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témoignages
A
h ! La belle-mère… LE sujet
éternellement disséqué entre
copines. Il y a toujours quelque
chose à dire autour de ce fameux adage : « Le mariage, ce
n’est pas la mer à boire, mais la belle-mère à avaler. » Nourrie de b
­ lagues et de romans – Génitrix
de François Mauriac (éd. Le Livre de Poche) ou,
plus près de nous, Cherchez la femme d’Alice
­Ferney (éd. Actes Sud) –, sa méchante réputation
la poursuit. Et depuis un bon moment. Le nœud
du problème remonterait à la condition féminine
sous l’Ancien Régime, c’est dire… A l’époque,
c’était le fils qui apportait à sa mère son assise
­sociale. Quand il se mariait, celle-ci n’avait donc
pas d’autre moyen pour préserver son pouvoir que
d’intriguer contre sa bru. Les bouleversements
­sociaux étant passés par là, cette image de conspiratrice est aujourd’hui largement dépassée.
L’ère de la bru.Selon le sociologue François
de Singly, qui a préfacé Belles-filles de Clotilde
L emarchant (éd. Presses Universitaires de
­
Rennes), la complexité intrinsèque de cette relation réside dans « le cumul des rôles et les qua­
lités requises pour jouer en même temps celui
d’épouse et de belle-fille et celui de mère et de
belle-mère ». Et qu’il faut également tenir compte
de la réalité : d
­ epuis 1968, les brus ont gagné en
indépendance. Plus sûres d’elles-mêmes, notamment parce qu’elles se marient plus tard, elles
sont « libres d’apprécier ou non leur belle-mère »,
dixit François de Singly, et elles n’hésitent plus à
aller au clash si nécessaire. Voire à brandir
l’arme du « chantage aux petits-enfants ». De
peur d’être évincées, les belles-mères/grandsmères marchent davantage sur des œufs.
Une relation à inventer. M
ais à chacune
d’écrire son histoire. Il semble primordial que
l’une et l’autre restent à leur place et trouvent la
juste distance. Que l’aînée respecte les trois D :
­Discrétion, Disponibilité et Diplomatie, comme
l’explique la journaliste Christiane ­Collange dans
son livre Nous, les belles-mères ­(éd. Fayard). Et
que la belle-fille fasse preuve de bienveillance et
garde sa s­ usceptibilité dans sa poche. Le Dr Aldo
Naouri, auteur de Les belles-mères, les beaux-pères,
leurs brus et leurs gendres (éd. Odile Jacob), souligne, quant à lui, qu’il est temps de leur accorder
une vraie place, déplorant leur effacement des
­cellules familiales contemporaines. Heureusement, si ­certains tandems sont bancals, d’autres
ont su trouver le bon équilibre.
Belles-mères
belles-filles
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quand ça
Les relations entre les brus et leurs belles-mamans, un cauchemar ?
Pas toujours. Ça peut même virer au conte de fées. La preuve par trois.
par Marie Le Marois photos Sophie Pasquet
1 avantages
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Plus que ma
belle-mère,
Marie-Anne
est devenue
une amie.
Les bonnes copines
La belle-fille : Sophie, 37 ans. La belle-mère : Marie-Anne, 68 ans
La première rencontre entre Sophie et Marie-Anne reste
aujourd’hui encore gravée dans leurs mémoires : « Ma
belle-mère m’a ouvert la porte en caleçon et en baskets,
et couverte de peinture. Cool, comme toujours. J’étais
impres­sionnée, quel charisme, quelle personnalité ! », se
rappelle Sophie. Mais aussi sec, Marie-Anne pouffe de
rire : « Tu r­ igoles, c’était la honte de ma vie ! J’étais en train
de refaire la cave, en mode vieille salopette et cheveux
­crados. Je me suis dit “mais quelle image peut-elle bien
avoir de moi en ce moment !” » La complicité entre ces
deux femmes semble évidente. B
­ ricolage, peinture, déco…
On ne compte plus leurs points communs. « On a même
pensé ouvrir une boutique e­ nsemble un jour », lancentelles en chœur. Marie-Anne a beaucoup épaulé Sophie à
la naissance de ses jumelles. C’est peut-être ce qui les a si
fortement soudées. « Plus que ma belle-mère, Marie-Anne
est devenue une amie. Son avis compte beaucoup pour
moi. D’ailleurs, je lui raconte presque toute ma vie »,
confie Sophie. « Et puis nous ­aimons toutes les deux le
même homme », plaisante-t-elle. En tout cas, elles ne
peuvent pas imaginer rester éloignées trop longtemps
l’une de l’autre. « Nous passons toutes nos v­ acances
­ensemble. Dernier voyage en date, Bali. Dix jours avec les
jumelles, c’était vraiment magique. »
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AVANTAGES
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témoignages Belles-mères, belles-filles : quand ça fait tilt !
Les colocs
La belle-fille : Marion, 36 ans.
La belle-mère : Dominique, 65 ans
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Dominique respecte notre
intimité. Elle n’a pas d’attente
particulière sur notre
relation, je me sens libre.
3 avantages
Deux familles sous le même toit, le pari était
risqué. Pourtant, depuis sept ans, Dominique
partage une grande maison avec Marion, sa
belle-fille. « Mon mari et moi envisagions de
nous installer dans cette résidence que nous
venions de transformer en deux appartements. L’idée de proposer une cohabitation à
mon fils et à Marion coulait de source : plutôt que de louer à des inconnus, pourquoi ne
pas le proposer à mon fils et à sa femme ? »
­Marion a un peu hésité avant de se lancer,
mais pas tant que ça. « La proposition était
alléchante car l’endroit est très sympa. Mais,
bien sûr, j’appréhendais d’avoir une bellemère omniprésente… D’autant qu’on se
connaissait à peine quand on a emménagé.
Heureusement, Dominique respecte notre
­intimité. Elle n’a pas d’attente particulière sur
notre relation, je me sens libre. Et elle ne se
vexe pas si je ne lui fais pas tous les jours la
causette dans l’entrée. Du coup, les années
passent et nous sommes toujours ravis d’être
là. » Dominique renchérit : « Nous sommes
très indépendantes. Il nous arrive souvent de
passer la semaine sans nous croiser. Cela dit,
on garde des petites attentions l’une envers
l’autre. Je lui propose un baby-sitting tandis
qu’elle m’aide en couture, par exemple. » Voilà
certainement le secret, un bon mix entre autonomie et partage. Chacune veille à ne pas
empiéter sur le territoire de l’autre. Aux deux
sens du terme. Et laissent aux hommes le soin
de s’occuper des problèmes d’intendance.
Oubliées les remarques sur la porte d’entrée
mal verrouillée ou les questionnements sans
fin sur l’utilité ou non de faire poser une
­sonnette. Aujourd’hui, Marion apprécie surtout de voir ses filles si proches de leur grandmère et de pouvoir compter sur Dominique
quand l’une d’elles est malade ou quand elle
doit s’absenter pour une urgence.
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J’ai divorcé il y a sept ans, mais j’ai toujours
beaucoup de plaisir à voir Sylvie.
Les « ex »
La belle-mère : Sylvie, 79 ans. La belle-fille : Patrizia, 50 ans
Pour décrire les liens qui unissent sa grande smala, Sylvie
n’y va pas par quatre chemins. « Chez nous, les réunions de
famille, c’est Dallas. J’ai deux fils et… six belles-filles. Je suis
au milieu de tout ça et je fais le tampon », s’amuse-t-elle.
Une vraie famille recomposée, comme on en rêve. Patrizia,
une de ses belles-filles, l’admet volontiers : « J’ai divorcé il y
a sept ans, mais j’ai toujours beaucoup de plaisir à voir
­Sylvie. Elle est très famille et c’est une valeur que nous
­partageons. Au moment de ma séparation, elle avait une
peur bleue de ne plus voir son petit-fils. Mais pour moi, il
était impensable de priver Alessandro de sa grand-mère. Et
puis c’est une cuisinière hors pair et, en bonne Italienne, je
ne peux qu’apprécier cette qualité ! »
Qu’est-ce qui fait que leur relation fonctionne ? Sylvie n’a
jamais cherché à s’imposer dans la vie de ses enfants. Elle
a toujours gardé une distance respectueuse et une certaine
discrétion : « J’essaie de ne pas juger, de ne jamais donner
raison à mes fils devant mes belles-filles et d’être toujours
partante, même pour un baby-sitting de dernière minute »,
précise-t-elle. Selon Patrizia, voilà les deux fondements
d’une relation durable : le respect de la vie privée et la
­disponibilité. Pour réussir à partager encore de bons moments, c’est fondamental. Pour Noël dernier, c’est Patrizia
elle-même qui a suggéré à son ex-mari d’inviter Sylvie
dans la grande maison qu’ils avaient louée au Maroc.
Une ­semaine de fiesta, tous ensemble.
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