vient de paraître - École du Val-de-Grâce

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vient de paraître - École du Val-de-Grâce
&Armées
Médecine
Revue du Service de santé des armées
TOME 36 N°3 Juin 2008
ISSN 0300-4937
MÉDECINE
ET
ARMÉES
Revue du Service de santé
des armées
SOMMAIRE
Pages
T. 36 - n° 3 - Juin 2008
Direction centrale
du Service de santé des armées
Médecine et Armées
1, Place Alphonse Laveran,
75230 Paris Cedex 05.
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TRADUCTION
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J.-C. KERVELLA – MCS. J.-M. ROUSSEAU –
MCS D. VALLET.
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G. CAMILLERI – MGA P. JEANDEL – MGI
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G. MARTET – MG J. MARTIN – MGI J.-P. MENU
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C. RENAUDEAU – GB C. TILLOY – MGI
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B. BRISOU – MCS A. CHAGNON – MGI
L. COURT – MGI J.-P. DALY – MGA
J.DE SAINT JULIEN – MGI CL. GIUDICELLI –
MGI J. GUELAIN - CDG P H . KAHL – MGI J.
KERMAREC – MGI CH. LAVERDANT – MGI P.
LEFEBVRE – PGI LECARPENTIER – VEGI R.
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P. QUEGUINER – MGI J.-M. VEILLARD – MGI
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ISSN : 0300-4937
COUVERTURE
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PRATIQUE MEDICO-MILITAIRE
195 • La télémicrobiologie dans l’armée allemande. Un nouveau module de télémédecine pour apport
dans le domaine des maladies infectieuses lors des missions extérieures.
P. SCHEID, L. ZÖLLER.
203 • Tarification à l’activité et contrat de bon usage. Implications dans les Services de phamacie
hospitalière des hôpitaux d’instruction des armées.
P. LE GARLANTÉZEC, H. MULLOT, O. AUPÉE, M. PAILLET, M.-P. DASSÉ, B. CANNONGE. X. BOHAND.
213 • Quel avenir pour les eaux conditionnées dans la stratégie d’approvisionnement des forces armées
en situation opérationnelle ?
G. BORNERT, C. PORTELLI-CLERC, Y. BOUHDA, A. KAROM, H. HASKOURI, K. CHABAA.
219 • Rebreathing et appareil de protection respiratoire.
P. MOULIN, J.-L. CAPRON, T. CUNEY, A. MONTMAYEUR, P. VIANCE.
223 • Médecin des éléments français au Tchad à Faya Largeau.
D. GRAS.
229 • Fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants.
J.-C. AMABILE, X. CASTAGNET, S. BOHAND, N. GRANGER-VEYRON, P. ANZIANI, F. MICHIEL, P. LAROCHE.
235 • Secteur dentaire interarmées de Mourmelon.
B. FENISTEIN.
MISE AU POINT
241 • Prise en charge des cholécystites aiguës en un temps. Expérience du service chirurgie viscérale
de l’HIA Desgenettes.
L. MINGOUTAUD, J.-P. OWONO, C. DUSSART, D. N’GABOU, M. DELIGNY, CH. LOUIS, S. FAUCOMPRET.
247 • Intérêt d’un nouveau système de contention intermaxillaire pour les traumatismes faciaux en
opérations extérieures. Intermaxillary fixation (IMF) Quick-fix System ®.
G. THIÉRY, O. COULET, E. DEMORTIÈRE, P. BALANDRAUD, G. POULIQUEN, O. LIARD, A. PARANQUE.
251 • Maladie de Verneuil et carcinome épidermoïde.
L. MONTAGLIANI, O. MONNEUSE, E. TISSOT.
257 • Atlas de génétique et de cytogénétique oncologique sur internet.
F. DÉSANGLES, PH. CAMPARO, É. NICAN, J.-L. HURET.
261 • Mise au point sur les gangrènes périnéo-scrotales. À propos d’une série de 72 cas.
A. ACHOUR, M.T. TAJDINE, A. ALAHYANE, M. MOUJAHID, M. DAALI
FAIT CLINIQUE
265 • Compression cave supérieure compliquant un mésothéliome pleural sarcomatoïde.
J. MARGERY, S. LE MOULEC, P. RUFFIE.
269 • Invagination colique sur lipome : à propos d’un cas.
M. MENFAA, A. HOMMADI, A. CHOHO.
MEMOIRE
273 • La thyroïdectomie totale est-elle le traitement chirurgical de choix en cas de goitre
multinodulaire ? À propos de 230 cas.
M.-T. TAJDINE, M. LAMRANI, M. MOUJAHID, F. BENARIBA, M. DAALI.
HISTOIRE
277 • Controverses autour de l’intoxication arsenicale de Napoléon 1er. Analyse de l’histoire clinique du
patient et revue de la littérature.
H. LEYRAL.
193
CONTENTS
Pages
MEDICO-MILITARY PRACTICE
195 • Telemicrobiology in the german army: a new telemedecine module for mission support in the field
of infectious diseases.
P. SCHEID, L. ZÖLLER.
203 • Allowances for activity and correct usage contract: concequences for the pharmacy department
in the army hospital.
P. LE GARLANTÉZEC, H. MULLOT, O. AUPÉE, M. PAILLET, M.-P. DASSÉ, B. CANNONGE. X. BOHAND.
213 • Which use for bottled waters in the french water supply management strategy during field operations?
G. BORNERT, C. PORTELLI-CLERC, Y. BOUHDA, A. KAROM, H. HASKOURI, K. CHABAA.
219 • Rebreathing and breathing apparatus.
P. MOULIN, J.-L. CAPRON, T. CUNEY, A. MONTMAYEUR, P. VIANCE.
223 • Physician of the french elements in Chad in Faya Largeau.
D. GRAS.
229 • The exposur data and fitness for work assessment from for personnel exposed to ionizing
radiation.
J.-C. AMABILE, X. CASTAGNET, S. BOHAND, N. GRANGER-VEYRON, P. ANZIANI, F. MICHIEL, P. LAROCHE.
235 • The inter-service dental sector of Mourmelon.
B. FENISTEIN.
PROGRESS CASE REPORT
241 • Management of acute cholecystitis treatment in one time: experience of HIA Desgenettes’ visceral
surgical team.
L. MINGOUTAUD, J.-P. OWONO, C. DUSSART, D. N’GABOU, M. DELIGNY, CH. LOUIS, S. FAUCOMPRET.
247 • Interest of a new intermaxillary fixation’s system for the facial wounded in military operations:
l’intermaxillary fixation (IMF) Quick-fix System ®.
G. THIÉRY, O. COULET, E. DEMORTIÈRE, P. BALANDRAUD, G. POULIQUEN, O. LIARD, A. PARANQUE.
251 • Verneuil disease and epidermoid carcinoma.
L. MONTAGLIANI, O. MONNEUSE, E. TISSOT.
257 • Atlas of genetics and cytogenetics in oncology on internet.
F. DÉSANGLES, PH. CAMPARO, É. NICAN, J.-L. HURET.
261 • Synthesis on the perinea’s gangrenes. About a set of 72 cases.
A. ACHOUR, M.T. TAJDINE, A. ALAHYANE, M. MOUJAHID, M. DAALI
CLINICAL CASE REPORT
265 • Superior vena cava obstruction complicating sarcomatoid pleural mesothelioma.
J. MARGERY, S. LE MOULEC, P. RUFFIE.
269 • Colic intussusception caused by lipoma: about one case.
M. MENFAA, A. HOMMADI, A. CHOHO.
MEMORY
1re de couverture :
Marzy (Aisne) L’ambulance –
Laboratoire de toxicologie
Première Guerre Mondiale.
4e de couverture
avec l’aimable autorisation
de la société Martineau.
273 • Total thyroidectomy: is it the procedure of choise for the surgical management of the benign
multinodular goiter?
M.-T. TAJDINE, M. LAMRANI, M. MOUJAHID, F. BENARIBA, M. DAALI.
HISTORY
277 • Polemic about the arsenical intoxication of Napoleon I: clinical history’s study and review
of the litterature.
H. LEYRAL.
194
Pratique médico-militaire
LA TÉLÉMICROBIOLOGIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE
Un nouveau module de télémédecine pour apport dans le domaine
des maladies infectieuses lors des missions extérieures
P. SCHEID, L. ZÖLLER
RÉSUMÉ
Lors d’une mission opérationnelle extérieure au
territoire national (OPEX), les maladies infectieuses
comptent parmi les affections les plus fréquentes. Leur
diagnostic nécessite des équipements/procédés ainsi
qu’une expertise spécifique, qui sont fournis par les
laboratoires de microbiologie de campagne. Dans le but
de fournir une assistance au processus de diagnostic
en termes de microbiologie, un module dit de
« télémicrobiologie », équipé de matériels, caméras et
logiciels spécifiques, version modifiée du poste de travail
de télémédecine standard, a été mis au point et validé.
Entre-temps, le module a été installé sur deux zones
d’engagement et a fait ses preuves dans l’utilisation au
quotidien. Il permet la transmission immédiate d’images
statiques de grande qualité représentant des préparations
microscopiques ou des cultures bactériennes avec
prolifération. Le recours à un expert via la télémédecine
améliore la spécificité des diagnostics en évitant les faux
positifs et permet l’établissement de diagnostics
permettant, en particulier dans le domaine de la
parasitologie médicale, de déterminer une thérapie sans
envoi préalable d’échantillons en Allemagne. En termes
de bactériologie, le pilotage du processus de diagnostic
peut alors être réalisé par le centre d’expertise, même
dans les cas où on ne dispose sur le site que de techniciens
de laboratoire.
Mots-clés : Laboratoire de microbiologie de campagne.
Maladies infectieuses. Télémédecine. Télémicrobiologie.
I. INTRODUCTION.
A) DIAGNOSTIC DES MALADIES INFECTIEUSES EN OPÉRATIONS.
Les militaires en opération sont soumis à plusieurs
égards à un risque d’infection élevé. Ils sont, par exemple,
particulièrement exposés vis-à-vis de certains animaux
pouvant transmettre des maladies, tels que les moustiques
et les rongeurs, qui sont susceptibles d’être des réservoirs
P. SCHEID, parasitologiste médical. L. ZÖLLER, directeur du service laboratoire.
Correspondance : Dr. P. Scheid, Institut central du Service de santé de la
Bundeswehr, service laboratoires I – médecine, Andernacher Str. 100, 56070
Koblenz, Allemagne.
médecine et armées, 2008, 36, 3
ABSTRACT
TELEMICROBIOLOGY IN THE GERMAN ARMY: A
NEW TELEMEDICINE MODULE FOR MISSION
SUPPORT IN THE FIELD OF INFECTIOUS
DISEASES.
Infectious diseases are among the most common diseases
in missions abroad. Their diagnosis requires special
procedures and expertise, both provided by the
microbiological field laboratories. In order to support the
diagnostic process by means of telemedicine, a
modification of the standard telemedical workstation, i.e.
a module “telemicrobiology” with special equipment,
camera and software, has been designed and validated.
This module, meanwhile installed in two operational
theaters, has stood the test in routine practice. It enables
the transmission of high-quality static images of
microscopic specimens in a matter of seconds. The
telemedical inclusion of experts into diagnostic analysis
improves diagnostic specificity by avoiding false positive
results and, particularly in medical parasitology, allows a
treatment-essential diagnosis without dispatch of
specimens to Germany. In bacteriology, telemicrobiology
allows the control of the entire diagnostic process by the
expert workstation even with a mere technical staff on site.
Keywords: Infectious diseases. Microbiological field
laboratories. Telemedicine. Telemicrobiology.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 201-208)
hôtes d’agents pathogènes. L’approvisionnement en
denrées alimentaires et en eau potable est un domaine
critique, qui détermine de manière décisive la fréquence
des infections gastro-intestinales. Les maladies
sexuellement transmissibles sont également très
présentes. Le degré d’exposition aux risques concerne,
comme l’atteste l’expérience, un pourcentage notable
des personnels militaires engagés dans des opérations.
La prédisposition individuelle aux infections peut se
trouver accrue en raison du stress ou d’une importante
sollicitation physique. La fréquence des infections
des plaies est essentiellement conditionnée par le
profil opérationnel. En ce qui concerne les infections
bactériennes il faut s’attendre, selon le pays dans lequel
se déroule l’opération, à des comportements de résistance
195
inhabituelle des agents pathogènes. Enfin, de nombreux
agents infectieux, par exemple, ceux conduisant à des
infections respiratoires, peuvent se propager particulièrement rapidement au sein d’une communauté militaire
évoluant dans des conditions de promiscuité. Dans le
cadre d’opérations des forces américaines menées au
cours des dernières années, et pour lesquelles on dispose
de bonnes statistiques épidémiologiques, l’incidence
hebdomadaire des maladies infectieuses était toujours
une des plus élevées. En données chiffrées – avec
des prédominances variables – les infections gastrointestinales et respiratoires étaient en tête des statistiques.
Il convient également de s’attendre à l’apparition
d’infections dues à des agents infectieux de la zone
d’endémie. Ceci concerne, bien sûr, tout particulièrement
la population indigène, que parfois on sera amené à
prendre en charge médicalement dans le cadre de l’aide
humanitaire. Dans le cas de soldats de forces amies
bénéficiant aussi de notre soutien sanitaire, il convient en
outre de prendre en considération les maladies
infectieuses endémiques de leur pays d’origine respectif.
La médecine des maladies infectieuse, qui en tant
que discipline transversale concerne de nombreuses
spécialités cliniques, au même titre que l’épidémiologie
des infections, s’appuie largement sur les diagnostics
des laboratoires de microbiologie de campagne.
Le principe directeur, énoncé par le chef d’État-major du
Service de santé de la Bundeswehr, définit ce qu’un soldat
est en droit d’attendre en cas de maladie, de blessure ou
de lésions survenues dans le cadre d’une opération
extérieure : à savoir une prise en charge médicale de
grande qualité qui, en termes de résultat, doit correspondre au traitement dont on bénéficierait en Allemagne.
Ce principe directeur orienté sur le résultat n’implique
pas forcément la reproduction intégrale sur un théâtre
extérieur de la médecine telle qu’on la pratique en
Allemagne. Les conditions prévalant sur place ne
permettraient pas, dans beaucoup de cas, de réaliser une
telle entreprise, en particulier dans le cas des spécialités
techniquement compliquées, dont fait partie la microbiologie médicale. Aussi, dans la situation particulière que
constitue une opération extérieure, cette spécialité fait
appel à des méthodes qui tiennent compte tant de la
faisabilité technique que de l’objectif imposé par le
principe directeur. La mise en œuvre de laboratoires de
campagne est basée sur un vivier de personnels qui, pour
assurer la permanence des services, est amené à avoir
largement recours à des spécialistes autres que ceux
employés dans les centres de microbiologie. Ceci est
intimement lié au fait que, selon les spécialisations
individuelles, il n’est pas toujours possible de disposer
sur le théâtre des opérations de l’expertise technique
nécessaire dans tous les domaines de la microbiologie
(bactériologie, virologie, parasitologie). Pour cette
raison, dans de nombreux compartiments du diagnostic,
le fastidieux transport des échantillons en Allemagne
était autrefois la seule possibilité de fournir une expertise
microbiologique spécifique, y compris dans le cadre
196
d’opérations extérieures. L’objectif du projet initié en
2003 par l’Institut central de Coblence a donc été
d’évaluer dans quelle mesure des procédés de télémédecine seraient appropriés pour un soutien quasi-immédiat
dans le domaine de la microbiologie médicale lors
d’opérations extérieures. Ce questionnement était
nouveau dans la mesure où, à cette date, les techniques de
télémédecine n’avaient été validées qu’une seule fois
pour cette spécialité, à savoir uniquement pour le
domaine d’application très limité de la transmission de
photographies microscopiques de frottis de Gram (1).
Le présent mémoire est un rapport traitant de la mise en
place et de la mise en œuvre d’un module spécifique de
« télémicrobiologie » en tant que variante du poste de
travail de télémédecine existant déjà au sein du Service de
santé. Il présente également des résultats de validation et
des expériences acquises lors de son utilisation en
pratique de routine quotidienne.
II. RAPPEL.
A) MISE EN ŒUVRE DE LA TÉLÉMÉDECINE
LORS DES OPÉRATIONS.
La télémédecine est la « réalisation de tâches médicales
en recourant à la télétransmission électronique pour
communiquer des données médicales ». Les données à
transmettre sont en règle générale des informations de
type imagerie. Une autre définition désigne la télémédecine comme étant « l’utilisation de technologies de
l’information et de la communication, afin de pouvoir
fournir des prestations médicales indépendamment du
lieu et de l’instant ». Au sein du Service de santé de la
Bundeswehr, les applications de la télémédecine sont
déjà largement utilisées. À ce jour, 75 postes de travail de
télémédecine sont mis en œuvre. Ils se trouvent dans les
blocs sanitaires des navires en mer, ainsi que dans les
hôpitaux de campagne, les centres de secours ou les
centres de soins. Nous disposons d’une expérience
particulière en matière d’applications dans les spécialités
de chirurgie, radiologie, soins dentaires ou dermatologie.
Le soutien technique en matière de télémédecine est
assuré par le Centre allemand de l’aéronautique et de la
spationautique (DLR, Köln).
B) LABORATOIRE DE MICROBIOLOGIE DE
CAMPAGNE LORS DES OPÉRATIONS.
L’importance du rôle du laboratoire dans un scénario
d’emploi opérationnel est incontestée dans la médecine
militaire internationale.
Un des résultats consensuels de la rencontre intitulée
« Military Public Health Laboratory Symposium »
qui s’est tenue en 1999 à Washington, fut que l’accès
rapide à un diagnostic des maladies infectieuses
correspondant au dernier état de l’art doit être disponible
à tous les échelons du système militaire de soins,
c’est-à-dire également lors des opérations (2).
p. scheid
Outre le diagnostic orienté sur la médecine individuelle,
recherchant une décision thérapeutique rapide, la veille
médicale, dont la finalité est le dépistage précoce de
situations d’apparition d’une pathologie transmissible,
revêt une importance au moins aussi grande, af in
de pouvoir rapidement mettre en œuvre les mesures
d’interruption de la chaîne épidémiologique.
Enfin, les laboratoires constituent également l’échelon
inférieur de la protection contre le risque bactériologique
en termes de microbiologie. Aussi doivent-ils être
capables de ne pas se laisser surprendre par l’apparition
de maladies infectieuses qui seraient dues à des agents
bactériologiques potentiels, ainsi que d’émettre un avis
de risque infectieux, dont la vérification serait alors de la
responsabilité des experts en protection contre le risque
bactériologique.
La réalisation d’un diagnostic dans un contexte
clinico-microbiologique lors d’un emploi opérationnel se
heurte à certaines limites pour des raisons de complexité
technique. Le laboratoire microbiologique de campagne
est implanté dans un shelter standard équipé de modules
de laboratoire installés à demeure, parmi lesquels on
compte par exemple. une cabine à flux laminaire de classe
2. Sur le plan technique, trois groupes de méthodes sont
prévus. En font partie divers procédés microscopiques
d’identification des bactéries et des bacilles dont les
bacilles acido-alcools résistants (mycobactéries), des
procédés de diagnostic du paludisme ainsi que d’identification de parasites dans les selles ou les tissus. En termes
de procédés de culture, il s’agit de cultures non sélectives
de bactéries à partir de prélèvements divers ainsi que de
tester leur sensibilité aux antibioptiques. En matière de
sérologie, on dispose de la possibilité d’effectuer des tests
d’immunologie liés aux enzymes et des tests d’immunofluorescence. Depuis l’année dernière, dans le cadre du
concept de standardisation et d’assurance qualité des
laboratoires de campagne, nous avons établi en grande
quantité des tests rapides par immunochromatographie.
C) OPTIONS POUR LE SOUTIEN PAR
TÉLÉMÉDECINE DANS LE DOMAINE DE LA
MICROBIOLOGIE MÉDICALE AU PROFIT DES
UNITÉS EN OPEX.
Les applications de télémédecine sont en règle générale
basées sur les techniques de transmission d’imagerie.
Cela implique que dans le domaine de la microbiologie
médicale, tous les procédés qui sont accessibles à une
évaluation visuelle et donc à une transmission d’imagerie
sont potentiellement adaptés à une exploitation par
télémédecine. Il s’agit en l’occurrence d’analyser et de
se prononcer sur des préparations microscopiques,
des cultures bactériologiques et plus rarement des
organismes macroscopiques (par exemple des vers ou
parties de vers intestinaux). Dans le domaine de la culture
bactériologique, le déroulement complet du processus de
diagnostic est piloté essentiellement sur la base
d’examens visuels. Ainsi, en étudiant l’apparence
la télémicrobiologie dans l’armée allemande
caractéristique de colonies ayant proliféré sur une culture,
il est possible de décider des étapes ultérieures du
diagnostic (par exemple, réalisation de préparations
microscopiques colorées, caractérisation biochimique
par chromatographie etc.). En parasitologie, l’examen
direct par microscopie permet la plupart du temps
d’établir d’emblée un diagnostic définitif. À ce titre, cette
discipline est particulièrement adaptée au soutien
par télémédecine.
III. MATÉRIELS ET MÉTHODES.
A) CONCEPTION TECHNIQUE DU MODULE
« TÉLÉMICROBIOLOGIE » DESTINÉ AUX
POSTES DE TRAVAIL DE TÉLÉMÉDECINE.
En complément de l’équipement standard d’un poste de
travail de « télémédecine », comprenant un ordinateur
et les périphériques standards, on a déf ini pour la
microbiologie médicale, dans l’optique des options de
télémédecine décrites ci-dessus, un équipements
supplémentaire qui se compose d’un microscope à
lumière transmise de type standard avec source fluorescente ultraviolette, d’un microscope stéréo, ainsi que de
deux sources de lumière froides destinées à illuminer les
cultures sur lames à photographier (fig. 1). Les deux
microscopes sont équipés de connecteurs vers une
caméra numérique à haute résolution équipée d’un
capteur à puce de 1 360 x 1 024 pixels pour des prises de
vues statiques. À l’aide de la caméra, une prise de vue en
direct peut être visualisée sur l’écran de contrôle,
l’analyste pouvant procéder à un réglage optimal avant la
prise de vue. En outre, nous mettons en œuvre le logiciel
spécifique de traitement d’image, de transmission et
d’archivage « DISKUS », produit par la Société Hilgers,
qui a été spécialement développé pour ce type de
transmission d’imagerie et a surtout été utilisé à ce jour en
histopathologie. Le logiciel pilote automatiquement la
mise en place d’une liaison et la transmission d’imagerie
standardisée, alors que dans le même temps l’analyste
continue de travailler au microscope et réalise des prises
de vues. La transmission dure environ 10 à 30 secondes
par image. Le logiciel garantit une visualisation
absolument identique entre le poste de travail émetteur et
le poste de travail récepteur (selon le principe
« WYSIWYG » = what you see is what you get »). Lors
de téléconférences, il est possible d’analyser spéci
fiquement certaines structures intéressantes par la superposition d’une trame de coordonnées. Les réglages
de l’imagerie en direct, réalisés avant la prise de
vues proprement dite, peuvent être variés en termes de
luminosité et de contraste. En outre, il est possible de
superposer des marquages et des annotations écrites. La
transmission concomitante du réglage d’agrandissement
de l’objectif permet de réaliser des mesures automatiques
au niveau du poste de travail récepteur, par exemple,
de mesurer le diamètre d’une zone d’inhibition en
millimètres en traçant avec la souris une ligne graphique
reliant les points de mesure choisis.
197
Figure 1. Le poste de travail de télémicrobiologie, équipé.
Le programme fournit en outre d’autres outils de
traitement d’image et de dialogue très utiles.
B) RÉSULTATS.
Validation du module « télémicrobiologie » destiné
aux postes de travail de télémédecine.
Qualité des prises de vues.
La qualité de visualisation de caractéristiques morphologiques essentielles a tout d’abord fait l’objet d’une
évaluation au moyen de prises de vues microscopiques et
macroscopiques en bactériologie et parasitologie (fig. 2).
Lors de la prise de vue de cultures bactériennes avec
prolifération, la résolution réalisable au niveau des
images arrivant au poste de travail récepteur a permis
une visualisation fine de toutes les caractéristiques des
colonies bactériennes comme leur apparence, les
phénomènes d’hémolyse, leur coloration etc. En termes
de diagnostic microscopique, la visualisation de
structures parasitaires, comme celles des protozoaires
198
intestinaux ou des œufs d’helminthes s’est avérée
remarquable. Dans le diagnostic du paludisme, il a été
possible de transmettre dans d’excellentes conditions
les prises de vues de tous les détails des parasites,
indispensables pour effectuer un diagnostic des espèces.
Ce fut en particulier le cas pour les granulations de
Schüffner sur les érythrocytes infectés par Plasmodium
vivax, ainsi que pour le cytoplasme des trophozoïtes de
Plasmodium falciparum. La visualisation des bactéries
sur des frottis colorés par le Gram a également
bien fonctionné, même si dans ce cas, il s’agit des
plus petits objets qui puissent être visualisés avec une
netteté suff isante compte tenu de la résolution de
la caméra retenue.
C) PERFORMANCES DU SYSTÈME EN
TERMES DE DIAGNOSTIC.
Les performances diagnostiques du système ont
été testées dans le cadre de plusieurs approches
p. scheid
correcte. Dans 2 cas positifs et sur 50 préparations de
contrôle négatives, l’émetteur a identifié des structures
suspectes qui n’ont pas été confirmées par l’expert.
E) EXAMEN DU LIQUIDE CÉPHALORACHIDIEN (LCR).
Figure 2. Prises de vues typiques en télémicrobiologie. A Colonies bactériennes
sur culture, B Frottis colorés par le Gram, C Frottis sanguins avec présence de
plasmodium, D Œuf d’helminthes ; E Mesure du diamètre d’une zone
d’inhibition lors d’un antibiogramme par la méthode des disques au moyen des
outils intégrés dans « DISKUS ».
expérimentales en double aveugle. Un responsable de
l’expérimentation indépendant a présenté aux analystes
des préparations déjà réalisées et sans identification. La
tâche de l’assistant médico-technique (formation de base
sans connaissances spécifiques) auquel était imparti le
rôle d’émission des images, était de photographier des
structures qu’il considérait comme suspectes, puis de les
envoyer à des experts, dont la tâche était de prononcer un
diagnostic d’évaluation.
En tout, 20 frottis colorés au Gram préalablement
contaminés avec des bactéries diverses ont été examinés.
En l’occurrence on avait, pour chaque souche
bactérienne, préparé des suspensions par séries de dilutions en échelle logarithmique, de manière telle que dans
la dernière série de dilution, il n’y ait plus que très peu de
bactéries décelables. L’émetteur a identif ié 18 des
20 préparations comme positives, 2 comme négatives.
Pour ces dernières, il s’agissait dans un cas de pneumocoques dans la série de dilution 3 et dans l’autre cas
de méningocoques dans la série de dilution 4. Le
récepteur a confirmé le verdict pour les 18 préparations
positives. Dans trois cas, l’expert a demandé l’envoi
de prises de vues supplémentaires avant d’accepter de
se prononcer (en raison du fait que seules des structures
isolées étaient identifiables). Dans le cas des prises de
vues faussement négatives qui avaient été transmises,
l’expert n’avait pas non plus été en mesure d’identifier
des structures de bactéries.
La caractérisation morphologique des bactéries
observées en bacilles ou cocci et de leur caractère Gram
positif ou Gram négatif a été correcte dans les 18 cas au
niveau tant de l’émetteur que de l’expert.
D) DIAGNOSTIC DU PALUDISME.
L’évaluation a porté sur n = 36 préparations (16 gouttes
épaisses, 20 frottis sanguins). Parmi ceux-ci, 16
(6 gouttes épaisses, 10 frottis) étaient positifs et 20
négatifs. L’émetteur a classifié 18 préparations comme
étant positives dont 16 vrais positifs et 2 faux positifs. Un
diagnostic d’espèce n’a pas pu être possible.
Pour la totalité des dix frottis positifs, le récepteur a
été en mesure, sur la base des images transmises, de faire
correctement la différence entre Plasmodium
falciparum, Plasmodium vivax et Plasmodium ovale.
Dans huit cas sur dix, les diagnostics d’espèce ont pu
être correctement établis. Pour les deux préparations
restantes, la différence n’a pas pu être établie entre
Plasmodium vivax et Plasmodium ovale. Cette différenciation est au demeurant souvent difficile à établir
avec certitude, même dans le cas d’un diagnostic
parasitologique classique.
1. Diagnostic parasitologique des selles.
L’étude a porté sur 40 préparations, dans lesquelles
90 parasites étaient décelables. L’émetteur a identifié
63 parasites (70 %) et dans 53 cas (84,1 %) l’espèce
incriminée. Si l’on rapporte cette proportion aux
seules espèces cliniquement importantes, le taux
des diagnostics d’espèces corrects passe de 77,4 %
(émetteur) à 88,7 % (expert). À partir des prises de vues
transmises, l’expert a identifié 68 parasites de façon
la télémicrobiologie dans l’armée allemande
1. Frottis colorés par le Gram à partir de divers
prélèvements.
Dans ce sous-groupe, il s’agissait d’étudier 20 préparations
colorées par le Gram. La tâche consistait à identifier les
germes dominants en fonction de critères morphologiques.
En tout, on attendait 34 identifications. L’émetteur a trouvé
94,1 % (32) d’identifications pertinentes. Dans deux
préparations, on n’a pas su déceler deux bacilles à Gram
négatif. Sur la base des prises de vues transmises, l’expert a
trouvé 33 identifications (97 %). Dans une préparation,
l’expert n’a pas pu déceler des corynébactéries, que
l’émetteur avait pourtant identifiées.
Avec conf irmation par l’expert, 30 préparations de
contrôle négatives ont été trouvées négatives par
l’émetteur. La spécificité globale du diagnostic a ainsi
atteint 100 %.
2. Frottis colorés par le Gram sur cultures.
En tout, 19 frottis colorés par le Gram ont été préparés à
partir de cultures bactériennes fraîches et étudiés au
microscope. La tâche consistait là aussi à caractériser les
germes en fonction de caractères morphologiques
(cocci, bacilles, Gram positif ou négatif).
L’émetteur a caractérisé correctement 18 des 19 souches
(94,7 %). Dans un cas, des diplocoques à Gram négatif
ont été confondus avec des cocci à Gram positif.
L’expert a par contre interprété correctement toutes les
préparations (100 %).
199
3. Interprétation des cultures bactériennes.
Vingt-six souches bactériennes différentes ont été
ensemencées avec un total de 40 cultures sur lames
(différents milieux). Les cultures avaient été incubées 1-2
jours avant le début de l’essai. La tâche de l’émetteur
consistait, à l’aide du microscope à éclairage incident et
de la source de lumière froide, à visualiser et à transmettre
à l’expert le plus grand nombre possible de détails
morphologiques des cultures tels que l’apparence des
colonies, les phénomènes d’hémolyse, de migration etc.
L’expert devait interpréter l’aspect des colonies et avait la
possibilité en cas de besoin de s’enquérir de particularités
supplémentaires par téléconférence, auprès de
l’émetteur. Il était demandé de prononcer un diagnostic
d’orientation, à l’instar de ce qui est pratiqué en bactériologie et qui sert de base à la procédure ultérieure de
diagnostic (par exemple : désignation de plusieurs
possibilités envisageables ou diagnostic de groupe).
Le taux de succès a été de 100 % pour cet essai, c’est-àdire que pour toutes les souches, le bon diagnostic
d’orientation a été prononcé.
IV. CONCLUSIONS
L’ÉVALUATION.
GÉNÉRALES
DE
L’objectif essentiel de l’évaluation était de déterminer la
valeur ajoutée du poste de travail de télémédecine en
termes d’amélioration du diagnostic dans le domaine de
la microbiologie médicale dans les conditions d’une
opération extérieure. Une approche qui se serait contentée
de tester les critères relevant des aspects techniques, par
exemple en déterminant la reproductibilité sur les postes
de travail émetteur et récepteur, aurait été insuffisante, car
la reproductibilité à 100 % de résultats de mesure ne
reflète pas forcément l’exactitude globale du diagnostic.
Ce ne serait le cas que si d’autres facteurs, comme, par
exemple, l’expertise de l’émetteur, n’avaient aucune
influence sur le diagnostic. Mais lorsque l’on transmet de
l’imagerie statique en bactériologie et en parasitologie, il
convient justement d’accorder une importance décisive à
l’expertise de l’émetteur ; car ce qu’il ne voit pas ne peut
être transmis. Les données recensées ont clairement
démontré cet état de fait. Ainsi, la sensibilité globale du
diagnostic (nombre des diagnostics positifs en proportion
du nombre de tous les vrais positifs) n’a pas été de 100 %,
mais se situait entre 72 % et 100 % selon les cas, ce qui
reflète le fait que les diagnostics qui n’ont pas été
identifiés par l’émetteur n’ont pas pu parvenir jusqu’au
récepteur. L’expert a pu, occasionnellement, identifier
des pathologies qui avaient échappé à l’émetteur, mais
uniquement dans les cas où celles-ci pouvaient être
détectables par hasard sur les prises de vues (par exemple
des préparations de selles avec plusieurs espèces de
parasites, mais dans lesquelles une seule espèce fut
détectée par l’émetteur). L’avantage décisif du soutien par
télémédecine a surtout résidé dans la proportion
nettement plus élevée de diagnostics d’espèces corrects,
grâce à la contribution de l’expert. Un résultat à signaler
200
également est que très peu de pathologies cliniquement
pertinentes n’ont pas été décelées. Pour le diagnostic du
paludisme, tous les diagnostics ont été correctement
établis. Sans la participation des experts par télémédecine, le diagnostic des espèces et, conséquemment, la
différenciation essentielle entre Plasmodium falciparum
et les autres espèces plasmodiales n’aurait en aucun cas
pu être établie avec certitude. Pour l’examen du LCR,
l’exactitude du diagnostic établi par l’expert a été de
90 %. Il convient toutefois de garder à l’esprit le fait que
l’on avait créé des conditions artificielles en procédant à
la préparation de séries de différentes dilutions de
bactéries. Les deux préparations ayant donné un résultat
faux négatif concernaient en effet les dilutions les plus
élevées, dans lesquels on ne trouvait que peu de germes.
D’autre part, le frottis cellulaire ne correspondait pas
vraiment à celui d’une méningite bactérienne, de sorte
que des repères supplémentaires importants faisaient
défaut. Même lors de diagnostics effectués par des
experts, le diagnostic microscopique ne permet guère
d’obtenir une exactitude de 100 %. Les résultats obtenus
reflètent en réalité une sensibilité élevée. L’intervention
d’un off icier médecin sur le site de l’opération ne
permettrait guère d’améliorer globalement les résultats
obtenus, car même chez les médecins, on ne trouve pas
toujours une expérience de routine suffisante dans tous
les secteurs de la microbiologie.
Un autre avantage du suivi par télémédecine s’est avéré
être qu’une spécificité globale optimale, en termes de
diagnostic définitif prononcé par les experts, de 100 %
a pu être atteinte. Les faux positifs établis par les
émetteurs ont pu être inf irmés par l’expert. Pour le
diagnostic du paludisme, deux (10 %) faux positifs ont
pu être infirmés par l’expert, qui a conclu à un diagnostic
négatif. La conf irmation (ou l’inf irmation) d’un
diagnostic de paludisme présente un intérêt thérapeutique et épidémiologique évident.
V. CONCLUSION.
A) EXPÉRIENCES FAITES EN TERMES DE
PRATIQUE DE ROUTINE.
En novembre 2003, le système de télémicrobiologie a été
mis en place à l’hôpital militaire de campagne de Prizren
(KFOR), où il est depuis mis en œuvre dans un cadre de
routine (fig. 3). En octobre 2004, il a été installé au sein de
l’hôpital de campagne de Kaboul (ISAF), où il manque
toutefois encore un microscope à lames. Installation au
niveau de l’EUFOR (Rajlovac) est prévue. Les matériels
de laboratoire nécessaires ont déjà été acquis. Au sein de
la KFOR, le laboratoire de microbiologie de campagne
est doté d’un poste d’assistant technico-médical. Au sein
de l’ISAF, ce laboratoire emploie en outre un médecin
spécialiste. À la KFOR, l’effort principal en termes
d’applications télémicrobiologiques porte sur la
bactériologie. Toutes les cultures bactériologiques
positives font l’objet d’une évaluation par télémédecine
et le processus de diagnostic est piloté sur la base des
p. scheid
Figure 3. A : poste de travail de télémicrobiologie au sein de l’hôpital de campagne de Prizren. B : prise de vue d’une culture positive au microscope stéréo.
instructions de l’expert. À l’ISAF, c’est le soutien en
termes d’expertise dans le domaine de la parasitologie
qui constitue l’axe d’effort. Ce soutien s’est avéré
extraordinairement utile, en particulier pour le
diagnostic des parasitoses endémiques, comme le
paludisme ou la leishmaniose (fig. 4). Ainsi, plusieurs
cas de leishmaniose cutanée ont pu être identifiés à l’aide
de la télémicroscopie. L’établissement d’un contact
télémédical a lieu quotidiennement, week-ends compris.
Après la mise en place d’une liaison de vidéoconférence, on lance, tant sur le poste de travail émetteur
que récepteur, le programme DISKUS et les cas à traiter
sont discutés sur la base des images communiquées.
Tous les cas traités par télémédecine sont consignés
par l’expert chargé de l’évaluation selon un schéma
adapté aux procédures de la microbiologie. À la
KFOR, les diagnostics photographiés par l’assistant(e)
technico-médical(e) sont assortis de la mention « validé
par télémédecine » et du nom du médecin expert. Hormis
quelques rares interruptions de la liaison, auxquelles
on a rapidement pu remédier avec l’aide à la fois du
centre de l’aéronautique et de la spationautique et du
bureau S6 (transmissions) compétent de la force en
opération, l’équipement technique a fonctionné sans
problème. La capacité satellitaire a toujours été suffisante
pour permettre une transmission rapide de l’imagerie
vers l’Allemagne. L´Institut de référence situé à Coblence
assure une disponibilité 24/24h via le sous-officier de
permanence, l’assistant médico-technique et le médecin
de permanence. Un aspect corollaire d’importance s’est
révélé, à savoir le « teleteaching », télé-enseignement,
dans le cadre de la formation continue spécialisée des
forces opérationnelles par le biais de la communication
d’informations spécialisées et pertinentes portant sur le
diagnostic, l’épidémiologie, la thérapie et la prévention
des maladies infectieuses. Les cliniciens présents sur le
la télémicrobiologie dans l’armée allemande
terrain disposent à tout moment de la possibilité
d’une téléconférence avec un expert en Allemagne,
en particulier en ce qui concerne l’antibiothérapie et
l’épidémiologie. La télémédecine s’est avérée comme
étant extrêmement utile, y compris en termes de gestion
des pathologies en phase initiale.
B) TÉLÉMICROBIOLOGIE DANS LE CADRE
DU CONCEPT GLOBAL D’UNE MÉDECINE
INFECTIEUSE ASSISTÉE PAR LABORATOIRE
LORS DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES.
Le module de télémicrobiologie établi après validation
dans le cadre des opérations extérieures a fait ses preuves
Figure 4. Diagnostic de Leishmaniose, réalisé par télémicroscopie, dans un cas
de suspicion de Leishmaniose cutanée. La prise de vue montre les Leishmanies
(flèches) dans une préparation de tissus organiques après coloration au Giemsa
à partir d’une biopsie cutanée. À ce jour, 13 prélèvements ont été effectués: 7
d’entre eux ont été diagnostiqués positifs, 6 négatifs. Sur la basse du matériel
envoyé à l’institut de référence à des fins d’analyses par amplifications géniques
(PCR), tous les résultats ont pu être confirmés. La différenciation des espèces
par PCR à permis d’identifiés dans tous les cas de figure Leishmania major.
201
dans la pratique. Les attentes suscitées en termes de
transfert supplémentaire d’expertise dans les zones
d’engagement se sont avérées justifiées. De cette manière
il est possible de fournir au clinicien en opération une
expertise microbiologique spécialisée, qui sans cela ne
serait pas disponible sur place. À certaines conditions,
l’utilisation de la télémicrobiologie peut amener à ce que
la tutelle d’expertise soit pilotée à partir de l’Allemagne
et que le laboratoire de campagne ne soit plus doté que
de techniciens de laboratoire. Ainsi se voit réaliser la
devise de la télémédecine : « exporter l’expertise et
non les experts ». Il s’agit du premier système de télémicrobiologie au monde qui soit mis en œuvre de manière
routinière. Cette expérience favorable a déjà suscité
l’intérêt des organisations civiles et conduit à une
première décision portant sur la mise en œuvre et
l’acquisition d’installations analogues.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le fait que la
télémicrobiologie ne peut être mise en œuvre avec une
valeur ajoutée qu’au sein d’un système de diagnostic
minutieusement réglé. Elle ne doit pas être considérée
comme un moyen de remplacement mais comme un
complément et elle présente un certain nombre de
contraintes. Parmi celles-ci, une standardisation du
diagnostic est nécessaire afin que les résultats à interpréter visuellement puissent être produits sur une base
homogène et bien définie. C’est à cette condition que le
centre d’expertise est en mesure d’interpréter, de
valider et de conf irmer des diagnostics. Il est donc
nécessaire que tous les facteurs ayant une incidence sur
l’imagerie tels que les techniques de coloration, les
cultures utilisées etc. soient définis dans des modes
opératoires standardisés et coïncident avec les
processus de diagnostic de routine mis en œuvre dans
les centres d’expertise qui sont familiers à l’expert.
Ceci est la seule manière d’éviter des interprétations
erronées. Le personnel doit être préparé à cette méthode
standardisée en suivant une formation appropriée.
Cette nécessité d’une préparation opérationnelle
spécifique résulte du constat que lors de la transmission
d’imagerie statique, la capacité du personnel
opérationnel à déceler des structures suspectes est un
facteur limitant important. Cela avait déjà été souligné
par Mc Laughlin et coll., qui avaient validé un système
de télémicrobiologie en transmettant des préparations
de colorations de Gram (1). Depuis 2004, l’Institut
central de Coblence a intégré cet impératif de formation
par un stage de deux semaines destiné à la préparation
opérationnelle, à l’occasion duquel les procédures
microbiologiques tiennent une place importante.
Par rapport aux applications de la télémédecine dans
d’autres domaines spécialisés, la microbiologie
médicale ne réalise pas seulement des prestations de
conseil au profit des responsables du site (« secondary
opinion »), mais elle assume également des fonctions
de pilotage de diagnostic et autorise la sortie de rapports
de diagnostics médicaux (« primary opinion »). La
responsabilité et les prérogatives de pilotage du centre
d’expertise ne sont toutefois pas encore ar rêtées
administrativement à ce jour.
Enf in, pour les problèmes qui ne peuvent pas être
techniquement résolus sur place (diagnostic de
conf irmation, procédures de biologie moléculaire,
sérologie complète, etc.), un diagnostic plus spécialisé
reste nécessaire et sera fait en Allemagne, où les
échantillons seront envoyés par avion.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Mc
Laughlin
WJ,
Schifman
RB,
Ryan
KJ,
Manriquez GM, Bhattacharyya AK, Dunn BE et al.
Telemicrobiology: feasibility study. Telemed 1998 J ;
202
4 (1) : 11-17.
2. Gaydos JC. The need for a military public health
laboratory symposium. Mil Med. 2000; 165 (7 Suppl. 2) : 5-7.
p. scheid
Pratique médico-militaire
TARIFICATION À L’ACTIVITÉ ET CONTRAT DE BON USAGE
Implications dans les Services de pharmacie hospitalière des hôpitaux
d’instruction des armées
P. LE GARLANTÉZEC, H. MULLOT, O. AUPÉE, M. PAILLET, M.-P. DASSÉ, B. CANNONGE, X. BOHAND
RÉSUMÉ
Deux réformes concerneront les hôpitaux d’instruction
des armées à l’horizon 2008. D’une part la tarification à
l’activité devrait modifier sensiblement le mode
d’allocation d’une partie des ressources des hôpitaux qui
dépendront directement de l’activité médicale réalisée et
qui tiendront compte des dépenses en médicaments et en
dispositifs médicaux onéreux, alors remboursés sous
certaines conditions de prescription et de dispensation.
D’autre part, le contrat de bon usage engagera chaque
établissement dans le but d’améliorer la sécurité du
circuit du médicament, de renforcer la lutte contre
l’iatrogénie et de favoriser la participation aux réseaux
de soins. Dans le cadre du contrat, des moyens devraient
être mis en place pour satisfaire des objectifs qui, s’ils ne
sont pas réalisés, pénaliseront financièrement
l’établissement. Ces changements auront des impacts
forts sur les activités du service de pharmacie
hospitalière et impliqueront toutes les équipes de soins.
Tous les personnels concernés devront connaître et
adhérer à ces réformes pour qu’elles soient une réussite.
Au final, c’est une utilisation plus efficace des ressources
financières et une meilleure qualité de la prise en charge
du patient qui sont en jeu.
Mots-clés : Contrat de bon usage. Iatrogénie.
Médicaments. Service de pharmacie. Tarification à
l’activité.
I. INTRODUCTION.
L’accroissement permanent des dépenses de santé
devient un problème récurrent de notre société : leur
hausse n’a pu être jugulée malgré les multiples mesures
P. LE GARLANTÉZEC, pharmacien principal, praticien confirmé. H. MULLOT,
pharmacien principal, praticien confirmé. O. AUPÉE, pharmacien, praticien confirmé.
M. PAILLET, pharmacien réserviste. M.-P. DASSÉ, pharmacien en chef.
B. CANNONGE, pharmacien. X. BOHAND, pharmacien en chef, praticien certifié.
Correspondance : P. LE GARLANTÉZEC, service de pharmacie, HIA Percy,
101 avenue H. Barbusse, 92 141 Clamart Cedex.
médecine et armées, 2008, 36, 3
ABSTRACT
ALLOWANCES FOR ACTIVITY AND CORRECT
USAGE CONTRACT: CONSEQUENCES FOR THE
PHARMACY DEPARTMENT IN THE ARMY
HOSPITAL.
In 2008, two reforms will be implemented in army
hospitals. Firstly, the hospital will be refunded its
medical activities, which should offer for medical
activities, which should significantly affect the existing
financial support. The amount of reimbursements will
depend directly on the amount of the medical activities of
staff members. Furthermore, costly drugs and medical
devices will only be reimbursed when accompanied by
prescriptions and when delivered under specific
conditions. Secondly, these reimbursements will come
along with a good usage contract containing the following
conditions: improve the security of drugs circulation,
reinforce the prevention of iatrogenic events and give
priority to the participation in health networks. The good
usage contract should also provide means to reach goals.
In case of ignorance or non-respect of this contract, the
hospital financial support should be penalised. These
changes will have a high impact on the pharmacy
department of army hospitals and will concern all staff
members. All staff members should be knowledgeable
about the reforms and adhere to them in order to bring
about their success. Conclusively, these reforms should
encourage a more effective usage of the financial support
and improve the care attributed to patients.
Keywords: Adverse drug-related events. Allowances for
activity. Drugs. Good practice contract. Pharmacy
department.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 209-218)
mises en œuvre par les pouvoirs publics (1). Cette
tendance inflationniste des dépenses a conduit les
autorités à réagir en inscrivant de nouvelles règles de
f inancement dans le Code de la sécurité sociale (2).
Connues sous le nom de Tarification à l’activité (T2A),
ces dispositions concernent les activités Médicales
chirurgicales et obstétricales (MCO) et s’appliquent
depuis le 1 er janvier 2004 pour les établissements
publics et depuis le 1er mars 2005 pour les établissements
privés. La principale innovation vise l’amélioration
des soins dispensés aux malades en termes de qualité et
203
de coût, en introduisant la notion d’efficience (3). Cette
« médicalisation » du financement des hôpitaux s’inscrit
dans un vaste plan de réforme, dénommé « plan
hôpital 2007 », dont l’objectif est de dynamiser et de
moderniser le secteur hospitalier, tout en impliquant
davantage les professionnels de soins dans les
décisions relatives à leur établissement. La T2A devrait
concerner le Service de santé des armées (SSA)
à l’horizon 2008. Elle sera complétée par l’instauration
du Contrat de bon usage (CBU) dont le but est, comme
son nom l’indique, de promouvoir le bon usage des
produits de santé et de limiter le risque iatrogène pour le
patient. Des répercussions majeures découlant de ces
changements concerneront notamment les pharmacies
à usage intérieur (PUI) des Hôpitaux d’instruction
des armées (HIA).
Notre propos est d’aborder, dans un premier temps,
le futur mode de financement des HIA en explicitant
les mécanismes de la T2A et les conséquences de
ce nouvel outil. Dans un second temps, nous décrirons
le fonctionnement du CBU et les implications majeures
qui pourront s’exercer sur les activités de gestion
des produits de santé dans les services de pharmacie
des HIA.
II. TARIFICATION À L’ACTIVITÉ.
A) DOTATION GLOBALE DE FINANCEMENT
ET T2A.
Les ressources financières du SSA émanent actuellement
principalement du budget du ministère de la Défense et
de la dotation globale de financement, mise en place
en 2002. Cette dernière, progressivement allouée
par dixième au cours de chaque année, provient du
remboursement versé par l’assurance maladie au SSA.
Le montant global de l’allocation est évalué sur la
base d’une activité médicale établie en 1998 et depuis
réajusté chaque année par un taux directeur fixé par la
loi de financement de la sécurité sociale. Ce taux est
également désigné sous le nom d’ « Objectif national
d’évolution des dépenses d’assurance maladie »
(ONDAM). Les recettes provenant des cessions sont
reversées au SSA par l’intermédiaire d'un fond
de concours. Ainsi la part du budget provenant du
ministère de la Défense compte pour environ 60 % et
celle provenant du remboursement des prestations
médicales pour environ 40 %. La T2A, qui devrait
progressivement remplacer la dotation globale,
possède un mécanisme de fonctionnement totalement
différent. Ce nouveau mode de financement prévoit
l’allocation des ressources en fonction de l’activité
réelle des hôpitaux. Contrairement à la dotation globale
de financement, qui ne reflète pas l’activité réellement
réalisée puisque le même volume de ressource est alloué
quelle que soit l’activité, la T2A repose, elle, sur une
« médicalisation des dépenses » dont l’exécution
nécessite plusieurs étapes.
204
B) FONCTIONNEMENT DE LA T2A.
1. Codification de l’activité.
Cette première étape est essentielle, puisqu’elle permet
de mesurer l’activité médicale réalisée au sein des
services concernés par la réforme de la T2A. L’activité
devra être f inement appréciée en orientant les
patients vers des Groupes homogènes de séjour
(GHS) qui correspondent à des types d’hospitalisation
(4). Sauf cas particuliers, ces GHS correspondent
aux Groupes Homogènes de Malades (GHM). Les GHS
permettent le remboursement de l’activité réalisée.
Ils sont évolutifs et les pouvoirs publics devront
régulièrement les mettre à jour afin de tenir compte de
l’évolution des techniques médicales.
2. Rémunération de l’activité.
Chaque séjour relève d’un GHS et est associé à un tarif
unique défini par l’échelle nationale des coûts (4, 5). Le
remboursement se fait à partir du prix attribué à une
prise en charge médicale dans son ensemble, qui
comprend des coûts directs (médicaments, dispositifs
médicaux stériles ou non, examens diagnostiques) et des
coûts indirects ou associés (personnels) utilisés dans la
réalisation de l’acte du GHS. Le personnel médical sera
impliqué pour réaliser rigoureusement la codification,
car le remboursement et par conséquent l’allocation des
ressources à l’hôpital reposeront essentiellement sur
cette étape (6). Pour chaque GHS, une durée de séjour du
patient est spécifiée. Si la durée effective du séjour pour le
patient est en deçà de la borne inférieure de la durée de
séjour, le remboursement sera égal à la moitié du tarif du
GHS correspondant, à l’exception des séjours à l’issue
desquels le patient décède. Dans le cas où la durée de
séjour du patient est au-dessus de la borne supérieure, un
supplément versé pour chaque journée d’hospitalisation
est ajouté au prix du GHS correspondant.
Chaque établissement est tenu d’effectuer un bilan
des séjours classés par GHS af in de décrire le plus
précisément possible son activité. À partir des données
de l’activité, l’hôpital obtiendra une rémunération,
faisant partie intégrante de son budget.
C) ÉTENDUE DE LA RÉFORME.
La T2A concerne dans un premier temps les lits
relevant d’une activité de MCO. La mesure devrait
s’étendre à terme aux activités de psychiatrie et d’urgence.
Pour les établissements du secteur public, 10 % des
ressources financières provenaient de la T2A en 2004
et 25 % en 2005, le reste du f inancement se faisant
toujours sous forme de dotation globale de financement.
Progressivement, cette part devrait croître de 10 % à 15 %
par an pour être étendue à toutes les disciplines médicales
et couvrir la quasi-totalité de la dotation budgétaire en
2012. Les établissements privés sont passés d’emblée à
100 % de T2A en 2005, mais selon une échelle tarifaire
de remboursement différente de celle du secteur public.
Certains médicaments et Dispositifs médicaux
implantables (DMI) coûteux ne sont pas pris en compte
p. le garlantézec
dans les GHS. Leur remboursement, sur la base d’un tarif
de responsabilité défini au niveau national, est réalisé
intégralement sous certaines conditions. Dès la mise en
place de la T2A, ils ont été remboursés aux établissements
de soins nombre pour nombre et à un taux de 100 %.
Depuis, le récent décret relatif au CBU (7) explicite
clairement les conditions de prise en charge de ces
produits par les organismes d’assurance maladie.
Enfin, en dehors de ce dispositif de remboursement,
des ressources peuvent être allouées par établissement,
en particulier les Missions d’intérêt général et d’aide
à la contractualisation (MIGAC), parmi lesquelles
l’enseignement, la recherche, les essais cliniques, les
Autorisations temporaires d’utilisation (ATU) (8)
concernent plus particulièrement les services de
pharmacie hospitalière. Certaines activités font, par
ailleurs, l’objet de financement forfaitaire.
À l’instar des établissements publics et dès lors que
la T2A s’appliquera aux HIA, ces derniers devraient
ainsi voir augmenter dans les années à venir leur part de la
tarification à l’activité, jusqu’à remplacer complètement
la part provenant de la dotation globale de financement.
les GHS sous certaines conditions et notamment celle du
respect du CBU (tab. I). Ils sont dénommés couramment
« médicaments et DMI remboursés en sus de la T2A » ou
Tableau I. Modalités et conditions de remboursements des médicaments et
DMI par l'assurance maladie.
Type de
produits
remboursé
Modalité
Conditions
Médicaments
et DMI inclus
dans les GHS
Remboursement
inclus dans le
tarif du GHS
correspondant
Codification par l'établissement
de l'activité produite =
ressources financières
pour l'établissement
Médicaments
et DMI hors
GHS
Remboursement
au tarif
forfaitaire de
responsabilité
« en sus des
GHS »
T2A : Respect
du référentiel
de prescription
par une
indication
validée
Médicaments
en ATU
Remboursement
par l'enveloppe
MIGAC au prix
du tarif forfaitaire
de responsabilité
Pas de condition particulière
D) BÉNÉFICES ATTENDUS DE LA RÉFORME.
Directement liée à l’activité réelle, la tarif ication à
l’activité a pour but une meilleure répartition des
ressources f inancières entre les établissements de
santé. L’accès des patients à l’innovation devrait être
facilité quelle que soit la situation géographique, en
accordant un f inancement séparé aux traitements
onéreux (médicaments et DMI hors GHS), qui n’entrent
plus dans une logique de tarification globale. Par ailleurs,
puisque la réforme touche tous les établissements de
soins, une comparaison des coûts entre les établissements
de soins publics (ou participant au service public) et
privés sera dès lors possible à terme. Pour les pouvoirs
publics, cet outil a aussi pour but de réguler les dépenses,
puisqu’ils fixent les prix de remboursement des GHS
(après l’évaluation par l’échelle nationale des coûts)
et des médicaments et DMI hors GHS (après les
accords entre le Comité économique des produits de santé
(CEPS) et les industriels).
Mais cet accès plus rapide aux ressources, dont la
seule limitation est l’activité produite déclarée par les
équipes de soins, doit s’accompagner d’un sens élevé
de responsabilité de tous les acteurs (médecins et
pharmaciens) pour limiter l’inflation des coûts (6). La
T2A se présente donc comme une opportunité à saisir
pour favoriser une meilleure utilisation des produits de
santé en impliquant le corps médical dans l’acquisition
des ressources par l’établissement de santé.
E) PRODUITS ET PRESTATIONS EN SUS
DES GHS.
1. Situation particulière de ces produits.
Ce sont des produits innovants ou présentant un coût de
traitement journalier élevé (médicaments et DMI), qui
sont remboursés en plus des rémunérations prévues par
tarification à l’activité et contrat de bon usage
CBU :
Respect des
objectifs
annuels fixés
dans le
contrat
« médicaments et DMI hors GHS ». Le but est de
légitimer scientifiquement l’utilisation de ces produits en
validant leurs indications pour justifier d’une réelle utilité
chez le patient. Les médicaments et DMI hors GHS sont
initialement inscrits sur deux listes : l’une pour les DMI
(9) et l’autre pour les médicaments (10), chacune étant
régulièrement actualisée par le ministère de la Santé. Les
mises à jour de cette première liste relative aux DMI
montrent que ces produits ont de plus en plus vocation à
être intégrés dans les GHS et donc à disparaître de cette
liste (11) (tab. II). À l’inverse, la seconde liste relative aux
médicaments est régulièrement complétée par de
nouvelles molécules ou de nouveaux dosages (12),
preuve, s’il fallait s’en convaincre, que les recherches
Tableau II. Exemples de DMI hors GHS ayant fait l'objet de mises à jour par
les pouvoirs publics entre 2005 et 2006.
DMI ajoutés à la liste
DMI radiés de la liste
Produits pour le comblement des
lipoatrophies faciales iatrogènes
Chambre à cathéter
implantable
Implants ou substituts osseux
Ligaments artificiels
Greffons vasculaires
Implants tendineux
Système de stimulation cérébrale
profonde bilatérale ou unilatérale
Implants ophtalmiques
205
menées par les laboratoires pharmaceutiques produisent
d’excellents résultats (tab. III). Le remboursement de ces
produits est soumis à des règles de prescription et de
dispensation particulières définies par le CBU.
Tableau III. Exemples de médicaments hors GHS ayant fait l'objet de mises à
jour par les pouvoirs publics entre 2005 et 2006
Médicaments hors GHS
ajoutés à la liste
Nature de la
modification
Étanercept (50 mg injectable)
Nouveau dosage introduit
Immunoglobuline humaine normale Nouvelle molécule introduite
2. Prescription et dispensation des médicaments et
DMI hors GHS.
La T2A rend obligatoire leurs prescription et dispensation nominatives (2,3). Ceci implique la mise en place
de procédures de prescription, notamment en terme de
recevabilité (support, droits de prescription) et nécessite
la mise en place d’une liste des médicaments et DMI hors
GHS facilement accessible et mise à jour régulièrement.
La dispensation doit suivre une organisation particulière
(préparation individuelle des doses, traçabilité des
produits dispensés) et comprend la vérif ication de
l’indication par rapport au référentiel de prescription,
éventuellement la prise de contact avec le prescripteur
pour se faire préciser des éléments sur la pathologie
du patient et les prises de médicaments associés. Ceci
conduit inévitablement à une responsabilisation
plus engagée de ces acteurs de santé, en les impliquant
davantage dans la « médicalisation des dépenses ».
L’annexe 1 montre un exemple d’ordonnance et l’annexe
2 un exemple de recommandations établies par le comité
de juste prescription de l’Assistance publique des
hôpitaux de Paris (AP-HP) pour l’Herceptin®. Le non
respect de ces règles de prescription et de dispensation
conduit à un remboursement partiel de ces produits hors
GHS (le taux de remboursement peut être compris entre
70 % et 100 % du tarif forfaitaire de responsabilité).
La PUI doit organiser un suivi des mises à jour de la liste
des médicaments et DMI hors GHS pour en informer les
prescripteurs. Cette veille devra également concerner les
tarifs qui sont intégrés dans le bilan d’activité. Ces tâches
seront certainement coûteuses en temps pour les PUI,
mais elles apporteront une aide à la promotion de la
qualité au sein du circuit du médicament.
III. CONTRAT DE BON USAGE (CBU).
La T2A passe par une harmonisation des pratiques
cliniques en favorisant l’emploi validé de médicaments
et de DMI par l’encadrement de leur utilisation. Ces
changements de pratique sont relayés par les dispositions
qu’implique le contrat de bon usage : T2A et CBU sont
totalement solidaires.
206
A) DÉFINITION DU CBU.
Le CBU vise l’amélioration de la qualité des pratiques
médicales notamment vis-à-vis des médicaments et
des DMI hors GHS. Le but est de diminuer le risque
de l’iatrogénèse. Trois axes principaux peuvent se
dégager du CBU. Le premier concerne l’uniformisation
des pratiques de prescription au travers du respect de
référentiels ou des consensus reconnus au niveau
national pour permettre l’encadrement des prescriptions
dans des indications validées. Le second axe vise
l’amélioration de la qualité et de la sécurité du circuit
du médicament, à travers la prescription et la dispensation nominative nécessitant l’informatisation du
circuit du médicament d’une part et la préparation
centralisée des anticancéreux par les PUI d’autre part. Les
pratiques pluridisciplinaires internes et externes
à l’établissement de soins et la participation à des
réseaux de santé constituent le troisième axe. Un contrat
passé avec les autorités de santé permet de matérialiser
ces axes sous la forme d’objectifs précis à atteindre. Une
implication du personnel et des contreparties financières
importantes découleront du CBU (7).
B) FONCTIONNEMENT DU CBU.
Le texte décrivant le fonctionnement général du CBU
prévoit que le contrat de bon usage doit être signé entre la
direction de l’établissement hospitalier et l’Agence
régionale d’hospitalisation (ARH), puis être transmis à la
Caisse d’assurance maladie. Chaque établissement
propose un contrat individualisé, rédigé à partir d’un
contrat type pour une durée de trois à cinq ans. Il comporte
deux types d’engagement :
– des engagements généraux, à suivre obligatoirement,
portant sur la démarche qualité, la sécurisation du circuit
du médicament et les pratiques pluridisciplinaires ;
– des engagements spécifiques concernant les médicaments et les dispositifs médicaux onéreux.
Ils serviront à définir quantitativement les objectifs à
atteindre selon un échéancier f ixé dans le contrat.
D’éventuels avenants seront toujours possibles. Un
rapport annuel faisant le bilan des objectifs atteints
sera adressé principalement à l’ARH. Le contrat devra
recevoir l’avis favorable du Comité du médicament
et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) et
de la Commission médicale d’établissement (CME) (7).
Un état des lieux attentif et impliquant tous les
acteurs concernés est nécessaire pour déf inir les
objectifs à inscrire au contrat (13). Il doit être réalisé
conjointement avec la direction de l’hôpital, les
personnels administratifs, les prescripteurs et les
pharmaciens afin de déterminer un plan réaliste des
objectifs à atteindre sur une période de cinq ans, en
tenant compte notamment des délais d’équipement
et d’organisation. Par exemple, la mise en place d’une
Dispensation à délivrance nominative (DDN) nécessite
des investissements (achat de chariots, porte-bacs)
et peut requérir l’équipement d’un logiciel de prescription/dispensation, voire le renforcement en
p. le garlantézec
personnels pharmaceutiques, pour cette activité
bénéf ique pour le patient mais coûteuse en temps et
en ressources humaines.
C) CONSÉQUENCES.
1. Conséquences en matière de remboursement.
L’évaluation issue du rapport annuel permet à l’ARH de
moduler le taux de remboursement des médicaments et
DMI hors GHS. Si tous les objectifs fixés pour l’année
sont remplis, leur remboursement est total (100 %).
En revanche, si l’un des objectifs n’est pas atteint, le
remboursement pourra s’étaler entre 70 % et 100 % selon
le nombre et l’importance des objectifs non atteints.
En outre, en cas d’absence de transmission du rapport
annuel à l’ARH, le remboursement n’est que de 70 %. La
différence non remboursée à l’établissement ne peut en
aucun cas être facturée au patient. Elle sera donc supportée
par l’établissement, sanctionnant ce dernier pour le non
respect de ses engagements et obligations (14).
2. Conséquences découlant du 1er axe (encadrement
des prescriptions).
Cet axe va dans le sens de l’amélioration du bon
usage du médicament. Il comprend plusieurs types
d’engagements.
a) Évaluation des consommations.
Les bilans d’activité rendus depuis 2004 servent à
déterminer les montants hors T2A. Le contrat devra
comporter une estimation de la consommation annuelle
des médicaments et DMI en sus des GHS. Cette prévision
sera établie par le COMEDIMS, en concertation avec le
responsable financier de l’hôpital. Par exemple, en ce
qui concerne l’activité de rythmologie, le nombre de
pose de défibrillateurs implantables pour l’année sera
discuté puis f ixé. En f in d’année, ces estimations
seront rapprochées des consommations réelles et
les éventuels écarts constatés devront être explicités.
Cela permet de limiter au niveau de l’établissement
l’utilisation sans justif ication de thérapeutiques ou
techniques coûteuses. La mise en place d’un nouveau
système d’information hospitalier au profit du SSA et
d’un nouveau logiciel de gestion pharmaceutique
(Pharma®, Computer Engineering) au sein des PUI des
HIA devrait grandement améliorer l’exploitation et
l’interprétation des données grâce à ces nouveaux
moyens informatiques.
b) Référentiels de prescription.
Ce référentiel de prescription revêt une importance
particulière. En effet, les prescriptions des médicaments
et DMI hors GHS doivent être en accord vis-à-vis de
ce thésaurus pour pouvoir être remboursés. Ce référentiel, qui servira de base au pharmacien pour valider
l’indication de ces produits « T2A », doit être élaboré
par un comité rassemblant des pharmaciens et des
médecins pour définir les indications des médicaments et
DMI hors GHS. Les travaux de ce comité de prescription
tarification à l’activité et contrat de bon usage
s’appuient sur les résumés des caractéristiques
des produits et les bonnes pratiques définies par des
institutions nationales Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (AFSSaPS), Haute
autorité de santé (HAS), Institut national du cancer
(INCa), ainsi que sur les justif ications de sociétés
savantes ou sur les études publiées dans des revues
internationales à comité de lecture. L’AFSSaPS propose
une méthodologie d’élaboration des « protocoles
thérapeutiques hors GHS ». Pour chaque médicament,
le comité de prescription devra envisager trois situations
pour bâtir le thésaurus :
– groupe I : il rassemble les indications reconnues,
reposant sur des études avec bénéfice clinique démontré.
Ces indications sont inscrites dans l’Autorisation de mise
sur le marché ou l’ATU du médicament. Elles peuvent
émaner également des conférences de consensus de la
HAS ou encore des référentiels médicaux de l’INCa ;
– groupe II : à défaut de données relevant du groupe I
et par exception, ce groupe rassemble des indications
pertinentes. Le niveau de preuve doit être suffisant. Il est
validé par le groupe d’experts du comité qui évalue
de manière rigoureuse des références aux travaux
de sociétés savantes ou de publications de revues
scientifiques internationales. Ces publications doivent
être en nombre suff isant et complètes (autres qu’un
simple résumé d’article). Les résultats convergents
apportent la preuve de l’efficacité du médicament ;
– groupe III : il correspond aux indications non retenues,
qui n’ont pas montré leur bénéfice pour la pathologie
considérée.
Seuls les médicaments et DMI hors GHS possédant
une justification scientifique de leur utilisation, par
des indications entrant dans les groupes I ou II, donneront
lieu à une facturation de leur prix, et par conséquent à
un remboursement au profit de l’établissement. Dans le
cas contraire, le prix du médicament ou du DMI reste
à la charge de l’établissement. Le pharmacien de la PUI
joue un rôle très important en participant à la vérification
et au contrôle du bon usage de ces produits. Le prescripteur conserve sa liberté et sa responsabilité de
prescription. Ainsi, une prescription dans une indication
du groupe III peut être légitimée par exemple en cas
d’impasse thérapeutique.
c) Comité de prescription.
Il devra regrouper des experts comprenant médecins et
pharmaciens et pourra être constitué sur le modèle du
comité de juste prescription, commun à toute l’AP-HP.
Au niveau régional, de nombreuses autres initiatives
ont conduit à l’élaboration de référentiels (parmi eux,
nous pouvons citer le référentiel de l’observatoire
régional des médicaments, des dispositifs médicaux
et des innovations thérapeutiques ou OMEDIT BretagnePays de Loire et celui des Hospices civils de Lyon). La
commission des pharmaciens de CHU a réalisé une
synthèse de ces référentiels et met à disposition des PUI
des fiches types de bon usage (regroupant les indications
validées et des recommandations) pour les médicaments
207
hors GHS (15). L’élaboration d’un référentiel de
prescription propre au SSA paraît discutable : ce travail
prendrait nécessairement beaucoup de temps et
mobiliserait de nombreuses compétences, alors même
que cette synthèse de la commission de pharmaciens des
CHU paraît répondre à l’engagement de construire et
mettre à jour un référentiel de prescription. Ce thésaurus
peut compléter les recommandations de l’HAS (pour
les médicaments ne relevant pas du domaine de la
cancérologie) et les protocoles thérapeutiques
temporaires de l’INCa pour les anticancéreux.
3. Conséquences découlant du 2nd axe (sécurisation du
circuit du médicament).
a) Informatisation du circuit du médicament.
L’utilisation d’un logiciel de prescription et d’analyse
pharmaceutique participe à sécuriser le circuit du
médicament. Associée à la dispensation nominative,
l’acquisition d’un tel équipement paraît incontournable,
puisque les outils informatiques actuels ne permettent
pas de répondre de manière satisfaisante à cet objectif.
Ce problème devrait se résoudre par la mise en place
actuellement dans les HIA d’une prescription informatisée interfacée au logiciel de gestion « Pharma ».
Ces nouveaux moyens permettront une prescription
informatisée suivie d’une validation pharmaceutique
de l’indication, puis une dispensation nominative des
médicaments hors GHS, la traçabilité des numéros de lots
et le suivi informatisé des stocks. Cette dernière fonction
peut être utile notamment en fin d’année pour le bilan
des consommations et l’analyse des écarts avec les
prévisions. Complétant la dispensation nominative,
l’informatisation du circuit du médicament concourt
à diminuer l’iatrogénèse par un renfort de l’analyse
pharmaceutique. Sur la forme, il sera nécessaire de
former les prescripteurs en laissant à leur disposition, sur
support Intranet et sur support papier (sous forme de
mémo par exemple), les modalités de prescription et la
conduite à tenir en cas de problème bloquant du logiciel,
ainsi que la liste des médicaments hors GHS, nécessitant
de renseigner l’indication au moment de la prescription.
b) Dispensation à délivrance nominative (DDN).
Son application est devenue réglementaire depuis l’arrêté
du 31 mars 1999 (16). Aujourd’hui son usage est devenu
incontournable pour les médicaments et DMI hors GHS
et devra figurer dans les objectifs du contrat de bon usage.
Les enjeux f inanciers liés à la T2A donneront aux
pharmacies hospitalières les moyens de respecter cette
réglementation jusque là difficilement applicable. C’est
une opportunité d’étendre à terme la DDN à tous les
médicaments prescrits, à la faveur de l’informatisation du
circuit du médicament. Il a été démontré que la fréquence
des erreurs médicamenteuses et par conséquence
l’iatrogénie médicamenteuse, diminue significativement
(réduction de 40 % à 60 %) par le passage de la
distribution globalisée à la mise en place de la DDN (17).
L’emploi d’automates de délivrance des formes sèches ou
d’armoires automatisées sécurisées au sein des services
208
de soins permet d’accroître la sécurité dans le circuit du
médicament, malgré un coût pouvant être élevé. Enfin,
pour achever leur circuit, l’amélioration de la sécurité du
transport des médicaments fait appel a minima à des bacs
de transport scellés jusqu’à des systèmes automatiques de
manutention lourde fermant à clef.
c) Centralisation pharmaceutique de la préparation des
anticancéreux.
La préparation centralisée des médicaments anticancéreux sous la responsabilité d’un pharmacien est
fortement préconisée depuis plusieurs années (18). Outre
l’aspect économique, cette organisation améliore la
qualité des préparations et contribue à la protection
de l’environnement ainsi que des personnels qui
assurent les préparations (19, 20). En France, environ
40 % seulement des établissements réalisant des
préparations d’anticancéreux répondent aujourd’hui
à cette organisation (21). La généralisation de cette
mesure est un objectif prioritaire des Schémas régionaux
d’organisation des soins (SROS) de 3e génération. En
1996, l’HIA Percy fut un des premiers HIA à mettre en
œuvre une préparation centralisée des médicaments
anticancéreux (22). Les évolutions successives ont
permis d’obtenir aujourd’hui un système performant au
sein duquel l’informatisation est une aide réelle (23). Les
étapes franchies à l’HIA Percy peuvent illustrer les types
d’objectifs clairs et réalistes à atteindre dans le cadre
du CBU, en tenant compte cependant de leurs délais de
réalisation. Comme la T2A vis-à-vis de la mise en place
de la DDN, le CBU devrait conduire les hôpitaux à
appliquer la réglementation dans ce domaine. Les logiciels
de préparation des médicaments anticancéreux devront
néanmoins évoluer et introduire une fonctionnalité
permettant de renseigner l’indication, avec un niveau
bloquant si cette indication est incomplète ou non validée
par le pharmacien.
d) Assurance qualité.
Le comité de prescription et le COMEDIMS pourront
participer à l’établissement des règles de bon usage du
médicament en validant par exemple des procédures
encadrant la prescription des juniors (résidents, internes,
praticiens confirmés en formation) par des seniors. Ces
procédures, complétées par les fiches de bon usage des
médicaments hors GHS, pourront ainsi être intégrées au
système d’assurance de la qualité, et venir renforcer
l’usage sécurisé du médicament.
4. Conséquences découlant du 3 e axe (travail en
réseau).
a) À l’intérieur de l’hôpital : pratiques pluridisciplinaires.
Le passage à la T2A et au CBU nécessitera d’informer et
de sensibiliser tout le personnel de l’établissement sur les
objectifs, le fonctionnement et les enjeux de ces deux
nouvelles réformes. Cette large information paraît
importante pour obtenir l’adhésion et la motivation du
plus grand nombre. Des groupes de travail, sous forme
p. le garlantézec
de comités de pilotage, pourraient se constituer par
exemple pour définir et suivre les objectifs à atteindre du
CBU. D’autre part, tout le personnel concerné par la
codification de l’activité, étape clé dans l’allocation des
ressources à l’hôpital, devra recevoir une formation
dans ce domaine. Plus spécifique à la PUI, le travail
pluridisciplinaire entre pharmaciens et médecins, se
renforcera naturellement sous la forme de « réunions de
décision thérapeutique » ou de « réunions de concertation
pluridisciplinaires » dans le domaine de la cancérologie
notamment ou au sein du COMEDIMS pour l’évaluation
des consommations.
b) À l’échelon territorial ou régional : participation à des
réseaux de santé.
L’hôpital pourra participer à un observatoire régional
des médicaments, des dispositifs médicaux et des
innovations thérapeutiques (OMEDIT), dont le but est de
diffuser des informations sur le suivi des consommations
et de relayer à l’échelon régional la parution des
recommandations nationales sur le bon usage des
médicaments (14), mais aussi de suivre l’utilisation des
médicaments et DMI innovants. Au niveau national, il
assurera chaque année un suivi détaillé d’un nombre
limité de médicaments et DMI, préalablement définis. À
l’échelon local, sa mission sera d’évaluer le respect par
l’établissement des référentiels de l’INCa et de l’HAS
dans les pratiques de prescription des médicaments et
des DMI hors GHS. L’ARH pourra néanmoins s’appuyer
sur ces études pour évaluer le respect des engagements
du CBU. En complément de ses missions d’information,
l’OMEDIT est ainsi un outil scientifique visant l’amélioration du bon usage des produits de santé. Il est de plus un
lien entre les instances institutionnelles (AFSSaPS,
HAS) et les établissements de santé.
Outre la participation à cette structure nouvelle, qui
concerne particulièrement la PUI, celle de l’hôpital
aux réseaux de soins se verra renforcée, en particulier
au niveau du traitement des cancers. Ces réseaux
permettront le développement et le respect de
référentiels, à l’instar de celui du réseau de santé en
cancérologie de Lorraine (ONCOLOR) initié dès 1993.
Ce type de réseau édite des recommandations notamment
à l’attention des PUI, en terme de réalisation et de contrôle
des préparations d’anticancéreux ou de protocoles
thérapeutiques par exemple. La participation à ces
réseaux va dans le même sens que les objectifs du contrat
de bon usage et peut ainsi faciliter le succès dans des
objectifs obligatoires à atteindre.
5. Conséquences en matière de bilan des objectifs
fixés par le CBU.
Des indicateurs devront être mis en place pour aider à
quantifier les objectifs fixés par le contrat de bon usage.
De récents travaux réalisés au niveau national peuvent
faciliter leur détermination (24) : par exemple, le nombre
de lits concernés par la prescription nominative, le
nombre de délivrances nominatives tracées ou le nombre
d’analyses de prescription. Le nombre de préparations
d’anticancéreux préparées par la pharmacie rapporté au
tarification à l’activité et contrat de bon usage
nombre total des préparations d’anticancéreux peut aussi
être envisagé comme indicateur lorsque la centralisation
des préparations n’est pas encore totale. La répartition
des prescriptions par groupe (I, II ou III) ainsi que les
compte-rendus de l’OMEDIT dont dépend l’hôpital
seront des points de repère utiles à suivre pour permettre
d’évaluer le bon usage des médicaments, DMI hors GHS
et de suivre de façon ciblée la prescription de quelques
molécules spécifiques.
6. Conséquences en matière d’achats par la
pharmacie.
Le prix des médicaments et DMI hors GHS est fixé par le
CEPS après accords passés avec les industriels : il prend la
forme d’un tarif forfaitaire de responsabilité. Ceci ne
dispense pas le pharmacien de réaliser les achats dans le
respect du Code des Marchés Publics, en passant donc
par une phase de négociation. Si le prix facturé est
inférieur au tarif forfaitaire de responsabilité, une marge
d’intéressement pour l’hôpital est en théorie possible et
est égale à la moitié de l’économie réalisée. Ceci peut
récompenser la performance de l’établissement dans la
négociation du prix. L’autre moitié est récupérée par
l’Assurance maladie. En pratique, les industriels fixent
leur prix à hauteur du tarif forfaitaire de responsabilité
quel que soit le volume commandé (par crainte de voir le
CEPS proposer une baisse du tarif national) et n’ont
aucun intérêt à descendre en deçà de ce prix (25). La
fixation des prix par le CEPS n’allège donc en rien les
procédures d’achat public par les pharmaciens des PUI,
ces procédures n’aboutissant quasiment jamais à
des économies, pour ces médicaments.
IV. CONCLUSION.
L’arrivée de la T2A et du CBU devrait améliorer les
pratiques à l’hôpital dans plusieurs domaines :
référentiels de prescription, travail pluridisciplinaire,
mesures prises pour renforcer la lutte contre l’iatrogénèse.
Ces changements répondent à un souci commun
à tous les acteurs de santé de l’hôpital : offrir au patient une
prise en charge efficace et de qualité. Ces dispositions sont
relayées par l’évaluation des pratiques au sein de la
certification par l’HAS, seconde version. Notons que ce
sont des initiatives prises par la sécurité sociale qui
devraient donner les moyens aux PUI d’exercer leur
responsabilité en respectant la réglementation, déjà
ancienne, sur la sécurité du circuit du médicament à
l’hôpital et la lutte contre l’erreur médicamenteuse. Dans
ce contexte, le pharmacien hospitalier devrait voir sa place
affirmée, en tant que spécialiste du médicament et garant
de son bon usage. Il participe de ce fait à l’utilisation la plus
efficiente des ressources en collaborant avec les prescripteurs et à la diminution de l’iatrogénèse. Mettant en place
ces réformes trois années après les établissements de
soin des services public et privé, les HIA peuvent d’ores et
déjà bénéficier de leur expérience, ce qui devrait faciliter
la réussite de ces changements. Néanmoins, une large
information sur le fonctionnement de ces changements
et sur leurs enjeux reste indispensable.
209
Annexe 1. Ordonnance de l’HERCEPTIN® d’après le comité de juste prescription AP-HP.
Suivi des médicaments Juste Prescription/AP-HP 2005
Comité de la Juste Prescription/AP-HP
ORDONNANCE DE TRASTUZUMAB (HERCEPTIN®)
Prescripteur
Nom :
Hôpital :
Service :
UA :
Téléphone :
Patient
Nom :
Prénom :
Date de naissance :
NIP/NDA :
Surface corporelle (m2) :
Indications reconnues (AMM et/ou scientifiquement validées) :
– Cancer du sein métastatique surexprimant Her2 en monothérapie après deux lignes de chimiothérapie
ayant comporté au moins une anthracycline et une taxane ;
– Cancer du sein métastatique en association au paclitaxel (Taxol®) ;
– Cancer du sein avancé en association au docétaxel (Taxotère®) ;
– Traitement néo-adjuvant du cancer du sein en association avec la chimiothérapie RCP :
– oui
– non.
Indications pertinentes :
– Traitement adjuvant du cancer du sein avec surexpression tumorale de Her2 et atteinte ganglionnaire ;
– Cancer du sein avancé en association à d’autres cytotoxiques que les taxanes.
Autre motif de prescription :
Préciser…………………………………………………………………………………………..
Posologie :
Trastuzumab :………. mg/kg soit……. mg
Date :…./…./…. Signature :
Cadre réservé à la Pharmacie :
Médicament dispensé Quantité Numéro d’ordonnancier
Herceptin® 50 mg…… … … … … … … … … … …… …
Date :…../…../…. Signature :
210
p. le garlantézec
Annexe 2. Recommandations sur l’HERCEPTIN® d’après le comité de juste prescription AP-HP.
INFORMATIONS SUR LE BON USAGE
Comité de la Juste Prescription/AP-HP
L'utilisation d’Herceptin® (trastuzumab) est associée à une cardiotoxicité. Avant tout traitement par Herceptin®, en particulier chez
les patients déjà exposés aux anthracyclines et cyclophosphamide, une évaluation de la fonction cardiaque (anamnèse, examen
clinique, ECG, échocardiogramme et/ou scintigraphie cardiaque) est indispensable.
• Effets indésirables
– Les effets indésirables légers à modérés fréquemment observés sont le plus souvent liés à la première perfusion :
- fièvre, frissons,
- rash cutané,
- nausées, vomissements,
- hypertension
- tremblements, céphalées, étourdissements,
- toux,
- douleur, asthénie,
• l'interruption de la perfusion peut aider à contrôler ces symptômes ; la perfusion peut être reprise après disparition des
symptômes.
– En cas de survenue d’effets indésirables graves tels que :
- dyspnée, râles sibilants, bronchospasme, détresse respiratoire, désaturation en oxygène,
- hypotension, hypertension, tachycardie,
- réactions anaphylactiques, urticaire et angio-oedème,
le traitement doit être immédiatement arrêté.
• Contre indications
Dyspnée de repos sévère en rapport avec les complications liées au stade avancé de la maladie ou oxygénodépendant.
• Précautions à prendre
- Ne pas utiliser le trastuzumab en association avec les antracyclines du fait d’une augmentation de la cardiotoxicité.
- Risque accru de cardiotoxicité chez lez patients traités par anthracyclines après l’arrêt du trastuzumab (respecter une période de
24 semaines).
- Incidence accrue des infections, principalement des voies aériennes supérieures ou des infections sur cathéter, chez les patients
traités par trastuzumab associé au paclitaxel.
COMEDIMS
COMIA
Version 2 06/01/2005
• Préparation
- Chaque flacon de trastuzumab doit être reconstitué avec 7,2 ml d'eau pour préparation injectable stérile.
- Le volume de solution prélevé du flacon doit être introduit dans une poche à perfusion contenant 250 ml d'une solution de
chlorure de sodium à 0,9 %. Ne pas utiliser de solution contenant du glucose.
- Contrôler visuellement avant administration, à la recherche de particules ou d'un changement de coloration.
• Surveillance
- Le trastuzumab doit être administré en perfusion intraveineuse de 90 minutes. Si la dose de charge initiale a été bien tolérée, les
doses suivantes peuvent être administrées en perfusion de 30 minutes.
- Les patients doivent être surveillés pendant six heures au moins suivant le début de la 1re perfusion et deux heures après le
début des perfusions ultérieures.
- Un équipement d'urgence doit être immédiatement disponible.
- Administrer, après dilution à l'aide d'une tubulure séparée (ne pas mélanger ou diluer avec d'autres médicaments), ne pas
administrer la solution en bolus ou en injection rapide.
- La fonction cardiaque doit être réévaluée tous les trois mois pendant le traitement et en cas de dysfonctionnement cardiaque
asymptomatique toutes les six à huit semaines.
• Conditions de conservation
Les solutions prêtes à être administrées :
- ne contiennent pas d’agent conservateur microbien : veiller à conserver leur stérilité,
- peuvent être conservées 24 heures à une température < 30 °C et 48 heures au réfrigérateur (2–8 °C).
Pour plus d’informations se reporter au RCP (Vidal®) et/ou au référentiel « Juste Prescription ».
En cas de suspicion d’effet indésirable lié au médicament et pour toute situation particulière (grossesse, patient à risque…) vous
pouvez contacter votre Centre Régional de Pharmacovigilance.
Références :
- www.emea.eu.int/humandocs/PDFs/EPAR/Herceptin
- Drugdex Drug Evaluations : 2003
- Communiqué de l’EMEA du 13 juin 2001
- Vigilances : le bulletin de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Juin 2000.
tarification à l’activité et contrat de bon usage
211
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Vasselle A. Rapport du Sénat sur le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2006. Assurance maladie du 9 novembre
2005 ; 73 (2) : 1-55.
2. Loi N° 2003-1 199 de financement de la sécurité sociale pour 2004
(article 25). JORF du 27 novembre 2003 : 21 651-70.
3. Paubel P, Aoustin M. Médicaments et dispositifs dans le cadre de
la tarification de l’activité. Association des médecins des industries
de produits de santé AMIPS info 2005 ; 70 (4) : 64-72.
4. Arrêté du 2 août 2004 pris en application du I de l'article 34 de la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et fixant les
tarifs de référence nationaux par activité. JORF du 22 août 2004 :
15 042-105.
5. Arrêté du 31 janvier 2005 relatif à la classification et à la prise en
charge des prestations d’hospitalisation pour les activités de
médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en
application de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale.
JORF du 16 février 2005 : 2 579-623.
6. Leuridan C, Meyer Semhoun D. Réforme du financement des
établissements de santé et amélioration de leur gestion. Actualité et
dossier en santé publique (AdSP), Haut comité de la santé
publique 2005 ; 50 (3) : 7-11.
7. Décret N° 2005-1 023 du 24 août 2005 relatif au contrat de bon
usage des médicaments et des produits et prestations mentionné à
l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale. JORF du
26 août 2005 : 13 526-31.
8. Décret N° 2005-336 du 8 avril 2005 fixant les listes des missions
d’intérêt général et des activités de soins dispensés à certaines
populations spécifiques donnant lieu à un financement au titre de
la dotation mentionnée à l’article L. 162-22-13 du code de la
sécurité sociale. JORF du 10 avril 2005 : 6 492-3.
9. Arrêté du 2 mars 2005 pris en application de l’article L. 162-22-7
du code de la sécurité sociale et fixant la liste des produits et
prestations mentionnées à l’article L. 165-1 du code de la sécurité
sociale pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation.
JORF du 10 mai 2005 : 8 052-6.
10. Arrêté du 4 avril 2005 modifié, pris en application de l'article L.
162-22-7 du code de la sécurité sociale et fixant la liste des
spécialités pharmaceutiques prises en charge par l'assurance
maladie en sus des prestations d'hospitalisation. JORF du 10 mai
2005 : 8 064-74.
11. Arrêté du 16 février 2006 pris en application de l'article L. 162-227 du code de la sécurité sociale et modifiant l'arrêté du 2 mars
2005 fixant la liste des produits et prestations mentionnés à l'article
L. 165-1 du code de la sécurité sociale pris en charge en sus des
prestations d'hospitalisation. JORF du 28 février 2006 : 3 053-7.
12. Arrêté du 19 janvier 2006 modifiant la liste des spécialités
pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations
212
d’hospitalisation. JORF du 3 février 2006 : 1 824-5.
13. Umlil A, Bodin JM, Cledat Y. Contrat de bon usage des
médicaments : proposition d’une méthodologie pour réaliser l’état
des lieux du circuit du médicament dans un Centre hospitalier
général. Le Pharmacien hospitalier 2006 ; 41 (165) : 85-98.
14. Circulaire DHOS/E2/DSS/1C N° 2006-30 du 19 janvier 2006
relative à la mise en œuvre du contrat de bon usage des
médicaments et produits et prestations mentionné à l’article L.
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15. Fiches de bon usage du réseau des CHU disponible à l’adresse :
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16. Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à
l'administration des médicaments soumis à la réglementation des
substances vénéneuses dans les établissements de santé, les syndicats
interhospitaliers et les établissements médico-sociaux disposant d'une
pharmacie à usage intérieur mentionnés à l'article L. 595-1 du code
de la santé publique. JORF du 1er avril 1999: 4854-6.
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18. Circulaire DGS/DH N° 98/213 du 24 mars 1998 relative à
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20. Camus M, Brion F. Médicaments anticancéreux. Intérêts de la
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22. Oulieu S, Leibenguth P, Demaison S, Camus G, Vaylet F, Samson
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isolateur à l’HIA Percy : mise en place et premier bilan après cinq
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Bohand X. Informatisation du circuit des préparations
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25. Avis N° 04-A-03 du Conseil de la concurrence en date du
28 janvier 2004 relatif à un projet de décret concernant des
catégories de médicaments à prescription restreinte et la vente de
médicaments au public par certains établissements de santé et
modifiant le code de la santé publique et le code de la sécurité
sociale (BOCCRF N° 2004-07).
p. le garlantezec
Pratique médico-militaire
QUEL AVENIR POUR LES EAUX CONDITIONNÉES DANS LA
STRATÉGIE D’APPROVISIONNEMENT DES FORCES ARMÉES
EN SITUATION OPÉRATIONNELLE ?
G. BORNERT, C. PORTELLI-CLERC, Y. BOUHDA, A. KAROM, H. HASKOURI, K. CHABAA
RÉSUMÉ
Les réflexions menées actuellement dans le domaine de
l’approvisionnement en eaux des forces armées sur les
théâtres opérationnels tendent à remettre en cause
l’emploi quasi-systématique des eaux embouteillées
d’importation, qui est pour le moment de règle. La mise
en place de filières structurées et fiabilisées de
production d’eau par des moyens militaires constitue une
alternative à privilégier, sans occulter l’intérêt de
développer des moyens spécifiques de conditionnement
de l’eau.
Mots-clés : Conditionnement. Eau. Hygiène. Opérations
militaires.
ABSTRACT
WHICH USE FOR BOTTLED WATERS IN THE
FRENCH WATER SUPPLY MANAGEMENT
STRATEGY DURING FIELD OPERATIONS ?
Taking into consideration the question of water supply to
troops in field operations leads the armies to search for
an alternative to the almost systematic use of imported
bottled waters. The organization of a reliable supply
chain, based on field water production by specific
military treatment devices, appears the best solution, and
the interest of field water packaging systems must be
taken into account.
Keywords: Hygiene. Military operations. Packaging.
Water.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 219-223)
I. INTRODUCTION.
L’évolution des concepts d’emploi des forces armées a
mis en avant, ces dernières années, la notion de projection
qui implique d’être en mesure de positionner des effectifs
importants sur des théâtres lointains durant des périodes
souvent longues. Il va de soi que de telles options
stratégiques sollicitent de façon considérable les moyens
disponibles pour assurer le ravitaillement des unités
déployées. Cette logistique opérationnelle concerne bien
sûr, en premier lieu, des matériels spécifiques de l’activité
militaire, armement, munitions, mais l’essentiel des
volumes des approvisionnements relève en fait de ce qu’il
est convenu d’appeler le soutien de l’homme. Il s’agit là,
G. BORNERT, vétérinaire en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce.
C. PORTELLI-CLERC, vétérinaire principal, praticien confirmé. Y. BOUHDA,
vétérinaire commandant, praticien confirmé. A. KAROM, vétérinaire commandant,
praticien confirmé. H. HASKOURI, vétérinaire lieutenant, praticien confirmé.
K. CHABAA, vétérinaire lieutenant, praticien confirmé.
Correspondance : G. BORNERT, Direction régionale du Service de santé de Brest,
BP 05, 29240 Brest Armées.
médecine et armées, 2008, 36, 3
en particulier, d’assurer la fourniture aux combattants,
en quantité suffisante, de denrées alimentaires et d’eau.
La logistique eau représente à elle seule des volumes
considérables, tout particulièrement sous les climats
chauds. On considère (1) que l’objectif à atteindre est
de 100 à 150 litres d’eau par homme et par jour, dont 3 à
10 litres destinés à la boisson.
Actuellement, la politique de l’eau en opérations associe
toujours le recours à des eaux conditionnées, le plus
souvent importées de métropole, à une production
locale au moyen d’appareils spécialement développés
pour les théâtres opérationnels. Les eaux conditionnées
sont alors réservées à la boisson et parfois à la préparation
des aliments, tandis que les eaux produites localement
permettent de répondre aux autres besoins. Les réflexions
menées sur ce sujet depuis 2003, sur la base des observations réalisées sur les différents théâtres, conduisent
cependant à remettre en cause ce mode d’organisation
du ravitaillement en eau.
213
II. CARACTÉRISTIQUES
CONDITIONNÉES.
DES
EAUX
A) TYPES DE PRODUITS.
Les eaux conditionnées peuvent être, selon les cas, des
eaux minérales naturelles, des eaux de sources ou des
eaux traitées et embouteillées.
Les eaux minérales naturelles et eaux de sources sont
prélevées dans des nappes profondes, puis commercialisées le plus souvent en l’état. Parfois, des traitements
mineurs sont nécessaires, visant à corriger des défauts de
minéralisation, en particulier de fréquents excès de fer et
de manganèse. La définition réglementaire de l’eau de
source, que fournit le Code de la santé publique (article
R1321-84), donne d’ailleurs une vision particulièrement
flatteuse de ce produit : « une eau de source est une eau
d’origine souterraine, microbiologiquement saine et
protégée contre les risques de pollution (2) ». Les eaux
minérales naturelles bénéficient pour leur part d’une
image encore plus attractive, dès lors que des propriétés
bénéfiques pour la santé sont mises en avant, en relation
avec leur minéralisation spécifique.
L’activité d’embouteillage peut aussi s’adresser à
des eaux traitées : il s’agit alors de conditionner de l’eau
issue d’un réseau public d’adduction. Ce cas de figure
est relativement rare en France, mais beaucoup
plus fréquent en Europe du Nord et aux États-Unis. Là
où le consommateur français souhaite un produit
« naturel », la clientèle nord-américaine préfère une
eau désinfectée, la chloration étant une garantie très
recherchée de sécurité sanitaire.
B) TYPES DE CONDITIONNEMENTS.
Les eaux sont généralement conditionnées dans des
bouteilles en matière plastique thermoformées. Les
principales qualités attendues des matériaux utilisés
sont l’étanchéité (« effet barrière ») afin de garantir la
préservation des qualités intrinsèques de la denrée, l’inertie
vis-à-vis des constituants de l’eau et une résistance mécanique suffisante, adaptée aux inévitables manutentions.
Seuls des matériaux autorisés par la réglementation
peuvent être employés conformément aux dispositions de
l’article R 1321-95 du Code de la santé publique (2).
Le constituant le plus courant est le polychlorure de
vinyle (PVC) qui représente un bon compromis entre les
différents objectifs techniques, pour un coût modéré. On
peut cependant reprocher à certains PVC de très faible
épaisseur de manquer de rigidité : dans le cas des
bouteilles d’eau, cela se traduit par des difficultés de
manutention et une moindre résistance à l’écrasement
lors de transport sur palettes.
Le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polyéthylène
haute densité (PEHD) sont des matériaux d’usage moins
courant dans le domaine des eaux, réservés à quelques
produits du haut de gamme (eaux minérales naturelles de
grandes marques), principalement des eaux gazeuses.
Au cours des années 1980, le commissariat de l’armée de
Terre s’est orienté vers un concept nouveau pour
214
améliorer certaines qualités des eaux conditionnées : il
s’agissait de recourir à des matériaux métalloplastiques
multicouches. Le principe des f ilms multicouches
est d’associer différents constituants en pellicules
superposées, carton, polyéthylène basse densité,
aluminium, pour obtenir un matériau possédant les
qualités respectives de chacune des matières premières
qui le constituent. De tels films ont été conçus à l’origine
pour le conditionnement du lait stérilisé, l’objectif atteint
grâce à l’aluminium étant une protection contre les effets
délétères de la lumière. Rapidement, le procédé de
conditionnement en briques métalloplastiques a
démontré de grandes qualités d’inertie, de résistance
mécanique, de praticité de mise en œuvre et il a été mis en
œuvre dans l’ensemble de l’industrie des boissons non
alcoolisées. Son emploi dans le domaine de l’eau n’a pas
pour autant permis d’obtenir la réussite escomptée. Le
marché de l’eau en briques est resté tout à fait confidentiel
en France, dans la mesure où il s’agit là d’un conditionnement plus coûteux que les bouteilles en PVC et moins
pratique d’emploi au niveau d’un usage domestique. La
bouteille d’eau peut être refermée de façon hermétique
entre deux usages, là où une brique entamée est assez peu
pratique à entreposer. Au plan de la logistique militaire,
les briques semblaient par contre disposer de nombreux
atouts : forme favorisant un encombrement minimal,
résistance à la perforation supérieure à celle des bouteilles
en plastique, bonne protection du produit contre les
contaminants d’origine exogène. C’est ainsi que ce mode
de conditionnement a été retenu jusque vers le milieu des
années 1990 pour la constitution des stocks « de sécurité »
mis en place au niveau des unités opérationnelles
pour garantir leur autonomie en cas d’interruption
momentanée des approvisionnements en eau. Malgré des
qualités évidentes, l’eau en conditionnement métalloplastique a pourtant été abandonnée après de nombreux
incidents observés sur les théâtres opérationnels. Il est en
effet apparu que l’inertie du conditionnement était
parfois insuffisante, de sorte que, lors d’un entreposage
prolongé de cette eau à température élevée, il apparaissait
des goûts anormaux très désagréables (souvent décrits
comme des « goûts de chèvre ») qui rendaient l’eau
impropre à la consommation : quoi de plus pénalisant que
des stocks de sécurité inutilisables ?… Malgré des
tentatives pour gérer cette difficulté au plan industriel,
il s’est avéré impossible de trouver une solution satisfaisante, de sorte que le conditionnement métalloplastique
est désormais abandonné dans le domaine de l’eau.
Une dernière option est représentée par le recours à des
conditionnements souples, l’eau étant alors placée dans
des sachets en matière plastique thermosoudés. Les films
plastiques utilisés sont généralement constitués de
polyéthylène. Le processus de production est des plus
simples, avec une bonne fiabilité au plan sanitaire et
une maintenance limitée des machines. Le produit est
cependant peu pratique d’emploi, essentiellement
parce que le sachet entamé ne peut être efficacement
refermé. Enfin, la manutention de ces sachets doit rester
précautionneuse pour éviter les perforations.
g. bornert
III. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS
DES EAUX CONDITIONNÉES DANS LA
PROBLÉMATIQUE OPÉRATIONNELLE.
Dans le contexte spécif ique de la logistique opérationnelle, les eaux embouteillées occupent actuellement
une place majeure.
A) ASPECTS SANITAIRES.
De toute évidence, choisir des eaux conditionnées
pour répondre aux besoins en eau de boisson garantit
un niveau de sécurité optimal, dès lors que l’on a recours
à des fournisseurs métropolitains. L’industrie de
l’eau conditionnée est réputée pour la fiabilité de ses
processus de production et fait l’objet d’une attention
toute particulière des services de l’état en charge de
la santé publique.
Un autre aspect à ne pas négliger est que même si parfois
le contenu de la bouteille n’est que de l’eau de réseau
traitée, le consommateur garde une vision très idéalisée
de l’eau conditionnée, fruit d’années d’un travail
marketing efficace de la part des producteurs. Ce point
est particulièrement vrai pour les Français, leaders
européens de la consommation d’eaux de source, et une
récente campagne publicitaire conduite par une
célèbre marque d’eau de source a largement exploité la
méfiance de la population française vis-à-vis des eaux de
distribution. Le côté « naturel » d’une eau qui émerge
d’une nappe souterraine, sa pureté annoncée, ses
éventuels bienfaits pour la santé, sont autant de clichés
largement ancrés dans les esprits. Cet a priori favorable
vis-à-vis des eaux de source n’est en soi un problème
que dans la mesure où il induit ou renforce la méfiance
à l’égard des eaux d’autres origines. Il serait donc
vraisemblablement difficile, au moins dans un premier
temps, de modifier notre mode actuel de fourniture de
l’eau de boisson sur les théâtres opérationnels pour passer
à un système faisant appel aux eaux de distribution.
Au-delà de ces considérations, il y a lieu de rester lucide
sur le niveau de sécurité sanitaire que garantit le recours
aux eaux embouteillées. Ce point mérite en effet d’être
nuancé pour plusieurs raisons. Il faut tout d’abord
remarquer que la mise à la disposition des personnels
de ces eaux conditionnées induit parfois des dérives et
négligences qui peuvent avoir un impact au plan sanitaire.
Les bouteilles entamées sont laissées sans précautions
particulières dans les bureaux, véhicules, locaux à usage
privatif ; un emploi peu soigneux peut favoriser des
contaminations au niveau du goulot ; les bouteilles qui
passent de main en main constituent des vecteurs pour
les agents microbiens. Il y a donc lieu, au minimum, de
canaliser les modalités d’emploi de ces produits.
Un constat beaucoup plus préoccupant réside dans le
recours de plus en plus fréquent à des fournisseurs locaux
pour ce type d’approvisionnement. Le coût logistique de
l’importation d’eaux embouteillées depuis la métropole a
conduit à explorer, sur les théâtres, les possibilités
d’achats locaux. Différents cas de figure peuvent alors
être rencontrés, du producteur exploitant une ressource
locale à l’importateur d’eaux d’origines diverses.
Au bilan, cette option peut certainement permettre de
réduire les coûts, mais les économies financières se font
trop généralement au détriment de la sécurité des
consommateurs. En effet, l’expérience montre que les
productions locales sont rarement maîtrisées au plan
technologique, et l’on observe, sur certains théâtres, des
sites de conditionnement artisanaux où l’improvisation
est de règle. Produire des eaux de bonne qualité
sanitaire constitue un challenge que peu d’industriels
parviennent à relever avec succès. Deux aspects sont
déterminants. Il s’agit tout d’abord de la qualité initiale
de la ressource. Or, contrairement à une idée reçue, le
fait qu’une eau provienne d’une nappe souterraine ne
garantit pas sa qualité : les pollutions sont fréquentes,
d’origine accidentelle (notamment agents biologiques,
pesticides, hydrocarbures, nitrates) ou naturelle
(arsenic, sélénium, sulfates par exemple). Il faut par
ailleurs considérer les conditions de réalisation
de l’embouteillage, qui peuvent favoriser des
contaminations, essentiellement de nature biologique.
Laisser la santé des personnels militaires à la merci des
pratiques douteuses de fournisseurs négligents n’est pas
acceptable, ce qui implique une grande vigilance lors
d’achat d’eaux conditionnées.
Parfois, notamment dans certains pays d’Afrique
voisins de théâtres opérationnels, des entreprises
d’embouteillage d’eaux minérales ont proposé leurs
services et l’expertise initiale effectuée par un vétérinaire
du Service de santé a pu révéler un niveau de maîtrise très
proche de celui qui est exigé en métropole. Cependant,
l’éloignement ne permet pas d’exercer un suivi de tels
sites industriels. Par ailleurs, la longueur des filières
logistiques et l’absence de garanties quant à ces filières
pose le problème des éventuelles substitutions de
produits et autres actes malveillants qui constituent une
menace à ne pas minimiser. Une question d’importance
concerne les modalités pratiques de suivi technique des
prestations d’un tel fournisseur et des produits qu’il
commercialise. La réalisation d’expertises périodiques
sur les sites d’embouteillage s’avère matériellement
difficile et l’évaluation qualitative des eaux fournies, par
la réalisation d’analyses, reste épisodique.
B) ASPECTS LOGISTIQUES.
Au plan logistique, l’utilisation des eaux embouteillées
présente de nombreux avantages. Il s’agit d’une solution
dont la mise en œuvre peut être quasi-immédiate,
pour faire face à un besoin imprévu, dès lors que les
stocks disponibles sur le marché, en métropole, sont
considérables. La gestion des flux logistiques est
relativement souple, pour un produit présenté sur
palettes, stable à température ambiante et à durée de vie
technique longue (les eaux sont soumises à une date
d’utilisation optimale, purement indicative). Il n’y a donc
pas lieu de mettre en place de moyens de transport
spécif iques, ni de recourir systématiquement aux
voies les plus rapides. L’entreposage de ces eaux
n’est généralement pas une réelle difficulté, au prix
Quel avenir pour les eaux conditionnées dans la stratégie d’approvisionnement des forces armées en situation opérationnelle ?
215
de quelques précautions sur lesquelles nous reviendrons.
Enf in, la distribution de l’eau ainsi approvisionnée
est largement facilitée par comparaison aux eaux en vrac.
Le combattant peut même se déplacer avec un stock
individuel de secours, dans son sac ou dans son véhicule.
Pour autant, il ne serait pas objectif de rester sur ces seuls
arguments favorables. Tout d’abord, au plan technique,
les eaux embouteillées constituent des produits dont la
stabilité n’est pas absolue. Le PVC ou le PET utilisés pour
la fabrication des bouteilles représentent des matériaux
imparfaits au regard des contraintes de la logistique
militaire. En effet, en plus d’une résistance à l’écrasement
toute relative, ces matières plastiques ne garantissent pas
un « effet barrière » absolu vis-à-vis des polluants
exogènes. Entreposé dans un local mal ventilé, au
voisinage de substances odorantes, l’eau en bouteilles
PVC ne tardera pas à présenter une odeur et un goût
anormaux qui la rendront désagréable à consommer,
même si les quantités de substances chimiques qui
migrent à travers le PVC sont inf initésimales et ne
génèrent pas de risque toxique pour le consommateur.
L’essentiel des réclamations que gèrent les services
« qualité » des grands acteurs de l’activité d’embouteillage d’eaux relève de ce type de phénomènes. Ce sont
principalement les hydrocarbures qui génèrent des
incidents (cas des eaux entreposées par un particulier
dans son garage, à côté de bidons d’essence). De tels
phénomènes de migration de composés chimiques au
travers des films de PVC sont très fortement majorés
lorsque la température ambiante est élevée. Au cours du
transport d’eaux embouteillées sur de longues distances,
en conteneurs maritimes, il n’est pas rare que le produit
soit exposé à des températures extrêmes qui favoriseront
les dégradations organoleptiques : toutes les substances
présentes dans l’environnement immédiat peuvent alors
générer des odeurs, y compris les palettes sur lesquelles
sont posées les bouteilles (produits antifongiques utilisés
pour le traitement du bois, essences spécifiques). Un
autre phénomène bien connu est l’envahissement des
conteneurs d’eau par des moisissures. Un conteneur
fermé exposé au rayonnement direct du soleil constitue,
pour ces micro-organismes, une véritable étuve. Les
spores fongiques présentes dans l’air peuvent germer sur
tous types de supports organiques, de sorte que les
étiquettes des bouteilles d’eau ou les feuilles de carton
intercalées au sein des palettes constituent des substrats
adaptés, en présence d’un minimum d’humidité
ambiante. Le développement fongique n’a en soi aucune
incidence sur la qualité sanitaire des eaux, mais les
bouteilles apparaissent souillées au niveau de leur
étiquetage. Par ailleurs, un autre phénomène beaucoup
plus préoccupant est le développement d’un goût de
moisi, par migration de molécules volatiles à travers le
PVC, qui rendra le stock d’eau inconsommable. Toutes
ces éventualités fâcheuses sont largement connues des
spécialistes du sujet, de sorte que, de plus en plus, le
commerce international des eaux conditionnées fait
l’objet de clauses contractuelles draconiennes à l’égard
des transporteurs, visant à protéger le produit contre les
216
excès climatiques. Un incident récent, survenu dans
le cadre de la f ilière d’approvisionnement en eau
des éléments français au Tchad, a permis de situer
l’ampleur des conséquences économiques de toute
négligence dans la gestion des flux logistiques en relation
avec les eaux embouteillées (3).
Avec la prise en compte de plus en plus évidente
des contraintes environnementales dans la gestion
des dispositifs militaires, il apparaît que les eaux conditionnées ne représentent pas l’option la plus respectueuse
de l’environnement. L’élimination des conditionnements
usagés n’est pas des plus faciles, si l’on considère les
volumes de déchets ainsi produits et l’absence sur le
marché de matériaux biodégradables adaptés.
Un dernier aspect est une source de préoccupation
majeure pour les logisticiens. Les eaux embouteillées
importées de métropole imposent une charge
considérable à la logistique militaire, de sorte que les
coûts induits sont colossaux. En choisissant de recourir
de façon systématique à des eaux importées pour assurer
les apports d’eau de boisson, les armées se voient
contraintes de gérer un besoin quotidien de trois à cinq
litres d’eau de boisson embouteillée par homme et par
jour, au minimum, ce qui correspond à environ 2 000 à
3 000 bouteilles (de 1,5 litre) par jour, qu’il devient
nécessaire d’importer à grands frais pour un effectif
de 1 000 hommes déployés sur le terrain. C’est donc 5 m3
de fret qu’il faut garantir par journée de présence de ces
1 000 hommes sur le terrain. Le coût f inal est alors
moins lié au produit lui-même qu’à son transport sur de
longues distances. Ce dernier argument semble avoir été
clairement pris en compte par le commandement, de sorte
que de nombreux travaux actuels permettent d’entrevoir
des évolutions dans ce domaine.
IV. VERS UNE NOUVELLE APPROCHE EN
MATIÈRE D’EAUX CONDITIONNÉES.
La refonte des concepts de base en matière d’eaux
en opérations extérieures est en cours, répondant à des
préoccupations d’efficacité et d’économie, tout en s’efforçant de respecter la sécurité sanitaire des personnels.
L’idée de départ est qu’il est parfaitement possible de
produire et de distribuer de l’eau parfaitement potable sur
les théâtres extérieurs, sous réserve de mettre en place les
moyens et les équipes adaptés à chaque situation (4). Les
matériels de traitement de l’eau en service dans les
armées sont en cours de renouvellement et une nouvelle
génération d’équipements, exploitant la technologie de
l’osmose inverse, est en train de prendre le pas sur les
traditionnels Matériel de traitement de l’eau modulaire
(MATEM) et Unité mobile de traitement de l’eau
(UMTE). Les investissements consentis traduisent une
volonté de parvenir à garantir un niveau qualitatif élevé
des eaux produites sur les sites d’opérations.
Dès lors que l’eau ainsi traitée est conforme aux exigences
qualitatives pour sa mise en consommation, rien n’interdit
plus de réfléchir à l’abandon des importations d’eaux
embouteillées. Pourtant, la production d’eau en vrac sur
g. bornert
les théâtres n’apporte pas la réponse à toutes les questions
posées. Sur les grands camps militaires, tels qu’il en
existe sur les théâtres importants, il est tout à fait
concevable de mettre l’eau en distribution au niveau
de robinets alimentés soit par un réseau d’adduction, soit
par des citernes. Le consommateur trouvera alors de
l’eau en libre service au niveau de l’ensemble du site.
En tout état de cause, des eaux conditionnées restent
indispensables dans une logistique militaire bien
ordonnée. Les missions de petits effectifs sur de
courtes durées, les détachements mobiles, les unités de
reconnaissance lors de la phase de déploiement
constituent autant d’exemples pour lesquels il sera
nécessaire de disposer de quantités non négligeables
d’eaux conditionnées. Dans cette perspective, le recours
aux conditionnements réutilisables réglementaires,
gourde, nourrice de 20 litres, est envisageable. Le risque
associé à ce type de pratiques réside dans le manque
de soins apportés trop souvent à l’entretien des matériels,
de sorte que l’eau subit des contaminations préjudiciables
à sa qualité sanitaire. Il s’agit là de difficultés que l’on
doit pouvoir gérer efficacement par une information
des personnels et en veillant à assurer un taux suffisant
de chlore libre résiduel dans les eaux distribuées.
Il peut pourtant apparaître préférable de mettre en place
des systèmes assurant le conditionnement de l’eau
produite sur le théâtre dans des contenants à usage unique.
L’armée française dispose pour le moment d’unités
d’ensachage de l’eau. Ces appareils permettent de livrer
au consommateur des sachets en plastique remplis d’eau,
d’une contenance allant de 0,5 à 2 litres. Cette option est
séduisante car elle permet de distribuer l’eau sans
redouter de contaminations lors de la phase de transport
ou de stockage. Cependant, dès que le sachet est entamé,
le stockage de l’eau devient problématique : son transvasement dans un récipient rigide est souvent à l’origine de
contaminations qui ruinent tous les efforts déployés en
amont. L’avenir est donc probablement aux systèmes
d’embouteillage autonomes projetables, tels qu’il en
existe à l’état de prototypes au sein des forces armées de
l’OTAN. Ces dispositifs, du format d’un conteneur pour
transport maritime, réalisent le thermoformage de
bouteilles en matière plastique puis le remplissage de ces
récipients. Le recours à des conditionnements
rigides lève ainsi les réserves formulées à l’égard
des eaux ensachées.
En l’absence de tels équipements, il reste possible de
concevoir une solution mixte, alliant une production de
masse d’eaux destinées aux structures fixes, complétée
par des achats, en quantité limitée, d’eaux conditionnées.
Dans ce cas, il y aura lieu de mettre en place une stratégie
d’achat et de contrôle des produits approvisionnés
permettant de pallier les insuffisances constatées jusqu’à
présent. Le Service de santé a un rôle essentiel à assumer
dans ce type de dossier. Cependant, il n’est que l’une des
parties prenantes : une stratégie d’approvisionnement
cohérente implique un investissement majeur de la
structure en charge des achats, généralement l’Économat
des armées, qui doit accepter le principe d’expertises
techniques préalables des fournisseurs potentiels. Le
commandement doit aussi avoir conscience des
contraintes associées aux activités de contrôle : le Service
de santé ne peut accomplir sa mission technique que dans
la mesure où le commandement facilite les déplacements
d’équipes d’experts vers les sites sous-traitants et l’envoi
d’échantillons vers la métropole de façon régulière.
V. CONCLUSION.
Les eaux conditionnées présentent des avantages
certains pour l’approvisionnement des troupes en
opérations extérieures et il importe de les considérer
comme constituant l’une des options majeures
dont dispose le commandement pour assurer la gestion
des besoins en eau des combattants. Cette option
présente cependant de nombreux inconvénients
lorsqu’elle est employée à grande échelle. Elle ne
devrait être utilisée qu’en complément d’une approche
de production d’eau, au moyen d’équipements déployés
sur les théâtres, ou pour des phases de déploiement et
des missions ponctuelles.
À l’avenir, un compromis intéressant, et probablement
très avantageux au plan économique, consistera à réaliser
non seulement la potabilisation de l’eau mais aussi
son conditionnement en bouteilles sur les théâtres
opérationnels. Il va de soi qu’une telle stratégie ne peut
être efficace que dans la mesure où les moyens matériels
et humains nécessaires sont déployés.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Notice N° 1919/DEF/DCSSA/AST/TEC du 20 août 1991 relative à
l’approvisionnement en eaux des formations et services des armées
de Terre, de Mer et de l’Air.
2. Code de la santé publique ; partie réglementaire.
3. GINESTA J. Communication personnelle.
4. Bornert G, Kervella JY, Péquignot JP, Genin-Lomier S, Karom A,
Dumas E. Politique de l’eau en opérations extérieures. Difficultés
et perspectives. Médecine et Armées 2004 ; 32 (1) : 86-91.
Quel avenir pour les eaux conditionnées dans la stratégie d’approvisionnement des forces armées en situation opérationnelle ?
217
218
Pratique médico-militaire
REBREATHING ET APPAREIL DE PROTECTION
RESPIRATOIRE
P. MOULIN, J.-L. CAPRON, T. CUNEY, A. MONTMAYEUR, P. VIANCE
RÉSUMÉ
La Marine nationale s’est dotée, à la fin des années 1990,
d’un nouvel appareil de protection respiratoire
autonome. Au bout de quelques mois, le masque de cet
appareil présente des avaries répétées laissant envisager
une augmentation de l’espace mort et le mélange de l’air
expiré avec l’air inspiré. Cette étude a donc pour objectif
de mesurer la concentration de l’air inspiré en dioxyde
de carbone et de préciser, le cas échéant, le risque pour
les personnels. Un simulateur respiratoire se substitue au
sujet. Deux séries de tests sont réalisées sur des masques
complets alimentés par des lots de bouteilles en service.
L’augmentation de l’espace mort, secondaire aux fuites
dans le masque, induit un accroissement de la
concentration de dioxyde de carbone expiré qui permet
de chiffrer précisément la concentration de dioxyde de
carbone inspiré. Dans le pire des cas, la concentration de
dioxyde de carbone inspiré atteint 1,99 %. Une telle
valeur n’apparaît pas conforme aux normes AFNOR
(Association française de normalisation), recommandées
pour ce type de masque. Elle n’est également pas
compatible avec les valeurs limites d’expositions
professionnelles retenues en Allemagne ou aux ÉtatsUnis. Néanmoins, elle reste physiologiquement acceptable
au regard des concentrations maximales admissibles
retenues au sein de la marine nationale, en situation
opérationnelle.
Mots-clés : Appareils de protection respiratoire. Dioxyde
de carbone. Rebreathing. Valeurs limites.
ABSTRACT
REBREATHING AND BREATHING APPARATUS.
In the late nineties, the French navy equipped itself with
a new self-containing breathing apparatus. A few months
later, the mask of this apparatus presented repeated
damages that induced an increase of the dead space and
the mixture of exhaled and inhaled air. The aim of this
study was thus to measure the concentration of carbon
dioxide in inhaled air, and to assess the potential risk for
users. A breathing simulator took the place of the human
subject. Two series of tests were realized on whole masks
supplied with sets of bottles in use. The increase of the
dead space, secondary to leaks in the mask, induced an
increase in carbon dioxide in the exhaled compartment,
allowing to assess exactly the quantity of carbon dioxide
in the inhaled part. In the worst case, the rate of carbon
dioxide in the inhaled compartment reached 1.99 %.
Such a value is not in accordance with the AFNOR
standard recommended for this type of mask. Neither is
it compatible with the maximum values of professional
expositions adopted in Germany or in the USA.
Nevertheless, from the physiological point of view this
value remains acceptable as to the maximum admissible
concentrations adopted by the French navy in
operational situation.
Keywords: Carbon dioxide. Breathing apparatus. Limit
values. Rebreathing.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 225-228)
I. INTRODUCTION.
À bord des bâtiments, et plus généralement au sein de
la Marine nationale, la sécurité a toujours été une
préoccupation majeure. Soucieuse d’offrir un matériel
performant à ses personnels susceptibles d’intervenir
dans une ambiance non respirable (air pollué par des gaz,
des vapeurs, des poussières, des aérosols ou air appauvri
en oxygène avec une teneur inférieure à 17 % en volume),
P. MOULIN, médecin principal, praticien certifié. J.-L. CAPRON, médecin du
travail. T. CUNEY, médecin du travail. A. MONTMAYEUR, médecin du travail. P.
VIANCE, médecin en chef, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Correspondance : P. MOULIN, Centre de médecine de prévention, caserne Ney,
BP 64, 57998 Metz Armées.
médecine et armées, 2008, 36, 3
la Marine se dote, à la fin des années 1990, d’un nouvel
appareil de protection respiratoire isolant autonome. Cet
appareil permet au porteur de respirer, à la demande et en
pression positive, de l’air comprimé respirable provenant
d’un bloc bouteille d’une capacité de 9 litres (3x3 litres)
délivré à une pression de 300 bars. Le masque,
proprement dit, est composé d’un écran panoramique,
d’un demi-masque, d’une pastille phonique et de
deux soupapes expiratoires.
Au bout de quelques mois, les utilisateurs rapportent
au commandement la désinsertion du demi-masque de
sa gorge de fixation, susceptible d’augmenter l’espace
mort du masque (fig. 1).
219
Figure 2. Simulateur.
Figure 1. Décollement du 1/2 masque.
L’espace mort est le volume d’air contenu dans les voies
aériennes supérieures, et par extension dans le masque,
qui ne participe pas aux échanges gazeux. La valeur de
l’espace mort anatomique est d’environ 150 ml chez
l’adulte de sexe masculin. Plus l’espace mort d’un
masque est important, plus la concentration de CO 2
inspiré est élevée par le phénomène de « rebreathing » :
le CO2 expiré au niveau du masque est à nouveau inhalé
lors de l’inspiration suivante.
L’homme au repos expire un volume moyen de 200 ml
de CO 2 par minute (1). Toute augmentation de la
concentration de CO2 inspiré induit une augmentation de
la pression partielle en dioxyde de carbone (PCO2) dans
les alvéoles pulmonaires et un accroissement immédiat
de la PCO2 du sang artériel.
L’antenne programme de l’état-major de la Marine a donc
saisi l’Institut de médecine navale du Service de santé des
armées (IMNSSA), afin de mesurer les valeurs de la
concentration de CO2 inspiré et d’en tirer les recommandations vis-à-vis de la sécurité des personnels amenés
à porter ce type d’appareils pendant 30 à 60 minutes.
II. OUTILS ET MÉTHODES.
Deux séries de test ont été réalisées sur un simulateur
respiratoire programmable. Le simulateur comprend un
ordinateur destiné au traitement des données, une
machine simulant la respiration humaine auquel est
raccordé un injecteur de CO2 qui fournit l’équivalent du
CO2 rejeté par la respiration humaine, une fausse tête
pour les raccordements par masque et un analyseur de gaz
CO2 pour la mesure des espaces morts ou des gaz inspirés
en circuit fermé (fig. 2).
Les deux séries de tests sont effectuées sur des masques
complets (deux masques par série) alimentés par quatre
lots de trois bouteilles gonflées à 300 bars. La série 1 est
constituée de masques ayant présenté l’avarie et ayant été
réparé. La série 2 est constituée de masques neufs. Pour
chaque mesure, le masque est soigneusement installé sur
la tête factice. L’étanchéité est obtenue par réglage
220
optimal des sangles, de la résille et testée par l’application
d’un liquide savonneux au contact du joint. L’absence de
fuite est vérifiée. Le manomètre permet le contrôle de la
pression de l’alimentation en air comprimé. Les mesures
de la concentration de CO2 inspiré sont réalisées selon
les normes AFNOR (2, 3). Ces dernières fixent le débit
ventilatoire à 50 l/min, soit un niveau de travail dur.
La méthode consiste à mesurer la concentration de CO2
dans le cylindre « faux poumon » (fig. 2), mesure que
l’ordinateur maintient à valeur constante par adaptation
de la quantité de CO 2 fournie. À chaque inspiration,
la machine raccordée à la fausse tête injecte dans les
gaz inspirés une quantité de CO 2 telle, qu’avant
équipement du masque, le taux de CO 2 mesuré dans
le « faux poumon » se stabilise à 5 %. La concentration
de CO 2 expiré est proche de cette valeur. La tête est
ensuite équipée du masque. Les « volumes morts »
induisent dans la phase inspirée une petite quantité de
CO2 dans la machine, entraînant une augmentation de
la concentration de CO 2 expiré. Le programme étant
conçu pour maintenir le taux de CO2 à 5 %, il s’ensuit
une diminution de la quantité de CO2 fourni. La variation
dq de CO 2 fourni correspond alors exactement à la
quantité résultant de l’espace mort (VD) du masque.
La concentration moyenne de CO 2 présente dans les
gaz inspirés est obtenue par la relation suivante :
CO2 concentration = dq / volume courant.
La concentration de CO2, dans l’air du laboratoire, est
contrôlée à plusieurs reprises de même que l’absence de
dérive de l’analyseur de CO 2. L’analyseur de CO 2 est
un analyseur rapide à infrarouges, installé sur une
chaîne métabolique. Le prélèvement est réalisé à l’aide
d’un tuyau capillaire fourni par le constructeur et
préalablement étalonné.
L’incident technique est reproduit au laboratoire en
désinsérant, en deux étapes, le1/2 masque de sa gorge de
fixation. La concentration de CO2 inspiré est mesurée
pour chaque phase et pour chaque série de masques.
III. RÉSULTATS.
Les résultats des deux masques, dans les deux séries
de mesure, sont sensiblement identiques. Les résultats
figurent dans le tableau I.
p. moulin
Tableau I. Résultats des séries 1 et 2 (concentrations de CO2 dans l'air inspiré
exprimées en %).
Série 1
Série 2
Masque 1 Masque 2 Masque 1 Masque 2
Situation nominale 0,39 à 0,96
Avarie partielle
Avarie totale
0,6 à 1,02
0,37 à 0,62 0,27 à 0,32
0,86 à 1,35 1,31 à 1,35 0,63 à 0,97 1,10 à 1,44
0,71
1,99
1,11 à 1,59
1,65
Un masque en situation nominale suppose un
demi-masque en place. Les situations d’avarie partielle et
totale correspondent à un demi-masque partiellement et
totalement décollé de sa gorge d’insertion. En situation
d’avarie partielle, le bord libre du demi-masque peut
spontanément s’appliquer sur sa gorge d’insertion, du fait
de la force de serrage, et ainsi obstruer l’orifice de fuite.
IV. DISCUSSION.
Le dioxyde de carbone est normalement présent en faible
concentration dans l’atmosphère, de l’ordre de 0,035 %
(4). Il pénètre et est éliminé essentiellement par voie
respiratoire. En situation normale, la PCO 2 du sang
artériel est maintenue constante à une valeur comprise
entre 39 et 41 mmHg par la ventilation alvéolaire (1).
Les effets du CO2 sur l’homme ont été largement étudiés.
Les études expérimentales permettent de définir trois
zones de tolérance en fonction de la concentration de CO2
inspiré. Pour des concentrations comprises entre 0 % et
1 % (zone indifférente), on décrit une augmentation de
la ventilation pulmonaire sans aucune altération des
performances physiques et psychosensorielles. Pour des
concentrations comprises entre 1 % et 3 % (induisant une
compensation physiologique), l’augmentation de la
fréquence respiratoire s’accentue, l’acidose respiratoire
est progressivement compensée. Les sujets se plaignent
de quelques céphalées et d’une légère réduction des
performances physiques. Les performances psychosensorielles sont intactes. À partir de 3 % (concentration
induisant une hypercapnie manifeste), l’acidose
respiratoire est diff icilement compensée, le travail
musculaire limité. Des manifestations d’intolérance
apparaissent : céphalées pénibles, vasodilatations
périphériques (5-7).
Les appareils de protection respiratoire doivent respecter
des critères normatifs de conformité. La norme NF
EN 136 stipule que la concentration de CO2 inspiré ne
doit pas excéder une moyenne de 1 % (2). Il n’existe,
cependant, pas en France de Valeur limite d’exposition
professionnelle (VLEP) pour le dioxyde de carbone. Aux
États-Unis, l’American conference of governmental
rebreathing et appareil de protection respiratoire
industrial hygienist (ACGIH) a fixé, en 2000, la Valeur
limite de moyenne d’exposition (VME) à 5 000 ppm,
soit une concentration de 0,5 %, et la Valeur limite
d’exposition (VLE) à 30 000 ppm, soit une concentration
de 3 %, pour le CO2 dans l’air des locaux de travail. En
Allemagne, la commission Maximal Arbeitsplatz
Konzentration (MAK) a fixé, la même année, à 5 000 ppm
cette VME (8).
Ces notions de VLEP (valeur moyenne pondérée sur
8h/jour et 40h/semaine pour la VME, valeur moyenne
pondérée sur 15 min pour la VLE) ne peuvent, cependant,
pas être appliquées dans toutes les circonstances. C’est le
cas en situation opérationnelle. L’exemple des équipages
des sous-marins est le plus démonstratif. Ils évoluent,
par déf inition, dans une atmosphère conf inée et
restent exposés à des nuisances environnementales
24h/24 pour des durées pouvant atteindre 90 jours,
sans aucune possibilité de s’y soustraire. La notion de
Concentration maximale admissible (CMA) se substitue
alors à celle des VLEP.
C’est à la suite d’expériences réalisées par le Centre
d’études et de recherches techniques sous-marines en
France et par « the naval submarine medical research
laboratory » aux États-Unis, que la marine nationale fixe
des CMA limites pour le CO2 en situation nominale et
dégradée (tab. II) (9).
Tableau II. Concentrations maximales admissibles applicables au sein des
forces sous-marines.
Dioxyde
de carbone
atmosphérique
CMA CMA CMA
CMA CMA
CM 4J
90J
8J
24h
1h
6h
Situation nominale
0,7 %
Situation dégradée
1%
3%
2%
4%
3%
4%
Dans la situation la plus défavorable de nos séries, la
séquence de simulation ventilatoire au débit sinusoïdal de
50 l/min conduit à une concentration de CO2 inspiré de
1,44 % en cas d’avarie partielle et de 1,99 % en cas
d’avarie totale. De telles valeurs, au regard de la norme
NF EN 136, rendent le masque présentant l’avarie
inutilisable. Néanmoins, les valeurs de concentration
de CO 2 inspiré, mesurées lors des avaries, restent
physiologiquement compatibles avec l’exécution d’une
tache en « situation opérationnelle » et, en tout état de
cause, ne mettent en aucun cas la vie des opérateurs en jeu.
Une concentration de 3 % de CO 2 peut, en effet, être
tolérée quatre jours en situation dégradée à bord d’un
sous-marin (10). Cette valeur doit être relativisée, compte
tenu de la durée du port de l’appareil respiratoire estimée
entre 30 et 60 minutes. Enfin, il faut noter que nous avons
limité notre étude au seul débit ventilatoire exigé par
221
la norme. Or, des pompiers équipés, en situation réelle,
sont susceptibles d’avoir des débits ventilatoires très
variables pouvant aller de 6 l/min au repos à 120 l/min
pour un travail épuisant.
Dans l’échelle des risques, l’avarie présentée peut ainsi
être qualifiée d’avarie fréquente mais très peu dangereuse
pour l’homme. Une avarie totale pourrait provoquer,
au plus, une augmentation du débit ventilatoire
de l’opérateur et donc, une diminution de son autonomie
en air et des maux de tête modérés. De telles valeurs
pourraient être plus pénalisantes pour l’opérateur en
cas d’efforts importants et en cas de ventilation à
fréquence élevée (et non en cas de ventilation à volume
courant élevé).
V. CONCLUSION.
était, cette fois-ci, riveté et non simplement collé. Durant
ce laps de temps, les opérateurs ont bénéf icié d’une
information sur la possible surconsommation d’air
surtout en cas d’effort et sur la diminution probable
de leur temps d’autonomie. L’utilisation de l’appareil
respiratoire fut ainsi f ixée à 30 minutes maximum.
Les masques endommagés faisaient l’objet d’une
réparation provisoire.
Il est, néanmoins, regrettable que cette étude n’ait pas
pu être menée avant que ces équipements soient mis à
disposition des forces.
Le rôle du médecin du travail n’est pas de cautionner
des équipements de protection individuelle défectueux
mais il s’agissait de répondre, ici, à une question précise
dans un contexte opérationnel.
Cette étude a, dans un premier temps, permis de rassurer
le commandement et les utilisateurs des masques. Dans
un second temps, ces masques ont progressivement
été tous remplacés par un autre modèle où le 1/2 masque
Remerciements : les auteurs remercient le médecin
chef des services René Abiliou, le médecin en chef
Bertrand Elie et le docteur Cécile Moulin pour la
relecture de ce manuscrit.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Louis F, Guez M, Le Bacle C. Intoxication par inhalation de dioxyde
de carbone. Documents pour le médecin du travail 1999 ; 79 : 179-94.
2. Appareils de protection respiratoire. Masques complets.
Exigences, essais, marquage. NF EN : mars 1998.
3. Appareils de protection respiratoire. Appareils de protection
respiratoire autonomes à circuit ouvert, à air comprimé. Exigences,
essais, marquage. NF EN 137 : mai 1993.
4. Lipsett MJ et al. Inorganic compounds of carbon, nitrogen and
oxygen. In: Patty’s Industrial Hygiene and Toxycology. Edited by
GD. Clayton et al. 4th edition. Volume II. Toxicology. Part F. John
Wiley and sons, Inc 1994 : 4552-7.
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performance: a joint NASA-ESA DARA study overview. Aviat.
Space Environ Med 1998 ; 25 : 282-4.
Eliot AR, Prisk GK, Schollmann C et al. Hypercapnic ventilatory
response in humans before, during and after 23 days of low level
CO2 exposure. Aviat. Space Environ. Med 1998 ; 69 : 391-6.
Schaefer KE, Hastings BJ, Carey CR et al. Respiratory acclimation
to carbon dioxyde. J. Appl. Physio 1963 ; 69 : 391-6.
Fiches toxicologiques : http://www.inrs.fr/Rubriques « Bases de
données » Fiche 238.
Marine nationale. Consignes générales sous-marins. Situation
plongée N° 114/DEF/EMM/PROG/SOUM/DR du 29 juillet 2004.
p. moulin
Pratique médico-militaire
MÉDECIN DES ÉLÉMENTS FRANÇAIS AU TCHAD
À FAYA LARGEAU
D. GRAS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
Situé au centre du Borkou, Ennedi, Tibesti à 1 000 km au
Nord de N’Djamena, l’oasis de Faya Largeau accueille
depuis 1990 un détachement des forces françaises au
Tchad. Aujourd’hui, il se limite à dix militaires soutenus
par un médecin. En l’absence de médecin militaire
tchadien, le Service de santé de l’Armée nationale
tchadienne dans cette zone repose uniquement sur des
personnels paramédicaux aux compétences limités. Le
médecin des éléments français au Tchad poursuit la
coopération débutée, dans le cadre de la coopération
militaire en apportant son soutien dans trois domaines :
les consultations en dispensaires aux militaires et à leur
famille, la prise en charge des blessés de guerre et l’aide
technique dans la formation des personnels, la majorité
de l’emploi du temps du médecin reste consacré à l’aide
médicale à la population, l’insuffisance du système de
santé local et la gravité des problèmes de santé
rencontrés rendent précieuse la présence du médecin
français qui assure aussi bien de simples consultations
que la prise en charge d’affections graves.
PHYSICIAN OF THE FRENCH ELEMENTS IN CHAD
IN FAYA LARGEAU.
Mots-clés : Aide humanitaire. Faya Largeau. Médecine
militaire. Tchad.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 229-234)
I. INTRODUCTION.
Le poste de médecin du détachement des éléments
français au Tchad (EFT) à Faya Largeau, constitue
l’un des derniers postes isolés tenu par un médecin
militaire français sur le continent africain. Cet article
relate le retour d’expérience de l’auteur après un séjour de
plus de quatre mois, du 28 août 2005 au 10 janvier 2006.
La compréhension de la mission du médecin sur site
impose de rappeler la situation géographique, la mission
du détachement et de préciser plus longuement la
situation sanitaire locale pour enfin rapporter l’activité
médicale quotidienne.
D. GRAS, médecin principal.
Correspondance : D. GRAS, service médical, 50 133, base aérienne 133, BP 334,
34201 Toul Cedex.
médecine et armées, 2008, 36, 3
Located 1,000 km north from N’Djamena, the French
Elements in Chad detachment in Faya Largeau is
manned by 10 service men and one physician. Without its
own Chadian military physician in this area, the Chadian
Health Service relies on paramedical personals with
limited skills. The cooperation started by the Military
Co-operation Mission is continued by the physician by
providing consultation for service men and their families,
management of casualties in the medical operational unit,
and Chadian staff training. The physician’s schedule is
mainly devoted to the medical relief for the local
population. The medical cares for current or serious
diseases provided to this population is extremely
important in this area with no efficient health structures.
Keywords: Chad. Faya Largeau. Humanitarian aid.
Military medicine.
II. SITUATION LOCALE : GÉOGRAPHIE, DÉMOGRAPHIE, ÉCONOMIQUE ET SANITAIRE.
A) SITUATION
CLIMATIQUE.
GÉOGRAPHIQUE
ET
La vaste oasis de Faya Largeau se trouve au centre du
Borkou, Ennedi, Tibesti (BET) région saharienne
du Tchad à 1 000 kilomètres de la capitale, N’Djamena
(fig. 1). Le climat régnant sur la région est un climat
saharien. La végétation ne persiste que grâce à une
nappe phréatique peu profonde et un réseau d’irrigation
agricole.
B) SITUATION DÉMOGRAPHIQUE.
La population du Tchad atteignait 9,3 millions en 2005.
Sur l’ensemble du BET, la densité ne dépasse pas
0,1 habitant par kilomètre carré (1, 2). Faya Largeau
223
usées. En dehors de la récolte des dattes, l’agriculture est
peu développée. L’activité aérienne commerciale est
inexistante malgré une piste et un aérodrome suffisants.
Le seul moyen de télécommunication disponible est la
téléphonie mobile relayée par satellite. Il n’y a ni service
postal ni presse écrite disponible.
D) SITUATION SANITAIRE.
Figure 1. Carte du Tchad.
concentre une partie de cette population qui varie
de 8 000 habitants en hiver à 16 000 en fin d’été avec la
récolte des dattes. L’indice synthétique de fécondité du
Tchad est de 6,3 enfants par femme avec une natalité de
45 pour 1 000 habitants (2). Les chiffres de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) sur l’ensemble du Tchad
rapportent une espérance de vie en 2004 ne dépassant
pas 45 ans pour les hommes et 48 ans pour les femmes. La
mortalité infantile est de près de 10 % et la mortalité
infanto-juvénile atteint 20 % (3).
Les habitants de Faya Largeau sont partagés entre
la population gorane autochtone, semi-nomade, de
religion musulmane et la communauté originaire du
sud de religion chrétienne. Cette dernière est composée
de militaires, de leurs familles, d’enseignants et
d’étudiants. L’alphabétisation dépasse à peine les 20 %.
Elle est ralentie par une scolarisation qui ne dépasse
pas 40 % des enfants (3).
1. Offre de soins.
Les données démographiques laissent entrevoir la
précarité de la situation sanitaire au Tchad. Les conclusions du Rapport mondial sur le développement humain
(RMDH), du Programme des nations unies pour le
développement (PNUD), en 2006, classent le Tchad 167e
sur 177 avec un indice de 0,379 (indice intégrant
l’espérance de vie à la naissance, reflet du système de
santé, le niveau d’éducation, le PIB réel et par habitant)
(3, 4). Les dépenses de santé du Tchad ne dépassent
pas 51 $ par habitant. L’OMS, le Fond européen pour le
développement (FED), la banque mondiale, la Banque
africaine pour le développement (BAD) et la coopération
française apportent environ 60 % de ces dépenses (3).
En dehors de la capitale, les formations sanitaires sont
insuffisantes et le personnel manque cruellement : en
2000, il n’y avait qu’un médecin pour 31 000 habitants
avec une concentration dans les grandes villes du sud (3).
Un seul est présent à Faya Largeau.
L’isolement géographique de Faya Largeau, la rigueur
du climat et la relative instabilité qui éloigne les Organisations non gouvernementales (ONG) aggravent encore
la situation sanitaire locale. La palmeraie ne dispose
que d’un hôpital de district vétuste, l’hôpital central
qui propose une quarantaine de lits (fig. 2). L’absence
d’entretien, les vols de matériel et les diff icultés
d’approvisionnement limitent fortement les moyens
cliniques, diagnostics et thérapeutiques.
D’autres structures sanitaires sont installées en ville. La
clinique Association tchadienne pour le bien être familial
(ASTBEF) propose des consultations gynécologiques et
obstétricales. Parallèlement à la pharmacie hospitalière,
trois pharmacies assurent également la vente de
C) SITUATION ÉCONOMIQUE.
Malgré le début de l’exploitation pétrolière, le Tchad
reste l’un des pays les plus pauvres du monde avec un
revenu annuel par habitant est estimé à 228 $ (3). À Faya
Largeau, la dégradation des infrastructures publiques qui
a suivi le départ des coloniaux français et les conflits avec
la Libye, laisse une ville sans réseau électrique, sans eau
courante et sans réseau d’assainissement des eaux
224
Figure 2. Hôpital.
d. gras
médicaments et quelques consultations. Il n’existe pas de
centre de santé ou de dispensaire réellement autonome.
La précarité de l’offre de soins est aggravée par
l’attachement de la population locale aux pratiques
traditionnelles, religieuses ou ethniques. Les mutilations
rituelles sont systématiques (scarifications, ablation
de la luette chez le nourrisson, brûlures). Le recours aux
techniques de soins traditionnels précède généralement
les soins modernes avec des risques d’aggravation et de
complications catastrophiques chez le petit enfant.
2. Affections courantes.
Neufs grandes affections sont responsables de la plus
grande morbi-mortalité au Tchad (3). En dehors des cas
d’importation, l’aridité du climat à Faya Largeau expose
peu au paludisme, à la trypanosomiase, à la dracunculose
ou à l’onchocercose. La lèpre, en recul au Tchad, est
surtout observée dans le sud du pays. Malgré le Projet
population et lutte contre le SIDA 2e édition (PPLS2),
financé par la banque mondiale, la lutte contre le VIH
progresse peu. Dans le BET la prévalence de l’infection
par le VIH est de 3,5 % (1). La tuberculose s’associe très
souvent au VIH (1 % de la population). Comme le VIH,
elle est sous dépistée et mal prise en charge. Malgré une
relative abondance des ressources alimentaires, la
palmeraie est touchée par la malnutrition protéinocalorique infantile. Une étude réalisée, début 2006, dans
la ville de Faya Largeau montrait que la malnutrition,
définie par un rapport poids sur taille inférieur à 90 % de la
normale, touche 42,6 % des enfants de moins de six ans
avec 3,7 % d’enfant en situation de malnutrition sévère.
Sur l’ensemble du pays, la malnutrition ne toucherait
qu’un quart des enfants de moins de six ans (3). La prise
en charge de ces enfants est difficile voire désespérée en
raison de l’absence de personnel qualifié et motivé au sein
de l’hôpital et du refus du gavage par les parents.
L’absence de réseau d’eau potable, d’éducation aux
règles d’hygiène de base et de structures sanitaires
suffisante, expliquent la forte prévalence des maladies,
du péril fécal, des affections ophtalmologiques
(trachomes), dermatologiques (staphylococcies
cutanées, dermatophyties) ou stomatologiques.
La mauvaise prise en charge des affections ORL
chez l’enfant, occasionne de nombreuses séquelles
anatomiques et fonctionnelles (perforations marginales
du tympan, destruction de l’oreille moyenne, choléstéatome, surdité).
Les piqûres de scorpion (Androctonus australis) sont
extrêmement fréquentes et responsable d’une mortalité
non négligeable chez les enfants.
Les affections métaboliques et cardiovasculaires sont
bien présentes mais leurs prises en charge paraissent
illusoires ici. L’alcoolisme affecte une large proportion
des troupes tchadiennes.
Enfin, les blessures provoquées par des accidents de
la voie publique, des rixes, des accidents domestiques
sont fréquentes et ont des conséquences gravissimes
en raison du recours aux soins traditionnels, de l’absence
de soins adaptés au sein de l’hôpital central et de la néglimédecin des éléments français au tchad à faya largeau
gence des patients ou de leur entourage. En particulier, les
brûlures chez les enfants en bas âge et les traumatismes
oculaires sont fréquents avec des conséquences vitales
ou fonctionnelles gravissimes (fig. 3, 4).
Figure 3. Ulcère de cornée et hypopion.
3. Service de santé de l'ANT.
Dans cette région opérationnelle, en l’absence de
médecin militaire tchadien, les soins sont prodigués
par des inf irmiers, des secouristes ou des f illes de
salles aux compétences aléatoires dans deux structures
principales : l’Antenne médicale opérationnelle (AMO)
et le dispensaire de garnison. Le chef du dispositif santé
et responsable de l’AMO, est un technicien de radiologie
dont la formation a été complétée en France par un
stage d’une année au sein de l’hôpital d’instruction
des armées Laveran. Le ravitaillement en matériel repose
uniquement sur des lots de médicaments et de matériels
de soins en provenance de la mission de coopération
militaire. Une grande partie de ces dotations est
malheureusement détournée.
Les blessures de guerre sont fréquentes. La mauvaise
prise en charge des lésions osseuses ou des plaies des
parties molles grève lourdement le pronostic fonctionnel,
voire vital des soldats.
Figure 4. Exérèse d’une plaque de nécrose sous sédation par kétamine (brûlure
au 3e degré, enfant de 18 mois).
225
III. MISSIONS DU MÉDECIN DES EFT.
Les éléments français au Tchad sont présents sans
interruption sur le territoire depuis le 10 février 1986, date
du déclenchement de l’opération « ÉPERVIER ». Leurs
vocations principales sont d’assurer la sécurité des
ressortissants français, d’apporter un soutien à l’Armée
nationale tchadienne (ANT) et de venir en aide à la
population sans se substituer aux administrations ou aux
ONG. Les EFT représentent une population d’environ
1 000 militaires dont la majorité est positionnée sur la
Base de soutien à vocation interarmées (BSVIA) à
N’Djamena sur le site « sergent-chef Adji Kosseï ».
Un détachement de 150 militaires est stationné à Abéché
et le dernier élément est situé à Faya Largeau.
Le soutien sanitaire est réparti sur ces trois sites : un
Groupe médicochirurgical (GMC) et la chefferie santé
sur la BSVIA, un poste de secours à d’Abéché (un
médecin, deux infirmiers) et un à Faya (un médecin). En
plus du soutien aux forces françaises et aux ressortissants
français, ces trois structures apportent une aide médicale
gratuite à la population.
Le détachement de Faya Largeau est composé de onze
militaires et constitue donc la plus petite des trois
structures militaires françaises stationnées au Tchad.
Le détachement se compose d’un officier supérieur,
commandant du détachement, d’un officier adjoint, chef
d’escale, de trois spécialistes télécommunications, d’un
mécanicien véhicules, d’un spécialiste infrastructure,
d’un spécialiste administration et ravitaillement, d’un
spécialiste énergie, d’un personnel du service des
essences et d’un médecin. L’effectif peut être renforcé
en fonction du contexte sécuritaire local. Tout en
poursuivant la coopération militaire avec l’ANT entamée
au début des années 90, le maintien de ce détachement
permet aux EFT de garder un emplacement stratégique au
sein de la zone du BET, accessible par voie aérienne
tactique et source de renseignements sur la situation
militaire locale. La présence de ce petit détachement,
parfois renforcé, participe également à la stabilité de
la palmeraie.
Les missions du médecin du détachement s’articulent
sur trois volets principaux :
– soutien médical du détachement français ;
– soutien médical au profit de l’ANT ;
– l’aide médicale gratuite au prof it des populations
locales.
classique d’un poste de secours avec un matériel de
laboratoire minimum (un microscope, colorants usuels).
L’approvisionnement en matériel consommable se fait
auprès de la section de ravitaillement sanitaire de
N’Djamena par voie aérienne militaire toutes les deux à
trois semaines. Le médecin dispose d’un véhicule P4
pour ses déplacements.
Un infirmier de l’ANT est détaché auprès du médecin
français pour l’aider lors des soins et comme interprète.
B) ACTIONS.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’offre de soins
insuffisante explique l’importance de la présence du
médecin des EFT à Faya Largeau pour le soutien médical
de l’ANT et pour l’assistance à la population.
Des soins sont procurés aux militaires de l’ANT et à leurs
familles dans les dispensaires militaires trois fois par
semaine. Les infirmiers de l’ANT sollicitent le médecin
des EFT pour prendre en charge les affections qui
dépassent leurs compétences ou leurs moyens. C’est
notamment le cas pour les blessés de guerre rapatriés
sur Faya. Parallèlement, le médecin assure la fonction
de conseiller santé auprès de l’État-major de la région
militaire pour organiser le fonctionnement du Service
de santé et assurer la formation des soignants (instruction
au secourisme).
L’aide à la population civile est menée tous les matins
dans un des dispensaires de la ville ou de la palmeraie
(fig. 5), plusieurs fois par semaine à l’hôpital et tous les
après-midi au service médical du détachement pour les
actes de petite chirurgie, les surveillances d’affections
chroniques (diabète, hypertension artérielle), les
examens gynécologiques.
L’accès aux évacuations sanitaires par voie aérienne
militaire française donné par le médecin des EFT permet
à des patients civils ou militaires dépassants les capacités
de soins locales d’être transférés vers l’hôpital général
de référence nationale à N’Djamena en évitant la
voie routière.
Enfin, une émission de radio hebdomadaire est animée
par le médecin des EFT dans la station de radio publique
de la ville. Cette émission aborde des sujets en rapport
A) MOYENS.
Le soutien du personnel français n’apporte qu’une
charge de travail minime et l’activité du médecin se
concentre surtout sur les deux autres domaines.
Les moyens à disposition sont simples mais largement
au-delà de ce qu’on peut trouver localement.
Les locaux du service médical ont bénéf iciés d’une
réfection totale entre octobre 2005 et janvier 2006.
Indépendants et fonctionnels, ils permettent d’effectuer
des soins dans des conditions de confort et d’hygiène
très satisfaisantes. L’équipement correspond au matériel
226
Figure 5. Dispensaire d’Amoul à 20 km de Faya.
d. gras
avec la santé et est diffusée le samedi soir en français, en
arabe et en gorane (dialecte local). Malheureusement,
l’impact de ces émissions reste très limité par la taille
de l’auditoire, principalement masculin et d’un faible
niveau scolaire.
IV. BILAN D’ACTIVITÉ.
A) ACTIVITÉS DE SOINS.
La description quantitative de l’activité par le nombre
d’actes pratiqués n’est qu’un reflet partiel de l’activité du
médecin sur place. Le médecin est très souvent l’officier
le plus gradé après le commandant du détachement et
constitue ainsi un conseiller précieux au-delà du domaine
médical. L’intégration dans le système de soins local qui
va bien au-delà de ce qui se passe à N’Djamena ou à
Abéché, impose d’aller à la rencontre des acteurs du
système de santé et des autorités de Faya : gouverneur,
préfet, député, maire ou chef de cantons. La connaissance
des structures de soins et l’offre réelle de soins à la
population oblige à des visites de toutes les structures et à
rencontrer tous les intervenants.
Tout en suivant le rythme du détachement, le médecin
garde une spécificité propre de par son activité. Il est
le seul à sortir seul et à se déplacer aussi loin dans la
palmeraie. Le rythme réglé des consultations en
dispensaires, visites à l’hôpital, soins au service médical
du camp et très souvent perturbé par les urgences ou les
ÉVASANS. Au cours du détachement, plus de 2 300
consultations ont été effectuées dont une majorité au
profit de la population civile (2 000 actes). Ces chiffres
reflètent uniquement l’activité réglée de consultations en
dispensaire et sur le camp. Ils négligent les visites à
l’hôpital qui sont difficilement quantifiable.
De manière qualitative, les affections rencontrées sont
en rapport avec le détail des affections fréquemment
rencontrées et mentionnées précédemment. Les
consultations au prof it de la population intéressent
pour les deux tiers des enfants en bas âge.
B) ÉVACUATIONS SANITAIRES.
La majorité des liaisons aériennes militaires françaises
en destination de N’Djamena ont été mises à prof it
pour évacuer des malades ou blessés vers les centres
hospitaliers de la capitale.
Ces évacuations ont intéressé un militaire français
d’une section de renfort présentant un cas de paludisme
sans signe de gravité, quinze militaires tchadiens
blessés par mine ou par balle, et enf in cinq patients
civils (traumatologie grave, encéphalopathie chez
un nourrisson…).
L’organisation de ces ÉVASANS apporte pour le médecin
une charge considérable : après avoir vérifier l’indication
et l’opportunité d’une évacuation par VAM, il doit
prendre en charge les démarches administratives,
compléter la mise en condition des blessés et s’assurer du
bon acheminement à l’aéroport jusqu’à l’embarquement.
médecin des éléments français au tchad à faya largeau
C) ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE.
L’activité quotidienne auprès de la population permet
d’avoir une impression d’ensemble objective sur les
problèmes sanitaires importants et d’alerter les autorités
locales voire des organismes humanitaires. Ainsi,
la sensibilisation des autorités locales et de l’United
Nation Children’s Fund (UNICEF) sur le problème de
malnutrition a ainsi pu déclencher un début de reprise
en charge de ce problème au sein de la palmeraie.
D) ACTIVITÉ AU PROFIT DU DÉTACHEMENT.
À côté de cette activité prenante et passionnante, le
médecin n’en reste pas moins le médecin du détachement
français avec ses tâches habituelles en opération
extérieure : actions dans les domaines de l’hygiène et de
la prévention des risques professionnels, l’hygiène
alimentaire, le suivi médical des cinq personnels civils de
recrutement local (PCRL) travaillent sur le camp, la
surveillance de la qualité de l’eau sanitaire, la désinsectisation, la dératisation, le suivi des mascottes en relation
avec le vétérinaire basé à N’Djamena.
La surveillance du moral des personnels vivant au sein
de ce petit détachement, isolé et immergé au sein de la
population locale est primordiale. Les divertissements au
sein du détachement et à l’extérieur sont limités : sport,
télévision, jeux de société, lecture, ballades dans
le désert. Les sorties en ville sont restreintes aux seules
activités professionnelles. La dégradation relative de
la situation militaire locale n’a pas eu de répercussion
sur le moral des membres des détachements qui avaient
tous au minimum une expérience d’un détachement
en opération extérieure.
L’isolement médical se rajoute à l’isolement géographique. En cas de problème de santé grave, les structures
civiles ou militaires locales ne permettent pas une prise en
charge sur place. Les risques sont bien réels avec entre
autres les accidents de la circulation, la présence de zones
encore non déminées dans la palmeraie, l’attaque
possible des forces rebelles ou les piqûres de scorpion. Le
délai d’évacuation vers Kosseï est au minimum de six
heures entre le déclenchement et l’arrivée au GMC. Les
membres du détachement, conscients et avertis par le
médecin de cette situation, adoptent un comportement
prudent lors des activités professionnelles ou de loisirs.
V. DISCUSSION.
La situation géographique, l’absence de structure
sanitaire locale performante et les risques locaux rendent
la présence du médecin sur place indispensable pour
le soutien des militaires français. Ces conditions
particulières d’exercice et la nature des affections
rencontrées imposent que le médecin affecté sur Faya
en plus d’une formation à la médecine tropicale, possède
de solides connaissances en médecine d’urgence et
une expérience chirurgicale (fig. 6). À côté du versant
technique, l’adaptation à ce poste mérite une attention
particulière :
227
– le médecin est intégré à un détachement réduit et isolé ;
– les conditions climatiques imposent une condition
physique minimale ;
– l’aide médicale à la population et à l’ANT impose
d’apprendre à connaître le fonctionnement et les acteurs
du système de santé local, même s’il est défaillant.
Cette adaptation paraît illusoire si le séjour est trop court.
À l’inverse, un séjour prolongé pourrait occasionner une
lassitude certaine face à la misère sanitaire locale et le peu
de moyens disponibles pour y remédier.
Au-delà des compétences techniques ou des moyens
matériels, c’est la volonté d’apporter son aide et d’entrer
en contact avec la population qui est primordiale.
Les habitants de la palmeraie gardent des souvenirs
emplis de gratitude vis-à-vis d’anciens médecins postés
à Faya pour leur action peut-être limitée mais pleine
d’humanité.
L’aide aux militaires tchadiens et à la population, si
précieuse soit-elle, est de plus en plus limité par l’absence
de budget spécifique conséquent pour cette action.
Cette action médicale participe fortement à la bonne
acceptation des forces françaises au Tchad. Pourtant,
elle a des effets néfastes surtout dans cette zone reculée.
Les autorités civiles et militaires se reposent sur
l’assurance d’avoir toujours sur place au moins un
médecin et font peu d’effort pour attirer des praticiens
tchadiens originaires du sud du pays sur la palmeraie ou
simplement pour former des soignants. L’action du
médecin sans être suff isante pour cette population
entretient certainement une certaine assistance néfaste
au développement durable local.
VI. CONCLUSION.
Figure 6. Cathéter 16 g intra osseux. Enfant de 4 ans dénutrie et déshydratée.
La présence d’un médecin au sein du détachement
des EFT à Faya Largeau est entièrement justifiée par
l’isolement géographique et l’insuffisance de l’offre
de soins locale. Mais c’est bien le soutien médical de
l’ANT et encore plus l’AMP qui apportent à ce poste tout
son intérêt et sa richesse. Ce détachement apporte en
effet une expérience irremplaçable autant sur le plan
humain que sur le plan professionnel. La satisfaction
procurée par cette mission est malheureusement
contrastée par la découverte des difficiles réalités et des
maux des pays en voie de développement : pauvreté,
malnutrition, maladies et négligence des secteurs
prioritaires comme l’éducation et la santé.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Rapport de l’enquête nationale de séroprévalence du VIH/SIDA au
Tchad 2005 ; N’Djamena, Tchad. Institut national de la statistique,
des études économiques et démographiques 2005 (www.pnlstchad.org/rapport.htm).
2. Deuxième enquête démographique et de santé Tchad EDST-II
2004 (rapport préliminaire) ; N’Djamena, Tchad. Institut national
228
de la statistique, des études économiques et démographiques 2004.
3. Organisation mondiale de la santé (www.oms.org).
4. Rapport mondial sur le développement humain 2006 ;
New-York, États-Unis d’Amérique. Programme des
nations unies pour le développement 2006 (http://hdr.
undp.org/hdr2006).
d. gras
Pratique médico-militaire
FICHE D’EXPOSITION ET D’APTITUDE DU PERSONNEL
EXPOSÉ AUX RAYONNEMENTS IONISANTS
J.-C. AMABILE, X. CASTAGNET, S. BOHAND, N. GRANGER-VEYRON, P. ANZIANI,
F. MICHIELS, P. LAROCHE.
RÉSUMÉ
Le document présenté dans cet article répond de manière
pratique et simplifiée aux obligations réglementaires
concernant la surveillance de l’exposition professionnelle
aux rayonnements ionisants : il regroupe la fiche
d’exposition et la fiche d’aptitude. Un exemplaire est
inséré dans le dossier médico-radiobiologique du dossier
médical du personnel exposé. Centrée sur le risque
radiologique, cette fiche est renseignée dans un premier
temps par la personne compétente en radioprotection
afin de décrire précisément l’exposition habituelle au
poste de travail. En se basant sur ces informations, qui
orientent la consultation médicale et la demande
d’examens complémentaires, le médecin de prévention
peut ensuite se prononcer quant à l’absence de contreindication médicale aux travaux sous rayonnements
ionisants.
Mots-clés : Aptitude. Exposition. Médecine du travail.
Rayonnements ionisants.
I. INTRODUCTION.
La nouvelle instruction ministérielle n°10692 DEF/CM.2
du 20 juillet 2007 relative à la protection radiologique
du personnel civil et militaire relevant du ministère de
la Défense a récemment remplacé l’instruction
ministérielle n° 33679 DEF/CAB/C/1/A du 19 octobre
1988 relative aux dispositions communes en matière de
protection radiologique des personnels du ministère de la
Défense. Elle est accompagnée d’un guide relatif aux
dispositions communes de radioprotection dans la
défense, qui a été diffusé en juin 2007.
Dans ce contexte cet article détaille la fiche d’exposition
et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements
ionisants (FEAPERI) citée dans le guide. Cette dernière
J.-C. AMABILE, médecin principal, praticien confirmé. X. CASTAGNET, médecin
en chef, praticien certifié. S. BOHAND, pharmacien en chef. N. GRANGERVEYRON, médecin principal. P. ANZIANI, médecin en chef, praticien confirmé. F.
MICHIELS, médecin principal, praticien confirmé. P. LAROCHE, médecin en chef,
professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Correspondance : J.-C. AMABILE, Service de protection radiologique des armées,
BP 129, 00481 ARMÉES.
médecine et armées, 2008, 36, 3
ABSTRACT
THE EXPOSURE DATA AND FITNESS FOR WORK
ASSESSMENT FORM FOR PERSONNEL EXPOSED
TO IONIZING RADIATION.
This document answers new lawful obligations in a
practical and simplified way: it presents on the same
page an exposure data sheet and a fitness for work
assessment form. A copy must be included in the
individual radiobiological and medical file. In a first
time, the PCR has to describe precisely radiological
hazards of the working station during usual conditions of
exercise. In a second time, the occupational physician
gives a decision on the aptitude based on these
informations.
Key words: Occupational Health. Occupational
Exposure. Occupational Medicine. Ionizing Radiation.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 235-240)
répond, de manière pratique et simplifiée, aux obligations
réglementaires du chef d’organisme et du médecin de
prévention pour tout ce qui concerne la surveillance de
l’exposition professionnelle aux rayonnements ionisants.
Afin de faciliter la pratique quotidienne, les textes relatifs
au ministère de la Défense sont clairement individualisés
à la fin de ce document. Elle est distribuée par le Service
de protection radiologique des armées (SPRA), organisme du Service de santé des armées chargé de contrôler
l’exécution de la surveillance médicale du personnel de la
défense vis-à-vis des rayonnements ionisants.
II. RAPPELS SUR L’ORGANISATION DE LA
RADIOPROTECTION DANS UN ORGANISME
DE LA DÉFENSE.
Dans le droit commun, la réglementation spécifique
relative à la radioprotection et la surveillance des
travailleurs exposés aux rayonnements ionisants a été
renforcée par la transposition en droit français de la
directive EURATOM 96/29. Le code de la santé publique
et le code du travail reprennent désormais les trois
229
grands principes de la radioprotection énoncés par la
commission internationale de protection radiologique : la
justification des pratiques, l’optimisation de l’exposition
et le respect des limites de dose.
Le décret N° 2003-296 a introduit en particulier de
nouvelles dispositions dans le titre III (Hygiène et sécurité)
du livre II (Réglementation du travail) du code du travail,
dans les articles R. 231-73 à R. 231-116 relatifs à la
prévention du risque d’exposition aux rayonnements ionisants. Pour le personnel du ministère de la défense, les
dispositions techniques du titre III du livre II du code du
travail sont directement applicables, conformément
aux décrets N° 85-755 modifié (2007-1570).
complémentaires. Il peut ainsi statuer sur une f iche
d’aptitude quant à l’absence ou non de contre-indication
médicale au poste de travail. Le médecin de prévention
peut apporter son aide au chef d’organisme ou à la
PCR pour établir la fiche d’exposition.
Le tableau I reprend les articles du code du travail
concernant la f iche d’aptitude et d’exposition
du personnel exposé aux rayonnements ionisants.
Tableau I. Extraits des articles du code du travail issus des décrets 2003-296 et
2007-1570 et concernant la FEAPERI.
Articles
Extraits
R. 231-75
«… le chef d’établissement procède à une analyse des
postes de travail qui est renouvelée périodiquement et à
l’occasion de toute modification des conditions pouvant
affecter la santé et la sécurité des travailleurs… »
R. 231-92
« Le chef d’établissement établit pour chaque salarié une
fiche d’exposition comprenant les informations suivantes :
- la nature du travail effectué ;
- les caractéristiques des sources émettrices auxquelles
le salarié est exposé ;
- la nature des rayonnements ionisants ;
- les périodes d’exposition ;
- les autres risques ou nuisances d’origine physique,
chimique, biologique ou organisationnelle du poste de
travail.
En cas d’exposition anormale, le chef d’établissement
doit porter sur la fiche la durée et la nature de cette
exposition.
Une copie de la fiche d’exposition est remise au médecin
du travail…
Chaque travailleur concerné est informé de l’existence de
la fiche d’exposition et a accès aux informations y
figurant le concernant… »
R. 231-99
« Un travailleur ne peut être affecté à des travaux
l’exposant à des rayonnements ionisants qu’après avoir
fait l’objet d’un examen médical par le médecin du travail
et sous réserve que la fiche d’aptitude… atteste qu’il ne
présente pas de contre-indication médicale à ces
travaux.
Cette fiche indique la date de l’étude du poste de travail et
la date de la dernière mise à jour de la fiche d’entreprise… »
A) RESPONSABILITÉS DU CHEF D’ORGANISME.
Il doit prendre les mesures administratives et techniques,
notamment en matière d’organisation des conditions
de travail, pour assurer la prévention des accidents et
des maladies professionnelles. Il doit inventorier et
hiérarchiser annuellement tous les risques pour la santé et
la sécurité de son personnel et doit établir pour certains
risques une fiche d’exposition.
Dans le domaine des rayonnements ionisants, il doit mettre
en œuvre des mesures de protection et d’information
destinées aux personnes susceptibles d’être exposées. À
ce titre il désigne une personne compétente en
radioprotection (PCR) à qui il délègue l’organisation
fonctionnelle de la radioprotection au sein de l’établissement. La PCR ne peut être désignée qu’après avoir
validé une formation à la radioprotection dispensée par
des personnes certifiées par des organismes accrédités.
Sous la responsabilité du chef d’organisme, l’évaluation
préalable des risques encourus par le personnel est
habituellement dévolue à la PCR : études des postes de
travail, recensement des situations à risque, évaluation
prévisionnelle des doses, surveillance des expositions,
contrôles des installations. La PCR doit fournir au
médecin de prévention les informations nécessaires à la
mise en œuvre de la surveillance médicale renforcée par
le biais d’une fiche d’exposition décrivant les conditions
de travail habituelles du personnel concerné.
B) RÔLES DU MÉDECIN DE PRÉVENTION.
Les personnels exposés aux rayonnements ionisants
bénéf icient d’une surveillance médicale renforcée
relative à certaines expositions professionnelles (SMRe).
Elle s’exerce en deux volets : des visites effectuées dans
l’établissement pour acquérir la connaissance la plus juste
des conditions réelles d’exposition (actions sur le milieu
de travail) et une visite médicale régulière dont la périodicité ne doit pas dépasser douze mois. Cette visite associe
un volet clinique et éventuellement paraclinique sous la
forme d’examens biologiques, radiotoxicologiques et/ou
anthroporadiamétriques en fonction des risques
d’irradiation ou de contamination au poste de travail.
En se basant sur les informations de la PCR indiquées sur
la fiche d’exposition, le médecin de prévention oriente
la consultation médicale et la demande d’examens
230
« Le médecin du travail constitue et tient, pour chacun
des travailleurs exposés, un dossier individuel contenant :
1° Le double de la fiche d’exposition prévue à l’article R.
231-92 ;
2° Les dates et les résultats du suivi dosimétrique de
l’exposition individuelle aux rayonnements ionisants, les
R. 231-101 doses efficaces reçues ainsi que les dates des
expositions anormales et les doses reçues au cours de
ces expositions ;
3° Les dates et les résultats des examens médicaux
complémentaires pratiqués…
Ce dossier doit être conservé au moins cinquante ans
après la fin de la période d’exposition… »
R. 231-106-1
« ...Sous la responsabilité de l’employeur,... (la personne
compétente en radioprotection) procède à une évaluation
préalable permettant d’identifier la nature et l’ampleur du
risque encouru par les travailleurs exposés… »
« Le médecin du travail collabore à l’action de la
personne compétente en radioprotection.
R. 231-107 Il apporte son concours au chef d’établissement pour
établir et actualiser la fiche d’exposition prévue à l’article
R. 231-92… »
NB : Dans la défense, les termes chef d’organisme et médecin de
prévention correspondent respectivement aux termes chef
d’établissement et médecin du travail.
j.-c. amabile
III. LA FEAPERI : DEUX DOCUMENTS EN UN.
La FEAPERI a été mise en forme par le SPRA, en
remplacement de la fiche médicale de suivi du personnel
exposé aux rayonnements ionisants. Ce document doit
être utilisé dans le cadre de la surveillance médicale
du personnel de la défense de la catégorie A ou B.
Elle fait office, sur une même page, de fiche d’exposition
et de fiche d’aptitude. Centrée sur le risque radiologique, la
partie haute de cette fiche est renseignée dans un premier
temps par la PCR pour décrire précisément les risques
inhérents au poste de travail dans les conditions habituelles et normales d’exercice (hors incident ou accident).
La seconde partie de la fiche est remplie par le médecin de
prévention qui y indique les résultats de la surveillance
clinique et médico-radiobiologique et se prononce sur
l’aptitude du personnel pour le poste décrit.
IV. DESCRIPTION DE LA FEAPERI.
La fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé
aux rayonnements ionisants comprend quatre feuillets
auto-dupliquant :
– le premier est destiné au dossier médico-radiobiologique individuel ;
– le second à l’intéressé ;
– le troisième au SPRA à des f ins de contrôle et
d’archivage ;
– le dernier exemplaire est destiné au chef d’organisme
et sert de f iche d’aptitude. Il ne comporte aucune
information médicale.
Une notice explicative sur les modalités de rédaction de
la fiche est éditée au verso de la première page.
A) CADRE A REMPLIR PAR LE CHEF
D’ORGANISME.
Il occupe le haut de la f iche (f ig. 1). Il doit être
impérativement renseigné par le chef d’organisme ou
la PCR et dupliqué sur les quatre feuillets.
Figure 1. Cadre renseigné par le chef d’organisme ou la PCR et dupliqué sur
les quatre feuillets.
fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants
Il doit comporter obligatoirement :
– la date, le cachet et la signature du chef d’organisme
ou de la PCR (le nom doit apparaître lisiblement) ;
– la signature de l’intéressé, qui certif ie ainsi la
description de son exposition.
1. Identification du sujet et de l’organisme.
L’identification du sujet et de l’organisme doit être très
précise. Les différents champs sont obligatoirement
renseignés lisiblement et en lettres capitales. Il faut
notamment cocher la case correspondant à la catégorie de
l’intéressé et reporter son nom patronymique complet
(tiret, espace, apostrophe, etc.). La catégorisation
est proposée par le chef d’organisme en fonction de
l’exposition habituelle au poste de travail.
La qualité des informations saisies dans cette rubrique
permettra d’éviter des confusions inutiles et d’assurer
une gestion plus rigoureuse des données individuelles,
dans le cadre par exemple d’une demande rétrospective
de passé radiologique ou de modalité de surveillance
radiotoxicologique.
2. Nature du travail effectué et périodes d’exposition.
Cette rubrique permet une description précise des
conditions habituelles de travail du sujet : son affectation
(ou service), l’emploi (ou le type de travail réalisé) et le
code emploi utilisé pour la dosimétrie passive le SPRA
met à jour et diffuse régulièrement la liste des codes
emploi (exemples : 433 – cardiologie interventionnelle ;
112 – instrumentiste…).
Les informations concernant les périodes d’exposition
permettent de préciser par exemple la date de la prise de
fonction dans le poste et la fréquence de travail (exemples :
emploi occupé depuis le 01/02/2004, pendant 4 mois
par an, ou 2 jours par semaine, ou à mi-temps…).
3. Caractéristiques des sources émettrices et nature
des rayonnements ionisants.
La notice explicative, au dos de la première feuille,
précise que ces caractéristiques sont celles des sources
responsables d’une exposition lors des conditions
habituelles de travail. Elle rappelle également deux
définitions :
– irradiation : exposition externe à distance par une source
scellée, un générateur électrique, un accélérateur de
particules ou un réacteur nucléaire… ;
– contamination : exposition externe cutanée ou exposition interne par inhalation, ingestion ou passage
transcutané. Ce mode d’exposition concerne les sources
non scellées (gaz, poussières, aérosols…). Quelques
exemples de radioéléments pouvant être à l’origine d’une
contamination dans les conditions habituelles de travail
sont donnés dans le tableau II.
Ce cadre permet de décrire la réalité de « l’exposition
habituelle ». Il ne doit pas être rempli en fonction de
risques auxquels le personnel est susceptible d’être
exposé en cas d’accident. C’est en effet en fonction des
éléments précisés ici que le médecin orientera la
recherche éventuelle de radioéléments incorporés. Il est
231
Tableau II. Quelques exemples de radioéléments pouvant être à l’origine d’une
contamination dans les conditions habituelles de travail.
Emploi
Radionucléides
Périodes
Médecine
nucléaire
Fluor 18
1,83 heures
Médecine
nucléaire
Gallium 67
Médecine
nucléaire
Principales
émissions
Bêta et photon
d’annihilation
3,26 jours
Gamma
Iode 123
13,2 heures
Gamma
Médecine
nucléaire
Iode 131
8,2 jours
Bêta et gamma
Médecine
nucléaire
Technétium 99 m
6 heures
Gamma
Médecine
nucléaire
Xénon 133
5,2 jours
Bêta et gamma
Recherche
Carbone 14
5 730 ans
Bêta
Recherche
Phosphore 32
14,3 jours
Bêta
par exemple inutile de faire rechercher systématiquement
du plutonium 239, de l’américium 241 ou un isotope de
l’iode sans notion d’incident ou d’exposition.
Ce document peut rétrospectivement être utilisé
pour justifier ou non la réalité d’une exposition à un
risque d’irradiation ou de contamination. Il est donc tout
à fait fondamental qu’il décrive les conditions habituelles
d’exposition.
4. Autres risques ou nuisances.
Cette rubrique doit renseigner sur les risques ou nuisances
associés d’origine physique, chimique, biologique ou
organisationnelle du poste de travail (en particulier
lorsque la co-exposition avec les rayonnements ionisants
est susceptible d’avoir un effet additif ou synergique
sur les organes cibles). Si le nombre d’items est trop
important et ne permet pas d’inscrire tous les risques
dans le cadre réservé à cet effet, la FEAPERI peut être
accompagnée de la fiche emploi-nuisances.
5. Date de la dernière étude de poste.
Sous la responsabilité du chef d’organisme, l’analyse du
poste de travail doit être renouvelée périodiquement et à
l’occasion de toute modification des conditions pouvant
affecter la santé et la sécurité de l’intéressé.
Le récent guide (juin 2007) relatif aux dispositions
communes de radioprotection dans la défense décrit
précisément la FEAPERI : il rappelle le rôle essentiel de
la PCR sur le terrain (pour l’évaluation prévisionnelle des
doses et leur optimisation) et l’importance du « binôme
PCR – médecin de prévention » dans le domaine de
l’évaluation des risques professionnels liés à l’exposition
aux rayonnements ionisants.
232
Il apparaît donc indispensable de faire préciser par la PCR
la date de la dernière étude de poste réalisée en relation
avec le médecin de prévention.
6. En cas d’exposition anormale.
Ce type d’exposition sort du cadre habituel de travail mais
doit néanmoins figurer sur la fiche car il peut apporter des
renseignements précieux. Il peut s’agir d’une exposition
sous autorisation spéciale ou d’une exposition d’urgence
survenue depuis la dernière visite.
Il faut alors préciser, en joignant au besoin un compte
rendu particulier :
– la nature et la durée de l’exposition ;
– sa date présumée de survenue ainsi que son caractère
aigu (incident ou accident) ou chronique (exposition
anormale étalée dans le temps) ;
– les résultats de la surveillance particulière réalisée
au cours de l’exposition anormale : dosimétrie opérationnelle ou passive, radiotoxicologie, spectrométrie.
B) CADRE À REMPLIR PAR LE MÉDECIN DE
PRÉVENTION (FIG. 2).
1. Date de la dernière mise à jour de la f iche
d’établissement.
Conformément à l’article R. 231-99 du code du travail,
la fiche d’aptitude doit indiquer la date de la dernière
mise à jour de la fiche d’établissement. Ce document est
réglementaire et tend à se généraliser au sein des
organismes du ministère de la défense. Il est élaboré et
actualisé par le médecin de prévention, et permet de
consigner notamment les risques professionnels et de
préciser les effectifs exposés à ces risques. Il doit
constituer un instrument permettant aux médecins de
prévention et à divers « préventeurs », agissant dans
un cadre pluridisciplinaire, de repérer les risques,
leur nature, leur localisation, leur importance, ainsi
que de déterminer les actions préventives à mener
prioritairement et de faciliter leur mise en œuvre.
2. Résultats des examens paracliniques.
Ce cadre permet d’indiquer les conditions de réalisation
(laboratoire, caractéristiques de l’installation de spectrométrie) et les résultats des divers examens complémentaires
prescrits par le médecin de prévention : résultats des
analyses radiotoxicologiques, de la spectroradiamétrie, de
la numération sanguine. La nature de toute anomalie
détectée est détaillée dans un espace réservé.
Il est important de préciser les unités de mesures utilisées
(coups par seconde, Becquerels par litre) af in de
permettre une interprétation la plus précise possible des
résultats, même à distance de l’examen (dans le cas
d’une analyse rétrospective des conditions d’exposition
par exemple).
3. Cumul dosimétrique des douze derniers mois.
L’arrêté du 30 décembre 2004 relatif à la carte
individuelle de suivi médical et aux informations
individuelles de dosimétrie des travailleurs exposés aux
j.-c. amabile
Figure 2. Cadre renseigné par le médecin de prévention et dupliqué sur les trois premiers feuillets.
rayonnements ionisants impose au médecin de
prévention d’informer au moins une fois par an chaque
personnel des résultats de sa surveillance dosimétrique.
Le médecin de prévention reporte cette dose dans un
cadre réservé à cet effet. La dose efficace cumulée sur les
douze derniers mois est indiquée sur le dernier rapport
d’essais de dosimétrie passive transmis par le SPRA
ainsi que sur le bilan dosimétrique individuel envoyé
annuellement à chaque médecin de prévention.
4. Conclusions de l’examen clinique.
Les conclusions de l’examen clinique doivent être
concises. Ces éléments présentent un caractère de
confidentialité médicale et n’apparaissent, en aucun cas,
sur l’exemplaire destiné au chef d’organisme qui n’est
pas auto-dupliquant à cet endroit.
5. Décision d’aptitude.
Le médecin de prévention doit fournir une attestation de
non contre indication aux travaux exposant aux
rayonnements ionisants. En pratique, sur la FEAPERI, il
renseigne la décision d’aptitude en cochant la case
« Apte » (aptitude au poste de travail) ou la case « Autre »
qui peut correspondre à trois situations différentes :
fiche d’exposition et d’aptitude du personnel exposé aux rayonnements ionisants
– aptitude avec restriction (définitive ou temporaire) ;
– inaptitude définitive ou temporaire ;
– aptitude indéterminable (si, par exemple, l’intéressé
ne s’est pas présenté à la visite médicale…).
Là encore, la date, le cachet et la signature du médecin
doivent impérativement figurer sur les quatre exemplaires
(le nom doit apparaître lisiblement). Le quatrième feuillet,
destiné au chef d’organisme, ne comporte aucune
information médicale mais uniquement la décision
concernant l’aptitude du sujet (fig. 3).
V. CONCLUSION.
La prévention des risques professionnels induits par
l’exposition aux rayonnements ionisants est basée sur le
respect des principes de la radioprotection : la justification des pratiques, l’optimisation de l’exposition et le
respect des limites de dose.
À ces fins, l’évaluation préalable des risques par l’étude
détaillée du poste de travail est indispensable, tout comme
l’absence de contre-indication médicale aux travaux
sous rayonnements ionisants et la surveillance de
l’exposition. Ces dispositions figurent désormais dans
le code du travail.
233
Figure 3. Cadre renseigné par le médecin de prévention et destiné au chef
d’organisme.
Le chef d’organisme est tenu par une obligation générale
de résultats en matière de santé et de sécurité. Il doit
mettre en œuvre toute mesure permettant d’inventorier,
d’évaluer, de supprimer, ou à défaut de réduire au
niveau le plus bas possible, l’ensemble des risques
professionnels. Dans le domaine de la radioprotection,
il est secondé par la PCR et le médecin de prévention
dont les missions, notamment dans l’étude du poste de
travail, sont complémentaires.
L’utilisation de la FEAPERI est économe en temps et
en charge administrative. En effet, cette fiche répond,
de manière pratique et simplif iée, à de nombreuses
obligations réglementaires. Sur le même document, le
chef d’organisme décrit précisément les conditions
habituelles d’exposition du personnel et le médecin
de prévention se prononce sur l’absence de contreindication au poste de travail. Ce dernier commente
à l’intéressé l’ensemble des résultats lors de la visite
médicale périodique. Aucune information médicale
n’est transmise au chef d’organisme. La FEAPERI
impose ainsi une collaboration étroite entre la PCR et le
médecin de prévention et, à ce titre, correspond bien à
l’approche pluridisciplinaire actuelle de l’évaluation et
de la maîtrise des risques.
La FEAPERI permet au SPRA d’assurer son rôle
d’expert technique et de contrôleur de l’éxécution de
la surveillance médicale du personnel exposé aux
rayonnements ionisants au sein des organismes de la
défense. Elle permet également d’améliorer la prévention des personnels exposés. Grâce à ce document, la
prévention et la surveillance médicale de l’exposition
sont améliorées (description f idèle de l’exposition,
prescriptions adaptées des examens complémentaires,
décision d’aptitude) et la prise en charge des contentieux
ultérieurs éventuels est facilitée.
Chaque FEAPERI est vérif iée au SPRA et tous les
documents renseignés de manière incomplète ou
incohérente (inadéquation entre la description de
l’exposition et le risque réel, incohérence entre
l’exposition et la surveillance médicale effectuée…)
sont donc renvoyés systématiquement au médecin
de prévention concerné.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
– Directive 96/29/EURATOM du conseil en date du 13 mai 1996
fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la
population et des travailleurs contre les dangers résultant des
rayonnements ionisants.
– Code du travail, Titre III du livre II, articles R. 231-73 à R. 231-116
relatifs à la prévention du risque d’exposition aux rayonnements
ionisants.
– Loi N° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la
sécurité en matière nucléaire.
– Décret N° 2003-296 du 31 mars 2003 relatif à la protection des
travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants.
– Décret N° 2004-760 du 28 juillet 2004 relatif à la réforme de la
médecine du travail et modifiant le code du travail.
– Décret N° 2007-1570 du 5 novembre 2007 relatif à la protection
des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants et
modifiant le code du travail (dispositions réglementaires).
– Arrêté du 28 août 1991 approuvant les termes des recommandations
faites aux médecins du travail assurant la surveillance médicale
des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants.
– Arrêté du 30 décembre 2004 relatif à la carte individuelle de suivi
médical et aux informations individuelles de dosimétrie des
travailleurs exposés aux rayonnements ionisants.
– Arrêté du 10 janvier 2005 relatif aux attributions du Service de
234
protection radiologique des armées.
– Arrêté du 26 octobre 2005 relatif aux modalités de formation de la
personne compétente en radioprotection et de la certification du
formateur.
– Circulaire DRT N° 6 du 18 avril 2002 prise pour application du
décret N° 2001-1016 portant création d’un document relatif à
l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs,
prévue par l’article L. 230-2 du code du travail et modifiant le
code du travail.
– Circulaire DRT N° 3 du 7 avril 2005 relative à la réforme de la
médecine du travail.
Textes relatifs au ministère de la Défense :
– Décret N° 85-755 du 19 juillet 1985 relatif à l’hygiène, à la
sécurité du travail et à la prévention au ministère de la Défense
modifié par le décret N° 97-239 du 12 mars 1997.
– Instruction N° 1230/DEF/DCSSA/AST/SST/MP du 26 avril 2007
relative à l’exercice de la médecine de prévention au ministère de
la Défense.
– Instruction ministérielle N° 10692 DEF/CM.2 du 20 juillet 2007
relative à la protection radiologique du personnel civil et militaire
relevant du ministère de la Défense.
– Guide relatif aux dispositions communes de radioprotection dans
la Défense (juin 2007).
j.-c. amabile
Pratique médico-militaire
SECTEUR DENTAIRE INTERARMÉES DE MOURMELON
B. FENISTEIN
RÉSUMÉ
La ré-organisation complète du soutien dentaire en
France, imposée par la suspension du service national
obligatoire et par la création du corps des chirurgiensdentistes des armées, s'est traduite par un mode sectoriel
de fonctionnement basé avant tout sur la géographie.
Tous les secteurs dentaires ont des caractéristiques
communes. Ils fonctionnent tous sur un mode
interarmées. Ils se partagent le soutien des forces en
France en réalisant essentiellement des actions de
prévention et des soins au profit des différentes
catégories d'ayant droits et par la détermination des
limitations d'aptitude d'origine bucco-dentaire aux
différentes missions et états militaires. Certains ont des
particularités propres. C'est le cas du secteur dentaire
interarmées de Mourmelon, qui est le seul à soutenir en
plus d'une vingtaine de régiments, bases ou corps, cinq
camps militaires et un centre d'entraînement commando.
C'est donc ce secteur qui est décrit aussi bien dans ses
caractéristiques communes que dans ses particularités
propres.
Mots-clés : Chirurgien-dentiste. Organisation. Secteur
dentaire inter-armées. Soutien dentaire.
ABSTRACT
THE INTER-SERVICE DENTAL SECTOR OF
MOURMELON.
The complete reorganisation of dental support in France
imposed by the suppression of mandatory national
service and by the creation of the corps of military dental
surgeons has led to a sector-oriented mode of operation
based above all on geography. All dental sectors have
common characteristics. They all operate on an interservice mode. They share the support of forces in France
essentially by carrying out preventive care and treatment
on the various categories of entitled beneficiaries and by
determining the limits of fitness of an oral and dental
nature for the various military assignments and states.
Some have their own particularities. This is the case of
Mourmelon inter-service dental sector which is the only
one to support five military camps and a commando
training centre in addition to over twenty regiments,
bases and corps. This is therefore the sector which is
described, both in terms of its common characteristics
and its own particularities.
Keywords: Dental support. Dental surgeon. Inter-service
dental sector. Organisation.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 241-245)
I. INTRODUCTION.
Créé en 2000, (1) le corps des chirurgiens-dentistes des
armées s'est organisé sur un mode interarmées en 2001
(2). Le critère géographique sous-tend cette organisation.
Il permet le soutien adapté des forces des trois armées, de
la Gendarmerie et des Services (Service de santé des
armées, Service des essences des armées, délégation
générale pour l'armement) dans un contexte d'effectifs
limités. Les 21 secteurs de métropole tels qu’ils ont été
prévus par l’instruction ministérielle (2) sont représentés
sur la figure 1. À l’aube de 2006, tous ont été mis en place
à l’exception de celui de Tulle (certains pronostiquent
qu’il ne le sera jamais). Ces secteurs, s’ils possèdent des
règles de fonctionnement identiques, demeurent très
B. FENISTEIN, chirurgien-dentiste.
Correspondance : B. FENISTEIN, groupe médical Rochambeau, 51 401
Mourmelon-Le-Grand Cedex.
médecine et armées, 2008, 36, 3
différents. Chaque chef de secteur, officier du corps des
chirurgiens-dentistes des armées, a adapté son exercice
aux contraintes particulières exigées par son secteur pour
répondre de manière idoine aux besoins locaux qu'il
connaît mieux que quiconque en matière d’odontologie.
Après la présentation par le chirurgien-dentiste en chef
Péniguel, du seul secteur dentaire d'unité, celui de la force
d'action navale en octobre 2005 dans Médecine
et Armées (3), nous nous proposons de présenter le
secteur de Mourmelon dont nous avons la charge et dont
le caractère singulier réside dans le soutien, en plus d'une
vingtaine de régiments, corps ou bases, de cinq
camps militaires et du centre d'entraînement commando
de Givet. En découlent des obligations d'adaptation
à l'extrême diversité des forces présentes de manière
temporaire ou permanente, de leurs besoins et contraintes
particuliers. La mise à disposition de moyens quasihospitaliers remarquables et le développement de
réseaux de santé procèdent de cette logique.
235
Secteurs
dentaires
Départements
rattachés
Secteurs
dentaires
Départements
rattachés
Besançon
21-25-39-58-7071-89-90
Montpellier
11-30-34-48-66
Bordeaux
33-40-47
Mourmelon
08-10-51-55
Brest
29
Orléans
45
Cherbourg
14-50-61-76
Rennes
22-35-44-49-5356-85
ClermontFerrand
03-15-43-63
Rochefort
16-17-79-86
FAN
Unités de la FAN
Strasbourg
67-68-BFA
Île-de-France
75-77-78-91-9293-94-95
Toulon
83-06
Lille
02-59-60-62-80
Toulouse
09-12-31-32-6465-81-82
Lyon
01-07-26-38-4269-73-74
Tours
18-27-28-36-3741-72
Marseille
04-05-13-20-84
Tulle
19-23-24-46-87
Metz
52-54-57-88Saarburg
Tout militaire peut connaître le chirurgien-dentiste dont il dépend en
contactant le chef du secteur géographiquement compétent.
Figure 1. Répartition géographique des secteurs dentaires interarmées et du
secteur dentaire d’unité de la Force d’action navale (2).
II. SECTEUR DENTAIRE INTERARMÉES DE
MOURMELON.
Le cabinet dentaire de Mourmelon est le centre
névralgique du secteur auquel il a donné son nom depuis
sa création. Mourmelon est situé dans la région
Champagne-Ardenne, au cœur du département de la
Marne à 22 kilomètres de Châlons-en-Champagne et
à 32 kilomètres de Reims. Le camp, créé en 1856 par
Napoléon III, devait être capable de rassembler 100 000
hommes sans donner l'éveil dans l'éventualité d'une
guerre contre l'Allemagne (4). Sa superficie est de l’ordre
de 12 000 hectares de terre ; ce qui est considérable.
Il est très proche des camps de Moronvilliers et de
Suippes, eux-mêmes très vastes. Ce secteur déploie sa
responsabilité sur les départements de l'Aube, des
Ardennes, de la Marne ou de la Meuse et y soutient
l'ensemble des militaires présents de manière permanente
ou provisoire et ce, quelle que soit leur armée ou service
d'appartenance. Ce secteur œuvre aussi en direction des
familles des militaires et des retraités. Si Mourmelon n'est
pas le secteur le plus vaste, c'est certainement celui qui
soutient le plus de personnels civils ou militaires.
La vingtaine d'unités de nos quatre départements
représente déjà une population supérieure à 15 000
236
militaires et 1 100 civils de la Défense. Il n'y a là rien de
bien particulier. De même, cela ne surprendra personne,
les militaires de l'armée de Terre représentent, à eux seuls,
près de 40 % de l'effectif dans ces terres de l'Est. En
revanche, l’examen plus attentif du dossier recèle des
surprises. En plus de ces personnels que nous pouvons
considérer comme résidents, il existe des troupes en
manœuvres et des stagiaires dont la présence, pour être
provisoire, est régulière et loin d'être symbolique. Le
Centre d'instruction élémentaire à la conduite (CIEC) du
camp de Mourmelon accueille et forme 3 000 stagiaires
par an, celui du camp de Sissonne, à peine moins.
Les troupes en manœuvre sont légions et leur effectif
cumulé sur l'année dépasse largement les 300 000
personnes reçues. Ceci ne veut pas dire que 300 000
personnes sont présentes en même temps. En moyennant
sur 365 jours, l’effectif constant représente environ 900
personnes en permanence rien qu'à Mourmelon (fig. 2).
Pour l'ensemble des camps du secteur (Mailly, Sissonne,
Moronvilliers, Mourmelon, Suippes), le nombre des
militaires accueillis en même temps en manœuvre peut
dépasser les 7 500 en pointe.
À mi-chemin entre les hôpitaux d'instruction des armées
(HIA) Legouest de Metz et Bégin de Saint-Mandé, le
secteur ne compte pas de structure hospitalière militaire.
La fermeture de l'hôpital militaire de Châlons-enChampagne semble désormais intégrée et des solutions
pratiques ont été trouvées. Elles donnent satisfaction
avec un peu de recul.
III. MISSIONS.
A) APTITUDES.
Priorité numéro un de l'activité en France dans la
mesure où c'est la seule activité non délégable au
secteur civil (5), la détermination des limitations
d'aptitude aux emplois militaires d'origine buccodentaire occupe donc une place de choix et représente
environ un tiers de l'activité. Tout militaire doit bénéficier
d'un examen bucco-dentaire complet avec mise à jour
de son odontogramme tous les ans. Par ailleurs, la
réalisation et l'interprétation d'un cliché panoramique
dentaire sont de règle tous les cinq ans. L'application
pratique et systématique de cette réglementation a
démontré toute son efficience. Hélas, il n'a pas toujours
été possible d'appliquer ces méthodes de fond, faute
d'un nombre suffisant de chirurgiens-dentistes, d'un
déficit de communication et de carences d'organisation.
Parce que la population reçue dans les différents camps
est représentative de la population militaire (hors Marine
nationale), il est facile aux praticiens soutenant ces camps
d'appréhender l'état de santé bucco-dentaire et donc
d'aptitude des militaires français. Force est de constater
que la création du corps des chirurgiens-dentistes des
armées a amené dans son sillage une amélioration
importante de la situation décrite en 1997 (6) et 2001 (7).
Le nombre de consultants des troupes de passage diminue
régulièrement depuis et les causes de consultation, même
b. fenistein
AVRIL 2004
01 2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
Unités
présentes avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril avril
19RG
8RMAT
333 333 333 333 333 333 333 333
4,5
402RA
2
3RH
59
ESAG
59
126 126 126 126 126 126 126 126
26
8RMAT
1RI
EAABC
74
26
26
74
156 156 156 156 156
6
29
29
3RG
29
29
29
109 109 109 109 109 109 109 109 109 109
1RTIR
59
3RH
59
3RG
84
84
84
84
84
84
ESAG
5
5
5
5
5
331 331 331 331 331 331 331 331 331 331
2
2
2
2
2
2
61RA
1RMAT
72
7BT
2
2
2
82
82
82
72
72
2
2
84
2
84
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
72
72
72
72
72
72 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272 1 272
2
2
102 102 102 102 102
2
92
501/503RCC
501/503RCC
82
1RMAT
Total
5
2
82
2
82
795 748 615 674 912 867 861 837 673 285 285 285 1 485 1 485 1 365 1 363 1 363 1 363 1 363 1 689 1 689 1 689 1 605 1 605 1 605 1 605 1 605 1 605 1 605 1 371
AVRIL 2005
3RIMa
2RIMa
EM 9BLBIMa
341 345 338 336 345 535 424 452 271 217 257 290 291 286 273 273 275 269 274 125
19RG-7CCT
1 197 24
EM 7BB
22
20
22
23
23
23
27
34
20
20
24
22
20
16
20
20
19
22
19
18
15
1/2RC
384 389 381 379 384 421 494 460 483 498 499 430 442 438 428 414 299 340 337 336 340 354
152RI
548 549 544 563 524 522 520 516 398 398 396 448 499 492 478 428 427 425 426 418 415
ESAG
EAT
ESAG
41
41
41
41
41
41
41
41
41
41
41
41 1 238 1 338 1 346 1 324 1 341 1 317 1 542 1 502 1 455 1 186 1 133 1 172 1 192 1 254 1 236 1 195 1 135 1 021 1 053 1 059 898 773 369
EM 7 BB
EAABC/3RD
152RI
Total
0
0
0
0
0
L’effectif global journalier (en moyenne 900 personnes sur les 365 jours de l’année) regroupe en fait des contingents de nombreuses unités. Cette dispersion est une difficulté pour coordonner efficacement le soutien.
Figure 2. Répartition géographique des secteurs dentaires interarmées et du secteur dentaire d’unité de la Force d’action navale (2).
si des efforts restent encore à faire, changent pour
privilégier les pathologies qui ne peuvent être prévenues
par une préparation de qualité.
Ceci est très encourageant et nous permet de nous
recentrer sur nos missions prioritaires.
Pour ce qui concerne le soutien des Forces dans sa
dimension préventive, l'intégralité des besoins
de détermination de l'aptitude est désormais couverte
dans le secteur. Grâce à la coopération active des
médecins d'unité qui orientent de manière systématique les consultants vers le chirurgien-dentiste
militaire d'active ou de réserve désigné et d'une
informatique de pointe, tous les militaires sont reçus
et les certif icats d’aptitude ne sont édités qu'après
contrôle effectif du bon état clinique. Cette systématisation est devenue habitude et porte ses fruits.
En effet, la durée de validité d'une aptitude étant,
secteur dentaire inter-armées de mourmelon
sauf mention contraire, de un an. Il n'est plus nécessaire
de préparer les personnels en vue d'une mission.
Le commandement sait en permanence et de manière
nominative l'état d'aptitude de ses personnels. Ceux-ci
peuvent donc être choisis ou désignés pour une mission
après avoir été déjà étiquetés comme aptes et non
avant comme cela se faisait hélas trop souvent. Il nous
semble plus logique, en effet, de puiser dans un vivier
d’aptes que de désigner des personnels et de s’enquérir
ensuite de leur aptitude au risque de s’apercevoir trop
tard qu’ils ont des soins dentaires à faire.
Cette réactivité que prise le commandement
se double d'un avantage pour le chef du secteur : la
possibilité de s'organiser pour répartir la charge de
recevoir 15 000 militaires en aptitude chaque année,
sur l'ensemble des chirurgiens-dentistes des armées
du secteur et sur l'ensemble de l'année.
237
Bien sûr, le développement et l'utilisation systématique
de l'informatique dans ce dossier se sont révélés
indispensable pour optimiser le rendement en diminuant
le nombre de consultations trop rapprochées ou
inutiles de ce seul point de vue.
B) SOINS.
Deuxième priorité d’importance, la porte du cabinet est
ouverte pour les consultations libres.
Simples conseils, urgences, soins ponctuels, soins suivis,
soins complexes : tout l'éventail d'une structure de soins
bucco-dentaires est proposé.
Conserver les compétences techniques de sa capacité
est la raison habituellement évoquée pour justifier cette
activité « annexe » qui pourrait sinon, selon certains,
être entièrement confiée au secteur civil. En fait, elle
fait partie intégrante des attributions d’un chirurgiendentiste des armées.
De plus, il existe bien d'autres raisons qui s'appliquent
pour certaines, à toutes les unités, pour d'autres, plus
spécifiquement aux camps isolés.
D'abord, la réputation générale de qualité du Service de
santé des armées dans son activité de soins peut être
une motivation guidant les patients dans le choix de
privilégier une structure militaire pour leur suivi médical
ou dentaire. Cette confiance dans le personnel et dans les
moyens à disposition se double d'une confiance dans leur
disponibilité qui est aussi gage de sécurité. La définition
d'une sectorisation assez vaste, imposée par le nombre
limité de postes de chirurgiens-dentistes des armées,
a permis d'affecter un certains nombre de praticiens
d'active ou de réserve qui peuvent se remplacer, s'épauler,
se former les uns, les autres et assumer aussi bien la
permanence des soins que des aptitudes.
Ensuite, les caractéristiques propres de l'état de militaire
quelquefois aggravées par des raisons familiales, sociales
ou géographiques, rendent indispensable le fait de
dispenser des soins en unité. La mobilité des militaires
est source d'isolement. Isolement des célibataires
géographiques bien sûr, mais aussi isolement des cellules
familiales réduites au conjoint et aux enfants.
L'isolement géographique qui double souvent cet isolement physique est d'autant plus ressenti dans des camps
isolés, comme celui de Mailly, Suippes ou Mourmelon. Il
est quelquefois mésestimé : 9,1 % des militaires sont
encore célibataires géographiques malgré des efforts
réels de l’Institution (8). Les familles nombreuses
régulièrement suivies ou les militaires du rang des DOMTOM représentent le cas extrême des patients guidés par
ces motivations. La gratuité ou quasi-gratuité des soins en
unité est aussi un avantage offert aux patients, victimes
d'accidents en service ou recommandés par les assistantes
sociales ou le commandement.
Enfin, c'est l'organisation en horaires plus souples et plus
adaptés à nos populations, la possibilité de prendre
en charge des pathologies plus complexes ou dans
des contextes plus lourds qui justif ient pleinement
l'obligation de réalisation de soins complets en unité.
238
C) AUTRES MISSIONS.
Les actions de prévention que tous les praticiens
du secteur réalisent à titre individuel au prof it des
patients qui consultent commencent à se doubler
d'actions collectives d'éducation sanitaire.
Le secteur comme beaucoup d'autres, participe aux
modules des enseignements optionnels de certaines
facultés. Il œuvre aussi en direction des médecins d’unité
ou des infirmiers, comme le font quelquefois, de manière
plus poussée, d’autres secteurs, notamment quand
leur siège se situe au sein d’un hôpital d’instruction des
armées. Mais il ne structure pas ses actions de formation
des médecins d'unité comme seul le fait, à notre connaissance, le secteur d'unité de la force d'action navale avec
l'appui de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de
Toulon. Ce sont plutôt des échanges au fur et à mesure que
des cas cliniques se présentent ou que des questions se
posent aux médecins dans une logique de complémentarité
réalisée non seulement à Mourmelon mais dans la plupart
des services médicaux du secteur. La recherche clinique
purement odontologique, faute de temps, reste souvent
hélas, à l'état de projets non encore réalisés, mais le secteur
participe en revanche à la plupart des dossiers de portée
générale auxquels adhère le centre médical inter-unités de
Mourmelon et aux démarches d'assurance qualité.
La partie dentaire, fondamentalement intriquée
dans le système global dit projet GestOpex, a par
exemple, comporté la création et le test sur 2 500 patients
d’un odontogramme simplif ié, numérisé, évolutif,
autorisant des requêtes et représentant donc une aide
à l’identification (9).
IV. MOYENS.
En balance à des besoins considérables et variés,
le secteur dispose d'un excellent plateau technique
adapté, composé de deux unités de soins complètes
et quasi-identiques sises à Mourmelon et à Suippes,
intégrées dans des services médicaux d’unité disposant
de réelles possibilités d'admission, de soins et de suivi.
La mutualisation dont le centre médical inter-unités
de Mourmelon, a été précurseur, a fait l'objet d'un
protocole complexe après concertation avec une
multitude d'acteurs (général, commandant la région,
directeur régional du Service de santé, les quatre chefs
de corps des unités concernées notamment) (10, 11). En
résulte une mise en commun de moyens.
Ce cabinet médical bénéf icie donc d'une structure
complète de soins dentaires intégrant une chaîne de
stérilisation ; le secteur dentaire dispose des capacités
d'admission et de soins, comparables à ceux offerts
en milieu hospitalier. Secrétariat, moyens matériels
et humains, informatique ; la mise en commun des
moyens permet d'augmenter l'efficience du groupe et est
l'occasion d'échanges.
D'autres accords sont conclus entre le secteur et un certain
nombre de cabinets médicaux, et le secteur s'organise
donc en fonction de la totalité de ses impératifs.
b. fenistein
Car cinq unités du secteur disposent aussi d'un fauteuil,
la Base aérienne 112 de Reims, le camp de Mailly,
le 3 e régiment du génie de Charleville-Mézières,
le 3 e régiment d'hélicoptères de combat d'Étain, le
camp de Sissonne. Enf in, quelques unités prêtent
régulièrement des locaux pour des simples consultations
de dépistage ou d'aptitude ; c'est le cas du 1er et 2e régiment
de chasseurs de Thierville-sur-Meuse, de la Gendarmerie
mobile de Revigny-sur-Ornain, du 402 e régiment
d'artillerie de Châlons-en-Champagne, du 8e régiment
d’artillerie de Commercy.
Deux véhicules légers, de type Saxo de la direction
régionale, permettent les nécessaires et fréquents déplacements. Des personnels sous-officiers ou militaires du
rang sont adjoints de manière ponctuelle ou régulière par
les unités. Cette aide de la gendarmerie, de l'armée de
Terre et de l'armée de l'Air nous est indispensable.
Pour armer ces pôles de soins ou de consultations, des
chirurgiens-dentistes d'active et de réserve se relayent et
s'épaulent au sein d'une planification, élaborée par le chef
du secteur en concertation avec les commandants des
unités, soutenues et validée par la direction régionale du
Service de santé des armées de rattachement.
V. CONCLUSION.
Le secteur dentaire interarmées de Mourmelon n'est
pas un modèle pour les autres. Il s'est simplement
organisé de manière à s'adapter continuellement
aux missions ordinaires et extra-ordinaires qui lui
sont conf iées, et aux contraintes structurelles et
conjoncturelles qui lui sont imposées.
Parallèlement, il tente d'optimiser son action en
conciliant la hausse de son rendement et de la qualité
perçue par les patients, et le commandement et
l'augmentation de l'intérêt intellectuel et technique de
son activité. L'évaluation régulière du secteur dans toutes
ses activités n'est pas simple à réaliser mais permet la
critique constructive et les changements nécessaires à
sa continuelle et nécessaire adaptation.
Remerciements : l’auteur tient à remercier le médecin en
chef Besses, médecin-chef du 501 e-503e régiment de
chars de combat et de la Place de Mourmelon pour son
soutien dans le fonctionnement quotidien du secteur et
ses conseils dans la rédaction de cet article.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Décret N° 2000-187 du 1 er mars 2000 modifiant le décret
N° 74-515 du 17 mai 1974 portant statut particulier des corps
militaires des médecins, des pharmaciens chimistes et des
vétérinaires biologistes des armées.
2. IM N° 3162/DEF/DCSSA/OL/OERI-2079/DEF/DCSSA/
AST/TEC relative à l’organisation et au fonctionnement du soutien
dentaire dans les armées du 22 mai 2001.
3. Péniguel B, chirurgien-dentiste de la Force d’action navale.
Médecine et Armées 2005 ; 33 (4) : 337-42.
4. Chossat N et coll. Mourmelon-Le-Grand, cité champenoise et
militaire Ville de Mourmelon 1999, 189 p.
5. IM N° 400/DEF/DCSSA/AAF/AAGDS fixant les règles
administratives et financières d’accès aux soins du Service de
santé des armées du 23 mars 1993.
secteur dentaire inter-armées de mourmelon
6. Seigneuric J-B, Gouzien G, Bellavoir A. Apport de la consultation
itinérante de stomatologie, l’évaluation de l’état bucco-dentaire au
sein des forces. Étude sur douze mois. Médecine et Armées 2000 ;
28 (2) : 149-53.
7. Fénistein B, Pourquoi tant de consultations dentaires en opex ?
Médecine et Armées 2004 ; 32 (2) : 123-6.
8. Bulletin d’information sociale de la Défense N° 64, 18, 2006.
9. Projet Gestopex. Mission innovation du ministère de la Défense
N° 03/018T.
10. Instruction N° 216/DEF/EMAT/LOG/SAN/et N° 126/DEF/
DCSSA/OL/OERI/ORG relative à l’organisation et au fonctionnement
du Service de santé dans l’armée de Terre du 28 janvier 2002.
11 Protocole de mutualisation N° 001827/RT NE/EM/DIV.SOUT/
BLOG/RGEG du 16 décembre 2003.
239
VIENT DE PARAÎTRE
HISTOIRE DE L’ANESTHÉSIE
Méthode et techniques au
XXe
siècle
Marguerite ZIMMER
Présenter l'Histoire de l'anesthésie n'allait pas de
soi... Initiée dès la fin du X V I I I e par la méthode
inhalatoire des gaz et poursuivie dans cette voie
jusqu'aux premières décades du XXe siècle, la quête
incessante de la suppression de la douleur
chirurgicale allait connaître, particulièrement en France, un parcours
mouvementé…, et passionnant. Ce livre raconte cette aventure.
Sans occulter les aspects techniques, l'auteur aborde également les grandes
questions posées par le développement de la chimie des gaz. À partir de
nombreuses archives inédites et d'illustrations variées, l'ouvrage rend compte en
même temps des difficultés rencontrées par le monde médical et industriel dans
l'élaboration des appareils et la conception de nouveaux procédés tendant à
réduire puis supprimer la douleur ; il retrace le cheminement de ces avancées
techniques qui se faisaient pour ainsi dire « au jour le jour ». À l'heure où la lutte
contre la douleur, contre toutes les douleurs, est une constante de nos sociétés,
l'étude minutieuse et rigoureuse de plus de deux cents années de pratique et de
recherche représente un outil fondamental pour la compréhension et la
prospective. Cette évolution des pratiques de l'anesthésie et de la réanimation, en
apportant un nouveau regard en matière de recherches enhistoire des sciences et
de la médecine, intéressera les médecins, les chirurgiens-dentistes, les
pharmaciens, les vétérinaires, les chimistes, les historiens, mais aussi le grand
public curieux des avancées scientifiques.
Marguerite ZIMMER est docteur en chirurgie dentaire, docteur en histoire de la
médecine (École pratique des hautes études) et chercheur associé du
département d'Histoire des sciences de la vie et de la santé de Strasbourg.
ISBN : 978-2-86883 896 4 – Pages : 768 – Prix 59 € – EDP Sciences – Collection
science et histoire – 17 avenue du Hoggar - Parc d'activités de courtabœuf- BP 11291944 Les uns cedex A – Contact Presse Elise CHATELAIN – [email protected]
– Tél. : 01 69 18 69 87.
240
Mise au point
PRISE EN CHARGE DES CHOLÉCYSTITES AIGUËS
EN UN TEMPS
Expérience du service de chirurgie viscérale de l’HIA Desgenettes
L. MINGOUTAUD, J.-P. OWONO, Cl. DUSSART, D. N’GABOU, M. DELIGNY, Ch. LOUIS, S. FAUCOMPRET
RÉSUMÉ
Le traitement en un temps avant le 5 e jour du début
des symptômes, des cholécystites aiguës par voie
laparoscopique a fait la preuve de sa faisabilité et de son
intérêt. Une prise en charge thérapeutique en deux temps
qui propose de réaliser une intervention à distance de la
phase aiguë expose à un risque d’échec intercurrent dans
l’intervalle et entraîne un surcoût non négligeable sans
apporter de bénéfice en terme d’intervention ou de suites
opératoires. Le but de ce travail est de confirmer l’intérêt
d’une prise en charge en un temps des cholécystites
aiguës. Les auteurs rapportent une série rétrospective
portant sur 85 patients opérés précocement pour une
cholécystite aiguë sur l’hôpital d’instruction des Armées
Desgenettes de janvier 2000 à octobre 2005. Le résultat
de cette étude montre que le délai de prise en charge,
« avant trois jours », « entre trois et cinq jours » et
« après cinq jours », n’apparaît pas comme un facteur
discriminant. À l’inverse, elle confirme que une prise en
charge initiale des cholécystites aiguës n’augmente pas la
durée opératoire, les pertes sanguines ou la morbidité. En
conclusion, si le traitement en un temps des cholécystites
aiguës n’entraîne pas un risque accru, il met le patient à
l’abri d’un épisode intercurrent infectieux ou de
migration pour un coût économique nettement moindre.
Mots-clés : Cholécystectomie laparoscopique précoce.
Cholécystite aiguë. Traitement en un temps.
I. INTRODUCTION.
Le traitement en un temps avant le 5 e jour des cholécystites aiguës par voie laparoscopique a fait la preuve
de sa faisabilité et de son intérêt au travers de
nombreuses publications.
Une prise en charge en deux temps est envisagée dans la
L. MINGOUTAUD, médecin principal. Cl DUSSART, pharmacien pricipal.
M. DELIGNY, médecin en chef. Ch. LOUIS, médecin en chef. S. FAUCOMPRET,
médecin chef des services, professeur agrégée du Val-de-Grâce.
Correspondance : L. MINGOUTAUD, service de chirurgie viscérale,
HIA Desgenettes, BP 25, 69998 Lyon Armées.
médecine et armées, 2008, 36, 3
ABSTRACT
MANAGEMENT OF ACUTE CHOLECYSTITIS
TREATMENT IN ONE TIME: EXPERIENCE OF HIA
DESGENETTES’ VISCERAL SURGICAL TEAM.
The laparoscopic acute cholecystitis treatment within five
days of onset of symptoms is quite sure and feasible. A
delayed laparoscopy after initial medical management in
order to operate far from the initial inflammation
exposes the patient to a failure during the interval period
and is more expansive without making the operation
easier and the follow up better. The aim of this study was
to confirm the interest in operating early the acute
cholecystitis. The authors present a retrospective study
including 85 patients who were treated on the Instruction
Military Hospital Desgenettes for an acute cholecystitis
from 2000 January to 2005 October. The result of the
study shows that the delay of treatment, before 3 days,
between 3 to 5 days, after 5 days, is not a discriminated
factor. Inversely, it confirms that the early treatment
doesn’t increase the surgical time, the bleeding or the
morbidity. In conclusion, if the early acute cholecystitis
treatment doesn’t conduce to increase the risk, it protects
the patient against another episode of infection or a stone
migration during the interval time for a decidedly lower
economic cost.
Keywords: Acute cholecystitis. Early laparoscopic
cholecystectomy. One time treatment.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 247-251)
littérature au prix d’une évaluation rigoureuse tant
clinique que biologique.
La question du bénéfice d’une telle stratégie peut se
poser en terme de durée moyenne de séjour, de coût et
de risque d’échec.
Le but de ce travail a été de montrer l’intérêt d’une prise
en charge thérapeutique en un temps et de tenter de mettre
en évidence un délai d’intervention optimal.
Les auteurs ont mené une étude rétrospective portant sur
85 patients opérés de janvier 2000 à octobre 2005 en un
temps sur l’HIA Desgenettes pour une cholécystite aiguë.
Les résultats de cette étude ont été confrontés aux
données de la littérature.
241
II. MATÉRIEL ET MÉTHODE.
A) DÉFINITION DE LA POPULATION.
L’échantillon de notre population est constitué par
l’ensembles des patients pris en charge dans le service
de chirurgie viscérale de l’HIA Desgenettes pour
une cholécystite aiguë lithiasique,de janvier 2000
à octobre 2005.
Les critères d’inclusion reposaient sur :
– un syndrome douloureux de l’hypochondre droit
supérieur ou égal à trois sur l’Échelle visuelle analogique
(EVA) avec signe de Murphy positif ;
– une température supérieure ou égale à 37,7 °C ;
– un syndrome infectieux biologique avec un chiffre
supérieur ou égal à 10 000 leucocytes/mm3 et/ou inflammatoire avec une C Reactive Protein supérieure à cinq ;
– une échographie affirmant le diagnostic de cholécystite
aiguë.
Le critère de sélection correspond au code de recherche
K800 dans la base de données PMSI (htt//stats.www.lepmsi.fr). Ce code diagnostic porte l’intitulé « calcul de
la vésicule biliaire avec cholécystite aiguë ».
Le diagnostic d’angiocholite est exclu.
B) ANALYSE STATISTIQUE.
Af in de répondre à notre problématique, nous
avons réalisé une analyse descriptive suivie d’une
analyse multivariée de type Analyse factorielle
des correspondances multiples (AFCM). L’AFCM a
permis la recherche d’un facteur de risque.
Le but de ce travail a été d’identifier un délai d’intervention optimale des cholécystites en distinguant
trois groupes de patients opérés « avant trois jours »
(groupe 1), « entre trois et cinq jours » (groupe 2), « après
cinq jours » (groupe 3).
Nous avons réalisé cette analyse sur le logiciel SAS/
STAT, Version 6, Fourth Édition. Copyright 1990 par SAS
Institute Inc, Cary, NC, USA.
III. RÉSULTATS.
A) ANALYSE DESCRIPTIVE.
La population d’étude était constituée de 85 individus,
48 hommes (56,5 %) et 37 femmes (43,5 %), d’âge moyen
60 ±16 ans (extrêmes (25 ; 92)).
Des antécédents médicaux signif icatifs étaient
présents chez 53 patients (62,4 %), essentiellement
hypertension artérielle (8,5 %), diabète (8,5 %) et
broncho-pneumopathie (8,2 %). Les principaux facteurs
de comorbidité sont résumés dans le tableau I.
Les antécédents chirurgicaux intéressaient huit patients
(9,4 %) : pontage coronarien (trois patients), cancer du
sein (un patient), péritonite appendiculaire (un patient),
intervention de Hartmann pour un cancer du sigmoïde
(un patient). Il existait au moins un antécédent médical
dans 77,6 % des cas et au moins deux dans 53 %.
242
Tableau I. Facteurs de comorbidité.
HTA
10
8,50 %
BPCO
7
8,23 %
Diabète non insulino-dépendant
7
8,23 %
Obésité
6
7,06 %
Coronaropathie
5
5,88 %
artériopathie
3
3,53 %
Apnée du sommeil appareillée
3
3,53 %
Trouble du rythme
3
3,26 %
Valvulopathie
2
2,35 %
Diabète insulino-dépendant
2
2,35 %
Ethylisme chronique
2
2,35 %
Insuffisance rénale
2
2,35 %
Diabète insulino-réquérant
1
1,17 %
Total
53
62,35 %
Le pronostic anesthésique selon la classification de
l’American Society of Anesthesiology (ASA) était : ASA
I pour 11 patients (12,9 %), ASA II pour 57 patients
(67,1 %) et ASA III pour 27 patients (31,8 %).
À l’entrée, le diagnostic était suspecté cliniquement chez
un patient hyperthermique avec une température
moyenne de 38,9 ± 0,7 °C (extrêmes (37,7°C; 40 °C))
présentant un syndrome douloureux de l’hypochondre
droit avec signe de Murphy (85,9 % des cas). Un ictère
cutanéo-muqueux était associé dans 12,9 % des cas.
Biologiquement, il existait un syndrome infectieux avec
hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles avec
une valeur moyenne de 11 325 ± 4 142/mm3 et supérieure
à 10 000/mm 3 dans 61,2 % des cas ; un syndrome
inflammatoire, avec une CRP moyenne à 123 ± 121 mg/l
(extrêmes (1 ; 325)).
Tous les patients ont bénéf icié d’une échographie
qui affirmait le diagnostic de cholécystite aiguë.
Les symptômes évoluaient en moyenne depuis 6 ± 7 jours
(extrêmes (1 ; 30)).
Les patients ont été opérés en moyenne au deuxième jour
de leur hospitalisation (± 2 jours, extrêmes (0 ; 9)).
Le délai maximum de neuf jours correspond à un patient
de 76 ans, sous antiagrégant plaquettaire et anticoagulant. À l’arrivée, il existait un surdosage en
anti-vitamine K sans signes de gravité ni clinicobiologique ni échographique.
L’intervention a été réalisée sous cœlioscopie dans 77 cas
(90,6 %) et par laparotomie dans 8 cas (9,4 %). Le choix
de la voie d’abord relevait d’une décision de l’opérateur.
Tous les patients ont été opérés par une équipe composée
d’au moins un chirurgien senior.
Une cholangiographie per opératoire, jamais
systématique, a été faite 47 fois (55,4 %) et réussie 38 fois
(44,7 %). La décision de réaliser cet examen était
prise chaque fois par l’opérateur « en fonction des
l. mingoutaud
constatations opératoires ». La difficulté prévisible
du geste (intensité de la pédiculite, f inesse du canal
cystique) faisait surseoir à la réalisation de la cholangiographie. Dans deux cas, un drainage trans-cystique
a été mis en place.
La durée opératoire moyenne a été de 90 ± 38 minutes
(extrêmes (40 ; 200)) et le taux de conversion de 10,4 %
concernant huit patients (groupe1, n=2 ; groupe 2, n=3 ;
groupe 3, n=3).
Les motifs de conversion ont été des adhérences
empêchant l’introduction des trocarts, avec deux cas
appartenant aux groupes 1 et 3 ; une cholécystite
gangréneuse, avec trois cas dans les groupes 2 et 3 ;
une pédiculite rendant la dissection hasardeuse, avec
deux cas dans les groupes 1 et3 ; une hémorragie
appartenant au groupe 2.
La perte sanguine a été précisée pour 76 patients (89,4 %).
Elle a été moyenne de 157 ± 127 ml. Trois patients
ont reçu de 1 à 3 culots globulaires.
Quatre patients ont bénéficié d’une sphinctérotomie
endoscopique en post-opératoire (Oddite, 3 ; lithiase
résiduelle de la voie biliaire principale, 1).
L’antibiothérapie était débutée à l’entrée de manière
probabiliste et en fonction de contre-indication
éventuelle : association amoxicilline + acide clavulanique dans 85,9 % des cas, céphalosporine de
3e génération dans 14,1 %, fluoroquinolone dans 10,6 %.
Une bi-antibiothérapie a été réalisée dans 71,8 % des cas.
Elle associait une pénicilline ou une céphalosporine à de
la gentamicine, du métronidazole ou fluoroquinolone.
Les antibiotiques ont été maintenus en moyenne 8 ± 3
jours (extrêmes (5 ; 21)).
La prise en charge de la douleur a reposé sur une analgésie
péridurale ou une pompe contrôlée d’analgésie de
morphine dans les 72 premières heures en complément
d’une antalgie de niveau II.
La prévention thromboembolique a été systématique
par lever précoce dès J1 et prescription d’Héparine de
bas poids moléculaire (HBPM) à la posologie de 4 000 IU
anti-Xa.
La reprise de l’alimentation s’est faite de manière progressive dès J0 et à volonté à J3 pour 83 patients (98 %).
Les suites opératoires ont été simples pour 51
patients (60 %).
La morbidité post opératoire, résumée dans le tableau II,
a été représentée essentiellement par :
– pour huit patients (n=2 ; 2 et 4 respectivement dans
les groupes 1, 2 et 3), une pneumopathie de la base droite
d’évolution favorable sous kinésithérapie, aérosols et
antibiothérapie prolongée quize jours en post opératoire.
– pour quatre patients opérés par laparotomie des abcès
de paroi d’évolution simple par cicatrisation dirigée.
Deux appartenaient au groupe 1, les deux autres aux
groupes 2 et 3.
– chez deux patients des groupes 1 et 3, une collection
sous hépatique a évoluée favorablement sous antibiotique, l’autre appartenant au groupe 2 de plus de 3 cm
a été drainée radiologiquement. L’ablation du drain a
été effectuée au 3ejour.
prise en charge des cholécystites aiguës en un temps
Tableau II. Morbidité post opératoire.
Pneumopathie
8
9,41 %
Abcès de paroi
4
4,70 %
Cholestase clinique
4
4,70 %
Cytolyse biologique à 3N
4
4,70 %
Iléus
4
4,70 %
Gastroparésie
3
3,53 %
Collection intra abdominale
2
2,35 %
Pré Delirium tremens (DT)
2
2,35 %
Thromboembolique
1
1,17 %
Total
34
40 %
– deux patients (groupe 1 et 2) ont nécessité la pose
d’une sonde naso-gastrique pour 24 et 72 heures.
La durée moyenne de séjour a été de 6 ± 3 jours.
B) ANALYSE AFCM.
L’analyse des résultats a montré que le délai de prise en
charge, « avant trois jours » (n=40), « entre trois et cinq
jours » (n=16) et « plus de cinq jours » (n=29), n’a pas
influencé de manière statistiquement significative, sur
les pertes sanguines, la durée ou les suites opératoires
(p < 0,05). Cette variable n’est donc pas discriminante
dans notre population d’étude. Seules les variables « perte
sanguine », « globules blancs », « CRP » et « durée
opératoire » ont été identifiées comme discriminantes.
IV. DISCUSSION.
L’attitude thérapeutique optimale dans la prise en charge
des cholécystites aiguës reste controversée (1, 2). C’est un
sujet récurrent qui fait débat aujourd’hui encore, à l’heure
de la cœlioscopie, comme hier en laparotomie (3).
La prise en charge en deux temps correspond à un
traitement médical premier destiné à « refroidir la crise
aiguë », suivi d’un traitement chirurgical effectué six à dix
semaines à distance de la phase inflammatoire initiale (4).
Aucune étude ne vient valider cet intervalle qui varie
pratiquement du simple au double.
Certaines études montrent une relation entre cholécystectomie sous cœlioscopie précoce et augmentation de
la morbidité (5). Au début des années 1990, le traitement
en un temps par laparotomie des cholécystites aiguës
était la règle et la voie cœlioscopique représentait une
contre-indication relative, sachant que l’ère de la
cholécystectomie réglée sous cœlioscopie a été initiée
en 1987 (4, 5). Le manque d’expérience des opérateurs
comme les limites techniques imposées par le matériel
pouvaient alors à eux seuls justifier une telle attitude
de prudence.
Dans tous les cas, une prise en charge en deux temps
ne peut se faire qu’au prix de réévaluations cliniques
et biologiques itératives (1).
Aux échecs précoces de cette stratégie viennent s’ajouter
un pourcentage de 10 % à 23 % de patients, rentrés à
243
domicile, qui devront être opérés en urgence dans
l’intervalle thérapeutique (5, 6). Ces échecs, à type de
complications infectieuses, d’accidents de migration,
sont d’autant plus graves qu’ils surviennent chez des
patients souvent âgés, poly pathologiques. Dans notre
étude, la moyenne d’âge se situe à 60 ±16 ans et 30 % de
cette population est classée ASA III.
Cet échec du traitement en deux temps constitue un écueil
de cette prise en charge (1). Parmi les patients au
traitement initial efficace, un tiers a du être admis en
urgence. Dans cette population, la durée opératoire, le
taux de conversion, les suites ont été plus mauvais que
dans les groupes « chirurgie précoce » ou « tardive » (4).
Le taux de conversion des procédures en deux temps
peut atteindre jusqu’à 30 % attestant de conditions de
dissection rendues difficiles par des adhérences fibreuses,
une pédiculite, une néo vascularisation (6). Il a été
de 10,4 % dans notre série.
Il existe cependant des facteurs prédictifs de conversion
indépendants du délai. Il s’agit en pré opératoire du sexe
masculin, d’un âge supérieur à 65 ans, de l’obésité,
d’un taux de globules blancs supérieurs à 13 000/mm3.
En per opératoire, ce sont les difficultés de préhension
de la vésicule, le risque d’effraction de la paroi (gangrène,
empyème, hydrocholécyste) et le manque d’expérience
chirurgicale (7).
La cholécystectomie précoce se définit par une chirurgie
réalisée dans les 72 heures qui suivent le début des
symptômes de cholécystite aiguë (7).
Ce concept de prise en charge précoce s’est imposé avant
l’ère de l’abord cœlioscopique. Des études prospectives
randomisées avaient montré qu’une prise en charge
précoce par laparotomie entraînait une durée de séjour
moindre et des suites opératoires plus simples que dans
un traitement en deux temps (8).
L’expertise acquise en chirurgie réglée aidant, la
cholécystectomie laparoscopique réalisée à la phase
précoce des cholécystites aiguës s’est progressivement
imposée comme le traitement de référence. Sa faisabilité
démontrée, les avantages résident dans la durée moyenne
de séjour et le coût global (7).
Concernant la durée de séjour, les données de la littérature
sont toutes concordantes, en faveur du traitement à la
phase précoce, tableau III. Le chiffre de notre série de
Tableau III. Données de la littérature.
Études
Traitement Échantillon
Durée moyenne
séjour (en jours)
P
< 0,0001
1 temps
82
5,6
2 temps
87
13,4
1 temps
74
5
2 temps
71
8
1 temps
45
6
2 temps
41
11
1 temps
53
7,6
2 temps
51
11,6
Serralta et al (6)
Johansson et
al (5)
< 0,05
< 0,001
Lo et al (3)
Lai et al (10)
244
< 0,001
6 ± 3 jours est en conformité avec les résultats de
littérature dont les valeurs se situe entre 5,6 et 7,6 jours (4).
Une méta-analyse regroupant quatre études comparant
les groupes « prise en charge précoce » versus « prise en
charge en deux temps » conclut à l’absence de différence
statistiquement significative en terme de conversion
(p=0,19), de durée opératoire (p=0,723) et de taux de
complication post opératoire (p=0,915) (4).
Une autre montre l’absence de bénéfice apporté par un
traitement en deux temps en terme de suites opératoires,
de taux de conversion et de durée de séjour (10).
Le taux de conversion a été de 10,4 % concernant huit
patients. Les motifs de conversion ont été des difficultés
de préhension dans trois cas (cholécystite gangréneuse),
de dissection dans deux cas, une hémorragie dans un
cas et à des antécédents chirurgicaux responsables
d’adhérences dans deux cas.
Les données de la littérature plaident pour une intervention dans les 72 premières heures. Cependant, ce
délai concerne la date de l’intervention par rapport à
la date d’admission (3, 8) ou par rapport au début des
symptômes (5-7, 10). Le délai « début des symptômes »
ou « date d’admission » est différent et constitue une
limite à la notion de prise en charge précoce. Dans notre
série, les symptômes évoluaient en moyenne depuis 6±7
jours (extrêmes (1;30)).
L’étude que nous avons menée, ne permet pas de
montrer une différence statistiquement significative
concernant l’existence d’un délai optimal de prise en
charge depuis le début des symptômes « moins de trois
jours », « entre trois et cinq jours » et « après cinq jours »
en terme de durée opératoire, de perte sanguine, de
complication post-opératoire ou encore de durée de
séjour. Dans notre analyse multivariée, le facteur
« délai de prise en charge » n’est pas discriminant.
Toutefois, il s’agit d’une étude rétrospective comprenant un effectif faible. À l’inverse, elle plaide pour
un traitement en un temps qui n’entraîne pas une
augmentation du risque opératoire, de la morbidité ou
de la durée de séjour.
Madan distingue deux groupes de patients selon qu’ils
sont opérés dans les 48 heures qui suivent le début des
symptômes (groupe I, n = 14) et après (groupe II, n =11).
Il montre un bénéfice statistiquement significatif en
terme de durée opératoire (73 min vs 96 min, p < 0.0004)
et de séjour (2,1 jours vs 4,4, p < 0.004) dans le groupe I.
Concernant le taux de conversion de 0 dans le groupe I,
il atteint 29 % dans le groupe II (p < 0.04) (11).
L’inflammation avec pour corollaire l’inf iltration
tissulaire liée à l’œdème, crée des plans qui facilitent
la dissection du triangle de Calot et le décollement du
lit vésiculaire. Plus à distance, néo vascularisation,
fibrose, rétractions tissulaires sont constituées. Les
repères sont effacés, la dissection est rendue plus délicate.
Les seules limites à ce traitement « ultra précoce »
tiennent au patient qui se présentera plus ou moins tôt
après le début des symptômes, au médecin traitant s’il est
consulté qui pourra être tenté de traiter de manière
symptomatique mais aussi à la disponibilité, sinon du
l. mingoutaud
Tableau IV. Séjour chirurgical.
GHM libellé
GHS borne
inf.
GHS borne
sup.
Tarif €
Cholécystectomies avec
exploration de la voie biliaire
principale sans CoMorbidité
Associée (CMA)
3
39
8 362,08
Cholécystectomies avec
exploration de la voie biliaire
principale avec CMA
4
62
11 295,36
Cholécystectomies sans
exploration de la voie biliaire
principale sans CMA
2
18
3 723,89
Cholécystectomies sans
exploration de la voie biliaire
principale avec CMA
2
36
6 298,24
GHM libellé
GHS borne
inf.
GHS borne
sup.
Tarif €
Affection des voies
biliaires, âge inferieur
à 70 ans, sans CMA.
2
18
2 210,57
Affection des voies
biliaires, âgesupérieu
à 69 ans, et/ou CMA.
2
27
3 961,56
chirurgien, du bloc opératoire. L’étude de Madan
rattache le retard de prise en charge à l’environnement
chirurgical dans au moins 50 % des cas.
En terme de coût, si l’on se réfère à la tarif ication
à l’activité ou T2A, une prise en charge en deux temps
entraîne le surcoût d’une double hospitalisation.
L’augmentation de coût est de 2 210,57 € à 3 961,56 € en
restant dans les bornes prévues par cette tarification
soit de 36 % dans le groupe de patient sans facteur de
co-morbidité (CMA) par rapport au prix moyen de
séjour et de 30 % dans celui avec CMA, tableau IV et V.
V. CONCLUSION.
Tableau V. Séjour médical.
Les résultats de notre étude vont dans le sens des données
de la littérature.
Le traitement en un temps des cholécystites aiguës
n’entraîne pas d’augmentation rédhibitoire du risque
opératoire, des pertes sanguines, du taux de conversion
ou du taux de morbidité.
À l’inverse, le surcoût induit et le risque de survenue d’un nouvel épisode aigu dans l’intervalle de
traitement sont autant de limites à la stratégie en
deux temps. Une prise en charge souvent plus délicate
et stressante d’un nouvel épisode, a fortiori chez des
patients âgés associant des facteurs de comorbidité,
ne peut pas constituer un bénéfice.
La cholécystectomie devrait être réalisée au mieux
dans les 48 heures qui suivent le début des symptômes
de cholécystite aiguë, si l’on se réfère aux données de la
littérature. Une étude multicentrique rassemblant
un échantillon de taille suff isante devrait permettre
d’en apporter la preuve.
Les limites à un traitement ultra précoce tiennent
plus à la gestion des urgences qu’au risque opératoire.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Laporte S, Navarro F. Quel est le meilleur moment pour
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How early is early laparoscopic acute treatment of acute
cholecystitis ? Am J Surg, 2002 ; 183 : 232-6.
245
VIENT DE PARAÎTRE
BACTÉRIOLOGISTE DES HÔPITAUX MILITAIRES
De la formation à l'Algérie en guerre
ANDRÉ THABAUT
Après avoir connu les rizières d'Indochine au sein d'un bataillon d'infanterie, le
médecin lieutenant THABAUT entama une carrière de bactériologiste des hôpitaux
militaires. Formé en bonne partie au contact de ses homologues civils, notamment
à l'Institut Pasteur de Paris, il frit ensuite affecté à deux reprises dans les hôpitaux
de l'Algérie en guerre. Parvenu au terme de sa carrière professionnelle, le médecin chef des services
THABAUT revient, dans un style à la fois simple et captivant, sur les premières années de son parcours
de bactériologiste militaire. Après avoir présenté son cursus de formation, réalisé au contact des grands
noms de la bactériologie des années 1950, il nous entraîne en Algérie. Là, prenant souvent les
populations civiles en otage, s'opposent indépendantistes du FLN, soldats aux ordres de Paris et
partisans inconditionnels de l'Algérie française.
ISBN : 9 78-2-296-04266-7 – Pages :120 – Prix 12 € – L'Harmattan Édition – Collection Médecine des conflits armés
57, rue de l'École Polytechnique, 75005 Paris – Tél. : 01 40 46 79 20 FaX : 01 43 25 82 03.
VIENT DE PARAÎTRE
100 000 BATTEMENTS PAR JOUR
Jean-Pierre OLLIVIER
Le coeur bat près de 100 000 fois par jour, soit plus de deux milliards de fois en
moyenne au cours d'une vie humaine!
Dans ce document passionnant, le professeur Jean-Pierre OLLIVIER fait la somme
de nos connaissances sur le coeur.
Derrière l'apparente « évidence » du coeur se cache une fantastique machine, un
continent encore inconnu pour la plupart des lecteurs. Qui, en dehors des
cardiologues, comprend vraiment son fonctionnement? Qui connaît ses besoins et
ses limites? Sait-on que la « mort subite » coûte des dizaines de milliers de vies chaque année et que les
maladies cardio-vasculaires restent la première cause de mortalité en France et dans les pays « riches » ?
Comme le soulignent, dans leur préface, les professeurs CABROL et GANDJBAKIWH, « le grand public est
maintenant bien averti des dangers des maladies cardio-vasculaires, mais, devant la complexité de ces
menaces et la multiplicité des moyens de les reconnaître et de les traiter, il est demandeur de notions
simples et précises tout autant que scientifiquement bien établies. »
ISBN : 978-2-35236-018-6/50-3262-8 – Format : 22x14cm – Pages : 214 – Prix : 19,95 € – Éditions Gutenberg – Collection
Gutenberg/Sciences – Contact presse : LP Conseil 01 45 62 31 20 – [email protected] ; [email protected]
246
Mise au point
INTÉRÊT D’UN NOUVEAU SYSTÈME DE CONTENTION
INTERMAXILLAIRE POUR LES TRAUMATISMES FACIAUX EN
OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
Intermaxillary fixation (IMF) Quick-Fix System®
G. THIÉRY, O. COULET, E. DEMORTIÈRE, P. BALANDRAUD, G. POULIQUEN, O. LIARD, A. PARANQUE
RÉSUMÉ
Le Service de santé des armées poursuit sa mission de
soutien des forces armées lors des nombreuses opérations
extérieures. Pour répondre au principe d’évacuation des
blessés de la face, dans des conditions optimales de
sécurité, ceux-ci doivent bénéficier d’un blocage intermaxillaire. Les auteurs décrivent un nouveau système de
blocage : l’Intermaxillary fixation (IMF) Quick-Fix
System ®. Simple, rapide et efficace, il pourrait faire
partie de la dotation des formations sanitaires de rôle 2
(antennes chirurgicales, groupements médicaux
chirurgicaux).
Mots-clés : Armée. Blocage inter-maxillaire. Évacuation
sanitaire. Intervention militaire. Traumatisé facial.
ABSTRACT
INTEREST OF A NEW INTERMAXILLARY
FIXATION’S SYSTEM FOR THE FACIAL WOUNDED
IN MILITARY OPERATIONS: L’INTERMAXILLARY FIXATION (IMF) QUICK-FIX SYSTEM®
The Arm Forces Health Service is pursuing its mission of
support during its numerous external operations. In
order to respond to the optimal principal of evacuation of
the facially wounded, they must benefit from an intermaxillary blocking system. The authors describe a new
blocking system: The IMF (Intermaxillary- Fixation)
Quick-Fix System®. Simple, fast, and efficient, it could be
part of the endowment of all surgical outposts.
Keywords: Arm Forces. Facially traumatised. Health
evacuation. Intermaxillary blocking system. Military
intervention.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 253-255)
I. INTRODUCTION.
En 2006, dans le cadre des douze Opérations extérieures
(OPEX), le Service de santé des armées a été engagé
sur dix théâtres d’opération.
Les blessures faciales comprennent des plaies et des
fractures. Celles-ci s’étendent depuis la fracture simple
isolée jusqu’au fracas facial. L’absence de chirurgiens
maxillo-faciaux en OPEX suppose l’évacuation de
ces blessés sur les formations arrières. Leur mise en
condition d’évacuation impose la stabilisation des
fractures du squelette facial. C’est le blocage intermaxillaire (1). Celui-ci fait appel aux ligatures d’Ivy, peu
stables ou au blocage sur arcs type Dautrey. Ce dernier
G. THIÉRY, médecin en chef, praticien certifié. O. COULET, médecin en chef,
praticien certifié. E. DEMORTIÈRE, médecin en chef, praticien, professeur agrégé
du SSA. P. BALANDRAUD, médecin en chef, praticien certifié. G. POULIQUEN,
médecin en chef, praticien certifié. O. LIARD, médecin en chef, praticien certifié.
A. PARANQUE, médecin en chef, praticien, professeur agrégé du SSA.
Correspondance : G. THIÉRY, service de stomatologie, chirurgie maxillo-faciale
et plastique de la face, HIA Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées.
médecine et armées, 2008, 36, 3
nécessite une certaine expérience et une certaine durée
d’exécution (environ une heure). Nos confrères affectés
en antenne (chirurgiens orthopédistes et viscéralistes)
n’ont ni ce matériel, ni la pratique d’un tel geste.
L’Intermaxillary fixation (IMF) Quick-Fix System® est
une technique de blocage, par quatre vis transgingivales.
Le but de cet article est de le décrire et de montrer sa
pertinence en OPEX.
II. DESCRIPTION DU MATÉRIEL (FIG. 1).
La boîte stérile comprend :
– un bistouri lame 15 ;
– un tournevis cruciforme ;
– un porte-aiguille à fil d’acier type Mathieu ;
– un ciseau fil d’acier type Bebee ;
– 2 forets ;
– un jeu de quatre vis spécifique à tête percée, de diamètre
2 mm, et de longueurs variables (8 et 11 mm) ;
– du fil d’acier décimal 3 et 4 ;
– des élastiques.
247
Figure 3. La vis auto-perforante.
Figure 1. Les différents instruments dans leur boîte.
III. TECHNIQUE DE MISE EN PLACE.
En dehors des polytraumatisés, nécessitant une
anesthésie générale (intubation naso-trachéale, voire
même trachéotomie), ce geste peut être réalisé sous
anesthésie locale.
L’opérateur est ganté stérilement.
La tête du patient est recouverte d’un champ troué.
La précision du geste nécessite un bon éclairage.
La muqueuse est désinfectée à la Bétadine ® solution
pour bain de bouche. Les zones de vissage sont repérées
(fig. 2) : au maxillaire, on repère la ligne verticale passant
entre l’incisive latérale et la canine, puis à partir de
directement en trans-gingival. L’os doit être percé avec
un angle d’environ 85° vers le haut pour le maxillaire
et de 85° vers le bas pour la mandibule. On s’éloigne
ainsi des apex des dents, protégeant les racines. Le
perçage ne concerne qu’une seule corticale. Le tournevis préconisé permet un bon maintien de la vis. La
profondeur du vissage se fait de telle manière que la tête
de la vis reste apparente hors de la muqueuse. Le choix de
sa longueur est fonction de l’épaisseur de l’os alvéolaire
(en général longueur de 8 mm pour la mandibule et
de 11 mm pour le maxillaire).
Les quatre vis étant en place, le blocage est assuré par le
passage du fil d’acier dans les trous des têtes de vis. Les
deux brins libres sont pris dans le porte-aiguille. Tout
en les tractant, on tourne le porte-aiguille en sens horaire,
réalisant ainsi un toron. Quand le blocage est stable,
on coupe les fils à 7 mm de longueur. Les fils peuvent
solidariser les vis soit verticalement, soit en oblique, soit
les deux (fig. 4). On recherchera si possible à réduire
en bon articulé dentaire les fractures, au vu d’un bon
engrènement dentaire clinique (fig. 5). Le patient devra
Figure 2. Repérage des sites des vis.
l’horizontale passant par le collet des dents, on reporte
vers le haut une distance égale à la hauteur de la couronne
de l’incisive latérale : à la mandibule, même repères,
vers le bas. Ce repérage limite le risque de percer les
racines. L’anesthésie locale est pratiquée à la xylocaïne®
1 % adrénaline solution injectable, pour diminuer le
saignement. L’aiguille vient buter sur l’os du maxillaire
pour les vis du haut, et la mandibule pour les vis du bas.
L’injection de 1/2 cc est réalisée en retrait.
Sans incision de la muqueuse et sans forage osseux
préalable, la vis auto-perforante (f ig. 3) est vissée
248
Figure 4. Blocage vertical ou mixte.
g. thiéry
Figure 5. IMF Quick-Fix System® en place.
être muni autour de son cou d’un ciseau coupe fil. Il
permettra de couper les fils de blocage rapidement, en
cas de vomissement, pour prévenir l’inhalation.
Particulièrement, pour les évacuations aériennes qui
comportent des contraintes (difficulté de surveillance,
exiguïté), l’utilisation des élastiques passés dans la gorge
des têtes de vis est préférable. En ouverture buccale
forcée, ces élastiques lâchent.
Le blocage doit être noté sur la fiche d’évacuation. Lors
d’évacuations multiples, le sigle Blocage intermaxillaire
(BIM) peut être tracé sur le front du blessé facial.
chaque boucle, celle du maxillaire en regard de celle de la
mandibule. Leur réalisation d’environ 20 minutes
s’effectue sous anesthésie locale. Le deuxième mode de
blocage intermaxillaire nécessite des arcs de type
Dautrey, un au maxillaire et un à la mandibule. Ces arcs
sont fixés par des fils d’acier passés autour de chaque
dent. Des crochets sur chaque arc permettent de les
solidariser par des fils d’acier. Cette contention est très
stable. Mais elle nécessite une anesthésie générale et dure
environ 45 minutes. Ces blocages intermaxillaires sont
peu coûteux mais exigent une certaine expérience.
L’IMF Quick-Fix System® a comme inconvénient son
prix élevé (coût de la boîte complète environ 1 600 € HT),
par rapport à un blocage par fil d’acier ou arcs de Dautrey.
Mais ses avantages sont nombreux :
– faible encombrement du matériel, intérêt pour les
formations sanitaires de rôle 2 (antennes chirurgicales)
et de rôle 2+ (GMC) ;
– anesthésie locale suffisante ;
– réalisation simple ne nécessitant pas de formation
préalable, pour des non spécialistes (3) ;
– en situation d’afflux, mise en place rapide, en quinze
minutes ;
– pose possible même en cas d’édentation ou de perte
dentaire traumatique ;
– absence de traumatisme gingival par les fils source de
douleurs, les fils d’acier étant à distance de la gencive ;
– dispositif pouvant être laissé longtemps, dans certains
cas jusqu’à la consolidation (quatre à six semaines) ;
– retrait sous anesthésie locale.
IV. DISCUSSION.
Avant l’évacuation stratégique du blessé, toute fracture
faciale doit être immobilisée par un blocage intermaxillaire (2). Cette stabilisation permet de diminuer les
saignements, la douleur et le risque infectieux.
Plusieurs techniques de contention sont possibles. La
plus simple est la fronde prenant la mandibule et le
crâne. Son maintient est difficile. L’immobilisation est
peu efficace. Les ligatures d’Ivy sont des boucles de fil
d’acier de décimale 2. Ces boucles sont placées entre les
deux prémolaires, soit quatre en tout. Un fil d’acier réunit
V. CONCLUSION.
La mission première du Service de santé des armées a
toujours été le soutien sanitaire des forces armées (4). En
OPEX, l’environnement technique et humain limité
impose des techniques f iables, simples, rapides et
reproductibles. L’IMF Quick-Fix System ®, véritable
« fixateur externe en chirurgie maxillo-faciale », répond
à ces critères.
Ce dispositif devrait donc faire partie de la dotation des
antennes chirurgicales du Service de santé des armées.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Coordonnateur Courbil LJ, Éditions Pradel 1996 ; 357-8.
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opérations extérieures : évolutions récentes. Médecine et
Armées 2005 ; 33 (1) : 5-12.
intérêt d’un nouveau système de contention intermaxillaire pour les traumatismes faciaux en opérations extérieures
249
VIENT DE PARAÎTRE
L’ARME NUCLÉAIRE
Bruno TERTRAIS
Pourquoi l'arme nucléaire semble-t-elle faire un « retour en force » dans les
relations-internationales ?
À quoi servent ces armes dans le monde d'aujourd'hui ?
Le risque de terrorisme nucléaire est-il réel ?
À l'heure où l'Iran et la Corée du nord mettent en danger le régime
de nonprolifération nucléaire, et au moment où le refroidissement
des relations entre les États-Unis et la Russie annoncerait, pour certains, une
« nouvelle guerre froide», cet ouvrage décrit et analyse l'ensemble des
problématiques associées à l'arme nucléaire. De la conception technique des
armes jusqu'aux débats sur ladissuasion nucléaire en passant par la composition des arsenaux, il propose
ainsi les clés essentielles pour une lecture géopolitique du nucléaire.
L’auteur : Bruno Tertrais est maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et
chercheur associé au Centre d'études des relations internationales (CERI). Il est notamment l'auteur de La
guerre sans fin (Seuil, 2004), d'un Dictionnaire des enjeux internationaux (Autrement, 2006) et de Iran: la
prochaine guerre (Le Cherche Midi, 2007).
ISBN : 978 2 13 056497 3 – Format : 11,5 x 17,5 cm – Pages : 128 – Prix : 8 € – PUF collection : que sais-je ? – Contact presse : France
Thibault – Tél. : 01 58 10 31 91 – [email protected] – www.quesais-je.com
VIENT DE PARAÎTRE
CARNETS SAHARIENS
Un toubib au Sahara Central 1956-1959
Georges CORNAND
Jeune médecin-lieutenant, l'auteur a choisi de servir pendant trois années au
Sahara Central, en pleine guerre d'Algérie de 1956 à 1959. Dans ses Carnets
Sahariens, il nous relate la chronique de sa vie quotidienne de médecin du Sud,
parallèlement aux événements les plus marquants de la guerre d'Algérie et de la
politique algérienne de la France.
Amené à réaliser l'étude historique, géographique et médicale du Tidikelt
occidental, il retrace l'histoire du peuplement de la région et de la présence
française au Sahara il décrit avec soin ce « coin de nature hostile où tout incite à l'abandon ». Outre la
pathologie courante, confronté aux problèmes d'hygiène, de malnutrition mais surtout d'atteintes
infectieuses oculaires, l'auteur expose ses recherches, ses campagnes d'enquêtes et de soins médicaux ou
chirurgicaux pour lutter contre ces fléaux sahariens. En outre, il décrit aussi les pratiques coutumières, les
superstitions et traditions religieuses lors des principaux événements de la vie, de la naissance à la mort.
Le récit est illustré de photographies personnelles représentant scènes, paysages et personnages du
Sahara Central de cette époque.
ISBN : 978 2 303 00007 9 : Format : 21x15 cm – Pages : 312 – Prix : 23€ – Éditions Thélès – 11 rue Martel 75010 Paris –
Tél. : 01 40 20 09 10 – Contact presse : Martine Cartaux : 01 40 20 98 44 – [email protected] – www.thekes.fr
250
Mise au point
MALADIE DE VERNEUIL ET CARCINOME ÉPIDERMOÏDE
L. MONTAGLIANI, O. MONNEUSE, E. TISSOT
RÉSUMÉ
ABSTRACT
VERNEUIL
DISEASE
CARCINOMA.
La Maladie de Verneuil est une maladie dermatologique,
d’expression proctologique et de traitement chirurgical.
Cette maladie est dite « orpheline » car mal connue et
peu étudiée. Les auteurs font une mise au point de la
Maladie de Verneuil et de son association à un carcinome
épidermoïde. Cette association constitue une
complication rare mais redoutable de cette maladie.
Mots-clés : Anus. Cancer. Maladie de Verneuil.
Traitement.
AND
EPIDERMOID
The Verneuil disease is a dermatological disease, with a
proctological expression and a surgical treatment. This
disease is said to be an « orphan disease » for it is not
well-known and not much studied. The authors present
an updating of the Verneuil disease and of its association
with an epidermoid carcinoma. This association is a rare
but most dangerous complication of the disease.
Keyword: Anus. Cancer. Treatment. Verneuil disease
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 257-262)
I. INTRODUCTION.
La Maladie de Verneuil ou hidradénite ou hidrosadénite
suppurative est une maladie dermatologique,
d’expression proctologique et de traitement chirurgical
(1). Dans l’évolution de cette maladie, une complication
redoutable est la survenue d’un carcinome épidermoïde.
Moins de cinquante cas de cancer ont été décrits dans
la littérature à ce jour.
Après avoir fait le rappel historique, l’épidémiologie
et l’étiopathogénie de la Maladie de Verneuil, nous
aborderons son diagnostic et son traitement à partir d’une
revue de la littérature. Les éléments actuels concernant
l’association maladie de Verneuil et cancer seront à
chaque fois précisés dans chaque chapitre.
II. RAPPEL HISTORIQUE.
Le terme « hidrosadénite » vient de « hidros » signifiant
sueur ; « adeno » signifiant glande, et « ite » signifiant
inflammation. Le terme « suppurée ou suppurative »
signifie formation de pus.
L. MONTAGLIANI, médecin principal. O. MONNEUSE, praticien hospitalouniversitaire. E. TISSOT, médecin chef des services de réserve.
Correspondance : L. MONTAGLIANI, service de chirurgie viscérale, HIA Bégin,
69 avenue de Paris, 94 160 Saint Mandé.
médecine et armées, 2008, 36, 3
C’est Velpeau qui le premier en 1839 décrivit un processus
inflammatoire particulier comportant des lésions inflammatoires avec des abcès superficiels touchant les régions
axillaires, mammaires et péri-anales. C’est à cette date
que l’hidrosadénite suppurée est décrite pour la première
fois comme une maladie ayant sa propre entité (1-3).
Aristide Verneuil de Saint-Martin (1823-1895) en fit
en 1854 une affection des glandes sudoripares et lui
donna son nom. Par la suite, la Maladie de Verneuil
concerna plutôt l’hidrosadénite dans sa localisation
périnéo-fessière et inguino-génitale (1).
Schiefferdecker, en 1912, en classant les glandes
sudoripares en deux groupes : les glandes eccrines et les
glandes apocrines, firent de la Maladie de Verneuil une
affection des glandes apocrines (2).
L’association Maladie de Verneuil, folliculite du cuir
chevelu et acné conglobata n’est pas exceptionnelle
chez un même individu. C’est ce que démontra Brunsting
en 1939 et il catalogua la maladie comme une occlusion
folliculaire (1).
Ainsi, il fut possible de supposer que l’anomalie
primaire à cet ensemble de troubles pouvait être une
hyper kératinisation du follicule à laquelle s’associerait
un processus infectieux secondaire. Ce que démontrèrent
Yu et Cook (1).
À partir de ces éléments, on peut déf inir la triade
folliculaire qui est l’association d’une Maladie de
251
Verneuil à une folliculite du cuir chevelu et une acné, la
tétrade acnéique regroupe en plus le sinus pilonidal.
C’est à Anderson et Dockerty que revient en 1958 la
première description de la survenue d’un cancer dans
l’évolution de la Maladie de Verneuil (4, 5).
III. ÉPIDÉMIOLOGIE.
La Maladie de Verneuil est une affection rare. Dans une
série de 1 255 suppurations opérées, elle n’en représentait
que 4,7 %. L’incidence réelle de la maladie est inconnue,
certains l’ont estimée à 1/300. En fait, si cette affection
fait partie des maladies dites « orphelines » c’est plutôt
parce qu’elle est mal connue et peu étudiée. Les deux
sexes sont concernés, bien que certains trouvent une
prépondérance féminine (4/1) (1). Toutes les régions qui
contiennent des glandes apocrines peuvent être touchées,
mais c’est surtout les sièges, axillaire et inguino-périnéal,
qui sont les plus atteints. Cependant, l’atteinte du
siège axillaire concernerait davantage la femme, alors
que la région ano-périnéale serait plus touchée chez
l’homme. La Maladie de Verneuil, dans les conditions
physiologiques normales, s’observe après la puberté
lorsqu’il y a élévation de la sécrétion androgénique (1, 3).
Le pic d’apparition de la maladie se situe entre 11 ans
et 30 ans (3). Mais il existe d’exceptionnelles formes
prépubertaires. Ainsi, elle peut survenir dès l’âge de 6 ans
mais il est rare de la voir se manifester après 60 ans.
Les Africains et les Européens développeraient
davantage cette pathologie, l’explication tiendrait au fait
que les anthropologues déclarent que ces populations ont
la plus haute concentration de glandes sudoripares
apocrines et que celles-ci sont plus actives que dans tout
autre groupe (5). L’utilisation de cosmétiques tel que des
antitranspirants et l’index de masse corporelle ne sont pas
des facteurs déterminants, mais, un manque d’hygiène,
l’obésité peuvent exacerber la sévérité de l’hidrosadénite
suppurée. Quant aux contraceptifs oraux, leur rôle est
incertain (1). Cependant, parmi les facteurs favorisant, le
lithium (6) et le tabac sont retrouvés. Plus de 70 % des
malades atteints seraient dépendants à la nicotine.
Une des complications rare et redoutable de la Maladie
de Verneuil est la survenue d’un cancer (2, 7-11).
L’incidence est estimée de 1,7 % à 3,2 %. Le cancer se
développe toujours en région périnéale, cette zone étant
souvent négligée ce qui conditionne un délai pour le
diagnostic et pour le traitement (5, 10). L’âge moyen de
survenue est de 47 ans avec des extrêmes de 28 ans à 67
ans (3). L’homme est touché de façon prépondérante (3/4)
(3). Seulement cinq cas ont été décrits chez la femme
(5, 12). Il est nécessaire d’avoir une longue période
d’évolution de la Maladie de Verneuil pour avoir un
cancer, en moyenne 16 ans avec des extrêmes de survenue
allant de 3 ans jusqu’à 40 ans après l’apparition d’une
hidrosadénite suppurée (3, 4). L’association cancer et
triade acnéique a été rapportée dans 30 cas (7).
252
IV. ÉTIOPATHOGÉNIE.
L’étiopathogénie reste encore incertaine et relève de
multiples facteurs. Deux théories essentiellement
s’opposent concernant les causes de l’hidrosadénite
suppurée :
– la théorie des glandes apocrines selon laquelle
les glandes sudoripares apocrines seraient bloquées ou
obstruées et s’enflammeraient (1) ;
– la théorie de l’occlusion folliculaire selon laquelle
les follicules pileux seraient bloqués ou obstrués et
s’enflammeraient (1).
En fait, la théorie de mise en cause de la glande apocrine a
été émise car la localisation des lésions ne s’observait que
dans le territoire de ces glandes. Mais la seule maladie
connue où il existe une oblitération isolée du canal
apocrine est la maladie de Fox Fordyce qui ne se présente
pas comme la Maladie de Verneuil (3).
Yu et Cook ont montré que l’obstruction existe bien
mais qu’elle se trouve en amont au niveau du follicule
pileux (1).
Cette hypothèse a été confirmée par Attanox et al. qui
montrèrent que l’occlusion des follicules par de la
kératine était l’étape initiale de la maladie suivie
d’une inflammation folliculaire et d’une obstruction
secondaire des annexes (1). L’association possible à la
Maladie de Dowling-Degos (qui associe des lésions
pigmentées des plis à une pathologie folliculaire
(acné, comédons)), peut démontrer aussi la nature
folliculaire de la Maladie de Verneuil, à moins que ce ne
soit une association fortuite (3, 10).
Précisons le rôle éventuel des androgènes car la Maladie
de Verneuil est une maladie de la post-puberté. Il y a
aggravation des lésions lors des règles et du post-partum
et une amélioration pendant la grossesse. De plus, la
Maladie de Verneuil n’existe pas chez l’eunuque. Il a été
montré que les androgènes facilitent la production de
kératine. En fait, il est probable que chez les sujets
porteurs de Maladie de Verneuil, il existe une sensibilité
anormale de la glande apocrine aux androgènes. Mais
la relation androgène-Maladie de Verneuil n’est pas
éclaircie car le traitement antiandrogénique de la
maladie de Verneuil chez la femme n’a des effets que
suspensifs et bien inconstants.
Sur le plan génétique, Fitzsimons et al. ont émis
l’hypothèse d’une transmission autosomique
dominante ; Khonig et al. celle d’une hérédité de
type polygénique et Van der Werth la possibilité d’une
hérédité autosomique dominante associée à une
pénétrance variable (ce qui signifie que la maladie n’est
pas systématiquement transmise à toutes les générations
et qu’il existe d’autres facteurs) et à une éventuelle
influence hormonale sur l’expressivité du gène (1).
La Maladie de Verneuil est suppurative mais l’infection
n’est que secondaire. Il s’agit d’une colonisation
bactérienne des glandes et de leur contenu d’où l’incapacité pour les antibiotiques à traiter la Maladie de Verneuil
sur le fond. D’ailleurs, seulement 50 % des cultures
l. montagliani
chez les patients porteurs de la Maladie de Verneuil
reviennent positives et l’hypothèse d’un rôle causal
de staphylocoque milleri n’a pas été confirmée (1, 3).
Il existe un rôle favorisant du tabac, la Maladie de
Verneuil est plus fréquente chez le fumeur car la nicotine
stimule la sécrétion des glandes exocrines.
Il y a une même origine embryologique entre le poil,
la glande sébacée et la glande apocrine (fig. 1).
Figure 1. Embryologie des éléments cutanés.
Ainsi, il est possible d’émettre une théorie uniciste
qui permet de regrouper Maladie de Verneuil, acné
et folliculite dans une seule affection d’expression
différente, l’anomalie initiale se situant au niveau du
bourgeon épithélial primaire. La Maladie de Verneuil ne
serait qu’une expression particulière et limitée d’une
anomalie du bourgeon épithélial primaire (1, 3).
En conclusion :
– la Maladie de Verneuil n’est pas une maladie
infectieuse, elle n’est pas liée à une obstruction du canal
excréteur de la glande apocrine, elle n’est pas une
variété d’acné, elle est androgéno-dépendante et
génétiquement transmissible. Elle ne serait peut-être
qu’un mode d’expression d’une anomalie du bourgeon
épithélial primaire ;
– la dégénérescence sous forme de cancer épidermoïde
est liée à un facteur irritatif et non à la Maladie de Verneuil
elle-même. Ainsi, l’irritation chronique en est la cause et
le type épidermoïde s’explique par la chronicité du
processus inflammatoire.
V. DIAGNOSTIC.
A) TABLEAU CLINIQUE.
Au stade initial de la maladie, le diagnostic peut ne pas
être évident. La lésion initiale est un nodule dermohypodermique arrondi, dur, peu sensible, mesurant de 5 à
15 mm, plus ou moins inflammatoire, enchâssé dans
le derme et mobile sur les plans profonds. Cette lésion
peut être unique ou multiple, confluant alors en placard
bosselé. Elle peut régresser spontanément, mais le
plus souvent elle va fistuliser à la peau laissant s’écouler
un liquide séro-purulent. Il est impossible de vider
complètement ce nodule induré et violacé (1, 3).
Puis, survient la phase d’état et c’est à ce stade que l’on
peut dire que la clinique suffit au diagnostic de Maladie
maladie de verneuil et carcinome épidermoïde
de Verneuil. En effet, cette lésion élémentaire va être
l’objet de phénomènes suppuratifs secondaires avec
phases de résorption et phases cicatricielles. On aura
donc affaire à la coexistence de lésions d’âges différents à
caractère récidivant avec formation de cicatrices
chéloïdes rétractiles dont l’aspect en patte de crabe est
quasi pathognomonique (1, 3).
La localisation périnéo-fessière isolée ne se rencontre
que dans 20 % des cas. Elle est le plus souvent associée à
d’autres localisations. Le siège inguino-scroto-pubien est
retrouvé dans 90 % des cas, la région axillaire dans 26 %
des cas, la nuque dans 16 % des cas, la région rétroauriculaire dans 6 % des cas, enfin le mamelon dans 4 %
des cas (3). C’est pourquoi le constat de lésions typiques,
dans des localisations typiques avec une évolution
récidivante pose le diagnostic de Maladie de Verneuil.
Différents critères ont été retenus pour étayer le
diagnostic : ainsi, des abcès récidivants depuis plus de
six mois dans des zones de glandes apocrines, survenus
après la puberté, ne répondant pas aux antibiotiques,
ayant tendance à récidiver, s’associant à un terrain
acnéique et/ou folliculaire personnel ou familial avec
recrudescence en période prémenstruelle, plaident en
faveur de la Maladie de Verneuil (1).
L’évolution se fait pendant plusieurs années avec
formation de trajets fistuleux restant dans le tissu sous
cutané. En absence de traitement curatif, la récidive est la
règle, les lésions s’aggravent avec des poussées
successives dans un tableau de suppuration périnéale
extensive à multiples galeries communiquant entre elles et
réalisant un véritable clapier purulent sous cutané, avec
une extension progressive de la superficie vers la région
rétrosacrée, les creux inguinaux et le scrotum ou la région
vulvaire. Il faut cependant noter l’absence de communication avec le canal anal sauf chez les malades déjà opérés où
une telle communication est de nature iatrogène.
B) EXAMENS COMPLÉMENTAIRES.
Aucun examen complémentaire n’apporte d’argument
spécifique au diagnostic de Maladie de Verneuil (1).
1. Examen bactériologique.
Il n’a pas d’intérêt en pratique quotidienne. De
multiples germes ont été retrouvés staphylococcus
aureus, staphylococcus épidermidis et streptococcus
milleri sont présents dans 50 % des cas (11), sans
qu’aucun ne soit spécifique de la maladie (1, 3).
Cependant, certains auteurs ont souligné qu’une
infection à staphylocoque doré et aux anaérobies étaient
des éléments importants pour l’extension de la maladie (6).
2. Examen histologique.
Il n’est pas spécifique et doit être confronté au tableau
clinique pour étayer le diagnostic. L’appareil apocrine
est normal dans 40 % des cas. L’aspect « classique »,
correspondant à des lésions très précoces, où la glande
apocrine est dilatée et prend un aspect pseudo-kystique
est de constatation rare. La péri-folliculite aboutissant
253
à l’abcédation et la destruction des structures
pilosébacées est la conséquence d’une occlusion
folliculaire par de la kératine (1).
C) DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL.
Il se fait entre le furoncle, l’anthrax et le kyste sébacé qui
sont en règle de diagnostic aisé. Mais il est essentiel de
distinguer la Maladie de Verneuil avec une fistule anale
ou un sinus pilonidal (qui d’ailleurs peuvent coexister).
La Maladie de Crohn avec son caractère pluriorificiel
extensif et récidivant analogue peut également être
confondue.
Les autres suppurations chroniques plus rares
représentées essentiellement par la tuberculose
concluront ce chapitre.
D) FORMES CLINIQUES.
1. Formes associées à d’autres maladies cutanées.
Formes associées à d’autres maladies cutanées :
– Maladie de Verneuil et acné conglobata (association
retrouvée dans 70 % des cas dans certaines séries) (1) ;
– Maladie de Verneuil et acné conglobata et lésion du
cuir chevelu : c’est la triade acnéique.
– Maladie de Verneuil et acné conglobata et lésion du
cuir chevelu et sinus pilonidal : c’est la tétrade acnéique ;
– Maladie de Verneuil et maladie de Dowling Degos qui
est exceptionnelle (6).
2. Formes compliquées.
Ce sont toutes les lésions extensives et très étendues dont
l’impact sur la qualité de vie est évident.
Anémie et amylose sont le fait de lésions majeures
et négligées.
3. Formes associant la Maladie de Verneuil et cancer
(1, 2, 4, 5, 7-10).
Décrite pour la première fois en 1958, cette complication
survient après une longue évolution de la maladie,
en moyenne vingt ans (3 ans à 40 ans). C’est une
complication exceptionnelle dont moins de cinquante cas
sont actuellement décrits dans la littérature, mais d’une
très grande gravité. L’âge moyen de survenue est
quarante-sept ans (28 ans à 67 ans) et dans 75 % des cas,
l’homme est touché. Cette transformation néoplasique
concernerait 3,2 % des patients atteints de Maladie de
Verneuil. Le territoire de survenue est le périnée, zone le
plus souvent négligée conduisant à un retard de
diagnostic. Le type histologique est un carcinome
épidermoïde. Notons qu’il n’est pas ici question de
dégénérescence apocrine qui réaliserait un adénocarcinome glandulaire. Ainsi, l’irritation chronique qui en
est la cause explique le type histologique. Le diagnostic
n’est pas facile et doit nécessiter la réalisation de biopsies
profondes et répétées. Les carcinomes épidermoïdes
qui se produisent sur des ulcères chroniques ou sur
une peau inflammatoire sont plus agressifs que s’ils
se produisent de novo, ont une croissance rapide et
254
donnent des métastases précoces. Ainsi, une fois que le
développement néoplasique a débuté, la lésion grandit de
manière très agressive et peut métastaser. La lésion
cancéreuse peut se présenter comme une masse plus ou
moins ulcérée, une tumeur exophytique. En conclusion,
toute apparition de nouvelle lésion cutanée chez un
patient ayant une Maladie de Verneuil évoluant depuis de
nombreuses années doit faire réaliser impérativement des
biopsies répétées et profondes notamment en de multiples
sites (ceci étant dû au risque de tumeur multifocale).
4. Formes associant la Maladie de Verneuil à la
maladie de Crohn ou à une arthropathie (1).
La première description clinique d’une association entre
une Maladie de Verneuil et une arthropathie a été faite
en 1982 et constitue une Maladie de Verneuil avec des
manifestations rhumatologiques.
La première description clinique d’une association entre
la Maladie de Verneuil et la maladie de Crohn a été faite en
1991, la question se pose d’une prédisposition génétique
commune. En tout cas, il n’y a pas de différences dans
l’évolution de la Maladie de Verneuil qu’elle soit ou non
associée à une maladie de Crohn.
VI. TRAITEMENT.
Seul l’exérèse totale des lésions permet de guérir le
patient. Cependant, l’apparition de nouvelles localisations en périphérie est toujours possible. Ainsi, seul le
traitement chirurgical est efficace.
A) MOYENS MÉDICAUX (1).
Les moyens médicaux :
– le tabac étant un facteur favorisant comme nous l’avons
vu, il est donc logique de proposer son arrêt ;
– les antibiotiques : ils permettent de lutter contre une
éventuelle surinfection et ils avaient été proposés pour
éradiquer un éventuel germe responsable. Seulement, la
surinfection des lésions est peu fréquente (moins de 50 %)
et il n’a pas été trouvé de germe spécifique.
Un essai clinique aurait montré l’eff icacité de la
clindamycine en application locale mais pour la plupart
des équipes les antibiotiques n’ont aucun effet sur
l’évolution à long terme ;
– les dérivés de l’acide rétinoïque : dans la Maladie de
Verneuil, il n’y a pas d’hyperséborrhée contrairement à la
situation rencontrée dans l’acné. C’est pourquoi, les
dérivés de la vitamine A n’ont pas fait la preuve de leur
efficacité. De plus ces substances occasionnent une
morbidité avec un risque tératogène élevé ce qui freine
leur utilisation ;
– le traitement hormonal : dans la Maladie de Verneuil,
on constate une hyperandrogénie. En fait, les antiandrogènes qui ne sont utilisables que chez la femme
ne donnent qu’un résultat modeste.
– les immunosuppresseurs : il y a peu d’étude dans la
littérature, mais ils n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
En 1989, Harley a proposé un traitement standardisé
de l’hidrosadénite suppurée avec un staging clinic
l. montagliani
préliminaire de la maladie indispensable au traitement.
En cas de stade 1 (abcès simples sans fistule), il propose
un traitement antibiotique local et systémique associé à
des corticoïdes locaux et systémiques en addition avec
l’isotretinoïde en systémique (4).
Ainsi, le traitement médical est très limité et peut être
utile dans les formes vues au tout début (utilisation
d’antibiotiques plus pour stopper une poussée que
pour guérir une suppuration).
B) MOYENS CHIRURGICAUX.
Devant une évolution chronique avec poussée
inflammatoire, une tendance extensive des lésions,
l’inconfort secondaire de la douleur, le suintement,
l’odeur, le préjudice esthétique, on comprend que le
patient demande un traitement efficace.
Le traitement chirurgical assure la guérison de la maladie
en prenant soin d’éviter une immobilisation ainsi que des
séquelles locales trop importantes. Il faut donc proposer
un geste garantissant un taux de récidive bas avec une
durée de cicatrisation raisonnable au résultat fonctionnel
et esthétique acceptable.
1. Simple drainage.
Il est ineff icace car il y a récidive dans le même
territoire de façon inéluctable.
2. Excision.
L’excision incomplète ne donne qu’un répit fugace
au malade.
L’ablation complète des tissus malades nécessite
parfois un sacrif ice cutané important, quelquefois
impressionnant. Il sera alors nécessaire de segmenter
les temps opératoires en cas de lésions trop étendues.
Après l’exérèse, la plaie est laissée ouverte avec des soins
locaux à effectuer. La cicatrisation dirigée est obtenue en
six à dix-sept semaines en moyenne avec des extrêmes
pouvant aller jusqu’à un an (1). Éventuellement, il est
possible de recouvrir la plaie par des gestes de chirurgie
plastique comprenant la réalisation de greffe de peau ou
de lambeaux (qui peuvent être rendu difficile de part le
siège de la lésion). Ce traitement donne un bon résultat
dans plus de 95 % des cas pour le territoire traité mais la
récidive est toujours possible dans une autre région.
D’autres équipes ont proposé un geste plus limité au
plus près de la lésion associée à l’utilisation de laser co2
(dans deux séries, il y aurait moins de 4 % de récidive à
2 ans) (1).
Pour d’autres, il faut réaliser une excision large
et profonde des lésions après injection de bleu de
méthylène, pour repérer d’éventuelles fusées, en
laissant une marge de sécurité d’un centimètre (cette
technique donnerait un taux de récidive inférieur à 4 %
à cinq ans dans deux grandes séries) (1).
Le risque de récidive est plus important après un
geste limité qu’après un geste large.
maladie de verneuil et carcinome épidermoïde
Devant le caractère récidivant de la pathologie, il y a
souvent des interventions chirurgicales itératives
occasionnant un handicap certain pour le patient.
Le risque de récidive est bas pour les localisations
péri-anales et élevé pour les localisations inguinogénitales ou mammaires.
La colostomie de protection est le plus souvent inutile
(la communication au niveau du canal anal ou du
rectum étant toujours iatrogène chez un malade
multi-opéré), mais pour des tumeurs s’étendant au canal
anal, la protectomie est bien sûr nécessaire (2, 5, 10).
Dans tous les cas, l’examen histologique des lésions
enlevées est bien sûr indispensable pour ne pas
méconnaître une dégénérescence maligne.
3. En cas de transformation maligne.
Cela signe une longue évolution de la Maladie de
Verneuil. Cette transformation maligne aurait dû être
prévenue par une excision large des lésions avec à chaque
fois des biopsies multiples, étendues à des sites différents
car la tumeur est multifocale.
Au stade de cancer, le geste va de l’excision locale
à la résection abdomino-périnéale (2).
À ce stade, la survie est de 1/3 sans récurrence à un an.
En cas de récurrence, la moitié des patients meurt avec
des métastases (2, 5).
En tout cas, même dans les cas avancés, la chirurgie est
à réaliser en respectant une bonne marge de résection
et en pensant à bien orienter la pièce pour une
éventuelle reprise.
C) ALTERNATIVES THÉRAPEUTIQUES EN
CAS DE CANCER (10).
Elles ne sont que palliatives.
La radiothérapie en complément de la chirurgie a été
proposée. Mais utilisée seule, elle est inefficace car le
volume est bien souvent trop gros et la lésion trop
étendue.
La chimiothérapie occasionne une grosse morbidité
avec une relative chimiorésistance des lésions.
L’association radio-chimiothérapie exclusive (palliatif)
a été proposée à des patients refusant toute intervention
car jugée trop délabrante. Cette association occasionne
une survie très précaire.
VII. CONCLUSION.
La Maladie de Verneuil est une maladie dite orpheline
car mal connue, souvent non diagnostiquée, avec peu
de publications dans la littérature. Pourtant c’est une
maladie très invalidante, pouvant entraîner un handicap
réel pour le patient : chirurgie itérative habituellement
nécessaire, avec un impact social et familial chez
des patients souvent dépressifs. L’évolution possible de
la Maladie de Verneuil vers un cancer au pronostic
désastreux en fait une pathologie redoutable.
255
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Soudan D, Puy-Montbrun T, Pigot F. Dossier thématique: la Maladie
de Verneuil. Le courrier de colo-proctologie. Mars 2001; 2 : 3-19.
2. Perez-Diaz D, Calvo-Serrano M, Martinez-Hijosa E, FuenmayorValera L, Munoz-Jimenez F, Turegano-Fuentes F et al. Squamous
cell carcinoma complicating perianal hidradenitis suppurativa. Int
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3. Puy-Montbrun T, Ganansia R, Denis J. Maladie de Verneuil périanale. Masson. Proctologie Pratique. 4e édition : 80-4.
4. Altunay IK, Gokdemir G, Kurt A, Kayaoglu S. Hidradenitis
suppurativa and squamous cell carcinoma. Dermatol Surg 2002 ;
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5. Mendonca H, Rebelo C, Fernandes A, Lino A, Garcia e Silva L.
Squamous cell carcinoma arising in hidradenitis suppurativa. J
Dermatol Surg Oncol 1991 ; 17 : 830-2.
6. Li M, Hunt MJ, Commens CA. Hidradenitis suppurativa, Dowling
Degos disease and perianal squamous cell carcinoma. Australas
J Dermatol 1997 ; 38 (4) : 209-11.
7. Dufresne RG Jr, Ratz JL, Bergfeld WF, Roenigk RK. Squamous
8.
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Shukla VK, Hughes LE. A case of squamous cell carcinoma
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Talmant JC, Bruant-Rodier C, Nunziata AC, Rodier JF, Wilk A.
Dégénérescence de Maladie de Verneuil en carcinome
épidermoïde : à propos de deux cas et revue de la littérature.
Annales de chirurgie plastique esthétique 51 (2006) : 82-6.
Manolitsas T, Biankin S, Jaworski R, Wain G. Vulval squamous
cell carcinoma arising in chronic hidradenitis suppurativa. Gynecol
Oncol 1999 ; 75 : 285-8.
VIENT DE PARAÎTRE
ASSOCIATION DES AMIS DU MUSÉE
DU SERVICE DE SANTÉ AU VAL-DE-GRÂCE
Prix d'histoire de la Médecine aux armées
PRIX 2008
Un prix du meilleur travail portant sur l'histoire du Service de santé - d'un montant de 800 € sera
décerné en 2008.
Il est ouvert à tous, civils et militaires (membres du conseil d'administration de l'Association exclus).
Il récompensera un travail consacré à l'histoire du Service de santé des armées, dans toutes ses
composantes (personnels, médecine pharmacie, art vétérinaire, administration, logistique etc.)
Le concours reste exclusivement réservé aux travaux écrits, thèses, mémoires, romans, essais, etc…
publiés au cours des années 2007 et 2008.
La lettre de demande de participation et les travaux, en quatre exemplaires devront être adressés avant
le 15 décembre 2008 à :
M. le MGI (2s) Bazot,
président de l'Association des Amis du musée du Service de santé au Val-de-Grâce
Prix d'histoire de la Médecine aux armées
1, place Alphonse Laveran, 75005 Paris
256
l. montagliani
Mise au point
ATLAS DE GÉNÉTIQUE ET DE CYTOGÉNÉTIQUE
ONCOLOGIQUE SUR INTERNET
F. DÉSANGLES, Ph. CAMPARO, É. NICAND, J.-L. HURET
RÉSUMÉ
« Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and
Haematology » est un site scientifique expertisé sur
Internet : http ://AtlasGeneticsOncology. org. Il est
devenu en moins de dix ans un ouvrage de référence en
génétique oncologique. Environ 3 000 machines s’y
connectent quotidiennement. Le concept est original : une
équipe rédactionnelle réduite organise et met en ligne un
travail collectif ; à ce jour environ 500 scientifiques du
monde entier ont participé à sa rédaction. L’Atlas
remplit plusieurs fonctions. C’est d’abord une base de
données qui comporte des informations scientifiques :
répertoires d’oncogènes, d’anomalies chromosomiques ;
mais aussi cliniques : descriptions de pathologies avec des
rubriques de diagnostics et de pronostics. On y trouve
également des monographies originales, des descriptions
de « cas clinique » de pathologies rares, un portail intégré
ouvre le site vers les informations de génétique et
d’oncologie consultables sur Internet. La dernière partie
est didactique avec des items d’enseignement pour les
universitaires. L’Atlas est donc une encyclopédie
collaborative d’onco-génétique d’accès libre qui propose
une présentation expertisée et hiérarchisée des données
accompagnées d’une iconographie intégrée au texte.
C’est un outil de télémédecine, qui aide, par ses métaanalyses médicales, à la décision thérapeutique.
Mots-clés : Base de données. Chromosomes humains.
Gènes. Internet. Oncologie.
I. INTRODUCTION.
Le cancer est la seconde cause de mortalité en France
(27 % des décès) et la première cause de mortalité
prématurée avec plus de 35 % des décès avant 65 ans,
on observe une augmentation de + 63 % des cas recensés
en 20 ans (1-3) ; son traitement est un enjeu majeur
de santé publique. À l’origine de ces maladies, des
anomalies génétiques acquises perturbent le
métabolisme cellulaire. Près de 300 oncogènes ont déjà
été décrits mais essentiellement dans les hémopathies
malignes qui ne représentent que 10 % des cancers (4)
F. DÉSANGLES, ingénieur. Ph. CAMPARO, médecin en chef. É. NICAND,
médecin en chef. J.-L. HURET, MCU-PH.
Correspondance : F. DÉSANGLES, laboratoire de biologie, HIA du Val-de-Grâce,
BP 1, 00446 Armées.
médecine et armées, 2008, 36, 3
ABSTRACT
ATLAS OF GENETICS AND CYTOGENETICS IN
ONCOLOGY ON INTERNET.
« Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and
Haematology » is a appraised scientific web database:
http ://AtlasGeneticsOncology. org. In last ten years it
had became a reference work in oncological genetics.
Approximately 3 000 computers are connected to it daily.
Its concept is original: a limited editorial team organizes
and puts on line a collaborative enterprise ; in the present
day, nearly 500 scientists of the whole world have
contributed to it. Atlas fulfills several functions, its main
part is a scientific database about genetics in leukemia
and solid tumors with diagnosis and prognostics items. It
is a tool for telemedicine, whose helps therapeutic
decision-making. It also includes several sections: “deep
insights” with classical review articles, “case reports”,
and a portal towards genetic and oncology web sites.
Finally, there are educational headings for university
students. The Atlas is thus an illustrated collaborative
encyclopedia on onco-genetics on free access, which
proposes a peer-reviewed, and hierarchical presentation
data.
Keyswords: Data base. Genes. Human chromosomes.
Internet. Oncology.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 263-266)
ce qui laisse le champ d’investigation encore largement
ouvert. Le pronostic de ces maladies et certains traitements dépendent des gènes touchés et des anomalies
chromosomiques que l’on peut alors observer (5). Les
marqueurs cytogénétiques renseignent également sur le
caractère induit par des agents tératogènes de certaines
hémopathies malignes (6).
Répertorier les progrès incessants des connaissances en
ce domaine, interpréter et hiérarchiser les informations
issues de dizaines de revues médicales et scientifiques,
constitue une gageur pour les généticiens et les
oncologues. Ce patrimoine de connaissances doit être mis
au service de tous les praticiens par ceux qui détiennent
des informations spécif iques dans leur domaine de
recherche. La maîtrise d’un tel volume d’informations
nécessite un travail qui n’est envisageable que par les
257
outils informatiques du Web. « Atlas of Genetics
and Cytogenetics in Oncology and Haematology » (7, 8)
est un effort collectif des scientif iques experts,
coordonné par une équipe responsable qui a pu
permettre la création et la pérennité depuis dix ans
d’une encyclopédie évolutive, interactive et gratuite,
disponible en ligne sur Internet.
II. PRÉSENTATION DE L’ATLAS.
A) QU’EST CE QUE L’ATLAS ?
L’Atlas de génétique et de cytogénétique en oncologie
et en hématologie est un site scientif ique expertisé
sur Internet http ://AtlasGeneticsOncology. org
Il est organisé selon cinq chapitres : une base de données ;
une collection de monographies originales ; un espace
réservé à la description de cas cliniques ; un portail web
ouvrant sur la génétique oncologique et une série
d’articles didactiques.
Le choix éditorial de l’Atlas est original, sa formule
hybride allie, l’expertise des articles dit de « revue
générale » des journaux scientifiques, à la lisibilité et
à la gratuité des grandes bases de données proposées
en ligne sur Internet. Cette présentation s’est avérée
très pertinente. La fréquence des consultations de ce site
en est la preuve.
L’Atlas est donc une encyclopédie qui propose une
présentation critique et hiérarchisée des données accompagnées d’une iconographie intégrée au texte. Par son
portail, l’ouvrage est ouvert sur toutes les informations de
génétique oncologique consultables sur Internet.
B) ORGANISATION RÉDACTIONNELLE
DE L’ATLAS.
L’équipe éditoriale est réduite, elle comprend un
rédacteur en chef et un bio-informaticien à temps
partiels, ainsi qu’un rédacteur à temps plein. Il lui est
associé un comité éditorial qui regroupe près de
40 personnes : 28 chercheurs européens, dont 7 Français,
7 nord-Américains et 1 Chinois. Le rédacteur en chef tient
à jour la liste des fiches de la base de données qui sont
à rédiger ou à actualiser, ainsi que le répertoire des
auteurs pressentis. Les membres du comité de rédaction
le soutiennent dans cette tâche, ils sont chacun en charge
d’une section particulière, en rapport avec leur thème
de recherche personnel. À ce jour, plus de 500 auteurs
ont proposé leurs contributions individuelles qui
représentent à la fois la spécificité et le cœur de l’Atlas.
Leurs interventions peuvent être suscitées mais aussi
spontanées, la page d’ouverture du site fait une large
place à l’appel à contribution (f ig. 1). Comme les
membres du comité éditorial, l’implication des auteurs
se fait à titre entièrement bénévole. Ils restent ainsi
dans l’esprit libertaire et désintéressé des échanges
scientif iques via Internet et retrouvent la tradition
encyclopédiste d’une information scientifique de haut
niveau classée, commentée et illustrée dans une forme
accessible à tous.
258
Figure 1. Page d’accueil de l’Atlas sur le site http ://Atlas
GeneticsOncology. org
Une caution scientif ique est apportée par diverses
sociétés savantes de génétique et d’oncologie et des
associations de chercheurs français. Les institutions
publiques soutiennent également cette initiative
indépendante : le ministère des Affaires Sociales, le
ministère de la Recherche, la Ligue contre le Cancer,
le district de Poitiers, le département de la Vienne,
l’université de Poitiers. Le Service de santé des armées
a inscrit l’Atlas comme « Projet de Recherche
Clinique » pour le laboratoire de génétique oncologique
du Val-de-Grâce 2001-2002. Le Cancéropôle grand
Ouest (Institut national du Cancer) a retenu l’Atlas
comme projet de recherche 2006-2007. Le Centre
national de la recherche scientifique (CNRS) héberge
l’Atlas est actuellement hébergé sur Internet via le site
d’information scientifique et technique (INIST) en ligne.
III. SITE EN LIGNE.
L’Atlas est devenu en dix ans un site Internet scientifique important, une impression papier ferait environ
12 000 pages.
A) LE SITE S’ORGANISE EN CINQ CHAPITRES.
1. « Data base ».
Une banque de données consultable à partir de rubriques
portant sur les gènes, les anomalies chromosomiques,
les hémopathies, les tumeurs solides, et pathologies
congénitales prédisposant au cancer. Le plan des fiches
est imposé afin de procurer une certaine homogénéité
à l’ensemble malgré la diversité des auteurs et la
quantité d’informations très variable selon les sujets.
Par exemple, une f iche décrivant une pathologie de
type « tumeur solide » (f ig. 2) doit contenir les
paragraphes suivants :
f. désangles
4. « Educational Items ».
Des articles didactiques s’adressant aux non-spécialistes ou aux étudiants en génétique de 2 e et 3 e cycles
universitaires. Ils peuvent servir de base de cours pour les
enseignants. Ils sont proposés en cinq langues dans
des versions révisées par des scientifiques européens.
Figure 2. Exemple de fiche de la base de données, section « tumeur solide ».
Partie supérieure de la fiche « Hereditary multiple exostose ».
– 1 : identité ;
– 2 : classification ;
– 3 : clinique et pathologie ;
– 4 : anatomophathologie ;
– 5 : génétique ;
– 6 : cytogénétique ;
– 7 : gènes impliqués et protéines ;
– 8 : liens vers les autres bases de données consultables
sur Internet ;
– 9 : bibliographie où chaque référence est présentée
avec son index PubMed.
Chaque fiche est signée, datée, les lecteurs sont invités
à proposer leurs remarques critiques au rédacteur en
chef dont l’adresse e-mail est présentée sous forme de
lien en bas de chaque f iche. Ces informations sont
collectées en vue d’une révision ou d’une refonte totale
de la fiche qui sera proposée en priorité au rédacteur de
la première version.
La puissance de l’Atlas réside dans le réseau de liens,
aussi bien internes qu’externes, que la conception de
la base de données a permis. L’association de cette
structure à un système très ouvert de suggestions et de
collaborations permet d’assurer les caractères évolutifs
et interactifs de cet ouvrage.
2. « Portal ».
Un portail Internet d’environ 275 liens qui donnent
accès à toute l’information disponible en génétique et
en oncologie via les sites de bibliographie, de données
générales mais aussi de cartographie du génome
humain, (séquences d’acides nucléiques, séquences
de protéines, répertoires des mutations pathologiques)
et de génétique comparative. Les adresses en ligne des
revues spécialisées et des sociétés scientifiques sont
également colligées.
3. « Deep Insights ».
Des monographies originales rédigées par des
spécialistes reconnus experts dans leur domaine et qui
portent sur des thèmes ayant fait l’objet récemment
de débats ou d’avancée particulière.
atlas de génétique et de cytogénétique oncologique sur internet
5. « Case report ».
Une rubrique où les cliniciens oncologiques et
cyto-généticiens peuvent présenter les cas
remarquables auxquels ils ont été confrontés. Ce type de
publications est négligé par la presse médicale
scientifique, au profit de grandes séries homogènes ou
de recherches plus fondamentales. Pour les pathologies
liées à des anomalies cytogénétiques rares, la description
de la maladie est considérée comme dépassée au profit de
la recherche du gène. Il est pourtant utile de savoir à
quelle entité clinique peut être associée une anomalie
chromosomique et quelle valeur pronostique il est
possible de lui prêter. La somme de ces cas isolés doit
permettre la description d’entités rares, l’Atlas participe
ainsi à l’épidémiologie des cancers.
B) FONCTIONS.
L’Atlas est un outil de connaissances pour l’enseignement, la recherche médicale clinique mais
aussi scientif ique. Il contribue à l’enseignement
post-universitaire interactif, en participant notamment
à l’université médicale virtuelle francophone et à la
formation permanente. C’est un outil d’enseignement
universitaire par ses items didactiques. Il a également
un rôle de « télémédecine » grâce à l’aide qu’il
apporte à la décision thérapeutique par ses rubriques
dédiées à l’aspect clinique des pathologies tumorales.
Sa banque de données est en effet la seule en génétique
à proposer des indications cliniques, en particulier
pronostiques, même pour des entités très rares.
Il contribue à l’émergence de la « méta-médecine »,
médiation de plus en plus nécessaire entre d’une
part, les informations scientif iques toujours plus
nombreuses et d’autre part, les connaissances plus
synthétiques et plus pratiques, indispensables
aux décisions thérapeutiques des praticiens. Il est
partie-prenante du « Genome Project » en décrivant
les pathologies chromosomiques acquises et les
oncogènes. Par ses revues consacrées à une pathologie
ou les « cas cliniques » qu’il rapporte, il participe
aux recherches en épidémiologie des cancers. La
bio-informatique a également un rôle à jouer dans le
développement des thérapies spécifiquement ciblées
sur un oncogène, en permettant des liens entre des bases
de données cliniques et de recherches fondamentales.
C) IMPACT.
L’Atlas est aujourd’hui universellement reconnu. Il a
le soutien de la Société française du Cancer, de la
259
Société française d’Hématologie et des Sociétés
françaises de Génétique et de Génétique Humaine,
mais il est également référencé par l’OMS, le « National
Cancer Institute USA », le « Human Genome Project »,
les sites des universités et des hôpitaux universitaires
du monde entier dont plus de 50 aux USA, les grandes
sociétés savantes à travers le monde. Il est indexé
par les Current Contents, c’est-à-dire considéré comme
une revue scientifique de niveau international et à ce
titre ses articles sont cités en référence dans les
journaux les plus prestigieux comme PNAS, Blood,
Genetics Chromosome and Cancer, etc. qui lui ont
même consacré des articles ou des éditoriaux (9). L’Atlas
est devenu l’un des sites Internet dédiés à la génomique
les plus visités avec chaque jour plus de 3 000 ordinateurs
individuels connectés dont 90 % de l’étranger. Ses
lecteurs sont des praticiens hospitaliers, des chercheurs,
des enseignants, mais aussi des médecins exerçant
hors de l’hôpital, ainsi que le vaste public des étudiants.
Son « Web impact factor » est supérieur à celui des sites
les plus comparables.
IV. CONCLUSION.
L’Atlas est un outil de convivialité, d’interdisciplinarité. Il
est rédigé dans un souci de coopération et d’altruisme par
des collaborateurs bénévoles qui utilisent les technologies
de pointe dans le domaine de l’information et de la
communication. C’est une invention française qui a su
trouver une audience internationale au milieu des grandes
bases de données américaines et que le SSA a choisi de
soutenir. Les praticiens militaires quelles que soient leurs
conditions de pratique peuvent bénéficier de cette source
de documents présentés de façon très conviviale mais aussi
contribuer à l’ouvrage par des textes ou de l’iconographie.
L’appel à coopération reste une priorité pour l’Atlas car
malgré un important volume d’informations traitées,
l’ensemble reste incomplet. Le but est de mettre en ligne un
ouvrage qui serait un panorama exhaustif de la génétique
oncologique, et qui disposerait d’une structure pouvant
répondre efficacement à la rapide évolution de cette
discipline. L’ambition est de faire de l’Atlas un ouvrage
de référence, l’Encyclopédie de la génétique du cancer,
disponible gratuitement, fiable, complète, évolutive.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Institut national du Cancer : http://e-cancer.fr
2. Jemal A, Murray T, Ward E, Samuels A, Tiwari RC, Ghafoor A et
al. Cancer statistics, 2005. CA. Cancer J Clin 2005 ; 55 : 259.
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Menegoz F et al. Cancer incidence and mortality in France over the
period 1978-2000. Rev Epidemiol Sante Publique 2003 ; 51 : 3-33.
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et al. A Census of Human cancer Gennes. Nature Reviews Cancer
2004 ; 4 : 177-83.
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therapy-related and de-novo acute myeloid leukemia ? Cancer
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Cytogenetics in Oncology and Haematology, year 2003. Nucleic
Acids Res 2003 ; 31 : 272-4.
8. Huret JL, Senon S, Bernheim A, Dessen P. An Atlas on genes and
chromosomes in oncology and haematology. Cell Mol Biol 2004 ;
50 (7) : 805-7.
9. Kaiser J. Fingerprinting a killer. Science 2001 ; 292 : 1803.
f. désangles
Mise au point
MISE AU POINT SUR LES GANGRÈNES PÉRINÉO-SCROTALES.
À propos d’une série de 72 cas
A. ACHOUR, M.T. TAJDINE, A. ALAHYANE, M. MOUJAHID, M. DAALI
RÉSUMÉ
Les auteurs rapportent leur expérience portant sur 72
cas de gangrène périnéo-scrotale pris en charge
entre 1989 et 2004 par le service de chirurgie générale de
l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech. L’âge moyen
des patients était de 40 ans (extrêmes 30 à 76 ans). L’âge,
les consultations tardives, l’étendue des lésions et la
présence d’une maladie générale (diabète, cirrhose…)
constituaient des facteurs de mauvais pronostic. La durée
moyenne d’hospitalisation était de 27 jours. La
colostomie bien que non systématique a semblé diminuer
la durée de cicatrisation. L’oxygénothérapie est indiquée
dans la majorité des cas. Le « vacuum-assisted closure »
ou VAC est un nouveau procédé de désinfection et par
conséquent de cicatrisation dont les premiers résultats
sont encourageants. Le pronostic est moins grave qu’il y
a quelques années grâce aux progrès de prise en charge.
La mortalité est de 17 % dans cette série.
Mots-clés : Gangrène. Périnée. Traitement.
ABSTRACT
SYNTHESIS ON THE PERINEA’S GANGRENES.
ABOUT A SET OF 72 CASES.
The authors report their experience carrying on 72 cases
of perinea's gangrene took in charge between 1989 and
2004 by the service of general surgery of the hospital
military Avicenne of Marrakech. The middle age of the
patients was of 40 years (extreme 30 to 76 years). age, the
belated consultations, the extent of the lesions and the
presence of a general illness (diabetes, cirrhosis…)
constituted factors of bad prognosis. The middle length
of hospitalization was of 27 days. The colostomy although
non systematic seemed to decrease the length of skinning.
The oxygenotherapy is indicated in the majority of the
cases. The" vacuum-assisted closure" or VAC is a new
process of decontamination and therefore of skinning
whose first results are encouraging. The prognosis is less
serious than a few years ago thanks to the progress of
hold in charge. Mortality is of 17 % in this set.
Keywords: Gangrene. Perineum. Treatment.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 261-264)
I. INTRODUCTION.
II. PATIENTS ET MÉTHODES.
La gangrène périnéo-scrotale est une infection
bactérienne aiguë le plus souvent poly microbienne
à point de départ périnéal et à extension nécrotique
loco-régionale rapide voire foudroyante vers les
tissus cellulo-graisseux, cutanés, aponévrotiques
et musculaires. Elle peut atteindre les fosses ischiorectales, le périnée antérieur, les organes génitaux,
la paroi abdominale et les plis inguinaux. Les facteurs
de risque et la physiopathologie sont actuellement
assez bien connus. Les progrès diagnostiques et
thérapeutiques réalisés ont largement amélioré la
morbidité et la mortalité. L’affection reste de pronostic
relativement grave. La mortalité est estimée entre
24,7 % et 45 % selon les séries (1, 2).
Notre série comporte 72 cas de gangrène périnéo-scrotale
colligés sur 16 ans, de 1989 à 2004 par le service de
chirurgie générale de l’Hôpital militaire Avicenne de
Marrakech. Tous les patients étaient de sexe masculin.
L’âge moyen était de 40 ans avec des extrêmes de 30 à 76
ans. À l’admission, tous les patients présentaient un
syndrome infectieux plus ou moins prononcé associé à
une douleur pelvienne (tab. I). Le délai de consultation
était de 3 à 20 jours. Ce délai était supérieur à 10 jours dans
34 cas, entre 5 et 10 jours dans 13 cas et moins de 5 jours
Tableau I. Symptomatologie clinique.
Symptomatologie
Pourcentage (%)
Douleur atroce
100
Syndrome infectieux
A. ACHOUR, médecin commandant. T. TAJDINE, médecin commandant. A.
ALAHYANE, médecin capitaine. M. MOUJAHID, médecin capitaine. M. DAALI,
médecin commandant, professeur agrégé en chirurgie viscérale.
Correspondance : A. ACHOUR, Service de chirurgie générale, Hôpital Militaire
d’Instruction Mohammed V, Rabat Hay Riad, MAROC.
médecine et armées, 2008, 36, 3
Fièvre à plus de 39 °C
Sepsis
Sepsis sévère
Troubles de conscienc
85
50
33
23.3
261
dans 25 cas. L’interrogatoire a montré que la majorité
des patients présentaient des maladies générales
sous-jacentes entraînant un état d’immunodépression ou
d’insuffisance artérielle (tab. II). Le diabète, pathologie
le plus fréquemment associée est retrouvé dans 26 cas.
Une insuffisance rénale, une artérite ou une cirrhose ont
Tableau II. Facteurs de risque.
Facteur de risque
Nombre de cas
Diabète +++
26
Insuffisance rénale
3
Cirrhose
2
Artérite
4
Cortcothérapie
3
été également notées. Les gangrènes périnéales ou
périnéo-scrotales étaient cliniquement plus ou moins
étendues. Un œdème, des plaques inflammatoires, de la
nécrose cutanée, la présence de pus, ou une crépitation
neigeuse étaient retrouvés. L’étendue des lésions est
résumée dans le tableau III. Sur le plan bactériologique,
l’infection était le plus souvent poly microbienne isolant
l’Echerichia Coli dans 33,4 %, le streptocoque dans 20 %
et le protéus dans 28 % des cas. La culture était stérile chez
dix patients ce qui n’éliminait pas chez eux une infection
à anaérobies dont la mise en évidence s’avère parfois
difficile. Le traitement repose sur la collaboration entre
chirurgiens, réanimateurs et endocrinologues. La
réanimation initiale reposait sur : une antibiothérapie à
large spectre en premier lieu empirique puis dirigée,
une réhydratation, une transfusion dans trois cas, une
insulinothérapie pour les patients diabétiques et une
héparinothérapie prophylactique. Un drainage urinaire
était réalisé chez tous nos patients par sonde à demeure
dans 52 cas et cystocathéter dans 20 cas. Le traitement
chirurgical a nécessité une intervention en urgence,
réalisée sous anesthésie générale. Il s’agissait d’incisions
de décharge larges et agressives, de parages et
débridements plus ou moins étendus excisant tous les
tissus nécrotiques, parfois si nécessaire en deux temps,
Tableau III. Étendue des lésions.
Étendue des lésions
Nombres
Pourcentage
Scrotum
72
100
Pénis
36
50
Fosses iliaques
28
38,8
Pubis
18
25
Flancs
16
22,2
Fosses ischio-rectales
26
36
Fesses
12
16,6
262
avec reprise chirurgicale au bloc opératoire 2 à 3 jours
après la première intervention pour complément de
parage en cas d’extension des lésions. Une orchidectomie
a été réalisée unilatérale dans cinq cas, bilatérale dans un
cas. Une colostomie de décharge s’est avérée nécessaire
chez 42 patients et le plus souvent réalisée au niveau du
colon sigmoïde. Dans 20 cas, des pansements et des
débridements itératifs au bloc ont été renouvelés jusqu’à
amélioration de l’état local. La prise en charge pendant
l’hospitalisation a été assurée par le médecin réanimateur,
l’endocrinologue et le cardiologue. Une collaboration
entre urologue et chirurgien viscéral a été utile dans
certains cas. L’oxygénothérapie hyperbare a été réalisée
chez 30 patients à raison de 2 à 3 atmosphères pendant
deux heures répétée en plusieurs séances si nécessaire. Le
traitement secondaire de réparation s’est basé sur un
enfouissement secondaire des testicules à la face interne
des cuisses dans 19 cas, une suture secondaire après
décollement des berges dans 28 cas ; une greffe cutanée
ou lambeau dans 11 cas et le rétablissement de continuité
pour les patients ayant eu une stomie, trois mois plus tard.
Une fistulectomie a été réalisée chez les patients ayant
gardé une fistule anale et une prise en charge urologique
en présence d’une sténose urétrale.
III. RÉSULTATS.
La gangrène périnéo-scrotale constitue 0,5 % des
hospitalisations du service. La mortalité est de 13,8 %
c’est-à-dire dix patients. Les décès sont dus aux complications de la toxi-infection et/ou à une décompensation
d’une maladie générale d’équilibre précaire. La durée
d’hospitalisation est de 10 à 60 jours avec une moyenne de
27 jours. Cette durée est d’autant plus longue que
l’étendue des lésions est importante. Les complications
post-opératoires sont essentiellement une fistule urétrale
constatée dans 2 cas, une fistule anale dans 12 cas, une
sténose anale dans 2 cas et des troubles sexuels dans 1 cas.
Les étiologies les plus fréquemment rencontrées sont
d’origine urologique ou proctologique (tab. IV).
Il est constaté que 18 patients sont âgés de plus de 65 ans.
Dans ce lot, la mortalité est de 44,4 %. Elle n’est « que » de
3,7 % chez les patients dont l’âge est inférieur à 65 ans. La
présence d’une tare associée est un facteur de mauvais
pronostic. Ainsi, parmi les 26 patients diabétiques, sept
sont décédés, soit une mortalité de 27 % par rapport
au 6,5 % de décès chez les non diabétiques. Notons
également la corrélation entre le délai de consultation et le
taux de mortalité : tous les décès appartenaient au lot de
patients ayant consulté après le 10e jour.
Tableau IV. Les étiologies des gangrènes périnéales.
Causes
Nombre
Pourcentage
Urologiques
22
30,5
Proctologiques
25
34,7
Traumatologiques
4
5,5
Cuisses
12
16,6
Testicules
6
8,3
Post-opératoires
6
8,3
Hypochondres
6
8,3
Aucune cause évidente
15
20,8
a. achour
IV. DISCUSSION.
La première publication de gangrène périnéo-scrotale est
réalisée en 1764 par Baurienne qui décrit une nécrose
aiguë foudroyante du scrotum à la suite d’une plaie
périnéale. Fournier rapporte la première série de cinq cas
de gangrène des organes génitaux externes entre 1883
et 1884 (3). Les gangrènes sont longuement la terreur
des champs de bataille. Larrey préconise, durant les
campagnes du premier empire, l’amputation en zone
saine des membres pour toute plaie souillée des extrémités (4). Lors de la première guerre mondiale, 5 % des
plaies de guerre se compliquent de gangrène (4). L’année
1945 marque un tournant dans le pronostic des gangrènes
périnéo-scrotales avec la découverte de la pénicilline (4).
Le début de la symptomatologie correspond à une
infection cutanée par différentes souches bactériennes
aérobies et anaérobies, commensales cutanées ou du
tube digestif. L’infection est favorisée par une porte
d’entrée quelle qu’en soit la cause. Le phénomène est
rapidement extensif vers les tissus profonds sous
cutanés, l’aponévrose et en dernier lieu les muscles
ainsi qu’en surface, dans les plans cutanés (5, 6). La
sécrétion enzymatique bactérienne engendre une
nécrose tissulaire et une thrombose intra vasculaire (7, 8).
L’endartérite et la thrombose gagnent les artères
honteuses internes et l’artère honteuse externe profonde
et superficielle. La nécrose ne touche pas les testicules car
leur vascularisation dépend de l’artère spermatique qui
n’est pas impliquée dans l’endartérite (9). Les germes
aérobies entraînent une hyperagrégation plaquettaire,
une hypercoagulation sanguine et une nécrose tissulaire
par production d’enzymes protéolytiques (streptokinase,
streptodornase, hyaluronidase, coagulase). Les bactéries
anaérobies produisent une héparinase, facteur de
formation de phlébites, une collagénase, une ADNase
et plusieurs exotoxines qui provoquent la destruction
tissulaire (10). Le terrain immunodéprimé et/ou
supportant une maladie vasculaire favorise l’extension
de la nécrose tissulaire.
L’incidence de la gangrène périnéo-scrotale est de 0,1 à
0,4 pour 100 000 habitants (11). Elle représente entre 0,6
et 1 % des causes d’hospitalisation (12, 13). Le sexe
masculin est le plus souvent atteint avec un âge maximum
d’incidence entre 40 et 75 ans (14, 15).
La gangrène foudroyante idiopathique initialement
décrite par Fournier doit rester un diagnostic d’élimination. En effet, une cause est retrouvée dans plus de 80 %
des cas. On note actuellement une recrudescence des
cellulites dites iatrogènes au décours d’une chirurgie
périnéale ou dans les suites obstétricales. Il a été décrit des
gangrènes périnéales dans les suites de chirurgie
d’hémorroïdes, de fistule anale ou de biopsie rectale. En
chirurgie urologique, circoncision, chirurgie du testicule
et de l’urètre, résection trans-urétrale sont également à
l’origine de gangrène périnéo-scrotale (16). Une affection
colorectale est retrouvée dans environ 45 % des cas, une
cause génito-urinaire dans 43 % des cas (17). Les causes
proctologiques sont essentiellement des abcès de la marge
avance sur les gangrènes périnéo-scrotales
anale, les fissures anales, les cancers du rectum et les
perforations rectales. Les causes génito-urinaires
sont dominées par les urétrites, les prostatites et les
orchi-épidydimites (15). La fréquence de ces étiologies
varie selon que la série provient d’un service d’urologie
ou de chirurgie générale. Les lésions cutanées (folliculite,
plaie, morsure…) sont plus rarement retrouvées.
Les plus atypiques sont des gangrènes survenant sur
filariose ou candidose (15).
Le diagnostic est clinique et les examens biologiques
recherchent des signes de gravité ou des facteurs de
mauvais pronostic. La douleur périnéale est constante et
inquiète après plusieurs jours d’évolution en raison d’une
phase de prodrome peu alarmante, marquée par un prurit
ou un inconfort génital. Elle devient atroce et permanente
(18). Le syndrome infectieux n’est pas constant et
survient plus tard. Toutes les manifestations en sont
possibles : fièvre, frisson, choc septique, troubles de
conscience. L’examen clinique met en évidence des zones
de nécrose et typiquement des zones rouges, vertes et
noires en carte de géographie. Sont souvent associés
un suintement et un œdème sous cutané témoignant
d’une cellulite. Les crépitations neigeuses se voient dans
30 % des cas (16). L’extension vers les lombes, les cuisses,
la paroi abdominale est rapide et justifie une intervention
urgente. Le recours aux examens morphologiques
(scanner, IRM) peut aider quand on suspecte une collection profonde intra abdominale ou rétro péritonéale. Sur
le plan biologique, il faut chercher les signes de gravité :
hyperleucocytose élevée, une protéine C réactive très
élevée (150), une évaluation des défaillances viscérales
(urée, créatinine), on peut observer une rhabdomyolyse
avec augmentation des créatinines phospho kinases et de
la fraction Mb, la myoglobine sérique, les transaminases
et les lacto déshydrogénases (5).
Le terrain débilité semble le facteur de mauvais pronostic le
plus important (10). Le diabète, l’alcoolisme chronique, la
corticothérapie, la chimiothérapie, état de dénutrition,
SIDA, sont des facteurs de mauvais pronostic reconnus,
le diabète étant le plus fréquemment signalé (15). L’age
n’est pas mentionné dans tous les travaux mais nous le
considérons comme un facteur pronostique (voir résultat).
Dans notre série, le délai de consultation est corrélé à la
mortalité mais ceci suppose une aggravation des lésions
anatomiques.
Le traitement ne doit souffrir d’aucun retard et la prise en
charge doit être multidisciplinaire. Schématiquement,
on décrit deux phases de prise en charge : la phase aiguë
où le pronostic vital est mis en jeu et le but est de traiter
l’infection. L’attitude chirurgicale est résolument
agressive visant à réaliser des incisions de décharge efficaces, et des excisions des tissus nécrotiques jusqu’à mise
à nu d’un tissu saignant d’aspect normal. Les mesures de
réanimation sont concomitantes et visent à rétablir
l’homéostasie, traiter l’infection par une antibiothérapie
efficace, prévenir des thrombophlébites par héparinothérapie, équilibrer un diabète et parfois transfuser le patient si
nécessaire. Dans les jours qui suivent l’intervention, des
soins locaux voir des bains d’antiseptiques doivent être
263
menés de façon rigoureuse. Il ne faut pas hésiter à reprendre
le patient au bloc si l’état local demande des excisions ou
d’autres incisions de décharge mais cela ne justif ie
nullement un geste initial incomplet. Le chirurgien jugera
de la nécessité d’une colostomie de décharge en fonction de
l’étendue des lésions et de l’état du patient. L’oxygénothérapie hyperbare est conseillée par la conférence de
consensus européenne bien qu’il n’y ait pas d’étude
prospective randomisée prouvant son intérêt (19). La phase
secondaire est réalisée plusieurs semaines ou mois après et
consiste à rétablir la continuité colique et réparer le défect
cutané par simples sutures secondaires après décollement
ou par de vrais lambeaux de recouvrement. Une cause
urologique nécessitera une prise en charge spécifique
notamment une plastie urétrale en cas de sténose.
Le VAC trouve tout son intérêt une fois l’évolution de la
gangrène stoppée lorsque se pose le problème de
cicatrisation en raison des excisions larges réalisées en
phase aiguë. Le VAC bien que nous n’ayons pas eu la
chance de l’utiliser, parait de pratique facile et efficace
(20). Le système est constitué d’un pack mousse de polyuréthane ajustable à la taille de la plaie, d’un réservoir
stérile pour le recueil des exsudats et d’un champ adhésif
stérile permettant d’assurer l’étanchéité du pansement et
d’un moteur VAC permettant de programmer la pression
négative voulue. Le but recherché par la pression négative
sur la plaie est l’apparition accélérée d’un tissu de
granulation indispensable à l’épidermisation (21).
V. CONCLUSION.
La gangrène périnéo-scrotale reste une affection de
pronostic grave. La mortalité peut atteindre 25 % des cas
même dans les séries les plus récentes (22). Le pronostic
vital est d’emblée mis en jeu nécessitant d’instaurer
rapidement des mesures de réanimation permettant de
rétablir l’équilibre homéostatique. Il faut également
commencer une antibiothérapie non spécifique contre les
bactéries qui en sont habituellement responsables. Une
antibiothérapie spécifique doit être ensuite préconisée
sur les données de l’examen bactériologique des
sécrétions périnéo-scrotales. Les excisions chirurgicales
doivent être larges passant en tissu sain. Il ne faut pas
hésiter à réadmettre le patient au bloc chaque fois que les
soins infirmiers se trouvent dépassés. L’oxygénothérapie
hyperbare doit être commencée précocement et continuée après l’intervention chirurgicale. La colostomie de
décharge permet un meilleur contrôle de l’infection et le
rétablissement est fait une fois que toutes les étapes
chirurgicales sont passées (en urgence et plastie de
réparation éventuellement). Le pronostic reste mauvais.
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a. achour
Fait clinique
COMPRESSION CAVE SUPÉRIEURE COMPLIQUANT UN
MÉSOTHÉLIOME PLEURAL SARCOMATOÏDE.
J. MARGERY, S. LE MOULEC, P. RUFFIE
RÉSUMÉ
Introduction. Actuellement, le Mésothéliome pleural
malin (MPM) reste une affection sans perspective
thérapeutique curative. Dans l’orientation du projet
de soins nécessairement palliatif, le clinicien doit
tenir compte du rapport bénéfice-risque attendu.
Observation. Un homme de 57 ans, porteur d’un MPM
de type sarcomatoïde bénéficiait d’une pleurectomie/
décortication. Une progression tumorale était observée
au niveau de la paroi et dans le médiastin. Un syndrome
de compression de la veine cave supérieure était contrôlé
par la mise en place d’une endoprothèse vasculaire.
Malgré deux lignes de chimiothérapie systémique, le
patient décédait trois mois après le diagnostic de MPM.
Conclusion. Dans le MPM, la pleurectomie/décortication
est une chirurgie carcinologiquement non satisfaisante et
sans bénéfice clinique. L’absence de traitement curatif ne
doit pas pour autant justifier un attentisme passif. Des
interventions pertinentes peuvent être réalisées dans le
but d’améliorer la qualité de vie, même à court terme.
Mots-clés :
Mésothéliome
pleural
malin.
Pleurectomie/décortication. Sarcomatoïde. Stent.
Syndrome de la veine cave supérieure.
ABSTRACT
SUPERIOR
VENA
CAVA
OBSTRUCTION
COMPLICATING SARCOMATOID PLEURAL
MESOTHELIOMA.
Introduction. The management of malignant pleural
mesothelioma (MPM) is often palliative. The therapeutic
strategy should take into consideration the risk-benefit
ratio. Case report. Pleurectomy/decortication was
performed on a 57-year-old man with sarcomatoid
mesothelioma. A chest wall and mediastinal invasion was
observed. Superior vena cava syndrome was controlled
with the insertion of an endovascular prosthesis.
Although two lines of chemotherapy were administered
the patient died 3 months after the diagnosis of MPM
was made. Conclusion. In MPM, pleurectomy/
decortication is a palliative surgical procedure which
often appears to be futile and with no clinical benefit.
The lack of a curative treatment cannot justify passive
management. Relevant actions may be performed with
the aim to improve quality of life, in spite of short
survival.
Keywords: Malignant pleural mesothelioma.
Pleurectomy/decortication. Sarcomatoid. Stent. Superior
vena cava syndrome.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 267-270)
I. INTRODUCTION.
Le développement du Mésothéliome pleural malin (MPM)
est essentiellement locorégional par extension de proche en
proche. Le MPM est ainsi capable d’envahir la paroi thoracique, le poumon et parfois le médiastin. Nous rapportons
l’observation d’une compression de la veine cave supérieure
(VCS) justifiant la mise en place d’une endoprothèse
vasculaire avant une chimiothérapie systémique.
II. OBSERVATION.
Un homme, couvreur-plombier, âgé de 57 ans, était
hospitalisé pour une dyspnée aiguë et des douleurs
J. MARGERY, médecin en chef, praticien certifié du SSA. S. LE MOULEC,
médecin principal, praticien confirmé du SSA. P. RUFFIE, docteur à IGR.
Correspondance : J. MARGERY, service de pneumologie, HIA Legouest, 27
avenue de Plantières, 57998 Metz Armées.
médecine et armées, 2008, 36, 3
thoraciques révélant une pleurésie droite. Dans le
contexte d’une exposition professionnelle à l’amiante,
hautement probable, une thoracoscopie était effectuée.
L’existence de lésions tumorales macroscopiques incitait
le chirurgien à effectuer, dans le même temps opératoire,
une thoracotomie et une pleurectomie/décortication,
selon ses habitudes. Les biopsies pleurales confirmaient
le diagnostic un MPM de type sarcomatoïde. Une
semaine plus tard, le patient nous était secondairement
confié pour poursuivre la prise en charge. L’état général
était conservé : poids stable, performance status coté à 1,
absence de signes généraux de type sueurs et fièvre. Il
existait des douleurs basithoraciques droites aggravées
depuis l’intervention et partiellement soulagées par
l’association paracétamol-codéine. Une dyspnée d’effort
était rapportée lors de la montée de deux étages.
À l’examen, la cicatrice de thoracotomie postéro-basale
(15 cm) ne présentait pas d’inf iltration suspecte.
265
Le scanner thoracique post-opératoire objectivait un
épaississement tissulaire circonférentiel et festonné, sans
composante liquidienne. L’analgésie était complétée par
de la gabapentine. Aucun traitement carcinologique actif
n’était entrepris : pas de chimiothérapie en l’absence
d’élément évolutif radio-clinique ; pas de radiothérapie
pariétale du fait de l’importance du champ nécessaire à
une éventuelle irradiation prophylactique.
Quatre semaines après la chirurgie, le patient revenait
pour une évaluation programmée. Toujours en bon état
général, il décrivait des céphalées et une exacerbation des
douleurs thoraciques. L’examen clinique retrouvait un
œdème facial modéré avec une érythrose, un comblement
des creux sus-claviculaires et une turgescence jugulaire
bilatérale. Le scanner thoracique confirmait un syndrome
de compression de la VCS, sans thrombose, en rapport
avec une progression médiastinale majeure du MPM
(fig. 1). Le patient était immédiatement hospitalisé. Une
anticoagulation à dose efficace et une corticothérapie
étaient instaurées. Le lendemain, l’opacification des axes
jugulaires mettait en évidence à droite une sténose
rectiligne de 8 cm s’étendant de la clavicule à la bifurcation trachéo-bronchique (fig. 2). Deux endoprothèses
Memotherm Bard de 20 mm de diamètre étaient mises en
place permettant d’ouvrir l’axe jugulaire interne droit
jusque dans la VCS sus-auriculaire, avec un reflux rapide
et satisfaisant (fig.3). La symptomatologie cave supérieure
s’amendait immédiatement et une chimiothérapie
associant gemcitabine-platine était administrée par voie
fémorale. Après un premier cycle, une inf iltration
tumorale pariétale non douloureuse apparaissait au
niveau du pôle inférieur de la cicatrice de thoracotomie
signant une progression du MPM sous chimiothérapie.
Le scanner objectivait une stabilité des lésions médiastinales et la perméabilité de la prothèse vasculaire. Une
seconde cure par une combinaison adriamycine-ifosfamide
était effectuée mais n’apportait pas de bénéfice et une
extension pulmonaire controlatérale était observée. Le
patient décédait dans le contexte d’une insuffisance
respiratoire trois mois après le diagnostic du MPM.
Figure 1. Scanner thoracique : masse tumorale floride occupant la quasitotalité de l’hémi-thorax droit, refoulant le médiastin et réalisant une
compression de la veine cave supérieure.
266
Figure 2. Opacification de l’axe jugulaire droit objectivant une sténose serrée
au niveau de la veine cave supérieure.
III. DISCUSSION.
Avec 800 nouveaux cas, par an, en France, le MPM est un
cancer rare mais dont l’évolution épidémiologique
récente souligne son intérêt croissant (1). Son incidence
augmentant de 25 % tous les trois ans, le MPM apparaît
en effet comme une véritable tumeur émergente, en
particulier chez la femme (1). Le lien entre amiante et
carcinogénèse pleurale est acquis mais le niveau de dose
minimal reste encore incertain (2). Les observations
témoignent le plus souvent d’expositions professionnelles mais d’autres facteurs sont certainement
impliqués notamment chez la femme : expositions
environnementales, susceptibilité familiale (3). Le
niveau des connaissances sur le MPM s’améliore chaque
année, mais en 2007, la prise en charge de ce cancer
n’est toujours pas codifiée. Les seuls acquis solidement
validés concernent le bénéf ice de la radiothérapie
préventive de l’ensemencement tumoral pariétal au
niveau des orifices de drainage et de ponction (4), et celui
de la chimiothérapie systémique associant cisplatine et
pemetrexed en termes de survie globale et de contrôle de
la qualité de vie (5). En dehors de ces deux situations,
aucune proposition thérapeutique ne présente un
rationnel scientifique suffisant pour être recommandée.
Après échec de la première ligne de chimiothérapie
par pemetrexed-cisplatine, l’impact d’un traitement
de rattrapage est incertain même si on connaît les
potentialités séduisantes d’autres agents comme la
gemcitabine, le tomudex (6) ou la vinflunine (7).
L’approche multimodale centrée sur la pleuropneumonectomie élargie et combinant chimiothérapie et
radiothérapie péri-opératoires fait l’objet de nombreux
j. margery
travaux (8) ; elle reste cependant du strict domaine de la
recherche clinique et ne doit être envisagée que chez des
sujets hautement sélectionnés, toujours dans le cadre
d’un protocole. Dans ce contexte de fortes incertitudes
mais soucieuse de prendre position face à un réel
problème de santé publique, la société de pneumologie
de langue française a rassemblé un groupe multidisciplinaire d’experts, impliquant notamment plusieurs
praticiens du SSA, et des recommandations ont été
émises en 2006 (9).
Revenons maintenant à notre observation pour discuter
plusieurs aspects de la prise en charge thérapeutique
du MPM. Tout d’abord, ce cas clinique illustre clairement
les insuffisances de la pleurectomie/décortication. Cette
chirurgie n’est jamais curative car les replis pleuraux au
fond des scissures sont inaccessibles. Le poumon reste en
place et n’autorise pas la réalisation d’une radiothérapie
complémentaire suffisante pour garantir le contrôle local
de la maladie, même en mode conformationnel (10).
En dehors d’une minorité de patients inclus dans un
protocole et candidats à une pleuropneumonectomie
élargie, la seule procédure chirurgicale satisfaisante est
la thoracoscopie car elle offre un intérêt diagnostique
et thérapeutique (contrôle de la dyspnée par talcage).
Enfin, la décortication s’avère dans notre expérience
source d’exacerbation des douleurs thoraciques, comme
dans notre observation.
Par ailleurs, l’importance de la thoracotomie réalisée
chez notre patient nous a fait récuser une radiothérapie
Figure 3. Mise en place de deux endoprothèses vasculaires Memotherm Bard
permettant de reperméabiliser la veine cave supérieure.
compression cave supérieure compliquant un mésothéliome pleural sarcomatoïde
pariétale prophylactique compte tenu du volume du
champ d’irradiation requis et du risque élevé de toxicité
collatérale pulmonaire. Le seul protocole validé
préconise l’administration de trois fractions de sept Gy
par un faisceau d’électrons, mais seulement au niveau des
orifices d’une thoracoscopie ou d’une ponction pleurale.
Concernant la chimiothérapie dans le MPM, le pemetrexed a obtenu son AMM en octobre 2005 après une
période d’Autorisation temporaire d’utilisation (ATU)
de cohorte. L’antériorité de cette observation explique
le type de chimiothérapie administrée, reposant sur
l’association gemcitabine-cisplatine considérée comme
le doublet de référence jusqu’à l’avènement du
pemetrexed. La nature de la première ligne de chimiothérapie est désormais acquise mais d’autres aspects
pratiques restent encore à définir, et notamment le délai
de mise en route des cytotoxiques. Une seule étude
est disponible dans la littérature et elle montre que
l’administration immédiate de la chimiothérapie apporte
un bénéfice modéré en termes de survie et de qualité de
vie ; cependant, la portée de ces résultats doit être nuancée
par le faible effectif de patients et le caractère désuet du
triplet cytotoxique administré (11). Dans un cancer, dont
la survie médiane ne dépasse pas douze mois en moyenne,
la possibilité d’observer de longues survies spontanées
au-delà de deux ans, illustre l’existence de facteurs
pronostiques indépendants des modalités thérapeutiques. Ces facteurs sont liés à l’hôte ou à la tumeur, et une
meilleure survie peut être attendue chez une femme,
asymptomatique et sans amaigrissement, présentant un
MPM de type épithélïoide, limitée à la plèvre pariétale
et sans envahissement médiastinal ganglionnaire. Dans
notre pratique personnelle, nous tenons compte de cette
variabilité inter-patients et une chimiothérapie n’est
ni obligatoire ni immédiate sitôt le diagnostic de
MPM obtenu ; la prise en charge est d’abord orientée
par les symptômes et l’évolution radio-clinique. Si une
thoracoscopie a été réalisée, la priorité est donnée à
l’irradiation prophylactique des orifices de drainage
dès la cicatrisation obtenue. Quand le contrôle des
symptômes ne peut être garanti par les traitements
non carcinologiques (douleurs échappant aux antalgiques, dyspnée restrictive sur engainement tumoral
circonférentiel inaccessible à la thoracoscopie, contexte
inflammatoire sévère) ou quand c’est la demande du
patient et/ou de ses proches, une mise en route précoce de
la chimiothérapie est souhaitable. Elle peut être débutée
sept à dix jours après l’irradiation prophylactique.
Malgré le caractère rapidement symptomatique des
formes sarcomatoïdes, le bénéfice d’une chimiothérapie
même immédiate est inconstant (12). Les protocoles
plus orientés sur le sarcome, à base d’adriamycine et
d’ifosfamide, ont été décevants dans notre expérience et
la combinaison sels de platine-antifolate nous semble
tout à fait légitime en première intention. Une seule
observation rapportée chez un enfant évoque l’intérêt
d’une polychimiothérapie combinant ifosfamide,
carboplatine, étoposide et vincristine (13).
267
Au plan clinique, un syndrome de compression de la VCS
est une complication exceptionnelle dans l’évolution
d’un MPM (14). Dans le contexte plus général des
tumeurs réputées faiblement chimiosensibles, la mise en
place précoce d’un stent par voie endovasculaire est une
technique séduisante et peu agressive (15). Dans les
centres entraînés (16), la morbidité et les complications
sont acceptables : stent trop court et/ou mal placé (9 %),
re-obstruction cave (8 %), migration de la prothèse dans
l’oreillette droite (1 %). Le bénéfice clinique est précoce.
Selon les équipes, une anticoagulation à dose efficace
peut être proposée pendant un mois, comme c’est l’habitude dans notre centre. Parce que le MPM est une tumeur
rare, sa représentation dans les séries de compression
cave supérieure appareillée reste confidentielle : 2/40
(5 %) dans la série de Marcy et coll. (17), 1/73 (1,3 %)
dans celle de Shah et al. (18). Mais eu égard à l’augmentation d’incidence que connaît cette affection, ce type
d’indication pourrait être plus courant. En pratique, une
compression de la VCS est dépendante du potentiel de la
tumeur à envahir l’adventice (15). C’est donc plutôt dans
les formes sarcomateuses volontiers florides qu’il faut
rechercher cette complication, en gardant à l’esprit que la
symptomatologie clinique n’est pas corrélée avec
l’étendue ou le degré de la sténose vasculaire.
Enfin, notre observation illustre clairement le pronostic
péjoratif des MPM sarcomatoïdes. Le type histologique
est un facteur pronostique indépendant (19). Le caractère
« non épithélïoide » est associé à une survie faible parce
que la diffusion métastatique est plus fréquente et plus
profuse, et surtout parce que la réponse aux traitements
est médiocre (12).
IV. CONCLUSION.
En 2007, la prise en charge du MPM est souvent
palliative. Comme dans toutes les affections incurables,
le contrôle des symptômes est un objectif prioritaire. La
pleurectomie/décortication apparaît dès lors comme une
chirurgie au rapport bénéf ice-risque inadéquat. En
revanche, certaines situations particulières relèvent
d’un traitement parfois interventionnel comme un geste
de revascularisation endovasculaire, même si aucun
bénéfice sur la survie n’est attendu.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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j. margery
Fait clinique
INVAGINATION COLIQUE SUR LIPOME
À propos d’un cas
M. MENFAA, A. HOMMADI, A. CHOHO
RÉSUMÉ
L’invagination colique constitue une cause rare
d’occlusion intestinale. Il s’agit le plus souvent d’une
invagination iléo-colique droite ou transverse. Le siège
gauche est exceptionnel. Nous rapportons dans ce travail,
un cas d’invagination étendue sur lipome, du colon
transverse gauche dans le colon descendant et le colon
sigmoïde. La tumeur siège sur le sommet du boudin
d’invagination.
ABSTRACT
COLIC INTUSSUSCEPTION CAUSED BY LIPOMA:
ABOUT ONE CASE.
Colic intussusception is an uncommun cause of bowel
obstruction. It is often an ileo-colic or transverse
intussusception. The left site is exceptional. We report a
case of a wide left colic intussusception caused by lipoma.
The lead point is located in the transverse colon.
Keywords: Colon. Intussusception. Lipoma. Treatment.
Mots-clés : Colon. Invagination. Lipome. Traitement.
I. INTRODUCTION.
L’invagination colique (IC) est rare chez l’adulte et
constitue 5 % environ des causes d’occlusion intestinale
(OI) (1).
À l’inverse de l’enfant, une lésion sous-jacente est
fréquemment retrouvée (1, 2). Il s’agit souvent d’une
tumeur maligne, rarement une tumeur bénigne de type
adénome beaucoup plus qu’un lipome (2).
Notre observation ajoute aux rares cas rapportés dans
la littérature un autre cas d’occlusion intestinale sur
invagination colique secondaire à un lipome.
II. CAS CLINIQUE.
M. J. A., âgé de 52 ans, sans antécédents pathologiques,
admis aux urgences pour tableau d’OI qui date de trois
jours avec douleurs abdominales diffuses prédominantes
dans le flanc et la fosse iliaque gauche, des vomissements
fécaloïdes, arrêt des matières et des gaz et météorisme
abdominal asymétrique.
L’examen physique notait un patient déshydraté ;
subfébrile à 37,8° et ayant une TA systolique à 10 cm Hg.
L’abdomen était distendu et sensible au niveau du flanc
gauche. Au toucher rectal, l’ampoule rectale était vide.
M. MENFAA, médecin capitaine. A. HOMMADI, médecin capitaine. A. CHOHO,
médecin commandant.
Correspondance : A. HOMMADI, service de radiologie, Hôpital Militaire, My
Ismail, BP S15 Meknès, MAROC.
médecine et armées, 2008, 36, 3
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 271-273)
Le bilan biologique montrait une note d’insuffisance
rénale d’allure fonctionnelle et une hyperleucocytose
à 10 000/mm 3 à prédominance polynucléaires
neutrophiles.
L’abdomen sans préparation montrait une distension
colique importante (fig. 1).
Le scanner abdominal demandé d’emblée confirmait
la distension colique importante en amont d’une
invagination (fig. 2) sur processus tumoral de densité
graisseuse, homogène, bien limité de 3 cm de grand axe,
intéressant la paroi latérale droite du sigmoïde (fig. 3).
Sur ces données le patient fut opéré. L’exploration
chirurgicale conf irmait le diagnostic d’IC du colon
transverse gauche dans le colon descendant et l’anse
sigmoïdienne.
La désinvagination n’était pas possible à cause
de l’étendue de l’IC et une résection double stomie
colique gauche était réalisée.
L’examen macroscopique de la pièce d’exérèse montrait
la présence dans le point d’invagination d’une tumeur
jaune sous muqueuse de consistance molle de 3 à 4 cm de
grand axe. L’examen anatomopathologique était en
faveur d’un lipome.
III. COMMENTAIRE.
L’invagination intestinale est une cause rare d’OI chez
l’adulte. Elle est le plus souvent grêlique (48 %-70 %),
269
La tumeur est asymptomatique dans la majorité
des cas. Parfois elle est responsable de douleurs abdominales intermittentes, de trouble du transit intestinal, de
rectorragies ou d’anémie spoliative. Des cas d’expulsion
spontanée de lipome dans les selles sont décrits
(10). Exceptionnellement, le lipome est responsable
d’invagination colique.
D’habitude c’est l’endoscopie digestive qui découvre le
lipome et confirme le diagnostic par les biopsies, mais
dans un contexte d’urgence tel que l’occlusion, les
données radiologiques amènent à opérer le malade sans
recours à l’endoscopie.
L’échographie permet de faire le diagnostic de l’invagination en montrant une image en cocarde et de la tumeur
qui apparaît hyperéchogène entourée par une paroi
intestinale d’épaisseur normale (11, 12). Cependant, ses
performances sont limitées par les gaz, la corpulence
du malade et la distension abdominale.
Le scanner est en revanche plus sensible et plus
spécif ique en montrant une tumeur homogène,
de densité graisseuse à la différence du liposarcome
qui est hétérogène et plus au moins rehaussé par le
produit de contraste (13).
Figure 1. Abdomen sans préparation : distension colique.
iléo-colique (25 %-40 %) et rarement colique pure
(5 %-18 %) (3, 4).
À l’inverse de l’enfant où elle est souvent idiopathique,
chez l’adulte une cause est retrouvée dans 90 % des cas (5).
Parmi les lésions tumorales ; le lipome représente la 2e
cause d’IC sur tumeur bénigne (6). Il siège habituellement sur le colon droit, et rarement sur le colon gauche
(7). La femme est plus souvent intéressée que l’homme,
avec une moyenne d’âge entre 50 et 70 ans (8, 9).
Figure 3. Coupe axiale TDM : masse graisseuse du sigmoïde.
Figure 2. Coupe scanographique : invagination colique.
270
L’imagerie par résonance magnétique est par ailleurs
un examen performant pour la caractérisation graisseuse (14). Le lipome est caractérisé par un hyper
signal dans les séquences pondérées T1 qui disparaît
sur les séquences T2.
Le traitement repose sur la résection chirurgicale qui
peut être faite d’urgence devant le tableau d’occlusion
ou à froid après réduction hydrostatique ou pneumatique de l’invagination colique (15). L’étendue de
l’exérèse dépend de la viabilité du colon invaginé et
de la lésion sous jacente. Dans le cas du lipome, il
s’agit d’une résection cunéiforme ou segmentaire. Une
résection endoscopique est possible en dehors d’un
contexte d’urgence, pour des lipomes de moins de 2 cm.
m. menfaa
IV. CONCLUSION.
Le lipome est une tumeur rare du colon, de découverte
souvent fortuite par l’endoscopie digestive. L’OI par IC
constitue une circonstance de découverte rare, l’imagerie
et en particulier le scanner est d’un apport indéniable
pour le diagnostic aussi bien de l’invagination que de
la lésion sous – jacente.
Le traitement est chirurgical, il a pour but la désinvagination colique et la résection économique du lipome.
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271
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NOM :
PRÉNOM :
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ANCIENNE ADRESSE :
NOUVELLE ADRESSE :
272
Mémoire
LA THYROÏDECTOMIE TOTALE EST-ELLE LE TRAITEMENT
CHIRURGICAL DE CHOIX EN CAS DE GOITRE
MULTINODULAIRE ?
À propos de 230 cas
M.-T. TAJDINE, M. LAMRANI, M. MOUJAHID, F. BENARIBA, M. DAALI
RÉSUMÉ
Objectifs: les auteurs, au travers de leur étude rétrospective
de 230 goitres multinodulaires traités par thyroïdectomies
totales (comparés à 250 goitres multinodulaires traités par
thyroïdectomies subtotales), procèdent à une revue de
littérature afin de démontrer le bénéfice de la
thyroïdectomie totale comparée à la thyroïdectomie
subtotale, en matière de morbidité et de prévention des
récidives. Méthode : Sur une période de douze ans, 230
patients ont bénéficié d’une thyroïdectomie totale. L’âge
moyen est de 40 ans avec une nette prédominance féminine
(75 %). Le goitre était toxique dans 70 cas et plongeant chez
95 malades. La thyroïdectomie était menée par cervicotomie
même pour les goitres plongeants sauf dans deux cas où une
sternotomie était associée. Résultats : La morbidité était
faite d'une atteinte récurrentielle dans 10 cas dont 4
définitives et unilatérales et d’une atteinte parathyroïdienne
chez 12 malades dont 2 définitives. Il n’y a pas de différence
significative de morbidité entre les thyroïdectomies totales
et subtotales. Par contre on note un taux de récidive
nettement plus élevé en cas de thyroïdectomie subtotale
(22 % versus 0,9 %). Une hormonothérapie substitutive
était systématiquement instaurée dés le premier mois
postopératoire. Conclusion : cette étude démontre que la
thyroïdectomie totale ne présente pas plus de risque de
complication que la thyroïdectomie subtotale, de même elle
permet de résoudre définitivement le problème de récidive.
Mots-clés : Goitre. Hypoparathyroïdie. Nerf récurrent.
Thyroïdectomie.
I. INTRODUCTION.
Le goitre multinodulaire est défini comme l'existence
d'au moins deux nodules au sein d'un goitre, qui peut,
par son volume, être compressif ou devenir toxique
imposant un traitement souvent radical sous nos climats.
La chirurgie constitue le seul moyen eff icace dans
la thérapeutique de ces goitres.
M.-T. TAJDINE, médecin commandant, professeur assistant. M. LAMRANI,
médecin commandant, spécialiste. F. BENARIBA, médecin commandant,
professeur assistant. M. DAALI, médecin commandant, professeur agrégé.
Correspondance : M.-T. TAJDINE, centre hospitalier d’Auxerre, Chirurgie 3, 2
boulevard de Verdun, 89011 Auxerre Cedex.
médecine et armées, 2008, 36, 3
ABSTRACT
TOTAL THYROIDECTOMY: IS IT THE PROCEDURE
OF CHOISE FOR THE SURGICAL MANAGEMENT
OF THE BENIGN MULTINODULAR GOITER?
Objective: to assess 230 multinodular goiters treated by
total thyroidectomy (versus 250 multinodular goiters
treated by subtotal thyroidectomy), the authors review the
literature in order to study the place of total thyroidectomy
compared to the subtotal thyroidectomy in benign
multinodular pathology, about complications and
prevention of recurrence. Method: On a period of 12 years,
we treated 230 multinodular goiters by total thyroïdectomy,
at patients whose feminine sex represents 75% of cases and
the average of age is 40 ans. Goiter was toxic in 70 cases and
diving in 95 cases. All patients were treated by cervicotomy,
in two diving goiters we performed a median sternotomy.
Results: Unplanned recurrent laryngeal nerve injury was
seen in 10 patients of which 4 were permanent. There were
10 temporary cases of hypoparathyroidism. Two patients
developed permanent hypoparathyroidism. There are no
significant difference concerning the recurrent and
parathyroid complications between the 2 procedures. The
total thyroidectomy prevents moreover nodular recurrences
(0,9% versus 22%), substitutive opotherapy was instituted
systematically since the first post-operative month.
Conclusion: The present study shows that total
thyroidectomy can be performed with a low risk of
reccurence and without increasing risk of complication.
Keywords: Goiter. Hypoparathyroidism. Recurrent
nerve. Thyroidectomy.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 275-278)
Le choix entre la thyroïdectomie subtotale et totale
est parfois difficile faisant intervenir le nombre, le siège
des nodules et l'éventuelle toxicité du goitre. Le risque
récurrentiel et parathyroïdien est presque identique
pour les deux techniques, mais la probabilité d'une
éventuelle récidive nodulaire ou d'une hyperthyroïdie
dont la reprise chirurgicale est toujours diff icile
laisse penser que la thyroïdectomie totale, avec une
hormonothérapie substitutive, est un garant sûr d'un
traitement définitif du goitre multinodulaire.
À travers cette série de 230 thyroïdectomies totales
nous allons essayer de faire le point sur les avantages et
les inconvénients de cette technique.
273
II. MATÉRIELS ET MÉTHODE.
A) PATIENTS.
Notre étude rétrospective qui s’étend sur une période
de douze ans, de janvier 1994 à décembre 2005, a été
réalisée dans le service de chirurgie générale et
porte spécialement sur 230 goitres multinodulaires
traités par thyroïdectomie totale (contre 250 goitres
multinodulaires traités par thyroïdectomie subtotale
au cours de la même période).
L'age moyen des patients est de 40 ans avec des extrêmes
de 25 et 70 ans. La prédominance féminine est frappante
avec un sexe ratio de 3/1.
L'ancienneté du goitre dépasse les 24 mois avec des
extrêmes de 25 ans.
Douze patients avaient des antécédents familiaux de
pathologie thyroïdienne et huit patients avaient été opérés
dans d'autres centres par simple énucléation d'un nodule
thyroïdien froid. Le motif de consultation est variable :
– modifications esthétiques : 60 cas ;
– signes de thyrotoxicose : 70 cas ;
– signes de compression : 75 cas ;
– douleurs cervicales : 66 cas.
L'échographie cervicale était d'une fiabilité de 90 % pour
le dénombrement des nodules dont le nombre variait
entre 4 et 6. La scintigraphie avait montré dans 70 cas des
zones d'hyperfixation du traceur radioactif.
Le dosage hormonal avait révélé une augmentation
de T 4 dans 52 cas et un effondrement de TSH dans 70
cas. La radiographie pulmonaire montre une déviation
trachéale avec parfois une opacité médiastinale
supérieure en cas de goitre plongeant.
La cytoponction a été faite chez 19 patients. Elle était
non concluante dans 15 cas et en faveur de la bénignité
dans 10 cas.
permis de découvrir des nodules siégeant à la face
postérieure de la glande dans 52 cas. L'étude extemporanée
a été faite dans 90 cas. Elle était en faveur de la bénignité
dans 87 cas et en faveur de la malignité dans 3 cas.
III. RÉSULTATS.
La mortalité était nulle dans notre série.
La morbidité était faite essentiellement de :
– atteinte récurrente dans 10 cas dont 6 transitoires et
4 définitives et unilatérales reparties comme suit :
- 4 cas de goitres toxiques,
- 3 cas de goitres plongeants,
- 2 cas chez un malade atteint de carcinome thyroïdien,
- 1 cas de goitre multinodulaire simple ;
– atteinte parathyroïdienne avec comme conséquence
une hypocalcémie rencontrée chez douze malades avec
un taux inférieur à 2 mmol/l. Cette complication est
rencontrée chez des malades dont la thyroïdectomie
totale était hémorragique et dont le goitre était plongeant.
Cette hypocalcémie a duré 1 mois chez 7 malades
et a nécessité 6 mois pour se normaliser chez 2 malades
et 1 an chez un autre. Dans deux cas, l’hypocalcémie
était définitive (tab. I) ;
– hématome compressif chez six malades repris chirurgicalement en urgence avec un délai de trois heures ;
– sepsis de la paroi rencontré chez quatre malades ayant
bien évolué sous traitement médical et soins locaux.
Dans notre série nous ne notons pas de différence
significative de morbidité entre thyroïdectomies totales
et subtotales (tab. I).
Tous nos malades avaient un suivi endocrinien
régulier qui a permis d'instaurer une hormonothérapie
Tableau I. Morbidité et risques de récidive des thyroïdectomies totales
comparées aux thyroïdectomies subtotales dans notres série.
B) TRAITEMENTS.
Une préparation médicale était faite en cas de goitre
toxique se basant sur :
– les anti-thyroïdiens de synthèse dans 43 cas pendant
un mois ;
– le lugol seul dans 14 cas à dose de 60 gouttes par jour
durant 20 jours ;
– une préparation rapide comprenant le lugol 60 gouttes
pendant 10 jours et la corticothérapie et les bêtabloquants
pendant les cinq derniers jours, chez 13 malades.
Les thyroïdectomies totales de cette série ont été menées
par cervicotomie même pour les 95 goitres plongeants,
sauf dans deux cas où une sternotomie a été associée. La
section des muscles sous hyoïdiens était réalisée dans
certains cas du fait du volume du goitre qui est dans la
majorité des cas important. Le nerf récurrent était
toujours disséqué jusqu'à sa pénétration sous le muscle
constricteur du pharynx. Les glandes parathyroïdes
étaient systématiquement repérées et leur vascularisation
conservée et au moindre doute leur réimplantation dans le
muscle sterno-cléido-mastoïdien était de mise (deux cas
dans notre série). La vérification de la pièce opératoire a
274
Thyroïdectomie Thyroïdectomie
totalen = 230 subtotalen = 250
Atteinte récurrentielle
transitoire
6 cas
2,6 %
5 cas
2%
Atteinte récurrentielle
définitive
4 cas
1,7 %
5 cas
2%
Hypoparathyroïdie
transitoire
10 cas
4,3 %
10 cas
4%
Hypoparathyroïdie
définitive
2 cas
0,8 %
3 cas
1,2 %
Récidive (recul de 1 à 9
ans)
2 cas (0,9 %)
55 cas (22 %)
Hormonothérapie
substitutive
100 %
100 %
m.-j. tajdine
substitutive à vie dont les doses étaient ajustables selon
le taux de la TSH dosée régulièrement.
Le taux de récidive en cas de thyroïdectomie totale, après
un recul de 1 à 9 ans, était de 0,9 %, un taux nettement
plus faible que le taux de récidive après thyroïdectomie
subtotale (22 %).
Les résultats histologiques définitifs avaient confirmé
douze cas de cancers de la thyroïde : 5 cas de carcinome
vésiculaire et 6 cas de carcinome papillaire ayant tous
bénéficié d'une scintigraphie de contrôle suivie d'une
irathérapie. Le suivi de ces malades est satisfaisant à
nos jours. Dans un cas la néoplasie s’est révélée être
un carcinome médullaire.
IV. DISCUSSION.
La prédominance du goitre nodulaire est directement liée
au degré de carence en iode toujours endémique dans
plusieurs régions du monde (1). En Italie, la fréquence du
goitre nodulaire varie entre 0,4 % et 7,2 % selon les régions
(2). Au Maroc, le goitre nodulaire est particulièrement
endémique dans les montagnes du haut Atlas et du Rif. La
province de Marrakech est partiellement touchée, notamment la région du Demnat et la vallée de l’Ourika (3).
L'examen clinique de la glande thyroïde n'est jamais
formel pour le dénombrement et la topographie
des nodules thyroïdiens dans le cadre d'un goitre
multihétéronodulaire.
La scintigraphie thyroïdienne n'est pas fiable pour les
nodules dont le diamètre est inférieur à 1 cm. Par contre,
l'échographie cervicale a une plus grande fiabilité, pour le
dénombrement des nodules, de l’ordre de 90% entre les
mains d'un radiologue expérimenté.
L'exploration et la palpation manuelle en peropératoire,
après cervicotomie et extériorisation de la totalité de la
glande, permet une meilleure approche du nombre
des nodules et de leur siège au sein de la glande. Mais
la face postérieure de cette dernière reste toujours
difficile à explorer et le risque de laisser des nodules
même incomplets doit être pris en considération.
Pech (4) a démontré que plus de 40 % des goitres thyroïdiens supposés uninodulaires à l'examen clinique se sont
avérés multinodulaires à l'exploration chirurgicale.
Barbier (5) dans une série de 1 456 goitres a démontré
que plus de 36 % des goitres, qui étaient cliniquement,
échographiquement et scintigraphiquement uniques, se
sont révélés multinodulaires à l'exploration chirurgicale.
Le débat concernant les avantages et les inconvénients des
deux traitements du goitre multihétéronodulaire (GMHN)
par thyroïdectomie subtotale ou totale n’est pas clos.
La thyroïdectomie subtotale par ses deux techniques
(moignon supérieur ou mur postérieur) continue à poser
des problèmes concernant la fonction thyroïdienne post
opératoire et le risque de récidive.
Le problème de la thyroïdectomie subtotale avec
moignon supérieur laissé en place est celui du volume du
moignon dont l'appréciation pour assurer une fonction
thyroïdienne satisfaisante est toujours difficile. Griffiths
(6) dans une étude de 102 thyroïdectomies subtotales,
a noté un taux de 20 % d’hypothyroïdie après thyroïdectomie subtotale avec moignon restant inférieur à
6 ml, alors qu’il n’a signalé aucun cas d’hypothyroïdie
après thyroïdectomie subtotale quand le moignon
restant était compris entre 6 et 16 ml. La thyroïdectomie
subtotale bilatérale laissant un mur postérieur évite le
problème des hypothyroïdies postopératoires à condition
de laisser suffisamment de parenchyme glandulaire
(4, 7). Mais cette technique expose le malade à une
récidive de sa pathologie nodulaire ou à la réapparition de
la thyrotoxicose (8) en cas de goitre toxique dont la reprise
chirurgicale est réputée risquée pour le nerf récurrent
et les glandes parathyroïdes (9).
Une opothérapie substitutive, après thyroïdectomie
subtotale, s’avère être nécessaire selon la majorité des
auteurs (10) faisant perdre à la thyroïdectomie subtotale
son principal avantage par rapport à la thyroïdectomie
totale. La thyroïdectomie totale pratiquée de façon
quasi-constante dans notre service depuis sept ans règle le
problème de la récidive du goitre et de la réapparition de
l'hyperthyroïdie d'une manière définitive, et ceci est
d’autant plus vrai qu’il s’agit de patients présentant un
goitre endémique habitant des régions éloignées rendant
leur surveillance difficile et coûteuse. L'intérêt de la
thyroïdectomie totale a été rapporté aussi par Carditelo
(11, 12) en étudiant une série de 525 cas de GMHN traités
par thyroïdectomie totale. En se basant sur les études
pathogéniques qui consistaient en une transplantation des
îlots de goitre humain à des souris, Teuscher (13) s’est fait
le partisan de la thyroïdectomie totale en cas de goitre
multinodulaire. Ces résultats de Teuscher ont été confirmés
par plusieurs études notamment celles de Noel et Beckers
(14) qui déduisent que l'élévation de la TSH dans environ
85 % des cas après thyroïdectomie subtotale (10) fait
exposer le malade à une récidive du goitre multinodulaire
sous l'action d'une hyperactivité hypophysaire thyréotrope
secondaire à une hypothyroïdie postopératoire.
Par ailleurs, pour la majorité des auteurs il n’existe pas
de différence signif icative en ce qui concerne les
atteintes récurrentielles et parathyroïdiennes entre
les thyroïdectomies subtotales et totales. Katz (15) fait
les mêmes constatations dans une étude de 210 goitres
multinodulaires où il conf irme l'inexistence de
majoration de morbidité après thyroïdectomie totale.
Reene (16) rattache ces déductions à la sélection des
indications d'une part et à une dissection soigneuse des
récurrents et des parathyroïdes d'autre part. Acun (17)
attribue le risque de paralysie récurrentielle à la non
identification peropératoire des nerfs récurrents.
La thyroïdectomie totale est donc de plus en plus
pratiquée de part le monde (18) et est en train de
remplacer progressivement la thyroïdectomie
subtotale dans le traitement chirurgical des goitres
multinodulaires. Ayache, dans une série de 735 goitres
multinodulaires, est passé en douze ans de 17 % à environ
70 % de thyroïdectomies totales (19).
Après thyroïdectomie totale, des séries récentes retrouve
un taux d’atteinte récurrentielle définitive compris entre
0 % et 1,5 % et un taux d’hypoparathyroidie compris entre
la thyroïdectomie totale est-elle le traitement chirurgical de choix en cas de goitre multinodulaire
275
0 % et 2,6 % (12, 16, 20, 21). Après thyroïdectomie
subtotale le risque récurrentiel est compris entre 0 % et
1,4 %. Le risque parathyroïdien définitif est compris
entre 0,15 % et 5,4 % (7, 9, 12, 20, 22, 23). Dans notre
série, l'analyse de la morbidité de la chirurgie du goitre
multinodulaire ne montre pas de différence significative
entre thyroïdectomie totale et subtotale avec des résultats
comparables à ceux de la littérature.
Le risque de récidive après thyroïdectomie subtotale est
nettement supérieur à celui de la thyroïdectomie totale.
Zaraca (24), dans une série de 202 cas, note un taux de
récidive estimé à 0 % après thyroïdectomie totale contre
14,4 % après thyroïdectomie subtotale. Dans notre série,
le taux de récidive est de 0,9 % après thyroïdectomie
totale contre 22 % après thyroïdectomie subtotale.
À morbidité égale, la thyroïdectomie totale est supérieure
aux exérèses non totales puisqu’elle diminue considérablement le risque de récidive du goitre. À cela s’ajoute une
morbidité spécif ique liée à la totalisation pouvant
atteindre 3,3 % d’hypoparathyroïdie définitive et 6,6 %
d’atteinte récurrentielle définitive (25, 26).
Un autre argument encourageant la thyroïdectomie totale est la sécurité apportée par l’examen
ana-tomopathologique de l’ensemble de la glande
thyroïdienne. En effet, l’incidence de plus en plus
élevée des carcinomes thyroïdiens au sein d'un goitre
multinodulaire peut atteindre les 10 % (27), (ce taux est
de 6,66 % des cas dans notre série). La cytoponction
préopératoire n'arrive toujours pas à résoudre le problème
de la malignité de ces goitres multinodulaires et son
usage reste controversé (28).
V. CONCLUSION.
La thyroïdectomie totale est de plus en plus réalisée
dans le cadre du goitre multinodulaire surtout en zones
d’endémie et ceci pour ses avantages concernant
essentiellement la prévention des récidives nodulaires
et le traitement définitif d'une éventuelle thyrotoxicose.
En plus cette technique comporte très peu de risque pour les
nerfs récurrents et les glandes parathyroïdes si on respecte
les bases élémentaires de la chirurgie thyroïdienne.
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m.-j. tajdine
Histoire
CONTROVERSES AUTOUR DE L’INTOXICATION ARSENICALE
DE NAPOLÉON IER
Analyse de l’histoire clinique du patient et revue de la littérature
H. LEYRAL
RÉSUMÉ
Presque 180 ans après sa mort, la controverse historique
et médicale autour de la maladie de Napoléon I er est
toujours aussi vive. Certains auteurs défendent
l’hypothèse d’une mort naturelle due à un cancer
gastrique, d’autres soutiennent celle d’une intoxication,
voire d’un empoisonnement criminel par l’arsenic. Ce
travail a pour objet de confronter l’histoire clinique du
patient avec la séméiologie bien connue de l’intoxication
arsenicale. Les récits des témoins des derniers mois de
l’Empereur, et en particulier de ses médecins, ainsi que
les données de l’autopsie montrent clairement qu’il
souffrait d’un cancer gastrique évolué, et n’apportent
aucun élément en faveur d’une intoxication aiguë à
l’arsenic. Cependant, la grande majorité des études
toxicologiques menées sur les cheveux supposés être de
Napoléon Ier fait apparaître des taux élevés d’arsenic.
Nous discutons de la signification de ces résultats et de
l’origine possible de cette intoxication.
Mots-clés : Arsenic. Décès. Intoxication. Napoléon.
ABSTRACT
POLEMIC
ABOUT
THE
ARSENICAL
INTOXICATION OF NAPOLEON I: CLINICAL
HISTORY’S STUDY AND REVIEW OF THE
LITTERATURE.
Almost 180 years after his death, the historical and
medical controversy about Napoleon Bonaparte‘s illness
is still lively. Some specialists assert that Napoleon died
naturally from a terminal gastric cancer, others maintain
the theory of an arsenical intoxication, even of a
deliberate poisoning. This study aims at correlating the
clinical story of the patient and the well-known arsenical
intoxication semeiology. The narration of the witnesses of
the Emperor’s last months, especially his physicians, and
the results of the autopsy, clearly indicate that he had
been suffering from a developed gastric cancer, and do
not provide any argument for an acute arsenic
intoxication. Nevertheless, most toxicological analysis
conducted on hair samples believed to be those of
Napoleon, revealed a high concentration of arsenic. We
discuss about the interpretation of these results and the
possible sources of the contamination.
Keywords: Arsenic. Death. Intoxication. Napoleon.
(Médecine et Armées, 2008, 36, 3, 279-287)
I. INTRODUCTION.
Le 18 juin 1815, les armées de l’Empire français sont
défaites à Waterloo. Napoléon est contraint d’abdiquer et
remet son sort aux mains de ses ennemis anglais.
Embarqué, en août 1815, à bord du Northumberland
avec les quelques français qui ont choisi de partager son
exil, il débarque le 17 octobre sur l’île de Sainte-Hélène.
Cinq ans et demi plus tard, le 5 mai 1821, Napoléon
s’éteint des suites d’une « longue maladie ». L’autopsie,
pratiquée dès le lendemain par le docteur Antommarchi
en présence de sept médecins anglais, conclut au décès
par un ulcère gastrique cancérisé et perforé.
H. LEYRAL, médecin principal.
Correspondance : H LEYRAL, service médical 50/105, base aérienne 105,
27037 Évreux cedex.
médecine et armées, 2008, 36, 3
En 1961, un dentiste suédois, Sten Forshufvud, après
avoir lu les mémoires récemment publiées de Marchand,
le valet de Napoléon, aff irme que les symptômes
présentés par l’Empereur sont caractéristiques
d’une intoxication arsenicale. De nombreux échantillons
de cheveux attribués à Napoléon sont alors analysés
et la plupart des études concluent à une présence
anormalement élevée d’arsenic.
Notre revue a pour objet de discuter la responsabilité
d’une intoxication par l’arsenic dans la maladie et le
décès de Napoléon en confrontant les données anamnestiques rapportées par les témoins des dernières années
et la séméiologie de l’intoxication arsenicale. Une
revue de la littérature fait par ailleurs le point sur
les nombreuses analyses toxicologiques étudiant
les cheveux de l’Empereur.
277
II. OBSERVATION DE L’ÉTAT DE SANTÉ DE
NAPOLÉON DURANT SON SÉJOUR À SAINTEHÉLÈNE (1-5).
Les premiers signes de la maladie remontent à la fin
de l’année 1816. Nous retraçons l’histoire de la maladie
de Napoléon en utilisant comme source les témoignages
des médecins dont le langage et l’analyse séméiologique
nous semblent exprimer le plus f idèlement l’état de
santé de l’Empereur. Nous retenons pour l’essentiel
les témoignages du docteur O’Meara, chirurgien de
la marine britannique d’origine irlandaise qui soigne
Napoléon de juillet 1815 à juillet 1818, puis du docteur
Antommarchi de fin septembre 1819 au 5 mai 1821. Dans
l’intervalle séparant les deux dates, Napoléon est sans
médecin (à l’exception du docteur Stocke qu’il accepte
de voir en janvier 1819) et il n’y a pas de témoignage
médical f iable. Nous rapportons donc ceux de ses
proches (Ali, Montholon, Bertrand).
A) OCTOBRE 1816-OCTOBRE 1817 : LES
PREMIERS MOIS À SAINTE-HÉLÈNE.
Durant cette période, hormis quelques problèmes
bucco-dentaires, l’état de santé de l’Empereur est
assez satisfaisant.
Napoléon présente toutefois des signes de carence en
vitamine C (scorbut) avec l’association d’une asthénie,
d’arthralgies, d’une gengivopathie, de lésions dentaires
(d’une parodontopathie ?), puis des œdèmes des membres
inférieurs en mars 1817.
Le médecin de Marine qu’est O’Meara ne s’y trompe
d’ailleurs pas (le scorbut était alors appelé la « peste
des mers », sa prévention par les agrumes est connue
depuis le milieu du XVIIIe siècle). Il prescrit un traitement
hygiéno-diététique, associant une alimentation riche en
légumes, des gargarismes acidulés et de l’exercice, qui
semble donner d’assez bons résultats.
Le médecin rapporte également à plusieurs reprises
des pathologies dentaires (caries, abcès) en rapport avec
un état bucco-dentaire très déficient.
Enf in, O’Meara fait état d’œdèmes des membres
inférieurs.
B) OCTOBRE 1817-FIN 1819 : LA PATHOLOGIE
BILIAIRE.
C’est véritablement en octobre 1817 que la maladie
de Napoléon semble débuter.
Le 1er octobre 1817, le docteur O’Meara est appelé auprès
de son patient qui présente une « douleur sourde dans
la région de l’hypochondre droit, immédiatement
au-dessous des cartilages des côtes aussi une sensation
dans l’épaule droite, qui ressemblait plutôt à un
engourdissement qu’à une douleur », ainsi qu’une
« légère disposition à tousser » et une insomnie.
Il décrit typiquement une colique hépatique avec la
douleur de l’hypochondre droit irradiant en bretelle
vers l’épaule droite, survenant par paroxysme sur un
fond douloureux. Deux jours plus tard, il signale un
278
empâtement du flanc droit et une tuméfaction visible,
ainsi qu’une sensibilité à la palpation (signe de Murphy).
Une dyspepsie, avec une alternance diarrhée/constipation, flatulence, nausées, vomissements, puis une
altération notable de l’état général accompagnent
ce tableau.
Quelques mois plus tard, au printemps 1818, le médecin
signale des urines foncées et âcres, laissant penser qu’une
obstruction des voies biliaires est apparue. Au mois de
mai 1818, O’Meara rapporte que le tableau s’est complété
avec l’apparition d’une fièvre et d’un subictère, évoquant
une angiocholite, même si les médecins (O Meara,
Stocke, puis Antommarchi) présents au chevet de
l’Empereur émettent plutôt l’hypothèse d’une hépatite
aiguë. Malgré les traitements administrés (en particulier
le calomel), l’état s’aggrave progressivement et les crises
(douleur, fièvre, ictère) se succèdent jusqu’au début de
l’année 1819.
Par ailleurs, cette période est marquée par un véritable
syndrome dépressif. O Meara décrit en octobre 1817
« qu’il paraissait abattu et mélancolique ». Stürmer écrit
le 10 novembre 1818 au prince de Metternich : « au plan
moral, il est plus abattu que jamais, il est triste et rêveur et
s’assoupit à tout moment ».
La maladie, les diverses privations et contrariétés liées
à son exil (les hostilités avec le gouverneur Hudson Lowe
sont à leur comble) ainsi que la nouvelle récente
venue d’Europe que son fils ne lui succèdera pas sur les
duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla, comme
il l’espérait, expliquent cette dépression. L’arrestation
et l’incarcération de son frère Lucien n’arrangent pas
les choses.
C) SEPTEMBRE 1819-OCTOBRE 1820 :
LA RÉMISSION SPONTANÉE.
Contre toute attente, l’état de santé de Napoléon va
s’améliorer nettement et il se met à jardiner et à orchestrer
les travaux d’ouvriers pour planter sa résidence.
Marchand écrit : « L’Empereur mangeait avec appétit,
sa santé paraissait plus satisfaisante, mais il continuait à
se plaindre du côté ».
En février 1820, le comte de Montholon écrit à son épouse
rentrée en France l’année précédente : « les soins du
docteur Antommarchi ont fait du bien à l’Empereur et
il a en général éprouvé un effet avantageux de l’exercice
qu’il prend au matin depuis quelque temps ».
Hudson Lowe écrit en octobre 1820 : « Napoléon semblait
être en bonne santé car il avait la f igure étonnement
pleine, le corps et les cuisses d’une étonnante rondeur ».
D) OCTOBRE 1820-5 MAI 1821 : LA PATHOLOGIE GASTRIQUE ET LES DERNIERS MOIS.
En octobre 1820, l’état de l’Empereur s’aggrave
soudainement. Le tableau qui domine alors est celui de la
pathologie gastrique. Depuis sa jeunesse (au moins à
partir de 1802), Napoléon avait présenté des douleurs
épigastriques très évocatrices d’un ulcère gastrique.
C’est à partir de décembre 1820 que les épigastralgies
h. leyral
à type de « coup de poignard » surviennent à nouveau et ne
le quitteront plus. Une altération très nette de l’état
général associant une asthénie physique de plus en plus
marquée, une anorexie presque totale (et une intolérance
alimentaire), ainsi qu’un amaigrissement probablement
important (quoi qu’en aient dit certains auteurs),
accompagnent ce tableau digestif. Une fièvre au long
court est constamment relevée durant les derniers mois.
On retrouve dans les témoignages de nombreuses
références à une pâleur cutanéo-muqueuse qui
pourrait être secondaire à des saignements digestifs.
Enf in, corroborant l’hypothèse d’une pathologie
gastrique, les témoins décrivent typiquement des
hématémèses (27 avril) et un melæna le 3 mai 1821,
avant-veille de sa mort.
Les vésicatoires et les cautères, puis les différents
traitements retenus par les docteurs Antommarchi
et Arnott, chirurgien du 20e régiment, n’y font rien et
la maladie s’aggrave.
À partir du 27 avril, Napoléon présente des troubles de la
conscience à type de délires avec logorrhée et propos
incohérents, une tachycardie.
Le 3 mai 1821 au matin, le docteur Antommarchi lui
administre du vin sucré, puis une cuillerée d’éther en
raison d’un hoquet incessant. À 17 heures, on lui donne
une dose de calomel. Puis, à 23 heures, la première dose
de calomel étant restée sans effet, on lui redonne, selon les
conseils du docteur Arnott, 10 grains de calomel.
À 23 heures 30, Bertrand et Ali notent que Napoléon fait
une grosse selle noire. Ali parle d’une forte évacuation,
d’une matière noirâtre et épaisse et en partie dure,
qui ressemblait à de la poix ou au goudron. Il s’agit
d’un melæna.
Le 4 mai 1821, contre l’attente de ses proches, cette
exonération n’apporte pas d’amélioration clinique et
la fièvre augmente.
Le 5 mai 1821, il prononce ses derniers mots, puis présente
un tableau de choc avec coma calme, quelques râles, un
pouls faible et rapide entre 102 et 112 bpm, un refroidissement des extrémités. Après une phase de gasp, le docteur
Antommarchi note le décès à 17 heures 49 (fig. 1).
E) DONNÉES AUTOPTIQUES.
Le lendemain, le Dr Antommarchi pratique l’autopsie,
en compagnie de sept autres médecins anglais.
Son rapport, détaillé apporte des constatations
extrêmement intéressantes :
– « le poumon gauche est dans son lobe supérieur
« parsemé de tubercules » et présente « quelques
petites excavations tuberculeuses », le poumon droit est
normal. Plusieurs adénopathies sont présentes au
niveau médiastinal ;
– il existe une splénomégalie et une hépatomégalie
homogène que le médecin attribue à une hépatite
chronique. Au niveau vésiculaire, il décrit un sludge et
une distension vésiculaire ;
– l’estomac présente une perforation au niveau de la petite
courbure, en regard d’une zone indurée, cette perforation
étant obturée par le lobe gauche du foie. Lorsqu’il ouvre
l’estomac, Antommarchi constate que « presque tout le
reste de la surface interne de cet organe était occupé par
un ulcère cancéreux qui avait son centre à la partie
supérieure, le long de la petite courbure de l’estomac,
tandis que les bords irréguliers, digités et linguiformes de
sa circonférence s'étendaient en avant, en arrière de cette
surface intérieure, et depuis l’orifice du cardia jusqu’à un
bon pouce du pylore ». Après une analyse macroscopique
précise de la lésion (ulcère infiltrant à bord induré avec
perforation gastrique obturée par le lobe gauche), il décrit
également l’extension de la tumeur, avec probablement
une carcinose péritonéale (« à la surface péritonéale et
aux replis péritonéaux, je remarquai de petites taches et de
petites plaques rouges, d’une nuance très légère, de
dimensions variées, éparses et assez distantes les unes
des autres ») et une extension ganglionnaire le long des
courbures de l’estomac ;
– enf in, la vessie présente de petits calculs et une
muqueuse inflammatoire.
III. INTOXICATION ARSENICALE (6-8).
A) RAPPEL SUR L’ARSENIC.
Figure 1. Baron Charles de Steuben (1788-1856). Mort de l’Empereur à SainteHélène (musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau).
controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er
L’arsenic est un métalloïde insoluble. Les principaux
minerais d’arsenic sont le réalgar AsS (arsenic rouge) et
l’orpiment As 2 S 3 (arsenic jaune) ; l’arsenic est
également présent dans de nombreux autres minéraux.
L’usage de l’arsenic remonte à l’antiquité. Utilisé comme
poison dès le XIIIe siècle, il est jusqu’à la fin du XIXe siècle
très souvent employé. Les derniers instants de Madame
Bovary décrits par Gustave Flaubert sont typiques de
l’intoxication arsenicale. À cette époque, il est employé
comme pesticide.
Actuellement, l’arsenic et ses dérivés sont très
peu utilisés. L’usage médical est limité (trioxyde
d’arsenic dans le traitement des LAM 3). Les solutions
« fortifiantes » ne sont plus disponibles en France depuis
la fin des années 1980. Il est employé en cosmétologie
et en dentisterie (pâte pour dévitalisation dentaire).
279
Dans l’agriculture, il est utilisé pour le traitement du
bois (préservation du bois), ainsi que comme herbicide,
défoliant, dessiccatif, engrais, raticide ou formicide.
Cependant, l’usage reste marginal.
L’industrie emploie de l’arsenic pour la fabrication de
pigments de la peinture jaune ou verte, de semiconducteurs de cristaux de laser, de tambour des
imprimantes laser, des photocopieuses et des télécopieurs.
L’exposition environnementale est la plus importante.
L’arsenic est généralement très dispersé et en faible
quantité dans la nature.
On retrouve de l’arsenic dans l’air en rapport avec les
activités volcaniques et les processus naturels de
dégradation (la concentration d’arsenic dans l’air varie de
0,005 à 1 mg/m3). Les activités humaines industrielles
(fonderies) ou agricoles augmentent la pollution de l’air.
Les fonderies d’or, d’argent, de cuivre, de zinc et de
plomb et les utilisations agricoles de pesticides à base
d’arsenic sont les principales sources de contamination
de l’atmosphère.
Enf in, l’alimentation est une source importante.
Les contaminations des eaux (Amérique de sud, Taiwan,
Inde…) et des aliments (fruits de mer principalement,
céréales et féculents) sont les causes actuelles les
plus fréquentes d’intoxications, celles-ci étant parfois
sévères.
B) MÉTABOLISME DE L’ARSENIC.
1. Absorption.
Elle est essentiellement digestive, accessoirement
respiratoire (affection professionnelle) et faible par voie
cutanée. Les formes minérales solubles (en particulier
l’anhydride arsénieux As 2 O 3 ) sont très faiblement
absorbées par l’intestin grêle.
Au contraire, concernant les dérivés organiques,
l’absorption digestive est beaucoup plus importante.
2. Distribution.
L’arsenic absorbé gagne le foie par la veine porte puis
se f ixe aux protéines plasmatiques et aux hématies.
Secondairement, il se distribue rapidement aux tissus
périphériques (foie, rein, rate, poumon…).
3. Métabolisation, excrétion.
La majeure partie de l’arsenic minéral est excrétée dans
les urines sous forme de dérivés méthylés et inorganiques.
Les dérivés organiques sont rapidement éliminés dans les
urines, en l’état.
4. Mécanisme d’action.
La toxicité des sels minéraux d’arsenic trivalents est
beaucoup plus importante que celle des pentavalents.
L’As 3+ se f ixe sur les groupements thiols à l’origine
d’une asphyxie thioprive responsable des atteintes
organiques et métaboliques. Il en résulte des phénomènes
ischémiques, thrombotiques et des nécroses tissulaires, à
l’origine des lésions observées.
280
L’As 5+ se f ixe quant à lui sur les groupements
phosphates.
Les formes organiques sont beaucoup moins toxiques
que les formes minérales. Elles sont essentiellement
absorbées dans l’alimentation (chair de poisson).
C) TOXICITÉ DE L’ARSENIC.
1. Toxicité aiguë.
– manifestations digestives : elles sont intenses
et surviennent rapidement après l’administration.
Elles associent vomissements, nausées, douleurs
abdominales, diarrhées profuse (« choléra arsenical »),
parfois sanglante. Ces pertes digestives peuvent
être responsables de troubles hémodynamiques
(hypotension, collapsus, voire choc hypovolémique),
hydroélectrolytiques, et de l’équilibre acido-basique
(acidose métabolique) ;
– insuffisance rénale : elle est secondaire à l’hypovolémie
(insuffisance rénale fonctionnelle) mais aussi à une
toxicité tubulaire directe ;
– hépatite cytolytique ;
– atteinte cardiaque : myocardiopathie avec BAV,
allongement de l’espace QT, aplatissement de l’onde T,
troubles de l’excitabilité, troubles du rythme ;
– coagulopathie de consommation ;
– soif intense, saveur alliacée dans la bouche ;
– troubles neurologiques centraux (encéphalopathie, asthénie, troubles mnésiques, troubles de la
concentration…).
Si la victime ne décède pas, l’évolution naturelle se fait
vers une guérison lente, avec des lésions cutanées à type
de dermatose exfoliatrice palmo-plantaire, de bandes
unguéales blanchâtre et transversales (bandes de Mess),
une chute des cheveux et des poils, et une polynévrite
sensitivo-motrice douloureuse, touchant d’abord
symétriquement les extrémités des membres inférieurs,
puis rapidement ascendante pouvant aboutir à une
tétraplégie flasque. L’atteinte neurologique régresse
lentement et le plus souvent de façon incomplète.
2. Toxicité chronique.
– lésions cutanées : dermatose orthoergique (érythème,
ulcération), kératodermie (en général palmo-plantaire,
kérotoses arsenicales en « ilôts »), mélanodermie, cancer
cutané (carcinome baso- ou spinocellulaire) ;
– atteintes des phanères : alopécie, bandes de Mess ;
– lésions muqueuses : rhinite, perforation de la cloison
nasale, stomatite, laryngite, kérato-conjonctivite ;
– polynévrite sensitivomotrice ;
– atteintes hépatiques : fibrose, cirrhose, cancer ;
– atteintes hématologiques : anémie, leucopénie,
thrombopénie d’origine médullaire, lymphadénopathie
angio-immunoblastique ;
– myocardiopathie avec troubles de conduction ou
troubles de la repolarisation ;
– artériopathie distale ;
– cancer broncho-pulmonaire (et peut-être également
du foie, des reins, de la vessie).
h. leyral
IV. DISCUSSION.
A) LA SYMPTOMATOLOGIE PRESENTÉE,
EST-ELLE COMPATIBLE AVEC UNE
INTOXICATION ARSENICALE ?
La symptomatologie présentée par Napoléon, telle
qu’elle est décrite par les différents médecins et témoins
des derniers mois, n’évoque absolument pas une
intoxication arsenicale qu’elle soit aiguë ou chronique,
contrairement à ce que prétendent un certain nombre
d’auteurs (9). Les seuls signes compatibles avec une
intoxication arsenicale pourraient être les douleurs
abdominales et les vomissements. Cependant, les
diarrhées, dont la présence est habituelle dans cette
intoxication aiguë (on parle d’ailleurs de choléra
arsenical) ne sont pas présentes et on retrouve plus
fréquemment au contraire une tendance à la constipation.
La soif intense, décrite en février 1821, peut-être certes
un signe d’intoxication par l’arsenic, mais témoigne
probablement d’une simple déshydratation.
Mis à part les vomissements, les douleurs abdominales et
la soif, qui sont des signes trop peu spécifiques pour avoir
une quelconque signif ication, il n’y a donc aucun
argument clinique en faveur de la thèse de l’intoxication.
En effet, les signes très spécifiques sont tous absents :
– la neuropathie périphérique n’est évoquée dans
aucun document. Elle est pourtant au premier plan dans
l’intoxication chronique ou subaiguë ;
– les atteintes cutanées (dermatose exfoliatrice
palmo-plantaire, kératodermie, mélanodermie…) ne
sont jamais citées ;
– les atteintes phanériennes, quasiment pathognomoniques (alopécie, atteinte unguéale : bandes de Mess)
manquent au tableau ;
– concernant la symptomatologie hépatobiliaire, et
comme le suggère Di Costanzo (10), les signes cliniques
présentés par Napoléon durant les années 1817 à 1819,
sont typiques d’une pathologie obstructive biliaire et non
d’une hépatite chronique comme l’avaient supposé les
différents médecins à l’époque. Par ailleurs, les données
autoptiques ne sont pas en faveur d’une cirrhose et
rapportent simplement une augmentation de volume du
foie avec une consistance dure mais homogène sans
nodule. Antommarchi consigne un sludge vésiculaire et
une vésicule biliaire dilatée. Pour expliquer cette
hépatomégalie, Di Costanzo émet l’hypothèse d’une
hypertension portale débutante (peut-être dans le cadre
d’une bilharziose).
Rien ne permet donc de rattacher la maladie hépatobiliaire de Napoléon Ier à une intoxication par l’arsenic,
comme l’ont laissé penser Forshufvud, puis Weider (9).
En conclusion, Napoléon ne présente aucun signe
clinique spécifique d’une intoxication arsenicale.
Au terme de cette revue, Napoléon Ier semble a
très probablement souffert d’une pathologie biliaire
entre 1817 et 1819, puis d’un cancer gastrique à partir
de 1820.
controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er
La thèse de la pathologie gastrique a en sa faveur de
très nombreux arguments et est retenue par la plupart
des auteurs (10-15) :
– arguments familiaux puisque, comme le soulignent
Hillemand (13) et Keynes (15), le père de Napoléon
est mort en 1769 d’un ulcère, et ses sœurs Élisa, Pauline
et Caroline ont probablement souffert de la même
pathologie ;
– argument clinique, puisque Napoléon présente
des crises ulcéreuses tout à fait typiques (douleurs
épigastriques post prandiales à type de crampes, calmées
par la prise alimentaire) au moins depuis 1802 (date à
partir de laquelle ces crises sont rapportées à de multiples
reprises). Les derniers jours de sa vie sont d’ailleurs
marqués par l’association hématémèse et maelena qui,
dans le contexte, ne laisse pas de doute sur leurs origines ;
– argument anatomopathologique enfin, puisque tous les
rapports d’autopsie vont en ce sens (« presque tout le reste
de la surface interne de cet organe était occupé par un
ulcère cancéreux… ») (1).
Les contradicteurs (9, 16) de l’hypothèse de la tumeur
gastrique avancent enfin que la plupart des témoins des
derniers mois de l’Empereur ne signalent aucun
amaigrissement. Cette opinion répandue est loin de
faire l’unanimité. Le docteur Antommarchi (1), dans
ses mémoires, écrit d’ailleurs « l’Empereur avait
considérablement maigri, depuis mon arrivée à SainteHélène ; il n’était pas en volume, le quart de ce qu’il était
auparavant ». Une étude récente menée par Lugli et coll.
(17) semble confirmer ses dires. Pour évaluer le poids de
Napoléon, les auteurs ont étudié douze pantalons portés
par l’Empereur entre 1800 et 1821. Ils concluent que le
poids de celui-ci était de 67 kg en 1800, de 90 kg en 1820
et de 79 kg en 1821 (soit une perte de onze kg en quelques
mois). Une deuxième méthode d’évaluation basée sur la
taille de la graisse sous-cutanée au moment de l’autopsie
(avec un groupe contrôle de 270 hommes décédés de
causes diverses) confirme ce résultat.
B) UNE AUTRE CAUSE TOXIQUE EST-ELLE
PROPOSÉE ?
À côté de l’intoxication arsenicale, certains auteurs ont
mis en cause l’absorption le 3 mai 1821 au soir de 10
grains de calomel (Hg 2 Cl 2 ) soit cinq fois la dose
habituelle. Le chlorure mercureux était à l’époque
d’usage courant et prescrit comme laxatif (la causticité du
mercure entraînant des diarrhées intenses, souvent
sanglantes). Ces auteurs (9, 16) émettent l’hypothèse que
l’administration concomitante de calomel et de sirop
d’orgeat (contenant de l’acide cyanhydrique) aurait
entraîné la formation de cyanure de mercure qui aurait été
responsable des ulcérations décrites dans l’autopsie.
Cette hypothèse est réfutée par Corso et Hindmarsh (11),
qui estiment que les doses d’orgeat sont trop faibles.
Il est probable que l’action corrosive ait été un facteur
aggravant l’état de santé du malade, déjà bien précaire.
Selon Di Costanzo (10), il est impossible cependant que le
calomel soit responsable par son effet irritant des lésions
281
décrites dans le rapport autoptique, celles-ci étant
manifestement chroniques et ne pouvant correspondre à
une causticité aiguë.
Dans un article de 2004, Mari et coll. (18) proposent
comme explication au décès de Napoléon une torsade de
pointe liée à l’action combinée de l’arsenic (action sur les
canaux potassiques), d’un émétique à base de tartrate
d’antimoine (ayant possiblement une action sur ces
mêmes canaux), du « jesuit’s bark » contenant de la
quinine qui agit également sur ces canaux, et enfin du
calomel qui aurait pu entraîner une hypokaliémie par les
diarrhées qu’il provoque. Cette hypothèse est plausible
sur le plan purement physiopathologique mais nous
semble absolument spéculative. Néanmoins, sans
remettre en cause l’existence d’une pathologie gastrique,
les auteurs estiment que l’Empereur est mort d’une
« mésaventure médicale ».
C) QUELS SONT LES RÉSULTATS DES
ANALYSES TOXICOLOGIQUES ?
Après l’hypothèse d’un décès lié à une intoxication
arsenicale formulée en 1961 par Sten Forshufvud, de
nombreuses analyses toxicologiques ont été réalisées
sur des cheveux attribués à Napoléon Bonaparte.
– origines des échantillons :
Les échantillons de cheveux de Napoléon en circulation
ne manquent pas. La plupart des mèches ont été prélevées
le lendemain du décès par le docteur Antommarchi.
(« Napoléon avait destiné ces cheveux aux différents
membres de sa famille ; on le rasait » Antommarchi (1)).
Un nombre important de mèches sont alors réparties. Il
est parfois difficile d’avoir la certitude que les cheveux
sont bien ceux de l’Empereur, tant ceux-ci ont changé de
propriétaires au cours du temps. Par ailleurs, d’après
Godlewski (12), Antommarchi se serait livré à son retour
en Europe à un trafic lucratif de fausses reliques.
D’autres échantillons plus anciens (1815, 1816, 1817)
ont été heureusement retrouvés, permettant une analyse
comparative ;
– teneur normale et pathologique d’arsenic dans
les cheveux :
Il existe un consensus actuel qui établit une norme
en dessous de 1 mg/kg chez un sujet non exposé et de
1 à 5 mg/kg chez un sujet ayant une exposition chronique
(19-22).
Cependant, l’arsenic est de moins en moins utilisé et les
normes actuelles ne sont pas superposables à celles du
XIXe siècle. Par exemple, Hindmarsh (19) retrouve sur le
cheveu d’un homme vivant à l’époque victorienne un taux
de 6,4 mg/kg.
Aucune étude n’a analysé un échantillon de cheveux
ayant appartenu à un habitant de l’île de Sainte-Hélène
dans les années 1820 ;
– résultats des études :
- la première étude publiée par Forshufvud (23) remonte à
1961. Il fait analyser un cheveu attribué à Napoléon par le
282
service de médecine légale de l’université de Glasgow. La
concentration d’arsenic retrouvée est de 10,4 mg/kg,
- en 1964, Forshufvud poursuit ses recherches (24)
et étudie des échantillons de cheveux prélevés à
différentes périodes de la vie de Napoléon (1816, 1817,
1818 et 1821). Les résultats montrent des concentrations
élevées d’arsenic sur tous les échantillons (4,9
à 76,6 mg/kg),
- en 1982, Lewin et coll. (25) publient dans la revue Nature
une analyse toxicologique sur un échantillon de cheveux
prélevés le 6 mai 1821. Le taux retrouvé par une méthode
d’activation neutronique est de 1,4 mg/kg, ce qui est dans
l’intervalle donné par les groupes contrôles. Un taux
d’antimoine élevé est constaté (0,45 mg/kg), ce qui peut
être expliqué par la présence d’antimoine dans les
traitements de l’époque (émétique à base de tartrate de
potasse et d’antimoine),
- en 1999, Weider (22) publie une analyse de deux
cheveux de 1821 obtenus par le valet de Napoléon et
retrouve des concentrations élevées d’arsenic pour les
deux échantillons. Les auteurs tentent de donner une
répartition chronologique des concentrations d’arsenic
dans le premier des cheveux, avec toutefois des réserves
importantes dans l’interprétation des résultats. L’analyse
de deux autres cheveux datant du 16 octobre 1816
retrouve des concentrations également élevées de 33,3 et
16,8 mg/kg,
- en 2002, Kintz et Coll. (20) analysent cinq cheveux
d’époques différentes (quatre coupés le 6 mai 1821 et
un le 16 octobre 1816). Ils opèrent d’abord une décontamination à l’acétone, puis étudient la concentration
d’arsenic dans les cheveux par absorption atomique. Les
cheveux coupés le 6 mai 1821 recèlent des concentrations
d’arsenic variant entre 6,99 et 38,53 mg/kg, l’échantillon
coupé le 16 octobre 1816 une concentration de 7,4 mg/kg.
Les auteurs concluent à une intoxication arsenicale et
éliminent l’hypothèse de la contamination externe des
cheveux par une validation expérimentale de leur
méthode de décontamination,
- enf in, en 2004, une nouvelle série d’analyses est
publiée par Lin et coll. (21). Elle étudie deux cheveux
prélevés le 6 mai 1821 à Sainte-Hélène, un autre datant
du séjour sur l’île d’Elbe en 1814, et deux cheveux
témoins appartenant à un homme et une femme âgés de
30 ans vivant de nos jours à Berlin. Les résultats montrent
une concentration d’arsenic de 1,85 et 3,05 mg/kg sur
les cheveux du 6 mai 1821, de 33,4 mg/kg sur celui
datant de 1814, et de 0,032 et 0,033 chez les témoins.
Par ailleurs, un taux de mercure très élevé est retrouvé,
probablement en rapport avec la prise répétée de calomel.
Enfin, les concentrations d’antimoine sont très élevées
également sur les échantillons de mai 1821, et plus faibles
pour l’année 1815 en rapport avec la prise d’un traitement
antiémétique à base de tartrate d’antimoine, confirmant
les résultats avancés par Lewin et coll. (25) ;
– synthèse des études analytiques :
Le tableau I fait la synthèse des nombreuses
études publiées.
h. leyral
Tableau I. Mesures des concentrations d’arsenic dans les cheveux de
Napoléon Bonaparte.
Date et référence
de l’étude
Date de
prélèvement de
l’échantillon
Concentration
d’arsenic
(maximum*)
1961 (23)
6 mai 1821
10,4
1962 (26)
6 mai 1821
4,9 (11)
1964 (24)
6 mai 1821
6 mai 1821
16 mars 1818
16 mars 1818
13 juillet 1817
14 juillet 1816
14 juillet 1816
14 juillet 1816
14 juillet 1816
1978 (27)
16
16
16
16
16
octobre
octobre
octobre
octobre
octobre
1816
1816
1816
1816
1816
10,2
12,3
21.2
7,5
3,2
42,1
38,8
48,6
19,4
(23,0)
(20,0)
(26,0)
(8,5)
(4,9)
(60,0)
(76,6)
(62,0)
(23,8)
9,2
9,8
30,4
13,8
25,4
1982 (25)
6 mai 1821
1,4
1994 (28)
6 mai 1821
1,9 (2,8)
1995 (19)
1816
1816
33,3
16.8
1995 (28)
6
6
6
6
mai 1821
mai 1821
mai 1821
mai 1821
1816
11,8
16,9
6,3
< 4,6
15,3
1999 (22)
6 mai 1821
novembre 1820
16 octobre 1816
16 octobre 1816
10,5 (22)
24,3 (51,2)
33,3
16,8
2002 (20)
16 octobre 1816
6 mai 1821
6 mai 1821
6 mai 1821
6 mai 1821
7,43
15,5
38,5
7
15,2
2004 (21)
6 mai 1821
6 mai 1821
1814
1,85
3,03
33,4
* la concentration donnée est celle de l’échantillon ou la moyenne des
résultats lorsque ceux-ci ont été segmentés.
D) COMMENT INTERPRÉTER CES RÉSULTATS
ANALYTIQUES ?
Questions :
– la première des questions à se poser est celle de l’origine
des cheveux : outre le fait que, comme le souligne
Godlewski (12), un important trafic de reliques semble
avoir existé avant et après la mort de Napoléon, le
cheminement de ces cheveux au cours des bientôt deux
siècles qui séparent le décès de l’analyse ne permet pas
d’être formel concernant leur origine. Ces cheveux se
sont souvent passés de main en main, de génération en
génération et leur parcours est parfois complexe. En
conséquence, étant dans l’impossibilité de réaliser
une étude ADN pour identifier de façon certaine leur
controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er
provenance, celle-ci doit rester une présomption
d’origine. Cependant, le nombre important d’études
convergentes est un argument fort, car il est en effet
difficile de croire que la trentaine d’échantillons analysés
ne contienne que des faux ;
– concernant le matériel étudié, plusieurs biais sont
à souligner :
- les analyses concernent parfois des quantités de cheveux
très faibles (Smith et coll. (26) analysent un échantillon
de 0,5 mg !). Or, le protocole habituellement utilisé
en médecine légale (8), nécessite 50 à 100 cheveux,
coupés au ras du scalp, à la partie supérieure de la région
occipitale (où le nombre de cheveux en phase anagène
est maximal). Les cheveux doivent être orientés. Kintz
dans son ouvrage « toxicologie et pharmacologie
médico-légale » précise à ce sujet que l’orientation de la
mèche est absolument indispensable pour réaliser un
calendrier séquentiel. Les cheveux doivent ensuite être
conservés à température ambiante. Autant de conditions
qui n’ont bien entendu pas été respectées,
- par ailleurs, chez l’homme 80 % à 85 % des cheveux sont
en phase anagène (de pousse), le reste en phase catagène
(0 % à 2 %, phase d’arrêt de croissance) ou télogène (16 %
à 22 %, phase de chute), il est donc hasardeux de chercher
à réaliser une datation toxicologique sur un seul cheveu
dont on ne connaît ni l’orientation, ni la phase (29). Enfin,
en phase anagène, la vitesse de croissance des cheveux
varie de façon importante (0,35 à 0,45 mm/jour).
Toutes ces considérations laissent à penser que la
corrélation entre la datation toxicologique et l’état de santé
quotidien de Napoléon que Weider et coll. établissent dans
leur étude (22) est scientifiquement peu valide ;
– concernant la grande disparité des résultats :
On est amené à s’interroger sur l’extrême variabilité
des résultats des analyses pour des cheveux prélevés à la
même date. À titre d’exemple, concernant les cheveux
prélevés le 6 mai 1821 (la même réflexion pourrait
être faite pour ceux prélevés le 16 octobre 1816), la
concentration d’arsenic varie entre 1,4 à 38,5 mg/kg.
Certes, pour la majorité des échantillons, les taux
retrouvés sont compris entre 10 et 15 mg/kg, mais
comment expliquer des valeurs presque nulles ou au
contraire très élevées. Est-ce lié au fait que certains
cheveux étaient en phase catagène (et ne fixaient plus
l’arsenic) ? à des erreurs de mesure ? à des échantillons ne
provenant pas de la même personne ?
Enfin, la présence d’une quantité importante d’arsenic
dans un cheveu prélevé avant l’arrivée de Napoléon sur
Sainte-Hélène (cheveu de 1814) est en faveur d’une
intoxication chronique ancienne (et en défaveur de
l’intoxication par empoisonnement).
Toutefois, si l’on dresse une synthèse de ces analyses,
sur les 17 que nous avons répertoriées concernant les
cheveux prélevés le 6 mai 1821, tous les taux sont au-delà
de la valeur considérée comme « normale » (1 mg/kg)
et plus de la moitié (9/17) au-delà du seuil « d’alarme »
des 10 mg/kg.
Sur les quinze analyses de cheveux de 1816, tous les taux
sont également au-dessus de la valeur de 1 mg/kg et douze
283
au-dessus de 10 mg/kg, avec des concentrations
maximales souvent bien supérieures à celles retrouvées
juste avant la mort de Napoléon. Notons qu’à cette
période, Napoléon ne présente aucune symptomatologie
pouvant être attribuée à une intoxication arsenicale.
Enfin, l’analyse d’un cheveu prélevé sur l’île d’Elbe, sept
ans avant le décès conclue également à des concentrations
très élevées d’arsenic (33,4 mg/kg).
Au total, malgré des divergences dans les résultats et
des réserves méthodologiques, l’ensemble des études
toxicologiques montre que Napoléon a subi une
intoxication chronique par l’arsenic, celle-ci remontant
au moins à l’année 1816 et probablement même avant
son arrivée sur l’île de Sainte-Hélène, comme le suggère
l’étude de Lin et Coll. (21).
V. CONCLUSION.
L’analyse des observations cliniques rédigées par les
témoins des dernières années de la vie de Napoléon
oriente clairement vers une maladie gastrique (cancer ou
ulcère) et n’évoque pas objectivement une intoxication
arsenicale. Cette opinion est de plus renforcée par les
comptes-rendus de l’autopsie (qu’il s’agisse de celui
d’Antommarchi ou de ceux des nombreux médecins
anglais présents) réalisée le lendemain du décès.
Cependant, les études toxicologiques nombreuses, avec
toutes les réserves méthodologiques qui doivent être
soulignées, concluent presque toutes à une intoxication
arsenicale chronique qui remonte au moins à octobre1816
(et probablement antérieurement).
Néanmoins, tout ce qui brille n’est pas d’or et intoxication
ne signifie pas empoisonnement : l’origine de l’arsenic
a été beaucoup discutée. Une contamination des
cheveux ante ou post mortem (cosmétique capillaire (30),
préparation du corps, conservation des mèches
de cheveux (30)) a été éliminée par des techniques
de décontamination validées (20).
Parmi les autres causes, la présence d’arsenic dans l’eau
de l’île a été envisagée. Les mesures menées par
Hindmarsh et Corso (19) retrouvent une concentration
inférieure à 0,002 mg/kg (pour une norme actuelle
inférieure à 0,01 mg/kg). La contamination du vin (suite à
un traitement agricole de la vigne ou du bois des barriques)
est une hypothèse envisageable.
La présence d’arsenic dans des traitements médicamenteux ou des solutions « tonif iantes » est également
possible. Keynes (14) fait état de l’usage à cette époque
d’arsenic dans différentes préparations (solution de
Fowler, solution de Donovan, liqueur arséniée pour traiter
les pertes d’appétit…).
Figure 2. Jean-Baptiste Mauzaisse (1784-1844). Napoléon sur son lit de mort (musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau).
284
h. leyral
Par ailleurs, une étude très intéressante publiée dans
la revue Nature en 1982 par Jones et Ledingham (31)
prouve que le papier peint posé en 1819 dans le salon de
Longwood contient des quantités importantes d’arsenic.
Celui-ci était utilisé en combinaison avec le cuivre pour
obtenir des pigments verts (vert émeraude, « vert
de Paris »). Dans certaines conditions d’humidité et de
température, des moisissures métabolisent l’arsenic
en un composé volatil (l’arsenic triméthyl).
Enfin, la présence d’arsenic dans les fumées de poêle
à bois est envisagée par différents auteurs (19, 30).
Compte tenu de toutes ces sources et du fait que l’usage
de l’arsenic était très répandu au XIX e siècle, il serait
intéressant de connaître la concentration d’arsenic
dans les cheveux d’un habitant de Sainte-Hélène vivant
à la même époque.
L’intoxication arsenicale chronique qui semble probable
n’est donc certainement pas la cause du décès. Elle est
ancienne et remonte au moins à 1814. En revanche, l’abus
de calomel, d’orgeat (et peut être d’antimoine, voire
de quinine comme le suggèrent Mari et Coll. (18)) a
certainement précipité le décès d’un homme gravement
malade. L’hypothèse la plus raisonnable demeure
très certainement le cancer gastrique aggravé par des
traitements agressifs et inappropriés.
Mais n’est-ce pas Markham (32) qui f inalement a
raison en écrivant que « dans un sens, la discussion de
la cause de la mort de Napoléon est purement
académique : la cause réelle est le désespoir et la
frustration. Un homme de son tempérament et avec son
passé, privé d’activité, d’intérêt et d’espoir, avait peu
de chance de survivre longtemps ».
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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H Gautier.
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Paris : Fondation Napoléon, Tallandier ; 1993, 2 Vols.
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perspectives. Hum Pathol 2005 apr ; 36 (4) : 320-4.
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controverses autour de l’intoxication arsenicale de napoléon 1er
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Nature 1982 oct 14 ; 299 (5 884) : 626-7.
32. Allison B. Cause of death: the mystery surrounding the death of
Napoleon. Pharos Alpha Omega Alpha Honor Med Soc 2002
Spring ; 65 (2) : 16-9.
285
VIENT DE PARAÎTRE
HORMONES, SANTÉ PUBLIQUE
ET ENVIRONNEMENT
Sous la direction de
Edwin MILGROM et Étienne-ÉMILE BAULLIEU
La recherche en endocrinologie a été un des points
forts de la biologie française au cours des dernières
décennies. Elle joue un rôle majeur sur le plan
fondamental où, en dehors de son intérêt propre. elle
sert de modèle à la compréhension des mécanismes
généraux de signalisation. En outre, elle débouche sur
certains des problèmes les plus préoccupants de santé publique donnant lieu à
de très importantes approches pharmacologiques et thérapeutiques.
L'objet de ce rapport est d'évoquer les plus importants de ces problèmes situés
à l'interface des sciences médicales et des sciences de la société. Du point de
vue strictement médical, quatre questions se posent avec une acuité croissante :
les relations entre hormones et cancers. le traitement substitutif de la ménopause
la contraception hormonale au long terme et l'influence de certaines hormones
sur le développement de l'obésité et du diabète de type 2. Un autre sujet
important concerne le vieillissement conçu comme un ensemble complexe de
facteurs biologiques, cognitifs sociaux et finalement sociétaux. Un aspect plus
technique mais également de grande importance, concerne les perturbateurs
hormonaux, des produits cliniques qui peuvent modifier de façon indésirable la
production de certaines hormones. Un dernier aspect concerne utilisation des
hormones hors de la médecine notamment chez les animaux comestibles.
L'ambition de ce rapport est de donner l'arrière-plan scientifique permettant de
comprendre les mécanismes biologiques impliqués dans ce groupe de
problèmes majeurs de santé publique. Les voies de recherches actuelles sont
résumées, les voies futures sont indiquées et des recommandations sont
présentées. Les principaux partenaires institutionnels intervenant dans chaque
cas sont cités. Lorsqu'elles existent, les controverses scientifiques et quelquefois
politico-médiatiques sont explicitées.
ISBN : 978 2 86883 895 7 – Prix : 39 € – Format : 16x24 cm – Pages : 308 – EDP SCIENCE – 17 avenue du
Hoggar – Parc d'activités de courtabœuf, BP 112, 91 944 Les Ulis edex A – Contact Presse Elise CHATELAIN –
[email protected] – Tél. : 01 69 18 69 87.
286
VIENT DE PARAÎTRE
LA MÉDECINE MILITAIRE
LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
Sous la direction d’Éric DEROO
Préface de Max GALLO
1708-2008, trois siècles d’une épopée
unique et peu connue, celle du Service de
santé des armées français. À partir d’une
abondante iconographie, souvent inédite, cet album restitue les grandes
dates, les figures emblématiques et les avancées scientifiques qui
permettent à la médecine militaire françaises de se présenter aujourd’hui
comme l’une despratiques les plus modernes et les plus novatrices.
Héritière d’une longue tradition de médecine exercée au plus près
des combattants, toujours d’actualité sur les théâtres d’opérations
extérieures, l’action du service et de son personnel est résolument tournée
vers le futur.
L’histoire de la médecine militaire et ses activités contemporaines offrent
une galerie de portraits, livrent des témoignages, révèlent des faits et des
innovations qui entraînent le lecteur des champs de bataille de Louis XIV
aux opérations internationales du XXIe siècle.
ISBN : 978 2 11 097534 8 – Format : 19x26cm – Pages : 232 – Prix : 25 €.
Commander cet ouvrage à : ECPAD, Pôle commercial, département ventes – 2 à 8 route
du Fort, 94 205 Ivry-sur-Seine Cedex. Chèque libellé à l’ordre de l’agent comptable de
l’ECPAD ou sur www.ecpad.fr Contact : 01 49 60 59 88 et 01 49 60 59 51.
287
RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS
GÉNÉRALITÉS
L'article proposé pour parution dans Médecine et Armées, relate un
travail original et spécifique à la médecine dans les armées (fait médical, chirurgical,
pharmaceutique, vétérinaire, historique, médico-administratif, épidémiologique…).
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grade et du titre principal;
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séparés par un point;
– le résumé en anglais suivi des mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétique
et séparés par un point.
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– débute à la troisième page;
– est concis, précis et les évènements passés sont écrits au passé composé ;
– les abréviations sont en nombre limité et exclues du titre et des résumés et sont
explicites lors du premier emploi ; le terme entier est précédé de l'abréviation mise
entre parenthèses lors de la première apparition dans le texte;
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– ville de l'éditeur puis deux points;
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– année d'édition et éventuellement du nombre de pages suivi d'un point final.
À propos d'un chapitre extrait d'un livre:
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– puis « in : » suivi du ou des noms et initiales des prénoms du ou des coordinnateurs
suivis de « ed » ou « eds » et d'un point;
– titre du livre et point;
– ville de l'éditeur puis deux points;
– maison d'édition et virgule;
– année d'édition et deux points;
– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,
séparés par un trait d'union et point final.
À propos d'une thèse:
– ville suivie de deux points et de l'université puis d'un point virgule;
– année de la thèse et nombre de pages et point final.
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Revue du Service de santé des armées
SGA/SMG Impressions
TOME 36 N°3 Juin 2008
ISSN 0300-4937