vient de paraître - École du Val-de-Grâce
Transcription
vient de paraître - École du Val-de-Grâce
&Armées Médecine Revue du Service de santé des armées TOME 36 N°3 Juin 2008 ISSN 0300-4937 MÉDECINE ET ARMÉES Revue du Service de santé des armées SOMMAIRE Pages T. 36 - n° 3 - Juin 2008 Direction centrale du Service de santé des armées Médecine et Armées 1, Place Alphonse Laveran, 75230 Paris Cedex 05. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION MGI J. MARIONNET RÉDACTEUR EN CHEF MG F. FLOCARD – Tél. : 01 40 51 47 01 RÉDACTEURS EN CHEF ADJOINTS MC É. DARRÉ – MCS J.-D. CAVALLO. SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Mme M. SCHERZI Tél. : 01 40 51 47 44 Fax : 01 40 51 51 76 Email : [email protected] TRADUCTION MC M. AUDET-LAPOINTE COMITÉ DE RÉDACTION MCS B. BAUDUCEAU – CDC A. BENMANSOUR – MCS A.-X. BIGARD – PC P. BURNAT – MCS J.-D. CAVALLO – MC É. DARRÉ – MCS S. FAUCOMPRET – MG R. JOSSE – VEGI J.-C. KERVELLA – MCS. J.-M. ROUSSEAU – MCS D. VALLET. COMITÉ SCIENTIFIQUE MGI J.-L. ANDRÉ – MGI D. BÉQUET – MGI P. BINDER – MCS P. BONNET – MG G. CAMILLERI – MGA P. JEANDEL – MGI F. EULRY –– MGI J.-F. GOUTEYRON – MGI G. MARTET – MG J. MARTIN – MGI J.-P. MENU – MG M. MORILLON – MGI B. ROUVIER – PGI C. RENAUDEAU – GB C. TILLOY – MGI J.E. TOUZE – MG M. VERGOS. CONSEILLERS HONORAIRES MGI P H . ALLARD – MGI M. BAZOT – MGI B. BRISOU – MCS A. CHAGNON – MGI L. COURT – MGI J.-P. DALY – MGA J.DE SAINT JULIEN – MGI CL. GIUDICELLI – MGI J. GUELAIN - CDG P H . KAHL – MGI J. KERMAREC – MGI CH. LAVERDANT – MGI P. LEFEBVRE – PGI LECARPENTIER – VEGI R. LUIGI – VBGI CL. MILHAUD – MGI J. MINÉ – MCS CL. MOLINIÉ – MCS J.-L. PAILLER – MGI P. QUEGUINER – MGI J.-M. VEILLARD – MGI J. VIRET – MGI R. WEY. ÉDITION Délégué à l'information et à la communication de la Défense (DICoD) - BP 33, 00450 Armées. Tél. : 01 44 42 30 11 ABONNEMENT (5 NUMÉROS PAR AN) ECPAD/Service abonnements, 2 à 8 route du Fort, 94205 IVRY-SUR-SEINE Cedex. Tél. : 01 49 60 52 44 - Fax : 01 49 60 52 68. Tarif des abonnements/1 an : • Métropole : 36,50 € • DOM-TOM par avion : 59,70 € • Étranger par avion : 70,00 € • Militaires et - 25 ans Métropole : 25,00 € • Militaires et - 25 ans DOM-TOM : 48,00 € Prix du numéro : 7,50 € Les chèques sont à libeller à l’ordre de l’agent comptable de l’ ECPAD. IMPRIMEUR ET ROUTAGE Pôle graphique de Tulle – BP 290 –19007 Tulle Cedex. Tél. : 05 55 93 61 00 Commission paritaire N° 0306 B 05721 ISSN : 0300-4937 COUVERTURE Ghislaine PLOUGASTEL [email protected] PRATIQUE MEDICO-MILITAIRE 195 • La télémicrobiologie dans l’armée allemande. Un nouveau module de télémédecine pour apport dans le domaine des maladies infectieuses lors des missions extérieures. P. SCHEID, L. ZÖLLER. 203 • Tarification à l’activité et contrat de bon usage. Implications dans les Services de phamacie hospitalière des hôpitaux d’instruction des armées. P. LE GARLANTÉZEC, H. MULLOT, O. AUPÉE, M. PAILLET, M.-P. DASSÉ, B. CANNONGE. X. BOHAND. 213 • Quel avenir pour les eaux conditionnées dans la stratégie d’approvisionnement des forces armées en situation opérationnelle ? G. BORNERT, C. PORTELLI-CLERC, Y. BOUHDA, A. KAROM, H. HASKOURI, K. CHABAA. 219 • Rebreathing et appareil de protection respiratoire. P. MOULIN, J.-L. CAPRON, T. CUNEY, A. MONTMAYEUR, P. VIANCE. 223 • Médecin des éléments français au Tchad à Faya Largeau. D. GRAS. 229 • Fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants. J.-C. AMABILE, X. CASTAGNET, S. BOHAND, N. GRANGER-VEYRON, P. ANZIANI, F. MICHIEL, P. LAROCHE. 235 • Secteur dentaire interarmées de Mourmelon. B. FENISTEIN. MISE AU POINT 241 • Prise en charge des cholécystites aiguës en un temps. Expérience du service chirurgie viscérale de l’HIA Desgenettes. L. MINGOUTAUD, J.-P. OWONO, C. DUSSART, D. N’GABOU, M. DELIGNY, CH. LOUIS, S. FAUCOMPRET. 247 • Intérêt d’un nouveau système de contention intermaxillaire pour les traumatismes faciaux en opérations extérieures. Intermaxillary fixation (IMF) Quick-fix System ®. G. THIÉRY, O. COULET, E. DEMORTIÈRE, P. BALANDRAUD, G. POULIQUEN, O. LIARD, A. PARANQUE. 251 • Maladie de Verneuil et carcinome épidermoïde. L. MONTAGLIANI, O. MONNEUSE, E. TISSOT. 257 • Atlas de génétique et de cytogénétique oncologique sur internet. F. DÉSANGLES, PH. CAMPARO, É. NICAN, J.-L. HURET. 261 • Mise au point sur les gangrènes périnéo-scrotales. À propos d’une série de 72 cas. A. ACHOUR, M.T. TAJDINE, A. ALAHYANE, M. MOUJAHID, M. DAALI FAIT CLINIQUE 265 • Compression cave supérieure compliquant un mésothéliome pleural sarcomatoïde. J. MARGERY, S. LE MOULEC, P. RUFFIE. 269 • Invagination colique sur lipome : à propos d’un cas. M. MENFAA, A. HOMMADI, A. CHOHO. MEMOIRE 273 • La thyroïdectomie totale est-elle le traitement chirurgical de choix en cas de goitre multinodulaire ? À propos de 230 cas. M.-T. TAJDINE, M. LAMRANI, M. MOUJAHID, F. BENARIBA, M. DAALI. HISTOIRE 277 • Controverses autour de l’intoxication arsenicale de Napoléon 1er. Analyse de l’histoire clinique du patient et revue de la littérature. H. LEYRAL. 193 CONTENTS Pages MEDICO-MILITARY PRACTICE 195 • Telemicrobiology in the german army: a new telemedecine module for mission support in the field of infectious diseases. P. SCHEID, L. ZÖLLER. 203 • Allowances for activity and correct usage contract: concequences for the pharmacy department in the army hospital. P. LE GARLANTÉZEC, H. MULLOT, O. AUPÉE, M. PAILLET, M.-P. DASSÉ, B. CANNONGE. X. BOHAND. 213 • Which use for bottled waters in the french water supply management strategy during field operations? G. BORNERT, C. PORTELLI-CLERC, Y. BOUHDA, A. KAROM, H. HASKOURI, K. CHABAA. 219 • Rebreathing and breathing apparatus. P. MOULIN, J.-L. CAPRON, T. CUNEY, A. MONTMAYEUR, P. VIANCE. 223 • Physician of the french elements in Chad in Faya Largeau. D. GRAS. 229 • The exposur data and fitness for work assessment from for personnel exposed to ionizing radiation. J.-C. AMABILE, X. CASTAGNET, S. BOHAND, N. GRANGER-VEYRON, P. ANZIANI, F. MICHIEL, P. LAROCHE. 235 • The inter-service dental sector of Mourmelon. B. FENISTEIN. PROGRESS CASE REPORT 241 • Management of acute cholecystitis treatment in one time: experience of HIA Desgenettes’ visceral surgical team. L. MINGOUTAUD, J.-P. OWONO, C. DUSSART, D. N’GABOU, M. DELIGNY, CH. LOUIS, S. FAUCOMPRET. 247 • Interest of a new intermaxillary fixation’s system for the facial wounded in military operations: l’intermaxillary fixation (IMF) Quick-fix System ®. G. THIÉRY, O. COULET, E. DEMORTIÈRE, P. BALANDRAUD, G. POULIQUEN, O. LIARD, A. PARANQUE. 251 • Verneuil disease and epidermoid carcinoma. L. MONTAGLIANI, O. MONNEUSE, E. TISSOT. 257 • Atlas of genetics and cytogenetics in oncology on internet. F. DÉSANGLES, PH. CAMPARO, É. NICAN, J.-L. HURET. 261 • Synthesis on the perinea’s gangrenes. About a set of 72 cases. A. ACHOUR, M.T. TAJDINE, A. ALAHYANE, M. MOUJAHID, M. DAALI CLINICAL CASE REPORT 265 • Superior vena cava obstruction complicating sarcomatoid pleural mesothelioma. J. MARGERY, S. LE MOULEC, P. RUFFIE. 269 • Colic intussusception caused by lipoma: about one case. M. MENFAA, A. HOMMADI, A. CHOHO. MEMORY 1re de couverture : Marzy (Aisne) L’ambulance – Laboratoire de toxicologie Première Guerre Mondiale. 4e de couverture avec l’aimable autorisation de la société Martineau. 273 • Total thyroidectomy: is it the procedure of choise for the surgical management of the benign multinodular goiter? M.-T. TAJDINE, M. LAMRANI, M. MOUJAHID, F. BENARIBA, M. DAALI. HISTORY 277 • Polemic about the arsenical intoxication of Napoleon I: clinical history’s study and review of the litterature. H. LEYRAL. 194 Pratique médico-militaire LA TÉLÉMICROBIOLOGIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE Un nouveau module de télémédecine pour apport dans le domaine des maladies infectieuses lors des missions extérieures P. SCHEID, L. ZÖLLER RÉSUMÉ Lors d’une mission opérationnelle extérieure au territoire national (OPEX), les maladies infectieuses comptent parmi les affections les plus fréquentes. Leur diagnostic nécessite des équipements/procédés ainsi qu’une expertise spécifique, qui sont fournis par les laboratoires de microbiologie de campagne. Dans le but de fournir une assistance au processus de diagnostic en termes de microbiologie, un module dit de « télémicrobiologie », équipé de matériels, caméras et logiciels spécifiques, version modifiée du poste de travail de télémédecine standard, a été mis au point et validé. Entre-temps, le module a été installé sur deux zones d’engagement et a fait ses preuves dans l’utilisation au quotidien. Il permet la transmission immédiate d’images statiques de grande qualité représentant des préparations microscopiques ou des cultures bactériennes avec prolifération. Le recours à un expert via la télémédecine améliore la spécificité des diagnostics en évitant les faux positifs et permet l’établissement de diagnostics permettant, en particulier dans le domaine de la parasitologie médicale, de déterminer une thérapie sans envoi préalable d’échantillons en Allemagne. En termes de bactériologie, le pilotage du processus de diagnostic peut alors être réalisé par le centre d’expertise, même dans les cas où on ne dispose sur le site que de techniciens de laboratoire. Mots-clés : Laboratoire de microbiologie de campagne. Maladies infectieuses. Télémédecine. Télémicrobiologie. I. INTRODUCTION. A) DIAGNOSTIC DES MALADIES INFECTIEUSES EN OPÉRATIONS. Les militaires en opération sont soumis à plusieurs égards à un risque d’infection élevé. Ils sont, par exemple, particulièrement exposés vis-à-vis de certains animaux pouvant transmettre des maladies, tels que les moustiques et les rongeurs, qui sont susceptibles d’être des réservoirs P. SCHEID, parasitologiste médical. L. ZÖLLER, directeur du service laboratoire. Correspondance : Dr. P. Scheid, Institut central du Service de santé de la Bundeswehr, service laboratoires I – médecine, Andernacher Str. 100, 56070 Koblenz, Allemagne. médecine et armées, 2008, 36, 3 ABSTRACT TELEMICROBIOLOGY IN THE GERMAN ARMY: A NEW TELEMEDICINE MODULE FOR MISSION SUPPORT IN THE FIELD OF INFECTIOUS DISEASES. Infectious diseases are among the most common diseases in missions abroad. Their diagnosis requires special procedures and expertise, both provided by the microbiological field laboratories. In order to support the diagnostic process by means of telemedicine, a modification of the standard telemedical workstation, i.e. a module “telemicrobiology” with special equipment, camera and software, has been designed and validated. This module, meanwhile installed in two operational theaters, has stood the test in routine practice. It enables the transmission of high-quality static images of microscopic specimens in a matter of seconds. The telemedical inclusion of experts into diagnostic analysis improves diagnostic specificity by avoiding false positive results and, particularly in medical parasitology, allows a treatment-essential diagnosis without dispatch of specimens to Germany. In bacteriology, telemicrobiology allows the control of the entire diagnostic process by the expert workstation even with a mere technical staff on site. Keywords: Infectious diseases. Microbiological field laboratories. Telemedicine. Telemicrobiology. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 201-208) hôtes d’agents pathogènes. L’approvisionnement en denrées alimentaires et en eau potable est un domaine critique, qui détermine de manière décisive la fréquence des infections gastro-intestinales. Les maladies sexuellement transmissibles sont également très présentes. Le degré d’exposition aux risques concerne, comme l’atteste l’expérience, un pourcentage notable des personnels militaires engagés dans des opérations. La prédisposition individuelle aux infections peut se trouver accrue en raison du stress ou d’une importante sollicitation physique. La fréquence des infections des plaies est essentiellement conditionnée par le profil opérationnel. En ce qui concerne les infections bactériennes il faut s’attendre, selon le pays dans lequel se déroule l’opération, à des comportements de résistance 195 inhabituelle des agents pathogènes. Enfin, de nombreux agents infectieux, par exemple, ceux conduisant à des infections respiratoires, peuvent se propager particulièrement rapidement au sein d’une communauté militaire évoluant dans des conditions de promiscuité. Dans le cadre d’opérations des forces américaines menées au cours des dernières années, et pour lesquelles on dispose de bonnes statistiques épidémiologiques, l’incidence hebdomadaire des maladies infectieuses était toujours une des plus élevées. En données chiffrées – avec des prédominances variables – les infections gastrointestinales et respiratoires étaient en tête des statistiques. Il convient également de s’attendre à l’apparition d’infections dues à des agents infectieux de la zone d’endémie. Ceci concerne, bien sûr, tout particulièrement la population indigène, que parfois on sera amené à prendre en charge médicalement dans le cadre de l’aide humanitaire. Dans le cas de soldats de forces amies bénéficiant aussi de notre soutien sanitaire, il convient en outre de prendre en considération les maladies infectieuses endémiques de leur pays d’origine respectif. La médecine des maladies infectieuse, qui en tant que discipline transversale concerne de nombreuses spécialités cliniques, au même titre que l’épidémiologie des infections, s’appuie largement sur les diagnostics des laboratoires de microbiologie de campagne. Le principe directeur, énoncé par le chef d’État-major du Service de santé de la Bundeswehr, définit ce qu’un soldat est en droit d’attendre en cas de maladie, de blessure ou de lésions survenues dans le cadre d’une opération extérieure : à savoir une prise en charge médicale de grande qualité qui, en termes de résultat, doit correspondre au traitement dont on bénéficierait en Allemagne. Ce principe directeur orienté sur le résultat n’implique pas forcément la reproduction intégrale sur un théâtre extérieur de la médecine telle qu’on la pratique en Allemagne. Les conditions prévalant sur place ne permettraient pas, dans beaucoup de cas, de réaliser une telle entreprise, en particulier dans le cas des spécialités techniquement compliquées, dont fait partie la microbiologie médicale. Aussi, dans la situation particulière que constitue une opération extérieure, cette spécialité fait appel à des méthodes qui tiennent compte tant de la faisabilité technique que de l’objectif imposé par le principe directeur. La mise en œuvre de laboratoires de campagne est basée sur un vivier de personnels qui, pour assurer la permanence des services, est amené à avoir largement recours à des spécialistes autres que ceux employés dans les centres de microbiologie. Ceci est intimement lié au fait que, selon les spécialisations individuelles, il n’est pas toujours possible de disposer sur le théâtre des opérations de l’expertise technique nécessaire dans tous les domaines de la microbiologie (bactériologie, virologie, parasitologie). Pour cette raison, dans de nombreux compartiments du diagnostic, le fastidieux transport des échantillons en Allemagne était autrefois la seule possibilité de fournir une expertise microbiologique spécifique, y compris dans le cadre 196 d’opérations extérieures. L’objectif du projet initié en 2003 par l’Institut central de Coblence a donc été d’évaluer dans quelle mesure des procédés de télémédecine seraient appropriés pour un soutien quasi-immédiat dans le domaine de la microbiologie médicale lors d’opérations extérieures. Ce questionnement était nouveau dans la mesure où, à cette date, les techniques de télémédecine n’avaient été validées qu’une seule fois pour cette spécialité, à savoir uniquement pour le domaine d’application très limité de la transmission de photographies microscopiques de frottis de Gram (1). Le présent mémoire est un rapport traitant de la mise en place et de la mise en œuvre d’un module spécifique de « télémicrobiologie » en tant que variante du poste de travail de télémédecine existant déjà au sein du Service de santé. Il présente également des résultats de validation et des expériences acquises lors de son utilisation en pratique de routine quotidienne. II. RAPPEL. A) MISE EN ŒUVRE DE LA TÉLÉMÉDECINE LORS DES OPÉRATIONS. La télémédecine est la « réalisation de tâches médicales en recourant à la télétransmission électronique pour communiquer des données médicales ». Les données à transmettre sont en règle générale des informations de type imagerie. Une autre définition désigne la télémédecine comme étant « l’utilisation de technologies de l’information et de la communication, afin de pouvoir fournir des prestations médicales indépendamment du lieu et de l’instant ». Au sein du Service de santé de la Bundeswehr, les applications de la télémédecine sont déjà largement utilisées. À ce jour, 75 postes de travail de télémédecine sont mis en œuvre. Ils se trouvent dans les blocs sanitaires des navires en mer, ainsi que dans les hôpitaux de campagne, les centres de secours ou les centres de soins. Nous disposons d’une expérience particulière en matière d’applications dans les spécialités de chirurgie, radiologie, soins dentaires ou dermatologie. Le soutien technique en matière de télémédecine est assuré par le Centre allemand de l’aéronautique et de la spationautique (DLR, Köln). B) LABORATOIRE DE MICROBIOLOGIE DE CAMPAGNE LORS DES OPÉRATIONS. L’importance du rôle du laboratoire dans un scénario d’emploi opérationnel est incontestée dans la médecine militaire internationale. Un des résultats consensuels de la rencontre intitulée « Military Public Health Laboratory Symposium » qui s’est tenue en 1999 à Washington, fut que l’accès rapide à un diagnostic des maladies infectieuses correspondant au dernier état de l’art doit être disponible à tous les échelons du système militaire de soins, c’est-à-dire également lors des opérations (2). p. scheid Outre le diagnostic orienté sur la médecine individuelle, recherchant une décision thérapeutique rapide, la veille médicale, dont la finalité est le dépistage précoce de situations d’apparition d’une pathologie transmissible, revêt une importance au moins aussi grande, af in de pouvoir rapidement mettre en œuvre les mesures d’interruption de la chaîne épidémiologique. Enfin, les laboratoires constituent également l’échelon inférieur de la protection contre le risque bactériologique en termes de microbiologie. Aussi doivent-ils être capables de ne pas se laisser surprendre par l’apparition de maladies infectieuses qui seraient dues à des agents bactériologiques potentiels, ainsi que d’émettre un avis de risque infectieux, dont la vérification serait alors de la responsabilité des experts en protection contre le risque bactériologique. La réalisation d’un diagnostic dans un contexte clinico-microbiologique lors d’un emploi opérationnel se heurte à certaines limites pour des raisons de complexité technique. Le laboratoire microbiologique de campagne est implanté dans un shelter standard équipé de modules de laboratoire installés à demeure, parmi lesquels on compte par exemple. une cabine à flux laminaire de classe 2. Sur le plan technique, trois groupes de méthodes sont prévus. En font partie divers procédés microscopiques d’identification des bactéries et des bacilles dont les bacilles acido-alcools résistants (mycobactéries), des procédés de diagnostic du paludisme ainsi que d’identification de parasites dans les selles ou les tissus. En termes de procédés de culture, il s’agit de cultures non sélectives de bactéries à partir de prélèvements divers ainsi que de tester leur sensibilité aux antibioptiques. En matière de sérologie, on dispose de la possibilité d’effectuer des tests d’immunologie liés aux enzymes et des tests d’immunofluorescence. Depuis l’année dernière, dans le cadre du concept de standardisation et d’assurance qualité des laboratoires de campagne, nous avons établi en grande quantité des tests rapides par immunochromatographie. C) OPTIONS POUR LE SOUTIEN PAR TÉLÉMÉDECINE DANS LE DOMAINE DE LA MICROBIOLOGIE MÉDICALE AU PROFIT DES UNITÉS EN OPEX. Les applications de télémédecine sont en règle générale basées sur les techniques de transmission d’imagerie. Cela implique que dans le domaine de la microbiologie médicale, tous les procédés qui sont accessibles à une évaluation visuelle et donc à une transmission d’imagerie sont potentiellement adaptés à une exploitation par télémédecine. Il s’agit en l’occurrence d’analyser et de se prononcer sur des préparations microscopiques, des cultures bactériologiques et plus rarement des organismes macroscopiques (par exemple des vers ou parties de vers intestinaux). Dans le domaine de la culture bactériologique, le déroulement complet du processus de diagnostic est piloté essentiellement sur la base d’examens visuels. Ainsi, en étudiant l’apparence la télémicrobiologie dans l’armée allemande caractéristique de colonies ayant proliféré sur une culture, il est possible de décider des étapes ultérieures du diagnostic (par exemple, réalisation de préparations microscopiques colorées, caractérisation biochimique par chromatographie etc.). En parasitologie, l’examen direct par microscopie permet la plupart du temps d’établir d’emblée un diagnostic définitif. À ce titre, cette discipline est particulièrement adaptée au soutien par télémédecine. III. MATÉRIELS ET MÉTHODES. A) CONCEPTION TECHNIQUE DU MODULE « TÉLÉMICROBIOLOGIE » DESTINÉ AUX POSTES DE TRAVAIL DE TÉLÉMÉDECINE. En complément de l’équipement standard d’un poste de travail de « télémédecine », comprenant un ordinateur et les périphériques standards, on a déf ini pour la microbiologie médicale, dans l’optique des options de télémédecine décrites ci-dessus, un équipements supplémentaire qui se compose d’un microscope à lumière transmise de type standard avec source fluorescente ultraviolette, d’un microscope stéréo, ainsi que de deux sources de lumière froides destinées à illuminer les cultures sur lames à photographier (fig. 1). Les deux microscopes sont équipés de connecteurs vers une caméra numérique à haute résolution équipée d’un capteur à puce de 1 360 x 1 024 pixels pour des prises de vues statiques. À l’aide de la caméra, une prise de vue en direct peut être visualisée sur l’écran de contrôle, l’analyste pouvant procéder à un réglage optimal avant la prise de vue. En outre, nous mettons en œuvre le logiciel spécifique de traitement d’image, de transmission et d’archivage « DISKUS », produit par la Société Hilgers, qui a été spécialement développé pour ce type de transmission d’imagerie et a surtout été utilisé à ce jour en histopathologie. Le logiciel pilote automatiquement la mise en place d’une liaison et la transmission d’imagerie standardisée, alors que dans le même temps l’analyste continue de travailler au microscope et réalise des prises de vues. La transmission dure environ 10 à 30 secondes par image. Le logiciel garantit une visualisation absolument identique entre le poste de travail émetteur et le poste de travail récepteur (selon le principe « WYSIWYG » = what you see is what you get »). Lors de téléconférences, il est possible d’analyser spéci fiquement certaines structures intéressantes par la superposition d’une trame de coordonnées. Les réglages de l’imagerie en direct, réalisés avant la prise de vues proprement dite, peuvent être variés en termes de luminosité et de contraste. En outre, il est possible de superposer des marquages et des annotations écrites. La transmission concomitante du réglage d’agrandissement de l’objectif permet de réaliser des mesures automatiques au niveau du poste de travail récepteur, par exemple, de mesurer le diamètre d’une zone d’inhibition en millimètres en traçant avec la souris une ligne graphique reliant les points de mesure choisis. 197 Figure 1. Le poste de travail de télémicrobiologie, équipé. Le programme fournit en outre d’autres outils de traitement d’image et de dialogue très utiles. B) RÉSULTATS. Validation du module « télémicrobiologie » destiné aux postes de travail de télémédecine. Qualité des prises de vues. La qualité de visualisation de caractéristiques morphologiques essentielles a tout d’abord fait l’objet d’une évaluation au moyen de prises de vues microscopiques et macroscopiques en bactériologie et parasitologie (fig. 2). Lors de la prise de vue de cultures bactériennes avec prolifération, la résolution réalisable au niveau des images arrivant au poste de travail récepteur a permis une visualisation fine de toutes les caractéristiques des colonies bactériennes comme leur apparence, les phénomènes d’hémolyse, leur coloration etc. En termes de diagnostic microscopique, la visualisation de structures parasitaires, comme celles des protozoaires 198 intestinaux ou des œufs d’helminthes s’est avérée remarquable. Dans le diagnostic du paludisme, il a été possible de transmettre dans d’excellentes conditions les prises de vues de tous les détails des parasites, indispensables pour effectuer un diagnostic des espèces. Ce fut en particulier le cas pour les granulations de Schüffner sur les érythrocytes infectés par Plasmodium vivax, ainsi que pour le cytoplasme des trophozoïtes de Plasmodium falciparum. La visualisation des bactéries sur des frottis colorés par le Gram a également bien fonctionné, même si dans ce cas, il s’agit des plus petits objets qui puissent être visualisés avec une netteté suff isante compte tenu de la résolution de la caméra retenue. C) PERFORMANCES DU SYSTÈME EN TERMES DE DIAGNOSTIC. Les performances diagnostiques du système ont été testées dans le cadre de plusieurs approches p. scheid correcte. Dans 2 cas positifs et sur 50 préparations de contrôle négatives, l’émetteur a identifié des structures suspectes qui n’ont pas été confirmées par l’expert. E) EXAMEN DU LIQUIDE CÉPHALORACHIDIEN (LCR). Figure 2. Prises de vues typiques en télémicrobiologie. A Colonies bactériennes sur culture, B Frottis colorés par le Gram, C Frottis sanguins avec présence de plasmodium, D Œuf d’helminthes ; E Mesure du diamètre d’une zone d’inhibition lors d’un antibiogramme par la méthode des disques au moyen des outils intégrés dans « DISKUS ». expérimentales en double aveugle. Un responsable de l’expérimentation indépendant a présenté aux analystes des préparations déjà réalisées et sans identification. La tâche de l’assistant médico-technique (formation de base sans connaissances spécifiques) auquel était imparti le rôle d’émission des images, était de photographier des structures qu’il considérait comme suspectes, puis de les envoyer à des experts, dont la tâche était de prononcer un diagnostic d’évaluation. En tout, 20 frottis colorés au Gram préalablement contaminés avec des bactéries diverses ont été examinés. En l’occurrence on avait, pour chaque souche bactérienne, préparé des suspensions par séries de dilutions en échelle logarithmique, de manière telle que dans la dernière série de dilution, il n’y ait plus que très peu de bactéries décelables. L’émetteur a identif ié 18 des 20 préparations comme positives, 2 comme négatives. Pour ces dernières, il s’agissait dans un cas de pneumocoques dans la série de dilution 3 et dans l’autre cas de méningocoques dans la série de dilution 4. Le récepteur a confirmé le verdict pour les 18 préparations positives. Dans trois cas, l’expert a demandé l’envoi de prises de vues supplémentaires avant d’accepter de se prononcer (en raison du fait que seules des structures isolées étaient identifiables). Dans le cas des prises de vues faussement négatives qui avaient été transmises, l’expert n’avait pas non plus été en mesure d’identifier des structures de bactéries. La caractérisation morphologique des bactéries observées en bacilles ou cocci et de leur caractère Gram positif ou Gram négatif a été correcte dans les 18 cas au niveau tant de l’émetteur que de l’expert. D) DIAGNOSTIC DU PALUDISME. L’évaluation a porté sur n = 36 préparations (16 gouttes épaisses, 20 frottis sanguins). Parmi ceux-ci, 16 (6 gouttes épaisses, 10 frottis) étaient positifs et 20 négatifs. L’émetteur a classifié 18 préparations comme étant positives dont 16 vrais positifs et 2 faux positifs. Un diagnostic d’espèce n’a pas pu être possible. Pour la totalité des dix frottis positifs, le récepteur a été en mesure, sur la base des images transmises, de faire correctement la différence entre Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax et Plasmodium ovale. Dans huit cas sur dix, les diagnostics d’espèce ont pu être correctement établis. Pour les deux préparations restantes, la différence n’a pas pu être établie entre Plasmodium vivax et Plasmodium ovale. Cette différenciation est au demeurant souvent difficile à établir avec certitude, même dans le cas d’un diagnostic parasitologique classique. 1. Diagnostic parasitologique des selles. L’étude a porté sur 40 préparations, dans lesquelles 90 parasites étaient décelables. L’émetteur a identifié 63 parasites (70 %) et dans 53 cas (84,1 %) l’espèce incriminée. Si l’on rapporte cette proportion aux seules espèces cliniquement importantes, le taux des diagnostics d’espèces corrects passe de 77,4 % (émetteur) à 88,7 % (expert). À partir des prises de vues transmises, l’expert a identifié 68 parasites de façon la télémicrobiologie dans l’armée allemande 1. Frottis colorés par le Gram à partir de divers prélèvements. Dans ce sous-groupe, il s’agissait d’étudier 20 préparations colorées par le Gram. La tâche consistait à identifier les germes dominants en fonction de critères morphologiques. En tout, on attendait 34 identifications. L’émetteur a trouvé 94,1 % (32) d’identifications pertinentes. Dans deux préparations, on n’a pas su déceler deux bacilles à Gram négatif. Sur la base des prises de vues transmises, l’expert a trouvé 33 identifications (97 %). Dans une préparation, l’expert n’a pas pu déceler des corynébactéries, que l’émetteur avait pourtant identifiées. Avec conf irmation par l’expert, 30 préparations de contrôle négatives ont été trouvées négatives par l’émetteur. La spécificité globale du diagnostic a ainsi atteint 100 %. 2. Frottis colorés par le Gram sur cultures. En tout, 19 frottis colorés par le Gram ont été préparés à partir de cultures bactériennes fraîches et étudiés au microscope. La tâche consistait là aussi à caractériser les germes en fonction de caractères morphologiques (cocci, bacilles, Gram positif ou négatif). L’émetteur a caractérisé correctement 18 des 19 souches (94,7 %). Dans un cas, des diplocoques à Gram négatif ont été confondus avec des cocci à Gram positif. L’expert a par contre interprété correctement toutes les préparations (100 %). 199 3. Interprétation des cultures bactériennes. Vingt-six souches bactériennes différentes ont été ensemencées avec un total de 40 cultures sur lames (différents milieux). Les cultures avaient été incubées 1-2 jours avant le début de l’essai. La tâche de l’émetteur consistait, à l’aide du microscope à éclairage incident et de la source de lumière froide, à visualiser et à transmettre à l’expert le plus grand nombre possible de détails morphologiques des cultures tels que l’apparence des colonies, les phénomènes d’hémolyse, de migration etc. L’expert devait interpréter l’aspect des colonies et avait la possibilité en cas de besoin de s’enquérir de particularités supplémentaires par téléconférence, auprès de l’émetteur. Il était demandé de prononcer un diagnostic d’orientation, à l’instar de ce qui est pratiqué en bactériologie et qui sert de base à la procédure ultérieure de diagnostic (par exemple : désignation de plusieurs possibilités envisageables ou diagnostic de groupe). Le taux de succès a été de 100 % pour cet essai, c’est-àdire que pour toutes les souches, le bon diagnostic d’orientation a été prononcé. IV. CONCLUSIONS L’ÉVALUATION. GÉNÉRALES DE L’objectif essentiel de l’évaluation était de déterminer la valeur ajoutée du poste de travail de télémédecine en termes d’amélioration du diagnostic dans le domaine de la microbiologie médicale dans les conditions d’une opération extérieure. Une approche qui se serait contentée de tester les critères relevant des aspects techniques, par exemple en déterminant la reproductibilité sur les postes de travail émetteur et récepteur, aurait été insuffisante, car la reproductibilité à 100 % de résultats de mesure ne reflète pas forcément l’exactitude globale du diagnostic. Ce ne serait le cas que si d’autres facteurs, comme, par exemple, l’expertise de l’émetteur, n’avaient aucune influence sur le diagnostic. Mais lorsque l’on transmet de l’imagerie statique en bactériologie et en parasitologie, il convient justement d’accorder une importance décisive à l’expertise de l’émetteur ; car ce qu’il ne voit pas ne peut être transmis. Les données recensées ont clairement démontré cet état de fait. Ainsi, la sensibilité globale du diagnostic (nombre des diagnostics positifs en proportion du nombre de tous les vrais positifs) n’a pas été de 100 %, mais se situait entre 72 % et 100 % selon les cas, ce qui reflète le fait que les diagnostics qui n’ont pas été identifiés par l’émetteur n’ont pas pu parvenir jusqu’au récepteur. L’expert a pu, occasionnellement, identifier des pathologies qui avaient échappé à l’émetteur, mais uniquement dans les cas où celles-ci pouvaient être détectables par hasard sur les prises de vues (par exemple des préparations de selles avec plusieurs espèces de parasites, mais dans lesquelles une seule espèce fut détectée par l’émetteur). L’avantage décisif du soutien par télémédecine a surtout résidé dans la proportion nettement plus élevée de diagnostics d’espèces corrects, grâce à la contribution de l’expert. Un résultat à signaler 200 également est que très peu de pathologies cliniquement pertinentes n’ont pas été décelées. Pour le diagnostic du paludisme, tous les diagnostics ont été correctement établis. Sans la participation des experts par télémédecine, le diagnostic des espèces et, conséquemment, la différenciation essentielle entre Plasmodium falciparum et les autres espèces plasmodiales n’aurait en aucun cas pu être établie avec certitude. Pour l’examen du LCR, l’exactitude du diagnostic établi par l’expert a été de 90 %. Il convient toutefois de garder à l’esprit le fait que l’on avait créé des conditions artificielles en procédant à la préparation de séries de différentes dilutions de bactéries. Les deux préparations ayant donné un résultat faux négatif concernaient en effet les dilutions les plus élevées, dans lesquels on ne trouvait que peu de germes. D’autre part, le frottis cellulaire ne correspondait pas vraiment à celui d’une méningite bactérienne, de sorte que des repères supplémentaires importants faisaient défaut. Même lors de diagnostics effectués par des experts, le diagnostic microscopique ne permet guère d’obtenir une exactitude de 100 %. Les résultats obtenus reflètent en réalité une sensibilité élevée. L’intervention d’un off icier médecin sur le site de l’opération ne permettrait guère d’améliorer globalement les résultats obtenus, car même chez les médecins, on ne trouve pas toujours une expérience de routine suffisante dans tous les secteurs de la microbiologie. Un autre avantage du suivi par télémédecine s’est avéré être qu’une spécificité globale optimale, en termes de diagnostic définitif prononcé par les experts, de 100 % a pu être atteinte. Les faux positifs établis par les émetteurs ont pu être inf irmés par l’expert. Pour le diagnostic du paludisme, deux (10 %) faux positifs ont pu être infirmés par l’expert, qui a conclu à un diagnostic négatif. La conf irmation (ou l’inf irmation) d’un diagnostic de paludisme présente un intérêt thérapeutique et épidémiologique évident. V. CONCLUSION. A) EXPÉRIENCES FAITES EN TERMES DE PRATIQUE DE ROUTINE. En novembre 2003, le système de télémicrobiologie a été mis en place à l’hôpital militaire de campagne de Prizren (KFOR), où il est depuis mis en œuvre dans un cadre de routine (fig. 3). En octobre 2004, il a été installé au sein de l’hôpital de campagne de Kaboul (ISAF), où il manque toutefois encore un microscope à lames. Installation au niveau de l’EUFOR (Rajlovac) est prévue. Les matériels de laboratoire nécessaires ont déjà été acquis. Au sein de la KFOR, le laboratoire de microbiologie de campagne est doté d’un poste d’assistant technico-médical. Au sein de l’ISAF, ce laboratoire emploie en outre un médecin spécialiste. À la KFOR, l’effort principal en termes d’applications télémicrobiologiques porte sur la bactériologie. Toutes les cultures bactériologiques positives font l’objet d’une évaluation par télémédecine et le processus de diagnostic est piloté sur la base des p. scheid Figure 3. A : poste de travail de télémicrobiologie au sein de l’hôpital de campagne de Prizren. B : prise de vue d’une culture positive au microscope stéréo. instructions de l’expert. À l’ISAF, c’est le soutien en termes d’expertise dans le domaine de la parasitologie qui constitue l’axe d’effort. Ce soutien s’est avéré extraordinairement utile, en particulier pour le diagnostic des parasitoses endémiques, comme le paludisme ou la leishmaniose (fig. 4). Ainsi, plusieurs cas de leishmaniose cutanée ont pu être identifiés à l’aide de la télémicroscopie. L’établissement d’un contact télémédical a lieu quotidiennement, week-ends compris. Après la mise en place d’une liaison de vidéoconférence, on lance, tant sur le poste de travail émetteur que récepteur, le programme DISKUS et les cas à traiter sont discutés sur la base des images communiquées. Tous les cas traités par télémédecine sont consignés par l’expert chargé de l’évaluation selon un schéma adapté aux procédures de la microbiologie. À la KFOR, les diagnostics photographiés par l’assistant(e) technico-médical(e) sont assortis de la mention « validé par télémédecine » et du nom du médecin expert. Hormis quelques rares interruptions de la liaison, auxquelles on a rapidement pu remédier avec l’aide à la fois du centre de l’aéronautique et de la spationautique et du bureau S6 (transmissions) compétent de la force en opération, l’équipement technique a fonctionné sans problème. La capacité satellitaire a toujours été suffisante pour permettre une transmission rapide de l’imagerie vers l’Allemagne. L´Institut de référence situé à Coblence assure une disponibilité 24/24h via le sous-officier de permanence, l’assistant médico-technique et le médecin de permanence. Un aspect corollaire d’importance s’est révélé, à savoir le « teleteaching », télé-enseignement, dans le cadre de la formation continue spécialisée des forces opérationnelles par le biais de la communication d’informations spécialisées et pertinentes portant sur le diagnostic, l’épidémiologie, la thérapie et la prévention des maladies infectieuses. Les cliniciens présents sur le la télémicrobiologie dans l’armée allemande terrain disposent à tout moment de la possibilité d’une téléconférence avec un expert en Allemagne, en particulier en ce qui concerne l’antibiothérapie et l’épidémiologie. La télémédecine s’est avérée comme étant extrêmement utile, y compris en termes de gestion des pathologies en phase initiale. B) TÉLÉMICROBIOLOGIE DANS LE CADRE DU CONCEPT GLOBAL D’UNE MÉDECINE INFECTIEUSE ASSISTÉE PAR LABORATOIRE LORS DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES. Le module de télémicrobiologie établi après validation dans le cadre des opérations extérieures a fait ses preuves Figure 4. Diagnostic de Leishmaniose, réalisé par télémicroscopie, dans un cas de suspicion de Leishmaniose cutanée. La prise de vue montre les Leishmanies (flèches) dans une préparation de tissus organiques après coloration au Giemsa à partir d’une biopsie cutanée. À ce jour, 13 prélèvements ont été effectués: 7 d’entre eux ont été diagnostiqués positifs, 6 négatifs. Sur la basse du matériel envoyé à l’institut de référence à des fins d’analyses par amplifications géniques (PCR), tous les résultats ont pu être confirmés. La différenciation des espèces par PCR à permis d’identifiés dans tous les cas de figure Leishmania major. 201 dans la pratique. Les attentes suscitées en termes de transfert supplémentaire d’expertise dans les zones d’engagement se sont avérées justifiées. De cette manière il est possible de fournir au clinicien en opération une expertise microbiologique spécialisée, qui sans cela ne serait pas disponible sur place. À certaines conditions, l’utilisation de la télémicrobiologie peut amener à ce que la tutelle d’expertise soit pilotée à partir de l’Allemagne et que le laboratoire de campagne ne soit plus doté que de techniciens de laboratoire. Ainsi se voit réaliser la devise de la télémédecine : « exporter l’expertise et non les experts ». Il s’agit du premier système de télémicrobiologie au monde qui soit mis en œuvre de manière routinière. Cette expérience favorable a déjà suscité l’intérêt des organisations civiles et conduit à une première décision portant sur la mise en œuvre et l’acquisition d’installations analogues. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le fait que la télémicrobiologie ne peut être mise en œuvre avec une valeur ajoutée qu’au sein d’un système de diagnostic minutieusement réglé. Elle ne doit pas être considérée comme un moyen de remplacement mais comme un complément et elle présente un certain nombre de contraintes. Parmi celles-ci, une standardisation du diagnostic est nécessaire afin que les résultats à interpréter visuellement puissent être produits sur une base homogène et bien définie. C’est à cette condition que le centre d’expertise est en mesure d’interpréter, de valider et de conf irmer des diagnostics. Il est donc nécessaire que tous les facteurs ayant une incidence sur l’imagerie tels que les techniques de coloration, les cultures utilisées etc. soient définis dans des modes opératoires standardisés et coïncident avec les processus de diagnostic de routine mis en œuvre dans les centres d’expertise qui sont familiers à l’expert. Ceci est la seule manière d’éviter des interprétations erronées. Le personnel doit être préparé à cette méthode standardisée en suivant une formation appropriée. Cette nécessité d’une préparation opérationnelle spécifique résulte du constat que lors de la transmission d’imagerie statique, la capacité du personnel opérationnel à déceler des structures suspectes est un facteur limitant important. Cela avait déjà été souligné par Mc Laughlin et coll., qui avaient validé un système de télémicrobiologie en transmettant des préparations de colorations de Gram (1). Depuis 2004, l’Institut central de Coblence a intégré cet impératif de formation par un stage de deux semaines destiné à la préparation opérationnelle, à l’occasion duquel les procédures microbiologiques tiennent une place importante. Par rapport aux applications de la télémédecine dans d’autres domaines spécialisés, la microbiologie médicale ne réalise pas seulement des prestations de conseil au profit des responsables du site (« secondary opinion »), mais elle assume également des fonctions de pilotage de diagnostic et autorise la sortie de rapports de diagnostics médicaux (« primary opinion »). La responsabilité et les prérogatives de pilotage du centre d’expertise ne sont toutefois pas encore ar rêtées administrativement à ce jour. Enf in, pour les problèmes qui ne peuvent pas être techniquement résolus sur place (diagnostic de conf irmation, procédures de biologie moléculaire, sérologie complète, etc.), un diagnostic plus spécialisé reste nécessaire et sera fait en Allemagne, où les échantillons seront envoyés par avion. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Mc Laughlin WJ, Schifman RB, Ryan KJ, Manriquez GM, Bhattacharyya AK, Dunn BE et al. Telemicrobiology: feasibility study. Telemed 1998 J ; 202 4 (1) : 11-17. 2. Gaydos JC. The need for a military public health laboratory symposium. Mil Med. 2000; 165 (7 Suppl. 2) : 5-7. p. scheid Pratique médico-militaire TARIFICATION À L’ACTIVITÉ ET CONTRAT DE BON USAGE Implications dans les Services de pharmacie hospitalière des hôpitaux d’instruction des armées P. LE GARLANTÉZEC, H. MULLOT, O. AUPÉE, M. PAILLET, M.-P. DASSÉ, B. CANNONGE, X. BOHAND RÉSUMÉ Deux réformes concerneront les hôpitaux d’instruction des armées à l’horizon 2008. D’une part la tarification à l’activité devrait modifier sensiblement le mode d’allocation d’une partie des ressources des hôpitaux qui dépendront directement de l’activité médicale réalisée et qui tiendront compte des dépenses en médicaments et en dispositifs médicaux onéreux, alors remboursés sous certaines conditions de prescription et de dispensation. D’autre part, le contrat de bon usage engagera chaque établissement dans le but d’améliorer la sécurité du circuit du médicament, de renforcer la lutte contre l’iatrogénie et de favoriser la participation aux réseaux de soins. Dans le cadre du contrat, des moyens devraient être mis en place pour satisfaire des objectifs qui, s’ils ne sont pas réalisés, pénaliseront financièrement l’établissement. Ces changements auront des impacts forts sur les activités du service de pharmacie hospitalière et impliqueront toutes les équipes de soins. Tous les personnels concernés devront connaître et adhérer à ces réformes pour qu’elles soient une réussite. Au final, c’est une utilisation plus efficace des ressources financières et une meilleure qualité de la prise en charge du patient qui sont en jeu. Mots-clés : Contrat de bon usage. Iatrogénie. Médicaments. Service de pharmacie. Tarification à l’activité. I. INTRODUCTION. L’accroissement permanent des dépenses de santé devient un problème récurrent de notre société : leur hausse n’a pu être jugulée malgré les multiples mesures P. LE GARLANTÉZEC, pharmacien principal, praticien confirmé. H. MULLOT, pharmacien principal, praticien confirmé. O. AUPÉE, pharmacien, praticien confirmé. M. PAILLET, pharmacien réserviste. M.-P. DASSÉ, pharmacien en chef. B. CANNONGE, pharmacien. X. BOHAND, pharmacien en chef, praticien certifié. Correspondance : P. LE GARLANTÉZEC, service de pharmacie, HIA Percy, 101 avenue H. Barbusse, 92 141 Clamart Cedex. médecine et armées, 2008, 36, 3 ABSTRACT ALLOWANCES FOR ACTIVITY AND CORRECT USAGE CONTRACT: CONSEQUENCES FOR THE PHARMACY DEPARTMENT IN THE ARMY HOSPITAL. In 2008, two reforms will be implemented in army hospitals. Firstly, the hospital will be refunded its medical activities, which should offer for medical activities, which should significantly affect the existing financial support. The amount of reimbursements will depend directly on the amount of the medical activities of staff members. Furthermore, costly drugs and medical devices will only be reimbursed when accompanied by prescriptions and when delivered under specific conditions. Secondly, these reimbursements will come along with a good usage contract containing the following conditions: improve the security of drugs circulation, reinforce the prevention of iatrogenic events and give priority to the participation in health networks. The good usage contract should also provide means to reach goals. In case of ignorance or non-respect of this contract, the hospital financial support should be penalised. These changes will have a high impact on the pharmacy department of army hospitals and will concern all staff members. All staff members should be knowledgeable about the reforms and adhere to them in order to bring about their success. Conclusively, these reforms should encourage a more effective usage of the financial support and improve the care attributed to patients. Keywords: Adverse drug-related events. Allowances for activity. Drugs. Good practice contract. Pharmacy department. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 209-218) mises en œuvre par les pouvoirs publics (1). Cette tendance inflationniste des dépenses a conduit les autorités à réagir en inscrivant de nouvelles règles de f inancement dans le Code de la sécurité sociale (2). Connues sous le nom de Tarification à l’activité (T2A), ces dispositions concernent les activités Médicales chirurgicales et obstétricales (MCO) et s’appliquent depuis le 1 er janvier 2004 pour les établissements publics et depuis le 1er mars 2005 pour les établissements privés. La principale innovation vise l’amélioration des soins dispensés aux malades en termes de qualité et 203 de coût, en introduisant la notion d’efficience (3). Cette « médicalisation » du financement des hôpitaux s’inscrit dans un vaste plan de réforme, dénommé « plan hôpital 2007 », dont l’objectif est de dynamiser et de moderniser le secteur hospitalier, tout en impliquant davantage les professionnels de soins dans les décisions relatives à leur établissement. La T2A devrait concerner le Service de santé des armées (SSA) à l’horizon 2008. Elle sera complétée par l’instauration du Contrat de bon usage (CBU) dont le but est, comme son nom l’indique, de promouvoir le bon usage des produits de santé et de limiter le risque iatrogène pour le patient. Des répercussions majeures découlant de ces changements concerneront notamment les pharmacies à usage intérieur (PUI) des Hôpitaux d’instruction des armées (HIA). Notre propos est d’aborder, dans un premier temps, le futur mode de financement des HIA en explicitant les mécanismes de la T2A et les conséquences de ce nouvel outil. Dans un second temps, nous décrirons le fonctionnement du CBU et les implications majeures qui pourront s’exercer sur les activités de gestion des produits de santé dans les services de pharmacie des HIA. II. TARIFICATION À L’ACTIVITÉ. A) DOTATION GLOBALE DE FINANCEMENT ET T2A. Les ressources financières du SSA émanent actuellement principalement du budget du ministère de la Défense et de la dotation globale de financement, mise en place en 2002. Cette dernière, progressivement allouée par dixième au cours de chaque année, provient du remboursement versé par l’assurance maladie au SSA. Le montant global de l’allocation est évalué sur la base d’une activité médicale établie en 1998 et depuis réajusté chaque année par un taux directeur fixé par la loi de financement de la sécurité sociale. Ce taux est également désigné sous le nom d’ « Objectif national d’évolution des dépenses d’assurance maladie » (ONDAM). Les recettes provenant des cessions sont reversées au SSA par l’intermédiaire d'un fond de concours. Ainsi la part du budget provenant du ministère de la Défense compte pour environ 60 % et celle provenant du remboursement des prestations médicales pour environ 40 %. La T2A, qui devrait progressivement remplacer la dotation globale, possède un mécanisme de fonctionnement totalement différent. Ce nouveau mode de financement prévoit l’allocation des ressources en fonction de l’activité réelle des hôpitaux. Contrairement à la dotation globale de financement, qui ne reflète pas l’activité réellement réalisée puisque le même volume de ressource est alloué quelle que soit l’activité, la T2A repose, elle, sur une « médicalisation des dépenses » dont l’exécution nécessite plusieurs étapes. 204 B) FONCTIONNEMENT DE LA T2A. 1. Codification de l’activité. Cette première étape est essentielle, puisqu’elle permet de mesurer l’activité médicale réalisée au sein des services concernés par la réforme de la T2A. L’activité devra être f inement appréciée en orientant les patients vers des Groupes homogènes de séjour (GHS) qui correspondent à des types d’hospitalisation (4). Sauf cas particuliers, ces GHS correspondent aux Groupes Homogènes de Malades (GHM). Les GHS permettent le remboursement de l’activité réalisée. Ils sont évolutifs et les pouvoirs publics devront régulièrement les mettre à jour afin de tenir compte de l’évolution des techniques médicales. 2. Rémunération de l’activité. Chaque séjour relève d’un GHS et est associé à un tarif unique défini par l’échelle nationale des coûts (4, 5). Le remboursement se fait à partir du prix attribué à une prise en charge médicale dans son ensemble, qui comprend des coûts directs (médicaments, dispositifs médicaux stériles ou non, examens diagnostiques) et des coûts indirects ou associés (personnels) utilisés dans la réalisation de l’acte du GHS. Le personnel médical sera impliqué pour réaliser rigoureusement la codification, car le remboursement et par conséquent l’allocation des ressources à l’hôpital reposeront essentiellement sur cette étape (6). Pour chaque GHS, une durée de séjour du patient est spécifiée. Si la durée effective du séjour pour le patient est en deçà de la borne inférieure de la durée de séjour, le remboursement sera égal à la moitié du tarif du GHS correspondant, à l’exception des séjours à l’issue desquels le patient décède. Dans le cas où la durée de séjour du patient est au-dessus de la borne supérieure, un supplément versé pour chaque journée d’hospitalisation est ajouté au prix du GHS correspondant. Chaque établissement est tenu d’effectuer un bilan des séjours classés par GHS af in de décrire le plus précisément possible son activité. À partir des données de l’activité, l’hôpital obtiendra une rémunération, faisant partie intégrante de son budget. C) ÉTENDUE DE LA RÉFORME. La T2A concerne dans un premier temps les lits relevant d’une activité de MCO. La mesure devrait s’étendre à terme aux activités de psychiatrie et d’urgence. Pour les établissements du secteur public, 10 % des ressources financières provenaient de la T2A en 2004 et 25 % en 2005, le reste du f inancement se faisant toujours sous forme de dotation globale de financement. Progressivement, cette part devrait croître de 10 % à 15 % par an pour être étendue à toutes les disciplines médicales et couvrir la quasi-totalité de la dotation budgétaire en 2012. Les établissements privés sont passés d’emblée à 100 % de T2A en 2005, mais selon une échelle tarifaire de remboursement différente de celle du secteur public. Certains médicaments et Dispositifs médicaux implantables (DMI) coûteux ne sont pas pris en compte p. le garlantézec dans les GHS. Leur remboursement, sur la base d’un tarif de responsabilité défini au niveau national, est réalisé intégralement sous certaines conditions. Dès la mise en place de la T2A, ils ont été remboursés aux établissements de soins nombre pour nombre et à un taux de 100 %. Depuis, le récent décret relatif au CBU (7) explicite clairement les conditions de prise en charge de ces produits par les organismes d’assurance maladie. Enfin, en dehors de ce dispositif de remboursement, des ressources peuvent être allouées par établissement, en particulier les Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC), parmi lesquelles l’enseignement, la recherche, les essais cliniques, les Autorisations temporaires d’utilisation (ATU) (8) concernent plus particulièrement les services de pharmacie hospitalière. Certaines activités font, par ailleurs, l’objet de financement forfaitaire. À l’instar des établissements publics et dès lors que la T2A s’appliquera aux HIA, ces derniers devraient ainsi voir augmenter dans les années à venir leur part de la tarification à l’activité, jusqu’à remplacer complètement la part provenant de la dotation globale de financement. les GHS sous certaines conditions et notamment celle du respect du CBU (tab. I). Ils sont dénommés couramment « médicaments et DMI remboursés en sus de la T2A » ou Tableau I. Modalités et conditions de remboursements des médicaments et DMI par l'assurance maladie. Type de produits remboursé Modalité Conditions Médicaments et DMI inclus dans les GHS Remboursement inclus dans le tarif du GHS correspondant Codification par l'établissement de l'activité produite = ressources financières pour l'établissement Médicaments et DMI hors GHS Remboursement au tarif forfaitaire de responsabilité « en sus des GHS » T2A : Respect du référentiel de prescription par une indication validée Médicaments en ATU Remboursement par l'enveloppe MIGAC au prix du tarif forfaitaire de responsabilité Pas de condition particulière D) BÉNÉFICES ATTENDUS DE LA RÉFORME. Directement liée à l’activité réelle, la tarif ication à l’activité a pour but une meilleure répartition des ressources f inancières entre les établissements de santé. L’accès des patients à l’innovation devrait être facilité quelle que soit la situation géographique, en accordant un f inancement séparé aux traitements onéreux (médicaments et DMI hors GHS), qui n’entrent plus dans une logique de tarification globale. Par ailleurs, puisque la réforme touche tous les établissements de soins, une comparaison des coûts entre les établissements de soins publics (ou participant au service public) et privés sera dès lors possible à terme. Pour les pouvoirs publics, cet outil a aussi pour but de réguler les dépenses, puisqu’ils fixent les prix de remboursement des GHS (après l’évaluation par l’échelle nationale des coûts) et des médicaments et DMI hors GHS (après les accords entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les industriels). Mais cet accès plus rapide aux ressources, dont la seule limitation est l’activité produite déclarée par les équipes de soins, doit s’accompagner d’un sens élevé de responsabilité de tous les acteurs (médecins et pharmaciens) pour limiter l’inflation des coûts (6). La T2A se présente donc comme une opportunité à saisir pour favoriser une meilleure utilisation des produits de santé en impliquant le corps médical dans l’acquisition des ressources par l’établissement de santé. E) PRODUITS ET PRESTATIONS EN SUS DES GHS. 1. Situation particulière de ces produits. Ce sont des produits innovants ou présentant un coût de traitement journalier élevé (médicaments et DMI), qui sont remboursés en plus des rémunérations prévues par tarification à l’activité et contrat de bon usage CBU : Respect des objectifs annuels fixés dans le contrat « médicaments et DMI hors GHS ». Le but est de légitimer scientifiquement l’utilisation de ces produits en validant leurs indications pour justifier d’une réelle utilité chez le patient. Les médicaments et DMI hors GHS sont initialement inscrits sur deux listes : l’une pour les DMI (9) et l’autre pour les médicaments (10), chacune étant régulièrement actualisée par le ministère de la Santé. Les mises à jour de cette première liste relative aux DMI montrent que ces produits ont de plus en plus vocation à être intégrés dans les GHS et donc à disparaître de cette liste (11) (tab. II). À l’inverse, la seconde liste relative aux médicaments est régulièrement complétée par de nouvelles molécules ou de nouveaux dosages (12), preuve, s’il fallait s’en convaincre, que les recherches Tableau II. Exemples de DMI hors GHS ayant fait l'objet de mises à jour par les pouvoirs publics entre 2005 et 2006. DMI ajoutés à la liste DMI radiés de la liste Produits pour le comblement des lipoatrophies faciales iatrogènes Chambre à cathéter implantable Implants ou substituts osseux Ligaments artificiels Greffons vasculaires Implants tendineux Système de stimulation cérébrale profonde bilatérale ou unilatérale Implants ophtalmiques 205 menées par les laboratoires pharmaceutiques produisent d’excellents résultats (tab. III). Le remboursement de ces produits est soumis à des règles de prescription et de dispensation particulières définies par le CBU. Tableau III. Exemples de médicaments hors GHS ayant fait l'objet de mises à jour par les pouvoirs publics entre 2005 et 2006 Médicaments hors GHS ajoutés à la liste Nature de la modification Étanercept (50 mg injectable) Nouveau dosage introduit Immunoglobuline humaine normale Nouvelle molécule introduite 2. Prescription et dispensation des médicaments et DMI hors GHS. La T2A rend obligatoire leurs prescription et dispensation nominatives (2,3). Ceci implique la mise en place de procédures de prescription, notamment en terme de recevabilité (support, droits de prescription) et nécessite la mise en place d’une liste des médicaments et DMI hors GHS facilement accessible et mise à jour régulièrement. La dispensation doit suivre une organisation particulière (préparation individuelle des doses, traçabilité des produits dispensés) et comprend la vérif ication de l’indication par rapport au référentiel de prescription, éventuellement la prise de contact avec le prescripteur pour se faire préciser des éléments sur la pathologie du patient et les prises de médicaments associés. Ceci conduit inévitablement à une responsabilisation plus engagée de ces acteurs de santé, en les impliquant davantage dans la « médicalisation des dépenses ». L’annexe 1 montre un exemple d’ordonnance et l’annexe 2 un exemple de recommandations établies par le comité de juste prescription de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) pour l’Herceptin®. Le non respect de ces règles de prescription et de dispensation conduit à un remboursement partiel de ces produits hors GHS (le taux de remboursement peut être compris entre 70 % et 100 % du tarif forfaitaire de responsabilité). La PUI doit organiser un suivi des mises à jour de la liste des médicaments et DMI hors GHS pour en informer les prescripteurs. Cette veille devra également concerner les tarifs qui sont intégrés dans le bilan d’activité. Ces tâches seront certainement coûteuses en temps pour les PUI, mais elles apporteront une aide à la promotion de la qualité au sein du circuit du médicament. III. CONTRAT DE BON USAGE (CBU). La T2A passe par une harmonisation des pratiques cliniques en favorisant l’emploi validé de médicaments et de DMI par l’encadrement de leur utilisation. Ces changements de pratique sont relayés par les dispositions qu’implique le contrat de bon usage : T2A et CBU sont totalement solidaires. 206 A) DÉFINITION DU CBU. Le CBU vise l’amélioration de la qualité des pratiques médicales notamment vis-à-vis des médicaments et des DMI hors GHS. Le but est de diminuer le risque de l’iatrogénèse. Trois axes principaux peuvent se dégager du CBU. Le premier concerne l’uniformisation des pratiques de prescription au travers du respect de référentiels ou des consensus reconnus au niveau national pour permettre l’encadrement des prescriptions dans des indications validées. Le second axe vise l’amélioration de la qualité et de la sécurité du circuit du médicament, à travers la prescription et la dispensation nominative nécessitant l’informatisation du circuit du médicament d’une part et la préparation centralisée des anticancéreux par les PUI d’autre part. Les pratiques pluridisciplinaires internes et externes à l’établissement de soins et la participation à des réseaux de santé constituent le troisième axe. Un contrat passé avec les autorités de santé permet de matérialiser ces axes sous la forme d’objectifs précis à atteindre. Une implication du personnel et des contreparties financières importantes découleront du CBU (7). B) FONCTIONNEMENT DU CBU. Le texte décrivant le fonctionnement général du CBU prévoit que le contrat de bon usage doit être signé entre la direction de l’établissement hospitalier et l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH), puis être transmis à la Caisse d’assurance maladie. Chaque établissement propose un contrat individualisé, rédigé à partir d’un contrat type pour une durée de trois à cinq ans. Il comporte deux types d’engagement : – des engagements généraux, à suivre obligatoirement, portant sur la démarche qualité, la sécurisation du circuit du médicament et les pratiques pluridisciplinaires ; – des engagements spécifiques concernant les médicaments et les dispositifs médicaux onéreux. Ils serviront à définir quantitativement les objectifs à atteindre selon un échéancier f ixé dans le contrat. D’éventuels avenants seront toujours possibles. Un rapport annuel faisant le bilan des objectifs atteints sera adressé principalement à l’ARH. Le contrat devra recevoir l’avis favorable du Comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) et de la Commission médicale d’établissement (CME) (7). Un état des lieux attentif et impliquant tous les acteurs concernés est nécessaire pour déf inir les objectifs à inscrire au contrat (13). Il doit être réalisé conjointement avec la direction de l’hôpital, les personnels administratifs, les prescripteurs et les pharmaciens afin de déterminer un plan réaliste des objectifs à atteindre sur une période de cinq ans, en tenant compte notamment des délais d’équipement et d’organisation. Par exemple, la mise en place d’une Dispensation à délivrance nominative (DDN) nécessite des investissements (achat de chariots, porte-bacs) et peut requérir l’équipement d’un logiciel de prescription/dispensation, voire le renforcement en p. le garlantézec personnels pharmaceutiques, pour cette activité bénéf ique pour le patient mais coûteuse en temps et en ressources humaines. C) CONSÉQUENCES. 1. Conséquences en matière de remboursement. L’évaluation issue du rapport annuel permet à l’ARH de moduler le taux de remboursement des médicaments et DMI hors GHS. Si tous les objectifs fixés pour l’année sont remplis, leur remboursement est total (100 %). En revanche, si l’un des objectifs n’est pas atteint, le remboursement pourra s’étaler entre 70 % et 100 % selon le nombre et l’importance des objectifs non atteints. En outre, en cas d’absence de transmission du rapport annuel à l’ARH, le remboursement n’est que de 70 %. La différence non remboursée à l’établissement ne peut en aucun cas être facturée au patient. Elle sera donc supportée par l’établissement, sanctionnant ce dernier pour le non respect de ses engagements et obligations (14). 2. Conséquences découlant du 1er axe (encadrement des prescriptions). Cet axe va dans le sens de l’amélioration du bon usage du médicament. Il comprend plusieurs types d’engagements. a) Évaluation des consommations. Les bilans d’activité rendus depuis 2004 servent à déterminer les montants hors T2A. Le contrat devra comporter une estimation de la consommation annuelle des médicaments et DMI en sus des GHS. Cette prévision sera établie par le COMEDIMS, en concertation avec le responsable financier de l’hôpital. Par exemple, en ce qui concerne l’activité de rythmologie, le nombre de pose de défibrillateurs implantables pour l’année sera discuté puis f ixé. En f in d’année, ces estimations seront rapprochées des consommations réelles et les éventuels écarts constatés devront être explicités. Cela permet de limiter au niveau de l’établissement l’utilisation sans justif ication de thérapeutiques ou techniques coûteuses. La mise en place d’un nouveau système d’information hospitalier au profit du SSA et d’un nouveau logiciel de gestion pharmaceutique (Pharma®, Computer Engineering) au sein des PUI des HIA devrait grandement améliorer l’exploitation et l’interprétation des données grâce à ces nouveaux moyens informatiques. b) Référentiels de prescription. Ce référentiel de prescription revêt une importance particulière. En effet, les prescriptions des médicaments et DMI hors GHS doivent être en accord vis-à-vis de ce thésaurus pour pouvoir être remboursés. Ce référentiel, qui servira de base au pharmacien pour valider l’indication de ces produits « T2A », doit être élaboré par un comité rassemblant des pharmaciens et des médecins pour définir les indications des médicaments et DMI hors GHS. Les travaux de ce comité de prescription tarification à l’activité et contrat de bon usage s’appuient sur les résumés des caractéristiques des produits et les bonnes pratiques définies par des institutions nationales Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS), Haute autorité de santé (HAS), Institut national du cancer (INCa), ainsi que sur les justif ications de sociétés savantes ou sur les études publiées dans des revues internationales à comité de lecture. L’AFSSaPS propose une méthodologie d’élaboration des « protocoles thérapeutiques hors GHS ». Pour chaque médicament, le comité de prescription devra envisager trois situations pour bâtir le thésaurus : – groupe I : il rassemble les indications reconnues, reposant sur des études avec bénéfice clinique démontré. Ces indications sont inscrites dans l’Autorisation de mise sur le marché ou l’ATU du médicament. Elles peuvent émaner également des conférences de consensus de la HAS ou encore des référentiels médicaux de l’INCa ; – groupe II : à défaut de données relevant du groupe I et par exception, ce groupe rassemble des indications pertinentes. Le niveau de preuve doit être suffisant. Il est validé par le groupe d’experts du comité qui évalue de manière rigoureuse des références aux travaux de sociétés savantes ou de publications de revues scientifiques internationales. Ces publications doivent être en nombre suff isant et complètes (autres qu’un simple résumé d’article). Les résultats convergents apportent la preuve de l’efficacité du médicament ; – groupe III : il correspond aux indications non retenues, qui n’ont pas montré leur bénéfice pour la pathologie considérée. Seuls les médicaments et DMI hors GHS possédant une justification scientifique de leur utilisation, par des indications entrant dans les groupes I ou II, donneront lieu à une facturation de leur prix, et par conséquent à un remboursement au profit de l’établissement. Dans le cas contraire, le prix du médicament ou du DMI reste à la charge de l’établissement. Le pharmacien de la PUI joue un rôle très important en participant à la vérification et au contrôle du bon usage de ces produits. Le prescripteur conserve sa liberté et sa responsabilité de prescription. Ainsi, une prescription dans une indication du groupe III peut être légitimée par exemple en cas d’impasse thérapeutique. c) Comité de prescription. Il devra regrouper des experts comprenant médecins et pharmaciens et pourra être constitué sur le modèle du comité de juste prescription, commun à toute l’AP-HP. Au niveau régional, de nombreuses autres initiatives ont conduit à l’élaboration de référentiels (parmi eux, nous pouvons citer le référentiel de l’observatoire régional des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques ou OMEDIT BretagnePays de Loire et celui des Hospices civils de Lyon). La commission des pharmaciens de CHU a réalisé une synthèse de ces référentiels et met à disposition des PUI des fiches types de bon usage (regroupant les indications validées et des recommandations) pour les médicaments 207 hors GHS (15). L’élaboration d’un référentiel de prescription propre au SSA paraît discutable : ce travail prendrait nécessairement beaucoup de temps et mobiliserait de nombreuses compétences, alors même que cette synthèse de la commission de pharmaciens des CHU paraît répondre à l’engagement de construire et mettre à jour un référentiel de prescription. Ce thésaurus peut compléter les recommandations de l’HAS (pour les médicaments ne relevant pas du domaine de la cancérologie) et les protocoles thérapeutiques temporaires de l’INCa pour les anticancéreux. 3. Conséquences découlant du 2nd axe (sécurisation du circuit du médicament). a) Informatisation du circuit du médicament. L’utilisation d’un logiciel de prescription et d’analyse pharmaceutique participe à sécuriser le circuit du médicament. Associée à la dispensation nominative, l’acquisition d’un tel équipement paraît incontournable, puisque les outils informatiques actuels ne permettent pas de répondre de manière satisfaisante à cet objectif. Ce problème devrait se résoudre par la mise en place actuellement dans les HIA d’une prescription informatisée interfacée au logiciel de gestion « Pharma ». Ces nouveaux moyens permettront une prescription informatisée suivie d’une validation pharmaceutique de l’indication, puis une dispensation nominative des médicaments hors GHS, la traçabilité des numéros de lots et le suivi informatisé des stocks. Cette dernière fonction peut être utile notamment en fin d’année pour le bilan des consommations et l’analyse des écarts avec les prévisions. Complétant la dispensation nominative, l’informatisation du circuit du médicament concourt à diminuer l’iatrogénèse par un renfort de l’analyse pharmaceutique. Sur la forme, il sera nécessaire de former les prescripteurs en laissant à leur disposition, sur support Intranet et sur support papier (sous forme de mémo par exemple), les modalités de prescription et la conduite à tenir en cas de problème bloquant du logiciel, ainsi que la liste des médicaments hors GHS, nécessitant de renseigner l’indication au moment de la prescription. b) Dispensation à délivrance nominative (DDN). Son application est devenue réglementaire depuis l’arrêté du 31 mars 1999 (16). Aujourd’hui son usage est devenu incontournable pour les médicaments et DMI hors GHS et devra figurer dans les objectifs du contrat de bon usage. Les enjeux f inanciers liés à la T2A donneront aux pharmacies hospitalières les moyens de respecter cette réglementation jusque là difficilement applicable. C’est une opportunité d’étendre à terme la DDN à tous les médicaments prescrits, à la faveur de l’informatisation du circuit du médicament. Il a été démontré que la fréquence des erreurs médicamenteuses et par conséquence l’iatrogénie médicamenteuse, diminue significativement (réduction de 40 % à 60 %) par le passage de la distribution globalisée à la mise en place de la DDN (17). L’emploi d’automates de délivrance des formes sèches ou d’armoires automatisées sécurisées au sein des services 208 de soins permet d’accroître la sécurité dans le circuit du médicament, malgré un coût pouvant être élevé. Enfin, pour achever leur circuit, l’amélioration de la sécurité du transport des médicaments fait appel a minima à des bacs de transport scellés jusqu’à des systèmes automatiques de manutention lourde fermant à clef. c) Centralisation pharmaceutique de la préparation des anticancéreux. La préparation centralisée des médicaments anticancéreux sous la responsabilité d’un pharmacien est fortement préconisée depuis plusieurs années (18). Outre l’aspect économique, cette organisation améliore la qualité des préparations et contribue à la protection de l’environnement ainsi que des personnels qui assurent les préparations (19, 20). En France, environ 40 % seulement des établissements réalisant des préparations d’anticancéreux répondent aujourd’hui à cette organisation (21). La généralisation de cette mesure est un objectif prioritaire des Schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) de 3e génération. En 1996, l’HIA Percy fut un des premiers HIA à mettre en œuvre une préparation centralisée des médicaments anticancéreux (22). Les évolutions successives ont permis d’obtenir aujourd’hui un système performant au sein duquel l’informatisation est une aide réelle (23). Les étapes franchies à l’HIA Percy peuvent illustrer les types d’objectifs clairs et réalistes à atteindre dans le cadre du CBU, en tenant compte cependant de leurs délais de réalisation. Comme la T2A vis-à-vis de la mise en place de la DDN, le CBU devrait conduire les hôpitaux à appliquer la réglementation dans ce domaine. Les logiciels de préparation des médicaments anticancéreux devront néanmoins évoluer et introduire une fonctionnalité permettant de renseigner l’indication, avec un niveau bloquant si cette indication est incomplète ou non validée par le pharmacien. d) Assurance qualité. Le comité de prescription et le COMEDIMS pourront participer à l’établissement des règles de bon usage du médicament en validant par exemple des procédures encadrant la prescription des juniors (résidents, internes, praticiens confirmés en formation) par des seniors. Ces procédures, complétées par les fiches de bon usage des médicaments hors GHS, pourront ainsi être intégrées au système d’assurance de la qualité, et venir renforcer l’usage sécurisé du médicament. 4. Conséquences découlant du 3 e axe (travail en réseau). a) À l’intérieur de l’hôpital : pratiques pluridisciplinaires. Le passage à la T2A et au CBU nécessitera d’informer et de sensibiliser tout le personnel de l’établissement sur les objectifs, le fonctionnement et les enjeux de ces deux nouvelles réformes. Cette large information paraît importante pour obtenir l’adhésion et la motivation du plus grand nombre. Des groupes de travail, sous forme p. le garlantézec de comités de pilotage, pourraient se constituer par exemple pour définir et suivre les objectifs à atteindre du CBU. D’autre part, tout le personnel concerné par la codification de l’activité, étape clé dans l’allocation des ressources à l’hôpital, devra recevoir une formation dans ce domaine. Plus spécifique à la PUI, le travail pluridisciplinaire entre pharmaciens et médecins, se renforcera naturellement sous la forme de « réunions de décision thérapeutique » ou de « réunions de concertation pluridisciplinaires » dans le domaine de la cancérologie notamment ou au sein du COMEDIMS pour l’évaluation des consommations. b) À l’échelon territorial ou régional : participation à des réseaux de santé. L’hôpital pourra participer à un observatoire régional des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques (OMEDIT), dont le but est de diffuser des informations sur le suivi des consommations et de relayer à l’échelon régional la parution des recommandations nationales sur le bon usage des médicaments (14), mais aussi de suivre l’utilisation des médicaments et DMI innovants. Au niveau national, il assurera chaque année un suivi détaillé d’un nombre limité de médicaments et DMI, préalablement définis. À l’échelon local, sa mission sera d’évaluer le respect par l’établissement des référentiels de l’INCa et de l’HAS dans les pratiques de prescription des médicaments et des DMI hors GHS. L’ARH pourra néanmoins s’appuyer sur ces études pour évaluer le respect des engagements du CBU. En complément de ses missions d’information, l’OMEDIT est ainsi un outil scientifique visant l’amélioration du bon usage des produits de santé. Il est de plus un lien entre les instances institutionnelles (AFSSaPS, HAS) et les établissements de santé. Outre la participation à cette structure nouvelle, qui concerne particulièrement la PUI, celle de l’hôpital aux réseaux de soins se verra renforcée, en particulier au niveau du traitement des cancers. Ces réseaux permettront le développement et le respect de référentiels, à l’instar de celui du réseau de santé en cancérologie de Lorraine (ONCOLOR) initié dès 1993. Ce type de réseau édite des recommandations notamment à l’attention des PUI, en terme de réalisation et de contrôle des préparations d’anticancéreux ou de protocoles thérapeutiques par exemple. La participation à ces réseaux va dans le même sens que les objectifs du contrat de bon usage et peut ainsi faciliter le succès dans des objectifs obligatoires à atteindre. 5. Conséquences en matière de bilan des objectifs fixés par le CBU. Des indicateurs devront être mis en place pour aider à quantifier les objectifs fixés par le contrat de bon usage. De récents travaux réalisés au niveau national peuvent faciliter leur détermination (24) : par exemple, le nombre de lits concernés par la prescription nominative, le nombre de délivrances nominatives tracées ou le nombre d’analyses de prescription. Le nombre de préparations d’anticancéreux préparées par la pharmacie rapporté au tarification à l’activité et contrat de bon usage nombre total des préparations d’anticancéreux peut aussi être envisagé comme indicateur lorsque la centralisation des préparations n’est pas encore totale. La répartition des prescriptions par groupe (I, II ou III) ainsi que les compte-rendus de l’OMEDIT dont dépend l’hôpital seront des points de repère utiles à suivre pour permettre d’évaluer le bon usage des médicaments, DMI hors GHS et de suivre de façon ciblée la prescription de quelques molécules spécifiques. 6. Conséquences en matière d’achats par la pharmacie. Le prix des médicaments et DMI hors GHS est fixé par le CEPS après accords passés avec les industriels : il prend la forme d’un tarif forfaitaire de responsabilité. Ceci ne dispense pas le pharmacien de réaliser les achats dans le respect du Code des Marchés Publics, en passant donc par une phase de négociation. Si le prix facturé est inférieur au tarif forfaitaire de responsabilité, une marge d’intéressement pour l’hôpital est en théorie possible et est égale à la moitié de l’économie réalisée. Ceci peut récompenser la performance de l’établissement dans la négociation du prix. L’autre moitié est récupérée par l’Assurance maladie. En pratique, les industriels fixent leur prix à hauteur du tarif forfaitaire de responsabilité quel que soit le volume commandé (par crainte de voir le CEPS proposer une baisse du tarif national) et n’ont aucun intérêt à descendre en deçà de ce prix (25). La fixation des prix par le CEPS n’allège donc en rien les procédures d’achat public par les pharmaciens des PUI, ces procédures n’aboutissant quasiment jamais à des économies, pour ces médicaments. IV. CONCLUSION. L’arrivée de la T2A et du CBU devrait améliorer les pratiques à l’hôpital dans plusieurs domaines : référentiels de prescription, travail pluridisciplinaire, mesures prises pour renforcer la lutte contre l’iatrogénèse. Ces changements répondent à un souci commun à tous les acteurs de santé de l’hôpital : offrir au patient une prise en charge efficace et de qualité. Ces dispositions sont relayées par l’évaluation des pratiques au sein de la certification par l’HAS, seconde version. Notons que ce sont des initiatives prises par la sécurité sociale qui devraient donner les moyens aux PUI d’exercer leur responsabilité en respectant la réglementation, déjà ancienne, sur la sécurité du circuit du médicament à l’hôpital et la lutte contre l’erreur médicamenteuse. Dans ce contexte, le pharmacien hospitalier devrait voir sa place affirmée, en tant que spécialiste du médicament et garant de son bon usage. Il participe de ce fait à l’utilisation la plus efficiente des ressources en collaborant avec les prescripteurs et à la diminution de l’iatrogénèse. Mettant en place ces réformes trois années après les établissements de soin des services public et privé, les HIA peuvent d’ores et déjà bénéficier de leur expérience, ce qui devrait faciliter la réussite de ces changements. Néanmoins, une large information sur le fonctionnement de ces changements et sur leurs enjeux reste indispensable. 209 Annexe 1. Ordonnance de l’HERCEPTIN® d’après le comité de juste prescription AP-HP. Suivi des médicaments Juste Prescription/AP-HP 2005 Comité de la Juste Prescription/AP-HP ORDONNANCE DE TRASTUZUMAB (HERCEPTIN®) Prescripteur Nom : Hôpital : Service : UA : Téléphone : Patient Nom : Prénom : Date de naissance : NIP/NDA : Surface corporelle (m2) : Indications reconnues (AMM et/ou scientifiquement validées) : – Cancer du sein métastatique surexprimant Her2 en monothérapie après deux lignes de chimiothérapie ayant comporté au moins une anthracycline et une taxane ; – Cancer du sein métastatique en association au paclitaxel (Taxol®) ; – Cancer du sein avancé en association au docétaxel (Taxotère®) ; – Traitement néo-adjuvant du cancer du sein en association avec la chimiothérapie RCP : – oui – non. Indications pertinentes : – Traitement adjuvant du cancer du sein avec surexpression tumorale de Her2 et atteinte ganglionnaire ; – Cancer du sein avancé en association à d’autres cytotoxiques que les taxanes. Autre motif de prescription : Préciser………………………………………………………………………………………….. Posologie : Trastuzumab :………. mg/kg soit……. mg Date :…./…./…. Signature : Cadre réservé à la Pharmacie : Médicament dispensé Quantité Numéro d’ordonnancier Herceptin® 50 mg…… … … … … … … … … … …… … Date :…../…../…. Signature : 210 p. le garlantézec Annexe 2. Recommandations sur l’HERCEPTIN® d’après le comité de juste prescription AP-HP. INFORMATIONS SUR LE BON USAGE Comité de la Juste Prescription/AP-HP L'utilisation d’Herceptin® (trastuzumab) est associée à une cardiotoxicité. Avant tout traitement par Herceptin®, en particulier chez les patients déjà exposés aux anthracyclines et cyclophosphamide, une évaluation de la fonction cardiaque (anamnèse, examen clinique, ECG, échocardiogramme et/ou scintigraphie cardiaque) est indispensable. • Effets indésirables – Les effets indésirables légers à modérés fréquemment observés sont le plus souvent liés à la première perfusion : - fièvre, frissons, - rash cutané, - nausées, vomissements, - hypertension - tremblements, céphalées, étourdissements, - toux, - douleur, asthénie, • l'interruption de la perfusion peut aider à contrôler ces symptômes ; la perfusion peut être reprise après disparition des symptômes. – En cas de survenue d’effets indésirables graves tels que : - dyspnée, râles sibilants, bronchospasme, détresse respiratoire, désaturation en oxygène, - hypotension, hypertension, tachycardie, - réactions anaphylactiques, urticaire et angio-oedème, le traitement doit être immédiatement arrêté. • Contre indications Dyspnée de repos sévère en rapport avec les complications liées au stade avancé de la maladie ou oxygénodépendant. • Précautions à prendre - Ne pas utiliser le trastuzumab en association avec les antracyclines du fait d’une augmentation de la cardiotoxicité. - Risque accru de cardiotoxicité chez lez patients traités par anthracyclines après l’arrêt du trastuzumab (respecter une période de 24 semaines). - Incidence accrue des infections, principalement des voies aériennes supérieures ou des infections sur cathéter, chez les patients traités par trastuzumab associé au paclitaxel. COMEDIMS COMIA Version 2 06/01/2005 • Préparation - Chaque flacon de trastuzumab doit être reconstitué avec 7,2 ml d'eau pour préparation injectable stérile. - Le volume de solution prélevé du flacon doit être introduit dans une poche à perfusion contenant 250 ml d'une solution de chlorure de sodium à 0,9 %. Ne pas utiliser de solution contenant du glucose. - Contrôler visuellement avant administration, à la recherche de particules ou d'un changement de coloration. • Surveillance - Le trastuzumab doit être administré en perfusion intraveineuse de 90 minutes. Si la dose de charge initiale a été bien tolérée, les doses suivantes peuvent être administrées en perfusion de 30 minutes. - Les patients doivent être surveillés pendant six heures au moins suivant le début de la 1re perfusion et deux heures après le début des perfusions ultérieures. - Un équipement d'urgence doit être immédiatement disponible. - Administrer, après dilution à l'aide d'une tubulure séparée (ne pas mélanger ou diluer avec d'autres médicaments), ne pas administrer la solution en bolus ou en injection rapide. - La fonction cardiaque doit être réévaluée tous les trois mois pendant le traitement et en cas de dysfonctionnement cardiaque asymptomatique toutes les six à huit semaines. • Conditions de conservation Les solutions prêtes à être administrées : - ne contiennent pas d’agent conservateur microbien : veiller à conserver leur stérilité, - peuvent être conservées 24 heures à une température < 30 °C et 48 heures au réfrigérateur (2–8 °C). Pour plus d’informations se reporter au RCP (Vidal®) et/ou au référentiel « Juste Prescription ». En cas de suspicion d’effet indésirable lié au médicament et pour toute situation particulière (grossesse, patient à risque…) vous pouvez contacter votre Centre Régional de Pharmacovigilance. Références : - www.emea.eu.int/humandocs/PDFs/EPAR/Herceptin - Drugdex Drug Evaluations : 2003 - Communiqué de l’EMEA du 13 juin 2001 - Vigilances : le bulletin de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Juin 2000. tarification à l’activité et contrat de bon usage 211 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Vasselle A. Rapport du Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Assurance maladie du 9 novembre 2005 ; 73 (2) : 1-55. 2. Loi N° 2003-1 199 de financement de la sécurité sociale pour 2004 (article 25). JORF du 27 novembre 2003 : 21 651-70. 3. Paubel P, Aoustin M. Médicaments et dispositifs dans le cadre de la tarification de l’activité. Association des médecins des industries de produits de santé AMIPS info 2005 ; 70 (4) : 64-72. 4. Arrêté du 2 août 2004 pris en application du I de l'article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et fixant les tarifs de référence nationaux par activité. JORF du 22 août 2004 : 15 042-105. 5. Arrêté du 31 janvier 2005 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d’hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. JORF du 16 février 2005 : 2 579-623. 6. Leuridan C, Meyer Semhoun D. Réforme du financement des établissements de santé et amélioration de leur gestion. Actualité et dossier en santé publique (AdSP), Haut comité de la santé publique 2005 ; 50 (3) : 7-11. 7. Décret N° 2005-1 023 du 24 août 2005 relatif au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations mentionné à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale. JORF du 26 août 2005 : 13 526-31. 8. Décret N° 2005-336 du 8 avril 2005 fixant les listes des missions d’intérêt général et des activités de soins dispensés à certaines populations spécifiques donnant lieu à un financement au titre de la dotation mentionnée à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale. JORF du 10 avril 2005 : 6 492-3. 9. Arrêté du 2 mars 2005 pris en application de l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale et fixant la liste des produits et prestations mentionnées à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation. JORF du 10 mai 2005 : 8 052-6. 10. Arrêté du 4 avril 2005 modifié, pris en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale et fixant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge par l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation. JORF du 10 mai 2005 : 8 064-74. 11. Arrêté du 16 février 2006 pris en application de l'article L. 162-227 du code de la sécurité sociale et modifiant l'arrêté du 2 mars 2005 fixant la liste des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation. JORF du 28 février 2006 : 3 053-7. 12. Arrêté du 19 janvier 2006 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations 212 d’hospitalisation. JORF du 3 février 2006 : 1 824-5. 13. Umlil A, Bodin JM, Cledat Y. Contrat de bon usage des médicaments : proposition d’une méthodologie pour réaliser l’état des lieux du circuit du médicament dans un Centre hospitalier général. Le Pharmacien hospitalier 2006 ; 41 (165) : 85-98. 14. Circulaire DHOS/E2/DSS/1C N° 2006-30 du 19 janvier 2006 relative à la mise en œuvre du contrat de bon usage des médicaments et produits et prestations mentionné à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale. 15. Fiches de bon usage du réseau des CHU disponible à l’adresse : http://www.reseau-chu.org/_new/fiche_bon_usage.htm. Site Internet consulté le 24 juin 2006. 16. Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à l'administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans les établissements de santé, les syndicats interhospitaliers et les établissements médico-sociaux disposant d'une pharmacie à usage intérieur mentionnés à l'article L. 595-1 du code de la santé publique. JORF du 1er avril 1999: 4854-6. 17. Schmitt E. Le risque médicamenteux nosocomial : circuit hospitalier du médicament et qualité des soins. Paris : Masson Éditeur ; 1999. 18. Circulaire DGS/DH N° 98/213 du 24 mars 1998 relative à l’organisation des soins en cancérologie dans les établissements d’hospitalisation publics et privés. 19. Arnaud P, Gard C, Cazin JL La préparation des anticancéreux. Gestion Hospitalière 2004 ; 436 : 384-8. 20. Camus M, Brion F. Médicaments anticancéreux. Intérêts de la préparation dans les pharmacies à usage intérieur. Gestion hospitalière 2005 ; 444 : 219-22. 21. Circulaire DHOS/SDO/2005/101 relative à l’organisation des soins en cancérologie du 22 février 2005. 22. Oulieu S, Leibenguth P, Demaison S, Camus G, Vaylet F, Samson T et al. Unité de reconstitution des médicaments anticancéreux en isolateur à l’HIA Percy : mise en place et premier bilan après cinq mois de fonctionnement. Médecine et Armées 1997 ; 25 (6) : 449-57. 23. Aupée O, Le Garlantezec P, Foulon O, Cannonge B, Dassé MP, Bohand X. Informatisation du circuit des préparations anticancéreuses : aide ou contrainte ? 60es journées APHO 2006 ; Les Sables d’Olonne. 24. Société française de pharmacie clinique. Indicateurs en pharmacie hospitalière. 1re édition 16 janvier 2006 : 1-96. 25. Avis N° 04-A-03 du Conseil de la concurrence en date du 28 janvier 2004 relatif à un projet de décret concernant des catégories de médicaments à prescription restreinte et la vente de médicaments au public par certains établissements de santé et modifiant le code de la santé publique et le code de la sécurité sociale (BOCCRF N° 2004-07). p. le garlantezec Pratique médico-militaire QUEL AVENIR POUR LES EAUX CONDITIONNÉES DANS LA STRATÉGIE D’APPROVISIONNEMENT DES FORCES ARMÉES EN SITUATION OPÉRATIONNELLE ? G. BORNERT, C. PORTELLI-CLERC, Y. BOUHDA, A. KAROM, H. HASKOURI, K. CHABAA RÉSUMÉ Les réflexions menées actuellement dans le domaine de l’approvisionnement en eaux des forces armées sur les théâtres opérationnels tendent à remettre en cause l’emploi quasi-systématique des eaux embouteillées d’importation, qui est pour le moment de règle. La mise en place de filières structurées et fiabilisées de production d’eau par des moyens militaires constitue une alternative à privilégier, sans occulter l’intérêt de développer des moyens spécifiques de conditionnement de l’eau. Mots-clés : Conditionnement. Eau. Hygiène. Opérations militaires. ABSTRACT WHICH USE FOR BOTTLED WATERS IN THE FRENCH WATER SUPPLY MANAGEMENT STRATEGY DURING FIELD OPERATIONS ? Taking into consideration the question of water supply to troops in field operations leads the armies to search for an alternative to the almost systematic use of imported bottled waters. The organization of a reliable supply chain, based on field water production by specific military treatment devices, appears the best solution, and the interest of field water packaging systems must be taken into account. Keywords: Hygiene. Military operations. Packaging. Water. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 219-223) I. INTRODUCTION. L’évolution des concepts d’emploi des forces armées a mis en avant, ces dernières années, la notion de projection qui implique d’être en mesure de positionner des effectifs importants sur des théâtres lointains durant des périodes souvent longues. Il va de soi que de telles options stratégiques sollicitent de façon considérable les moyens disponibles pour assurer le ravitaillement des unités déployées. Cette logistique opérationnelle concerne bien sûr, en premier lieu, des matériels spécifiques de l’activité militaire, armement, munitions, mais l’essentiel des volumes des approvisionnements relève en fait de ce qu’il est convenu d’appeler le soutien de l’homme. Il s’agit là, G. BORNERT, vétérinaire en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. C. PORTELLI-CLERC, vétérinaire principal, praticien confirmé. Y. BOUHDA, vétérinaire commandant, praticien confirmé. A. KAROM, vétérinaire commandant, praticien confirmé. H. HASKOURI, vétérinaire lieutenant, praticien confirmé. K. CHABAA, vétérinaire lieutenant, praticien confirmé. Correspondance : G. BORNERT, Direction régionale du Service de santé de Brest, BP 05, 29240 Brest Armées. médecine et armées, 2008, 36, 3 en particulier, d’assurer la fourniture aux combattants, en quantité suffisante, de denrées alimentaires et d’eau. La logistique eau représente à elle seule des volumes considérables, tout particulièrement sous les climats chauds. On considère (1) que l’objectif à atteindre est de 100 à 150 litres d’eau par homme et par jour, dont 3 à 10 litres destinés à la boisson. Actuellement, la politique de l’eau en opérations associe toujours le recours à des eaux conditionnées, le plus souvent importées de métropole, à une production locale au moyen d’appareils spécialement développés pour les théâtres opérationnels. Les eaux conditionnées sont alors réservées à la boisson et parfois à la préparation des aliments, tandis que les eaux produites localement permettent de répondre aux autres besoins. Les réflexions menées sur ce sujet depuis 2003, sur la base des observations réalisées sur les différents théâtres, conduisent cependant à remettre en cause ce mode d’organisation du ravitaillement en eau. 213 II. CARACTÉRISTIQUES CONDITIONNÉES. DES EAUX A) TYPES DE PRODUITS. Les eaux conditionnées peuvent être, selon les cas, des eaux minérales naturelles, des eaux de sources ou des eaux traitées et embouteillées. Les eaux minérales naturelles et eaux de sources sont prélevées dans des nappes profondes, puis commercialisées le plus souvent en l’état. Parfois, des traitements mineurs sont nécessaires, visant à corriger des défauts de minéralisation, en particulier de fréquents excès de fer et de manganèse. La définition réglementaire de l’eau de source, que fournit le Code de la santé publique (article R1321-84), donne d’ailleurs une vision particulièrement flatteuse de ce produit : « une eau de source est une eau d’origine souterraine, microbiologiquement saine et protégée contre les risques de pollution (2) ». Les eaux minérales naturelles bénéficient pour leur part d’une image encore plus attractive, dès lors que des propriétés bénéfiques pour la santé sont mises en avant, en relation avec leur minéralisation spécifique. L’activité d’embouteillage peut aussi s’adresser à des eaux traitées : il s’agit alors de conditionner de l’eau issue d’un réseau public d’adduction. Ce cas de figure est relativement rare en France, mais beaucoup plus fréquent en Europe du Nord et aux États-Unis. Là où le consommateur français souhaite un produit « naturel », la clientèle nord-américaine préfère une eau désinfectée, la chloration étant une garantie très recherchée de sécurité sanitaire. B) TYPES DE CONDITIONNEMENTS. Les eaux sont généralement conditionnées dans des bouteilles en matière plastique thermoformées. Les principales qualités attendues des matériaux utilisés sont l’étanchéité (« effet barrière ») afin de garantir la préservation des qualités intrinsèques de la denrée, l’inertie vis-à-vis des constituants de l’eau et une résistance mécanique suffisante, adaptée aux inévitables manutentions. Seuls des matériaux autorisés par la réglementation peuvent être employés conformément aux dispositions de l’article R 1321-95 du Code de la santé publique (2). Le constituant le plus courant est le polychlorure de vinyle (PVC) qui représente un bon compromis entre les différents objectifs techniques, pour un coût modéré. On peut cependant reprocher à certains PVC de très faible épaisseur de manquer de rigidité : dans le cas des bouteilles d’eau, cela se traduit par des difficultés de manutention et une moindre résistance à l’écrasement lors de transport sur palettes. Le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polyéthylène haute densité (PEHD) sont des matériaux d’usage moins courant dans le domaine des eaux, réservés à quelques produits du haut de gamme (eaux minérales naturelles de grandes marques), principalement des eaux gazeuses. Au cours des années 1980, le commissariat de l’armée de Terre s’est orienté vers un concept nouveau pour 214 améliorer certaines qualités des eaux conditionnées : il s’agissait de recourir à des matériaux métalloplastiques multicouches. Le principe des f ilms multicouches est d’associer différents constituants en pellicules superposées, carton, polyéthylène basse densité, aluminium, pour obtenir un matériau possédant les qualités respectives de chacune des matières premières qui le constituent. De tels films ont été conçus à l’origine pour le conditionnement du lait stérilisé, l’objectif atteint grâce à l’aluminium étant une protection contre les effets délétères de la lumière. Rapidement, le procédé de conditionnement en briques métalloplastiques a démontré de grandes qualités d’inertie, de résistance mécanique, de praticité de mise en œuvre et il a été mis en œuvre dans l’ensemble de l’industrie des boissons non alcoolisées. Son emploi dans le domaine de l’eau n’a pas pour autant permis d’obtenir la réussite escomptée. Le marché de l’eau en briques est resté tout à fait confidentiel en France, dans la mesure où il s’agit là d’un conditionnement plus coûteux que les bouteilles en PVC et moins pratique d’emploi au niveau d’un usage domestique. La bouteille d’eau peut être refermée de façon hermétique entre deux usages, là où une brique entamée est assez peu pratique à entreposer. Au plan de la logistique militaire, les briques semblaient par contre disposer de nombreux atouts : forme favorisant un encombrement minimal, résistance à la perforation supérieure à celle des bouteilles en plastique, bonne protection du produit contre les contaminants d’origine exogène. C’est ainsi que ce mode de conditionnement a été retenu jusque vers le milieu des années 1990 pour la constitution des stocks « de sécurité » mis en place au niveau des unités opérationnelles pour garantir leur autonomie en cas d’interruption momentanée des approvisionnements en eau. Malgré des qualités évidentes, l’eau en conditionnement métalloplastique a pourtant été abandonnée après de nombreux incidents observés sur les théâtres opérationnels. Il est en effet apparu que l’inertie du conditionnement était parfois insuffisante, de sorte que, lors d’un entreposage prolongé de cette eau à température élevée, il apparaissait des goûts anormaux très désagréables (souvent décrits comme des « goûts de chèvre ») qui rendaient l’eau impropre à la consommation : quoi de plus pénalisant que des stocks de sécurité inutilisables ?… Malgré des tentatives pour gérer cette difficulté au plan industriel, il s’est avéré impossible de trouver une solution satisfaisante, de sorte que le conditionnement métalloplastique est désormais abandonné dans le domaine de l’eau. Une dernière option est représentée par le recours à des conditionnements souples, l’eau étant alors placée dans des sachets en matière plastique thermosoudés. Les films plastiques utilisés sont généralement constitués de polyéthylène. Le processus de production est des plus simples, avec une bonne fiabilité au plan sanitaire et une maintenance limitée des machines. Le produit est cependant peu pratique d’emploi, essentiellement parce que le sachet entamé ne peut être efficacement refermé. Enfin, la manutention de ces sachets doit rester précautionneuse pour éviter les perforations. g. bornert III. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES EAUX CONDITIONNÉES DANS LA PROBLÉMATIQUE OPÉRATIONNELLE. Dans le contexte spécif ique de la logistique opérationnelle, les eaux embouteillées occupent actuellement une place majeure. A) ASPECTS SANITAIRES. De toute évidence, choisir des eaux conditionnées pour répondre aux besoins en eau de boisson garantit un niveau de sécurité optimal, dès lors que l’on a recours à des fournisseurs métropolitains. L’industrie de l’eau conditionnée est réputée pour la fiabilité de ses processus de production et fait l’objet d’une attention toute particulière des services de l’état en charge de la santé publique. Un autre aspect à ne pas négliger est que même si parfois le contenu de la bouteille n’est que de l’eau de réseau traitée, le consommateur garde une vision très idéalisée de l’eau conditionnée, fruit d’années d’un travail marketing efficace de la part des producteurs. Ce point est particulièrement vrai pour les Français, leaders européens de la consommation d’eaux de source, et une récente campagne publicitaire conduite par une célèbre marque d’eau de source a largement exploité la méfiance de la population française vis-à-vis des eaux de distribution. Le côté « naturel » d’une eau qui émerge d’une nappe souterraine, sa pureté annoncée, ses éventuels bienfaits pour la santé, sont autant de clichés largement ancrés dans les esprits. Cet a priori favorable vis-à-vis des eaux de source n’est en soi un problème que dans la mesure où il induit ou renforce la méfiance à l’égard des eaux d’autres origines. Il serait donc vraisemblablement difficile, au moins dans un premier temps, de modifier notre mode actuel de fourniture de l’eau de boisson sur les théâtres opérationnels pour passer à un système faisant appel aux eaux de distribution. Au-delà de ces considérations, il y a lieu de rester lucide sur le niveau de sécurité sanitaire que garantit le recours aux eaux embouteillées. Ce point mérite en effet d’être nuancé pour plusieurs raisons. Il faut tout d’abord remarquer que la mise à la disposition des personnels de ces eaux conditionnées induit parfois des dérives et négligences qui peuvent avoir un impact au plan sanitaire. Les bouteilles entamées sont laissées sans précautions particulières dans les bureaux, véhicules, locaux à usage privatif ; un emploi peu soigneux peut favoriser des contaminations au niveau du goulot ; les bouteilles qui passent de main en main constituent des vecteurs pour les agents microbiens. Il y a donc lieu, au minimum, de canaliser les modalités d’emploi de ces produits. Un constat beaucoup plus préoccupant réside dans le recours de plus en plus fréquent à des fournisseurs locaux pour ce type d’approvisionnement. Le coût logistique de l’importation d’eaux embouteillées depuis la métropole a conduit à explorer, sur les théâtres, les possibilités d’achats locaux. Différents cas de figure peuvent alors être rencontrés, du producteur exploitant une ressource locale à l’importateur d’eaux d’origines diverses. Au bilan, cette option peut certainement permettre de réduire les coûts, mais les économies financières se font trop généralement au détriment de la sécurité des consommateurs. En effet, l’expérience montre que les productions locales sont rarement maîtrisées au plan technologique, et l’on observe, sur certains théâtres, des sites de conditionnement artisanaux où l’improvisation est de règle. Produire des eaux de bonne qualité sanitaire constitue un challenge que peu d’industriels parviennent à relever avec succès. Deux aspects sont déterminants. Il s’agit tout d’abord de la qualité initiale de la ressource. Or, contrairement à une idée reçue, le fait qu’une eau provienne d’une nappe souterraine ne garantit pas sa qualité : les pollutions sont fréquentes, d’origine accidentelle (notamment agents biologiques, pesticides, hydrocarbures, nitrates) ou naturelle (arsenic, sélénium, sulfates par exemple). Il faut par ailleurs considérer les conditions de réalisation de l’embouteillage, qui peuvent favoriser des contaminations, essentiellement de nature biologique. Laisser la santé des personnels militaires à la merci des pratiques douteuses de fournisseurs négligents n’est pas acceptable, ce qui implique une grande vigilance lors d’achat d’eaux conditionnées. Parfois, notamment dans certains pays d’Afrique voisins de théâtres opérationnels, des entreprises d’embouteillage d’eaux minérales ont proposé leurs services et l’expertise initiale effectuée par un vétérinaire du Service de santé a pu révéler un niveau de maîtrise très proche de celui qui est exigé en métropole. Cependant, l’éloignement ne permet pas d’exercer un suivi de tels sites industriels. Par ailleurs, la longueur des filières logistiques et l’absence de garanties quant à ces filières pose le problème des éventuelles substitutions de produits et autres actes malveillants qui constituent une menace à ne pas minimiser. Une question d’importance concerne les modalités pratiques de suivi technique des prestations d’un tel fournisseur et des produits qu’il commercialise. La réalisation d’expertises périodiques sur les sites d’embouteillage s’avère matériellement difficile et l’évaluation qualitative des eaux fournies, par la réalisation d’analyses, reste épisodique. B) ASPECTS LOGISTIQUES. Au plan logistique, l’utilisation des eaux embouteillées présente de nombreux avantages. Il s’agit d’une solution dont la mise en œuvre peut être quasi-immédiate, pour faire face à un besoin imprévu, dès lors que les stocks disponibles sur le marché, en métropole, sont considérables. La gestion des flux logistiques est relativement souple, pour un produit présenté sur palettes, stable à température ambiante et à durée de vie technique longue (les eaux sont soumises à une date d’utilisation optimale, purement indicative). Il n’y a donc pas lieu de mettre en place de moyens de transport spécif iques, ni de recourir systématiquement aux voies les plus rapides. L’entreposage de ces eaux n’est généralement pas une réelle difficulté, au prix Quel avenir pour les eaux conditionnées dans la stratégie d’approvisionnement des forces armées en situation opérationnelle ? 215 de quelques précautions sur lesquelles nous reviendrons. Enf in, la distribution de l’eau ainsi approvisionnée est largement facilitée par comparaison aux eaux en vrac. Le combattant peut même se déplacer avec un stock individuel de secours, dans son sac ou dans son véhicule. Pour autant, il ne serait pas objectif de rester sur ces seuls arguments favorables. Tout d’abord, au plan technique, les eaux embouteillées constituent des produits dont la stabilité n’est pas absolue. Le PVC ou le PET utilisés pour la fabrication des bouteilles représentent des matériaux imparfaits au regard des contraintes de la logistique militaire. En effet, en plus d’une résistance à l’écrasement toute relative, ces matières plastiques ne garantissent pas un « effet barrière » absolu vis-à-vis des polluants exogènes. Entreposé dans un local mal ventilé, au voisinage de substances odorantes, l’eau en bouteilles PVC ne tardera pas à présenter une odeur et un goût anormaux qui la rendront désagréable à consommer, même si les quantités de substances chimiques qui migrent à travers le PVC sont inf initésimales et ne génèrent pas de risque toxique pour le consommateur. L’essentiel des réclamations que gèrent les services « qualité » des grands acteurs de l’activité d’embouteillage d’eaux relève de ce type de phénomènes. Ce sont principalement les hydrocarbures qui génèrent des incidents (cas des eaux entreposées par un particulier dans son garage, à côté de bidons d’essence). De tels phénomènes de migration de composés chimiques au travers des films de PVC sont très fortement majorés lorsque la température ambiante est élevée. Au cours du transport d’eaux embouteillées sur de longues distances, en conteneurs maritimes, il n’est pas rare que le produit soit exposé à des températures extrêmes qui favoriseront les dégradations organoleptiques : toutes les substances présentes dans l’environnement immédiat peuvent alors générer des odeurs, y compris les palettes sur lesquelles sont posées les bouteilles (produits antifongiques utilisés pour le traitement du bois, essences spécifiques). Un autre phénomène bien connu est l’envahissement des conteneurs d’eau par des moisissures. Un conteneur fermé exposé au rayonnement direct du soleil constitue, pour ces micro-organismes, une véritable étuve. Les spores fongiques présentes dans l’air peuvent germer sur tous types de supports organiques, de sorte que les étiquettes des bouteilles d’eau ou les feuilles de carton intercalées au sein des palettes constituent des substrats adaptés, en présence d’un minimum d’humidité ambiante. Le développement fongique n’a en soi aucune incidence sur la qualité sanitaire des eaux, mais les bouteilles apparaissent souillées au niveau de leur étiquetage. Par ailleurs, un autre phénomène beaucoup plus préoccupant est le développement d’un goût de moisi, par migration de molécules volatiles à travers le PVC, qui rendra le stock d’eau inconsommable. Toutes ces éventualités fâcheuses sont largement connues des spécialistes du sujet, de sorte que, de plus en plus, le commerce international des eaux conditionnées fait l’objet de clauses contractuelles draconiennes à l’égard des transporteurs, visant à protéger le produit contre les 216 excès climatiques. Un incident récent, survenu dans le cadre de la f ilière d’approvisionnement en eau des éléments français au Tchad, a permis de situer l’ampleur des conséquences économiques de toute négligence dans la gestion des flux logistiques en relation avec les eaux embouteillées (3). Avec la prise en compte de plus en plus évidente des contraintes environnementales dans la gestion des dispositifs militaires, il apparaît que les eaux conditionnées ne représentent pas l’option la plus respectueuse de l’environnement. L’élimination des conditionnements usagés n’est pas des plus faciles, si l’on considère les volumes de déchets ainsi produits et l’absence sur le marché de matériaux biodégradables adaptés. Un dernier aspect est une source de préoccupation majeure pour les logisticiens. Les eaux embouteillées importées de métropole imposent une charge considérable à la logistique militaire, de sorte que les coûts induits sont colossaux. En choisissant de recourir de façon systématique à des eaux importées pour assurer les apports d’eau de boisson, les armées se voient contraintes de gérer un besoin quotidien de trois à cinq litres d’eau de boisson embouteillée par homme et par jour, au minimum, ce qui correspond à environ 2 000 à 3 000 bouteilles (de 1,5 litre) par jour, qu’il devient nécessaire d’importer à grands frais pour un effectif de 1 000 hommes déployés sur le terrain. C’est donc 5 m3 de fret qu’il faut garantir par journée de présence de ces 1 000 hommes sur le terrain. Le coût f inal est alors moins lié au produit lui-même qu’à son transport sur de longues distances. Ce dernier argument semble avoir été clairement pris en compte par le commandement, de sorte que de nombreux travaux actuels permettent d’entrevoir des évolutions dans ce domaine. IV. VERS UNE NOUVELLE APPROCHE EN MATIÈRE D’EAUX CONDITIONNÉES. La refonte des concepts de base en matière d’eaux en opérations extérieures est en cours, répondant à des préoccupations d’efficacité et d’économie, tout en s’efforçant de respecter la sécurité sanitaire des personnels. L’idée de départ est qu’il est parfaitement possible de produire et de distribuer de l’eau parfaitement potable sur les théâtres extérieurs, sous réserve de mettre en place les moyens et les équipes adaptés à chaque situation (4). Les matériels de traitement de l’eau en service dans les armées sont en cours de renouvellement et une nouvelle génération d’équipements, exploitant la technologie de l’osmose inverse, est en train de prendre le pas sur les traditionnels Matériel de traitement de l’eau modulaire (MATEM) et Unité mobile de traitement de l’eau (UMTE). Les investissements consentis traduisent une volonté de parvenir à garantir un niveau qualitatif élevé des eaux produites sur les sites d’opérations. Dès lors que l’eau ainsi traitée est conforme aux exigences qualitatives pour sa mise en consommation, rien n’interdit plus de réfléchir à l’abandon des importations d’eaux embouteillées. Pourtant, la production d’eau en vrac sur g. bornert les théâtres n’apporte pas la réponse à toutes les questions posées. Sur les grands camps militaires, tels qu’il en existe sur les théâtres importants, il est tout à fait concevable de mettre l’eau en distribution au niveau de robinets alimentés soit par un réseau d’adduction, soit par des citernes. Le consommateur trouvera alors de l’eau en libre service au niveau de l’ensemble du site. En tout état de cause, des eaux conditionnées restent indispensables dans une logistique militaire bien ordonnée. Les missions de petits effectifs sur de courtes durées, les détachements mobiles, les unités de reconnaissance lors de la phase de déploiement constituent autant d’exemples pour lesquels il sera nécessaire de disposer de quantités non négligeables d’eaux conditionnées. Dans cette perspective, le recours aux conditionnements réutilisables réglementaires, gourde, nourrice de 20 litres, est envisageable. Le risque associé à ce type de pratiques réside dans le manque de soins apportés trop souvent à l’entretien des matériels, de sorte que l’eau subit des contaminations préjudiciables à sa qualité sanitaire. Il s’agit là de difficultés que l’on doit pouvoir gérer efficacement par une information des personnels et en veillant à assurer un taux suffisant de chlore libre résiduel dans les eaux distribuées. Il peut pourtant apparaître préférable de mettre en place des systèmes assurant le conditionnement de l’eau produite sur le théâtre dans des contenants à usage unique. L’armée française dispose pour le moment d’unités d’ensachage de l’eau. Ces appareils permettent de livrer au consommateur des sachets en plastique remplis d’eau, d’une contenance allant de 0,5 à 2 litres. Cette option est séduisante car elle permet de distribuer l’eau sans redouter de contaminations lors de la phase de transport ou de stockage. Cependant, dès que le sachet est entamé, le stockage de l’eau devient problématique : son transvasement dans un récipient rigide est souvent à l’origine de contaminations qui ruinent tous les efforts déployés en amont. L’avenir est donc probablement aux systèmes d’embouteillage autonomes projetables, tels qu’il en existe à l’état de prototypes au sein des forces armées de l’OTAN. Ces dispositifs, du format d’un conteneur pour transport maritime, réalisent le thermoformage de bouteilles en matière plastique puis le remplissage de ces récipients. Le recours à des conditionnements rigides lève ainsi les réserves formulées à l’égard des eaux ensachées. En l’absence de tels équipements, il reste possible de concevoir une solution mixte, alliant une production de masse d’eaux destinées aux structures fixes, complétée par des achats, en quantité limitée, d’eaux conditionnées. Dans ce cas, il y aura lieu de mettre en place une stratégie d’achat et de contrôle des produits approvisionnés permettant de pallier les insuffisances constatées jusqu’à présent. Le Service de santé a un rôle essentiel à assumer dans ce type de dossier. Cependant, il n’est que l’une des parties prenantes : une stratégie d’approvisionnement cohérente implique un investissement majeur de la structure en charge des achats, généralement l’Économat des armées, qui doit accepter le principe d’expertises techniques préalables des fournisseurs potentiels. Le commandement doit aussi avoir conscience des contraintes associées aux activités de contrôle : le Service de santé ne peut accomplir sa mission technique que dans la mesure où le commandement facilite les déplacements d’équipes d’experts vers les sites sous-traitants et l’envoi d’échantillons vers la métropole de façon régulière. V. CONCLUSION. Les eaux conditionnées présentent des avantages certains pour l’approvisionnement des troupes en opérations extérieures et il importe de les considérer comme constituant l’une des options majeures dont dispose le commandement pour assurer la gestion des besoins en eau des combattants. Cette option présente cependant de nombreux inconvénients lorsqu’elle est employée à grande échelle. Elle ne devrait être utilisée qu’en complément d’une approche de production d’eau, au moyen d’équipements déployés sur les théâtres, ou pour des phases de déploiement et des missions ponctuelles. À l’avenir, un compromis intéressant, et probablement très avantageux au plan économique, consistera à réaliser non seulement la potabilisation de l’eau mais aussi son conditionnement en bouteilles sur les théâtres opérationnels. Il va de soi qu’une telle stratégie ne peut être efficace que dans la mesure où les moyens matériels et humains nécessaires sont déployés. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Notice N° 1919/DEF/DCSSA/AST/TEC du 20 août 1991 relative à l’approvisionnement en eaux des formations et services des armées de Terre, de Mer et de l’Air. 2. Code de la santé publique ; partie réglementaire. 3. GINESTA J. Communication personnelle. 4. Bornert G, Kervella JY, Péquignot JP, Genin-Lomier S, Karom A, Dumas E. Politique de l’eau en opérations extérieures. Difficultés et perspectives. Médecine et Armées 2004 ; 32 (1) : 86-91. Quel avenir pour les eaux conditionnées dans la stratégie d’approvisionnement des forces armées en situation opérationnelle ? 217 218 Pratique médico-militaire REBREATHING ET APPAREIL DE PROTECTION RESPIRATOIRE P. MOULIN, J.-L. CAPRON, T. CUNEY, A. MONTMAYEUR, P. VIANCE RÉSUMÉ La Marine nationale s’est dotée, à la fin des années 1990, d’un nouvel appareil de protection respiratoire autonome. Au bout de quelques mois, le masque de cet appareil présente des avaries répétées laissant envisager une augmentation de l’espace mort et le mélange de l’air expiré avec l’air inspiré. Cette étude a donc pour objectif de mesurer la concentration de l’air inspiré en dioxyde de carbone et de préciser, le cas échéant, le risque pour les personnels. Un simulateur respiratoire se substitue au sujet. Deux séries de tests sont réalisées sur des masques complets alimentés par des lots de bouteilles en service. L’augmentation de l’espace mort, secondaire aux fuites dans le masque, induit un accroissement de la concentration de dioxyde de carbone expiré qui permet de chiffrer précisément la concentration de dioxyde de carbone inspiré. Dans le pire des cas, la concentration de dioxyde de carbone inspiré atteint 1,99 %. Une telle valeur n’apparaît pas conforme aux normes AFNOR (Association française de normalisation), recommandées pour ce type de masque. Elle n’est également pas compatible avec les valeurs limites d’expositions professionnelles retenues en Allemagne ou aux ÉtatsUnis. Néanmoins, elle reste physiologiquement acceptable au regard des concentrations maximales admissibles retenues au sein de la marine nationale, en situation opérationnelle. Mots-clés : Appareils de protection respiratoire. Dioxyde de carbone. Rebreathing. Valeurs limites. ABSTRACT REBREATHING AND BREATHING APPARATUS. In the late nineties, the French navy equipped itself with a new self-containing breathing apparatus. A few months later, the mask of this apparatus presented repeated damages that induced an increase of the dead space and the mixture of exhaled and inhaled air. The aim of this study was thus to measure the concentration of carbon dioxide in inhaled air, and to assess the potential risk for users. A breathing simulator took the place of the human subject. Two series of tests were realized on whole masks supplied with sets of bottles in use. The increase of the dead space, secondary to leaks in the mask, induced an increase in carbon dioxide in the exhaled compartment, allowing to assess exactly the quantity of carbon dioxide in the inhaled part. In the worst case, the rate of carbon dioxide in the inhaled compartment reached 1.99 %. Such a value is not in accordance with the AFNOR standard recommended for this type of mask. Neither is it compatible with the maximum values of professional expositions adopted in Germany or in the USA. Nevertheless, from the physiological point of view this value remains acceptable as to the maximum admissible concentrations adopted by the French navy in operational situation. Keywords: Carbon dioxide. Breathing apparatus. Limit values. Rebreathing. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 225-228) I. INTRODUCTION. À bord des bâtiments, et plus généralement au sein de la Marine nationale, la sécurité a toujours été une préoccupation majeure. Soucieuse d’offrir un matériel performant à ses personnels susceptibles d’intervenir dans une ambiance non respirable (air pollué par des gaz, des vapeurs, des poussières, des aérosols ou air appauvri en oxygène avec une teneur inférieure à 17 % en volume), P. MOULIN, médecin principal, praticien certifié. J.-L. CAPRON, médecin du travail. T. CUNEY, médecin du travail. A. MONTMAYEUR, médecin du travail. P. VIANCE, médecin en chef, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce. Correspondance : P. MOULIN, Centre de médecine de prévention, caserne Ney, BP 64, 57998 Metz Armées. médecine et armées, 2008, 36, 3 la Marine se dote, à la fin des années 1990, d’un nouvel appareil de protection respiratoire isolant autonome. Cet appareil permet au porteur de respirer, à la demande et en pression positive, de l’air comprimé respirable provenant d’un bloc bouteille d’une capacité de 9 litres (3x3 litres) délivré à une pression de 300 bars. Le masque, proprement dit, est composé d’un écran panoramique, d’un demi-masque, d’une pastille phonique et de deux soupapes expiratoires. Au bout de quelques mois, les utilisateurs rapportent au commandement la désinsertion du demi-masque de sa gorge de fixation, susceptible d’augmenter l’espace mort du masque (fig. 1). 219 Figure 2. Simulateur. Figure 1. Décollement du 1/2 masque. L’espace mort est le volume d’air contenu dans les voies aériennes supérieures, et par extension dans le masque, qui ne participe pas aux échanges gazeux. La valeur de l’espace mort anatomique est d’environ 150 ml chez l’adulte de sexe masculin. Plus l’espace mort d’un masque est important, plus la concentration de CO 2 inspiré est élevée par le phénomène de « rebreathing » : le CO2 expiré au niveau du masque est à nouveau inhalé lors de l’inspiration suivante. L’homme au repos expire un volume moyen de 200 ml de CO 2 par minute (1). Toute augmentation de la concentration de CO2 inspiré induit une augmentation de la pression partielle en dioxyde de carbone (PCO2) dans les alvéoles pulmonaires et un accroissement immédiat de la PCO2 du sang artériel. L’antenne programme de l’état-major de la Marine a donc saisi l’Institut de médecine navale du Service de santé des armées (IMNSSA), afin de mesurer les valeurs de la concentration de CO2 inspiré et d’en tirer les recommandations vis-à-vis de la sécurité des personnels amenés à porter ce type d’appareils pendant 30 à 60 minutes. II. OUTILS ET MÉTHODES. Deux séries de test ont été réalisées sur un simulateur respiratoire programmable. Le simulateur comprend un ordinateur destiné au traitement des données, une machine simulant la respiration humaine auquel est raccordé un injecteur de CO2 qui fournit l’équivalent du CO2 rejeté par la respiration humaine, une fausse tête pour les raccordements par masque et un analyseur de gaz CO2 pour la mesure des espaces morts ou des gaz inspirés en circuit fermé (fig. 2). Les deux séries de tests sont effectuées sur des masques complets (deux masques par série) alimentés par quatre lots de trois bouteilles gonflées à 300 bars. La série 1 est constituée de masques ayant présenté l’avarie et ayant été réparé. La série 2 est constituée de masques neufs. Pour chaque mesure, le masque est soigneusement installé sur la tête factice. L’étanchéité est obtenue par réglage 220 optimal des sangles, de la résille et testée par l’application d’un liquide savonneux au contact du joint. L’absence de fuite est vérifiée. Le manomètre permet le contrôle de la pression de l’alimentation en air comprimé. Les mesures de la concentration de CO2 inspiré sont réalisées selon les normes AFNOR (2, 3). Ces dernières fixent le débit ventilatoire à 50 l/min, soit un niveau de travail dur. La méthode consiste à mesurer la concentration de CO2 dans le cylindre « faux poumon » (fig. 2), mesure que l’ordinateur maintient à valeur constante par adaptation de la quantité de CO 2 fournie. À chaque inspiration, la machine raccordée à la fausse tête injecte dans les gaz inspirés une quantité de CO 2 telle, qu’avant équipement du masque, le taux de CO 2 mesuré dans le « faux poumon » se stabilise à 5 %. La concentration de CO 2 expiré est proche de cette valeur. La tête est ensuite équipée du masque. Les « volumes morts » induisent dans la phase inspirée une petite quantité de CO2 dans la machine, entraînant une augmentation de la concentration de CO 2 expiré. Le programme étant conçu pour maintenir le taux de CO2 à 5 %, il s’ensuit une diminution de la quantité de CO2 fourni. La variation dq de CO 2 fourni correspond alors exactement à la quantité résultant de l’espace mort (VD) du masque. La concentration moyenne de CO 2 présente dans les gaz inspirés est obtenue par la relation suivante : CO2 concentration = dq / volume courant. La concentration de CO2, dans l’air du laboratoire, est contrôlée à plusieurs reprises de même que l’absence de dérive de l’analyseur de CO 2. L’analyseur de CO 2 est un analyseur rapide à infrarouges, installé sur une chaîne métabolique. Le prélèvement est réalisé à l’aide d’un tuyau capillaire fourni par le constructeur et préalablement étalonné. L’incident technique est reproduit au laboratoire en désinsérant, en deux étapes, le1/2 masque de sa gorge de fixation. La concentration de CO2 inspiré est mesurée pour chaque phase et pour chaque série de masques. III. RÉSULTATS. Les résultats des deux masques, dans les deux séries de mesure, sont sensiblement identiques. Les résultats figurent dans le tableau I. p. moulin Tableau I. Résultats des séries 1 et 2 (concentrations de CO2 dans l'air inspiré exprimées en %). Série 1 Série 2 Masque 1 Masque 2 Masque 1 Masque 2 Situation nominale 0,39 à 0,96 Avarie partielle Avarie totale 0,6 à 1,02 0,37 à 0,62 0,27 à 0,32 0,86 à 1,35 1,31 à 1,35 0,63 à 0,97 1,10 à 1,44 0,71 1,99 1,11 à 1,59 1,65 Un masque en situation nominale suppose un demi-masque en place. Les situations d’avarie partielle et totale correspondent à un demi-masque partiellement et totalement décollé de sa gorge d’insertion. En situation d’avarie partielle, le bord libre du demi-masque peut spontanément s’appliquer sur sa gorge d’insertion, du fait de la force de serrage, et ainsi obstruer l’orifice de fuite. IV. DISCUSSION. Le dioxyde de carbone est normalement présent en faible concentration dans l’atmosphère, de l’ordre de 0,035 % (4). Il pénètre et est éliminé essentiellement par voie respiratoire. En situation normale, la PCO 2 du sang artériel est maintenue constante à une valeur comprise entre 39 et 41 mmHg par la ventilation alvéolaire (1). Les effets du CO2 sur l’homme ont été largement étudiés. Les études expérimentales permettent de définir trois zones de tolérance en fonction de la concentration de CO2 inspiré. Pour des concentrations comprises entre 0 % et 1 % (zone indifférente), on décrit une augmentation de la ventilation pulmonaire sans aucune altération des performances physiques et psychosensorielles. Pour des concentrations comprises entre 1 % et 3 % (induisant une compensation physiologique), l’augmentation de la fréquence respiratoire s’accentue, l’acidose respiratoire est progressivement compensée. Les sujets se plaignent de quelques céphalées et d’une légère réduction des performances physiques. Les performances psychosensorielles sont intactes. À partir de 3 % (concentration induisant une hypercapnie manifeste), l’acidose respiratoire est diff icilement compensée, le travail musculaire limité. Des manifestations d’intolérance apparaissent : céphalées pénibles, vasodilatations périphériques (5-7). Les appareils de protection respiratoire doivent respecter des critères normatifs de conformité. La norme NF EN 136 stipule que la concentration de CO2 inspiré ne doit pas excéder une moyenne de 1 % (2). Il n’existe, cependant, pas en France de Valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) pour le dioxyde de carbone. Aux États-Unis, l’American conference of governmental rebreathing et appareil de protection respiratoire industrial hygienist (ACGIH) a fixé, en 2000, la Valeur limite de moyenne d’exposition (VME) à 5 000 ppm, soit une concentration de 0,5 %, et la Valeur limite d’exposition (VLE) à 30 000 ppm, soit une concentration de 3 %, pour le CO2 dans l’air des locaux de travail. En Allemagne, la commission Maximal Arbeitsplatz Konzentration (MAK) a fixé, la même année, à 5 000 ppm cette VME (8). Ces notions de VLEP (valeur moyenne pondérée sur 8h/jour et 40h/semaine pour la VME, valeur moyenne pondérée sur 15 min pour la VLE) ne peuvent, cependant, pas être appliquées dans toutes les circonstances. C’est le cas en situation opérationnelle. L’exemple des équipages des sous-marins est le plus démonstratif. Ils évoluent, par déf inition, dans une atmosphère conf inée et restent exposés à des nuisances environnementales 24h/24 pour des durées pouvant atteindre 90 jours, sans aucune possibilité de s’y soustraire. La notion de Concentration maximale admissible (CMA) se substitue alors à celle des VLEP. C’est à la suite d’expériences réalisées par le Centre d’études et de recherches techniques sous-marines en France et par « the naval submarine medical research laboratory » aux États-Unis, que la marine nationale fixe des CMA limites pour le CO2 en situation nominale et dégradée (tab. II) (9). Tableau II. Concentrations maximales admissibles applicables au sein des forces sous-marines. Dioxyde de carbone atmosphérique CMA CMA CMA CMA CMA CM 4J 90J 8J 24h 1h 6h Situation nominale 0,7 % Situation dégradée 1% 3% 2% 4% 3% 4% Dans la situation la plus défavorable de nos séries, la séquence de simulation ventilatoire au débit sinusoïdal de 50 l/min conduit à une concentration de CO2 inspiré de 1,44 % en cas d’avarie partielle et de 1,99 % en cas d’avarie totale. De telles valeurs, au regard de la norme NF EN 136, rendent le masque présentant l’avarie inutilisable. Néanmoins, les valeurs de concentration de CO 2 inspiré, mesurées lors des avaries, restent physiologiquement compatibles avec l’exécution d’une tache en « situation opérationnelle » et, en tout état de cause, ne mettent en aucun cas la vie des opérateurs en jeu. Une concentration de 3 % de CO 2 peut, en effet, être tolérée quatre jours en situation dégradée à bord d’un sous-marin (10). Cette valeur doit être relativisée, compte tenu de la durée du port de l’appareil respiratoire estimée entre 30 et 60 minutes. Enfin, il faut noter que nous avons limité notre étude au seul débit ventilatoire exigé par 221 la norme. Or, des pompiers équipés, en situation réelle, sont susceptibles d’avoir des débits ventilatoires très variables pouvant aller de 6 l/min au repos à 120 l/min pour un travail épuisant. Dans l’échelle des risques, l’avarie présentée peut ainsi être qualifiée d’avarie fréquente mais très peu dangereuse pour l’homme. Une avarie totale pourrait provoquer, au plus, une augmentation du débit ventilatoire de l’opérateur et donc, une diminution de son autonomie en air et des maux de tête modérés. De telles valeurs pourraient être plus pénalisantes pour l’opérateur en cas d’efforts importants et en cas de ventilation à fréquence élevée (et non en cas de ventilation à volume courant élevé). V. CONCLUSION. était, cette fois-ci, riveté et non simplement collé. Durant ce laps de temps, les opérateurs ont bénéf icié d’une information sur la possible surconsommation d’air surtout en cas d’effort et sur la diminution probable de leur temps d’autonomie. L’utilisation de l’appareil respiratoire fut ainsi f ixée à 30 minutes maximum. Les masques endommagés faisaient l’objet d’une réparation provisoire. Il est, néanmoins, regrettable que cette étude n’ait pas pu être menée avant que ces équipements soient mis à disposition des forces. Le rôle du médecin du travail n’est pas de cautionner des équipements de protection individuelle défectueux mais il s’agissait de répondre, ici, à une question précise dans un contexte opérationnel. Cette étude a, dans un premier temps, permis de rassurer le commandement et les utilisateurs des masques. Dans un second temps, ces masques ont progressivement été tous remplacés par un autre modèle où le 1/2 masque Remerciements : les auteurs remercient le médecin chef des services René Abiliou, le médecin en chef Bertrand Elie et le docteur Cécile Moulin pour la relecture de ce manuscrit. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Louis F, Guez M, Le Bacle C. Intoxication par inhalation de dioxyde de carbone. Documents pour le médecin du travail 1999 ; 79 : 179-94. 2. Appareils de protection respiratoire. Masques complets. Exigences, essais, marquage. NF EN : mars 1998. 3. Appareils de protection respiratoire. Appareils de protection respiratoire autonomes à circuit ouvert, à air comprimé. Exigences, essais, marquage. NF EN 137 : mai 1993. 4. Lipsett MJ et al. Inorganic compounds of carbon, nitrogen and oxygen. In: Patty’s Industrial Hygiene and Toxycology. Edited by GD. Clayton et al. 4th edition. Volume II. Toxicology. Part F. John Wiley and sons, Inc 1994 : 4552-7. 5. Frey MAB, Sulzman FM, Oser H et al. The effects of moderately 222 6. 7. 8. 9. elevated ambient carbon dioxide levels on human physiology and performance: a joint NASA-ESA DARA study overview. Aviat. Space Environ Med 1998 ; 25 : 282-4. Eliot AR, Prisk GK, Schollmann C et al. Hypercapnic ventilatory response in humans before, during and after 23 days of low level CO2 exposure. Aviat. Space Environ. Med 1998 ; 69 : 391-6. Schaefer KE, Hastings BJ, Carey CR et al. Respiratory acclimation to carbon dioxyde. J. Appl. Physio 1963 ; 69 : 391-6. Fiches toxicologiques : http://www.inrs.fr/Rubriques « Bases de données » Fiche 238. Marine nationale. Consignes générales sous-marins. Situation plongée N° 114/DEF/EMM/PROG/SOUM/DR du 29 juillet 2004. p. moulin Pratique médico-militaire MÉDECIN DES ÉLÉMENTS FRANÇAIS AU TCHAD À FAYA LARGEAU D. GRAS RÉSUMÉ ABSTRACT Situé au centre du Borkou, Ennedi, Tibesti à 1 000 km au Nord de N’Djamena, l’oasis de Faya Largeau accueille depuis 1990 un détachement des forces françaises au Tchad. Aujourd’hui, il se limite à dix militaires soutenus par un médecin. En l’absence de médecin militaire tchadien, le Service de santé de l’Armée nationale tchadienne dans cette zone repose uniquement sur des personnels paramédicaux aux compétences limités. Le médecin des éléments français au Tchad poursuit la coopération débutée, dans le cadre de la coopération militaire en apportant son soutien dans trois domaines : les consultations en dispensaires aux militaires et à leur famille, la prise en charge des blessés de guerre et l’aide technique dans la formation des personnels, la majorité de l’emploi du temps du médecin reste consacré à l’aide médicale à la population, l’insuffisance du système de santé local et la gravité des problèmes de santé rencontrés rendent précieuse la présence du médecin français qui assure aussi bien de simples consultations que la prise en charge d’affections graves. PHYSICIAN OF THE FRENCH ELEMENTS IN CHAD IN FAYA LARGEAU. Mots-clés : Aide humanitaire. Faya Largeau. Médecine militaire. Tchad. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 229-234) I. INTRODUCTION. Le poste de médecin du détachement des éléments français au Tchad (EFT) à Faya Largeau, constitue l’un des derniers postes isolés tenu par un médecin militaire français sur le continent africain. Cet article relate le retour d’expérience de l’auteur après un séjour de plus de quatre mois, du 28 août 2005 au 10 janvier 2006. La compréhension de la mission du médecin sur site impose de rappeler la situation géographique, la mission du détachement et de préciser plus longuement la situation sanitaire locale pour enfin rapporter l’activité médicale quotidienne. D. GRAS, médecin principal. Correspondance : D. GRAS, service médical, 50 133, base aérienne 133, BP 334, 34201 Toul Cedex. médecine et armées, 2008, 36, 3 Located 1,000 km north from N’Djamena, the French Elements in Chad detachment in Faya Largeau is manned by 10 service men and one physician. Without its own Chadian military physician in this area, the Chadian Health Service relies on paramedical personals with limited skills. The cooperation started by the Military Co-operation Mission is continued by the physician by providing consultation for service men and their families, management of casualties in the medical operational unit, and Chadian staff training. The physician’s schedule is mainly devoted to the medical relief for the local population. The medical cares for current or serious diseases provided to this population is extremely important in this area with no efficient health structures. Keywords: Chad. Faya Largeau. Humanitarian aid. Military medicine. II. SITUATION LOCALE : GÉOGRAPHIE, DÉMOGRAPHIE, ÉCONOMIQUE ET SANITAIRE. A) SITUATION CLIMATIQUE. GÉOGRAPHIQUE ET La vaste oasis de Faya Largeau se trouve au centre du Borkou, Ennedi, Tibesti (BET) région saharienne du Tchad à 1 000 kilomètres de la capitale, N’Djamena (fig. 1). Le climat régnant sur la région est un climat saharien. La végétation ne persiste que grâce à une nappe phréatique peu profonde et un réseau d’irrigation agricole. B) SITUATION DÉMOGRAPHIQUE. La population du Tchad atteignait 9,3 millions en 2005. Sur l’ensemble du BET, la densité ne dépasse pas 0,1 habitant par kilomètre carré (1, 2). Faya Largeau 223 usées. En dehors de la récolte des dattes, l’agriculture est peu développée. L’activité aérienne commerciale est inexistante malgré une piste et un aérodrome suffisants. Le seul moyen de télécommunication disponible est la téléphonie mobile relayée par satellite. Il n’y a ni service postal ni presse écrite disponible. D) SITUATION SANITAIRE. Figure 1. Carte du Tchad. concentre une partie de cette population qui varie de 8 000 habitants en hiver à 16 000 en fin d’été avec la récolte des dattes. L’indice synthétique de fécondité du Tchad est de 6,3 enfants par femme avec une natalité de 45 pour 1 000 habitants (2). Les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’ensemble du Tchad rapportent une espérance de vie en 2004 ne dépassant pas 45 ans pour les hommes et 48 ans pour les femmes. La mortalité infantile est de près de 10 % et la mortalité infanto-juvénile atteint 20 % (3). Les habitants de Faya Largeau sont partagés entre la population gorane autochtone, semi-nomade, de religion musulmane et la communauté originaire du sud de religion chrétienne. Cette dernière est composée de militaires, de leurs familles, d’enseignants et d’étudiants. L’alphabétisation dépasse à peine les 20 %. Elle est ralentie par une scolarisation qui ne dépasse pas 40 % des enfants (3). 1. Offre de soins. Les données démographiques laissent entrevoir la précarité de la situation sanitaire au Tchad. Les conclusions du Rapport mondial sur le développement humain (RMDH), du Programme des nations unies pour le développement (PNUD), en 2006, classent le Tchad 167e sur 177 avec un indice de 0,379 (indice intégrant l’espérance de vie à la naissance, reflet du système de santé, le niveau d’éducation, le PIB réel et par habitant) (3, 4). Les dépenses de santé du Tchad ne dépassent pas 51 $ par habitant. L’OMS, le Fond européen pour le développement (FED), la banque mondiale, la Banque africaine pour le développement (BAD) et la coopération française apportent environ 60 % de ces dépenses (3). En dehors de la capitale, les formations sanitaires sont insuffisantes et le personnel manque cruellement : en 2000, il n’y avait qu’un médecin pour 31 000 habitants avec une concentration dans les grandes villes du sud (3). Un seul est présent à Faya Largeau. L’isolement géographique de Faya Largeau, la rigueur du climat et la relative instabilité qui éloigne les Organisations non gouvernementales (ONG) aggravent encore la situation sanitaire locale. La palmeraie ne dispose que d’un hôpital de district vétuste, l’hôpital central qui propose une quarantaine de lits (fig. 2). L’absence d’entretien, les vols de matériel et les diff icultés d’approvisionnement limitent fortement les moyens cliniques, diagnostics et thérapeutiques. D’autres structures sanitaires sont installées en ville. La clinique Association tchadienne pour le bien être familial (ASTBEF) propose des consultations gynécologiques et obstétricales. Parallèlement à la pharmacie hospitalière, trois pharmacies assurent également la vente de C) SITUATION ÉCONOMIQUE. Malgré le début de l’exploitation pétrolière, le Tchad reste l’un des pays les plus pauvres du monde avec un revenu annuel par habitant est estimé à 228 $ (3). À Faya Largeau, la dégradation des infrastructures publiques qui a suivi le départ des coloniaux français et les conflits avec la Libye, laisse une ville sans réseau électrique, sans eau courante et sans réseau d’assainissement des eaux 224 Figure 2. Hôpital. d. gras médicaments et quelques consultations. Il n’existe pas de centre de santé ou de dispensaire réellement autonome. La précarité de l’offre de soins est aggravée par l’attachement de la population locale aux pratiques traditionnelles, religieuses ou ethniques. Les mutilations rituelles sont systématiques (scarifications, ablation de la luette chez le nourrisson, brûlures). Le recours aux techniques de soins traditionnels précède généralement les soins modernes avec des risques d’aggravation et de complications catastrophiques chez le petit enfant. 2. Affections courantes. Neufs grandes affections sont responsables de la plus grande morbi-mortalité au Tchad (3). En dehors des cas d’importation, l’aridité du climat à Faya Largeau expose peu au paludisme, à la trypanosomiase, à la dracunculose ou à l’onchocercose. La lèpre, en recul au Tchad, est surtout observée dans le sud du pays. Malgré le Projet population et lutte contre le SIDA 2e édition (PPLS2), financé par la banque mondiale, la lutte contre le VIH progresse peu. Dans le BET la prévalence de l’infection par le VIH est de 3,5 % (1). La tuberculose s’associe très souvent au VIH (1 % de la population). Comme le VIH, elle est sous dépistée et mal prise en charge. Malgré une relative abondance des ressources alimentaires, la palmeraie est touchée par la malnutrition protéinocalorique infantile. Une étude réalisée, début 2006, dans la ville de Faya Largeau montrait que la malnutrition, définie par un rapport poids sur taille inférieur à 90 % de la normale, touche 42,6 % des enfants de moins de six ans avec 3,7 % d’enfant en situation de malnutrition sévère. Sur l’ensemble du pays, la malnutrition ne toucherait qu’un quart des enfants de moins de six ans (3). La prise en charge de ces enfants est difficile voire désespérée en raison de l’absence de personnel qualifié et motivé au sein de l’hôpital et du refus du gavage par les parents. L’absence de réseau d’eau potable, d’éducation aux règles d’hygiène de base et de structures sanitaires suffisante, expliquent la forte prévalence des maladies, du péril fécal, des affections ophtalmologiques (trachomes), dermatologiques (staphylococcies cutanées, dermatophyties) ou stomatologiques. La mauvaise prise en charge des affections ORL chez l’enfant, occasionne de nombreuses séquelles anatomiques et fonctionnelles (perforations marginales du tympan, destruction de l’oreille moyenne, choléstéatome, surdité). Les piqûres de scorpion (Androctonus australis) sont extrêmement fréquentes et responsable d’une mortalité non négligeable chez les enfants. Les affections métaboliques et cardiovasculaires sont bien présentes mais leurs prises en charge paraissent illusoires ici. L’alcoolisme affecte une large proportion des troupes tchadiennes. Enfin, les blessures provoquées par des accidents de la voie publique, des rixes, des accidents domestiques sont fréquentes et ont des conséquences gravissimes en raison du recours aux soins traditionnels, de l’absence de soins adaptés au sein de l’hôpital central et de la néglimédecin des éléments français au tchad à faya largeau gence des patients ou de leur entourage. En particulier, les brûlures chez les enfants en bas âge et les traumatismes oculaires sont fréquents avec des conséquences vitales ou fonctionnelles gravissimes (fig. 3, 4). Figure 3. Ulcère de cornée et hypopion. 3. Service de santé de l'ANT. Dans cette région opérationnelle, en l’absence de médecin militaire tchadien, les soins sont prodigués par des inf irmiers, des secouristes ou des f illes de salles aux compétences aléatoires dans deux structures principales : l’Antenne médicale opérationnelle (AMO) et le dispensaire de garnison. Le chef du dispositif santé et responsable de l’AMO, est un technicien de radiologie dont la formation a été complétée en France par un stage d’une année au sein de l’hôpital d’instruction des armées Laveran. Le ravitaillement en matériel repose uniquement sur des lots de médicaments et de matériels de soins en provenance de la mission de coopération militaire. Une grande partie de ces dotations est malheureusement détournée. Les blessures de guerre sont fréquentes. La mauvaise prise en charge des lésions osseuses ou des plaies des parties molles grève lourdement le pronostic fonctionnel, voire vital des soldats. Figure 4. Exérèse d’une plaque de nécrose sous sédation par kétamine (brûlure au 3e degré, enfant de 18 mois). 225 III. MISSIONS DU MÉDECIN DES EFT. Les éléments français au Tchad sont présents sans interruption sur le territoire depuis le 10 février 1986, date du déclenchement de l’opération « ÉPERVIER ». Leurs vocations principales sont d’assurer la sécurité des ressortissants français, d’apporter un soutien à l’Armée nationale tchadienne (ANT) et de venir en aide à la population sans se substituer aux administrations ou aux ONG. Les EFT représentent une population d’environ 1 000 militaires dont la majorité est positionnée sur la Base de soutien à vocation interarmées (BSVIA) à N’Djamena sur le site « sergent-chef Adji Kosseï ». Un détachement de 150 militaires est stationné à Abéché et le dernier élément est situé à Faya Largeau. Le soutien sanitaire est réparti sur ces trois sites : un Groupe médicochirurgical (GMC) et la chefferie santé sur la BSVIA, un poste de secours à d’Abéché (un médecin, deux infirmiers) et un à Faya (un médecin). En plus du soutien aux forces françaises et aux ressortissants français, ces trois structures apportent une aide médicale gratuite à la population. Le détachement de Faya Largeau est composé de onze militaires et constitue donc la plus petite des trois structures militaires françaises stationnées au Tchad. Le détachement se compose d’un officier supérieur, commandant du détachement, d’un officier adjoint, chef d’escale, de trois spécialistes télécommunications, d’un mécanicien véhicules, d’un spécialiste infrastructure, d’un spécialiste administration et ravitaillement, d’un spécialiste énergie, d’un personnel du service des essences et d’un médecin. L’effectif peut être renforcé en fonction du contexte sécuritaire local. Tout en poursuivant la coopération militaire avec l’ANT entamée au début des années 90, le maintien de ce détachement permet aux EFT de garder un emplacement stratégique au sein de la zone du BET, accessible par voie aérienne tactique et source de renseignements sur la situation militaire locale. La présence de ce petit détachement, parfois renforcé, participe également à la stabilité de la palmeraie. Les missions du médecin du détachement s’articulent sur trois volets principaux : – soutien médical du détachement français ; – soutien médical au profit de l’ANT ; – l’aide médicale gratuite au prof it des populations locales. classique d’un poste de secours avec un matériel de laboratoire minimum (un microscope, colorants usuels). L’approvisionnement en matériel consommable se fait auprès de la section de ravitaillement sanitaire de N’Djamena par voie aérienne militaire toutes les deux à trois semaines. Le médecin dispose d’un véhicule P4 pour ses déplacements. Un infirmier de l’ANT est détaché auprès du médecin français pour l’aider lors des soins et comme interprète. B) ACTIONS. Comme nous l’avons vu précédemment, l’offre de soins insuffisante explique l’importance de la présence du médecin des EFT à Faya Largeau pour le soutien médical de l’ANT et pour l’assistance à la population. Des soins sont procurés aux militaires de l’ANT et à leurs familles dans les dispensaires militaires trois fois par semaine. Les infirmiers de l’ANT sollicitent le médecin des EFT pour prendre en charge les affections qui dépassent leurs compétences ou leurs moyens. C’est notamment le cas pour les blessés de guerre rapatriés sur Faya. Parallèlement, le médecin assure la fonction de conseiller santé auprès de l’État-major de la région militaire pour organiser le fonctionnement du Service de santé et assurer la formation des soignants (instruction au secourisme). L’aide à la population civile est menée tous les matins dans un des dispensaires de la ville ou de la palmeraie (fig. 5), plusieurs fois par semaine à l’hôpital et tous les après-midi au service médical du détachement pour les actes de petite chirurgie, les surveillances d’affections chroniques (diabète, hypertension artérielle), les examens gynécologiques. L’accès aux évacuations sanitaires par voie aérienne militaire française donné par le médecin des EFT permet à des patients civils ou militaires dépassants les capacités de soins locales d’être transférés vers l’hôpital général de référence nationale à N’Djamena en évitant la voie routière. Enfin, une émission de radio hebdomadaire est animée par le médecin des EFT dans la station de radio publique de la ville. Cette émission aborde des sujets en rapport A) MOYENS. Le soutien du personnel français n’apporte qu’une charge de travail minime et l’activité du médecin se concentre surtout sur les deux autres domaines. Les moyens à disposition sont simples mais largement au-delà de ce qu’on peut trouver localement. Les locaux du service médical ont bénéf iciés d’une réfection totale entre octobre 2005 et janvier 2006. Indépendants et fonctionnels, ils permettent d’effectuer des soins dans des conditions de confort et d’hygiène très satisfaisantes. L’équipement correspond au matériel 226 Figure 5. Dispensaire d’Amoul à 20 km de Faya. d. gras avec la santé et est diffusée le samedi soir en français, en arabe et en gorane (dialecte local). Malheureusement, l’impact de ces émissions reste très limité par la taille de l’auditoire, principalement masculin et d’un faible niveau scolaire. IV. BILAN D’ACTIVITÉ. A) ACTIVITÉS DE SOINS. La description quantitative de l’activité par le nombre d’actes pratiqués n’est qu’un reflet partiel de l’activité du médecin sur place. Le médecin est très souvent l’officier le plus gradé après le commandant du détachement et constitue ainsi un conseiller précieux au-delà du domaine médical. L’intégration dans le système de soins local qui va bien au-delà de ce qui se passe à N’Djamena ou à Abéché, impose d’aller à la rencontre des acteurs du système de santé et des autorités de Faya : gouverneur, préfet, député, maire ou chef de cantons. La connaissance des structures de soins et l’offre réelle de soins à la population oblige à des visites de toutes les structures et à rencontrer tous les intervenants. Tout en suivant le rythme du détachement, le médecin garde une spécificité propre de par son activité. Il est le seul à sortir seul et à se déplacer aussi loin dans la palmeraie. Le rythme réglé des consultations en dispensaires, visites à l’hôpital, soins au service médical du camp et très souvent perturbé par les urgences ou les ÉVASANS. Au cours du détachement, plus de 2 300 consultations ont été effectuées dont une majorité au profit de la population civile (2 000 actes). Ces chiffres reflètent uniquement l’activité réglée de consultations en dispensaire et sur le camp. Ils négligent les visites à l’hôpital qui sont difficilement quantifiable. De manière qualitative, les affections rencontrées sont en rapport avec le détail des affections fréquemment rencontrées et mentionnées précédemment. Les consultations au prof it de la population intéressent pour les deux tiers des enfants en bas âge. B) ÉVACUATIONS SANITAIRES. La majorité des liaisons aériennes militaires françaises en destination de N’Djamena ont été mises à prof it pour évacuer des malades ou blessés vers les centres hospitaliers de la capitale. Ces évacuations ont intéressé un militaire français d’une section de renfort présentant un cas de paludisme sans signe de gravité, quinze militaires tchadiens blessés par mine ou par balle, et enf in cinq patients civils (traumatologie grave, encéphalopathie chez un nourrisson…). L’organisation de ces ÉVASANS apporte pour le médecin une charge considérable : après avoir vérifier l’indication et l’opportunité d’une évacuation par VAM, il doit prendre en charge les démarches administratives, compléter la mise en condition des blessés et s’assurer du bon acheminement à l’aéroport jusqu’à l’embarquement. médecin des éléments français au tchad à faya largeau C) ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE. L’activité quotidienne auprès de la population permet d’avoir une impression d’ensemble objective sur les problèmes sanitaires importants et d’alerter les autorités locales voire des organismes humanitaires. Ainsi, la sensibilisation des autorités locales et de l’United Nation Children’s Fund (UNICEF) sur le problème de malnutrition a ainsi pu déclencher un début de reprise en charge de ce problème au sein de la palmeraie. D) ACTIVITÉ AU PROFIT DU DÉTACHEMENT. À côté de cette activité prenante et passionnante, le médecin n’en reste pas moins le médecin du détachement français avec ses tâches habituelles en opération extérieure : actions dans les domaines de l’hygiène et de la prévention des risques professionnels, l’hygiène alimentaire, le suivi médical des cinq personnels civils de recrutement local (PCRL) travaillent sur le camp, la surveillance de la qualité de l’eau sanitaire, la désinsectisation, la dératisation, le suivi des mascottes en relation avec le vétérinaire basé à N’Djamena. La surveillance du moral des personnels vivant au sein de ce petit détachement, isolé et immergé au sein de la population locale est primordiale. Les divertissements au sein du détachement et à l’extérieur sont limités : sport, télévision, jeux de société, lecture, ballades dans le désert. Les sorties en ville sont restreintes aux seules activités professionnelles. La dégradation relative de la situation militaire locale n’a pas eu de répercussion sur le moral des membres des détachements qui avaient tous au minimum une expérience d’un détachement en opération extérieure. L’isolement médical se rajoute à l’isolement géographique. En cas de problème de santé grave, les structures civiles ou militaires locales ne permettent pas une prise en charge sur place. Les risques sont bien réels avec entre autres les accidents de la circulation, la présence de zones encore non déminées dans la palmeraie, l’attaque possible des forces rebelles ou les piqûres de scorpion. Le délai d’évacuation vers Kosseï est au minimum de six heures entre le déclenchement et l’arrivée au GMC. Les membres du détachement, conscients et avertis par le médecin de cette situation, adoptent un comportement prudent lors des activités professionnelles ou de loisirs. V. DISCUSSION. La situation géographique, l’absence de structure sanitaire locale performante et les risques locaux rendent la présence du médecin sur place indispensable pour le soutien des militaires français. Ces conditions particulières d’exercice et la nature des affections rencontrées imposent que le médecin affecté sur Faya en plus d’une formation à la médecine tropicale, possède de solides connaissances en médecine d’urgence et une expérience chirurgicale (fig. 6). À côté du versant technique, l’adaptation à ce poste mérite une attention particulière : 227 – le médecin est intégré à un détachement réduit et isolé ; – les conditions climatiques imposent une condition physique minimale ; – l’aide médicale à la population et à l’ANT impose d’apprendre à connaître le fonctionnement et les acteurs du système de santé local, même s’il est défaillant. Cette adaptation paraît illusoire si le séjour est trop court. À l’inverse, un séjour prolongé pourrait occasionner une lassitude certaine face à la misère sanitaire locale et le peu de moyens disponibles pour y remédier. Au-delà des compétences techniques ou des moyens matériels, c’est la volonté d’apporter son aide et d’entrer en contact avec la population qui est primordiale. Les habitants de la palmeraie gardent des souvenirs emplis de gratitude vis-à-vis d’anciens médecins postés à Faya pour leur action peut-être limitée mais pleine d’humanité. L’aide aux militaires tchadiens et à la population, si précieuse soit-elle, est de plus en plus limité par l’absence de budget spécifique conséquent pour cette action. Cette action médicale participe fortement à la bonne acceptation des forces françaises au Tchad. Pourtant, elle a des effets néfastes surtout dans cette zone reculée. Les autorités civiles et militaires se reposent sur l’assurance d’avoir toujours sur place au moins un médecin et font peu d’effort pour attirer des praticiens tchadiens originaires du sud du pays sur la palmeraie ou simplement pour former des soignants. L’action du médecin sans être suff isante pour cette population entretient certainement une certaine assistance néfaste au développement durable local. VI. CONCLUSION. Figure 6. Cathéter 16 g intra osseux. Enfant de 4 ans dénutrie et déshydratée. La présence d’un médecin au sein du détachement des EFT à Faya Largeau est entièrement justifiée par l’isolement géographique et l’insuffisance de l’offre de soins locale. Mais c’est bien le soutien médical de l’ANT et encore plus l’AMP qui apportent à ce poste tout son intérêt et sa richesse. Ce détachement apporte en effet une expérience irremplaçable autant sur le plan humain que sur le plan professionnel. La satisfaction procurée par cette mission est malheureusement contrastée par la découverte des difficiles réalités et des maux des pays en voie de développement : pauvreté, malnutrition, maladies et négligence des secteurs prioritaires comme l’éducation et la santé. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Rapport de l’enquête nationale de séroprévalence du VIH/SIDA au Tchad 2005 ; N’Djamena, Tchad. Institut national de la statistique, des études économiques et démographiques 2005 (www.pnlstchad.org/rapport.htm). 2. Deuxième enquête démographique et de santé Tchad EDST-II 2004 (rapport préliminaire) ; N’Djamena, Tchad. Institut national 228 de la statistique, des études économiques et démographiques 2004. 3. Organisation mondiale de la santé (www.oms.org). 4. Rapport mondial sur le développement humain 2006 ; New-York, États-Unis d’Amérique. Programme des nations unies pour le développement 2006 (http://hdr. undp.org/hdr2006). d. gras Pratique médico-militaire FICHE D’EXPOSITION ET D’APTITUDE DU PERSONNEL EXPOSÉ AUX RAYONNEMENTS IONISANTS J.-C. AMABILE, X. CASTAGNET, S. BOHAND, N. GRANGER-VEYRON, P. ANZIANI, F. MICHIELS, P. LAROCHE. RÉSUMÉ Le document présenté dans cet article répond de manière pratique et simplifiée aux obligations réglementaires concernant la surveillance de l’exposition professionnelle aux rayonnements ionisants : il regroupe la fiche d’exposition et la fiche d’aptitude. Un exemplaire est inséré dans le dossier médico-radiobiologique du dossier médical du personnel exposé. Centrée sur le risque radiologique, cette fiche est renseignée dans un premier temps par la personne compétente en radioprotection afin de décrire précisément l’exposition habituelle au poste de travail. En se basant sur ces informations, qui orientent la consultation médicale et la demande d’examens complémentaires, le médecin de prévention peut ensuite se prononcer quant à l’absence de contreindication médicale aux travaux sous rayonnements ionisants. Mots-clés : Aptitude. Exposition. Médecine du travail. Rayonnements ionisants. I. INTRODUCTION. La nouvelle instruction ministérielle n°10692 DEF/CM.2 du 20 juillet 2007 relative à la protection radiologique du personnel civil et militaire relevant du ministère de la Défense a récemment remplacé l’instruction ministérielle n° 33679 DEF/CAB/C/1/A du 19 octobre 1988 relative aux dispositions communes en matière de protection radiologique des personnels du ministère de la Défense. Elle est accompagnée d’un guide relatif aux dispositions communes de radioprotection dans la défense, qui a été diffusé en juin 2007. Dans ce contexte cet article détaille la fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants (FEAPERI) citée dans le guide. Cette dernière J.-C. AMABILE, médecin principal, praticien confirmé. X. CASTAGNET, médecin en chef, praticien certifié. S. BOHAND, pharmacien en chef. N. GRANGERVEYRON, médecin principal. P. ANZIANI, médecin en chef, praticien confirmé. F. MICHIELS, médecin principal, praticien confirmé. P. LAROCHE, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. Correspondance : J.-C. AMABILE, Service de protection radiologique des armées, BP 129, 00481 ARMÉES. médecine et armées, 2008, 36, 3 ABSTRACT THE EXPOSURE DATA AND FITNESS FOR WORK ASSESSMENT FORM FOR PERSONNEL EXPOSED TO IONIZING RADIATION. This document answers new lawful obligations in a practical and simplified way: it presents on the same page an exposure data sheet and a fitness for work assessment form. A copy must be included in the individual radiobiological and medical file. In a first time, the PCR has to describe precisely radiological hazards of the working station during usual conditions of exercise. In a second time, the occupational physician gives a decision on the aptitude based on these informations. Key words: Occupational Health. Occupational Exposure. Occupational Medicine. Ionizing Radiation. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 235-240) répond, de manière pratique et simplifiée, aux obligations réglementaires du chef d’organisme et du médecin de prévention pour tout ce qui concerne la surveillance de l’exposition professionnelle aux rayonnements ionisants. Afin de faciliter la pratique quotidienne, les textes relatifs au ministère de la Défense sont clairement individualisés à la fin de ce document. Elle est distribuée par le Service de protection radiologique des armées (SPRA), organisme du Service de santé des armées chargé de contrôler l’exécution de la surveillance médicale du personnel de la défense vis-à-vis des rayonnements ionisants. II. RAPPELS SUR L’ORGANISATION DE LA RADIOPROTECTION DANS UN ORGANISME DE LA DÉFENSE. Dans le droit commun, la réglementation spécifique relative à la radioprotection et la surveillance des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants a été renforcée par la transposition en droit français de la directive EURATOM 96/29. Le code de la santé publique et le code du travail reprennent désormais les trois 229 grands principes de la radioprotection énoncés par la commission internationale de protection radiologique : la justification des pratiques, l’optimisation de l’exposition et le respect des limites de dose. Le décret N° 2003-296 a introduit en particulier de nouvelles dispositions dans le titre III (Hygiène et sécurité) du livre II (Réglementation du travail) du code du travail, dans les articles R. 231-73 à R. 231-116 relatifs à la prévention du risque d’exposition aux rayonnements ionisants. Pour le personnel du ministère de la défense, les dispositions techniques du titre III du livre II du code du travail sont directement applicables, conformément aux décrets N° 85-755 modifié (2007-1570). complémentaires. Il peut ainsi statuer sur une f iche d’aptitude quant à l’absence ou non de contre-indication médicale au poste de travail. Le médecin de prévention peut apporter son aide au chef d’organisme ou à la PCR pour établir la fiche d’exposition. Le tableau I reprend les articles du code du travail concernant la f iche d’aptitude et d’exposition du personnel exposé aux rayonnements ionisants. Tableau I. Extraits des articles du code du travail issus des décrets 2003-296 et 2007-1570 et concernant la FEAPERI. Articles Extraits R. 231-75 «… le chef d’établissement procède à une analyse des postes de travail qui est renouvelée périodiquement et à l’occasion de toute modification des conditions pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs… » R. 231-92 « Le chef d’établissement établit pour chaque salarié une fiche d’exposition comprenant les informations suivantes : - la nature du travail effectué ; - les caractéristiques des sources émettrices auxquelles le salarié est exposé ; - la nature des rayonnements ionisants ; - les périodes d’exposition ; - les autres risques ou nuisances d’origine physique, chimique, biologique ou organisationnelle du poste de travail. En cas d’exposition anormale, le chef d’établissement doit porter sur la fiche la durée et la nature de cette exposition. Une copie de la fiche d’exposition est remise au médecin du travail… Chaque travailleur concerné est informé de l’existence de la fiche d’exposition et a accès aux informations y figurant le concernant… » R. 231-99 « Un travailleur ne peut être affecté à des travaux l’exposant à des rayonnements ionisants qu’après avoir fait l’objet d’un examen médical par le médecin du travail et sous réserve que la fiche d’aptitude… atteste qu’il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux. Cette fiche indique la date de l’étude du poste de travail et la date de la dernière mise à jour de la fiche d’entreprise… » A) RESPONSABILITÉS DU CHEF D’ORGANISME. Il doit prendre les mesures administratives et techniques, notamment en matière d’organisation des conditions de travail, pour assurer la prévention des accidents et des maladies professionnelles. Il doit inventorier et hiérarchiser annuellement tous les risques pour la santé et la sécurité de son personnel et doit établir pour certains risques une fiche d’exposition. Dans le domaine des rayonnements ionisants, il doit mettre en œuvre des mesures de protection et d’information destinées aux personnes susceptibles d’être exposées. À ce titre il désigne une personne compétente en radioprotection (PCR) à qui il délègue l’organisation fonctionnelle de la radioprotection au sein de l’établissement. La PCR ne peut être désignée qu’après avoir validé une formation à la radioprotection dispensée par des personnes certifiées par des organismes accrédités. Sous la responsabilité du chef d’organisme, l’évaluation préalable des risques encourus par le personnel est habituellement dévolue à la PCR : études des postes de travail, recensement des situations à risque, évaluation prévisionnelle des doses, surveillance des expositions, contrôles des installations. La PCR doit fournir au médecin de prévention les informations nécessaires à la mise en œuvre de la surveillance médicale renforcée par le biais d’une fiche d’exposition décrivant les conditions de travail habituelles du personnel concerné. B) RÔLES DU MÉDECIN DE PRÉVENTION. Les personnels exposés aux rayonnements ionisants bénéf icient d’une surveillance médicale renforcée relative à certaines expositions professionnelles (SMRe). Elle s’exerce en deux volets : des visites effectuées dans l’établissement pour acquérir la connaissance la plus juste des conditions réelles d’exposition (actions sur le milieu de travail) et une visite médicale régulière dont la périodicité ne doit pas dépasser douze mois. Cette visite associe un volet clinique et éventuellement paraclinique sous la forme d’examens biologiques, radiotoxicologiques et/ou anthroporadiamétriques en fonction des risques d’irradiation ou de contamination au poste de travail. En se basant sur les informations de la PCR indiquées sur la fiche d’exposition, le médecin de prévention oriente la consultation médicale et la demande d’examens 230 « Le médecin du travail constitue et tient, pour chacun des travailleurs exposés, un dossier individuel contenant : 1° Le double de la fiche d’exposition prévue à l’article R. 231-92 ; 2° Les dates et les résultats du suivi dosimétrique de l’exposition individuelle aux rayonnements ionisants, les R. 231-101 doses efficaces reçues ainsi que les dates des expositions anormales et les doses reçues au cours de ces expositions ; 3° Les dates et les résultats des examens médicaux complémentaires pratiqués… Ce dossier doit être conservé au moins cinquante ans après la fin de la période d’exposition… » R. 231-106-1 « ...Sous la responsabilité de l’employeur,... (la personne compétente en radioprotection) procède à une évaluation préalable permettant d’identifier la nature et l’ampleur du risque encouru par les travailleurs exposés… » « Le médecin du travail collabore à l’action de la personne compétente en radioprotection. R. 231-107 Il apporte son concours au chef d’établissement pour établir et actualiser la fiche d’exposition prévue à l’article R. 231-92… » NB : Dans la défense, les termes chef d’organisme et médecin de prévention correspondent respectivement aux termes chef d’établissement et médecin du travail. j.-c. amabile III. LA FEAPERI : DEUX DOCUMENTS EN UN. La FEAPERI a été mise en forme par le SPRA, en remplacement de la fiche médicale de suivi du personnel exposé aux rayonnements ionisants. Ce document doit être utilisé dans le cadre de la surveillance médicale du personnel de la défense de la catégorie A ou B. Elle fait office, sur une même page, de fiche d’exposition et de fiche d’aptitude. Centrée sur le risque radiologique, la partie haute de cette fiche est renseignée dans un premier temps par la PCR pour décrire précisément les risques inhérents au poste de travail dans les conditions habituelles et normales d’exercice (hors incident ou accident). La seconde partie de la fiche est remplie par le médecin de prévention qui y indique les résultats de la surveillance clinique et médico-radiobiologique et se prononce sur l’aptitude du personnel pour le poste décrit. IV. DESCRIPTION DE LA FEAPERI. La fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants comprend quatre feuillets auto-dupliquant : – le premier est destiné au dossier médico-radiobiologique individuel ; – le second à l’intéressé ; – le troisième au SPRA à des f ins de contrôle et d’archivage ; – le dernier exemplaire est destiné au chef d’organisme et sert de f iche d’aptitude. Il ne comporte aucune information médicale. Une notice explicative sur les modalités de rédaction de la fiche est éditée au verso de la première page. A) CADRE A REMPLIR PAR LE CHEF D’ORGANISME. Il occupe le haut de la f iche (f ig. 1). Il doit être impérativement renseigné par le chef d’organisme ou la PCR et dupliqué sur les quatre feuillets. Figure 1. Cadre renseigné par le chef d’organisme ou la PCR et dupliqué sur les quatre feuillets. fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants Il doit comporter obligatoirement : – la date, le cachet et la signature du chef d’organisme ou de la PCR (le nom doit apparaître lisiblement) ; – la signature de l’intéressé, qui certif ie ainsi la description de son exposition. 1. Identification du sujet et de l’organisme. L’identification du sujet et de l’organisme doit être très précise. Les différents champs sont obligatoirement renseignés lisiblement et en lettres capitales. Il faut notamment cocher la case correspondant à la catégorie de l’intéressé et reporter son nom patronymique complet (tiret, espace, apostrophe, etc.). La catégorisation est proposée par le chef d’organisme en fonction de l’exposition habituelle au poste de travail. La qualité des informations saisies dans cette rubrique permettra d’éviter des confusions inutiles et d’assurer une gestion plus rigoureuse des données individuelles, dans le cadre par exemple d’une demande rétrospective de passé radiologique ou de modalité de surveillance radiotoxicologique. 2. Nature du travail effectué et périodes d’exposition. Cette rubrique permet une description précise des conditions habituelles de travail du sujet : son affectation (ou service), l’emploi (ou le type de travail réalisé) et le code emploi utilisé pour la dosimétrie passive le SPRA met à jour et diffuse régulièrement la liste des codes emploi (exemples : 433 – cardiologie interventionnelle ; 112 – instrumentiste…). Les informations concernant les périodes d’exposition permettent de préciser par exemple la date de la prise de fonction dans le poste et la fréquence de travail (exemples : emploi occupé depuis le 01/02/2004, pendant 4 mois par an, ou 2 jours par semaine, ou à mi-temps…). 3. Caractéristiques des sources émettrices et nature des rayonnements ionisants. La notice explicative, au dos de la première feuille, précise que ces caractéristiques sont celles des sources responsables d’une exposition lors des conditions habituelles de travail. Elle rappelle également deux définitions : – irradiation : exposition externe à distance par une source scellée, un générateur électrique, un accélérateur de particules ou un réacteur nucléaire… ; – contamination : exposition externe cutanée ou exposition interne par inhalation, ingestion ou passage transcutané. Ce mode d’exposition concerne les sources non scellées (gaz, poussières, aérosols…). Quelques exemples de radioéléments pouvant être à l’origine d’une contamination dans les conditions habituelles de travail sont donnés dans le tableau II. Ce cadre permet de décrire la réalité de « l’exposition habituelle ». Il ne doit pas être rempli en fonction de risques auxquels le personnel est susceptible d’être exposé en cas d’accident. C’est en effet en fonction des éléments précisés ici que le médecin orientera la recherche éventuelle de radioéléments incorporés. Il est 231 Tableau II. Quelques exemples de radioéléments pouvant être à l’origine d’une contamination dans les conditions habituelles de travail. Emploi Radionucléides Périodes Médecine nucléaire Fluor 18 1,83 heures Médecine nucléaire Gallium 67 Médecine nucléaire Principales émissions Bêta et photon d’annihilation 3,26 jours Gamma Iode 123 13,2 heures Gamma Médecine nucléaire Iode 131 8,2 jours Bêta et gamma Médecine nucléaire Technétium 99 m 6 heures Gamma Médecine nucléaire Xénon 133 5,2 jours Bêta et gamma Recherche Carbone 14 5 730 ans Bêta Recherche Phosphore 32 14,3 jours Bêta par exemple inutile de faire rechercher systématiquement du plutonium 239, de l’américium 241 ou un isotope de l’iode sans notion d’incident ou d’exposition. Ce document peut rétrospectivement être utilisé pour justifier ou non la réalité d’une exposition à un risque d’irradiation ou de contamination. Il est donc tout à fait fondamental qu’il décrive les conditions habituelles d’exposition. 4. Autres risques ou nuisances. Cette rubrique doit renseigner sur les risques ou nuisances associés d’origine physique, chimique, biologique ou organisationnelle du poste de travail (en particulier lorsque la co-exposition avec les rayonnements ionisants est susceptible d’avoir un effet additif ou synergique sur les organes cibles). Si le nombre d’items est trop important et ne permet pas d’inscrire tous les risques dans le cadre réservé à cet effet, la FEAPERI peut être accompagnée de la fiche emploi-nuisances. 5. Date de la dernière étude de poste. Sous la responsabilité du chef d’organisme, l’analyse du poste de travail doit être renouvelée périodiquement et à l’occasion de toute modification des conditions pouvant affecter la santé et la sécurité de l’intéressé. Le récent guide (juin 2007) relatif aux dispositions communes de radioprotection dans la défense décrit précisément la FEAPERI : il rappelle le rôle essentiel de la PCR sur le terrain (pour l’évaluation prévisionnelle des doses et leur optimisation) et l’importance du « binôme PCR – médecin de prévention » dans le domaine de l’évaluation des risques professionnels liés à l’exposition aux rayonnements ionisants. 232 Il apparaît donc indispensable de faire préciser par la PCR la date de la dernière étude de poste réalisée en relation avec le médecin de prévention. 6. En cas d’exposition anormale. Ce type d’exposition sort du cadre habituel de travail mais doit néanmoins figurer sur la fiche car il peut apporter des renseignements précieux. Il peut s’agir d’une exposition sous autorisation spéciale ou d’une exposition d’urgence survenue depuis la dernière visite. Il faut alors préciser, en joignant au besoin un compte rendu particulier : – la nature et la durée de l’exposition ; – sa date présumée de survenue ainsi que son caractère aigu (incident ou accident) ou chronique (exposition anormale étalée dans le temps) ; – les résultats de la surveillance particulière réalisée au cours de l’exposition anormale : dosimétrie opérationnelle ou passive, radiotoxicologie, spectrométrie. B) CADRE À REMPLIR PAR LE MÉDECIN DE PRÉVENTION (FIG. 2). 1. Date de la dernière mise à jour de la f iche d’établissement. Conformément à l’article R. 231-99 du code du travail, la fiche d’aptitude doit indiquer la date de la dernière mise à jour de la fiche d’établissement. Ce document est réglementaire et tend à se généraliser au sein des organismes du ministère de la défense. Il est élaboré et actualisé par le médecin de prévention, et permet de consigner notamment les risques professionnels et de préciser les effectifs exposés à ces risques. Il doit constituer un instrument permettant aux médecins de prévention et à divers « préventeurs », agissant dans un cadre pluridisciplinaire, de repérer les risques, leur nature, leur localisation, leur importance, ainsi que de déterminer les actions préventives à mener prioritairement et de faciliter leur mise en œuvre. 2. Résultats des examens paracliniques. Ce cadre permet d’indiquer les conditions de réalisation (laboratoire, caractéristiques de l’installation de spectrométrie) et les résultats des divers examens complémentaires prescrits par le médecin de prévention : résultats des analyses radiotoxicologiques, de la spectroradiamétrie, de la numération sanguine. La nature de toute anomalie détectée est détaillée dans un espace réservé. Il est important de préciser les unités de mesures utilisées (coups par seconde, Becquerels par litre) af in de permettre une interprétation la plus précise possible des résultats, même à distance de l’examen (dans le cas d’une analyse rétrospective des conditions d’exposition par exemple). 3. Cumul dosimétrique des douze derniers mois. L’arrêté du 30 décembre 2004 relatif à la carte individuelle de suivi médical et aux informations individuelles de dosimétrie des travailleurs exposés aux j.-c. amabile Figure 2. Cadre renseigné par le médecin de prévention et dupliqué sur les trois premiers feuillets. rayonnements ionisants impose au médecin de prévention d’informer au moins une fois par an chaque personnel des résultats de sa surveillance dosimétrique. Le médecin de prévention reporte cette dose dans un cadre réservé à cet effet. La dose efficace cumulée sur les douze derniers mois est indiquée sur le dernier rapport d’essais de dosimétrie passive transmis par le SPRA ainsi que sur le bilan dosimétrique individuel envoyé annuellement à chaque médecin de prévention. 4. Conclusions de l’examen clinique. Les conclusions de l’examen clinique doivent être concises. Ces éléments présentent un caractère de confidentialité médicale et n’apparaissent, en aucun cas, sur l’exemplaire destiné au chef d’organisme qui n’est pas auto-dupliquant à cet endroit. 5. Décision d’aptitude. Le médecin de prévention doit fournir une attestation de non contre indication aux travaux exposant aux rayonnements ionisants. En pratique, sur la FEAPERI, il renseigne la décision d’aptitude en cochant la case « Apte » (aptitude au poste de travail) ou la case « Autre » qui peut correspondre à trois situations différentes : fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants – aptitude avec restriction (définitive ou temporaire) ; – inaptitude définitive ou temporaire ; – aptitude indéterminable (si, par exemple, l’intéressé ne s’est pas présenté à la visite médicale…). Là encore, la date, le cachet et la signature du médecin doivent impérativement figurer sur les quatre exemplaires (le nom doit apparaître lisiblement). Le quatrième feuillet, destiné au chef d’organisme, ne comporte aucune information médicale mais uniquement la décision concernant l’aptitude du sujet (fig. 3). V. CONCLUSION. La prévention des risques professionnels induits par l’exposition aux rayonnements ionisants est basée sur le respect des principes de la radioprotection : la justification des pratiques, l’optimisation de l’exposition et le respect des limites de dose. À ces fins, l’évaluation préalable des risques par l’étude détaillée du poste de travail est indispensable, tout comme l’absence de contre-indication médicale aux travaux sous rayonnements ionisants et la surveillance de l’exposition. Ces dispositions figurent désormais dans le code du travail. 233 Figure 3. Cadre renseigné par le médecin de prévention et destiné au chef d’organisme. Le chef d’organisme est tenu par une obligation générale de résultats en matière de santé et de sécurité. Il doit mettre en œuvre toute mesure permettant d’inventorier, d’évaluer, de supprimer, ou à défaut de réduire au niveau le plus bas possible, l’ensemble des risques professionnels. Dans le domaine de la radioprotection, il est secondé par la PCR et le médecin de prévention dont les missions, notamment dans l’étude du poste de travail, sont complémentaires. L’utilisation de la FEAPERI est économe en temps et en charge administrative. En effet, cette fiche répond, de manière pratique et simplif iée, à de nombreuses obligations réglementaires. Sur le même document, le chef d’organisme décrit précisément les conditions habituelles d’exposition du personnel et le médecin de prévention se prononce sur l’absence de contreindication au poste de travail. Ce dernier commente à l’intéressé l’ensemble des résultats lors de la visite médicale périodique. Aucune information médicale n’est transmise au chef d’organisme. La FEAPERI impose ainsi une collaboration étroite entre la PCR et le médecin de prévention et, à ce titre, correspond bien à l’approche pluridisciplinaire actuelle de l’évaluation et de la maîtrise des risques. La FEAPERI permet au SPRA d’assurer son rôle d’expert technique et de contrôleur de l’éxécution de la surveillance médicale du personnel exposé aux rayonnements ionisants au sein des organismes de la défense. Elle permet également d’améliorer la prévention des personnels exposés. Grâce à ce document, la prévention et la surveillance médicale de l’exposition sont améliorées (description f idèle de l’exposition, prescriptions adaptées des examens complémentaires, décision d’aptitude) et la prise en charge des contentieux ultérieurs éventuels est facilitée. Chaque FEAPERI est vérif iée au SPRA et tous les documents renseignés de manière incomplète ou incohérente (inadéquation entre la description de l’exposition et le risque réel, incohérence entre l’exposition et la surveillance médicale effectuée…) sont donc renvoyés systématiquement au médecin de prévention concerné. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES – Directive 96/29/EURATOM du conseil en date du 13 mai 1996 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants. – Code du travail, Titre III du livre II, articles R. 231-73 à R. 231-116 relatifs à la prévention du risque d’exposition aux rayonnements ionisants. – Loi N° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. – Décret N° 2003-296 du 31 mars 2003 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants. – Décret N° 2004-760 du 28 juillet 2004 relatif à la réforme de la médecine du travail et modifiant le code du travail. – Décret N° 2007-1570 du 5 novembre 2007 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants et modifiant le code du travail (dispositions réglementaires). – Arrêté du 28 août 1991 approuvant les termes des recommandations faites aux médecins du travail assurant la surveillance médicale des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. – Arrêté du 30 décembre 2004 relatif à la carte individuelle de suivi médical et aux informations individuelles de dosimétrie des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. – Arrêté du 10 janvier 2005 relatif aux attributions du Service de 234 protection radiologique des armées. – Arrêté du 26 octobre 2005 relatif aux modalités de formation de la personne compétente en radioprotection et de la certification du formateur. – Circulaire DRT N° 6 du 18 avril 2002 prise pour application du décret N° 2001-1016 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 230-2 du code du travail et modifiant le code du travail. – Circulaire DRT N° 3 du 7 avril 2005 relative à la réforme de la médecine du travail. Textes relatifs au ministère de la Défense : – Décret N° 85-755 du 19 juillet 1985 relatif à l’hygiène, à la sécurité du travail et à la prévention au ministère de la Défense modifié par le décret N° 97-239 du 12 mars 1997. – Instruction N° 1230/DEF/DCSSA/AST/SST/MP du 26 avril 2007 relative à l’exercice de la médecine de prévention au ministère de la Défense. – Instruction ministérielle N° 10692 DEF/CM.2 du 20 juillet 2007 relative à la protection radiologique du personnel civil et militaire relevant du ministère de la Défense. – Guide relatif aux dispositions communes de radioprotection dans la Défense (juin 2007). j.-c. amabile Pratique médico-militaire SECTEUR DENTAIRE INTERARMÉES DE MOURMELON B. FENISTEIN RÉSUMÉ La ré-organisation complète du soutien dentaire en France, imposée par la suspension du service national obligatoire et par la création du corps des chirurgiensdentistes des armées, s'est traduite par un mode sectoriel de fonctionnement basé avant tout sur la géographie. Tous les secteurs dentaires ont des caractéristiques communes. Ils fonctionnent tous sur un mode interarmées. Ils se partagent le soutien des forces en France en réalisant essentiellement des actions de prévention et des soins au profit des différentes catégories d'ayant droits et par la détermination des limitations d'aptitude d'origine bucco-dentaire aux différentes missions et états militaires. Certains ont des particularités propres. C'est le cas du secteur dentaire interarmées de Mourmelon, qui est le seul à soutenir en plus d'une vingtaine de régiments, bases ou corps, cinq camps militaires et un centre d'entraînement commando. C'est donc ce secteur qui est décrit aussi bien dans ses caractéristiques communes que dans ses particularités propres. Mots-clés : Chirurgien-dentiste. Organisation. Secteur dentaire inter-armées. Soutien dentaire. ABSTRACT THE INTER-SERVICE DENTAL SECTOR OF MOURMELON. The complete reorganisation of dental support in France imposed by the suppression of mandatory national service and by the creation of the corps of military dental surgeons has led to a sector-oriented mode of operation based above all on geography. All dental sectors have common characteristics. They all operate on an interservice mode. They share the support of forces in France essentially by carrying out preventive care and treatment on the various categories of entitled beneficiaries and by determining the limits of fitness of an oral and dental nature for the various military assignments and states. Some have their own particularities. This is the case of Mourmelon inter-service dental sector which is the only one to support five military camps and a commando training centre in addition to over twenty regiments, bases and corps. This is therefore the sector which is described, both in terms of its common characteristics and its own particularities. Keywords: Dental support. Dental surgeon. Inter-service dental sector. Organisation. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 241-245) I. INTRODUCTION. Créé en 2000, (1) le corps des chirurgiens-dentistes des armées s'est organisé sur un mode interarmées en 2001 (2). Le critère géographique sous-tend cette organisation. Il permet le soutien adapté des forces des trois armées, de la Gendarmerie et des Services (Service de santé des armées, Service des essences des armées, délégation générale pour l'armement) dans un contexte d'effectifs limités. Les 21 secteurs de métropole tels qu’ils ont été prévus par l’instruction ministérielle (2) sont représentés sur la figure 1. À l’aube de 2006, tous ont été mis en place à l’exception de celui de Tulle (certains pronostiquent qu’il ne le sera jamais). Ces secteurs, s’ils possèdent des règles de fonctionnement identiques, demeurent très B. FENISTEIN, chirurgien-dentiste. Correspondance : B. FENISTEIN, groupe médical Rochambeau, 51 401 Mourmelon-Le-Grand Cedex. médecine et armées, 2008, 36, 3 différents. Chaque chef de secteur, officier du corps des chirurgiens-dentistes des armées, a adapté son exercice aux contraintes particulières exigées par son secteur pour répondre de manière idoine aux besoins locaux qu'il connaît mieux que quiconque en matière d’odontologie. Après la présentation par le chirurgien-dentiste en chef Péniguel, du seul secteur dentaire d'unité, celui de la force d'action navale en octobre 2005 dans Médecine et Armées (3), nous nous proposons de présenter le secteur de Mourmelon dont nous avons la charge et dont le caractère singulier réside dans le soutien, en plus d'une vingtaine de régiments, corps ou bases, de cinq camps militaires et du centre d'entraînement commando de Givet. En découlent des obligations d'adaptation à l'extrême diversité des forces présentes de manière temporaire ou permanente, de leurs besoins et contraintes particuliers. La mise à disposition de moyens quasihospitaliers remarquables et le développement de réseaux de santé procèdent de cette logique. 235 Secteurs dentaires Départements rattachés Secteurs dentaires Départements rattachés Besançon 21-25-39-58-7071-89-90 Montpellier 11-30-34-48-66 Bordeaux 33-40-47 Mourmelon 08-10-51-55 Brest 29 Orléans 45 Cherbourg 14-50-61-76 Rennes 22-35-44-49-5356-85 ClermontFerrand 03-15-43-63 Rochefort 16-17-79-86 FAN Unités de la FAN Strasbourg 67-68-BFA Île-de-France 75-77-78-91-9293-94-95 Toulon 83-06 Lille 02-59-60-62-80 Toulouse 09-12-31-32-6465-81-82 Lyon 01-07-26-38-4269-73-74 Tours 18-27-28-36-3741-72 Marseille 04-05-13-20-84 Tulle 19-23-24-46-87 Metz 52-54-57-88Saarburg Tout militaire peut connaître le chirurgien-dentiste dont il dépend en contactant le chef du secteur géographiquement compétent. Figure 1. Répartition géographique des secteurs dentaires interarmées et du secteur dentaire d’unité de la Force d’action navale (2). II. SECTEUR DENTAIRE INTERARMÉES DE MOURMELON. Le cabinet dentaire de Mourmelon est le centre névralgique du secteur auquel il a donné son nom depuis sa création. Mourmelon est situé dans la région Champagne-Ardenne, au cœur du département de la Marne à 22 kilomètres de Châlons-en-Champagne et à 32 kilomètres de Reims. Le camp, créé en 1856 par Napoléon III, devait être capable de rassembler 100 000 hommes sans donner l'éveil dans l'éventualité d'une guerre contre l'Allemagne (4). Sa superficie est de l’ordre de 12 000 hectares de terre ; ce qui est considérable. Il est très proche des camps de Moronvilliers et de Suippes, eux-mêmes très vastes. Ce secteur déploie sa responsabilité sur les départements de l'Aube, des Ardennes, de la Marne ou de la Meuse et y soutient l'ensemble des militaires présents de manière permanente ou provisoire et ce, quelle que soit leur armée ou service d'appartenance. Ce secteur œuvre aussi en direction des familles des militaires et des retraités. Si Mourmelon n'est pas le secteur le plus vaste, c'est certainement celui qui soutient le plus de personnels civils ou militaires. La vingtaine d'unités de nos quatre départements représente déjà une population supérieure à 15 000 236 militaires et 1 100 civils de la Défense. Il n'y a là rien de bien particulier. De même, cela ne surprendra personne, les militaires de l'armée de Terre représentent, à eux seuls, près de 40 % de l'effectif dans ces terres de l'Est. En revanche, l’examen plus attentif du dossier recèle des surprises. En plus de ces personnels que nous pouvons considérer comme résidents, il existe des troupes en manœuvres et des stagiaires dont la présence, pour être provisoire, est régulière et loin d'être symbolique. Le Centre d'instruction élémentaire à la conduite (CIEC) du camp de Mourmelon accueille et forme 3 000 stagiaires par an, celui du camp de Sissonne, à peine moins. Les troupes en manœuvre sont légions et leur effectif cumulé sur l'année dépasse largement les 300 000 personnes reçues. Ceci ne veut pas dire que 300 000 personnes sont présentes en même temps. En moyennant sur 365 jours, l’effectif constant représente environ 900 personnes en permanence rien qu'à Mourmelon (fig. 2). Pour l'ensemble des camps du secteur (Mailly, Sissonne, Moronvilliers, Mourmelon, Suippes), le nombre des militaires accueillis en même temps en manœuvre peut dépasser les 7 500 en pointe. À mi-chemin entre les hôpitaux d'instruction des armées (HIA) Legouest de Metz et Bégin de Saint-Mandé, le secteur ne compte pas de structure hospitalière militaire. La fermeture de l'hôpital militaire de Châlons-enChampagne semble désormais intégrée et des solutions pratiques ont été trouvées. Elles donnent satisfaction avec un peu de recul. III. MISSIONS. A) APTITUDES. Priorité numéro un de l'activité en France dans la mesure où c'est la seule activité non délégable au secteur civil (5), la détermination des limitations d'aptitude aux emplois militaires d'origine buccodentaire occupe donc une place de choix et représente environ un tiers de l'activité. Tout militaire doit bénéficier d'un examen bucco-dentaire complet avec mise à jour de son odontogramme tous les ans. Par ailleurs, la réalisation et l'interprétation d'un cliché panoramique dentaire sont de règle tous les cinq ans. L'application pratique et systématique de cette réglementation a démontré toute son efficience. Hélas, il n'a pas toujours été possible d'appliquer ces méthodes de fond, faute d'un nombre suffisant de chirurgiens-dentistes, d'un déficit de communication et de carences d'organisation. Parce que la population reçue dans les différents camps est représentative de la population militaire (hors Marine nationale), il est facile aux praticiens soutenant ces camps d'appréhender l'état de santé bucco-dentaire et donc d'aptitude des militaires français. Force est de constater que la création du corps des chirurgiens-dentistes des armées a amené dans son sillage une amélioration importante de la situation décrite en 1997 (6) et 2001 (7). Le nombre de consultants des troupes de passage diminue régulièrement depuis et les causes de consultation, même b. fenistein AVRIL 2004 01 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 Unités présentes avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril 19RG 8RMAT 333 333 333 333 333 333 333 333 4,5 402RA 2 3RH 59 ESAG 59 126 126 126 126 126 126 126 126 26 8RMAT 1RI EAABC 74 26 26 74 156 156 156 156 156 6 29 29 3RG 29 29 29 109 109 109 109 109 109 109 109 109 109 1RTIR 59 3RH 59 3RG 84 84 84 84 84 84 ESAG 5 5 5 5 5 331 331 331 331 331 331 331 331 331 331 2 2 2 2 2 2 61RA 1RMAT 72 7BT 2 2 2 82 82 82 72 72 2 2 84 2 84 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 72 72 72 72 72 72 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 2 2 102 102 102 102 102 2 92 501/503RCC 501/503RCC 82 1RMAT Total 5 2 82 2 82 795 748 615 674 912 867 861 837 673 285 285 285 1 485 1 485 1 365 1 363 1 363 1 363 1 363 1 689 1 689 1 689 1 605 1 605 1 605 1 605 1 605 1 605 1 605 1 371 AVRIL 2005 3RIMa 2RIMa EM 9BLBIMa 341 345 338 336 345 535 424 452 271 217 257 290 291 286 273 273 275 269 274 125 19RG-7CCT 1 197 24 EM 7BB 22 20 22 23 23 23 27 34 20 20 24 22 20 16 20 20 19 22 19 18 15 1/2RC 384 389 381 379 384 421 494 460 483 498 499 430 442 438 428 414 299 340 337 336 340 354 152RI 548 549 544 563 524 522 520 516 398 398 396 448 499 492 478 428 427 425 426 418 415 ESAG EAT ESAG 41 41 41 41 41 41 41 41 41 41 41 41 1 238 1 338 1 346 1 324 1 341 1 317 1 542 1 502 1 455 1 186 1 133 1 172 1 192 1 254 1 236 1 195 1 135 1 021 1 053 1 059 898 773 369 EM 7 BB EAABC/3RD 152RI Total 0 0 0 0 0 L’effectif global journalier (en moyenne 900 personnes sur les 365 jours de l’année) regroupe en fait des contingents de nombreuses unités. Cette dispersion est une difficulté pour coordonner efficacement le soutien. Figure 2. Répartition géographique des secteurs dentaires interarmées et du secteur dentaire d’unité de la Force d’action navale (2). si des efforts restent encore à faire, changent pour privilégier les pathologies qui ne peuvent être prévenues par une préparation de qualité. Ceci est très encourageant et nous permet de nous recentrer sur nos missions prioritaires. Pour ce qui concerne le soutien des Forces dans sa dimension préventive, l'intégralité des besoins de détermination de l'aptitude est désormais couverte dans le secteur. Grâce à la coopération active des médecins d'unité qui orientent de manière systématique les consultants vers le chirurgien-dentiste militaire d'active ou de réserve désigné et d'une informatique de pointe, tous les militaires sont reçus et les certif icats d’aptitude ne sont édités qu'après contrôle effectif du bon état clinique. Cette systématisation est devenue habitude et porte ses fruits. En effet, la durée de validité d'une aptitude étant, secteur dentaire inter-armées de mourmelon sauf mention contraire, de un an. Il n'est plus nécessaire de préparer les personnels en vue d'une mission. Le commandement sait en permanence et de manière nominative l'état d'aptitude de ses personnels. Ceux-ci peuvent donc être choisis ou désignés pour une mission après avoir été déjà étiquetés comme aptes et non avant comme cela se faisait hélas trop souvent. Il nous semble plus logique, en effet, de puiser dans un vivier d’aptes que de désigner des personnels et de s’enquérir ensuite de leur aptitude au risque de s’apercevoir trop tard qu’ils ont des soins dentaires à faire. Cette réactivité que prise le commandement se double d'un avantage pour le chef du secteur : la possibilité de s'organiser pour répartir la charge de recevoir 15 000 militaires en aptitude chaque année, sur l'ensemble des chirurgiens-dentistes des armées du secteur et sur l'ensemble de l'année. 237 Bien sûr, le développement et l'utilisation systématique de l'informatique dans ce dossier se sont révélés indispensable pour optimiser le rendement en diminuant le nombre de consultations trop rapprochées ou inutiles de ce seul point de vue. B) SOINS. Deuxième priorité d’importance, la porte du cabinet est ouverte pour les consultations libres. Simples conseils, urgences, soins ponctuels, soins suivis, soins complexes : tout l'éventail d'une structure de soins bucco-dentaires est proposé. Conserver les compétences techniques de sa capacité est la raison habituellement évoquée pour justifier cette activité « annexe » qui pourrait sinon, selon certains, être entièrement confiée au secteur civil. En fait, elle fait partie intégrante des attributions d’un chirurgiendentiste des armées. De plus, il existe bien d'autres raisons qui s'appliquent pour certaines, à toutes les unités, pour d'autres, plus spécifiquement aux camps isolés. D'abord, la réputation générale de qualité du Service de santé des armées dans son activité de soins peut être une motivation guidant les patients dans le choix de privilégier une structure militaire pour leur suivi médical ou dentaire. Cette confiance dans le personnel et dans les moyens à disposition se double d'une confiance dans leur disponibilité qui est aussi gage de sécurité. La définition d'une sectorisation assez vaste, imposée par le nombre limité de postes de chirurgiens-dentistes des armées, a permis d'affecter un certains nombre de praticiens d'active ou de réserve qui peuvent se remplacer, s'épauler, se former les uns, les autres et assumer aussi bien la permanence des soins que des aptitudes. Ensuite, les caractéristiques propres de l'état de militaire quelquefois aggravées par des raisons familiales, sociales ou géographiques, rendent indispensable le fait de dispenser des soins en unité. La mobilité des militaires est source d'isolement. Isolement des célibataires géographiques bien sûr, mais aussi isolement des cellules familiales réduites au conjoint et aux enfants. L'isolement géographique qui double souvent cet isolement physique est d'autant plus ressenti dans des camps isolés, comme celui de Mailly, Suippes ou Mourmelon. Il est quelquefois mésestimé : 9,1 % des militaires sont encore célibataires géographiques malgré des efforts réels de l’Institution (8). Les familles nombreuses régulièrement suivies ou les militaires du rang des DOMTOM représentent le cas extrême des patients guidés par ces motivations. La gratuité ou quasi-gratuité des soins en unité est aussi un avantage offert aux patients, victimes d'accidents en service ou recommandés par les assistantes sociales ou le commandement. Enfin, c'est l'organisation en horaires plus souples et plus adaptés à nos populations, la possibilité de prendre en charge des pathologies plus complexes ou dans des contextes plus lourds qui justif ient pleinement l'obligation de réalisation de soins complets en unité. 238 C) AUTRES MISSIONS. Les actions de prévention que tous les praticiens du secteur réalisent à titre individuel au prof it des patients qui consultent commencent à se doubler d'actions collectives d'éducation sanitaire. Le secteur comme beaucoup d'autres, participe aux modules des enseignements optionnels de certaines facultés. Il œuvre aussi en direction des médecins d’unité ou des infirmiers, comme le font quelquefois, de manière plus poussée, d’autres secteurs, notamment quand leur siège se situe au sein d’un hôpital d’instruction des armées. Mais il ne structure pas ses actions de formation des médecins d'unité comme seul le fait, à notre connaissance, le secteur d'unité de la force d'action navale avec l'appui de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon. Ce sont plutôt des échanges au fur et à mesure que des cas cliniques se présentent ou que des questions se posent aux médecins dans une logique de complémentarité réalisée non seulement à Mourmelon mais dans la plupart des services médicaux du secteur. La recherche clinique purement odontologique, faute de temps, reste souvent hélas, à l'état de projets non encore réalisés, mais le secteur participe en revanche à la plupart des dossiers de portée générale auxquels adhère le centre médical inter-unités de Mourmelon et aux démarches d'assurance qualité. La partie dentaire, fondamentalement intriquée dans le système global dit projet GestOpex, a par exemple, comporté la création et le test sur 2 500 patients d’un odontogramme simplif ié, numérisé, évolutif, autorisant des requêtes et représentant donc une aide à l’identification (9). IV. MOYENS. En balance à des besoins considérables et variés, le secteur dispose d'un excellent plateau technique adapté, composé de deux unités de soins complètes et quasi-identiques sises à Mourmelon et à Suippes, intégrées dans des services médicaux d’unité disposant de réelles possibilités d'admission, de soins et de suivi. La mutualisation dont le centre médical inter-unités de Mourmelon, a été précurseur, a fait l'objet d'un protocole complexe après concertation avec une multitude d'acteurs (général, commandant la région, directeur régional du Service de santé, les quatre chefs de corps des unités concernées notamment) (10, 11). En résulte une mise en commun de moyens. Ce cabinet médical bénéf icie donc d'une structure complète de soins dentaires intégrant une chaîne de stérilisation ; le secteur dentaire dispose des capacités d'admission et de soins, comparables à ceux offerts en milieu hospitalier. Secrétariat, moyens matériels et humains, informatique ; la mise en commun des moyens permet d'augmenter l'efficience du groupe et est l'occasion d'échanges. D'autres accords sont conclus entre le secteur et un certain nombre de cabinets médicaux, et le secteur s'organise donc en fonction de la totalité de ses impératifs. b. fenistein Car cinq unités du secteur disposent aussi d'un fauteuil, la Base aérienne 112 de Reims, le camp de Mailly, le 3 e régiment du génie de Charleville-Mézières, le 3 e régiment d'hélicoptères de combat d'Étain, le camp de Sissonne. Enf in, quelques unités prêtent régulièrement des locaux pour des simples consultations de dépistage ou d'aptitude ; c'est le cas du 1er et 2e régiment de chasseurs de Thierville-sur-Meuse, de la Gendarmerie mobile de Revigny-sur-Ornain, du 402 e régiment d'artillerie de Châlons-en-Champagne, du 8e régiment d’artillerie de Commercy. Deux véhicules légers, de type Saxo de la direction régionale, permettent les nécessaires et fréquents déplacements. Des personnels sous-officiers ou militaires du rang sont adjoints de manière ponctuelle ou régulière par les unités. Cette aide de la gendarmerie, de l'armée de Terre et de l'armée de l'Air nous est indispensable. Pour armer ces pôles de soins ou de consultations, des chirurgiens-dentistes d'active et de réserve se relayent et s'épaulent au sein d'une planification, élaborée par le chef du secteur en concertation avec les commandants des unités, soutenues et validée par la direction régionale du Service de santé des armées de rattachement. V. CONCLUSION. Le secteur dentaire interarmées de Mourmelon n'est pas un modèle pour les autres. Il s'est simplement organisé de manière à s'adapter continuellement aux missions ordinaires et extra-ordinaires qui lui sont conf iées, et aux contraintes structurelles et conjoncturelles qui lui sont imposées. Parallèlement, il tente d'optimiser son action en conciliant la hausse de son rendement et de la qualité perçue par les patients, et le commandement et l'augmentation de l'intérêt intellectuel et technique de son activité. L'évaluation régulière du secteur dans toutes ses activités n'est pas simple à réaliser mais permet la critique constructive et les changements nécessaires à sa continuelle et nécessaire adaptation. Remerciements : l’auteur tient à remercier le médecin en chef Besses, médecin-chef du 501 e-503e régiment de chars de combat et de la Place de Mourmelon pour son soutien dans le fonctionnement quotidien du secteur et ses conseils dans la rédaction de cet article. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Décret N° 2000-187 du 1 er mars 2000 modifiant le décret N° 74-515 du 17 mai 1974 portant statut particulier des corps militaires des médecins, des pharmaciens chimistes et des vétérinaires biologistes des armées. 2. IM N° 3162/DEF/DCSSA/OL/OERI-2079/DEF/DCSSA/ AST/TEC relative à l’organisation et au fonctionnement du soutien dentaire dans les armées du 22 mai 2001. 3. Péniguel B, chirurgien-dentiste de la Force d’action navale. Médecine et Armées 2005 ; 33 (4) : 337-42. 4. Chossat N et coll. Mourmelon-Le-Grand, cité champenoise et militaire Ville de Mourmelon 1999, 189 p. 5. IM N° 400/DEF/DCSSA/AAF/AAGDS fixant les règles administratives et financières d’accès aux soins du Service de santé des armées du 23 mars 1993. secteur dentaire inter-armées de mourmelon 6. Seigneuric J-B, Gouzien G, Bellavoir A. Apport de la consultation itinérante de stomatologie, l’évaluation de l’état bucco-dentaire au sein des forces. Étude sur douze mois. Médecine et Armées 2000 ; 28 (2) : 149-53. 7. Fénistein B, Pourquoi tant de consultations dentaires en opex ? Médecine et Armées 2004 ; 32 (2) : 123-6. 8. Bulletin d’information sociale de la Défense N° 64, 18, 2006. 9. Projet Gestopex. Mission innovation du ministère de la Défense N° 03/018T. 10. Instruction N° 216/DEF/EMAT/LOG/SAN/et N° 126/DEF/ DCSSA/OL/OERI/ORG relative à l’organisation et au fonctionnement du Service de santé dans l’armée de Terre du 28 janvier 2002. 11 Protocole de mutualisation N° 001827/RT NE/EM/DIV.SOUT/ BLOG/RGEG du 16 décembre 2003. 239 VIENT DE PARAÎTRE HISTOIRE DE L’ANESTHÉSIE Méthode et techniques au XXe siècle Marguerite ZIMMER Présenter l'Histoire de l'anesthésie n'allait pas de soi... Initiée dès la fin du X V I I I e par la méthode inhalatoire des gaz et poursuivie dans cette voie jusqu'aux premières décades du XXe siècle, la quête incessante de la suppression de la douleur chirurgicale allait connaître, particulièrement en France, un parcours mouvementé…, et passionnant. Ce livre raconte cette aventure. Sans occulter les aspects techniques, l'auteur aborde également les grandes questions posées par le développement de la chimie des gaz. À partir de nombreuses archives inédites et d'illustrations variées, l'ouvrage rend compte en même temps des difficultés rencontrées par le monde médical et industriel dans l'élaboration des appareils et la conception de nouveaux procédés tendant à réduire puis supprimer la douleur ; il retrace le cheminement de ces avancées techniques qui se faisaient pour ainsi dire « au jour le jour ». À l'heure où la lutte contre la douleur, contre toutes les douleurs, est une constante de nos sociétés, l'étude minutieuse et rigoureuse de plus de deux cents années de pratique et de recherche représente un outil fondamental pour la compréhension et la prospective. Cette évolution des pratiques de l'anesthésie et de la réanimation, en apportant un nouveau regard en matière de recherches enhistoire des sciences et de la médecine, intéressera les médecins, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les vétérinaires, les chimistes, les historiens, mais aussi le grand public curieux des avancées scientifiques. Marguerite ZIMMER est docteur en chirurgie dentaire, docteur en histoire de la médecine (École pratique des hautes études) et chercheur associé du département d'Histoire des sciences de la vie et de la santé de Strasbourg. ISBN : 978-2-86883 896 4 – Pages : 768 – Prix 59 € – EDP Sciences – Collection science et histoire – 17 avenue du Hoggar - Parc d'activités de courtabœuf- BP 11291944 Les uns cedex A – Contact Presse Elise CHATELAIN – [email protected] – Tél. : 01 69 18 69 87. 240 Mise au point PRISE EN CHARGE DES CHOLÉCYSTITES AIGUËS EN UN TEMPS Expérience du service de chirurgie viscérale de l’HIA Desgenettes L. MINGOUTAUD, J.-P. OWONO, Cl. DUSSART, D. N’GABOU, M. DELIGNY, Ch. LOUIS, S. FAUCOMPRET RÉSUMÉ Le traitement en un temps avant le 5 e jour du début des symptômes, des cholécystites aiguës par voie laparoscopique a fait la preuve de sa faisabilité et de son intérêt. Une prise en charge thérapeutique en deux temps qui propose de réaliser une intervention à distance de la phase aiguë expose à un risque d’échec intercurrent dans l’intervalle et entraîne un surcoût non négligeable sans apporter de bénéfice en terme d’intervention ou de suites opératoires. Le but de ce travail est de confirmer l’intérêt d’une prise en charge en un temps des cholécystites aiguës. Les auteurs rapportent une série rétrospective portant sur 85 patients opérés précocement pour une cholécystite aiguë sur l’hôpital d’instruction des Armées Desgenettes de janvier 2000 à octobre 2005. Le résultat de cette étude montre que le délai de prise en charge, « avant trois jours », « entre trois et cinq jours » et « après cinq jours », n’apparaît pas comme un facteur discriminant. À l’inverse, elle confirme que une prise en charge initiale des cholécystites aiguës n’augmente pas la durée opératoire, les pertes sanguines ou la morbidité. En conclusion, si le traitement en un temps des cholécystites aiguës n’entraîne pas un risque accru, il met le patient à l’abri d’un épisode intercurrent infectieux ou de migration pour un coût économique nettement moindre. Mots-clés : Cholécystectomie laparoscopique précoce. Cholécystite aiguë. Traitement en un temps. I. INTRODUCTION. Le traitement en un temps avant le 5 e jour des cholécystites aiguës par voie laparoscopique a fait la preuve de sa faisabilité et de son intérêt au travers de nombreuses publications. Une prise en charge en deux temps est envisagée dans la L. MINGOUTAUD, médecin principal. Cl DUSSART, pharmacien pricipal. M. DELIGNY, médecin en chef. Ch. LOUIS, médecin en chef. S. FAUCOMPRET, médecin chef des services, professeur agrégée du Val-de-Grâce. Correspondance : L. MINGOUTAUD, service de chirurgie viscérale, HIA Desgenettes, BP 25, 69998 Lyon Armées. médecine et armées, 2008, 36, 3 ABSTRACT MANAGEMENT OF ACUTE CHOLECYSTITIS TREATMENT IN ONE TIME: EXPERIENCE OF HIA DESGENETTES’ VISCERAL SURGICAL TEAM. The laparoscopic acute cholecystitis treatment within five days of onset of symptoms is quite sure and feasible. A delayed laparoscopy after initial medical management in order to operate far from the initial inflammation exposes the patient to a failure during the interval period and is more expansive without making the operation easier and the follow up better. The aim of this study was to confirm the interest in operating early the acute cholecystitis. The authors present a retrospective study including 85 patients who were treated on the Instruction Military Hospital Desgenettes for an acute cholecystitis from 2000 January to 2005 October. The result of the study shows that the delay of treatment, before 3 days, between 3 to 5 days, after 5 days, is not a discriminated factor. Inversely, it confirms that the early treatment doesn’t increase the surgical time, the bleeding or the morbidity. In conclusion, if the early acute cholecystitis treatment doesn’t conduce to increase the risk, it protects the patient against another episode of infection or a stone migration during the interval time for a decidedly lower economic cost. Keywords: Acute cholecystitis. Early laparoscopic cholecystectomy. One time treatment. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 247-251) littérature au prix d’une évaluation rigoureuse tant clinique que biologique. La question du bénéfice d’une telle stratégie peut se poser en terme de durée moyenne de séjour, de coût et de risque d’échec. Le but de ce travail a été de montrer l’intérêt d’une prise en charge thérapeutique en un temps et de tenter de mettre en évidence un délai d’intervention optimal. Les auteurs ont mené une étude rétrospective portant sur 85 patients opérés de janvier 2000 à octobre 2005 en un temps sur l’HIA Desgenettes pour une cholécystite aiguë. Les résultats de cette étude ont été confrontés aux données de la littérature. 241 II. MATÉRIEL ET MÉTHODE. A) DÉFINITION DE LA POPULATION. L’échantillon de notre population est constitué par l’ensembles des patients pris en charge dans le service de chirurgie viscérale de l’HIA Desgenettes pour une cholécystite aiguë lithiasique,de janvier 2000 à octobre 2005. Les critères d’inclusion reposaient sur : – un syndrome douloureux de l’hypochondre droit supérieur ou égal à trois sur l’Échelle visuelle analogique (EVA) avec signe de Murphy positif ; – une température supérieure ou égale à 37,7 °C ; – un syndrome infectieux biologique avec un chiffre supérieur ou égal à 10 000 leucocytes/mm3 et/ou inflammatoire avec une C Reactive Protein supérieure à cinq ; – une échographie affirmant le diagnostic de cholécystite aiguë. Le critère de sélection correspond au code de recherche K800 dans la base de données PMSI (htt//stats.www.lepmsi.fr). Ce code diagnostic porte l’intitulé « calcul de la vésicule biliaire avec cholécystite aiguë ». Le diagnostic d’angiocholite est exclu. B) ANALYSE STATISTIQUE. Af in de répondre à notre problématique, nous avons réalisé une analyse descriptive suivie d’une analyse multivariée de type Analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM). L’AFCM a permis la recherche d’un facteur de risque. Le but de ce travail a été d’identifier un délai d’intervention optimale des cholécystites en distinguant trois groupes de patients opérés « avant trois jours » (groupe 1), « entre trois et cinq jours » (groupe 2), « après cinq jours » (groupe 3). Nous avons réalisé cette analyse sur le logiciel SAS/ STAT, Version 6, Fourth Édition. Copyright 1990 par SAS Institute Inc, Cary, NC, USA. III. RÉSULTATS. A) ANALYSE DESCRIPTIVE. La population d’étude était constituée de 85 individus, 48 hommes (56,5 %) et 37 femmes (43,5 %), d’âge moyen 60 ±16 ans (extrêmes (25 ; 92)). Des antécédents médicaux signif icatifs étaient présents chez 53 patients (62,4 %), essentiellement hypertension artérielle (8,5 %), diabète (8,5 %) et broncho-pneumopathie (8,2 %). Les principaux facteurs de comorbidité sont résumés dans le tableau I. Les antécédents chirurgicaux intéressaient huit patients (9,4 %) : pontage coronarien (trois patients), cancer du sein (un patient), péritonite appendiculaire (un patient), intervention de Hartmann pour un cancer du sigmoïde (un patient). Il existait au moins un antécédent médical dans 77,6 % des cas et au moins deux dans 53 %. 242 Tableau I. Facteurs de comorbidité. HTA 10 8,50 % BPCO 7 8,23 % Diabète non insulino-dépendant 7 8,23 % Obésité 6 7,06 % Coronaropathie 5 5,88 % artériopathie 3 3,53 % Apnée du sommeil appareillée 3 3,53 % Trouble du rythme 3 3,26 % Valvulopathie 2 2,35 % Diabète insulino-dépendant 2 2,35 % Ethylisme chronique 2 2,35 % Insuffisance rénale 2 2,35 % Diabète insulino-réquérant 1 1,17 % Total 53 62,35 % Le pronostic anesthésique selon la classification de l’American Society of Anesthesiology (ASA) était : ASA I pour 11 patients (12,9 %), ASA II pour 57 patients (67,1 %) et ASA III pour 27 patients (31,8 %). À l’entrée, le diagnostic était suspecté cliniquement chez un patient hyperthermique avec une température moyenne de 38,9 ± 0,7 °C (extrêmes (37,7°C; 40 °C)) présentant un syndrome douloureux de l’hypochondre droit avec signe de Murphy (85,9 % des cas). Un ictère cutanéo-muqueux était associé dans 12,9 % des cas. Biologiquement, il existait un syndrome infectieux avec hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles avec une valeur moyenne de 11 325 ± 4 142/mm3 et supérieure à 10 000/mm 3 dans 61,2 % des cas ; un syndrome inflammatoire, avec une CRP moyenne à 123 ± 121 mg/l (extrêmes (1 ; 325)). Tous les patients ont bénéf icié d’une échographie qui affirmait le diagnostic de cholécystite aiguë. Les symptômes évoluaient en moyenne depuis 6 ± 7 jours (extrêmes (1 ; 30)). Les patients ont été opérés en moyenne au deuxième jour de leur hospitalisation (± 2 jours, extrêmes (0 ; 9)). Le délai maximum de neuf jours correspond à un patient de 76 ans, sous antiagrégant plaquettaire et anticoagulant. À l’arrivée, il existait un surdosage en anti-vitamine K sans signes de gravité ni clinicobiologique ni échographique. L’intervention a été réalisée sous cœlioscopie dans 77 cas (90,6 %) et par laparotomie dans 8 cas (9,4 %). Le choix de la voie d’abord relevait d’une décision de l’opérateur. Tous les patients ont été opérés par une équipe composée d’au moins un chirurgien senior. Une cholangiographie per opératoire, jamais systématique, a été faite 47 fois (55,4 %) et réussie 38 fois (44,7 %). La décision de réaliser cet examen était prise chaque fois par l’opérateur « en fonction des l. mingoutaud constatations opératoires ». La difficulté prévisible du geste (intensité de la pédiculite, f inesse du canal cystique) faisait surseoir à la réalisation de la cholangiographie. Dans deux cas, un drainage trans-cystique a été mis en place. La durée opératoire moyenne a été de 90 ± 38 minutes (extrêmes (40 ; 200)) et le taux de conversion de 10,4 % concernant huit patients (groupe1, n=2 ; groupe 2, n=3 ; groupe 3, n=3). Les motifs de conversion ont été des adhérences empêchant l’introduction des trocarts, avec deux cas appartenant aux groupes 1 et 3 ; une cholécystite gangréneuse, avec trois cas dans les groupes 2 et 3 ; une pédiculite rendant la dissection hasardeuse, avec deux cas dans les groupes 1 et3 ; une hémorragie appartenant au groupe 2. La perte sanguine a été précisée pour 76 patients (89,4 %). Elle a été moyenne de 157 ± 127 ml. Trois patients ont reçu de 1 à 3 culots globulaires. Quatre patients ont bénéficié d’une sphinctérotomie endoscopique en post-opératoire (Oddite, 3 ; lithiase résiduelle de la voie biliaire principale, 1). L’antibiothérapie était débutée à l’entrée de manière probabiliste et en fonction de contre-indication éventuelle : association amoxicilline + acide clavulanique dans 85,9 % des cas, céphalosporine de 3e génération dans 14,1 %, fluoroquinolone dans 10,6 %. Une bi-antibiothérapie a été réalisée dans 71,8 % des cas. Elle associait une pénicilline ou une céphalosporine à de la gentamicine, du métronidazole ou fluoroquinolone. Les antibiotiques ont été maintenus en moyenne 8 ± 3 jours (extrêmes (5 ; 21)). La prise en charge de la douleur a reposé sur une analgésie péridurale ou une pompe contrôlée d’analgésie de morphine dans les 72 premières heures en complément d’une antalgie de niveau II. La prévention thromboembolique a été systématique par lever précoce dès J1 et prescription d’Héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à la posologie de 4 000 IU anti-Xa. La reprise de l’alimentation s’est faite de manière progressive dès J0 et à volonté à J3 pour 83 patients (98 %). Les suites opératoires ont été simples pour 51 patients (60 %). La morbidité post opératoire, résumée dans le tableau II, a été représentée essentiellement par : – pour huit patients (n=2 ; 2 et 4 respectivement dans les groupes 1, 2 et 3), une pneumopathie de la base droite d’évolution favorable sous kinésithérapie, aérosols et antibiothérapie prolongée quize jours en post opératoire. – pour quatre patients opérés par laparotomie des abcès de paroi d’évolution simple par cicatrisation dirigée. Deux appartenaient au groupe 1, les deux autres aux groupes 2 et 3. – chez deux patients des groupes 1 et 3, une collection sous hépatique a évoluée favorablement sous antibiotique, l’autre appartenant au groupe 2 de plus de 3 cm a été drainée radiologiquement. L’ablation du drain a été effectuée au 3ejour. prise en charge des cholécystites aiguës en un temps Tableau II. Morbidité post opératoire. Pneumopathie 8 9,41 % Abcès de paroi 4 4,70 % Cholestase clinique 4 4,70 % Cytolyse biologique à 3N 4 4,70 % Iléus 4 4,70 % Gastroparésie 3 3,53 % Collection intra abdominale 2 2,35 % Pré Delirium tremens (DT) 2 2,35 % Thromboembolique 1 1,17 % Total 34 40 % – deux patients (groupe 1 et 2) ont nécessité la pose d’une sonde naso-gastrique pour 24 et 72 heures. La durée moyenne de séjour a été de 6 ± 3 jours. B) ANALYSE AFCM. L’analyse des résultats a montré que le délai de prise en charge, « avant trois jours » (n=40), « entre trois et cinq jours » (n=16) et « plus de cinq jours » (n=29), n’a pas influencé de manière statistiquement significative, sur les pertes sanguines, la durée ou les suites opératoires (p < 0,05). Cette variable n’est donc pas discriminante dans notre population d’étude. Seules les variables « perte sanguine », « globules blancs », « CRP » et « durée opératoire » ont été identifiées comme discriminantes. IV. DISCUSSION. L’attitude thérapeutique optimale dans la prise en charge des cholécystites aiguës reste controversée (1, 2). C’est un sujet récurrent qui fait débat aujourd’hui encore, à l’heure de la cœlioscopie, comme hier en laparotomie (3). La prise en charge en deux temps correspond à un traitement médical premier destiné à « refroidir la crise aiguë », suivi d’un traitement chirurgical effectué six à dix semaines à distance de la phase inflammatoire initiale (4). Aucune étude ne vient valider cet intervalle qui varie pratiquement du simple au double. Certaines études montrent une relation entre cholécystectomie sous cœlioscopie précoce et augmentation de la morbidité (5). Au début des années 1990, le traitement en un temps par laparotomie des cholécystites aiguës était la règle et la voie cœlioscopique représentait une contre-indication relative, sachant que l’ère de la cholécystectomie réglée sous cœlioscopie a été initiée en 1987 (4, 5). Le manque d’expérience des opérateurs comme les limites techniques imposées par le matériel pouvaient alors à eux seuls justifier une telle attitude de prudence. Dans tous les cas, une prise en charge en deux temps ne peut se faire qu’au prix de réévaluations cliniques et biologiques itératives (1). Aux échecs précoces de cette stratégie viennent s’ajouter un pourcentage de 10 % à 23 % de patients, rentrés à 243 domicile, qui devront être opérés en urgence dans l’intervalle thérapeutique (5, 6). Ces échecs, à type de complications infectieuses, d’accidents de migration, sont d’autant plus graves qu’ils surviennent chez des patients souvent âgés, poly pathologiques. Dans notre étude, la moyenne d’âge se situe à 60 ±16 ans et 30 % de cette population est classée ASA III. Cet échec du traitement en deux temps constitue un écueil de cette prise en charge (1). Parmi les patients au traitement initial efficace, un tiers a du être admis en urgence. Dans cette population, la durée opératoire, le taux de conversion, les suites ont été plus mauvais que dans les groupes « chirurgie précoce » ou « tardive » (4). Le taux de conversion des procédures en deux temps peut atteindre jusqu’à 30 % attestant de conditions de dissection rendues difficiles par des adhérences fibreuses, une pédiculite, une néo vascularisation (6). Il a été de 10,4 % dans notre série. Il existe cependant des facteurs prédictifs de conversion indépendants du délai. Il s’agit en pré opératoire du sexe masculin, d’un âge supérieur à 65 ans, de l’obésité, d’un taux de globules blancs supérieurs à 13 000/mm3. En per opératoire, ce sont les difficultés de préhension de la vésicule, le risque d’effraction de la paroi (gangrène, empyème, hydrocholécyste) et le manque d’expérience chirurgicale (7). La cholécystectomie précoce se définit par une chirurgie réalisée dans les 72 heures qui suivent le début des symptômes de cholécystite aiguë (7). Ce concept de prise en charge précoce s’est imposé avant l’ère de l’abord cœlioscopique. Des études prospectives randomisées avaient montré qu’une prise en charge précoce par laparotomie entraînait une durée de séjour moindre et des suites opératoires plus simples que dans un traitement en deux temps (8). L’expertise acquise en chirurgie réglée aidant, la cholécystectomie laparoscopique réalisée à la phase précoce des cholécystites aiguës s’est progressivement imposée comme le traitement de référence. Sa faisabilité démontrée, les avantages résident dans la durée moyenne de séjour et le coût global (7). Concernant la durée de séjour, les données de la littérature sont toutes concordantes, en faveur du traitement à la phase précoce, tableau III. Le chiffre de notre série de Tableau III. Données de la littérature. Études Traitement Échantillon Durée moyenne séjour (en jours) P < 0,0001 1 temps 82 5,6 2 temps 87 13,4 1 temps 74 5 2 temps 71 8 1 temps 45 6 2 temps 41 11 1 temps 53 7,6 2 temps 51 11,6 Serralta et al (6) Johansson et al (5) < 0,05 < 0,001 Lo et al (3) Lai et al (10) 244 < 0,001 6 ± 3 jours est en conformité avec les résultats de littérature dont les valeurs se situe entre 5,6 et 7,6 jours (4). Une méta-analyse regroupant quatre études comparant les groupes « prise en charge précoce » versus « prise en charge en deux temps » conclut à l’absence de différence statistiquement significative en terme de conversion (p=0,19), de durée opératoire (p=0,723) et de taux de complication post opératoire (p=0,915) (4). Une autre montre l’absence de bénéfice apporté par un traitement en deux temps en terme de suites opératoires, de taux de conversion et de durée de séjour (10). Le taux de conversion a été de 10,4 % concernant huit patients. Les motifs de conversion ont été des difficultés de préhension dans trois cas (cholécystite gangréneuse), de dissection dans deux cas, une hémorragie dans un cas et à des antécédents chirurgicaux responsables d’adhérences dans deux cas. Les données de la littérature plaident pour une intervention dans les 72 premières heures. Cependant, ce délai concerne la date de l’intervention par rapport à la date d’admission (3, 8) ou par rapport au début des symptômes (5-7, 10). Le délai « début des symptômes » ou « date d’admission » est différent et constitue une limite à la notion de prise en charge précoce. Dans notre série, les symptômes évoluaient en moyenne depuis 6±7 jours (extrêmes (1;30)). L’étude que nous avons menée, ne permet pas de montrer une différence statistiquement significative concernant l’existence d’un délai optimal de prise en charge depuis le début des symptômes « moins de trois jours », « entre trois et cinq jours » et « après cinq jours » en terme de durée opératoire, de perte sanguine, de complication post-opératoire ou encore de durée de séjour. Dans notre analyse multivariée, le facteur « délai de prise en charge » n’est pas discriminant. Toutefois, il s’agit d’une étude rétrospective comprenant un effectif faible. À l’inverse, elle plaide pour un traitement en un temps qui n’entraîne pas une augmentation du risque opératoire, de la morbidité ou de la durée de séjour. Madan distingue deux groupes de patients selon qu’ils sont opérés dans les 48 heures qui suivent le début des symptômes (groupe I, n = 14) et après (groupe II, n =11). Il montre un bénéfice statistiquement significatif en terme de durée opératoire (73 min vs 96 min, p < 0.0004) et de séjour (2,1 jours vs 4,4, p < 0.004) dans le groupe I. Concernant le taux de conversion de 0 dans le groupe I, il atteint 29 % dans le groupe II (p < 0.04) (11). L’inflammation avec pour corollaire l’inf iltration tissulaire liée à l’œdème, crée des plans qui facilitent la dissection du triangle de Calot et le décollement du lit vésiculaire. Plus à distance, néo vascularisation, fibrose, rétractions tissulaires sont constituées. Les repères sont effacés, la dissection est rendue plus délicate. Les seules limites à ce traitement « ultra précoce » tiennent au patient qui se présentera plus ou moins tôt après le début des symptômes, au médecin traitant s’il est consulté qui pourra être tenté de traiter de manière symptomatique mais aussi à la disponibilité, sinon du l. mingoutaud Tableau IV. Séjour chirurgical. GHM libellé GHS borne inf. GHS borne sup. Tarif € Cholécystectomies avec exploration de la voie biliaire principale sans CoMorbidité Associée (CMA) 3 39 8 362,08 Cholécystectomies avec exploration de la voie biliaire principale avec CMA 4 62 11 295,36 Cholécystectomies sans exploration de la voie biliaire principale sans CMA 2 18 3 723,89 Cholécystectomies sans exploration de la voie biliaire principale avec CMA 2 36 6 298,24 GHM libellé GHS borne inf. GHS borne sup. Tarif € Affection des voies biliaires, âge inferieur à 70 ans, sans CMA. 2 18 2 210,57 Affection des voies biliaires, âgesupérieu à 69 ans, et/ou CMA. 2 27 3 961,56 chirurgien, du bloc opératoire. L’étude de Madan rattache le retard de prise en charge à l’environnement chirurgical dans au moins 50 % des cas. En terme de coût, si l’on se réfère à la tarif ication à l’activité ou T2A, une prise en charge en deux temps entraîne le surcoût d’une double hospitalisation. L’augmentation de coût est de 2 210,57 € à 3 961,56 € en restant dans les bornes prévues par cette tarification soit de 36 % dans le groupe de patient sans facteur de co-morbidité (CMA) par rapport au prix moyen de séjour et de 30 % dans celui avec CMA, tableau IV et V. V. CONCLUSION. Tableau V. Séjour médical. Les résultats de notre étude vont dans le sens des données de la littérature. Le traitement en un temps des cholécystites aiguës n’entraîne pas d’augmentation rédhibitoire du risque opératoire, des pertes sanguines, du taux de conversion ou du taux de morbidité. À l’inverse, le surcoût induit et le risque de survenue d’un nouvel épisode aigu dans l’intervalle de traitement sont autant de limites à la stratégie en deux temps. Une prise en charge souvent plus délicate et stressante d’un nouvel épisode, a fortiori chez des patients âgés associant des facteurs de comorbidité, ne peut pas constituer un bénéfice. La cholécystectomie devrait être réalisée au mieux dans les 48 heures qui suivent le début des symptômes de cholécystite aiguë, si l’on se réfère aux données de la littérature. Une étude multicentrique rassemblant un échantillon de taille suff isante devrait permettre d’en apporter la preuve. Les limites à un traitement ultra précoce tiennent plus à la gestion des urgences qu’au risque opératoire. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Bonnet S, Rouquié D, Duverger V, Haus R, Singland JD, Guyon P et al. Cholécystites aiguës lithiasiques. Place d’un traitement en deux temps. Médecine et Armées, 2005 ; 33 (4) : 363-8. 2. Johansson M, Thune A, Blomqvist A, Nelvin L, Lundell L. Impact of choice of therapeutic strategy for acute cholecystitis on patient’s health-related quality of life. Dig. Surg. 2004 ; 21 : 359-62. 3. Lo CM, Lui CL, Fan ST et al. Prospective randomized study of early versus delayed laparoscopic cholecystectomy for acute cholecystitis. Ann. Surg. 1 998 ; 227 (4) : 461-7. 4. Lau H, Lo CY, Patil NG, Yuen WK. Early versus delayed-interval laparoscopic cholecystectomy for acute cholecystitis: a Meta Analysis. Surg endosc, 2 006 ; 20 (1) : 82-7. 5. Johansson M, Thune A, Blomqvist A, Nelvin L, Lundell L. Management of acute cholecystitis in the laparoscopic area: results of a prospective, randomized clinical trial. J Gastrointest Surg 2003 ; 7 : 642-5. 6. Liu TH, Consorti ET, Mercer DW. Laparoscopic cholecystectomy prise en charge des cholécystites aiguës en un temps 7. 8. 9. 10. 11. for acute cholecystitis: technical considerations and outcome. Seminars in laparoscopic surgery, 2 002 ; 9 (1) : 24-31. Laporte S, Navarro F. Quel est le meilleur moment pour opérer une cholécystite aiguë par voie laparoscopique ? J.Chir 2 002 ; 139 : 324-7. Chandler Ch, Lane JS, Fergusson P, Thompson JE, Ashley SW. Prospective evaluation of early versus delayed laparoscopic cholecystectomy for treatment of acute cholecystitis. Am J Surg, 2000 ; 9 (66) : 896-900. Lai PB, Kwomg KH, Leung KL. Randomized trial of early versus delayed laparoscopic cholecystectomy for acute cholecistitis. Br Surj, 1 998 ; 85 (6) : 764-7. Shikata S, Noguchi Y, Fukui T. Early versus delayed cholecystectomy for acute cholecystitis: a Meta analysis of randomized controlled trials. Surg Today 2005 ; 35 : 553-60. Madan AK, Aliabadi-Whale S, Tesi D, Flint LM, Steinberg SM. How early is early laparoscopic acute treatment of acute cholecystitis ? Am J Surg, 2002 ; 183 : 232-6. 245 VIENT DE PARAÎTRE BACTÉRIOLOGISTE DES HÔPITAUX MILITAIRES De la formation à l'Algérie en guerre ANDRÉ THABAUT Après avoir connu les rizières d'Indochine au sein d'un bataillon d'infanterie, le médecin lieutenant THABAUT entama une carrière de bactériologiste des hôpitaux militaires. Formé en bonne partie au contact de ses homologues civils, notamment à l'Institut Pasteur de Paris, il frit ensuite affecté à deux reprises dans les hôpitaux de l'Algérie en guerre. Parvenu au terme de sa carrière professionnelle, le médecin chef des services THABAUT revient, dans un style à la fois simple et captivant, sur les premières années de son parcours de bactériologiste militaire. Après avoir présenté son cursus de formation, réalisé au contact des grands noms de la bactériologie des années 1950, il nous entraîne en Algérie. Là, prenant souvent les populations civiles en otage, s'opposent indépendantistes du FLN, soldats aux ordres de Paris et partisans inconditionnels de l'Algérie française. ISBN : 9 78-2-296-04266-7 – Pages :120 – Prix 12 € – L'Harmattan Édition – Collection Médecine des conflits armés 57, rue de l'École Polytechnique, 75005 Paris – Tél. : 01 40 46 79 20 FaX : 01 43 25 82 03. VIENT DE PARAÎTRE 100 000 BATTEMENTS PAR JOUR Jean-Pierre OLLIVIER Le coeur bat près de 100 000 fois par jour, soit plus de deux milliards de fois en moyenne au cours d'une vie humaine! Dans ce document passionnant, le professeur Jean-Pierre OLLIVIER fait la somme de nos connaissances sur le coeur. Derrière l'apparente « évidence » du coeur se cache une fantastique machine, un continent encore inconnu pour la plupart des lecteurs. Qui, en dehors des cardiologues, comprend vraiment son fonctionnement? Qui connaît ses besoins et ses limites? Sait-on que la « mort subite » coûte des dizaines de milliers de vies chaque année et que les maladies cardio-vasculaires restent la première cause de mortalité en France et dans les pays « riches » ? Comme le soulignent, dans leur préface, les professeurs CABROL et GANDJBAKIWH, « le grand public est maintenant bien averti des dangers des maladies cardio-vasculaires, mais, devant la complexité de ces menaces et la multiplicité des moyens de les reconnaître et de les traiter, il est demandeur de notions simples et précises tout autant que scientifiquement bien établies. » ISBN : 978-2-35236-018-6/50-3262-8 – Format : 22x14cm – Pages : 214 – Prix : 19,95 € – Éditions Gutenberg – Collection Gutenberg/Sciences – Contact presse : LP Conseil 01 45 62 31 20 – [email protected] ; [email protected] 246 Mise au point INTÉRÊT D’UN NOUVEAU SYSTÈME DE CONTENTION INTERMAXILLAIRE POUR LES TRAUMATISMES FACIAUX EN OPÉRATIONS EXTÉRIEURES Intermaxillary fixation (IMF) Quick-Fix System® G. THIÉRY, O. COULET, E. DEMORTIÈRE, P. BALANDRAUD, G. POULIQUEN, O. LIARD, A. PARANQUE RÉSUMÉ Le Service de santé des armées poursuit sa mission de soutien des forces armées lors des nombreuses opérations extérieures. Pour répondre au principe d’évacuation des blessés de la face, dans des conditions optimales de sécurité, ceux-ci doivent bénéficier d’un blocage intermaxillaire. Les auteurs décrivent un nouveau système de blocage : l’Intermaxillary fixation (IMF) Quick-Fix System ®. Simple, rapide et efficace, il pourrait faire partie de la dotation des formations sanitaires de rôle 2 (antennes chirurgicales, groupements médicaux chirurgicaux). Mots-clés : Armée. Blocage inter-maxillaire. Évacuation sanitaire. Intervention militaire. Traumatisé facial. ABSTRACT INTEREST OF A NEW INTERMAXILLARY FIXATION’S SYSTEM FOR THE FACIAL WOUNDED IN MILITARY OPERATIONS: L’INTERMAXILLARY FIXATION (IMF) QUICK-FIX SYSTEM® The Arm Forces Health Service is pursuing its mission of support during its numerous external operations. In order to respond to the optimal principal of evacuation of the facially wounded, they must benefit from an intermaxillary blocking system. The authors describe a new blocking system: The IMF (Intermaxillary- Fixation) Quick-Fix System®. Simple, fast, and efficient, it could be part of the endowment of all surgical outposts. Keywords: Arm Forces. Facially traumatised. Health evacuation. Intermaxillary blocking system. Military intervention. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 253-255) I. INTRODUCTION. En 2006, dans le cadre des douze Opérations extérieures (OPEX), le Service de santé des armées a été engagé sur dix théâtres d’opération. Les blessures faciales comprennent des plaies et des fractures. Celles-ci s’étendent depuis la fracture simple isolée jusqu’au fracas facial. L’absence de chirurgiens maxillo-faciaux en OPEX suppose l’évacuation de ces blessés sur les formations arrières. Leur mise en condition d’évacuation impose la stabilisation des fractures du squelette facial. C’est le blocage intermaxillaire (1). Celui-ci fait appel aux ligatures d’Ivy, peu stables ou au blocage sur arcs type Dautrey. Ce dernier G. THIÉRY, médecin en chef, praticien certifié. O. COULET, médecin en chef, praticien certifié. E. DEMORTIÈRE, médecin en chef, praticien, professeur agrégé du SSA. P. BALANDRAUD, médecin en chef, praticien certifié. G. POULIQUEN, médecin en chef, praticien certifié. O. LIARD, médecin en chef, praticien certifié. A. PARANQUE, médecin en chef, praticien, professeur agrégé du SSA. Correspondance : G. THIÉRY, service de stomatologie, chirurgie maxillo-faciale et plastique de la face, HIA Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées. médecine et armées, 2008, 36, 3 nécessite une certaine expérience et une certaine durée d’exécution (environ une heure). Nos confrères affectés en antenne (chirurgiens orthopédistes et viscéralistes) n’ont ni ce matériel, ni la pratique d’un tel geste. L’Intermaxillary fixation (IMF) Quick-Fix System® est une technique de blocage, par quatre vis transgingivales. Le but de cet article est de le décrire et de montrer sa pertinence en OPEX. II. DESCRIPTION DU MATÉRIEL (FIG. 1). La boîte stérile comprend : – un bistouri lame 15 ; – un tournevis cruciforme ; – un porte-aiguille à fil d’acier type Mathieu ; – un ciseau fil d’acier type Bebee ; – 2 forets ; – un jeu de quatre vis spécifique à tête percée, de diamètre 2 mm, et de longueurs variables (8 et 11 mm) ; – du fil d’acier décimal 3 et 4 ; – des élastiques. 247 Figure 3. La vis auto-perforante. Figure 1. Les différents instruments dans leur boîte. III. TECHNIQUE DE MISE EN PLACE. En dehors des polytraumatisés, nécessitant une anesthésie générale (intubation naso-trachéale, voire même trachéotomie), ce geste peut être réalisé sous anesthésie locale. L’opérateur est ganté stérilement. La tête du patient est recouverte d’un champ troué. La précision du geste nécessite un bon éclairage. La muqueuse est désinfectée à la Bétadine ® solution pour bain de bouche. Les zones de vissage sont repérées (fig. 2) : au maxillaire, on repère la ligne verticale passant entre l’incisive latérale et la canine, puis à partir de directement en trans-gingival. L’os doit être percé avec un angle d’environ 85° vers le haut pour le maxillaire et de 85° vers le bas pour la mandibule. On s’éloigne ainsi des apex des dents, protégeant les racines. Le perçage ne concerne qu’une seule corticale. Le tournevis préconisé permet un bon maintien de la vis. La profondeur du vissage se fait de telle manière que la tête de la vis reste apparente hors de la muqueuse. Le choix de sa longueur est fonction de l’épaisseur de l’os alvéolaire (en général longueur de 8 mm pour la mandibule et de 11 mm pour le maxillaire). Les quatre vis étant en place, le blocage est assuré par le passage du fil d’acier dans les trous des têtes de vis. Les deux brins libres sont pris dans le porte-aiguille. Tout en les tractant, on tourne le porte-aiguille en sens horaire, réalisant ainsi un toron. Quand le blocage est stable, on coupe les fils à 7 mm de longueur. Les fils peuvent solidariser les vis soit verticalement, soit en oblique, soit les deux (fig. 4). On recherchera si possible à réduire en bon articulé dentaire les fractures, au vu d’un bon engrènement dentaire clinique (fig. 5). Le patient devra Figure 2. Repérage des sites des vis. l’horizontale passant par le collet des dents, on reporte vers le haut une distance égale à la hauteur de la couronne de l’incisive latérale : à la mandibule, même repères, vers le bas. Ce repérage limite le risque de percer les racines. L’anesthésie locale est pratiquée à la xylocaïne® 1 % adrénaline solution injectable, pour diminuer le saignement. L’aiguille vient buter sur l’os du maxillaire pour les vis du haut, et la mandibule pour les vis du bas. L’injection de 1/2 cc est réalisée en retrait. Sans incision de la muqueuse et sans forage osseux préalable, la vis auto-perforante (f ig. 3) est vissée 248 Figure 4. Blocage vertical ou mixte. g. thiéry Figure 5. IMF Quick-Fix System® en place. être muni autour de son cou d’un ciseau coupe fil. Il permettra de couper les fils de blocage rapidement, en cas de vomissement, pour prévenir l’inhalation. Particulièrement, pour les évacuations aériennes qui comportent des contraintes (difficulté de surveillance, exiguïté), l’utilisation des élastiques passés dans la gorge des têtes de vis est préférable. En ouverture buccale forcée, ces élastiques lâchent. Le blocage doit être noté sur la fiche d’évacuation. Lors d’évacuations multiples, le sigle Blocage intermaxillaire (BIM) peut être tracé sur le front du blessé facial. chaque boucle, celle du maxillaire en regard de celle de la mandibule. Leur réalisation d’environ 20 minutes s’effectue sous anesthésie locale. Le deuxième mode de blocage intermaxillaire nécessite des arcs de type Dautrey, un au maxillaire et un à la mandibule. Ces arcs sont fixés par des fils d’acier passés autour de chaque dent. Des crochets sur chaque arc permettent de les solidariser par des fils d’acier. Cette contention est très stable. Mais elle nécessite une anesthésie générale et dure environ 45 minutes. Ces blocages intermaxillaires sont peu coûteux mais exigent une certaine expérience. L’IMF Quick-Fix System® a comme inconvénient son prix élevé (coût de la boîte complète environ 1 600 € HT), par rapport à un blocage par fil d’acier ou arcs de Dautrey. Mais ses avantages sont nombreux : – faible encombrement du matériel, intérêt pour les formations sanitaires de rôle 2 (antennes chirurgicales) et de rôle 2+ (GMC) ; – anesthésie locale suffisante ; – réalisation simple ne nécessitant pas de formation préalable, pour des non spécialistes (3) ; – en situation d’afflux, mise en place rapide, en quinze minutes ; – pose possible même en cas d’édentation ou de perte dentaire traumatique ; – absence de traumatisme gingival par les fils source de douleurs, les fils d’acier étant à distance de la gencive ; – dispositif pouvant être laissé longtemps, dans certains cas jusqu’à la consolidation (quatre à six semaines) ; – retrait sous anesthésie locale. IV. DISCUSSION. Avant l’évacuation stratégique du blessé, toute fracture faciale doit être immobilisée par un blocage intermaxillaire (2). Cette stabilisation permet de diminuer les saignements, la douleur et le risque infectieux. Plusieurs techniques de contention sont possibles. La plus simple est la fronde prenant la mandibule et le crâne. Son maintient est difficile. L’immobilisation est peu efficace. Les ligatures d’Ivy sont des boucles de fil d’acier de décimale 2. Ces boucles sont placées entre les deux prémolaires, soit quatre en tout. Un fil d’acier réunit V. CONCLUSION. La mission première du Service de santé des armées a toujours été le soutien sanitaire des forces armées (4). En OPEX, l’environnement technique et humain limité impose des techniques f iables, simples, rapides et reproductibles. L’IMF Quick-Fix System ®, véritable « fixateur externe en chirurgie maxillo-faciale », répond à ces critères. Ce dispositif devrait donc faire partie de la dotation des antennes chirurgicales du Service de santé des armées. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Deboise A. Techniques en chirurgie oro-maxillo-faciale. Édition Éllipse 1993 ; 96-100. 2. Cantaloube D, Richard L, Payement G. Traumatismes balistiques de la face. Chirurgie d’urgence en situation précaire. Coordonnateur Courbil LJ, Éditions Pradel 1996 ; 357-8. 3. Gibbons A, Baden JM, Monaghan AM, Dhariwal DK, Hodder SC. A drill-free bone screw for intermaxillary fixation in military casualties. J R Army Med Corps 2003 ; 149 (1) : 30-2. 4. Vlaminck J, Darré É, Laurent G. Soutien sanitaire des opérations extérieures : évolutions récentes. Médecine et Armées 2005 ; 33 (1) : 5-12. intérêt d’un nouveau système de contention intermaxillaire pour les traumatismes faciaux en opérations extérieures 249 VIENT DE PARAÎTRE L’ARME NUCLÉAIRE Bruno TERTRAIS Pourquoi l'arme nucléaire semble-t-elle faire un « retour en force » dans les relations-internationales ? À quoi servent ces armes dans le monde d'aujourd'hui ? Le risque de terrorisme nucléaire est-il réel ? À l'heure où l'Iran et la Corée du nord mettent en danger le régime de nonprolifération nucléaire, et au moment où le refroidissement des relations entre les États-Unis et la Russie annoncerait, pour certains, une « nouvelle guerre froide», cet ouvrage décrit et analyse l'ensemble des problématiques associées à l'arme nucléaire. De la conception technique des armes jusqu'aux débats sur ladissuasion nucléaire en passant par la composition des arsenaux, il propose ainsi les clés essentielles pour une lecture géopolitique du nucléaire. L’auteur : Bruno Tertrais est maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et chercheur associé au Centre d'études des relations internationales (CERI). Il est notamment l'auteur de La guerre sans fin (Seuil, 2004), d'un Dictionnaire des enjeux internationaux (Autrement, 2006) et de Iran: la prochaine guerre (Le Cherche Midi, 2007). ISBN : 978 2 13 056497 3 – Format : 11,5 x 17,5 cm – Pages : 128 – Prix : 8 € – PUF collection : que sais-je ? – Contact presse : France Thibault – Tél. : 01 58 10 31 91 – [email protected] – www.quesais-je.com VIENT DE PARAÎTRE CARNETS SAHARIENS Un toubib au Sahara Central 1956-1959 Georges CORNAND Jeune médecin-lieutenant, l'auteur a choisi de servir pendant trois années au Sahara Central, en pleine guerre d'Algérie de 1956 à 1959. Dans ses Carnets Sahariens, il nous relate la chronique de sa vie quotidienne de médecin du Sud, parallèlement aux événements les plus marquants de la guerre d'Algérie et de la politique algérienne de la France. Amené à réaliser l'étude historique, géographique et médicale du Tidikelt occidental, il retrace l'histoire du peuplement de la région et de la présence française au Sahara il décrit avec soin ce « coin de nature hostile où tout incite à l'abandon ». Outre la pathologie courante, confronté aux problèmes d'hygiène, de malnutrition mais surtout d'atteintes infectieuses oculaires, l'auteur expose ses recherches, ses campagnes d'enquêtes et de soins médicaux ou chirurgicaux pour lutter contre ces fléaux sahariens. En outre, il décrit aussi les pratiques coutumières, les superstitions et traditions religieuses lors des principaux événements de la vie, de la naissance à la mort. Le récit est illustré de photographies personnelles représentant scènes, paysages et personnages du Sahara Central de cette époque. ISBN : 978 2 303 00007 9 : Format : 21x15 cm – Pages : 312 – Prix : 23€ – Éditions Thélès – 11 rue Martel 75010 Paris – Tél. : 01 40 20 09 10 – Contact presse : Martine Cartaux : 01 40 20 98 44 – [email protected] – www.thekes.fr 250 Mise au point MALADIE DE VERNEUIL ET CARCINOME ÉPIDERMOÏDE L. MONTAGLIANI, O. MONNEUSE, E. TISSOT RÉSUMÉ ABSTRACT VERNEUIL DISEASE CARCINOMA. La Maladie de Verneuil est une maladie dermatologique, d’expression proctologique et de traitement chirurgical. Cette maladie est dite « orpheline » car mal connue et peu étudiée. Les auteurs font une mise au point de la Maladie de Verneuil et de son association à un carcinome épidermoïde. Cette association constitue une complication rare mais redoutable de cette maladie. Mots-clés : Anus. Cancer. Maladie de Verneuil. Traitement. AND EPIDERMOID The Verneuil disease is a dermatological disease, with a proctological expression and a surgical treatment. This disease is said to be an « orphan disease » for it is not well-known and not much studied. The authors present an updating of the Verneuil disease and of its association with an epidermoid carcinoma. This association is a rare but most dangerous complication of the disease. Keyword: Anus. Cancer. Treatment. Verneuil disease (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 257-262) I. INTRODUCTION. La Maladie de Verneuil ou hidradénite ou hidrosadénite suppurative est une maladie dermatologique, d’expression proctologique et de traitement chirurgical (1). Dans l’évolution de cette maladie, une complication redoutable est la survenue d’un carcinome épidermoïde. Moins de cinquante cas de cancer ont été décrits dans la littérature à ce jour. Après avoir fait le rappel historique, l’épidémiologie et l’étiopathogénie de la Maladie de Verneuil, nous aborderons son diagnostic et son traitement à partir d’une revue de la littérature. Les éléments actuels concernant l’association maladie de Verneuil et cancer seront à chaque fois précisés dans chaque chapitre. II. RAPPEL HISTORIQUE. Le terme « hidrosadénite » vient de « hidros » signifiant sueur ; « adeno » signifiant glande, et « ite » signifiant inflammation. Le terme « suppurée ou suppurative » signifie formation de pus. L. MONTAGLIANI, médecin principal. O. MONNEUSE, praticien hospitalouniversitaire. E. TISSOT, médecin chef des services de réserve. Correspondance : L. MONTAGLIANI, service de chirurgie viscérale, HIA Bégin, 69 avenue de Paris, 94 160 Saint Mandé. médecine et armées, 2008, 36, 3 C’est Velpeau qui le premier en 1839 décrivit un processus inflammatoire particulier comportant des lésions inflammatoires avec des abcès superficiels touchant les régions axillaires, mammaires et péri-anales. C’est à cette date que l’hidrosadénite suppurée est décrite pour la première fois comme une maladie ayant sa propre entité (1-3). Aristide Verneuil de Saint-Martin (1823-1895) en fit en 1854 une affection des glandes sudoripares et lui donna son nom. Par la suite, la Maladie de Verneuil concerna plutôt l’hidrosadénite dans sa localisation périnéo-fessière et inguino-génitale (1). Schiefferdecker, en 1912, en classant les glandes sudoripares en deux groupes : les glandes eccrines et les glandes apocrines, firent de la Maladie de Verneuil une affection des glandes apocrines (2). L’association Maladie de Verneuil, folliculite du cuir chevelu et acné conglobata n’est pas exceptionnelle chez un même individu. C’est ce que démontra Brunsting en 1939 et il catalogua la maladie comme une occlusion folliculaire (1). Ainsi, il fut possible de supposer que l’anomalie primaire à cet ensemble de troubles pouvait être une hyper kératinisation du follicule à laquelle s’associerait un processus infectieux secondaire. Ce que démontrèrent Yu et Cook (1). À partir de ces éléments, on peut déf inir la triade folliculaire qui est l’association d’une Maladie de 251 Verneuil à une folliculite du cuir chevelu et une acné, la tétrade acnéique regroupe en plus le sinus pilonidal. C’est à Anderson et Dockerty que revient en 1958 la première description de la survenue d’un cancer dans l’évolution de la Maladie de Verneuil (4, 5). III. ÉPIDÉMIOLOGIE. La Maladie de Verneuil est une affection rare. Dans une série de 1 255 suppurations opérées, elle n’en représentait que 4,7 %. L’incidence réelle de la maladie est inconnue, certains l’ont estimée à 1/300. En fait, si cette affection fait partie des maladies dites « orphelines » c’est plutôt parce qu’elle est mal connue et peu étudiée. Les deux sexes sont concernés, bien que certains trouvent une prépondérance féminine (4/1) (1). Toutes les régions qui contiennent des glandes apocrines peuvent être touchées, mais c’est surtout les sièges, axillaire et inguino-périnéal, qui sont les plus atteints. Cependant, l’atteinte du siège axillaire concernerait davantage la femme, alors que la région ano-périnéale serait plus touchée chez l’homme. La Maladie de Verneuil, dans les conditions physiologiques normales, s’observe après la puberté lorsqu’il y a élévation de la sécrétion androgénique (1, 3). Le pic d’apparition de la maladie se situe entre 11 ans et 30 ans (3). Mais il existe d’exceptionnelles formes prépubertaires. Ainsi, elle peut survenir dès l’âge de 6 ans mais il est rare de la voir se manifester après 60 ans. Les Africains et les Européens développeraient davantage cette pathologie, l’explication tiendrait au fait que les anthropologues déclarent que ces populations ont la plus haute concentration de glandes sudoripares apocrines et que celles-ci sont plus actives que dans tout autre groupe (5). L’utilisation de cosmétiques tel que des antitranspirants et l’index de masse corporelle ne sont pas des facteurs déterminants, mais, un manque d’hygiène, l’obésité peuvent exacerber la sévérité de l’hidrosadénite suppurée. Quant aux contraceptifs oraux, leur rôle est incertain (1). Cependant, parmi les facteurs favorisant, le lithium (6) et le tabac sont retrouvés. Plus de 70 % des malades atteints seraient dépendants à la nicotine. Une des complications rare et redoutable de la Maladie de Verneuil est la survenue d’un cancer (2, 7-11). L’incidence est estimée de 1,7 % à 3,2 %. Le cancer se développe toujours en région périnéale, cette zone étant souvent négligée ce qui conditionne un délai pour le diagnostic et pour le traitement (5, 10). L’âge moyen de survenue est de 47 ans avec des extrêmes de 28 ans à 67 ans (3). L’homme est touché de façon prépondérante (3/4) (3). Seulement cinq cas ont été décrits chez la femme (5, 12). Il est nécessaire d’avoir une longue période d’évolution de la Maladie de Verneuil pour avoir un cancer, en moyenne 16 ans avec des extrêmes de survenue allant de 3 ans jusqu’à 40 ans après l’apparition d’une hidrosadénite suppurée (3, 4). L’association cancer et triade acnéique a été rapportée dans 30 cas (7). 252 IV. ÉTIOPATHOGÉNIE. L’étiopathogénie reste encore incertaine et relève de multiples facteurs. Deux théories essentiellement s’opposent concernant les causes de l’hidrosadénite suppurée : – la théorie des glandes apocrines selon laquelle les glandes sudoripares apocrines seraient bloquées ou obstruées et s’enflammeraient (1) ; – la théorie de l’occlusion folliculaire selon laquelle les follicules pileux seraient bloqués ou obstrués et s’enflammeraient (1). En fait, la théorie de mise en cause de la glande apocrine a été émise car la localisation des lésions ne s’observait que dans le territoire de ces glandes. Mais la seule maladie connue où il existe une oblitération isolée du canal apocrine est la maladie de Fox Fordyce qui ne se présente pas comme la Maladie de Verneuil (3). Yu et Cook ont montré que l’obstruction existe bien mais qu’elle se trouve en amont au niveau du follicule pileux (1). Cette hypothèse a été confirmée par Attanox et al. qui montrèrent que l’occlusion des follicules par de la kératine était l’étape initiale de la maladie suivie d’une inflammation folliculaire et d’une obstruction secondaire des annexes (1). L’association possible à la Maladie de Dowling-Degos (qui associe des lésions pigmentées des plis à une pathologie folliculaire (acné, comédons)), peut démontrer aussi la nature folliculaire de la Maladie de Verneuil, à moins que ce ne soit une association fortuite (3, 10). Précisons le rôle éventuel des androgènes car la Maladie de Verneuil est une maladie de la post-puberté. Il y a aggravation des lésions lors des règles et du post-partum et une amélioration pendant la grossesse. De plus, la Maladie de Verneuil n’existe pas chez l’eunuque. Il a été montré que les androgènes facilitent la production de kératine. En fait, il est probable que chez les sujets porteurs de Maladie de Verneuil, il existe une sensibilité anormale de la glande apocrine aux androgènes. Mais la relation androgène-Maladie de Verneuil n’est pas éclaircie car le traitement antiandrogénique de la maladie de Verneuil chez la femme n’a des effets que suspensifs et bien inconstants. Sur le plan génétique, Fitzsimons et al. ont émis l’hypothèse d’une transmission autosomique dominante ; Khonig et al. celle d’une hérédité de type polygénique et Van der Werth la possibilité d’une hérédité autosomique dominante associée à une pénétrance variable (ce qui signifie que la maladie n’est pas systématiquement transmise à toutes les générations et qu’il existe d’autres facteurs) et à une éventuelle influence hormonale sur l’expressivité du gène (1). La Maladie de Verneuil est suppurative mais l’infection n’est que secondaire. Il s’agit d’une colonisation bactérienne des glandes et de leur contenu d’où l’incapacité pour les antibiotiques à traiter la Maladie de Verneuil sur le fond. D’ailleurs, seulement 50 % des cultures l. montagliani chez les patients porteurs de la Maladie de Verneuil reviennent positives et l’hypothèse d’un rôle causal de staphylocoque milleri n’a pas été confirmée (1, 3). Il existe un rôle favorisant du tabac, la Maladie de Verneuil est plus fréquente chez le fumeur car la nicotine stimule la sécrétion des glandes exocrines. Il y a une même origine embryologique entre le poil, la glande sébacée et la glande apocrine (fig. 1). Figure 1. Embryologie des éléments cutanés. Ainsi, il est possible d’émettre une théorie uniciste qui permet de regrouper Maladie de Verneuil, acné et folliculite dans une seule affection d’expression différente, l’anomalie initiale se situant au niveau du bourgeon épithélial primaire. La Maladie de Verneuil ne serait qu’une expression particulière et limitée d’une anomalie du bourgeon épithélial primaire (1, 3). En conclusion : – la Maladie de Verneuil n’est pas une maladie infectieuse, elle n’est pas liée à une obstruction du canal excréteur de la glande apocrine, elle n’est pas une variété d’acné, elle est androgéno-dépendante et génétiquement transmissible. Elle ne serait peut-être qu’un mode d’expression d’une anomalie du bourgeon épithélial primaire ; – la dégénérescence sous forme de cancer épidermoïde est liée à un facteur irritatif et non à la Maladie de Verneuil elle-même. Ainsi, l’irritation chronique en est la cause et le type épidermoïde s’explique par la chronicité du processus inflammatoire. V. DIAGNOSTIC. A) TABLEAU CLINIQUE. Au stade initial de la maladie, le diagnostic peut ne pas être évident. La lésion initiale est un nodule dermohypodermique arrondi, dur, peu sensible, mesurant de 5 à 15 mm, plus ou moins inflammatoire, enchâssé dans le derme et mobile sur les plans profonds. Cette lésion peut être unique ou multiple, confluant alors en placard bosselé. Elle peut régresser spontanément, mais le plus souvent elle va fistuliser à la peau laissant s’écouler un liquide séro-purulent. Il est impossible de vider complètement ce nodule induré et violacé (1, 3). Puis, survient la phase d’état et c’est à ce stade que l’on peut dire que la clinique suffit au diagnostic de Maladie maladie de verneuil et carcinome épidermoïde de Verneuil. En effet, cette lésion élémentaire va être l’objet de phénomènes suppuratifs secondaires avec phases de résorption et phases cicatricielles. On aura donc affaire à la coexistence de lésions d’âges différents à caractère récidivant avec formation de cicatrices chéloïdes rétractiles dont l’aspect en patte de crabe est quasi pathognomonique (1, 3). La localisation périnéo-fessière isolée ne se rencontre que dans 20 % des cas. Elle est le plus souvent associée à d’autres localisations. Le siège inguino-scroto-pubien est retrouvé dans 90 % des cas, la région axillaire dans 26 % des cas, la nuque dans 16 % des cas, la région rétroauriculaire dans 6 % des cas, enfin le mamelon dans 4 % des cas (3). C’est pourquoi le constat de lésions typiques, dans des localisations typiques avec une évolution récidivante pose le diagnostic de Maladie de Verneuil. Différents critères ont été retenus pour étayer le diagnostic : ainsi, des abcès récidivants depuis plus de six mois dans des zones de glandes apocrines, survenus après la puberté, ne répondant pas aux antibiotiques, ayant tendance à récidiver, s’associant à un terrain acnéique et/ou folliculaire personnel ou familial avec recrudescence en période prémenstruelle, plaident en faveur de la Maladie de Verneuil (1). L’évolution se fait pendant plusieurs années avec formation de trajets fistuleux restant dans le tissu sous cutané. En absence de traitement curatif, la récidive est la règle, les lésions s’aggravent avec des poussées successives dans un tableau de suppuration périnéale extensive à multiples galeries communiquant entre elles et réalisant un véritable clapier purulent sous cutané, avec une extension progressive de la superficie vers la région rétrosacrée, les creux inguinaux et le scrotum ou la région vulvaire. Il faut cependant noter l’absence de communication avec le canal anal sauf chez les malades déjà opérés où une telle communication est de nature iatrogène. B) EXAMENS COMPLÉMENTAIRES. Aucun examen complémentaire n’apporte d’argument spécifique au diagnostic de Maladie de Verneuil (1). 1. Examen bactériologique. Il n’a pas d’intérêt en pratique quotidienne. De multiples germes ont été retrouvés staphylococcus aureus, staphylococcus épidermidis et streptococcus milleri sont présents dans 50 % des cas (11), sans qu’aucun ne soit spécifique de la maladie (1, 3). Cependant, certains auteurs ont souligné qu’une infection à staphylocoque doré et aux anaérobies étaient des éléments importants pour l’extension de la maladie (6). 2. Examen histologique. Il n’est pas spécifique et doit être confronté au tableau clinique pour étayer le diagnostic. L’appareil apocrine est normal dans 40 % des cas. L’aspect « classique », correspondant à des lésions très précoces, où la glande apocrine est dilatée et prend un aspect pseudo-kystique est de constatation rare. La péri-folliculite aboutissant 253 à l’abcédation et la destruction des structures pilosébacées est la conséquence d’une occlusion folliculaire par de la kératine (1). C) DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL. Il se fait entre le furoncle, l’anthrax et le kyste sébacé qui sont en règle de diagnostic aisé. Mais il est essentiel de distinguer la Maladie de Verneuil avec une fistule anale ou un sinus pilonidal (qui d’ailleurs peuvent coexister). La Maladie de Crohn avec son caractère pluriorificiel extensif et récidivant analogue peut également être confondue. Les autres suppurations chroniques plus rares représentées essentiellement par la tuberculose concluront ce chapitre. D) FORMES CLINIQUES. 1. Formes associées à d’autres maladies cutanées. Formes associées à d’autres maladies cutanées : – Maladie de Verneuil et acné conglobata (association retrouvée dans 70 % des cas dans certaines séries) (1) ; – Maladie de Verneuil et acné conglobata et lésion du cuir chevelu : c’est la triade acnéique. – Maladie de Verneuil et acné conglobata et lésion du cuir chevelu et sinus pilonidal : c’est la tétrade acnéique ; – Maladie de Verneuil et maladie de Dowling Degos qui est exceptionnelle (6). 2. Formes compliquées. Ce sont toutes les lésions extensives et très étendues dont l’impact sur la qualité de vie est évident. Anémie et amylose sont le fait de lésions majeures et négligées. 3. Formes associant la Maladie de Verneuil et cancer (1, 2, 4, 5, 7-10). Décrite pour la première fois en 1958, cette complication survient après une longue évolution de la maladie, en moyenne vingt ans (3 ans à 40 ans). C’est une complication exceptionnelle dont moins de cinquante cas sont actuellement décrits dans la littérature, mais d’une très grande gravité. L’âge moyen de survenue est quarante-sept ans (28 ans à 67 ans) et dans 75 % des cas, l’homme est touché. Cette transformation néoplasique concernerait 3,2 % des patients atteints de Maladie de Verneuil. Le territoire de survenue est le périnée, zone le plus souvent négligée conduisant à un retard de diagnostic. Le type histologique est un carcinome épidermoïde. Notons qu’il n’est pas ici question de dégénérescence apocrine qui réaliserait un adénocarcinome glandulaire. Ainsi, l’irritation chronique qui en est la cause explique le type histologique. Le diagnostic n’est pas facile et doit nécessiter la réalisation de biopsies profondes et répétées. Les carcinomes épidermoïdes qui se produisent sur des ulcères chroniques ou sur une peau inflammatoire sont plus agressifs que s’ils se produisent de novo, ont une croissance rapide et 254 donnent des métastases précoces. Ainsi, une fois que le développement néoplasique a débuté, la lésion grandit de manière très agressive et peut métastaser. La lésion cancéreuse peut se présenter comme une masse plus ou moins ulcérée, une tumeur exophytique. En conclusion, toute apparition de nouvelle lésion cutanée chez un patient ayant une Maladie de Verneuil évoluant depuis de nombreuses années doit faire réaliser impérativement des biopsies répétées et profondes notamment en de multiples sites (ceci étant dû au risque de tumeur multifocale). 4. Formes associant la Maladie de Verneuil à la maladie de Crohn ou à une arthropathie (1). La première description clinique d’une association entre une Maladie de Verneuil et une arthropathie a été faite en 1982 et constitue une Maladie de Verneuil avec des manifestations rhumatologiques. La première description clinique d’une association entre la Maladie de Verneuil et la maladie de Crohn a été faite en 1991, la question se pose d’une prédisposition génétique commune. En tout cas, il n’y a pas de différences dans l’évolution de la Maladie de Verneuil qu’elle soit ou non associée à une maladie de Crohn. VI. TRAITEMENT. Seul l’exérèse totale des lésions permet de guérir le patient. Cependant, l’apparition de nouvelles localisations en périphérie est toujours possible. Ainsi, seul le traitement chirurgical est efficace. A) MOYENS MÉDICAUX (1). Les moyens médicaux : – le tabac étant un facteur favorisant comme nous l’avons vu, il est donc logique de proposer son arrêt ; – les antibiotiques : ils permettent de lutter contre une éventuelle surinfection et ils avaient été proposés pour éradiquer un éventuel germe responsable. Seulement, la surinfection des lésions est peu fréquente (moins de 50 %) et il n’a pas été trouvé de germe spécifique. Un essai clinique aurait montré l’eff icacité de la clindamycine en application locale mais pour la plupart des équipes les antibiotiques n’ont aucun effet sur l’évolution à long terme ; – les dérivés de l’acide rétinoïque : dans la Maladie de Verneuil, il n’y a pas d’hyperséborrhée contrairement à la situation rencontrée dans l’acné. C’est pourquoi, les dérivés de la vitamine A n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. De plus ces substances occasionnent une morbidité avec un risque tératogène élevé ce qui freine leur utilisation ; – le traitement hormonal : dans la Maladie de Verneuil, on constate une hyperandrogénie. En fait, les antiandrogènes qui ne sont utilisables que chez la femme ne donnent qu’un résultat modeste. – les immunosuppresseurs : il y a peu d’étude dans la littérature, mais ils n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. En 1989, Harley a proposé un traitement standardisé de l’hidrosadénite suppurée avec un staging clinic l. montagliani préliminaire de la maladie indispensable au traitement. En cas de stade 1 (abcès simples sans fistule), il propose un traitement antibiotique local et systémique associé à des corticoïdes locaux et systémiques en addition avec l’isotretinoïde en systémique (4). Ainsi, le traitement médical est très limité et peut être utile dans les formes vues au tout début (utilisation d’antibiotiques plus pour stopper une poussée que pour guérir une suppuration). B) MOYENS CHIRURGICAUX. Devant une évolution chronique avec poussée inflammatoire, une tendance extensive des lésions, l’inconfort secondaire de la douleur, le suintement, l’odeur, le préjudice esthétique, on comprend que le patient demande un traitement efficace. Le traitement chirurgical assure la guérison de la maladie en prenant soin d’éviter une immobilisation ainsi que des séquelles locales trop importantes. Il faut donc proposer un geste garantissant un taux de récidive bas avec une durée de cicatrisation raisonnable au résultat fonctionnel et esthétique acceptable. 1. Simple drainage. Il est ineff icace car il y a récidive dans le même territoire de façon inéluctable. 2. Excision. L’excision incomplète ne donne qu’un répit fugace au malade. L’ablation complète des tissus malades nécessite parfois un sacrif ice cutané important, quelquefois impressionnant. Il sera alors nécessaire de segmenter les temps opératoires en cas de lésions trop étendues. Après l’exérèse, la plaie est laissée ouverte avec des soins locaux à effectuer. La cicatrisation dirigée est obtenue en six à dix-sept semaines en moyenne avec des extrêmes pouvant aller jusqu’à un an (1). Éventuellement, il est possible de recouvrir la plaie par des gestes de chirurgie plastique comprenant la réalisation de greffe de peau ou de lambeaux (qui peuvent être rendu difficile de part le siège de la lésion). Ce traitement donne un bon résultat dans plus de 95 % des cas pour le territoire traité mais la récidive est toujours possible dans une autre région. D’autres équipes ont proposé un geste plus limité au plus près de la lésion associée à l’utilisation de laser co2 (dans deux séries, il y aurait moins de 4 % de récidive à 2 ans) (1). Pour d’autres, il faut réaliser une excision large et profonde des lésions après injection de bleu de méthylène, pour repérer d’éventuelles fusées, en laissant une marge de sécurité d’un centimètre (cette technique donnerait un taux de récidive inférieur à 4 % à cinq ans dans deux grandes séries) (1). Le risque de récidive est plus important après un geste limité qu’après un geste large. maladie de verneuil et carcinome épidermoïde Devant le caractère récidivant de la pathologie, il y a souvent des interventions chirurgicales itératives occasionnant un handicap certain pour le patient. Le risque de récidive est bas pour les localisations péri-anales et élevé pour les localisations inguinogénitales ou mammaires. La colostomie de protection est le plus souvent inutile (la communication au niveau du canal anal ou du rectum étant toujours iatrogène chez un malade multi-opéré), mais pour des tumeurs s’étendant au canal anal, la protectomie est bien sûr nécessaire (2, 5, 10). Dans tous les cas, l’examen histologique des lésions enlevées est bien sûr indispensable pour ne pas méconnaître une dégénérescence maligne. 3. En cas de transformation maligne. Cela signe une longue évolution de la Maladie de Verneuil. Cette transformation maligne aurait dû être prévenue par une excision large des lésions avec à chaque fois des biopsies multiples, étendues à des sites différents car la tumeur est multifocale. Au stade de cancer, le geste va de l’excision locale à la résection abdomino-périnéale (2). À ce stade, la survie est de 1/3 sans récurrence à un an. En cas de récurrence, la moitié des patients meurt avec des métastases (2, 5). En tout cas, même dans les cas avancés, la chirurgie est à réaliser en respectant une bonne marge de résection et en pensant à bien orienter la pièce pour une éventuelle reprise. C) ALTERNATIVES THÉRAPEUTIQUES EN CAS DE CANCER (10). Elles ne sont que palliatives. La radiothérapie en complément de la chirurgie a été proposée. Mais utilisée seule, elle est inefficace car le volume est bien souvent trop gros et la lésion trop étendue. La chimiothérapie occasionne une grosse morbidité avec une relative chimiorésistance des lésions. L’association radio-chimiothérapie exclusive (palliatif) a été proposée à des patients refusant toute intervention car jugée trop délabrante. Cette association occasionne une survie très précaire. VII. CONCLUSION. La Maladie de Verneuil est une maladie dite orpheline car mal connue, souvent non diagnostiquée, avec peu de publications dans la littérature. Pourtant c’est une maladie très invalidante, pouvant entraîner un handicap réel pour le patient : chirurgie itérative habituellement nécessaire, avec un impact social et familial chez des patients souvent dépressifs. L’évolution possible de la Maladie de Verneuil vers un cancer au pronostic désastreux en fait une pathologie redoutable. 255 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Soudan D, Puy-Montbrun T, Pigot F. Dossier thématique: la Maladie de Verneuil. Le courrier de colo-proctologie. Mars 2001; 2 : 3-19. 2. Perez-Diaz D, Calvo-Serrano M, Martinez-Hijosa E, FuenmayorValera L, Munoz-Jimenez F, Turegano-Fuentes F et al. Squamous cell carcinoma complicating perianal hidradenitis suppurativa. Int J Colorectal Dis 1995 ; 10 : 225-8. 3. Puy-Montbrun T, Ganansia R, Denis J. Maladie de Verneuil périanale. Masson. Proctologie Pratique. 4e édition : 80-4. 4. Altunay IK, Gokdemir G, Kurt A, Kayaoglu S. Hidradenitis suppurativa and squamous cell carcinoma. Dermatol Surg 2002 ; 28 : 88-90. 5. Mendonca H, Rebelo C, Fernandes A, Lino A, Garcia e Silva L. Squamous cell carcinoma arising in hidradenitis suppurativa. J Dermatol Surg Oncol 1991 ; 17 : 830-2. 6. Li M, Hunt MJ, Commens CA. Hidradenitis suppurativa, Dowling Degos disease and perianal squamous cell carcinoma. Australas J Dermatol 1997 ; 38 (4) : 209-11. 7. Dufresne RG Jr, Ratz JL, Bergfeld WF, Roenigk RK. Squamous 8. 9. 10. 11. 12. cell carcinoma arising from the follicular occlusion triad. J Am Acad Dermatol 1996 ; 35 : 475-7. Gur E, Neligan PC, Shafir R, Reznick R, Cohen M, Shpitzer T. Squamous cell carcinoma in perineal inflammatory disease. Ann Plast Surg 1997 ; 38 (6) : 653-7. Malaguarnera M, Pontillo T, Pistone G, Succi L. Squamous-cell cancer in Verneuil’s disease (hidradenitis suppurativa). Lancet 1996 Nov 23 ; 348 (9039) : 1449. Shukla VK, Hughes LE. A case of squamous cell carcinoma complicating hidradenitis suppurativa. Eur j Surg Oncol 1995 feb ; 21 (1) : 106-9. Talmant JC, Bruant-Rodier C, Nunziata AC, Rodier JF, Wilk A. Dégénérescence de Maladie de Verneuil en carcinome épidermoïde : à propos de deux cas et revue de la littérature. Annales de chirurgie plastique esthétique 51 (2006) : 82-6. Manolitsas T, Biankin S, Jaworski R, Wain G. Vulval squamous cell carcinoma arising in chronic hidradenitis suppurativa. Gynecol Oncol 1999 ; 75 : 285-8. VIENT DE PARAÎTRE ASSOCIATION DES AMIS DU MUSÉE DU SERVICE DE SANTÉ AU VAL-DE-GRÂCE Prix d'histoire de la Médecine aux armées PRIX 2008 Un prix du meilleur travail portant sur l'histoire du Service de santé - d'un montant de 800 € sera décerné en 2008. Il est ouvert à tous, civils et militaires (membres du conseil d'administration de l'Association exclus). Il récompensera un travail consacré à l'histoire du Service de santé des armées, dans toutes ses composantes (personnels, médecine pharmacie, art vétérinaire, administration, logistique etc.) Le concours reste exclusivement réservé aux travaux écrits, thèses, mémoires, romans, essais, etc… publiés au cours des années 2007 et 2008. La lettre de demande de participation et les travaux, en quatre exemplaires devront être adressés avant le 15 décembre 2008 à : M. le MGI (2s) Bazot, président de l'Association des Amis du musée du Service de santé au Val-de-Grâce Prix d'histoire de la Médecine aux armées 1, place Alphonse Laveran, 75005 Paris 256 l. montagliani Mise au point ATLAS DE GÉNÉTIQUE ET DE CYTOGÉNÉTIQUE ONCOLOGIQUE SUR INTERNET F. DÉSANGLES, Ph. CAMPARO, É. NICAND, J.-L. HURET RÉSUMÉ « Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and Haematology » est un site scientifique expertisé sur Internet : http ://AtlasGeneticsOncology. org. Il est devenu en moins de dix ans un ouvrage de référence en génétique oncologique. Environ 3 000 machines s’y connectent quotidiennement. Le concept est original : une équipe rédactionnelle réduite organise et met en ligne un travail collectif ; à ce jour environ 500 scientifiques du monde entier ont participé à sa rédaction. L’Atlas remplit plusieurs fonctions. C’est d’abord une base de données qui comporte des informations scientifiques : répertoires d’oncogènes, d’anomalies chromosomiques ; mais aussi cliniques : descriptions de pathologies avec des rubriques de diagnostics et de pronostics. On y trouve également des monographies originales, des descriptions de « cas clinique » de pathologies rares, un portail intégré ouvre le site vers les informations de génétique et d’oncologie consultables sur Internet. La dernière partie est didactique avec des items d’enseignement pour les universitaires. L’Atlas est donc une encyclopédie collaborative d’onco-génétique d’accès libre qui propose une présentation expertisée et hiérarchisée des données accompagnées d’une iconographie intégrée au texte. C’est un outil de télémédecine, qui aide, par ses métaanalyses médicales, à la décision thérapeutique. Mots-clés : Base de données. Chromosomes humains. Gènes. Internet. Oncologie. I. INTRODUCTION. Le cancer est la seconde cause de mortalité en France (27 % des décès) et la première cause de mortalité prématurée avec plus de 35 % des décès avant 65 ans, on observe une augmentation de + 63 % des cas recensés en 20 ans (1-3) ; son traitement est un enjeu majeur de santé publique. À l’origine de ces maladies, des anomalies génétiques acquises perturbent le métabolisme cellulaire. Près de 300 oncogènes ont déjà été décrits mais essentiellement dans les hémopathies malignes qui ne représentent que 10 % des cancers (4) F. DÉSANGLES, ingénieur. Ph. CAMPARO, médecin en chef. É. NICAND, médecin en chef. J.-L. HURET, MCU-PH. Correspondance : F. DÉSANGLES, laboratoire de biologie, HIA du Val-de-Grâce, BP 1, 00446 Armées. médecine et armées, 2008, 36, 3 ABSTRACT ATLAS OF GENETICS AND CYTOGENETICS IN ONCOLOGY ON INTERNET. « Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and Haematology » is a appraised scientific web database: http ://AtlasGeneticsOncology. org. In last ten years it had became a reference work in oncological genetics. Approximately 3 000 computers are connected to it daily. Its concept is original: a limited editorial team organizes and puts on line a collaborative enterprise ; in the present day, nearly 500 scientists of the whole world have contributed to it. Atlas fulfills several functions, its main part is a scientific database about genetics in leukemia and solid tumors with diagnosis and prognostics items. It is a tool for telemedicine, whose helps therapeutic decision-making. It also includes several sections: “deep insights” with classical review articles, “case reports”, and a portal towards genetic and oncology web sites. Finally, there are educational headings for university students. The Atlas is thus an illustrated collaborative encyclopedia on onco-genetics on free access, which proposes a peer-reviewed, and hierarchical presentation data. Keyswords: Data base. Genes. Human chromosomes. Internet. Oncology. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 263-266) ce qui laisse le champ d’investigation encore largement ouvert. Le pronostic de ces maladies et certains traitements dépendent des gènes touchés et des anomalies chromosomiques que l’on peut alors observer (5). Les marqueurs cytogénétiques renseignent également sur le caractère induit par des agents tératogènes de certaines hémopathies malignes (6). Répertorier les progrès incessants des connaissances en ce domaine, interpréter et hiérarchiser les informations issues de dizaines de revues médicales et scientifiques, constitue une gageur pour les généticiens et les oncologues. Ce patrimoine de connaissances doit être mis au service de tous les praticiens par ceux qui détiennent des informations spécif iques dans leur domaine de recherche. La maîtrise d’un tel volume d’informations nécessite un travail qui n’est envisageable que par les 257 outils informatiques du Web. « Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and Haematology » (7, 8) est un effort collectif des scientif iques experts, coordonné par une équipe responsable qui a pu permettre la création et la pérennité depuis dix ans d’une encyclopédie évolutive, interactive et gratuite, disponible en ligne sur Internet. II. PRÉSENTATION DE L’ATLAS. A) QU’EST CE QUE L’ATLAS ? L’Atlas de génétique et de cytogénétique en oncologie et en hématologie est un site scientif ique expertisé sur Internet http ://AtlasGeneticsOncology. org Il est organisé selon cinq chapitres : une base de données ; une collection de monographies originales ; un espace réservé à la description de cas cliniques ; un portail web ouvrant sur la génétique oncologique et une série d’articles didactiques. Le choix éditorial de l’Atlas est original, sa formule hybride allie, l’expertise des articles dit de « revue générale » des journaux scientifiques, à la lisibilité et à la gratuité des grandes bases de données proposées en ligne sur Internet. Cette présentation s’est avérée très pertinente. La fréquence des consultations de ce site en est la preuve. L’Atlas est donc une encyclopédie qui propose une présentation critique et hiérarchisée des données accompagnées d’une iconographie intégrée au texte. Par son portail, l’ouvrage est ouvert sur toutes les informations de génétique oncologique consultables sur Internet. B) ORGANISATION RÉDACTIONNELLE DE L’ATLAS. L’équipe éditoriale est réduite, elle comprend un rédacteur en chef et un bio-informaticien à temps partiels, ainsi qu’un rédacteur à temps plein. Il lui est associé un comité éditorial qui regroupe près de 40 personnes : 28 chercheurs européens, dont 7 Français, 7 nord-Américains et 1 Chinois. Le rédacteur en chef tient à jour la liste des fiches de la base de données qui sont à rédiger ou à actualiser, ainsi que le répertoire des auteurs pressentis. Les membres du comité de rédaction le soutiennent dans cette tâche, ils sont chacun en charge d’une section particulière, en rapport avec leur thème de recherche personnel. À ce jour, plus de 500 auteurs ont proposé leurs contributions individuelles qui représentent à la fois la spécificité et le cœur de l’Atlas. Leurs interventions peuvent être suscitées mais aussi spontanées, la page d’ouverture du site fait une large place à l’appel à contribution (f ig. 1). Comme les membres du comité éditorial, l’implication des auteurs se fait à titre entièrement bénévole. Ils restent ainsi dans l’esprit libertaire et désintéressé des échanges scientif iques via Internet et retrouvent la tradition encyclopédiste d’une information scientifique de haut niveau classée, commentée et illustrée dans une forme accessible à tous. 258 Figure 1. Page d’accueil de l’Atlas sur le site http ://Atlas GeneticsOncology. org Une caution scientif ique est apportée par diverses sociétés savantes de génétique et d’oncologie et des associations de chercheurs français. Les institutions publiques soutiennent également cette initiative indépendante : le ministère des Affaires Sociales, le ministère de la Recherche, la Ligue contre le Cancer, le district de Poitiers, le département de la Vienne, l’université de Poitiers. Le Service de santé des armées a inscrit l’Atlas comme « Projet de Recherche Clinique » pour le laboratoire de génétique oncologique du Val-de-Grâce 2001-2002. Le Cancéropôle grand Ouest (Institut national du Cancer) a retenu l’Atlas comme projet de recherche 2006-2007. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) héberge l’Atlas est actuellement hébergé sur Internet via le site d’information scientifique et technique (INIST) en ligne. III. SITE EN LIGNE. L’Atlas est devenu en dix ans un site Internet scientifique important, une impression papier ferait environ 12 000 pages. A) LE SITE S’ORGANISE EN CINQ CHAPITRES. 1. « Data base ». Une banque de données consultable à partir de rubriques portant sur les gènes, les anomalies chromosomiques, les hémopathies, les tumeurs solides, et pathologies congénitales prédisposant au cancer. Le plan des fiches est imposé afin de procurer une certaine homogénéité à l’ensemble malgré la diversité des auteurs et la quantité d’informations très variable selon les sujets. Par exemple, une f iche décrivant une pathologie de type « tumeur solide » (f ig. 2) doit contenir les paragraphes suivants : f. désangles 4. « Educational Items ». Des articles didactiques s’adressant aux non-spécialistes ou aux étudiants en génétique de 2 e et 3 e cycles universitaires. Ils peuvent servir de base de cours pour les enseignants. Ils sont proposés en cinq langues dans des versions révisées par des scientifiques européens. Figure 2. Exemple de fiche de la base de données, section « tumeur solide ». Partie supérieure de la fiche « Hereditary multiple exostose ». – 1 : identité ; – 2 : classification ; – 3 : clinique et pathologie ; – 4 : anatomophathologie ; – 5 : génétique ; – 6 : cytogénétique ; – 7 : gènes impliqués et protéines ; – 8 : liens vers les autres bases de données consultables sur Internet ; – 9 : bibliographie où chaque référence est présentée avec son index PubMed. Chaque fiche est signée, datée, les lecteurs sont invités à proposer leurs remarques critiques au rédacteur en chef dont l’adresse e-mail est présentée sous forme de lien en bas de chaque f iche. Ces informations sont collectées en vue d’une révision ou d’une refonte totale de la fiche qui sera proposée en priorité au rédacteur de la première version. La puissance de l’Atlas réside dans le réseau de liens, aussi bien internes qu’externes, que la conception de la base de données a permis. L’association de cette structure à un système très ouvert de suggestions et de collaborations permet d’assurer les caractères évolutifs et interactifs de cet ouvrage. 2. « Portal ». Un portail Internet d’environ 275 liens qui donnent accès à toute l’information disponible en génétique et en oncologie via les sites de bibliographie, de données générales mais aussi de cartographie du génome humain, (séquences d’acides nucléiques, séquences de protéines, répertoires des mutations pathologiques) et de génétique comparative. Les adresses en ligne des revues spécialisées et des sociétés scientifiques sont également colligées. 3. « Deep Insights ». Des monographies originales rédigées par des spécialistes reconnus experts dans leur domaine et qui portent sur des thèmes ayant fait l’objet récemment de débats ou d’avancée particulière. atlas de génétique et de cytogénétique oncologique sur internet 5. « Case report ». Une rubrique où les cliniciens oncologiques et cyto-généticiens peuvent présenter les cas remarquables auxquels ils ont été confrontés. Ce type de publications est négligé par la presse médicale scientifique, au profit de grandes séries homogènes ou de recherches plus fondamentales. Pour les pathologies liées à des anomalies cytogénétiques rares, la description de la maladie est considérée comme dépassée au profit de la recherche du gène. Il est pourtant utile de savoir à quelle entité clinique peut être associée une anomalie chromosomique et quelle valeur pronostique il est possible de lui prêter. La somme de ces cas isolés doit permettre la description d’entités rares, l’Atlas participe ainsi à l’épidémiologie des cancers. B) FONCTIONS. L’Atlas est un outil de connaissances pour l’enseignement, la recherche médicale clinique mais aussi scientif ique. Il contribue à l’enseignement post-universitaire interactif, en participant notamment à l’université médicale virtuelle francophone et à la formation permanente. C’est un outil d’enseignement universitaire par ses items didactiques. Il a également un rôle de « télémédecine » grâce à l’aide qu’il apporte à la décision thérapeutique par ses rubriques dédiées à l’aspect clinique des pathologies tumorales. Sa banque de données est en effet la seule en génétique à proposer des indications cliniques, en particulier pronostiques, même pour des entités très rares. Il contribue à l’émergence de la « méta-médecine », médiation de plus en plus nécessaire entre d’une part, les informations scientif iques toujours plus nombreuses et d’autre part, les connaissances plus synthétiques et plus pratiques, indispensables aux décisions thérapeutiques des praticiens. Il est partie-prenante du « Genome Project » en décrivant les pathologies chromosomiques acquises et les oncogènes. Par ses revues consacrées à une pathologie ou les « cas cliniques » qu’il rapporte, il participe aux recherches en épidémiologie des cancers. La bio-informatique a également un rôle à jouer dans le développement des thérapies spécifiquement ciblées sur un oncogène, en permettant des liens entre des bases de données cliniques et de recherches fondamentales. C) IMPACT. L’Atlas est aujourd’hui universellement reconnu. Il a le soutien de la Société française du Cancer, de la 259 Société française d’Hématologie et des Sociétés françaises de Génétique et de Génétique Humaine, mais il est également référencé par l’OMS, le « National Cancer Institute USA », le « Human Genome Project », les sites des universités et des hôpitaux universitaires du monde entier dont plus de 50 aux USA, les grandes sociétés savantes à travers le monde. Il est indexé par les Current Contents, c’est-à-dire considéré comme une revue scientifique de niveau international et à ce titre ses articles sont cités en référence dans les journaux les plus prestigieux comme PNAS, Blood, Genetics Chromosome and Cancer, etc. qui lui ont même consacré des articles ou des éditoriaux (9). L’Atlas est devenu l’un des sites Internet dédiés à la génomique les plus visités avec chaque jour plus de 3 000 ordinateurs individuels connectés dont 90 % de l’étranger. Ses lecteurs sont des praticiens hospitaliers, des chercheurs, des enseignants, mais aussi des médecins exerçant hors de l’hôpital, ainsi que le vaste public des étudiants. Son « Web impact factor » est supérieur à celui des sites les plus comparables. IV. CONCLUSION. L’Atlas est un outil de convivialité, d’interdisciplinarité. Il est rédigé dans un souci de coopération et d’altruisme par des collaborateurs bénévoles qui utilisent les technologies de pointe dans le domaine de l’information et de la communication. C’est une invention française qui a su trouver une audience internationale au milieu des grandes bases de données américaines et que le SSA a choisi de soutenir. Les praticiens militaires quelles que soient leurs conditions de pratique peuvent bénéficier de cette source de documents présentés de façon très conviviale mais aussi contribuer à l’ouvrage par des textes ou de l’iconographie. L’appel à coopération reste une priorité pour l’Atlas car malgré un important volume d’informations traitées, l’ensemble reste incomplet. Le but est de mettre en ligne un ouvrage qui serait un panorama exhaustif de la génétique oncologique, et qui disposerait d’une structure pouvant répondre efficacement à la rapide évolution de cette discipline. L’ambition est de faire de l’Atlas un ouvrage de référence, l’Encyclopédie de la génétique du cancer, disponible gratuitement, fiable, complète, évolutive. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Institut national du Cancer : http://e-cancer.fr 2. Jemal A, Murray T, Ward E, Samuels A, Tiwari RC, Ghafoor A et al. Cancer statistics, 2005. CA. Cancer J Clin 2005 ; 55 : 259. 3. Remontet L, Esteve J, Bouvier AM, Grosclaude P, Launoy G, Menegoz F et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1978-2000. Rev Epidemiol Sante Publique 2003 ; 51 : 3-33. 4. Futreal PA, Coin L, Marshall M, Down T, Hubbard T, Wooster R et al. A Census of Human cancer Gennes. Nature Reviews Cancer 2004 ; 4 : 177-83. 5. Jaffe ES, Harris NL, Stein H, Vardiman JW. WHO classification of Tumours. Pathology and Genetics of Tumours of 260 Haematopoietic and Lymphoid Tissues ; Lyon: IARC Press 2001. 6. Pedersen-Bjergaard J and Philip P. Two different classes of therapy-related and de-novo acute myeloid leukemia ? Cancer Genet Cytogenet 1991 ; 55 : 119-24. 7. Huret JL, Dessen P, Bernheim A. Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and Haematology, year 2003. Nucleic Acids Res 2003 ; 31 : 272-4. 8. Huret JL, Senon S, Bernheim A, Dessen P. An Atlas on genes and chromosomes in oncology and haematology. Cell Mol Biol 2004 ; 50 (7) : 805-7. 9. Kaiser J. Fingerprinting a killer. Science 2001 ; 292 : 1803. f. désangles Mise au point MISE AU POINT SUR LES GANGRÈNES PÉRINÉO-SCROTALES. À propos d’une série de 72 cas A. ACHOUR, M.T. TAJDINE, A. ALAHYANE, M. MOUJAHID, M. DAALI RÉSUMÉ Les auteurs rapportent leur expérience portant sur 72 cas de gangrène périnéo-scrotale pris en charge entre 1989 et 2004 par le service de chirurgie générale de l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech. L’âge moyen des patients était de 40 ans (extrêmes 30 à 76 ans). L’âge, les consultations tardives, l’étendue des lésions et la présence d’une maladie générale (diabète, cirrhose…) constituaient des facteurs de mauvais pronostic. La durée moyenne d’hospitalisation était de 27 jours. La colostomie bien que non systématique a semblé diminuer la durée de cicatrisation. L’oxygénothérapie est indiquée dans la majorité des cas. Le « vacuum-assisted closure » ou VAC est un nouveau procédé de désinfection et par conséquent de cicatrisation dont les premiers résultats sont encourageants. Le pronostic est moins grave qu’il y a quelques années grâce aux progrès de prise en charge. La mortalité est de 17 % dans cette série. Mots-clés : Gangrène. Périnée. Traitement. ABSTRACT SYNTHESIS ON THE PERINEA’S GANGRENES. ABOUT A SET OF 72 CASES. The authors report their experience carrying on 72 cases of perinea's gangrene took in charge between 1989 and 2004 by the service of general surgery of the hospital military Avicenne of Marrakech. The middle age of the patients was of 40 years (extreme 30 to 76 years). age, the belated consultations, the extent of the lesions and the presence of a general illness (diabetes, cirrhosis…) constituted factors of bad prognosis. The middle length of hospitalization was of 27 days. The colostomy although non systematic seemed to decrease the length of skinning. The oxygenotherapy is indicated in the majority of the cases. The" vacuum-assisted closure" or VAC is a new process of decontamination and therefore of skinning whose first results are encouraging. The prognosis is less serious than a few years ago thanks to the progress of hold in charge. Mortality is of 17 % in this set. Keywords: Gangrene. Perineum. Treatment. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 261-264) I. INTRODUCTION. II. PATIENTS ET MÉTHODES. La gangrène périnéo-scrotale est une infection bactérienne aiguë le plus souvent poly microbienne à point de départ périnéal et à extension nécrotique loco-régionale rapide voire foudroyante vers les tissus cellulo-graisseux, cutanés, aponévrotiques et musculaires. Elle peut atteindre les fosses ischiorectales, le périnée antérieur, les organes génitaux, la paroi abdominale et les plis inguinaux. Les facteurs de risque et la physiopathologie sont actuellement assez bien connus. Les progrès diagnostiques et thérapeutiques réalisés ont largement amélioré la morbidité et la mortalité. L’affection reste de pronostic relativement grave. La mortalité est estimée entre 24,7 % et 45 % selon les séries (1, 2). Notre série comporte 72 cas de gangrène périnéo-scrotale colligés sur 16 ans, de 1989 à 2004 par le service de chirurgie générale de l’Hôpital militaire Avicenne de Marrakech. Tous les patients étaient de sexe masculin. L’âge moyen était de 40 ans avec des extrêmes de 30 à 76 ans. À l’admission, tous les patients présentaient un syndrome infectieux plus ou moins prononcé associé à une douleur pelvienne (tab. I). Le délai de consultation était de 3 à 20 jours. Ce délai était supérieur à 10 jours dans 34 cas, entre 5 et 10 jours dans 13 cas et moins de 5 jours Tableau I. Symptomatologie clinique. Symptomatologie Pourcentage (%) Douleur atroce 100 Syndrome infectieux A. ACHOUR, médecin commandant. T. TAJDINE, médecin commandant. A. ALAHYANE, médecin capitaine. M. MOUJAHID, médecin capitaine. M. DAALI, médecin commandant, professeur agrégé en chirurgie viscérale. Correspondance : A. ACHOUR, Service de chirurgie générale, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat Hay Riad, MAROC. médecine et armées, 2008, 36, 3 Fièvre à plus de 39 °C Sepsis Sepsis sévère Troubles de conscienc 85 50 33 23.3 261 dans 25 cas. L’interrogatoire a montré que la majorité des patients présentaient des maladies générales sous-jacentes entraînant un état d’immunodépression ou d’insuffisance artérielle (tab. II). Le diabète, pathologie le plus fréquemment associée est retrouvé dans 26 cas. Une insuffisance rénale, une artérite ou une cirrhose ont Tableau II. Facteurs de risque. Facteur de risque Nombre de cas Diabète +++ 26 Insuffisance rénale 3 Cirrhose 2 Artérite 4 Cortcothérapie 3 été également notées. Les gangrènes périnéales ou périnéo-scrotales étaient cliniquement plus ou moins étendues. Un œdème, des plaques inflammatoires, de la nécrose cutanée, la présence de pus, ou une crépitation neigeuse étaient retrouvés. L’étendue des lésions est résumée dans le tableau III. Sur le plan bactériologique, l’infection était le plus souvent poly microbienne isolant l’Echerichia Coli dans 33,4 %, le streptocoque dans 20 % et le protéus dans 28 % des cas. La culture était stérile chez dix patients ce qui n’éliminait pas chez eux une infection à anaérobies dont la mise en évidence s’avère parfois difficile. Le traitement repose sur la collaboration entre chirurgiens, réanimateurs et endocrinologues. La réanimation initiale reposait sur : une antibiothérapie à large spectre en premier lieu empirique puis dirigée, une réhydratation, une transfusion dans trois cas, une insulinothérapie pour les patients diabétiques et une héparinothérapie prophylactique. Un drainage urinaire était réalisé chez tous nos patients par sonde à demeure dans 52 cas et cystocathéter dans 20 cas. Le traitement chirurgical a nécessité une intervention en urgence, réalisée sous anesthésie générale. Il s’agissait d’incisions de décharge larges et agressives, de parages et débridements plus ou moins étendus excisant tous les tissus nécrotiques, parfois si nécessaire en deux temps, Tableau III. Étendue des lésions. Étendue des lésions Nombres Pourcentage Scrotum 72 100 Pénis 36 50 Fosses iliaques 28 38,8 Pubis 18 25 Flancs 16 22,2 Fosses ischio-rectales 26 36 Fesses 12 16,6 262 avec reprise chirurgicale au bloc opératoire 2 à 3 jours après la première intervention pour complément de parage en cas d’extension des lésions. Une orchidectomie a été réalisée unilatérale dans cinq cas, bilatérale dans un cas. Une colostomie de décharge s’est avérée nécessaire chez 42 patients et le plus souvent réalisée au niveau du colon sigmoïde. Dans 20 cas, des pansements et des débridements itératifs au bloc ont été renouvelés jusqu’à amélioration de l’état local. La prise en charge pendant l’hospitalisation a été assurée par le médecin réanimateur, l’endocrinologue et le cardiologue. Une collaboration entre urologue et chirurgien viscéral a été utile dans certains cas. L’oxygénothérapie hyperbare a été réalisée chez 30 patients à raison de 2 à 3 atmosphères pendant deux heures répétée en plusieurs séances si nécessaire. Le traitement secondaire de réparation s’est basé sur un enfouissement secondaire des testicules à la face interne des cuisses dans 19 cas, une suture secondaire après décollement des berges dans 28 cas ; une greffe cutanée ou lambeau dans 11 cas et le rétablissement de continuité pour les patients ayant eu une stomie, trois mois plus tard. Une fistulectomie a été réalisée chez les patients ayant gardé une fistule anale et une prise en charge urologique en présence d’une sténose urétrale. III. RÉSULTATS. La gangrène périnéo-scrotale constitue 0,5 % des hospitalisations du service. La mortalité est de 13,8 % c’est-à-dire dix patients. Les décès sont dus aux complications de la toxi-infection et/ou à une décompensation d’une maladie générale d’équilibre précaire. La durée d’hospitalisation est de 10 à 60 jours avec une moyenne de 27 jours. Cette durée est d’autant plus longue que l’étendue des lésions est importante. Les complications post-opératoires sont essentiellement une fistule urétrale constatée dans 2 cas, une fistule anale dans 12 cas, une sténose anale dans 2 cas et des troubles sexuels dans 1 cas. Les étiologies les plus fréquemment rencontrées sont d’origine urologique ou proctologique (tab. IV). Il est constaté que 18 patients sont âgés de plus de 65 ans. Dans ce lot, la mortalité est de 44,4 %. Elle n’est « que » de 3,7 % chez les patients dont l’âge est inférieur à 65 ans. La présence d’une tare associée est un facteur de mauvais pronostic. Ainsi, parmi les 26 patients diabétiques, sept sont décédés, soit une mortalité de 27 % par rapport au 6,5 % de décès chez les non diabétiques. Notons également la corrélation entre le délai de consultation et le taux de mortalité : tous les décès appartenaient au lot de patients ayant consulté après le 10e jour. Tableau IV. Les étiologies des gangrènes périnéales. Causes Nombre Pourcentage Urologiques 22 30,5 Proctologiques 25 34,7 Traumatologiques 4 5,5 Cuisses 12 16,6 Testicules 6 8,3 Post-opératoires 6 8,3 Hypochondres 6 8,3 Aucune cause évidente 15 20,8 a. achour IV. DISCUSSION. La première publication de gangrène périnéo-scrotale est réalisée en 1764 par Baurienne qui décrit une nécrose aiguë foudroyante du scrotum à la suite d’une plaie périnéale. Fournier rapporte la première série de cinq cas de gangrène des organes génitaux externes entre 1883 et 1884 (3). Les gangrènes sont longuement la terreur des champs de bataille. Larrey préconise, durant les campagnes du premier empire, l’amputation en zone saine des membres pour toute plaie souillée des extrémités (4). Lors de la première guerre mondiale, 5 % des plaies de guerre se compliquent de gangrène (4). L’année 1945 marque un tournant dans le pronostic des gangrènes périnéo-scrotales avec la découverte de la pénicilline (4). Le début de la symptomatologie correspond à une infection cutanée par différentes souches bactériennes aérobies et anaérobies, commensales cutanées ou du tube digestif. L’infection est favorisée par une porte d’entrée quelle qu’en soit la cause. Le phénomène est rapidement extensif vers les tissus profonds sous cutanés, l’aponévrose et en dernier lieu les muscles ainsi qu’en surface, dans les plans cutanés (5, 6). La sécrétion enzymatique bactérienne engendre une nécrose tissulaire et une thrombose intra vasculaire (7, 8). L’endartérite et la thrombose gagnent les artères honteuses internes et l’artère honteuse externe profonde et superficielle. La nécrose ne touche pas les testicules car leur vascularisation dépend de l’artère spermatique qui n’est pas impliquée dans l’endartérite (9). Les germes aérobies entraînent une hyperagrégation plaquettaire, une hypercoagulation sanguine et une nécrose tissulaire par production d’enzymes protéolytiques (streptokinase, streptodornase, hyaluronidase, coagulase). Les bactéries anaérobies produisent une héparinase, facteur de formation de phlébites, une collagénase, une ADNase et plusieurs exotoxines qui provoquent la destruction tissulaire (10). Le terrain immunodéprimé et/ou supportant une maladie vasculaire favorise l’extension de la nécrose tissulaire. L’incidence de la gangrène périnéo-scrotale est de 0,1 à 0,4 pour 100 000 habitants (11). Elle représente entre 0,6 et 1 % des causes d’hospitalisation (12, 13). Le sexe masculin est le plus souvent atteint avec un âge maximum d’incidence entre 40 et 75 ans (14, 15). La gangrène foudroyante idiopathique initialement décrite par Fournier doit rester un diagnostic d’élimination. En effet, une cause est retrouvée dans plus de 80 % des cas. On note actuellement une recrudescence des cellulites dites iatrogènes au décours d’une chirurgie périnéale ou dans les suites obstétricales. Il a été décrit des gangrènes périnéales dans les suites de chirurgie d’hémorroïdes, de fistule anale ou de biopsie rectale. En chirurgie urologique, circoncision, chirurgie du testicule et de l’urètre, résection trans-urétrale sont également à l’origine de gangrène périnéo-scrotale (16). Une affection colorectale est retrouvée dans environ 45 % des cas, une cause génito-urinaire dans 43 % des cas (17). Les causes proctologiques sont essentiellement des abcès de la marge avance sur les gangrènes périnéo-scrotales anale, les fissures anales, les cancers du rectum et les perforations rectales. Les causes génito-urinaires sont dominées par les urétrites, les prostatites et les orchi-épidydimites (15). La fréquence de ces étiologies varie selon que la série provient d’un service d’urologie ou de chirurgie générale. Les lésions cutanées (folliculite, plaie, morsure…) sont plus rarement retrouvées. Les plus atypiques sont des gangrènes survenant sur filariose ou candidose (15). Le diagnostic est clinique et les examens biologiques recherchent des signes de gravité ou des facteurs de mauvais pronostic. La douleur périnéale est constante et inquiète après plusieurs jours d’évolution en raison d’une phase de prodrome peu alarmante, marquée par un prurit ou un inconfort génital. Elle devient atroce et permanente (18). Le syndrome infectieux n’est pas constant et survient plus tard. Toutes les manifestations en sont possibles : fièvre, frisson, choc septique, troubles de conscience. L’examen clinique met en évidence des zones de nécrose et typiquement des zones rouges, vertes et noires en carte de géographie. Sont souvent associés un suintement et un œdème sous cutané témoignant d’une cellulite. Les crépitations neigeuses se voient dans 30 % des cas (16). L’extension vers les lombes, les cuisses, la paroi abdominale est rapide et justifie une intervention urgente. Le recours aux examens morphologiques (scanner, IRM) peut aider quand on suspecte une collection profonde intra abdominale ou rétro péritonéale. Sur le plan biologique, il faut chercher les signes de gravité : hyperleucocytose élevée, une protéine C réactive très élevée (150), une évaluation des défaillances viscérales (urée, créatinine), on peut observer une rhabdomyolyse avec augmentation des créatinines phospho kinases et de la fraction Mb, la myoglobine sérique, les transaminases et les lacto déshydrogénases (5). Le terrain débilité semble le facteur de mauvais pronostic le plus important (10). Le diabète, l’alcoolisme chronique, la corticothérapie, la chimiothérapie, état de dénutrition, SIDA, sont des facteurs de mauvais pronostic reconnus, le diabète étant le plus fréquemment signalé (15). L’age n’est pas mentionné dans tous les travaux mais nous le considérons comme un facteur pronostique (voir résultat). Dans notre série, le délai de consultation est corrélé à la mortalité mais ceci suppose une aggravation des lésions anatomiques. Le traitement ne doit souffrir d’aucun retard et la prise en charge doit être multidisciplinaire. Schématiquement, on décrit deux phases de prise en charge : la phase aiguë où le pronostic vital est mis en jeu et le but est de traiter l’infection. L’attitude chirurgicale est résolument agressive visant à réaliser des incisions de décharge efficaces, et des excisions des tissus nécrotiques jusqu’à mise à nu d’un tissu saignant d’aspect normal. Les mesures de réanimation sont concomitantes et visent à rétablir l’homéostasie, traiter l’infection par une antibiothérapie efficace, prévenir des thrombophlébites par héparinothérapie, équilibrer un diabète et parfois transfuser le patient si nécessaire. Dans les jours qui suivent l’intervention, des soins locaux voir des bains d’antiseptiques doivent être 263 menés de façon rigoureuse. Il ne faut pas hésiter à reprendre le patient au bloc si l’état local demande des excisions ou d’autres incisions de décharge mais cela ne justif ie nullement un geste initial incomplet. Le chirurgien jugera de la nécessité d’une colostomie de décharge en fonction de l’étendue des lésions et de l’état du patient. L’oxygénothérapie hyperbare est conseillée par la conférence de consensus européenne bien qu’il n’y ait pas d’étude prospective randomisée prouvant son intérêt (19). La phase secondaire est réalisée plusieurs semaines ou mois après et consiste à rétablir la continuité colique et réparer le défect cutané par simples sutures secondaires après décollement ou par de vrais lambeaux de recouvrement. Une cause urologique nécessitera une prise en charge spécifique notamment une plastie urétrale en cas de sténose. Le VAC trouve tout son intérêt une fois l’évolution de la gangrène stoppée lorsque se pose le problème de cicatrisation en raison des excisions larges réalisées en phase aiguë. Le VAC bien que nous n’ayons pas eu la chance de l’utiliser, parait de pratique facile et efficace (20). Le système est constitué d’un pack mousse de polyuréthane ajustable à la taille de la plaie, d’un réservoir stérile pour le recueil des exsudats et d’un champ adhésif stérile permettant d’assurer l’étanchéité du pansement et d’un moteur VAC permettant de programmer la pression négative voulue. Le but recherché par la pression négative sur la plaie est l’apparition accélérée d’un tissu de granulation indispensable à l’épidermisation (21). V. CONCLUSION. La gangrène périnéo-scrotale reste une affection de pronostic grave. La mortalité peut atteindre 25 % des cas même dans les séries les plus récentes (22). Le pronostic vital est d’emblée mis en jeu nécessitant d’instaurer rapidement des mesures de réanimation permettant de rétablir l’équilibre homéostatique. Il faut également commencer une antibiothérapie non spécifique contre les bactéries qui en sont habituellement responsables. Une antibiothérapie spécifique doit être ensuite préconisée sur les données de l’examen bactériologique des sécrétions périnéo-scrotales. Les excisions chirurgicales doivent être larges passant en tissu sain. Il ne faut pas hésiter à réadmettre le patient au bloc chaque fois que les soins infirmiers se trouvent dépassés. L’oxygénothérapie hyperbare doit être commencée précocement et continuée après l’intervention chirurgicale. La colostomie de décharge permet un meilleur contrôle de l’infection et le rétablissement est fait une fois que toutes les étapes chirurgicales sont passées (en urgence et plastie de réparation éventuellement). Le pronostic reste mauvais. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Asoklis S, Walter M. La gangrène de Fournier. Ann Chir 1996 ; 50 : 181. 2. Bruner C, Delpero JR, Guerinel G et al. Gangrènes du périnée. Plaidoyer pour une conduite thérapeutique standardisée à propos de 50 observations. Chirurgie 1992 ; 118 : 607-14. 3. Fournier JA. Étude clinique de la gangrène foudroyante de la verge et des diabétides génitales. Fr Méd Paris 1884 ; I : 423. 4. Cadot P, Rouquette I, Szym P, André JL. Les cellulites graves, ou gangrène de Fournier du périnée. J Chir 2003 ; 140 (1) : 22-32. 5. Hubert J, Fournier G, Mangin P, Punga-Moale M. Gangrène des organes génitaux externes. Prog Urol 1995 ; 5 : 911-24. 6. Clayton MD, Fowler JE, Sharifi R, Pearl RK. Causes, presentation and survival of fifty-seven patients with necrotizing fascitis of the male genitalia. Surg Gynecol Obstet 1990 ; 170 : 49-55. 7. Vick R, Carson CC. Fournier’s disease. Urol Clin North Am 1999 ; 26 : 841-9. 8. Paty R, Smith AD. Gangrene and Fournier’s gangrene. Urol Clin North Am 1992 ; 19 : 149-62. 9. Verna G, Fava F, Baglioni E, Cannatà M, Devalle L, Fraccalvieri M. La gangrène de Fournier : remarques sur deux cas cliniques. Annales de Chirurgie plastique esthétique 2003 ; 49 : 37-42. 10. Tazi K, Karmouni T, El Fassi J et al. Gangrène périnéoscrotale : à propos de 51 cas. Aspects diagnostiques et thérapeutiques. Ann Urol 2001 ; 35 : 229-33. 11. Hart GB, O’reilly RR, Cave RA, Broussard ND. The treatment of clostridial myonecrosis with hyperbaric oxygen. J Trauma 1974 ; 14 : 712-5. 12. Bahlmanni CM, Fourie IJVH, Arndtt CH. Fournier’s gangrene necrotizing fasciitis of the male genitalia. Br J Urol 1983; 55: 85-8. 264 13. Johnes RB, Hirscmann JV, Brown GS, Tremann JA. Fournier’s gangrene: necrotizing subcutaneous infection of the male genitalia. J Urol 1979 ; 122 : 279-82. 14. Hodonou R, Hounasso PP, Gbessi DG, Akpo C. Penile-perinealscrotal gangrene. Epidemiologic, diagnostic, and therapeutic features. Report of 32 cases. Prog Urol 2000 ; 10 : 271-6. 15. Fabiani P, Benizri E. Traitement chirurgical des gangrènes du périnée. Encycl Méd Chir. Paris : Éditions Techniques, 1998 : 1-5. 16. Darke SG, King AM, Slack WK. Gas gangrena and related infection: classification, clinical features and aetiology, management and mortality. A report of 88 cases. Br J Plast Surg 1977 ; 64 : 104. 17. Whitehead SM, Leach RD, Eykyn SJ, Phillips I. The aetiology of scrotal sepsis. Br J Surg 1982 ; 69 : 729. 18. El Mejjad A, Belmahi A, Choukri A, Kafih M, Aghzadi R, Zerouali ON. La gangrène périnéo-scrotale : à propos de 31 cas. Ann Urol 2002 ; 36 : 277-85. 19. Lamy A, Tissot B, Pigot F. Cellulite nécrosante périnéale révélant un adénocarcinome rectal. Ann Chir 2003 ; 128 : 630-2. 20. Bonnamy C, Hamel F, Leporrier J, Fouques Y, Viquesnel G, Le Roux Y. Utilisation du système vaccum-assisted closure après une gangrène périnéale étendue à la paroi abdominale. Ann Chir 2000 ; 125 : 982-4. 21. Argenta LC, Morykwas MJ. Vacuum-assisted closure: a new method for wound control and treatment: clinical experience. Ann Plast Surg 1997 ; 38 : 563-76. 22. Brunet C, Consentino B, Barthelemy A et al. Gangrène périnéales : nouvelle approche bactériologique. Résultats du traitement médico-chirurgical (81 cas). Ann Chir 2000 ; 125 : 420-7. a. achour Fait clinique COMPRESSION CAVE SUPÉRIEURE COMPLIQUANT UN MÉSOTHÉLIOME PLEURAL SARCOMATOÏDE. J. MARGERY, S. LE MOULEC, P. RUFFIE RÉSUMÉ Introduction. Actuellement, le Mésothéliome pleural malin (MPM) reste une affection sans perspective thérapeutique curative. Dans l’orientation du projet de soins nécessairement palliatif, le clinicien doit tenir compte du rapport bénéfice-risque attendu. Observation. Un homme de 57 ans, porteur d’un MPM de type sarcomatoïde bénéficiait d’une pleurectomie/ décortication. Une progression tumorale était observée au niveau de la paroi et dans le médiastin. Un syndrome de compression de la veine cave supérieure était contrôlé par la mise en place d’une endoprothèse vasculaire. Malgré deux lignes de chimiothérapie systémique, le patient décédait trois mois après le diagnostic de MPM. Conclusion. Dans le MPM, la pleurectomie/décortication est une chirurgie carcinologiquement non satisfaisante et sans bénéfice clinique. L’absence de traitement curatif ne doit pas pour autant justifier un attentisme passif. Des interventions pertinentes peuvent être réalisées dans le but d’améliorer la qualité de vie, même à court terme. Mots-clés : Mésothéliome pleural malin. Pleurectomie/décortication. Sarcomatoïde. Stent. Syndrome de la veine cave supérieure. ABSTRACT SUPERIOR VENA CAVA OBSTRUCTION COMPLICATING SARCOMATOID PLEURAL MESOTHELIOMA. Introduction. The management of malignant pleural mesothelioma (MPM) is often palliative. The therapeutic strategy should take into consideration the risk-benefit ratio. Case report. Pleurectomy/decortication was performed on a 57-year-old man with sarcomatoid mesothelioma. A chest wall and mediastinal invasion was observed. Superior vena cava syndrome was controlled with the insertion of an endovascular prosthesis. Although two lines of chemotherapy were administered the patient died 3 months after the diagnosis of MPM was made. Conclusion. In MPM, pleurectomy/ decortication is a palliative surgical procedure which often appears to be futile and with no clinical benefit. The lack of a curative treatment cannot justify passive management. Relevant actions may be performed with the aim to improve quality of life, in spite of short survival. Keywords: Malignant pleural mesothelioma. Pleurectomy/decortication. Sarcomatoid. Stent. Superior vena cava syndrome. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 267-270) I. INTRODUCTION. Le développement du Mésothéliome pleural malin (MPM) est essentiellement locorégional par extension de proche en proche. Le MPM est ainsi capable d’envahir la paroi thoracique, le poumon et parfois le médiastin. Nous rapportons l’observation d’une compression de la veine cave supérieure (VCS) justifiant la mise en place d’une endoprothèse vasculaire avant une chimiothérapie systémique. II. OBSERVATION. Un homme, couvreur-plombier, âgé de 57 ans, était hospitalisé pour une dyspnée aiguë et des douleurs J. MARGERY, médecin en chef, praticien certifié du SSA. S. LE MOULEC, médecin principal, praticien confirmé du SSA. P. RUFFIE, docteur à IGR. Correspondance : J. MARGERY, service de pneumologie, HIA Legouest, 27 avenue de Plantières, 57998 Metz Armées. médecine et armées, 2008, 36, 3 thoraciques révélant une pleurésie droite. Dans le contexte d’une exposition professionnelle à l’amiante, hautement probable, une thoracoscopie était effectuée. L’existence de lésions tumorales macroscopiques incitait le chirurgien à effectuer, dans le même temps opératoire, une thoracotomie et une pleurectomie/décortication, selon ses habitudes. Les biopsies pleurales confirmaient le diagnostic un MPM de type sarcomatoïde. Une semaine plus tard, le patient nous était secondairement confié pour poursuivre la prise en charge. L’état général était conservé : poids stable, performance status coté à 1, absence de signes généraux de type sueurs et fièvre. Il existait des douleurs basithoraciques droites aggravées depuis l’intervention et partiellement soulagées par l’association paracétamol-codéine. Une dyspnée d’effort était rapportée lors de la montée de deux étages. À l’examen, la cicatrice de thoracotomie postéro-basale (15 cm) ne présentait pas d’inf iltration suspecte. 265 Le scanner thoracique post-opératoire objectivait un épaississement tissulaire circonférentiel et festonné, sans composante liquidienne. L’analgésie était complétée par de la gabapentine. Aucun traitement carcinologique actif n’était entrepris : pas de chimiothérapie en l’absence d’élément évolutif radio-clinique ; pas de radiothérapie pariétale du fait de l’importance du champ nécessaire à une éventuelle irradiation prophylactique. Quatre semaines après la chirurgie, le patient revenait pour une évaluation programmée. Toujours en bon état général, il décrivait des céphalées et une exacerbation des douleurs thoraciques. L’examen clinique retrouvait un œdème facial modéré avec une érythrose, un comblement des creux sus-claviculaires et une turgescence jugulaire bilatérale. Le scanner thoracique confirmait un syndrome de compression de la VCS, sans thrombose, en rapport avec une progression médiastinale majeure du MPM (fig. 1). Le patient était immédiatement hospitalisé. Une anticoagulation à dose efficace et une corticothérapie étaient instaurées. Le lendemain, l’opacification des axes jugulaires mettait en évidence à droite une sténose rectiligne de 8 cm s’étendant de la clavicule à la bifurcation trachéo-bronchique (fig. 2). Deux endoprothèses Memotherm Bard de 20 mm de diamètre étaient mises en place permettant d’ouvrir l’axe jugulaire interne droit jusque dans la VCS sus-auriculaire, avec un reflux rapide et satisfaisant (fig.3). La symptomatologie cave supérieure s’amendait immédiatement et une chimiothérapie associant gemcitabine-platine était administrée par voie fémorale. Après un premier cycle, une inf iltration tumorale pariétale non douloureuse apparaissait au niveau du pôle inférieur de la cicatrice de thoracotomie signant une progression du MPM sous chimiothérapie. Le scanner objectivait une stabilité des lésions médiastinales et la perméabilité de la prothèse vasculaire. Une seconde cure par une combinaison adriamycine-ifosfamide était effectuée mais n’apportait pas de bénéfice et une extension pulmonaire controlatérale était observée. Le patient décédait dans le contexte d’une insuffisance respiratoire trois mois après le diagnostic du MPM. Figure 1. Scanner thoracique : masse tumorale floride occupant la quasitotalité de l’hémi-thorax droit, refoulant le médiastin et réalisant une compression de la veine cave supérieure. 266 Figure 2. Opacification de l’axe jugulaire droit objectivant une sténose serrée au niveau de la veine cave supérieure. III. DISCUSSION. Avec 800 nouveaux cas, par an, en France, le MPM est un cancer rare mais dont l’évolution épidémiologique récente souligne son intérêt croissant (1). Son incidence augmentant de 25 % tous les trois ans, le MPM apparaît en effet comme une véritable tumeur émergente, en particulier chez la femme (1). Le lien entre amiante et carcinogénèse pleurale est acquis mais le niveau de dose minimal reste encore incertain (2). Les observations témoignent le plus souvent d’expositions professionnelles mais d’autres facteurs sont certainement impliqués notamment chez la femme : expositions environnementales, susceptibilité familiale (3). Le niveau des connaissances sur le MPM s’améliore chaque année, mais en 2007, la prise en charge de ce cancer n’est toujours pas codifiée. Les seuls acquis solidement validés concernent le bénéf ice de la radiothérapie préventive de l’ensemencement tumoral pariétal au niveau des orifices de drainage et de ponction (4), et celui de la chimiothérapie systémique associant cisplatine et pemetrexed en termes de survie globale et de contrôle de la qualité de vie (5). En dehors de ces deux situations, aucune proposition thérapeutique ne présente un rationnel scientifique suffisant pour être recommandée. Après échec de la première ligne de chimiothérapie par pemetrexed-cisplatine, l’impact d’un traitement de rattrapage est incertain même si on connaît les potentialités séduisantes d’autres agents comme la gemcitabine, le tomudex (6) ou la vinflunine (7). L’approche multimodale centrée sur la pleuropneumonectomie élargie et combinant chimiothérapie et radiothérapie péri-opératoires fait l’objet de nombreux j. margery travaux (8) ; elle reste cependant du strict domaine de la recherche clinique et ne doit être envisagée que chez des sujets hautement sélectionnés, toujours dans le cadre d’un protocole. Dans ce contexte de fortes incertitudes mais soucieuse de prendre position face à un réel problème de santé publique, la société de pneumologie de langue française a rassemblé un groupe multidisciplinaire d’experts, impliquant notamment plusieurs praticiens du SSA, et des recommandations ont été émises en 2006 (9). Revenons maintenant à notre observation pour discuter plusieurs aspects de la prise en charge thérapeutique du MPM. Tout d’abord, ce cas clinique illustre clairement les insuffisances de la pleurectomie/décortication. Cette chirurgie n’est jamais curative car les replis pleuraux au fond des scissures sont inaccessibles. Le poumon reste en place et n’autorise pas la réalisation d’une radiothérapie complémentaire suffisante pour garantir le contrôle local de la maladie, même en mode conformationnel (10). En dehors d’une minorité de patients inclus dans un protocole et candidats à une pleuropneumonectomie élargie, la seule procédure chirurgicale satisfaisante est la thoracoscopie car elle offre un intérêt diagnostique et thérapeutique (contrôle de la dyspnée par talcage). Enfin, la décortication s’avère dans notre expérience source d’exacerbation des douleurs thoraciques, comme dans notre observation. Par ailleurs, l’importance de la thoracotomie réalisée chez notre patient nous a fait récuser une radiothérapie Figure 3. Mise en place de deux endoprothèses vasculaires Memotherm Bard permettant de reperméabiliser la veine cave supérieure. compression cave supérieure compliquant un mésothéliome pleural sarcomatoïde pariétale prophylactique compte tenu du volume du champ d’irradiation requis et du risque élevé de toxicité collatérale pulmonaire. Le seul protocole validé préconise l’administration de trois fractions de sept Gy par un faisceau d’électrons, mais seulement au niveau des orifices d’une thoracoscopie ou d’une ponction pleurale. Concernant la chimiothérapie dans le MPM, le pemetrexed a obtenu son AMM en octobre 2005 après une période d’Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte. L’antériorité de cette observation explique le type de chimiothérapie administrée, reposant sur l’association gemcitabine-cisplatine considérée comme le doublet de référence jusqu’à l’avènement du pemetrexed. La nature de la première ligne de chimiothérapie est désormais acquise mais d’autres aspects pratiques restent encore à définir, et notamment le délai de mise en route des cytotoxiques. Une seule étude est disponible dans la littérature et elle montre que l’administration immédiate de la chimiothérapie apporte un bénéfice modéré en termes de survie et de qualité de vie ; cependant, la portée de ces résultats doit être nuancée par le faible effectif de patients et le caractère désuet du triplet cytotoxique administré (11). Dans un cancer, dont la survie médiane ne dépasse pas douze mois en moyenne, la possibilité d’observer de longues survies spontanées au-delà de deux ans, illustre l’existence de facteurs pronostiques indépendants des modalités thérapeutiques. Ces facteurs sont liés à l’hôte ou à la tumeur, et une meilleure survie peut être attendue chez une femme, asymptomatique et sans amaigrissement, présentant un MPM de type épithélïoide, limitée à la plèvre pariétale et sans envahissement médiastinal ganglionnaire. Dans notre pratique personnelle, nous tenons compte de cette variabilité inter-patients et une chimiothérapie n’est ni obligatoire ni immédiate sitôt le diagnostic de MPM obtenu ; la prise en charge est d’abord orientée par les symptômes et l’évolution radio-clinique. Si une thoracoscopie a été réalisée, la priorité est donnée à l’irradiation prophylactique des orifices de drainage dès la cicatrisation obtenue. Quand le contrôle des symptômes ne peut être garanti par les traitements non carcinologiques (douleurs échappant aux antalgiques, dyspnée restrictive sur engainement tumoral circonférentiel inaccessible à la thoracoscopie, contexte inflammatoire sévère) ou quand c’est la demande du patient et/ou de ses proches, une mise en route précoce de la chimiothérapie est souhaitable. Elle peut être débutée sept à dix jours après l’irradiation prophylactique. Malgré le caractère rapidement symptomatique des formes sarcomatoïdes, le bénéfice d’une chimiothérapie même immédiate est inconstant (12). Les protocoles plus orientés sur le sarcome, à base d’adriamycine et d’ifosfamide, ont été décevants dans notre expérience et la combinaison sels de platine-antifolate nous semble tout à fait légitime en première intention. Une seule observation rapportée chez un enfant évoque l’intérêt d’une polychimiothérapie combinant ifosfamide, carboplatine, étoposide et vincristine (13). 267 Au plan clinique, un syndrome de compression de la VCS est une complication exceptionnelle dans l’évolution d’un MPM (14). Dans le contexte plus général des tumeurs réputées faiblement chimiosensibles, la mise en place précoce d’un stent par voie endovasculaire est une technique séduisante et peu agressive (15). Dans les centres entraînés (16), la morbidité et les complications sont acceptables : stent trop court et/ou mal placé (9 %), re-obstruction cave (8 %), migration de la prothèse dans l’oreillette droite (1 %). Le bénéfice clinique est précoce. Selon les équipes, une anticoagulation à dose efficace peut être proposée pendant un mois, comme c’est l’habitude dans notre centre. Parce que le MPM est une tumeur rare, sa représentation dans les séries de compression cave supérieure appareillée reste confidentielle : 2/40 (5 %) dans la série de Marcy et coll. (17), 1/73 (1,3 %) dans celle de Shah et al. (18). Mais eu égard à l’augmentation d’incidence que connaît cette affection, ce type d’indication pourrait être plus courant. En pratique, une compression de la VCS est dépendante du potentiel de la tumeur à envahir l’adventice (15). C’est donc plutôt dans les formes sarcomateuses volontiers florides qu’il faut rechercher cette complication, en gardant à l’esprit que la symptomatologie clinique n’est pas corrélée avec l’étendue ou le degré de la sténose vasculaire. Enfin, notre observation illustre clairement le pronostic péjoratif des MPM sarcomatoïdes. Le type histologique est un facteur pronostique indépendant (19). Le caractère « non épithélïoide » est associé à une survie faible parce que la diffusion métastatique est plus fréquente et plus profuse, et surtout parce que la réponse aux traitements est médiocre (12). IV. CONCLUSION. En 2007, la prise en charge du MPM est souvent palliative. Comme dans toutes les affections incurables, le contrôle des symptômes est un objectif prioritaire. La pleurectomie/décortication apparaît dès lors comme une chirurgie au rapport bénéf ice-risque inadéquat. En revanche, certaines situations particulières relèvent d’un traitement parfois interventionnel comme un geste de revascularisation endovasculaire, même si aucun bénéfice sur la survie n’est attendu. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Équipes du programme national de surveillance du mésothéliome. Estimation provisoire de l’incidence nationale du mésothéliome pleural à partir du programme national de surveillance du mésothéliome. BEH 2002 ; 3. 2. Zucali PA, Giaccone G. Biology and management of malignant pleural mesothelioma. Eur J Cancer 2006 ; 42 : 2 706-14. 3. Dogan AU, Baris YI, Dogan M, Emri S, Steele I, Elmishad AG et al. Genetic predisposition to fiber carcinogenesis causes a mesothelioma epidemic in Turkey. Cancer Res 2006 ; 66 : 5 063-8. 4. Boutin C, Rey F, Viallat JR. Prevention of malignant seeding after invasive diagnostic procedures in patient with pleural mesothelioma. A randomized trial of local radiotherapy. Chest 1995 ; 108 : 754-8. 5. Vogelzang NJ, Rusthoven JJ, Symanowski J, Denham C, Kaukel E, Ruffie Pet al. Phase III study of pemetrexed in combination with cisplatin versus cisplatin alone in patients with malignant pleural mesothelioma. J Clin Oncol 2003 ; 21 : 2 636-44. 6. Van Meerbeeck JP, Gaafar R, Manegold C, Van Klaveren RJ, Van Marck EA, Vincent M et al. Randomized phase III study of cisplatin with or whithout raltitrexed in patients with malignant pleural mesothelioma: an intergroup study of the European Organisation for Research and Treatment of Cancer Lung Cancer Group and National Cancer Institute of Canada. J Clin Oncol 2005 ; 23 : 6 881-9. 7. Margery J, Dabouis G, Dark G, Taylor H, Pinel MC, Cadic V et al. Vinflunine in first line treatment of malignant pleural mesothelioma: final results of an European phase II study. Lung Cancer 2006 ; 54 : S47. 8. Weder W, Kestenholtz P, Taverna C, Bodis S, Lardinois D, Jerman M, Stahel R. Neoadjuvant chemotherapy followed by extrapleural pneumonectomy in malignant pleural mesothelioma. J Clin Oncol 2004 ; 22 : 3 451-7. 9. Recommandations de la société de pneumologie de langue française sur le mésothéliome pleural. Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 11S7-11S104. 268 10. Waite K, Gilligan D. The role of radiotherapy in the treatment of malignant pleural mesothelioma. Clin Oncol (R Coll Radiol) 2007 ; 19 : 182-7. 11. O’Brien ME, Watkins D, Ryan C, Priest K, Corbishley C, Norton A et al. A randomized trial in malignant mesothelioma of early versus delayed chemotherapy in symptomatically stable patients: the MED trial. Ann Oncol 2006 ; 17 : 270-5. 12. Ceseroli GL, Locati LD, Ferreri AJ, Cozzarini C, Passoni P, Melloni Zannini P et al. Therapeutic outcome according to histologic subtype in 121 patients with malignant pleural mesothelioma. Lung Cancer 2001 ; 34 : 279-87. 13. Mutafoglu-Uysal K, Kargi A, Sarialioglu F, Olgun N, Kovanlikaya A. Malignant pleural mesothelioma in a child: long term survival with ICE-VAC chemotherapy regimen. Turk J Pediatr 2002; 44: 244-7. 14. Martin AA, Sitton JE, Daroca PJ Jr, Moulder PV, Shepard DL. Superior vena cava syndrome associated with malignant mesothelioma. J La State Med Soc 1991 ; 143 : 33-5. 15. Rowell NP, Gleeson FV. Steroids, radiotherapy, chemotherapy and stents for superior vena caval obstruction in carcinoma of the bronchus: a systematic review. Clin Oncol (R Coll Radiol) 2002 ; 14 : 338-51. 16. Lanciego C, Chacon JL, Julian A, Andrade J, Lopez L, Martinez B et al. Stenting as first option for endovascular treatment of malignant superior vena cava syndrome. AJR Am J Roentgenol 2001 ; 177 : 585-93. 17. Marcy PY, Magne N, Bentolila F, Drouillard J, Bruneton JN, Descamps B. Superior vena cava obstruction: is stenting necessary ? Support Care Cancer 2001 ; 9 : 103-7. 18. Shah R, Sabanathan S, Lowe RA, Mearns AJ. Stenting in malignant obstruction of superior vena cava. J Thorac Cardiovasc Surg 1996 ; 112 : 335-40. 19. Rush VW, Venkatraman ES. Important prognostic factors in patients with malignant pleural mesothelioma managed surgically. Ann Thorac Surg 1999 ; 68 : 1 799-804. j. margery Fait clinique INVAGINATION COLIQUE SUR LIPOME À propos d’un cas M. MENFAA, A. HOMMADI, A. CHOHO RÉSUMÉ L’invagination colique constitue une cause rare d’occlusion intestinale. Il s’agit le plus souvent d’une invagination iléo-colique droite ou transverse. Le siège gauche est exceptionnel. Nous rapportons dans ce travail, un cas d’invagination étendue sur lipome, du colon transverse gauche dans le colon descendant et le colon sigmoïde. La tumeur siège sur le sommet du boudin d’invagination. ABSTRACT COLIC INTUSSUSCEPTION CAUSED BY LIPOMA: ABOUT ONE CASE. Colic intussusception is an uncommun cause of bowel obstruction. It is often an ileo-colic or transverse intussusception. The left site is exceptional. We report a case of a wide left colic intussusception caused by lipoma. The lead point is located in the transverse colon. Keywords: Colon. Intussusception. Lipoma. Treatment. Mots-clés : Colon. Invagination. Lipome. Traitement. I. INTRODUCTION. L’invagination colique (IC) est rare chez l’adulte et constitue 5 % environ des causes d’occlusion intestinale (OI) (1). À l’inverse de l’enfant, une lésion sous-jacente est fréquemment retrouvée (1, 2). Il s’agit souvent d’une tumeur maligne, rarement une tumeur bénigne de type adénome beaucoup plus qu’un lipome (2). Notre observation ajoute aux rares cas rapportés dans la littérature un autre cas d’occlusion intestinale sur invagination colique secondaire à un lipome. II. CAS CLINIQUE. M. J. A., âgé de 52 ans, sans antécédents pathologiques, admis aux urgences pour tableau d’OI qui date de trois jours avec douleurs abdominales diffuses prédominantes dans le flanc et la fosse iliaque gauche, des vomissements fécaloïdes, arrêt des matières et des gaz et météorisme abdominal asymétrique. L’examen physique notait un patient déshydraté ; subfébrile à 37,8° et ayant une TA systolique à 10 cm Hg. L’abdomen était distendu et sensible au niveau du flanc gauche. Au toucher rectal, l’ampoule rectale était vide. M. MENFAA, médecin capitaine. A. HOMMADI, médecin capitaine. A. CHOHO, médecin commandant. Correspondance : A. HOMMADI, service de radiologie, Hôpital Militaire, My Ismail, BP S15 Meknès, MAROC. médecine et armées, 2008, 36, 3 (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 271-273) Le bilan biologique montrait une note d’insuffisance rénale d’allure fonctionnelle et une hyperleucocytose à 10 000/mm 3 à prédominance polynucléaires neutrophiles. L’abdomen sans préparation montrait une distension colique importante (fig. 1). Le scanner abdominal demandé d’emblée confirmait la distension colique importante en amont d’une invagination (fig. 2) sur processus tumoral de densité graisseuse, homogène, bien limité de 3 cm de grand axe, intéressant la paroi latérale droite du sigmoïde (fig. 3). Sur ces données le patient fut opéré. L’exploration chirurgicale conf irmait le diagnostic d’IC du colon transverse gauche dans le colon descendant et l’anse sigmoïdienne. La désinvagination n’était pas possible à cause de l’étendue de l’IC et une résection double stomie colique gauche était réalisée. L’examen macroscopique de la pièce d’exérèse montrait la présence dans le point d’invagination d’une tumeur jaune sous muqueuse de consistance molle de 3 à 4 cm de grand axe. L’examen anatomopathologique était en faveur d’un lipome. III. COMMENTAIRE. L’invagination intestinale est une cause rare d’OI chez l’adulte. Elle est le plus souvent grêlique (48 %-70 %), 269 La tumeur est asymptomatique dans la majorité des cas. Parfois elle est responsable de douleurs abdominales intermittentes, de trouble du transit intestinal, de rectorragies ou d’anémie spoliative. Des cas d’expulsion spontanée de lipome dans les selles sont décrits (10). Exceptionnellement, le lipome est responsable d’invagination colique. D’habitude c’est l’endoscopie digestive qui découvre le lipome et confirme le diagnostic par les biopsies, mais dans un contexte d’urgence tel que l’occlusion, les données radiologiques amènent à opérer le malade sans recours à l’endoscopie. L’échographie permet de faire le diagnostic de l’invagination en montrant une image en cocarde et de la tumeur qui apparaît hyperéchogène entourée par une paroi intestinale d’épaisseur normale (11, 12). Cependant, ses performances sont limitées par les gaz, la corpulence du malade et la distension abdominale. Le scanner est en revanche plus sensible et plus spécif ique en montrant une tumeur homogène, de densité graisseuse à la différence du liposarcome qui est hétérogène et plus au moins rehaussé par le produit de contraste (13). Figure 1. Abdomen sans préparation : distension colique. iléo-colique (25 %-40 %) et rarement colique pure (5 %-18 %) (3, 4). À l’inverse de l’enfant où elle est souvent idiopathique, chez l’adulte une cause est retrouvée dans 90 % des cas (5). Parmi les lésions tumorales ; le lipome représente la 2e cause d’IC sur tumeur bénigne (6). Il siège habituellement sur le colon droit, et rarement sur le colon gauche (7). La femme est plus souvent intéressée que l’homme, avec une moyenne d’âge entre 50 et 70 ans (8, 9). Figure 3. Coupe axiale TDM : masse graisseuse du sigmoïde. Figure 2. Coupe scanographique : invagination colique. 270 L’imagerie par résonance magnétique est par ailleurs un examen performant pour la caractérisation graisseuse (14). Le lipome est caractérisé par un hyper signal dans les séquences pondérées T1 qui disparaît sur les séquences T2. Le traitement repose sur la résection chirurgicale qui peut être faite d’urgence devant le tableau d’occlusion ou à froid après réduction hydrostatique ou pneumatique de l’invagination colique (15). L’étendue de l’exérèse dépend de la viabilité du colon invaginé et de la lésion sous jacente. Dans le cas du lipome, il s’agit d’une résection cunéiforme ou segmentaire. Une résection endoscopique est possible en dehors d’un contexte d’urgence, pour des lipomes de moins de 2 cm. m. menfaa IV. CONCLUSION. Le lipome est une tumeur rare du colon, de découverte souvent fortuite par l’endoscopie digestive. L’OI par IC constitue une circonstance de découverte rare, l’imagerie et en particulier le scanner est d’un apport indéniable pour le diagnostic aussi bien de l’invagination que de la lésion sous – jacente. Le traitement est chirurgical, il a pour but la désinvagination colique et la résection économique du lipome. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Dennis GB, Andras S, Irvin MM. The diagnosis and management of adult intussusception’s. An j.surg 1997 ; 137 : 88-94. 2. Crozier F, Portier F, Wilshire P, Navarro-biou A, Panul M. Diagnostic par scanner d’une invagination colo-colique sur lipome du colon gauche. Ann Chir 2002 ; 127 : 59-61. 3. Mary JA, Bashar MA, Makkri M, Del Pino A, Porsay C. Giant pseudo polyps presenting as colocolic intussusceptions in colon’s colitis. An.J.Gastroenteral 1998 ; 93 : 1 591-2. 4. Agha FP. Intussusception in adults. An J Radiol 1986 ; 146 : 52731. 5. Hamalalogku E, Yavuz B. Intussusception in adults. Panmin Med 1990 ; 32 : 118-21. 6. Raszkowski H, Le Mon Clark P. Lipomas of the colon: the impotence of accurate diagnosis in preventing unnecessary radical surgery. An J Surg october 1962 ; 642-6. 7. Cjam Z, Aam G, Blawgeers JHH. Intussusception of the sigmoid colon because of intramuscular lipoma report of a case. Dis colon Rectum 1995 ; 38 : 891-2. 8. Zammboni WA, Flisher H, Zandu JD, Folse JR. Spontaneous expulsion of lipoma pu rectum occurring with colonic intussusception. Surgey 1986 ; 101 : 104-7. invagination colique sur lipome 9. Denie C, Jacques P, Brenard R. Spontaneous exoneration of a colonic lipoma. Case report. Acta gastro-enterol belg 1995 ; 58 : 243-4. 10. Wulff C, Jespersen N. Colo-colonic intussusception caused by lipoma. Acta radial 1995 ; 36 : 478-80. 11. Hackan DJ, Saibil F, Wilson S, Litwin D. Laparoscopic management of intussucseption caused by colonic lipoma a case report and review of literature. Surg.laparose.endose 1995 ; 6 : 1559. 12. Eustace S, Murray JG, O’Connell D. Scan graphic diagnosis of colonic lipoma induced intussusception. J clyn ultrasound 1993 ; 21 : 472-4. 13. Kikitsubata Y, Kikitsubata S, Nagatomo H et al. CT manifestations of lipomas of the small intestine and colon. Chir. Imaging 1993 ; 17 : 179-82. 14. Shoenut JP, Semelka RC, Silverman R, Yaffe CC, Micflikier AB. Magnetic resonance imaging evaluation of the local extent of colorectal mass lesions. J clin gastroenterol 1993 ; 17 : 248-53. 15. Brayton D, Norris WJ. Intussusception in adults. An.j.surg 1954 ; 88 : 32-43. 271 INFORMATION La rédaction de Médecine et Armées a le plaisir d’informer ses lecteurs que la revue est désormais en ligne sur le site : www.ecole-valdegrace.sante.defense.gouv.fr Pour tous compléments d’information la rédaction se tient à votre disposition au 01 40 51 47 44 – [email protected] – adresse lotus au nom de Martine Scherzi. INFORMATION CHANGEMENT D’ADRESSE OU ABONNEMENT Afin d’éviter de fausses directions dans l’expédition de la revue « Médecine et Armées », les lecteurs sont invités à signaler en temps utile leur changement d’adresse à l’un des organismes suivants, en fonction de leur qualité, à l’aide du bulletin ci-dessous : – pour les officiers généraux (2s) : DCSSA, bureau « officiers généraux » BP 125, 00459 ARMÉES. – pour les officiers du corps du SSA : DCSSA, bureau « gestion du personnel miltaire (RH/GPM) » BP 125, 00459 ARMÉES. – pour les abonnés payants : ECPA, service édition, 2 à 8 route du Fort, 92205 Ivry-sur-Seine Cedex. NOM : PRÉNOM : QUALITÉ : ANCIENNE ADRESSE : NOUVELLE ADRESSE : 272 Mémoire LA THYROÏDECTOMIE TOTALE EST-ELLE LE TRAITEMENT CHIRURGICAL DE CHOIX EN CAS DE GOITRE MULTINODULAIRE ? À propos de 230 cas M.-T. TAJDINE, M. LAMRANI, M. MOUJAHID, F. BENARIBA, M. DAALI RÉSUMÉ Objectifs: les auteurs, au travers de leur étude rétrospective de 230 goitres multinodulaires traités par thyroïdectomies totales (comparés à 250 goitres multinodulaires traités par thyroïdectomies subtotales), procèdent à une revue de littérature afin de démontrer le bénéfice de la thyroïdectomie totale comparée à la thyroïdectomie subtotale, en matière de morbidité et de prévention des récidives. Méthode : Sur une période de douze ans, 230 patients ont bénéficié d’une thyroïdectomie totale. L’âge moyen est de 40 ans avec une nette prédominance féminine (75 %). Le goitre était toxique dans 70 cas et plongeant chez 95 malades. La thyroïdectomie était menée par cervicotomie même pour les goitres plongeants sauf dans deux cas où une sternotomie était associée. Résultats : La morbidité était faite d'une atteinte récurrentielle dans 10 cas dont 4 définitives et unilatérales et d’une atteinte parathyroïdienne chez 12 malades dont 2 définitives. Il n’y a pas de différence significative de morbidité entre les thyroïdectomies totales et subtotales. Par contre on note un taux de récidive nettement plus élevé en cas de thyroïdectomie subtotale (22 % versus 0,9 %). Une hormonothérapie substitutive était systématiquement instaurée dés le premier mois postopératoire. Conclusion : cette étude démontre que la thyroïdectomie totale ne présente pas plus de risque de complication que la thyroïdectomie subtotale, de même elle permet de résoudre définitivement le problème de récidive. Mots-clés : Goitre. Hypoparathyroïdie. Nerf récurrent. Thyroïdectomie. I. INTRODUCTION. Le goitre multinodulaire est défini comme l'existence d'au moins deux nodules au sein d'un goitre, qui peut, par son volume, être compressif ou devenir toxique imposant un traitement souvent radical sous nos climats. La chirurgie constitue le seul moyen eff icace dans la thérapeutique de ces goitres. M.-T. TAJDINE, médecin commandant, professeur assistant. M. LAMRANI, médecin commandant, spécialiste. F. BENARIBA, médecin commandant, professeur assistant. M. DAALI, médecin commandant, professeur agrégé. Correspondance : M.-T. TAJDINE, centre hospitalier d’Auxerre, Chirurgie 3, 2 boulevard de Verdun, 89011 Auxerre Cedex. médecine et armées, 2008, 36, 3 ABSTRACT TOTAL THYROIDECTOMY: IS IT THE PROCEDURE OF CHOISE FOR THE SURGICAL MANAGEMENT OF THE BENIGN MULTINODULAR GOITER? Objective: to assess 230 multinodular goiters treated by total thyroidectomy (versus 250 multinodular goiters treated by subtotal thyroidectomy), the authors review the literature in order to study the place of total thyroidectomy compared to the subtotal thyroidectomy in benign multinodular pathology, about complications and prevention of recurrence. Method: On a period of 12 years, we treated 230 multinodular goiters by total thyroïdectomy, at patients whose feminine sex represents 75% of cases and the average of age is 40 ans. Goiter was toxic in 70 cases and diving in 95 cases. All patients were treated by cervicotomy, in two diving goiters we performed a median sternotomy. Results: Unplanned recurrent laryngeal nerve injury was seen in 10 patients of which 4 were permanent. There were 10 temporary cases of hypoparathyroidism. Two patients developed permanent hypoparathyroidism. There are no significant difference concerning the recurrent and parathyroid complications between the 2 procedures. The total thyroidectomy prevents moreover nodular recurrences (0,9% versus 22%), substitutive opotherapy was instituted systematically since the first post-operative month. Conclusion: The present study shows that total thyroidectomy can be performed with a low risk of reccurence and without increasing risk of complication. Keywords: Goiter. Hypoparathyroidism. Recurrent nerve. Thyroidectomy. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 275-278) Le choix entre la thyroïdectomie subtotale et totale est parfois difficile faisant intervenir le nombre, le siège des nodules et l'éventuelle toxicité du goitre. Le risque récurrentiel et parathyroïdien est presque identique pour les deux techniques, mais la probabilité d'une éventuelle récidive nodulaire ou d'une hyperthyroïdie dont la reprise chirurgicale est toujours diff icile laisse penser que la thyroïdectomie totale, avec une hormonothérapie substitutive, est un garant sûr d'un traitement définitif du goitre multinodulaire. À travers cette série de 230 thyroïdectomies totales nous allons essayer de faire le point sur les avantages et les inconvénients de cette technique. 273 II. MATÉRIELS ET MÉTHODE. A) PATIENTS. Notre étude rétrospective qui s’étend sur une période de douze ans, de janvier 1994 à décembre 2005, a été réalisée dans le service de chirurgie générale et porte spécialement sur 230 goitres multinodulaires traités par thyroïdectomie totale (contre 250 goitres multinodulaires traités par thyroïdectomie subtotale au cours de la même période). L'age moyen des patients est de 40 ans avec des extrêmes de 25 et 70 ans. La prédominance féminine est frappante avec un sexe ratio de 3/1. L'ancienneté du goitre dépasse les 24 mois avec des extrêmes de 25 ans. Douze patients avaient des antécédents familiaux de pathologie thyroïdienne et huit patients avaient été opérés dans d'autres centres par simple énucléation d'un nodule thyroïdien froid. Le motif de consultation est variable : – modifications esthétiques : 60 cas ; – signes de thyrotoxicose : 70 cas ; – signes de compression : 75 cas ; – douleurs cervicales : 66 cas. L'échographie cervicale était d'une fiabilité de 90 % pour le dénombrement des nodules dont le nombre variait entre 4 et 6. La scintigraphie avait montré dans 70 cas des zones d'hyperfixation du traceur radioactif. Le dosage hormonal avait révélé une augmentation de T 4 dans 52 cas et un effondrement de TSH dans 70 cas. La radiographie pulmonaire montre une déviation trachéale avec parfois une opacité médiastinale supérieure en cas de goitre plongeant. La cytoponction a été faite chez 19 patients. Elle était non concluante dans 15 cas et en faveur de la bénignité dans 10 cas. permis de découvrir des nodules siégeant à la face postérieure de la glande dans 52 cas. L'étude extemporanée a été faite dans 90 cas. Elle était en faveur de la bénignité dans 87 cas et en faveur de la malignité dans 3 cas. III. RÉSULTATS. La mortalité était nulle dans notre série. La morbidité était faite essentiellement de : – atteinte récurrente dans 10 cas dont 6 transitoires et 4 définitives et unilatérales reparties comme suit : - 4 cas de goitres toxiques, - 3 cas de goitres plongeants, - 2 cas chez un malade atteint de carcinome thyroïdien, - 1 cas de goitre multinodulaire simple ; – atteinte parathyroïdienne avec comme conséquence une hypocalcémie rencontrée chez douze malades avec un taux inférieur à 2 mmol/l. Cette complication est rencontrée chez des malades dont la thyroïdectomie totale était hémorragique et dont le goitre était plongeant. Cette hypocalcémie a duré 1 mois chez 7 malades et a nécessité 6 mois pour se normaliser chez 2 malades et 1 an chez un autre. Dans deux cas, l’hypocalcémie était définitive (tab. I) ; – hématome compressif chez six malades repris chirurgicalement en urgence avec un délai de trois heures ; – sepsis de la paroi rencontré chez quatre malades ayant bien évolué sous traitement médical et soins locaux. Dans notre série nous ne notons pas de différence significative de morbidité entre thyroïdectomies totales et subtotales (tab. I). Tous nos malades avaient un suivi endocrinien régulier qui a permis d'instaurer une hormonothérapie Tableau I. Morbidité et risques de récidive des thyroïdectomies totales comparées aux thyroïdectomies subtotales dans notres série. B) TRAITEMENTS. Une préparation médicale était faite en cas de goitre toxique se basant sur : – les anti-thyroïdiens de synthèse dans 43 cas pendant un mois ; – le lugol seul dans 14 cas à dose de 60 gouttes par jour durant 20 jours ; – une préparation rapide comprenant le lugol 60 gouttes pendant 10 jours et la corticothérapie et les bêtabloquants pendant les cinq derniers jours, chez 13 malades. Les thyroïdectomies totales de cette série ont été menées par cervicotomie même pour les 95 goitres plongeants, sauf dans deux cas où une sternotomie a été associée. La section des muscles sous hyoïdiens était réalisée dans certains cas du fait du volume du goitre qui est dans la majorité des cas important. Le nerf récurrent était toujours disséqué jusqu'à sa pénétration sous le muscle constricteur du pharynx. Les glandes parathyroïdes étaient systématiquement repérées et leur vascularisation conservée et au moindre doute leur réimplantation dans le muscle sterno-cléido-mastoïdien était de mise (deux cas dans notre série). La vérification de la pièce opératoire a 274 Thyroïdectomie Thyroïdectomie totalen = 230 subtotalen = 250 Atteinte récurrentielle transitoire 6 cas 2,6 % 5 cas 2% Atteinte récurrentielle définitive 4 cas 1,7 % 5 cas 2% Hypoparathyroïdie transitoire 10 cas 4,3 % 10 cas 4% Hypoparathyroïdie définitive 2 cas 0,8 % 3 cas 1,2 % Récidive (recul de 1 à 9 ans) 2 cas (0,9 %) 55 cas (22 %) Hormonothérapie substitutive 100 % 100 % m.-j. tajdine substitutive à vie dont les doses étaient ajustables selon le taux de la TSH dosée régulièrement. Le taux de récidive en cas de thyroïdectomie totale, après un recul de 1 à 9 ans, était de 0,9 %, un taux nettement plus faible que le taux de récidive après thyroïdectomie subtotale (22 %). Les résultats histologiques définitifs avaient confirmé douze cas de cancers de la thyroïde : 5 cas de carcinome vésiculaire et 6 cas de carcinome papillaire ayant tous bénéficié d'une scintigraphie de contrôle suivie d'une irathérapie. Le suivi de ces malades est satisfaisant à nos jours. Dans un cas la néoplasie s’est révélée être un carcinome médullaire. IV. DISCUSSION. La prédominance du goitre nodulaire est directement liée au degré de carence en iode toujours endémique dans plusieurs régions du monde (1). En Italie, la fréquence du goitre nodulaire varie entre 0,4 % et 7,2 % selon les régions (2). Au Maroc, le goitre nodulaire est particulièrement endémique dans les montagnes du haut Atlas et du Rif. La province de Marrakech est partiellement touchée, notamment la région du Demnat et la vallée de l’Ourika (3). L'examen clinique de la glande thyroïde n'est jamais formel pour le dénombrement et la topographie des nodules thyroïdiens dans le cadre d'un goitre multihétéronodulaire. La scintigraphie thyroïdienne n'est pas fiable pour les nodules dont le diamètre est inférieur à 1 cm. Par contre, l'échographie cervicale a une plus grande fiabilité, pour le dénombrement des nodules, de l’ordre de 90% entre les mains d'un radiologue expérimenté. L'exploration et la palpation manuelle en peropératoire, après cervicotomie et extériorisation de la totalité de la glande, permet une meilleure approche du nombre des nodules et de leur siège au sein de la glande. Mais la face postérieure de cette dernière reste toujours difficile à explorer et le risque de laisser des nodules même incomplets doit être pris en considération. Pech (4) a démontré que plus de 40 % des goitres thyroïdiens supposés uninodulaires à l'examen clinique se sont avérés multinodulaires à l'exploration chirurgicale. Barbier (5) dans une série de 1 456 goitres a démontré que plus de 36 % des goitres, qui étaient cliniquement, échographiquement et scintigraphiquement uniques, se sont révélés multinodulaires à l'exploration chirurgicale. Le débat concernant les avantages et les inconvénients des deux traitements du goitre multihétéronodulaire (GMHN) par thyroïdectomie subtotale ou totale n’est pas clos. La thyroïdectomie subtotale par ses deux techniques (moignon supérieur ou mur postérieur) continue à poser des problèmes concernant la fonction thyroïdienne post opératoire et le risque de récidive. Le problème de la thyroïdectomie subtotale avec moignon supérieur laissé en place est celui du volume du moignon dont l'appréciation pour assurer une fonction thyroïdienne satisfaisante est toujours difficile. Griffiths (6) dans une étude de 102 thyroïdectomies subtotales, a noté un taux de 20 % d’hypothyroïdie après thyroïdectomie subtotale avec moignon restant inférieur à 6 ml, alors qu’il n’a signalé aucun cas d’hypothyroïdie après thyroïdectomie subtotale quand le moignon restant était compris entre 6 et 16 ml. La thyroïdectomie subtotale bilatérale laissant un mur postérieur évite le problème des hypothyroïdies postopératoires à condition de laisser suffisamment de parenchyme glandulaire (4, 7). Mais cette technique expose le malade à une récidive de sa pathologie nodulaire ou à la réapparition de la thyrotoxicose (8) en cas de goitre toxique dont la reprise chirurgicale est réputée risquée pour le nerf récurrent et les glandes parathyroïdes (9). Une opothérapie substitutive, après thyroïdectomie subtotale, s’avère être nécessaire selon la majorité des auteurs (10) faisant perdre à la thyroïdectomie subtotale son principal avantage par rapport à la thyroïdectomie totale. La thyroïdectomie totale pratiquée de façon quasi-constante dans notre service depuis sept ans règle le problème de la récidive du goitre et de la réapparition de l'hyperthyroïdie d'une manière définitive, et ceci est d’autant plus vrai qu’il s’agit de patients présentant un goitre endémique habitant des régions éloignées rendant leur surveillance difficile et coûteuse. L'intérêt de la thyroïdectomie totale a été rapporté aussi par Carditelo (11, 12) en étudiant une série de 525 cas de GMHN traités par thyroïdectomie totale. En se basant sur les études pathogéniques qui consistaient en une transplantation des îlots de goitre humain à des souris, Teuscher (13) s’est fait le partisan de la thyroïdectomie totale en cas de goitre multinodulaire. Ces résultats de Teuscher ont été confirmés par plusieurs études notamment celles de Noel et Beckers (14) qui déduisent que l'élévation de la TSH dans environ 85 % des cas après thyroïdectomie subtotale (10) fait exposer le malade à une récidive du goitre multinodulaire sous l'action d'une hyperactivité hypophysaire thyréotrope secondaire à une hypothyroïdie postopératoire. Par ailleurs, pour la majorité des auteurs il n’existe pas de différence signif icative en ce qui concerne les atteintes récurrentielles et parathyroïdiennes entre les thyroïdectomies subtotales et totales. Katz (15) fait les mêmes constatations dans une étude de 210 goitres multinodulaires où il conf irme l'inexistence de majoration de morbidité après thyroïdectomie totale. Reene (16) rattache ces déductions à la sélection des indications d'une part et à une dissection soigneuse des récurrents et des parathyroïdes d'autre part. Acun (17) attribue le risque de paralysie récurrentielle à la non identification peropératoire des nerfs récurrents. La thyroïdectomie totale est donc de plus en plus pratiquée de part le monde (18) et est en train de remplacer progressivement la thyroïdectomie subtotale dans le traitement chirurgical des goitres multinodulaires. Ayache, dans une série de 735 goitres multinodulaires, est passé en douze ans de 17 % à environ 70 % de thyroïdectomies totales (19). Après thyroïdectomie totale, des séries récentes retrouve un taux d’atteinte récurrentielle définitive compris entre 0 % et 1,5 % et un taux d’hypoparathyroidie compris entre la thyroïdectomie totale est-elle le traitement chirurgical de choix en cas de goitre multinodulaire 275 0 % et 2,6 % (12, 16, 20, 21). Après thyroïdectomie subtotale le risque récurrentiel est compris entre 0 % et 1,4 %. Le risque parathyroïdien définitif est compris entre 0,15 % et 5,4 % (7, 9, 12, 20, 22, 23). Dans notre série, l'analyse de la morbidité de la chirurgie du goitre multinodulaire ne montre pas de différence significative entre thyroïdectomie totale et subtotale avec des résultats comparables à ceux de la littérature. Le risque de récidive après thyroïdectomie subtotale est nettement supérieur à celui de la thyroïdectomie totale. Zaraca (24), dans une série de 202 cas, note un taux de récidive estimé à 0 % après thyroïdectomie totale contre 14,4 % après thyroïdectomie subtotale. Dans notre série, le taux de récidive est de 0,9 % après thyroïdectomie totale contre 22 % après thyroïdectomie subtotale. À morbidité égale, la thyroïdectomie totale est supérieure aux exérèses non totales puisqu’elle diminue considérablement le risque de récidive du goitre. À cela s’ajoute une morbidité spécif ique liée à la totalisation pouvant atteindre 3,3 % d’hypoparathyroïdie définitive et 6,6 % d’atteinte récurrentielle définitive (25, 26). Un autre argument encourageant la thyroïdectomie totale est la sécurité apportée par l’examen ana-tomopathologique de l’ensemble de la glande thyroïdienne. En effet, l’incidence de plus en plus élevée des carcinomes thyroïdiens au sein d'un goitre multinodulaire peut atteindre les 10 % (27), (ce taux est de 6,66 % des cas dans notre série). La cytoponction préopératoire n'arrive toujours pas à résoudre le problème de la malignité de ces goitres multinodulaires et son usage reste controversé (28). V. CONCLUSION. La thyroïdectomie totale est de plus en plus réalisée dans le cadre du goitre multinodulaire surtout en zones d’endémie et ceci pour ses avantages concernant essentiellement la prévention des récidives nodulaires et le traitement définitif d'une éventuelle thyrotoxicose. En plus cette technique comporte très peu de risque pour les nerfs récurrents et les glandes parathyroïdes si on respecte les bases élémentaires de la chirurgie thyroïdienne. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Brix TH, Hegedus L. Genetic and environmental factors in the aetiology of simple goitre. Ann Med 2000 ; 32 (3) : 153-6. 2. Pinchera A, Aghini-Lombardi F, Antonangeli L, Vitti P. Multinodular Goiter: Epidemiology and prevention. Ann Ital Chir 1996 ; 67 (3) : 317-25. 3. Aquaron R, Zarrouck K, El Jarari M, Ababou R, Talibi A, Ardisson JP. Endemic goiter in Morocco (Skoura-Toundoute areas in the high atlas). J Endocrinol Invest 1993 ; 16 (1) : 9-14. 4. Pech A, Cannoni M, Appaix M, Abdul S, Roubaud M. La chirurgie du goitre multinodulaire. J. fr ORL 1979 ; 28 : 629-34. 5. Barbier J, Kraimps J, Sudre Y, Carretier M, Jardel P. Les récidives nodulaires après chirurgie thyroïdienne. Mém acade chir 1985 ; 111 : 119-23. 6. Griffiths NJ, Murley RS, Gulin R, Simpson RD, Woods TF, Burnett D. Thyroid function following partial thyroidectomy. Br J Surg 1974 ; 61 : 626-32. 7. Demard F, Santini J, Pepino JM. La thyroïdectomie subtotale pour goitre multinodulaire. À propos de 223 cas. Ann Chir 1988 ; 422 : 735-41. 8. Rios A, Rodriguez JM, Balsalobre MD, Torregrosa NM, Tebar FJ, Parrilla P. Results of surgery for toxic multinodular goiter. Surg Today 2005 ; 35 (11) : 901-6. 9. Proye C, Maes B, Bondil B, Lagach G. Le risque parathyroïdien en chirurgie thyroïdienne. J Chir 1982 ; 110 : 491. 10. Rodier HD, Janser JS et al. Fonction thyroïdienne après thyroïdectomie pour goitre bénin. J Chir 1990 ; 127 : 445-51. 11. Carditello A. Peut-on proposer la thyroïdectomie pour goitre multinodulaire diffus ? Lyon Chir 1989 ; 85 : 264. 12. Carditello A. Les thyréopathies nodulaires, les résultats de 1 300 interventions. J Chir 1990 ; 127 : 330-3. 13. Teuscher J, Peter HJ, Jerber H, Berchtold R, Studer H. Pathogonesis of nodular goiter and its implications for surgical management. Surgery 1988 ; 103 : 87-93. 14. Noel P, Beckers C. Signification de l’élévation du taux de thyréostimuline après thyroïdectomie subtotale pour goitre non toxique. Ann Endocrinol 1987 ; 39 : 163-4. 276 15. Katz AD, Bronson D. Total thyroidectomy. The indications and results of 630 cases. Am J Surg 1978 ; 136 : 450-4. 16. Reeve TS, Delbridge L, Cohen A, Crummer P. Total thyroidectomy. The preferred option for multinodular goiter. Ann Surg 1987 ; 206 : 782-6. 17. Acun Z, Cinar F, Cihan A et al. Importance of identifying the course of the recurrent laryngeal nerve in total and near-total thyroid lobectomies. Am Surg 2005 ; 71 (3) : 225-7. 18. Delbridge L, Guinea AI, Reeve TS. Total thyroidectomy for bilateral benign multinodular goiter. Arch Surg 1999; 134: 1389-93. 19. Ayache S, Tramier B, Chatelain D, Mardyla N, Benhaim T, Strunski V. Evolution of thyroid surgical treatment to the total thyroidectoy. Study of about 735 patients. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2005 ; 122 (3) : 127-33. 20. Perzik SL. The place of total thyroidectomy in the management of 909 patients with thyroid disease. Am J Surg 1976 ; 132 : 480–3. 21. Rodier JF, Janser JC, Rodier D. Place de la thyroïdectomie totale dans le traitement des goitres multihétéronodulaires. J Chir 1991 ; 128 : 403-8. 22. La Gamma A, Letoquart JP, Kunin N, Chaperon J, Mambrini A. Goitre nodulaire : analyse rétrospective sur 608 cas. J Chir 1993 ; 130 : 391-6. 23. Montagne S, Brunaud L, Bresler L, Ayav A, Tortuyaux JM, Boissel P. Comment prévenir la morbidité chirurgicale de la thyroïdectomie totale pour goitre multinodulaire euthyroïdien ? Ann Chir 2002 ; 127 : 449-55. 24. Zaraca F, Di Paola M, Gossetti F et al. Benign thyroid disease: 20year experience in surgical therapy. Chir Ital 2000 ; 52 (1) : 41-7. 25. Kraimps JL, Marechaud R, Gineste D et al. Analysis and prevention of recurrent goiter. Surg Gynecol Obstet 1993; 176: 319-22. 26. Reeve TS, Delbridge L, Brady P. Secondary thyroidectomy: a twenty-year experience. W J Surg 1988 ; 12 : 449-53. 27. Hurley DL, Gharib H. Evaluation and management of nodular goiter. Otolaryngol Clin North Am 1996 ; 29 : 527-40. 28. Gharib H, Goellner JR. Fine needle aspiration biopsy of the thyroide. An Intern Med 1993 ; 118 : 282-9. m.-j. tajdine Histoire CONTROVERSES AUTOUR DE L’INTOXICATION ARSENICALE DE NAPOLÉON IER Analyse de l’histoire clinique du patient et revue de la littérature H. LEYRAL RÉSUMÉ Presque 180 ans après sa mort, la controverse historique et médicale autour de la maladie de Napoléon I er est toujours aussi vive. Certains auteurs défendent l’hypothèse d’une mort naturelle due à un cancer gastrique, d’autres soutiennent celle d’une intoxication, voire d’un empoisonnement criminel par l’arsenic. Ce travail a pour objet de confronter l’histoire clinique du patient avec la séméiologie bien connue de l’intoxication arsenicale. Les récits des témoins des derniers mois de l’Empereur, et en particulier de ses médecins, ainsi que les données de l’autopsie montrent clairement qu’il souffrait d’un cancer gastrique évolué, et n’apportent aucun élément en faveur d’une intoxication aiguë à l’arsenic. Cependant, la grande majorité des études toxicologiques menées sur les cheveux supposés être de Napoléon Ier fait apparaître des taux élevés d’arsenic. Nous discutons de la signification de ces résultats et de l’origine possible de cette intoxication. Mots-clés : Arsenic. Décès. Intoxication. Napoléon. ABSTRACT POLEMIC ABOUT THE ARSENICAL INTOXICATION OF NAPOLEON I: CLINICAL HISTORY’S STUDY AND REVIEW OF THE LITTERATURE. Almost 180 years after his death, the historical and medical controversy about Napoleon Bonaparte‘s illness is still lively. Some specialists assert that Napoleon died naturally from a terminal gastric cancer, others maintain the theory of an arsenical intoxication, even of a deliberate poisoning. This study aims at correlating the clinical story of the patient and the well-known arsenical intoxication semeiology. The narration of the witnesses of the Emperor’s last months, especially his physicians, and the results of the autopsy, clearly indicate that he had been suffering from a developed gastric cancer, and do not provide any argument for an acute arsenic intoxication. Nevertheless, most toxicological analysis conducted on hair samples believed to be those of Napoleon, revealed a high concentration of arsenic. We discuss about the interpretation of these results and the possible sources of the contamination. Keywords: Arsenic. Death. Intoxication. Napoleon. (Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 279-287) I. INTRODUCTION. Le 18 juin 1815, les armées de l’Empire français sont défaites à Waterloo. Napoléon est contraint d’abdiquer et remet son sort aux mains de ses ennemis anglais. Embarqué, en août 1815, à bord du Northumberland avec les quelques français qui ont choisi de partager son exil, il débarque le 17 octobre sur l’île de Sainte-Hélène. Cinq ans et demi plus tard, le 5 mai 1821, Napoléon s’éteint des suites d’une « longue maladie ». L’autopsie, pratiquée dès le lendemain par le docteur Antommarchi en présence de sept médecins anglais, conclut au décès par un ulcère gastrique cancérisé et perforé. H. LEYRAL, médecin principal. Correspondance : H LEYRAL, service médical 50/105, base aérienne 105, 27037 Évreux cedex. médecine et armées, 2008, 36, 3 En 1961, un dentiste suédois, Sten Forshufvud, après avoir lu les mémoires récemment publiées de Marchand, le valet de Napoléon, aff irme que les symptômes présentés par l’Empereur sont caractéristiques d’une intoxication arsenicale. De nombreux échantillons de cheveux attribués à Napoléon sont alors analysés et la plupart des études concluent à une présence anormalement élevée d’arsenic. Notre revue a pour objet de discuter la responsabilité d’une intoxication par l’arsenic dans la maladie et le décès de Napoléon en confrontant les données anamnestiques rapportées par les témoins des dernières années et la séméiologie de l’intoxication arsenicale. Une revue de la littérature fait par ailleurs le point sur les nombreuses analyses toxicologiques étudiant les cheveux de l’Empereur. 277 II. OBSERVATION DE L’ÉTAT DE SANTÉ DE NAPOLÉON DURANT SON SÉJOUR À SAINTEHÉLÈNE (1-5). Les premiers signes de la maladie remontent à la fin de l’année 1816. Nous retraçons l’histoire de la maladie de Napoléon en utilisant comme source les témoignages des médecins dont le langage et l’analyse séméiologique nous semblent exprimer le plus f idèlement l’état de santé de l’Empereur. Nous retenons pour l’essentiel les témoignages du docteur O’Meara, chirurgien de la marine britannique d’origine irlandaise qui soigne Napoléon de juillet 1815 à juillet 1818, puis du docteur Antommarchi de fin septembre 1819 au 5 mai 1821. Dans l’intervalle séparant les deux dates, Napoléon est sans médecin (à l’exception du docteur Stocke qu’il accepte de voir en janvier 1819) et il n’y a pas de témoignage médical f iable. Nous rapportons donc ceux de ses proches (Ali, Montholon, Bertrand). A) OCTOBRE 1816-OCTOBRE 1817 : LES PREMIERS MOIS À SAINTE-HÉLÈNE. Durant cette période, hormis quelques problèmes bucco-dentaires, l’état de santé de l’Empereur est assez satisfaisant. Napoléon présente toutefois des signes de carence en vitamine C (scorbut) avec l’association d’une asthénie, d’arthralgies, d’une gengivopathie, de lésions dentaires (d’une parodontopathie ?), puis des œdèmes des membres inférieurs en mars 1817. Le médecin de Marine qu’est O’Meara ne s’y trompe d’ailleurs pas (le scorbut était alors appelé la « peste des mers », sa prévention par les agrumes est connue depuis le milieu du XVIIIe siècle). Il prescrit un traitement hygiéno-diététique, associant une alimentation riche en légumes, des gargarismes acidulés et de l’exercice, qui semble donner d’assez bons résultats. Le médecin rapporte également à plusieurs reprises des pathologies dentaires (caries, abcès) en rapport avec un état bucco-dentaire très déficient. Enf in, O’Meara fait état d’œdèmes des membres inférieurs. B) OCTOBRE 1817-FIN 1819 : LA PATHOLOGIE BILIAIRE. C’est véritablement en octobre 1817 que la maladie de Napoléon semble débuter. Le 1er octobre 1817, le docteur O’Meara est appelé auprès de son patient qui présente une « douleur sourde dans la région de l’hypochondre droit, immédiatement au-dessous des cartilages des côtes aussi une sensation dans l’épaule droite, qui ressemblait plutôt à un engourdissement qu’à une douleur », ainsi qu’une « légère disposition à tousser » et une insomnie. Il décrit typiquement une colique hépatique avec la douleur de l’hypochondre droit irradiant en bretelle vers l’épaule droite, survenant par paroxysme sur un fond douloureux. Deux jours plus tard, il signale un 278 empâtement du flanc droit et une tuméfaction visible, ainsi qu’une sensibilité à la palpation (signe de Murphy). Une dyspepsie, avec une alternance diarrhée/constipation, flatulence, nausées, vomissements, puis une altération notable de l’état général accompagnent ce tableau. Quelques mois plus tard, au printemps 1818, le médecin signale des urines foncées et âcres, laissant penser qu’une obstruction des voies biliaires est apparue. Au mois de mai 1818, O’Meara rapporte que le tableau s’est complété avec l’apparition d’une fièvre et d’un subictère, évoquant une angiocholite, même si les médecins (O Meara, Stocke, puis Antommarchi) présents au chevet de l’Empereur émettent plutôt l’hypothèse d’une hépatite aiguë. Malgré les traitements administrés (en particulier le calomel), l’état s’aggrave progressivement et les crises (douleur, fièvre, ictère) se succèdent jusqu’au début de l’année 1819. Par ailleurs, cette période est marquée par un véritable syndrome dépressif. O Meara décrit en octobre 1817 « qu’il paraissait abattu et mélancolique ». Stürmer écrit le 10 novembre 1818 au prince de Metternich : « au plan moral, il est plus abattu que jamais, il est triste et rêveur et s’assoupit à tout moment ». La maladie, les diverses privations et contrariétés liées à son exil (les hostilités avec le gouverneur Hudson Lowe sont à leur comble) ainsi que la nouvelle récente venue d’Europe que son fils ne lui succèdera pas sur les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla, comme il l’espérait, expliquent cette dépression. L’arrestation et l’incarcération de son frère Lucien n’arrangent pas les choses. C) SEPTEMBRE 1819-OCTOBRE 1820 : LA RÉMISSION SPONTANÉE. Contre toute attente, l’état de santé de Napoléon va s’améliorer nettement et il se met à jardiner et à orchestrer les travaux d’ouvriers pour planter sa résidence. Marchand écrit : « L’Empereur mangeait avec appétit, sa santé paraissait plus satisfaisante, mais il continuait à se plaindre du côté ». En février 1820, le comte de Montholon écrit à son épouse rentrée en France l’année précédente : « les soins du docteur Antommarchi ont fait du bien à l’Empereur et il a en général éprouvé un effet avantageux de l’exercice qu’il prend au matin depuis quelque temps ». Hudson Lowe écrit en octobre 1820 : « Napoléon semblait être en bonne santé car il avait la f igure étonnement pleine, le corps et les cuisses d’une étonnante rondeur ». D) OCTOBRE 1820-5 MAI 1821 : LA PATHOLOGIE GASTRIQUE ET LES DERNIERS MOIS. En octobre 1820, l’état de l’Empereur s’aggrave soudainement. Le tableau qui domine alors est celui de la pathologie gastrique. Depuis sa jeunesse (au moins à partir de 1802), Napoléon avait présenté des douleurs épigastriques très évocatrices d’un ulcère gastrique. C’est à partir de décembre 1820 que les épigastralgies h. leyral à type de « coup de poignard » surviennent à nouveau et ne le quitteront plus. Une altération très nette de l’état général associant une asthénie physique de plus en plus marquée, une anorexie presque totale (et une intolérance alimentaire), ainsi qu’un amaigrissement probablement important (quoi qu’en aient dit certains auteurs), accompagnent ce tableau digestif. Une fièvre au long court est constamment relevée durant les derniers mois. On retrouve dans les témoignages de nombreuses références à une pâleur cutanéo-muqueuse qui pourrait être secondaire à des saignements digestifs. Enf in, corroborant l’hypothèse d’une pathologie gastrique, les témoins décrivent typiquement des hématémèses (27 avril) et un melæna le 3 mai 1821, avant-veille de sa mort. Les vésicatoires et les cautères, puis les différents traitements retenus par les docteurs Antommarchi et Arnott, chirurgien du 20e régiment, n’y font rien et la maladie s’aggrave. À partir du 27 avril, Napoléon présente des troubles de la conscience à type de délires avec logorrhée et propos incohérents, une tachycardie. Le 3 mai 1821 au matin, le docteur Antommarchi lui administre du vin sucré, puis une cuillerée d’éther en raison d’un hoquet incessant. À 17 heures, on lui donne une dose de calomel. Puis, à 23 heures, la première dose de calomel étant restée sans effet, on lui redonne, selon les conseils du docteur Arnott, 10 grains de calomel. À 23 heures 30, Bertrand et Ali notent que Napoléon fait une grosse selle noire. Ali parle d’une forte évacuation, d’une matière noirâtre et épaisse et en partie dure, qui ressemblait à de la poix ou au goudron. Il s’agit d’un melæna. Le 4 mai 1821, contre l’attente de ses proches, cette exonération n’apporte pas d’amélioration clinique et la fièvre augmente. Le 5 mai 1821, il prononce ses derniers mots, puis présente un tableau de choc avec coma calme, quelques râles, un pouls faible et rapide entre 102 et 112 bpm, un refroidissement des extrémités. Après une phase de gasp, le docteur Antommarchi note le décès à 17 heures 49 (fig. 1). E) DONNÉES AUTOPTIQUES. Le lendemain, le Dr Antommarchi pratique l’autopsie, en compagnie de sept autres médecins anglais. Son rapport, détaillé apporte des constatations extrêmement intéressantes : – « le poumon gauche est dans son lobe supérieur « parsemé de tubercules » et présente « quelques petites excavations tuberculeuses », le poumon droit est normal. Plusieurs adénopathies sont présentes au niveau médiastinal ; – il existe une splénomégalie et une hépatomégalie homogène que le médecin attribue à une hépatite chronique. Au niveau vésiculaire, il décrit un sludge et une distension vésiculaire ; – l’estomac présente une perforation au niveau de la petite courbure, en regard d’une zone indurée, cette perforation étant obturée par le lobe gauche du foie. Lorsqu’il ouvre l’estomac, Antommarchi constate que « presque tout le reste de la surface interne de cet organe était occupé par un ulcère cancéreux qui avait son centre à la partie supérieure, le long de la petite courbure de l’estomac, tandis que les bords irréguliers, digités et linguiformes de sa circonférence s'étendaient en avant, en arrière de cette surface intérieure, et depuis l’orifice du cardia jusqu’à un bon pouce du pylore ». Après une analyse macroscopique précise de la lésion (ulcère infiltrant à bord induré avec perforation gastrique obturée par le lobe gauche), il décrit également l’extension de la tumeur, avec probablement une carcinose péritonéale (« à la surface péritonéale et aux replis péritonéaux, je remarquai de petites taches et de petites plaques rouges, d’une nuance très légère, de dimensions variées, éparses et assez distantes les unes des autres ») et une extension ganglionnaire le long des courbures de l’estomac ; – enf in, la vessie présente de petits calculs et une muqueuse inflammatoire. III. INTOXICATION ARSENICALE (6-8). A) RAPPEL SUR L’ARSENIC. Figure 1. Baron Charles de Steuben (1788-1856). Mort de l’Empereur à SainteHélène (musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau). controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er L’arsenic est un métalloïde insoluble. Les principaux minerais d’arsenic sont le réalgar AsS (arsenic rouge) et l’orpiment As 2 S 3 (arsenic jaune) ; l’arsenic est également présent dans de nombreux autres minéraux. L’usage de l’arsenic remonte à l’antiquité. Utilisé comme poison dès le XIIIe siècle, il est jusqu’à la fin du XIXe siècle très souvent employé. Les derniers instants de Madame Bovary décrits par Gustave Flaubert sont typiques de l’intoxication arsenicale. À cette époque, il est employé comme pesticide. Actuellement, l’arsenic et ses dérivés sont très peu utilisés. L’usage médical est limité (trioxyde d’arsenic dans le traitement des LAM 3). Les solutions « fortifiantes » ne sont plus disponibles en France depuis la fin des années 1980. Il est employé en cosmétologie et en dentisterie (pâte pour dévitalisation dentaire). 279 Dans l’agriculture, il est utilisé pour le traitement du bois (préservation du bois), ainsi que comme herbicide, défoliant, dessiccatif, engrais, raticide ou formicide. Cependant, l’usage reste marginal. L’industrie emploie de l’arsenic pour la fabrication de pigments de la peinture jaune ou verte, de semiconducteurs de cristaux de laser, de tambour des imprimantes laser, des photocopieuses et des télécopieurs. L’exposition environnementale est la plus importante. L’arsenic est généralement très dispersé et en faible quantité dans la nature. On retrouve de l’arsenic dans l’air en rapport avec les activités volcaniques et les processus naturels de dégradation (la concentration d’arsenic dans l’air varie de 0,005 à 1 mg/m3). Les activités humaines industrielles (fonderies) ou agricoles augmentent la pollution de l’air. Les fonderies d’or, d’argent, de cuivre, de zinc et de plomb et les utilisations agricoles de pesticides à base d’arsenic sont les principales sources de contamination de l’atmosphère. Enf in, l’alimentation est une source importante. Les contaminations des eaux (Amérique de sud, Taiwan, Inde…) et des aliments (fruits de mer principalement, céréales et féculents) sont les causes actuelles les plus fréquentes d’intoxications, celles-ci étant parfois sévères. B) MÉTABOLISME DE L’ARSENIC. 1. Absorption. Elle est essentiellement digestive, accessoirement respiratoire (affection professionnelle) et faible par voie cutanée. Les formes minérales solubles (en particulier l’anhydride arsénieux As 2 O 3 ) sont très faiblement absorbées par l’intestin grêle. Au contraire, concernant les dérivés organiques, l’absorption digestive est beaucoup plus importante. 2. Distribution. L’arsenic absorbé gagne le foie par la veine porte puis se f ixe aux protéines plasmatiques et aux hématies. Secondairement, il se distribue rapidement aux tissus périphériques (foie, rein, rate, poumon…). 3. Métabolisation, excrétion. La majeure partie de l’arsenic minéral est excrétée dans les urines sous forme de dérivés méthylés et inorganiques. Les dérivés organiques sont rapidement éliminés dans les urines, en l’état. 4. Mécanisme d’action. La toxicité des sels minéraux d’arsenic trivalents est beaucoup plus importante que celle des pentavalents. L’As 3+ se f ixe sur les groupements thiols à l’origine d’une asphyxie thioprive responsable des atteintes organiques et métaboliques. Il en résulte des phénomènes ischémiques, thrombotiques et des nécroses tissulaires, à l’origine des lésions observées. 280 L’As 5+ se f ixe quant à lui sur les groupements phosphates. Les formes organiques sont beaucoup moins toxiques que les formes minérales. Elles sont essentiellement absorbées dans l’alimentation (chair de poisson). C) TOXICITÉ DE L’ARSENIC. 1. Toxicité aiguë. – manifestations digestives : elles sont intenses et surviennent rapidement après l’administration. Elles associent vomissements, nausées, douleurs abdominales, diarrhées profuse (« choléra arsenical »), parfois sanglante. Ces pertes digestives peuvent être responsables de troubles hémodynamiques (hypotension, collapsus, voire choc hypovolémique), hydroélectrolytiques, et de l’équilibre acido-basique (acidose métabolique) ; – insuffisance rénale : elle est secondaire à l’hypovolémie (insuffisance rénale fonctionnelle) mais aussi à une toxicité tubulaire directe ; – hépatite cytolytique ; – atteinte cardiaque : myocardiopathie avec BAV, allongement de l’espace QT, aplatissement de l’onde T, troubles de l’excitabilité, troubles du rythme ; – coagulopathie de consommation ; – soif intense, saveur alliacée dans la bouche ; – troubles neurologiques centraux (encéphalopathie, asthénie, troubles mnésiques, troubles de la concentration…). Si la victime ne décède pas, l’évolution naturelle se fait vers une guérison lente, avec des lésions cutanées à type de dermatose exfoliatrice palmo-plantaire, de bandes unguéales blanchâtre et transversales (bandes de Mess), une chute des cheveux et des poils, et une polynévrite sensitivo-motrice douloureuse, touchant d’abord symétriquement les extrémités des membres inférieurs, puis rapidement ascendante pouvant aboutir à une tétraplégie flasque. L’atteinte neurologique régresse lentement et le plus souvent de façon incomplète. 2. Toxicité chronique. – lésions cutanées : dermatose orthoergique (érythème, ulcération), kératodermie (en général palmo-plantaire, kérotoses arsenicales en « ilôts »), mélanodermie, cancer cutané (carcinome baso- ou spinocellulaire) ; – atteintes des phanères : alopécie, bandes de Mess ; – lésions muqueuses : rhinite, perforation de la cloison nasale, stomatite, laryngite, kérato-conjonctivite ; – polynévrite sensitivomotrice ; – atteintes hépatiques : fibrose, cirrhose, cancer ; – atteintes hématologiques : anémie, leucopénie, thrombopénie d’origine médullaire, lymphadénopathie angio-immunoblastique ; – myocardiopathie avec troubles de conduction ou troubles de la repolarisation ; – artériopathie distale ; – cancer broncho-pulmonaire (et peut-être également du foie, des reins, de la vessie). h. leyral IV. DISCUSSION. A) LA SYMPTOMATOLOGIE PRESENTÉE, EST-ELLE COMPATIBLE AVEC UNE INTOXICATION ARSENICALE ? La symptomatologie présentée par Napoléon, telle qu’elle est décrite par les différents médecins et témoins des derniers mois, n’évoque absolument pas une intoxication arsenicale qu’elle soit aiguë ou chronique, contrairement à ce que prétendent un certain nombre d’auteurs (9). Les seuls signes compatibles avec une intoxication arsenicale pourraient être les douleurs abdominales et les vomissements. Cependant, les diarrhées, dont la présence est habituelle dans cette intoxication aiguë (on parle d’ailleurs de choléra arsenical) ne sont pas présentes et on retrouve plus fréquemment au contraire une tendance à la constipation. La soif intense, décrite en février 1821, peut-être certes un signe d’intoxication par l’arsenic, mais témoigne probablement d’une simple déshydratation. Mis à part les vomissements, les douleurs abdominales et la soif, qui sont des signes trop peu spécifiques pour avoir une quelconque signif ication, il n’y a donc aucun argument clinique en faveur de la thèse de l’intoxication. En effet, les signes très spécifiques sont tous absents : – la neuropathie périphérique n’est évoquée dans aucun document. Elle est pourtant au premier plan dans l’intoxication chronique ou subaiguë ; – les atteintes cutanées (dermatose exfoliatrice palmo-plantaire, kératodermie, mélanodermie…) ne sont jamais citées ; – les atteintes phanériennes, quasiment pathognomoniques (alopécie, atteinte unguéale : bandes de Mess) manquent au tableau ; – concernant la symptomatologie hépatobiliaire, et comme le suggère Di Costanzo (10), les signes cliniques présentés par Napoléon durant les années 1817 à 1819, sont typiques d’une pathologie obstructive biliaire et non d’une hépatite chronique comme l’avaient supposé les différents médecins à l’époque. Par ailleurs, les données autoptiques ne sont pas en faveur d’une cirrhose et rapportent simplement une augmentation de volume du foie avec une consistance dure mais homogène sans nodule. Antommarchi consigne un sludge vésiculaire et une vésicule biliaire dilatée. Pour expliquer cette hépatomégalie, Di Costanzo émet l’hypothèse d’une hypertension portale débutante (peut-être dans le cadre d’une bilharziose). Rien ne permet donc de rattacher la maladie hépatobiliaire de Napoléon Ier à une intoxication par l’arsenic, comme l’ont laissé penser Forshufvud, puis Weider (9). En conclusion, Napoléon ne présente aucun signe clinique spécifique d’une intoxication arsenicale. Au terme de cette revue, Napoléon Ier semble a très probablement souffert d’une pathologie biliaire entre 1817 et 1819, puis d’un cancer gastrique à partir de 1820. controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er La thèse de la pathologie gastrique a en sa faveur de très nombreux arguments et est retenue par la plupart des auteurs (10-15) : – arguments familiaux puisque, comme le soulignent Hillemand (13) et Keynes (15), le père de Napoléon est mort en 1769 d’un ulcère, et ses sœurs Élisa, Pauline et Caroline ont probablement souffert de la même pathologie ; – argument clinique, puisque Napoléon présente des crises ulcéreuses tout à fait typiques (douleurs épigastriques post prandiales à type de crampes, calmées par la prise alimentaire) au moins depuis 1802 (date à partir de laquelle ces crises sont rapportées à de multiples reprises). Les derniers jours de sa vie sont d’ailleurs marqués par l’association hématémèse et maelena qui, dans le contexte, ne laisse pas de doute sur leurs origines ; – argument anatomopathologique enfin, puisque tous les rapports d’autopsie vont en ce sens (« presque tout le reste de la surface interne de cet organe était occupé par un ulcère cancéreux… ») (1). Les contradicteurs (9, 16) de l’hypothèse de la tumeur gastrique avancent enfin que la plupart des témoins des derniers mois de l’Empereur ne signalent aucun amaigrissement. Cette opinion répandue est loin de faire l’unanimité. Le docteur Antommarchi (1), dans ses mémoires, écrit d’ailleurs « l’Empereur avait considérablement maigri, depuis mon arrivée à SainteHélène ; il n’était pas en volume, le quart de ce qu’il était auparavant ». Une étude récente menée par Lugli et coll. (17) semble confirmer ses dires. Pour évaluer le poids de Napoléon, les auteurs ont étudié douze pantalons portés par l’Empereur entre 1800 et 1821. Ils concluent que le poids de celui-ci était de 67 kg en 1800, de 90 kg en 1820 et de 79 kg en 1821 (soit une perte de onze kg en quelques mois). Une deuxième méthode d’évaluation basée sur la taille de la graisse sous-cutanée au moment de l’autopsie (avec un groupe contrôle de 270 hommes décédés de causes diverses) confirme ce résultat. B) UNE AUTRE CAUSE TOXIQUE EST-ELLE PROPOSÉE ? À côté de l’intoxication arsenicale, certains auteurs ont mis en cause l’absorption le 3 mai 1821 au soir de 10 grains de calomel (Hg 2 Cl 2 ) soit cinq fois la dose habituelle. Le chlorure mercureux était à l’époque d’usage courant et prescrit comme laxatif (la causticité du mercure entraînant des diarrhées intenses, souvent sanglantes). Ces auteurs (9, 16) émettent l’hypothèse que l’administration concomitante de calomel et de sirop d’orgeat (contenant de l’acide cyanhydrique) aurait entraîné la formation de cyanure de mercure qui aurait été responsable des ulcérations décrites dans l’autopsie. Cette hypothèse est réfutée par Corso et Hindmarsh (11), qui estiment que les doses d’orgeat sont trop faibles. Il est probable que l’action corrosive ait été un facteur aggravant l’état de santé du malade, déjà bien précaire. Selon Di Costanzo (10), il est impossible cependant que le calomel soit responsable par son effet irritant des lésions 281 décrites dans le rapport autoptique, celles-ci étant manifestement chroniques et ne pouvant correspondre à une causticité aiguë. Dans un article de 2004, Mari et coll. (18) proposent comme explication au décès de Napoléon une torsade de pointe liée à l’action combinée de l’arsenic (action sur les canaux potassiques), d’un émétique à base de tartrate d’antimoine (ayant possiblement une action sur ces mêmes canaux), du « jesuit’s bark » contenant de la quinine qui agit également sur ces canaux, et enfin du calomel qui aurait pu entraîner une hypokaliémie par les diarrhées qu’il provoque. Cette hypothèse est plausible sur le plan purement physiopathologique mais nous semble absolument spéculative. Néanmoins, sans remettre en cause l’existence d’une pathologie gastrique, les auteurs estiment que l’Empereur est mort d’une « mésaventure médicale ». C) QUELS SONT LES RÉSULTATS DES ANALYSES TOXICOLOGIQUES ? Après l’hypothèse d’un décès lié à une intoxication arsenicale formulée en 1961 par Sten Forshufvud, de nombreuses analyses toxicologiques ont été réalisées sur des cheveux attribués à Napoléon Bonaparte. – origines des échantillons : Les échantillons de cheveux de Napoléon en circulation ne manquent pas. La plupart des mèches ont été prélevées le lendemain du décès par le docteur Antommarchi. (« Napoléon avait destiné ces cheveux aux différents membres de sa famille ; on le rasait » Antommarchi (1)). Un nombre important de mèches sont alors réparties. Il est parfois difficile d’avoir la certitude que les cheveux sont bien ceux de l’Empereur, tant ceux-ci ont changé de propriétaires au cours du temps. Par ailleurs, d’après Godlewski (12), Antommarchi se serait livré à son retour en Europe à un trafic lucratif de fausses reliques. D’autres échantillons plus anciens (1815, 1816, 1817) ont été heureusement retrouvés, permettant une analyse comparative ; – teneur normale et pathologique d’arsenic dans les cheveux : Il existe un consensus actuel qui établit une norme en dessous de 1 mg/kg chez un sujet non exposé et de 1 à 5 mg/kg chez un sujet ayant une exposition chronique (19-22). Cependant, l’arsenic est de moins en moins utilisé et les normes actuelles ne sont pas superposables à celles du XIXe siècle. Par exemple, Hindmarsh (19) retrouve sur le cheveu d’un homme vivant à l’époque victorienne un taux de 6,4 mg/kg. Aucune étude n’a analysé un échantillon de cheveux ayant appartenu à un habitant de l’île de Sainte-Hélène dans les années 1820 ; – résultats des études : - la première étude publiée par Forshufvud (23) remonte à 1961. Il fait analyser un cheveu attribué à Napoléon par le 282 service de médecine légale de l’université de Glasgow. La concentration d’arsenic retrouvée est de 10,4 mg/kg, - en 1964, Forshufvud poursuit ses recherches (24) et étudie des échantillons de cheveux prélevés à différentes périodes de la vie de Napoléon (1816, 1817, 1818 et 1821). Les résultats montrent des concentrations élevées d’arsenic sur tous les échantillons (4,9 à 76,6 mg/kg), - en 1982, Lewin et coll. (25) publient dans la revue Nature une analyse toxicologique sur un échantillon de cheveux prélevés le 6 mai 1821. Le taux retrouvé par une méthode d’activation neutronique est de 1,4 mg/kg, ce qui est dans l’intervalle donné par les groupes contrôles. Un taux d’antimoine élevé est constaté (0,45 mg/kg), ce qui peut être expliqué par la présence d’antimoine dans les traitements de l’époque (émétique à base de tartrate de potasse et d’antimoine), - en 1999, Weider (22) publie une analyse de deux cheveux de 1821 obtenus par le valet de Napoléon et retrouve des concentrations élevées d’arsenic pour les deux échantillons. Les auteurs tentent de donner une répartition chronologique des concentrations d’arsenic dans le premier des cheveux, avec toutefois des réserves importantes dans l’interprétation des résultats. L’analyse de deux autres cheveux datant du 16 octobre 1816 retrouve des concentrations également élevées de 33,3 et 16,8 mg/kg, - en 2002, Kintz et Coll. (20) analysent cinq cheveux d’époques différentes (quatre coupés le 6 mai 1821 et un le 16 octobre 1816). Ils opèrent d’abord une décontamination à l’acétone, puis étudient la concentration d’arsenic dans les cheveux par absorption atomique. Les cheveux coupés le 6 mai 1821 recèlent des concentrations d’arsenic variant entre 6,99 et 38,53 mg/kg, l’échantillon coupé le 16 octobre 1816 une concentration de 7,4 mg/kg. Les auteurs concluent à une intoxication arsenicale et éliminent l’hypothèse de la contamination externe des cheveux par une validation expérimentale de leur méthode de décontamination, - enf in, en 2004, une nouvelle série d’analyses est publiée par Lin et coll. (21). Elle étudie deux cheveux prélevés le 6 mai 1821 à Sainte-Hélène, un autre datant du séjour sur l’île d’Elbe en 1814, et deux cheveux témoins appartenant à un homme et une femme âgés de 30 ans vivant de nos jours à Berlin. Les résultats montrent une concentration d’arsenic de 1,85 et 3,05 mg/kg sur les cheveux du 6 mai 1821, de 33,4 mg/kg sur celui datant de 1814, et de 0,032 et 0,033 chez les témoins. Par ailleurs, un taux de mercure très élevé est retrouvé, probablement en rapport avec la prise répétée de calomel. Enfin, les concentrations d’antimoine sont très élevées également sur les échantillons de mai 1821, et plus faibles pour l’année 1815 en rapport avec la prise d’un traitement antiémétique à base de tartrate d’antimoine, confirmant les résultats avancés par Lewin et coll. (25) ; – synthèse des études analytiques : Le tableau I fait la synthèse des nombreuses études publiées. h. leyral Tableau I. Mesures des concentrations d’arsenic dans les cheveux de Napoléon Bonaparte. Date et référence de l’étude Date de prélèvement de l’échantillon Concentration d’arsenic (maximum*) 1961 (23) 6 mai 1821 10,4 1962 (26) 6 mai 1821 4,9 (11) 1964 (24) 6 mai 1821 6 mai 1821 16 mars 1818 16 mars 1818 13 juillet 1817 14 juillet 1816 14 juillet 1816 14 juillet 1816 14 juillet 1816 1978 (27) 16 16 16 16 16 octobre octobre octobre octobre octobre 1816 1816 1816 1816 1816 10,2 12,3 21.2 7,5 3,2 42,1 38,8 48,6 19,4 (23,0) (20,0) (26,0) (8,5) (4,9) (60,0) (76,6) (62,0) (23,8) 9,2 9,8 30,4 13,8 25,4 1982 (25) 6 mai 1821 1,4 1994 (28) 6 mai 1821 1,9 (2,8) 1995 (19) 1816 1816 33,3 16.8 1995 (28) 6 6 6 6 mai 1821 mai 1821 mai 1821 mai 1821 1816 11,8 16,9 6,3 < 4,6 15,3 1999 (22) 6 mai 1821 novembre 1820 16 octobre 1816 16 octobre 1816 10,5 (22) 24,3 (51,2) 33,3 16,8 2002 (20) 16 octobre 1816 6 mai 1821 6 mai 1821 6 mai 1821 6 mai 1821 7,43 15,5 38,5 7 15,2 2004 (21) 6 mai 1821 6 mai 1821 1814 1,85 3,03 33,4 * la concentration donnée est celle de l’échantillon ou la moyenne des résultats lorsque ceux-ci ont été segmentés. D) COMMENT INTERPRÉTER CES RÉSULTATS ANALYTIQUES ? Questions : – la première des questions à se poser est celle de l’origine des cheveux : outre le fait que, comme le souligne Godlewski (12), un important trafic de reliques semble avoir existé avant et après la mort de Napoléon, le cheminement de ces cheveux au cours des bientôt deux siècles qui séparent le décès de l’analyse ne permet pas d’être formel concernant leur origine. Ces cheveux se sont souvent passés de main en main, de génération en génération et leur parcours est parfois complexe. En conséquence, étant dans l’impossibilité de réaliser une étude ADN pour identifier de façon certaine leur controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er provenance, celle-ci doit rester une présomption d’origine. Cependant, le nombre important d’études convergentes est un argument fort, car il est en effet difficile de croire que la trentaine d’échantillons analysés ne contienne que des faux ; – concernant le matériel étudié, plusieurs biais sont à souligner : - les analyses concernent parfois des quantités de cheveux très faibles (Smith et coll. (26) analysent un échantillon de 0,5 mg !). Or, le protocole habituellement utilisé en médecine légale (8), nécessite 50 à 100 cheveux, coupés au ras du scalp, à la partie supérieure de la région occipitale (où le nombre de cheveux en phase anagène est maximal). Les cheveux doivent être orientés. Kintz dans son ouvrage « toxicologie et pharmacologie médico-légale » précise à ce sujet que l’orientation de la mèche est absolument indispensable pour réaliser un calendrier séquentiel. Les cheveux doivent ensuite être conservés à température ambiante. Autant de conditions qui n’ont bien entendu pas été respectées, - par ailleurs, chez l’homme 80 % à 85 % des cheveux sont en phase anagène (de pousse), le reste en phase catagène (0 % à 2 %, phase d’arrêt de croissance) ou télogène (16 % à 22 %, phase de chute), il est donc hasardeux de chercher à réaliser une datation toxicologique sur un seul cheveu dont on ne connaît ni l’orientation, ni la phase (29). Enfin, en phase anagène, la vitesse de croissance des cheveux varie de façon importante (0,35 à 0,45 mm/jour). Toutes ces considérations laissent à penser que la corrélation entre la datation toxicologique et l’état de santé quotidien de Napoléon que Weider et coll. établissent dans leur étude (22) est scientifiquement peu valide ; – concernant la grande disparité des résultats : On est amené à s’interroger sur l’extrême variabilité des résultats des analyses pour des cheveux prélevés à la même date. À titre d’exemple, concernant les cheveux prélevés le 6 mai 1821 (la même réflexion pourrait être faite pour ceux prélevés le 16 octobre 1816), la concentration d’arsenic varie entre 1,4 à 38,5 mg/kg. Certes, pour la majorité des échantillons, les taux retrouvés sont compris entre 10 et 15 mg/kg, mais comment expliquer des valeurs presque nulles ou au contraire très élevées. Est-ce lié au fait que certains cheveux étaient en phase catagène (et ne fixaient plus l’arsenic) ? à des erreurs de mesure ? à des échantillons ne provenant pas de la même personne ? Enfin, la présence d’une quantité importante d’arsenic dans un cheveu prélevé avant l’arrivée de Napoléon sur Sainte-Hélène (cheveu de 1814) est en faveur d’une intoxication chronique ancienne (et en défaveur de l’intoxication par empoisonnement). Toutefois, si l’on dresse une synthèse de ces analyses, sur les 17 que nous avons répertoriées concernant les cheveux prélevés le 6 mai 1821, tous les taux sont au-delà de la valeur considérée comme « normale » (1 mg/kg) et plus de la moitié (9/17) au-delà du seuil « d’alarme » des 10 mg/kg. Sur les quinze analyses de cheveux de 1816, tous les taux sont également au-dessus de la valeur de 1 mg/kg et douze 283 au-dessus de 10 mg/kg, avec des concentrations maximales souvent bien supérieures à celles retrouvées juste avant la mort de Napoléon. Notons qu’à cette période, Napoléon ne présente aucune symptomatologie pouvant être attribuée à une intoxication arsenicale. Enfin, l’analyse d’un cheveu prélevé sur l’île d’Elbe, sept ans avant le décès conclue également à des concentrations très élevées d’arsenic (33,4 mg/kg). Au total, malgré des divergences dans les résultats et des réserves méthodologiques, l’ensemble des études toxicologiques montre que Napoléon a subi une intoxication chronique par l’arsenic, celle-ci remontant au moins à l’année 1816 et probablement même avant son arrivée sur l’île de Sainte-Hélène, comme le suggère l’étude de Lin et Coll. (21). V. CONCLUSION. L’analyse des observations cliniques rédigées par les témoins des dernières années de la vie de Napoléon oriente clairement vers une maladie gastrique (cancer ou ulcère) et n’évoque pas objectivement une intoxication arsenicale. Cette opinion est de plus renforcée par les comptes-rendus de l’autopsie (qu’il s’agisse de celui d’Antommarchi ou de ceux des nombreux médecins anglais présents) réalisée le lendemain du décès. Cependant, les études toxicologiques nombreuses, avec toutes les réserves méthodologiques qui doivent être soulignées, concluent presque toutes à une intoxication arsenicale chronique qui remonte au moins à octobre1816 (et probablement antérieurement). Néanmoins, tout ce qui brille n’est pas d’or et intoxication ne signifie pas empoisonnement : l’origine de l’arsenic a été beaucoup discutée. Une contamination des cheveux ante ou post mortem (cosmétique capillaire (30), préparation du corps, conservation des mèches de cheveux (30)) a été éliminée par des techniques de décontamination validées (20). Parmi les autres causes, la présence d’arsenic dans l’eau de l’île a été envisagée. Les mesures menées par Hindmarsh et Corso (19) retrouvent une concentration inférieure à 0,002 mg/kg (pour une norme actuelle inférieure à 0,01 mg/kg). La contamination du vin (suite à un traitement agricole de la vigne ou du bois des barriques) est une hypothèse envisageable. La présence d’arsenic dans des traitements médicamenteux ou des solutions « tonif iantes » est également possible. Keynes (14) fait état de l’usage à cette époque d’arsenic dans différentes préparations (solution de Fowler, solution de Donovan, liqueur arséniée pour traiter les pertes d’appétit…). Figure 2. Jean-Baptiste Mauzaisse (1784-1844). Napoléon sur son lit de mort (musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau). 284 h. leyral Par ailleurs, une étude très intéressante publiée dans la revue Nature en 1982 par Jones et Ledingham (31) prouve que le papier peint posé en 1819 dans le salon de Longwood contient des quantités importantes d’arsenic. Celui-ci était utilisé en combinaison avec le cuivre pour obtenir des pigments verts (vert émeraude, « vert de Paris »). Dans certaines conditions d’humidité et de température, des moisissures métabolisent l’arsenic en un composé volatil (l’arsenic triméthyl). Enfin, la présence d’arsenic dans les fumées de poêle à bois est envisagée par différents auteurs (19, 30). Compte tenu de toutes ces sources et du fait que l’usage de l’arsenic était très répandu au XIX e siècle, il serait intéressant de connaître la concentration d’arsenic dans les cheveux d’un habitant de Sainte-Hélène vivant à la même époque. L’intoxication arsenicale chronique qui semble probable n’est donc certainement pas la cause du décès. Elle est ancienne et remonte au moins à 1814. En revanche, l’abus de calomel, d’orgeat (et peut être d’antimoine, voire de quinine comme le suggèrent Mari et Coll. (18)) a certainement précipité le décès d’un homme gravement malade. L’hypothèse la plus raisonnable demeure très certainement le cancer gastrique aggravé par des traitements agressifs et inappropriés. Mais n’est-ce pas Markham (32) qui f inalement a raison en écrivant que « dans un sens, la discussion de la cause de la mort de Napoléon est purement académique : la cause réelle est le désespoir et la frustration. Un homme de son tempérament et avec son passé, privé d’activité, d’intérêt et d’espoir, avait peu de chance de survivre longtemps ». RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Antommarchi F. Les derniers moments de Napoléon. Paris : H Gautier. 2. Castelot A. Le drame de Sainte-Hélène. Paris : Les presses de la cité ; 1959. 3. Las Cases E. Le mémorial de Sainte-Hélène. Paris : Cercle du bibliophile ; 1961, 4 Vols. 4. Martineau G. La vie quotidienne à Sainte-Hélène. Paris : Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier ; 2005. 5. O’Meara B. Journal de Barry O’Meara. Napoléon dans l’exil. Paris : Fondation Napoléon, Tallandier ; 1993, 2 Vols. 6. Bismuth C, Baud F, Conso F, Frejaville JP, Garnier R. Toxicologie clinique. Paris : Médecine science Flammarion ; 1989. 7. Testud F. Pathologie toxique professionnelle et environnementale. Paris : Éditions ESKA ; 2005. 8. Kintz P. Toxicologie et pharmacologie médico-légale. Issy les Moulineaux : Elvisier ; 1998. 9. Weider B, Hapgood D. Qui a tué Napoléon ? Robert Laffont ; 1982. 10. Di Costanzo J. Gastrointestinal diseases of Napoleon in Saint Helena: causes of death. Sci Prog. 2002 ; 85 (Pt 4) : 359-67. 11. Corso PF, Hindmarsh JT, Stritto FD. Response to Weider B. Sci Prog 1998 ; 81 (1) : 81-92. 12. Godlewski G. Was Napoleon poisoned ? Bull Acad Dent (Paris) 1964 Apr 13 ; 8 (8) : 63-77. 13. Hillemand P. Napoleon's death. Nouv Presse Med 1972 aug 26 ; 1 (30) : 1972-4. 14. Keynes M. The death of Napoleon. J R Soc Med 2004 oct ; 97 (10) : 507-8. 15. Keynes M. Did Napoleon die from arsenical poisoning ? Lancet 1994 jul 3 ; 344 (8 917) : 276. 16. Weider B. On the non-poisonous death of Napoleon. Sci Prog 1998 ; 81 (Pt1) : 81-92. 17. Lugli A, Lugli AK, Horcic M. Napoleon's autopsy: new perspectives. Hum Pathol 2005 apr ; 36 (4) : 320-4. 18. Mari F, Bertol E, Fineschi V, Karch SB. Channelling the Emperor: what really killed Napoleon? JR Soc Med 2004 aug; 97 (8): 397-9. controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er 19. Hindmarsh JT, Corso PF. The death of Napoleon Bonaparte: a critical review of the cause. J Hist Med Allied Sci 1998 jul ; 53 (3) : 201-18. 20. Kintz P, Goulle JP, Fornes P, Ludes B. A new series of hair analyses from Napoleon confirms chronic exposure to arsenic. J Anal Toxicol 2002 Nov-Dec ; 26 (8) : 584-5. 21. Lin X, Alber D, Henkelmann. Elemental contents in Napoleon's hair cut before and after his death: did Napoleon die of arsenic poisoning ? Anal Bioanal Chem 2004 may ; 379 (2) : 218-20. 22. Weider B, JH Fournier. Activation analyses of authenticated hairs of Napoleon Bonaparte confirm arsenic poisoning. Am J Forensic Med Pathol 1999 dec ; 20 (4) : 378-82. 23. Forshufvud S, Smith H, Wassen A. Arsenic content of Napoleon I's hair probably taken immediately after his death. Nature 1961 oct 14 ; 192 : 103-5. 24. Forshufvud S, Smith H, Wassen A. Napoleon illness 1816-1821 in light of activation analyses of hairs from various dates. Arch Toxikol 1964 ; 20 : 210-9. 25. Lewin PK, Hancock RG, Voynovich P. Napoleon Bonaparte: no evidence of chronic arsenic poisoning. Nature 1982 oct 14 ; 299 (5 884) : 627-8. 26. Smith H, Forshufvud S, Wassen A. Distribution of arsenic in Napoleon’s hair. Nature 1962 ; 194 : 725-8. 27. Leslie AC, H Smith. Napoleon Bonaparte's exposure to arsenic during 1816. Arch Toxicol 1978 dec 11 ; 41 (2) : 163-7. 28. Corso PF, T Hindmarsh. Further scientific evidence of the nonpoisonous death of Napoleon. Sci Prog 1996 ; 79 (Pt 2) : 89-96. 29. Bouhanna P, Reygagne P. Pathologie du cheveu et du cuir chevelu. Paris : Masson ; 1999. 30. Corso PF, Hindmarsh JT, Stritto FD. The death of Napoleon. Am J Forensic Med Pathol 2000 sep ; 21 (3) : 300-5. 31. Jones DE, Ledingham KW. Arsenic in Napoleon's wallpaper. Nature 1982 oct 14 ; 299 (5 884) : 626-7. 32. Allison B. Cause of death: the mystery surrounding the death of Napoleon. Pharos Alpha Omega Alpha Honor Med Soc 2002 Spring ; 65 (2) : 16-9. 285 VIENT DE PARAÎTRE HORMONES, SANTÉ PUBLIQUE ET ENVIRONNEMENT Sous la direction de Edwin MILGROM et Étienne-ÉMILE BAULLIEU La recherche en endocrinologie a été un des points forts de la biologie française au cours des dernières décennies. Elle joue un rôle majeur sur le plan fondamental où, en dehors de son intérêt propre. elle sert de modèle à la compréhension des mécanismes généraux de signalisation. En outre, elle débouche sur certains des problèmes les plus préoccupants de santé publique donnant lieu à de très importantes approches pharmacologiques et thérapeutiques. L'objet de ce rapport est d'évoquer les plus importants de ces problèmes situés à l'interface des sciences médicales et des sciences de la société. Du point de vue strictement médical, quatre questions se posent avec une acuité croissante : les relations entre hormones et cancers. le traitement substitutif de la ménopause la contraception hormonale au long terme et l'influence de certaines hormones sur le développement de l'obésité et du diabète de type 2. Un autre sujet important concerne le vieillissement conçu comme un ensemble complexe de facteurs biologiques, cognitifs sociaux et finalement sociétaux. Un aspect plus technique mais également de grande importance, concerne les perturbateurs hormonaux, des produits cliniques qui peuvent modifier de façon indésirable la production de certaines hormones. Un dernier aspect concerne utilisation des hormones hors de la médecine notamment chez les animaux comestibles. L'ambition de ce rapport est de donner l'arrière-plan scientifique permettant de comprendre les mécanismes biologiques impliqués dans ce groupe de problèmes majeurs de santé publique. Les voies de recherches actuelles sont résumées, les voies futures sont indiquées et des recommandations sont présentées. Les principaux partenaires institutionnels intervenant dans chaque cas sont cités. Lorsqu'elles existent, les controverses scientifiques et quelquefois politico-médiatiques sont explicitées. ISBN : 978 2 86883 895 7 – Prix : 39 € – Format : 16x24 cm – Pages : 308 – EDP SCIENCE – 17 avenue du Hoggar – Parc d'activités de courtabœuf, BP 112, 91 944 Les Ulis edex A – Contact Presse Elise CHATELAIN – [email protected] – Tél. : 01 69 18 69 87. 286 VIENT DE PARAÎTRE LA MÉDECINE MILITAIRE LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES Sous la direction d’Éric DEROO Préface de Max GALLO 1708-2008, trois siècles d’une épopée unique et peu connue, celle du Service de santé des armées français. À partir d’une abondante iconographie, souvent inédite, cet album restitue les grandes dates, les figures emblématiques et les avancées scientifiques qui permettent à la médecine militaire françaises de se présenter aujourd’hui comme l’une despratiques les plus modernes et les plus novatrices. Héritière d’une longue tradition de médecine exercée au plus près des combattants, toujours d’actualité sur les théâtres d’opérations extérieures, l’action du service et de son personnel est résolument tournée vers le futur. L’histoire de la médecine militaire et ses activités contemporaines offrent une galerie de portraits, livrent des témoignages, révèlent des faits et des innovations qui entraînent le lecteur des champs de bataille de Louis XIV aux opérations internationales du XXIe siècle. ISBN : 978 2 11 097534 8 – Format : 19x26cm – Pages : 232 – Prix : 25 €. Commander cet ouvrage à : ECPAD, Pôle commercial, département ventes – 2 à 8 route du Fort, 94 205 Ivry-sur-Seine Cedex. Chèque libellé à l’ordre de l’agent comptable de l’ECPAD ou sur www.ecpad.fr Contact : 01 49 60 59 88 et 01 49 60 59 51. 287 RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS GÉNÉRALITÉS L'article proposé pour parution dans Médecine et Armées, relate un travail original et spécifique à la médecine dans les armées (fait médical, chirurgical, pharmaceutique, vétérinaire, historique, médico-administratif, épidémiologique…). PRÉSENTATION DU MANUSCRIT • Le manuscrit est fourni: – soit sur papier en trois exemplaires; – soit sur support numérique adressé par voie postale; – soit adressé par E. mail (Internet, Intranet, Lotus); – soit sous forme multiple. • Le manuscrit est rédigé: – en langue française (sauf exception après accord de la rédaction); – en double interlignage en Times new roman corps 12; – recto seulement marge gauche ; – paginé. • La première page comporte: – le titre précis et concis sans abréviation, en lettres capitales accentuées, – le nom du ou des auteurs en lettres capitales accentuées, précédé des initiales du prénom en lettres capitales accentuées (avec trait d'union pour les prénoms composés) séparés par un point. – le nom du ou des auteurs, précédé des initiales du prénom des auteurs suivis du grade et du titre principal; – le nom, l'adresse et les coordonnées téléphoniques, de télécopie ou E-mail de l'auteur destinataire des correspondances, des épreuves à corriger. • La deuxième page est réalisée selon les règles avec: – le titre en français en lettres capitales accentuées; – le titre en anglais ; – le résumé en français de 15 lignes maximum sans abréviation ni référence; – suivi de quatre à cinq mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétique et séparés par un point; – le résumé en anglais suivi des mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétique et séparés par un point. • Le texte: – débute à la troisième page; – est concis, précis et les évènements passés sont écrits au passé composé ; – les abréviations sont en nombre limité et exclues du titre et des résumés et sont explicites lors du premier emploi ; le terme entier est précédé de l'abréviation mise entre parenthèses lors de la première apparition dans le texte; – la terminologie est respectée (symbole, unité, nombre écrit en chiffres sauf ceux inférieurs à dix sept, lorsqu'ils commencent une phrase ou lors d'énumérations fréquentes dans le texte, médicaments). – La présentation est au carré (texte justifié) sans retrait ni interligne, ni gras dans le texte ni mot souligné et selon le plan: I. CHAPITRE. A) SECTION. 1. Article. a) Paragraphe. – alinéa; - sous alinéa, les puces • peuvent être utilisées sans renvois de bas de page. • Les figures (graphiques, illustrations et photographies): – sont en nombre limité; – sont numérotées en chiffres arabes; – sont appelées précisément dans le texte, placées entre parenthèses par ordre d'apparition ; – les photos sont fournies en trois exemplaires (idem pour les radiographies) respectent l'anonymat des patients et peuvent être remplacées par des fichiers numériques (sous format JPEG); – les diapositives sont accompagnées d'un tirage papier; – au verso des figures l'orientation est indiquée; – les légendes sont dactylographiées sur une feuille à part expliquant les unités utilisées (pour les graphiques). • Les tableaux: – sont en nombre limité; – sont numérotés en chiffres romains; – sont fournis sur une seule page avec leur titre et leur numéro; – sont précisément appelés dans le texte, placés entre parenthèses par ordre d'apparition; – doivent se suffirent à eux même sans que l'on doive se référer au texte. • Les remerciements: – sont placées en fin de texte. • Les références bibliographiques: – sont numérotées en chiffres arabes placés entre parenthèses (dans le texte, les tableaux et les figures) dans l'ordre d'apparition; – les chiffres sont séparés par des virgules, mais au-delà de deux chiffres successifs seuls les deux extrêmes sont présentés, séparés par un trait d'union; – les noms des auteurs, séparés par une virgule, sont mentionnés jusqu'à six, au-delà, le dernier des six est suivi de la mention « et al. ». – les noms des revues sont conformes aux listes officielles référencées. LES RÉFÉRENCES Les références comportent obligatoirement, dans l'ordre suivant: – noms des auteurs en minuscules accentuées (première lettre en capitale accentuée) suivis des initiales des prénoms en majuscules accentuées séparés par une virgule, le dernier étant suivi de la mention « et al. »; – titre intégral dans la langue de publication (caractères latins) et d'un point ; suivi de: À propos d'un article extrait de revue: – nom de la revue suivi de l'année de parution, puis d'un point virgule; – tome, pouvant être suivi du numéro entre parenthèses, puis deux points; – numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite, séparés par un trait d'union et point final. À propos d'un livre: – ville de l'éditeur puis deux points; – éditeur suivi d'un point virgule; – année d'édition et éventuellement du nombre de pages suivi d'un point final. À propos d'un chapitre extrait d'un livre: – titre du chapitre et point; – puis « in : » suivi du ou des noms et initiales des prénoms du ou des coordinnateurs suivis de « ed » ou « eds » et d'un point; – titre du livre et point; – ville de l'éditeur puis deux points; – maison d'édition et virgule; – année d'édition et deux points; – numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite, séparés par un trait d'union et point final. À propos d'une thèse: – ville suivie de deux points et de l'université puis d'un point virgule; – année de la thèse et nombre de pages et point final. COMITÉ DE LECTURE Les articles sont soumis anonymement pour approbation à la lecture de deux lecteurs membres du comité ou de deux lecteurs choisis pour leur compétence en la matière. Le comité de lecture se réserve le droit de demander un complément de bibliographie. Les textes, publiés ou non, ne sont pas retournés à l'auteur, à l'exception des illustrations. CORRECTION DES ÉPREUVES Les auteurs reçoivent, avant publication, les épreuves d'imprimerie sous forme papier ou fichier PDF via Internet ou Lotus qu'ils devront vérifier dans les délais indiqués dans la lettre d'accompagnement et conformément aux observations précisées. Le retour dans les huit jours est impératif. Passé ce délai, le texte sera publié tel quel sous la responsabilité de son auteur. OBLIGATIONS LÉGALES Les manuscrits originaux ne doivent avoir fait l'objet d'aucune publication antérieure, ni être en cours de publication dans une autre revue. Les opinions, exprimées dans les articles ou reproduites dans les analyses, n'engagent que leurs auteurs, notamment pour les médicaments. Les règles concernant l'exercice du droit d'expression dans les armées doivent être observées, particulièrement lorsqu'il s'agit d'informations nominatives ou protégées. En outre, le respect des dispositions de la loi du 11 mars 1957 modifiée, relative à la propriété littéraire et artistique, s'impose. Toute correspondance doit être adressée à : M. le rédacteur en chef, secrétariat « Médecine et Armées » 1, place Alphonse Laveran, 75230 Paris Cedex 05 – Tél. : 01 40 51 47 44 – Fax : 01 40 51 51 76 – Email : [email protected] 288 Revue du Service de santé des armées SGA/SMG Impressions TOME 36 N°3 Juin 2008 ISSN 0300-4937