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nouveautés en médecine interne
générale 2007
Dépistage de l’anévrisme de
l’aorte abdominale : le point en 2008
Rev Med Suisse 2008 ; 4 : 300-5
I. Guessous
J. Cornuz
Pr Jacques Cornuz
Dr Idris Guessous
Département de médecine interne
CHUV, et PMU, 1011 Lausanne
Dr Idris Guessous
Institut universitaire de médecine
sociale et préventive
Rue du Bugnon 21, 1005 Lausanne
[email protected]
Review on abdominal aortic aneurysm
screening
Health organizations recently recommended
one-time screening for abdominal aortic
aneurysm (AAA) by ultrasonography in men
aged 65 to 75 who have ever smoked.
This recommendation emerged from the results of a systematic review showing that AAA
screening and surgical repair of large AAA
leads to a decreased AAA-specific mortality
in this population. Moreover, AAA screening is
cost-effective. However, concerns persist
about the effectiveness of AAA screening when
applied in the daily practice setting, and the
best care of small AAA for which research clinical trials have shown that early, elective
surgery does not save lives.
Certaines organisations de santé recommandent le dépistage
de l’anévrisme de l’aorte abdominale par ultrason chez les
hommes, fumeurs ou anciens fumeurs, âgés de 65 à 75 ans.
Ces recommandations émergent des résultats d’une revue systématique ayant montré une diminution de la mortalité des
patients bénéficiant d’un dépistage de l’anévrisme de l’aorte
abdominale avec résection chirurgicale des anévrismes de
grande taille. Le dépistage de l’anévrisme de l’aorte abdominale semble être efficace du point de vue économique. Il reste
des incertitudes sur l’efficacité d’un tel dépistage effectué en
dehors du cadre d’une étude, ainsi que sur la prise en charge
des anévrismes de petite taille.
INTRODUCTION
L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) est défini par une
perte du parallélisme entraînant une dilatation permanente
de la partie infrarénale de l’aorte, avec une augmentation d’au
moins 50% de son diamètre par rapport au diamètre normal
théorique.1 On parle généralement d’anévrisme lorsque le
diamètre de l’aorte est égal ou supérieur à 3 cm. La prévalence
des AAA provient d’études de dépistage ou autopsiques et
varie considérablement en fonction de la population étudiée et de la taille de
l’anévrisme considérée. Par exemple, la prévalence d’AAA (défini comme un diamètre supérieur à 3 cm) varie de 4 à 9% chez l’homme. Des AAA de grande taille
(définis comme un diamètre de 5,5 cm et plus) sont retrouvés chez 0,5% des
hommes âgés entre 50 et 80 ans.2,3 Finalement, l’AAA est particulièrement rare
chez les femmes (moins de 1%).4 L’évolution spontanée des AAA est caractérisée
par une expansion progressive pouvant aboutir finalement à une rupture. D’après
des études d’autopsie, un tiers des anévrismes finissent par se rompre lorsqu’aucune intervention n’a été entreprise.5 La mortalité de la rupture d’AAA est
alors de 80 à 90% et ce, même lorsqu’une chirurgie est effectuée en urgence.6
Chaque année, les ruptures d’AAA sont responsables de 6000 décès en GrandeBretagne et 15 000 aux Etats-Unis.7,8 L’incidence des AAA est en augmentation
dans le monde alors que la morbidité et la mortalité sont restées stables ces
dernières années. En 1999, on estimait que 1,5 million de personnes aux EtatsUnis étaient porteuses d’un AAA et que ce nombre augmenterait à 2,7 millions
en 2005.5 Cette perspective contraste avec le déclin observé de la mortalité et
de la morbidité des autres maladies cardiovasculaires.9
Cet article synthétise les données d’efficacité du dépistage de l’AAA. Le devenir des performances du dépistage de l’AAA, lorsqu’il est appliqué en dehors
d’études, sera également abordé.
PATHOGENÈSE ET FACTEURS DE RISQUE D’ANÉVRISME
DE L’AORTE ABDOMINALE
Le National heart, lung and blood institute a publié en 2000 un rapport intitulé Pathogenesis of abdominal aortic aneuvrysm. Quatre mécanismes aboutissant à la
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formation d’AAA ont été identifiés : tension biomécanique
sur les parois, dégradation protéolytique des tissus des
parois vasculaires, réponses inflammatoires et immunes et,
finalement, susceptibilité génétique.10 Le mécanisme de
tension biomécanique stipule que des forces hémodynamiques persistantes aboutissent à la formation d’anévrisme.
L’athérosclérose a été proposée durant de nombreuses
années comme un des mécanismes principaux de formation de l’AAA. Cette hypothèse a été récemment rejetée au
vu du peu de données supportant le phénomène d’athérosclérose à la base de formation d’anévrismes.11 Le rôle
de l’hypertension artérielle a probablement été également
surestimé. Des études sont du reste actuellement en
cours pour mieux préciser le rôle des forces dynamiques
dans la formation d’anévrismes.
L’hypothèse d’une dégradation protéolytique traduit la
perte progressive des cellules musculaires lisses dans la
couche médiale de la paroi aortique et la dégradation des
structures de collagène et d’élastine,12,13 processus essentiellement dû à l’action d’un enzyme nommé matrix métalloprotéinase (MMP). Un modèle animal a montré une différence de production de MMP par les cellules musculaires
de la paroi aortique entre mâles et femelles, ce qui pourrait expliquer la plus grande prévalence d’AAA chez les
hommes.14 Plus récemment, des mécanismes d’inflammation et de réponses immunes ont été proposés en raison
de la présence d’infiltrat inflammatoire (lymphocyte T, macrophage, lymphocyte B) et d’antigène lymphocyte humain
(lymphocyte T HLA-DR+) dans des biopsies d’AAA. Certains auteurs suggèrent que l’AAA est une maladie autoimmune comme d’autres vasculites et qu’elle devrait donc
être traitée par le biais de thérapies immunosuppressives.15
Finalement, puisqu’une anamnèse familiale positive d’AAA
augmente le risque d’AAA, les facteurs génétiques ont été
étudiés. Une région chromosomique susceptible d’augmenter le risque d’AAA a récemment été observée sur le
chromosome 19.16 Toutefois, aucun déficit génétique isolé
n’a été à ce jour identifié.
En 2004, une méta-analyse incluant des études de dépistage a évalué l’association entre différents facteurs de
risque et la présence d’AAA.17 Cette méta-analyse a montré une forte association entre le sexe masculin et l’AAA,
tandis que le tabagisme et les maladies coronariennes
présentaient une association modérée. L’hypertension ne
présentait elle qu’un rôle faible (OR, 1,33 (IC à 95%, 1,14 à
1,55)), et aucune association n’était mise en évidence entre le diabète et l’AAA (OR, 1,02 (IC à 95%, 0,81 à 1,29)). En
2005, une nouvelle revue systématique effectuée par l’US
preventive services task force (USPSTF) a permis d’identifier neuf facteurs de risque d’AAA.3 L’âge, le sexe masculin
et le tabagisme sont les facteurs de risque majeurs d’AAA.
Une anamnèse familiale positive pour un AAA, une coronaropathie, une hypercholestérolémie et une maladie cérébrovasculaire augmentent également le risque d’AAA (tableau 1). Par contre, le risque d’AAA paraît moindre pour
les patients d’origine africaine et les patients souffrant de
diabète. A ce jour, l’hypertension artérielle est donc considérée comme un facteur de risque modéré.2,18,19 Le rôle
modeste de l’hypertension artérielle et l’absence de rôle
du diabète semblent souligner la distinction entre les
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Tableau 1. Facteurs de risque d’anévrisme de l’aorte
abdominale
AAA : anévrisme de l’aorte abdominale.
Facteurs de risque
majeurs
• Sexe masculin
• Tabagisme actif ou ancien
• Age avancé
Facteurs de risque
modérés
•
•
•
•
•
•
Anamnèse familiale d’AAA
Coronaropathie
Claudication
Hypercholestérolémie
Hypertension
Maladie cérébrovasculaire
artériopathies occlusives (processus d’athérosclérose) et
la formation d’AAA.20,21
Concernant le risque de rupture, des études cliniques
et des études d’autopsies ont révélé que le diamètre
d’anévrisme et le rythme d’expansion sont les facteurs de
risque principaux de rupture.22,23 Des études supplémentaires ont permis d’identifier d’autres facteurs de risque
de rupture. Par exemple, lors de l’étude prospective U.K.
small anevrism trial, les investigateurs ont démontré que
le sexe féminin, l’hypertension artérielle et le tabagisme
actif augmentent le risque de rupture d’anévrisme.24 Cette
observation révèle une discordance entre la faible prévalence d’AAA et le haut risque de rupture chez la femme.
D’autres facteurs comme le rapport entre le diamètre aortique infra et suprarénal, le stress mécanique, la tension
existante dans la paroi de l’AAA ont été identifiés comme
facteurs de risque et inclus dans un modèle prédictif de
rupture.25 Finalement, et selon une étude ayant utilisé le
CT-scan, la tension maximale de la paroi de l’anévrisme
semble être un facteur prédictif de rupture au même titre
que le diamètre.26
APPROCHES THÉRAPEUTIQUES
L’AAA est une maladie généralement asymptomatique
jusqu’à sa rupture. La mortalité liée à la rupture d’anévrisme est élevée. Même lorsqu’une chirurgie d’urgence est
effectuée, ce qui est rarement le cas, 50% de patients avec
anévrisme rompu décèdent avant leur arrivée dans un
centre chirurgical.27,28 La réparation chirurgicale élective réduit de façon importante cette mortalité. Deux approches
chirurgicales sont actuellement disponibles. L’approche
classique par laparotomie a été pratiquée durant des années. Des données robustes concernant la morbidité et la
mortalité liées à cette méthode sont disponibles. La mortalité à court terme (définie comme la mortalité hospitalière) et la mortalité à long terme (définie comme la mortalité survenant jusqu’à cinq ans après l’opération) sont
d’environ 5%.29,30 La seconde approche, la réparation aortique endovasculaire est une technique récente consistant
à placer un stent au sein de l’anévrisme. Cette méthode a
reçu beaucoup d’attention ces dernières années. La mortalité à court terme de cette méthode est inférieure à 1 à
2%,31 mais les données sur la mortalité à long terme manquent actuellement.32 De plus, une proportion importante
de patients avec AAA ne peut pas bénéficier de cette
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méthode en raison de caractéristiques anatomiques incompatibles avec cette intervention, comme la présence
d’une aorte tortueuse.33 La confection sur mesure d’endoprothèses pourrait augmenter le recours au traitement
endovasculaire.34
MÉTHODES DE DÉPISTAGE
Puisque la chirurgie élective est considérée comme le
traitement principal de l’AAA, la prévention secondaire a
été proposée dans le but de détecter précocement les AAA.
Trois méthodes incluant la palpation abdominale, l’ultrasonographie et le CT ont été évaluées dans ce sens. La sensibilité de la palpation abdominale pour détecter un AAA
chez un patient asymptomatique augmente avec le diamètre de l’anévrisme. Elle est de 76% pour les anévrismes
de plus de 5 cm de diamètre et de seulement 29% pour les
anévrismes d’un diamètre compris entre 3 et 3,9 cm.35 Des
meilleures performances ont été obtenues en utilisant
l’échographie ainsi que le CT.36 Les deux méthodes d’imagerie montrent une haute sensibilité et spécificité (sensibilité entre 95 et 100%, spécificité près de 100%).37 Compte
tenu de l’irradiation, de l’utilisation de produit de contraste
et du coût, le CT n’est finalement recommandé que pour le
bilan préopératoire. Ainsi, l’ultrason abdominal est considéré comme la méthode la plus appropriée pour le dépistage de l’AAA.
RECOMMANDATIONS POUR LE DÉPISTAGE
DE L’ANÉVRISME DE L’AORTE ABDOMINALE
Les recommandations pour le dépistage de l’anévrisme
de l’aorte abdominale reposent essentiellement sur une
revue systématique effectuée par l’US preventive services
task force (USPSTF).3 Quatre essais cliniques contrôlés,
randomisés, évaluant l’efficacité d’un dépistage de l’AAA
ont été publiés depuis 1996 (tableau 2).38-41 Ces études
ont comparé la mortalité liée à l’AAA chez des participants
invités à suivre un programme de dépistage, à celle des
participants sans dépistage. Il est important de souligner
que ces études ont utilisé des méthodes de recrutement
et des algorithmes d’examens échographiques différents.
Par exemple, les participants de l’étude VIBORG, identi-
fiés sur la base d’une liste nationale, furent invités par
courrier postal à recevoir un examen échographique. Les
participants présentant un AAA d’un diamètre supérieur à
3 cm étaient adressés à leur médecin traitant pour informations et examens supplémentaires, tandis que les participants présentant un diamètre supérieur à 5 cm étaient
adressés à une consultation chirurgicale.38 Les investigateurs de l’étude australienne WESTERN AUSTRALIA laissaient aux médecins traitants la décision d’adresser leurs
patients à une consultation chirurgicale en fonction du
résultat de l’examen échographique, et ceci sans recommandation spécifique.40 Finalement, lors de l’étude MASS
(Multicentre aneurysm screening study), les participants
furent recrutés directement par leur médecin traitant. Les
investigateurs informaient alors les médecins traitants du
résultat de l’examen échographique de leurs patients, en
recommandant l’algorithme de prise en charge suivant :
les participants présentant un diamètre compris entre 3 et
4,4 cm devaient bénéficier d’un examen échographique
annuel, d’un examen échographique tous les trois mois lors
d’un diamètre compris entre 4,5 et 5,4 cm et d’une consultation chirurgicale lors d’un diamètre supérieur à 5,5 cm.41
La méta-analyse de ces quatre études (n = 125 000) a
montré que le dépistage de l’AAA chez les hommes de plus
de 65 ans, fumeurs ou anciens fumeurs, suivi de la réparation chirurgicale des anévrismes de grande taille (définis
comme un diamètre de 5,5 cm et plus) conduit à une diminution de la mortalité liée à l’AAA (OR : 0,57 (IC à 95%, 0,45
à 0,70)).3 L’USPSTF recommande depuis lors d’effectuer un
examen échographique à la recherche d’AAA chez les hommes âgés entre 65 et 75 ans, fumeurs ou anciens fumeurs
(recommandation de grade B). Au vu de la faible prévalence d’anévrisme chez la femme et compte tenu de l’absence
de données montrant une réduction de la mortalité liée à
l’AAA lors de dépistage effectué chez les femmes, l’USPSTF
ne recommande pas de dépistage chez les femmes. Le
rationnel et la description des niveaux des recommandations de l’USPSTF sont accessibles ailleurs.42 De plus,
l’USPSTF précise qu’un seul examen échographique suffit,
compte tenu de la faible incidence de nouveaux AAA chez
les hommes de plus de 65 ans (environ 4%). D’autres organisations médicales recommandent également le dépistage
de l’AAA par ultrason.43 Deux d’entres elles, l’American
Tableau 2. Caractéristiques et résultats des études randomisées contrôlées évaluant l’influence du dépistage de
l’anévrisme de l’aorte abdominale par ultrason sur la mortalité spécifique
(Adapté de réf. 3).
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Nombre de participants
dans le groupe
dépistage/groupe contrôle
Mortalité spécifique
Odds ratio (IC à 95%)
Age d’inclusion
(années)
Suivi moyen
(années)
Viborg (Danemark) 38
65-73
5,1
6339/6319
0,31 (0,13-0,79)
Chichester, Men
(Grande-Bretagne) 39
65-80
2,5
3205/3228
0,59 (0,27-1,29)
Western Australia
(Australie) 40
65-83
3,6
19 352/19 352
0,72 (0,39-1,32)
MASS (Grande-Bretagne) 41
65-74
4,1
33 839/33 961
0,58 (0,42-0,78)
Nom de l’étude
(pays)
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college of cardiology et l’American heart association, recommandent un dépistage précoce (dès 60 ans) chez les hommes dont l’anamnèse familiale est positive pour un AAA.43
L’USPSTF, faute de preuves solides d’efficacité, ne recommande pas formellement un dépistage précoce mais invite le médecin à évaluer, par une approche individualisée,
l’indication à un dépistage de l’AAA chez les patients,
même non fumeurs, qui ont dans leur famille des parents
de premier degré ayant été traités chirurgicalement pour
un AAA.3
COÛT-EFFICACITÉ DU DÉPISTAGE DE
L’ANÉVRISME DE L’AORTE ABDOMINALE
Depuis 1998, les stratégies de dépistage sont comparées en utilisant le terme statistique de «nombres nécessaires à dépister» (number needed to screen ou NNS). Le NNS
est une extension du concept de «nombre nécessaire à
traiter» (number needed to treat ou NNT). Le NNS est défini
comme le nombre de sujets à dépister pour prévenir un
décès.44 Le NNS, pour prévenir un décès lié à l’AAA dans
les cinq ans, est estimé à 500 lorsque le dépistage est appliqué à une population d’hommes âgés de 65 à 74 ans,
fumeurs ou anciens fumeurs, alors qu’il s’élève à 1783 lorsque ce dépistage est appliqué aux hommes n’ayant jamais
fumé.3 A titre de comparaison, le nombre nécessaire de
femmes chez qui une mammographie doit être effectuée
une fois par an, durant sept ans, pour éviter un décès dû
au cancer du sein, est de 465.45 Une analyse coût-efficacité
récente utilisant le modèle de Markov a montré que le
dépistage par ultrason et débuté à partir de 65 ans, est
coût-efficace, ne coûtant qu’environ US$ 11 000.– par QALY
(Quality adjusted life years).46 Le QALY est reconnu comme
l’indicateur principal de l’efficience d’une intervention
médicale.47 Les résultats sont concordants avec une étude
antérieure.48 Plusieurs stratégies ont été de plus proposées pour améliorer l’efficience des programmes de dépistage de l’AAA : augmentation du taux de recrutement,
du taux d’acceptation d’interventions chirurgicales et proposition de réparation aortique endovasculaire pour les
patients ne pouvant subir une laparotomie.49
DEVENIR DES PERFORMANCES DU DÉPISTAGE
DE L’ANÉVRISME DE L’AORTE ABDOMINALE
EN DEHORS DE PROTOCOLES D’ÉTUDES
Un dernier point au sujet du dépistage de l’AAA consiste
à s’interroger sur la distinction entre l’efficacité obtenue
dans un essai clinique (efficacy) et la performance de l’intervention dans des conditions du terrain (effectiveness), en
dehors du contexte de la recherche.50 En d’autres termes,
le dépistage de l’AAA est-il aussi efficace lorsqu’il est intégré dans la pratique quotidienne, alors que les étapes de
dépistage (invitation au dépistage, suivi des participants,
système de rappel, ressources disponibles pour les interventions chirurgicales) y sont différentes de celles programmées dans les essais cliniques.
Il est notamment important de déterminer les caractéristiques des patients inclus et de définir si celles-ci sont
proches de la population pour laquelle un dépistage se-
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rait proposé. Différentes méthodes de recrutement ont été
utilisées dans les études incluses dans la méta-analyse.
Lors de l’étude MASS, les participants étaient identifiés
par le médecin traitant,1 tandis que lors de l’étude WESTERN AUSTRALIA, les patients étaient identifiés à l’aide
de liste électorale.40 Ces méthodes sont-elles applicables
dans d’autres contextes ? Quelle est la méthode la plus appropriée (médecin traitant ou liste centralisée) ? Ces questions doivent être discutées avant l’introduction de programmes de dépistage de l’AAA. Les critères d’exclusion
de ces études présentaient également des différences. Par
exemple, dans l’étude MASS, les médecins traitants pouvaient exclure les patients qu’ils considéraient comme trop
fragiles pour subir une intervention chirurgicale. L’exclusion de ces patients fragiles contribue-t-elle à un biais de
sélection ? Lors de l’étude WESTERN AUSTRALIA, les investigateurs ont exclu les patients qui vivaient trop loin de
villes ayant les ressources nécessaires pour fournir un dépistage par ultrason. Les programmes de dépistage de l’AAA
ne sont-ils applicables que pour une population urbaine,
même si une étude récente suggère que le lieu de résidence (rural versus urbain) n’affecte pas le taux de participation ? 51 Ces questions nécessitent donc d’évaluer la performance du dépistage d’anévrisme dans des contextes plus
ordinaires que les études randomisées et ce, par le biais
d’étude de faisabilité.
Après avoir considéré le processus d’inclusion, d’autres
points importants à considérer pour évaluer les problèmes de dépistage sont les taux d’acceptation, de participation, de suivi et d’abandons. Le taux de participation
des études randomisées ayant évalué l’efficacité du dépistage de l’AAA par ultrason varie de 63 à 80%. Plus de
80% des patients chez qui un anévrisme a été mis en évidence dans l’étude MASS ont pu être suivis jusqu’à la fin de
l’étude. Ces valeurs sont proches du taux de participation
et de suivi observé dans d’autres programmes de dépistage comme ceux du cancer du sein et du cancer du col
utérin.52-54
Enfin, le dépistage de l’AAA devrait être effectué dans le
cadre d’un programme communautaire et non pas lors d’interventions individuelles. Le partenariat entre les patients,
les médecins de premier recours, les médecins fournissant
le service (ultrason abdominal) et les chirurgiens devrait
alors être optimal afin que l’effectiveness soit le plus proche
possible de l’efficacy démontré dans les études.
CONCLUSION
Malgré les améliorations de la médecine d’urgence et
de la chirurgie, la rupture d’AAA présente toujours une mortalité élevée. La chirurgie élective de l’AAA diminue cette
mortalité. Le dépistage de l’AAA par un examen échographique suivi de l’opération chirurgicale élective des anévrismes de plus de 5,5 cm est actuellement recommandé
chez les hommes de plus de 65 ans, fumeurs et anciens
fumeurs, sur la base de données robustes qui démontrent
l’efficacité de ce type de dépistage sur la mortalité liée à
l’AAA. La faisabilité d’un tel dépistage dans la vie réelle
doit encore être démontrée.
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Implications pratiques
> L’âge, le sexe masculin et le tabagisme sont les facteurs de
risque majeurs d’AAA
> L’ultrason abdominal est considéré comme la méthode la
plus appropriée pour le dépistage de l’AAA
> Il est recommandé d’effectuer un examen échographique à la
recherche d’AAA chez les hommes âgés entre 65 et 75 ans,
fumeurs ou anciens fumeurs
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