88 2.5. LES ERREURS DE PERCEPTION .......................................................................................... 89 2.5.1. Les voyelles............................................................................................................ 91 2.5.2. Les consonnes ........................................................................................................ 93 2.5.3. Les connaissances lexicales ................................................................................... 93 2.5.4. Les frontières de mots ............................................................................................ 94 2.5.5. Les mots lexicaux et grammaticaux ....................................................................... 96 2.5.6. La syntaxe .............................................................................................................. 97 2.5.6.1. Les énoncés « bien » et « mal » formés .............................................................. 97 2.5.7. La morphologie ...................................................................................................... 98 2.5.8. Structure et fonction ............................................................................................... 98 2.5.9. Conclusion.............................................................................................................. 99 2.6. L’IDENTIFICATION ET L’EVALUATION DES ACCENTS ...................................................... 99 2.6.1. L’évaluation subjective des accents ..................................................................... 102 2.6.2. Conclusion............................................................................................................ 104 CHAPITRE 3 HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS DE RECHERCHE ...... 106 3.1. INTRODUCTION ............................................................................................................... 106 3.2. HYPOTHESES DE TRAVAIL .............................................................................................. 106 3.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs connaissances de la langue anglaise............................................................................... 106 3.2.2. Hypothèse 2 : L’accent des locuteurs de Cambridge sera le plus facile à comprendre..................................................................................................................... 107 ix 3.2.3. Hypothèse 3 : Les francophones ne peuvent pas identifier les accents régionaux de l’anglais. ......................................................................................................................... 108 3.2.4. Hypothèse 4 : La compréhension de la parole dépendra du traitement de la variation induite par les variétés régionales. .................................................................. 108 3.2.5. Hypothèse 5 : Les auditeurs natifs seront les seuls chez qui le mécanisme de compensation pourra être observé.................................................................................. 108 3.2.6. Hypothèse 6 : La longueur des phrases est un paramètre qui joue un rôle important dans le traitement de la variation.................................................................................... 109 3.2.7. Hypothèse 7 : Dans la compréhension des non-natifs, il peut y avoir plusieurs niveaux de confusion à cause de mauvaises perceptions. .............................................. 110 3.2.8. Hypothèse 8 : Les variétés les plus faciles à comprendre sont les moins identifiables. ................................................................................................................... 110 3.3. INTERET SCIENTIFIQUE ET OBJECTIFS DE CETTE ETUDE............................................... 110 CHAPITRE 4 CORPUS ET MÉTHODOLOGIE ....................................... 113 4.1 INTRODUCTION ................................................................................................................ 113 4.2. DESCRIPTION DU CORPUS IVIE ...................................................................................... 113 4.2.1. Le choix du corpus : les contraintes et avantages ................................................ 114 4.2.2. Choix du style de parole....................................................................................... 116 4.2.3. Choix des locuteurs et l’étiquetage des stimuli.................................................... 118 4.2.4. Remarques sur les variétés régionales et les locuteurs d’IViE............................. 119 4.2.4.1. Cambridge – Notre système de référence ......................................................... 120 4.2.4.2. Londres-jamaïcain............................................................................................. 121 4.2.4.3. Liverpool ........................................................................................................... 122 4.2.4.4. Leeds ................................................................................................................. 123 4.2.4.5. Bradford – Panjabi ............................................................................................ 124 4.2.4.6. Newcastle .......................................................................................................... 126 4.2.4.7. Cardiff ............................................................................................................... 126 4.2.4.8. Belfast................................................................................................................ 128 4.2.4.9. Dublin –Malahide.............................................................................................. 129 4.3. LES PARTICIPANTS .......................................................................................................... 131 4.3.1. Groupe 1 (G1-FR) ................................................................................................ 131 4.3.2. Groupe 2 (G2-ANG) ............................................................................................ 131 4.3.3. Groupe 3 (G3-FR) ................................................................................................ 132 x 4.3.4. Groupe 4 (G4-AM)............................................................................................... 132 4.4. LES EXPERIENCES SUR LE CORPUS : LE CARACTERE TYPIQUE DES VARIETES REGIONALES D’IVIE .............................................................................................................. 133 4.4.1. Expérience 1 : L’identification des accents en fonction de la provenance régionale ........................................................................................................................................ 134 4.4.2. Expérience 2 – Identification de l’accent régional en fonction de la ville de provenance des locuteurs ............................................................................................... 136 4.4.3. L’expérience 3 : Test de qualité de l’accent régional (Goodness test)................. 137 4.5. L’EXPERIENCE DE COMPREHENSION ............................................................................. 138 4.5.1 Expérience 4 : « écrivez ce que vous entendez » .................................................. 138 4.5.2. La notation de l’expérience 4 ............................................................................... 142 CHAPITRE 5 LES RÉSULTATS ................................................................ 145 5.1. INTRODUCTION ............................................................................................................... 145 5.2. EXPERIENCE 1 : IDENTIFICATION DE LA PROVENANCE GEOGRAPHIQUE ..................... 145 5.2.1. Expérience 1 : résultats des natifs britanniques (G2-ANG) ................................. 147 5.2.1.1. Résultats des natifs sans la catégorie NUK....................................................... 150 5.2.1.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G2ANG).............................................................................................................................. 151 5.2.1.3. Résumé des résultats des natifs de l’expérience 1............................................. 159 5.2.2. Expérience 1 : résultats des francophones peu expérimentés (G1-FR)................ 160 5.2.2.1. Résultats des non-natifs sans la catégorie NUK................................................ 163 5.2.2.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G1FR).................................................................................................................................. 164 5.2.2.3. Résumé des résultats des francophones pour l’expérience 1 ........................... 168 5.2.3. Conclusion des résultats des auditeurs anglophones natifs et des francophones nonnatifs dans la tâche d’identification de la provenance régionale.................................... 169 5.3. EXPERIENCE 2 : IDENTIFICATION DE LA VILLE DE PROVENANCE DES LOCUTEURS ANGLOPHONES DU CORPUS IVIE PAR DES ANGLOPHONES (G2-ANG) ................................ 170 5.3.1. Réponses d’identification correctes en fonction de la ville de provenance et de la longueur de phrases (G2-ANG) ..................................................................................... 175 5.3.2. Résumé des résultats de l’expérience 2................................................................ 177 5.3.3. Commentaires sur l’expérience 1 (identification de la provenance régionale) et l’expérience 2 (identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones) .... 178 xi 5.4. EXPERIENCE 3 : REPRESENTATIVITE DES LOCUTEURS PAR VILLE VIA UN TEST DE QUALITE (G2-ANG) .............................................................................................................. 180 5.4.1. Résultats de l’expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de qualité (G2-ANG) .......................................................................................................... 182 5.4.2. Homogénéité des variétés régionales ................................................................... 183 5.4.3. Qualité du corpus : comparaison des résultats de l’expérience 3 à ceux des expériences 1 et 2 ........................................................................................................... 184 5.4.4. Choix des locuteurs pour l’expérience de compréhension................................... 185 5.5. EXPERIENCE 4 : MESURE DE L’INTELLIGIBILITE DES ACCENTS : COMPREHENSION ET RECONNAISSANCE DES MOTS PRODUITS PAR LES LOCUTEURS ANGLOPHONES EN FONCTION DE LEUR PROVENANCE REGIONALE ....................................................................................... 187 5.5.1. Résultats de G2-ANG (natifs britanniques) ......................................................... 188 5.5.1.1. Résultats de G2-ANG en fonction de la longueur de phrases........................... 190 5.5.2. Résultats de G1-FR (francophones peu expérimentés) ........................................ 191 5.5.2.1. Résultats de G1-FR en fonction de la longueur de phrases............................... 193 5.5.3. Les résultats des francophones du groupe G3-FR (francophones expérimentés) 195 5.5.3.1. Résultats de G3-FR en fonction de la longueur de phrases............................... 197 5.5.4. Résultats de G4-AM (anglophones américains)................................................... 199 5.5.4.1. Résultats de G4-AM en fonction de la longueur de phrases ............................. 200 5.5.5. CONCLUSION ................................................................................................................ 202 CHAPITRE 6 DISCUSSION ........................................................................ 204 6.1. INTRODUCTION ............................................................................................................... 204 6.2. DISCUSSION ET VALIDATION DES HYPOTHESES DE TRAVAIL ......................................... 204 6.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs connaissances de la langue anglaise............................................................................... 204 6.2.1.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG. ................................ 205 6.2.1.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G1-FR..................................... 206 6.2.1.3. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche d’identification de la provenance régionale à travers l’accent. ...................................... 206 6.2.2. Tâche de compréhension...................................................................................... 208 6.2.2.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG. ................................ 208 6.2.2.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G4-AM. .................................. 209 6.2.2.3. Validation de l’hypothèse 1. c) dans le groupe G3-FR. .................................... 209 xii 6.2.2.4. Validation de l’hypothèse 1. d) dans le groupe G1-FR..................................... 209 6.2.2.5. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche de compréhension des accents régionaux britanniques....................................................... 209 6.3. HYPOTHESE 2 : L’ACCENT DES LOCUTEURS DE CAMBRIDGE SERA LE PLUS FACILE A COMPRENDRE......................................................................................................................... 211 6.3.1. Validation de l’hypothèse 2.................................................................................. 211 6.3.2. Discussion : hypothèse 2 sur la compréhension de l’accent de Cambridge......... 211 6.4. HYPOTHESE 3 : LES FRANCOPHONES NE PEUVENT PAS IDENTIFIER LES ACCENTS REGIONAUX DE L’ANGLAIS. ................................................................................................... 212 6.4.1. Validation de l’hypothèse 3.................................................................................. 212 6.4.2. Discussion : hypothèse 3 sur les capacités des francophones à identifier des accents britanniques en fonction de leur région. ............................................................ 213 6.5. HYPOTHESE 4 : LA COMPREHENSION DE LA PAROLE DEPENDRA DU TRAITEMENT LA VARIATION INDUITE PAR LES VARIETES REGIONALES EST TRAITEE. ................................... 213 6.5.1. Validation de l’hypothèse 4.................................................................................. 213 6.5.2. Discussion : hypothèse 4, la variation est elle rapidement écartée ?.................... 214 6.6. HYPOTHESE 5 : LES AUDITEURS NATIFS SERONT LES SEULS CHEZ QUI LE MECANISME DE COMPENSATION POURRA ETRE OBSERVE.............................................................................. 214 6.6.1. Validation de l’hypothèse 5.................................................................................. 215 6.6.2. Discussion : hypothèse 5, le mécanisme de compensation chez les natifs et les nonnatifs ............................................................................................................................... 216 6.7. HYPOTHESE 6 : LA LONGUEUR DES PHRASES EST UN PARAMETRE QUI JOUE UN ROLE IMPORTANT DANS LE TRAITEMENT DE LA VARIATION.......................................................... 217 6.7.1. Validation de l’hypothèse 6 : La tâche d’identification. ...................................... 218 6.7.1.1. Validation de l’hypothèse 6. a) dans le groupe G2-ANG : ............................... 219 6.7.1.2. Validation de l’hypothèse 6. b) dans le groupe G1-FR :................................... 219 6.7.1.3. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une tâche d’identification d’accents par régions................................................................... 219 6.7.2. Validation de l’hypothèse 6 : L’expérience de compréhension ........................... 221 6.7.2.1. Validation de l’hypothèse 6. a) chez le G2-ANG : ........................................... 222 6.7.2.2. Validation de l’hypothèse 6. b) chez le G1-FR :............................................... 222 6.7.2.3. Validation de l’hypothèse 6. c) chez le G3-FR : ............................................... 222 6.7.2.4. Validation de l’hypothèse 6. d) chez le G4-AM : ............................................. 223 xiii 6.7.2.5. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une tâche de compréhension des accents régionaux. ............................................................ 223 6.8. HYPOTHESE 7 : DANS LA COMPREHENSION DES NON-NATIFS, IL PEUT Y AVOIR PLUSIEURS NIVEAUX DE CONFUSION A CAUSE DES MAUVAISES PERCEPTIONS..................... 226 6.8.1. Confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale ......................... 227 6.8.2. Confusions totales avec l’illusion de comprendre................................................ 230 6.8.3. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole continue ...... 231 6.8.3.1. Les voyelles et la réduction de mot ................................................................... 231 6.8.3.2. Les consonnes ................................................................................................... 232 6.8.3.3. Les noms propres .............................................................................................. 232 6.8.3.4. Les mots rares.................................................................................................... 233 6.8.4. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent (mots fréquents) ........................................................................................................................................ 235 6.8.5. Discussion : hypothèse 7 sur les types de compréhension chez les francophones. ........................................................................................................................................ 237 6.9. HYPOTHESES 8 : LES VARIETES LES PLUS FACILES A COMPRENDRE SONT LES MOINS IDENTIFIABLES. ...................................................................................................................... 239 6.9.1. Validation de l’hypothèse 8.................................................................................. 240 6.9.2. Discussion : hypothèse 8 la compréhension et l’identification d’un accent régional. ........................................................................................................................................ 240 6.10. CONCLUSION................................................................................................................. 240 CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHES ........................................................................................................................... 243 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES...................................................... 250 ANNEXES........................................................................................................ 264 Annexe 1 : Le plan d’Irlande du Nord et du Sud avec les influences linguistiques....... 265 Annexe 3 : The Cinderella Passage (original)................................................................ 267 Annexe 4 : The Cinderella Passage (segmenté) ............................................................. 269 Annexe 5: ðə ˌsɪndəˈrelə ˈpæsɪdʒ .................................................................................... 273 Annexe 6 : Les participants et les expériences............................................................... 278 Annexe 7 : La carte du Royaume-Uni............................................................................ 280 Annexe 8 : Liste de groupes lexicaux concernant l’expérience 4 .................................. 281 xiv Annexe 9 : Les phrases de l’expérience de compréhension (dans l’ordre de l’écoute) . 284 Annexe 10 : Tableaux du chapitre 5............................................................................... 286 Annexe 11 : Mots rares ou difficiles .............................................................................. 296 Annexe 12 : Liste de mots inconnus des participants G1-FR ........................................ 298 xv xvi Introduction générale INTRODUCTION GÉNÉRALE 1. La situation actuelle de l’anglais britannique contemporain L’enseignement de l’anglais langue étrangère a connu énormément de changements ces dernières années. Différentes méthodes d’enseignement ont été développées et les théories d’apprentissage ont évolué. Il n’en est pas de même toutefois pour les modèles de prononciation aujourd’hui utilisés. Ils sont en effet toujours basés essentiellement sur deux systèmes : la Received Pronunciation (RP) pour la variété britannique et le General American pour les États-Unis. Ellis a été le premier à employer le terme de RP en 1869. Selon Macaulay (1997), il l’aurait utilisé sans pour autant dire qu’il devait être pris avec la signification de prononciation standard. La RP est en effet utilisée dans l’enseignement car cet accent est en général considéré comme prestigieux et facile à comprendre. Hudson (1980) a montré le rôle que peut jouer l’accent dans la façon dont les britanniques « jugent » une personne. L’auteur, qui maîtrisait à la fois l’accent RP et l’accent régional de Birmingham, a présenté à différents groupes de lycéens des études menées en psychologie. À la fin de sa présentation, il a demandé aux lycéens d’écrire ce qu’ils avaient pu penser de son discours, de son niveau intellectuel et s’il était apte à donner des cours à la faculté. Les résultats de son étude montrent qu’il est considéré plus « intelligent » et plus apte à donner des cours dans l’enseignement supérieur lorsqu’il utilisait dans ses interventions l’accent RP (Hudson, 1980). Toutefois, en Grande-Bretagne, la plupart des Anglais parlent avec un accent régional, et la RP est aujourd’hui parlée par moins de 3% de la population (Crystal, 1988). Cet accent était et demeure associé à une classe sociale bourgeoise ou élitiste (Wells, 1982), ce qui fait que l’on peut montrer parfois une certaine hostilité envers ce dernier. Cependant, la situation est bien plus complexe qu’elle n’y paraît en Grande-Bretagne. Si les Britanniques peuvent se montrer hostiles envers la RP, ils peuvent l’être aussi envers d’autres variétés régionales, à tel point que les auditeurs de radios se plaignent lorsqu’ils y entendent un intervenant avec un fort accent social ou régional (Kerswill, 2000). L’accent a donc une place tout à fait particulière dans la société anglaise. Pour Crystal, les attitudes envers les accents régionaux peuvent en fait prendre deux formes : « As long as society contains divisions, there will always be differences in pronunciation, and as a consequence, arguments about which form 1 Introduction générale is best and which accent is most acceptable. The arguments can be healthy and informative or nasty and intolerant. They are usually the latter » (Crystal, 1988: 61). Wells (1982) explique par exemple qu’un reporter venu travailler à Londres se faisait automatiquement identifier comme provincial et était quelque peu « ridiculisé » lorsqu’il conservait son accent, associé à la classe ouvrière. Il mentionne aussi que cette tendance est d’autant plus marquée qu’il s’agit d’un accent du Nord (Wells, 1982). Cependant, les dialectes et accents régionaux demeurent très présents en Grande-Bretagne et existeront toujours parce qu’ils reflètent notre identité linguistique (Crystal, 1988). Abercrombie (1967) fait remarquer que non seulement l’accent RP occupe une position sociale particulière, mais qu’en plus c’est un accent phonétiquement complexe par rapport à d’autres accents. L’accent écossais, par exemple, serait, selon lui, beaucoup plus facile à saisir pour les apprenants étrangers. Nous verrons que d’autres linguistes partagent le point de vue que la RP présente plusieurs difficultés pour les apprenants non-natifs. Outre le fait que la RP soit peu parlée en GrandeBretagne, l’apprenant peut tout de même se heurter à une difficulté de compréhension avec cet accent, car la RP qu’on lui enseigne n’est plus celle qu’on pratique aujourd’hui. Il a en effet évolué. Pour toutes ces raisons, il nous semble donc important d’en parler et que les apprenants non-natifs (francophones) en prennent conscience. En France, l’accent de la RP est probablement celui qui est le plus enseigné, peut-être parce qu’il s’agit du modèle le plus décrit dans la littérature, et également celui qui est toujours considéré comme le plus prestigieux de la langue anglaise. Pourtant, nous verrons que la RP a subi des changements qui ne sont pas toujours pris en compte dans l’enseignement. Il apparaît donc nécessaire aujourd’hui, dans l’enseignement de l’anglais langue étrangère, de réexaminer l’enseignement de la RP, plus précisément la version de cet accent qui, selon Crystal, est devenu obsolète.1 Au vu l’importance des variétés régionales de l’anglais en Grande-Bretagne, leur enseignement ne serait pas négligeable. Afin de pouvoir décrire les variétés régionales de l’anglais, les enseignants doivent pouvoir se baser sur des descriptions acoustiques de ces variétés mais aussi avoir connaissance des difficultés que peuvent rencontrer les apprenants francophones à leur écoute. Chevillet évoquait déjà en 1991 la possibilité qu’un apprenant francophone puisse ne pas comprendre certains locuteurs à cause de leur accent. Pourtant la situation n’a guère changé. En 1991, Chevillet fut le premier à écrire en français à propos des variétés régionales britanniques depuis il y a eu d’autres 1 Cyrstal affirme que la RP « classique », n’est http://www.davidcrystal.com/DC_articles/English30.pdf. 2 parlée que par 2% de la population: Introduction générale travaux, ce qui montre que cette question devient de plus en plus importante.2 Il ne faut pas non plus négliger le fait que certaines caractéristiques des accents britanniques comme le cockney ou l’accent irlandais se retrouvent dans d’autres variétés anglophones comme c’est le cas en Australie (Crystal, 1988). Dès lors que nous nous intéressons aux variétés régionales d’une langue, et notamment de l’anglais, certaines études sociolinguistiques (telles que celles menées par Labov sur le Newyorkais et les habitants de Martha’s Vineyard aux États-Unis et celle de Trudgill sur les habitants de Norwich en Grande-Bretagne) apparaissent incontournables. Elles abordent la question des variétés régionales sous l’angle de la sociolinguistique. Dans le domaine de la dialectologie, d’autres études ont aussi été menées sur l’identification des accents régionaux depuis les années soixante (Lambert et al., 1960, cité dans Pisoni et Remez, 2005). Ce n’est que bien plus tard que les questions sur la perception et la compréhension des accents régionaux se sont réellement posées (Iverson et Evans 2004, Fraser Gupta, 2005). Cependant, d’une façon générale, il existe peu de recherches sur la perception et la compréhension des accents régionaux britanniques. Pourtant la variation linguistique due aux différences régionales et ethniques est une propriété importante de la langue parlée. Plusieurs linguistes se joignent à Uchanski (2005) pour dire que nos connaissances actuelles de la perception de la parole sont insuffisantes pour pouvoir prédire avec exactitude l’intelligibilité de ces variétés régionales à partir d’une simple étude du signal acoustique. Des études empiriques sont nécessaires pour donner des indices sur leur traitement. Certains travaux ont commencé à ouvrir la voie mais ceux qui portent sur la compréhension des accents régionaux sont encore peu fréquents. Plusieurs facteurs tels que la familiarité et les connaissances de la langue ou d’une variété jouent un rôle important dans la compréhension. Mieux connaître la façon dont les auditeurs traitent certaines caractéristiques des accents avec lesquels ils sont moins familiers peut ainsi contribuer à une compréhension plus générale de la perception. Puisqu’il existe très peu d’études qui ont examiné la perception et la compréhension des accents régionaux, il apparaissait nécessaire de se pencher sur la question. Est-il exact que l’accent RP est facile à comprendre ou existe-il d’autres variétés qui le sont davantage ? 2 Il s’agit, entre autres de thèses de : Ferragne, E. 2008. Étude phonétique des dialectes modernes de l’anglais des Iles Britanniques : vers l’identification automatique du dialecte ; Carlotti, L.M. 2007. Traitement des variations phonologiques régionales en anglais britannique chez l’apprenant francophone et Coadou, M. 2007. L’étude de la qualité de voix et de la variante dialectale dans les Iles Britanniques. 3 Introduction générale 2. Objectifs de ce travail Ce travail s’articule autour de la thématique des variétés régionales. L’objectif principal de ce travail est d’évaluer les capacités de perception et de compréhension des apprenants francophones lorsqu’ils sont confrontés aux différentes variétés de l’anglais. Pour ce faire nous avons mené au total quatre expériences, chacune dans un but bien précis. Nous voulions connaître la façon dont les variétés régionales de l’anglais sont traitées dans la parole continue par des populations différentes, notamment chez les francophones. Nous traitons dans ce travail à la fois l’identification des accents et leur perception et compréhension dans le but d’observer les difficultés possibles que peuvent rencontrer les francophones à l’écoute de ces variétés régionales. Les apprenants d’anglais francophones ont aujourd’hui très peu de connaissances des différentes variétés existantes en Grande-Bretagne, du fait que, comme nous l’avons déjà mentionné, seul la RP leur est enseignée. Or, c’est essentiellement en Angleterre qu’il existe le plus de différences entre les accents régionaux (Wells, 1982). Notre étude constitue un premier travail portant sur l’évaluation des accents du corpus d’English Intonation in the British Isles (IViE).3 Ce dernier contient au total des enregistrements de neuf accents ; Cambridge, Londres (les locuteurs sont d’ascendance jamaïcaine), Liverpool, Leeds, Bradford (bilingues anglais-panjabi), Cardiff (bilingues anglais-gallois), Newcastle, Belfast et Malahide (banlieue de Dublin). Toutefois, puisque l’accent RP demeure celui qui est le plus décrit (certains disent même le plus compréhensible) et celui auquel les apprenants francophones sont le plus souvent confrontés, nous l’avons utilisé comme « accent témoin » dans les études comparatives menées sur la perception et la compréhension des variétés régionales. Dans notre travail, cet accent témoin est représenté par les locuteurs originaires de Cambridge. En effet, parmi les accents présents dans le corpus, l’accent de Cambridge est celui qui est le plus proche de l’accent RP. Nous formulons donc l’hypothèse que cet accent devrait être le mieux perçu et le mieux compris. Cependant, devant le manque de recherches empiriques à ce sujet, rien n’exclut a priori que d’autres variétés soient plus faciles à comprendre pour des francophones. 3 http://www.phon.ox.ac.uk/files/apps/IViE// 4 Introduction générale 3. Détails des chapitres Le travail est divisé en deux parties. La première présente les aspects théoriques nécessaires à la compréhension de cette étude. La deuxième présente les objectifs recherchés, la méthodologie employée et les résultats obtenus pour chacune de nos expériences. Dans le premier chapitre de cette étude, nous présentons des différents travaux consacrés à l’étude des accents que nous avons cités ci-dessus et à leurs différences phonologiques vocaliques et consonantiques. Certains linguistes essayent de faire évoluer les mentalités sur les modèles de prononciations actuels. Nous verrons que tout comme l’a expliqué Abercrombie (1967), d’autres auteurs pensent que l’accent RP induit des difficultés supplémentaires dans l’apprentissage de l’anglais. Ils encouragent l’utilisation d’autres systèmes en insistant sur le fait que les non-natifs n’ont nullement besoin d’établir toutes les distinctions phonétiques qui existent dans l’accent RP (Jenkins, 2006). Le deuxième chapitre introduit un bref examen des travaux d’acquisition d’une deuxième langue qui ont, bien entendu, une place importante dans toute recherche sur les apprenants d’une langue seconde, mais qui sont moins centraux dans ce travail que l’étude de la variation. Nous présentons les différents types de variations qui existent et les diverses approches utilisées pour leur étude. La variation peut être traitée de deux façons majeures : une première qui postule que toute forme de variation de la parole est rapidement écartée par l’auditeur afin de ne traiter que le signal linguistique ; dans ce cas, la variation ne pose pas de difficultés puisqu’elle est ignorée. La deuxième approche consiste à penser que cette variation est réelle et robuste mais que l’auditeur est capable de la traiter comme il le fait tous les jours au quotidien. Nous abordons aussi, dans cette deuxième section, les différentes formes que peuvent prendre les mauvaises perceptions telles qu’elles ont été décrites par Bond (2005), ainsi que notre explication de celles-ci. Nous présentons enfin les études qui ont été faites sur la perception, la compréhension et l’identification des variétés régionales, ainsi que les travaux menés sur les variétés régionales qui ont inspiré la présente étude. Le troisième chapitre introduit nos recherches empiriques. Nous émettons les questions et les hypothèses que ce travail a suscitées et détaillerons davantage ce que nous espérons être l’intérêt de cette étude. 5 Introduction générale Le quatrième chapitre présente le corpus d’IViE ainsi que nos impressions phonologiques des différentes variétés régionales. Nous parlons des expériences que nous avons menées et des sujets qui y ont participé. Nous avons choisi de faire plusieurs expériences dans le but de fournir le plus d’informations possibles sur le domaine de la perception et la compréhension des variétés régionales, domaine qui demeure encore assez inexploré. En ce qui concerne nos participants, nous avons choisi quatre populations différentes : des natifs britanniques et américains qui ont servi de groupe témoins tout en fournissant les informations essentielles sur le traitement de ces accents ; puis deux groupes de francophones. Le premier groupe est le plus étudié dans ce travail. C’est essentiellement leur compréhension en tant qu’auditeurs naïfs que nous voulions évaluer. Il s’agit d’étudiants en deuxième année de Licence, spécialisés en anglais mais qui n’ont reçu aucune formation particulière sur les accents régionaux. Le deuxième groupe de francophones ont participé à une seule expérience : celle sur la compréhension. Nous voulions voir si le fait d’avoir un niveau supérieur d’études (Master 2) et davantage d’expérience avec la langue anglaise pouvaient influencer les résultats. Les deux derniers chapitres (5 et 6) sont consacrés aux résultats des expériences. Nous y tentons de répondre aux hypothèses posées et d’en tirer des conclusions. Les résultats pourront, nous l’espérons, servir de base de travail pour l’enseignement des variétés de l’anglais. Nous proposons en effet pour la première fois, un travail empirique sur ces neuf variétés. Ce travail informe notamment des difficultés que peuvent rencontrer les francophones face à la compréhension de la parole continue. Nous nous penchons à présent sur la question principale de ce travail, à savoir comment les non-natifs peuvent traiter la variation dans une langue étrangère ; sont-ils en effet capables de la traiter ? 6 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais CHAPITRE 1 LES VARIÉTÉS DE L’ANGLAIS 1. Introduction Cette partie va détailler les travaux existants sur les variétés de l’anglais des Iles Britanniques. Nous nous concentrerons principalement sur les variétés régionales qui sont représentées dans le corpus IViE4 que nous avons utilisé pour nos expériences (cf. §1.2). Nous parlerons essentiellement de neuf accents régionaux,5 dont Belfast (B), Cambridge (C), Leeds (L), Malahide (M), Newcastle (N), Liverpool (S), Cardiff (W), Bradford-Panjabi (P) et LondresJamaïcain (J). Nous allons établir le système phonétique de chacune de ces variétés à l’aide de la littérature sur les accents et les dialectes. Cependant, il est d’abord important de donner plus de précisions sur certains de ces accents, notamment celui de Cambridge qui tient un rôle clé dans ce travail mais également ceux de Londres et de Bradford. Nous parlerons en premier de l’accent de Cambridge notamment parce qu’il détient une place très importante dans cette étude. Ensuite, nous évoquerons les deux accents de Bradford-Panjabi (P) et LondresJamaïcain qui apportent un aspect particulier à cause de leur double statut d’accent britannique et ethnique. Parmi ces variétés, celle de Cambridge est la plus proche de l’accent « Received Pronunciation » (RP). Nous avons vu que ce terme fut d’abord utilisé en 1869 par Ellis. Cet accent est largement considéré comme l’accent standard de l’anglais britannique et celui qui est utilisé en tant que modèle de prononciation britannique dans l’enseignement. En effet, il demeure le modèle de prononciation anglais enseigné notamment en France. Or, selon Crystal (1988), cet accent est réellement parlé par moins de 3% de la population en Grande-Bretagne et ne reflète plus tellement la réalité linguistique. Étant donné que la variété de Cambridge du corpus est celle qui se rapproche le plus de l’accent RP et, qu’a priori, ce dernier est celui avec lequel les apprenants francophones sont le plus familiarisés, elle (C) nous servira d’accent « témoin ». Il convient donc d’établir une comparaison entre les autres accents et celui de Cambridge ainsi qu’avec l’ensemble des résultats obtenus pour les expériences menées.6 Nous partons du principe que cet accent-là sera le mieux compris puisqu’il est celui auquel les apprenants de l’anglais sont le plus 4 English Intonation in the British Isles : http://www.phon.ox.ac.uk/files/apps/IViE// Ces accents seront codés par des lettres en majuscule qui seront désormais utilisées dans la suite de cette rédaction. 6 Cf. le chapitre 4 pour une explication de nos expériences. 5 7 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais habitués. De façon générale, l’accent RP est considéré comme l’accent britannique le plus intelligible. Cependant, à l’heure actuelle, il n’existe pas de recherches empiriques qui confirment ce point de vue. Par nos expériences, nous espérons pouvoir voir si cela est réellement le cas. En attendant, nous prenons comme point de départ l’accent RP qui est le plus connu et sera donc supposé être le plus intelligible. Nous nous servirons de cet accent pour comparer les autres variétés ainsi que leur compréhension. Dans le corpus IViE, deux variétés sont un peu particulières car elles sont chacune composées de deux accents, autrement dit, elles ont deux origines. Cela signifie donc qu’elles sont un mélange de l’accent « anglais » et d’une variété « ethnique ». Cela concerne les accents de Londres et de Bradford. Le premier contient à la fois des traits londoniens et des traits jamaïcains. Il s’agit de locuteurs qui vivent à Londres mais qui ont des ascendances jamaïcaines. Le deuxième est un mélange de l’accent de Bradford et de celui du Panjab,7 c'est-à-dire que ces locuteurs-là ont grandi à Bradford mais ont des origines au Panjab. Ce dernier groupe est bilingue ; de ce fait, leur parler est influencé par deux langues. Nous ne savions pas au départ comment ces accents allaient être perçus par les participants de nos expériences. Allaient-ils percevoir les différentes origines ou seulement l’une des deux? Nous pensons qu’il est plausible d’entendre les deux et qu’il est tout à fait possible d’avoir deux accents parallèlement. Cependant, en ce qui concerne la variété Bradford-panjabi, nous trouvons que les traits panjabis sont largement plus audibles que l’aspect septentrional. Tandis que les londoniens ont peut-être davantage de traits typiques de la capitale. La différence entre les deux est sans doute due au fait que les locuteurs de Bradford sont bilingues. Il est encore assez rare de trouver des accents minoritaires ou « ethniques » dans un corpus sur les accents régionaux et l’intérêt que cela présente nous a paru évident. Nous verrons qu’il existe peu de travaux sur la compréhension des accents régionaux par des non-natifs et encore moins sur l’intelligibilité des accents régionaux minoritaires. Du fait de l’existence de ces locuteurs, nous parlerons brièvement des traits phonétiques qui peuvent être apparents dans ce type de parler. Il existe un autre groupe de bilingues. Il s’agit des locuteurs de Cardiff qui parlent l’anglais et le gallois. Toutefois, leur accent nous semble très peu influencé par la langue galloise. Nous parlerons davantage de ce groupe dans la partie concernant le Pays de Galles (cf. section 1.7). 7 Le Panjab fait partie de l’une des quatre provinces de la République islamique du Pakistan. Le panjabi est la langue parlée dans cette région. 8 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Ce chapitre est construit de la manière suivante. Dans un premier temps, et avant de définir la terminologie que nous allons utiliser dans cette étude, nous exposerons les problèmes et les désaccords sur la terminologie dans le domaine des dialectes. Ensuite, nous établirons une description détaillée de chaque variété présente dans le corpus IViE. 1.1. La terminologie Lorsque nous voulons parler des variétés régionales, nous nous heurtons à une première difficulté qui est de trouver une harmonisation des définitions et des mots adéquats à utiliser. S’attaquer à un sujet tel que celui des accents est assez délicat puisque notre façon de parler est intimement liée à notre histoire personnelle. Autrement dit, dans un seul énoncé nous dévoilons une grande quantité d’informations, notamment sur notre environnement social et géographique. Nous pensons que c’est pour cette raison qu’il existe autant de problèmes terminologiques et que les phonéticiens éprouvent souvent des problèmes avec leurs définitions dans leurs propres travaux. Tous ces termes, qui sont parfois confus ou même contradictoires, nécessitent une mise au point avant d’avancer la terminologie que nous nous proposons d’utiliser dans ce travail. Nous avons décidé de ne présenter que les termes les plus fréquemment utilisés. La difficulté s’accroît et rend les choses plus délicates lorsque nous travaillons en plusieurs langues comme en anglais et en français puisque le mot « accent » est le même dans les deux langues, avec des significations diverses selon son contexte. En anglais, le mot accent fait référence, entre autres, aux différentes prononciations (régionales, sociales) et également à l’accent de mot, alors qu’en français, le terme renvoie plus systématiquement à la différence entre accents orthographiques : aigus, graves ou circonflexes. Cela dit, nous pensons que le mot « accent » ne se réfère qu’à la prononciation, contrairement au mot « dialecte » qui touche d’autres domaines, tels que la grammaire et le lexique. Chevillet (1991), qui a écrit le seul livre en français sur les variétés anglaises, utilise de façon systématique le mot accent lorsqu’il parle de la prononciation des locuteurs d’une région où d’une ville. Wells (1982) dit que les variantes phoniques relèvent uniquement de l’accent. Il explique qu’un accent régional peut tout de même être comparé à une deuxième langue, tellement la phonologie, la prosodie et la phonotactique peuvent être éloignées de l’accent « standard ». Les accents régionaux sont souvent regroupés comme des accents « non standards » par rapport aux accents « standards », ce qui fait plutôt référence aux accents de la Received Pronunciation en Grande-Bretagne et du General American pour les Etats-Unis. De manière générale, la 9 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais terminologie est assez complexe et reste souvent connotée. Dès lors, dans le cadre de ce travail, nous nous limiterons à aborder de manière sommaire les étapes les plus connues de l’évolution de notre terminologie.8 Dans les premiers travaux sur la phonétique anglaise, certains auteurs utilisent les expressions accents standards et non standards qui sont souvent synonymes de « bon anglais » (l’anglais de la cour ou des gens éduqués) ou de « mauvais ou anglais vulgaire » (celui des personnes ayant un accent régional).9 Pour certains, cette différence existe toujours. Bex et Watts (1999) citent et s’attaquent ouvertement à Honey (1997), un auteur connu pour sa position très défensive envers la sauvegarde de la RP et qui réitère les propos vieux de presque un siècle. Dans sa quatrième édition de « Pronunciation of English » de 1956, Daniel Jones admet qu’il ne se sent pas disposé à recommander une certaine manière de prononcer plutôt qu’une autre. Il explique qu’il va continuer à utiliser l’expression de « Received Pronunciation »10 pour parler d’une prononciation qui est très compréhensible et sans indication géographique. Il explique qu’il utilise ce terme « faute de mieux » et souhaite ôter toute connotation positive ou négative telle qu’un bon ou mauvais accent. Cette expression sera par la suite adoptée par la plupart des phonéticiens. Le terme received signifie que la prononciation est généralement acceptée par tout le monde. Contrairement aux autres termes, il ne désigne aucun aspect géographique et la RP n’est donc pas considérée comme un accent régional. Gimson (1968), admet qu’un « mauvais » accent peut être encore un obstacle pour l’avancement social d’une personne et que l’attention et la valeur accordées aux accents par les Britanniques ne trouve pas son équivalent dans d’autres pays. Trudgill (1974) reprend l’expression « anglais standard » pour parler des caractéristiques de l’anglais qui a le statut social le plus prestigieux, celui qui est utilisé dans les livres et la presse. Les variétés non standards sont celles qui utilisent des formes grammaticales différentes de celles utilisées dans les publications officielles, par exemple la double négation dans une phrase comme : I didn’t do nothing. Il utilise pour ceci le terme « dialecte » qui a le mérite d’être défini. Pour Trudgill, un dialecte dépend de deux aspects : l’origine géographique d’une part, l’origine sociale de l’autre. Le dialecte concerne les formes grammaticales et les différences lexicales. Trudgill (1974) explique que, dans les divers 8 Cf. Chevillet (1991) pour une description très détaillée des différences terminologiques. Wyld (1907). 10 Macaulay (1997 : 36), « la prolifération des parenthèses indiques l’embarras de Jones devant les implications sociales de ce terme ». 9 10 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais dialectes, il y a davantage de variations sociales que géographiques mais que les deux existent toujours. Pour cet auteur, tout le monde parle un dialecte et ce n’est pas quelque chose de purement rustique ou rural. Contrairement à cela, Wells (1982) affirme qu’il existe une différence entre les dialectes traditionnels qui sont effectivement plus ruraux et qui sont en train d’être peu à peu remplacés par des dialectes modernes ou urbains. Trudgill (1974) classe l’anglais standard comme un dialecte et selon lui la plupart des Anglais parlent l’anglais standard avec un accent régional. Il propose le terme « anglais d’Angleterre », qui est assez neutre socialement mais qui pourrait laisser sous entendre que les Écossais ne parlent pas anglais. Pour Wells (1982), lorsque l’on parle de dialecte, c’est pour évoquer des variations phonétiques, grammaticales, lexicales et sociales. Trouvant ce mot ambigu, il utilise le terme « dialecte traditionnel », c’est-à-dire celui qui est parlé dans une aire géographique précise en voisinage avec l’anglais. Il choisit d’utiliser l’expression « variétés standards » ou « non-standards » pour illustrer les différences syntaxiques, morphologiques, lexicales et également au niveau de la prononciation. Il propose également d’autres termes, tel que celui d’« acrolecte », pour parler de la forme la plus standard et prestigieuse, ou celui de « basilecte », qui correspond à la variété la plus éloignée de « l’acrolecte » et celui de « mesolecte » qui se situe entre les deux. Ces termes ont des connotations sociales et chacun fait référence à une classe sociale précise. Chevillet (1991) distingue dialecte régional et social. Il explique qu’il est peut-être difficile de les séparer et qu’il existe des cas où les deux se superposent comme pour le cockney qui est à la fois le dialecte stéréotype de Londres et celui de la classe ouvrière. D’autres auteurs rejettent le terme dialecte à cause de ses connotations péjoratives et de son manque de précision (Edwards, 1976). Nous ne rentrerons pas dans le détail ici sur les différents registres et les styles d’énoncés, sauf pour dire que la partie du corpus que nous avons choisie est uniquement constituée de parole lue. Elle est parfois assez emphatique et certains locuteurs utilisent une élocution théâtrale. En ce qui concerne le choix de la terminologie, nous suivrons l’exemple de Wells (1982) et de Chevillet (1991). Ainsi, par le terme « accent », nous désignerons la façon dont la prononciation d’une personne peut varier en fonction de ses origines géographiques (et 11 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais sociales).11 Pour éviter toute ambiguïté et des confusions possibles entre les différentes significations du mot « accent », nous parlerons, d’accent régional ou l’accent d’une ville, de variétés, de variétés régionales ou de la variété d’une ville donnée. Nous gardons l’expression RP puisqu’elle demeure la forme britannique la plus reconnue et sert fréquemment de modèle lorsqu’il s’agit d’établir une comparaison entre deux variétés. Il s’agit également du modèle de prononciation britannique souvent utilisé dans l’enseignement. Cette terminologie nous semble la plus claire et est celle qui sera utilisée dans ce travail. 1.1.1 Les travaux sur les variétés régionales En Grande-Bretagne, les différences qui existent entre les variétés du Nord et celles du Sud ne sont pas récentes. Dès le quatorzième siècle, certains écrivains avaient déjà noté les différentes prononciations qui existaient. Chaucer, par exemple, avait inventé un personnage avec un accent du Nord qu’il utilisait pour représenter une certaine classe sociale. Les premières recherches sur les variations régionales ont commencé à la fin du XIXème siècle en Allemagne. En 1892, Joseph Wright un des premiers dialectologues en Grande-Bretagne, a publié la première description d’un dialecte anglais. Il a également publié un dictionnaire des dialectes anglais (1898-1905).12 Ellis fut le premier à décrire tous les dialectes en quatre volumes de 1869 à 187413 et à utiliser l’expression RP. Selon Macaulay (1997), Ellis a utilisé pour la première fois ce terme en 1869 sans sous-entendu. Bien que cet accent ne soit pas associé à une région spécifique, nous pouvons considérer que : « In the present day we may, however, recognize a received pronunciation all over the country ... It may be especially considered as the educated pronunciation of the metropolis, of the court, the pulpit, and the bar ». (p.23)14 Depuis, la quantité de livres sur le système phonétique de la langue anglaise n’a cessé de croître mais la majorité décrit l’anglais standard et la RP. En 1982, Wells relance les recherches en publiant les trois volumes « Accents of English ». C’est le premier livre à donner une description détaillée d’un grand nombre de variétés urbaines d’anglais contemporain. Afin de comprendre pourquoi les différences entre les accents subsistent 11 Selon Wells (1982), les variations sociales sont les plus importantes lorsqu’il s’agit de la classe ouvrière, plutôt que la classe moyenne. Il faut noter que les locuteurs d’IViE sont issus de la classe moyenne, donc a priori auront un accent moins marqué. 12 Il s’agit du « English Dialect Dictionary » (EDD). 13 Son oeuvre s’intitule « On Early English Pronuncation » (EEP). 14 Citation du site : http://www.yaelf.com/rp.shtml 12 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais encore aujourd’hui nous avons noté que c’est une façon de montrer son appartenance linguistique à un groupe de personnes (Trudgill, 1991). Wells propose aussi plusieurs réponses. Le principe de l’effort minimal est une des premières causes. Ce principe est basé sur le fait qu’une personne va choisir une prononciation qui est plus facile à réaliser au niveau articulatoire. Par exemple, il explique qu’il est plus simple de dire le mot better avec un coup de glotte qu’avec un /t/. Il est également plus naturel de prononcer un mot comme middle de la façon suivante: /mɪdʊ/15 plutôt que /mɪdɫ/. Un autre exemple concerne les phonèmes /f/ et /v/ qui sont utilisés à la place de /ð/ et /θ/. Wells (1982) a nommé ce phénomène « THFronting ». Cette réalisation est souvent associée au langage des enfants ou aux personnes ayant des troubles langagiers. Normalement, la plupart des enfants apprennent à corriger ce trait mais certaines personnes le gardent en permanence. Le TH-Fronting était également fortement associé à l’accent londonien (Wells, 1982). Cependant, par le biais du phénomène du nivellement d’accents,16 ces réalisations sont désormais en train de se diffuser à travers tout le pays. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les différents phénomènes qui sont en train de créer des changements dans le paysage linguistique des Iles britanniques viennent d’autres variétés que celle de l’accent RP. Auparavant, l’utilisation de /f/ et /v/ à la place de /ð/ et /θ/ aurait été considérée comme une erreur de prononciation. Désormais, ce genre de changement est de plus en plus répandu, bien que pour les plus conservateurs d’entre nous cette réalisation soit toujours considérée comme incorrecte (cf. discussion dans Foulkes et Docherty, 1999 : 11). D’autres accents prennent une place importante dans les références ; c’est le cas par exemple de « Estuary English » (Rosewarne, 1984, 1994 cité dans Foulkes et Docherty, 1999).17 Il semblerait même que cette variété soit d’avantage acceptée que l’accent RP puisque son statut social est plus souple et qu’elle paraît plus atteignable que la RP. Alors, que reste-il de la RP ? 15 Nous utilisons soit les crochets soit les barres obliques selon les transcriptions de chaque auteur dans toute cette étude. 16 « Dialect levelling and by extension accent levelling is a process whereby differences between regional varieties are reduced, features which make varieties distinctive disappear, and new features emerge and are adopted over a wide geographical area ». Définition de Williams et Kerswill,1999. 17 Cf. ci-dessous pour davantage d’explications sur cette variété. 13 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.1.2. Quelle place pour la RP : son statut et sa position de modèle de prononciation en anglais langue étrangère La caractéristique principale de la RP est qu’en principe cet accent ne correspond à aucune région, mais plutôt à une classe sociale. Il est encore connu sous divers noms tels que « l’anglais de la BBC », « l’anglais de la Reine », « l’anglais des écoles privées ».18 Il s’agit de l’accent le plus prestigieux de l’anglais britannique. Il est associé à une éducation privée très élitiste et à une classe sociale dominante ou à la bourgeoisie. Cela signifie qu’un Écossais peut avoir une prononciation de type RP ou ce que Wells appelle « RP approximatif »19. Mais, un Écossais, un Irlandais ou un natif de Manchester, qui est intensément lié à sa région et son accent, va souvent garder un certain nombre de traits régionaux par signe d’appartenance régionale. Wells (1982) donne l’exemple d’un Écossais qui était fier d’avoir deux voyelles distinctes dans les groupes lexicaux STRUT et FOOT mais qui en aucun cas n’aurait établi la distinction entre BATH et TRAP.20 Il est notamment question de ces groupes-là puisqu’il s’agit des voyelles qui permettent de différencier entre le Nord et le Sud de la Grande Bretagne. Par contre, ces quatre groupes lexicaux portent également des connotations sociales. Dans l’exemple donné, l’Écossais est fier de distinguer entre STRUT et FOOT parce que c’est un signe d’une classe sociale élevée alors que la distinction entre BATH et TRAP est moins porteuse de connotations sociales et permet de montrer l’appartenance linguistique (Wells, 1982). Wells distingue plusieurs sortes de RP. Par exemple, il différencie la RP de la bourgeoisie, la RP approximative ou régionale, conservatrice, adoptive et courante.21 Nous avons choisi de ne parler que de la RP courante (mainstream) puisque elle est la plus fréquente de toutes et comporte moins de connotations sociales ou autres.22 Nous avons vu que cette variété est une des deux variétés enseignées aux non-natifs, non seulement à cause de son prestige mais également puisqu’elle est considérée comme une 18 Public school English, aussi connu sous le nom de « Cambridge or Oxford English ». Near RP signifie que la prononciation d’un individu a plusieurs similitudes avec la RP, mais garde quelques traits régionaux. (Wells, 1982). 20 Wells (1982) a établi des groupes lexicaux pour correspondre à chaque prononciation possible des mots. Par exemple, le groupe FOOT correspond au phonème /ʊ/ et STRUT à /ʌ/. Ces groupes lexicaux sont encore utilisés comme la référence pour une distinction inter-phonèmes. 21 Cf. Wells (1982) volume 1 pour plus de détails sur ces différentes sortes de RP. 22 Cependant, l’accent de Cambridge que nous utilisons comme accent « témoin » lors de nos expériences, comporte tout de même certains traits régionaux et pourrait donc être classé comme « RÉGIONAL ou NEAR RP ». Mais ces éléments sont très subtils et nous pensons que les auditeurs naïfs l’associeront tout simplement à l’accent RP courant. 19 14 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais variété très intelligible. Bien qu’elle bénéficie de ce statut, nous n’avons trouvé aucune preuve empirique pour affirmer que la RP est plus compréhensible que d’autres accents. Macaulay (1988) était le premier à remettre en question le statut de la RP en tant qu’accent standard ou norme pour l’enseignement des non-natifs. Il a attiré l’attention sur le fait que cet accent comporte des difficultés supplémentaires pour les apprenants de l’anglais, notamment à cause de la réalisation du /r/ ainsi que les nombreuses diphtongues. Wells (1997) remet en question son intelligibilité et les formes de cet accent, plus ou moins récentes, qui sont enseignées aux non-natifs. Par exemple, la diphtongue /ʊə/ continue d’être enseignée dans des mots tels que sure, alors que même dans la variété RP, cette réalisation est devenue assez conservatrice. Il semble nécessaire de mettre à jour certains ouvrages utilisés dans l’enseignement de l’anglais langue étrangère qui présentent des formes désuètes ou archaïques de la RP. Les accents changent et il est important de prendre certains de ces changements en compte. Foulkes et Docherty (1999 : 12) en conviennent en expliquant qu’étant donné les changements de la RP ainsi que le changement de son statut devenu moins favorable, « we might perhaps reassess the continuing role of RP as an educational norm particularly with regards to teaching English as a foreign language ». Une étude chronologique de Harrington, Palethorpe, et Watson (2000) a montré que même la Reine Elizabeth II a modifié sa prononciation à travers le temps et qu’elle est désormais plus proche de la RP courante. Selon Foulkes et Docherty (1999), avec le déclin de l’image de la RP, certains locuteurs cherchent à adopter un autre accent moins stéréotypé que la RP (par exemple, l’accent de l’estuaire). Le fait que cette variété soit associée à une certaine classe sociale a eu plusieurs conséquences et elle est souvent mal considérée pour tout ce qu’elle représente. Depuis quelque temps, certains linguistes lancent des appels pour renoncer à l’utilisation de cette variété dans l’enseignement de l’anglais aux non-natifs. Jenkins (2006) explique qu’il faut accepter l’accent non-natif et arrêter de le considérer comme une erreur. Elle s’appuie notamment sur le fait, qu’à partir d’un certain âge, les possibilités d’un apprenant d’acquérir un accent natif sont rares. Elle a rédigé le Lingua Franca Core, une liste de réalisations phonémiques qui sont primordiales pour la compréhension mais qui exclut beaucoup de réalisations standards. Par exemple, elle explique que ni la longueur des voyelles ni la réalisation de « th » par /θ/ et /ð/ ne sont essentielles à la compréhension. Macaulay (1988) a également attiré l’attention sur le fait que la RP contient des difficultés supplémentaires pour les apprenants non-natifs. La RP est souvent utilisée car ce modèle est 15 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais supposé être très facilement compréhensible mais ceci n’a jamais été démontré de façon empirique. Cependant, discuter du choix de l’accent qu’il convient d’enseigner peut être encore assez controversé. Il y a plusieurs enjeux dans ce choix. Avoir un modèle de prononciation semble nécessaire, mais est-ce que celui de la RP est toujours d’actualité ? Il existe des différences entre la RP des années 2000 et celle qui est enseignée aux non-natifs. Certains linguistes suggèrent à des degrés différents d’utiliser d’autres modèles de prononciation que celui de la RP. Ils expliquent que certains contrastes saillants rendent d’autres variétés plus faciles à comprendre. Ils n’hésitent pas à proposer l’apprentissage d’autres variétés régionales, soit pour essayer de contourner certaines difficultés de production ou simplement parce qu’ils estiment qu’un modèle a plus de propriétés bénéfiques pour la compréhension. Par exemple, lorsque Wells (2000) parle d’une difficulté bien identifiée, telle que la perception et la production du /l/ pour les Japonais, il suggère d’utiliser la prononciation de l’anglais de l’estuaire. Puisque cette variété utilise un /o/ à la place du /l/, c'est-à-dire milk est prononcé [mɪok] au lieu de [mɪɫk], cela permettrait aux Japonais de contourner une de leurs plus grandes difficultés en anglais sans rien enlever à leur compréhensibilité. Ces propos peuvent paraître surprenants, mais Wells souligne que cette réalisation est très fréquente et est utilisée par des millions d’Anglais et d’Américains. Abercrombie (1967) a très fortement argumenté en faveur des qualités de l’anglais d’Écosse qui serait un meilleur modèle pour les apprenants d’anglais que celle de la RP. Les raisons principales sont liées à ses caractéristiques rhotiques et aux larges contrastes vocaliques qui prônent une meilleure intelligibilité. D’autres vont plus loin dans leurs propos, comme Rajadurai (2007) qui affirme que c’est un mythe de dire que le locuteur natif constitue toujours la meilleure représentation de l’intelligibilité. Cependant les quelques études qui prouvent que les natifs ne sont pas toujours les plus intelligibles sont encore assez peu connues (Hanson et Ikeno, 2007 ; Fraser Gupta, 2005). Pour son dictionnaire de prononciation Wells (1999) met en place régulièrement des questionnaires sur la prononciation de certains mots qui peuvent refléter des changements dans la société anglaise. Ce type d’information pourrait être un moyen facile d’être au courant des changements et d’en parler lors des cours d’anglais. Wells a surtout noté que certaines réalisations de mots qui ont typiquement les voyelles de la RP ont tendance à évoluer vers une prononciation associée avec le nord. De cette façon, chance est plutôt /tʃants/ que /tʃɑːnts/ et la réalisation /wɒn/ (one) est préférée à /wʌn/. 16 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.2. Les variétés de l’anglais du corpus IViE La suite de ce chapitre est dédiée à la présentation et à la description des variétés qui sont présentes dans le corpus IViE (Intonational Variation in English). Voici la carte des Iles Britanniques avec les neuf variétés enregistrées dans ce corpus. Nous pouvons constaté que le corpus comporte donc deux accents du Sud Cambridge et Londres), quatre du Nord (Leeds, Liverpool, Bradford et Newcastle), un accent gallois (Cardiff) ainsi qu’un accent de l’Irlande du Nord (Belfast) et de l’Irlande du Sud (Malahide de la banlieue de Dublin). Figure 1.2 : Les variétés du corpus IViE23 En premier lieu, nous donnons le système de chaque variété, tel qu’il est proposé par Wells (1982). Bien que ses descriptions datent à peu près de l’année de la naissance des futurs locuteurs du corpus IViE, Wells demeure une des références principales en la matière. Les 23 Explication du sytème de numérotation des figures. Le premier numéro (1) correspond au chapitre et le deuxième à la partie du chapitre (2). 17 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais systèmes vocaliques sont donnés sous forme de mots clés représentant les groupes lexicaux de Wells (1982). Ces mots clés sont devenus un outil standard dans le domaine de la dialectologie. Wells (1999) souligne que ces mots clés et groupes lexicaux sont « intended to be unmistakable no matter what accent one says them in ». Foulkes et Docherty (1999) ont ajouté de nouveaux groupes lexicaux à ceux de Wells lorsqu’ils trouvaient nécessaire d’établir d’autres distinctions entre différents groupes de mots. Nous allons utiliser tous les groupes lexicaux de ces auteurs lorsque cela s’avère nécessaire.24 Dans le cas où le système proposé par Wells semble insuffisant ou considéré comme ne plus refléter la réalité linguistique récente, nous mettrons à la fois celui de Wells et d’autres systèmes, plus récents. Il peut arriver de mettre deux propositions différentes pour un seul phonème ce qui reflète une divergence de point de vue des linguistes. Il semble tout à fait normal qu’il y ait des points de vues différents. Les systèmes phonétiques proposés par divers auteurs peuvent également refléter davantage une classe sociale qu’une autre. Les locuteurs dans le corpus IViE appartiennent a priori à la classe moyenne et nous y ferons référence lorsqu’il y a des éléments spécifiques à ce groupe. Cependant, nous ne nous limitons pas seulement aux traits de cette classe mais nous décrivons également, de façon générale, les éléments qui nous semblent les plus caractéristiques de chaque accent. Certains traits comme l’omission du /h/ (H-dropping : Wells, 1982) ne sont pas mentionnés. Nous estimons que la plupart des locuteurs de toutes les variétés peuvent omettre le /h/. Nous en parlons surtout lorsqu’une variété est connue pour le garder, par exemple, l’accent de Newcastle. Nous donnons également les éléments généraux sur la région en question avant de parler des spécificités que nous avons trouvées pour chaque ville. 1.2.1. Received Pronunciation (RP) Cet accent va représenter le système de référence dans ce travail. Premièrement, c’est, de manière générale, ce statut que l’on lui accorde dans les recherches, et deuxièmement, il s’agit de l’accent qui est le plus proche de celui de Cambridge dans ce corpus. C’est l’accent de Cambridge qui est l’accent témoin dans cette étude ; de fait, par ce biais, la RP l’est également. Nous ne prétendons pas que les deux soient complètement comparables. L’exemple d’un accent rural de Cambridge en est très loin. Mais le parler des locuteurs du 24 Par exemple, le groupe lexical de horSES représentent les terminaisons –es et –ed qui n’existent pas dans les groupes lexicaux de Wells (1982). 18 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais corpus IViE nous semble se rapprocher de la RP. De plus, dans la littérature il n’existe pas de système vocalique établi spécifiquement pour la ville de Cambridge. Wells (1982) parle de la variété de « East Anglia » qui comprend une partie du Cambridgeshire et nous ferons de même.25 L’accent le plus souvent associé avec cette région est celui de Norwich. Cependant, il est très différent de l’accent de Cambridge tel que nous le trouvons dans ce corpus. C’est également pour cette raison que nous utilisons le système de la RP ci-dessous. 1.2.2. Le système vocalique de la RP (Wells, 1982) KIT ɪ FLEECE i: NEAR ɪə DRESS e FACE eɪ SQUARE eə TRAP æ PALM ɑ: START ɑ: LOT ɒ THOUGHT ɔ: NORTH ɔ: STRUT ʌ GOAT əʊ FORCE ɔ: FOOT ʊ GOOSE u: CURE ʊə BATH ɑ: PRICE aɪ happY ɪ CLOTH ɒ CHOICE ɔɪ lettER ə NURSE ɜ: MOUTH aʊ commA ə Nous pouvons noter que le groupe lexical de CURE peut également avoir le phonème /ɔː/. Nous ne nous attarderons pas sur cet accent puisqu’il est le plus connu et le plus largement décrit dans la littérature. En ce qui concerne le coup de glotte intervocalique, il est encore considéré comme « non standard », et ne fait pas a priori, partie de cette variété (Sebba, 2007). Son utilisation est très critiquée par les médias (Foulkes et Docherty, 1999) 25 Cependant, Nolan explique que la ville de Cambridge est devenue désormais plus associée avec la banlieue londonienne au niveau de son accent (communication personnelle). 19 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.3. L’Angleterre du Sud Il y a deux accents de l’Angleterre du Sud dans le corpus IViE. Nous venons de parler de l’accent de Cambridge et expliquer les raisons qui nous poussent à utiliser l’incidence de la RP lorsque nous parlons de la variété de Cambridge. Nous allons tout de même présenter le système phonologique qui est représentatif du Sud-est de l’Angleterre dont le comté du Cambridgeshire fait partiellement partie (Wells, 1982). L’autre variété du Sud dans le corpus d’IViE est celle de Londres. Plus précisément, il s’agit d’un accent Londonien-Jamaïcain. Il y a plusieurs accents différents dans la ville de Londres, mais ils existent sur un continuum et il n’y a pas de ligne nette où l’un commence et l’autre se termine. Nous allons donc rapidement présenter les variétés principales de Londres, c'est-àdire, le cockney, « Popular London » et « Estuary English ». Le cockney ne concerne, a priori, que la classe ouvrière. Étant donné que les locuteurs d’IViE sont censés être de classe moyenne, il est possible qu’il n’y ait pas d’éléments du cockney dans leur parler. Néanmoins, nous allons tout de même établir les différences entre les principaux accents londoniens et ensuite voir quels aspects se trouvent chez des locuteurs d’IViE. À la fin de ce chapitre nous avons également abordé les deux variétés minoritaires, c'est-à-dire l’anglais jamaïcain et celle de l’anglais panjabi.26 1.3.1 Londres Nous venons d’expliquer qu’à Londres, il y a plusieurs catégories d’accents. Nous allons donc présenter ces trois variétés puisque toutes les trois peuvent influencer le parler des locuteurs du corpus IViE. Le cockney est sans doute la variété la plus connue de la capitale. Cet accent est normalement associé à la classe ouvrière (Wells, 1982). C’est à partir des années 80 que l’accent appelé Estuary English, c’est-à-dire l’anglais de l’estuaire, a été décrit (Rosewarne, 1994 cité dans Kerswill, 2001). C’est un mélange de l’accent cockney et de la RP, mais qui est plutôt associé à la classe moyenne. Entre ces deux, Wells (1982) parle d’un autre accent qu’il appelle « Popular London » (l’accent populaire 26 Cf.1.7 : sur les variétés ethniques. 20 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais londonien). Il existe donc un continuum allant du cockney jusqu’à la RP que nous allons décrire dans la section suivante. 1.3.1.1. Le cockney Cet accent vient des quartiers de l’est de Londres. Dans le dialecte du cockney nous trouvons du rhyming slang (un jargon fondé sur des rimes). Bien que cette façon de parler soit de moins en moins entendue, certaines de ces expressions ont fait leur entrée dans d’autres variétés et sont devenues des expressions courantes.27 Autrement dit, ces expressions se sont infiltrées dans d’autres variétés de l’Angleterre. Wells (1982) ne présente pas le cockney sous forme de tableau séparément de l’accent populaire londonien mais le décrit suffisamment pour montrer que les deux sont bien distincts. Le cockney est décrit comme le dialecte traditionnel de la classe ouvrière de Londres. Mais c’est également l’accent stéréotype qui est le plus fréquemment associé avec la capitale et qui a été rendu célèbre dans des films comme My Fair Lady. Wells (1982) affirme que cet accent est la source qui a le plus d’influence sur les innovations phonologiques en Angleterre. Kerswill (1996) explique que c’est le langage des adolescents de Londres qui est le plus innovateur et qu’il est une véritable source des diverses variations qui se trouvent souvent diffusées dans tout le pays. Bien entendu, toute la classe ouvrière ne parle pas le vrai « cockney ». C’est une question de géographie mais on retrouve quelques caractéristiques du cockney dans l’accent général de la classe ouvrière. C’est pourquoi nous parlons également de l’accent populaire londonien (désormais PL), un accent qui englobe de façon plus générale la classe ouvrière et qui est, selon Wells (1982), moins éloigné de l’accent RP. Il choisit cet accent (PL) pour représenter le système phonologique de Londres. Le cockney est non seulement très différent de l’accent PL au niveau des voyelles mais également au niveau des consonnes. Par exemple, contrairement à l’accent PL, l’omission du /h/ initial (H-Dropping) dans le cockney est presque systématique (Wells, 1982). Ce trait est également devenu de plus en plus commun dans toutes les variétés sauf à Newcastle Upon Tyne (Wells, 1982). Par contre, dans le véritable cockney, le phonème /h/ est également ajouté au début des mots qui n’en ont pas. Par exemple, un mot comme apple serait prononcé happle. Ce trait n’est pas sans rappeler la faute que font énormément d’apprenants francophones lorsqu’ils omettent le /h/ dans les mots tels que hungry et l’ajoutent devant une 27 Par exemple : dog and bone ce qui signifie téléphone, bread and butter veut dire l’argent. 21 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais voyelle comme dans angry. Que cela soit fait par un Londonien parlant le cockney ou un francophone, la plupart des Anglais pourrait considérer ces réalisations comme incorrectes. Cependant, selon certains linguistes (Wells, 1982, Abercrombie, 1967 et Jenkins, 2006) il n’est pas problématique de choisir une prononciation autre que celle de la RP dans la mesure où elle est plus facile à réaliser et qu’elle n’empêche pas la compréhension. Il convient maintenant de regarder le système vocalique du cockney plus en détail avant d’ajouter quelques commentaires. 1.3.1.2. Le système vocalique du cockney (Wells, 1982) KIT ɪ FLEECE əi NEAR iə DRESS ɛ FACE æɪ/aɪ SQUARE eə TRAP æ PALM ɑ: START ɑ: LOT ɒ THOUGHT ɔə/ɔo/o̜ʊ STRUT a GOAT FOOT ʊ BATH NORTH ɔə/ɔo/o̜ʊ aʊ/aɤ FORCE ɔə/ɔo/o̜ʊ GOOSE əʉ/ʉː CURE uə ɑ: PRICE ɒɪ happY əi CLOTH oː CHOICE oɪ lettER ə NURSE ɜ:/œ̈ː MOUTH æ: commA ə Les triphtongues et le grand usage de diphtongues sont considérés comme des marqueurs typiques de l’accent cockney. Les voyelles /a/ et /ɑ:/ ont la même distribution qu’en RP mais sont réalisées /ɛ/ et /ɛi/ (Hughes et Trudgill, 1979). Ces derniers ne donnent pas les mêmes phonèmes que Wells (1982) pour plusieurs groupes lexicaux, c'est-à-dire que happY est transcrit avec un /i:/, FACE avec [æɪ], GOAT avec [ʌʉ] et PRICE avec [ɑɪ]. 22 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.3.1.3. Les consonnes du cockney À l’heure actuelle, le coup de glotte peut remplacer le /t/ dans plusieurs variétés mais il était fortement associé et continue à l’être avec l’accent de Londres, notamment avec celui du cockney. Sa distribution est en partie semblable à celle de la RP surtout au niveau du /t/ intervocalique et final, mais il peut aussi renforcer, voire remplacer le /p/ et le /d/ final (Hughes et Trudgill, 1979). Dans un accent très marqué le coup de glotte peut remplacer /f/, /v/, /θ/ et /ð/, par exemple safer → [ˈsʌɪʔə] et different → [ˈdɪʔrən̩] (Wells, 1982). La labialisation du TH (TH-fronting) est également, à l’origine, associée avec cette variété. /θ/ et /ð/ sont réalisés /f/ et /v/. Il devient donc possible de confondre three avec free. Nous avons déjà mentionné que beaucoup de traits innovateurs viennent de cette variété, et comme tant d’autres, le TH-fronting est également en train de se diffuser dans d’autres variétés. La terminaison –ing est /ɪn/ ou parfois /ɪnk/ dans les mots tels que nothing et something (Hughes et Trudgill, 1979). 1.3.2. L’accent populaire londonien La région où l’on peut entendre l’accent populaire londonien comprend non seulement Londres mais également les Home Counties (les comtés qui entourent Londres). Il s’agit des comtés du Kent, du Surrey, du Sussex, du Hertfordshire, de l’Essex, une partie de Buckinghamshire, le Berkshire et le Bedfordshire. Ces comtés sont très liés à Londres, notamment de façon linguistique, puisqu’un grand nombre de leurs habitants travaillent à Londres. C’est seulement dans les endroits très ruraux que des éléments du dialecte traditionnel persistent. Par exemple, dans le Kent et le Surrey ruraux, le seul genre de différence phonétique que Wells (1982) souligne est la rhoticité. La classe moyenne possède normalement un accent qui est plus proche de la RP que l’accent PL tout en gardant certains traits régionaux. Wells (1982) introduit une nouvelle catégorie qu’il appelle « London Regional Standard » qui serait apparemment plus proche de la RP que l’accent PL. Néanmoins, il ne donne que très peu de détails et nous n’en parlerons pas davantage. 23 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Voici maintenant le système vocalique de l’accent populaire londonien suivi de nos commentaires. 1.3.2.1. Le système vocalique de l’accent populaire londonien (Wells, 1982) KIT ɪ FLEECE ɪi NEAR iə DRESS e FACE ʌɪ SQUARE eə TRAP æ PALM ɑ: START ɑ: LOT ɒ THOUGHT oː/ɔə NORTH oː/ɔə STRUT ʌ GOAT ʌʊ FORCE oː/ɔə FOOT ʊ GOOSE ʉː CURE uə BATH ɑ: PRICE ɑɪ happY ɪi CLOTH ɒ CHOICE ɔɪ lettER ə NURSE ɜ: MOUTH æʊ commA ə L’incidence lexicale ou la distribution lexicale28 est assez proche de celui de l’accent RP, mis à part quelques exceptions. Dans le groupe lexical MOUTH, la classe moyenne peut avoir la diphtongue /ɑʊ/ très proche de /aʊ/ en RP mais avec une articulation davantage postérieure pour éviter d’utiliser /æʊ/ qui est davantage marquée socialement (Wells, 1982). À Londres, bored (/ɔə/) et board (/o:/) ne sont pas forcément des paires minimales, alors que la RP n’a qu’un phonème (/ɔ:/) dans les groupes lexicaux THOUGHT, NORTH et FORCE. 28 Speech Internet Dictionary à: http://www.phon.ucl.ac.uk/home/johnm/sid/sidl.htm. Définition d’incidence lexicale: « A possible feature of the difference between two accents of a language. Lexical incidence differences involve the occurrence of different phonemes in the same word in the two accents in question and do not necessarily have implications for the phonological systems of the two accents, nor for the phonetic realisation of the phonemes in question. An example of a lexical incidence difference between northern and southern accents of English involves words such as pass, laugh, bath. In many northern accents these contain the vowel phoneme /æ/, whereas in the south the vowel is usually /ɑː/. Both accents have both phonemes, /æ/ in gas, mass, for instance and /ɑː/ in father ». 24 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais De la même façon, roller (/ɒə/) et polar (/ʌʊ/) ne riment pas. Dans les groupes lexicaux NEAR, SQUARE, THOUGHT-NORTH-FORCE, CURE et MOUTH il existe à la fois une diphtongue et une monophtongue. Ainsi nous retrouvons également dans ces groupes /ɪ:/, /ɛ:/, /ɔ:/, /ʊ:/ et /æ:/ respectivement. Il n’y a pas de règle fixe concernant la distribution mais Wells (1982) explique que les monophtongues sont plus courantes à l’intérieur d’un mot tandis que les diphtongues apparaissent fréquemment à la fin d’un mot ou dans une syllabe proéminente. Une des façons les plus faciles pour distinguer les deux accents (le cockney versus PL) se fait par le groupe lexical de MOUTH ; l’accent de cockney le réalise /mæ:f/ ou /ma:f/ avec des monophtongues alors que l’accent populaire londonien a plutôt des diphtongues (/mæʊf/ ou /mæʊθ/). 1.3.2.2. Les consonnes de l’accent populaire londonien En ce qui concerne les consonnes, l’aspect le plus marqué de l’accent londonien (en général) est que la consonne /l/ est réalisée comme une voyelle. Ce phénomène s’appelle la vocalisation du /l/.29 Deux exemples sont fill et field qui sont prononcés /fɪo/ et /fɪod/. /l/ se transforme la plupart du temps en /o/ ou /ʊ/. Lorsque la voyelle précédente est /ɔ:/, il n’y a pas de transformation, les mots Paul’s et pause sont ainsi identiques (Hughes et Trudgill, 1979). Il est de plus en plus possible de trouver cette réalisation dans d’autres variétés. Un autre trait est la chute du yod (Yod-dropping) après une occlusive alvéolaire donnant des prononciations caractéristiques comme /tʉ:n/ (tune) et /dʉ:/ (dew) (Chevillet, 1991). 1.3.3. L’anglais de l’estuaire Rosewarne (1984, 1994 cité dans Foulkes et Docherty, 1999) fut le premier à parler d’une variété qu’il a appelée « Estuary English ». Rosewarne (1994 : 3, cité dans Kerswill, 2001) définit cette variété de la manière suivante : 29 L-Vocalisation (Wells, 1982). 25 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais « Estuary English is a variety of modified regional speech. It is a mixture of nonregional and local south-eastern English pronunciation and intonation. If one imagines a continuum with RP and popular London speech at either end, Estuary English speakers are to be found grouped in the middle ground. They are between Cockney and the Queen’, in the words of The Sunday Times ». Ce terme a été énormément employé par les médias. Watt et Milroy (1999) suggèrent que ce n’est pas une variété d’anglais à part entière mais plutôt une forme de langage nivelée. Tous les traits caractéristiques de cette variété existent sur un continuum à la fois sociolinguistique et géographique se situant entre la RP et le cockney. Pour cette raison, cette variété est une solution linguistique assez attirante puisqu’elle ne représente ni la forme standard (RP) ni la forme non-standard (cockney). C’est à la fois la raison de son « succès » mais aussi la cause de la diffusion de certains de ses traits dans d’autres variétés en Angleterre (Foulkes et Docherty, 1999). Il s’avère qu’à cause de son statut social intermédiaire, les Anglais ont moins de problèmes pour adopter certains de ses traits, par rapport à la RP, qui n’a pas toujours une image positive. Watt et Milroy (1999) suggèrent que ce n’est pas une variété d’anglais à part entière mais plutôt une forme de langage nivelée. Il n’existe pas assez d’éléments pour établir le système vocalique en entier pour cette variété. Nous allons simplement parler des traits les plus caractéristiques de cet accent. 1.3.3.1. Les voyelles de l’anglais de l’estuaire L’anglais de l’estuaire partage certaines prononciations avec le cockney (Wells, 1997). Voici les traits les plus saillants : • La voyelle dans le groupe lexical de happY est longue [i:].30 • Les mots du groupe lexical GOAT sont prononcés [ɒʊ] devant un /l/ sombre, mais le /l/ peut également être prononcé /o/ à cause de sa vocalisation, par exemple [rɒʊo]. • 30 PRICE est énoncé [prɑɪs] et MOUTH est [mæʊθ]. Nous avons utilisé les crochets ici [ ], comme le fait l’auteur. 26 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.3.3.2. Les consonnes de l’anglais de l’estuaire • La vocalisation de /l/ pré-consonantique. • Le coup de glotte à la place du /t/, en position non-initiale et pré- vocalique (ex : take i’ off). • Le yod qui apparaît dans les mots tels que tune dans la variété RP est plutôt réalisé avec [tʃ]. • La réalisation de [dj] dans les mots comme reduce est [dʒ]. • Le /r/ se rapprocherait de [ʋ]. • Selon Wells (1997), /θ/ et /ð/ ne sont pas réalisés /f/ et /v/ comme dans l’accent cockney. Cependant, Trudgill (1990) associe cette prononciation avec tous les comtés qui entourent Londres. Elle est également en train de se diffuser dans tout le pays. 1.3.4. Le Sud-Est L’Anglia de l’Est31 se trouve dans le Sud-est de l’Angleterre. Cette région comprend le Norfolk, le Sulfolk, une partie du Cambridgeshire et de l’Essex. Les villes les plus importantes sont Ipswich et Norwich. Trudgill (1974) est notamment connu pour ses travaux sociolinguistiques sur la ville de Norwich qui était une des premières études de ce genre. Wells (1982) a également basé son système phonologique pour la région sur la ville de Norwich mais il souligne qu’il peut y avoir des déviations vers la RP ou l’accent de Londres. 1.3.4.1. Le système vocalique de l’Anglia de l’Est (Wells, 1982) KIT ɪ FLEECE i: NEAR ɛː DRESS ɛ FACE æi SQUARE ɛː TRAP æ PALM a: START a: LOT ɒ THOUGHT ɔː NORTH ɔː 31 En anglais « East Anglia ». 27 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais STRUT ʌ GOAT ʌʊ/uː/ʊ FORCE ɔː FOOT ʊ GOOSE ʉː CURE ɜ:/ɔː BATH a: PRICE ʌi happY i CLOTH ɒ/ɔ CHOICE oi lettER ə NURSE ɜ: MOUTH æʉ commA ə 1.3.4.2. Les consonnes de l’Anglia de l’Est Sur le plan consonantique, Chevillet (1991) retient trois phénomènes : la glottalisation du /t/, l’omission du /h/ initial et la neutralisation du /l/ sombre et clair. Bien entendu, les deux premiers sont maintenant considérés comme des traits assez communs dans plusieurs variétés. Nous avons également l’impression que la neutralisation du /l/ sombre et clair est en train de se répandre dans plusieurs variétés tout comme la vocalisation du /l/. Chevillet (1991) affirme que plus un accent est septentrional, moins cette distinction entre les deux formes du /l/ existe. La terminaison –ing est typiquement /ən/ dans cette variété (Hughes et Trudgill, 1979). 1.3.4.3. Cambridge Cette ville évoque au moins deux variétés d’accents. Premièrement, Wells (1982) explique qu’une partie du Cambridgeshire a le même accent que la région de l’Anglia de l’Est. Néanmoins, la ville de Cambridge est fortement associée à l’accent de la RP (de la même façon que la ville d’Oxford peut l’être), tout simplement à cause de ses écoles et universités. Nous avons déjà souligné le fait que la RP peut aussi être appelée Oxford ou Cambridge English ou alors Public School English. Les premiers noms parlent d’eux-mêmes, mais il faut ajouter que la plupart des « Public Schools » sont souvent associées à une de ces villes. Nous pensons que c’est à cause de cette association étroite que nous n’avons trouvé aucune étude détaillée sur cette variété. Étant donné que les locuteurs du corpus IViE sont issus de la classe moyenne, nous nous attendons donc à ce qu’ils aient un accent proche de celui de la RP. Le système phonétique de 28 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais ce dernier nous servira de base pour les locuteurs venant de Cambridge. Nolan les classent comme des locuteurs de « SSBE» (Standard Southern British English) qui peut être globalement associé à une sorte de RP moderne.32 1.4. Le Pays de Galles Au Pays de Galles, l’anglais est la langue principale depuis le seizième siècle. En 1991, 35% des Gallois étaient bilingues mais seulement 20% en 1971 (Chevillet, 1991). Depuis l’an 2000, l’enseignement de la langue galloise est obligatoire dans les écoles.33 Aujourd’hui, il existe des personnes pour qui l’anglais est leur deuxième langue. Mais malgré le fait que le gallois soit une langue rhotique, il n’y a que quelques endroits qui ont gardé leur rhoticité en anglais. Pour Chevillet (1991) et Wells (1982) le Nord et le Sud du Pays de Galles sont bien différents, surtout au niveau de leur relation avec la langue galloise. Wells (1982) donne le système vocalique pour le Sud-est du pays (ci-dessous). Chevillet (1991) indique que dans le Sud, on parle un anglais qui se démarque nettement des origines galloises et qui possède davantage d’affinités avec l’anglais des Midlands de l’ouest et du Sud de l’Angleterre. Au Sud, le substrat celtique est minime contrairement au Nord où l’influence du gallois se fait davantage sentir. Wells (1982) explique que la rhoticité persiste dans le Nord mais également chez certaines personnes pour qui le gallois est la première langue. Nous allons nous concentrer seulement sur le Sud-est du Pays de Galles puisque la ville qui nous intéresse, c'est-à-dire Cardiff, s’y trouve. Les locuteurs du corpus d’IViE viennent de cette ville. Dans un premier temps, nous parlerons des détails recueillis au cours de nos recherches sur le Sud-est du pays pour ensuite parler de la ville de Cardiff elle-même. 32 Communication personnelle: « SSBE is in itself controversial - some people object to 'Standard'; but the fact is this variety of pronunciation is the one to which people tend to modify their speech and in that sense a 'target' when people wish to, in some sense, standardise their pronunciation. The problem with “RP” is that it was originally a very tightly defined variety of pronunciation, associated with a very narrow social stratum. We recorded at Cambridge in order to get a sample of Standard Southern British English pronunciation, which might broadly be considered the modern, and some democratised, equivalent of “RP” » (Nolan, F.) 33 http://www.mod.uk/DefenceInternet/DefenceFor/ServiceCommunity/Education/CurriculumInWales.htm 29 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.4.1. Le système vocalique du Sud-est du Pays de Galles (Wells, 1982) KIT ɪ FLEECE i: NEAR jɜː/iːə DRESS ɛ FACE ei/e: SQUARE ɛː TRAP a PALM aː START aː LOT ɒ THOUGHT ɔ: NORTH ɔ: STRUT ə GOAT ou/o: FORCE ɔ: FOOT ʊ GOOSE u: CURE uːə BATH a/aː PRICE əi happY i: CLOTH ɒ/ɔ: CHOICE ɔi lettER ə NURSE ɜ: MOUTH əu commA ə Dans cette section, nous commentons les traits les plus caractéristiques de l’anglais parlé au Sud-est du Pays de Galles. La réduction vocalique en syllabe finale fermée et inaccentuée ne se produit pas (Chevillet, 1991). Par exemple, le mot moment est prononcé [ˈmo:mɛnt]. Il est impossible d’avoir une voyelle longue en syllabe inaccentuée tel que dans le mot expert qui est réalisé [ˈɛkspət]. Ce phénomène est peut être lié à l’influence de la langue galloise (Chevillet, 1991). Les suffixes –ed, -est sont souvent réalisés avec la voyelle /ɛ/, par exemple : /landɛd/ (Wells, 1982). Apparemment, la réalisation des voyelles réduites ou non-réduites est souvent le contraire de ce qui se produit en RP. Un autre exemple est celui de /a/ en position pré-tonique dans des mots tels que above /aˈbəv/ (au lieu de /ə/ en RP). Le groupe lexical de GOOSE peut avoir la voyelle /u:/, comme l’affirme Wells (1982), mais celle-ci s’oppose à la diphtongue /ɪu/ (Chevillet, 1991). La distribution est la suivante : les mots orthographiés <-o, -oo, -ou> sont prononcés avec /u:/, et les mots en <-u, -ue, -eu, -ew> avec la diphtongue /ɪu/. En général, selon Chevillet, (1991) il n’y a pas de diphtongues 30 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais mixtes : c'est-à-dire, /ɪə/, /ɛə/, /ʊə/, comme il existe en RP. Les semi-vocaliques (/w/ et /j/) viennent s’insérer dans les mots qui contiennent ces diphtongues-là. Ainsi le mot fear est souvent réalisé /fi:jə/ et poor est /pu:wə/. La voyelle de NURSE peut être arrondie en [ø]. Cela dit, Chevillet (1991) met en garde les francophones de ne pas utiliser cette réalisation qui ressemble à la prononciation du mot bœuf en français, à moins d’avoir un accent gallois parfait. Les groupes lexicaux TRAP et PALM sont réalisés avec la voyelle /a/ la seule différence entre les deux réside dans la longueur de la voyelle et non dans sa qualité : /kat/ - cat et /ka:t/ - cart (Trudgill, 1990). Mees et Collins (2008) rejettent cette hypothèse en disant qu’il y a toujours une différence entre la qualité des deux groupes (TRAP /a/ et PALM /æ/). Concernant les mots de type FACE et GOAT, ils peuvent être produits avec les monophtongues /e:/ et /o:/ respectivement. 1.4.2. Les consonnes du Sud-est du Pays de Galles Dans sa globalité, l’accent gallois n’est pas rhotique. En ce qui concerne les différentes réalisations de /r/, elle varie selon sa position. Le /r/ intervocalique est réalisé /ɾ/. Dans toute autre environnement il varie entre [r] et [ɾ] et peut même être [ɹ]. Les occlusives sourdes sont fortement aspirées comme cela est le cas en RP. En revanche, elles le sont également à la position médiane, par exemple le mot upper est réalisé [ˈəpʰə]. Chevillet (1991) souligne un phénomène intéressant en expliquant que l’aspiration touche aussi les occlusives sonores. Par conséquent, ces dernières peuvent être confondues avec les occlusives sourdes. De ce fait, les écrivains britanniques parodient l’accent gallois en écrivant « Pring the pottle Petty » pour « bring the bottle Betty » (Chevillet, 1991). /l/ est clair dans tous les contextes. Les consonnes de cette variété diffèrent d’autres variétés (d’Angleterre) par leur durée, surtout lorsqu’elles sont en position intervocalique. Cela concerne le plus souvent les consonnes sourdes. Hughes et Trudgill (1979) parlent plutôt d’un doublement de consonne qu’il note [ˈsi:t:i:] - city. Regardons maintenant les aspects spécifiques à la ville de Cardiff. 31 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.4.3. Cardiff La ville de Cardiff se trouve dans le comté de Glamorgan situé au Sud du Pays de Galles. Dans cette partie du pays, l’anglais est parlé depuis bien avant 1800, ce qui pourrait expliquer l’attitude quelque peu favorable envers l’anglais (Mees et Collins, 1999). Selon Mees et Collins (2008), la perception des habitants de Cardiff envers les différents accents diffère de celle des Gallois du reste du pays. La plupart des habitants de Cardiff ne considèrent pas l’accent du Pays de Galles comme un modèle prestigieux et n’ont pas forcément embrassé le renouement général avec la culture et la langue galloises comme cela est le cas dans le reste du pays. Ils ne s’y identifient pas et de ce fait ne cherchent pas à avoir un accent très prononcé, qui pourrait souffrir d’une stigmatisation négative. La RP ne subit pas d’avis négatif comme cela peut être le cas dans le reste du pays. Mees et Collins (2008) émettent l’hypothèse que le manque de sentiment d’appartenance entraîne certains locuteurs, voire encore plus des locutrices (femmes) de Cardiff à utiliser les traits caractéristiques de la RP, comme pour s’éloigner des traits de l’accent local.34 La classe moyenne de Cardiff utilise des coups de glottes parce qu’ils sont considérés comme un trait prestigieux et ne sont pas stigmatisés (Mees et Collins, 1999). L’anglais de Cardiff est très différent de celui trouvé dans le Nord de l’Angleterre, cependant, il est possible d’observer quelques similarités avec le Sud-ouest de l’Angleterre (Wells, 1982). Selon Mees et Collins (1999), cette variété a beaucoup de traits communs avec celle des comtés du Sud comme le Gloucestershire et le Somerset. Ces ressemblances se manifestent, par i) la présence de la distinction allophonique du /l/ clair et sombre, ii) l’absence de l’intonation typique du Pays de Galles, iii) l’absence de certains contrastes vocaliques (cf. cidessous) et iv) l’utilisation très fréquente de l’assimilation et de l’élision (cf. la partie sur les consonnes pour des exemples). L’histoire de la ville de Cardiff ainsi que ces attitudes et sentiments d’appartenances diverses expliquent les différences entres certains aspects de l’accent de Cardiff et le reste du pays. Il est donc important d’établir un système vocalique propre à Cardiff. Le système que nous avons décrit ci-dessus recouvre le Sud du pays en général (Wells, 1982), toutefois il reste possible de trouver certains de ces traits chez les locuteurs d’IViE. Cependant, le système 34 Labov fut le premier à remarquer ce genre de phénomène, notamment à Martha’s Vineyard (1976). 32 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais vocalique présenté ci-dessous est davantage représentatif de l’accent de Cardiff et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, puisqu’il a été établi spécifiquement par rapport à la ville de Cardiff, ensuite il est plus récent et risque de refléter davantage la prononciation des locuteurs d’IViE. Ces remarques nous amènent à apporter quelques commentaires concernant ce système dans la section suivante ; viendront également s’ajouter les points de vue d’autres spécialistes apportant des informations spécifiques sur cet accent. 1.4.3.1. Le système vocalique de Cardiff (Mees et Collins, 1999)35 KIT ɪ FLEECE i: NEAR jøː/iːə DRESS ɛ FACE ei BEER36 iːə TRAP a PALM æː SQUARE ɛː LOT ɒ THOUGHT ʌː START aː STRUT ə GOAT ɤu NORTH ʌː FOOT ɤ GOOSE u: FORCE ʌː BATH a/æ PRICE əi CURE juːə/jʌː CLOTH ɑ CHOICE ʌi happY i NURSE øː MOUTH ʌu lettER ə horSES37 ɪ commA ə Il faut constater qu’il n’existe que quelques différences entre le système vocalique de Wells pour la région du Sud-Est (1982) et celui de Mees et Collins (1999). La première chose que nous pouvons remarquer est que ces auteurs ont ajouté deux groupes lexicaux supplémentaires au système vocalique proposé par Wells. De manière générale, les auteurs qui ont écrit depuis la publication de Wells en 1982 rajoutent d’autres groupes lexicaux, bien 35 Les groupes lexicaux apparaissent dans l’ordre donné par l’auteur. BEER concerne certains mots qui aurait normalement appartenu à NEAR mais qui sont à part dans cette variété (Cf. ci-dessous). 37 horSES fait référence à la voyelle utilisé dans les formes plurielles : -es, et le suffixe du passé : -ed. 36 33 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais qu’ils restent fidèles aux principaux mots clés de Wells. Pour cette variété, il s’agit des groupes lexicaux de horSES et BEER. HorSES représentent les terminaisons –es et –ed qui n’existent pas dans les groupes lexicaux de Wells (1982). En ce qui concerne le groupe BEER, il établit la distinction entre certains mots du groupe original qui est NEAR. Selon Mees et Collins (1999), le groupe de NEAR38 ne représente que quelques mots tels que : near, mere, year, ear, here, hear et leurs dérivatifs. Alors que la voyelle dans BEER est utilisée pour tous les autres mots de ce groupe lexical, par exemple, idea, real. Devant un /r/ ou un /l/ intervocalique, les mots du groupe BEER sont réalisés avec la monophtongue [i:] (really – [ɹi:li]). Dans cette variété, START peut être réalisé [stæ:t] ou même [stɛ:t] pour la classe ouvrière. Cette prononciation est caricaturée en nommant la ville de Cardiff [kɛ:dɪf]39 (Wells, 1982). Les voyelles de LOT et de THOUGHT sont plus ouvertes à Cardiff et sont plutôt [ɒ(:)] et [ɒ] (Wells, 1982). Par contre, Mees et Collins (1999), parlent plutôt de /ʌː/ pour les groupes de THOUGHT, NORTH et FORCE. FACE et GOAT sont réalisés avec des diphtongues plutôt qu’avec des monophtongues comme dans d’autres variétés du pays. Wells (1982) parle respectivement de /ei/ et /ou/, qu’il donne de façon globale pour la région du Sud-Est mais également pour Cardiff, alors que Mees et Collins (1999) ont noté [ɤu] pour la réalisation de GOAT. Toutes les voyelles brèves sont non-arrondies. La voyelle de TRAP peut varier entre /a/ et /æ/ (Wells, 1982). Mees et Collins (1999) n’ont relevé que /a/. En ce qui concerne le groupe lexical de BATH il peut y avoir les voyelles /a/ ou /a:/ mais la distribution n’est apparemment pas très claire. Seuls certains mots tels que class, grass, ont la voyelle longue alors que des mots comme chance et fast peuvent avoir l’une ou l’autre (Wells, 1982). Mees et Collins (1999) ajoutent des précisions sur ce point. Elles expliquent que certains mots appartenant au groupe lexical de BATH varient entre la voyelle de TRAP /a/ et celle de PALM /æː/. La première (/a/) est préférée devant une consonne nasale alors que la dernière (/æː/) est utilisée devant des fricatives. Elles conviennent que la distribution n’est pas 38 Elles le transcrivent /jøː/iːə/ qui diffèrent de la transcription de Wells (1982) pour la région du Sud-est : /jɜː/iːə/. 39 « Caerdydd » en gallois (Wells, 1982). 34 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais toujours claire et qu’un seul locuteur peut prononcer le même mot, avec les deux voyelles. Pour Mees et Collins (1999), la voyelle de PALM (/æː/) est la plus caractéristique de cette variété tout en étant la plus stigmatisée. D’autres distinctions notables entres les deux systèmes de cette région se trouvent dans les groupes lexicaux de NURSE qui sont transcrits : /ɜː/ (Wells, 1982) et /øː/ (Mees et Collins, 1999). La transcription de MOUTH est également différente pour les deux auteurs : /əu/ et /ʌu/ respectivement. Cependant, la réalisation vocalique de NURSE selon Mees et Collins (1999) est assez proche de la voyelle française que nous trouvons dans les mots comme feu et nœud, mais bien entendu, sans la durée. Est-ce que cet élément en facilitera la perception par rapport au phonème /ɜː/ qui n’existe pas dans la langue française ? Dans tous les cas, nous avons vu que Chevillet (1991) déconseille aux francophones d’adopter cette prononciation (/øː/), dans la mesure où ils n’ont pas un accent gallois typique. Nous pourrons essayer de répondre à ces questions une fois les mécanismes de traitement des langues étrangères analysés, ce que nous nous proposons d’examiner dans le prochain chapitre. Cardiff se différencie à nouveau par rapport à d’autres variétés du Pays de Galles, avec la prononciation de certains mots du groupe lexical de CURE qui est /ʌː/ ou /jʌː/ lorsque ceux-ci contiennent déjà le phonème /j/ comme dans pure et cure (Mees et Collins, 1999). Autrement, la prononciation de CURE est /juːə/, ce qui est identique à celle décrite par Wells (1982), à savoir /juːə/ pour la région du Sud-Est. Pour Mees et Collins (1999), la voyelle de FOOT est non-arrondie et centralisée [ɤ̈]. Cette dernière peut également être entendue en RP (Cruttenden et Gimson cité dans Foulkes et Docherty, 1999). Alors que selon Wells (1982) la réalisation de FOOT est semblable à celle de l’Angleterre du Nord : /ʊ/. Cependant, les deux auteurs confirment la scission FOOT-STRUT, ce dernier (STRUT) étant réalisé avec un schwa. Comme toutes les autres variétés du Pays de Galles, celle de Cardiff est résistante au phénomène du « Smoothing », ce qui correspond à la réduction des triphtongues en diphtongues ou en monophtongues (Wells, 1982). Ainsi, les mots comme buying et tower sont prononcés [ˈbəiɪn] et [ˈtʌuə]. Mees et Collins (1999) ajoutent qu’il peut arriver qu’un glide soit inséré : [ˈbəiʲɪn], [ˈtʌuʷə]. En revanche, le mot our peut être réalisé [a:], mais cette 35 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais prononciation est également fréquente dans d’autres variétés, notamment en Angleterre du Nord. 1.4.3.2. Les consonnes de Cardiff Nous avons déjà évoqué le fait que l’influence de la langue galloise est assez limitée à Cardiff. Nous avons vu que le coup de glotte est généralement peu entendu au Pays de Galles et il n’apparaît pas en position finale (Mees et Collins, 1999). Ces auteurs expliquent que « In basilectal Cardiff English, /p, t, k/ normally lack glottalisation in final position, although more sophisticated speakers tend to adopt glottalisation along the lines of mainstream RP ». Ce phénomène est très particulier et intéressant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le coup de glotte reste un élément encore très stéréotypé en Grande-Bretagne et de façon générale considéré comme « non-standard » (Sebba, 2007). Il est curieux de voir qu’un tel trait peut bénéficier d’un tout autre statut au Pays de Galles. Il est possible de trouver un coup de glotte devant un /l/ syllabique, mais ceci est systématique uniquement dans le mot little. Selon Wells (1982), le /t/ intervocalique est souvent produit [ɾ]. Mees et Collins (1999) s’accordent sur cette réalisation mais la transcrivent [t̬]. Cette variété n’est pas rhotique et /r/ est souvent [ɾ] lorsqu’il est intervocalique ou après /b/, /v/ et /θ/ (Wells 1982). Selon Mees et Collins (1999), il peut y avoir élision du /r/ en position intervocalique, par exemple dans very – [vɛ:i]. Nous avons vu qu’en général au Pays de Galles les occlusives /p/, /t/, /k/ sont fortement aspirées en position initiale. À Cardiff, c’est également le cas mais dans une moindre mesure par rapport aux autres variétés du pays. La terminaison –ing est /ɪn/. Le phonème /j/ n’apparaît pas devant la voyelle /i:/, ainsi la prononciation de yeast est [i:st] (Mees et Collins, 1999). Cette variété utilise le /l/ sombre et clair de la même façon que la RP. Nous avons vu qu’en ce qui concerne la parole continue, selon les travaux de Chevillet (1991) sur le Sud du Pays de Galles, l’aspiration peut toucher les occlusives sonores. Par conséquent, il peut être difficile de les distinguer des occlusives sourdes. Wells (1982) cite une étude de Mees (1977) menée chez les enfants à Cardiff et dont les résultats montrent également ce 36 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais phénomène d’assimilation du trait lenis/fortis de certaines consonnes. Il n’existait donc plus de distinction entre /p/ - /b/ ; /t/ - /d/ et /f/ - /v/ dans la parole continue. Cette recherche a aussi montré que l’assimilation et l’élision étaient beaucoup plus fréquentes et variaient davantage qu’en RP. L’assimilation touchait souvent /ð/, par exemple : in the était réalisé [ɪnnə] et all that [ɔ:llat].40 Dans certains mots tels que wasn’t, doesn’t, Mees (1977) explique que sous l’influence de la consonne nasale, /z/ était réalisé /d/, de cette facon wasn’t était prononcé [wɑdn̩]. L’élision de /t/ était fréquente, notamment avant une pause (that’s right – [ˈas ˈɹəɪ]), dans une position intervocalique (but I - [bə əi]) et dans les groupes consonantiques finaux /ts/ et /nt/ (can’t handle – [kæ:n ˈandl̩]). L’élision de /ð/ initial dans les mots tels que the, this, then était très fréquente. Au vu des observations exposées concernant les sentiments d’appartenance et les attitudes envers l’accent typiquement gallois dans la ville de Cardiff, nous pouvons d’ores et déjà supposer que le groupe des locuteurs de Cardiff du corpus IViE n’a pas un accent typique du Pays de Galles. Par contre, nous avons vu, lors de la présentation des différents groupes de locuteurs du corpus IViE, qu’il s’agissait de sujets bilingues ; par conséquent, cela peut également influencer leur accent dans un sens ou dans un autre. Autrement dit, plusieurs facteurs sont à prendre en considération dans l’analyse de ces locuteurs : i) la langue galloise peut avoir plus d’influence sur la langue anglaise ce qui laisserait apparaître des traits typiquement gallois lorsqu’ils parlent anglais, ou bien ii), il n’existe aucune interférence entre les deux langues et aucun des accents montre de signes de ce bilinguisme. Il est possible que leur appartenance s’exprime tout simplement par le fait qu’ils parlent la langue galloise et qu’ils n’ont aucunement besoin de le montrer à travers leur accent anglais. La situation de ce groupe de locuteurs est donc assez complexe. L’exemple du cas de Cardiff nous amène à prendre conscience que l’accent des locuteurs du corpus peut ne pas être très représentatif. Il sera donc envisageable d’examiner, au cours de notre étude, le degré de leur accent (c’est ce que nous proposerons, dans le chapitre 4 de ce manuscrit, au travers d’une analyse de chaque variété). Par la suite, au travers des expériences mises en place pour nos 40 Dans Foulkes et Docherty 1999, Mees donne la transcription de [ˈʌ:l lat] all that, contrairement à ce qui est cité par Wells (1982) à propos de cette étude. 37 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais travaux, nous évaluerons la qualité typique (ou non) des accents du corpus IViE, ce qui n’a jamais encore été réalisé.41 1.5. L’Angleterre du Nord Wells (1982) sépare le Nord du Sud par une frontière naturelle qui est la rivière de Severn (à l’ouest) et l’estuaire de Wash (à l’est). Cette frontière correspond également à la séparation linguistique de FOOT et STRUT. Au Nord, la scission FOOT-STRUT n’a pas eu lieu, de ce fait le système des voyelles courtes ne compte que cinq voyelles, contrairement au système du Sud qui en contient six. Wells (1982) traite en profondeur le système phonologique de seulement deux villes du Nord de l’Angleterre, il le subdivise en trois parties qu’il commente de façon plus brève. Les trois régions du Nord proposées par Wells sont : les « Midlands », qui constituent le centre du pays, le « Middle North » qui est au milieu du Nord du pays, et le « Far North » qui est la partie la plus haute de l’Angleterre, juste en dessous de l’Écosse. Suivant cette logique, des villes telles que Birmingham, Wolverhampton, Stoke-on-Trent et Derby font parties des Midlands. Un peu plus au Nord (Middle North), on trouve Manchester, Huddersfield, Bradford jusqu’à inclure Leeds et Sheffield. La partie la plus au Nord du territoire britannique (Far North) comprend le Tyneside qui se distingue du Tees-side. Selon Wells (1982), d’un point de vue linguistique, l’Angleterre est divisée de façon égale entre le Nord et le Sud. Autrement dit, approximativement la moitié de la population parle avec un accent du Nord. Plus on monte dans le Nord de l’Angleterre, plus il est possible de trouver la réalisation /ʊ/ dans le groupe lexicale STRUT (indépendamment de la classe sociale des locuteurs). Cette prononciation sera considérée comme « parfaitement normale » pour une personne de classe moyenne à Newcastle Upon Tyne (Wells, 1982). 1.5.1. Le Nord-Est Le Middle North, à l’exception de quelques endroits qui gardent leur rhoticité englobe l’ouest Yorkshire Urbaine (Bradford, Leeds, Wakefield et Huddersfield), l’agglomération de 41 Cf. chapitre 5 : les résultats des expériences. 38 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Manchester y compris Stockport, le Yorkshire du Sud (Sheffield et Barnsley), et l’ouest des Midlands (Leicester et Nottingham). Wells (1982) choisit la ville de Leeds pour illustrer le système phonétique de cette région et les villes qu’elle comprend. Dans le corpus IViE, deux villes du Middle North sont présentes. Il s’agit de Leeds et Bradford qui sont géographiquement très proches, contrairement à d’autres villes données pour cette région comme Manchester. De ce fait, nous pouvons imaginer qu’il existe peu de différences phonétiques entre Leeds et Bradford. Bien entendu, dès que nous en rencontrerons dans la littérature nous en prendrons note. La différence principale intra-locuteurs que l’on peut évoquer dans le corpus IViE concerne les locuteurs de Bradford ; en effet, ces derniers sont des bilingues anglais-panjabi. Il est donc possible qu’ils aient un accent panjabi assez fort qui pourrait même masquer en quelque sorte l’accent de l’Angleterre du Nord (cf. la section 1.7 de ce chapitre). Regardons à présent le système de Leeds puis commentons les différences observées pour la ville de Bradford. 1.5.1.1. Le système vocalique de Leeds (Wells, 1982)42 KIT ɪ FLEECE i: NEAR ɪə DRESS ɛ FACE e: SQUARE ɛ: TRAP a PALM a:/ɑ: START a:/ɑ: LOT ɒ THOUGHT ɔ: NORTH ɔ: STRUT ʊ GOAT o: FORCE ɔ:.ɔə FOOT ʊ GOOSE u: CURE ʊə.ɔ: BATH a PRICE aɪ happY ɪ CLOTH ɒ CHOICE ɔɪ lettER ə NURSE ɜ: MOUTH aʊ commA ə Pour KIT, DRESS, LOT/CLOTH et happY, Wells (1982) nous informe que les voyelles sont généralement plus ouvertes qu’en anglais RP. FLEECE peut être réalisé avec une 42 Nous considérons que ce système peut également s’appliquer à la ville de Bradford. 39 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais monophtongue ou une diphtongue : /i:/ ou /ɪə/. Les mots de type meet/meat et grease/geese ne sont pas toujours des homophones. Hughes et Trudgill (1979) signalent que les mots de type FORCE/NORTH sont différenciés de la manière suivante : les mots contenant un /r/ sont prononcés /ɔə/, mais en l’absence du /r/ ils seront prononcés /ɔ:/. Les mots comme paw et pore ne sont alors pas homophones. La voyelle de MOUTH peut être une diphtongue ou une monophtongue. NEAR peut varier entre /ɪə/ et /i:ə/, SQUARE entre /ɛə/ et /ɛ:/. Les mots du groupe lexical de CURE sont susceptibles de présenter les mêmes variations /ʊə/ et /ɔ:/qu’en RP. Néanmoins Chevillet (1991) parle de monophtongaison des diphtongues chez les jeunes locuteurs. Le système vocalique de cette région donné par Petyt (1985) est quasiment identique à celui de Wells (1982), bien que ce dernier ajoute des diphtongues, notamment pour FACE /ɛɪ/ et SQUARE /ɛə/. La diphtongue de PRICE est quant à elle réalisée [aɛ] (Hughes et Trudgill, 1979). 1.5.1.2 Les consonnes de Leeds et de Bradford Wells (1982), Chevillet (1991), Hughes et Trudgill (1979) évoquent l’assimilation caractéristique de la variété de l’ouest de Yorkshire. Une occlusive sourde dévoise les consonnes sonores qui la précèdent immédiatement, que ce soit à l’intérieur d’un mot composé ou à la frontière d’un mot. Par exemple : bed time devient /bɛttaɪm/et a big piece se dit /ə/ /bɪk/ /pi:s/.43 De cette façon, les locuteurs de Bradford se disent de /bratfəd/. Trudgill (1990) explique que le dévoisement est possible pour les consonnes /b/, /d/, /g/, /v/, /z/ et /j/ qui sont réalisées /p/, /t/, /k/, /f/, /s/ et /tʃ/. Un autre phénomène fréquent est appelé « la conversion T > R » (Chevillet, 1991). Ceci consiste à utiliser un /r/ à la place d’un /t/ devant une voyelle courte qui est précédée d’une frontière plus une voyelle. Par exemple, au lieu de dire /gɛt ɒf/, on dirait /gɛr ɒf/. Chevillet (1991), Hughes et Trugdill (1979) et Wells (1982) affirment que l’accent de l’ouest du 43 WELLS. J.C. (1982 : 3366-367). L’auteur donne le schéma : « obstruent → unvoiced/—# [unvoiced C] ». 40 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Yorkshire n’est pas rhotique et que le /r/ est réalisé [ɾ]. Selon Chevillet (1991), la terminaison -ing est réalisée /ɪŋ/. Dans le Nord, il n’y a pas vraiment de distinction nette entre le /l/ clair et sombre. Les locuteurs utilisent plutôt un /l/ qui est entre les deux. Cependant, Wells (1982) prévient que lorsqu’un /l/ apparaît, on peut avoir l’impression que le /l/ est clair ou sombre selon son environnement. Par exemple, dans le mot silly, il semble tout de même être clair dans cette variété mais dans feel, il paraît sombre. Britain (2007) le contredit et affirme que le /l/ est sombre dans toutes les positions. 1.5.2. Bradford Nous n’avons trouvé que quelques éléments supplémentaires sur cette ville. De ce fait, nous considérons que cette ville a essentiellement les mêmes caractéristiques que Leeds. Nous savons, par exemple qu’à Bradford de façon générale, la voyelle de GOAT est [ə:] ou [ø:] (Britain, 2007). Dans le corpus IViE, les locuteurs de Bradford sont des locuteurs bilingues anglo-panjabi. Nous allons parler de cet accent dans la partie 1.7 ci-dessous. Certaines villes en Angleterre sont très fortement associées à une population anglopakistanaise. En 1996, plus de 50% de la population de Bradford était d’origine pakistanaise (Britain, 2007). Certains de nos participants anglais qui avaient passé nos expériences ont évoqué le fait que Bradford était tellement stigmatisé par cette population pakistanaise que cela lui avait valut le surnom de « Bradistan ». Un jeu de mot entre Bradford et le Pakistan. Ce surnom est porteur de connotations fortes. Nous verrons le degré de l’accent panjabi chez nos locuteurs dans la partie sur la méthodologie. 1.5.3. Liverpool La ville de Liverpool a un système phonétique très différent des autres villes du Nord.44 Cependant, contrairement aux autres régions, Wells (1982) ne nous donne pas d’informations complètes sur cette ville. Il ne consacre que quelques pages à Liverpool. Nous allons tout de même établir le système phonétique de cette ville avec les éléments que nous avons pu 44 Notons que Wells (1982) n’inclut pas cette ville dans sa définition du Middle North. 41 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais recueillir. Toutefois, il manque certains détails que nous essayerons de combler avec des éléments donnés par d’autres auteurs, notamment Watson (2007). Nous ajouterons les voyelles qu’il donne en gras. 1.5.3.1. Le système vocalique de Liverpool (Wells, 1982 et Watson, 2007) KIT ɪ FLEECE ɪi/i: i: NEAR iɛ DRESS ɛ FACE eɪ SQUARE ëː TRAP a PALM ɑ:/a: a: START a:/ɑ: ɑ: LOT ɒ THOUGHT ɔ: NORTH ɔ: STRUT ʊ GOAT FORCE ɔ: FOOT ʊ GOOSE u:/ʉ:/y CURE BATH a PRICE aɪ happY i CLOTH ɒ CHOICE ɔɪ lettER - NURSE ëː MOUTH aʊ commA - oʊ/ɔʊ/ëʊ/ɛʉ ɛʉ ɪuə/ɪwə/uɛ Chevillet (1991) donne quelques traits qu’il qualifie de typiques pour cette variété. Il s’agit de la réalisation de la voyelle dans STRUT comme [ɤ] et le groupe lexical FOOT qui peut être réalisé /u:/ pour les mots finissant en –ook (look, cook, book). Selon Watson (2007), STRUT et FOOT sont réalisés de la même manière que dans le reste du Nord du pays ([ʊ]). Cependant, il convient sur la prononciation des mots qui finissent en –ook, mais signale que cette prononciation devient moins fréquente. Bien entendu, comme dans toutes les variétés qui n’ont pas la distinction STRUT-FOOT, la variation sociale peut induire la réalisation de /ə/ pour le groupe STRUT, notamment par la classe moyenne. Le groupe lexical de BATH est bien réalisé [a] mais la voyelle dans START et PALM est soit [a:] soit [ɑ:]. À Liverpool, la convergence phonémique existe pour les deux groupes lexicaux NURSE et SQUARE, leurs voyelles peuvent varier entre [e:], [ɛ:] ou [ɪ:] (Watson, 2007). 42 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Watson45 admet que cette prononciation est encore la norme à Liverpool mais il existe certaines personnes pour qui NURSE et SQUARE ne sont pas les homophones. Il cite une étude de Knowles (1973) qui a montré que la classe moyenne peut avoir une prononciation qui s’approche davantage de l’accent RP en utilisant [ɜ:] dans NURSE et [ɛ:] dans SQUARE (Watson, 2007). Selon Chevillet (1991), la fin des mots en –y est réalisée /i:/. Il explique que ce trait n’apparaît pas dans d’autres variétés du Nord à l’exception de Newcastle. Il est possible que cela ne soit plus le cas puisque désormais il existe davantage de variétés qui ont soit /i/ soit /i:/ dans cette position. Cependant, ce sont les seules informations que nous avons trouvées concernant la réalisation du groupe lexical happY. Contrairement à d’autres villes du Nord, les groupes lexicaux FACE et GOAT sont réalisés avec des diphtongues. Certains locuteurs peuvent garder la monophtongue [a:] dans PRICE. 1.5.3.2. Les consonnes de Liverpool Un trait caractéristique de l’anglais de Liverpool est l’affrication des occlusives /p/,46 /t/, /k/ initiale et leur remplacement par des allophones fricatifs [ɸ], [s],47 [x] en position finale. Ce qui donne la prononciation [kˣan] pour can. La série ripe, right et rake est réalisée [raɪɸ], [raɪs] et [reɪx] (Chevillet, 1991). Ce phénomène est connu sous le nom de « lenition » (Watson, 2007).48 À la différence de Chevillet, Watson (2007) a trouvé que /s/ pouvait être réalisé soit par une affriquée soit par une fricative. Après [i:], [ei] et [ai] /k/ peut être prononcé [ç] : week [wi:ç], like [laiç], mais [x] ou [χ] après une voyelle ouverte ou postérieure : back [bax], dock [dɒχ]. De la même manière que dans d’autres variétés du Nord, le /t/ intervocalique peut être réalisé /r/. Par contre, ce n’est qu’à Liverpool qu’un /t/ peut également être réalisé comme /h/ en fin 45 46 Communication personnelle. La réalisation de /p/ comme [ɸ] est désormais assez rare (Watson, 2007). 47 Wells (1982) donne la transcription [t̨], ce qui représente une /t/ fricative qui est distincte de [s]. « Lenition is a term frequently used to group together a series of phonological weakenings which turn underlying plosives into affricates and fricatives » (Watson, 2007). 48 43 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais de mot. Par exemple, what [wɒh] et market [ma:xɪh] (Watson, 2007). En ce qui concerne le coup de glotte, il est très rare à Liverpool, mais peut apparaître parfois devant une consonne syllabique (Watson, 2007). De façon générale, /r/ est un battement apico-alvéolaire [ɾ], qui est particulièrement fréquent après /θ/ et à la position intervocalique (Chevillet, 1991). Selon Watson, /r/ est typiquement [ɹ] comme dans beaucoup d’autres variétés et [ɾ] est plus commun dans la position intervocalique mais jamais en position initiale. À Liverpool les locuteurs de la classe moyenne évitent d’utiliser [ɾ] (Watson, 2007). Les consonnes /θ/ et /ð/ peuvent être remplacées par [t̪] et [d̪] dans toutes les positions, mais les deux réalisations existent (Watson, 2007). Ce trait est le résultat de l’immigration irlandaise (surtout de Dublin). Knowles l’a trouvé uniquement chez la classe ouvrière catholique (Knowles, 1974, cité dans Wells, 1982). Selon Wells (1982) la fin de mot –ing est réalisée /ɪn/ lorsqu’il s’agit d’un suffixe (swimming), mais /ɪŋg/ dans les mots tels que finger et thing. Cette différenciation n’existe peut être plus car Watson (2007) parle de /ŋg/ ou /ən/ dans tous les positions, par exemple along [əlɒŋg], singing [sɪŋgɪŋg], making /meɪkən/. 1.5.4. L’Extrême Nord Pour la région de Tyneside, Wells (1982) donne comme ville de référence Newcastle Upon Tyne, mais il n’établit pas le système phonétique complet. L’accent de Newcastle est aussi connu pour être distinct dans sa région. Les informations que nous donne Wells sont les seules plus au moins complètes concernant le Far North dans son oeuvre. D’autres précisions sont très vaguement mentionnées (par exemple, l’auteur nous dit que dans le County Durham, .q. est .Q. et est connu sous le nom de Northumbrian Burr). Nous avons donc procédé de la même manière que pour Liverpool en nous appuyons sur d’autres sources, notamment celles données par Watt et Milroy (1999) pour le système ci-dessous.49 Watt et Milroy (1999) citent 49 Il s’agit des groupes lexicaux : KIT, DRESS, LOT, FORCE. 44 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais des exemples plus récents que Wells (1982) et lorsqu’ils diffèrent de ce dernier, ou que Wells n’en donne pas, nous les mettons en gras. Ils ont ajouté le groupe lexical horSES qui représente la prononciation des mots qui se terminent par –ed ou –es. 1.5.4.1. Le système vocalique de Newcastle (Wells, 1982 et Watt et Milroy, 1999) KIT ɪ FLEECE i: NEAR iɑ DRESS ɛ FACE e:/ɛ: ɛ: SQUARE ɛː TRAP a/a: /ɑ: ɑ: PALM ɑ: START ɑ: LOT ɒ THOUGHT ɔː/a: NORTH ɔ: STRUT ʊ GOAT o:/ɵ:/oʊ/ FORCE ɔː/ɑ: FOOT ʊ GOOSE u: CURE uɑ BATH a/a:/ɑ: ɑ: PRICE ɛi/aɪ happY i: CLOTH ɒ CHOICE ɔɪ lettER ɑ/ɛ NURSE ø:/ɔː MOUTH aʊ/ɛʊ/uː commA ɑ/ɛ horSES ə Dans un accent très fort de Newcastle, qui est connu sous le nom du « Geordie », NURSE et NORTH ont la même voyelle /ɔː/, ainsi shirt et short sont des homophones (Chevillet, 1991). Cependant, cette prononciation est devenue plutôt rare pour NURSE ; [ɜ:] est désormais plus fréquent et [ø:] apparaît de plus en plus, surtout chez les femmes (Watt et Milroy, 1999). Les mots du groupe lexical de THOUGHT qui s’écrivent avec un –a peuvent être réalisés [a:]. Les groupes lexicaux TRAP et BATH peuvent également avoir [a:] devant une consonne ou un groupe consonantique sonore finale ; par exemple le mot band est prononcé /ba:nd/ mais laugh est réalisé avec [a] (Wells 1982). Beal (2004) contredit Wells (1982) en expliquant que ce dernier est désormais peu commun et la voyelle de BATH est plutôt [ɑ:]. STRUT et FOOT peuvent être réalisés avec un schwa chez la classe moyenne, surtout chez les femmes (Watt et 45 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Milroy, 1999). La réalisation de STRUT avec un schwa peu exister dans beaucoup de variétés chez la classe moyenne. C’est ce que Wells (1982) appelle « NEAR-RP ». Cependant, l’utilisation d’un schwa dans le groupe lexical de FOOT est plutôt rare. FACE et GOAT peuvent avoir soit une monophtongue soit une diphtongue. FACE peut varier entre [e:], [eə] ou [ɪɐ] (Wells, 1982). Mais selon Watt et Milroy (1999), les prononciations prédominantes de FACE sont [e:] ou [ɛ:]. La prononciation traditionnelle de FACE ([ɪə]) est encore utilisée, mais seulement par des locuteurs âgés (Watson, 2007). La diphtongue [eɪ], qui est une réalisation plutôt associée avec les Midlands, peut être utilisée par des femmes de la classe moyenne à Newcastle (Watt et Milroy, 1999). Selon Watt et Milroy (1999), les prononciations dominantes de GOAT sont [o:] ou [ʊə] chez la classe ouvrière. En ce qui concerne la classe moyenne, ils notent [ɵ:] pour les locuteurs (hommes) et [oʊ] parmi les locutrices (femmes). La voyelle de FLEECE peut avoir [ei] comme variante en position finale (Wells, 1982). Selon Watt et Milroy (1999) FLEECE varie entre [i:], [ei] et [ɪi]. MOUTH a gardé la voyelle traditionnelle /u:/, mais ceci ne concerne que les locuteurs de la classe ouvrière (Chevillet, 1991). En ce qui concerne PRICE, Watt et Milroy (1999) donnent deux variantes et expliquent qu’il s’agit de [ɛi] devant les occlusives sourdes et les fricatives, et de [ai] dans tous les autres environnements. La réalisation typique de CURE est [jʊɐ] qui reflète davantage l’accent typique de Newcastle, mais [jʊə] existe également (Watt et Milroy, 1999). En ce qui concerne ce groupe lexical, il est intéressant de noter que la plupart de variétés ont adoptées la voyelle /ɔ:/. Il faut souligner que malgré cette évolution, /ʊə/ continue à être enseigné aux non-natifs pour la réalisation de CURE. Néanmoins, Newcastle ne montre aucun changement envers la monophtongue. Autre prononciation surprenante est la voyelle finale /ɑ/ des groupes lexicaux de lettER et commA, ce qui donne la réalisation [ˈklɛvɑ] du mot clever. Watt et Milroy (1999) associent [ɐ] avec la classe ouvrière alors que [ə] est plus commun dans la classe moyenne. Ces traits 46 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais donnent vraiment un accent très typique qui est difficilement méconnaissable par rapport aux autres accents. La voyelle de happY est très longue et souvent plus longue que la voyelle accentuée qui la précède, de cette façon elle ressemble plus à la voyelle de FLEECE (Watt et Milroy, 1999). Wells cite les travaux de McNeany (1971) lorsqu’il parle de mots qui sont souvent réduits dans la parole continue. McNeany a trouvé que at, of, as, can et us avaient la voyelle [ɪ] et que des mots tels que from, but, could et that n’avaient pas de formes faibles. 1.5.4.2. Les consonnes de Newcastle Newcastle est connu comme étant la seule grande ville du Nord où le /h/ initial est toujours prononcé (Wells 1982, Watt et Milroy, 1999). Dans cette variété, /l/ est clair dans tous les environnements. Une des caractéristiques principales de cette variété est la glottalisation de /p/, /t/, /k/ à la fin d’une syllabe et parfois au début d’une syllabe avant une voyelle faible. De cette manière un coup de glotte peut remplacer une occlusive ou bien il peut avoir une combinaison des deux : [ˈkʊpʔəl] – couple, [ˈpɪtʔi] – pity (Wells, 1982). Pour Watt et Milroy (1999), /p/ et /k/ sont renforcés par un coup de glotte et ceci seulement lorsqu’ils se trouvent entre deux sonnantes. Cela se produit beaucoup plus pour /p/ que pour /k/. Pour le cas du /t/ intervocalique Watt et Milroy (1999) ont relevé au moins cinq possibilités : [ɹ], [t ̬], [t], [ʔ] et [t͡ʔ], bien que le /r/ remplace /t/ de moins en moins. Par contre, dans une autre étude plus récente il est noté que /t/ est presque exclusivement [ʔ] devant un /l/ syllabique (Watt et Allen, 2003). En ce qui concerne [t͡ʔ] et [ʔ͡͡t] le relâchement de l’occlusive est masqué par le mouvement glottal. Les consonnes /b/, /d/ et /g/ ne sont pas complètement voisées dans cette variété (Watt et Allen, 2003). Ces auteurs ont également trouvé certains phénomènes de nivellement d’accent dans cette variété. Ils donnent des exemples du TH-fronting et du /r/ qui est réalisé [ʋ]. Le /r/ étant normalement énoncé [ɹ] ou bien [ɾ] dans une position intervocalique (Watt et Allen, 2003). Ce type de changement lié au nivellement des accents sont en train de se répandre à travers le pays. En revanche, il n’est pas indiqué à quel moment ces traits peuvent être considérés comme faisant intégralement partie d’un accent. 47 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.6. L’Irlande L’histoire de la langue anglaise en Irlande est assez complexe, ce qui entraîne des attitudes diverses de la part de la population. Bien que la constitution de l’Irlande stipule que la langue irlandaise est la langue nationale et officielle, la langue anglaise détient une place importante. Cependant, nous allons limiter la discussion sur le plan historique pour parler essentiellement des systèmes vocaliques et consonantiques qui existent actuellement en Irlande. Dans le corpus IViE, les locuteurs viennent de l’Irlande du Nord (Belfast) et du Sud50 (Malahide).51 Nous allons donc commenter ces deux capitales. L’Irlande du Nord et du Sud ne sont pas seulement divisées politiquement mais également linguistiquement. Wells (1982) explique même que les différences phonologiques existent entre les protestants et catholiques. Ces différences ont plusieurs causes, notamment historiques. Par exemple, à cause des immigrations écossaises et anglaises l’accent de l’Irlande du Nord a aujourd’hui encore énormément de ressemblances avec le système vocalique écossais, avec l’accent du Nord de l’Angleterre, celui de l’ouest des Midlands (Angleterre) ainsi qu’avec le Pays de Galles. L’anglais parlé au Sud est connu sous le nom d’Anglo-Irish. Il y a des ressemblances avec l’anglais de Bristol et de Sud-ouest de l’Angleterre (Chevillet, 1991). La langue irlandaise a également eu énormément d’influences sur cet accent.52 Nous donnerons plus de détails sur l’Irlande du Nord dans la section ci-dessous. Nous allons tout d’abord parler de l’Irlande du Sud ainsi que la ville de Dublin. 1.6.1. L’Irlande du Sud : Dublin et Malahide L’anglais est parlé en Irlande du Sud depuis la fin du douzième siècle. Cependant, la langue irlandaise a une influence sur la prononciation de l’anglais même chez les personnes qui n’en connaissent que très peu (Wells, 1982). La forme d’anglais le plus prestigieux n’est pas l’accent de la RP mais celui de Dublin (Trudgill, 1990). Cette idée est réitérée par Hickey (1999) qui explique que la RP est mal acceptée et surtout représente tout ce qui n’est pas 50 Nous allons utiliser le terme « Irlande du Sud », pour bien faire l’opposition entre le Nord et le Sud, bien que les termes comme la République d’Irlande ou Eire sont plus corrects. 51 Il s’agit d’une ville de la banlieue de Dublin. 52 Cf. Annexe 1 : un plan détaillé d’Irlande afin de mieux comprendre les aires linguistiques en Irlande du Sud et surtout du Nord. Nous pouvons y voir les influences historiques des différents immigrations et invasions du pays. 48 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais irlandais. Un sentiment qui évoque toutes les difficultés qui ont existé entre l’Angleterre et l’Irlande. Contrairement à ce que nous avons vu pour le Pays de Galles, l’attitude négative envers la RP ne fait que préserver le prestige de l’accent de Dublin. Cela crée une toute autre ambiance à l’égard des locuteurs du corpus d’IViE et pourrait avoir un effet sur la qualité typique de leur accent. Les locuteurs d’IViE viennent précisément de Malahide, une ville balnéaire située dans le comté de Dublin, approximativement à seize kilomètres de la ville de Dublin. De ce fait, nous supposons qu’il n’y a pas de différences majeures d’accent. Il est possible que Malahide fut choisie pour les enregistrements d’IViE parce qu’elle est considérée comme une ville de la classe moyenne.53 Il n’existe aucune littérature spécifique sur Malahide. Contrairement à ce que nous avons fait pour les autres villes dans ce chapitre, nous n’incluons pas le système vocalique de Wells (1982)54 pour l’Irlande du Sud. Bien qu’il n’y ait que quelques différences entre le système de Wells et celui de Hickey (voir ci-dessous), ce dernier est beaucoup plus complet. Hickey (1999) explique que le système donné par Wells (1982) a besoin d’être mis à jour et propose d’autres systèmes vocaliques avec surtout des groupes lexicaux en plus. De cette façon, vu la complexité du système de Hickey (1999) nous allons nous concentrer seulement sur celui-ci. Hickey (1999) distingue d’abord deux types d’accents à Dublin : « local » et « non local ». L’accent « local » (L) est le plus populaire et celui qui représente les personnes qui souhaitent s’identifier à la culture dublinoise. Le contraire de cette forme est l’accent « non-local », celui-ci concerne des personnes qui désirent moins être identifiées à la ville. Ce dernier est ensuite divisé en deux autres catégories ; un accent qui est appelé « mainstream » (M)55 qui est l’accent courant de Dublin et un accent plus minoritaire mais néanmoins important qui est appelé « fashionable » (F). Hickey (1999) associe plusieurs populations différentes à l’accent qu’il appelle « fashionable » (F). Tout d’abord, il s’agit de la variété de la classe moyenne, les femmes en particulier. Cet accent est ensuite identifié comme étant celui du quartier le plus prestigieux de 53 Nous rappelons que c’était plutôt la classe moyenne qui était ciblée dans le corpus IViE. Cf. annexe 2 pour voir le système vocalique de Wells (1982). 55 Il est intéressant de noter que Hickey (1999) classe l’accent courant (mainstream) dans la catégorie ‘non local’, ce qui est très bizarre. Ceci pourrait signifier que la plupart des Dublinois ne souhaitent pas être associés avec l’accent local (plus stéréotypé). 54 49 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Dublin. Il s’agit du quartier Dublin 4, qui se trouve dans le Sud de la ville et il est maintenant devenu le nom d’un même accent, qui est très reconnu parmi les Irlandais du Sud.56 Puis, un autre groupe qui peut avoir cet accent (F) est constitué de personnes qui ne veulent pas être associées avec l’accent local puisqu’elles le considèrent comme peu prestigieux. Dernièrement, Hickey (1999) a expliqué que ceux qui ont cet accent sont souvent considérés comme des précurseurs en matière de changements linguistiques. La situation à Dublin paraît donc assez complexe. D’un côté, il y a des personnes qui ne souhaitent pas être associées à l’accent dublinois puisqu’il est considéré peu prestigieux, puis ceux qui n’apprécient pas l’accent RP et cherchent à se désengager de tout ce qui pourrait être associé à l’Angleterre. Pour l’instant, donc, il est n’est guère possible de prédire quel genre d’accent auront les locuteurs d’IViE. Ce que nous pouvons dire est qu’étant donné qu’ils sont a priori issus de la classe moyenne, il est possible qu’ils s’approchent plus de l’accent « fashionable ». Cependant, au vu de l’histoire de cette région et d’autres facteurs comme des sentiments d’appartenance potentiels, cela reste pour l’instant assez incertain. Par défaut, et pour plus de lisibilité, nous avons choisi de ne pas traduire « fashionable ». Ce terme pourrait être remplacé par le terme plus controversé d’accent « éduqué » ou « instruit » souvent utilisé par Trudgill (1990), Wells (1982) et Chevillet (1991). Cependant, nous ne voulons pas insinuer un sens qui n’a pas été voulu par l’auteur. 1.6.1.2. Le système vocalique des trois catégories d’accents de Dublin (Local, Mainstream, Fashionable) selon Hickey (1999) Mot clé L M F Mot clé L M F KIT ɪ ɪ ɪ FLEECE ijə i: i: DRESS ɛ ɛ ɛ MEAT i: i: i: NEAR TRAP æ æ æ FACE ɛ: e: e: LOT a ɒ ɔ PALM æ: a: STRUT ʊ ʌ ʌ THOUGHT a: FOOT ʊ ʊ ʊ GOAT ʌo 56 Mot clé L M F æu æu ɪ iə iə SQUARE ɛɐ eə ə: a: START æ: ɑ: ɑ: ɒ: ɔ: NORTH a: ɒ: o: oʊ ʊə FORCE ʌo o: o: MOUTH ɛwə « The D4 accent refers to the place where it originated in Dublin (postal code 4), it has become the new accent for young Irish people, especially females, and hence is found around the rest of Dublin and the country in general » Communiqué personnel de R. Hickey. 50 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais BATH æ: a: a: GOOSE uwə u: u: CURE jʊa juə juə DANCE æ: a: a: PRICE əjə aɪ aɪ happY i i i NURSE ʊ: ə: ə: PRIZE əjə aɪ ɑɪ lettER ɐ ə ə GIRL ɛ: ə: ə: CHOICE aɪ ɒɪ ɔɪ horSES ə ə ə commA ə ə ə Les groupes lexicaux suivants ont été ajoutés à ceux de Wells (1982) : celui de MEAT est utilisés pour les réflexes57 du moyen anglais /ɛ:/ ; GIRL pour la différence entre des mots du type NURSE mais qui ont une voyelle brève antérieure devant un /r/ et DANCE est nécessaire pour des mots qui se réalisent /a:nC#/. Les mots du dernier groupe se prononcent /ɑ:/ en RP mais [a:] à Dublin. PRIZE a la diphtongue /ai/ devant une consonne sonore, contrairement au mot lexical PRICE. Selon Hickey (1999) ce dernier est réalisé /əɪ/, alors que pour Wells (1982) PRICE est normalement réalisé /aɪ/ mais peut avoir la variante [ɑɪ] dans un langage éduqué. Le groupe lexical de CHOICE peut avoir une diphtongue qui s’approche davantage de celui de PRICE dans l’accent local, alors que l’accent « fashionable » de Dublin a [ɔɪ] dans CHOICE (Hickey, 1999). Les voyelles que Wells (1982) écrit /ɒ/ et /ɔ:/ sont plutôt non- arrondies ([ɑ] et [ɑ:]) respectivement. FACE et SQUARE sont des monophtongues dans cette variété. Les habitants instruits de Dublin peuvent avoir la voyelle [æ] dans le groupe lexical de TRAP et des mots tels que any (Chevillet, 1991), sinon ils sont réalisés [a]. Pour STRUT et NURSE la voyelle est plutôt arrondie en [ö] et ressemble ainsi au « peu » français (Chevillet, 1991). Wells (1982) distingue entre l’accent de Dublin typique et l’accent de Dublin « smart ».58 Le premier a /e:r/ dans SQUARE et /ʌr/ ([ɜ˞:]) ou /ʊr/ dans NURSE. Le deuxième type d’accent a /ʌr/ ([ɜ˞:]) dans les deux groupes lexicaux et dans ce cas, hair et her sont des homophones. Selon Hickey 57 A reflex is a speech element derived from a corresponding form in an earlier state of the language, for example « sorrow » is a reflex of Middle English « sorwe ». Définition du dictionnaire de Collins. 58 Ne sachant pas la signification souhaitée par cet auteur nous ne le traduisons pas. Toutefois, nous supposons que cela veut dire sophistiqué, ou éduqué comme Wells appelle souvent certains types d’accents. 51 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais (1999), les choses sont légèrement différentes. Si nous revenons au groupe lexical de NURSE, l’accent local distingue NURSE [nʊ:(ɹ)s] qui a une voyelle postérieure et GIRL [gɛ:(ɹ)l] qui a une voyelle antérieure devant /r/. Ces réalisations sont très typiques de l’accent local. Afin de garder une certaine distance avec ce genre d’accent qui peut être considéré comme stéréotypé, il y a eu un changement dans l’accent « fashionable » qui utilise la voyelle de SQUARE dans les groupes lexicaux de NURSE et GIRL. De cette façon, les mots pair et purr sont des homophones [pə:ɻ]. Bien que Wells (1982) parle de ce trait caractéristique dès 1982, Hickey (1999) le présente plus comme un changement récent. Il peut arriver que /ʌ/ et /ʊ/ ne soient pas distincts dans un accent fort, mais /ʌ/ existe dans un langage plus sophistiqué (Hughes et Trudgill, 1979). Par contre, Wells (1982) affirme que cette opposition existe bien à Dublin sauf devant /l/ où il y a toujours /ʊ/, ainsi dull et pull ont des voyelles homophones. La distribution des voyelles de STRUT et FOOT est assez différente comparée à l’accent RP. STRUT a plusieurs variantes et peut être réalisé [ɔ̈] [ɵ], [ɤ] ou [ə] (Wells, 1982). Le phonème /ɒ/ est plutôt [ɑ]. Pour un Dublinois, stop est prononcé [stɑp] (Chevillet, 1991). La voyelle /ɔ:/ est réalisée [ɑ:]. Certains mots du groupe lexical CLOTH tels que was et lost peuvent avoir /ɔ:/ au lieu de /ɒ/ (Wells, 1982). L’accent de Dublin se distingue par le fait d’avoir des diphtongues dans GOAT [ɛɪ] et FACE [ou] sauf devant un /r/ où ils vont avoir /e:/ et /o:/. 1.6.1.3. Les consonnes de Dublin et de Malahide À Dublin back est réalisé /bax/ comme à Liverpool (Wells, 1982). Par contre, Hickey (1999) ne fait aucune allusion à ce trait. /θ/ et /ð/ peuvent être réalisés [t̪] et [d̪] ou /t/ et /d/. Le substrat celtique est responsable de ce trait qui est caractéristique de l’accent irlandais type en Irlande du Sud seulement. Ce trait est utilisé par tous les locuteurs à Dublin (Hickey, 1999). Toutefois, Wells (1982) explique que seuls ceux qui ont un langage assez sophistiqué, qui sont de la classe moyenne ou utilisent expressivement de la parole soignée, prononcent /θ/ et 52 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais /ð/ en tant que tels. Ce qui rappelle à nouveau le besoin de certains locuteurs de Dublin de se différencier d’un accent typique qu’ils doivent considérer peu prestigieux. Les occlusives dentales apparaissent toujours devant un /r/, faisant de true et through des homophones. Les autres allophones de /t/ utilisés à Dublin sont [ʔ] et [t̬], ce dernier apparaît surtout dans une position intervocalique. Dans les séquences /nt/, /lt/, /nd/ ou /nd/, /t/ et /d/ sont soit enlevés, soit réalisés comme un coup de glotte, par exemple : [pəwən(ʔ)] – pound (Hickey, 1999). /t/ est énoncé /ɾ/, mais seulement en fin de mot et lorsque le mot suivant commence avec une voyelle, par exemple : what I mean peut être réalisé [hwɑɾ ɑɪ mi:n] (Wells, 1982). Il existe un phénomène de palatalisation consonantique qui touche tous les milieux sociaux où /t/ et /j/ sont prononcés /tʃ/ et /d/ et /j/ est /dʒ/ dans des syllabes accentuées. De cette façon, les mots dew, due et Jew sont tous dits /dʒu:/ et tune est réalisé /tʃu:n/ contrairement à l’accent RP (/dju:/ et /tju:n/). Il est également possible d’entendre /tu:n/ sans /j/ dans les syllabes accentuées et non-accentuées. Bien que /l/ soit normalement clair, le /l/ sombre apparaît de plus en plus (Wells, 1982). Hickey n’a pas trouvé de /l/ sombre à Dublin. Le /h/ initial n’est jamais omis dans cette variété (Hickey, 1999). Alors que l’accent de l’Irlande du Sud est globalement rhotique et /r/ est réalisé [ɹ] avant une voyelle accentuée et [ɻ] dans toutes les autres positions (Wells, 1982). L’accent local de Dublin ne l’est pas forcément. Lorsqu’il est rhotique, il ne s’agit que d’un [ɹ] faible en position finale. Par contre, l’accent de la classe moyenne est rhotique (Wells, 1982, Hickey, 1999) et le /r/ est rétroflexe [ɻ] en position finale. Dans la mesure où nous avons vu que la classe moyenne a plutôt tendance à s’approcher d’une prononciation semblable à celle de la RP, le fait que leur parler est rhotique est surprenant. Hickey (1999) fait l’hypothèse qu’il s’agit, encore une fois, d’une façon de se distinguer de l’accent local. Un accent rhotique est un signe d’appartenance à l’accent prestigieux de Dublin. 1.6.2. L’Irlande du Nord : Belfast Nous avons vu que l’Irlande du Nord a beaucoup d’influences extérieures. Sous la grande influence de l’anglais et parce que l’Ulster se trouve coupé de Dublin (et ses alentours 53 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais linguistiquement dominés par le gaélique irlandais) les différences se sont installées entre le Nord et le Sud. Elle peut être divisée en trois aires linguistiques.59 Ulster Scots, qui a des origines écossaises du fait de l’immigration des Écossais au dix-septième siècle, Mid-Ulster English, qui contient des traits de l’Angleterre du Nord avec l’immigration des Anglais à la même époque, et South Ulster English qui consiste en une mélange de variétés du Nord et du Sud de l’Irlande.60 McCafferty (1999) souligne qu’il est assez difficile de préciser clairement où une aire commence et les autres s’arrêtent mais il insiste sur le fait que c’est la Mid-Ulster English qui est la variété la plus répandue. La ville de Belfast est normalement associée avec Mid-Ulster English, mais nous verrons que les points de vue divergent sur ce sujet. 1.6.2.1. Le système vocalique d’Irlande du Nord : Belfast (Wells, 1982) KIT ɪ FLEECE i NEAR ir DRESS ɛ FACE e SQUARE ɛr TRAP a PALM a START ar LOT ɒ THOUGHT ɔ NORTH ɔr STRUT ʌ GOAT o FORCE or FOOT u GOOSE u CURE ur BATH a PRICE aɪ happY e/ɪ CLOTH ɔ CHOICE ɔɪ lettER ər [ɚ] NURSE ʌr MOUTH aʊ commA ə En tout premier lieu, nous remarquons qu’il n’y a aucun diacritique dans ce système indiquant la durée des voyelles. Wells (1982) explique que la différence majeure entre l’anglais parlé au Nord et au Sud d’Irlande réside dans la convergence entre les groupes lexicaux de GOOSE et 59 Cf. Annexe 1 : un plan détaillé d’Irlande afin de mieux comprendre les aires linguistiques en Irlande du Sud et surtout du Nord. 60 Cf. McCafferty (1999) pour les explications historiques et linguistiques de l’Irlande du Nord. 54 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais FOOT (/u/). De cette manière, nous retrouvons des similitudes avec l’anglais de l’Écosse, notamment dans l’absence de durée de certaines voyelles. Ceci trouve ces origines dans la loi d’Aitken ou « Scottish Vowel Length Rule »61 (cité dans Wells, 1982). Cette règle explique qu’il n’y a jamais d’opposition entre une voyelle brève et longue. Il peut y avoir de la longueur seulement en fonction de l’environnement phonétique mais ce n’est jamais intégré dans le système comme cela est le cas en RP. Il y a trois cas possibles où la longueur existe. Premièrement, en position finale, avant les fricatives sonores (/v/, /ð/ et /z/) et avant un /r/.62 La loi d’Aitken s’applique à des niveaux différents selon la région de l’Irlande du Nord (McCafferty, 1999). D’autres convergences comprennent les groupes TRAP et PALM (/a/) ainsi que TRAP et BATH (/a/) et LOT et THOUGHT (/ɔ/) (Wells, 1982). Ce genre de convergence, en plus d’autres réalisations brèves de certaines voyelles, apportent des prononciations très différentes à d’autres variétés d’anglais, notamment des homophones comme ant – aunt [ant] qui rappellent plutôt un accent américain qu’anglais. Parfois, il existe même le contraire des prononciations de la RP, par exemple : la forme pleine du mot can est [ka:n] alors que can’t contient une voyelle brève [kant] (Wells, 1982). Pour STRUT et NURSE (absence de /ɜ:/) la voyelle est plutôt arrondie en [ö] et ressemble ainsi au « peu » français (Chevillet, 1991). Le phonème /ɒ/ est parfois absent en raison de la convergence /ɒ/ - /ɔ/. Nous avons vu que l’anglais de l’Irlande du Nord avait deux sources d’influences principales ; l’Écosse et l’Angleterre du Nord. Belfast a ces mêmes sources d’influences mais il y a également des traits qui lui sont propres. Bien que McCafferty (1999) place l’anglais de Belfast comme étant une variété de l’anglais du Mid Ulster, il indique que ce dernier est en fait un « dialecte mélangé » avec un système du SVLR modifié. En revanche, Hickey63 pense clairement que l’anglais de Belfast est un mélange de la variété d’Ulster Scots et du Mid Ulster. McCafferty (1999) cite des exemples donnés par Harris (1985) de trois groupes lexicaux qu’il représente sous forme d’un tableau avec les mots qui ont une voyelle brève et longue. 61 Désormais SVLR. Cf. Wells (1982) et Chevillet (1991) pour une explication plus complète. 63 Communication personnelle de Professer Hickey. 62 55 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Table 1.6.2.1. Trois groupes lexicaux de l’accent du Mid Ulster en fonction de leur longueur (Harris, 1985, cité dans McCafferty, 1999) Voyelle Mid Ulster Longue Brève /i/ (FLEECE) See, breeze, fear, Fiat, died Keen, seed, geese, feet, feel /e/ (FACE) Day, daze, rain, fade face, fate /ɛ/ (DRESS) Pen, dead, mess pet Nous pouvons voir dans ce tableau que le groupe de FLEECE suit les règles de SLVR. FACE en fait de même sauf que la voyelle est longue devant /n/ et /d/. Le dernier groupe (DRESS) n’apparaît jamais en syllabe ouverte et subit les mêmes changements de longueur que FACE, sauf que la voyelle est également longue devant /s/ (McCafferty, 1999). Wells (1982) appelle ce phénomène « Ulster Lengthening ». Il ajoute que les voyelles /e/, /ɛ/, /a/, et /ɔ/ sont longues seulement dans les monosyllabes fermées qui se terminent avec n’importe laquelle consonne sauf /p/, /k/, /t/ et /tʃ/, ce qui donne des réalisations comme [re:d] raid, [bɛ:d] bed et [pa:d] pad. Selon Trudgill (1990) il y a des caractéristiques du Sud-ouest de l’Angleterre. Il donne un système et une distribution assez différents. Voici le résumé des différences: /i/ - bee, beer, meet, meat /e/ - bay, bear, plate, weight, mate. Ceci peut varier entre [ɛə] [iə] [ɛ:]. /ɪ/ - pit, fur, bird, city. Ceci est transcrit [ɪɹ]. /o/ - boat, board /ɔ:/ - pause, doll Wells (1982) explique que la voyelle de KIT est plus ouverte et centrale que dans la plupart des autres accents. Elle peut même atteindre [æ̈] surtout devant un /l/, les mots tels que fill et thing peuvent ainsi être réalisés [fæ̈l] et [θæ̈ŋ]. 56 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais Certains mots qui ont /ʊ/ en RP peuvent avoir /ʌ/ dans l’accent de Belfast, ainsi l’on peut trouver wood prononcé /wʌd/ (Wells, 1982). Une autre particularité de l’accent de Belfast est que les voyelles /ɛ/, /ɑ/ et /ɔ/ lorsqu’elles sont brèves donnent l’impression d’être complètement neutralisées. Autrement dit, les trois mots différents pet, pat, pot sont réalisés comme [pat]. Wells (1982) maintient qu’une étude de Milroy (1976) a montré que cette convergence n’avait pas réellement eu lieu. Cependant, cette impression existe et elle peut être trompeuse. 1.6.2.2. Les consonnes d’Irlande du Nord : Belfast L’accent de l’Irlande du Nord est rhotique. Le /r/ est généralement rétroflexe mais peut être soit un /r/ apico-alvéolaire roulé ([r]) ou un battement ([ɾ]) dans certains endroits. Le /l/ est normalement clair sauf à Belfast où le /l/ sombre est très commun (Wells, 1982). Le /t/ intervocalique peut être réalisé comme un battement que Chevillet (1991) note [ḓ]. Par contre, McCafferty (1999) transcrit ce trait comme un battement, par exemple le mot writer est [ˈreiɾər]. Cette réalisation, d’origine d’Ulster du Sud apparaît de plus en plus à Belfast. Il est possible de parler de neutralisation de l’opposition entre /t/ et /d/, alors les mots party et hardy deviennent les homophones (Chevillet, 1991). Les consonnes /t/, /d/, /n/ et /l/ peuvent avoir des variantes dentales sauf à Belfast où ce trait est stéréotypé comme étant rural (McCafferty, 1999). De la même manière que la variété de Liverpool, get on peut être dit avec un /r/ au lieu du /t/. Contrairement à l’Irlande du Sud, les fricatives /θ/ et /ð/ existent sans opposition avec /t/ et /d/ (Wells, 1982), y compris à Belfast. /ð/ est souvent absent de façon intervocalique dans des mots tels que brother : [brɔ̈ər]. La glottalisation de /p/, /t/ et /k/ non-initial font également partie des réalisations courantes à Belfast (McCafferty, 1999). /ʔ/ apparaît fréquemment devant un /n/ ou /l/ syllabique, par exemple : [ˈbɑʔl ̩] - bottle (Wells, 1982) McCafferty (1999) signale également d’autres différences avec le Sud, notamment en ce qui concerne le /k/ initial, qui peut être réalisé /kʲ/ dans un mot tel que cat. 57 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais La terminaison –ing est réalisée /ɪn/ (Wells, 1982). Tout comme en l’Irlande du Sud, le HDropping n’existe pas (Chevillet, 1991). 1.7. Les variétés ethniques Au début de ce chapitre nous avons évoqué le fait que dans le corpus IViE, deux variétés avaient une particularité. Il s’agit des accents de Londres (les locuteurs ont des ascendances Jamaïcaines) et de Bradford (bilingues anglais-panjabi). Il est assez rare que des variétés ethniques soient représentées dans un corpus d’accents régionaux et les recherches sur le traitement de ces variétés sont encore plus rares. Il nous semble donc important de donner quelques détails sur ces deux variétés. Nous avons déjà exprimé le fait que nous pensions que deux accents peuvent subsister ensemble chez un même locuteur, ce qui donne un accent assez unique. Toutefois il s’agit de donner des traits les plus représentatifs que nous retrouverons peut être chez les locuteurs d’IViE. 1.7.1. L’anglais de Jamaïque Nous allons décrire quelques traits de l’anglais de Jamaïque avant de donner les quelques informations trouvées sur l’accent Londonien-Jamaïcain. En Angleterre il existe des communautés des Caraïbes vivant dans des villes telles que Londres, Bristol, Cardiff et Liverpool depuis l’époque de l’esclavage (Sebba, 2007). La langue anglaise est celle de l’éducation et de l’administration sur les territoires des Caraïbes. Cependant, les créoles basés sur l’anglais, c’est-à-dire, le créole jamaïcain (pour les Caraïbes de l’ouest) et le créole des Caraïbes de l’est sont employés tous les jours. Au début des années quatre-vingts, des études de Sebba et Le Page ont montré qu’à Londres le créole jamaïcain dépassait les frontières de cette communauté (Sebba, 2007). Le créole était devenu un symbole d’identité pour les enfants et adolescents britanniques noirs mais aussi par leurs « amis » blancs afin de montrer leur appartenance et amitié (Sebba, 2007). Pour pouvoir parler des locuteurs d’IViE il va falloir prendre en considération les deux systèmes, celui de la région anglaise (Londres) et celui de la variété ethnique. 58 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.7.1.1. Le système vocalique de l’anglais Jamaïcain (Wells, 1982 et Sebba, 2007) KIT i FLEECE ii NEAR - DRESS e FACE ie/e:/ɪɛ ɪɛ SQUARE - TRAP a PALM aa START a:/a:(ɹ) a:/a:(ɹ) LOT ɒ/a THOUGHT ɒ:/a:/ a:/ɔ a:/ɔ NORTH a:/a:(ɹ) a:/a:(ɹ) STRUT o/ɔɔ̈ GOAT uo/o: FORCE o:/o:(ɹ) o:/o:(ɹ) FOOT u GOOSE uu CURE - BATH ɒ:/aa PRICE ɒɪ/aaɪ happY - CLOTH a CHOICE ɒɪ/aaɪ/ɔɪ lettER a/ɐ/ə ɐ/ə NURSE ɔ̈/ɔ̈r MOUTH ou//ɔʊ commA - La première transcription est celle donnée par Wells (1982) et celles en gras sont de Sebba (2007). Ce dernier différencie entre la forme de créole jamaïcain basilecte64 et acrolecte. Les voyelles du type /ɒ/ et /ɔ:/ ne sont pas arrondies dans les mots tels que thought, lot, stop, talk et il peut arriver que la distinction entre TRAP et LOT et THOUGHT et START n’existent plus (Wells, 1982). PRICE et CHOICE sont devenus homophones (/ɒɪ/). Wells (1982) note les mots attack, letter et breakfast de la manière suivante : /atàk/, léta/ et /brékfas/. 1.7.1.2. Les consonnes l’anglais Jamaïcain En ce qui concerne les consonnes, il existe peu de différences entre le système consonantique créole et le système de l’anglais britannique (Sebba, 2007). Comme nous pouvons constater dans le système vocalique ci-dessus, la forme la plus prestigieuse (l’acrolecte) peut avoir un /r/ post-vocalique dans certains groupes lexicaux comme START. Cependant, il semblerait que cette réalisation n’existe pas dans la variété en Angleterre où elle n’est plus considérée comme prestigieuse mais plutôt comme un trait stigmatisé. La distinction n’existe plus aux Antilles entre la prononciation de « th » qui est réalisée comme une occlusive dentale et celle de /t/ et /d/ qui sont réalisés comme des occlusives 64 Celui-ci est présenté en gras en premier dans le tableau. 59 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais alvéolaires (Wells, 1982). Sebba (2007) note toutefois qu’il est encore possible d’entendre /tɪŋk/ - think, et /wid/ - with dans des formes basilectales du créole jamaïcain mais elles n’existent plus en Angleterre. Ce qui semble le plus important à établir est ce qui relève de certaines variétés britanniques, notamment à Londres avec le phénomène de TH-fronting mais qui ne fait pas partie du créole (Sebba, 2007). Si ce trait est présent chez les locuteurs d’IViE, c’est à cause de l’influence londonienne et non pas créole. Nous pouvons dire la même chose pour la réalisation de /l/ qui est toujours claire en créole (Wells, 1982) mais peut être sombre ou carrément réalisée /u/ dans les variétés de Londres. Un allophone de /w/ qui est typiquement antillais ([ɥ]) se retrouve dans les mots comme wheel et wet. Un phénomène typiquement associé à la variété londonien-jamaïcain est que les locuteurs ont tendance à allonger des fricatives initiales. (Sebba, 2007). 1.7.2. L’anglais Panjabi Le panjabi est parlé au Pakistan et dans les provinces Punjab et Gujarat en Inde. La population originaire de ces régions qui habite en Grande Bretagne est connue sous le nom d’« Asian » ou de « British Asian » (Hirson et Sohail, 2007). La communauté indienne65 représente la première communauté ethnique en Grande Bretagne (Lambert, Alam, et StuartSmith, 2007). Du fait de cette importance, de plus en plus d’études se sont penchées sur leur prononciation (Hirson et Sohail, 2007 ; Heselwood et McChrystal, 1999, 2000). Dans une étude sur les enfants bilingues de Bradford, les locuteurs avaient plus de traits caractéristiques du Panjabi que les locutrices (Heselwood et McChrystal, 2000). Les résultats de cette étude montrent l’influence des deux langues dans le parler des bilingues. Ce mélange est dû à la fois au contact avec les monolingues de Bradford, à la langue Panjabi mais aussi au fait d’entendre de l’anglais qui contient des caractéristiques de panjabi. Les traits trouvés chez les locuteurs bilingues anglo-panjabi seront au cœur des discussions ici. Voici la liste des traits vocaliques et consonantiques qui ressortent le plus souvent de cet accent. 65 « British Asian » dans le sens le plus large, ce qui comprend des personnes avec des origines indiennes, pakistanaises et bangladaises. 60 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais 1.7.2.1. Les traits vocaliques et consonantiques de l’accent anglais-panjabi • Une articulation post alvéolaire ou rétroflexe de /t/, /d/ et /n/. Ceci rappelle bien le Panjabi qui réalise certains sons de façon rétroflexe. • Certaines consonnes sont aspirées. • Un /l/ très clair dans les mots tels que candle. Bien que Wells (1982) ait noté que le /l/ du Nord de l’Angleterre soit assez clair en position finale, Heselwood et McChrystal affirment que le /l/ chez les bilingues anglo-panjabis l’était encore plus. Wells (1982) a remarqué que le /l/ est clair dans toutes les positions en anglais indien ainsi que dans l’anglais parlé au Pakistan. • Une voyelle d’appui de type /e/ ou un schwa devant les consonnes /l/ et /n/ dans les mots du types candle et garden. En Panjabi, aucune consonne n’est syllabique, donc les locuteurs, sous l’influence de ce dernier, insèrent une voyelle plutôt que d’employer une consonne syllabique. • La réalisation postérieure des voyelles /a/ et /a:/. Il s’agit peut-être d’un effet de coarticulation des consonnes rétroflexes. Ce trait trouve son origine dans le panjabi. • En ce qui concerne la réalisation du /r/ Hirson et Sohail (2007) ont trouvé qu’elle changeait selon le sentiment d’appartenance des locuteurs. Les locuteurs qui s’identifiaient comme « British Asian » n’avaient pas un accent rhotique. Cependant, ceux qui s’affirmaient comme « Asian » avaient tous un accent rhotique. Ils avaient tous deux réalisations ; un /r/ post alvéolaire [ɹ] et une approximante rétroflexe [ɻ]. D’autres réalisations comprenaient [ɽ] et [ʋ]. 1.8 Conclusion Nous avons passé en revue toutes les variétés d’anglais qui figurent dans le corpus IViE. Nous avons constaté que plusieurs accents pouvaient avoir des racines différentes ou être affectés par d’autres phénomènes comme le nivellement dialectal. Il a été souvent important de parler de l’appartenance régionale ou sociale qui a de forts effets sur certaines variétés et dans certaines communautés. Nous avons constaté les réactions différentes que cela peut créer, par exemple, au Pays de Galles où certains Gallois cherchent à se distancer de l’accent stéréotypé 61 Chapitre 1 Les variétés de l’anglais qu’ils considèrent comme peu prestigieux. Nous nous sommes interrogé sur le statut des locuteurs de Cardiff. Leur bilinguisme leur permet peut être de ne pas renoncer aux racines galloises et de ce fait, ils n’ont pas besoin de montrer leur appartenance en ayant un accent anglais très saillant. Le contraire semble se passer à Dublin où l’accent RP est mal accepté. Cependant, certains locuteurs de cette ville se gardent de conserver ou rejeter l’accent local qui peut être également apprécié différemment selon le locuteur. Dès le début de ce chapitre, nous avons évoqué le fait que parler des accents n’était pas toujours facile puisqu’il s’agit d’un sujet qui est loin d’être seulement phonétique. Nous pouvons mieux voir les effets de tous ces phénomènes lorsque nous regardons nos locuteurs de plus près. Pour l’instant, nous allons voir comment la parole et la variation sont traitées de façon générale. Quelles sont les difficultés de perception ou de compréhension que ces variétés peuvent causer ? 62 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux CHAPITRE 2 LA COMPRÉHENSION ET LA PERCEPTION D’UNE L2 : LES ÉTUDES SUR LES ACCENTS RÉGIONAUX 2.1 Introduction Lorsqu’il s’agit de notre langue native (désormais L1), nous sommes moins conscients de toute la complexité des phonèmes que l’on entend. La plupart du temps, et ce malgré les variations de la parole (phonologiques, des locuteurs), nous percevons et interprétons les phonèmes plus ou moins sans difficulté. En revanche, qu’en est-il lorsqu’il s’agit des variations dans une langue étrangère (désormais L2) ? Les difficultés que rencontrent les apprenants francophones, en ce qui concerne la perception et la compréhension de l’anglais standard, comprennent la perception de certains phonèmes, la réduction de voyelles ou les frontières de mots. Mais qu’en est-il des autres variétés, telles que les variétés régionales britanniques ? Sont-elles plus difficiles à comprendre ? Les difficultés sont-elles les mêmes ? En se basant sur ces difficultés typiques il est possible de penser que les francophones rencontreraient des difficultés face aux variétés régionales de l’anglais. Mais, en l’absence de recherches empiriques, nous ne pouvons pas prédire ces difficultés avec certitude. Il n’est pas exclu que certaines variétés soient plus faciles à comprendre que d’autres. À l’heure actuelle, il est impossible d’affirmer quels accents régionaux britanniques sont les plus faciles ou difficiles à percevoir pour les francophones. Comment traitent-ils la variation dans la parole continue ? Le manque de familiarité avec ces accents régionaux peut jouer un rôle. Wells (1997) souligne le fait que les apprenants devraient être davantage confrontés aux différents accents d’anglais pour en faciliter leur compréhension. La perception et la compréhension d’une L2 dépendent de beaucoup de facteurs différents que nous allons présenter dans cette partie. Les recherches sur les variations et la perception peuvent nous aider à mieux comprendre comment une L2 est perçue de façon générale. Premièrement, nous présenterons brièvement les modèles d’acquisition qui ont été proposés. Ensuite, nous présenterons la perception et la compréhension d’une manière plus globale, puis nous exposerons les travaux concernant la perception et la compréhension des différents 63 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux accents. Nous noterons également d’autres aspects des études sur les accents, tels que les tâches d’identification et l’évaluation des variétés différentes. 2.2. Les théories de l’acquisition et de la perception des langues Certains contrastes phonétiques sont moins difficiles que d’autres à percevoir et cela dépend de facteurs tels que l’âge et la durée d’apprentissage. En effet, à partir de six mois un enfant met en place son système phonologique qui est propre à sa langue maternelle (L1) et à douze mois l’enfant a déjà des difficultés à percevoir les phonèmes qui n’en font pas partie. (Werker, 1984 in Best, 1995). Il existe une multitude d’études sur la façon dont les auditeurs perçoivent les segments d’une langue étrangère. Nous allons passer rapidement en revue trois modèles qui ont eu beaucoup d’influence sur les études de la perception et l’apprentissage d’une L2. Ils tentent de rendre compte du fonctionnement perceptif en tenant compte de la structure phonologique des langues. En général, les auditeurs adultes perçoivent un phonème différemment selon les distinctions qui existent dans leur langue native et dans la L2. 2.2.1. Speech Learning Model (SLM) Ce modèle d’apprentissage d’une L2 (Flege, 1986, 1991, 1995) propose que les apprenants adultes utilisent leur catégories phonétiques pour produire et percevoir les phonèmes nonnatifs. Pour Flege (1986, 1991, 1995), une catégorie phonétique est une représentation des phonèmes spécifiques à une langue qui est conservée dans la mémoire à long terme. Pour cette opération on utilise le terme de « catégoriser », autrement dit, regrouper plusieurs unités physiques sous une même représentation. Selon Flege (1995) la notion d’une catégorie phonétique implique la capacité perceptive à : - identifier une large gamme de phonèmes différents comme étant « les mêmes » malgré les différences auditives discernables entre eux - distinguer les exemplaires d’une même catégorie des autres catégories. 64 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux La capacité à apprendre une L2 diminue avec l’âge, mais les mécanismes et le processus que nous utilisons pour l’acquisition de notre propre système demeure intact toute la vie et peuvent être appliqués à une L2 (Flege, 1995). Flege (1995) définit plusieurs catégories de classification : - Les phonèmes qui sont déjà assimilés ou qui sont presque identiques dans les deux langues (old). Les apprenants utilisent l’équivalence en L1 et les mêmes stratégies de traitement pour ces phonèmes qui posent peu de problèmes au niveau perceptif et productif. - Les nouveaux phonèmes, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas d’équivalent dans le système L1. Ces phonèmes présentent des difficultés initiales de perception. Cependant les apprenants peuvent apprendre à créer de nouvelles catégories pour ces phonèmes. - Les phonèmes qui sont similaires ou proches d’autres phonèmes dans la L1. Le fait qu’ils soient assimilés à des catégories proches en L1 peut faciliter la perception et la production tout du moins au début. Mais il existe souvent une disparité entre ces phonèmes similaires qui peut amener à des confusions perceptives. Il est très difficile de différencier les phonèmes qui sont similaires dans les systèmes de la L1 et de la L2. Pour les apprenants tardifs ceci peut être un vrai problème (Flege, 1995). L’âge d’apprentissage de la L2 est très important. Plus une langue est apprise tard, plus on a des difficultés à percevoir les différences entre les phonèmes et, par conséquent, il est davantage difficile de créer de nouvelles catégories phonétiques. Un apprenant tardif, celui qui apprend une langue après l’âge de 7 ans, peut encore créer de nouvelles catégories (Flege, 1995). Cependant, il rencontre des difficultés à produire et à percevoir des phonèmes de la L2 qui sont proches de ceux dans la L1. Par contre, apprendre une langue après l’âge de 15 ans rend la formation de nouvelles catégories difficile (Flege, 1995). Pour bien percevoir une langue, l’idéal est de créer les catégories pour les phonèmes qui sont similaires dans les deux langues ou qui n’existent pas dans la L1. Cependant, la mise en place de catégories phonétiques d’une L2 peut être fortement perturbée si l’apprenant classe deux phonèmes proches de la L1 et la L2 dans la même catégorie. Un exemple donné par Flege (1995) est celui des apprenants espagnols qui avaient tendance à identifier des représentations du /æ/ anglais comme une réalisation appartenant à la catégorie 65 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux phonétique du /a/ espagnol. Ils les percevaient comme appartenant à la même catégorie. Afin de pouvoir créer une nouvelle catégorie les apprenants doivent d’abord arriver à percevoir la différence phonétique entre les phonèmes. Selon ce modèle, ils vont continuer à percevoir les deux phonèmes comme étant les mêmes tant qu’ils n’auront pas créé une nouvelle catégorie phonétique ou modifié les phonèmes dans leur L1. La création de catégories nouvelles peut être facilitée par l’âge d’apprentissage mais aussi selon la distance acoustique entre les phonèmes. Le modèle postule que les phonèmes de la L1 et la L2 existent dans un seule espace phonologique. Lorsque deux phonèmes sont acoustiquement très proches il faut d’abord arriver à modifier ceux de la L1 afin de garder un contraste entre les deux. Les nouveaux phonèmes sont ceux qui n’ont pas d’équivalent dans le système L1. L’apprentissage d’une deuxième langue est différent selon la densité du système vocalique d’une langue ; en effet, le nombre de voyelles dans un système vocalique joue un rôle important dans la perception d’autres voyelles. ’D'un côté, on peut formuler l’hypothèse que la création de nouvelles catégories est plus facile pour les apprenants qui ont un système vocalique L1 complexe (par exemple, le norvégien ou l’allemand), que pour les apprenants qui ont un système vocalique plus simple (par exemple, l’espagnol et le français). Iverson et Evans (2009) expliquent en effet que l’assimilation peut être plus difficile pour ceux dont le système vocalique de la L1 est simple du fait qu’ils puissent assimiler plusieurs voyelles de la L2 à une seule catégorie de la L1. Par exemple, les espagnols auraient tendance à assimiler les voyelles anglaises /i/ et /ɪ/ à une seule catégorie, c'est-à-dire /i/. Il leur est donc initialement difficile de distinguer les voyelles de la L2. D’un autre côté, malgré ce premier obstacle, un système vocalique réduit pourrait au contraire faciliter l’apprentissage ; en effet, Flege (1995) a montré qu’ il est plus facile de créer de nouvelles catégories quand la distance acoustique entre deux phonèmes est grande. Il reste davantage de place dans l’espace acoustique qui n’est pas déjà occupé par une voyelle de la L1 (Flege, 1995). En revanche, Flege (1995) souligne que, pour les langues dont le système vocalique est complexe, l’espace acoustique libre est réduit et la création d'une nouvelle catégorie est plus difficile à faire. Lorsque le système vocalique de la L1 est simple, deux possibilités acoustiques peuvent alors être formulées (Flege, 1995) : - L’assimilation pose des problèmes parce qu’il y a plus de voyelles dans la L2 que dans la L1. Il est donc plus probable que plusieurs voyelles de la L2 soient assimilées à une seule voyelle en L1. 66 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux - Le fait d’avoir moins de voyelles dans sa L1 peut faciliter l’apprentissage à long terme, malgré cette première difficulté d’assimilation. Afin d’illustrer ce que nous venons de voir, prenons le cas des anglophones qui n’ont pas de catégorie /y/. À priori, ils devraient avoir de l’espace libre pour créer cette nouvelle catégorie cependant, ils le perçoivent comme la voyelle anglaise /u/. Un autre exemple de phonème nouveau est celui de /θ/ qui est plus souvent assimilé à une catégorie similaire par les nonnatifs (/f/, /s/) plutôt qu’à une nouvelle. Le fait qu’un phonème en L2 n’existe pas dans le système phonologique de la L1 ne garantit pas que le phonème soit perçu comme nouveau. 2.2.2. Perceptual Assimilation Model (PAM) Ce modèle se base sur les patterns d’assimilation de phonèmes non-natifs dans une population monolingue. Il postule que l’assimilation perceptive des phonèmes non-natifs dans le système phonologique natif dépend à la fois des types de contrastes qui existent dans la L1 et des similitudes ou dissimilitudes phonétiques entre les catégories de la L1 et la L2 (Best, 1995). Dans ce modèle la structure de la L1 joue un rôle essentiel dans la façon dont les phonèmes d’une L2 sont perçus. Selon ce modèle lorsque les phonèmes sont similaires dans les deux langues, l’auditeur a tendance à assimiler les phonèmes de la L2 aux catégories de la L1. la distinction entre deux phonèmes (d’une L1 et d’une L2) se fait en fonction de leurs similitudes ou leurs dissimilitudes. Le mécanisme principal est celui de l’assimilation de contrastes phonémiques non-natifs et aux catégories natives. Il y a quatre types d’assimilation qui prédisent comment un phonème non-natif est traité : - Un phonème contrastif de la L2 est assimilé à une catégorie de la L1 (single category goodness). Ceci peut se produire même si le phonème est un bon ou un mauvais exemplaire. Autrement dit le phonème peut être perçu comme un bon exemplaire alors qu’il ne l’est pas. - Un contraste de la L2 est assmilié à deux catégorie de la L1 (two category). - Deux phonèmes sont assimilés à une seule catégorie de la L1. Un seul est considéré comme le meilleur exemplaire parce qu’il est plus proche du prototype. Un prototype est le meilleur exemplaire d’une catégorie phonétique. Malgré la similitude des deux phonèmes avec une seule catégorie de la L1, l’auditeur commence à se rendre compte 67 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux qu’ils sont différents (category goodness). Percevoir la distinction entre deux phonèmes est le point de départ du développement d’un nouveau contraste. - Les phonèmes non-natifs ne sont pas perçus comme de la parole (non speech sounds) comme cela est le cas des clicks dans certaines langues africaines. Le cas qui présente la plus haute difficulté au niveau de la perception et de l’apprentissage est lorsque les phonèmes sont perçus comme de bons exemplaires alors qu’en réalité ils ne le sont pas. Dans ce cas, il est très difficile de percevoir le contraste entre les deux, et les phonèmes de la L2 sont assimilés à une catégorie de la L1. 2.2.3. The Native Language Magnet Model (NLM) et The Perceptuel Magnet Effect (PME) Le modèle de l’aimant de la langue maternelle (Kuhl, 1991, Iverson et Kuhl, 1995) se base sur les concepts d’aimants perceptifs et de prototypes. Ce dernier est la meilleure représentation d’un phonème. Il agit comme un aimant qui attire les exemplaires dans son voisinage (Kuhl, 1991). À la fin de la première année de notre vie, les catégories sont formées et les aimants fonctionnent pour la L1. Désormais l’enfant n’est plus capable de distinguer entre tous les phonèmes des différentes langues mais seulement ceux qui font partie de sa L1. Avec l’expérience de la langue maternelle, ces aimants s’affinent, ce qui rend possible la reconnaissance ou la perception d’un phonème quelle que soit la manière dont il est réalisé ou son contexte phonétique. Pour les adultes, leur prototype est représenté mentalement. Il est basé sur ce qui est typique ou idéal dans leur L1. Selon ce modèle, nous pouvons identifier des phonèmes qui sont plus ou moins proches du prototype de notre L1. De cette façon, la variabilité des phonèmes qui est due aux locuteurs (entre autres : l’idiolecte ou l’accent) n’affecte pas notre perception. En ce qui concerne la perception d’une langue étrangère, cet effet « d’aimant perceptif » peut aider à expliquer comment les phonèmes non-natifs sont perçus. L’aimant perceptif va attirer les phonèmes qui sont proches des exemplaires de la L1, ce qui peut rendre difficile la distinction entre deux phonèmes de deux systèmes différents. À contrario, les phonèmes qui sont très différents sont a priori plus faciles à distinguer puisqu’ils ne ressemblent pas aux phonèmes du système natif. Par exemple, pour un francophone qui a un seul exemplaire du /i/ il est difficile de faire la différence entre les 68 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux voyelles anglaises /i:/ et /ɪ/ puisqu’elles sont toutes les deux attirées par le prototype /i/ du français. L’effet de l’aimant perceptif fait que l’exposition à une langue entraîne la distorsion des distances perçues entre les phonèmes qui ensuite entraîne des difficultés à produire et à percevoir correctement des phonèmes qui ne font pas partie de notre L1. Kuhl (1995) indique que la perception de la variation phonétique est déterminée par l’expérience spécifique à la L1. Ainsi, la distinction entre deux phonèmes est moins efficace lorsqu’un phonème s’approche du prototype d’une catégorie. Ces théories ont été à la base d’énormément d’études sur la perception. Cependant, elles ont leurs limites, que nous allons développer dans la section suivante. 2.2.4. Mise en question des modèles d’acquisition Il y a certains paradoxes dans les modèles que nous venons de voir. Leurs objectifs étaient de contribuer au développement de la perception cependant, ils ne donnent aucun indice concret permettant aux apprenants de traiter les problèmes de perception qu’ils rencontrent (Wode, 1995). Comment un apprenant peut-il savoir ce qui constitue un phonème nouveau, similaire ou identique ? En ce qui concerne le modèle de Best (1995), qu’est ce qui est non-assimilable ou assimilable ? Rochet (1995) fait remarquer qu’il n’existe aucun moyen de prédire quels phonèmes de la L2 vont être identifiés aux phonèmes de la L1, ou lesquels seront catégorisés comme nouveaux. Trois critères sont souvent utilisés pour déterminer s’il s’agit de phonèmes nouveaux, assimilés ou similaires à savoir, le symbole phonétique utilisé, la similitude acoustique et la perception de l’auditeur. Le critère du symbole phonétique paraît insuffisant. Nous avons vu le cas de /θ/, qui est souvent un phonème nouveau mais qui peut être assimilé à une catégorie similaire plutôt que nouvelle. Nous pouvons également citer les voyelles (/u/ et /i/) qui sont transcrites de la même façon en anglais et en français mais qui ne sont pas pour autant produites de la même façon dans les deux langues. Est-ce que ces phonèmes sont à classer comme identiques ? Cela reste assez vague dans les modèles. Weinreich (1953, cité dans Strange, 1995) a dit qu’utiliser le phonème était insuffisant pour expliquer tout les cas de substitution et a suggéré d’utiliser des traits distinctifs, mais ceux-ci se sont également avérés insuffisants. D’autres phonèmes peuvent se ressembler mais n’ont pas les mêmes valeurs dans les langues différentes. Par 69 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux exemple, en français et en anglais /p/t/k/ ne sont pas identiques notamment à cause de leur délai d’établissement du voisement (VOT). Selon le modèle de Kuhl,66 nous pouvons comprendre tous les locuteurs de notre L1, malgré les variations possibles. Il ajoute que l’expérience ou les connaissances de la L1 rendent possible la perception d’un phonème quelle que soit la manière dont il est réalisé. Ceci paraît problématique. Nous n’avons pas forcément les connaissances de toutes les variations possibles dans notre L1. Comprendre un accent dont nous n’avons pas l’habitude peut s’avérer très difficile, notamment à cause de la distribution des phonèmes ou à cause de ceux qui n’existent pas dans notre propre système phonologique. Nous avons vu dans le chapitre précédent à quel point les variétés régionales de l’anglais peuvent être différentes. La plupart des britanniques diront qu’ils ont déjà rencontré des difficultés de compréhension face à un autre britannique. Avec nos expériences, notamment celle sur la compréhension, nous pouvons vérifier si la variation crée une gêne pour la compréhension. La L1 est centrale dans ces modèles. Selon Strange (1995) il ne suffit pas de dire que les phonèmes les plus éloignés ou les plus différents de la L1 vont être les plus difficiles à comprendre ou à percevoir. De plus, ils ne semblent pas prendre en compte la variabilité qui peut exister au sein de la L1. Expliquer les problèmes d’apprentissage et de perception à partir de la L1 peut être inexact si la variation de la L1 n’est pas prise en compte. Prenons l’exemple du français standard et du français méridional. Il y a plusieurs différences : le français standard utilise des voyelles nasales, alors que le français méridional a des voyelles partiellement nasalisées, suivies de [ŋ]. L’opposition entre côte et cote est souvent neutralisée dans le Sud. (Woehrling et Boula de Mareüil, 2005, Dufour et al., 2007). Dans notre étude, les participants francophones sont quasiment tous nés dans le Sud, dans les environs d'Aix-enProvence 67 et de Marseille. De ce fait, perçoivent-ils une L2 de façon différente ? Autrement dit, un Marseillais perçoit-il l'anglais d’une manière différente qu'un Parisien? Si nous considérons ces modèles il est fort possible que cela soit le cas. Alors pour toutes ces raisons, est-ce que ces théories peuvent s’avérer adéquates pour notre travail ? La plupart des études qui s’appuient sur ces modèles ne traitent que de la perception 66 « Avec l’expérience de la langue maternelle, ces aimants s’affinent, ce qui rend possible la reconnaissance ou la perception d’un phonème quelle que soit la manière dont il est réalisé ou son contexte phonétique » (Iverson et Kuhl, 1995). 67 Cf. Floccia, C., Goslin, J., Girard, F., et Konopczynski, G. (2006), pour une description plus exhaustive de l’accent d’Aix en Provence. 70 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux des phonèmes, des mots ou les syllabes isolés. Il existe très peu d’études qui mesurent la compréhension ou la perception de phrases. 2.2.5. Conclusion Une des critiques principales faite à propos de ces modèles est qu’il y a peu d’indication pour savoir à quelle catégorie appartient un phonème et comment l’apprenant doit faire pour résoudre les problèmes qu’il peut rencontrer dans l’apprentissage d’une L2 (Bohn, 1995). Les deux premiers modèles font l’hypothèse que les types de phonèmes de la L1 et de la L2 peuvent prédire les difficultés initiales de perception. Les phonèmes de la L2 peuvent être assimilés aux catégories de la L1. Certains phonèmes peuvent être mal-assimilés. Cependant, avec de l’expérience, il est fort probable que les apprenants puissent faire la distinction entre les deux. Pour les phonèmes nouveaux il n’y a pas forcément de transfert entre la L1 et la L2 (Bohn, 1995). De cette façon les nouvelles catégories peuvent être créées. Deux situations qui posent des difficultés majeures ressortent clairement de la plupart des recherches : soit les phonèmes de la L2 ne se trouvent pas dans le système de la langue native et sont compliqués à catégoriser ; soit les phonèmes se trouvent proches d’une catégorie phonologique dans la langue native mais ils sont phonétiquement différents et posent également des problèmes. 2.3. La perception et la compréhension des variations Il convient maintenant de présenter les différents types de variations qui peuvent influencer la perception et la compréhension des natifs et des non-natifs. Tout d’abord, nous allons parler de la terminologie avant de proposer celle que nous allons utiliser dans la suite de ce travail. 2.3.1. Introduction Nous venons de voir quelques théories qui sont liées à la fois à l’apprentissage et à la perception. Nous voulons maintenant présenter la terminologie que nous allons employer avant de parler de certaines variations qui peuvent avoir un impact sur la perception et la compréhension. Dans la suite de ce travail, nous allons présenter les divers points de vue sur la variation dans la parole ainsi que les différentes théories qui tentent d’expliquer sa 71 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux perception. Nous verrons qu’il existe différentes formes de variations en plus de celle induite par les variétés régionales. Ces éléments sont indispensables pour expliquer la façon dont nous avons construit notre étude ainsi que notre positionnement sur le traitement de la variation. Nos recherches portent essentiellement sur les accents régionaux mais il fallait également prendre en compte les autres sources de variabilité qui peuvent avoir des conséquences sur le traitement de la parole. Nous verrons que la plupart des études sur les accents régionaux ont introduit une deuxième variable, celle de la longueur des énoncés. Des théories différentes existent sur l’influence que celle-ci peut avoir sur la compréhension des accents régionaux. Nous allons voir qu’il existe une étude en particulier qui a mené des expériences d’identification et de compréhension des variétés régionales chez des natifs et des non-natifs. Tout d’abord, nous définissons la compréhension et la perception telles que nous les concevons dans ce travail. 2.3.2. La terminologie Dans les recherches sur les variétés régionales que nous citons dans cette partie les auteurs utilisent de façon interchangeable les termes tels que perception, compréhension, intelligibilité, et reconnaissance de mots. Par exemple, Fraser Gupta (2005) parle d’intelligibilité, alors que nous verrons qu’elle fait référence à plusieurs procédés. Globalement, il est évident que par la nature des expériences et les types d’énoncés ciblés (souvent les syllabes ou phonèmes isolés), il y a plus de références faites à la perception et à la reconnaissance qu’à la compréhension. Il en va de même concernant les recherches sur l’identification d’accents ou de dialectes. La littérature parle autant d’identification, de reconnaissance, et de catégorisation pour les tâches identiques. Nous allons donner quelques exemples des définitions existantes pour ensuite proposer celle que nous comptons utiliser. La perception bénéficie de diverses définitions, celle que nous avons choisie nous semble très fructueuse puisqu’elle met en relation la compréhension et la perception. Ce lien est central dans les expériences de notre travail (cf. hypothèses). « The process of speech perception can be described, in the most simple way as what happens in between the perception of an acoustic wave and the discovery of the meaning of the word » (Sebastian-Gallés 2005: 547). Ce processus paraît très simple, mais nous verrons que la variation inhérente aux accents régionaux peut troubler à la fois la perception et la compréhension du signal. 72 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux Lorsque Munro et Derwing (1995 : 291) parlent de comprendre la parole des non-natifs, ils définissent trois dimensions : l’intelligibilité, la compréhensibilité et le degré d’accent. Ils expliquent également de quelle façon ces dimensions peuvent être évaluées. - Intelligibility : refers to the extent to which an utterance is actually understood. This may be assessed by presenting listeners with words, sentences, or longer units and asking them to write, in standard orthography, what they have heard. The number of words correctly transcribed is an index of speaker intelligibility. - Comprehensibility : refers to listeners’ perceptions of difficulty in understanding particular utterances. Speech samples have often been rated for comprehensibility with Likert-type scales. - Accentedness : refers to how strong the talker’s foreign accent is perceived, also by using Likert scale methods. Si ces définitions nous semblent tout à fait pertinentes, elles abordent peu la dimension de la perception dans la compréhension. De plus, les auteurs spécifient que dans une transcription orthographique, le nombre de mots correspond à ceux que l’auditeur a compris. Le nombre de mots transcrits ne correspond-il pas également aux mots reconnus ou perçus ? Le fait de reconnaître un mot signifie-t-il que nous l’avons compris ? Nous ne pourrons réellement répondre à ces questions que lors de l’analyse de nos résultats. Si nous reprenons les termes de Munro et Derwing (1995), la définition donnée de la première, c'est-à-dire l’intelligibilité, correspond à notre expérience de compréhension qui demande aux participants d’écrire orthographiquement les énoncés entendus. Nous pensons que cela pourrait s’appeler autant une tâche de perception, d’intelligibilité ou de compréhension, mais nous avons opté pour celle qui est peut être la plus académique, c'est-àdire la compréhension. Cependant, dans la suite de ce chapitre, nous allons garder les termes tels qu’ils sont donnés dans les travaux que nous citons. Maintenant, nous allons noter les différentes sortes de variations que nous pensions trouver dans les enregistrements du corpus IViE afin d’en déterminer son traitement. Est-ce qu’elle peut réellement empêcher les processus de perception et de compréhension ? 2.3.3. L’influence de la variation dans le traitement de la parole La question de savoir comment la variation est perçue fait encore débat. L'approche traditionnelle dans l'étude de la perception de la parole et dans le traitement du langage a été 73 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux d'ignorer la variation phonétique (Clopper et Pisoni, 2005). Une approche différente est de reconnaître que ces sources de variabilité sont les conséquences naturelles de la variation du langage et d’examiner comment la variation et la variabilité sont traitées dans la perception. Les modèles basés sur les exemplaires peuvent expliquer comment les auditeurs traitent la variabilité. Par exemple, la façon dont les apprenants assimilent des contrastes non-natifs, ou s’adaptent à différents locuteurs. Les mots sont représentés de façon concrète et détaillée chez l’auditeur sous la forme d’exemplaires. En écoutant la parole, les auditeurs rassemblent les exemplaires concernant un certain contraste non-natif ou un trait linguistique d’un locuteur. Ensuite, ils comparent ce qu’ils entendent aux autres exemplaires rassemblées dans le lexique mental pour trouver un exemplaire similaire. Ce procédé peut amener à un traitement de la parole et des variations plus rapides et plus correctes (Nygaard, 2005). La variation est détectée et peut aider dans la perception de la parole. Ces modèles adoptent la notion que la variation dans la parole est importante et que les auditeurs ont la capacité de décoder les détails du signal vocal et que cela fait partie du processus de perception (Pisoni, 2005). Jusqu’à très récemment, la variation dans la parole a été traitée comme une source de bruit, c'est-à-dire comme un attribut qui n’avait aucune importance dans le processus du traitement de la parole. Ainsi, les différences phonétiques entre locuteurs furent traitées comme des aspects indésirables qu’il fallait réduire ou éliminer pour ne révéler que les propriétés linguistiques sous-jacentes du message. Certains modèles actuels supposent encore que la variation est rapidement écartée par un processus de normalisation pour que le contenu significatif du signal puisse être reconnu. Cette supposition est centrale dans les modèles traditionnels abstractionnistes de la parole selon lesquels la variation est traitée comme du bruit (Pisoni, 1997). Selon ces modèles, les auditeurs associent à chaque mot une représentation phonologique qui est indépendante des caractéristiques spécifiques aux locuteurs. La variation, le bruit, voire l’assimilation ne font ainsi pas obstacle dans le traitement du signal. Les auditeurs sont en quelque sorte insensibles aux variations, ou celles-ci ne sont simplement pas détectées. Cependant, pour comprendre le processus de perception de la parole, il faut en savoir davantage sur la perception des sources majeures de variabilité et sur sa codification avec le message linguistique de l'énoncé. Le fait d’avoir voulu éliminer les sources de variation dans les expériences a peut être donné de fausses idées concernant le processus perceptif. Nous allons voir que le processus perceptif peut traiter la variabilité mais qu’elle peut avoir des conséquences importantes sur la perception et la compréhension. 74 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux Dans le signal vocal, il peut y avoir énormément de sources de variabilité. Nous pensons qu’il y a celles qui sont plutôt naturelles dans la parole : par exemple, la variation entre locuteurs, les changements de débit et de dialecte, la variation à cause du contexte social, les effets syntaxiques, sémantiques, et pragmatiques ainsi que l’état émotionnel du locuteur. Il y a aussi toutes sortes de variations liées à l’environnement et qui n’ont rien à voir avec la voix et peuvent être nuisibles dans certains cas, tels que le bruit de fond, les caractéristiques et la qualité du microphone et les enregistrements en général. De nombreux chercheurs ont réduit ou éliminé ces deux types de variations (Strange, 1995). Dans ce travail il nous paraît important de réduire certaines sources de variabilité (par exemple, le bruit extérieur) pour se concentrer sur la variation qui est centrale dans ce travail, c'est-à-dire les différences régionales. Nous n’examinons que quelques-unes de ces sources de variation. Nous commençons par la variation entre locuteurs, qui est un sujet de grande importance dans cette étude. 2.3.3.1. L’influence de la variation due aux locuteurs Un phonème n’est jamais réalisé deux fois exactement de la même façon, même chez un seul locuteur. Le terme « speaker normalisation » fait référence au fait que les énoncés qui sont phonologiquement identiques montrent énormément de variations acoustiques d’un locuteur à un autre et que les auditeurs sont capables de reconnaître les mots malgré ces variations. Par exemple, le mot « cat » prononcé par une femme ou par un homme est normalement identifié comme « cat » alors que l’analyse acoustique montre que les formants sont très différents. Néanmoins les auditeurs normalisent et comprennent la parole. Pour les natifs, la normalisation se fait assez facilement. Nagle et Sanders (1986) citent Fant (1956), Ladefoged et Broadbent (1957) qui à l’époque pensaient déjà qu’un processus d’ajustement (tuning process) jouaient un rôle essentiel dans le traitement de la parole. Le fait d’utiliser plusieurs locuteurs peut donner des résultats plus pauvres ou des temps de réaction plus longs. Par exemple, lors d’une expérience d’identification de mots, Pisoni et Lively (cité dans Strange, 1995) ont montré que les auditeurs s’adaptent rapidement à un seul locuteur. Trois mois plus tard, ils ont fait une deuxième expérience. Les sujets ont eu de meilleurs résultats avec le locuteur familier qu’avec un locuteur inconnu. Cependant, les auteurs ont remarqué que cela pouvait empêcher la reconnaissance de mots nouveaux. Summerfield et Défait (1973, in Pisoni et Remez, 2005) ont constaté lors d’une tâche de reconnaissance de mots que les temps de réponses étaient plus longs lorsqu’il y avait plusieurs 75 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux locuteurs. Verbrugge et al. (1974, idem) ont constaté que l'identification des voyelles était plus précise avec un seul locuteur. Il y avait 9.5 % d’erreurs contre 17% d’erreurs avec plusieurs locuteurs. Kakehi (1992) décrit des expériences faites pour examiner l'adaptation des auditeurs à la voix d’un seul locuteur. Il a trouvé un effet très intéressant : l'exactitude des réponses a augmenté de façon régulière : de 70% de réponses correctes sur le premier stimulus à 76% réponses correctes sur le cinquième stimulus. Après le cinquième stimulus, aucune amélioration n’a été observée. Afin d’expliquer pourquoi les résultats sont meilleurs avec un seul locuteur, Johnson (2005) suppose que les auditeurs utilisent « un système de référence » qui est comme une représentation du locuteur. Dans ce cas, il est normal de trouver que l’auditeur prend quelque temps pour s’adapter à un nouveau locuteur. Autrement dit, le locuteur s’adapte ou enregistre des points de référence à chaque fois qu’il écoute le locuteur, ici à quatre reprises ; à la cinquième le processus est terminé et les résultats ne s’améliorent donc plus. L’auditeur montre des difficultés dans le traitement du stimulus en faisant des erreurs ou en ayant des temps de réponses plus longs puisqu’il est en train de construire un système de référence pour ce locuteur. Ces difficultés persistent pendant l’exécution du processus d’adaptation. Ce que Johnson (2005) décrit fait penser à un phénomène que nous avons tous probablement connu lorsque l’on rencontre de nouvelles personnes. Il semble que nous ayons besoin d’un temps d’ajustement. Comme s’il fallait se calibrer aux changements ou si l’on devait prendre quelques instants pour enregistrer et s’habituer à certains traits, par exemple à une voix très basse ou un accent peu familier. Ce système de référence nous paraît très fructueux comme explication à certains phénomènes. Il sera intéressant de voir si nous pouvons l’appliquer à notre travail. Est-ce que cette notion de système de référence ou d’ajustement peut être appliquée aux accents régionaux ? Contrairement à ce que nous venons de voir, Joos (1948, in Pisoni et Remez, 2005 : 373) explique que les natifs sont capables de construire un modèle assez complet de voyelles d’un nouveau locuteur basé seulement sur un énoncé court. Des expériences faites par Kakehi (1992) ont montré qu’il fallait seulement 4 à 5 monosyllabes aux natifs japonais pour arriver à s’adapter complètement à un nouveau locuteur japonais. Ceci est peut être possible pour les natifs, mais qu’en est-il pour les non-natifs ? Il n’est pas certain que les systèmes de référence décrits ici fonctionnent de la même façon. Nous venons de voir certaines études qui établissent les effets négatifs et positifs au fait d’avoir un ou plusieurs locuteurs lors d’une expérience. Nous avons surtout retenu que le fait d’écouter plusieurs locuteurs peut créer des difficultés pour les auditeurs. Ces difficultés se 76 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux traduisent par des temps de réponses plus longs ou des résultats plus pauvres. Autrement dit, cela produit un coût de traitement dans la reconnaissance des mots. Au vu de ces résultats nous avons décidé de n’utiliser qu’un seul locuteur par variété régionale pour l’expérience de compréhension. 2.3.3.2. L’influence des stimuli et le style de parole Pisoni et certains de ses confrères (Bradlow et al., 1997, Lively et al., 1994, Logan, Lively et Pisoni, 1991 in Pisoni et Remez, 2005) estiment que la meilleure façon d’avoir des catégories phonétiques robustes est d’utiliser des méthodes d’apprentissage qui s’appuient sur des stimuli variés. Ils reconnaissent que la variation peut être initialement plus difficile à traiter par des non-natifs mais affirment que « the potential long-term benefits in terms of developing new phonetic categories outweighed these concerns » (Logan et al., 1991 : 876 cité dans in Pisoni et Remez, 2005 : 560). Le type de parole utilisé dans les expériences de perception et lors de l’apprentissage d’une langue peut contenir plus ou moins de variabilité. Cependant, les plupart des expériences n’utilisent que des stimuli de syllabes ou des mots isolés. La parole continue, justement par sa nature, contient énormément de variations et peut s’avérer problématique pour les non-natifs. Strange (1995) soulève ce problème : « Cross-language studies demonstrate that adult listeners have considerable difficulty perceiving many non-native contrasts among both vowels and consonants, especially when the stimulus materials incorporate the type of variability normally found in natural speech utterances ». Il est supposé que les natifs utilisent un mécanisme de compensation perceptive (Lindblom, Studdert-Kennedy 1967 cité dans Tohkora, 1992). Ce mécanisme est utilisé par les auditeurs pour ajuster les frontières entre les phonèmes en fonction du contexte afin de les aider à reconnaître un mot qui a été mal prononcé ou masqué par du bruit. Il est peu probable que les non-natifs (les non-bilingues) aient ce même mécanisme de compensation. Il est assez rare de tester les capacités des auditeurs à comprendre et à percevoir des phrases entières. Cependant, le traitement par des non-natifs de la parole continue, même celle qui n’est pas spontanée, s’approche d’une situation réelle à laquelle les apprenants pourraient être confrontés dans la vie de tous les jours. Le style de parole peut aussi avoir une influence sur la perception et la compréhension. Il ne faut pas oublier que dans les expériences linguistiques, la parole des locuteurs est souvent une parole lue et assez soignée. Bradlow et Bent (2002) ont examiné jusqu’à quel point le fait de 77 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux parler clairement pouvait influencer l’intelligibilité. Leurs résultats ont montré que ce style de parole était bénéfique à la fois pour les natifs mais aussi pour les non-natifs, bien que dans une moindre mesure. La parole soignée a légèrement moins de modifications vocaliques, telle que la réduction de voyelles. Par contre, dans des expériences sur l’identification d’accents régionaux en français, le style de parole (lecture formelle et parole spontanée) n’a pas affecté les résultats et les deux types de parole étaient identifiés de la même façon (Woehrling et Boula de Mareüil, 2005). Cependant, il faut souligner que ces expériences étaient faites par les natifs francophones, les apprenants d’anglais francophones sont peut être plus sensibles aux variations présentent dans la parole spontanée. Ce qui important de retenir est que la parole « claire » n’était que légèrement bénéfique pour les non-natifs lorsqu’ils écoutaient de la parole continue dans l’expérience de Bradlow et Bent (2002). 2.3.3.3. L’influence de la longueur des énoncés Le choix des stimuli est important et peut avoir des effets sur les résultats. Nous allons voir que certaines études sur l’identification ou la compréhension d’accents ont ajouté la variable de la longueur des énoncés. La plupart de ces études consistent à traiter la parole native par des natifs ou bien la parole non-native par des natifs. Il existe encore peu d’expériences qui testent la capacité des non-natifs à identifier ou à comprendre des variations chez des natifs, et encore moins qui ajoutent un autre élément tel que la longueur des énoncés. Différentes hypothèses existent concernant le traitement de cette variable, son impact, et son effet sur les capacités d’adaptation de la part des auditeurs. Il semble raisonnable de penser que plus l’auditeur reçoit d’informations, plus il peut s’adapter à ce qu’il entend. La parole peut être extrêmement variable mais notre système perceptif est remarquablement efficace et peut ignorer ou normaliser ces variations et extraire les représentations lexicales. Comment agit le système perceptif des non-natifs lorsqu’il est confronté à des variations et en particulier, estce qu’ils peuvent bénéficier des énoncés plus longs afin de mieux comprendre un accent régional ? Certains linguistes se sont intéressés au phénomène de la parole comprimée68 comme point de départ pour l’étude de la perception des accents et ont analysé les effets produits par 68 Une condition extrême d’une variation de débit qui mène à la démonstration de phénomènes très locaux et provisoires d’adaptation tels que la normalisation de traits phonétiques temporels comme le VOT (Miller et Liberman, 1979 in Pisoni et Remez, 2005). 78 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux l’adaptation des auditeurs à la parole comprimée. Dupoux et Green (1997) ont rapporté que seulement cinq à dix phrases comprimées étaient suffisantes pour une adaptation satisfaisante. Selon ces auteurs, cette adaptation résulterait de l’action conjuguée de deux mécanismes : - Un ajustement à court terme aux paramètres locaux. - Un apprentissage à long terme, qui coderait l’information phonologique et lexicale sur ce nouveau modèle de parole. Ils ajoutent que ces mécanismes permettent également de s’adapter à un accent régional ou étranger. Floccia et al. (2004, 2006) ont mené plusieurs études sur la reconnaissance de mots des accents régionaux français chez les francophones. Ils ont émis l’hypothèse que la familiarité avec un accent régional détermine le traitement de la phrase plutôt que les aspects spécifiques de l’accent. Ils voulaient mettre en évidence un coût perceptif causé par la présence d’un accent régional non familier qui varie en fonction de la longueur des phrases porteuses. Dans une expérience, ils ont choisi trois longueurs d’énoncés : des mots isolés, des phrases courtes (7/9 syllabes) et des phrases moyennes (12/14 syllabes). Les résultats ont montré qu’il n’y avait aucune différence entre le traitement de l’accent familier et le non familier sur les mots isolés par contre, il existait une différence dans le traitement des deux accents lors des phrases moyennes. Afin d’évaluer cette différence, ils ont ensuite mené une deuxième expérience avec trois longueurs de phrases différentes : les phrases courtes (7/9 syllabes), les phrases moyennes (12/14 syllabes) et les phrases longues (17/19 syllabes). L’ensemble des phrases moyennes était toujours présenté en premier. Tout d’abord, les résultats ont effectivement montré que les sujets étaient plus rapides lorsque l’accent leur était familier. Ils ont également montré que l’effet était d’autant plus important que les phrases étaient longues. Il n’y avait aucun effet sur les phrases courtes pour les deux types d’accents. Le temps de réaction était plus important pour les phrases moyennes, ce qu’ils ont expliqué par un « effet d’habituation » puisqu’elles étaient toujours présentées en premier. Nous pensons que pour les auteurs, ce terme correspond au temps d’ajustement. Cependant, lors des phrases moyennes il y avait peu de différences entre le temps de réaction pour l’accent familier et non familier. En revanche, le coût de traitement dû aux accents non familiers émergeait principalement lors des phrases longues. Ce résultat montre l’importance de la longueur de l’énoncé. Le temps de réaction est plus important pour les phrases moyennes que pour les phrases longues car bien que l’auditeur soit en train de s’habituer aux accents de façon 79 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux générale lors de phrases moyennes, mais que le coût du traitement de l’accent non-familier se manifeste seulement lors des phrases longues. Il semble donc qu’il y ait deux processus qui fonctionnent en même temps. Un processus d’habituation qui ralentit le traitement de façon générale (phrases moyennes) et un processus d’adaptation qui a besoin d’une plus grande quantité d’information pour fonctionner, ce qui explique le coût élevé pour les phrases longues. Le coût associé à la présence d’un accent n’est pas rapidement éliminé mais s’installe progressivement dans la phrase. Le coût est d’autant plus grand lorsque l’accent n’est pas familier. Lorsqu’il y a de grandes différences phonémiques, Floccia et al. (2006) comparent un accent régional à une deuxième langue. Cette remarque est très loin du modèle de Kuhl (NLM, 1991) qui explique que la variabilité n’affecte pas notre perception de la L1. Floccia et al. (2006) postulent qu’en s’exposant plus souvent à un accent régional, il est possible d’élaborer un filtre multidimensionnel pour mieux s’adapter à un accent. À partir de ces résultats, nous pouvons dire que le processus d’adaptation ne s’enclenche que lorsqu’il reçoit une certaine quantité d’informations dans le signal. Cela expliquerait pourquoi il n’a pas d’effet sur les phrases courtes et peu sur les phrases moyennes (même s’il y a un effet d’habituation avec ces dernières). Dès lors que ce processus d’adaptation se met à fonctionner, il perturbe le traitement de la parole. C’est de cette façon que Floccia et al. (2004) expliquent que le coût du traitement d’un accent non familier émerge principalement avec les phrases longues. Ils concluent en disant que le processus d’adaptation nécessiterait du temps pour pouvoir être efficace et le coût de traitement devrait disparaître si l'accent reste inchangé. Ces faits suggèrent que le processus d'adaptation à l'accent régional nécessite un mécanisme d'ajustement à court terme, qui exige une certaine quantité d’informations du signal pour être efficace, et qui perturbe temporairement le traitement de la parole. Autrement dit, le traitement est différent parce que les auditeurs sont en train de construire des représentations de l’accent non-familier. Il faut cependant souligner que cette étude porte sur les accents français perçus par les francophones. Il n’est pas certain que les francophones écoutant des accents non-natifs réussissent à s’ajuster aussi facilement. Munro et Derwing (1995) ont mené des études sur l'adaptation des natifs à un accent nonnatif. Leurs résultats indiquent que les coûts de traitement inhérents à l’accent devraient finalement retomber au niveau initial69 après que l'exposition à l'accent a été suffisante pour permettre une adaptation complète. Autrement dit, la compréhension a tendance à s'améliorer 69 Les auteurs parlent de « baseline level » Munro et Derwing (1995). 80 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux avec l'exposition à la parole d’un non-natif. Selon ces auteurs, le processus de normalisation se fait en deux étapes ; une rupture initiale de compréhension suivie par une adaptation rapide. Le temps nécessaire pour la reconnaissance de mots peut être plus important si les mots diffèrent considérablement des prototypes de l’auditeur. Un manque de compréhension ou une mauvaise perception des segments peuvent nécessiter un temps de traitement plus long. Pour que le message du locuteur puisse être compris, l'auditeur devrait travailler davantage pour le décoder. Un accent peut évidemment rendre la parole moins intelligible mais ce n'est pas toujours le cas. Clark et Garrett (2004) ont constaté que le traitement d'un accent non-natif revient au niveau initial après seulement deux à quatre phrases, mais soulignent que l'adaptation n’est pas toujours assurée. Cette étude évaluait les natifs écoutant des non-natifs. Étant donné que dans notre étude, nous évaluons des accents natifs par des non-natifs et la tâche semble beaucoup plus compliquée, il n’est pas certain que nous trouverons les mêmes résultats. Nous pouvons donc constater que selon ces trois études, les résultats sont assez similaires dans la mesure où ils sont tous d’accord pour dire qu’il existe un coût de traitement lié à la perception des accents. Cependant, à l’exception de Clark et Garrett (2004), les autres demeurent assez vagues sur le temps nécessaire à l’adaptation. Il faut également prendre en compte le type de stimuli. Un énoncé long fournit généralement davantage d'indices et le contexte peut également aider à retrouver le sens. Cependant, l'auditeur doit traiter simultanément de nouvelles et de vieilles informations pendant que le locuteur continue à parler, ce qui peut aussi compliquer la tâche. Au vu des résultats de Floccia et al. (2004) nous avons décidé que dans ce travail ainsi que pour les expériences, nous allons comparer toutes les variétés régionales présentes dans le corpus IViE avec l’accent qui est le plus proche de celui du type RP, c'est-à-dire l’accent de Cambridge. Ce dernier nous servira d’accent « témoin » puisque c’est celui auquel les apprenants francophones sont a priori le plus habitués. Cela nous permettra également d’évaluer la compréhensibilité de la RP qui a rarement été vérifiée de façon empirique. 2.3.3.4. Conclusion De façon générale, la variabilité dans la parole est encore aujourd’hui considérée par certains linguistes comme un aspect indésirable dont il faut absolument se débarrasser. Toutefois, depuis quelque temps, elle est mieux acceptée et prise en compte dans certaines théories. 81 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux Certains pensent qu’elle peut même aider dans la perception de la parole et dans l’apprentissage malgré les difficultés qu’elle peut entraîner (Pisoni, 1995). Il semble important lors de l’apprentissage d’une L2, d’être exposé aux différentes variations. Il est possible que dans l’enseignement, la façon de parler aux apprenants soit systématiquement faite dans un style soigné. Autrement dit, sans les éléments caractéristiques de la parole continue tels que la réduction vocalique ou celle des mots. Ce qui permet d’être bien compris mais n’oblige pas les apprenants de s’habituer à entendre ce genre de phénomènes. Le fait d’être confronté à diverses variations permettrait aux apprenants de prendre l’habitude et de s’y adapter. Bien que nous n’ayons fait qu’aborder la question de la variation présente dans la parole, nous avons vu que la perception des locuteurs et différents styles de parole est souvent facilitée par la familiarité et un processus d’adaptation à court terme. De la même façon que pour la normalisation d’un locuteur, il faut s’ajuster à un accent non familier. Le processus d’adaptation a besoin de temps pour extraire les indices importants du signal. Le temps nécessaire à ce processus reste cependant incertain. Pour Clark et Garrett (2004) il faut deux à quatre phrases pour s’adapter à un accent, mais ils ajoutent que ce n’est pas toujours possible, même lorsqu’il s’agit de natifs qui écoutent des non-natifs. D’autres études ont montré qu’après suffisamment d’expositions à un accent, la compréhension devrait revenir au niveau initial. (Dupoux et Green 1997, Munro et Derwing, 1995). Cependant, ils ne donnent aucune indication ce que signifie « suffisamment d’exposition ». Les études de Floccia et al. (2006) ont prouvé que le coût de traitement induit par un accent non familier augmente dans les phrases longues. Ils n’ont pas trouvé d’effet dans les phrases courtes. Ils expliquent que le processus d’adaptation à l’accent régional nécessite un mécanisme d’ajustement à court terme, qui exige une certaine quantité d’information du signal pour être efficace, et qui perturbe temporairement le traitement de la parole. Floccia et al. (2006) suggèrent que c’est la familiarité avec un accent régional qui détermine le traitement de la phrase et non les caractéristiques particulières des accents. Mais les deux ne vont-ils pas ensemble ? Être familiarisé à un accent ne signifie-t-il pas connaître ses traits particuliers ? Lorsque nous sommes confrontés à un accent peu familier nous pensons que même un natif peut avoir des difficultés à le comprendre. Les propositions de Dupoux et Green (1997) qui postulent qu’il y a deux mécanismes qui fonctionnent ensemble (l’ajustement à court terme et l’apprentissage à long terme), semblent plus cohérents que de parler tout simplement de familiarité. Évidemment, il semble logique que plus on est familiarisé avec un accent, moins sa compréhension est difficile. Mais ne s’agit-il pas justement d’un ajustement et d’un 82 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux apprentissage à long terme ? Si cela est le cas pour les natifs, l’adaptation de la part des nonnatifs pourrait être également possible. Il existe une autre étude qui évalue l’effet de la longueur des énoncés (Hanson et Ikeno, 2007). Cependant, il s’agit d’un travail fondamental à nos recherches puisqu’il traite à la fois de l’identification et de la compréhension de trois accents régionaux du corpus IViE mais également de l’impact de la longueur des énoncés.70 2.4. Les études sur les variétés d’anglais Dans nos recherches, nous avons vu que les études sont souvent basées sur la perception et la compréhension soit des non-natifs par des natifs, soit des natifs par d’autres natifs. Quelquesunes mélangent les deux, c'est-à-dire la perception des variétés régionales natives par les natifs et les non-natifs. Pourtant, nous avons vu que selon Crystal71 il est plus probable d’entendre l’accent RP parlé par une communauté entière à Moscou ou à Copenhague qu’à Reading ou à Manchester. Mais à ce jour, peu de recherches se sont penchées sur la perception sous cet angle là. Dans un premier temps, nous présenterons quelques études qui traitent des accents de l’anglais de façon générale avant de présenter les travaux qui existent sur la compréhension et la perception des variétés régionales par les natifs et les non-natifs. 2.4.1 Le traitement des accents par les natifs La perception d'accents natifs par des non-natifs n'a pas souvent été l’objet de recherches empiriques. Toutefois, nous pensons que ce genre de variation peut être difficile à traiter. Des natifs anglophones peuvent également rencontrer des difficultés de compréhension mutuelle (Trudgill, 1990). Les études précédentes qui ont examiné la perception et l’identification des accents natifs anglophones incluent Clopper et Pisoni (2004, 2005) et Labov et Sharon (1997) sur l’anglais américain et Evans et Iverson (2004) sur l’anglais britannique. Dans ces études tous les auditeurs étaient des natifs de l’un des accents présents dans la tâche. Contrairement à ce qui est affirmé par Kuhl (1991) dans sa théorie NLM, Labov (1994) a constaté qu’en général plus d'un quart des mauvaises perceptions sont directement liées aux différences de 70 71 Cf. 2.4.2. Le traitement des variétés d’anglais par les natifs et les non-natifs. Cf. « Prologue: The future of Englishes. » http://www.davidcrystal.com/DC_articles/English30.pdf 83 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux dialectes. Il a observé que les voyelles accentuées sont rarement à la source des mauvaises perceptions (contrairement aux voyelles réduites ou non accentuées). À l’origine des erreurs, on trouve souvent des consonnes qui entourent les voyelles, en particulier les consonnes nasales et liquides qui peuvent obscurcir la qualité des voyelles (Labov, 1994). Les accents régionaux des Iles Britanniques sont souvent cités comme source de difficulté dans la reconnaissance et la compréhension de la parole. Wells (1982) estime que ce n’est pratiquement qu’en Angleterre qu’une telle extrémité de variations entre accents existent. Iverson et Evans (2004) ont mené une expérience sur la capacité des Britanniques à normaliser les voyelles qui n’étaient pas dans leur système vocalique ou qui n’avaient pas la même distribution. Il s’agit notamment de voyelles qui distinguent un accent de l’Angleterre du Nord d’un accent du Sud. Ils ont montré qu’afin de comprendre la parole, les auditeurs devaient s’ajuster à la variation phonétique, surtout lorsqu’ils étaient confrontés à un accent très différent de leur propre représentation linguistique. Ils ont constaté que « When listening to a southerner, native speakers of North English are required to map words that contain [ɑ:] and [ʌ] onto their lexical representations that may be based on [a] and [ʊ] » (Iverson et Evans, 2004 : 352). Bien qu’il soit parfois difficile pour les Anglais du Nord de savoir quels mots sont prononcés avec [ɑ:] et [ʌ], il serait extrêmement rare que leur perception de ces phonèmes en soit gênée. En revanche, d’autres prononciations peuvent causer des gênes perceptives. Les différences entre deux systèmes phonologiques peuvent affecter les capacités d’un auditeur d’extraire le contenu linguistique. Flemming (2005) explique que dans tous les cas, les contrastes maximaux sont préférés puisqu’on a moins tendance à les confondre avec notre propre système acoustique. Ceci rappelle les principes émis par les théories de l’acquisition. Pour se comprendre mutuellement et de façon efficace, la perception de la parole doit être rapide et précise. Les auditeurs sont plus rapides et précis à identifier une catégorie phonologique lorsqu’elle est assez distincte des autres catégories. Mais que se passe-t-il lorsqu’il n’y a que peu, voire aucun contraste entre deux mots dans un accent régional ? Dans certaines variétés d’anglais la même voyelle existe pour deux groupes lexicaux différents. Par exemple, dans un accent irlandais du sud, le mot hair peut être confondu avec le mot her, les deux peuvent avoir la voyelle [ɜ˞:] (Wells, 1982) et sont donc homophones. Les auditeurs peuvent-ils compenser cette variation en cherchant dans le contexte, ou vont-ils comprendre hair à la place de her et vice versa ? Les natifs britanniques peuvent s’appuyer à la fois sur leurs connaissances de la langue et de l’accent en général, ainsi que sur le sens de la phrase 84 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux afin de tenter de compenser cette variation. Mais est-il possible qu’un non-natif retrouve l’information alors qu’il n’a pas forcément les même connaissances ni de la langue ni de l’accent ? 2.4.2. Le traitement des variétés de l’anglais par les natifs et les non-natifs Dans cette section nous allons d’abord présenter une recherche concernant la compréhension et la perception de deux variétés de l’anglais. Ensuite nous examinerons une étude qui a utilisé le corpus IViE. Ces travaux ont beaucoup inspiré notre travail. Une étude de compréhension a été faite sur deux variétés d’anglais (Fraser Gupta, 2005). Il s’agit de l’anglais de type RP et de l’anglais des Singapouriens. Bien qu’il ne s’agisse pas seulement de variétés régionales de l’Angleterre, la méthodologie est particulièrement intéressante. Les deux groupes de participants (Anglais et Singapouriens) devaient écouter un passage court dans les deux variétés et écrire ce qu’ils entendaient. Fraser Gupta (2005) estime que la compréhension est un travail qui implique que les participants devinent parfois le sens. L’annotation des transcriptions orthographiques des participants était basée sur le contenu et l'exactitude de la reconnaissance des mots. La méthode utilisée pour noter le contenu évaluait les capacités des auditeurs à écrire correctement l’histoire. Pour la deuxième note, les mots correctement transcrits ont été comptés, mais il s’agissait plus d’une transcription basée sur la phonologie. Par exemple un participant ayant écrit « pastas » au lieu du mot « pastors » a perdu des points pour le contenu, mais a marqué des points pour la note des mots correctement transcrit. Bien que cet exemple soit clair, les mots pastors et pastas étant des homophones (en RP), Fraser Gupta souligne qu’il n’était pas toujours évident de trancher entre ce qui était à considérer comme une transcription correcte et ce qui relevait d’une mauvaise perception. Les résultats ont montré que les accents familiers étaient plus faciles à traiter que les non familiers. Les Singapouriens ont notamment eu des difficultés avec le coup de glotte. Fraser Gupta (2005) a affirmé que ses résultats suggèrent que l’anglais de Singapour est plus facile à comprendre que l’accent du type RP. La motivation à apprendre une langue et à participer à une expérience peut également avoir des effets sur la perception. L’avis ou le jugement d’un auditeur envers une certaine variété est un facteur important que nous verrons plus tard. Fraser Gupta (2005) explique qu’en examinant ses résultats de plus près, les facteurs culturels avaient un impact aussi important sur la compréhension que l’effet de la variation causée par un accent peu familier. 85 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux Une autre étude a été faite à la demande des constructeurs de tests TOEFL afin de savoir quels effets un accent pouvait avoir sur la compréhension (Major et al, 2005). Cette démarche est assez étonnante étant donné que le TOEFL se base sur la compréhension d’une variété standard (américaine ou britannique) bien que celle-ci ne reflète pas la situation réelle de la diversité de la langue anglaise. Cette étude a montré que les accents ont eu un effet sur la compréhension des natifs et des non-natifs. Les non-natifs ont même rencontré des difficultés avec l’accent le plus familier c’est-à-dire le « General American ». La seule étude similaire à notre travail est celle de Hanson et Ikeno (2007). Elle mérite d’être décrite en détail. Les auteurs utilisent une partie du corpus d’IViE pour évaluer les capacités des non-natifs et des natifs à identifier et à comprendre trois variétés d’accents à savoir, ceux de Belfast, de Cambridge et de Cardiff. Ils se sont servis du passage d’IViE où deux locuteurs se donnent les directions géographiques à l’aide d’un plan d’une ville.72 Il s’agit donc de la parole quasi spontanée. Ils ont utilisé trois types de longueurs d’énoncés différents : les mots de 1-3 syllabes, les énoncés courts (3-10 mots) et longs (11-26 mots). Il y avait trois groupes d’auditeurs : un groupe de non-natifs (entre autres, les Chinois, les Croates, les Allemands et les Japonais) et deux groupes natifs, un qui était a priori familier avec ces accents (les Britanniques) et un autre moins, voire pas du tout familiarisé (les Américains). La première expérience consistait en une tâche d’identification d’accents où il fallait déterminer l’origine géographique des locuteurs. Les résultats ont montré une différence entre les non-natifs et les natifs, mais aussi entre les deux groupes de natifs. Les auditeurs britanniques ont mieux identifié les accents (83%) que les auditeurs américains (56%). Les auditeurs non-natifs n’ont correctement identifié que 45% des accents. Les accents de Cambridge et de Belfast ont été identifiés de façon plus au moins semblable (Britanniques : 90% et 91%, Américains : 63% et 66% respectivement). L’accent de Cardiff était le moins souvent correctement identifié (Britanniques : 66% et Américains : 38%). Les non-natifs ont correctement identifié l’accent de Cambridge à hauteur de 63%, celui de Belfast à 38% et celui de Cardiff à 34%. En ce qui concerne la longueur des énoncés, les natifs britanniques ont bénéficié du contexte plus long, ce qui n’était pas le cas pour les auditeurs peu familiers (les natifs américains et les non-natifs). L’accent de Cardiff était plus souvent confondu avec l’accent de Cambridge qu’avec l’accent de Belfast par tous les auditeurs. Les auteurs en ont conclu qu’il était plus probable de confondre l'accent de Cardiff avec l'accent de Cambridge et vice-versa que de les 72 Cf. Chapitre 4 sur la méthodologie et le corpus. 86 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux confondre avec l'accent de Belfast. Cela voudrait dire qu’il y a des fortes ressemblances entre l’accent de Cambridge et l’accent de Cardiff. Cependant, nous avons vu les différences qui existent dans le chapitre précédent entre la RP (proche de l’accent de Cambridge) et Cardiff. Ces résultats nous paraissent problématiques et ne semblent pas refléter la réalité linguistique. Toutefois, ils démontrent qu’être anglophone peut être avantageux dans l’identification d'un accent britannique, mais que la familiarité de ces accents aide énormément. Leur deuxième tâche consistait en une transcription orthographique. Cette méthode est encore peu utilisée pour les expériences de perception et de compréhension. Les auditeurs n’ont entendu les stimuli qu’une seule fois. Les taux d'erreurs ont été automatiquement calculés par rapport à l'insertion, l'effacement et la substitution de mots. Les résultats indiquent un effet lié à l’origine de l'auditeur et le type d'accent entendu. Les natifs ont mieux compris que les nonnatifs. Pour les trois groupes, l'accent de Cardiff était le plus compréhensible, et l'accent de Belfast l’était le moins. Cependant, pour les auditeurs natifs, les accents de Cambridge et de Cardiff étaient aussi compréhensibles l’un que l’autre. Les auteurs ne donnent aucune information sur l’effet de la longueur des phrases sur la compréhension. Nous pouvons en déduire que ce facteur n’a pas eu d’impact important. Ces résultats indiquent toutefois que l’accent le plus compréhensible n’est pas nécessairement celui qui est le mieux identifié. Les accents qui étaient bien compris ont souvent été pris l’un pour l’autre contrairement à ceux qui étaient moins compréhensibles. En revanche, dans une autre étude, Hanson et Ikeno (2006) ont montré que les accents anglais les plus compréhensibles ont eu tendance à être correctement identifiés comme des accents natifs. Par contre, l’accent natif qui a été le moins compris avait tendance à être classé en tant qu’accent non-natif. Cela suggère qu’il y a un lien entre l’intelligibilité d’un accent et le jugement des auditeurs sur ces accents. Nous avons déjà vu qu’être familiarisé avec la variation, que cela soit au niveau des locuteurs ou des accents, peut avoir un rôle important à jouer. La façon dont les auditeurs traitent certaines caractéristiques d'accents avec lesquels ils sont moins familiers peut fournir une compréhension plus générale sur leur perception. Selon Major et al. (2005), les auditeurs comprennent certains dialectes plus facilement que d'autres. Les apprenants de la langue anglaise qui vont dans un pays anglophone vont sûrement être confrontés à des variétés autres que la variété standard qu'ils ont apprises dans leur pays. Nous avons souligné que la relation entre la compréhension d'une variété et la familiarité avec cette même variété est une idée très répandue à savoir, plus on a été familiarisé à une ou plusieurs variétés, plus il sera facile de la comprendre. Par conséquent, il 87 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux est normal de penser que les apprenants auront plus de facilités à comprendre la variété RP que d'autres variétés régionales, ethniques ou même internationales. Cependant, il est nécessaire de déterminer si les variétés régionales ont réellement un coût de compréhension et si toutes les variétés ou seulement certaines posent des difficultés. Les résultats de Hanson et Ikeno (2007) donnent un premier aperçu de la compréhension des accents régionaux par des non-natifs. Cependant, cette étude s’est limitée à seulement trois accents du corpus IViE. Lors de nos expériences nous tenterons d’évaluer la perception et la compréhension des neuf accents afin d’avoir une vue d’ensemble sur leur traitement. Le fait que certains accents puissent affecter la compréhension de la langue a des implications pédagogiques. Il est important d'aborder ces variétés et de préparer les étudiants afin qu'ils disposent des outils nécessaires pour limiter les difficultés. Il est souvent dit que plus on apprend de langues, plus cela devient facile. Est-ce que cela fonctionne de la même manière concernant différents accents ? La migration des Britanniques a laissé quelques traces linguistiques dans les autres pays anglophones. L’étude d’un accent facilite-t-il la compréhension d'autres accents anglophones ? 2.4.3. Conclusion De la même façon que pour la variation des locuteurs, la variation d’accents est perçue et codée dans le langage quotidien des natifs. Cependant la familiarité joue un rôle important dans le traitement de la variabilité. Par leur expérience avec leur L1, les natifs sont plus aptes à normaliser la parole afin de faciliter sa compréhension. En ce qui concerne les non-natifs, le manque de familiarité avec certaines variétés constitue un obstacle dans la compréhension. Dans le traitement des accents, Fraser Gupta (2005) souligne la nécessité de pouvoir projeter les phonèmes de la L2 sur ceux de la L1 pour mieux les percevoir. Nous avons vu que ceci n’est pas toujours souhaitable dans la mesure où cela ne favorise pas forcément la perception des phonèmes de la L2. En revanche, les résultats de l’étude de Hanson et Ikeno (2007) qui traitent de la compréhension de trois accents régionaux nous laissent perplexe. Comment est-il possible d’identifier l’accent du Pays de Galles comme celui de Cambridge ? Étant donné les différences entre ces variétés, ce résultat paraît plutôt inattendu. Il sera intéressant de voir quels sont nos résultats vis-à-vis de l’accent de Cardiff. Cela reflète-t-il des capacités de perception des auditeurs ? Ou bien, est-ce que l’accent des locuteurs n’est pas assez typique ? Le fait que l’accent de Cardiff soit le plus facilement compris donne un premier résultat qui 88 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux laisse penser que la RP n’est pas toujours l’accent le plus facile à comprendre. À l’heure actuelle, les recherches de Fraser Gupta (2005) et de Hanson et Ikeno (2007) constituent les études les plus approfondies sur la compréhension des variétés britanniques par des nonnatifs. 2.5. Les erreurs de perception Dans cette section nous allons parler des erreurs de perception afin de tenter d’envisager lesquelles nous trouverons dans notre expérience de compréhension. La manière dont un auditeur sépare les segments et les mots dans la parole continue est encore peu compris (Studdert-Kennedy in Pisoni et Remez, 2005). Les mauvaises perceptions ou ‘slips of the ear’ (Bond, 2005) ont été recensées depuis plus d’un siècle. Meringer et Mayer furent les premiers à le faire en 1895 (Bond, 2005). Ils ont noté que les voyelles accentuées étaient perçues plus correctement que les consonnes. Les mauvaises perceptions peuvent fournir des indices sur la façon dont les auditeurs utilisent leurs connaissances linguistiques dans la compréhension d’une langue. Elles montrent comment une langue est perçue de façon phonétique et phonologique, mais également au niveau syntaxique et lexical. Par exemple, Cole et Jakinik (1980, in Matlin, 1983) explique que les mots sont reconnus par l’interaction de l’information dans les stimuli et des connaissances déjà acquises. La reconnaissance d’un mot aide à en reconnaître d’autres. Par exemple, le mot green est normalement suivi d’un nom ou d’un autre adjectif. Un mot peut donc donner des indices sur ce qui suit. Ces connaissances de la langue peuvent aider les natifs mais pour les non-natifs cela dépend de leur niveau de langue. De la même manière, les mots les plus fréquents sont a priori reconnus avec plus de sûreté et plus facilement que les moins fréquents ou rares (Nygaard, 2005). Des lacunes dans la connaissance de la langue peuvent influer d’une manière ou d’une autre sur la perception, tout comme la familiarité ou l’habitude face à certains phénomènes. (Bond, 2005). Buck (2001) explique que deux types de confusion peuvent empêcher la compréhension : (1) les confusions partielles qui mènent à des incompréhensions totales et (2) des confusions totales avec l’illusion de comprendre. Nous verrons que Bond (2005) indique également qu’on peut arriver à détecter l’origine de la mauvaise perception, mais que parfois la phrase est tellement éloignée de l’énoncé initial que l’incompréhension demeure inexplicable. Nous avons trouvé un résumé de différentes sortes de mauvaises perceptions, leurs origines ainsi que les éléments d’explication (Bond, 2005). Nous tenterons d’apporter des explications 89 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux concernant ces erreurs. La compréhension est au centre de cette étude et nous pensons qu’il est très utile de se familiariser avec les différentes erreurs qui peuvent exister dans le cas où nous y sommes confrontés dans les chapitres suivants. Les exemples de Bond (2005) sont des erreurs de perception faites par les natifs, soit à cause d’un accent régional, soit à cause d’un accent étranger. Bien qu’elles concernent souvent les erreurs des natifs, elles montrent à quel point la perception peut être déformée par un accent. Cependant, il existe également quelques exemples de perception des accents régionaux et non-natifs. Dans le cadre de ce travail, ces informations sont indispensables et sont rarement regroupées. Nous allons regarder le cas des voyelles, des consonnes et d’autres phénomènes classiques. Puis, nous aborderons les catégories de mots les plus touchées par les mauvaises perceptions et les formes qu’elles peuvent prendre. Tout d’abord, notons que Bond (2005) explique que les mauvaises perceptions entre natifs de dialectes différents ou celles qui peuvent être faites en écoutant un accent non-natif peuvent prendre deux formes : - Les auditeurs perçoivent le détail phonétique correctement mais retrouvent autre chose que l'énoncé initial. - Ils peuvent compenser incorrectement ou sur-compenser en raison des caractéristiques de l'accent du locuteur. Afin d’illustrer ces deux formes Bond (2005) note que lorsqu’un non-natif entend une vibrante battue il peut la confondre avec une occlusive alvéolaire réduite. Par exemple : barrel → bottle. Autrement dit, l’auditeur entend [ɾ], mais à cause de sa ressemblance avec un /t/ ou un /d/, retrouve un autre mot. Cependant, si l’auditeur avait eu des connaissances de l’accent américain il aurait su que dans cette variété d’anglais, le /t/ ressemble souvent à [ɾ]. De cette façon, il sur-compense à cause des caractéristiques de la variété. Il donne également l’exemple d’un auditeur qui n’a pas su compenser l’accent régional du sud-est de l'Ohio : That’s a special → spatial Segui, Frauenfelder et Hallé (2001, cité dans Pisoni et Remez, 2005 : 547) expliquent que la perception des phonèmes qui ne font pas partie de notre système phonologique maternel peut amener à des illusions linguistiques. Ils proposent trois exemples qui peuvent expliquer certaines difficultés de la part des non-natifs : - La surdité phonologique : nous n’entendons pas la différence entre deux phonèmes et sommes incapables d’entendre correctement un segment. Un exemple qui est 90 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux largement cité est la difficulté ou l’incapacité des japonophones à percevoir la différence entre road et load en anglais. L’auditeur ignore l’information contrastive qui est contenue dans le signal. - Un mirage : l’auditeur crée d’information qui n’est pas présente dans le signal, par exemple, les Espagnols peuvent penser entendre un /ɛ/ devant des consonnes initiales de mots anglais en suivant le modèle de leur propre langue (spain – espain). Ceci est aussi appelé, entendre un son fantôme. - La mutation : l’auditeur transforme un son en un autre. Par exemple puisque le cluster /tl/ n’existe ni en français ni en anglais, les auditeurs vont le changer en /tr/ ou /kl/, les suites de segments qui existent dans les deux systèmes. Ces explications s’appliquent davantage au niveau des phonèmes, nous souhaitons rester dans cette optique pour pouvoir tout d’abord détailler les mauvaises perceptions des voyelles. 2.5.1. Les voyelles D’une manière générale, les erreurs de perception sont plus fréquentes sur les voyelles non accentuées ou réduites que sur les voyelles accentuées. Bien qu’il puisse parfois arriver qu’une voyelle accentuée soit remplacée par une autre voyelle. Par exemple : It’s a math problem → a mouth problem Cependant, Labov (1994) affirme que c’est plutôt l’environnement consonantique qui peut changer la qualité de la voyelle. Après les voyelles non-accentuées, c’est la deuxième cause de mauvaises perceptions des voyelles. Par exemple : Alan → Ellen Wendy will come → windy Cherri and me → cheery and me En effet, nous pouvons remarquer la présence des consonnes liquides qui induisent souvent des erreurs. En parlant des différences entre la langue française et anglaise, Hallé, Best et Levitt (2000) ont expliqué que les phonèmes /r/l/w/j/ sont très différents sur le plan phonétique articulatoire de ces mêmes phonèmes en anglais américain. Sur ce constat, ils ont mené des expériences qui ont montré que les francophones avaient certaines difficultés à 91 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux percevoir le /r/ américain mais qu’il était davantage problématique de percevoir le contraste entre /r/ et /w/. Nous pouvons donc nous attendre à rencontrer ce type d’erreur dans notre expérience de compréhension. Une autre possibilité avec les voyelles non-accentuées est lorsque le schéma accentuel des mots est mal perçu, mais ceci est toujours accompagné d’une certaine restructuration de l’énoncé. Giving an award → giving an oral Roll up the back window → patrol the back window I’m in the political science department → pickel science departement Effectivement, la transformation de l’énoncé est considérable. En ce qui concerne le troisième exemple, la rapidité de la parole ou/et la réduction phonologique laissent imaginer que pickel et political peuvent être confondus. Mais pour le deuxième exemple, il est intéressant de voir que des consonnes (et une voyelle réduite) ont été carrément ajoutées dans la perception de cet énoncé : roll → patrol. Les voyelles réduites sont souvent mal perçues, ajoutées ou omises. Cela peut être le cas dans les mots lexicaux : Grammar Workshop → grandma workshop Mais plus souvent dans les mots grammaticaux : They took footprints when you’re born → in the dorm Lorsque les voyelles réduites sont omises ou ajoutées, la forme de l’énoncé change puisqu’il y a des syllabes en plus ou en moins. Evolution of tense systems → intense systems : la syllabe initiale a été mal entendue ce qui induit la mauvaise perception. Le fait de ne pas percevoir une voyelle inaccentuée peut causer la perte de toute une syllabe non-accentuée. My coffe cup refilled my → coffee cup fell : le mot refilled perd sa syllabe initiale et est restructuré phonologiquement. Accidents → actions : la syllabe médiane n’est pas perçue. 92 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux 2.5.2. Les consonnes Plusieurs études ont montré que de façon générale, les consonnes posaient plus de difficultés de perception que les voyelles, et ce même lorsque ces deux étaient mal prononcées (Cole et al, 2001, Neel, Bradlow et Pisoni, 1998, Bond et Small, 1983 cité par Bond, 2005). Lors d’une mauvaise perception des consonnes, l’énoncé perçu peut être extrêmement éloigné de l’énoncé l’initial. Comme pour les voyelles, les consonnes peuvent être omises, ou ajoutées mais aussi très souvent substituées par une autre consonne. Bond (2005) souligne que l’omission d’une consonne peut concerner le début ou la fin d’un mot. Bien qu’en position finale cela soit beaucoup plus fréquent. Par exemple : When their condition → air condition : consonnes initiales non perçues. The only poor meet → the only poor me; else → elfs ; Tapas bar → Topless bar. La substitution d’une consonne par une autre se fait assez librement. Cependant, elles ont tendance à avoir les mêmes catégories articulatoires. De cette façon, une obstruante est prise pour une autre obstruante. Les mauvaises perceptions de ce genre arrivent normalement au début du mot. /t/ peut être pris pour une autre occlusive (1), une fricative (2), une affriquée (3) ou une sonante (4). Par exemple : great → grape ; at least this part of it → this park ; training for great books → grade books she had on a trench suit → French suit I bet that’ll be a teary program → cheery program bootie → boolie; Fifth Street → fifth string Bond (2005) décrit un processus qui inclut à la fois les mauvaises perceptions des voyelles mais aussi des consonnes. Il est connu sous le nom de ‘Law of Hobson Jobson’. L’exemple donné est a fancy seductive letter qui est entendu comme a fancy structive letter. Bond explique que l’auditeur n’a probablement pas détecté la voyelle réduite de la première syllabe, et a perçu le /d/ comme non-voisé. 2.5.3. Les connaissances lexicales Les auditeurs peuvent être aidés ou au contraire induits en erreur à cause des connaissances lexicales et du contexte. Normalement, ces derniers peuvent aider à trouver les mots de l’énoncé et le sens de la phrase. Un natif est souvent capable de compenser les variations ou 93 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux interférences. Autrement dit, ils retrouvent le sens d’une phrase même lorsqu’ils ne perçoivent pas tous les mots. Il a été montré lors des expériences de Warren (1970, in Matlin, 1983) que des auditeurs natifs pensaient avoir entendu un mot à cause du contexte, alors qu’en réalité, le mot en question était remplacé par un bip ou par un non mot. Ils ont pensé entendre le mot wheel dans la phrase : the xeel was on the axle. Les non-natifs seraient-ils capables de compenser les variations ? Est-ce qu’ils peuvent utiliser leurs connaissances lexicales pour retrouver le sens d’un énoncé ? - Les auditeurs entendent les non-mots Les erreurs de perceptions ou slip of the ears peuvent aboutir à la perception de non-mots, de non sens ou d’autres mots non appropriés ou non voulus par le locuteur, c'est-à-dire que les séquences phonologiques ne correspondent à aucun item lexical existant ou alors à un item inapproprié. De nombreuses raisons peuvent expliquer ces erreurs. Par exemple, dans le cas des noms propres ou d’un vocabulaire spécialisé, il arrive que les auditeurs n’aient tout simplement pas les connaissances suffisantes pour retrouver le message (Bond, 2005). Cela peut être aussi dû à des facteurs culturels qui peuvent varier d’un pays à un autre et qui peuvent créer des difficultés de compréhension. Dans ce cas l’auditeur cherche le mot qui est le plus proche dans ses connaissances lexicales de la langue. En revanche, les mots longs ne sont que rarement mal perçus ou mal compris. Bond (2005) explique aussi que des perceptions de non-mots peuvent être causées par l’accent régional d’un locuteur. L'auditeur n'a pas assez connaissance de l’accent en question pour traiter la variation et même les mots communs peuvent être mal perçus sans aucune raison linguistique évidente. Par exemple : Kings → kangs : L'auditeur a annoncé avoir entendu un non-mot quand il était présenté avec la voyelle nasalisée produite par un locuteur du sud des États-Unis. 2.5.4. Les frontières de mots On peut être confronté à des difficultés de perception dans la parole continue à cause de certains phénomènes tels que l’assimilation ou l’élision qui ne se produisent pas dans les tests de type CVC. Une erreur très fréquente est liée aux frontières des mots. Il est difficile pour les auditeurs de segmenter le flux de parole et ainsi trouver le mot dans leur lexique. Bond et Garnes (1980, in Matlin,1983) ont répertorié trois types de difficultés liées aux frontières de mots qui peuvent être : 94 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux - Supprimée : get a pill out → get a pillow. - Déplacée : there’s some iced tea made → there’s a nice team mate. - Insérée : he’s Snoopy in disguise → he’s Snoopy in the skies. Les auditeurs peuvent ne pas détecter les frontières de mots, ou en insérer parce qu’une partie de l’énoncé a été mal comprise ou perçue. Ce classement est très intéressant et pourrait s’avérer utile pour expliquer les erreurs de reconnaissance de mots et de compréhension. Selon ses connaissances, l’auditeur peut utiliser certains indices afin de faciliter sa perception d’un énoncé. Les erreurs de perception qui impliquent les frontières de mots suggèrent que les auditeurs s’appuient sur les syllabes accentuées pour les aider à segmenter. Étant donné que le français est une langue à rythme syllabique, il est possible lors de nos expériences que les participants francophones essayent de segmenter d’autres langues en se servant de leur système L1. Il peut arriver que toutes les propriétés vocaliques et consonantiques de l'énoncé se trouvent dans ce qui est perçu, sauf en ce qui concerne les frontières de mots. Une erreur classique de ce type est : Acute back pain /əˈkju:t/ /bæk/ /peɪn/ → a cute back pain → /ə/ /kju:t/ /bæk/ /peɪn/ L'auditeur a correctement perçu les phonèmes, mais a mal analysé l'énoncé en interprétant la syllabe inaccentuée initiale comme un article. L’énoncé est phonologiquement intact mais l’auditeur a perçu autre chose que l’énoncé initial simplement à cause d’un mauvais placement de frontière de mots. Les erreurs typiques indiquent que les auditeurs se basent sur la structure de leur langue. Par exemple en anglais, l’accent des noms se trouve principalement en début de mot. Les expériences menées par Cutler et al (1987) ont montré que les francophones ont segmenté les mots anglais au niveau de la syllabe, alors que les anglophones ne l’ont pas fait pour les mots français. Ce qui indique que les auditeurs traitent la parole de la même façon que leur langue maternelle, plutôt que par rapport aux réelles propriétés phonologiques de la langue en question. Cutler et al. (1987) ont également montré que les francophones n’utilisent pas l’accent de mot comme outil dans la reconnaissance des mots. Dans les cas où la frontière de mot est mal insérée ou omise et lorsqu’il n’y a pas de changement phonologique radical, l'environnement phonologique est forcément une syllabe accentuée suivie d’une syllabe non accentuée Bond (2005). Par exemple : 95 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux we’re going to pour him into the car → purim into the car Cependant, il existe des exceptions. La frontière de mot n’est pas toujours placée devant les voyelles accentuées parce que les auditeurs utilisent d'autres indices phonétiques pour indiquer son emplacement. Le déplacement des frontières de mot peut aussi concerner la mauvaise répartition des consonnes, c'est-à-dire faire d’une consonne finale une consonne initiale. Par exemple : I need a loose crew → loose screw We could give them an ice bucket → a nice bucket 2.5.5. Les mots lexicaux et grammaticaux Bond (2005) a trouvé que les auditeurs pouvaient percevoir un mot lexical qui n’est que vaguement lié à l'énoncé initial. Toutefois ces substitutions ont quelque ressemblance avec le domaine du mot cible. Bond explique que ceci peut venir d’un manque d’attention. Par exemple, le mot pathology est perçu comme psychology. Cette explication est cohérente, mais nous pensons qu’il est possible d’expliquer ce phénomène autrement. Il peut refléter un manque de connaissances lexicales, surtout pour les non-natifs, qui, de par le contexte global, saisissent la signification de l’énoncé, mais remplacent un mot rare ou inconnu par un mot fréquent. Par exemple, le mot insisted pourrait être remplacé par le mot said. Les deux n’ont pas exactement le même sens mais signifient tout de même que le locuteur a parlé. Un exemple de Bond rejoint cette idée : Sounds interesting → sounds intriguing Il est possible de faire le lien entre quelque chose d’intéressant et quelque chose d’intrigant. En ce qui concerne les mots grammaticaux, ils ont tendance à être non accentués dans la parole continue. Ils sont souvent mal perçus ou ajustés pour correspondre à la phrase. Il peut arriver que les auditeurs perçoivent incorrectement les mots grammaticaux dans un contexte d'autres erreurs. Par exemple: Did you put the food out for him → did you put the food for them : le mot grammatical a été mal perçu. I think I see a place → I think I see his face : un mot lexical et un mot grammatical ont été mal perçus. 96 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux Des mots grammaticaux peuvent résulter de mauvaises perceptions de frontières de mots. Les auditeurs ont entendu de mauvaises frontières de mots et ont interprété la matière phonologique non utilisée comme des mots grammaticaux appropriés. Jefferson Starship → Jeffers and starship You swallowed a watermelon → you smiled at a watermelon I’ve been doing research → a search Parfois, les auditeurs réinterprètent ou modifient des mots grammaticaux pour correspondre à ce qu’ils ont entendu et pour que la phrase soit correcte, soit en donnant un mot qui est faux soit en supprimant un mot. hypnotic age regression → hypnotic aid to regression: le mot age est perçu comme aid, ensuite une préposition est insérée pour que l’énoncé soit correct. change for a dollar → exchange a dollar : comme le mot exchange n'exige pas de préposition, la préposition est tout simplement supprimée. 2.5.6. La syntaxe Les expériences sur la perception utilisent souvent les mots isolés ou des phrases courtes, ce qui donne peu d’informations sur la syntaxe. Lorsque les erreurs de perception impliquent des énoncés plus longs, ils peuvent montrer des divergences considérables avec l’énoncé initial. Dans ce cas, les énoncés sont tellement déformés qu’il peut être difficile de déterminer exactement ce qui a été mal perçu. Bond (2005) décrit plusieurs sous-catégories dans cette section. 2.5.6.1. Les énoncés « bien » et « mal » formés La plupart des erreurs donnent des énoncés correctement formés au niveau syntaxique, c'està-dire qu'il n'y a pas de changement syntaxique dans les parties mal perçues. Parfois, les mauvaises perceptions peuvent empêcher l’auditeur d'analyser l’énoncé. Ou alors, les mauvaises perceptions créent des énoncés que l’auditeur est incapable d’analyser. Has knocked real dents → has not real dents : le verbe knocked a été perçu comme le négatif not. 97 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux Ceci peut conduire à l’incompréhension avant même que le locuteur ait pu finir sa phrase. Ce genre de mauvaises perceptions suggère que les auditeurs essayent de projeter immédiatement ce qu’ils ont entendu sur des structures syntaxiques. Des erreurs de perceptions peuvent donner des énoncés grammaticalement incorrects. Par exemple : I just got back from Denison → from dentist : l’article est omis Wouldn’t she look good with a ring in her nose → oregano nose : une mauvaise perception de « a ring in her ». Dans certains cas, il n’est plus possible de parler d’énoncé bien formé ou non. We offered six → we Alfred six : le verbe est perçu comme un nom propre sans ajustement quelconque de la suite de l’énoncé. La phrase ne veut plus rien dire. 2.5.7. La morphologie Les erreurs de perception impliquent essentiellement les suffixes pluriels. Dans ce genre de mauvaise perception l’énoncé initial contient de la matière phonétique qui peut être interprétée comme un pluriel, parfois à cause de la consonne initiale du mot suivant. Par exemple : Her niece was in the hospital → her knees On an island with a moat surrounding it → with moats surrounding it 2.5.8. Structure et fonction La fonction et structure interne d’un énoncé peuvent être mal analysées de plusieurs façons. Il existe deux causes essentielles, qui fonctionnent souvent ensemble. Les auditeurs récupèrent un mot qui est similaire phonétiquement au mot d’origine mais a une fonction langagière différente : une question est interprétée comme une commande, un nom est perçu comme un verbe, ou/et ils perçoivent incorrectement les frontières de mots. Where are your jeans ? → wear your jeans ! May the force be with you → metaphors be with you I’m going to get it towed → to get a toad I’m going to go downstairs and do some laminating → lemon eating 98 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux Parmi les différents types de mauvaises perceptions que nous avons vus, Bond (2005) souligne que lorsque plusieurs mauvaises perceptions ont les mêmes caractéristiques, il est possible qu’elles représentent le véritable processus perceptif. 2.5.9. Conclusion Nous pensons avoir souligné les problèmes de perception les plus courants et les plus importants afin de donner des informations globales. Nous avons pris le soin d’être exhaustive dans cette section afin de prendre conscience du fait que les mauvaises perceptions pouvaient prendre plusieurs formes. Le travail de Bond nous a permis de mieux les comprendre. On est loin de l’exemple plutôt simple de Fraser Gupta (2005) pastors écrit comme pastas. Il était également important de constater que parfois il n’existe tout simplement aucune d’explication pour certaines erreurs de perception. Nous pensons que les différents cas exposés dans cette section pourront être utiles pour notre partie expérimentale. 2.6. L’identification et l’évaluation des accents Dans cette dernière partie, nous allons présenter quelques travaux sur l’identification des accents régionaux ainsi que les jugements qui sont faits à propos des accents en général. Les études d’identification des variétés régionales sont encore assez limitées dans la littérature. De façon traditionnelle, la perception de la provenance géographique d’un locuteur était considérée comme séparée de la perception de la parole (Nygaard, 2005). Ce type d’expérience peut aider à comprendre quelles sont les propriétés acoustiques du signal vocal les plus importantes afin d’identifier la provenance géographique d’un locuteur. Les auditeurs écoutent des énoncés de différents locuteurs et doivent les classer en fonction de leur région ou leur ville. En identifiant les indices utilisés dans la catégorisation d’accent, il est possible de déterminer quels types d’informations de la variation dialectale sont codés, stockés et représentés par l'auditeur naïf. Différentes méthodes sont utilisées telles que celle de la technique du locuteur masqué,73 qui consiste en un seul locuteur qui reproduit différents accents régionaux que les auditeurs 73 « Matched guise technique is when one speaker talks with different accents » (Lambert et al., 1960, Preston, 1989 cité dans Pisoni et Remez, 2005). 99 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux doivent ensuite identifier (Lambert et al., 1960, Preston, 1989 cité dans Pisoni et Remez, 2005). Une autre façon d’évaluer les capacités de classer un accent est de demander aux participants de dessiner les régions sur une carte du pays74 (Preston, 1989 cité dans Pisoni et Remez, 2005). Par contre, cette tâche est souvent faite sans écouter de locuteurs. Ces méthodes ont été critiquées pour plusieurs raisons. Par exemple, la technique du locuteur masqué peut parfois tomber dans des stéréotypes de variétés qui ne reflètent plus la réalité linguistique. En ce qui concerne la méthode demandant aux sujets de dessiner des régions ou des villes sur une carte, il ne fournit pas d’explication sur la perception des dialectes puisqu’il est davantage basé sur les stéréotypes et les notions géographiques. Plus récemment, des chercheurs ont employé des méthodes expérimentales développées dans la psychologie cognitive pour explorer la perception de la variation à l’aide d’expériences de discrimination, d’identification et de catégorisation. (Clopper et Pisoni, 2004, Preston, 1996, Williams, Garret et Coupland, 1999). La réponse se fait par un choix fermé (de villes ou de régions). L'identification d'un accent régional dans notre propre langue constitue une tâche relativement simple pour la plupart des personnes (Clopper et Pisoni, 2004). Les tâches d'identification sont d'habitude basées sur les représentations mentales de la langue dans la mémoire à long terme. Preston (1996) a évalué deux groupes d’auditeurs américains qui devaient déterminer l’origine géographique des locuteurs en choisissant une ville parmi neuf. Ils ont entendu chaque locuteur une seule fois. Alors que les auditeurs ont rencontré des difficultés à déterminer une ville exacte, ils furent capables de distinguer ceux qui venaient du Nord et ceux qui venaient du Sud des États-Unis. La frontière majeure pour les deux groupes d'auditeurs (le Michigan et l'Indiana) était légèrement différente, suggérant que l'identification d’un dialecte est seulement en partie basée sur l’origine de l'auditeur. Les résultats ont montré que les auditeurs naïfs pouvaient distinguer les locuteurs du Nord et du Sud et que les connaissances des sujets de la variation linguistique étaient un facteur important qui pouvaient améliorer la capacité d’identifier un accent. Une autre étude similaire a été conduite par Williams et al. (1999) sur les variétés d'anglais parlées au Pays de Galles. Les participants gallois devaient correctement identifier des locuteurs de six villes différentes. Ils ont été capables de correctement catégoriser 30% des locuteurs. Williams et al. (1999) ont également trouvé que les auditeurs ont correctement 74 « Map drawing task » Cf. Preston, 1989 cité dans Pisoni et Remez, 2005. 100 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux identifié les locuteurs qui venaient de leur propre région guère mieux que ceux qui venaient d’une région différente. Cependant, cette expérience nous semble assez difficile puisqu’il s’agissait d’une zone géographique très réduite (six villes aux Pays de Galles), ce qui entraîne des différences phonétiques très fines et exige des connaissances assez pointues. Van Bezooijen et Gooskens (1999) ont effectué une expérience d’identification des variétés d’anglais aux îles Britanniques. Il y avait cinq régions : l’Angleterre du Sud et du Nord, l’Irlande, l’Écosse et le Pays de Galles. Les participants étaient tous anglophones et ils ont correctement identifié 52% des locuteurs. Ce résultat est supérieur à celui de Williams et al. (1999) et reflète peut être davantage les capacités des natifs. Toutefois, ce chiffre n’est pas très élevé ce qui traduit la difficulté que peut représenter une tâche d’identification. Selon les sociolinguistes, les hommes ont tendance à avoir un langage plus conservateur qui contient plus de traits caractéristiques de leur région, par rapport aux femmes (Labov, 1976). Ils ont trouvé que les femmes adoptaient plus rapidement les traits innovateurs de la langue, peu importe qu’ils soient associés à des acrolectes ou des basilectes (Trudgill, 1994). Au vu de ces résultats, Clopper, Conrey et Pisoni (in Pisoni et Remez, 2005) ont mené des expériences d’identification avec des locuteurs et des locutrices. Les résultats ont montré que le sexe de la personne n’avait aucune répercussion sur l’identification d’un accent régional. De façon générale, il est supposé que les natifs sont capables d’identifier globalement les locuteurs par région. En revanche, lorsqu’il s’agit de catégoriser un accent par des auditeurs non-natifs, Bradlow et Pisoni (1998) fournissent plusieurs raisons expliquant que ces auditeurs auraient plus de difficultés que des natifs. D'abord, les non-natifs ont moins de connaissance et d'exposition à la variation dans la langue cible. Deuxièmement, ils sont moins sensibles à la variation dans une L2 que des locuteurs natifs. Cependant, ces mêmes auteurs ont constaté que les auditeurs non-natifs n’étaient pas plus sensibles aux variations entre locuteurs dans une expérience de reconnaissance de mots que des auditeurs natifs. Ce qui laisse supposer que certaines variations sont traitées de la même façon par tous les auditeurs. De plus, Bradlow et Bent (2002) ont remarqué que les auditeurs non-natifs réussissent mieux les tâches d'intelligibilité que des auditeurs natifs lorsqu’il s’agit d’écouter des non-natifs. La recherche concernant la catégorisation des accents régionaux par des auditeurs non-natifs serait une contribution importante afin de mieux comprendre la façon dont la variation linguistique est perçue. 101 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux 2.6.1. L’évaluation subjective des accents Ce type de test est très fréquemment utilisé pour évaluer l’accent ou l’intelligibilité des nonnatifs. Les jugements d’accents entre natifs sont aussi assez fréquents. On trouve de nombreux articles sur ce sujet dans les journaux en Angleterre, indiquant quel accent est le plus détesté, le plus prestigieux etc. Lorsque les auditeurs écoutent et traitent le signal vocal, ils sont en train de se faire un avis sur la personne et l’accent qu’ils entendent. Ces observations ou attitudes peuvent aborder toutes sortes de sujets. Lors des expériences, les participants peuvent juger la classe sociale, l’origine régionale ou ethnique, l’intelligence ou la personnalité d’un locuteur ; dire si la personne est agréable, honnête ou parle d’une façon correcte. Cependant, il est très rare que ce soient les non-natifs qui donnent leur avis sur les natifs. Les recherches en dialectologie ont examiné cette question par le biais de la connaissance que les auditeurs naïfs ont de la variation linguistique ethnique et régionale. Giles (1970 cité dans Pisoni et Remez, 2005) a été un des premiers, avec Labov (1976), à s’intéresser à ce que pense un auditeur d’un accent. Giles (1970) a trouvé par exemple, sans véritable surprise, que l’accent RP était considéré comme ayant le meilleur statut et qui était le plus apprécié et que le Cockney était plus agréable que l’accent allemand. Ces résultats ne reflètent peut être pas la réalité d’aujourd’hui, où l’anglais de l’estuaire est sans doute un des accents les mieux appréciés (Watson, 2006). Cependant, certains avis varient peu, surtout concernant des accents des villes industrielles tels que ceux de Liverpool et Birmingham, qui sont jugés au mieux comme désagréables. Certaines études socio-phonétiques ont remarqué que lorsque les auditeurs ont été informés de l’origine du locuteur, cela avait un effet sur la tâche demandée. Il est souvent suggéré que cela arrive soit à cause des stéréotypes sociaux ou ethniques, soit parce que l’auditeur veut montrer son appartenance à un groupe de locuteurs. Par exemple, Preston (1989, in Pisoni et Remez, 2005) a demandé à des sujets de donner leur avis sur l’anglais parlé dans les cinquante états des États-Unis. Ils devaient juger de l’intelligibilité, l’amabilité des habitants et dire s’ils pensaient qu’ils parlaient de façon correcte. Ces trois choix sont les plus fréquemment utilisés. En règle générale, les sujets ont classé leur propre dialecte en premier. Toutefois, ils semblaient avoir des opinions préétablies sur des endroits où l’on parle l’américain standard (« correct »), ces accents ont également été les mieux classés dans les autres domaines. Il faut noter que les sujets n’ont pas entendu de locuteurs. Cette étude ne portait que sur des 102 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux représentations mentales et sur des stéréotypes, mais il n’est pas certain qu’une étude perceptive aurait changé les résultats. Une étude a été réalisée sur l’opinion des accents anglais par les apprenants espagnols de l’anglais L2 (López-Soto et Barrera-Pardo, 2007). Ils devaient évaluer sur une échelle de 1 à 4 la façon dont ils estimaient l’accent. Les catégories pour ce faire étaient : « agréable » et « correct ». Ils devaient mettre 1 pour signifier que l’accent était désagréable ou incorrect et 4 pour dire que l’accent était très agréable et très correct. Voici les résultats pour les accents britanniques : Table 2.6.1. L’évaluation des non-natifs espagnols des accents britanniques Accents « Pleasant » « Correct » Northern Ireland 3 4 Dublin 4 4 Scottish British 3 3 Northern English - Newcastle 1 1 Welsh English 3 4 Bournemouth 4 4 London 4 4 Les auditeurs espagnols devaient appliquer ces critères sur les sept accents ci-dessus. Il s’agit des accents du Nord et du Sud de l’Irlande, de l’accent écossais, de Newcastle (un accent du Far North de l’Angleterre), de l’accent gallois et de Bournemouth (une ville balnéaire de l’Angleterre du Sud) et de Londres. Nous pouvons voir que les résultats montrent des avis assez catégoriques. Les non-natifs n’apprécient pas l’accent de Newcastle et peut être par conséquent le trouvent incorrect, alors que l’accent écossais est beaucoup mieux considéré. En revanche, l’accent de Dublin obtient des résultats aussi bons que celui de l’Angleterre du Sud (Londres et Bournemouth). Il est étonnant que les réponses soient aussi catégoriques et que les non-natifs n’aient pas hésité à juger sévèrement certains accents. Est-ce que les accents du Sud s’en sortent mieux parce qu’ils sont ceux qui ressemblent le plus à l’accent RP ? Il est souvent question de l’influence que ces attitudes peuvent avoir sur la compréhension de la parole. Elle est peut être parfois 103 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux très négative. Une étude a montré qu’un locuteur était considéré comme moins intelligible lorsque les auditeurs natifs voyaient une photographie qui associait la voix avec un homme d’origine indienne (Rubin, 1992 in Pisoni et Remez, 2005). 2.6.2. Conclusion Nous avons abordé les sujets qui nous semblent centraux pour la suite de ce travail. On trouve de nombreuses divergences dans les différentes théories qui abordent le traitement des phonèmes d’un L2. Les modèles de Best (1995), Flege (1986, 1991, 1995) et Kuhl (1991) demeurent les plus cités et commentés en ce qui concerne l’acquisition d’une deuxième langue. Nous avons soulevé les difficultés liées à ces modèles ainsi que leurs limites en soulignant qu’il est difficile d’identifier par exemple, quels sont les phonèmes nouveaux et les phonèmes assimilables. En ce qui concerne la variation de la parole, deux hypothèses sont émises : soit elle est rapidement écartée par l’auditeur, soit elle est prise en compte par l’auditeur qui est capable de la traiter. L’information que l’on reçoit dans le signal peut perturber son traitement et nécessite un certain temps pour pouvoir s’y adapter. Nous avons vu que la variation peut prendre plusieurs formes et que la familiarité et l’habitude ont leur rôle à jouer. Lorsque la variation est due aux locuteurs, elle est assez facilement traitée aussi bien par les natifs que par les non-natifs contrairement à la variabilité qui est due à un accent. Pour les accents régionaux, les natifs peuvent s’adapter a priori plus facilement que les non-natifs mais les mauvaises perceptions subsistent dans les deux populations. Elles concernent fréquemment les voyelles non-accentuées mais peuvent toucher d’autres domaines linguistiques. Les recherches semblent indiquer que lors de l’apprentissage, plus les non-natifs sont confrontés aux locuteurs et styles de parole différents plus ils seront amenés à s’y adapter et la compréhension deviendrait ainsi davantage facile. C’est en tout cas un débat que ce travail veut tenter d’ouvrir. Les erreurs de perception ainsi que les capacités des auditeurs à identifier un accent régional fournissent des indices sur les mécanismes de perception. Ce type d’informations peut ensuite nous aider à comprendre la façon dont les auditeurs perçoivent, comprennent ou s’adaptent à la variation de la parole. Les attitudes négatives ou positives envers un locuteur ou un accent peuvent également avoir des répercussions sur la façon dont on comprend la parole. Nous avons vu que parler des accents peut parfois être délicat pour les natifs et les non-natifs. Il 104 Chapitre 2 La compréhension et la perception d’une L2 : les études sur les accents régionaux peut y avoir plusieurs conséquences négatives à avoir un accent non-natif voire un accent natif peu apprécié. Les raisons linguistiques jouent évidemment un rôle important dans le fait d’avoir un accent (l’âge d’apprentissage et la capacité à bien percevoir ou non les phonèmes d’une autre langue), mais d’autres raisons peuvent être citées, psychologiques par exemple. L’accent d’une personne lui est propre et caractérise cette personne. Il se peut que garder un accent non-natif ou tel accent natif soit nécessaire pour certaines personnes afin de pouvoir conserver leur identité. Le fait d’imposer un modèle de prononciation aux apprenants, n’est-ce pas l’obliger à endosser une façon de parler avec toutes les connotations qui vont avec ? Nous avons donné quelques exemples d’attitudes qui varient énormément en fonction des diverses variétés. Elles ne sont pas toutes considérées de la même façon dans le monde anglophone et surtout les avis changent assez rapidement. Nous avons constaté qu’il existe peu d’études sur le traitement des accents régionaux chez les non-natifs. Les recherches menées jusque-là ont laissé nombre de questions en suspens. Le fait qu’un non-natif a plus de chances de rencontrer un anglophone avec un accent autre que celui du RP nous pousse à vouloir en savoir davantage sur leurs capacités à comprendre et à s’adapter. 105 Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches CHAPITRE 3 HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS DE RECHERCHE 3.1. Introduction Dans le chapitre précédent, nous avons traité de la notion de variation, notamment celle causée par un accent régional, ainsi que de la manière dont elle peut être traitée par les natifs et les non-natifs. Nous avons constaté dans le premier chapitre qu’il peut exister des différences importantes entres les variétés de l’anglais. L’objectif premier de ce travail était d’examiner le traitement de la variation chez les apprenants d’anglais francophones. Toutefois, afin d’avoir des éléments de comparaison, nous avons choisi plusieurs types de population (quatre groupes) pour participer à nos expériences d’identification et de compréhension. Le premier groupe est composé de natifs britanniques (G2-ANG) ; le deuxième de francophones en deuxième année de Licence d’anglais (G1-FR) ; le troisième de natifs américains (G4-AM), et le quatrième, de francophones plus expérimentés d’un niveau d’étude minimum équivalent au Master 2 (G3-FR). Chaque groupe a été choisi pour une raison précise, qui sera developpée dans la partie consacrée à la méthodologie et les expériences (cf. chapitre 4). Dans cette section, nous posons tout d’abord un certain nombre d’hypothèses auxquelles nous tenterons de répondre dans le dernier chapitre (6). Afin de les tester, nous avons mis en place quatre expériences. Elles sont consacrées à l’identification et à la compréhension des variétés régionales du corpus IViE. 3.2. Hypothèses de travail 3.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs connaissances de la langue anglaise. Les participants n’ont ni le même contact avec les variétés de l’anglais, ni le même niveau de langue. Il apparaît logique d’après ce que nous avons vu sur les théories d’acquisition, de compréhension et de perception, qu’ils aient des résultats différents selon leurs connaissances. Autrement dit, il est attendu que les Britanniques (G2-ANG) aient des meilleurs résultats parce qu’il s’agit de natifs qui sont a priori plus familiarisés avec ces variétés régionales britanniques. Les Américains (G4-AM) devraient quant à eux obtenir de moins bons résultats 106 Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches que les Britanniques en raison de leur manque de familiarité avec les accents en question. Toutefois, ce sont des natifs et de ce fait ils devraient pouvoir compenser la variation induite par les accents régionaux malgré leur manque de connaissances. Il est également attendu que le groupe de francophones le plus expérimenté (G3-FR) ait davantage de difficultés que les deux groupes de natifs mais réussisse mieux que le groupe de francophones le moins expérimenté (G1-FR). Nous nous attendons donc à trouver des résultats similaires que ceux de Hanson et Ikeno (2007) bien que nous n’excluions pas la possibilité de trouver des résultats peut-être différents du fait que nous utilisons dans ce travail neuf accents régionaux. Les raisons qui ont motivé notre choix d’avoir ces quatre populations seront expliquées en détail dans le chapitre 4. Cependant, il est important de noter que nous avons choisi ces deux groupes de francophones afin de pourvoir évaluer le traitement des accents régionaux du groupe plus expérimenté par rapport au moins expérimenté. Aucun des groupes n’a une véritable expérience de ces accents mais G3-FR a une plus grande connaissance de la langue anglaise, par exemple au niveau du lexique et de la phonétique mais également en matière de parole continue. Est-ce que ces connaissances peuvent faciliter la compréhension des variétés régionales ? Si jamais cela n’est pas le cas, nous pourrions émettre l’hypothèse qu’une connaissance plus approfondie de la langue n’est pas garante d’une meilleure sensibilité aux variétés régionales. En ce qui concerne l’identification des locuteurs en fonction de la provenance géographique, seuls les deux premiers groupes (G1-FR et G2-ANG) y ont participé. Nous nous attendons ici aussi à ce que les auditeurs natifs aient de meilleurs résultats que les non-natifs. 3.2.2. Hypothèse 2 : L’accent des locuteurs de Cambridge sera le plus facile à comprendre. Nous avons déjà souligné le fait que l’accent de Cambridge est le plus proche de l’accent RP et de ce fait, qu’il nous sert dans nos expériences d’accent « témoin ». Étant donné que les participants sont davantage familiarisés avec la RP, nous émettons l’hypothèse que l’accent le plus proche (Cambridge) sera le mieux compris. Malgré le manque de preuve empirique, il est généralement admis que l’accent RP est le plus facile à comprendre. Par contre, la possibilité que d’autres variétés puissent être plus faciles à comprendre n’est pas à exclure. 107 Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches 3.2.3. Hypothèse 3 : Les francophones ne peuvent pas identifier les accents régionaux de l’anglais. D’après l’étude de Hansen et Ikeno, 2007, décrite dans le chapitre précédent,, l’identification des accents régionaux de l’anglais est une tâche très difficile pour les non-natifs. Bradlow et Pisoni (1999) ont expliqué que les non-natifs peuvent avoir des difficultés lors d’une tâche d’identification car ils ont moins de connaissances et sont moins sensibles à la variation dans une L2. Les francophones ne sont pas familiers avec les accents régionaux de l’anglais et les identifier devrait être quasiment impossible à faire. 3.2.4. Hypothèse 4 : La compréhension de la parole dépendra du traitement de la variation induite par les variétés régionales. Traditionnellement, la variation était considérée comme du bruit dont il fallait se débarrasser pour percevoir la parole. Plus récemment, certains linguistes pensent qu’au contraire, elle peut aider dans la perception de la parole et qu’elle peut être traitée par les locuteurs. Nous avons vu que deux modèles s’opposent en ce qui concerne le traitement de la variation dans la parole : celui des abstractionnistes d’une part et celui qui est basé sur les exemplaires (Nygaard, 2005, Pisoni, 1997) d’autre part. Ces modèles ont des façons différentes d’expliquer le traitement de la variation à savoir : - soit les sujets n’ont pas de difficulté de compréhension parce que la variation est rapidement écartée ou ignorée pour ne laisser que le message linguistique (abstractionniste). - soit les auditeurs perçoivent la variation qui peut éventuellement les aider à traiter la parole et à retrouver la signification de la phrase (à l’aide d’exemplaires). 3.2.5. Hypothèse 5 : Les auditeurs natifs seront les seuls chez qui le mécanisme de compensation pourra être observé. Malgré le niveau de la langue et le contexte des phrases, les participants n’arrivent pas toujours à retrouver la signification de la phrase à cause des variations. Il est supposé que les natifs utilisent un mécanisme de compensation perceptive (Lindblom, Studdert- Kennedy (1967) in Tohkora, 1992). Le contexte peut servir comme moyen de compensation 108 Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches pour les différentes variations et aider à les comprendre. Mais est-ce que les participants nonnatifs vont suffisamment comprendre ou reconnaître assez de mots pour que cela les aide ? Autrement dit, est-ce que ce mécanisme de compensation fonctionne face à des variations dans une L2 ? Au sujet de la variation, Kuhl (1991) indique que la perception de la variation phonétique est déterminée par l’expérience spécifique à la L1. Selon ce modèle, nous sommes capables de comprendre les locuteurs de notre langue maternelle malgré les variations possibles. Nous pensons, au contraire, qu’il n’est pas toujours possible de compenser. Les différences phonologiques qui peuvent exister entre deux accents peuvent être très grandes et sauf si l’on est habitué à entendre un accent en particulier, ces différences peuvent mener à l’incompréhension même pour les natifs. Dans l’expérience de compréhension que nous avons menée, le contexte peut servir comme moyen de compenser pour les différentes variations et aider à comprendre le sens de la phrase. 3.2.6. Hypothèse 6 : La longueur des phrases est un paramètre qui joue un rôle important dans le traitement de la variation. Nous avons vu que des linguistes utilisent souvent cette variable dans leurs études mais que ce paramètre a eu des effets légèrement différents (Dupoux et Green, 1997 ; Munro et Derwing, 1995 ; Hansen et Ikeno,2007 ; Floccia et al.,2004 ; 2006 ; Clark et Garrett, 2004). Notamment, les auteurs ne sont pas toujours d’accord sur la quantité d’énoncés qui favorise le traitement de la parole. Nos expériences d’identification et de compréhension contiennent trois types de phrases : longues, moyennes et courtes. À quel point la longueur des phrases peut faciliter les tâches ? - soit les phrases longues sont plus faciles à traiter ou à comprendre puisqu’elles contiennent plus d’informations et de ce fait peuvent permettre aux participants de s’adapter à l’accent non familier. - soit ce même type de phrases est plus difficile à traiter parce que son traitement entraîne un processus d’adaptation. Le processus d’adaptation ne s’enclenche que lorsqu’il reçoit une certaine quantité d’informations dans le signal mais peut perturber le traitement. Ceci expliquerait pourquoi il n’a pas d’effet sur les phrases courtes et peu sur les phrases moyennes (Floccia et al., 2004, 2006). 109 Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches 3.2.7. Hypothèse 7 : Dans la compréhension des non-natifs, il peut y avoir plusieurs niveaux de confusion à cause de mauvaises perceptions. - des confusions partielles qui mènent à des incompréhensions totales - des confusions totales avec l’illusion de comprendre Ces deux cas sont dus au fait que les auditeurs n’arrivent pas à reconnaître les segments ou les mots. Lorsque les phonèmes ne sont que légèrement différents, la compréhension est possible après un temps d’adaptation (Buck, 2001). Nous avons vu qu’il existe une multitude de mauvaises perceptions (Bond, 1995). Lors de notre expérience de compréhension, sont-elles liées aux difficultés courantes du traitement de la parole, comme la réduction de mots, ou la compréhension de mots rares, ou bien, retrouvons-nous des explications de mauvaises perception seulement dans les caractéristiques intrinsèques aux accents ? Parmi ces deux types de difficultés, il est possible que celle causée par les accents donne une forte impression aux auditeurs d’avoir compris l’énoncé (par exemple : hair/her) alors que la réduction de mots et de mots rares mène plutôt à des confusions totales. 3.2.8. Hypothèse 8 : Les variétés les plus faciles à comprendre sont les moins identifiables. Nous pensons que les accents les moins identifiés dans l’expérience 1 sont les moins typiques parce qu’ils ne contiennent pas suffisamment de traits caractéristiques régionaux pour être identifiés. Dans le type de tâche que nous utiliserons, il est possible de parler d’une certaine neutralité dans ces accents qui devraient donc, de ce fait être plus facilement compris. Hansen et Ikeno (2007) ont trouvé cet effet lors de leur étude sur les accents de Cambridge, Cardiff et de Belfast. 3.3. Intérêt scientifique et objectifs de cette étude. Cette étude se veut une première tentative de comprendre la façon dont la variation est traitée par des populations différentes et en particulier par les apprenants de l’anglais. Il n’existe pas d’étude qui utilise autant de variétés régionales différentes et nous espérons ainsi contribuer aux recherches dans ce domaine. Ce sont les premiers objectifs de ce travail. Nous avons vu 110 Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches que l’enseignement de l’anglais en France est basé sur deux modèles de prononciation : la RP et le « General American ». Malgré la position dominante que la RP occupe dans l’enseignement en France, nous avons vu que cet accent est loin de refléter la réalité linguistique en Angleterre. Avec cette étude, nous espérons apporter un autre point de vue sur ce modèle qui est rarement remis en question. Est-ce que son utilisation peut être justifiée par ces recherches empiriques ? Nos résultats pourront montrer qu’elle est en effet plus compréhensible pour les non-natifs. Cependant, il semble important d’étudier d’autres variétés régionales et de montrer la façon dont elles sont perçues et appréhendées par les francophones. Il ne s’agit pas de remettre en cause le fait d’avoir un seul modèle de prononciation mais de rappeler que le fait de se limiter à un seul modèle pourrait en réalité mettre en difficulté les apprenants. Nous avons vu dans le chapitre 2 que la familiarité avec les différentes sources de variations est très importante. Sans cela, le traitement de la variabilité risque d’être toujours problématique. Nous souhaitons expliciter la façon dont les apprenants francophones font face aux variations qu’ils ont peu étudiées. Afin d’avoir une meilleure idée de la difficulté de ces accents régionaux, nous avons introduit d’autres groupes dans nos expériences. Cela permet d’établir des comparaisons et de mesurer l’impact de la familiarité de la L2. Nous avons vu qu’il existe peu d’études sur la compréhension des variétés régionales. Le fait d’inclure plusieurs populations permet d’élargir le champ de ce travail en établissant également une analyse contrastive. Dans le deuxième chapitre, il a été souligné que la plupart des expériences de perception utilisent des mots isolés ou des phonèmes. Nous espérons que nos recherches vont permettre d’avoir un aperçu plus juste des difficultés que peut poser la parole continue. De plus, ce genre de stimuli est rarement utilisé pour évaluer la compréhension et la perception des nonnatifs. Nous avons vu que les mauvaises perceptions de la parole continue peuvent entraîner différents types d’erreurs (Bond, 1995). Nous avons remarqué que certaines mauvaises perceptions sont facilement explicables alors que d’autres ne le sont pas forcément. Notre compréhension de ces erreurs est encore insuffisante mais le fait de les étudier peut nous donner des informations sur le fonctionnement du traitement de la parole et des variations, surtout chez les non-natifs. 111 Chapitre 3 Hypothèses et objectifs de recherches Nous proposons à présent d’exposer, dans une première partie, la méthodologie utilisée dans ce travail, puis dans une deuxième, les résultats obtenus afin de pouvoir répondre à nos hypothèses et objectifs. 112 Chapitre 4 Corpus et méthodologie CHAPITRE 4 CORPUS ET MÉTHODOLOGIE 4.1 Introduction Dans les chapitres précédents, nous avons détaillé les variétés d’anglais du corpus IViE. Ensuite, nous avons parlé d’un certain nombre de problèmes qui peuvent être liés aux différents types de variations et à la compréhension d’une langue orale. À partir de ces constats, nous avons essayé de poser certaines questions auxquelles nous souhaitions répondre et qui motivent l’importance de ce travail et sa potentielle contribution à l’enseignement de l’anglais. Il faut maintenant décrire le corpus que nous avons choisi, pour ensuite parler des expériences que nous avons conçues et menées et de leurs objectifs. La conception de tests et d’expériences est en évolution permanente. Tout d’abord, l’évaluation de l’écrit a été mise en avant, puis celle de l’oral a pris une place de plus en plus grande. Cependant, la question de la variation dans une langue et sa perception par des auditeurs natifs et non-natifs demeure un sujet encore peu abordé. De ce fait, concevoir des tâches afin d’évaluer les capacités de traitement de la variation n’est pas une chose aussi aisée que cela paraît. Nous y avons consacré énormément de temps et d’importance et nous pouvons espérer trouver quelques résultats satisfaisants. Strange (1995) donne une liste de paramètres à prendre en considération dans le choix des stimuli et rappelle que tout dépend de ce que nous voulons tester ou prouver et surtout de nos hypothèses. Le choix des stimuli et des expériences ont des conséquences sur les résultats. Nous avons été très attentives aux différents facteurs qui pouvaient influencer la qualité des stimuli. 4.2. Description du corpus IViE Le corpus IViE (Intonational Variation in English) fut enregistré en 1996 par une équipe dont les principaux investigateurs étaient Esther Grabe, Brechtje Post et Francis Nolan.75 Il est constitué de variétés contemporaines de neuf villes des Iles Britanniques, dont Cambridge, 75 IViE est consultable et téléchargeable gratuitement à : http://www.phon.ox.ac.uk/files/apps/IViE/ 113 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Londres (les locuteurs ont des ascendances jamaïcaines), Liverpool, Leeds, Bradford (bilingues anglais-panjabi), Cardiff (bilingues anglais-gallois), Newcastle, Belfast et Malahide (Dublin). Il contient des enregistrements qui ont été constitués dans les écoles de ces villes. Pour chaque variété, il y a entre douze et quatorze locuteurs âgés de seize à dix-sept ans. Il contient cinq styles de paroles différentes. En règle générale, chaque variété est représentée par six locuteurs (hommes) et par six locutrices (femmes)76 issus de la classe moyenne. Au total, il y a 111 locuteurs. 77 Ils furent choisis par leurs professeurs, ce qui est un point important à noter, puisque cela signifie que la sélection n’a pas été faite spécifiquement par les chercheurs et que cela peut avoir des conséquences sur la qualité typique des accents des locuteurs (Grabe, E., 2004). Les enregistrements ne sont pas toujours d’une qualité idéale, et certains contiennent du bruit de fond. Nous avons dû écarter certains locuteurs, à cause de ces problèmes du bruit de fond trop important. Cela dit, le fait d’avoir fait les enregistrements dans un lieu familier a peut être permis aux locuteurs d’être légèrement plus détendus. Le corpus dure au total 36 heures. Les cinq styles de paroles (types de production) différentes sont: • Une conversation ; deux locuteurs parlent des problèmes liés à la cigarette. • Des directions géographiques ; les locuteurs se donnent des indications pour se déplacer d’un point à l’autre sur le plan d’une ville. • Un passage lu ; il s’agit d’une version abrégée de l’histoire de Cendrillon. • La narration de l’histoire de Cendrillon ; les locuteurs racontent l’histoire de Cendrillon à partir de dessins fournis. • La lecture de phrases qui ont été conçue uniquement dans un but d’étudier l’intonation. 4.2.1. Le choix du corpus : les contraintes et avantages Le corpus IViE fut choisi pour l’homogénéité de l’âge et de la classe sociale des locuteurs. De façon générale, ce corpus est très bien conçu comparé à d’autres sur les accents régionales tel 76 Nous allons utiliser ces termes de locuteurs et locutrices lorsque nous voulons différencier entre les deux sexes. Cette distinction existante dans la langue française nous paraît très claire et utile à employer. 77 Il y a exactement douze locuteurs (6 locutrices et 6 locuteurs) dans les variétés de Belfast, Cambridge, Cardiff, Dublin, Leeds, Liverpool et Newcastle. La variété de Bradford est représentée par quatorze locuteurs (7 locuteurs et 7 locutrices) et dans celle de Londres il y a treize locuteurs (7 locutrices et 6 locuteurs). 114 Chapitre 4 Corpus et méthodologie que ABI.78 Les enregistrements de ce corpus ne sont pas vraiment homogènes, c'est-à-dire que les personnes n’ont le même age, ni la même classe sociale, ce qui rend les analyses encore plus difficiles. Il existe un projet français qui est en train d’étudier les variétés phonétiques au Royaume-Uni. Cette étude s’intitule « Phonology of Contempory English » (PAC), et est coordonnée par les universités de Montpellier et de Toulouse. Ce projet constitue une des premières grandes recherches françaises sur le sujet. Le corpus IViE a parfois été critiqué pour la qualité non-typique de certains locuteurs.79 Dans ce corpus, nous avons, nous aussi, trouvé que l’accent des locuteurs n’était pas toujours très caractéristique de certaines variétés. Par exemple, les locuteurs de la variété de Belfast ont un accent que nous avons jugé assez typique, alors que pour le Pays de Galles, la plupart des locuteurs ont un accent assez neutre. Autrement dit, nous pensons que leur accent ne permettait pas toujours d’identifier leurs origines. De ce fait, nous avons fait très attention au choix des personnes à utiliser dans nos expériences et nous avons décidé de faire appel à la fois à des locuteurs et à des locutrices. En se référant à la littérature sur les dialectes, qui a démontré à plusieurs reprises que les locuteurs gardent des traits plus traditionnels et typiques, l’idée de départ était d’utiliser seulement des hommes (Labov, 1976). Il est très souvent expliqué que les femmes ont tendance à utiliser des traits innovateurs alors que les hommes, par désir de signaler leur appartenance, emploient plus fréquemment un accent plus prononcé (Trudgill, 1990). Cependant, dans certaines variétés de ce corpus nous avons constaté que les femmes avaient des accents plus prononcés et plus typiques que les hommes, notamment dans la variété du Pays de Galles. Le choix d’utiliser une locutrice galloise nous a forcément obligée à inclure d’autres locutrices dans nos expériences. Il aurait été trop préjudiciable de n’avoir qu’une femme et huit hommes. Les résultats des premières expériences allaient donc nous aider à choisir les locuteurs qui ont les accents les plus typiques (cf. Chapitre 5). Il y a d’autres problèmes d’ordre plus général, liés aux corpus et à leur authenticité : dès lors que des personnes sont enregistrées, leur comportement change et elles s’adaptent à la personne qui se trouve en face. Armstrong (2004) cite l’exemple de « audience design » . C’est un principe selon lequel les locuteurs adoptent leur « design », c'est-à-dire leur 78 Cf. Thèse sur l’Étude phonétique des dialectes modernes de l’anglais des Iles Britanniques : vers l’identification automatique du dialecte (Ferragne, 2008) pour une description de ce corpus. L’auteur émet également quelques réserves sur la qualité du corpus ABI. 79 Notamment, de la part du jury lors de la soutenance de thèse de Marion Coadou sur l’Étude de la qualité de voix et de la variante dialectale dans les Iles Britanniques (2007). 115 Chapitre 4 Corpus et méthodologie production linguistique change en fonction des attributs sociaux perçus de leurs observateurs. Labov (1976) explique que le meilleur moyen d’obtenir une parole authentique est d’observer la façon dont les gens parlent lorsqu’ils ne se sentent justement pas observés. La présence d’un observateur peut avoir des conséquences sur le langage et le locuteur peut changer sa façon de parler à plusieurs niveaux (phonétique, registre). Ce phénomène est connu comme le « paradoxe de l'observateur ». L’idéal est de minimiser la participation de l’observateur aux tâches demandées. Dans le corpus IViE, pour les quelques occasions où l’observateur à dû intervenir, nous avons effectivement remarqué un changement chez certains locuteurs qui se mettaient à parler de façon plus soignée. Parfois, ils tentaient même de se rapprocher de l’accent des enquêteurs. Parmi les enquêteurs d’IViE, deux seulement n’étaient pas de l’Angleterre du Sud ; un étant de Belfast et un autre du Pays Bas. Dans le corpus, nous avons constaté que lorsque les locuteurs remarquaient la différence entre leur accent et celui des enquêteurs ils avaient tendance à converger avec l’observateur, devenu à son tour, pour quelque temps, interlocuteur. Ce changement pouvait avoir lieu le temps de quelques phrases. Nous avons donc fait attention à ce genre de phénomène et écarté les passages et les locuteurs de ce type. Un aspect contraignant de ce corpus est que nous manquons d’informations approfondies sur les locuteurs. Nous avons quelques éléments à savoir, l’âge, le sexe, l’origine, la classe sociale. Cependant, au vu de ce que nous avons constaté dans le premier chapitre sur les sentiments d’appartenance et l’effet que cela peut avoir sur l’accent d’un locuteur, il aurait été intéressant d’avoir ce type de renseignements. Cette information n’est pas disponible, ce qui est regrettable dans la mesure où cela nous aurait peut être permis de comprendre certaines différences qui existent entre les locuteurs d’une même variété régionale. 4.2.2. Choix du style de parole Nous avons choisi d’utiliser la parole lue.80 Ce choix présente certains avantages, mais aussi des inconvénients. Par exemple, aux niveau de la comparaison entre les variétés il était plus facile d’avoir les mêmes phrases. Par contre, il est évident qu’une seule et même phrase ne pouvait être entendue qu’une seule fois dans chaque variété, surtout lorsqu’il s’agissait d’évaluer la compréhension de celle-ci. Nous sommes consciente que cela risque de limiter les traits caractéristiques que nous pouvons trouver dans chaque variété. 80 Cf. annexe 3 pour la version écrite de l’histoire de Cendrillon. 116 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Le passage lu est l’histoire de Cendrillon. Il permet d’avoir une quantité de parole (à peu près cinq minutes par locuteur) avec des phrases « complètes » que nous pouvions facilement couper sans en dénaturer le sens. Dans la partie précédente, nous avons constaté qu’il existe peu d’expériences de perception qui utilisent la parole continue. Autrement dit, la plupart des études se sont concentrées sur la perception des phonèmes ou des mots seuls. Ce type de travail peut nous fournir les explications sur le traitement de ces items par les natifs et les non-natifs. Néanmoins, dès lors que nous avons décidé de nous intéresser à la compréhension, il fallait utiliser des énoncés plus longs. Avant de choisir ce type de parole, nous avons d’abord comparé en détail les deux versions de l’histoire de Cendrillon (la parole lue et le récit d’après les dessins, cf. 4.2. pour la description du corpus IViE). Cette première analyse nous semblait importante afin de vérifier à quel point les accents pouvaient être affectés par la tâche demandée. Nous redoutions que la lecture de l’histoire, un exercice moins naturel que le récit, entraîne une certaine perte de l’accent régional. En réalité, mis à part quelques changements lexicaux, il existe peu de différence au niveau du degré de l’accent. Le seul autre frein qui aurait pu nous empêcher d’utiliser l’histoire de Cendrillon pouvait venir du lexique, c'est-à-dire l’utilisation de mots peu fréquents ou non connus des auditeurs. Il est vrai que certains mots de l’histoire peuvent être considérés comme étant assez spécifiques ou difficiles. Nous avons tenu compte de ce problème et avons essayé de le contourner dans l’expérience de compréhension en utilisant plusieurs catégories de sujets afin de mesurer l’impact au niveau du lexique. À l’aide du logiciel Audacity81 et avec vérification dans PRAAT, tous les stimuli furent harmonisés pour se situer entre 60 et 75 décibels afin que le niveau sonore soit confortable. En effet, il ne fallait pas induire une variable supplémentaire susceptible de créer des différences entre les locuteurs et les variétés. Dans une étude de Floccia et al. (2006), nous avons constaté que les auteurs ont sélectionné les parties du corpus les plus « propres », principalement au niveau de la qualité de la voix. Lors de la segmentation, nous avons écarté certains facteurs gênants pour l’écoute dans le but de limiter l’effet de ces variables et de contrôler la qualité des stimuli. Par exemple, le bruit extérieur (dans la mesure du possible), les pauses trop longues, les hésitations dues aux différents niveaux de lecture des locuteurs, les interventions de l’observateur etc. 81 Audacity est un logiciel destiné à l'édition et à l'enregistrement audio (disponible à l’adresse http://audacity.sourceforge.net/). 117 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Désormais, nous avions un style de parole choisi et nous avions ôté les variables considérées comme nuisibles à la compréhension des accents. Ensuite, il fallait décider de la meilleure segmentation du passage lu afin de choisir les stimuli pour nos expériences. Les études observées sur les accents régionaux dans le deuxième chapitre de ce travail ont souvent ajouté un autre facteur, celui de la longueur des énoncés (Hanson et Ikeno, 2007, et Floccia et al., 2006). Il n’est pas déraisonnable de penser que plus le sujet reçoit de signaux, plus il peut se familiariser avec la variété et la compréhension en devient ainsi plus facile. Nous avons vu que ces auteurs émettent des hypothèses diverses à ce sujet et que leurs recherches indiquent des résultats différents. Ils ont montré que la longueur de l'énoncé est un facteur clef dans les tâches de perception. Les phrases plus longues peuvent effectivement aider les sujets à s’adapter et à stocker les informations afin de créer un système de référence. D'autres études ont suggéré que la longueur de la phrase n'influence pas la capacité des sujets à s'adapter. Mais notre mécanisme d'adaptation fonctionne-t-il seulement pour notre langue maternelle ? Est-ce que les apprenants francophones sont capables de s'adapter aux variations et de comprendre les accents régionaux ? Nous avons segmenté le passage lu d’IViE en syllabes. De la même manière que Hanson et Ikeno, (2007) nous avons sélectionné trois types de longueurs : des phrases courtes (entre 4 à 9 syllabes), des moyennes (10-14 syllabes) et des longues (15-24 syllabes). Nous avons essayé autant que possible de respecter des pauses naturelles lors de la segmentation, ce qui n'était pas toujours facile, mais la plupart des locuteurs ont fait des pauses aux mêmes endroits lors de la lecture du texte. Suivant ces critères de syllabes, notre corpus fut divisé en 81 énoncés : 28 phrases courtes, 28 moyennes et 25 longues.82 4.2.3. Choix des locuteurs et l’étiquetage des stimuli Avant de passer en revue chacune des régions et les caractéristiques des accents, il est important de parler du choix de notre sélection des locuteurs et des stimuli ainsi que des étiquetages utilisés.83 Pour chaque accent, nous avons écouté tous les locuteurs dans les cinq styles différents. Ensuite, nous avons effectué à nouveau plusieurs écoutes de chaque personne dans le registre de la lecture, afin de faire une première sélection de six locuteurs par variété. Autrement dit, 82 Cf. annexe 4 pour le passage lu tels que nous l’avons segmenté. Cf. CD-ROM joint. Les fichiers et les phrases sont classés par expérience. À l’exception de l’expérience de compréhension, les stimuli étaient mis dans un ordre aléatoire par le logiciel Perceval. Sur le CD-ROM, ils sont simplement classé par variété. 83 118 Chapitre 4 Corpus et méthodologie trois locutrices (femmes) et trois locuteurs (hommes), considérés comme les plus représentatifs de l’accent en question. Dès cette étape, nous avons écarté les personnes qui avaient un niveau d’élocution ou de lecture trop insuffisant. Cela inclut par exemple, les lecteurs trop hésitants. Nous avons classé les six locuteurs de 1 à 3, un correspond à la femme ou à l’homme que nous trouvions le plus typique. Nous avons donc divisé le nombre initial de locuteurs de moitié : 54 personnes au total. Nous avons gardé en partie le même style de marquage qui existait dans IViE. Nous avons déjà utilisé ce système d’étiquetage dans le premier chapitre. Cela correspond à la lettre employée qui indique chaque région, par exemple : B pour Belfast ; J pour Londresjamaïcain. En plus de ces lettres, nous avons laissé les mêmes initiales des locuteurs telles qu’elles existent dans le corpus original. Par exemple, BDO signifie la personne DO de Belfast. Il n’y avait rien pour indiquer le sexe de la personne. À cette étiquette, nous avons donc ajouté un chiffre de 1 à 3 pour les locuteurs et les locutrices. Ensuite, nous avons indiqué le type de phrase de la manière suivante : S - short sentence ; M - medium sentence ; L - long sentence. Pour finir l’étiquetage, le numéro de la phrase84 selon l’ordre dont elles apparaissaient dans l’histoire de Cendrillon. Un exemple des étiquettes est B1DOS1. 4.2.4. Remarques sur les variétés régionales et les locuteurs d’IViE Nous pouvons maintenant donner plus de détails sur les variétés. Les transcriptions reflètent notre première perception, ils sont très impressionnistes et ne prétendent en aucun cas à une exhaustivité quelconque. En ce qui concerne les variétés de Bradford et de Londres, nous avons privilégié les locuteurs utilisant le plus de traits caractéristiques de leurs origines ethniques. La présence de ces accents est une occasion d’ouvrir des horizons afin d’évaluer leur perception encore très peu étudiée. Nous avons essayé le plus possible de sélectionner des locuteurs avec un accent homogène dans chaque groupe. Autrement dit, lorsqu’une ou deux personnes utilisaient un trait phonétique différent de tous les autres locuteurs, nous les avons écartées. Nous avons donc évité d’inclure des phénomènes dus au nivellement dialectal lorsque ces traits n’apparaissaient pas chez la plupart des locuteurs d’un seul et même accent. Pour chaque variété nous parlerons uniquement des traits qui nous ont paru frappants, soit parce qu’ils 84 1 à 28 pour les phrases courtes (S) ; 1 à 28 pour les moyennes (M) et 1à 25 pour les longues (L). 119 Chapitre 4 Corpus et méthodologie étaient très fréquents ou typiques, soit parce qu’ils constituent un élément que nous n’avions pas vu dans le système phonétique du premier chapitre. Nous avons pris en compte les groupes lexicaux qui permettent de différencier les variétés lorsque nous comparons tous les systèmes vocaliques et consonantiques. Nous avons établi ces différences selon les systèmes de Wells (1982). Nous nous sommes servie de ces éléments afin d’aider à la sélection des phrases caractérisant le mieux l’accent pour l’expérience de compréhension. 4.2.4.1. Cambridge – Notre système de référence Nous avons déjà souligné que l’accent de Cambridge nous sert de système de référence. Cette variété ressemble le plus à l’accent RP avec lequel les participants des expériences sont le plus familiers. Il est celui avec lequel nous pouvons comparer toutes les autres variétés.85 Dans ce travail, nous avons expliqué que l’accent de Cambridge prend la place d’accent « témoin ». Nous pouvons qualifier les locuteurs choisis de cet accent NEAR RP (Wells, 1982). Autrement dit, ils ont pour l’essentiel des traits caractéristiques de la RP. Voici des commentaires généraux sur l’ensemble des locuteurs. L’accent de ce groupe n’était pas toujours très homogène ; certaines personnes ont un accent très proche de la RP et d’autres ont un accent qui ressemble davantage à celui de Londres, voire celui de l’Estuary English. Les six locuteurs que nous avons choisi ont un accent proche de la RP. Nous avons fait un premier classement des locuteurs de la manière suivante : 86 Locutrices : 1→ C1ER ; 2 → C2MF ; 3 → C3SM Locuteurs : 1 → C1PT ; 2 → C2TG ; 3 → C3JE Dans les enregistrements il y avait peu de bruit extérieur. Un des locuteurs avait une voix craquée (creaky voice) et une locutrice zézayait, ce qui les a exclut. Certaines locutrices ont une parole extrêmement soignée, qu’on pourrait presque qualifier d’accent affecté (ex : C1ER). Dans ce groupe, la lecture était d’un bon niveau et les participants racontaient l’histoire d’une manière vive et souvent théâtrale. Dans la version de Cendrillon où les 85 86 Cf. annexe 5 pour la transcription de Cendrillon en RP. Certains extraits de chaque locuteur sont joints dans le CD-ROM dans les expériences d’identification. 120 Chapitre 4 Corpus et méthodologie locuteurs racontaient l’histoire librement, leur vocabulaire était quelque peu plus soutenu que dans la plupart des autres variétés (decreed, proclaimed). Dans les autres variétés, on entendait quelques expressions grammaticalement « non-standards ». Voici des quelques unes des prononciations relevées. Pour tout autre aspect de cet accent se reporter au premier chapitre. La voyelle de DRESS (/ɛ/) semble se rapprocher plus de la réalisation associée avec East Anglia qu’avec la RP. Nous avons noté que la voyelle de happY est /i:/ : parties → /pɑ:ti:z/. L’utilisation d’un coup de glotte en position finale : hat → /hæʔ/ ; went → /wɛnʔ/. Mais /ʔ/ est désormais un trait également associé avec la RP. 4.2.4.2. Londres-jamaïcain Dans ce groupe le niveau de lecture était souvent lent et peu fluide, surtout chez les locuteurs qui paraissaient mal à l’aise avec l’exercice de la lecture. Ils se trompaient (their feet was enormous) et hésitaient sur beaucoup de mots. Certains ont la voix craquée. Le fait qu’ils ne soient pas bilingues mais d’ascendance jamaïcaine expliquerait pourquoi l’accent jamaïcain ressort un peu moins, et que l’accent de Londres l’emporte. Toutefois, nous avons choisi les locuteurs avec le plus de traits jamaïcains. Nous avons également pris en compte la qualité de la voix et la façon dont ils lisaient. Nous n’avons constaté aucune disparité entre les locuteurs masculins et féminins. Voici notre première sélection : Locutrices : 1→ J1SF ; 2 → J2JB ; 3 → J3KJ Locuteurs : 1 → J1RA ; 2 → J2MM ; 3 → J3KG Voici quelques mots caractéristiques de cette variété : asked → /akst/okst/, mother /mʌva/ failed → /feld/. Selon Wells (1982), les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants de cette variété sont : - Pour Londres : STRUT ; GOAT ; MOUTH ; GOOSE ; commA et vocalisation du /l/. 121 Chapitre 4 Corpus et méthodologie - Jamaïque : NEAR ; SQUARE ; FORCE ; lettER; FACE ; GOAT ; « th »→ /t/ et /d/. - Estuary English : happY ; STRUT ; FLEECE ; GOOSE ; GOAT ; MOUTH. Il y avait énormément de coups de glotte, en position finale → hat et en position médiane → beautiful. Cet aspect est associé à Londres. /ei/ en position pré-tonique dans les mots du types : arrived, amazed, ainsi que l’article « a » qui était souvent prononcé de façon pleine /ei/. Alors que dans les mots tels que failed, le phonème est très bref. « th » était souvent /f/ ou /v/ dans les mots tels que : thought, mother, three (TH-Fronting). Mais nous avons également trouvé the /də/ et their /deə/ qu’on associe davantage avec une prononciation jamaïcaine. La voyelle de GOAT est curieusement proche de celle que l’on peut retrouver dans le Nord /o:/ tout comme la voyelle de BATH qui est courte. CommA et LettER sont plutôt /a:/. Ces traits rappellent surtout l’accent jamaïcain. Le mot gown ressemblait plus à gun, donc la voyelle était aussi plus brève. HappY est /i:/ par exemple dans /pɑʔi:z/. CURE varie entre /ʊə/ et /ɔ:/. La vocalisation de /l/ apparaissait dans les mots tels que girl, ball mais n’était pas systématique chez tous les locuteurs. La terminaison -ing était /ɪn/, sauf pour everything qui finissait en /ɪnk/. Il semble exister un véritable mélange de l’accent de Londres et l’accent jamaïcain chez le plupart de ces locuteurs. 4.2.4.3. Liverpool Parmi les douze locuteurs, seulement quatre n’avaient pas de traits typiques de cet accent. Nous avons trouvé qu’il y avait peu de différence entre les locuteurs masculins et féminins. Cependant, un des éléments les plus caractéristiques de cet accent tel que la convergence de NURSE et SQUARE ([ɛ:]) n’apparaît pas chez ces locuteurs. Nous avons sélectionné les locuteurs suivants : Locutrices : 1→ S1DS ; 2 → S2LP ; 3 → S3RB Locuteurs : 1 → S1SB ; 2 → S2NS ; 3 → S3GW 122 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Les groupes lexicaux ou les aspects consonantiques les plus marquants sont : BATH ; STRUT ; GOAT ; CURE ; NURSE ; SQUARE ; FLEECE ainsi que -ing (/ɪŋɡ/) (Wells, 1982). Ces éléments ont été utilisés pour faire l’expérience de compréhension. Parmi les mots très caractéristiques, il y avait : fairy, looking embarrassed, perfectly, recognise. La première chose remarquée est la prononciation typique telle que looking → [lʊxɪn] recognise → /ɾɛxənaɪz/. Ce phénomène a été plus souvent trouvé au milieu d’un mot plutôt qu’en position finale. Ceci montre que chez ces locuteurs les mots en –ook n’ont pas de voyelle longue (/u:/). /ɾ/ apparaît de façon presque systématique dans la position intervocalique mais également après une consonne et devant une voyelle : spray, dreamed. Contrairement à ce qui était attendu dans cette variété nous avons trouvé plusieurs locuteurs qui remplaçaient « th » par /f/ ou /v/, notamment dans les mots tels que thing, three. La terminaison -ing était /ɪn/ ou /ɪŋɡ/, mais le mot nothing se terminait avec /ɪŋk/. Le coup de glotte remplaçait le /t/ surtout en position médiane. La voyelle de PRICE ressemblait à celle de DRESS dans le mot sighed. La voyelle de GOAT était souvent /o:/. Ceci reflète un accent de l’Angleterre du Nord et n’est pas la réalisation spécifique à Liverpool. CommA et lettER étaient principalement prononcées /ə/ mais pouvaient être /a/. 4.2.4.4. Leeds Dans ce groupe il y avait peu de bruit de fond. Certains locuteurs avaient la voix craquée ce qui les a exclus de notre sélection. Certaines locutrices avaient la voyelle /ʌ/ dans STRUT et /ɑ:/ dans BATH, ce qui n’est pas du tout typique pour le Nord. Il y a même un passage dans les enregistrements où une locutrice dit /ɑ:ftə/, puis se reprend en disant /aftə/. Elle ne le fait qu’une fois et nous pensons que cela s’est produit sous l’influence de l’enquêteur, ou bien à cause du style de parole. Nous avons vu que ces réalisations sont associées avec le Sud, il était donc très surprenant de les trouver dans l’accent de Leeds. De façon générale, ce groupe était assez peu représentatif et il n’y avait pas d’accent vraiment typique. Nous avons choisi les locuteurs suivants : Locutrices : 1→ L1CM ; 2 → L2KF ; 3 → L3KP Locuteurs : 1 → L1SU ; 2 → L2JP ; 3 → L3JW 123 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Les groupes lexicaux ou les aspects consonantiques les plus marquants sont : BATH ; STRUT ; GOAT ; CURE ; FACE ; PRICE (Wells, 1982). Il s’agit souvent des mêmes mots du texte de Cendrillon qui portent le plus de traits caractéristiques de l’accent, nous avons trouvé : heart (/a:/), pumpkin (/ʊ/), garden, midnight, started. L’aspect le plus marquant est l’utilisation quasiment systématique de coups de glotte en position finale : foot → /fʊʔ/ ; fit → /fɪʔ/ ; meet → /mi:ʔ/ ; went → /wɛnʔ/. GOAT est une diphtongue plutôt que /o:/. Le mot one varie d’un locuteur à un autre entre /wʊn/ et /wɒn/. Ce dernier est davantage associé avec les Midlands (Wells, 1982). Les mots tels que laughed et dance ont la voyelle /a/ chez le plupart des locuteurs. Cette prononciation est tout à fait attendue dans le Nord de l’Angleterre. 4.2.4.5. Bradford – Panjabi Le niveau de lecture pouvait être extrêmement lent. La plupart des locuteurs masculins lisaient très mal, se trompaient et hésitaient sur beaucoup de mots. Nous avons été obligé d’écarter certains locuteurs qui avaient pourtant un accent très typique mais qui posaient trop de problèmes de ce genre. D’une façon générale, il y avait souvent un bruit de fond mais pas dans tous les passages. L’accent panjabi était légèrement plus fort chez les locuteurs masculins que chez les locutrices féminines. Une locutrice a la voyelle /ʌ/ dans STRUT ce qui signifie qu’elle est issue de la classe sociale moyenne. L’accent n’est pas rhotique bien que l’accent panjabi soit fortement présent. Notre premier classement est basé sur des locuteurs qui ont un fort accent panjabi : Locutrices : 1→ P1RA ; 2 → P2FM ; 3 → P3RR Locuteurs : 1 → P1AA ; 2 → P2RH ; 3 → P3ZM Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants par rapport à L’Angleterre du Nord, ou bien par rapport au panjabi sont : BATH ; STRUT ; GOAT ; CURE ; FACE ; SQUARE ; NURSE. 124 Chapitre 4 Corpus et méthodologie En ce qui concerne l’accent anglais du Nord, à la première écoute il est difficile d’identifier un endroit précis, alors qu’il est indéniablement du Nord de l’Angleterre. Les traits les plus marquants sont les réalisations de « th » comme /t/ ou /d/. Les consonnes /r/, /v/ et /w/ peuvent être interchangeables dans cet accent et parfois [ʋ]. La prononciation de garden est /ga:dɛn/ avec une voyelle forte devant les phonèmes /n/ ou /l/. FOOT et STRUT sont /ʊ/ ; ex : one → /wʊn/; /wonderful → /wʊndəfʊl/. Nous avons trouvé que le mot wanted est également prononcé avec la voyelle /ʊ/ plutôt qu’avec /ɒ/ → /wʊntɪd/ et /wʊnted/. Il nous a semblé que le /l/ est sombre malgré ce qui est dit dans la littérature (Wells, 1982). D’après Heselwood et McChrystal (2000) il peut s’agir d’une voyelle d’appui de type /e/ ou d’un schwa ajouté devant le /l/ ce qui nous donnerait l’impression que le /l/ est sombre. TRAP est /a/. Par contre, le mot carriage ressemble beaucoup au mot courage. Nous l’avons transcrit /ˈkʊɾɪdʒ/. La voyelle de GOAT est typiquement celle du Nord de l’Angleterre /o:/. Le mot changed ressemble plus à chained, le son /dʒ/ n’étant pas audible. Le coup de glotte apparaît souvent en position médiane et finale, par exemple : daughter → /dɔ:ʔə/ ; heart → /ha:ʔ/ ; foot → /fʊʔ/. « th » peut être prononcé /d/, /t/ et /ʔ/ par exemple : thought → /tɔ:t/ ou /tɔ:ʔ/ ; third → /tɜ:d/ à l’exception de trois locuteurs. Les locutrices utilisent également cette prononciation. Dans ce groupe, /d/ peut remplacé « th » en position initiale : there → /dɛ:/ ; the /dɪ/ ; thing → /tɪŋɡ/ « th » peut également être réalisé /ɾ/ ou /d/ entre voyelles : mother → /mʊɾə/ ou /mʊdə/. Le /r/ semble être un battement en position intervocalique : horrified → /hɒɾɪfɑɪd/ ; married ; hurry. Cette réalisation peut se trouver aussi après une consonne → ballroom et en position initial → royal. La terminaison -ing est prononcé /ɪŋɡ/. /h/ initial est absent chez certains locuteurs et locutrices : heart → /a:ʔ/. 125 Chapitre 4 Corpus et méthodologie 4.2.4.6. Newcastle Dans ce groupe il y a énormément de bruit de fond. Globalement, l’accent est assez typique et ce, chez les locuteurs comme chez les locutrices. Un seul des locuteurs a employé /f/ et /v/ au lieu de « th », ce qui montre que le TH-Fronting peut exister à Newcastle. Nous avons fait le premier classement suivant des locuteurs : Locutrices : 1→ N1SB ; 2 → N2EP ; 3 → N3JW Locuteurs : 1 → P1AA ; 2 → P2RH ; 3 → P3ZM Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants par rapport à L’Angleterre du Nord, ou bien par rapport à Newcastle, sont : BATH ; STRUT ; GOAT ; CURE ; FACE ; NEAR ; MOUTH ; SQUARE ; NURSE ; PRICE ; commA et lettER. Les traits les plus caractéristiques que nous avons trouvés sont la prononciation de poor /puɑ/, ce qui est fortement associé à l’accent le plus saillants de Newcastle (Geordie). La voyelle de lettER et commA qui est /ɑ/. L’utilisation des coups de glotte est très fréquente. Nous avions vraiment l’impression dans certains mots d’entendre [t͡ʔ] mais le relâchement de l’occlusive était masqué par le mouvement glottal : pity → /pɪ[t͡ʔ]ɪ/, alors que dans daughter, beatiful on n’entend que le coup de glotte. MOUTH est réalisé /ɛʊ/ plutôt. GOAT est prononcé /o:/ mais dans l’expression oh dear on a l’impression d’entendre un /r/ « ordia ». Dans la partie « retold » du corpus clothes a la voyelle /ɵ:/ chez certains locuteurs. NEAR est /iɑ/. FACE est /e:/ amazed →/əˈme:zd/. Le mot royal est réalisé comme une diphtongue /ɔɪ/. La voyelle dans failed peut être très brève /e/. Nous avons eu l’impression que ball se disait boil. Le mot sighed est réalisé /sɛid/, mais n’est que légèrement diphtongué. 4.2.4.7. Cardiff Il y a quelques passages où il y a un bruit de fond dans cette variété. Dans ce groupe, nous considérons qu’il n’y avait qu’une seule personne avec un accent gallois plus au moins 126 Chapitre 4 Corpus et méthodologie typique. Il s’agit d’une locutrice (W1HW).87 Tous les autres locuteurs avaient soit un accent très léger, soit un accent qu’on pourrait classer de NEAR RP. Avant d’écouter ce groupe et en voyant qu’il s’agissait de bilingues, nous avons d’abord pensé trouver des accents très prononcés. Puis, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, la ville de Cardiff a un regard différent envers l’accent gallois par rapport au Pays de Galles en général. Mees et Collins (1999) expliquent que les habitants de Cardiff ne cherchent pas à avoir un accent très prononcé, qui est regardé d’une façon négative. Par contre, la RP ne subit pas d’avis négatif dans cette ville comme cela peut être le cas dans le reste du pays. Il est également possible du fait du bilinguisme des locuteurs que ceux-ci n’aient aucunement besoin d’affirmer davantage leur appartenance. Cet accent n’est a priori pas rhotique (Wells, 1982). Cependant, aux premières écoutes du corpus, il nous semblait entendre des voyelles légèrement rétroflexes (rcoloured). Dans ce contexte, le classement des locuteurs était difficile, le voici : Locutrices : 1→ W1HW ; 2 → W2KV ; 3 → W3SC Locuteurs : 1 → W1HR ; 2 → W2ER ; 3 → W3XT Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants sont : NEAR ; GOAT ; PRICE ; MOUTH ; SQUARE ; happY. Nous avons utilisé ces éléments pour les phrases lors de l’expérience de compréhension. Les mots où l’accent était très présent : fairy, heart, pumpkin, garden, awful, gowns, down, en plus de la prononciation de /r/. Fairy → /fɜ:ɾɪ/ (ressemblance avec le mot furry). Heart → /hæːt/. Le /a/ paraît très long. Le /r/ intervocalique est [ɾ]. very → /vɛɾɪ/, hurry→ /həɾɪ/ ou /hʌɾɪ/. Le /r/ intrusif apparaissait beaucoup et était souvent un battement. Dans les mots tels que garden, nous avons effectivement trouvé le trait typiquement gallois où la syllabe fermée est accentuée /gæ:dɛn/. Ce phénomène n’affecte pas tous les locuteurs, mais nous l’avons trouvé également dans des mots comme pumpkin et carriage. Nous avons tout de même trouvé certains traits caractéristiques chez une locutrice qui avait un accent proche de RP. Par exemple, nous avons vu que la réalisation des voyelles réduites ou non-réduites peut apparaître comme le contraire de ce qui arrive en RP. Ainsi l’article « a » 87 C’est à cause de cette personne que nous avons inclut des locutrices dans notre étude. 127 Chapitre 4 Corpus et méthodologie est souvent prononcé de façon pleine, tout comme /æ/ en position pré-tonique dans le mot arrived. Wells avait trouvé ce phénomène (1982). Cependant, nous avons trouvé cette prononciation des articles dans plusieurs variétés, il se peut que cela soit dû au style de parole. La voyelle de happY varie entre /ɪ/ et /i:/ nous avons noté qu’il y a la voyelle courte dans les mots very, hurry, fairy alors qu’elle est longue dans parties. Il est possible qu’elle soit courte après un /r/ et longue dans d’autres environnements. BATH peut être prononcé /a/ ou /ɑ:/ selon les locuteurs. Tout comme la voyelle de STRUT peut varier entre /ʌ/, /ə/ et /ʊ/. On remarque un rythme différent par rapport à celui trouvé en Angleterre. On parle d’un rythme sing-song (Wells, 1982). Les voyelles paraissent plus longues, les consonnes plus fortes ou plus soutenues. Le fait d’avoir une voyelle non-réduite en fin de mot (tel que dans le mot garden) donne l’impression que cette variété est davantage une variété basée sur le rythme syllabique plutôt que sur un rythme accentuel. 4.2.4.8. Belfast Il n’y avait pas beaucoup de différences entre les locuteurs et les locutrices au niveau de l’accent. De façon générale, il n’y avait pas beaucoup de bruit de fond mais le volume des énoncés variait d’un locuteur à un autre. Nous avons fait un premier classement de ces locuteurs de la manière suivante : Locutrices : 1→ B1CC ; 2 → B2AM ; 3 → B3DH Locuteurs : 1 → B1DO ; 2 → B2RG ; 3 → B3GM Selon Wells (1982), les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants pour cette variété sont : BATH ; GOAT ; SQUARE ; NURSE ; en plus du rhotacisme. Ensuite selon nos écoutes, nous avons ajouté le groupe de PRICE. Nous avons utilisé ces éléments autant que possible pour faire l’expérience de compréhension. Cet accent est effectivement rhotique. Dans le groupe lexical PRICE la diphtongue est assez brève /ɛͥ/. palace ressemble à police ; shouting peut ressembler shooting ; smiling → smelling 128 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Hair → /hɚ/, hairpins → /hɚpɪnz/ (la même chose dans hairspray ; hairbrushes ; carefully ; wear). Cette prononciation existait chez dix locuteurs (sur douze). ressemble à: /ʊ:r/ et il semble avoir une convergence entre NURSE et SQUARE. En tous cas, hair et her (forme pleine) seraient des homophones dans cet accent. D’autres réalisations incluent: announce → /ju:nans/; hours → /ɚ:z/. 4.2.4.9. Dublin –Malahide Certains enregistrements étaientt très mauvais et nous avons dû mettre de côté certains locuteurs qui était inutilisables. L’accent de ce groupe variait énormément entre locuteurs mais en général n’était pas très prononcé. Par exemple, moins de la moitié des locuteurs utilisaient /t/ ou /d/, pour remplacer « th ». Alors que nous avons vu que cet élément était caractéristique de l’accent de Dublin (Hickey, 1999). Cependant, Wells (1982) rappelle que cette réalisation n’est présente ni chez la classe moyenne, ni chez ceux qui ont un style de parole assez soigné. En effet, ces locuteurs sont issus de la classe moyenne. De plus, montrer son appartenance à cette région se fait en évitant d’utiliser certains traits considérés peu prestigieux. Nous avons fait une première sélection en gardant ceci à l’esprit : Locutrices : 1→ M1KG ; 2 → M2AB ; 3 → M3EC Locuteurs : 1 → M1MP ; 2 → M2DH ; 3 → M3PM Les groupes lexicaux ou les phénomènes consonantiques les plus marquants par rapport à L’Angleterre du Nord, ou bien par rapport au panjabi sont : BATH ; THOUGHT ; GOAT ; CURE ; FACE (Wells, 1982). Cet accent est rhotique. Le /t/ intervocalique était souvent réalisé [t̬] ou avec [ɾ]. Nous avons trouvé que « th » était remplacé par /d/ dans les mots comme mother, mais également par un battement. Dans le mot parties, le /t/ peut être absent et dans dirty le /t/ est très faible. En RP la triphtongue est normalement utilisée pour un mot tel que hours. Dans ce groupe nous avons l’impression qu’il s’agit plus d’une monophtongue /ɜ˞:/. BATH est réalisé avec la voyelle /a/ alors que Hickey (1999) et (Wells, 1982) disent qu’elle est longue dans cette variété. 129 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Le phonème /w/ dans white est plutôt /ʍait/. La terminaison -ing variait entre /ɪn/ et /ɪŋɡ/ selon les locuteurs. Ce dernier apparaît le plus souvent dans le mot thing. L’utilisation des coups de glotte n’est pas vraiment fréquente mais apparaît dans les mots comme beauty et midnight. FOOT et STRUT ont la même voyelle : (/ʊ/), ce qui correspond à la transcription de Wells (1982). THOUGHT est réalisé /ɒ:/. NURSE ressemble à: /ʊ:r/. Lorsque nous regardons le système vocalique de Hickey (1999) la réalisation de ces traits est associée avec l’accent « local » alors que la prononciation de /θ/ et /ð/ en tant que telle est plutôt liée à l’accent « fashionable ». Nous nous attendions à trouver davantage d’éléments de ce dernier mais cela ne fut pas le cas. Dans le classement fait par Hickey (1999) que nous avons vu dans le premier chapitre, il est difficile de savoir à quelle catégorie ces locuteurs appartiennent (ex : fashionable versus local). À propos de la prononciation de « th », Wells a expliqué que seuls les locuteurs qui ont un parler assez soigné ou sophistiqué, ou qui sont issus de la classe moyenne prononcent « th » /θ/ et /ð/. Dans cette variété, la plupart des locuteurs réalisent « th » de cette façon, ce qui peut correspondre à l’explication de Wells. Cependant, certains locuteurs remplacent « th » avec /t/ ou /d/ (un trait plus représentatif), ce qui pourrait signifier une envie de montrer son appartenance à un groupe différent de la part de certains locuteurs. Nous venons de passer en revue quelques aspects des neuf variétés du corpus d’IViE. Nous aurions pu donner beaucoup plus de détails mais nous pensons avoir souligné les points essentiels qui peuvent nous servir pour la suite de ce travail. L’essentiel était de dégager les groupes lexicaux et phénomènes consonantiques qui caractérisaient ces accents afin de déterminer les éléments à inclure dans les expériences, notamment celle sur la compréhension. Avant de présenter les tests que nous avons conçus nous allons introduire les groupes de participants que nous avons choisis. Il faut rappeler que l’objectif principal de ce travail est d’évaluer le traitement des variétés régionales chez les francophones. Cependant, nous avons également fait appel à d’autres populations afin d’avoir des éléments de comparaison. 130 Chapitre 4 Corpus et méthodologie 4.3. Les participants Nous avons choisi au total quatre populations d’auditeurs. Bien que cette étude soit centrée sur la compréhension et la perception des apprenants francophones, qu’est-ce qu’un résultat sans élément de comparaison ? Le fait d’avoir un groupe témoin est assez fréquent dans les expériences de perception. Par exemple, ce qui est testé sur des non-natifs l’est également sur des natifs ou sur des apprenants de différents niveaux afin d’avoir d’autres résultats pour pouvoir faire des comparaisons. Chaque groupe présente des intérêts différents dans la présente étude. Ils ne sont malheureusement pas de taille identique, toutefois nous pensons avoir assez de participants dans chaque groupe pour pouvoir en tirer des résultats. Voici les détails de chaque groupe et les raisons pour lesquelles ils ont été choisis. 4.3.1. Groupe 1 (G1-FR) Le premier groupe est constitué d’étudiants francophones en deuxième année de licence soit de LLCE (Langues, Littératures et Civilisations Étrangères) soit de LEA (Langues Étrangères Appliquées). Ce groupe constitue le cœur de nos recherches. Il y a, au total, 26 participants. Cependant, certains parmi les participants ont passé toutes les expériences tandis que d’autres n’en ont passé que quelques-unes.88 Nous ne faisons pas de distinction entre les auditeurs et les auditrices. Parmi nos participants, il n’y a qu’une personne qui avait passé plus d’un an dans un pays anglophone. La majorité n’est jamais allée dans un pays anglophone. Ces étudiants n’avaient encore eu ni de cours théorique, ni de contact prolongé avec les variétés régionales de l’anglais. Leur moyenne d’âge est de 20.8 ans et la durée moyenne d’apprentissage est de 9.1 ans. 4.3.2. Groupe 2 (G2-ANG) Ce groupe est constitué de 11 Anglais ainsi qu’une Irlandaise (Eire). Il s’agit du groupe de natifs, supposés être familiarisés avec les accents régionaux britanniques. Au départ, nous voulions seulement les faire participer aux expériences de 1 à 389 afin d’utiliser les résultats lors de la sélection des locuteurs. Devant l’intérêt que présentaient les éventuels résultats, nous leur avons finalement demandé de participer à toutes les expériences. C’est à la fois le 88 89 Cf. annexe 6 pour le tableau concernant tous les participants et ce que chacun a passé comme expérience. Cf. Partie 5 sur ces expériences. 131 Chapitre 4 Corpus et méthodologie groupe témoin, celui par rapport auquel nous pouvons faire des comparaisons, mais c’est aussi celui dont les résultats ont été essentiels pour choisir les locuteurs pour la suite de ce travail. Leur moyenne d’âge est de 31 ans. Pour l’expérience 3, en plus de ce groupe, deux britanniques expérimentés dans le domaine des accents régionaux ont participé. 4.3.3. Groupe 3 (G3-FR) Ce groupe est le plus petit et est constitué de six francophones qui ont un niveau d’étude d’anglais au moins équivalent au Master 2. Il s’agit du groupe de non-natifs expérimentés en langue anglaise. De ce fait, nous les avons seulement fait participer à l’expérience 4, celle sur la compréhension des accents régionaux. Nous avons voulu évaluer l’impact de la difficulté du lexique sur la compréhension. Nous voulions voir à quel point les manques de connaissances lexicales potentielles des participants du G1-FR pesaient sur les résultats. Nous souhaitions savoir si ce groupe avait une meilleure perception de l’anglais et comment il traitait des difficultés tel qu’il en apparaît dans la parole continue. Bien qu’ils aient certaines connaissances théoriques, aucun de ces participants n’avait eu un contact prolongé avec des variétés régionales. Nous pouvons dire du G1-FR qu’il s’agit d’anglicistes encore peu expérimentés et du G3-FR qu’il est composé d’anglicistes expérimentés. 4.3.4. Groupe 4 (G4-AM) Il est constitué de huit Américains. Il s’agit du groupe de sujets natifs non-familiarisés avec les accents régionaux britanniques. Le fait d’inclure ce quatrième groupe devait permettre de juger de l’intelligibilité des variétés régionales en elles-mêmes. Autrement dit, ces participants n’auront pas de difficulté à comprendre le lexique dans l’histoire de Cendrillon puisque ce sont des natifs. Cependant, ils n’ont pas de connaissances approfondies de ces accents régionaux. Dans le cas où ce groupe rencontrerait des problèmes de compréhension nous estimerions que cela serait seulement dû à une difficulté de perception de ces accents. Ils ont seulement participé à l’expérience de compréhension. Nous avons ainsi quatre groupes dont les participants ont tous quelque chose de particulier , ce qui deviendra important lors des analyses ; en résumé : 132 Chapitre 4 Corpus et méthodologie • G1-FR – groupe francophone peu expérimenté et naïf concernant les variétés régionales britanniques. Pour cette population, ces expériences traitent à la fois d’une L2 mais également d’une deuxième variété (V2) dans cette L2. • G2-ANG – groupe britannique natif et non-naïf (L1 et V1).90 • G3-FR – groupe francophones expérimenté et quasi-naïf.91 De la même façon que le G1-FR, les stimuli utilisés dans ces expériences est à la fois une L2 et une V2. • G4-AM – groupe américain natif et quasi-naïfs (L1 et V2). 4.4. Les expériences sur le corpus : le caractère typique des variétés régionales d’IViE La suite de ce chapitre est consacrée aux expériences et à la méthodologie utilisée pour les réaliser. Tout d’abord, nous avons mené plusieurs expériences pour tenter de confirmer notre choix original des six locuteurs sélectionnés par variété (expériences 1 à 3). La première expérience a pour objectif de tester les capacités de natifs et non-natifs à identifier les accents régionaux. À partir des résultats de ces expériences, nous désignerons un seul locuteur, celui qui caractérise le mieux son accent. Cette personne nous servira pour l’expérience de compréhension. Nous avons décidé que chaque variété devait être représentée par un seul locuteur. Le fait d’avoir plusieurs locuteurs aurait pu avoir des conséquences sur les résultats parce que cela introduit d’autres sources de variabilité. (Summerfield et Défait (1973). Nous avons surtout retenu que le fait d’écouter plusieurs locuteurs peut créer des difficultés pour les auditeurs et peut produire un coût de traitement dans la reconnaissance des mots. Au vu de ces résultats nous avons décidé de n’utiliser qu’un seul locuteur par variété régionale (9 au total) pour l’expérience de compréhension. Il fallait donc être sûr d’avoir un locuteur typique pour chaque variété régionale. Voici le déroulement des tests qui vont aider à en choisir un seul. Il s’agit des expériences de 1 à 3. 90 Bien qu’ils ne s’agisse pas toujours de leur propre accent, ce sont des variétés très communes aux Iles britanniques qu’ils peuvent entendre dans leur quotidien et dans les médias. 91 Nous avons choisi d’utiliser le terme quasi-naïfs plutôt que naïfs parce que nous savons que ces personnes n’ont pas de connaissances approfondies de ces variétés régionales, n’ayant pas séjourné dans ces régions. Par contre, nous ne pouvons pas quantifier leurs connaissances de par leur expérience avec la langue anglaise au quotidien. 133 Chapitre 4 Corpus et méthodologie 4.4.1. Expérience 1 : L’identification des accents en fonction de la provenance régionale Nous pouvons émettre certaines réserves sur la valeur représentative des corpus des variétés régionales. Le corpus IViE fut parfois critiqué parce qu’il n’est pas considéré comme un reflet exact des caractéristiques les plus typiques de ces variétés. Nous avons voulu tester la représentativité de ce corpus en le soumettant à des expériences. La première évalue les capacités de G1-FR et de G2-ANG à situer les locuteurs au niveau régional. Autrement dit, à identifier leurs origines géographiques à partir d’un choix imposé. Ce premier test a donc été mis en place pour deux raisons. Premièrement, afin d’évaluer les capacités de ces deux populations à identifier un locuteur par son accent. Deuxièmement pour aider à la sélection d’un locuteur : si les accents sont correctement identifiés cela signifie que le locuteur est représentatif de sa région. L’identification des régions est considérée comme réalisable pour les natifs, surtout pour différencier le Nord du Sud. Par contre, il n’existe que quelques rares études avec des non-natifs (Hanson et Ikeno, 2007). Nous avions pour idée que la tâche serait difficile, mais ce genre de test n’a jamais était proposé à des sujets francophones. Cette expérience (ainsi que toutes les autres) a été mise en place au moyen du logiciel Perceval92 qui permet de construire des tests de perception. Deux groupes ont participé à cette tâche : G1-FR93 et G2-ANG. Les instructions ont été données dans la langue de l’auditeur. Nous avons demandé au participants de dire d’où venait chaque locuteur. Les auditeurs pouvaient répondre dès qu’ils le voulaient, pendant ou à la fin de l’énoncé. Ils avaient le temps du stimulus, plus 7 secondes pour répondre avant que la phrase suivante soit automatiquement lancée. L’expérience a duré 20 minutes et contenait 162 items. Les auditeurs devaient taper au clavier un chiffre de 1 à 5 pour choisir une des propositions suivantes qui sont apparues à l'écran de l’ordinateur : 1. South England (SE) 2. North England (NE) 3. Wales (W) 4. Ireland (IR) 5. « Not UK » (NUK) 92 Cela signifie un Système Piloté par ordinateur pour l'Éxpérimentation sur la Perception Auditive et Visuelle. Voir http://aune.lpl.univ-aix.fr/~lpldev/perceval/. 93 Il s’agit de vingt francophones de ce groupe. 134 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Avant l’expérience, nous avons expliqué ce qui correspondait à chacune des catégories, à l’aide d'une carte94 pour aider les sujets francophones. Ils furent informés que la région Sud incluait tout ce qui se situe au Sud de Birmingham, et au-dessus le Nord. Nous avons vérifié que les francophones associaient bien l’accent RP avec le Sud de l’Angleterre et signalé que la catégorie « Not U.K. » était réservée aux locuteurs considérés comme n’étant pas nés au Royaume-Uni.95 Cette dernière catégorie a été ajoutée pour juger les réactions des Britanniques et des francophones envers des locuteurs aux sonorités non-natives. Est-ce qu'il est possible d’avoir deux accents ? Par exemple, peut-on dire que les locuteurs d’origine Bradford-punjabi viennent du Nord par opposition aux Londonien jamaïcain ? Six phrases ont été choisies de façon plus au moins aléatoire. Il aurait été trop compliqué, voire impossible, de cibler les caractéristiques propres à chaque variété dans chacune des phrases. Il y a tout de même, certains indices phonologiques qui peuvent aider à identifier l’accent. Par exemple, les différences entre le Nord et le Sud de l’Angleterre (ex : l’opposition entre STRUT et FOOT), les variétés rhotiques ou non-rhotiques. Pour cette expérience, nous avons utilisé les six locuteurs par variété choisie au début afin de s’assurer que l’identification était basée plutôt sur les caractéristiques régionales et non pas sur les particularités d'un locuteur spécifique. Chaque phrase est énoncée aussi bien par une locutrice que par un locuteur et ensuite aléatoirement par l’un ou l’autre. Les auditeurs ne savaient pas combien de locuteurs il y avait par régions. De ce fait, il peut avoir beaucoup de variations ou de confusions dans les réponses, surtout pour les accents les moins saillants. Nous avons choisi deux phrases longues (L), deux moyennes (M) et deux courtes (S). Il était, bien sûr, supposé que les phrases longues, contenant normalement plus d’indices phonologiques, seraient plus faciles à identifier. Nous avons inclus les stimuli pour chaque expérience sur le CD-ROM joint. Les phrases sont les suivantes : S2: And she had to do the cleaning! S16: Suddenly the clock chimed midnight! M14: And would you like a blue gown or a green gown? M12: The girl went, and found one... two...three...four mice. L12: Just remember one thing - the magic only lasts until midnight! L18: So he declared: The girl whose foot will fit this slipper shall be my wife. 94 Cf. annexe 7 pour voir la carte du Royaume-Uni. Bien entendu, les locuteurs irlandais devaient être classés dans la région « Irlande », bien que les Irlandais du Sud ne fassent pas partie du Royaume-Uni. 95 135 Chapitre 4 Corpus et méthodologie 4.4.2. Expérience 2 : Identification de l’accent régional en fonction de la ville de provenance des locuteurs La deuxième expérience fut basée sur le même principe que la première mais cette fois il s’agissait d’identifier la ville et non pas la région. Identifier une personne par rapport à une certaine ville est sans doute plus difficile, mais est-ce que cela reflète les capacités des auditeurs ou la qualité du corpus ? Ce test était conçu uniquement pour les natifs (G2-ANG) avec les mêmes objectifs que le précédent, c'est-à-dire : évaluer les capacités des participants à situer géographiquement un accent et trouver un seul locuteur pour chaque variété. Les stimuli étaient énoncés par six locuteurs de chaque accent et étaient composés des trois types de longueurs des phrases (au total, 162). Les choix suivants apparaissaient à l’écran de l’ordinateur dans cet ordre. Les participants devaient taper 1 à 9 pour sélectionner la ville: 1) Belfast, 2) Cambridge, 3) London, 4) Leeds, 6) Newcastle, 7) Bradford, 8) Liverpool, 9) Cardiff 96 5)Dublin, Le choix des phrases utilisées dans cette expérience s’est fait de façon aléatoire, avec les trois types de phrases. S11: Where will I find something to wear? S13: And off Cinders went to the ball. M3: One day, a royal messenger came to announce a ball. M11: Now bring me four white mice, the godmother said. L4: The ball would be held at the Royal Palace, in honour of the Queen's only son, Prince William. L8: The girl poured her heart out: Lily and Rosa have it all! she cried, even though they're awful, and fat, and they're dull! Le but de ces deux expériences était de constituer une première évaluation du corpus, au niveau des accents, ainsi que des capacités des deux groupes (G1-FR et G2-ANG) à identifier 96 Les noms des villes étaient sous forme de liste présentées verticalement. 136 Chapitre 4 Corpus et méthodologie les locuteurs en fonction de leur provenance géographique. La suivante tente également d’évaluer le corpus mais avec une méthode différente. 4.4.3. L’expérience 3 : Test de qualité de l’accent régional (Goodness test) Cette expérience, que l’on a baptisée « Goodness test » vise à trouver les locuteurs les plus conformes à une représentation typique de leurs villes. Autrement dit, il s’agit d’un test qui jugé de la qualité typique de l’anglais régional des locuteurs du corpus. Seuls les natifs (G2ANG) ont participé à cette expérience ainsi que deux spécialistes britanniques.97 Les résultats vont être comparés aux deux expériences d’identification pour certifier que les meilleurs locuteurs (les plus typiques) sont choisis pour la suite des évaluations. Nous avons utilisé presque tous les locuteurs de chaque variété.98 Il y avait 106 stimuli et le test durait 24 minutes. L’expérience se déroulait de la façon suivante : avant d’entendre les locuteurs d’une même localité, les auditeurs voyaient s’afficher sur l’écran de l’ordinateur le nom de la ville d’origine de ceux qu’ils allaient entendre. Par exemple, ils ont d’abord entendu tous les locuteurs de Belfast, puis de Cambridge etc. Pour cette expérience, nous avons spécifié que les locuteurs de Londres et de Bradford étaient à considérer comme ayant l’accent LondonJamaican et Bradford-Punjabi. La question à laquelle il fallait répondre était : « do you think this person is a typical speaker from… » . Les auditeurs devaient donner leur réponse sur une échelle de 1 à 5. 1) Absolutely 2) Very much 3) Somewhat 4) Not very much 5) Not at all. 97 Il s’agit de Daniel Hirst (DH) et Kizzi Edensor (KE) du Laboratoire Parole et Langage, Université de Provence. 98 Certains ont été écartés pour des diverses raisons. Par exemple, à cause des passages incomplets dans les enregistrements originaux. 137 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Les phrases utilisées étaient les mêmes que pour l’expérience sur l’identification des régions. 4.5. L’expérience de compréhension Une fois ces expériences menées, nous avons pu sélectionner un locuteur ou une locutrice par variété. Pour ce faire, nous avons calculé le nombre de réponses correctes pour chaque locuteur lors des deux premières expériences, puis nous l’avons comparé avec ceux qui ont eu les meilleurs résultats dans le troisième test. Lorsqu’il y avait des résultats ambigus, l’avis des deux spécialistes britanniques l’emportait.99 La suite de ce chapitre est entièrement dédiée à évaluer la compréhension et la perception de ces variétés. Cette expérience aspire à mesurer la compréhension des participants des variétés régionales. Cependant, la question est comment la mesurer ? Peu d’expériences ont étudié ces questions en utilisant de la parole continue. Ce style de parole est davantage réservé aux examens scolaires ou aux tests de niveaux du type TOEFL. Deux études récentes (FraserGupta, 2005 et Hanson et Ikeno, 2007) utilisent la transcription orthographique pour évaluer la compréhension des non-natifs et des natifs. Nous en sommes inspirées pour la suite de ce travail. 4.5.1. Expérience 4 : « écrivez ce que vous entendez » L’intitulé de cette expérience laisse sans doute paraître toute la difficulté de sa conception. Fraser-Gupta (2005) et Hanson et Ikeno (2007) parlent de test de « compréhension ». Cependant, est-il possible d’évoquer la notion de compréhension sans parler de la perception des mots ou de la reconnaissance de mots ? Nous avons conçu cette expérience en nous basant sur ces deux études. Nous verrons plus tard s’il est possible de parler réellement de compréhension et si les locuteurs n’essaient pas tout simplement de reconnaître les mots. Les deux problèmes majeurs pour réaliser cette expérience étaient de choisir les phrases et de décider comment donner les instructions aux auditeurs. Pour le choix des phrases, nous avons regardé les mots relevés lors des premières écoutes du corpus et écouté des phrases à nouveau. Nous avons ensuite fait un tableau des phrases les plus intéressantes pour chaque accent, c'est-à-dire, après plusieurs écoutes, celles qui nous paraissaient contenir le plus de 99 Cf. Chapitre 5. 138 Chapitre 4 Corpus et méthodologie traits saillants pour chaque variété. Il s’est trouvé que les plupart de phrases choisies étaient souvent sélectionnées pour plusieurs variétés. Ainsi nous avons rapidement établi une comparaison entre des groupes lexicaux trouvés dans les phrases100 et ceux qui étaient le plus marquants pour chaque variété (Wells, 1982). En prenant en compte ces traits et nos impressions auditives, nous avons réussi à trouver trois phrases (une de chaque longueur) pour chaque variété, soit 27 au total. Certaines phrases choisies pouvaient être mal comprises par rapport à une prononciation standard mais nous n’avons pas choisi les phrases qui pouvaient être expressivement difficiles pour les francophones. La parole continue présente des avantages et des inconvénients pour l’auditeur. En écoutant, il est possible de s’appuyer sur le contexte pour comprendre ou reconnaître des mots, ce qui peut aider l’auditeur. Par contre, la parole continue contient des éléments pouvant être problématiques tels que la segmentation des mots, la réduction et l’assimilation des phonèmes. L’objectif de ce travail n’était pas de mettre des énoncés incompréhensibles mais de voir, par exemple, si le fait de prononcer « th » d’une façon autre que /θ/ ou /ð/ posait un problème de compréhension. Cependant, il est possible que les traits les plus typiques soient également les plus durs à comprendre. La deuxième difficulté était de choisir la façon de donner les instructions. La phonétique auditive est centrée sur la perception des sons et la façon dont ils sont entendus ou interprétés par l’auditeur. Il y a deux opérations qui sont à la fois distinctes et intimement liées. La première est la perception des sons par le système auditif et la transformation de l’information en signaux neuronaux qui sont envoyés au cerveau, la deuxième est le traitement de cette information par le cerveau qui doit décoder le message et le comprendre. Ainsi entendre et comprendre sont deux processus différents et la compréhension de ce que l’on entend a une influence sur le processus même de l’écoute. Il y a une différence entre les instructions : « écrivez ce que vous entendez », et : « écrivez ce que vous comprenez ».101 On a demandé aux sujets d’écrire de façon orthographique ce qu'ils avaient entendu et s’ils rencontraient des problèmes de compréhension, d’écrire ce qu’ils pensaient avoir entendu ou compris. De cette façon, nous espérions contourner le problème. 100 Cette liste de groupes lexicaux est assez approximative et parfois un peu « faite maison » puisque tous les mots ne sont pas dans la liste de Wells. Nous avons donc assigné un mot à un certain groupe en fonction de la prononciation de la voyelle en anglais standard. Par exemple, le prénom Cinders a été affecté au groupe lexical de commA. Cf. annexe 8. 101 Nous avons effectué le test deux fois en donnant des instructions différentes pour voir si il y avait une différence dans le traitement de l’exercice par le sujet. Cela n’était pas le cas. Cependant, il est certain qu’avoir effectué ce genre de test qu’une seule fois est trop peu pour pouvoir en tirer des conclusions. 139 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Dans cette expérience, nous avons contrôlé l’ordre des stimuli. Les auditeurs n’ont jamais entendu le même locuteur ni la même variété de fois à la suite. Nous avons également établi une liste de phrases qui contenait le même lexique afin de veiller à ce que les mots identiques ne soient jamais entendus à la suite dans deux phrases. Ils pouvaient écouter chaque phrase un maximum de quatre fois. Nous avons choisi cette fréquence de quatre puisque les recherches de Kakehi (1992) ont montré qu’il n’y avait aucune amélioration d’adaptation (de reconnaissances de syllabes dans du bruit) lorsque le sujet entendait le stimulus une cinquième fois. L’expérience a été conçue avec le logiciel Lancelot qui fait partie du logiciel de Perceval. Lancelot nous a permis de laisser la liberté à l’auditeur d’aller à son propre rythme, contrairement à Perceval où le délai de réponse est imposé. Les participants qui ont passé cette expérience sont: 21 du G1-FR ; 12 personnes du G2ANG ; 5 du G3-FR et 8 du G4-AM. Voici les phrases par variété que nous avons choisies102 Belfast – B1DO (locuteur). S19 : I don't even know her name, he sighed. M6 : They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray. L22 : But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly! Bradford-Punjabi – P2RH (locuteur). S9 : Then the girl looked at her old rags. M4 : Lily and Rosa thought this was divine. L9 : Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage. Newcastle – N2EP (locutrice). S10 : Oh dear! she sighed. M2 : Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs! L13 : In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown. 102 Voir annexe 9 pour l’ordre des phrases lors de l’expérience. 140 Chapitre 4 Corpus et méthodologie Malahide – M3PM (locuteur). S26 : And her face was dirty! M20 : Prince William and Cinders danced for hours. L3 : They spent all their time buying new clothes and going to parties. Liverpool – S1SB (locuteur). S3 : They dreamed of wedding bells! M22 : When the Royal travellers arrived at Cinders' home, L23 : The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her. Cardiff – W1HW (locutrice). S8 : It was her fairy godmother! M7 : Suddenly, a voice said: 'Why are you crying, my dear? L17 : After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart. Londres-Jamaïcain – J1SF (locutrice). S21 : The glass slipper was his only clue. M16 : A ballgown, a robe and jewels appeared. L21 : Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother. Leeds – L1SU (locuteur) S23 : But the slipper was always too small. M19 : And may I have the honour of this dance? L15 : Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning. Cambridge – C1ER (locutrice). S20 : But he held on to the slipper. M18 : You look wonderful, her fairy godmother said, smiling. L24 : It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me? 141 Chapitre 4 Corpus et méthodologie 4.5.2. La notation de l’expérience 4 Afin d’évaluer le niveau de compréhension puis de donner des résultats pour chaque groupe nous nous sommes inspirées du système utilisé par Fraser Gupter (2006) dans son étude. Cet auteur a employé un système de comptage automatique d’erreurs. Notre test de compréhension comporte 260 mots au total dont le détail par type d’accent et également par type de phrases (longue, moyenne, courte) se trouve ci-dessous. Il fallait savoir combien de mots il y avait pour ensuite calculer le nombre d’erreurs commises. De la même façon que Fraser Gupter (2006), nous avons ensuite calculé la proportions d’erreurs. Tableau : 4.5.2. Le détail des phrases entendu (nombre de mots) lors de l’expérience de compréhension103 Variété Totaux des Phrases courtes Phrases moyennes Phrases longues mots Cambridge 30 7 9 14 Belfast 30 9 9 12 Londres 26 7 8 11 Leeds 30 7 9 14 Malahide 24 5 7 12 Newcastle 32 4 11 17 Bradford 31 8 7 16 Liverpool 25 5 8 12 Cardiff 32 5 10 16 Total 260 58 78 124 Nous avons rencontré des problèmes lorsque nous avons essayé de trouver le meilleur moyen de corriger les transcriptions. Après une première analyse, il s’est avéré très difficile de parler de la compréhension en ce qui concerne les étudiants francophones. D’une façon générale, nous pensons que les apprenants n’ont pas vraiment compris de ce qu’ils ont entendu. C’est pour cette raison que le test a été noté en utilisant un taux d’erreurs. Il y avait parfois 103 Explication de la numérotation des tables. Le premier chiffre correspond au numéro du chapitre (4) et les chiffres suivants à la partie du chapitre (5.2). 142 Chapitre 4 Corpus et méthodologie tellement d'erreurs que cela semblait le meilleur moyen de s’y prendre à cause de la difficulté à quantifier leur compréhension. Nous nous sommes beaucoup inspiré du travail de Fraser Gupta (2005) qui, par exemple, n'a enlevé aucun point pour l'insertion de mots. Les erreurs d'orthographe n'ont pas été pénalisées lorsque nous pensions qu’il s’agissait réellement d’une faute d’orthographe. Les mots composés et les contractions ont été comptés comme deux mots. Ainsi, un point a été marqué pour chaque mot correct. La première chose que nous voulions justement voir était le nombre de mots qui ont été correctement transcrits. Pour ce faire, nous n’avons pas pris en compte les fautes d’orthographe si cela ne changeait pas la prononciation des mots. Les phrases contenaient un certain nombre de mots correctement transcrits mais aussi des blancs et des non-sens. Voici quelques exemples des décisions prises à propos de la notation : le mot would écrit whould est compté comme correct. La faute d’orthographe ne change pas la prononciation du mot et est assez courante chez les apprenants francophones. Par contre, le mot thought qui a été écrit tought est considéré comme une erreur parce que cette transcription change la prononciation du mot. Nous pensons que la faute d’orthographe la plus fréquente serait du genre thougt/thougth. Dans l’expérience, ce mot est prononcé /tɔ:t/ dans l’accent de Bradford. Nous voulions justement savoir si cette prononciation empêchait l’auditeur de faire le cheminement vers le mot thought ou si elle posait un problème de compréhension. Nous avons estimé que la transcription de thought comme tought signifiait que l’auditeur n’avait pas compris et n’avait pas pu compenser la variation. La différence entre ces deux exemples est toutefois fine. Nous ne pouvons pas dire avec exactitude si l’un est davantage une faute d’orthographe ou bien une faute de compréhension. Cependant, nous pensons que le fait qu’il n’y ait pas de différence de prononciation entre whould et would permet de soutenir cet argument. Ce type de « faute » sera considéré comme correct. Un autre exemple du même genre, mais qui est beaucoup plus explicite, est la transcription de Lily and Rose qui était souvent Lily Andrews. Ce qui est plus au moins rapproché de l’énoncé de façon phonétique (selon la variété) mais qui est trop éloigné orthographiquement pour pouvoir être considéré comme correct au niveau de la compréhension. D’autres exemples incluent : founder – found a, phonétiquement juste mais qui démontre un manque de compréhension, nous n’avons pas accepté cloth pour clothes puisque le sens est différent. Pour les noms propres tel que Cinders nous avons accepté 143 Chapitre 4 Corpus et méthodologie comme corrects les suivants : Cindy’s, Cindy, Cindas. Nous savons que les noms propres sont difficiles à percevoir et à comprendre et sont également liés à la culture de l’auditeur. Il est possible que les auditeurs connaissaient le mot Cinderella mais peut être moins Cinders ainsi que sa signification littérale : « cendres ». Les mots de type réduits (it’s) et les mots composés (godmother, everyone) ont été comptés au nombre de deux mots et non pas d’un seul. Maintenant, nous avons établi nos hypothèses ainsi que la méthodologie des expériences. Avant de pouvoir apporter des réponses nous allons commenter les résultats des quatre expériences. 144 Chapitre 5 Les résultats CHAPITRE 5 LES RÉSULTATS 5.1. Introduction Ce chapitre a pour but de commenter les résultats obtenus lors de nos expériences. Nous proposons tout d’abord de dégager les tendances qui ressortent de ces premiers résultats, puis de les expliciter. Nous cherchons enfin à répondre aux hypothèses de travail énoncées dans notre chapitre 6. Ces résultats sont présentés dans des figures sous forme de pourcentages ou de proportions. Les hypothèses seront aussi soumises à validation. 5.2. Expérience 1 : Identification de la provenance géographique Cette première tâche concerne vingt auditeurs non-natifs (G1-FR) et onze natifs (G2-ANG). L’exercice consistait à essayer d’identifier la provenance géographique de chaque locuteur dans le but de juger de la qualité du corpus, ainsi que de constater les capacités de deux populations à identifier les accents régionaux. Les participants ont entendu dans un ordre aléatoire les stimuli.104 Ils devaient choisir entre cinq régions qui englobaient les neuf accents : « SE » : l’Angleterre du Sud (Cambridge et éventuellement Londres-Jamaïcain) « NE » : l’Angleterre du Nord (Leeds, Liverpool, Newcastle et éventuellement Bradford-Panjabi) « IR » : l’Irlande (Malahide, banlieue de Dublin, et Belfast) « W » : le Pays de Galles (Cardiff) « NUK » : not U.K 105 (Londres-Jamaïcain et Bradford-Panjabi). Avant l’expérience, nous avons expliqué, à l’aide d’une carte, ce nous entendions par ces cinq catégories, notamment que l’accent de l’Angleterre du Sud pouvait correspondre à la variété RP, proche de celle enseignée à l’université. Nous avons également vu que la catégorie NUK 104 105 Cf. le chapitre 4 pour tout détail sur les phrases entendues. Désormais « NUK ». 145 Chapitre 5 Les résultats représentait les éventuels locuteurs non-natifs, ceux qui n’étaient pas considérés comme Britanniques.106 Nous avons choisi d’ajouter la catégorie NUK afin d’évaluer la façon dont les variétés Londres-Jamaïcain (J)107 et Bradford-Panjabi (P) sont perçues par les deux populations. Nous pensons qu’il est possible d’entendre à la fois des traits typiquement anglais (du Nord et du Sud) et des traits jamaïcains et panjabi. Nous pensions qu’au moins les natifs entendraient également ces différences et ne les classeraient donc pas comme NUK. Cependant, il est probable que la présence même de cette catégorie influence les auditeurs, surtout le groupe G1-FR, qui risque de s’arrêter seulement aux aspects « étrangers » et de classer les accents J et P comme non-natifs. L’objectif est donc double : (1) évaluer les capacités des deux groupes à catégoriser les variétés et déterminer le degré d’accent non-natif. Les locuteurs qui sont identifiés comme NUK sont donc considérés comme ayant un accent « ethnique » dominant ; (2) utiliser les locuteurs qui ont l’accent le plus prononcé de leur variété dans la suite des expériences afin de déterminer les neuf locuteurs les plus représentatifs de leur région. Les concepteurs du corpus IViE ont pris la décision d’inclure des locuteurs des variétés panjabi et jamaïcaine. Bien que ces accents introduisent un autre facteur (l’ethnicité), il nous semblait important de ne pas les écarter. Au moment de la mise en place des expériences pour ce travail, nous connaissions déjà très bien le corpus et la qualité typique ou pas des variétés et nous avions déjà choisi six locuteurs de chaque accent qui nous semblaient les plus représentatifs. Nous émettons tout de suite des réserves sur la possibilité de bien identifier certains locuteurs, notamment des accents de Cardiff et de Leeds. Nous avons déjà noté que ce sont les deux variétés les moins représentatives du corpus. Nous nous attendions donc à ce que les résultats des expériences d’identification soient assez faibles pour ces deux variétés. Cependant, nous pensions que les natifs seraient davantage capables que les non-natifs de les classer en tant que britanniques. À priori, dans la variété J, les traits londoniens et jamaïcains coexistent de façon assez équilibrée, ce qui pourrait permettre de les identifier plus facilement. Pour ce qui est des locuteurs de Bradford, l’accent panjabi est très prononcé, ce qui risque de pousser même les Britanniques à les classer dans la catégorie NUK. Cependant, il est possible d’entendre par exemple, l’utilisation du phonème /ʊ/ dans les mots du groupe lexical STRUT, ce qui est un 106 Bien évidemment, cela ne concerne pas les Irlandais du Sud. Nous utilisons les abréviations: Belfast (B), Cambridge (C), Londres (J), Leeds (L), Malahide (M), Newcastle (N), Bradford (P), Liverpool (S) et Cardiff (W). 107 146 Chapitre 5 Les résultats des indicateurs principaux pour les natifs d’identifier un locuteur du Nord ou du Sud de l’Angleterre. Nous proposons à présent de présenter les résultats obtenus pour les participants natifs. 5.2.1. Expérience 1 : résultats des natifs britanniques (G2-ANG) Tout d’abord, nous allons commenter les résultats totaux des Britanniques pour ensuite rentrer Proportions davantage dans les détails, notamment en examinant l’effet de la longueur des énoncés. 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 SE NE IR NUK W SE NE IR NUK W Régions Figure 5.2.1.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance régionale : G2-ANG (proportions)108 Ce graphique représente les réponses données par les Britanniques dans une tâche d’identification des locuteurs en fonction de la région. Le taux global moyen des locuteurs correctement classés est de 64%. Dans l’ensemble, les locuteurs de l’Angleterre du Sud sont le mieux identifiés avec 95% (0.95), suivi des Irlandais (0.72), ensuite, les locuteurs de l’Angleterre du Nord (0.69), puis la catégorie NUK (0.50). Les Gallois sont les moins bien identifiés (0.33).109 Il convient maintenant d’examiner ces réponses plus précisément afin de repérer les confusions éventuelles. Nous pourrons ainsi déterminer, si nous prenons l’exemple de 108 Rappel du système de numérotation des figures et des tables. Le premier chiffre correspond au chapitre (5), ce qui suit correspond à la partie du chapitre. Ensuite, nous avons ajouté a, b, c (etc) lorsqu’il y en plusieurs afin de signaler l’ordre de ceux-ci. 109 Cf. annexe 10 pour le tableau de ces résultats. 147 Chapitre 5 Les résultats l’accent gallois, qui est le moins correctement classé, s’il est simplement mal perçu ou s’il est plutôt associé à un autre accent ? Afin de répondre à cette question nous utilisons d’autres graphes-mosaïques et des matrices de confusion. Figure 5.2.1.b. Distribution des réponses des natifs britanniques en fonction des provenances géographiques suggérées (%).110 Ce graphique montre la façon dont chaque variété 111 a été classée en fonction des régions de provenance possibles. Autrement dit, il met en évidence les confusions faites par les participants lors de cette expérience. Il permet ainsi de voir exactement la façon dont les 110 Nous avons utilisé les mêmes couleurs pour les régions que dans le premier graphique : vert pour l’Irlande (IR) ; bleu pour l’Angleterre du Nord (NE); turquoise pour la catégorie des non-natifs (NUK); mauve pour l’Angleterre du Sud (SE); et jaune pour le Pays de Galles (W). 111 Les villes sont notées de la manière suivante: Belfast (B), Cambridge (C), Londres (J), Leeds (L), Malahide (M), Newcastle (N), Bradford (P), Liverpool (S) et Cardiff (W). 148 Chapitre 5 Les résultats locuteurs ont été classés par les auditeurs. L’axe X représente les réponses par régions alors que l’axe Y indique l’origine effective des variétés régionales. Par exemple, l’accent de Belfast a été identifié à la région d’Irlande et la seule vraie confusion commise est avec la région de l’Angleterre du Nord. Cela signifie que les participants ont bien reconnu cette variété mais que certains l’ont également prise pour un accent NE. Ce graphique permet de visualiser très facilement les réponses correctes par rapport aux confusions faites. Au premier regard, il est simple de constater que les accents sont plutôt bien reconnus à l’exception de J et de W. Plus les pourcentages sont élevés, et moins les réponses sont considérées comme aléatoires. Par exemple, il n’y a aucune confusion au sujet de l’accent de Cambridge puisqu’il est majoritairement classé dans la région SE (95%) comme permet de le constater la présence quasi-unique du bloc mauve. De la même façon, nous pouvons également voir que les variétés B, M, L, N et S sont bien identifiées. Toutefois nous pouvons noter quelques confusions. Par exemple, l’accent de Belfast est davantage pris pour un accent NE alors que pour Malahide les réponses incorrectes sont distribuées de façon assez homogène dans toutes les régions. Cependant les auditeurs détectent bien la provenance irlandaise de cet accent, qui est proche de Dublin. La variété Londonienne (ascendance jamaïcaine) a été classée à la fois dans les groupes SE (44%) et NUK (32%), ce qui montre que pour certains auditeurs et certains locuteurs les traits des deux accents coexistent. En revanche, la variété de Bradford (Panjabi), qui était également susceptible d’être considérée comme un accent non-natif, l’a été beaucoup plus (68%). Le pourcentage des réponses classant la variété P comme un accent NE est très réduit (12%), et l’est encore moins pour les autres catégories. Le seul accent du Nord où l’on trouve une confusion assez nette est celui de Leeds qui est aussi classé dans le groupe SE (20%). Nous avons vu que l’accent de Cardiff est le moins bien identifié parmi tous les accents, avec seulement 33% d’identification correcte. Mais, il est également classé comme un accent NE (25%) et SE (23%), ce qui montre que cette variété est difficilement associée avec le Pays de Galles, mais très peu prise pour un accent NUK ou irlandais. Identifier un accent par rapport à une région géographique demeure a priori une tâche assez simple, à condition que l’accent soit suffisamment représentatif de sa région. Nous pensons que ce résultat reflète davantage la qualité moins typique, ou spécifique, de l’accent gallois dans ce corpus qu’un manque de connaissance de la part des auditeurs. Ce résultat confirme donc les premières impressions que nous avions eues sur la qualité peu typique de cet accent. 149 Chapitre 5 Les résultats 5.2.1.1. Résultats des natifs sans la catégorie NUK Puisqu’en réalité tous les locuteurs sont des natifs, que se passe-t-il lorsque nous ne tenons pas compte des réponses NUK ? Les locuteurs londo-jamaicains sont alors être identifiés Proportions comme appartenant au Sud de l’Angleterre et ceux de Bradford-panjabi au Nord. 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 SE NE IR W SE NE IR W Régions Figure 5.2.1.1.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance régionale sans la catégorie NUK: G2-ANG (proportions) Les auditeurs natifs apparaissent alors comme étant moins performants et la proportion de bonnes réponses baisse (0.52). Pour les deux catégories SE et NE, auxquelles appartiennent J et P, la proportion de bonnes réponses diminue (SE – 0.62 et NE – 0.55). Dans cette nouvelle distribution, c’est désormais l’accent irlandais qui a été le mieux identifié (0.72). Ceci montre que les auditeurs britanniques ont en quelque sorte été piégés par la présence de l’option NUK. Bien entendu, sa présence les a sans doute influencés. Ceci nous amène à dire que l’aspect « non-natif » de certains locuteurs est très fort, peut être plus fort que leur accent « anglais ». C’est effectivement ce que nous voulions savoir, car cela nous semblait être le cas pour certains locuteurs. Ce résultat ressort davantage pour l’accent de Bradford. Il est toujours possible que cet état de chose ne reflète que la présence même de la catégorie NUK. Nous avons donc cherché dans une deuxième expérience à obtenir plus d’informations sur le traitement de ces deux variétés (cf. expérience 2). Pour la suite de nos analyses nous avons décidé de traiter la réponse NUK comme correcte. L’intérêt premier de proposer cette catégorie étant d’évaluer le degré d’accent non-natif de ces locuteurs tel qu’il est perçu par les auditeurs. 150 Chapitre 5 Les résultats 5.2.1.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G2-ANG) Dans le deuxième chapitre nous avons vu que la longueur des énoncés peut avoir un impact sur la tâche proposée et que les chercheurs l’utilisaient souvent dans ce type d’expérience. Nous souhaitons savoir à quel point la longueur des phrases peut faciliter son identification. Est-ce que les énoncés plus longs, qui contiennent a priori plus d’information, permettent une identification plus facile que les courtes ? Effectivement, la figure suivante indique que la proportion de phrases correctement associées à leur région de provenance s’améliore au fur et à mesure que la longueur des énoncés s’accroît. En général, les phrases les plus longues tendent à être globalement mieux identifiées (0.72) que les moyennes (0.64) et les courtes (0.57). Cependant, si nous regardons le détail de Proportions chaque région, cette tendance ne s’applique pas toujours systématiquement. 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Long Moyen Court SE NE IR NUK W Régions Figure 5.2.1.2.a. Réponses correctes en fonction de la longueur de phrases (G2-ANG) À l’exception de la région NE (0.65), pour laquelle cet effet de la longueur des phrases ne se manifeste pas, les phrases courtes sont les moins bien identifiées. Pour les régions SE et W, les énoncés de longueur moyenne permettent une meilleure identification alors que pour les autres régions (IR, NE et NUK) ce sont les phrases longues. Parmi les cinq régions, SE a les proportions les plus élevées (au-dessus de 0.92). Le même schéma se retrouve pour Cardiff : phrases moyennes (0.44), longues (0.33) et courtes (0.23). Les réponses des catégories IR et NUK suivent le schéma le plus attendu : le taux 151 Chapitre 5 Les résultats d’identification correct augmente avec les énoncés les plus longs. Ainsi pour l’Irlande, la proportion correctement identifiée des phrases longues est de 0.77, puis 0.70 pour les moyennes et descend jusqu’à 0.58 pour les courtes. Les proportions sont moins élevées pour la catégorie NUK (0.59 pour les longues ; 0.48 pour les moyennes et 0.42 pour les courtes). En ce qui concerne la région NE, les phrases longues sont correctement identifiées en premier (0.77) et les phrases courtes sont quasiment à la même proportion (0.66) que les phrases moyennes (0.65). Notons que les phrases courtes n’ont jamais été mieux identifiées que les autres types de phrases. Il convient maintenant de regarder plus en détail les résultats obtenus pour les différents types de phrases afin de voir si les confusions entre régions, que nous avons déjà constatées, concernent les trois longueurs d’énoncés. Pour ce faire, nous avons d’abord utilisé des matrices de confusion pour lesquelles les résultats sont présentés en fonction de la longueur de la phrase et de la région de provenance.112 Ensuite nous avons établi un seul graphique qui regroupe les trois types de phrases mais cette fois-ci par ville afin de donner une présentation plus visuelle. - Résultats des natifs pour les phrases longues par région (réponses en proportions) Dans l’ensemble, les phrases longues sont bien catégorisées. Pour les régions IR, SE et NE, il y a peu de confusion avec les autres régions. En ce qui concerne Cardiff, l’avis des participants est davantage éparpillé et les locuteurs sont identifiés à la fois comme des Gallois (0.33) et comme des locuteurs SE (0.26) et NE (0.30). Ce résultat laisse penser que la répartition des réponses entre ces trois types de phrase s’est faite dans ce cas de façon aléatoire. Comme nous l’avons déjà souligné, nous pensons que ce résultat traduit la qualité peu représentative, ou spécifique, de cette variété plutôt qu’un manque de connaissance de l’accent gallois de la part des auditeurs natifs. La catégorie NUK est largement identifiée en tant que telle (0.59). Cependant, les locuteurs en question sont aussi désignés comme appartenant au Sud de l’Angleterre (0.19), bien qu’à un taux nettement inférieur. Ce résultat 112 Les matrices de confusion sont consultables dans l’annexe 10. 152 Chapitre 5 Les résultats est surprenant parce que, dans cette catégorie, il y a des locuteurs septentrionaux. Concerne-til tous les locuteurs susceptibles d’être classés NUK, même ceux de Bradford ? Pour le savoir, nous détaillons les résultats ville par ville (cf. expérience 2). - Résultats des natifs pour les phrases moyennes par région (réponses en proportions). Globalement, les phrases moyennes sont bien identifiées. Les réponses pour les régions IR (0.70) et SE (0.98) sont très claires. Pour cette dernière, il n’y a quasiment aucune erreur. Les locuteurs de la catégorie NUK sont à nouveau classés dans les groupes NUK (0.48) et SE (0.24). Ceci montre que ce groupe reste davantage perçu comme des non-natifs. Par contre, par rapport aux phrases longues, ils sont moins catégorisés comme NUK et davantage identifiés comme SE. Nous n’avançons pas d’explication sur cette différence. La région NE est correctement identifiée (0.65) mais il y a une légère confusion avec la région SE (0.18). Au niveau des accents, la différence entre l’Angleterre du Nord et du Sud est, a priori, la plus importante. Bien que le taux d’erreurs ne soit pas très important et pourrait ne rien signifier, il est tout de même étonnant. La plupart des Anglais sont tout de même capables de distinguer un accent du Nord d’un accent du Sud à condition que l’accent soit produire avec suffisamment de clarté. Il est donc fort possible qu’un des accents du Nord soit assez neutre. Plusieurs choses pourraient expliquer ce résultat : les participants ont identifié l’accent de Londres comme appartenant à la catégorie NUK, ce qui réduit le nombre de réponses possibles pour la région SE. Les participants ont pu être influencés devant ce « manque » de réponses pour la SE et ont cherché à combler ce manque, en répondant un peu au hasard. Ou alors tout simplement, les accents du Nord n’étaient pas assez caractéristiques de leur région, ce qui a conduit les auditeurs à répondre au hasard. En ce qui concerne la ville de Cardiff, la proportion de réponses correctes est supérieure à celle des phrases longues (0.44). Les confusions existent avec les régions SE (0.15), NUK (0.12) et avec la région NE (0.23). 153 Chapitre 5 Les résultats - Résultats des natifs pour les phrases courtes par région (réponses en proportions). Lorsque les auditeurs entendent des énoncés courts, le taux de réponses correctes diminue. La région d’Irlande est dans ce cas la moins bien identifiée (0.58) et il existe une confusion avec la région NE (0.20). La longueur des phrases a peu d’impact sur la proportion de réponses correctes pour l’Angleterre du Sud (0.92). Par contre, pour la catégorie NUK, les énoncés courts sont cette fois-ci associés avec trois régions : NUK (0.42), SE (0.29) et NE (0.17). Ceci peut signifier deux choses : soit la tâche devient plus difficile, soit il y a davantage de traits septentrionaux dans l’accent P. Nous verrons cela dans le détail par ville. Pour la région NE, les accents sont assez bien identifiés (0.66). Nous constatons que la confusion augmente pour Cardiff. Pour ce type d’énoncé, les réponses pour l’accent gallois sont réparties dans toutes les catégories sauf celle de NUK. Ce résultat souligne à nouveau la difficulté des participants à identifier cet accent qu’ils classent en premier comme appartenant à l’Angleterre du Sud (0.29). Nous traitons à présent les résultats pour chaque ville afin de mieux comprendre les confusions par région que nous avons mentionnées ci-dessus. Dans ces matrices de confusion, donc, nous donnons la proportion des cinq réponses proposées ainsi que la proportion des non-réponses. En incluant la non-réponse comme choix possible, nous avions donc 6 réponses possibles. Avec une répartition entièrement aléatoire des réponses, nous pouvions attendre une proportion de 0.167 (=1/6) pour chaque réponse possible. Dans les matrices de confusions qui suivent, nous mettons donc en gras les valeurs qui dépassent cette valeur seuil de 0.167 et en gris les valeurs qui restent en dessous de ce seuil. 154 Chapitre 5 Les résultats Origine IR SE NUK NE xxx W Réponses Belfast 0.85 0 0 0.045 0.061 0.045 Malahide 0.89 0.045 0.045 0.015 0 0 Cambridge 0 0.94 0.015 0 0 0.045 Londres 0 0.35 0.33 0.076 0 0.24 Bradford 0.045 0.030 0.85 0.030 0.015 0.030 Leeds 0 0.11 0.015 0.80 0.015 0.061 Newcastle 0.015 0.015 0 0.82 0.061 0.091 Liverpool 0 0.076 0 0.68 0.15 0.091 Cardiff 0.045 0.26 0 0.30 0.33 0.061 Tableau 5.2.1.2.a. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des phrases longues (proportions).113 L’accent de Malahide est légèrement mieux identifié (0.89) que celui de Belfast (0.85). Parmi les villes de la catégorie NE, les locuteurs de Newcastle sont les mieux catégorisés (0.82), suivis de Leeds (0.80) puis de Liverpool (0.68). En ce qui concerne la catégorie NUK, seul les Londoniens sont classés dans deux groupes : NUK (0.33) et SE (0.35). Les locuteurs de Londres semblent avoir posé des difficultés aux auditeurs qui n’ont souvent pas répondu (0.24). Ce résultat est le seul à dépasser le seuil aléatoire de 0.167. Les locuteurs de Bradford sont uniquement catégorisés comme des non-natifs (0.85) : ils ne sont donc pas associés à l’Angleterre du Sud, comme le résultat par région (ci-dessus) aurait pu le laisser croire. Les auditeurs ne semblent avoir aucun doute sur l’origine non-native de ces locuteurs contrairement à ce que nous observons pour les locuteurs Londo-jamaïcains. 113 Les nombres en gras sont ceux qui dépassent un seuil de 0.167 qui correspond à la valeur attendue pour une réponse donnée au hasard (=1/6). 155 Chapitre 5 Les résultats Origine IR SE NUK NE xxx W Réponses Belfast 0.76 0.015 0 0.15 0.030 0.045 Malahide 0.64 0.12 0 0.12 0.045 0.076 Cambridge 0.015 0.98 0 0 0 0 Londres 0 0.44 0.38 0.12 0 0.061 Bradford 0.015 0.045 0.59 0.14 0.12 0.091 Leeds 0 0.29 0 0.68 0.015 0.015 Newcastle 0.091 0.076 0.015 0.65 0.11 0.061 Liverpool 0 0.18 0.061 0.62 0.061 0.076 Cardiff 0 0.15 0.12 0.23 0.44 0.061 Tableau 5.2.1.2.b. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des phrases moyennes (proportions). Lorsque nous analysons les résultats des régions en fonction des phrases de longueurs moyennes, il apparaît que la ville de Malahide a été moins bien identifiée (0.64) que la ville de Belfast (0.76). Pour la catégorie NUK, l’accent de Londres est le seul à être associé à la fois à un accent du Sud (0.44) et au NUK (0.38). La ville de Bradford est uniquement associée à un accent nonbritannique (0.59), mais dans une proportion inférieure à celle des phrases longues. La confusion Nord/Sud pour la région NE ne concerne que les villes de Leeds et de Liverpool. Bien que principalement associées avec le Nord, elles le sont également avec le Sud, respectivement à 0.29 et 0.18. L’accent de Newcastle est correctement identifié (0.65). 156 Chapitre 5 Les résultats Origine IR SE NUK NE W xxx Belfast 0.56 0.076 0 0.26 0.045 0.061 Malahide 0.61 0.14 0.045 0.14 0.015 0.061 Cambridge 0.030 0.92 0 0.015 0 0.030 Londres 0.015 0.54 0.24 0.15 0 0.045 Bradford 0.045 0.045 0.61 0.20 0.061 0.045 Leeds 0.015 0.20 0.030 0.73 0 0.030 Newcastle 0.061 0.12 0.015 0.65 0.11 0.045 Liverpool 0.11 0.15 0 0.61 0.091 0.045 Cardiff 0.20 0.29 0.015 0.23 0.23 0.045 Réponses Tableau 5.2.1.2.c. Matrice de confusion : réponses totales des natifs par accent dans le cas des phrases courtes (en proportions). Le détail de ces résultats montre que la confusion entre l’Irlande et le Nord de l’Angleterre ne concerne finalement que l’accent de Belfast (0.26). À l’intérieur de la catégorie NUK, la variété de Londres est toujours associée à deux « régions » (SE : 0.54 et NUK : 0.24). Toutefois, elle est davantage associée avec le Sud. Pour la première fois, l’accent de Bradford est catégorisé comme une variété du Nord (0.20). Seule la ville de Leeds continue à être associée à l’Angleterre du Sud (0.20). Afin d’avoir un support visuel plus clair et global de l’ensemble des résultats obtenus, nous proposons ci-dessous une représentation sous forme de graphique mosaïque de toutes les phrases. 157 Chapitre 5 Les résultats Figure 5.2.1.2.b. Distribution des réponses des natifs britanniques en fonction des provenances géographiques suggérées et en fonction de la longueur de phrases (%). Dans ce graphique constitué en pourcentage, l’axe Y montre les différents types de phrases pour chaque ville. On voit que l’accent J a été tantôt classé comme NUK tantôt comme SE. Pour cet accent, les phrases courtes sont plus identifiées comme SE que comme NUK, mais certains auditeurs ont associé également cet accent avec l’Angleterre du Nord, alors que pour l’accent P, la confusion est moins prononcée. On voit très nettement qu’il y a une confusion importante en ce qui concerne l’accent gallois, qui est surtout classé dans les catégories SE, NE et W. Nous constatons de façon générale, comme on l’a déjà remarqué plus haut, que la plupart du temps les phrases longues sont les mieux identifiées. Pour les accents de l’Angleterre du Nord, Leeds est le plus souvent confondue avec la région SE. Liverpool et Newcastle sont légèrement pris pour un accent du Sud, mais ils sont 158 Chapitre 5 Les résultats également associés avec Cardiff. Nous avons vu que la confusion entre l’Angleterre du Nord et du Sud n’est pas vraiment normale, ni possible si l’accent est assez fort, ce qui laisse supposer que certains locuteurs n’ont pas un accent très caractéristique du Nord. Comme nous l’avons vu pour les accents irlandais, l’accent de Belfast est davantage pris pour un accent NE alors que celui de Malahide est associé à la fois aux régions NE et SE, et de façon assez homogène. Il apparaît très clairement qu’il n’y a que l’accent de Cambridge pour lequel il n’y a guère de confusion. 5.2.1.3. Résumé des résultats des natifs de l’expérience 1 Les auditeurs natifs ont pu correctement identifier l’origine de 64% des énoncés entendus. Les variétés de Londres et de Bradford sont associées au groupe NUK, en particulier l’accent de Bradford, alors que l’accent de Londres est toujours identifié en premier comme celui de l’Angleterre du Sud. Il est cependant impossible de dire à quel point l’existence même de cette catégorie est la cause de ce résultat. Pour pouvoir répondre à cette question, il aurait fallu faire une deuxième expérience sans cette catégorie, mais rien ne nous indique que son absence aurait donné des réponses plus informatives et correctes. Nous avons donc cherché à voir si nous obtenions plus d’éléments sur ces deux accents dans l’expérience suivante où il est demandé de classer les locuteurs par ville. Cependant, les études sur les bilingues anglaispanjabi ont montré que les locuteurs avaient plus de traits caractéristiques du Panjabi (Heselwood et McChrystal, 1999, 2000 ; Hirson et Sohail, 2007). La longueur des énoncés est un facteur important : plus il y a de syllabes et de mots, plus l’identification de la zone géographique est correcte. Ainsi, les phrases longues sont globalement correctement classées à hauteur de 72%, les moyennes à 64% puis les courtes à 57%. En ce qui concerne les confusions, seule la variété de Cambridge est toujours correctement identifiée, quelle que soit la longueur des énoncés. L’Irlande est classée comme un accent IR et NE avec les phrases courtes, mais en réalité, cela ne concerne que la ville de Belfast. La catégorie de l’Angleterre du Nord est identifiée comme un accent NE et SE, surtout l’accent de Leeds. Le groupe NUK est toujours associé au Sud de l’Angleterre (la variété J) et à des non-natifs, quelle que soit la longueur des énoncés. La région la moins bien perçue est celle du Pays de Galles. Pour les phrases longues, elle est classée dans les régions SE, NE et W ; 159 Chapitre 5 Les résultats NE et W lors des phrases moyennes et dans toutes les catégories sauf NUK pour les phrases courtes. Cela démontre les difficultés d’identification pour cette variété. 5.2.2. Expérience 1 : résultats des francophones peu expérimentés (G1-FR) Cette première tâche d’identification de la provenance régionale des locuteurs est, a priori, plus problématique pour les non-natifs en raison de leur manque de familiarité avec les accents britanniques. Mais ce qui pourrait s’ajouter à cette absence de familiarité est le fait que les francophones ont des difficultés à percevoir certains phonèmes en anglais, tels que la distinction entre /ʊ/ et /ʌ/ ou bien /æ/ et /ɑː/. De tels phonèmes peuvent aider par exemple à distinguer le Nord et le Sud de l’Angleterre, mais pour cela, il faut connaître ce phénomène et aussi pouvoir le détecter. Nous pensons que la seule variété que ce groupe peut identifier est celle dont ils ont le plus habitude, c'est-à-dire, celle qui est le plus proche de l’accent en principe enseigné (RP) dans les écoles et à l’université (SE, Cambridge). Vingt francophones de ce groupe ont participé à cette expérience. La tâche s’est effectivement avérée être difficile. La proportion totale de réponses correctes est seulement de 0.31. C'est-à-dire, moins de la moitié du taux correct des natifs. Cependant, Proportions nous allons voir que ce groupe G1-FR a très bien su identifier deux accents en particulier. 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 SE NE IR NUK W SE NE IR NUK W Régions Figure 5.2.2.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance régionale : G1-FR (proportions) 160 Chapitre 5 Les résultats Deux tendances ressortent de ces premiers résultats : les catégories d’accents les mieux identifiées sont NUK (0.60), et SE (0.44). Le taux d’identification correcte des autres régions est peu élevé : 0.21 pour les accents du Nord ; 0.16 pour l’Irlande et 0.15 pour le Pays de Galles. Les non-natifs sont donc capables de percevoir et d’identifier deux variétés d’anglais sur les cinq présentes. Premièrement, ils ont catégorisé les accents P et J comme des accents non-natifs. Autrement dit, ils perçoivent que ces accents-là sont différents d’un accent « anglais » et ils considèrent qu’ils appartiennent à des locuteurs non natifs. Ensuite, ils ont reconnu la variété qui ressemble le plus à celle qui leur est enseignée, c'est-àdire celle de Cambridge (SE). L’indice donné dans les consignes sur l’existence d’un accent proche de RP les a probablement poussés à chercher cet accent dans les stimuli afin de l’identifier avec le Sud de l’Angleterre (cf. le chapitre 4 pour les consignes). Il apparaît nettement que pour les autres accents ils ne les (re)connaissent pas. Les réponses semblent avoir été données au hasard, sûrement à cause d’un manque de familiarité avec ces accents. Il est possible que les auditeurs non-natifs entendent une certaine différence entre ces accents sans pour autant pouvoir les identifier. En tout cas, la différence de traitement entre les accents NUK et SE et ceux de IR, NE et W apparaît clairement. Regardons maintenant dans le détail ces résultats afin de constater d’éventuelles confusions. Pour ce faire, nous utilisons comme pour les anglophones un graphique mosaïque. 161 Chapitre 5 Les résultats Figure 5.2.2.b. Distribution des réponses des francophones en fonction des provenances géographiques suggérées (%). Ce graphique met en évidence les confusions (ou réponses multiples) pour chaque variété en fonction des régions. Dans un premier temps, nous remarquons que les accents fortement associés avec la catégorie NUK sont : Bradford (66%), Londres (55%). Liverpool (27%) est également légèrement associée à cette même catégorie. Les deux variétés d’Irlande et du Pays de Galles sont davantage classées dans NUK que dans d’autres catégories, bien que dans des proportions moins importantes. Seulement Cambridge, Leeds et Newcastle ne sont pas classées en premier dans la catégorie NUK. Cela veut-il dire que ces trois accents sont les plus « neutres » ou les plus « anglais », donc difficile à confondre avec 162 Chapitre 5 Les résultats des non-natifs ? Nous avons vu que l’accent de Cambridge est majoritairement identifié comme appartenant à l’Angleterre du Sud (44%) mais il l’est également avec le Nord (19%). Les résultats des variétés de Leeds et de Newcastle sont assez partagées entre les régions SE et NE. Cependant, les réponses pour Newcastle sont assez homogènes pour toutes les catégories, ce qui refléterait des réponses données au hasard. Au début de ce chapitre, nous avons émis des doutes sur la qualité de l’accent de Leeds qui nous semble peu typique du Nord et quelque peu neutralisée. Nous pensons que c’est pour cette raison que cette variété est associée au Sud et non associée à la catégorie NUK, comme c’est le cas pour les autres accents. Il semble donc que les non-natifs ne soient pas capables de faire la différence entre un accent de l’Angleterre du Sud et du Nord. Il est possible que lorsqu’ils ont entendu les accents de Leeds et de Cambridge les participants ont trouvé que ceux-ci ressemblaient assez à l’accent qu’ils entendent à la faculté. En ce qui concerne les locuteurs de Newcastle et ceux de Cambridge qui sont classés dans le Nord de l’Angleterre, soit les réponses ont été données au hasard, soit nous pouvons émettre l’hypothèse suivante : il est possible que les participants aient trouvé qu’il y avait suffisamment de traits pour identifier les locuteurs comme des natifs, mais puisqu’ils ne ressemblaient pas assez à l’accent RP, ils les ont donc classés dans la catégorie (qui leur semblait plus plausible) de l’Angleterre du Nord. Tous les autres locuteurs (IR, W, S) avaient peut être trop de traits inconnus ou étaient trop éloignés de l’anglais standard : alors ils ont d’abord été classés dans la catégorie NUK. 5.2.2.1. Résultats des non-natifs sans la catégorie NUK Regardons ce qui se passe maintenant si nous enlevons les réponses NUK. Dans ce graphique nous pouvons constater la différence. 163 Proportions Chapitre 5 Les résultats 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 SE NE IR W SE NE IR W Régions Figure 5.2.2.1.a. Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance régionale sans la catégorie NUK: G1-FR (proportions) Si nous considérons que la réponse NUK est fausse (puisque tous les locuteurs sont britanniques), le taux de réponses correctes chute à 0.19, ce qui est très bas. Dans ce cas, la variété du Sud est la mieux catégorisée (0.26) alors que les autres régions sont toutes à peu près au même niveau. 5.2.2.2. Réponses d’identification correctes en fonction de la longueur de phrases (G1-FR) Nous allons maintenant regarder les résultats en fonction du facteur longueur des phrases. Globalement, les pourcentages de réponses correctes pour les phrases longues s’est élevé à 0.33, et plus spécifiquement à 0.30 pour les énoncés de longueur moyenne et 0.29 pour les courts. La longueur ne semble donc pas être un facteur très important pour l’identification des locuteurs par région car il n’y a guère de différence sensible entre les réponses correctes des trois types de phrases. Toutefois, les proportions suivent un schéma logique. C'est-à-dire qu’il est tout de même légèrement plus facile de correctement catégoriser les phrases longues que les courtes. Nous pouvons constater le détail par variété dans le graphique suivant. 164 Proportions Chapitre 5 Les résultats 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Long Moye n Court SE NE IR NUK W Régions Figure 5.2.2.2.a. Réponses correctes en fonction de la longueur de phrases (G1-FR) Dès lors que nous regardons les résultats par région, nous constatons que les deux catégories les mieux identifiées n’ont pas reçu le même traitement. Pour SE, les phrases courtes sont plus facilement identifiées (0.50) par rapport aux phrases moyennes (0.40) et longues (0.43). Ceci est contraire à la tendance générale que nous avions trouvée pour les proportions totales. Par contre, la catégorie NUK suit bien ce même schéma et les énoncés les plus longs sont les mieux identifiés. Étant donné les taux faibles pour les autres régions, le facteur de la longueur n’a pas vraiment d’impact chez les francophones. Toutefois, dans trois cas sur cinq (IR, NUK et W), les énoncés courts suscitent le taux d’identification le plus faible. À l’aide d’un matrice de confusion, nous allons regarder quelles types de confusions il y a eu pour les différentes longueurs de phrase. - Résultats des francophones pour les phrases longues par région (réponses en proportions) En ce qui concerne les énoncés longs, les variétés qui sont correctement identifiées sont NUK (0.69) et SE (0.43). Les accents de l’Angleterre du Nord sont aussi bien classés comme IR (0.20), NE (0.20) mais surtout SE (0.25). Ce qui suggère que leur traitement est dû au hasard. Les variétés d’Irlande et du Pays de Galles sont catégorisées en premier lieu comme accents non-natifs. Étant donné les taux généralement peu élevés des résultats, nous ne les détaillerons pas par ville comme nous l’avions fait pour les résultats des natifs. De toute façon, la plupart des réponses semblent avoir été données au hasard. Cependant, nous 165 Chapitre 5 Les résultats soulignons que dans la catégorie NUK, Bradford y est davantage associée (0.82) par rapport à Londres (0.57). - Résultats des francophones pour les phrases moyennes par région (réponses en proportions) Les réponses pour IR et NE sont éparpillées dans les cinq catégories de façon assez homogène. Cela laisse encore supposer qu’elles ne peuvent qu’être dues au hasard. SE et NUK sont à nouveau les seules catégories correctement classées, bien que dans des proportions légèrement inférieures que celles des phrases longues, 0.40 et 0.60 respectivement. Comme lors des énoncés longs, le Pays de Galles est davantage identifié à un accent non-natif (0.28). En ce qui concerne le détail par ville, dans le groupe NE, Liverpool est fortement associé à un accent non-natif (0.43). À l’intérieur de la catégorie NUK, les locuteurs de Bradford y sont moins classés (0.54) que lors des phrases longues, alors que ceux de Londres le sont davantage (0.66). Nous pouvons visualiser ces résultats dans un graphique mosaïque un peu plus loin. - Résultats des francophones pour les phrases courtes par région (réponses en proportions) Nous sommes partie du principe qu’il est logique de penser que plus les énoncés sont courts, moins il y a d’indices pour arriver à identifier la zone géographique des locuteurs. C’est ce qui semble être le cas ici et ce, malgré les difficultés que connaissent les non-natifs pour identifier les régions. Ainsi, à l’exception de la catégorie NUK, toutes les autres régions sont d’abord identifiées comme des accents de l’Angleterre du Sud. Parfois, il y a peu de différence entre les proportions. Par exemple, NE est classé en premier dans la catégorie SE (0.29) puis, comme un accent du Nord à la hauteur de 0.24. Les variétés de Londres et de Bradford continuent à être identifiées en tant que NUK. Cette fois-ci, c’est à nouveau Bradford qui est davantage perçu comme un accent non-natif (0.62) par rapport à Londres (0.42). D’autres éléments apparaissent dans le détail des résultats par ville pour les énoncés 166 Chapitre 5 Les résultats courts : dans le groupe NE, Newcastle est à nouveau davantage associé au Nord de l’Angleterre (ce taux n’a cessé d’augmenter) à hauteur de 30% pour les énoncés courts et Leeds continue à être classée comme un accent du Sud. La variété de Liverpool n’est plus identifiée comme un accent non-natif mais plutôt un accent du Sud. Ce résultat renforce l’idée que l’accent est perçu comme quelque peu « neutralisé » dans les phrases courtes par les francophones non-natifs. Afin d’avoir un vue d’ensemble voici le graphique correspondant à nos commentaires cidessus. Figure 5.2.2.2.b. Distribution des réponses en fonction des provenances géographiques suggérées et en fonction de la longueur de phrases (%). Dans ce graphique, il est clair que les deux accents de la catégorie NUK ainsi que l’accent de Cambridge sont globalement les plus correctement identifiés. Pour tous les autres accents, les 167 Chapitre 5 Les résultats blocs sont plus ou moins homogènes pour les cinq catégories. Ce graphique nous permet également de voir que la longueur des phrases a peu d’impact et que les francophones nonnatifs ne mettent pas à profit la durée supplémentaire des énoncés longs pour mieux identifier l’origine des locuteurs. Nous pouvons dire qu’à l’exception des variétés P, J et C, les nonnatifs ne savent pas identifier les accents britanniques, parfois à tel point qu’ils prennent des accents anglais pour des accents non-natifs. 5.2.2.3. Résumé des résultats des francophones pour l’expérience 1 Les non-natifs ont, en général, des difficultés à identifier la zone géographique des locuteurs. Globalement, les non-natifs ont pu identifier correctement 31% de la provenance régionale des locuteurs. Cependant, les seules régions qu’ils arrivent à bien classer sont SE et NUK. Étant donné les instructions concernant l’accent du SE, nous nous attendions à ce qu’ils arrivent plus ou moins à identifier les locuteurs SE mais les résultats de la catégorie NUK sont assez inattendus et prouvent tout de même que les non-natifs sont capables de percevoir certaines différences et variétés d’anglais. En ce qui concerne les autres groupes, ils sont soit incorrectement associés aux catégories NUK ou SE, soit incorrectement associés à plusieurs régions de façon homogène. Ceci permet de dire que les non-natifs n’ont pas de véritable familiarité avec les variétés IR, NE et W. Lorsque nous regardons dans le détail les réponses nous observons que la longueur des énoncés n’a pas eu d’effet sur les résultats globaux. Nous avons seulement noté que plus les énoncés sont courts, plus l’identification est incorrecte mais elle et également erronée dans les phrases moyennes et longues. Au final, les non-natifs arrivent de façon constante à identifier les groupes SE et NUK. Cependant, il leur est arrivé de se tromper plus fréquemment sur la catégorisation de SE (qui est parfois classée comme NE) que sur la catégorie NUK. Nous pouvons donc conclure que les non-natifs sont davantage capables de reconnaître un accent possédant une sonorité non-native. L’homogénéité et les taux bas de certains résultats font poser la question de la vraie valeur des réponses. Lorsque les réponses sont toutes assez homogènes, elles n’ont plus vraiment de valeur significative. Pour les phrases longues et moyennes, les réponses tournent souvent autour de 20% (ou moins), en particulier pour les régions IR, NE et W. Alors que pour les 168 Chapitre 5 Les résultats énoncés courts à l’exception de NUK, toutes les régions sont davantage classées dans la catégorie SE. Est-ce que cela veut-il dire que les réponses sont moins données par hasard (qui est de 16.7%), et que les auditeurs pensent réellement qu’il ne s’agit que de locuteurs du Sud ? Ou alors, au contraire, puisqu’ils ne savent pas les identifier, on pourrait aussi faire l’hypothèse qu’ils répondent SE de façon systématique. L’idée que les non-natifs perçoivent encore moins l’accent dans les phrases courtes pourrait expliquer un tel résultat dans une tâche où ils ont déjà énormément de difficultés. 5.2.3. Conclusion des résultats des auditeurs anglophones natifs et des francophones nonnatifs dans la tâche d’identification de la provenance régionale Il ressort de cette expérience que les non-natifs arrivent beaucoup moins à identifier les variétés que les natifs. Ce résultat est rassurant et logique et s’explique par la familiarité avec ces accents, mais à notre connaissance, c’est la première fois que ce résultat a été mis en évidence de façon empirique. Un résultat qui était moins attendu est l’identification des variétés de Londres et de Bradford qui sont principalement associées aux locuteurs non-natifs par les deux populations. D’ailleurs, les auditeurs francophones non-natifs ont un taux d’identification pour cette catégorie globalement supérieur (0.60) à celui des natifs (0.50). Ce résultat peut être expliqué par le fait que les natifs ont été davantage partagés en ce qui concerne l’accent J, le classant à la fois dans le groupe SE et NUK. Ceci montre bien que les deux accents (jamaïcain et londonien) coexistent dans cette variété, en tout cas de façon beaucoup plus affirmée que chez les locuteurs de Bradford. Parmi tous les accents, celui de Cambridge est le mieux catégorisé par les deux populations, ce qui confirme que cet accent est bien perçu comme typique de l’Angleterre du Sud. L’accent du Pays de Galles s’est révélé le plus difficile à reconnaître. Ceci correspond à notre première perception de la qualité peu typique de cette variété. Nous nous attendons donc à ce que cette non-typicalité se fasse sentir dans les expériences suivantes et que les résultats soient moins parlants pour cette variété que pour les autres. Il nous a fallu prendre en compte cet état de chose lors du choix des locuteurs, afin d’en sélectionner les plus représentatifs. Nous avons également émis quelques doutes sur la qualité de l’accent de Leeds qui a été identifié comme un accent du Sud, même par les natifs. Il est en effet très surprenant de voir des natifs confondre un authentique accent de l’Angleterre du Nord avec un accent du Sud. 169 Chapitre 5 Les résultats Ces résultats nous donnent un premier constat sur le traitement des accents anglais par les non-natifs qui ont pu identifier les locuteurs des régions SE et NUK. Ils permettent également de pouvoir juger la qualité typique de ces variétés, ce qui est essentiel pour pouvoir choisir des locuteurs aussi authentiques que possible pour la suite des expériences. Pour l’instant nous allons continuer dans cette lignée afin de trouver les locuteurs les plus typiques possibles et de juger de la qualité et l’homogénéité de ces accents. 5.3. Expérience 2 : Identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones du corpus IViE par des anglophones (G2-ANG) Les trois premières expériences que nous avons menées avaient deux objectifs principaux : juger la qualité typique (ou non) du corpus IViE et nous aider à choisir les deux locuteurs ou locutrices qui soient les plus facilement identifiables. Il est indubitable que les personnes qui peuvent être correctement identifiées dans une zone géographique peuvent être considérées comme assez typiques de cette ville ou de la région. Étant donné les difficultés qu’ont connues les francophones lors de la tâche précédente,114 les deux tests suivants ont été seulement effectués par des natifs (G2-ANG). Il s’agit d’un exercice qui devrait être relativement facile pour ce groupe et devrait également donner des résultats assez fiables. Cette deuxième expérience d’identification a été construite sur la base des neuf villes représentées dans le corpus IViE. Les Britanniques devaient préciser de quelle ville venaient chaque locuteur. Il y avait au total six locuteurs par ville que les participants ont entendu chacun au moins deux (et au maximum quatre) fois. Les dix auditeurs natifs (neuf Britanniques et une Irlandaise) ont entendu une seule fois 162 stimuli dans un ordre aléatoire et devaient taper un chiffre (1 à 9) correspondant à une ville. Il y avait des énoncés longs (1524 syllabes), moyens (10-14 syllabes) et courts (4-9 syllabes) afin de juger de l’impact informationnel de ce facteur. Les villes apparaissaient à l’écran toujours dans le même ordre et en même temps que les stimuli. 115 Les participants devaient assigner chaque locuteur à une des neuf villes dont l’ordre était le suivant : 114 115 Cf. l’expérience 1 sur l’identification des régions. Cf. Chapitre 4 pour la liste de stimuli. 170 Chapitre 5 Les résultats 1. Belfast (B) 2. Cambridge (C) 3. London (J) 4. Leeds (L) 5. Dublin (M) 6. Newcastle (N) 7. Bradford (P) 8. Liverpool (S) 9. Cardiff (W) Vu la qualité du corpus dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, mais aussi les résultats de la première expérience, il est fort possible que les auditeurs rencontrent des difficultés à classer l’accent de Cardiff et peut être celui de Leeds. Ces deux ont eu un taux d’identification correct assez faible par rapport aux autres variétés. Nous avons déjà évoqué le fait que les locuteurs de Cardiff nous semblent assez peu typiques et que le parler du locuteur de Leeds est mal articulé. Il sera aussi intéressant de voir comment les deux accents qui était plutôt associés à la catégorie NUK (J et P) vont être traités. Cette catégorie (NUK) n’existant plus les auditeurs étaient forcés de choisir une ville précise parmi la liste ci-dessus pour les accents de Bradford et de Londres. Nous nous posions la question de l’impact de la présence même de cette catégorie et son influence sur les réponses des auditeurs. D’après les résultats de cette tâche nous espérions pouvoir ainsi l’évaluer. Deux situations semblaient possibles : soit les auditeurs les identifieraient (J et P) correctement par ville et nous pourrions alors imaginer que lors de la première expérience ils les avaient placés dans le groupe NUK plus par défaut que par véritable « conviction phonétique ». Soit, dans le cas contraire, ces variétés ne seraient pas bien identifiées et nous pourrions en conclure que l’existence de la catégorie NUK n’a pas influencé le choix des auditeurs et qu’ils trouvaient l’aspect non-natif des accents plus prononcé que leur aspect natif. Regardons d’abord les résultats globaux de cette expérience. 171 ff Ca rd i ol er po Li v N ew ca stl e or d Br ad f Le ed s do n Lo n ge br id Ca m Be lfa st 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 M al ah id e Proportions Chapitre 5 Les résultats Régions Proportion correct Figure 5.3.a. Résultats de l’identification de la ville de provenance des locuteurs par des anglophones (G2-ANG) La proportion totale de réponses correcte est de 0.52, ce qui est à comparer avec la valeur aléatoire de 0.11 (=1/9). Étant donné que cette tâche implique un choix précis et donc des connaissances beaucoup plus fines, ce résultat semble satisfaisant. Ce qui montre toute la finesse de cette capacité des auditeurs anglophones ce qui pourrait être expliqué par la place importante des accents régionales. Il est généralement admis que l’identification de la région ou de la ville d’un locuteur est une des premières choses remarquées par les anglophones britanniques. Néanmoins, les taux corrects sont assez variés ; il y a des variétés qui ont été très bien identifiées, d’autres moins. Nous pouvons voir à partir du graphique que l’accent le mieux classé est celui de Londres, à hauteur de 69%. Ce résultat est intéressant puisque lors de l’expérience précédente, cet accent était tantôt placé dans la catégorie SE tantôt dans celle de NUK. Du fait de l’absence de cette dernière catégorie il y avait peut être moins d’ambiguïté pour les participants à propos de cet accent. Ce résultat indique que cette variété est associable à la ville de Londres et ce, malgré ses sonorités « non-natives ».116 Cela suggère 116 Il est important de rappeler que sur l’écran d’ordinateur s’affichait seulement Londres et non pas Jamaicain London comme c’est le cas pour la troisième expérience. 172 Chapitre 5 Les résultats que la présence du choix NUK avait bien influencé les auditeurs. Cependant, nous verrons que ceci ne s’applique pas forcement à l’accent de Bradford. Il y a ensuite un certain nombre d’accents qui sont très bien identifiés. Dans l’ordre : Newcastle (0.60), Cambridge et Liverpool (0.59), puis, Malahide et Belfast (0.58). La variété de Leeds est moins bien reconnue (0.42). Ce résultat rappelle celui de la première expérience qui était également moins élevé que par rapport aux autres variétés (40%). L’accent était associé à la fois au Nord et au Sud de l’Angleterre. Dans ce classement, les deux dernières variétés sont Bradford (0.33) et Cardiff (0.32). Nous avions déjà une idée sur la qualité peu typique de l’accent de Cardiff et ce résultat confirme qu’il est difficile de le situer géographiquement. L’homogénéité de certaines tendances comme celle-là est rassurante pour notre méthodologie. En ce qui concerne la variété de Bradford, au vu des résultats, nous pouvons dire que son aspect « non-natif » est sans doute plus prononcé que son aspect septentrional. Lors de l’expérience, il est important de souligner qu’il n’y avait écrit que le mot « Bradford » dans la liste des villes à choisir, sans explications supplémentaires. Il est possible de penser que si nous avions mis « Bradford-panjabi », l’identification aurait été plus facile. Cependant, il n’a pas été nécessaire de préciser davantage concernant la variété londonienne (London Jamaicain) pour qu’elle soit bien identifiée. Une autre explication possible du résultat moyen de Bradford, mais également de celui de Leeds, tient au fait que ces deux villes sont assez proches sur le plan géographique et phonologique. Il est sans doute difficile pour un auditeur naïf de reconnaître les différences entre ces deux villes. Le seul facteur qui permet de différencier ces deux accents est l’aspect ethnique des locuteurs de Bradford. Les participants ignoraient cet élément au moment où ils ont passé l’expérience et la confusion entre les accents de Leeds et de Bradford est compréhensible. Nous pouvons vérifier les confusions éventuelles à l’aide d’une matrice de confusion. Toutefois, cette tâche apparaît comme délicate dans la mesure où l’accent panjabi ressort davantage que l’accent septentrional. Il convient maintenant d’examiner ces réponses plus finement afin de repérer les confusions éventuelles d’identification. Tout d’abord, observons les proportions totales puis les résultats par type de phrases. 173 Chapitre 5 Les résultats Origine B M C J L P N S W xxx Réponses 0.580 0.290 0.011 0.0055 0.011 0.022 0.028 0.017 0.017 0.011 Malahide (M) 0.170 0.580 0.011 0.033 0.055 0.033 0.022 0.011 0.033 0.044 Cambridge(C) 0.011 0.000 0.590 0.340 0.033 0.000 0.000 0.000 0.033 0.0055 0.028 0.000 0.006 0.690 0.089 0.039 0.044 0.039 0.000 0.067 Bradford (P) 0.011 0.011 0.072 0.160 0.150 0.330 0.067 0.078 0.022 0.140 0.022 0.006 0.011 0.078 0.420 0.200 0.039 0.067 0.067 0.044 Newcastle (N) 0.000 0.033 0.0055 0.039 0.050 0.033 0.600 0.067 0.140 0.028 Liverpool (S) 0.011 0.000 0.028 0.061 0.100 0.061 0.094 0.590 0.022 0.033 0.055 0.028 0.061 0.100 0.200 0.039 0.078 0.067 0.320 0.055 Belfast (B) Londres (J) Leeds (L) Cardiff (W) Tableau 5.3.a. Matrice de confusion pour toutes les réponses d’identification de la ville de provenance (proportions). En gras et en couleur les proportions qui dépassent le seuil d’une réponse aléatoire (0.10 = 1/10). Dans cette matrice de confusion (indiquant les taux d’identification correcte), nous avons constaté que l’accent de Belfast est davantage pris pour l’accent de Malahide que le contraire. Dans l’expérience précédente117 l’accent de Cambridge était bien identifié avec sa région SE. En ce qui concerne celle-ci, il y a davantage de confusions, surtout avec Londres (0.340). L’identification d’une ville spécifique à partir d’un accent est bien entendu un exercice plus difficile. Néanmoins, cette variété reste bien classée (0.590). La variété Londres-jamaïcaine est bien identifiée (0.690) et n’est aucunement prise ni pour l’accent de Cambridge, ni pour un autre accent. Ceci laisse supposer qu’il existe bien des traits l’associant avec la capitale. En ce qui concerne la ville de Leeds, l’accent est correctement perçu en tant que tel à hauteur de 0.420 avec une légère confusion avec la variété de Bradford (0.200). En revanche, l’accent de Bradford est confondu à la fois avec la ville de Leeds (0.150) et Londres (0.160) et en plus demeure moyennement identifié (0.330) De plus, l’absence de réponse est assez importante (0.140). Ceci nous rassure à propos des résultats de la première expérience et la présence de la catégorie NUK puisqu’il s’agit des mêmes participants. Ils ont apparemment toujours des 117 Le taux d’identification était de (95%). Bien qu’il y ait un plus grand nombre de choix dans cette expérience, rendant ainsi toute comparaison délicate, le résultat est presque moitié moindre. 174 Chapitre 5 Les résultats difficultés à trouver l’origine de cet accent. Les variétés de Newcastle et de Liverpool sont bien perçues avec respectivement 0.600 et 0.590. Comme nous l’avons vu, l’accent de Cardiff reste le moins bien identifié (0.320) et est majoritairement associé avec la ville de Leeds (0.200). 5.3.1. Réponses d’identification correctes en fonction de la ville de provenance et de la longueur de phrases (G2-ANG) Nous allons maintenant regarder les résultats des matrices de confusions en fonction de la longueur des phrases afin de voir quel a été l’impact de ce facteur sur l’identification.118 - Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de provenance : le cas des phrases longues (proportions) Avec les phrases longues, la provenance de Belfast est un peu mieux identifiée (0.65) que celle de Malahide (0.53). De plus, la variété de Malahide est souvent identifiée comme étant celle de Belfast (0.27) alors que le contraire arrive un peu moins fréquemment (0.20). L’accent de Cambridge est le mieux classé ici (0.75), cependant, 22% des énoncés sont associés à Londres. Il semble difficile pour les auditeurs de différencier Leeds de Bradford. L’accent de Leeds est correctement identifié à hauteur de 40% et est associé à Bradford dans 17% des cas. Mais le cas contraire n’arrive pas. L’accent de Bradford est correctement classé à hauteur de 35% et est parfois associé à Londres (0.17) et à Leeds (0.12). Cela veut dire que les traits septentrionaux ne sont pratiquement pas audibles ou reconnaissables, puisque les auditeurs en viennent à les confondre avec ceux d’un accent du Sud. Il est possible qu’il ait été classé dans la catégorie de l’accent londonien à cause de son fort versant « ethnique » plus facilement associable avec la capitale, connue pour sa diversité linguistique. Les autres variétés sont bien identifiées, y compris celle de Cardiff (0.57). 118 La matrice de confusion est consultable en annexe 10. 175 Chapitre 5 Les résultats - Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de provenance : le cas des phrases moyennes (proportions) De façon générale les énoncés de longueur moyenne entraînent plus de confusion dans les résultats. La variété de Malahide est mieux identifiée (0.70) que celle de Belfast (0.52). Cette dernière est davantage prise pour l’accent de Malahide (0.38) que l’inverse (0.15). En ce qui concerne l’accent de Cambridge, il est presque autant associé à Londres (0.43) qu’avec Cambridge (0.53). Toutefois, la confusion est limitée à ces deux villes de façon quasi exclusive. Les variétés de Londres et de Liverpool sont très bien identifiées : 0.67 et 0.60 respectivement. L’accent de Leeds est davantage confondu avec celui de Bradford (0.23) que dans le cas des phrases longues (0.17). Le résultat pour l’identification de la variété de Bradford montre que celle-ci est difficile à classer (0.38) mais la confusion avec l’accent de Leeds (0.17) n’est pas pour autant l’unique cause (non-réponses : 0.13 et Londres : 0.15). Concernant l’accent de Newcastle, il continue à être bien identifié (0.68) ; cependant il y a une petite confusion avec Cardiff (0.20). Avec les énoncés de longueur moyenne, la variété de Cardiff est de nouveau peu reconnue (0.13). C’est la première fois que la proportion d’identification est aussi basse. Les auditeurs l’ont fortement associée à la ville de Leeds (0.35). On peut émettre deux hypothèses : soit ces locuteurs ont un accent qui les associe bien au Nord de l’Angleterre, soit les auditeurs ont une autre idée de l’accent gallois. - Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de provenance : le cas des phrases courtes (proportions) Dans cette matrice de confusion pour les énoncés courts, nous pouvons voir que certaines villes de provenance sont mieux identifiées que pour les phrases de longueur moyenne. Il s’agit de Belfast (0.58), Cambridge (0.50), Londres (0.70), et Cardiff (0.25). Cependant, il n’y a qu’une variété (en l’occurrence, Londres), qui a un meilleur résultat qu’avec les énoncés plus longs. L’accent de Belfast est bien identifié (0.58) et moins confondu avec l’accent de Malahide (0.30). Cependant, ce n’est pas le cas de la variété de Malahide qui est nettement moins bien classée que pour les phrases de longueur moyenne (0.52). Toutefois, ce résultat reste assez élevé et l’accent n’est pratiquement plus confondu avec celui de Belfast (0.10). 176 Chapitre 5 Les résultats La confusion entre Londres et Cambridge diminue légèrement (0.38) et nous avons noté que le résultat pour l’accent de Cambridge est en légère hausse (0.50). L’accent de Leeds est assez bien perçu (0.40) mais continue à être quelque peu associé avec la ville de Bradford (0.20). La confusion subsiste pour l’accent de Bradford (0.28 réponses correctes), et il est à nouveau classé à la fois dans la catégorie de Leeds (0.18) et de Londres (0.17). Un tel résultat suggère que les auditeurs ne savent pas l’identifier. Les variétés de Newcastle et de Liverpool continuent à être bien identifiées (0.48) mais le sont moins que pour les phrases moyennes. Cette fois-ci, l’accent de Cardiff est reconnu (0.25) sans atteindre le même niveau d’identification que pour les phrases longues. Le taux reste tout de même assez faible, ce qui traduit de l’incertitude chez les auditeurs. Il continue à être associé avec d’autre accents, celui de Leeds en premier lieu (0.17). 5.3.2. Résumé des résultats de l’expérience 2 Globalement les accents sont assez bien identifiés. Il est assez surprenant de constater que les natifs naïfs arrivent à bien distinguer les variétés de Belfast et de Malahide. En ce qui concerne les accents septentrionaux, la longueur des énoncés a un impact sur les résultats, même sur les variétés qui sont normalement assez distinctes (par exemple, Liverpool et Newcastle) : il est plus difficile de classer correctement les phrases courtes que les longues. Identifier l’accent de Bradford s’est révélé être une tâche compliquée : les résultats indiquent que l’accent comporte peu de traits qui l’associent spécifiquement à la ville de Bradford. Nous avons vu dans un chapitre précédent que la variété que Wells (1982) classe comme le « Middle North » recouvre un zone géographique assez vaste qui comprend Manchester, le Yorkshire et une partie des Midlands. En d’autres termes, même si les auditeurs arrivaient à détecter le fait qu’il s’agissait d’un accent du Nord, il est difficile pour un non-spécialiste de différencier les accents de cette zone. Il est possible que si l’aspect « anglais » de cet accent avait été plus distinct, comme par exemple celui de Liverpool, l’identification aurait pu être plus facile. Bien que les auditeurs soient natifs, ils restent tout de même naïfs. Les différences phonologiques qui existent entre les accents de Leeds et Bradford sont sans doute trop fines pour permettre de les départager. Cependant, nous pensons que la raison se trouve dans le fait que les participants ne savaient pas que la différence se trouvait aussi dans l’aspect ethnique. Ils auraient pu imaginer qu’une partie des locuteurs de Leeds était en réalité des locuteurs de 177 Chapitre 5 Les résultats Bradford ou vice-versa. Cependant, nous n’avons pas à faire à un seul accent de Bradford : il y a dans cette variété des fortes sonorités panjabi. Il est possible que cela ait compliqué davantage la tâche puisque nous pensons que l’auditeur entend tout simplement un accent panjabi avec au mieux quelques éléments de l’Angleterre du Nord. Cependant, il faut émettre quelques réserves sur le fait que les participants ont entendu les éléments septentrionaux de cette variété : les traits panjabis sont forts présents et il aurait pu s’agir de n’importe quelle ville d’Angleterre. C’est pour cette raison que l’accent est difficile à classer. Cela dit, après l’expérience, nous avons appris de certains participants qui venaient du Nord de l’Angleterre que la ville de Bradford est très stéréotypée par sa population panjabi à un tel point qu’elle est surnommée « Bradistan ».119 Donc, l’explication de ce résultat reste ambigu. Il est intéressant de noter que l’autre accent aux sonorités non-natives (Londres Jamaïcain) n’a pas connu les mêmes problèmes d’identification. Deux explications sont possibles : soit les traits londoniens de cette variété sont plus prononcés (alors que l’aspect septentrional se ressent moins dans celle de Bradford panjabi), soit un accent jamaïcain est plus facilement associé à la capitale alors que l’accent panjabi est davantage diffusé dans tous le pays. 5.3.3. Commentaires sur l’expérience 1 (identification de la provenance régionale) et l’expérience 2 (identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones) Le résultat principal qui ressort des 2 premières expériences est que la longueur des énoncés facilitent majoritairement l’identification de la provenance géographique pour les natifs. En principe, si l’accent est suffisamment marqué, ils ne devraient pas être confondus avec d’autres accents, ce qui arrive davantage dans les énoncés courts. Les résultats ont confirmé ce que nous pensions sur les variétés de Leeds et de Cardiff, c'està-dire qu’elles sont peu représentatives de ces endroits. Par contre, nous pensions que l’accent de Cambridge était très typique alors que lors de l’expérience 2, les participants anglophones l’ont souvent confondu avec celui de Londres. Ceci reflète le continuum d’accents qui sont associés avec la capitale. Lors de la première expérience les accents ont été classés dans l’ordre suivant : C, L, B, M, N, (P dans la catégorie NUK seulement, sinon dans le groupe NE cette variété arrive en dernier), S, J, W. 119 Un mot-valise impliquant Bradford et Pakistan. 178 Chapitre 5 Les résultats Cet ordre n’est pas le même dans l’identification des villes : (J & N), (S & C), B & M, L, P, W. Il apparaît donc clairement que l’accent de Cardiff est le moins bien identifié de tous, dans les deux expériences, ce qui correspond à nos prévisions pour cet accent. Lorsque l’accent de Bradford est associé à la catégorie NUK, le taux d’identification est assez élevé (68%). Par contre, il s’est avéré difficile de l’associer à l’une des neuf villes proposées. Cela signifie que l’accent panjabi prime sur l’aspect septentrional. Il ne faut pas négliger le fait que la langue panjabi est la première langue minoritaire en Angleterre. Contrairement à d’autres variétés comme le jamaïcain, il est moins associé à une seule ville. En ce qui concerne l’accent londonien, il est parmi les derniers accents correctement classés dans les résultats de la première expérience puisqu’il est associé à la fois avec la région SE et NUK. Cependant, lorsque la ville de Londres a été proposée dans la deuxième tâche, l’ambiguïté a disparu et son taux d’identification est devenu le plus élevé. Cela montre que cet accent-là est fortement associé à Londres. La variété de Leeds est bien associée à la région du Nord de l’Angleterre mais les participants n’ont pas toujours pu identifier sa provenance exacte dans la deuxième expérience. Comme nous l’avons vu, cet accent fait partie d’une grande zone géographique (Middle North, Wells, 1982). Pour les non-spécialistes il aurait pu être associé à beaucoup d’autres endroits dans le Nord de l’Angleterre, comme la ville de Bradford, par exemple. Le fait que les résultats varient entre les deux expériences est sans doute largement dû au fait que les tâches ne sont pas les mêmes. Il est possible que la présence de la catégorie NUK ait influencé les participants lors de l’identification par région. Alors que dans la deuxième expérience, la difficulté a résidé dans le fait que les villes sont soit géographiquement ou phonologiquement proches. Ainsi nous avons trouvé des confusions entre Cambridge et Londres (jamaïcain), Belfast et Malahide et entre Leeds et Bradford (panjabi). Nous pensons que l’accent de Cardiff est le moins bien identifié non pas à cause d’un manque de finesse phonétique de la part de participants mais à cause de l’accent lui-même qui est peu typique. Il ne ressemble pas suffisamment à l’idée qu’on a d’un accent gallois. En tout cas il n’est pas assez marqué pour être facilement identifiable. Il convient maintenant de constater les jugements sur la qualité typique ou non de ces accents (par G2-ANG) avant de tester leur compréhension par plusieurs types de population. 179 Chapitre 5 Les résultats 5.4. Expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de qualité (G2- ANG) Nous avons appelé cette expérience « test de qualité », ou Goodness test en anglais. Elle vise à évaluer la typicalité des locuteurs de chaque dialecte.120 De ce fait, et par souci d’avoir un test qui ne soit pas trop long, chaque locuteur n’a été entendu qu’une seule fois. Avec ces résultats, nous avons pu avoir une idée à la fois de la typicalité de chaque individu mais aussi de l’homogénéité des locuteurs à l’intérieur d’un même groupe dialectal. Seuls les natifs (G2ANG) ont participé à cette expérience : huit auditeurs britanniques ainsi qu’une irlandaise, en plus de deux spécialistes britanniques (phonéticiens). Les locuteurs ont été regroupés par dialecte et, avant de les entendre, le nom de leur ville de provenance apparaissait à l’écran de l’ordinateur.121 De cette façon, il n’y a eu aucune ambiguïté quant à leur origine géographique122 et les auditeurs ont eu tout le loisir de se concentrer plus spécifiquement sur l’aspect typique ou non des locuteurs. Un des objectifs de cette expérience a été de confirmer (ou d’infirmer) la qualité de notre sélection initiale des locuteurs. Cette sélection devait permettre d’évaluer l’homogénéité des dialectes de ce corpus qui n’a jamais, à notre connaissance été soumise à ce genre de test. Ce corpus, comme d’autres corpus des dialectes britanniques, a parfois été critiqué pour la « mauvaise » représentativité des dialectes. Cette expérience a été conçue pour permettre cette représentativité et garantir en quelque sorte des résultats aussi fiables que possible. Les variétés qui ont été bien identifiées au niveau des régions et des villes vont-elles également jugées typiques ? Nous pensons que lorsque les participants arrivent à identifier l’origine géographique des locuteurs, cela signifie que les locuteurs ont suffisamment de traits caractéristiques de la région ou de la ville en question. Alors que les résultats de la présente expérience (de qualité) risquent d’être davantage basés sur des stéréotypes ou des jugements personnels. Bien entendu, les trois expériences sont toutes basées sur ces facteurs mais dans le test de qualité, les avis sont davantage subjectifs. C’est pour cette raison que les deux moyens d’évaluation (celles d’identifications celle qui jugent de la qualité typique) sont très utiles mais qu’il risque de ne pas y avoir les même résultats dans les trois. Prenons l’exemple de Cambridge et le genre de stéréotypes que l’on peut y associer. Nous pourrions nous attendre 120 Pour les deux premières expériences, nous n’avons utilisé que six locuteurs sur douze afin de pouvoir les entendre plusieurs fois. 121 L’ordre des accents était toujours le même mais, à l’intérieur de chaque groupe, l’ordre de passage des locuteurs était aléatoire. 122 Ainsi, pour les locuteurs des groupes P et J, nous avons précisé le fait qu’il s’agissait de Punjabi Bradford et Jamaican London. 180 Chapitre 5 Les résultats à ce que l’accent soit proche de la variété RP ou celle de Londres, ou d’un accent beaucoup plus « campagnard ». Dans le cas où les participants s’attendent à un accent proche de la RP, ils pourraient bien noter cet accent en fonction de sa typicalité ; s’ils s’attendent à autre chose, ils risquent de dire que l’accent n’est pas typique.123 C’est peut etre ce qui s’est passé lors de l’expérience 2, où l’accent de Londres était souvent confondu avec l’accent de Londres. Lors du chapitre 1, nous avons vu que l’accent de Londres existe sur un continuum, allant du cockney à l’accent RP, en passant par « Estuary English ». Il est donc impossible de savoir ce que les participants considèrent comme typique. Les mêmes connotations et échelles existent pour les autres accents. Par exemple, pour celui de Liverpool, on pourrait s’attendre à la variété la plus stéréotypée de cette ville, c'est-à-dire le Scouse,124 mais dans notre corpus l’accent est moins marqué que le Scouse car les locuteurs viennent de la classe moyenne (et non ouvrière). En fait, tout dépend de l’idée que les auditeurs ont de chaque accent. Nous avons utilisé les mêmes énoncés que lors de la première expérience.125 Cette fois-ci, afin d’éviter que l’exercice ne dure trop longtemps, les participants ont entendu chaque locuteur une seule fois. En revanche, nous avons utilisé tous les locuteurs de chaque variété. La question à laquelle ils devaient répondre était : Is this person a typical speaker from….. ? Puis, le nom de la ville de provenance des locuteurs apparaissait à l’écran. Il fallait faire un choix sur une échelle de 1 à 5. 1. Absolutely 2. Very much 3. Somewhat 4. Not very much 5. Not at all126 Au vu des résultats que nous avons déjà commentés et de nos premières impressions sur la qualité du corpus, il est fort probable que l’accent de Cardiff soit classé comme le moins typique. Nous avons également émis quelques réserves sur la typicalité des locuteurs de 123 Dans les enregistrements de Cambridge, certains locuteurs ont effectivement un accent proche de la RP, d’autres plus près d’un accent londonien. Dans les deux premières expériences, nous avons choisi d’utiliser celui proche de RP puisque cela correspond à la fois à l’accent enseigné en France et à ce que nous voulions comme accent témoin. 124 Il ne faut pas oublier que les locuteurs appartiennent à la classe moyenne et que leur accent ne contient pas toutes les caractéristiques de l’accent scouse qui est souvent associé avec la classe ouvrière. (Well, 1982) 125 Cf. Chapitre 4 pour la liste des phrases. 126 En français nous utilisons les termes suivants : absolument ; très ; quelque peu ; assez peu ; pas de tout. 181 Chapitre 5 Les résultats Leeds. La difficulté que ces participants ont eu à identifier correctement l’accent P pourrait avoir des conséquences sur leur jugement. 5.4.1. Résultats de l’expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de qualité (G2-ANG) Sur l’ensemble du corpus, pris globalement, les auditeurs ont jugé que l’accent était « très » typique à hauteur de 33.7% et « absolument » typique à 21.87%. Ceci montre que malgré des doutes concernant la qualité du corpus, les variétés représentées sont caractéristiques de leur ville. L’indice de qualité est globalement satisfaisant : en tout, l’addition des deux meilleures réponses (55.57%) est supérieure à celle des trois autres réponses : 42.37% (somewhat : 18.87% ; not very much : 18.78% ; not at all : 4.72%).127 Voici le détail par variété : 100 Pourcentage 80 60 40 20 Ca rd iff Br ad fo rd N ew ca stl e Li ve rp oo l Le ed s Lo nd on br id ge Ca m Be lfa st M al ah id e 0 Régions Absolutely Very Much Somewhat Not very Much Not at all Figure 5.4.1.a Évaluation de la qualité du corpus (typicalité des locuteurs) par ville de provenance. Au niveau du détail des réponses, l’accent de Newcastle est incontestablement absolument représentatif de cette ville (« absolument » : 44%). Les locuteurs de la variété J sont « très » typiques (42,7%). Ceux de Bradford-panjabi et de Cardiff sont « assez peu » typiques. Le plupart des locuteurs sont jugés « très » typiques en premier lieu (B, C, J, L, M). Les locuteurs 127 Il y avait 2.06% d’absence de réponse (Cf. annexe 10). 182 Chapitre 5 Les résultats de la variété de Liverpool sont considérés à la fois comme « absolument » typiques et « très » typiques à même hauteur (27.3%). 5.4.2. Homogénéité des variétés régionales Afin de comparer la typicalité des neuf variétés nous avons accordé 5 points par locuteur lorsqu’ils ont été classés absolutely typical et 1 point pour les locuteurs classés not at all. Nous avons ensuite calculé la moyenne de chaque variété. De cette façon la typicalité sur l’ensemble du corpus est devenue plus lisible. Plus le score total s’approche de 5, plus l’accent est typique. 5 Moyenne 4 3 2 1 iff Ca rd l ve rp oo Li e ew ca stl N rd Br ad fo Le ed s n do Lo n ge br id st Be lfa Ca m M al ah i de 0 Variétés Proportion correct Figure 5.4.2.a. Indices moyens de l’homogénéité des variétés régionales observées dans neuf villes britanniques. Les résultats ne varient pas énormément d’un accent à l’autre. La variété de Newcastle est toujours classée comme la plus typique (3.7), suivie de Cambridge et Belfast (3.6). L’accent de Leeds arrive juste après avec 3.5, ce qui est assez étonnant au vu des résultats des 2 premières expériences. Les accents de Bradford-Panjabi (3.03) et du Pays de Galles (3.05) sont considérés comme étant les moins représentatifs, mais dépassent tout de même le seuil de qualité de 3 sur 5. Il existe donc quelques divergences au niveau de l’homogénéité. Sur 183 Chapitre 5 Les résultats l’ensemble du corpus, la réponse moyenne des participants est de 3.41, ce qui place le corpus entre somewhat et very much. Bien qu’une moyenne en dessus de 4 aurait été plus convaincante, elle indique que la qualité du corpus est tout de même satisfaisante. Cependant, ces résultats sont basés sur des stéréotypes. Nous avons vu lors du premier chapitre que certains accents sont assez stigmatisés et moins appréciés que d’autres. Nous devons ensuite regarder quelles différences il peut y avoir entre les trois expériences afin de donner un aperçu valide de la qualité du corpus. 5.4.3. Qualité du corpus : comparaison des résultats de l’expérience 3 à ceux des expériences 1 et 2 Les divergences qui existent entre les trois tâches pourraient bien expliquer les différences obtenues entre les trois expériences. Par exemple, nous avons vu que Leeds était souvent mal identifié alors qu’ici le jugement des participants est plutôt positif concernant la qualité des locuteurs : Leeds est classé d’abord comme « assez » typique (40,9%). En ce qui concerne l’accent de Cambridge, il a été très bien associé à la région de l’Angleterre du Sud (95%). Puis il s’est avéré plus difficile à classer dans l’expérience 2 (59%), mais il a été très bien apprécié lors du troisième test (3.6). En revanche, les résultats de l’accent de Newcastle sont homogènes dans les trois expériences : pour l’identification par rapport à une région, 60% de réponses correctes lors de l’expérience 2 et il a été d’abord classé comme « absolument » typique dans la troisième tâche. Lors de le première expérience nous avons vu que les auditeurs étaient davantage capables d’entendre l’accent « Angleterre du Sud » dans la variété jamaïcaine que l’accent « Angleterre du Nord » dans la variété panjabi. Le fait que J a un meilleur résultat que P au niveau de la typicalité pourrait signifier une attitude plus positive envers celui-ci : cela peut traduire une plus grande volonté de vouloir l’identifier de la part des auditeurs. De manière consciente ou inconsciente, toutes les trois expériences font appel à des stéréotypes et à des attitudes positives ou négatives envers ces accents, bien que cela apparaisse de façon plus évidente dans la troisième en particulier. Les trois expériences ne constituent ni le même exercice ni le même traitement des stimuli, ce qui explique en partie les différences au niveau des résultats. 184 Chapitre 5 Les résultats Qu’en est-il des deux autres ? Les différentes représentations régionales sont stockées en mémoire et afin d’identifier un accent nous le comparons aux traits que nous en avons conservés. Cependant, ce qui constitue tel ou tel accent varie d’une personne à l’autre et les différents stéréotypes ont sans doute un rôle à jouer. Les différences qui existent pour un seul et même accent peuvent être très grandes. Nous avons déjà donné l’exemple de Londres et ces différentes variétés allant du cockney à l’accent RP, en passant par « Estuary English ». Il est donc difficile de savoir ce que les participants considèrent comme « typique ». Il est aussi difficile de savoir laquelle des trois expériences est la plus fiable. Lorsque nous les avons conçues, nous pensions que les résultats de la troisième seraient plus convaincants pour choisir des locuteurs typiques. Nous nous sommes donc appuyée sur ces résultats dans le choix des locuteurs, en particulier sur les résultats des deux spécialistes anglophones. Rétrospectivement, nous aurions peut-être dû accorder autant de valeur aux résultats des trois expériences puisque, comme nous l’avions déjà souligné, lorsqu’on arrive à identifier l’origine régionale d’une personne cela indique que son accent est suffisamment typique. Alors que la troisième est sans doute davantage basée sur des facteurs extra-linguistiques. Ces trois expériences ont montré les capacités de natifs et des non-natifs d’indiquer la provenance géographique des locuteurs anglophones ainsi que la typicalité de ces derniers. Avec ces résultats, nous avons pu choisir un locuteur par variété afin de s’assurer que lors de l’expérience sur la compréhension de ces mêmes variétés nous utilisons le locuteur le plus représentatif. Ce cette façon, nous pensons que les résultats de l’expérience 4 refléteront le traitement des caractéristiques typiques des variétés régionales de l’anglais. 5.4.4. Choix des locuteurs pour l’expérience de compréhension Pour la suite de ce travail nous avions besoin de prendre le locuteur le plus représentatif de chaque variété. Ce choix était donc très important puisque nous allions avoir à tester ensuite la compréhension de ces accents régionaux. Il nous semblait que le fait d’avoir les locuteurs les plus typiques donnerait des résultats reflétant autant que possible la réalité linguistique des variétés. Afin de choisir ces locuteurs, nous avons d’abord établi la liste des locuteurs ayant le meilleur score dans les expériences d’identification. Ensuite, nous en avons fait de même pour la troisième expérience. Étant donné les différences entre les résultats des trois expériences ainsi que les recherches effectuées sur le traitement d’un accent, nous avons pris conscience 185 Chapitre 5 Les résultats que les résultats des 2 premières expériences avaient probablement une valeur scientifiquement plus fiable. En effet, identifier un accent par rapport à une région nécessite un traitement qui fait davantage appel aux références que nous avons stockées dans notre mémoire. Il s’agit d’un travail plus complexe par rapport à un simple jugement sur un accent qui dépend d’autres facteurs en plus des représentations conservées en mémoire. Au vu des résultats, nous avons décidé d’écarter les locuteurs pour qui nous n’avions pas de résultat sur l’identification.128 Il était important d’avoir des locuteurs qui ont pu à la fois être correctement identifiés et qui ont été bien notés dans le troisième test. Un point que nous n’avions hélas pas pris en compte lors de la conception des expériences. Nous n’avons pas pu utiliser tous les locuteurs dans l’expérience 3 pour plusieurs raisons. Nous nous trouvions, par conséquent, avec un nombre déséquilibré de locuteurs par variété.129 Prenons l’exemple précis du locuteur : premièrement cette personne n’avait pas une lecture très fluide, elle est très irrégulière et lente. Il n’aurait pas été utilisable dans les test de compréhension à cause du débit de lecture puisque cela aurait introduit non seulement trop d’écarts par rapport aux autres locuteurs mais également des difficultés supplémentaires de compréhension non-associées avec la variété en soi. De plus, cette personne a certains traits qui ne sont pas typiques de cet accent, notamment sa prononciation de /θ/ et /ð/ énoncé /f/ et /v/ respectivement. Bien que ce trait tend à se répandre de plus en plus en Angleterre (Kerswill, 2001), il n’est pas encore considéré comme faisant partie de la variété de Bradford ni de l’accent panjabi. Parmi les treize locuteurs de ce dialecte, il est le seul à avoir cette prononciation. Ces facteurs ont été suffisants pour ne pas l’inclure dans les expériences. D’autres raisons sont liées à une mauvaise qualité de son ou à des fichiers incomplets dans le corpus. Nous avons donc établi une liste des locuteurs qui ont eu les meilleurs résultats dans les expériences. Parfois il s’agissait d’une locutrice qui avait l’accent le plus typique (par exemple, dans la variété du Pays de Galles) ; nous avons donc, par suite de ce choix, veillé à avoir un nombre équilibré des deux sexes. Lorsqu’il fallait trancher, nous avons suivi l’avis des deux spécialistes qui, nous l’espérons ont eu une écoute plus objective lors de la troisième expérience. 128 Dans les deux premières expériences nous n’avons malheureusement pas pu utiliser tous les locuteurs puisque cela aurait donné des tests beaucoup trop longs. 129 Rappelons que dans le troisième test nous avons utilisé 12/13 des locuteurs pour la variété de Bradford, 13/13 pour Londres-jamaïcain, 11/12 pour Newcastle et 12/12 pour tous les autres accents. 186 Chapitre 5 Les résultats 5.5. Expérience 4 : Mesure de l’intelligibilité des accents : compréhension et reconnaissance des mots produits par les locuteurs anglophones en fonction de leur provenance régionale Cette expérience vise à juger l’intelligibilité des accents et la capacité à les comprendre par différents auditeurs. Nous avons utilisé quatre groupes de participants, à savoir : G1-FR, G2ANG, G3-FR et G4-AM afin de mesurer leur intelligibilité respective. Par exemple, nous pouvons évaluer l’impact du niveau de langue ou de la familiarité avec ces accents sur la compréhension. Lors de l’expérience, les participants ont pu écouter chaque énoncé jusqu’à quatre fois et devaient transcrire ce qu’ils entendaient. Il y avait trois phrases par type d’accent régional, une courte (entre 4 à 9 syllabes), une moyenne (10-14 syllabes) et une longue (15-24 syllabes).130 Selon certains auteurs (Floccia, 2004 ; Hanson et Ikeno, 2007), la longueur de la phrase est un facteur psycholinguistique important et nous voulions précisément savoir si les différents types de phrases peuvent avoir un impact sur la compréhension. Nous nous attendions à ce que les Britanniques aient la meilleure compréhension (puisque les locuteurs étaient britanniques), suivi des Américains, ensuite des francophones expérimentés (niveau d’études minimum d’un Master 2 en anglais), puis des francophones de deuxième année de Licence, spécialisés en anglais. En ce qui concerne le traitement des accents, on a fait l’hypothèse que la variété de Cambridge serait la plus facile à comprendre pour tous les groupes. Il s’agit en effet de l’accent qui est le plus proche de la variété RP et donc, en principe, celui avec lequel les participants devaient être le plus familiarisés. Nous pensions que le locuteur de Leeds serait un des plus difficiles à comprendre, mais plus à cause de la qualité de la parole du locuteur (inarticulation/voix traînante), qu’en raison de la difficulté intrinsèque de l’accent. Il est permis de penser que les accents les plus typiques poseraient davantage de problèmes au niveau de la compréhension. Ce que nous appelons « accents typiques » sont ceux qui ont été correctement identifiés lors des deux premières expériences ainsi que ceux qui ont été jugé « absolument » ou « assez typique » lors de l’expérience 3. Par exemple, lors de la tâche d’identification par ville, les accents J, N, C, S, B et M ont tous été identifiés à plus de 50%. Nous pensions que les natifs auraient très peu de difficulté à comprendre l’ensemble des accents. De façon générale, cela ne devait pas forcément être le cas pour les sujets 130 Cf. Chapitre 4 pour plus de détails ainsi que l’explication de la notation de cette expérience. 187 Chapitre 5 Les résultats francophones qui ont a priori, beaucoup moins d’expérience des accents différents de la RP. Cela risquait donc de concerner les accents forts ou peu familiers, notamment les accents irlandais, ceux de Newcastle et de Liverpool ainsi que ceux qui ont été classés lors la première tâche comme « non-natifs » (J et P). La variété galloise ne devait pas poser de grande difficulté de compréhension puisque, comme nous l’avons déjà remarqué, nous la considérions depuis le départ comme la moins typique des neuf variétés. 5.5.1. Résultats de G2-ANG (natifs britanniques) Nous allons commencer par commenter les résultats des Britanniques pour ensuite traiter ceux des groupes G1-FR, G3-FR et G4-AM. Pour chaque groupe nous parlerons d’abord du taux d’erreurs par accent, puis de l’effet de la longueur des phrases. Ensuite, nous établirons une liste d’erreurs types. Les participants devaient transcrire 27 phrases (trois par variété et une de chaque longueur). Ils pouvaient écouté chaque phrases jusqu’à quatre fois à leur rythme.131 Ce premier graphique montre la proportion d’erreurs de compréhension des Britanniques (G2ANG). Dans ce groupe il y a 12 Anglais et une Irlandaise. Malheureusement, nous n’avons pas pu trouver davantage d’Irlandais pour passer l’ expérience ni aucun Gallois. Bien entendu, il aurait été très informatif d’avoir plusieurs personnes de chaque pays des Iles Britanniques afin de juger l’impact de leur origine régionale sur la compréhension des auditeurs. Il est légitime de penser que les Gallois auraient eu davantage de facilité à comprendre les Gallois, de même pour les Irlandais. Cependant, la raison principale de la présence de ce groupe est de d’évaluer l’intelligibilité de ces accents et d’avoir un élément de comparaison avec les autres groupes. C’est ce que ce groupe nous permettra de faire, quelle que soit sa composition. La figure suivante illustre la proportion d’erreurs commise par les natifs britanniques lors de cette tâche de compréhension des variétés régionales britanniques. 131 Cf. Chapitre 4 pour la liste de phrases utilisé. 188 Chapitre 5 Les résultats 1 Proportions 0,8 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s n nd o Lo Be lfa st Ca m br id ge 0 Villes Proportion Erreurs Figure 5.5.1.a Proportions totales d’erreurs de compréhension pour G2-ANG La proportion totale d’erreurs est seulement de 00.53. Les accents pour lesquels on n’observe que très peu, voire aucune faute, sont: Cambridge (0), Cardiff (0.0052), Liverpool (0.020), Bradford (0.032) et Leeds (00.55). Nous pouvons dire que ceux-ci sont les plus compréhensibles pour G2-ANG : leur degré d’intelligibilité est quasiment total. Les variétés qui ont posé quelques problèmes d’intelligibilité sont : Londres (00.74), Belfast (00.83), Newcastle (00.99) et Malahide (0.12). Nous remarquons la disparité entre ces résultats-ci et ceux des expériences d’identification. Par exemple, bien que la variété de Cardiff ait été difficile à identifier géographiquement, sa compréhension n’en est pas affectée. Il apparaît que les deux tâches sont bien distinctes et que le fait d’échouer dans l’une d’entre elles n’aura pas de conséquence pour l’autre. On pourrait même penser qu’au contraire, si un accent est difficile à identifier, c’est qu’il est peu marqué par rapport à la norme RP et qu’il serait alors logique qu’il ne présente pas de difficulté de compréhension. À souligner également que les deux accents irlandais sont parmi ceux qui sont les moins compris. Cela reflète peut-être le fait que les auditeurs sont presque exclusivement anglais (d’Angleterre) et sont a priori, moins habitués à l’accent irlandais. Cependant, l’accent de Cardiff n’a pas posé de difficulté de compréhension. Nous l’avons souligné à maintes reprises, mais nous ne sommes pas convaincue de la qualité typique de l’accent de Cardiff par rapport aux accents irlandais qui semblent beaucoup plus caractéristiques. 189 Chapitre 5 Les résultats Il est également possible que le lexique, qui n’est évidemment pas identique dans chaque phrase, affecte l’intelligibilité des variétés. Nous avons vu qu’il est plus facile de comprendre les mots fréquents que des mots rares. Nous regarderons le lexique lors des réponses aux hypothèses. 5.5.1.1. Résultats de G2-ANG en fonction de la longueur de phrases Évaluons maintenant l’effet de la longueur des phrases sur la compréhension des auditeurs britanniques. 1 Proportions 0,8 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s n nd o Lo Be lfa st Ca m br id ge 0 Villes Longues Moyennes Courtes Figure 5.5.1.1.a Proportion totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G2-ANG) Nous voulons savoir si la longueur de la phrase a un effet sur la compréhension des natifs et s’il y a un schéma récurrent. Les proportions totales montrent que les phrases moyennes sont les plus difficiles à comprendre (0.078) suivies des phrases courtes (0.053) puis les longues (0.0.37). Il y a seulement trois accents qui suivent le même schéma, c'est-à-dire pour lesquels il y a plus d’erreurs dans les énoncés courts. Cela signifie que la compréhension devient plus difficile au fur et à mesure que les phrases deviennent courtes. Il s’agit des accents de Newcastle, Bradford et Liverpool. En ce qui concerne la variété de Newcastle la différence entre, d’une part, les énoncés longs et moyens et, d’autre part, les énoncés courts, est assez importante comparé aux accents de Bradford et de Liverpool. Cependant, pour tous les trois, les taux 190 Chapitre 5 Les résultats d’erreurs augmentent de L à C (L<M<C). Pour l’accent de Cardiff, il n’y a que dans les phrases longues que des erreurs de compréhension ont été commises. Seules les phrases longues et courtes ont posé problème dans la variété de Leeds. Il ne s’agit que des phrases longues et moyennes en ce qui concerne l’accent de Londres. Au sujet des deux accents irlandais, les schémas ne sont pas les mêmes. Pour la variété de Malahide, il y a plus de fautes dans l’énoncé de longueur moyenne et aucune dans l’énoncé court. Alors que, dans l’accent de Belfast, les phrases longues et courtes ont à peu prés les mêmes taux d’erreurs alors que celui-ci est plus faible dans l’énoncé moyen. 5.5.2. Résultats de G1-FR (francophones peu expérimentés) Dans ce groupe, 21 sujets ont participé à l’expérience. Nous nous attendions, bien entendu, à ce que certaines variétés soient plus difficiles à comprendre que d’autres, notamment celles de Liverpool, Newcastle, Belfast et Malahide puisque nous considérions leurs accents comme assez marqués. Les variétés de Londres et de Bradford ont été largement identifiées par G1FR comme non-britanniques dans l’expérience d’identification. Nous pensions qu’il serait possible que l’aspect non-natif soit difficile à comprendre ou bien qu’il crée des attitudes négatives envers ces accents qui pourraient compliquer leur intelligibilité. Il a déjà été montré que les auditeurs peuvent trouver difficiles à comprendre les voix ou des variétés dont ils n’ont pas un avis favorable. L’accent de Leeds pouvait également causer des problèmes de compréhension par rapport à la qualité de la voix du locuteur. Regardons maintenant la proportion globale d’erreurs des francophones peu expérimentés lors de la compréhension des accents régionaux. 191 Chapitre 5 Les résultats 1 Proportions 0,8 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s n nd o Lo Be lfa st Ca m br id ge 0 Villes Proportion Erreurs Figure 5.5.2.a. Proportions totales des erreurs de compréhension pour G1-FR La proportion globale d’erreurs est de 0.53 (soit 53%) pour les francophones de ce groupe, ce qui est évidemment nettement plus élevé que pour les Britanniques avec 0.053 (soit 5,3%). L’accent qui correspond au plus faible taux d’erreurs dans ce groupe est celui de Cardiff (0.15). L’accent de Cambridge arrive deuxième sur l’échelle de compréhension (0.31). Ce taux d’erreurs est relativement important si l’on considère qu’il s’agit de la variété qui est phonologiquement la plus proche de l’accent RP avec lequel les participants sont a priori, les plus familiers. Nous pouvons conclure que ces deux accents posent le moins de problèmes de compréhension. Il est tout de même assez étonnant de constater que l’accent de Cardiff est moins dur à comprendre que celui de Cambridge à ce niveau. Nous ne pensions pas trouver ce résultat puisque l’intelligibilité de cet accent n’a jamais réellement été mis en cause. Il faut à nouveau souligner que l’accent gallois n’est pas très marqué. Cela dit, nous avons quand même choisi une locutrice qui a toujours été associée au Pays de Galles. On peut penser qu’une explication possible de ce résultat viendrait d’une tendance à surarticuler dans l’accent gallois, ce qui pourrait avoir pour effet de rendre cet accent encore plus compréhensible pour des auditeurs francophones que l’anglais de Cambridge qui ressemble davantage à la RP du point de vue de l’articulation. En bas de l’échelle de la compréhension, Leeds et Newcastle ont eu les taux d’erreurs les plus élevés (0.74) et (0.77) respectivement. Ces deux accents sont les moins intelligibles. 192 Chapitre 5 Les résultats Entre ces deux extrêmes, il y a un groupe d’accents dont Liverpool, Belfast, Bradford, Londres, Malahide avec des taux qui varient entre 0.44 (Liverpool) et 0.64 (Malahide). En ce qui concerne Liverpool, la proportion d’erreurs est de moins de 50% mais demeure élevée (0.44). Cela dit, sur une échelle de 1 à 9, cet variété arrive troisième avec seulement 13% d’erreurs de plus de Cambridge. Ce résultat montre que cette tâche a été globalement difficile pour les francophones de ce groupe, mais malgré cela, l’accent de Liverpool n’est pas beaucoup plus difficile à traiter que celui de Cambridge. Si nous considérons que les accents qui ont eu plus de 50% d’erreurs sont très difficiles à comprendre pour ce groupe de francophones, nous trouvons ceux de Belfast (0.56), Bradford (0.60), Londres (0.63), Malahide (0.64) Newcastle (0.77) et Leeds (0.74). Il y a une légère différence entre l’intelligibilité de Belfast et Malahide (moins de 10% d’erreurs pour Belfast), l’accent de Belfast étant le mieux compris. Au départ, nous nous attendions à trouver Liverpool, Newcastle, Belfast, Malahide, Leeds, Bradford et Londres. Comme prévu, la variété de Leeds a été assez mal comprise. Nous avons trouvé que malgré le fait que l’accent lui même n’était pas très fort, la parole de ce locuteur était assez mal articulée. À la fin du test de compréhension nous avons demandé aux auditeurs non-natifs de souligner les mots qu’ils ne connaissaient pas ou ne comprenaient pas dans l’ensemble du texte de Cendrillon.132 5.5.2.1. Résultats de G1-FR en fonction de la longueur de phrases Nous venons de voir l’effet de la longueur des énoncés pour les natifs britanniques, nous voulons faire de même pour les francophones peu expérimentés. Cette figure illustre les erreurs en fonction de la longueur de phrases. 132 Cf. Annexe 11 pour la liste de mots inconnus de G1-FR. 193 Chapitre 5 Les résultats 1 Proportions 0,8 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s n nd o Lo Be lfa st Ca m br id ge 0 Villes Longues Moyennes Courtes Figure 5.5.2.1.a. Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G1-FR) Globalement, ce sont les phrases de longueur moyenne (0.60) qui ont été les plus difficiles à comprendre pour le groupe G1-FR. Ensuite, la proportion d’erreur est la plus élevée dans les énoncés longs (0.51) et la moins élevée dans les courts (0.48). Le niveau d’erreur a été supérieur dans les phrases moyennes par rapport aux phrases longues et ensuite a baissé dans les énoncés courts mais, sans jamais atteindre le niveau initial d’erreurs qu’il y avait dans les phrases longues. Il y a donc moins d’erreurs dans les phrases longues que dans les courtes. Nous venons de constater au cours de l’examen des proportions globales que le nombre d’erreurs augmentait dans les phrases moyennes par rapport aux longues puis baissait dans les courtes. En ce qui concerne le détail par accent pour les différentes types de phrases, il est possible d’établir trois groupes d’accents en fonction de la durée de l’énoncé : - Belfast, Leeds et Bradford où il y a plus d’erreurs dans les phrases longues. - London, Malahide et Newcastle où il y a plus d’erreurs dans les énoncés moyens. - Liverpool, Cambridge et Cardiff dans lesquels le taux d’erreurs est plus élevé dans les phrases courtes. 194 Chapitre 5 Les résultats Nous ne pouvons pas avancer d’explication à cet état de chose. Par contre, lorsque nous regardons à l’intérieur de chaque groupe, ce n’est que dans le troisième groupe d’accent que tous les accents ont le même schéma en fonction de la longueur des phrases. Dans ce groupe d’accents (Liverpool, Cambridge et Cardiff) le nombre de fautes est assez bas dans les phrases longues et continuent augmente jusqu'à atteindre son maximum dans les énoncés courts. Ce résultat est assez surprenant puisque Floccia a dit que les phrases courtes sont les plus faciles à traiter et comprendre, justement parce qu’il n’y a pas beaucoup de mots. En même temps, le nombre faible ou limité de mots signifie que lorsqu’on ne comprend pas un des mots, il reste peu d’éléments pour retrouver ou deviner le message. Par contre lorsqu’on écoute une phrase longue, nous pouvons compenser une mauvaise perception de quelques mots par le contexte plus important. Il est également intéressant de remarquer que les trois variétés de ce groupe ont été les mieux comprises de toutes. Est-il donc possible que les francophones soient capables de compenser la variation lorsque la durée du message est suffisamment longue ? S’il ne s’agissait que des accents de Cambridge et de Cardiff, nous pourrions dire que l’accent n’est pas trop difficile à comprendre, mais qu’en est-il de l’accent de Liverpool ? Bien que le locuteur ne parle pas le « scouse », son accent est tout de même caractéristique. Y a-t-il des aspects particuliers dans l’accent de Liverpool qui permettent aux francophones de le comprendre plus facilement que d’autres accents ? Le taux global de niveau d’erreurs est tout de même élevé pour cette variété (0.44). Dans ce cas peut-on réellement parler de compréhension ? Mais cela pourrait bien n’être qu’une question de vocabulaire, comme nous le verrons plus loin. 5.5.3. Les résultats des francophones du groupe G3-FR (francophones expérimentés) Afin d’avoir un autre groupe auquel comparer les résultats de G1-FR, nous avons choisi de créer ce groupe de francophones plus expérimentés en anglais. C'est-à-dire qu’ils avaient tous fait au minimum quatre années d’études d’anglais à l’université. Nous voulions juste avoir une idée de la façon dont ces francophones plus expérimentés pouvaient se débrouiller avec ces variétés d’anglais. Ce groupe est largement moins représentatif que G1-FR puisqu’il ne comprend que six personnes. Les résultats que nous allons commenter auraient sans doute pu être différents si ce groupe avait été plus grand. Cependant, il peut tout de même servir d’élément de comparaison. Allaient-ils rencontrer les mêmes problèmes de compréhension ? Nous nous attendions à avoir un meilleur niveau de compréhension que G1-FR mais toutefois 195 Chapitre 5 Les résultats moins aisé que G2-ANG. Nous pensions qu’il serait possible que nous trouvions des résultats similaires à ceux de G1-FR mais probablement avec des proportions d’erreurs de compréhension moins importantes. Cela dit, nous nous demandions si leur expérience de la langue anglaise allait améliorer leur compréhension. Il semblait y avoir deux possibilités : soit les résultats seraient les mêmes, ce qui confirmerait bien qu’il s’agissait de difficultés spécifiques aux francophones ; soit les problèmes seraient différents, ce qui signifierait que l’expérience de la langue pouvait enrichir voire améliorer le traitement de la variation. Dans ce cas, nos résultats pouvaient montrer qu’avec davantage d’expérience, il serait possible d’améliorer le traitement des accents peu familiers. Dans le graphique suivant nous pouvons constaté la proportion d’erreurs de ce groupe, c'est-à-dire la proportion de mots qui n’ont pas été correctement transcrit. 1 Proportions 0,8 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s n nd o Lo Be lfa st Ca m br id ge 0 Villes Proportion Erreurs Figure 5.5.3.a. Proportions totales des erreurs de compréhension pour G3-FR La proportion globale d’erreurs de G3-FR est de 0.39, ce qui est nettement supérieur aux G2ANG mais inférieur au taux global des G1-FR. Ce résultat indique que l’expérience peut donc aider à traiter ou compenser la variabilité dans la parole dans une langue étrangère sans pour autant que leur performance atteigne le même niveau que celui des auditeurs natifs. Le taux d’erreurs est presque nul pour l’accent de Cardiff (0.068). Il n’y a que cette variété galloise qui a suscite moins de 1% d’erreurs. Ensuite, l’accent de Cambridge s’accompagne de 13% d’erreurs de compréhension. Bien que ce résultat ne soit pas très important, il est surprenant dans la mesure où les participants ont un minimum de quatre ans d’expérience avec la variété RP qui est similaire à l’accent de Cambridge. Il se peut que le lexique utilisé soit plus difficile dans cet accent-ci comparé à la variété galloise. Cependant, la différence 196 Chapitre 5 Les résultats entre les deux résultats est assez flagrante. Encore une fois, on pourrait imaginer que l’accent gallois, par son hyper-articulation, est intrinsèquement plus facile à comprendre même que la RP pour des sujets francophones. Ensuite, on observe deux variétés qui ont moins de 40% d’erreurs de compréhension. Il s’agit de Liverpool (0.25) et Belfast (0.38). Deux autres accents ont entre 40 et 44% d’erreurs : Bradford (0.40) et Malahide (0.44). Ceux qui arrivent en dernier ont plus de 50% de fautes, autrement dit plus d’un mot sur deux n’a pas été correctement perçu. Nous trouvons dans cette catégorie les variétés de Londres (0.56), Newcastle (0.63) et Leeds (0.66). Au niveau de la difficulté de la compréhension, il est possible de classer les accents dans trois catégories sur une échelle allant des plus faciles au plus difficiles à comprendre: - Peu de difficulté, compréhension assez facile : Cambridge et Cardiff. - compréhension accompagnée de quelque difficulté : Liverpool et Belfast. - compréhension difficile : Bradford, Malahide, Londres, Newcastle et Leeds. 5.5.3.1. Résultats de G3-FR en fonction de la longueur de phrases Regardons maintenant quel effet la longueur des énoncés a eu sur la compréhension des francophones du groupe G3-FR. 1 Proportions 0,8 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s n nd o Lo Be lfa st Ca m br id ge 0 Villes Longues Moyennes Courtes Figure 5.5.3.1.a. Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G3-FR) 197 Chapitre 5 Les résultats Au niveau des erreurs totales par types de phrases, nous constatons que ce sont les énoncés moyens qui ont à nouveau le plus de fautes (0.51). La proportion d’erreurs est moins élevée dans les phrases longues (0.36) pour atteindre le niveau le plus bas dans les phrases courtes (0.30). Il convient maintenant d’observer plus en détail ces données afin de détecter les schémas semblables. On observe trois types de schéma. Premièrement, il y a deux accents pour lesquels le nombre d’erreurs est le plus élevé dans les phrases longues. Il s’agit de Bradford et de Leeds. Ces deux variétés suivent le même schéma, c'est-à-dire que la quantité de fautes est importante dans les phrases longues, puis baisse dans les moyennes et continue de diminuer dans les courtes. Dans la plupart des accents, le nombre d’erreurs augmente dans les énoncés moyens. Six variétés sont concernées. Dans l’ordre décroissant, il s’agit de Cambridge, Liverpool, Belfast, Malahide, Londres et Newcastle. À l’intérieur de ce groupe, il y a deux types de résultats. Examinons-les. Pour trois des accents, Cambridge, Liverpool et Londres, le nombre de fautes augmente dans les phrases moyennes, puis baisse dans les énoncés courts mais n’atteint jamais une proportion inférieure à celle qu’il y avait dans les phrases longues. Les deux premiers accents cités (C et S) font partie de ceux dans lesquels il y a eu le moins de fautes de compréhension, alors qu’en ce qui concerne l’accent de Londres il s’agit d’un des accents les plus difficiles à comprendre. La proportion de fautes atteint 0.83 dans les énoncés moyens, ce qui traduit une grande incompréhension. Ce type de schéma ne concerne donc pas uniquement les accents qui ont été facilement compris. Pour les trois accents restant dans ce groupe (B, M et N), la quantité de fautes augmente dans les phrases moyennes mais diminue largement dans les courtes. Autrement dit, bien que la compréhension soit difficile dans les énoncés moyens elle baisse encore plus dans les courts et ne devient plus facile que dans les énoncés longs. Il ne reste que la variété de Cardiff, qui rappelons le, a été la mieux comprise de toutes. Le nombre de fautes est le plus élevé dans les énoncés courts (0.17) alors qu’il est extrêmement faible dans les moyens (0.017) et les longs (0.062). Étant donné la quantité globale d’erreurs de cet accent (0.068), ce résultat nous conduit à poser la question sur la difficulté lexicale 198 Chapitre 5 Les résultats potentielle d’une phrase courte. Nous devons examiner cette question afin de voir les types de mots présents dans les phrases entendues. Désormais, nous allons commenter notre dernier groupe d’auditeurs, celui des Américains. 5.5.4. Résultats de G4-AM (anglophones américains) Afin de constater l’effet de la familiarité sur la compréhension des accents britanniques, nous avons voulons inclure des participants américains. De cette façon nous pouvions juger si le fait d’être natif est un facteur important dans le traitement de la variation ou s’il s’agit simplement d’une question de familiarité avec les accents? Les Américains auraient-ils les mêmes résultats que les natifs britanniques ou bien seraient-ils plus proches de G3-FR puisque les deux groupes ont peu l’habitude d’entendre les différents accents britanniques ? Il nous a également semblé important d’ajouter ce groupe afin de pouvoir se faire une meilleure idée de la difficulté réelle des variétés sans l’interférence d’une L2. Avec ce groupe nous n’avions plus à nous poser la question de la difficulté du lexique. Cependant, les auditeurs ont peu l’habitude de ces accents et il risque tout de même d’y avoir quelques problèmes entre les variétés britanniques et l’anglais américain. Nous avons donc fait passer la même expérience sur des auditeurs américains. Nous pensions que ceci nous donnerait un meilleur point de vue sur la difficulté que ressentent des personnes qui connaissent peu ces variétés. Nous pouvons constaté le niveau d’erreurs dans le graphique ci-dessous. 1 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s Lo nd o n 0 Be lfa st Ca m br id ge Proportions 0,8 Villes Proportion Erreurs Figure 5.5.4.a. Proportions totales des erreurs de compréhension pour G4-AM 199 Chapitre 5 Les résultats La proportion globale d’erreurs des auditeurs américains est de 0.11. Ce résultat est nettement plus élevé que la proportion globale de G2-ANG mais largement inférieure à celle des deux groupes de francophones. Il y a un premier groupe de quatre accents pour lesquels les erreurs ne dépassent pas 1%, puis un deuxième groupe avec un taux supérieur. L’accent de Cambridge est celui qui a été le plus facilement compris (0.0042). Ensuite, il y a la variété de Cardiff (0.012), puis Liverpool (0.055) et en dernier Bradford (0.081). Il est possible de dire que ces accents n’ont causé pratiquement aucune baisse de compréhension. Même si ces auditeurs n’ont pas l’habitude d’entendre ces accents, ils n’ont pas vraiment eu de problème ou en tout cas, ils ont pu compenser les difficultés et retrouver tout le sens de la phrase. Les autres accents ont été plus difficiles à traiter bien que la proportion d’erreurs reste assez basse. La variété de Belfast (0.12) se situe entre les deux groupes avec un taux d’erreur plus élevé que les accents précédents mais légèrement inferieurs à ceux du groupe suivant. Les autres variétés ont des taux d’erreurs quasiment identiques. Il s’agit de Malahide (0.17), Leeds et Londres avec 0.18 respectivement, puis Newcastle (0.19). Nous pouvons constater que la compréhension de ces accents ne se fait pas sans heurt mais que la variation n’est pas insurmontable. 5.5.4.1. Résultats de G4-AM en fonction de la longueur de phrases De la même façon que pour les autres groupes, tournons notre attention maintenant vers l’effet de la longueur des énoncés sur la compréhension. 200 Chapitre 5 Les résultats 1 Proportions 0,8 0,6 0,4 0,2 Ca rd iff Br ad fo rd Li ve rp oo l e ew ca stl e N M al ah id Le ed s n nd o Lo Be lfa st Ca m br id ge 0 Villes Longues Moyennes Courtes Figure 5.5.4.1.a. Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G4-AM) Globalement, ce sont les phrases moyennes qui ont été les plus difficiles à comprendre (0.15) suivies de près par les courtes (0.12) puis par les énoncés longs où il y a nettement moins d’erreurs (0.073). Ce schéma pour les taux globaux d’erreurs est différent de celui que nous avons vu jusqu’ici. Lorsque nous regardons en détails les résultats par type de phrases il est possible de classer les accents dans trois catégories : ceux où la proportion d’erreur est plus élevée dans les phrases longues, ceux dans lesquelles il y a plus de fautes dans les moyennes puis dans les courtes. En ce qui concerne le premier groupe, nous y trouvons les accents de Belfast et Leeds. Tous les deux suivent le même schéma, c'est-à-dire que le nombre d’erreurs baisse dans les phrases moyennes puis augmente à nouveau dans les courtes. Cependant, ce taux n’atteint pas le nombre de fautes initiales qu’il y avait dans les phrases longues. Ensuite, le groupe d’accents où il y a eu davantage de fautes dans les énoncés moyens inclut : Liverpool, Bradford, Malahide et Londres. Il n’existe pas un seul et même schéma pour les quatre. En ce qui concerne l’accent de Malahide des erreurs n’ont été faites que dans la phrases de longueur moyenne avec un taux très élevé (0.57). Autrement dit, les phrases courtes et longues n’ont posé aucune difficulté de compréhension pour ce groupe de natifs américains. Il est assez surprenant de voir dans le dernier groupe que les deux accents les mieux compris s’y trouvent (C et W) mais également la variété la moins bien comprise, c’est-à-dire celle de 201 Chapitre 5 Les résultats Newcastle. Dans les deux premiers, le taux d’erreurs est très bas et ne dépasse pas 1%, même dans les phrases courtes. Alors que dans l’accent de Newcastle la proportion d’erreur est de 0.72, ce qui est très élevé. En dernier, ce sont les énoncés longs qui comportent le plus d’erreurs. Il s’agit de Cambridge, le Pays de Galles et Newcastle. Les deux premières variétés sont celles qui ont été les mieux comprises et le taux d’erreur est très faible (moins de 1%). En ce qui concerne l’accent de Cambridge, c’est seulement dans les phrases courtes qu’il y a eu des erreurs, il n’y en a aucun dans les autres longueurs. Pour le Pays de Galles, il n’y a aucune erreur dans l’énoncé moyen puis très peu dans l’énoncé long (0.0078) et la proportion demeure très basse dans la phrase courte (0.042). Contrairement à ces deux accents, le taux d’erreur est vraiment haut dans l’énoncé court dans la variété de Newcastle (0.72) alors qu’il est moins important dans le moyen (0.24) et très bas dans le long. Au vu de l’importance de la proportion d’erreur dans la phrase courte, nous devons regarder le vocabulaire afin de voir si le lexique est particulièrement difficile ou s’il s’agit réellement de la difficulté intrinsèque de l’accent. Il n’existe donc pas de schéma dans ce groupe. Nous pouvons juste noter que les deux variétés les mieux comprises ont toutes les deux plus de fautes dans les phrases courtes. 5.5.5. Conclusion Cet exercice n’a pas été difficile pour les natifs britanniques avec un taux d’erreurs très bas (00.53). L’impact de la longueur des énoncés a été plutôt positif pour les phrases longues qui ont permis un taux de compréhension plus important (seulement 0.037 d’erreurs) ; Ensuite ce sont les phrases courtes qui ont eu le moins d’erreurs (0.053) ; quant aux phrases moyennes, bien qu’elle montre le taux d’ erreurs le plus élevé, il est cependant très bas (0.078). Pour le deuxième groupe de natifs (G4-AM), nous remarquons que leur compréhension n’a pas vraiment été gênée (0.11). Toutefois, cela montre l’importance de la familiarité sur la perception des accents régionaux britanniques. L’effet de la longueur des phrases suit le même schéma que pour le groupe G2-ANG (L : 0.073, C : 0.12 et M : 0.15), ce qui laisse penser que les natifs anglophones peuvent bénéficier d’un contexte plus long et des indices supplémentaires. En ce qui concerne les non-natifs, le groupe cible est celui qui a commis le plus d’erreurs, avec un taux global très important (0.53) ce qui signifie qu’en moyenne, les non-natifs n’ont 202 Chapitre 5 Les résultats correctement perçu qu’un mot sur deux. Ce résultat indique que leur niveau de langue et leur manque de familiarité des accents régionaux, gênent leur compréhension. Quant aux francophones plus expérimentés, leur compréhension s’est fait un peu plus facilement que pour le groupe G1-FR mais le taux d’erreur demeure tout de même élevé (0.39) ; on est en effet très loin des résultats des natifs, même ceux obtenus pour les natifs américains qui, eux non plus, ne sont pas habitués aux accents britanniques. L’impact de la longueur des énoncés suit le même schéma pour les deux groupes de nonnatifs mais avec des taux d’erreurs différents. Les phrases courtes ont été les plus faciles à comprendre suivies des longues, puis des moyennes. Les résultats de cette expérience révèlent plusieurs effets importants. Premièrement, le fait que l’effet de la longueur des énoncés est le même pour le groupe de francophones et pour le groupe d’anglophones indique qu’ils utilisent chacun un système de traitement semblable. Deuxièmement, les connaissances qu’ont les auditeurs priment sur la familiarité des accents puisque trois groupes sur quatre n’avaient pas l’habitude d’entendre ces accents. L’ordre des taux d’erreurs varie en fonction de leurs connaissances de la langue avec les natifs en premier, puis les francophones expérimentés et en dernier les moins expérimentés. Un autre phénomène important à noter est que les natifs ont mieux compris l’accent de Cambridge (proche RP) alors que les francophones, qui sont censés être le plus familiarisés avec cet accent-là, ont eux mieux perçu l’accent de Cardiff. Ce résultat pourrait être expliqué par le fait que l’accent de Cardiff aurait davantage un rythme syllabique (Coadou, 2007) que les autres variétés de l’anglais qui, elles, ont un rythme accentuel. Étant donné que le français est une langue à rythme syllabique, il a peut-être été plus facile pour les francophones de traiter l’accent de Cardiff. Les résultats des quatre expériences de cette étude à présent décrits, nous nous proposons dans la suite de ce travail de rappeler les hypothèses que nous avions formulées dans le chapitre 3 et d’y répondre 203 Chapitre 6 Discussion CHAPITRE 6 DISCUSSION 6.1. Introduction Lors du chapitre précédent nous avons commenté les expériences que nous avons menées ainsi que les résultats. Nous avons essayé de dégager les tendances de chacune d’elles et de mettre en évidence les divers types de résultats existant entre les populations différentes ; un résumé de chaque étape de ce travail figure en fin de compte rendu de chaque expérience. Cette partie sera consacrée à l’analyse de ces résultats afin de tenter de répondre aux hypothèses que nous avons émises dans le troisième chapitre. Il faut rappeler que l’objectif principal de ce travail demeure le traitement des accents régionaux britanniques chez les sujets francophones non expérimentés (G1-FR). Cependant afin d’avoir des éléments de comparaison quant à leur compréhension et à leur perception nous avons inclus d’autres populations dans cette étude, à savoir des natifs britanniques (G2-ANG), un groupe de francophones expérimentés (G3-FR) ainsi que des natifs américains (G4-ANG). Dans le chapitre précédent, nous avons étudié les différences de traitement des accents par ces différentes populations. Le présent chapitre est essentiellement consacré à la façon dont les francophones ont traité la variation induite par les accents régionaux. Pour ce faire, nous allons étudier nos hypothèses une par une et tenter de vérifier leur exactitude. 6.2. Discussion et validation des hypothèses de travail 6.2.1. Hypothèse 1 : La qualité de la performance des auditeurs dépendra de leurs connaissances de la langue anglaise. Hanson et Ikeno (2007) ont constaté que l’ordre des résultats trouvés dans les tâches d’identification et de compréhension de trois accents régionaux pouvait être expliqué par l’expérience ou la connaissances de la langue ainsi que par la familiarité avec ces derniers.133 Cette explication nous semble fructueuse et nous avons émis l’hypothèse que lors de l’expérience sur l’identification des variétés régionales en fonction des régions, les Britanniques auraient de meilleurs résultats que les francophones qui n’ont ni les mêmes 133 Cf. Chapitre 2. 204 Chapitre 6 Discussion connaissances ni la même familiarité avec la langue. Bien que cette supposition paraisse évidente, les francophones n’ont jamais été confrontés à ce genre de test. Lors de l’expérience, les participants devaient identifier les accents en fonction de cinq régions134 dont : 1) South England (SE) 2) North England (NE) 3) Wales (W) 4) Ireland (IR) 5) « Not UK » (NUK) Nous avons donc émis l’hypothèse que la détection de la provenance régionale à partir de l’accent suivrait cet ordre: G2-ANG > G1-FR. 6.2.1.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG. Les résultats ont montré que les sujets britanniques ont bien réussi cette tâche et qu’ils ont globalement identifié la provenance géographique des locuteurs britanniques dans 64% des cas. La région SE a été la première classée et W s’est révélée la catégorie la moins bien identifiée. Cependant, lorsque nous choisi de ne pas prendre en compte la réponse NUK135 le nombre de réponses correctes a baissé (52%). Les variétés de Londres et de Bradford sont associées au groupe NUK, en particulier l’accent de Bradford, alors que l’accent de Londres est toujours identifié en premier avec l’Angleterre du Sud. Ce résultat montre que les traits NUK sont importants dans ce corpus et pour notre échantillon de locuteurs et que les réponses des auditeurs du groupe G2-ANG ont été influencées par l’existence de cette catégorie. Les Britanniques ont réussi à percevoir qu’il ne s’agissait pas de locuteurs non-natifs puisqu’ils les ont moins classés dans NUK que les francophones. Cette perception différentielle de l’accent de ce groupe par les francophones et les Britanniques est très informative. Cela nous apprend à la fois que l’accent « étranger » est très perceptible chez ces 134 Voici le rappel des villes : Belfast (B), Cambridge (C), Londres (J), Leeds (L), Malahide (M), Newcastle (N), Bradford (P), Liverpool (S) et Cardiff (W). 135 Nous avions introduit cette catégorie afin de juger de la qualité « non-natif » des locuteurs de Londres et de Bradford. 205 Chapitre 6 Discussion locuteurs mais qu’il est possible pour les anglophones de ne pas toujours se tromper et de se rendre compte qu’il s’agissait effectivement de locuteurs natifs. 6.2.1.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G1-FR. L’identification des régions a été plus difficile pour les francophones qui n’ont correctement classé que 31% des accents des régions. Les deux accents qui ressortent le mieux correspondent aux deux accents associés avec la catégorie NUK, à savoir P et J. Ce n’est que pour ces deux accents que nous pouvons réellement parler d’identification correcte (60%). Ensuite vient l’accent de Cambridge (44%). Pour les autres régions les résultats sont très bas, avec W en dernier (15%). Nous pouvons donc conclure que les francophones peuvent correctement percevoir un accent aux sonorités « non-natives » et celui proche de la RP (Cambridge). Ils semblent en tout cas avoir une idée précise de ce qui constitue un locuteur non-britannique. Sans la catégorie NUK le résultat chute davantage : 19%. En revanche, ils arrivent encore à identifier SE (26%). Cependant, le résultat sur l’ensemble du corpus est en dessous de 20%, ce qui montre que les non-natifs, sans la présence de la catégorie NUK, ne sont plus capables d’identifier les accents régionaux britanniques contrairement aux Britanniques dont le résultat reste encore élevé. La différence entre ces deux résultats est flagrante. Il apparaît nettement qu’à l’exception des régions NUK et SE, les non-natifs ne sont pas capables d’identifier les accents régionaux britanniques. 6.2.1.3. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche d’identification de la provenance régionale à travers l’accent. Récapitulatif : validation de l’ordre prévu : G2-ANG > G1-FR ; ordre final obtenu : G2ANG > G1-FR. Nous pouvons dire que l’ordre final était plus ou moins attendu. Un point positif est que les francophones ont pu identifier l’accent de Cambridge, qui est le plus proche de la RP enseignée à l’université. 206 Chapitre 6 Discussion En revanche, ils n’ont aucune notion des différences qui existent entre les variétés et ne savent pas à quelles régions ces accents sont associés. D’après nos résultats nous constatons qu’ils sont également capables d’identifier les accents « non-natifs ». À priori, cela voudrait dire qu’ils perçoivent les différences phonétiques, en tout cas celles qui se trouvent dans ces deux catégories. Les résultats des autres régions (IR, NE et W) semblent avoir été données au hasard. Toutefois ces résultats permettent de conclure que les francophones sont capables d’entendre certaines variations liées aux accents régionaux dans les stimuli. Lorsque les participants nous ont donné leurs impressions sur le test, les Britanniques l’ont trouvé plutôt difficile. Le plupart des participants Francophones ont dit qu'ils pensaient n’avoir eu aucune réponse juste et qu’ils avaient entendu parmi d'autres des accents écossais, américains, français, ce qui est évidement faux. Ils avaient donc peu d’idée réelle de ce qu’ils entendaient. Cela signifie que beaucoup de réponses ont été données au hasard. De façon générale, les participants ont jugé que les groupes de Londres et de Bradford appartenaient à NUK, c'est-à-dire, à ceux qui sont nés hors Royaume-Uni.136 Cependant, l’existence même de cette catégorie les a sans doute influencés. Les auteurs du corpus font la différence entre les locuteurs de Bradford, qui sont classés comme des bilingues anglopanjabis, et les londoniens qui sont seulement d’ascendance jamaïcaine. Le fait que dans le groupe Londres-jamaïcain les locuteurs ne sont pas bilingues pourrait expliquer pourquoi ils sont davantage identifiés comme des natifs contrairement au groupe Bradford-panjabi. Hanson et Ikeno (2007) ont trouvé que les accents de Cardiff et de Cambridge ont souvent été confondus et ce, même chez les auditeurs natifs. Cela signifierait qu’il existe des fortes ressemblances entre les deux. Cependant, nous avons examiné les différences qui existent dans le chapitre 1 entre la RP (proche de l’accent de Cambridge) et l’accent de Cardiff. Bien que nos deux populations aient difficilement identifié le Pays de Galles, nous ne pensons pas qu’un accent gallois typique ressemble à un accent de Cambridge. Ces résultats nous paraissent problématiques et ne semblent pas refléter la réalité linguistique. Les seules explications possibles pour ce résultat résident dans la qualité peu typique de l’accent W dans le corpus IViE, ou alors, d’un choix douteux ou aléatoire de la part des locuteurs. Les deux sont possibles. Nous avons évoqué le fait que cette variété était une des moins représentatives 136 Il faut souligner que nous avons insisté sur la notion « d’étrangers » pour cette catégorie. L’Irlande du Sud ne fait bien entendu pas partie du Royaume-Uni mais ses habitants ne sont toutefois pas classés comme « étrangers ». 207 Chapitre 6 Discussion du corpus. La plupart de locuteurs avaient même un accent proche de l’accent RP. Mees et Collins (1999) ont évoqué le fait que les habitants de Cardiff adoptaient souvent cet accent qui bénéficie chez eux d’un statut positif. Le fait que ces locuteurs soient bilingues signifie également qu’ils n’ont nullement besoin de montrer leur appartenance au Pays de Galles par un accent typiquement gallois. 6.2.2. Tâche de compréhension Au sujet de la compréhension de ces accents, nous avons également estimé que les sujets natifs auraient moins de difficultés que les groupes francophones. Si nous nous référons à nouveau à l’étude de Hanson et Ikeno (2007), ils ont effectivement trouvé que pour les Britanniques et les Américains la variation induite par les accents régionaux n’a pas empêché la compréhension. Toutefois, il est apparu des différences dues au manque de familiarité avec ces accents de la part des auditeurs américains. En revanche, pour les sujets non-natifs, il a été observé une différence d’intelligibilité entre les accents de Cambridge (C) et de Cardiff et celui de Belfast (B). Nous avons donc émis l’hypothèse que la compréhension détection de la provenance régionale à partir de l’accent suivrait cet ordre: G2-ANG > G4-AM > G3-FR > G1-FR. 6.2.2.1. Validation de l’hypothèse 1. a) dans le groupe G2-ANG. L’incompréhension des accents régionaux de ce groupe était quasiment inexistant (0.053).137 La variété de Cambridge n’a causé aucune difficulté. La moins intelligible était celle de Malahide, sans doute à cause d’une manque de familiarité puisque le groupe était essentiellement composé d’anglophones d’Angleterre (une seule Irlandaise du Sud). L’ordre obtenu a été est le suivant, allant d’aucune erreur à 0.12 : C, W, S, P, L, J, B, N, M.138 137 Les résultats sont donnés en proportion. Cambridge (C), le Pays de Galles (W), Liverpool (S), Bradford-panjabi (P), Leeds (L), Londres-jamaïcain (J), Belfast (B), Newcastle (N), Malahide (M) 138 208 Chapitre 6 Discussion 6.2.2.2. Validation de l’hypothèse 1. b) dans le groupe G4-AM. La proportion globale d’erreurs des auditeurs américains est de 0.11. Ce résultat est plus élevé que la proportion globale de G2-ANG mais largement inférieure à ceux des deux groupes francophones. L’ordre dans lequel les accents ont été compris est le suivant : C, W, S, P, B, M, (J & L) N. 6.2.2.3. Validation de l’hypothèse 1. c) dans le groupe G3-FR. La proportion globale d’erreurs du groupe des auditeurs francophones avancés G3-FR est de 0.39. Ce qui est inférieur au taux global du groupe de compétence inférieure G1-FR mais nettement supérieur à celui des groupes natifs. Au niveau de la difficulté de la compréhension, l’ordre sur une échelle allant des plus faciles au plus difficiles à comprendre est : W, C, S, B, P, M, J, L, N. 6.2.2.4. Validation de l’hypothèse 1. d) dans le groupe G1-FR. Nous pouvons dire que la compréhension s’est révélée très difficile pour G1-FR (0.53). L’accent qui a posé le moins de problèmes est celui de Cardiff (0.15), ce qui est peu élevé par rapport à la proportion globale. L’ordre général s’est établi ainsi : W, C, S, B, P, J, M, L, N 6.2.2.5. Discussion : hypothèse 1 sur le niveau de performance lors d’une tâche de compréhension des accents régionaux britanniques Nous pouvons donc constater que l’ordre prévu corrobore notre hypothèse. Récapitulatif : ordre prévu: G2-ANG > G4-AM > G3-FR > G1-FR ; ordre final : G2ANG > G4-AM > G3-FR > G1-FR. Il existe une grande différence entre les groupes natifs et non-natifs. Lorsque nous regardons plus en détails nous pouvons observer des similitudes entre les deux groupes de francophones et les deux groupes de natifs. 209 Chapitre 6 Discussion - Ordre G1-FR : W, C, S, B, P, J, M, L, N - Ordre G3-FR : W, C, S, B, P, M, J, L, N - Ordre G4-AM : C, W, S, P, B, M, (J & L) N - Ordre G2-ANG: C, W, S, P, L, J, B, N, M Ceci pourrait signifier soit que ces accents étaient les plus faciles à comprendre, soit que les natifs et les non-natifs ont utilisé un mécanisme de compréhension propre à leur L1. En ce qui concerne les deux groupes de francophones, il est possible de constater qu’ils n’ont pas le même traitement des variétés régionales. En effet, la compréhension des francophones expérimentés est meilleure que celles des non-expérimentés. Le taux d’erreur du G3-FR est de 39% alors que celui du G1-FR est de 53%. Ce qui montre que plus de connaissances de la langue peut aider dans ce type de tâche, mais que la variation demeure difficile à traiter. L’ordre d’intelligibilité des cinq premiers accents est identique pour les deux groupes, à savoir l’accent de Cardiff en premier, puis celui de Cambridge, Liverpool, Belfast et Bradford. Ce constat est surprenant et bouscule l’idée reçue sur l’intelligibilité forte de l’accent de Cambridge. Il est également surprenant de constater que la variété de Liverpool peut arriver troisième sur cette échelle d’intelligibilité, surtout après avoir montré que son locuteur est très représentatif. Lors de l’expérience 3 sur la qualité de l’accent (« goodness »), cette personne a été classée comme « absolument » typique par 12 auditeurs sur 13, dont les deux spécialistes. En ce qui concerne l’ordre des autres accents, à l’exception d’une petite inversion dans les derniers accents (J et M) ils sont identiques : - Ordre G1-FR : W, C, S, B, P J, M, L, N - Ordre G3-FR : W, C, S, B, P M, J, L, N Cette similitude suggère qu’ils ont perçu les accents d’une manière identique bien qu’avec un niveau de compréhension différent. Nous pouvons penser que leur perception est basée sur le même système de traitement. Bien que les taux de compréhension soient différents, nous avons observé les types d’erreurs identiques chez les deux groupes, notamment dans le traitement de la réduction des mots et la segmentation de la parole. Nous avons pu observer que les accents ont été globalement perçus de la même manière, c'està-dire en fonction de la L2, mais que l’expérience de la langue a aussi compté. 210 Chapitre 6 Discussion Nous pouvons en conclure que la connaissance de la langue est primordial dans la compréhension des accents régionaux. Il apparaît de façon évidente que la familiarité avec ces accents est également importante. 6.3. Hypothèse 2 : L’accent des locuteurs de Cambridge sera le plus facile à comprendre. Dans le corpus IViE, l’accent de Cambridge est le plus proche de celui utilisé dans l’enseignement comme prononciation britannique standard (RP). Par conséquent, les participants francophones sont a priori plus familiarisés avec la RP qu’avec les autres accents. Il est généralement admis que la variété RP est la plus aisée à comprendre. En revanche, il n’existe pas à notre connaissance de preuve empirique pour soutenir cet argument. 6.3.1. Validation de l’hypothèse 2. Les résultats de l’expérience de compréhension ont montré que pour les deux groupes de natifs la variété de Cambridge est effectivement la mieux comprise. Les Britanniques n’ont commis aucune erreur de compréhension et les Américains ont un taux d’erreurs qui s’approche de zéro (0.0042). En revanche, les deux groupes francophones ont mieux compris l’accent de Cardiff. En ce qui concerne G1-FR, la proportion d’erreurs associée à ce groupe est de 0.15 alors qu’elle double pour la variété de Cambridge (0.31). Le groupe de francophones expérimenté a très bien traité la variété de Cardiff (0.068), un taux qui se rapproche davantage de celui des natifs. Par contre, pour l’accent de Cambridge, le résultat du G3-FR (0.13) est plus proche des autres francophones que les natifs alors que le G1-FR ont moins de connaissances à la fois de la langue et de l’accent. 6.3.2. Discussion : hypothèse 2 sur la compréhension de l’accent de Cambridge. Ce résultat montre que notre hypothèse est à moitié validée. Les natifs ont facilement compris la variété de Cambridge. Cependant, les deux populations francophoneses ont mieux compris l’accent de Cardiff. Nous avons noté que l’accent de Cardiff est globalement l’un des moins typiques de ce corpus. L’accent de la personne choisie pour cette expérience ne nous a pas semblé être extrêmement marqué et s’est montré facilement compréhensible. Cependant, elle a été choisie parce qu’elle a toujours été identifiée comme galloise lors des tâches 211 Chapitre 6 Discussion d’identification et s’est classée comme la plus représentative de Cardiff. Il est possible que d’autres facteurs la rendent facile à comprendre. Par exemple, son utilisation d’un schwa dans les mots de type STRUT et FOOT ainsi qu’une lecture claire et posée avec une tendance à hyperarticuler les voyelles et consonnes. Le rythme et le fait que les locuteurs ont tendance à garder une syllabe fermée accentuée est également une explication possible. Par exemple, chez cette locutrice le mot garden est énoncé /gæ:dɛn/, ce qui est un trait typiquement gallois. Hanson et Ikeno (2007) ont également trouvé que cette variété était la plus compréhensible pour les non-natifs. Ce résultat va à l’encontre de l’avis général selon lequel une prononciation du type RP demeure la plus facile à comprendre. L’étude de Hanson et Ikeno (2007) a montré que les auditeurs ne percevaient pas beaucoup de différences entre ces deux variétés et que parmi les trois accents dans cette étude, Belfast, Cambridge et Cardiff, ce sont les deux derniers qui ont été le mieux compris. Le lexique utilisé dans ses phrases peut avoir également joué un rôle. 6.4. Hypothèse 3 : Les francophones ne peuvent pas identifier les accents régionaux de l’anglais. Les francophones qui ont passé le test d’identification n’avaient pas d’expérience des accents régionaux britanniques (G1-FR). Nous pensions qu’ils répondraient seulement au hasard lors de cette tâche. Toutefois, Hanson et Ikeno (2007) ont montré que les non-natifs pouvaient identifier les accents régionaux en fonction de leur familiarité (Cambridge, Cardiff et Belfast). 6.4.1. Validation de l’hypothèse 3. Nous avons pu constater lors de la validation de notre première hypothèse que les francophones ont tout de même réussi à identifier les deux variétés (J et P) comme des nonnatifs ainsi que l’accent de Cambridge comme appartenant à la région SE. Cela signifie qu’ils sont capables de distinguer entre un accent natif (familier) et un accent non-natif. Par contre, pour ce qui est des autres variétés, la proportion de réponses s’est révélée assez homogène, ce qui traduit un manque de connaissance et des réponses données au hasard. 212 Chapitre 6 Discussion 6.4.2. Discussion : hypothèse 3 sur les capacités des francophones à identifier des accents britanniques en fonction de leur région. Bradlow et Pisoni (1998) ont expliqué que les non-natifs devraient avoir des difficultés lors d’une tâche d’identification car ils ont moins de connaissances et sont moins sensibles à la variation dans une L2. cependant nos résultats montrent que les apprenants francophones peuvent reconnaître et identifier certains accents, ceux aux sonorités « non-natifs » ainsi que celui avec lequel ils sont le plus familiarisés, c'est-à-dire Cambridge (RP). Nous pouvons penser que les caractéristiques non-natives des accents J et P ont été suffisamment marquées pour permettre aux francophones de les distinguer des autres accents. En ce qui concerne l’accent de Cambridge, il leur est davantage familier puisqu’ils ont l’habitude d’entendre un accent proche de la norme RP. Ils sont donc capables d’en identifier deux catégories sur cinq. 6.5. Hypothèse 4 : La compréhension de la parole dépendra du traitement la variation induite par les variétés régionales est traitée. Nous avons vu que deux modèles s’opposent : celui des abstractionnistes (1) et celui de l’encodage des informations variables (exemplaires). 1. soit les sujets n’ont pas de difficulté de compréhension parce qu’ils font abstraction de la variation, et l’écartent rapidement pour ne conserver que le message linguistique : la variabilité est considérée par le système comme du bruit qu’il convient d’éliminer. 2. soit ils entendent bien les nombreux indices accentuels des variétés régionales, qu’ils encodent en mémoire, au risque de créer un problème, comme un ralentissement du traitement de l’information entrante, au moins au début d’un énoncé. 6.5.1. Validation de l’hypothèse 4. Il semble y avoir deux cas de figure selon la population. Les deux groupes natifs semblent avoir facilement écarté la variabilité induite par les accents régionaux, qui n’a donc posé que quelques difficultés sur certains mots. Cependant, la familiarité demeure un facteur important dans le traitement des accents régionaux. Il y a une différence entre les résultats des Britanniques qui ont eu un taux d’erreurs beaucoup moins élevé et ceux des Américains, qui eux ont moins l’habitude d’entendre ces accents. 213 Chapitre 6 Discussion En revanche, en ce que concerne les non-natifs, les accents régionaux ont souvent créé des problèmes de compréhension. La variation n’est pas rapidement écartée et empêche la compréhension de la parole. Toutefois, de là familiarité avec la langue a un rôle à jouer dans le traitement de la variation. Les francophones expérimentés ont plus facilement compris les variétés régionales que les non-expérimentés. 6.5.2. Discussion : hypothèse 4, la variation est elle rapidement écartée ? Les deux théories dont nous avons parlé pour justifier cette hypothèse semblent donner une explication trop catégorique sur le traitement de la variation. Les résultats de l’expérience de compréhension montrent que la familiarité et les connaissances de la langue sont des facteurs importants lors du traitement de la variation induit par les accents régionaux. Il existe également une distinction entre les natifs et les nonnatifs. La première supposition concerne davantage les natifs alors que la deuxième s’applique aux non-natifs, mais les deux éléments que sont la familiarité et les connaissances font que les francophones expérimentés sont capables de traiter la variation plus facilement dans certains accents, notamment dans ceux de Cardiff et de Liverpool dont ils n’ont pas l’habitude. 6.6. Hypothèse 5 : Les auditeurs natifs seront les seuls chez qui le mécanisme de compensation pourra être observé. Il existe plusieurs causes à la difficulté qu’il y a à comprendre la parole continue. Le mécanisme de compensation perceptive est une explication donnée par Lindblom, StuddertKennedy (1967 in Tohkora, 1992). Il est utilisé par les auditeurs afin de les aider à reconnaître un mot qui a été mal prononcé ou masqué par du bruit. Il est peu probable que les non-natifs ait ce même mécanisme de compensation, qui repose sur une bonne connaissance de la langue. Kuhl (1991) indique que la perception de la variation phonétique est déterminée par l’expérience spécifique à la L1. Selon ce modèle, nous sommes capables de comprendre les locuteurs de notre langue maternelle, malgré les variations possibles. Nous pensons, au contraire, qu’il convient de nuancer cette position car il n’est pas toujours possible de compenser. Les différences phonologiques qui peuvent exister entre deux accents peuvent être très grandes et sauf si l’on est habitué à entendre un certain accent, ces différences peuvent 214 Chapitre 6 Discussion mener à l’incompréhension même pour les natifs. Dans l’expérience de compréhension que nous avons menée le contexte peut servir comme moyen de compenser les différentes variations et aider à comprendre le sens de la phrase. Récapitulatif de l’effet attendu : - Le mécanisme fonctionne pour les natifs et ils arrivent toujours à retrouver le sens de l’énoncé. - Le mécanisme ne fonctionne pas pour les non-natifs qui n’arrivent pas à retrouver le message linguistique. 6.6.1. Validation de l’hypothèse 5. Il existe toutefois énormément d’exemples qui montrent que les groupes natifs ont pu compenser les mots mal perçus. Toutefois, ils ne sont pas toujours arrivés. D’autres exemples montrent que les francophones ne parviennent pas toujours, notamment avec les noms propres, cela pouvant être lié aux manques de connaissances (encyclopédiques) et aux différences de culture entre les deux populations, mais ils peuvent arriver à compenser la variation de certains mots. Il se peut que les mauvaises perceptions telles que sighed perçu comme said (N et B) puissent être une question de vocabulaire pour les participants francophones. Il est vrai que said est un mot plus commun et qui se rapproche le plus de ce qu’ils ont entendu, donc ils vont choisir ce mot là parce que c’est celui qui s’approche le plus de sighed et qui leur semble le plus simple. Cependant, presque tous les auditeurs anglais et les américains ont également transcrit said dans les deux variétés. Il aurait fallut chercher dans les analyses acoustiques pour vérifier qu’il s’agit bien du mot sighed, comme il nous a semblé. Le mot carriage (P) ressemble beaucoup à la réalisation du mot courage en RP. Les natifs sont arrivés à comprendre le mot initial alors que les francophones ont compris, entre autres, le mot courage qui n’a pas de sens dans le contexte de la phrase. Dans la phrase, they dreamed of wedding bells (S1SBS3) le /r/ est réalisé /ɾ/. Les francophones n’ont pas su compenser cette prononciation dont ils ne sont pas familiers alors qu’elle n’a posé aucun problème aux anglophones. 215 Chapitre 6 Discussion Dans l’expérience, le mot thought est prononcé /tɔ:t/ dans l’accent de Bradford. Nous voulions justement savoir si cette prononciation empêchait l’auditeur de faire le cheminement vers le mot thought ou si elle posait un problème de compréhension. Nous avons estimé que la transcription de thought comme tought signifiait que l’auditeur n’avait pas compris et n’avait pas pu compenser à cause de la variation. Lorsque « th » était réalisé /v/f/t/ ou /d/, ce n’était pas souvent problématique pour les non-natifs, peut être parce que ce phonème ne fait pas partie de leur L1 et qu’ils ont de toute façon des problèmes pour le percevoir. Ces réalisations n’étaient pas difficiles à compenser pour les deux groupes : seulement quelques auditeurs ont transcrit thought comme taught. 6.6.2. Discussion : hypothèse 5, le mécanisme de compensation chez les natifs et les nonnatifs Récapitulatif de l’effet attendu : - Le mécanisme fonctionne pour les natifs et ils arrivent toujours à retrouver le sens de l’énoncé. - Le mécanisme ne fonctionne pas pour les non-natifs qui n’arrivent pas à retrouver le message linguistique. Récapitulatif de l’effet final : - Les natifs sont majoritairement capables de retrouver le sens de l’énoncé, cependant cela n’arrive pas toujours. - Les non-natifs réussissent à compenser certains effets de l’accent mais beaucoup moins que les natifs. Même les anglophones natifs n’ont pas pu toujours compenser les différentes réalisations dans les accents pour arriver à comprendre et transcrire correctement chaque phrase dans chaque accent. Les francophones y sont parvenus dans une moindre mesure. Nous pouvons conclure que la variation induite par un accent régional peut être traitée par des non-natifs. Ce constat pourrait sans doute être amélioré avec un plus grand habitude des variétés régionales. 216 Chapitre 6 Discussion 6.7. Hypothèse 6 : La longueur des phrases est un paramètre qui joue un rôle important dans le traitement de la variation. Nos expériences contiennent trois types de phrases : longues, moyennes et courtes.139 Nous voulions savoir à quel point la longueur des phrases pouvaient faciliter l’identification et la compréhension d’une variété régionale. Est-ce que les énoncés plus longs, qui contiennent plus d’information, permettent une identification plus facile que les courtes ? Dans le cas où la longueur des énoncés a un effet sur ces tâches, trouvons-nous le même impact chez les sujets natifs et non-natifs ? Les études sur les accents (natifs et non-natifs) ont souvent introduit l’élément de la longueur des phrases afin de tenter de comprendre le traitement de la variation induite par ceux-ci. (Dupoux et Green, (1997), Munro et Derwing, (1995), Hanson et Ikeno (2007), Floccia et al. (2004, 2006), Clark et Garrett (2004). À l’exception de ces derniers qui constatent que l’adaptation n’est pas systématique, ils sont d’accord pour dire qu’elle est possible dès lors que la quantité de parole est suffisante. En revanche, le temps nécessaire à ce processus reste incertain.140 Floccia et al. (2004, 2006) expliquent que le coût du traitement d’un accent non familier émerge principalement avec les phrases longues parce que le processus d’adaptation s’enclenche seulement lorsque le sujet reçoit une certaine quantité d’informations dans le signal, ce qui peut perturber le traitement. Dupoux et Green (1997) évoquent deux mécanismes qui fonctionnent ensemble : l’ajustement à court terme et l’apprentissage à long terme. Nous avons vu que Johnson (2005)141 a expliqué qu’il est possible pour des locuteurs de se former rapidement un système de référence. Est-ce que nous pouvons en dire autant pour les accents régionaux et est-ce que ce processus peut expliquer les perturbations dans le traitement des phrases ? Les autres études montrent que le processus d’adaptation a besoin de temps pour permettre l’extraction des indices importants du signal. Cependant, l’estimation de cette quantité de temps diverge selon les recherches. Pour Clark et Garrett (2004) il faut entre deux et quatre phrases pour s’adapter à un accent, mais ils ajoutent que ce n’est pas toujours possible, même lorsqu’il s’agit de natifs qui écoutent des non-natifs. D’autres études ont 139 Les énoncés longs étaient constitués de 15 à 24 syllabes, les moyens de 10 à 14 syllabes et les courts de 4 à 9 syllabes. 140 Cf. 2.3.6. 141 Johnson (2005) suppose que les auditeurs utilisent « un système de référence » qui est comme une représentation du locuteur. Nous pensons que cette idée peut s’appliquer également au traitement des accents régionaux. 217 Chapitre 6 Discussion montré qu’après suffisamment d’exposition à un accent, la compréhension devenait normale (Dupoux et Green, 1997, Munro et Derwing, 1995). Cependant, ils ne donnent aucune estimation quantitative sur ce qui constitue « suffisamment d’exposition ». En revanche, l’étude de Hanson et Ikeno (2007) qui porte sur l’identification et la compréhension de trois accents régionaux du corpus IViE142 chez les natifs et non-natifs, a montré que la longueur des énoncés avait un impact sur la tâche d’identification. Les natifs britanniques ont mis à profit la présence d’un contexte plus long pour identifier les accents régionaux contrairement aux auditeurs peu familiers (les non-natifs). Lors de l’expérience évaluant la compréhension, ces auteurs ne donnent aucune information sur l’impact de la longueur des phrases. Nous en avons conclu que ce facteur n’a pas eu d’effet significatif. Si nous pouvions nous attendre donc à trouver un résultat similaire en ce qui concerne la tâche d’identification dans cette étude (c'est-à-dire que la longueur des énoncés est bénéfique pour les natifs), rien ne nous indique l’effet attendu lors de la compréhension de ces accents. Toutefois, on pouvait penser trouver le même effet que lors de l’expérience de compréhension d’Ikeno et Hanson (2007), qui est la seule étude qui traite à la fois des natifs et non-natifs. Autrement dit, le paramètre de la longueur aurait une influence sur les résultats des natifs mais aucune sur la compréhension des non-natifs 6.7.1. Validation de l’hypothèse 6 : La tâche d’identification. Nous allons d’abord examiner l’effet de la longueur des énoncés lors de l’expérience d’identification effectuée par le G1-FR et G2-ANG. Ensuite, nous en ferons de même pour les quatre populations afin de voir s’il y a eu un impact lors de la compréhension des variétés régionales. Effet prévu de la longueur des phrases lors de l’identification des accents régionaux par régions : - G2-ANG : les phrases longues permettent une meilleure identification que les phrases moyennes et courtes. - 142 G1-FR : il n’y a pas d’effet. Il s’agissait de Cambridge, Belfast et Cardiff. Cf. Chapitre 2 (2.4.2). 218 Chapitre 6 Discussion 6.7.1.1. Validation de l’hypothèse 6. a) dans le groupe G2-ANG : L’impact de la longueur des phrases s’est effectivement avéré faciliter l’identification des variétés régionales pour les natifs britanniques. Les phrases longues ont été correctement identifiées en premier (0.72), suivies des moyennes (0.64) puis les courtes (0.57). Nous pouvons dire que la longueur des énoncés joue un rôle important lors de cette tâche d’identification. Lorsque nous avons regardé les résultats en détail pour chaque région, nous avons remarqué qu’aucune région n’avait été identifiée en premier lors des énoncés courts. Ce qui confirme l’effet global de la longueur lors de cette expérience. 6.7.1.2. Validation de l’hypothèse 6. b) dans le groupe G1-FR : La longueur des énoncés n’a pas aidé les non-natifs à identifier les accents régionaux Les énoncés longs ont été très légèrement classé en premier (0.33), ensuite les moyens (0.30), puis les courts (0.29) : les différences entre ces trois conditions sont à l’évidence faibles. Toutefois, dans le détail des résultats par type de phrase en fonction de chaque région, la catégorie la mieux identifiée (NUK) a un taux correct plus élevé pour les phrases longues (0.69). Alors que la région SE a été plus correctement classée (0.50) lors des phrases courtes. Cela pourrait signifier que les francophones ont pu mettre à profit les énoncés plus longs afin d’identifier l’accent « non-natif ». 6.7.1.3. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une tâche d’identification d’accents par régions. Récapitulatif de l’effet prévu : - G2-ANG : les phrases longues permettent d’identifier les régions de façon plus correcte. - G1-FR : aucun effet. Effet obtenu : - G2-ANG : globalement les régions sont davantage identifiées lors des phrases longues. Aucune région n’est d’abord identifiée grâce aux énoncés courts. 219 Chapitre 6 Discussion - G1-FR : l’ensemble des résultats montre qu’il n’y a eu aucun effet. Cependant, ce groupe a correctement classé la catégorie NUK à l’aide des phrases longues en premier. Il existe bien une différence à la fois de traitement des phrases en fonction de la longueur et entre les natifs britanniques et les non-natifs (effet de la longueur et de la langue native). Contrairement au G2-ANG, les sujets francophones n’ont pas bénéficié de la longueur pour mieux identifier les accents régionaux à l’exception de l’identification des accents NUK. Nous étions partie du principe que plus les énoncés sont courts, moins il y a d’indices pour arriver à identifier la région des locuteurs. Floccia et al (2004, 2006) ont fait ce même constat. Cela semble être le cas pour le G2-ANG. Cependant d’une façon générale, cet effet ne se retrouve pas chez les non-natifs. Nous avions pensé que la quantité faible du nombre de mots pouvait « neutraliser » en quelque sorte les accents et les rendre de plus en plus similaires puisque les traits caractéristiques de chacun seraient dans ce cas moins apparents. Ce qui revient à dire que lorsqu’il y a moins de mots, il deviendrait plus difficile de différencier les variétés. Hanson et Ikeno (2007) ont trouvé que pour les non-natifs, le contexte des phrases longues n'a pas fourni d’indices supplémentaires pour percevoir les trois accents de façon plus précise. En revanche, ce facteur a aidé les natifs britanniques. Nous pensons qu’il n’y a pas eu d’effet chez les francophones en fonction de la longueur car la tâche a été trop difficile à cause de leur manque de connaissance des accents régionaux. Dans le cas où ils arriveraient à s’adapter comme Dupoux et Green (1997) l’ont proposé ou à former un système de référence tel que Johnson (2005) l’a décrit, à quoi auraient-ils pu le comparer ? Ils ne connaissent pas les traits caractéristiques des accents régionaux britanniques : par exemple, que le fait que les différentes réalisations de FOOT et STRUT peuvent aider à distinguer entre les accents du Nord et du Sud de l’Angleterre. Alors, même s’ils étaient parvenus à percevoir la distinction (/ʊ/ - /ʌ/), ils n’auraient pas pu associer cette distinction à une région particulière. Ce qui ne permet pas de savoir ce qu’ils ont perçu exactement. Par contre, pour les accents de Bradford et de Londres (NUK), nous pouvons constater qu’ils ont déjà une idée précise sur ce que constitue un accent « non-natif » : ils ont ainsi pu à la fois percevoir cette différence et reconnaître les locuteurs qui avaient un accent de ce type. 220 Chapitre 6 Discussion Nous allons maintenant essayer de répondre à cette même question pour l’expérience de compréhension. Est-ce que la longueur des énoncés a un effet sur les résultats de compréhension et lequel ? 6.7.2. Validation de l’hypothèse 6 : L’expérience de compréhension Au vu du résultat que nous venons de trouver, nous pouvons nous attendre à observer un effet similaire. Autrement dit, les phrases longues vont permettre une meilleure compréhension des accents régionaux que les courtes, au moins pour les natifs. En plus de ce facteur, il devrait exister une différence entre le traitement des natifs et nonnatifs. Pour ces derniers, il n’est pas dit que la longueur des énoncés améliore la compréhension. Pour cette expérience nous avions quatre groupes différents dont deux natifs (G2-ANG et G4AM) et deux non-natifs (G1-FR et G3-FR). Est-ce que le facteur longueur a une influence différente selon les populations ? Quel est l’impact de la longueur des énoncés sur les natifs naïfs (G4-AM) et non-naïfs (G2-GB) et les francophones non-expérimentés (G1-FR) et expérimentés (G3-FR) ? Les erreurs de compréhension augmentent-elles dans les énoncés longs ? Selon les résultats des études citées ci-dessus, nous pouvons imaginer deux possibilités : - soit les énoncés plus longs permettent une meilleure compréhension. Les sujets peuvent s’adapter à l’accent plus facilement avec davantage d’informations. - soit les énoncés courts, qui ne requièrent pas que le processus d’adaptation s’enclenche, sont plus faciles à comprendre parce que le coût du traitement est moins élevé qu’avec les phrases longues. Cependant selon ces auteurs le processus d’adaptation, comme on l’a vu, peut causer une perturbation dans le traitement avant que les auditeurs n’arrivent réellement à s’habituer. Cela pourrait induire un coût dans le traitement lorsque ce processus reçoit suffisamment d’informations pour être enclenché. Toutefois nous ignorons à quel moment ce processus pourrait se mettre à fonctionner. Par contre, la seule étude qui a évalué la compréhension des accents régionaux en fonction de la longueur des énoncés à la fois chez les natifs et non-natifs n’a constaté aucun effet de ce paramètre sur la compréhension. Il est également possible d’imaginer que nos résultats ressemblent davantage à ceux de Hanson et Ikeno (2007), surtout pour les non-natifs. En 221 Chapitre 6 Discussion revanche, il paraît raisonnable de penser que les natifs peuvent mettre à profit un contexte plus long pour traiter l’information. Effet prévu de la longueur des phrases lors de la compréhension des accents régionaux : G2-ANG : les phrases longues permettent une meilleure compréhension que les phrases moyennes et courtes. - G2-ANG : la longueur des énoncés aide à comprendre. - G1-FR : il n’y a pas d’effet. - G3-FR : aucun effet. - G4-AM : les phrases longues permettent de comprendre de façon plus correcte. 6.7.2.1. Validation de l’hypothèse 6. a) chez le G2-ANG : En ce qui concerne la compréhension des natifs familiers, nous avons constaté que les phrases moyennes étaient les plus difficiles à comprendre (0.078) suivies des phrases courtes (0.053) puis des longues (0.0.37).143 De façon globale, l’ordre de compréhension est donc L, C, M. 6.7.2.2. Validation de l’hypothèse 6. b) chez le G1-FR : Sur l’ensemble des phrases écoutées par les francophones non-expérimentés ce sont également lors des phrases de longueur moyenne qu’il existe le plus d’erreurs de compréhension (0.60). Ensuite, la proportion d’erreurs est la plus élevée dans les énoncés longs (0.51) puis dans les courts (0.48). L’ordre de compréhension est donc C, L, M. 6.7.2.3. Validation de l’hypothèse 6. c) chez le G3-FR : En ce qui concerne les francophones expérimentés (bien que quasi naïfs au sujet des accents) il existe à nouveau plus d’erreurs dans les énoncés moyens (0.51). La proportion d’erreurs est moins élevée dans les phrases longues (0.36) pour atteindre le niveau le plus bas dans les courtes (0.30). L’ordre de compréhension en fonction de la longueur des phrases est C, L, M. 143 Ces chiffres correspondent aux proportions d’erreurs commises. Cf. Chapitre 4 pour le détail de cette expérience. 222 Chapitre 6 Discussion 6.7.2.4. Validation de l’hypothèse 6. d) chez le G4-AM : Globalement, ce sont les phrases moyennes qui ont été les plus difficiles à comprendre (0.15), suivies de près par les courtes (0.12), puis par les énoncés longs où il y a nettement moins d’erreurs (0.073). L’ordre croissant de compréhension est donc ici le suivant : L, C, M. 6.7.2.5. Discussion : l’hypothèse 6 sur l’impact de la longueur des phrases lors d’une tâche de compréhension des accents régionaux. Récapitulatif de l’effet prévu : - G2-ANG : les phrases longues permettent une meilleure compréhension que les phrases moyennes et courtes. - G1-FR : il n’y a pas d’effet. - G3-FR : aucun effet. - G4-AM : les phrases longues permettent de comprendre de façon plus correcte. L’effet obtenu : - G2-ANG : L, C, M. Les phrases longues ont effectivement été les mieux comprises, suivies des courtes puis des moyennes. - G1-FR : il existe un effet de la longueur des énoncés qui est le suivant : C, L, M. Les phrases courtes ont été plus faciles à comprendre. - G3-FR : nous avons trouvé des résultats identiques au G1-FR (C, L, M) mais avec des taux d’erreurs moins élevés. - G4-AM : il y a également un effet de la longueur des phrases comme chez les natifs britanniques (L, C, M). Cependant, le niveau d’erreurs est plus élevé chez les auditeurs américains. La longueur des énoncés a un impact sur la compréhension des accents régionaux mais cet effet dépend de l’origine des participants. En ce qui concerne les deux groupes de natifs, ils ont eu le même ordre de compréhension selon la longueur des énoncés : L, C, M. Nous pouvons dire que le contexte aide puisqu’il y a moins d’erreurs dans les énoncés longs. Les deux groupes non-natifs n’ont pas pu tirer bénéfice d’un contexte plus long pour comprendre la phrase. La longueur a même eu un effet négatif chez eux. Il semble que les 223 Chapitre 6 Discussion phrases courtes posent moins de difficulté puisqu’il y a moins de mots à traiter. Il est possible de dire que la mémoire à court terme permet le traitement de ces mots, l’énoncé plus court permettant de les retenir et de les transcrire plus facilement. Il est logique de penser que les phrases courtes ne requièrent pas de traitement trop exigeant mais que les phrases moyennes et longues peuvent enclencher le processus d’adaptation et que leur compréhension en soit affectée. Concernant la longueur des phrases, il y a deux points importants à retenir : tout d’abord l’idée que la possibilité de transcrire correctement ce qui est énoncé augmente avec la longueur des phrases (plus il y a de mots, plus le contexte peut aider à en comprendre d’autres). Ce cas s’applique aux groupes natifs. Puis, nous pouvons imaginer le cas contraire, c'est-à-dire que plus la phrase est longue, plus il existe de mots qui posent des difficultés de perception et le coût du traitement augmente en conséquence. Ce phénomène se traduirait par une compréhension plus difficile lors des phrases longues et s’appliquerait aux non-natifs. Prenons un exemple concret : on peut penser que si la phrase contient 8 mots et que le sujet n’en perçoit que 6, alors il est dans une meilleure position pour retrouver le sens de la phrase que lorsqu’il n’y a que 4 mots et qu’il n’en comprend que 2. On peut avancer deux possibilités pour expliquer ces résultats : - si la longueur aide à la compréhension d’un énoncé cela signifie que l’auditeur est en train de se familiariser (ou de créer un système de référence par le biais du processus d’adaptation) qui doit alors permettre de mieux traiter l’accent et de commettre moins d’erreurs. - ou tout simplement l’information supplémentaire (le sens et le contexte/lexique) aide la compréhension. Les auditeurs peuvent « deviner » le sens ou les mots mal perçus. Il est possible que les phrases courtes ne posent pas trop de problèmes parce qu’elles font uniquement appel à la mémoire à court terme et que leur traitement est donc moins lourd (Floccia, 2004, 2006). Les phrases courtes ne nécessitent pas ou n’enclenchent pas le processus d’adaptation puisqu’elles sont justement trop courtes. Il n’y a pas assez d’information pour que l’auditeur puisse commencer à construire un système de référence afin de se familiariser avec l’accent et améliorer sa compréhension. En ce qui concerne les phrases moyennes, elles ne sont pas assez longues pour que l’auditeur s’habitue à l’accent et puisse utiliser les indices phonologiques ou le contexte pour comprendre. Cependant, elles 224 Chapitre 6 Discussion sont trop longues pour que l’auditeur puisse simplement reconnaître les mots : le processus d’adaptation se met à fonctionner, et cela perturbe la compréhension. Le traitement de l’énoncé est alors plus difficile. Par contre, cela ne correspond plus aux explications de (Floccia (2004) qui a observé que le coût du traitement d’un accent non familier émerge principalement avec les phrases longues. Cependant, il correspond davantage à la fois à ce que Dupoux et Green (1997) ont évoqué, à savoir : l’ajustement à court terme et l’apprentissage à long terme. Ce qui pourrait expliquer la perturbation lors des phrases moyennes puisque ces deux mécanismes se mettent à fonctionner en même temps, ce qui rend la compréhension plus difficile. Ces deux phénomènes expliqueraient pourquoi les phrases moyennes ont systématiquement le taux d’erreurs le plus élevé pour tous les auditeurs. Alors que Floccia (2004, 2006) a constaté que c’était lors des phrases longues que la compréhension était perturbée. Ceci expliquerait pourquoi l’ordre de compréhension est L, C, M pour les natifs puisqu’ils ont plus de facilités à tirer parti du contexte pour retrouver les mots mal perçus. De la même manière, cela explique également les résultats des non-natifs dont l’ordre de compréhension est C, L, M. Les énoncés courts sont plus faciles à traiter de par leur nature. Les phrases longues ont à la fois plus d’indices pour retrouver le sens, mais il est également possible que les francophones ont été capables de s’adapter à l’accent. Ce processus est déclenché lors des énoncés plus longs (M et L). La perturbation causée par ce processus se traduit par davantage d’erreurs dans les phrases moyennes. Cependant, au vu des résultats sur la compréhension en général qui montrent des taux d’erreurs très élevé pour les non-natifs, il n’est pas complètement certain qu’ils ont vraiment réussi à s’adapter ni à créer un système de référence pour ces accents. Ce qui est non sans rappeler ce que Clark et Garrett (2004) ont observé : que ce n’est pas toujours possible de s’adapter à un accent. Toutefois, le fait que les résultats des groupes natifs et non-natifs suivent le même schéma ne fait que souligner la présence du même système de traitement pour les deux groupes. Il ne semble pas y avoir de relation entre les accents qui ont été les plus reconnus et la longueur de phrases. Autrement dit, nous ne pouvons pas dire que les deux accents les mieux perçus ont eu le plus d’erreurs dans l’énoncé court, moyen ou long. Il n’existe donc pas de schéma qui soit en fonction de la variété régionale. Lors des deux premières expériences l'accent a changé à chaque phrase, et ce changement d’une phrase à l’autre n’a sûrement pas aidé le processus d'adaptation du G1-FR. Présenter les phrases en bloc par variété aurait peut-être amélioré les résultats. 225 Chapitre 6 Discussion Nous avons évoqué le fait qu’il n’y avait pas d’effet chez les francophones en fonction de la longueur des phrases lors de l’expérience d’identification puisque leur connaissance des accents régionaux était insuffisante. Ils n’ont pas de système de référence auquel ils puissent comparer ce qu’ils perçoivent. En revanche, lors de la compréhension, ils n’étaient pas obligés de comparer un accent à un autre, et devaient juste arriver à traiter l’information afin de tenter de comprendre. Le traitement de ces deux types d’expériences est donc différent et fait appel à des processus différents. 6.8. Hypothèse 7 : Dans la compréhension des non-natifs, il peut y avoir plusieurs niveaux de confusion à cause des mauvaises perceptions. - des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale - des confusions totales avec l’illusion de comprendre Ces deux cas sont dus au fait que les auditeurs n’arrivent pas à reconnaître certains segments ou mots. Lorsque les confusions impliquent des phonèmes qui ne sont que légèrement différents de ceux quoi sont perçus, la compréhension est possible après un temps d’adaptation (Buck, 2001). Nous allons tenter de répondre à cette hypothèse et de mettre en évidence les exemples de confusions ainsi que les deux grands types de mauvaises perception mentionnés. Lors du chapitre 2, nous avons énuméré certains types de mauvaises perceptions (Bond, 1995). Elles peuvent être liées aux problèmes courants du traitement de la parole continue (les réductions de mots, les mots rares) ou bien peuvent relever des traits intrinsèques aux accents ? Nous allons classer les mots lexicaux en deux catégories : les mots rares ou peu fréquents et les mots fréquents,144 afin de voir à quel point ils peuvent impliquer différents niveaux de confusion. Nous donnerons quelques détails sur les mauvaises perceptions majeures que nous avons trouvées dans les transcriptions des francophones. Ces exemples peuvent concerner les traits caractéristiques des accents.145 Cependant, nous allons vérifier si la présence de mots inconnus ou peu fréquents ainsi que la réduction des mots sont des obstacles supplémentaires à la compréhension d’un accent régional. 144 Il s’agit de mots que nous avons estimés rares ou non. Nous avons cherché des listes de fréquences de mots pour la langue anglaise, mais celles-ci ne concernent que les natifs et ne sont probablement pas bien adaptées aux non-natifs. Pour chaque accent nous avons mis en gras les mots que nous considérons comme peu fréquents ou particulièrement difficiles à comprendre : ils sont consultables par variété d’accent en annexe 11. 145 Ils sont énumérés dans les chapitres 1 et 4. 226 Chapitre 6 Discussion Récapitulatif de l’effet prévu de la tâche: - des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale. - des confusions totales avec l’illusion de comprendre. - certaines mauvaises perceptions sont liées purement au traitement de la parole (réduction de mots, mots rares ou peu fréquents, frontières de mots) - d’autres mauvaises perceptions sont liées au traitement de l’accent (mots fréquents) Nous allons traiter les différents points de cette hypothèse un par un, afin de dégager une réponse globale à celle-ci. Il semble que pour expliquer les raisons de la compréhension partielle ou totale, plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Il peut aussi bien s’agir de phénomènes tels que la réduction ou les frontières de mots ; mais la mauvaise perception d’un mot peut également être simplement le fait de traits intrinsèques à l’accent en question. Nous allons d’abord donner quelques exemples où l’incompréhension a été totale ou partielle pour ensuite fournir des détails d’erreurs récurrentes que nous avons trouvées. 6.8.1. Confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale Parmi les 27 phrases que les participants francophones ont écoutées, certaines n’ont pratiquement jamais été comprises, c'est-à-dire, que les participants ont transcrit seulement quelques mots ou n’ont rien transcrit de la phrase entendue.146 Nous pouvons parler d’incompréhension totale de la part de certains francophones dans les phrases suivantes : P2RHL9 - Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage M3PMM20 - Prince William and Cinders danced for hours N2EPM2 - Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs S1SBM22 – when the Royal travellers arrived at Cinders' home L1SUL15 - Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning C1ERS20 -But he held on to the slipper Ces phrases contiennent soit des mots rares (en gras) soit des noms propres (soulignés). Nous donnerons quelques exemples des mots qui n’ont pas été compris dans la section suivante. Cependant, lorsque nous avons demandé aux participants du G1-FR d’identifier les mots du 146 Au moins un auditeur n’a rien transcrit pour ces phrases. 227 Chapitre 6 Discussion texte de Cendrillon qu’ils ne connaissaient pas, certains de ces mots n’ont pas été cités : les deux listes ne se correspondaient pas.147 Cela peut suggérer que la non-connaissance de certains mots ne se traduit pas nécessairement par une mauvaise perception. Un mot peu fréquent comme hand-me-downs,148 par exemple, est constitué de trois mots fréquents ; nous avions pensé que même si les participants ne connaissaient pas cette expression, ils pourraient toutefois percevoir les trois mots individuellement. En ce qui concerne les autres items soulignés ou en gras, nous en parlerons davantage dans les parties qui leur sont consacrées sur les mauvaises perceptions en général. Il faut également souligner que l’énoncé C1ERS20 cidessus était le premier entendu lors de l’expérience, ce qui expliquerait qu’il n’a pas toujours été bien identifié et retranscrit. Nous allons donner quelques exemples de la transcription de ces phrases lorsque les participants ont tenté d’écrire quelque chose, afin de donner un aperçu de ces incompréhensions. Cela pourra donner une idée générale de l’influence du lexique dans le traitement des énoncés. La dernière transcription exposée se rapproche le plus de la phrase initiale, bien qu’il arrive que la phrase soit méconnaissable. Nous suggérerons des explications quand nous le pourrons, mais souvent la transcription est tellement éloignée de la phrase initiale qu’il nous sera difficile de d’y parvenir systématiquement. Bond (2005) rappelle que lorsque les erreurs de perception impliquent des énoncés plus longs, ils peuvent montrer des divergences considérables avec l’énoncé initial. Dans ce cas, les énoncés sont tellement déformés qu’il peut être difficile de déterminer exactement ce qui a été mal perçu. Toutefois, ces exemples illustrent le fait que les sujets francophones ont eu tendance à mieux retenir la fin de la phrase que le début. Pour chaque exemple, nous essayerons de mettre en parallèle le mot initial et la façon dont il a été perçu. P2RHL9 - Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage ….on fanders……. with a…… change into…….. Since he went, on founders planted pumpkin in ……college Cindy’s went and found us splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage 147 Cf. annexe 12 pour la liste de mots inconnus des participants G1-FR. Ce qui signifie « vieux vêtements », quand on donne des habits de l’aînée de la famille à ses frères et sœurs plus jeunes. 148 228 Chapitre 6 Discussion Les erreurs sont plus liées aux mots peu fréquents (carriage est perçu comme college),149 aux noms propres (Cinders est perçu comme Since he), et à la mauvaise identification des frontières de mots (splendid est transcrit planted ; found a s(plendid) comme founders) qu’à l’accent lui-même. M3PMM20 - Prince William and Cinders danced for hours - prince wouldn’t Cinderella first - Prince really want to downstairs - Prince really wanted to dance for hers Le nom propre Prince (qui correspond aussi à un nom commun) a été plus souvent compris que celui de Cinders. Cependant, il s’agit ici de mots fréquents qui ont été mal perçus (danced for hours). Nous évoquerons ce point dans la section sur l’effet de l’accent. N2EPM2 - Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs - Pronce….wear all the hole times with them - power seem does all and all have widows - ……………..all level hold me downs La réalisation de poor /puɑ/, qui pourtant se rapproche de celle enseignée aux apprenants nonnatifs /ʊə/, n’a pas été comprise.150 Alors qu’il n’y a aucun mot rare (il s’agit d’une expression rare constituée de trois mots fréquents) l’incompréhension est totale. S1SBM22 – when the Royal travellers arrived at Cinders' home - …………seen this home - Commandant lawyers slapped a lie since this home - when the royal subles arrived at cindy’s home 149 carriage - /ʊ/ - perçu également comme: carriage, college, courage. 150 Toutes les autres variétés ont la monophtongue /ɔ:/. 229 Chapitre 6 Discussion Le nom propre Cinders a été mal perçu (seen this/since this), par contre, travellers que nous n’avons pas considéré comme mot rare, l’a été également (subles). Nous pensons qu’il s’agit davantage d’un effet de l’accent. L1SUL15 - Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning - ….she felt to remeber…….this morning - Since it was circles it fall out numbers even Government is warning - do glad…..she felt an and have very morning Cette phrase illustre à nouveau le fait qu’il n’y a pas que les mots peu fréquents qui sont incompris. La réalisation brève (non-diphtonguée) de failed donne l’impression d’entendre felt. Le mot warning est pratiquement toujours transcrit morning. C1ERS20 - But he held on to the slipper - could you holl/hell On this laper - put your onto the sleeper - But he held into the sleeper Nous pouvons constater que le mot slipper est celui qui a causé le plus de difficultés. Passons maintenant aux résultats que nous avons trouvés et qui ont été mal perçus tout en donnant aux participants l’impression d’avoir compris. 6.8.2. Confusions totales avec l’illusion de comprendre Il est plus difficile d’identifier ce type d’erreurs puisqu’il ne s’agit finalement que de notre jugement. Toutefois, voici quelques exemples pour lesquels nous avons estimé que les sujets francophones ont pensé avoir compris le sens de la phrase. Dans la section sur l’effet de l’accent, nous verrons que le mot hairbrush, que nous considérons comme fréquent, a tout de même été mal transcrit à cause de la réalisation de hair (/hɚ/). Les participants ont écrit her brushes, ce qui reste cohérent avec sens de la phrase (B1DOM6). 230 Chapitre 6 Discussion Dans la phrase : After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart (W1HWL17), la moitié des auditeurs ont correctement écrit tous les mots sauf le dernier pour lequel ils ont noté hat. Étant donné la réalisation de la voyelle dans la variété de Cardiff, il est tout à fait compréhensible qu’ils aient perçu ce mot là. La question est de savoir si l’on peut considérer qu’ils ont compris cette phrase où non. Dans le cas où ils l’auraient réellement comprise, nous aurions pu penser qu’ils auraient pu retrouver le mot initial, heart, qui est beaucoup plus attendu que hat dans ce contexte. La phrase écrite avec hat n’est pas non plus complètement incohérente, donc ils ont tout de même écrit quelque chose qui aurait pu exister, ce qui nous pousse à dire qu’ils ont eu l’impression de comprendre. 6.8.3. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole continue Les deux premières hypothèses sur la confusion peuvent être dues aux mauvaises perceptions qui peuvent prendre plusieurs formes. Dans cette section, nous allons parler des erreurs causées par le traitement de la parole continue et tenter de donner plus de détails qui peuvent expliquer les confusions totales ou partielles. 6.8.3.1. Les voyelles et la réduction de mot D’une manière générale, les erreurs de perception ont été plus fréquentes sur les voyelles non accentuées ou réduites que sur les voyelles accentuées. Les mots grammaticaux ont souvent été omis ou mal compris, sûrement à cause de leur réduction, par exemple but est souvent omis dans la transcription orthographique, ce qui rappelle la difficulté que représente le traitement de la parole continue. Il existe beaucoup d’erreurs associées aux mots grammaticaux et à leur réduction phonologique. Sans doute étions-nous tellement préoccupées par les erreurs éventuelles dues aux variétés régionales que nous n’avions pas anticipé que and her pouvait être compris comme under et que found a transcrit founder. Nous pouvons dire que ces exemples traduisent une perception phonétiquement juste mais aboutissent à un manque de compréhension (réduction de mots en plus d’un mauvais placement de la frontière de mot). Cependant, la réalisation de l’article « a » est souvent prononcé de façon pleine /ei/, ce qui a souvent facilité la compréhension. Nous avons trouvé cette prononciation des articles dans plusieurs variétés alors il se peut que cela soit dû au style de parole. 231 Chapitre 6 Discussion 6.8.3.2. Les consonnes En parlant des mauvaises perceptions causées par un accent régional, Bond (2005), a noté que lorsqu’un non-natif entend une vibrante battue il peut la confondre avec une occlusive alvéolaire réduite. Par exemple : barrel → bottle. Autrement dit, l’auditeur entend [ɾ], mais à cause de sa ressemblance avec un /t/ ou un /d/, retrouve un autre mot. En effet dans certains mots [ɾ] a été perçu comme /d/. Par exemple, fairy dans l’accent du Pays de Galles (/fɜ:ɾɪ/ : ressemblance avec le mot furry). Les francophones ont écrit fedi ici mais ont écrit very pour le même mot dans l’accent de Cambridge. Cependant ce type de confusion ne se produit pas systématiquement dans toutes les variétés (cf. carriage /ˈkʊɾɪdʒ/). Dans le classement de Bond (2005), nous avons constaté que les auditeurs pouvaient entendre les non-mots, donc des séquences phonologiques ne correspondant à aucun item lexical existant. Dans cette catégorie, Bond inclut le cas des noms propres ou d’un vocabulaire spécialisé. Il explique que les auditeurs n’ont tout simplement pas les connaissances suffisantes pour retrouver le message. Nous allons désormais regarder quelques exemples de noms propres et de ce que Bond appelle « vocabulaire spécialisé ». Nous parlons plutôt de mots rares ou fréquents, mais il paraît évident que le lexique qui existe dans l’histoire de Cendrillon est spécifique au contexte de l’histoire. 6.8.3.3. Les noms propres La transcription de Lily and Rose est souvent Lily Andrews ou Lilian Rose. Phonétiquement parlant, ces transcriptions sont acceptables, par contre elles montrent l’incompréhension des participants. Il y a également un problème au niveau de l’accent de mot qui a été déplacé. Cinders a aussi été mal perçu ce qui peut être expliqué par des manques de connaissances (par ailleurs, ce prénom n’existe pas en français). Voici les transcriptions les plus fréquentes de ce dernier : 232 Chapitre 6 Discussion Cinders • Senders • Cindy • Cinder • Sander • Send us • Send this • Since this • Since us Cependant, la plupart du temps, ce mot n’a pas du tout été transcrit. 6.8.3.4. Les mots rares Le lexique de l’auditeur affecte l’intelligibilité des variétés et les mots fréquents sont plus faciles à comprendre que les mots rares. Bond (2005) a trouvé que les auditeurs pouvaient percevoir un mot lexical qui n’était que vaguement lié à l'énoncé initial. Ces substitutions ont quelque ressemblance avec le domaine du mot cible. Il donne l’exemple du mot pathology qui est perçu comme psychology. Nous pensons qu’il est possible que ce phénomène reflète un manque de connaissances lexicales de la part des auditeurs, qui saisissent la signification de l’énoncé, mais remplacent un mot rare ou inconnu par un mot fréquent qu’ils connaissent. Par exemple, le mot insisted pourrait être remplacé par le mot said. Les deux n’ont pas exactement le même sens mais signifient tout de même que le locuteur a parlé. Nous allons illustrer ce point avec quelques exemples ainsi que leur transcription la plus fréquente. Yelled : (Cambridge) • Yelled • Yeld • Year • Yeald Nous pouvons dire que ce mot a été perçu, même si les participants ne le connaissaient pas (ce qui explique sans doute une mauvaise orthographe). La structure de la phrase (C1ERL24) 233 Chapitre 6 Discussion indique qu’il s’agit d’un mot équivalent à « dire » même s’il n’est pas certain qu’ils sachent que cela correspond à « crier ». Cela signifie que le sens de l’énoncé a globalement été compris, mais que ce mot ne l’a pas été. Nous pouvons imaginer que les auditeurs ont eu l’impression de comprendre. Le prochain exemple est celui de slipper qui apparaît souvent dans le texte et qui a été transcrit de la façon suivante : Slipper (Cambridge) • Slipper • Slepper/sleper • Sepper • Sleeper • Sleep out • This laper Les transcriptions dans cet accent montrent clairement que /p/ est bien perçu dans le mot slipper même lorsque l’item lui ne l’est pas. Par contre, nous notons la difficulté à percevoir correctement la voyelle /ɪ/, ce qui est fréquent chez les francophones. La transcription singulière de « this laper » est un très bon exemple d’un problème de segmentation de « this slipper » avec en plus, une mauvaise perception de la voyelle /ɪ/. Ce genre de perception est fréquent dans d’autres variétés, notamment dans la perception de glass slipper. Glass slipper : (Belfast) • Glass slipper • Glass/glasses • Glass laver • Class labour • Clan labour • Class level/library/leder • Class Nous pensions que glass poserait pas de problèmes. Toutefois, l’erreur la plus fréquente rappelle le fait que les groupes consonantiques sont difficiles à percevoir pour les 234 Chapitre 6 Discussion francophones. En plus, ils ont tendance à se tromper dans la perception des plosives (/g/ – /k/). Ce type de transcription a souvent été noté dans les autres variétés. Nous avons évoqué le cas du mot hairbrushes dans l’accent de Belfast, que nous avons considéré comme un mot fréquent. En revanche, nous estimions que le mot hairpins serait difficile à comprendre tout d’abord à cause de sa basse fréquence. Les auditeurs francophones ont transcrit hairpins de la manière suivante : Hairpins : (Belfast) • Hairpins • Hairpaints • Her pens • Her pants • Her pounds • Her parts En effet, ils ont compris her à la place de hair → /hɚ/, hairpins → /hɚpɪnz/. Cette mauvaise perception était à prévoir pour deux raisons : - premièrement, elle est normale si l’on ne connaît pas ce trait de l’accent de Belfast. - deuxièmement, lorsque le mot her remplace celui de hair, la phrase garde une signification tout à fait plausible : they wanted her brushes, her pins and her spray. De cette manière, nous pensons que les auditeurs avaient l’impression de comprendre. Par contre, ce qui était moins prévisible est que pins soit perçu comme pens/pants. /ɪ/ est perçu comme /e/ ou /a/. Cependant, nous pensons qu’ici il s’agit davantage d’un effort de compensation pour un mot inconnu qui est remplacé par un mot beaucoup plus fréquent. 6.8.4. Différentes mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent (mots fréquents) Nous allons voir maintenant que les mots fréquents peuvent également être mal perçus. Nous pensons que cette incompréhension peut parfois donner l’impression de comprendre l’énoncé. 235 Chapitre 6 Discussion Dans cette section, ces mauvaises perceptions sont davantage liées aux traits caractéristiques des accents puisqu’il s’agit de mots fréquents. Par exemple dans l’énoncé S1SBL23, recognised her (/ɾɛxənaɪz/) a été perçu comme: • recognise(d,s) him/the/them/it, • (a very) nice day – {(recog) nise dher}. Nous pensons que plusieurs phénomènes ont transformé ce dernier ; nous allons tenter d’expliquer notre point de vue sur la perception de ce mot. Il y a d’abord la réalisation de /ɾ/ au début de la phrase qui a sans doute perturbé les auditeurs qui n’ont surtout pas l’habitude de l’entendre dans une position initiale. Ensuite, il existe une difficulté à percevoir /x/, un phonème qu’ils ne connaissent pas. Il est possible qu’ils aient inséré une frontière de mots après ce phonème et qu’ils n’aient pas compris le début du mot à cause de ces deux traits de l’accent. Ils ont donc ignoré cette partie (recog), ce qui laisse « nisedher ». En cherchant ce à quoi cela pourrait correspondre, ils ont de nouveau mal inséré une frontière de mots et transcrits nice day – nise dher. 151 En revanche, dans le mot dreamed, les auditeurs francophones n’ont pas perçu le /ɾ/. 152 Ils ont transcrit : deemed, dimed à la place. Nous avons vu le cas de hairpins, plutôt un mot rare ; voilà maintenant ce que les francophones ont perçu en entendant les mots hairbrushes (mot fréquent). Hairbrushes: (Belfast) • Hairbrushes • Her brushes • Her precious • Irish pressure • Hair pressure • Higher pressure • Her pressure • Her… 151 La voyelle dans her donne l’impression de percevoir «day ». Communication personnelle de Kevin Watson. À Liverpool /ɾ/ est fréquent au début d’un mot dans la séquence (obstruant + r), communication personnelle de Kevin Watson. 152 236 Chapitre 6 Discussion • To appreciate/to impressure Nous estimons que les auditeurs ont eu l’impression de comprendre puisque la phrase reste cohérente. La tendance est de percevoir brushes comme pressure (/b/ - /p/) et il y a davantage de personnes qui ont compris her à la place de hair. Il y a toutefois quelques transcriptions correctes. En ce qui concerne la phrase: Prince William and Cinders danced for hours (M3PMM20), les sujets l’ont trouvée difficile, ce qui pourrait être considéré comme normal à cause des noms propres. Toutefois, la mauvaise perception concernait plutôt la fin de la phrase : danced for hours, qui est constituée de trois mots très fréquents. Nous ne l’avons pas classé dans la section sur les noms propres puisque nous considérons que la difficulté principale ne se trouve pas dans ceux-ci. Il paraît évident qu’il s’agit de la réalisation de hours (/ɚ:z/), intrinsèque à l’accent de Malahaide qui empêche la compréhension. Au début de cette section, nous avons donné l’exemple de heart (/hæːt/) qui était perçu comme hat pour illustrer le fait que les participants avaient l’impression de comprendre l’énoncé. Dans l’accent de Newcastle, le mot amazed (/əˈme:zd/) a été perçu par les francophones comme amazed, miss, admissed, a mess, the miss, missed, a myth, amused, à cause de la voyelle brève dans ce mots. Cela montre également qu’une confusion lexicale peut aussi mener à une incompréhension totale. 6.8.5. Discussion : hypothèse 7 sur les types de compréhension chez les francophones. Récapitulatif de l’effet prévu de la tâche: - des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale - des confusions totales avec l’illusion de comprendre - différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole (réductions de mots, mots rares) - différentes mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent (mots fréquents) 237 Chapitre 6 Discussion Validation de l’hypothèse 7 : l’effet obtenu : - des confusions partielles qui mènent à une incompréhension totale de l’énoncé. Ceci s’est avéré exacte. Quelquefois, les auditeurs ne transcrivent (presque) rien ; d’autre part, la transcription de certaines phrases démontre bien l’incompréhension. - des confusions totales avec l’illusion de comprendre. En effet, la transcription de mots tels que hairbrushes comme her brushes prouvent que les auditeurs francophones avaient l’impression de comprendre les énoncés. Ces confusions ont pu être observées en raison d’une mauvaise perception. - il existe différentes mauvaises perceptions liées au traitement de la parole, notamment la réduction de mots, les mots rares et le traitement de noms propres. - il existe des mauvaises perceptions liées au traitement de l’accent : il s’agit surtout de mots fréquents qui, soit ont été mal compris, soit donnaient l’impression de comprendre. Le vocabulaire ne semble pas être toujours problématique au point où nous l’avions craint. Nous nous attendions à voir des difficultés avec certains mots peu fréquents et avec les noms propres. Bien que nous ayons effectivement trouvé des exemples de ce genre d’erreurs, les sujets ont également réussi à reconnaître certains mots qu'à l’origine ils ne connaissaient pas.153 Par exemple, le mot resolved, qui était un mot peu connu par les sujets et qui n’est pas très fréquent ; mais il a été correctement transcrit.154 Mais les mêmes sujets qui étaient capables de transcrire ce mot inconnu ont eu des difficultés avec d’autres, tels que fairy godmother (seulement une personne a dit ne pas connaître le mot fairy, personne pour fairy godmother). Ces résultats montrent que les francophones peuvent comprendre certains mots qu’ils ne connaissent pas. Cependant, Cinders était difficile à comprendre, ce qui montre que les noms propres (qui n’ont en tout cas pas d’équivalent proche en français) aboutissent souvent à une incompréhension totale. 153 Cf. annexe 12 pour la liste des mots non connus. Cette liste a été établit à la fin des toutes les expériences. Aucun participant n’a noté ce mot comme inconnu, mais après l’expérience certains ont raconté qu’ils ne le connaissaient pas. 154 238 Chapitre 6 Discussion Chez les non-natifs, ce qu’ils pensaient avoir entendu pouvait résulter en des phrases qui n’avaient plus rien à voir avec la phrase d’origine. Comme on l’a déjà suggéré plus faut, les difficultés pour les participants francophones, qui ne sont pas toujours liées aux variétés, sont le lexique, la réduction des mots et les frontières de mots. Cependant, les mots fréquents pouvaient être mal compris, ce qui se traduit par un effet de l’accent sur ces mots-là. Les phrases contenaient un certain nombre de mots correctement transcrits mais aussi des blancs et des non-sens. Il est toutefois difficile de considérer cette tâche comme un véritable test de compréhension, tout simplement parce que nous ne sommes pas convaincue qu’ils aient toujours compris. Il semble difficile de d’avoir accès aux processus mentaux que les auditeurs non-natifs ont utilisés. C’est peut être pour cette raison que nous avons trouvé à la fois des confusions totales et partielles ainsi que de l’incompréhension et l’impression de comprendre. Certains accents ont été mieux compris que d’autres et ce, malgré la présence de mots rares ; dans les accents de Cambridge et de Cardiff, les mots rares n’ont pas empêché la compréhension. Cela voudrait dire que dans les accents de Newcastle et de Malahide, bien que les mots soient difficiles ou rares, c’est plutôt les traits intrinsèques à l’accent qui ont gêné la compréhension. Nous pensons que la transcription peut nous donner une bonne idée des capacités des auditeurs à comprendre ce qu’ils entendent, même si certains résultats montrent qu’ils ne comprennent pas toujours ce qu’ils ont écrit. Les mots réduits montrent tout le problème que constitue la réduction des voyelles pour un francophone, chose que nous n’attendions pas à ce point. D’une façon générale, nous pensons que les étudiants n’ont pas vraiment compris tout ce qu’ils ont entendu. Certains mots sont essentiels dans l’histoire de Cendrillon, ce qui n’est pas un facteur négligeable. Il est possible que si nous avions utilisé un autre passage lu avec moins de noms propres, nos résultats auraient été différents. 6.9. Hypothèses 8 : Les variétés les plus faciles à comprendre sont les moins identifiables. Nous pensons que les accents les moins identifiés dans l’expérience 1 sont les moins typiques parce qu’ils ne contiennent pas suffisamment de traits caractéristiques régionaux pour être identifiés. Il est possible de parler d’une certaine neutralité dans ces accents et donc qu’ils devraient être les plus facilement compris. 239 Chapitre 6 Discussion Dans l’étude d’Ikeno et Hanson (2006), les résultats ont montré que les accents régionaux les plus compréhensibles ont eu tendance à être perçus comme accent natif. Ces résultats indiquent toutefois que l’accent le plus compréhensible n’est pas nécessairement celui qui est le mieux identifié. 6.9.1. Validation de l’hypothèse 8. Les deux variétés les mieux comprises de la part de francophones ont été W et C. Cambridge (SE) a été le mieux identifié lors de l’expérience 1 et le Pays de Galles le moins bien identifié. Cependant, les francophones ont bien compris l’accent de Liverpool qu’ils n’arrivaient pas à associer au Nord de l’Angleterre. En ce qui concerne les natifs, la variété de Liverpool s’est montré le troisième accent le mieux compris alors que dans la tâche d’identification des régions, NE était également classé troisième, sur cinq régions différentes. Lors de l’expérience d’identification par ville (que seuls les natifs ont passé), la ville de Liverpool arrive quatrième (sur neuf). Cependant, les accents de Londres et de Newcastle sont identifiés avant tous les autres alors qu’il ne s’agissait pas des plus faciles à comprendre dans l’expérience 4. 6.9.2. Discussion : hypothèse 8 la compréhension et l’identification d’un accent régional. Nous pouvons en conclure qu’une des variétés les mieux comprises est également la moins identifiable (W) en particulier pour les non-natifs. Le rapport entre les deux pour les natifs n’est pas apparent. Cela signifierait que cette hypothèse n’est pas vraiment bonne. L’accent de Cambridge est sans doute le plus familier pour les deux populations ce qui explique qu’il était à la fois très bien compris et bien identifié. Nous pensons donc que les résultats dépendent davantage de ce facteur que du rapport entre identification et compréhension. 6.10. Conclusion. Dans la plupart des expériences que nous avons vues dans le chapitre précédent, la perception et la compréhension varient selon les sujets et selon les expériences. Pouvons nous trouver les mêmes erreurs de perception ainsi que des similitudes dans les réponses ? Si la réponse est positive, on pourrait dire que les participants perçoivent les accents régionaux de la même manière. Par exemple, si les francophones répondent de façon semblable il serait possible, à 240 Chapitre 6 Discussion partir de ce constat, de comprendre davantage leurs mécanismes de perception et de compréhension. En quelque sorte, cette hypothèse nous sert également de résumé de l’effet de les accents régionaux lors des tâches différentes et chez les populations différentes. Expérience 1 – Identification des régions Les deux populations qui ont passé cette expérience ont eu des résultats bien différents. Dans la mesure où il s’agit de natifs et de non-natifs, ce résultat est bien normal et indique que les natifs font appel à un système de référence de ces variétés conservé en mémoire. Ceci leur a permis de bien réussir cette tâche. En revanche, les sujets non-natifs n’avaient aucune connaissance des accents britanniques et de ce fait ne pouvaient pas se référer à des représentations de ceux-ci. Par conséquent, ils ne sont pas arrivés à identifier les accents, à l’exception des accents « non-natifs et de celui du SE. Cela s’explique par le fait qu’ils ont l’habitude d’entendre l’accent du Sud de l’Angleterre (RP) et qu’ils peuvent donc le comparer aux représentations qu’ils ont gardées en mémoire. Les résultats laissent également supposer qu’ils ont une bonne idée de ce qui constitue un locuteur non-natif et c’est pour cette raison qu’ils ont pu correctement l’identifier. Ce résultat est important parce qu’il met clairement en évidence le rapport entre la capacité d’identifier une région et la familiarité de l’auditeur avec celle-ci. Expérience 1 à 3 – Les auditeurs britanniques Ces tâches ont permis de constater que les auditeurs britanniques pouvaient identifier les accents à la fois en fonction de la ville et de la région. Les résultats ont montré qu’il pouvait exister une différence entre les jugements de la part des auditeurs et leur réelle capacité à identifier les accents régionaux. Nous en avons conclu que les résultats des 2 premières expériences sont beaucoup plus fiables puisqu’elles font moins appel à des jugements liés à des stéréotypes. Expérience 4 Nous avons vu que pour cette expérience les groupes natifs avaient des résultats semblables à ceux des groupes non-natifs mais avec des taux d’erreurs beaucoup moins élevés. Bien entendu, leur niveau de compréhension variait selon leur familiarité avec les accents ; les 241 Chapitre 6 Discussion auditeurs britanniques ont le mieux compris et les francophones non-expérimentés le moins bien. Mais de façon générale, les mêmes accents ont été les mieux compris (W, C et S). Les erreurs de certains mots pouvaient être similaires chez les non-natifs et les natifs (sighed – said). La compensation de la variation induite par les variétés régionales se retrouve donc chez tous les groupes mais à des niveaux différentes et pour certains mots elle ne fonctionnait pas du tout. Nous avons vu qu’il pouvait arriver que toutes les populations perçoivent mal les accents même lorsqu’ils avaient l’impression de comprendre. Il avaient notamment des similitudes dans la perception des deux groupes de francophones, ce qui montre que ces derniers avaient le même traitement des accents régionaux. L’effet de la longueur de phrases était le même chez les non-natifs (C, L, M) et était également identique pour les deux groupes d’anglophones. Ce qui suggère que le traitement est fait en fonction de la L1. Nous avons trouvé que la RP n’était pas l’accent le plus facile à comprendre pour les francophones. Nous avons également constaté à quel point la parole continue pouvait poser de difficultés lors de cette expérience de compréhension. Chaque expérience, ainsi que chaque groupe, nous a fourni des informations sur le traitement des variétés régionales britanniques. Maintenant que nous avons validé et discuté nos hypothèses, il convient de présenter une conclusion générale sur l’ensemble de ce travail. 242 Conclusion générale et perspectives de recherches CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHES On sait que les auditeurs comprennent certains dialectes plus facilement que d’autres (Major et al, 2005). Les apprenants d’anglais qui se rendent dans un pays anglophone sont inévitablement confrontés à des variétés autres que la variété standard (RP) qu’ils ont généralement apprise dans leur pays. Pourtant, il semble toujours normal à la majorité des didacticiens de faire l’hypothèse que les apprenants auront plus de facilité à comprendre la variété standard que d’autres variétés régionales, ethniques ou même internationales. Cette hypothèse est de plus en plus remise en question tout comme le statut de l’accent RP. Certains linguistes proposent que ce dernier est même plus difficile à comprendre que d’autres accents. Wells (1982) suggère que face à des difficultés de prononciation, les apprenants devraient emprunter des traits d’autres variétés tels que le remplacement du phonème /l/ par une voyelle, comme cela est le cas dans l’anglais de l’estuaire (de cette façon, le mot milk est énoncé /mɪok/). Foulkes, P. et Docherty, G. (1999) s’interrogent sur le statut de la RP, ses changements qui ne sont pas toujours reflétés dans l’enseignement ainsi que sa place en tant que modèle dans l’enseignement de l’anglais langue étrangère. D’autres linguistes suivent cette idée et proposent soit d’utiliser une autre variété comme modèle de prononciation (Abercrombie le faisait déjà en 1967), ou bien une liste de réalisations essentielles pour la compréhension (Jenkins, 2006). Il semblait donc nécessaire de conduire des recherches empiriques sur la compréhension de ces variétés afin d’en déterminer le coût de traitement et d’identifier les difficultés particulières rencontrées par les apprenants, tout particulièrement francophones. Nous avons vu que les quelques études qui ont essayé de mesurer l’intelligibilité de la RP ainsi que d’autres variétés d’anglais ont conclu que l’accent RP n’était pas le plus facile à comprendre (Hanson et Ikeno, 2007, Fraser Gupta 2005). L’étude de Hanson et Ikeno (2007) a en effet montré que l’accent de Cardiff était plus facile à comprendre que l’accent proche de la RP (Cambridge). Cependant, les auteurs n’avaient utilisé que trois variétés régionales du corpus IViE. Nous voulions connaître l’intelligibilité des neuf accents présents dans ce corpus afin d’apporter une réponse plus complète que celle avancée par Hanson et Ikeno. Dans la présente étude nous avons voulu donc évaluer un plus grand nombre d’accents et nous avons mené des expériences non seulement sur la compréhension de ceux-ci mais également sur leur identification en fonction de la provenance géographique des locuteurs. Ce 243 Conclusion générale et perspectives de recherches travail a ciblé en premier une population d’apprenants francophones en deuxième année de Licence en anglais afin de voir comment ils pouvaient traiter la variation induite par les accents régionaux. Cependant pour pouvoir établir une analyse contrastive, trois autres groupes ont également participé à l’expérience de compréhension. Il s’agit de natifs britanniques qui ont servi de groupe témoin, de francophones plus expérimentés avec la langue anglaise (niveau Master 2 minimum) et un groupe de natifs américains. Avec les trois premières expériences, nous avons tout d’abord cherché à valider l’utilisation du corpus IViE afin de s’assurer qu’il contenait des accents suffisamment caractéristiques pour une étude des accents régionaux. Elles ont également permis de choisir les locuteurs les plus typiques possible pour l’expérience de compréhension. En plus de ces objectifs, nous avions aussi voulu connaître les capacités des auditeurs natifs et non-natifs à classer correctement ces accents en fonction de leur provenance géographique. Il est généralement admis que les natifs peuvent effectuer cette tâche sans grande difficulté mais une population francophone n’avait jamais été soumise à ce genre d’exercice. Premièrement, les résultats des expériences 1 à 3 ont mis en évidence certaines caractéristiques du corpus, telles que la non-typicalité des enregistrements des variétés de Leeds et de Cardiff. Cependant, si certains avancent l’hypothèse que le corpus IViE est constitué d’accents très modérés ou peu représentatifs, nos résultats indiquent le contraire. Dans le présent travail nous avons montré que ce corpus n’est, en réalité, pas si atypique. Les résultats de la troisième expérience viennent confirmer que, de façon globale, ce corpus pouvait être évalué entre « assez » et « quelque peu » typique sur une échelle allant de « absolument » à « pas du tout » typique. Tout au long de ce travail, nous avons souligné que lorsqu’on arrive à identifier la provenance régionale d’un locuteur, il est possible de dire que celui-ci est suffisamment représentatif de sa ville ou région. Les auditeurs britanniques ont su classer les locuteurs en fonction de ces deux éléments (cf. les expériences 1 et 2 : régions et villes), ce qui montre à la fois que cette tâche est à la portée des natifs britanniques naïfs mais aussi, que l’accent des locuteurs est en général typique. Les apprenants francophones (peu expérimentés) ont également participé à l’expérience sur l’identification des régions. Étant donné qu’ils n’avaient aucune connaissance particulière des variétés régionales, nous avions émis l’hypothèse que cette tâche leur serait trop difficile. Les résultats ont toutefois montré qu’ils étaient capables d’identifier deux groupes sur cinq. Il s’agit des locuteurs Bradford-Panjabi et Londres-Jamaïcain, qu’ils ont effectivement perçus 244 Conclusion générale et perspectives de recherches comme ayant un accent non-natif ainsi que les locuteurs de Cambridge, qu’ils ont pu identifier comme appartenant à l’Angleterre du Sud. Ces résultats sont non seulement les premiers à démontrer que les apprenants francophones sont capables de percevoir les différences phonologiques induites par un accent régional dans une langue étrangère, mais également que les participants ont su reconnaître l’accent avec lequel ils sont le plus familiarisés (RP). Cela indique qu’ils ont une représentation conservée dans leur mémoire de l’accent de type RP et qu’ils peuvent y faire appel. Nous pouvons en conclure qu’à force d’entendre un seul et même accent anglais, ils s’y sont habitués. Cela représente une avancée substantielle en matière de perception et indique que les apprenants pourraient faire de même pour d’autres variétés de la langue. L’autre conclusion que nous pouvons tirer de cette expérience est que ces francophones ont aussi une idée très précise de ce qu’est un accent anglais non-natif ; ils savent ce qui n’est pas une représentation d’une variété anglaise. Ils sont donc capables de percevoir et de traiter la variation lors d’une tâche d’identification avec le peu de connaissances qu’ils avaient à cet égard. Tout comme d’autres études sur la perception de variétés régionales (en anglais ou en français par exemple), nous avons utilisé une autre variable, celle de la longueur des énoncés. Le fait d’entendre des phrases plus longues peut avoir un effet sur les résultats. Nous avons effectivement trouvé que les indices supplémentaires fournis dans les phrases longues ont aidé les auditeurs britanniques à identifier la provenance des locuteurs plus facilement. En revanche, ce facteur n’a pas eu d’effet sur les résultats des francophones. Cependant, ces derniers n’avaient aucune connaissance générale des accents régionaux britanniques et il leur été donc impossible de comparer ce qu’ils entendaient à un quelconque système de référence, comme pouvaient le faire les Britanniques. Une des limites de cette expérience est qu’à l’exception des deux variétés que les apprenants francophones ont su identifier, il est impossible de dire à quel point ils percevaient les différences entre les trois autres catégories d’accents (Irlande, l’Angleterre du Nord et le Pays de Galles). Autrement dit, même s’ils arrivaient à percevoir certaines différences ils n’avaient pas les connaissances requises pour pouvoir les classer en fonction de la région. On peut toutefois dire que ces accents ont, de façon générale, été perçues comme étant ni standards, ni étrangers. Ensuite, nous avons voulu évaluer les capacités des quatre populations à comprendre ces accents régionaux. La variabilité induite par ceux-ci peut être problématique à traiter, surtout pour les non-natifs. Nous avons souvent constaté lors de nos recherches que la familiarité et les connaissances de la langue et ses variétés régionales pouvaient être des facteurs 245 Conclusion générale et perspectives de recherches importants. Pour cette expérience sur la compréhension, nous avons aussi introduit deux groupes de natifs afin d’évaluer l’effet des problèmes liés à l’interférence de la L1 des francophones et ainsi juger de la véritable difficulté des accents régionaux. Les natifs britanniques sont à la fois familiers avec ces accents et n’ont a priori aucun problème lié au lexique ni au traitement de la parole continue. Le deuxième groupe de natifs (G4-AM) n’a pas l’habitude d’entendre ces accents britanniques mais sont supposés ne pas rencontrer de difficultés dans le traitement des énoncés. Ce groupe a été introduit dans notre expérience pour juger des coûts des accents régionaux lors de la compréhension. En effet, les anglophones ont eu beaucoup moins de difficulté à s’adapter et à compenser la variation des stimuli que les francophones. Bien entendu, le fait d’être natif et donc d’avoir une profonde connaissance de la langue facilite la compréhension. De plus, l’effet de l’habitude a également un rôle à jouer puisque nos résultats montrent que les participants britanniques ont mieux réussi cet exercice que les auditeurs américains qui y étaient moins familiarisés. Ceci rejoint ce que Hanson et Ikeno (2007) ont trouvé sur trois des accents du même corpus. Cependant, malgré les critiques faits sur la typicalité des accents du corpus IViE, il n’en reste pas moins que ces derniers causent quelques difficultés de compréhension chez les natifs et des problèmes importants chez les francophones, quel que soit leur niveau de langue et d’études. Nous avions aussi émis l’hypothèse que les francophones qui ont un niveau de langue plus élevé (G3-FR) que ceux qui ne sont que dans leur deuxième année d’études universitaires (G1-FR) pourraient nous donner une idée des difficultés lexicales qui étaient parfois assez spécialisées. Cependant, nos résultats montrent que d’autres facteurs que le lexique se posent, tels que les problèmes des frontières de mots ou de réduction. Il apparaît que les francophones de tous niveaux (en tout cas des deux niveaux exploités ici) ont rencontré des difficultés à traiter les variations dues à des variétés régionales, bien entendu à des degrés différents. Toutefois, il leur a été parfois difficile de retrouver le sens correct d’un mot ou un sens cohérent à la phrase, du fait de variations peu familières, mais aussi de problèmes liés à la parole continue. Ces deux facteurs ont causé davantage de problèmes que le lexique. En effet, nous avons constaté que les francophones étaient capables de correctement transcrire certains mots qu’ils ne connaissaient pas. Nous avons toutefois pu valider l’hypothèse en montrant que les auditeurs francophones qui avaient un niveau d’études supérieures ont mieux compris et traité les accents régionaux. Nous pouvons donc conclure que les connaissances d’une langue aident dans le traitement de la variation. 246 Conclusion générale et perspectives de recherches La plupart des études de perception se concentrent sur des phonèmes ou des mots isolés. Dans ce travail, afin d’évaluer la compréhension des accents régionaux, nous avons utilisé des phrases de longueurs différentes. Il a été montré que lorsqu’un auditeur reçoit plus d’informations (avec un énoncé plus long) il peut se servir davantage du contexte ou des indices dans la phrase pour retrouver le message linguistique. Cependant, certaines études ont trouvé que la longueur ne contribuait pas toujours à une meilleure perception mais introduisait plutôt un coût dans le traitement de la phrase. Lors de cette expérience, tous les groupes ont eu des taux d’erreurs plus élevés lorsqu’ils écoutaient les phrases de longueur moyenne. Ce constat rappelle les résultats des études qui ont également utilisées cette variable (Floccia et al. 2004, 2006, Dupoux et Green, 1997). Ces auteurs ont expliqué que le processus d’adaptation se déclenchait seulement après avoir reçu une certaine quantité du signal. Cela voudrait dire que pendant l’écoute des phrases de longueur moyenne, ce processus se met à fonctionner et perturbe ainsi que le traitement de l’énoncé. À partir de ce moment, l’auditeur doit à la fois traiter l’information qu’il reçoit (l’ajustement à court terme) tout en créant un système de référence (l’apprentissage à long terme) auquel il peut se reporter à l’avenir. Bien que la familiarité des accents régionaux semble être un facteur important, comme Floccia et al. (2004, 2006) l’ont expliqué, la possibilité qu’il y ait ces deux mécanismes qui fonctionnent ensemble nous paraît être plus cohérent. Cela expliquerait pourquoi la compréhension lors des phrases moyennes est plus difficile. Ce résultat signifierait que les non-natifs sont non seulement capables de percevoir et traiter la variabilité induite par les accents régionaux mais qu’ils essayent également d’en conserver certains traits dans leur mémoire. Nos résultats ont confirmé que les variétés d’anglais sont difficiles à comprendre pour les francophones, certaines plus que d’autres. Par exemple, celle qui s’est révélée la mieux comprise est curieusement celle de Cardiff. Contrairement à ce que l’on pense souvent, l’accent RP n’a pas été le plus facile à comprendre. Ce résultat est le premier, à notre connaissance, à remettre en cause, de façon empirique, la suprématie de l’intelligibilité de ce dernier en le comparant à autant d’accents régionaux britanniques. Cela entraîne des implications sur l’enseignement de l’anglais aux francophones et sur certains facteurs susceptibles de faciliter l’apprentissage et la compréhension de cette variété. Il serait intéressant de confirmer dans d’autres expériences si l’accent gallois est toujours le plus facile à comprendre pour les apprenants francophones. Il serait également intéressant de mener des recherches pour essayer de comprendre quels sont les caractéristiques objectifs de cet accent 247 Conclusion générale et perspectives de recherches (débit plus lent, sur-articulation, rythme, absence de neutralisations vocaliques) qui le rendent particulièrement compréhensible pour des francophones. D’après nos résultats nous pouvons constater que la connaissance et la familiarité sont des facteurs importants lors du traitement de la variabilité. Cela explique l’ordre dans lequel les participants ont mieux réussi la tâche de compréhension à savoir, ceux qui en avaient le plus de connaissances et de familiarité (les Britanniques) ont eu de meilleurs résultats que ceux qui en avaient le moins (les francophones peu expérimentés). Parmi ces deux facteurs, la connaissance semble primer sur la familiarité puisque les participants américains ont largement mieux compris que les francophones expérimentés. Les résultats de nos expériences devraient donc être pris en compte dans l’enseignement de l’anglais. Il serait en effet intéressant de proposer des cours d’entraînement où l’apprenant serait confronté aux phénomènes décrits ci-dessus afin d’améliorer sa compréhension globale de l’anglais, notamment en parole continue. L’expérience menée sur la compréhension de la langue cible a surtout montré que certains traits des accents régionaux sont plus faciles à comprendre que d’autres. Nous avons montré qu’il existe deux types d’erreurs ; celles qui sont le fruit d’aspects inconnus tels que le phonème /χ/ dans la variété de Liverpool mais aussi celles qui reflètent les problèmes de perception récurrents chez les francophones, par exemple la distinction de certaines voyelles (par exemple, la distinction entre /ɪ/ et /e/). Ces résultats viennent donc infirmer l’idée selon laquelle la RP serait plus « accessible » aux apprenants que d’autres accents. Nous suggérons donc, puisque la RP est toujours la norme dans l’enseignement de l’anglais L2, qu’il serait primordial de mettre à jour les caractéristiques de ce dernier afin de refléter davantage les changements et la réalité linguistique. Ces résultats de l’expérience menée sur la compréhension des francophones illustrent bien le fait que la parole continue est un véritable problème pour eux, chose à laquelle nous ne nous attendions pas à ce point. Nous avons montré que ce type de parole rend la compréhension difficile aux niveaux de la perception et du placement des frontières de mots et la réduction des voyelles et des mots. Ces aspects de la parole continue s’avèrent donc être plus complexes à traiter que les items lexicaux inconnus. Parce que ces phénomènes posent des difficultés dans la compréhension des variétés de l’anglais, il est donc nécessaire que l’enseignant d’anglais ne se restreigne pas lors de son cours à une parole « soignée » mais au contraire pratique un style de parole très naturel voire plus rapide afin d’habituer l’apprenant francophone à ces différents phénomènes. Le fait que 248 Conclusion générale et perspectives de recherches certaines variétés peuvent affecter la compréhension de la langue a également des implications pédagogiques. Il est important d’aborder et de présenter ces variétés pour préparer les étudiants à se doter des mécanismes perceptifs nécessaires pour y faire face. À terme, il serait intéressant de conduire d’autres expériences plus ciblées basées sur ces résultats. Par exemple, des expériences qui mettent en évidence les différences vocaliques les plus difficiles pourraient être menées dans le but de connaître avec précision les caractéristiques des « prototypes vocaliques » qui servent de repères aux francophones lors d’une tâche de compréhension en anglais. Nous nous proposons aussi de concevoir une expérience qui utiliserait les mêmes mots pour l’accent de Cambridge et les autres accents. Nous pourrions alors avoir recours à deux groupes : un qui n’écouterait que celui de Cambridge puis l’autre qui se verrait présenter toutes les autres variétés régionales. Toutefois, cette étude a également souligné le fait qu’il existe énormément de possibilités dans le domaine de la parole continue et de son traitement, aussi bien pour les variétés régionales que pour les accents plus familiers. Il paraît donc primordial de continuer dans cette voie. Dans le présent travail, nous voudrions attirer l’attention des pédagogues sur le fait qu’il existe d’autres variétés de l’anglais qui font aussi partie de la langue anglaise. À l’évidence, les étudiants francophones n’ont que trop peu connaissance de ces variétés et rencontrent donc d’énormes difficultés lorsqu’ils y sont confrontés. Cette étude souligne également qu’il faut prendre en compte les changements qu’il y a eu dans l’accent RP qui ne sont pas reflétés dans celui qui est enseigné. L’autre objectif de ce travail était de convaincre pédagogues et didacticiens de former les étudiants francophones à la compréhension de la parole continue, avec ses assimilations, ses réductions vocaliques et ses « subtiles » frontières de mots : il s’agit ici tout simplement de préparer une écoute de l’anglais tel qu’il est parlé dans les divers pays anglophones. Même si nous avons conscience de l’ambition et de la difficulté que pourrait poser un tel défi, nous pensons cependant qu’il est aujourd’hui indispensable, dans le cadre de l’apprentissage des langues étrangères, de confronter l’apprenant aux variétés d’une langue. 249 Références bibliographiques RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Abercrombie, D. 1967. Elements of General Phonetics. Edinburgh: Edinburgh University Press, 203pp. Armstrong, N. 2004. Le nivellement dialectal en anglais et en français : le jeu de facteurs perceptuels. In Actes du Colloque Modélisations pour l’Identifications des langues et des Variétés Dialectals (MIDL), Paris, 2004. 109-114. http://www.limsi.fr/MIDL/actes/conference%20invitee%20II/Armstrong_MIDL2004.pdf Beal, J. 2004. The phonology of English dialects in the North of England. in B. Kortmann (eds.) A Handbook of Varieties of English. Volume 1. Berlin: Mouton, 113-133. Beddor, P.S. et Gottfried, T.L. 1995. 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Cinders lived with her mother and two stepsisters called Lily and Rosa. Lily and Rosa were very unfriendly and they were lazy girls. They spent all their time buying new clothes and going to parties. Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs! And she had to do the cleaning! One day, a royal messenger came to announce a ball. The ball would be held at the Royal Palace, in honour of the Queen¹s only son, Prince William. Lily and Rosa thought this was divine. Prince William was gorgeous, and he was looking for a bride! They dreamed of wedding bells! When the evening of the ball arrived, Cinders had to help her sisters get ready. They were in a bad mood. They'd wanted to buy some new gowns, but their mother said that they had enough gowns. So they started shouting at Cinders. 'Find my jewels!' yelled one. 'Find my hat!' howled the other. They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray. When her sisters had gone, Cinders felt very down, and she cried. Suddenly, a voice said: 'Why are you crying, my dear?'. It was her fairy godmother! The girl poured her heart out: 'Lily and Rosa have it all!' she cried, 'even though they're awful, and fat, and they're dull! And I want to go to the ball, and meet Prince William!' 'You will, won¹t you?' laughed her fairy godmother. 'Go into the garden and find me a pumpkin'. Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage. 'Now bring me four white mice,' the godmother said. The girl went, and found one... two...three...four mice. The fairy godmother changed the mice into four lovely horses to pull the carriage. Then the girl looked at her old rags. 'Oh dear!' she sighed. 'Where will I find something to wear? I don't have a gown!' 'Hmmm...' said the fairy : 'Let's see, what do you need? You'll need a ballgown... you need jewellery... you need shoes, and... something needs to be done about your hair. And would you like a blue gown or a green gown?' For the third time, Cinders' godmother waved her magic wand. A ballgown, a robe and jewels appeared. And there were some elegant glass slippers. 'You look wonderful,' her fairy godmother said, smiling. 'Just remember one thing - the magic only lasts until midnight!' And off Cinders went to the ball. 267 Annexes In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown. 'Who is she?' they asked. Prince William thought Cinders was the most beautiful girl he had ever seen. 'Have we met?' he asked. 'And may I have the honour of this dance?' Prince William and Cinders danced for hours. Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother¹s warning. Suddenly the clock chimed midnight! Cinders ran from the ballroom. 'Where are you going?' Prince William called. In her hurry, Cinders lost one of her slippers. The Prince wanted to find Cinderella, but he couldn't find the girl. 'I don't even know her name,' he sighed. But he held on to the slipper. After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart. The glass slipper was his only clue. So he declared: 'The girl whose foot will fit this slipper shall be my wife'. And he began to search the kingdom. Every girl in the land was willing to try on the slipper. But the slipper was always too small. When the Royal travellers arrived at Cinders' home, Lily and Rosa tried to squeeze their feet into the slipper. But it was no use; their feet were enormous! 'Do you have any other girls?' the Prince asked Cinders' mother. 'One more,' she replied. 'Oh no,' cried Lily and Rosa. 'She is much too busy!' But the Prince insisted that all girls must try the slipper. Cinders was embarrassed. She didn't want the Prince to see her in her old apron. And her face was dirty! 'This is your daughter?' the Prince asked, amazed. But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly! The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her. 'It's you, my darling isn't it?' he yelled. 'Will you marry me?' Lily and Rosa were horrified. 'It was you at the ball, Cinders?' they asked. They couldn't believe it! Then Cinders married William, and they lived happily ever after. 268 Annexes Annexe 4 : The Cinderella Passage (segmenté) M1: Once upon a time there was a girl called Cinderella. S1: But everyone called her Cinders. L1: Cinders lived with her mother and two stepsisters called Lily and Rosa. L2: Lily and Rosa were very unfriendly and they were lazy girls. L3: They spent all their time buying new clothes and going to parties. M2: Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs! S2: And she had to do the cleaning! M3: One day, a royal messenger came to announce a ball. L4: The ball would be held at the Royal Palace, in honour of the Queen's only son, Prince William. M4: Lily and Rosa thought this was divine. M5: Prince William was gorgeous, and he was looking for a bride! S3: They dreamed of wedding bells! L5: When the evening of the ball arrived, Cinders had to help her sisters get ready. S4: They were in a bad mood. L6: They wanted to buy some new gowns, but their mother said that they had enough gowns. S5: So they started shouting at Cinders. S6: Find my jewels! yelled one. S7: Find my hat! howled the other. M6: They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray. L7: When her sisters had gone, Cinders felt very down, and she cried. M7: Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear ? S8: It was her fairy godmother! 269 Annexes L8: The girl poured her heart out: Lily and Rosa have it all! she cried, even though they're awful, and fat, and they're dull! M8: And I want to go to the ball, and meet Prince William! M9: You will, won't you? laughed her fairy godmother. M10: Go into the garden and find me a pumpkin. L9: Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage. M11: Now bring me four white mice, the godmother said. M12: The girl went, and found one... two...three...four mice. L10: The fairy godmother changed the mice into four lovely horses to pull the carriage. S9: Then the girl looked at her old rags. S10: Oh dear! she sighed. S11: Where will I find something to wear? S12: I don't have a gown! M13: Hmmm... said the fairy : Let's see, what do you need? L11: You'll need a ballgown... you need jewellery... you need shoes, and... something needs to be done about your hair. M14: And would you like a blue gown or a green gown? M15: For the third time, Cinders' godmother waved her magic wand. M16: A ballgown, a robe and jewels appeared. M17: And there were some elegant glass slippers. M18: You look wonderful, her fairy godmother said, smiling. L12: Just remember one thing - the magic only lasts until midnight! S13: And off Cinders went to the ball. L13: In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown. 270 Annexes S14: Who is she? they asked. L14: Prince William thought Cinders was the most beautiful girl he had ever seen. S15: Have we met? he asked. M19: And may I have the honour of this dance? M20: Prince William and Cinders danced for hours. L15: Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning. S16: Suddenly the clock chimed midnight! S17: Cinders ran from the ballroom. S18: Where are you going? Prince William called. M21: In her hurry, Cinders lost one of her slippers. L16: The Prince wanted to find Cinderella, but he couldn't find the girl. S19: I don't even know her name, he sighed. S20: But he held on to the slipper. L17: After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart. S21: The glass slipper was his only clue. L18: So he declared: The girl whose foot will fit this slipper shall be my wife. S22: And he began to search the kingdom. L19: Every girl in the land was willing to try on the slipper. S23: But the slipper was always too small. M22: When the Royal travellers arrived at Cinders' home, L20: Lily and Rosa tried to squeeze their feet into the slipper. M23: But it was no use; their feet were enormous! L21: Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother. S24: One more, she replied. M24: Oh no, cried Lily and Rosa. She is much too busy! 271 Annexes M25: But the Prince insisted that all girls must try the slipper. S25: Cinders was embarrassed. M26: She didn't want the Prince to see her in her old apron. S26: And her face was dirty! M27: This is your daughter? the Prince asked, amazed. L22: But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly! L23: The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her. L24: It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me? S27: Lily and Rosa were horrified. M28: It was you at the ball, Cinders? they asked. S28: They couldn't believe it! L25: Then Cinders married William, and they lived happily ever after. 272 Annexes Annexe 5: ðə ˌsɪndəˈrelə ˈpæsɪdʒ M1 : wʌnts əˈpɒn ə taɪm ðeə wəz ə ɡɜːɫ kɔːɫd ˌsɪndəˈrelə S1 : bət ˈevrɪwʌn kɔːɫd hə ˈsɪndəz L1 : ˈsɪndəz lɪvd wɪð hə ˈmʌðə r ənd tuː ˈstepˌsɪstəz kɔːɫd ˈlɪli ən ˈrəʊzə L2 : ˈlɪli ən ˈrəʊzə wə ˈveri ʌnˈfrendli ən ðeɪ wə ˈleɪzi ɡɜːɫz L3 : ðeɪ spent ɔːɫ ðeə taɪm ˈbaɪɪŋ njuː kləʊðz ən ˈɡəʊɪŋ tə ˈpɑːtiːz M2 : pʊə ˈsɪndəz hæd tə weə r ɔːɫ ðeə r əʊɫd ˈhændmidaʊnz S2 : ən ʃɪ hæd tə duː ðə kli:nɪŋ M3 : wʌn deɪ ə ˈrɔɪəɫ ˈmesɪndʒə keɪm tʊ əˈnaʊnts ə bɔ:ɫ L4 : ðə bɔˈɫ wʊd bɪ heɫd ət ðə ˈrɔɪəɫ ˈpælɪs ɪn ˈɒnə əv ðə kwi:nz ˈəʊnli sʌn prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm M4 : ˈlɪli ən ˈrəʊzə θɔ:t ðɪs wəz dɪˈvaɪn M5 : prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm wəz gɔ:dʒəs ənd hɪ wəz ˈlʊkɪŋ fə r ə braɪd S3 : ðeɪ dri:md əv ˈwedɪŋ beɫz L5 : wen ðɪ ˈi:vnɪŋ əv ðə bɔ:ɫ əˈraɪvd ˈsɪndəz həd tə help hə sɪstəz get ˈredɪ S4 : ðeɪ wə r ɪn ə bæd mu:d L6 : ðeɪd wɒntɪd tə baɪ səm nju: gaʊnz bət ðeə mʌðə sed ðət ðeɪ həd ɪˈnʌf gaʊnz S5 : səʊ ðeɪ ˈstɑ:tɪd ˈʃaʊtɪŋ ət ˈsɪndəz 273 Annexes S6 : faɪnd maɪ ˈdʒʊəɫz jeɫd wʌn S7 : faɪnd maɪ hæt haʊɫd ðɪ ˈʌðə M6 : ðeɪ ˈwɒntɪd ˈheəbrʌʃɪz ˈheəpɪnz ənd ˈheəspreɪ L7 : wen hə ˈsɪstəz həd gɒn ˈsɪndəz feɫt ˈverɪ daʊn ən ʃɪ kraɪd M7 : ˈsʌdnli ə vɔɪs sed waɪ ə r jə ˈkraɪɪŋ maɪ dɪə S8 : ɪt wəz hə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə L8 : ðə gɜ:ɫ pɔ:d hə hɑ:t aʊt ˈlɪli ən ˈrəʊzə hæv ɪt ɔ:ɫ ʃɪ kraɪd ˈi:vn ðəʊ ðeə r ˈɔ:fʊɫ ən fæt ən ðeə dʌɫ M8 : ænd aɪ wɒnt tə gəʊ tə ðə bɔ:ɫ ən mi:t prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm M9 : jʊ wɪɫ wɒnt ju: lɑ:ft hə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə M10 : gəʊ ˈɪntə ðə ˈgɑ:dn ən faɪnd mɪ ə ˈpʌmpkɪn L9 : ˈsɪndəz went ən faʊnd ə ˈsplendɪd ˈpʌmpkin wɪtʃ ðə ˈfeərɪ tʃeɪndʒd ˈɪntʊ ə ˈdæzlɪŋ ˈkærɪdʒ M11 : naʊ brɪŋ mɪ fɔ: waɪt maɪs ðə ˈgɒdˌmʌðə sed M12 : ðə gɜ:ɫ went ən faʊnd wʌn tu: θri: fɔ: maɪs L10 : ðə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə tʃeɪndʒd ðə maɪs ˈɪntə fɔ: ˈlʌvli ˈhɔ:sɪs tə pʊɫ ðə ˈkærɪdʒ S9 : ðen ðə gɜ:ɫ lʊkt ət hə r əʊɫd rægz S10 : əʊ dɪə ʃɪ saɪd S11 : weə wɪɫ aɪ faɪnd ˈsʌmθɪŋ tə weə S12 : aɪ dəʊnt hæv ə gaʊn 274 Annexes M13 : həm sed ðə ˈfeərɪ lets si: wɒt də jə ni:d L11 : jɔ:ɫ ni:d ə ˈbaʊɫgaʊn jə ni:d dʒʊəlri jə ni:d ʃu:z ən sʌmθɪŋ ni:dz tə bɪ dʌn əˈbaut jɔ: heə M14 : ən wʊd jə laɪk ə blu: gaʊn ɔ: r ə gri:n gaʊn M15 : fə ðə θɜ:d taɪm ˈsɪndəz ˈgɒdˌmʌðə weɪvd hə ˈmædʒɪk wɒnd M16 : ə ˈbaʊɫgaʊn ə rəʊb ən ʃu:z əˈpɪed M17 : ən ðə wə sʌm ˈelɪgnt glɑ:s ˈslɪpəz M18 : jə lʊk ˈwʌndəfʊɫ hə ˌfeərɪ ˈgɒdmʌðə sed ˈsmaɪlɪŋ L12 : dʒʌst rɪˈmembə wʌn θɪŋ ðə ˈmædʒɪk ˈəʊnlɪ lɑ:sts ʌnˈtɪɫ ˈmɪdnaɪt S13 : ən ɒf ˈsɪndəz went tə ðə bɔ:ɫ L13 : ɪn ðə ˈrɔɪəɫ ˈpælɪs evrɪwʌn wəz əˈmeɪzd baɪ ðə ˈreɪdɪənt gɜ:ɫ ɪn ðə ˈbju:tɪfʊɫ ˈbɔ:ɫgaʊn S14 : hu: ɪz ʃɪ/ hʊ ɪz ʃi: ðeɪ ɑ:skt L14 : prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm θɔ:t ˈsɪndəz wəz ðə məʊst ˈbju:tɪfʊɫ gɜ:ɫ hɪ həd ˈevə si:n S15 : hæv wɪ met hɪ ɑ:skt M19: ən meɪ aɪ hæv ðɪ ˈɒnə əv ðɪs dɑ:ns M20: prɪnts ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm ən ˈsɪndəz dɑ:nst fə r ˈaʊəz L15: ˈsɪndəz wəz səʊ glæd ðət ʃɪ feɪɫd tə rɪˈmembə həˌfeərɪ ˈgɒdmʌðəz wɔ:nɪŋ S16: sʌdnlɪ ðə klɒk tʃaɪmd ˈmɪdnaɪt S17: ˈsɪndəz ræn frəm ðə ˈbɔːɫrʊm S18: weə r ə jə gəʊɪŋ prɪns ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm kɔ:ɫd 275 Annexes M21: ɪn hə ˈhʌrɪ ˈsɪndəz lɒst wʌn əv hə ˈslɪpəz L16: ðə prɪnts ˈwɒntɪd tə faɪnd ˌsɪndəˈrelə bət hɪ ˈkʊdnt faɪnd ðə gɜ:ɫ S19: aɪ dəʊnt ˈiːvn nəʊ hə neɪm hɪ saɪd S20: bət hɪ heɫd ɒn tə ðə ˈslɪpə L17: ˈɑ:ftə ðə bɔ:ɫ ðə prɪnts wəz rɪˈzɒɫvd tə faɪnd ðə ˈbjuːtiː hʊ həd ˈstəʊln hɪs hɑ:t S21: ðə glɑ:s ˈslɪpə wəz hɪs ˈəʊnlɪ kluː L18: səʊ hɪ dɪˈkleəd ðə gɜ:ɫ hu:z fʊt wɪɫ fɪt ðɪs ˈslɪpə ʃəɫ bɪ maɪ waɪf S22: ən hɪ bɪˈgæn tə sɜ:tʃ ðə ˈkɪŋdəm L19: ˈevrɪ gɜ:ɫ ɪn ðə lænd wəz ˈwɪlɪŋ tə traɪ ɒn ðə ˈslɪpə S23: bət ðə ˈslɪpə wəz ˈɔ:ɫweɪz tu: smɔ:ɫ M22: wen ðə ˈrɔɪəɫ ˈtrævələz əˈraɪvd ət ˈsɪndəz həʊm L20: ˈlɪli ən ˈrəʊzə traɪd tə skwi:z ðeə fi:t ˈɪntə ðə ˈslɪpə M23: bət ɪt wəz nəʊ ju:s ðeə fi:t wə r ɪˈnɔ:məs L21: də jə hæv ˈenɪ ˈʌðə gɜ:ɫz ðə prɪnts ɑ:skt ˈsɪndəz ˈmʌðə S24: wʌn mɔ: ʃɪ rɪˈplaɪd M24: əʊ nəʊ ˈlɪli ən ˈrəʊzə kraɪd ʃɪ ɪs mʌtʃ tu: ˈbɪzi M25: bət ðə prɪnts ɪnˈsɪstɪd ðət ɔ:ɫ gɜ:ɫz mʌst traɪ ðə ˈslɪpə S25: ˈsɪndəz wəz ɪmˈbærəst M26: ʃɪ ˈdɪdnt wɒnt ðə prɪnts tə si: hə r ɪn hə r əʊɫd ˈeɪprən 276 Annexes S26: ənd hə feɪs wəs ˈdɜ:tɪ M27: ðɪs ɪz jɔ: ˈdɔ:tə ðə prɪnts ɑ:skt əˈmeɪzd L22: bət ðen ˈsɪndəz traɪd ɒn ðə glæs ˈslɪpə r ənd ɪt ˈfɪtɪd ˈpɜ:fɪklɪ L23: ðə prɪnts lʊkt ˈkeəfʊlɪ ət ðə gɜ:ɫz feɪs ənd hɪ ˈrekəgnaɪzd hə L24: ɪts ju: maɪ ˈdɑ:lɪŋ ˈɪznt ɪt hɪ jeɫd wɪɫ jə ˈmærɪ mɪ S27: ˈlɪli ən ˈrəʊzə wə ˈhɒrɪfaɪd M28: ɪt wəz ju: ət ðə bɔ:ɫ ˈsɪndəz ðeɪ ɑ:skt S28: ðeɪ ˈkʊdnt bɪˈli:v ɪt L25: ðen ˈsɪndəz ˈmæri:d ˈwɪljəm/ˈwɪlɪəm ən ðeɪ lɪvd ˈhæpɪlɪ ˈevə ˈɑ:ftə 277 Annexes Annexe 6 : Les participants et les expériences G2-ANG Auditeurs Identification Région Identification ville Goodness Test de Compréhension 1 SK ✔ ✔ ✔ ✔ 2 RS ✔ ✔ ✔ ✔ 3 PM ✔ ✔ ✔ ✔ 4 RW ✔ ✔ ✔ ✔ 5 UP ✔ ✔ ✔ ✔ 6 DK ✔ ✔ ✔ ✔ 7 PP ✔ ✔ ✔ ✔ 8 RT ✔ 9 AC ✔ ✔ ✔ ✔ 10 RM ✔ ✔ ✔ ✔ 11 CE ✔ 12 MBL ✔ 13 IP ✔ 14 DC Specialist DH ✔ Specialist KE ✔ 11 Total ✔ 11 ✔ 10 278 12 Annexes G1-FR Auditeurs 1) RB Identification région Test de compréhension 2) NB ✔ 3) LN ✔ ✔ 4) RN ✔ ✔ 5) EM ✔ ✔ 6) CarineB ✔ ✔ 7) JM ✔ ✔ 8) PDM ✔ ✔ 9) CE ✔ ✔ 10) ClaireB ✔ 11) LU ✔ 12) MR ✔ 13) SB ✔ ✔ 14) RM ✔ ✔ 15) AF ✔ ✔ 16) II ✔ 17) ML ✔ ✔ ✔ 18) SBF ✔ 19) MLC ✔ 20) VD ✔ 21) CT ✔ 22) CDV ✔ ✔ 23) AG ✔ 24) JbO ✔ 25) ClemB ✔ ✔ 26) BAA ✔ 20 ✔ 21 Total 279 Annexes Annexe 7 : La carte du Royaume-Uni 280 Annexes Annexe 8 : Liste de groupes lexicaux concernant l’expérience 4 En-dessous de chaque phrase il y a des groupes lexicaux qui apparaissent dans les phrases, ou qui correspondaient aux voyelles dans la phrase, ainsi que quelques notes sur les consonnes. Nous avons pris en compte le nombre de noms propres afin de limiter leur usage (par exemple, L&R signifie Lily and Rosa, CCOMMA signifie Cinders, PW, Prince William). Nous avons également vérifié à ce que les locuteurs disent exactement ce qui est marqué, dans le cas contraire nous avons fait les changements nécessaires par rapport à ce qui est réellement énoncé. Belfast – B1DO:155 locuteur S19 : I don't even know her name, he sighed. Groupes : PRICE-GOAT-FINAL-T-FLEECE-GOAT /R/-FACE-PRICE M6 : They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray. Groupes : SQUARE-STRUT-FACE L22 : But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly! Groupes : TH-CCOMMA-PRICE-BATH-COMMA-R-KIT-NURSE-HAPPY Bradford-punjabi – P2RH : locuteur S9 : Then the girl looked at her old rags. Groupes : TH-NURSE-L-FOOT-R-GOAT-TRAP M4 : Lily and Rosa thought this was divine. Groupes : L&R-THOUGHT-TH-W-PRICE L9 : Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage. Groupes : COMMA-DRESS-T-MOUTH-DRESS-STRUT-W-SQUARE-FACE-TRAP-ING-R 155 Ceci est le code du locuteur que nous avons choisi tel qu’il apparaît sur nos stimuli. 281 Annexes Newcastle – N2EP: locutrice S10 : Oh dear! she sighed. Groupes : GOAT-NEAR-PRICE M2 : Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs! Groupes : CURE-CCOMMA-W-SQUARE-R-all-GOAT-TH-TRAP-MOUTH L13 : In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown. Groupes :TH-TRIPHTHONGUE-DRESS-STRUT-W-FACE-PRICE-FACE/NEAR-NURSE-GOOSE -ball-MOUTH Malahide – M3PM – locuteur S26 : And her face was dirty! Groupes : FACE-NURSE-T-HAPPY M20 : Prince William and Cinders danced for hours. Groupes : – PW-CcommA-TRIPHTHONG-R-BATH L3 : They spent all their time buying new clothes and going to parties. Groupes : DRESS-all-TH-PRICE-GOOSE-GOAT-START-ING Liverpool – S1SB: locuteur S3 : They dreamed of wedding bells! Groupes : TH-FLEECE-w-ing-DRESS M22 : When the Royal travellers arrived at Cinders' home. Groupes : W-TH-TRIPHTONGUE-(travellers)-PRICE-T-COMMA-GOAT L23 : The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her. Groupes : Prince-FOOT-SQUARE-happY-NURSE-FACE-PRICE-TH Cardiff – W1HW: locutrice S8 : It was her fairy godmother! Groupes : SQUARE-CLOTH-STRUT-TH-COMMA M7 : Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear? Groupes : STRUT-HAPPY-CHOICE-DRESS-PRICE-R-PRICE-ING-NEAR L17 : After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart. Groupes : BATH-ball-P-resolved-PRICE-GOOSE-HAPPY-GOAT-L-START 282 Annexes Londres-Jamaïcain – J1SF: locutrice S21 : The glass slipper was his only clue. Groupes : BATH-commA-GOAT-GOOSE M16 : A ballgown, a robe and jewels appeared. Groupes : ball-MOUTH-GOAT-CURE-NEAR L21 : Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother. Groupes : DRESS-HAPPY-STRUT-TH-NURSE-P-BATH-CCOMMA-STRUT Leeds – L1SU: locuteur S23 : But the slipper was always too small. Groupes : COMMA-always-GOOSE-THOUGHT-TH-W M19 : And may I have the honour of this dance? Groupes : FACE-PRICE-TH-LOT-COMMA-BATH L15 : Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning. Groupes :CCOMMA-GOAT-TRAP-TH-FACE-R-COMMA-SQUARE-LOT-STRUT-COMMA NORTH-ING Cambridge – C1ER: locutrice S20 : But he held on to the slipper. Groupes : DRESS-COMMA M18 : You look wonderful, her fairy godmother said, smiling. Groupes : FOOT-PRICE-STRUT-SQUARE-ing L24 : It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me? Groupes : Bath/start-DRESS-TRAP-happY-R 283 Annexes Annexe 9 : Les phrases de l’expérience de compréhension (dans l’ordre de l’écoute) 1.But he held on to the slipper. C1ERS20 2.Lily and Rosa thought this was divine P2RHM4 3.Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning. L1SUL15 4. They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray B1DOM6 5.Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother J1SFL21 6. They dreamed of wedding bells S1SBS3 7. In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown N2EPL13 8. It was her fairy godmother W1HWS8 9. Prince William and Cinders danced for hours M3PMM20 10. But the slipper was always too small L1SUS23 11. Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage P2RHL9 12. Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear W1HWM7 13. But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly B1DOL22 14. A ballgown, a robe and jewels appeared J1SFM16 15. Oh dear! she sighed N2EPS10 284 Annexes 16. When the Royal travellers arrived at Cinders' home S1SBM22 17. And her face was dirty M3PMS26 18. It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me C1ERL24 19. I don't even know her name, he sighed B1DOS19 20. The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her S1SBL23 21. Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs N2EPM2 22. After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart W1HWL17 23. You look wonderful, her fairy godmother said, smiling C1ERM18 24. Then the girl looked at her old rags P2RHS9 25. And may I have the honour of this dance L1SUM19 26. The glass slipper was his only clue J1SFS21 27. They spent all their time buying new clothes and going to parties M3PML3 285 Annexes Annexe 10 : Tableaux du chapitre 5 Expérience 1 : Identification de la provenance géographique Les natifs (G2-ANG) Tableau 1 : Les proportions de résultats globaux des réponses correctes d’identification en fonction de la région : G2-ANG. (Figure 5.2.1.a.) SE NE IR NUK W Proportion 0,95 0,69 0,72 0,50 0,33 correcte Tableau 2 : Les proportions de résultats globaux des réponses correctes d’identification par région sans la catégorie NUK: G2-ANG. (Figure 5.2.1.1.a.) SE 0,62 Proportion correcte NE 0,55 IR 0,72 NUK 0 W 0,33 Tableau 3 : Réponses correctes en fonction de longueur de phrases : G2-ANG (Figure 5.2.1.2.a.) SE NE IR NUK W Longue 0,94 0,77 0,87 0,59 0,33 Médium 0,98 0,65 0,7 0,48 0,44 Courte 0,92 0,66 0,58 0,42 0,23 Tableau 4 : Résultats des natifs pour les phrases longues par région (réponses en proportions) Origine IR SE NUK NE W xxx IR 0.87 0.068 0.023 0.030 0.030 0.023 SE 0 0.94 0.015 0 0 0.045 Réponses 286 Annexes NUK 0.023 0.19 0.59 0.053 0.0076 0.14 NE 0.0050 0.066 0.0050 0.77 0.076 0.081 W 0.045 0.26 0 0.30 0.33 0.061 Tableau 5 : Résultats des natifs pour les phrases moyennes par région (réponses en proportions). Origine IR SE NUK NE W xxx IR 0.70 0.068 0 0.14 0.038 0.061 SE 0.015 0.98 0 0 0 0 NUK 0.0076 0.24 0.48 0.13 0.061 0.076 NE 0.030 0.18 0.025 0.65 0.060 0.050 W 0 0.15 0.12 0.23 0.44 0.061 Réponses Tableau 6 : Résultats des natifs pour les phrases courtes par région (réponses en proportions). Origine IR SE NUK NE W xxx IR 0.58 0.11 0.023 0.20 0.030 0.061 SE 0.030 0.92 0 0.015 0 0.030 NUK 0.030 0.29 0.42 0.17 0.030 0.045 NE 0.061 0.16 0.015 0.66 0.066 0.040 W 0.20 0.29 0.015 0.23 0.23 0.045 Réponses 287 Annexes Expérience 1 : Identification de la provenance géographique Les francophones peu expérimentés (G1-FR) Tableau 7 : Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance régionale : G1-FR (proportions - figure 5.2.2.a.) Région SE NE IR NUK W Proportion 0,44 0,21 0,16 0,6 0,15 correcte Tableau 8 : Résultats globaux des réponses correctes d’identification de la provenance régionale sans la catégorie NUK: G1-FR (proportions - figure 5.2.2.1.a.) Région SE NE IR NUK W Proportion 0,26 0,17 0,16 0 0,15 correct Tableau 9 : Réponses correctes en fonction de la longueur de phrases (G1-FR - figure 5.2.2.2.a.) Région SE NE IR NUK W Longue 0,43 0,2 0,19 0,69 0,16 Médium 0,4 0,21 0,16 0,6 0,16 Courte 0,5 0,24 0,13 0,52 0,13 288 Annexes Tableau 10 : Résultats des non-natifs pour les phrases longues par région IR SE NUK NE W xxx IR 0.19 0.12 0.27 0.14 0.17 0.10 SE 0.058 0.43 0.067 0.17 0.13 0.14 NUK 0.025 0.042 0.69 0.079 0.062 0.096 NE 0.20 0.25 0.16 0.20 0.11 0.10 W 0.12 0.13 0.29 0.13 0.16 0.16 Origine Réponses Tableau 11 : Résultats des non-natifs pour les phrases de longueur moyenne par région Origine IR SE NUK NE W xxx IR 0.16 0.20 0.20 0.18 0.19 0.054 SE 0.067 0.40 0.10 0.16 0.14 0.13 NUK 0.075 0.067 0.60 0.075 0.087 0.096 NE 0.15 0.22 0.21 0.20 0.13 0.060 W 0.15 0.14 0.28 0.20 0.16 0.067 Réponses Tableau 12 : Résultats des non-natifs pour les phrases courtes par région Origine IR SE NUK NE W xxx IR 0.13 0.32 0.19 0.19 0.18 0.025 SE 0.083 0.50 0.0083 0.24 0.14 0.025 NUK 0.071 0.12 0.52 0.10 0.13 0.046 NE 0.16 0.29 0.15 0.24 0.11 0.047 W 0.11 0.36 0.16 0.21 0.13 0.033 Réponses 289 Annexes Expérience 2 : Identification de la ville de provenance des locuteurs anglophones du corpus IViE par des anglophones (G2-ANG) Tableau 13 : Résultats de l’identification de la ville de provenance des locuteurs par des anglophones (G2-ANG - Figure 5.3.a.) Ville Correct Malahide Belfast Cambridge London Leeds Bradford Newcastle Liverpool Cardiff 0,58 0,58 0,59 0,69 0,42 0,33 0.60 0,59 0,32 Tableau 14 : Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de provenance : le cas des phrases longues (proportions) Origine B M C J L P N S W xxx B 0.65 0.20 0 0 0.017 0 0.033 0.05 0.033 0.017 M 0.27 0.53 0 0 0.033 0.033 0.017 0 0.05 0.067 C 0 0 0.75 0.22 0 0 0 0 0.017 0.012 J 0 0 0 0.70 0.083 0.05 0 0.067 0 0.1 L 0.017 0 0.13 0.05 0.40 0.17 0.033 0.067 0.033 0.1 P 0 0 0 0.17 0.12 0.35 0.05 0.083 0.05 0.067 N 0 0.033 0 0 0.067 0.067 0.67 0.033 0.067 0.067 S 0.017 0 0 0 0.067 0.033 0.12 0.68 0.033 0.05 W 0.033 0 0.05 0.05 0.083 0.067 0.033 0.05 0.57 0.067 Réponses 290 Annexes Tableau 15 : Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de provenance : le cas des phrases moyennes (proportions) Origines B M C J L P N S W xxx B 0.52 0.38 0.017 0.017 0 0 0.05 0 0 0.017 M 0.15 0.70 0.017 0.033 0.017 0.033 0 0.017 0.017 0.017 C 0 0 0.53 0.43 0.017 0 0 0 0.017 0 J 0.05 0 0 0.67 0.12 0.05 0.05 0.017 0 0.05 L 0 0.017 0.033 0.12 0.45 0.23 0.083 0.033 0.017 0.017 P 0 0 0.033 0.15 0.17 0.38 0.033 0.05 0.05 0.13 N 0 0.017 0 0.017 0.033 0 0.68 0.05 0.20 0 S 0 0 0.05 0.083 0.083 0.067 0.083 0.60 0.017 0.017 W 0.05 0.05 0.12 0.13 0.35 0 0.05 0.05 0.13 0.067 Réponses Tableau 16 : Résultats d’une matrice de confusion concernant l’identification des villes de provenance : le cas des phrases courtes (proportions) Origines B M C J L P N S W xxx B 0.58 0.30 0.017 0 0.017 0.067 0 0 0.017 0 M 0.10 0.52 0.017 0.067 0.12 0.033 0.05 0.017 0.033 0.05 C 0.033 0 0.50 0.38 0.083 0 0 0 0 0 J 0.033 0 0.017 0.70 0.067 0.017 0.083 0.033 0 0.05 L 0.017 0.017 0.05 0.067 0.40 0.20 0.083 0.13 0.017 0.017 P 0.05 0.017 0 0.17 0.18 0.28 0.033 0.067 0.10 0.10 N 0 0.05 0.017 0.10 0.033 0.033 0.48 0.12 0.15 0.017 S 0.017 0 0.033 0.10 0.15 0.083 0.083 0.48 0.017 0.033 W 0.083 0.033 0.017 0.12 0.17 0.05 0.15 0.10 0.25 0.033 Réponses 291 Annexes Expérience 3 : Représentativité des locuteurs par ville via un test de qualité (G2-ANG) Tableau 17 : Evaluation de la qualité du corpus (typicalité des locuteurs) par ville de provenance (figure 5.4.1.a). B C J L M N P S W absolutely 25,8 25 13,3 22 19 44 10 27,3 15,15 very much 38,6 39,4 42,7 40,9 37 23 28,8 27,3 22,73 somewhat 15,9 15,2 21 16,7 19,5 16,5 24,2 18,2 22,73 not v much 13,6 15,9 17,5 11,4 23 6,6 29,5 20 31,06 not at all 6,1 4,5 4 4,5 1,5 0,8 6,8 5,5 8,33 xxx 0 0 1,5 4,5 1,5 9,1 0,7 1,7 0 Tableau 18 : Indices moyens de l’homogénéité des variétés régionales observées dans neuf villes britanniques (figure 5.4.2.a.). Typicalité B P C L S J M N W 3,6 3,03 3,6 3,5 3,4 3,4 3,4 3,7 3,05 Expérience 4 : Mesure de l’intelligibilité des accents : compréhension et reconnaissance des mots produits par les locuteurs anglophones en fonction de leur provenance régionale Résultats de G2-ANG (natifs britanniques) Tableau 19 : Proportions totales d’erreurs de compréhension pour G2-ANG (figure 5.5.1.a) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff Proportion Erreurs 0,08 0 0,07 0,06 0,12 292 0,1 0,03 0,02 0,01 Annexes Tableau 20 : Proportion totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G2-ANG - figure 5.5.1.1.a) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff Longues 0.095 0 0,015 0,077 0,035 0,069 0,01 0,0069 0,01 Moyennes 0.037 0 0,22 0 0,34 0,098 0,048 0,021 0 0 0 0,083 0 0,23 0,062 0,05 0 Courtes 0.092 Résultats de G1-FR (francophones peu expérimentés) Tableau 21 : Proportions totales des erreurs de compréhension pour G1-FR (figure 5.5.2.a.) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff Proportion 0,56 0,31 0,63 0,74 0,64 0,77 0,6 0,44 0,15 Erreurs Tableau 22 : Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G1-FR - figure 5.5.2.1.a.) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff Longues 0,60 0,23 0,42 0,89 0,59 0,68 0,73 0,22 0,11 Moyennes 0,56 0,36 0,89 0,59 0,88 0,96 0,45 0,76 0,043 Courtes 0,36 0,45 0,67 0,62 0,42 0,5 0,42 0,39 0,44 293 Annexes Les résultats des francophones du groupe G3-FR (francophones expérimentés) Tableau 23 : Proportions totales des erreurs de compréhension pour G3-FR (figure 5.5.3.a.) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff Proportion 0,38 0,13 0,56 0,66 0,44 0,63 0,4 0,25 0,068 Erreurs Tableau 24 : Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G3-FR - figure 5.5.3.1.a.) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Cardiff Longues 0,37 0,12 0,26 0,77 0,37 0,54 0,52 0,083 0,062 Moyennes 0,55 0,15 0,83 0,61 0,81 0,89 0,31 0,46 0,017 Courtes 0,13 0,14 0,74 0,52 0,1 0,33 0,23 0,33 0,17 Résultats de G4-AM (anglophones américains) Tableau 25: Proportions totales des erreurs de compréhension pour G4-AM (figure 5.5.4.a.) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Proportion 0,12 0,0042 0,18 0,18 0,17 Erreurs 294 0,19 0,081 0,055 Cardiff 0,012 Annexes Tableau 26 : Proportions totales des erreurs de compréhension en fonction de la longueur de phrases (G4-AM - figure 5.5.4.1.a.) Belfast Cambridge London Leeds Malahide Newcastle Bradford Liverpool Longues Cardiff 0,14 0 0,1 0,27 0 0,044 0,07 0,021 0,0078 Moyennes 0,069 0 0,33 0,028 0,57 0,24 0,12 0,11 0 0,018 0,12 0,18 0 0,72 0,062 0,05 0,042 Courtes 0,097 295 Annexes Annexe 11 : Mots rares ou difficiles Pour chaque accent nous mettons en gras les mots que nous considérons comme peu fréquents ou particulièrement difficiles à comprendre (par exemple, les noms propres qui sont souvent difficiles à percevoir puisqu’ils relèvent également de la culture liée à la langue). CAMBRIDGE But he held on to the slipper C1ERS20 You look wonderful, her fairy godmother said, smiling. C1ERM18 It's you, my darling isn't it? he yelled. Will you marry me? C1ERL24 BELFAST But then Cinders tried on the glass slipper, and it fitted perfectly B1DOL22 They wanted hairbrushes, hairpins and hair spray B1DOM6 I don't even know her name, he sighed B1DOS19 MALAHIDE Prince William and Cinders danced for hours M3PMM20 And her face was dirty M3PMS26 They spent all their time buying new clothes and going to parties M3PML3 LIVERPOOL They dreamed of wedding bells S1SBS3 When the Royal travellers arrived at Cinders' home S1SBM22 The Prince looked carefully at the girl's face, and he recognised her S1SBL23 BRADFORD-PUNJABI Cinders went, and found a splendid pumpkin which the fairy changed into a dazzling carriage P2RHL9 Lily and Rosa thought this was divine P2RHM4 Then the girl looked at her old rags P2RHS9 296 Annexes CARDIFF It was her fairy godmother W1HWS8 Suddenly, a voice said: Why are you crying, my dear W1HWM7 After the ball, the Prince was resolved to find the beauty who had stolen his heart W1HWL17 LONDRES-JAMAÏCAIN Do you have any other girls? the Prince asked Cinders' mother J1SFL21 A ballgown, a robe and jewels appeared J1SFM16 The glass slipper was his only clue J1SFS21 LEEDS Cinders was so glad that she failed to remember her fairy godmother's warning. L1SUL15 But the slipper was always too small L1SUS23 And may I have the honour of this dance L1SUM19 NEWCASTLE Oh dear! she sighed N2EPS10 Poor Cinders had to wear all their old hand-me-downs N2EPM2 In the Royal Palace, everyone was amazed by the radiant girl in the beautiful ballgown N2EPL13 297 Annexes Annexe 12 : Liste de mots inconnus des participants G1-FR Hand me downs Gowns Yelled Howled Hairpins Rags Ballgown Wand Poured Dazzling Chimed Ballroom Sighed Squeeze Radiant Hairbrushes Dull Carriage Slippers - 1 Apron Lazy Held Gorgeous Pull Glass slippers - 2 Fitted Mice Stepsisters Fairy - 1 Pumpkin - 1 Willing 298