Joseph Cornell et la poésie - Musée des Beaux Arts de Lyon
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Joseph Cornell et la poésie - Musée des Beaux Arts de Lyon
Joseph Cornell et la POésie Mercredis 8 et 29 janvier 2014 Joseph Cornell, Untitled (Tilly Losch), vers 1935 (détail). Collection particulière © The Joseph and Robert Cornell Memorial Foundation / ADAGP, Paris 2014 - Photo © Mark Gulezian, QuickSilver Photographers LLC - Design graphique / FormaBoom Partages littéraires 1 Paul Eluard La terre est bleue 1929 Paul Éluard Capitale de la douleur suivi de L’Amour la poésie Paris, Gallimard, 1964 La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s’entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d’alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d’indulgence À la croire toute nue. Les guêpes fleurissent vert L’aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté. In : Paul Eluard, L’amour la poésie, 1929 2 Tristan Tzara 1920 Pour en savoir plus cliquez ici Pour faire un poème dadaïste Man Ray «Ô toi que j’eusse aimée... Toi qui le savais... Saisons... Châteaux... Toi dont la natation l’emporte sur le vol des longues ailes de la frégate...» 1935 Épreuve gélatino-argentique Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne / Centre de création industrielle Prenez un journal. Prenez des ciseaux. Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème. Découpez l’article. Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac. Agitez doucement. Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre dans l’ordre où elles ont quitté le sac. Copiez consciencieusement. Le poème vous ressemblera. Et vous voilà « un écrivain infiniment original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire ». © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais / Jacques Faujour © MAN RAY TRUST / ADAGP, Paris, 2014 AA l’antiphilosophe et Tristan Tzara In : Littérature, n°15, 1920 3 Walter Benjamin Passages parisiens 1928-1929 Max Ernst Ce singe serait-il catholique par hasard ? 1929 Collage original pour le livre La femme 100 têtes, Paris, Éditions du Carrefour Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne / Centre de création industrielle © ADAGP, Paris, 2014 © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Dist. RMNGrand Palais – Jacques Faujour Lorsque, enfants, nous recevions ces grands ouvrages de synthèse, « l ’univers et l’humanité », « le nouvel univers », « La Terre », notre regard ne tombait-il pas toujours en premier sur le « Paysage du carbonifère » en couleurs, ou sur les « Mers et glaciers de la première époque glaciaire » ? C’est ce genre de panorama idéal d’une époque primitive à peine écoulée qui s’ouvre au regard à travers les passages répandus dans toutes les villes. Là gîte le dernier dinosaure de l’Europe, le consommateur. Aux parois de ces grottes foisonne, telle une flore immémoriale, la marchandise et celle-ci, comme les tissus dans les tumeurs, contracte les liaisons les plus irrégulières. Un monde d’affinités secrètes : palmes et plumeaux, sèche-cheveux et la Vénus de Milo, prothèses et manuels de correspondance se retrouvent là ensemble comme après une longue séparation. Aux aguets, l’odalisque est étendue à côté de l’encrier, les adorantes lèvent leurs cendriers comme des patères. Ces étalages constituent un rébus, et on a sur le bout de la langue le mot pour dire comment la nourriture pour oiseaux se conserve dans le bain fixateur d’une chambre noire, et de quelle façon lire les graines de fleurs à côté de la paire de jumelles, les vis ébréchées sur le cahier de musique et le révolver sur le bocal des poissons rouges. De tout cela, au demeurant, rien n’a l’air neuf. Les poissons rouges proviennent peutêtre d’un bassin tari dans l’intervalle depuis belle lurette, le révolver aura été corpus delicti, et ces partitions ont difficilement pu sauvegarder leur propriétaire d’une mort par inanition lorsque les élèves se sont portés absents. À ce que les poètes disent de leurs écrits, nul ne doit jamais se fier. Lorsque Zola voulut défendre sa Thérèse Raquin contre les critiques hostiles,iladéclaréquesonlivreétaituneétude scientifique sur les tempéraments. Il s’était en effet proposé, selon lui, de développer sur un exemple avec exactitude comment agissent l’un sur l’autre le tempérament sanguin et le tempérament nerveux - pour le malheur des deux. Cette information ne pouvait mettre personne à l’aise. Elle n’explique pas non plus l’impact exceptionnel du colportage, le côté sanguinaire, l’atrocité bien cinématographique de l’action. Ce n’est pas en vain que celleci se joue dans un Passage. Si donc ce livre développe quelque chose en termes réellement scientifiques, c’est justement l’agonie des Passages parisiens, le processus de décomposition d’une architecture. De ses venins est lourde l’atmosphère de ce livre, et sa population en périt. On montrait dans la Grèce ancienne des endroits par où descendre dans le monde souterrain. Notre existence éveillée, elle aussi, est une contrée où des endroits cachés mènent dans le monde souterrain, plein de lieux où débouchent les rêves. De jour, nous passons devant sans rien soupçonner, mais à peine le sommeil vient-il que nous revenons vers eux à tâtons avec des prises rapides, et nous nous perdons dans les couloirs obscurs. Le labyrinthe des immeubles urbains ressemble à la conscience du plein jour ; les Passages (ce sont les galeries conduisant à leur existence passée) débouchent dans les rues imperceptiblement le jour. Mais la nuit, sous les sombres masses des maisons, leur obscurité compacte ressort d’effrayante façon ; et le passant attardé passe devant à la hâte, à moins que nous ne l’ayons encouragé au voyage le long de l’étroite ruelle. Les plus fausses couleurs sont possibles dans les Passages; que les peignes soient rouges et verts étonne à peine. La marâtre de BlancheNeige en possédait de tels, et quand le peigne n’avait pas fait son œuvre, alors il y avait la jolie pomme qui venait à l’aide, mi-rouge, mivert toxique comme les peignes bon marché. Partout les bas jouent leurs rôles en tournée, 4 une fois ils traînent sous les phonographes, vis-à-vis d’une boutique de philatélie, une autre fois, les voici à un guéridon de débit de boisson où une jeune fille les surveille. En face aussi, devant la boutique de timbres où parmi les enveloppes dont les timbres se mêlent avec raffinement, se répartissent sans amour les manuels d’un art de vivre dépassé, « Étreintes secrètes » et « Illusions affolantes», initiations à des vices et passions au rencart. Les vitrines sont recouvertes d’images d’Épinal multicolores, où l’on voit Arlequin fiancer sa fille, Napoléon traverser Marengo à cheval, tandis que, entre tous les genres de pièces d’artillerie, les frêles bourgeois anglais déambulent dans la large rue menant aux Enfers et celle, abandonnée, de l’Évangile. Aucun acheteur ne devait entrer dans cette boutique avec des opinions préconçues, heureux en la quittant de ramener à la maison un volume : « Recherche de la vérité » Ou « Miss Daisy, un journal d’une écuyère anglaise ». In : Walter Benjamin. Archives. Klincksieck, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 2011. p. 69-71 Novalis Extrait d’Henri d’Ofterdingen, roman 1802 Joseph Cornell Ephemera Metaphysic: Novalis 1941 Construction (boîte) ; 11,3 x 20,3 x 6,6 cm Vaduz, Kunstmuseum Lichtenstein Le rêve d’Henri © photo by Heinz Preute / Kunstmuseum Liechtenstein, Vaduz © The Joseph and Robert Cornell Memorial Foundation / ADAGP, Paris, 2014 Le jeune homme se perdit peu à peu en de douces visions et s’endormit. Il rêva d’abord de distances infinies, de contrées sauvages et inconnues. Il marchait, traversant des mers avec une facilité incompréhensible ; il vit des animaux étranges ; il vécut avec des hommes de races diverses, tantôt en guerre, dans des tumultes effrénés, tantôt dans de paisibles cabanes. Il connut la captivité et la plus noire détresse. Tous les sentiments s’exaltèrent en lui jusqu’à un degré qu’ils n’avaient jamais atteint. Il vécut une existence infiniment mouvementée, mourut et revint à la vie, aima d’une passion poussée jusqu’à l’extrême, et fut ensuite séparé, pour l’éternité, de celle qu’il aimait… A l’approche du matin, lorsque au-dehors l’aube se mit à poindre, le calme revint enfin dans son âme, les images se firent plus nettes et plus stables. Alors il lui sembla qu’il marchait seul dans une forêt obscure. Le jour ne perçait qu’à de rares intervalles le vert réseau du feuillage. Bientôt il arriva devant une gorge rocheuse qui montait à flanc de coteau. Il lui fallut escalader des blocs couverts de mousse qu’un ancien torrent y avait entraînés. À mesure qu’il grimpait, la forêt s’éclaircissait. Il parvint enfin jusqu’à une verte prairie qui s’étendait au flanc de la montagne. Audelà de cette prairie s’élevait une falaise abrupte, au pied de laquelle il aperçut une ouverture qui semblait être l’entrée d’une galerie taillée dans le roc. Il suivit un certain temps ce couloir souterrain qui le conduisit sans difficulté vers une grande salle d’où lui parvenait de loin l’éclat d’une vive clarté. En y entrant, il vit un puissant jet d’eau qui, paraissant s’échapper d’une fontaine jaillissante, s’élevait jusqu’à la paroi supérieure de la voûte et s’y pulvérisait en mille paillettes étincelantes qui retombaient toutes dans un vaste bassin ; la gerbe resplendissait comme de l’or en fusion ; on n’entendait pas le moindre bruit; un silence religieux entourait ce spectacle grandiose. Il s’approcha de la vasque qui ondoyait et frissonnait dans un chatoiement de couleurs innombrables. Les parois de la grotte étaient embuées de ce même liquide qui n’était pas chaud, mais glacé, et n’émettait sur ces murailles qu’une lueur mate et bleuâtre. Il plongea sa main dans la vasque et humecta ses lèvres. Ce fut comme si un souffle spirituel le pénétrait : au plus profond de lui-même il sentit renaître la force et la fraîcheur. Il lui prit une envie irrésistible de se baigner : il se dévêtit et descendit dans le bassin. Alors il lui sembla qu’un des nuages empourprés du crépuscule l’enveloppait ; un flot de sensations célestes inondait son cœur; mille pensées s’efforçaient, avec une volupté profonde, de se rejoindre en son esprit ; des images neuves, non encore contemplées, se levaient tout à coup pour se fondre à leur tour les unes dans les autres et se métamorphoser autour de lui en créatures visibles ; et chaque ondulation du suave élément se pressait doucement contre lui, comme un sein délicat. Le flot semblait avoir dissous des formes charmantes de jeunes filles qui reprenaient corps instantanément au contact du jeune homme. Dans une ivresse extatique, et pourtant conscient de la moindre impression, il se laissa emporter par le torrent lumineux qui, au sortir du bassin, s’engloutissait dans le rocher. Une sorte de douce somnolence s’empara de lui, et il rêva d’aventures indescriptibles. Il en fut tiré par une nouvelle vision. Il se trouva couché sur une molle pelouse, au bord d’une source qui jaillissait et semblait se dissiper en l’air. Des rochers d’un bleu 5 foncé, striés de veines de toutes couleurs, s’élevaient à quelque distance ; la clarté du jour qui l’entourait était plus limpide et plus douce que la lumière habituelle ; le ciel était d’azur sombre, absolument pur. Mais ce qui l’attira d’un charme irrésistible, c’était, au bord même de la source, une Fleur svelte, d’un bleu éthéré, qui le frôlait de ses larges pétales éclatants. Tout autour d’elle, d’innombrables fleurs de toutes nuances emplissaient l’air de leurs senteurs les plus suaves. Lui, cependant, ne voyait que la Fleur bleue, et il la contempla longuement avec une indicible tendresse. Il allait enfin s’en approcher quand elle se mit soudain à tressaillir et à changer d’aspect ; les feuilles devinrent plus brillantes et se serrèrent contre la tige qui s’allongeait ; la fleur s’inclina vers lui et les pétales formèrent en s’écartant une collerette bleue où flottait un visage délicat. Son doux émerveillement croissait à mesure que s’accomplissait l’étrange métamorphose, — quand tout à coup la voix de sa mère l’éveilla : il se retrouva dans la chambre familiale que doraient déjà les rayons du matin. Il était trop enchanté pour prendre humeur de ce contretemps ; au contraire, il dit un aimable bonjour à sa maman et lui rendit son embrassement affectueux. GERARD DE NERVAL Aurélia 1855 Max Ernst Fleurs de neige 1929 Huile sur toile Riehen / Bâle, Fondation Beyeler, Collection Beyeler Pour consulter le texte intégral cliquez ici © ADAGP, Paris, 2014 © Photo Robert Bayer, Basel Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. C’est un souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : – le monde des Esprits s’ouvre pour nous. Swedenberg appelait ces visions Memorabilia ; il les devait à la rêverie plus souvent qu’au sommeil ; l’Âne d’or d’Apulée, la Divine Comédie du Dante, sont les modèles poétiques de ces études de l’âme humaine. Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans mon esprit ; — et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moimême, je ne me suis senti mieux portant. Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées ; il me semblait tout savoir, tout comprendre ; l’imagination m’apportait des délices infinies. En recouvrant ce que les hommes appellent la raison, faudra-til regretter de les avoir perdues ?… Chacun peut chercher dans ses souvenirs l’émotion la plus navrante, le coup le plus terrible frappé sur l’âme par le destin ; il faut alors se résoudre à mourir ou à vivre : — je dirai plus tard pourquoi je n’ai pas choisi la mort. (…)De sorte qu’un jour me trouvant dans une société dont elle faisait partie, je la vis venir à moi et me tendre la main. Comment interpréter cette démarche et le regard profond et triste dont elle accompagna son salut ? J’y crus voir le pardon du passé ; l’accent divin de la pitié donnait aux simples paroles qu’elle m’adressa une valeur inexprimable, comme si quelque chose de la religion se mêlait aux douceurs d’un amour jusque-là profane, et lui imprimait le caractère de l’éternité. Cette Vita nuova a eu pour moi deux phases. Voici les notes qui se rapportent à la première. (…)Cette nuit-là, je fis un rêve qui me confirma dans ma pensée. — J’errais dans un vaste édifice composé de plusieurs salles, dont les unes étaient consacrées à l’étude, d’autres à la conversation ou aux discussions philosophiques. Je m’arrêtai avec intérêt dans une des premières, où je crus reconnaître mes anciens maîtres et mes anciens condisciples. Les leçons continuaient sur les auteurs grecs et latins, avec ce bourdonnement monotone qui semble une prière à la déesse Mnémosyne. — Je passai dans une autre salle, où avaient lieu des conférences philosophiques. J’y pris part quelque temps, puis j’en sortis pour chercher ma chambre dans une sorte d’hôtellerie aux escaliers immenses, pleins de voyageurs affairés. Une dame que j’avais aimée longtemps, et que j’appellerai du nom d’Aurélia, était perdue pour moi. Peu importent les circonstances de cet événement qui devait avoir une si grande influence sur ma vie. Je me perdis plusieurs fois dans les longs corridors, et, en traversant une des galeries centrales, je fus frappé d’un spectacle étrange. Un être d’une grandeur démesurée — homme ou femme, je ne 6 sais, — voltigeait péniblement au-dessus de l’espace et semblait se débattre parmi des nuages épais. Manquant d’haleine et de force, il tomba enfin au milieu de la cour obscure, accrochant et froissant ses ailes le long des toits et des balustres. Je pus le contempler un instant. Il était coloré de teintes vermeilles, et ses ailes brillaient de mille reflets changeants. Vêtu d’une robe longue à plis antiques, il ressemblait à l’Ange de la Mélancolie d’Albrecht Dürer. — Je ne pus m’empêcher de pousser des cris d’effroi, qui me réveillèrent en sursaut. (…)Pendant mon sommeil, j’eus une vision merveilleuse. Il me semblait que la déesse m’apparaissait, me disant : « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as toujours aimée. À chacune de tes épreuves, j’ai quitté l’un des masques dont je voile mes traits, et bientôt tu me verras telle que je suis… ». Un verger délicieux sortait des nuages derrière elle, une lumière douce et pénétrante éclairait ce paradis, et cependant je n’entendais que sa voix, mais je me sentais plongé dans une ivresse charmante. — Je m’éveillai peu de temps après et je dis à Georges : — Sortons. Paul Eluard Giorgio De Chirico 1924 Giorgio De Chirico Mélancolie hermétique 1919 Paris, musée d’Art Moderne © ADAGP, Paris, 2014 © Musée d’Art Moderne / Roger-Viollet Un mur dénonce un autre mur Et l’ombre me défend de mon ombre peureuse, Ô tour de mon amour autour de mon amour, Tous les murs filaient blanc autour de mon silence. Toi, que défendais-tu ? Ciel insensible et pur Tremblant tu m’abritais. La lumière en relief Sur le ciel qui n’est plus le miroir du soleil, Les étoiles de jour parmi les feuilles vertes, Le souvenir de ceux qui parlaient sans savoir, Maîtres de ma faiblesse et je suis à leur place Avec des yeux d’amour et des mains trop fidèles Pour dépeupler un monde dont je suis absent. In : Paul Eluard, Mourir de ne pas mourir. Paris, Gallimard, 1924 7 Max Jacob Exposition coloniale 1923 André Breton Le Déclin de la société bourgeoise (The Decline of Bourgeois Society) about 1935-1940 Collage on paper GMA 3945 Scottish National Gallery of Modern Art © ADAGP, Paris, 2014 © Scottish National Gallery of Modern Art Les jambes des palétuviers ressemblent à celles des chevaux arabes en bataillons. musique mécanique dans un bistrot Le corbeau d’Edgar Poe a une auréole qu’il éteint parfois. J’ai un mari honnête, je suis maligne, honnête et pourtant je ne suis qu’une marionnette. Le pauvre examine le manteau de saint Martin et dit : « Pas de poches ? » Ce n’était pas la peine de trancher le cou du clown pour montrer que la foire est finie, le cadavre suffisait et ce gilet de coutil. Adam et Ève sont nés à Quimper. In : Max Jacob, Le cornet à dés. Paris, Gallimard, 1945 Le bon ton était d’aller au bain en costume de peluche pour prouver qu’on ne se servait pas deux fois du même. On attendait que l’impératrice Eugénie parût en Marie-Antoinette. Ce fut le costume de Jeanne d’Arc qu’elle avait choisi. La nuit, l’ombre nyctalope d’Harpagon examine mes dessins. Un homme devient spirituel à force d’expérience et de rage. L’esprit d’une femme reste à la mode de son temps. Du clavier de son abdomen l’abeille tire des sons jaune et noir. L’auto avait la forme d’une crinoline, d’une crinolune et les enfants accourus avaient la calotte des pierrots. Pour se sauver de l’incendie les arbres alignés emmènent leurs petits. Enfin leurs bras tombèrent découragés : connurent la douleur d’être arbres. Nous avons eu plusieurs dîners dont l’un entièrement diplomatique. Tout le monde était diplomatique et il y avait même un attaché d’ambassade. Le sismographe ! le sismographe pour mesurer mes tremblements de terre. Le demi-disque de cette cravate, cercle cosmique seul cadre digne de votre visage. La chair déformée par ses humiliations dit à la chair débordée par ses joies : « Je ne vous reconnais plus. _ C’est que je suis maintenant moi-même », répond la complice. Mes vêtements sur la chaise étaient un pantin, un pantin mort. 8 Arthur Rimbaud Promontoire 1872-1875 Pour consulter le texte intégral cliquez ici Joseph Cornell Hotel de la Mer (Hotel Goldene Sonne) 1950-1951 Eli and Edythe Broad Art Museum, Michigan State University The Joseph and Robert Cornell Memorial Foundation L’aube d’or et la soirée frissonnante trouvent notre brick en large en face de cette villa et de ses dépendances, qui forment un promontoire aussi étendu que l’Épire et le Péloponnèse, ou que la grande île du Japon, ou que l’Arabie ! Des fanums qu’éclaire la rentrée des théories, d’immenses vues de la défense des côtes modernes ; des dunes illustrées de chaudes fleurs et de bacchanales ; de grands canaux de Carthage et des Embankments d’une Venise louche ; de molles éruptions d’Etnas et des crevasses de fleurs et d’eaux des glaciers ; des lavoirs entourés de peupliers d’Allemagne ; des talus de parcs singuliers penchant des têtes d’Arbre du Japon ; les façades circulaires des « Royal » ou des « Grand » de Scarbro’ou de Brooklyn ; et leurs railways flanquent, creusent, surplombent les dispositions de cet Hôtel, choisies dans l’histoire des plus élégantes et des plus colossales constructions de l’Italie, de l’Amérique et de l’Asie, dont les fenêtres et les terrasses à présent pleines d’éclairages, de boissons et de brises riches, sont ouvertes à l’esprit des voyageurs et des nobles — qui permettent, aux heures du jour, à toutes les tarentelles des côtes, — et même aux ritournelles des vallées illustres de l’art, de décorer merveilleusement les façades du Palais-Promontoire. © The Joseph and Robert Cornell Memorial Foundation / ADAGP, Paris, 2014 In : Arthur Rimbaud, Les Illuminations, 1872-1875 9