Jeune société loue artistes pour soirées privées
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Jeune société loue artistes pour soirées privées
22Culture Tribune de Genève | Mardi 31 mai 2011 Page 23 Johnny Hallyday: premiers pas au théâtre cet automne Page 25 EPA EMIEL MUIJDERMAN Eric Scherer fait le portrait du journaliste du futur Agence artistique Jeune société loue artistes pour soirées privées Cantona enfile le maillot du Père Ubu à Carouge L’art contemporain fait son entrée dans l’événementiel vent un seul public, qui a déjà un intérêt dans l’art. Nous souhaitons ici impliquer des gens qui n’y connaissent rien. Plutôt que de les faire venir, nous allons à leur rencontre», poursuit Sonia Rickli (lire notre enquête en page 21). Anna Vaucher Ils étaient une trentaine d’artistes – comédiens, musiciens, vidéastes – à animer la façade d’un immeuble au 23, rue de la Coulouvrenière, jeudi 19 mai. Aux fenêtres, sur les balcons. Pour inaugurer leur agence Live Art Club (LAC), Sonia Rickli, metteuse en scène et artiste, et Ann Tougard de Boismilon, économiste d’entreprise diplômée de l’Ecole hôtelière de Lausanne, ont offert aux passants trois heures de performance durant la Nuit des Bains. Une inauguration qui marquait le lancement d’une société romande parti- Performance sur mesure Ann Tougard de Boismilon et Sonia Rickli. VINCENT JENDLY culière, dont le but est de créer un pont entre l’univers de la performance artistique et celui des entreprises. En bref, LAC est une agence d’événementiel spécialisée dans l’art contemporain – une première en Suisse – qui vend des œuvres d’art éphémères au lieu de vendre de la variété. «Si une marque horlogère lançait une nouvelle montre, j’imaginerais une performance autour du corps. Pour que cela devienne extraordinaire, il faut penser le concept en fonction du besoin du client. Le contractant et l’artiste se retrouvent pour construire, ensemble, quelque chose qui leur convienne», explique Sonia Rickli. «Pour autant, il ne s’agit pas de réduire les artistes à la prostitution, précise Ann Tougard de Boismilon. Notre but est de fédérer les artistes, d’avoir un réseau assez large pour trouver le bon performeur pour la bonne commande.» La performance marchande Pour l’heure, l’agence compte une cinquantaine d’artistes, sur la Suisse et tous domaines confondus: photographie, arts vivants, musique, beaux-arts. Elle pourrait, à terme, se développer à l’étranger. A la base de la société fraîchement constituée, qui n’a pas encore obtenu de mandat, il y a cette réflexion, engagée il y a plusieurs années par Sonia Rickli: comment vivre de la performance, ce médium qui est l’art de l’éphémère? Le but des deux jeunes femmes est de trouver un moyen de faire travailler les artistes en dehors des circuits classiques, comme les galeries ou les théâtres, et d’intégrer l’art dans un milieu où il n’existe pas. «Notre objectif est aussi de faire de la médiation. L’initiative des musées touche souContrôle qualité Performance du Groupe du Vent pour l’inauguration du LAC. V. JENDLY Une rencontre qui a un prix: a priori, il faudra compter au moins 10 000 francs par performance, un montant qui peut être maintes fois multiplié selon l’ampleur des interventions. «Je leur souhaite bonne chance! Ce qui est purement artistique est difficile à vendre», réagit Dominique Franchino, associé chez Events Concept, une agence spécialisée dans le divertissement haut de gamme depuis dix ans. «Les artistes sont chers, et ce n’est pas évident de faire comprendre à un client que derrière une prestation de quinze minutes, il y a des années de travail.» «Nous faisons du sur-mesure et cela a un prix, rétorque Sonia Rickli. On est à Genève, il y a de l’argent. Pourquoi pas le claquer là-dedans plutôt que dans du caviar?» Les entrepreneuses assurent également que ces tarifs sont nécessaires pour garantir une sécurité aux artistes. L’objectif est de créer un réseau institutionnalisé «pour éviter qu’ils ne soient payés au lance-pierres», comme c’est souvent le cas pour ce genre d’activités. Andrea Saemann, coordinatrice du Prix suisse de la performance, spécialiste du milieu, commente: «La performance a ses racines fondatrices en dehors du commerce. Je trouve intéressant de la faire entrer dans ce circuit. Il faut toutefois veiller à ce que les artistes gardent une liberté de penser. Mais je connais Sonia, je lui fais entièrement confiance.» «C’est un débat qui existe depuis des siècles», poursuit le photographe Jay Louvion, qui est enregistré, sans frais, chez Live Art Club. «Le travail de Michel-Ange n’est-il pas artistique, bien qu’il résulte de commandes? C’est à chaque artiste de définir ses besoins de liberté.» Eric Cantona (ici dans «Papillon noir», en 2007) sera à l’affiche du Théâtre de Carouge. RENDEZ-VOUS PRODUCTION Théâtre Travail d’équipe pour Jean Liermier et Dominique Catton, qui présentaient hier leur saison 2011-2012 L’un hésite, dévoré par le trac. L’autre se montre volubile, jamais avare d’une anecdote. Hier, soucieux de saluer une durable complicité, Dominique Catton et Jean Liermier ont présenté leurs saisons respectives sur la scène du Théâtre Am Stram Gram. C’est à la ligne claire que se dessine le trait qui relie les deux hommes. Celui des Bijoux de la Castafiore, d’Hergé, que Dominique Catton créa il y a tout juste dix ans. Ce spectacle, dans lequel l’actuel directeur du Théâtre de Carouge interprète Tintin, sera successivement programmé dans les deux salles dès septembre. Des reprises, il y en a bon nombre pour marquer l’ultime mandat du fondateur d’Am Stram Gram: Blanches, de son successeur Fabrice Melquiot, Les Deux Gredins, de Roald Dahl ou encore Les Derniers Géants, de François Place. Côté création, Jules Supervielle s’invite avec La Belle au Bois, une féerie en trois actes. «Il s’agit de montrer des spectacles emblématiques de notre travail», explique Dominique Catton, qui se défend de toute «nostalgie». En moins de vingt ans, son théâtre aura drainé près de 550 000 spectateurs, signe d’une véritable adhésion du public. Lequel ne devrait pas bouder Ca- U Les agences d’événementiel sont nombreuses à Genève. Une trentaine il y a dix ans contre plus de cent trente aujourd’hui. Pourtant, si la crise a forcé les plus généralistes d’entre elles à fermer, la concurrence ne semble pas les inquiéter. «Nous sommes dans ce circuit depuis dix ans. On a nos clients et on ne connaît pas nos concurrents, raconte Dominique Franchino, de chez Events Concept. Alors une agence de plus ou de moins! Il y a de la place pour tous, la clientèle et les désirs sont diversifiés.» Un avis partagé par toutes les agences contactées. «Il y a rarement des demandes liées à l’art contemporain, mais pourquoi pas? Les clients recherchent toujours de nouvelles propositions», note quant à lui Antoine Painot, «director of events» chez MCI. Olivier Pochelon, gérant de Conférences.ch, tempère: «L’idée est bonne, reste à savoir si elle peut durer. Les intéressés ne veulent jamais deux fois la même chose. S’ils ont eu de la magie une fois, c’est terminé.» Seule solution, selon Dominique Franchino, «devenir hyperspécialisé. Une agence peut alors en mandater une autre pour des contrats spécifiques.» A.VA. Infos: www.amstramgram.ch et www.tcag.ch Ça vous tente? «Blackbird» bouscule les tabous au Poche L’avis de la concurrence à Genève rouge, dont l’affiche est, comme on dit, un «excellent cru». On la donnera dans le désordre pour satisfaire les impatients intrigués par le titre: oui, Eric Cantona sera sur la scène carougeoise, où il campera un Père Ubu fougueux dans Ubu enchaîné mis en scène par Dan Jemmett. Etrangement, vu les faits d’armes du gaillard, il ne s’agit pas d’une reprise… Au rayon des bonnes surprises, on rangera aussi Têtes rondes et têtes pointues, un Brecht traité à la mode burlesque par Christophe Rauck. Un autre grand rendezvous est fixé avec Piotr Fomenko, l’un des plus prestigieux metteurs en scène russes. Sa compagnie présentera Loups et Brebis, d’Alexandre Ostrovski, et Le bonheur conjugal, de Léon Tolstoï. Pour situer le personnage: à Moscou, les délais d’attente pour voir ses spectacles sont de… cinq ans! Jean Liermier, qui mettra en scène Figaro! d’après Beaumarchais et reprend L’école des femmes, accueillera également JeanClaude Issenmann - «un poète de la scène» - et Alain Françon. Le premier pioche dans la correspondance de Karen Blixen pour composer ses Contes divers et le second invite le public dans le domaine familial d’Oncle Vania, de Tchekhov. Tout cela façonne une saison d’une grande cohérence qui, mine de rien, ricoche à souhait sur l’actualité. Lionel Chiuch Théâtre Une histoire d’amour? Pas comme les autres, c’est certain. Quand ils se sont aimés, il avait quarante ans et elle… douze! C’est leurs retrouvailles, dix ans plus tard, que Gérard Desarthe met en scène au Poche. Prune Beuchat et Raoul Teuscher campent ce couple égaré que la société a d’avance condamné. David Harrower, l’auteur, aborde avec humanité un des plus grands tabous de notre époque. L.CH. Au Poche, 7, rue du ChevalBlanc. Jusqu’au 19 juin. Loc. 022 310 37 59. L’OSR avec Kazushi Ono et Nikolaj Znaider Classique Programme hongrorusse, mercredi au Victoria Hall. L’OSR, pour le 8e concert de sa série Symphonie, invite le chef japonais Kazushi Ono à diriger les Danses de Galánta pour orchestre de Zoltán Kodály et la 5e Symphonie de Serge Prokofiev. Il sera rejoint en milieu de programme par le violoniste Nikolaj Znaider, qui donnera le 2e Concerto de Béla Bartók, partition aussi somptueuse que difficile. Une soirée qui promet de beaux moments. S.BO. Victoria Hall, me 1er à 20 h.