Chapitre 1 : Généralités
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Chapitre 1 : Généralités
Chapitre 1 : Généralités 1.1 INTRODUCTION 1.1.1. DEFINITION DE L'ADDITIF "On entend par additif (Directive 89/107/CEE du Conseil du 21 Décembre 1988) : toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi, habituellement non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l'alimentation, possédant ou non une valeur nutritive ; son adjonction intentionnelle aux denrées alimentaires est faite dans un but technologique, au stade de leur fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage : elle a pour effet de devenir elle-même, ou ses dérivés, un composant des denrées alimentaires". Quatre traits essentiels sont à retirer de cette définition : - 1°) On ne parle pas de produit chimique pour désigner un additif, mais uniquement de "substance". Cette expression est plus générale, mais doit bien être distincte de la définition d'aliment. - 2°) L'additif est une substance ajoutée volontairement, donc connue en quantité et en qualité. - 3°) Il est employé dans un but déterminé, pour jouer un rôle reconnu utile. - 4°) Il demeure dans l'aliment, lui ou ses dérivés s'il se transforme. 1.1.2. DEFINITION DE L'AUXILIAIRE TECHNOLOGIQUE On entend par auxiliaire technologique (voire directive plus haut) : "toute substance non consommée comme ingrédient alimentaire en soi, volontairement utilisée dans la transformation des matières premières, des denrées alimentaires ou de leurs ingrédients, pour répondre à un certain objectif technologique pendant le traitement ou la transformation ; pouvant avoir comme résultat la présence non intentionnelle de résidus techniquement inévitables de cette substance ou de ses dérivés dans le produit fini, à condition que ces résidus ne présentent pas de risque sanitaire et n'aient pas d'effets technologiques sur le produit fini" Les différences fondamentales sont, par rapport à l'additif, les suivantes : - 1°) L'auxiliaire est employé dans un but uniquement technologique, à titre utilitaire dans un procédé de fabrication. - 2°) Il exerce un rôle intermédiaire, non permanent. - 3°) Il ne subsiste pas dans l'aliment, sauf traces. Pour être autorisé, un auxiliaire technologique doit : - Etre technologiquement nécessaire, correspondre à un besoin ; - Avoir un rôle d'amélioration sur la conservation, la stabilisation ou les caractères organoleptiques ; - Aider à la fabrication, l'emballage ou le transport ; - Ne présenter aucun danger pour la santé aux doses utilisées ; - Etre soumis à des essais toxicologiques permanents ; - Répondre à des critères de pureté spécifiques ; - Etre employé dans des conditions précisées par produit et par dose, tenant compte de la dose journalière admissible et des apports faits par l'ensemble des aliments. 1.2 CLASSEMENT DES ADDITIFS La classification UE a, aujourd'hui, supplanté l'ancienne classification française, ou même celle du "Codex Alimentarius". Elle classe les additifs en 24 catégories, ci-après désignées : 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 Colorants Conservateurs Antioxygènes Emulsifiants Sels de fonte Epaississants Gélifiants Stabilisants Exhausteurs de goût Acidifiants Correcteurs d'acidité Antiagglomérants 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Amidons modifiés Edulcorants Poudres à lever Antimoussants Agents d'enrobage Agents de traitement de la farine Affermissants Humectants Séquestrants Enzymes Agents de charge Gaz propulseurs et d'emballage 1.3 CLASSEMENT DES AUXILIAIRES TECHNOLOGIQUES La classification actuelle fait apparaître 20 catégories : 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 Correcteur d'acidités inclus dans "autres" Antiagglomérants Antimoussants Agents d'enrobage et de glisse Humectants, mouillants Enzymes Gaz (propulseurs, de garde) Catalyseurs Clarifiants Stabilisateurs de couleur 11 Surgelants 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Immobilisateurs d'enzymes Solvants d'extraction Modificateurs de cristallisation Floculants Résines échangeuses d'ions Agents de contrôle des microorganismes Agents de lavage et de pelage Agents nutritifs de levures Autres 1.4 CONCLUSION QUANT AU CONCEPT D'ADDITIF OU D'AUXILIAIRE TECHNOLOGIQUE Les concepts d'additifs et d'auxiliaires technologiques sont faciles à cerner : l'additif est ce qui demeure, l'auxiliaire est transitoire. Aussi ténue qu'elle puisse paraître, cette distinction est importante dans la mesure où elle figure sur l'étiquette informant le consommateur. Le classement en catégories fonctionnelles est infiniment plus sujet à caution, dans la mesure où de nombreux additifs possèdent plusieurs fonctions, prioritaires de manière plus ou moins marquée selon l'aliment concerné. De nombreux atermoiements auront, au final, été nécessaires pour que soit mise en place une classification commune aux états de l'Union Européenne. Ce n'est ainsi que le 11 Mars 1988 que l'usage des édulcorants a été autorisé en France dans les boissons et certains aliments pour régime, alors que de longue date, leur usage était possible dans d'autres pays de l'UE. De même, c'est la raison pour laquelle les arômes, oligo-éléments et additifs nutritionnels n'ont pu, faute d'accords généraux, être englobés dans la directive "additifs". Il est pourtant fondamental de voir quel soin a été mis, depuis le début du 20ème siècle, à définir clairement l'additif, ou l'auxiliaire, par rapport à l'aliment. C'est que le consommateur est sensible au mythe du "pur", le pur étant le produit non modifié et donc, a priori, supposé idéal. Si l'on compromet cet idéal par des produits d'intervention, il faut que ce soit dans le cadre d'une autorisation tranquillisante pour l'esprit... 1.5 ROLE ET INTERET DES ADDITIFS ALIMENTAIRES FABRICATION EN TECHNOLOGIE ALIMENTAIRE ET DES AUXILIAIRES DE 1.5.1. JUSTIFICATION DE L'EMPLOI DES ADDITIFS Un trop grand nombre de nos contemporains s'imagine que les additifs sont une "invention" récente. De fait, ce sont plutôt les concepts réglementaires qui sont nouveaux. La notion d'additif alimentaire date du début des années 50, celle d'auxiliaire technologique des années 60. De fait, dès le début du siècle (Loi de 1905), on a cherché à identifier et contrôler ce qu'on appelait alors les "produits chimiques", termes alors adaptés puisqu'il s'agissait précisément de substances n'ayant aucune valeur nutritive : colorants de synthèse ou conservateurs. Or, ces "produits chimiques" n'ont pas été créés de toutes pièces, mais sont souvent la reproduction par synthèse ou l'extraction purifiée de substances antérieurement réputées pour leur activité. De la même façon, l'attitude consistant chez certains à nier systématiquement l'intérêt des additifs est répandue. On croit alors que les industries alimentaires utilisent systématiquement ces substances au détriment du consommateur, entre autres pour masquer une qualité inférieure. Cette attitude est obscurantiste, dans la mesure où l'on ne peut contester la contribution de ces additifs à la valorisation des aliments, à la diminution du gaspillage, à l'extension de la diversité. Quelle ménagère aujourd'hui accepterait la perte de temps nécessaire à compenser la disparition des sauces, desserts ou boissons prêts à l'emploi ? Qui accepterait les risques importants encourus en consommant des substances dont la conservation ne reposerait sur aucune garantie aseptique sérieuse ? En fait, cette attitude de méfiance résulte, pour l'essentiel, de deux phénomènes : tout d'abord, l'aspect "terrifiant" de certaines étiquettes où les additifs figurent crûment sous leur dénomination chimique, ou sous une numérotation incompréhensible ( l'affaire du E 330...), ensuite, le goût immodéré de la presse et des médias à braquer les projecteurs sur les scandales, en oubliant l'objectivité...et le reste. L'additif, ou l'auxiliaire, a plusieurs rôles, que nous allons rapidement tenter d'énumérer : - La conservation où l'additif est une version "modernisée" du soufrage, de la fumaison, de la marinade... - L'amélioration de l'aliment : l'exemple le plus ancien d'additif est le levain boulanger, qui rend les préparations à base de farine plus facilement assimilables... - L'amélioration de la présentation, qui n'est effectivement pas prioritaire. - La diversification des préparations alimentaires : exemple des confitures, des sauces émulsionnées... 1.5.2. EVOLUTION DE L'EMPLOI DES ADDITIFS Il est possible, schématiquement, de distinguer trois étapes à cette évolution, l'une allant de la fin du XVIIIème siècle à 1950, la seconde de 1950 à nos jours, et enfin une troisième étape en prise avec l'avenir de l'industrie alimentaire. 1.5.2.1. De l'empirisme à la législation La fin du XVIII ème est importante à plus d'un titre, en ce sens qu'elle marque l'avènement de la Chimie en tant que science expérimentale et le développement de la Physique. Pratiquement un siècle après, ce sont les découvertes de la bactériologie qui, conjointement, permettront de mieux comprendre les mécanismes d'action, notamment en ce qui concerne la conservation. En ce qui concerne la conservation, on va tout d'abord comprendre le rôle du chlorure de sodium, en tant que modificateur de la pression osmotique et de l'activité de l'eau, empêchant le développement des bactéries et des moisissures. Dès lors, et partant de ces observations, on va proposer d'autres procédés, parmi lesquels : - L'emploi des phénols (paraoxybenzoates), de l'acide sorbique qui inhibent le développement des micro-organismes sans altérer le goût de la denrée comme le fait le sel. - L'utilisation des antioxydants et la conservation sous vide ou sous gaz inerte qui empêchent le rancissement et autres formes d'altération résultant de l'action de l'air. - La technique d'humidité réduite, qui, par réduction de l'activité de l'eau due à l'addition de substances diverses, ou d'électrolytes, inhibe la contamination par les micro-organismes. En ce qui concerne les émulsifiants, la présence et le rôle de la lécithine, constituant du jaune d'oeuf, sera découverte à la fin du XIXème siècle. On l'isolera plus tard, et en quantités plus importantes de graisses oléagineuses, telle celle du soja, par exemple. Mais, surtout, c'est la compréhension de son mécanisme d'action qui permettra la préparation d'additifs alimentaires mieux adaptés. En ce qui concerne les auxiliaires technologiques, c'est vers la moitié du XIXème siècle qu'a été réalisée la première préparation enzymatique à partir d'orge germée. Il a fallu par contre attendre une époque récente pour que soient élucidés les mécanismes d'action des enzymes. On a, durant cette époque, appris à produire ces variétés d'enzymes, soit par extraction de tissus animaux ou végétaux, soit de façon plus efficace par culture de micro-organismes appropriés. On a ainsi pu assister au développement des glycosylhydrolases (α et β amylases, pullulanases, isoamylase, amyloglucosidase...), des isomérases qui ont permis l'essor de l'industrie des dérivés de l'amidon (glucose, fructose, maltose, maltodextrines, cyclodextrines...) Devant ce rapide développement scientifique, les Pouvoirs Publics ont, en France, senti le danger de laisser faire sans contrôle, et introduisent un principe majeur qui inverse totalement les habitudes d'alors : "Tout ce qui n'est pas autorisé est interdit". La première application remonte à 1912 et concerne alors les conservateurs et les colorants. Les listes positives seront ensuite étendues à l'ensemble des additifs. Pour figurer sur ces listes, il faut déposer un dossier qui deviendra, au fur et à mesure des années, de plus en plus lourd. Le poids moyen d'un dossier était, en 1982, de 30 kilogrammes, le coût des opérations nécessaires à son dépôt d'environ 20 millions de francs à la même époque, le temps nécessaire à son élaboration de 5 ans minimum. Quant aux démarches administratives nécessaires à son étude, elles duraient alors en moyenne quatre ans (ceci pour un additif entièrement nouveau). Si les progrès de la science ont amené à proposer des substances nouvelles, ils ont également conduit à en supprimer. Citons par exemple : - L'acide salicylique employé pour la préparation des confitures de ménage et dont l'emploi a été déconseillé par les hygiénistes n'est aujourd'hui plus admis. - Le sulfate de calcium, utilisé déjà par les Romains pour le traitement des vins, a longtemps été autorisé en France. Il ne l'est plus, essentiellement à cause des impuretés apportées par le plâtre, qui était la forme de CaSO4 utilisable. - Certains colorants végétaux, comme l'orseille, autorisée en 1912, ou de synthèse, tel le jaune solide, autorisé par une directive communautaire de 1962 ont été depuis supprimés de la liste des colorants. Les raisons qui ont conduit à cette décision sont d'ailleurs plus liées à un manque de données toxicologiques suffisantes qu'à un risque véritable pour le consommateur. Il faut également mentionner que l'accent a été mis sur la qualité des additifs. Ceux-ci sont autorisés à partir d'une préparation déterminée mise au point par un fabricant. D'autres producteurs peuvent cependant commercialiser la même substance obtenue un peu différemment. On a pu relever des préparations comportant des impuretés nuisibles dues : - Aux matières premières : présence de métaux lourds apportés par les substances minérales naturelles employées. - A un procédé de fabrication différent de celui du produit expertisé : les impuretés ne sont alors plus les mêmes. - A des fabrications ne respectant pas les phases de purification nécessaires. Ceci a conduit à publier, dans le Journal Officiel, des spécifications minimales. Des règles d'étiquetage engagent le producteur d'additifs, mais c'est au fabricant de denrées alimentaires qu'il appartient de s'assurer que les garanties nécessaires sont bien respectées. 1.5.2.2. De la cuisine familiale à l'industrie alimentaire Si par le passé, et jusqu'aux années 50, une partie notable de la population produisait ses propres légumes, ses propres fruits, ses conserves de viande, n'achetant que le pain (et encore..), la charcuterie ou la confiserie, la situation actuelle s'est bien modifiée, puisque désormais 75 % des boissons et produits alimentaires sont d'origine industrielle. Cette évolution massive, liée, entre autres, à l'urbanisation, a provoqué l'expansion rapide des denrées alimentaires prêtes à l'emploi. La conséquence inéluctable en est l'éloignement de plus en plus grand de la fabrication du produit alimentaire par rapport au consommateur, aussi bien dans le temps que dans l'espace. Ce phénomène a réactualisé de manière nouvelle le problème de la conservation, non plus des aliments bruts, mais des produits finis. De la même façon, lorsqu'on réalise un plat "chez soi, et pour soi", on admet que, d'une fois sur l'autre, la plat puisse présenter des différences sensibles liées au cuisinier, et aux aliments mis en oeuvre, tout autant que l'aspect du plat confectionné sera secondaire, puisque "l'on sait ce qu'il y a dedans". Il est par contre évident que ces différences d'aspect, de saveur ou de composition sont intolérables pour l'industriel, puisque intolérables pour le consommateur... Encore plus évidente est la variabilité de la matière première, qui, dans le contexte de l'utilisation familiale, est sans importance ("on fait avec") ; cependant qu'elle est un facteur capital à l'échelon industriel. Tous ces impératifs de constance du produit, liés à la nécessité économique de la mise au point de produits nouveaux - seuls garants d'exclusivité complète sur un marché ultra-concurrentiel - ont donné aux additifs le rôle plus noble de correcteur de qualité, le terme n'étant pas pris au sens de tromperie sur la marchandise, mais plutôt de garantie d'offrir au consommateur une qualité de produit constante dans le temps. 1.5.2.3. Perspectives d'avenir Si les "examens toxicologiques" existent depuis 1912, l'appréciation de l'intérêt de l'additif a, jusqu'à présent, toujours été laissée à l'appréciation du demandeur. Le mouvement consumériste a obtenu, depuis, la possibilité d'être informé par l'étiquetage sur le contenu de tel ou tel aliment en additifs. Le voeu actuel semble bien être de pouvoir intervenir avant la mise sur le marché des substances, et aussi d'avoir un droit de regard sur la justification de l'emploi de ces produits. On peut donc supposer que, dans les années à venir, le caractère impératif de l'emploi de tel ou tel produit en tant qu'additif sera un élément déterminant de son autorisation d'emploi. Espérons que la consultation plus étendue des consommateurs sera génératrice de meilleure compréhension entre producteurs et acheteurs. 1.6 ADDITIFS, AUXILIAIRES ET INTERET DES CONSOMMATEURS 1.6.1. ATTITUDE DES CONSOMMATEURS L'évolution des législations fait, qu'aujourd'hui, l'étiquetage des aliments dénote clairement de la teneur de ceux-ci en additifs autorisés ; et ce, depuis 1972. Cela n'empêche pas grand nombre de consommateurs de manifester des craintes, voire des sensations de rejet vis-à-vis des additifs alimentaires. L'affaire du "tract de Villejuif", datant de 1975, est, à cet égard, significative. On y classait, au travers de la liste des additifs autorisés, les additifs en "suspects" ou "toxiques". Le chapeau de l'hôpital de Villejuif était sensé donner au tract la caution scientifique, mais aussi la coloration inquiétante qui entoure tout ce qui touche au cancer ( à noter que ledit tract n'avait jamais, de près ou de loin, approché Villejuif ). On trouvait dans ce tract des erreurs monstrueuses, telles celles dénonçant l'acide citrique, alias E 330, comme "le plus dangereux des additifs" ! Cela n'a pas empêché l'initiative de connaître un large succès tout autant qu'une large diffusion, y compris auprès d'associations de consommateurs réputées - a priori - pour leur sérieux et leur objectivité. Quoique dénoncé en 1975, le tract a été repris avec un certain succès en 1981 et 1982, montrant en ce sens que l'information alarmiste circulait toujours très bien... De fait, la presse, relayée par les associations consuméristes, s'est toujours largement fait l'écho de tous les propos scientifiques négatifs concernant les additifs, ne fussent-ils, du reste, que des élucubrations sans fondement objectif aucun. Or, si constatation négative il y a, encore faut-il la tempérer par la connaissance de la dose à laquelle les symptômes négatifs apparaissent... Le chlorure de sodium, ainsi, entraîne la mort par blocage rénal (mais seulement s'il est consommé à raison de 2500 g pour un adulte de 75 kg). Informer, c'est bien, mais encore faut-il parfois donner tous les éléments d'information nécessaires. Face à ces réactions, un certain nombre d'enseignements s'imposent : - Les consommateurs méconnaissent la plupart du temps les conditions de préparation des aliments, et particulièrement de ceux préparés industriellement. Il y a, dans ce domaine, nécessité d'informations précises. - De nombreux consommateurs considèrent que des aliments comportant des additifs sont nécessairement plus dangereux que des aliments simples. Il y a là une assimilation radicale de l'additif au produit chimique, ce qui nécessiterait de redéfinir clairement les notions de naturel et de chimique ; le naturel étant le plus souvent assimilé au désirable, et le chimique au cancérigène. - Il importe, en matière de législation, de se méfier des affirmations de principe, tout comme des points de vue radicaux : la remise en cause de la toxicité ou de l'innocuité d'un produit peut être extrêmement rapide. - Les consommateurs font souvent le voeu de disposer de produits sans additifs, mais les trouvent souvent, objectivement, inférieurs aux produits en contenant... L'échec des boissons garanties sans colorants est à cet égard extrêmement significatif. - Il y a tout à gagner, en fait, à ce que les conditions de l'examen des caractéristiques technologiques, toxicologiques et économiques de l'emploi des additifs, ainsi que l'élaboration des règlements, se fassent dans la plus grande transparence possible. 1.6.2. CONDITIONS D'ADMISSIBILITE DES ADDITIFS, DU POINT DE VUE DES CONSOMMATEURS Il est facile de résumer les critères auxquels devrait répondre un additif pour être accepté sans problèmes par l'ensemble des consommateurs : - Sécurité : l'additif ne doit pas présenter d'inconvénient pour la santé des consommateurs : ceux-ci admettent le principe du "risque calculé", mais demandent à ce que tout soit entrepris pour ne pas augmenter le risque. - Tromperie : Un additif ne doit pas entraîner de tromperie en donnant aux aliments des caractéristiques organoleptiques ou physiques qui créent des confusions ou masquent des baisses de qualité. - Nécessité technologique : Un additif doit répondre à une nécessité technologique (à l'exception de celle tendant à masquer la faible qualité d'un produit). N'admettre que les additifs vraiment indispensables, c'est aussi limiter le risque global résultant de leur utilisation. - Contrôle : L'emploi d'un additif doit pouvoir être contrôlé, ce qui implique l'existence de méthodes d'analyse fiables et praticables par un nombre suffisant de laboratoires. - Révision des autorisations : Il est souhaitable que le nombre des additifs autorisés soit le plus faible possible, de manière à conduire les organismes législatifs à se demander, lors de l'autorisation d'un nouvel additif, s'il n'est pas possible d'en supprimer un ou plusieurs autres équivalents quant à leur fonction. - Etiquetage : L'emploi des additifs doit être signalé dans l'étiquetage. C'est certes réalisé depuis les années 1970, mais çà n'est toujours pas parfaitement clair. 1.7. ADDITIFS ET LEGISLATION 1.7.1. LES GRANDES ETAPES En France, la notion de "liste positive a été introduite par ROUX en 1909. Elle devait en principe permettre l'emploi de substances ayant fait preuve de leur innocuité. Le décret du 15 Avril 1912 établit la consultation obligatoire en France en matière de législation, auprès du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France (CSHPF) et de l'Académie Nationale de Médecine (ANM). Ce décret a été amendé par celui du 12 Février 1973, encore en vigueur moyennant quelques modifications. Le décret du 7 Décembre 1984 a défini les règles d'étiquetage des denrées alimentaires préemballées, tant pour les additifs et auxiliaires technologiques présentés à la vente que pour les produits alimentaires contenant des additifs. Les mentions devant figurer obligatoirement sur l'emballage sont les suivantes : - 1°) Dénomination de vente - 2°) Liste des ingrédients, précédée de la mention "ingrédients". En France, elle est suivie de leur énumération dans l'ordre décroissant de leur importance au moment de leur mise en œuvre. Chaque additif ou ingrédient figure avec : - Le nom de la catégorie : colorants, conservateurs, émulsifiants, etc… - Le nom spécifique ou le code CEE - 3°) La quantité nette - 4°) La date jusqu'à laquelle la denrée conserve ses qualités spécifiques ainsi que l'indication des conditions particulières de conservation - 5°) Le nom ou la raison sociale, l'adresse du fabricant ou du conditionneur, ou d'un vendeur établi à l'intérieur de la Communauté Européenne. Le 15 Mai 1985 a été arrêté un principe de numérotation conventionnelle : 100 pour les colorants, 200 pour les conservateurs, 300 pour les antioxygènes, 400 pour les stabilisants, émulsifiants, épaississants ou gélifiants. 1.7.2. ORGANISMES DE PROTECTION DU CONSOMMATEUR A l'échelle internationale existent un certain nombre d'organismes chargé de sauvegarder la santé des consommateurs : - FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) dont le siège est à Rome. Cette organisation a été créée en 1943 à l'initiative du Président Roosevelt dans le but de développer le bien-être général. - OMS (Organisation Mondiale de la Santé) ou WHO (World Health Organization) dont le siège est à Genève. Le FAO/OMS fait partie des Nations unies et représente à ce jour 138 pays membres. - UE (Union Européenne), dont le siège est à Bruxelles. C'est cette instance qui pèse aujourd'hui le plus lourdement sur la législation française en matière d'additifs : une réglementation européenne fait en effet loi dans tous les états membres dès qu'elle est adoptée. Une directive communautaire, bien que faisant loi, instruit les états membres de transcrire en droit national les termes de la directive au cours d'une période généralement de 18 mois. En matière d'alimentation, la directive est, en général, la règle. Au sein de l'Union Européenne, la libre circulation des denrées alimentaires doit être assurée, et les aliments soumis aux mêmes règles de définition, de composition et d'étiquetage. Cet effort se fait par l'intermédiaire de directives et règlements décidés par le Conseil, sur proposition de la Commission et après avis du Parlement Européen. La Commission de l'Union Européenne (DG III) a mis en place un comité d'experts européens appelé CSAH (Comité Scientifique pour l'Alimentation humaine), ayant un rôle équivalent à celui du JECFA (Joint Expert Committee on Food Additives) : détermination d'une DJA (Dose Journalière Admissible) après examen du dossier toxicologique, estimation des niveaux de consommation. On ne peut évaluer objectivement la teneur en additifs d'un aliment sans analyses, à la condition expresse que celles-ci soient normalisées. C'est la fonction de plusieurs organisations, regroupées mondialement autour de l'ISO (International Standard Organization). Cette organisation regroupe l'AFNOR (Association française de Normalisation) pour la France, le BS (British Standard) pour la Grande-Bretagne, le DIN (Deutsches Institut für Normung) pour l'Allemagne, l'ASTM (American Society for Testing and Materials) pour les Etats Unis. Le FAO/OMS possède sa propre instance de normalisation alimentaire : le Codex alimentarius. Actuellement, plus de deux cent normes ont été publiées. Les travaux du Codex sont examinés par le JECFA dans le domaine de la sécurité alimentaire. 1.7.3. PROCEDURES DE DEMANDE D'AUTORISATION 1.7.3.1. Réglementation française Depuis 2000, la procédure d’homologation d’un nouvel additif ne passe plus que par un seul organisme décideur, l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments). Cette agence intègre en son sein les trois composantes antérieures : ANM, CSHPF et CTA. Un comité d’experts spécialisés « additifs, arômes et auxiliaires technologiques » est donc seul responsable des nouvelles procédures d’autorisation. Industriel des IAA et fabricant de l'additif DGCCRF Envoient en 4 exemplaires une demande sous forme de 3 dossiers : technique, analytique, toxicologique. J.O. de la R.F. AFSSA Analyse du dossier par rapport aux FAO/OMS, CEE, Codex A. NOEL (No Observed Effect Level) Détermination de la DJA Le décret 89/674 du 18 Septembre 1989 définit trois procédures de demande d'autorisation : - Procédure allégée : Elle concerne l'extension d'emplois d'additifs qui figurent déjà à un inventaire et dont l'utilisation est considérée comme banale. Cet inventaire est une liste établie jusqu’à présent par le CSHPF et l'ANM qui comprend des substances dont l'extension d'emploi ne nécessite pas une nouvelle évaluation de leur sécurité. La modification des conditions d'emploi doit être adressée à la DGCCRF. L’AFSSA est consultée pour avis. Sans réponse du ministère dans un délai de quatre mois, la demande est considérée comme acceptée. - Procédure courante : Elle concerne les additifs figurant déjà sur la liste positive et dont on demande une extension. La demande est comparable à la précédente, mais le dossier transmis à la DGCCRF est transmis à l’AFSSA, qui doit vérifier que la nouvelle autorisation ne risque pas d'amener le consommateur à dépasser la DJA. Une autre mission est d'évaluer sur le plan technologique la réalité du besoin nouveau, et l'absence de risque de tromperie du consommateur. - Procédure complexe : Elle a pour objet la demande d'autorisation d'emploi de nouvelles substances, et, dans ce cas, l’AFSSA est seule décideuse. Moins la substance est connue, plus les garanties de son innocuité doivent être sérieuses et approfondies. Les avis doivent être motivés et publiés au Bulletin Officiel des Affaires Sociales et à celui de la DGCCRF, et notifiés au demandeur dans un délai d'un mois après leur adoption. En cas de décision favorable, un avis doit être publié au J.O. afin d'informer les personnes intéressées et l'autorisation accordée par arrêté. Ce dernier fixe la liste des additifs autorisés, les denrées alimentaires auxquelles ils peuvent être ajoutés ainsi que les conditions d'utilisation. L’arrêté d’autorisation est provisoire, et accordé pour une durée de deux ans. Le dossier est ensuite transmis à la commission européenne. 1.7.3.2. Réglementation européenne Décrivons la procédure de demande d'autorisation : Dossier transmis par un état membre à la Commission Européenne DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL METTANT A JOUR LA LISTE POSITIVE EUROPEENNE CSAH JOCE TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EN DROIT NATIONAL Au niveau des similitudes et différences pouvant exister entre les procédures d'autorisation française et européenne, on peut mentionner que, globalement, les étapes sont identiques : - L’AFSSA est, à l'Europe, remplacé par une structure homologue, le CSAH, lequel, à l'instar de ses homologues, va établir la "NOEL" (No Observed Effect Level), conduisant à la détermination d'une DJA. - L'avis général sur le produit est soumis en Europe à la Commission européenne, qui après échange avec le Parlement (son rôle est en effet seulement consultatif), va éventuellement émettre un avis favorable qui sera inscrit au JOCE, homologue du JORF français. La transcription au droit national sera l’étape ultime. A l’échelon européen, l’harmonisation est complète, mais : - Un état membre peut suspendre provisoirement une autorisation pour des raisons de santé publique (art. 4 de la directive 89/107) - Un état membre peut autoriser provisoirement un nouvel additif sur son territoire pour une durée de deux ans (art. 5 de la directive 89/107). Dans les deux cas, l’état membre avertit la Commission et les autres états membres (en motivant sa décision), et des mesures sont prises soit pour reprendre ces dispositions nationales au niveau communautaire, soit pour les annuler (après avis du CSAH). 1.7.3.3. Réglementation des Etats-Unis L'approche américaine est définie par le Département de la Santé, par le biais de la FDA (Food and Drug Administration). Elle s'efforce d'allier à une grande rigueur scientifique une ouverture au grand public par un débat contradictoire entre les parties intéressées. Le processus d'autorisation est défini dans le Red Book, qui constitue une base de données très complète en matière d'exigences de dossiers de demande d'autorisation. Selon la structure chimique, les niveaux de risque sont divisés en trois catégories : risques faibles, risques probabales autres que mutagénèse et cancérogénèse, risques importants : mutagénicité, cancérogénicité, etc… Le statut GRAS (Generally Recognized as Safe) est, dans le principe, une liste d'additifs autorisés en applications alimentaires. Cette liste, commencée en 1958, peut être augmentée ou modifiée à tout moment. Deux procédures s'y rattachent : - Celle de self affirmation, pour laquelle l'industriel met le produit sur le marché sous sa seule responsabilité ; - La procédure de gras petition, de loin la plus fréquente, est la recherche officielle de l'assentiment de la FDA pour un dossier. L'avantage du statut GRAS est que le produit peut être mis immédiatement sur le marché après que le pétitionnaire a reçu l'enregistrement de son dépôt officiel à la FDA. La contrepartie étant que la FDA se réserve le droit de justifications complémentaires et peut même retirer l'agrément initial. - Si, après la constitution du dossier auprès de la FDA, celle-ci remette en cause le statut GRAS, la demande est transformée en "Food additive Petition". 1.8 ELABORATION DES TROIS DOSSIERS DE DEMANDE D'AUTORISATION EN FRANCE 1.8.1. DOSSIER TECHNIQUE ET TECHNOLOGIQUE Ce dossier doit comporter les informations suivantes : - 1°) Définition et composition de la substance ; - 2°) Description du phénomène que l'additif doit permettre d'éviter (oxydation, décoloration, séparation, etc..) ou de réaliser (émulsion, épaississement, etc…) ; - 3°) Description du procédé de fabrication, détails nécessaires au mode d'incorporation dans l'aliment ; - 4°) Rapports d'essais à des doses variables, avec précisions sur les conditions des essais (température, pH, etc…) ; - 5°) Description des critères retenus pour apprécier l'efficacité du produit ; - 6°) Indication des additifs produisant éventuellement les mêmes effets, argumentation du choix préférentiel du produit ; - 7°) Référence aux autorisations d'emploi dans d'autres pays, notamment l'UE, pour les mêmes denrées alimentaires ; - 8°) Evaluation dans la mesure du possible des quantités absorbées par le consommateur en fonction des doses résiduelles et des quantités d'aliment ingérées. 1.8.2. DOSSIER TOXICOLOGIQUE Il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'innocuité de son produit. Le dossier toxicologique est, de très loin, le plus long et le plus coûteux à établir. Sa durée d'établissement peut être de cinq à dix ans, voire plus. L'étude toxicologique comporte l'étude de la toxicité aiguë et l'étude de la toxicité à terme, rassemblées en six sections : - 1°) Epreuve de toxicité aiguë ; - 2°) Epreuve de toxicité à terme ; - 3°) Répercussions sur les fonctions de reproduction ; - 4°) Epreuves de mutagénèse et cancérogénèse ; - 5°) Recherche des propriétés allergisantes et des effets possibles sur les fonctions immunitaires ; - 6°) Renseignements obtenus sur l'Homme. Les études in vivo sont, le plus souvent, effectuées sur les animaux suivants : - souris, rat, porc pour les fonctions digestives ; - lapin, cobaye pour les tests cutanés. Les études in vitro concernent les tests de mutagénèse et cancerogénèse. 1.8.2.1. Toxicité aiguë La toxicité aiguë est l'étude qualitative et quantitative de l'altération irréversible des fonctions vitales, après administration de la substance en une dose unique. Ceci revient à la détermination de la dose léthale 50 (DL50), c'est à dire la dose unique déterminant dans un délai de 14 jours la mort de 50 % des animaux traités. Cette étude a lieu sur deux ou trois espèces animales, avec obligation qu'au moins un des animaux ne soit pas un rongeur. Pour réduire le nombre d'animaux testés, on admet aujourd'hui le concept de "test limite" qui est le suivant : si une dose de 2500 mg/kg de poids corporel ne provoque pas de mortalité, le produit est admis comme non toxique, et la détermination de la DL50 n'est pas utile. Est intégrée à la toxicité aiguë l'évaluation du pouvoir irritant au niveau de la peau et des yeux des animaux traités. 1.8.2.2. Toxicité à terme On distingue ici entre la toxicité à court terme (90 jours) et celle dite à long terme (18 mois à deux ans). Sa fonction est de mettre en évidence les altérations fonctionnelles ou anatomiques pouvant résulter de l'administration de la substance sur une période couvrant l'intégralité de la vie de l'animal traité. Elle concerne également l'étude des fonctions de reproduction, de mutagénèse et de cancerogénèse, de sensibilisation et d'abaissement des barrières immunitaires. S'y rattachent aussi les observations faites chez l'Homme, en matière d'allergies ou d'intolérance, observations résultant fréquemment de l'évaluation des risques professionnels. 1.8.3. BILAN DES ETUDES TOXICOLOGIQUES L'ensemble des études effectuées va permettre de déterminer le NOEL (No Observed Effect Level) - similaire à l'ancienne DSE (Dose Sans Effet). Cette valeur définit, en principe, la dose absorbable sans effet adverse. Elle permet d'établir la DJA (Dose Journalière Admissible), exprimée en mg/kg de poids corporel, pour un individu de référence dont le poids est de 60 kg. La DJA est "la dose quotidienne d'une substance qui peut être ingérée sans risque la vie durant". D'une façon très générale, et pour tenir compte que l'Homme pourrait être plus sensible que l'animal de laboratoire à la substance testée, la DJA est, le plus souvent, égale à 1/100 du NOEL, pour tenir compte également d'autres effets connus : état nutritionnel, âge, état sanitaire, etc... On notera que si ce facteur de sécurité est légitime, l'appréciation de la DJA n'en reste pas moins discutable. Les experts du Codex ont développé des approches particulières : - DJA sans limite ou non spécifiée : Compte tenu des données cliniques, biochimiques et toxicologiques, la DJA ne constitue pas un danger pour la santé. Il n'y a donc pas de DJA exprimée en mg/kg. Une DJA non spécifiée est le statut le plus favorable pour un additif alimentaire. - DJA temporaire : Une DJA temporaire peut être fixée en attendant que des données complémentaires soient fournies dans un délai déterminé, les données toxicologiques disponibles sont toutefois déjà suffisantes pour garantir la sécurité d'emploi de l'additif. - DJA non fixée : Cette conclusion correspond aux cas suivants : - Insuffisance d'informations pour démontrer l'innocuité de la substance ; - Aucun renseignement disponible quant à l'utilisation en tant qu'additif alimentaire ; - DJA supprimée par suite de données toxicologiques insuffisantes ou parce que des renseignements complémentaires n'ont pas été fournis. 1.8.4. DOSSIER ANALYTIQUE La bonne élaboration de ce dossier est également indispensable. Elle doit définir le nom et la nature chimique de la substance, sa formule brute, sa formule développée, sa nomenclature, les caractéristiques physico-chimiques ayant permis d'identifier sa structure par des techniques classiques (point de fusion et/ou d'ébullition, pouvoir rotatoire, caractéristiques spectrales UV, IR, Raman, RMN, spectrométrie de masse, analyse élémentaire, etc..) Ces données permettent de déterminer le degré de pureté. Le degré de pureté et les critères d'identité ont fait l'objet de directives européennes portant sur les grands classes d'additifs. Le dossier doit également comporter la relation des moyens de contrôle de la teneur résiduelle dans les aliments et boissons. 1.8.5. ETIQUETAGE ET DATES LIMITES Sont interdits, dans l'UE, les produits pour lesquels les mentions nécessaires ne figurent pas dans une langue facilement comprise par le consommateur. L'Etat de commercialisation pourra rendre obligatoire l'étiquetage dans une plusieurs langues parmi celles de l'UE. L'affichage des dates limites se différencie en deux modes : - DLC (Date limite de consommation) : Lorsque cette date est arrivée à échéance, la détention, la circulation, la vente ou l'exposition à la vente est interdite. Le produit est réputé impropre à la consommation. Avant destruction, il doit être identifié et isolé, généralement dans un local spécifique. Les DLC s'appliquent d'une part aux denrées microbiologiquement très périssables et susceptibles de présenter un danger immédiat pour la santé après une courte période ; d'autre part aux denrées pour lesquelles la réglementation sanitaire fixe une durée de conservation. DLUO (Date limite d'utilisation optimale) : Cette durée engage la responsabilité du producteur sur les aspects qualitatifs et sanitaires de la denrée. La vente de ces produits n'est pas interdite après cette date, mais la responsabilité est alors supportée par le distributeur. Il est concevable qu'un producteur fasse revenir les produits après DLUO dans le cadre d'une démarche "Qualité", et éventuellement les traiter d'une manière les rendant à nouveau propres à la consommation. Dans le cas contraire, le produit pourra être destiné à l'alimentation animale ou à des fins industrielles. Dans tous les cas, le preuve devra être faite des traitements subis et de la destination de ces denrées. Chapitre 2 : Les additifs à finalité nutritionnelle 2.1 GENERALITES Les additifs à finalité nutritionnelle sont avant tout des nutriments et doivent être considérés et utilisés comme tels. Il s'agit pour l'essentiel de vitamines, de minéraux, de protéines, d'acides aminés essentiels. A la limite, on peut classer dans cette catégorie les fibres alimentaires, ou même certains lipides permettant un enrichissement en acides gras essentiels. Dans tous les cas, leur incorporation doit contribuer à satisfaire un besoin nutritionnel ou à rééquilibrer un régime alimentaire déficient. Historiquement, plusieurs exemples classiques son rapportés : BOUSSINGAULT, chimiste français, est le premier, en 1833 à préconiser l'adjonction d'iode au sel pour prévenir le goître. Cette supplémentation sera réalisée de manière effective en 1900 en Suisse (dans le chocolat), puis dans d'autres pays européens, et aux USA, dans le sel de cuisine. En 1916, le Danemark introduit la vitamine A dans la margarine, destinée à remplacer le beurre. En 1930, aux USA, le lait est enrichi en vitamine D, en 1941, la farine de blé est enrichie en thiamine, riboflavine, niacine et fer. A partir de 1948, les Philippines lancent un programme de supplémentation du riz en ces mêmes substances. Toutes ces actions ont eu un rôle important quant à la compensation de carences marginales, mais aussi quant à la régression de maladies telles le goître, le rachitisme, le pellagre ou certaines formes d'anémie. Selon la définition plus ou moins restrictive qui en est donnée, la liste des additifs alimentaires peut ne pas inclure les additifs nutritionnels, alors considérés à part : c'est le cas de la France. Aux USA, ces substances sont au contraire référencées en tant qu'additifs, et pour la quasi-totalité d'entre elles, non toxiques, sur une liste particulière dite liste GRAS (Generally Recognized As Safe). Dans tous les cas, les substances utilisées doivent obéir à un cahier des charges sévère quant à la justification de leur utilisation, leur pureté, et leur efficacité reconnue. Parfois, ce sont certains additifs d'intérêt technologique qui présentent fortuitement un intérêt nutritionnel : exemple des sels minéraux tels les phosphates ou les sels de calcium, des tocophérols, de l'acide ascorbique, qui ne sont pas reconnus comme nutriments par la législation française. Les principaux problèmes posés par l'emploi d'additifs nutritionnels peuvent se regrouper autour de deux grands thèmes : - La justification de leur emploi - Les modalités pratiques de la supplémentation. 2.2 JUSTIFICATION DE L'EMPLOI D'ADDITIFS A FINALITE NUTRITIONNELLE 2.2.1. PRINCIPES GENERAUX On peut, de manière très schématique, trouver la justification de l'emploi de ces additifs par leur fonction : - Restauration : addition de nutriments en vue de compenser les pertes survenues en cours de traitement de préparation ou de transformation. On parle aussi parfois de surcharge technologique. Le but n'est pas de combattre une carence, mais de restaurer au niveau initial les concentrations en nutriments. Citons par exemple la restauration de la vitamine C dans les pommes de terre en flocons. - Standardisation lorsqu'il s'agit de composer les écarts naturels de composition en nutriments, dus aux conditions climatiques ou de récolte ou aux fluctuations variétales. - Enrichissement : addition de nutriments à des aliments choisis, dans un but de santé publique. - Intersupplémentation consistant à associer entre elles des protéines qui se complètent mutuellement, du fait de leur composition différente et complémentaire en acides aminés essentiels. En fait, les raisons conduisant à supplémenter un aliment sont au nombre de quatre : - Perte de la valeur nutritionnelle par le traitement - Désir de fabriquer des aliments équilibrés, dans un but particulier ou non - Lutte contre les maladies de carence - rétablissement d'équilibres alimentaires normaux. 2.2.2. PERTES DE VALEUR NUTRITIONNELLE 2.2.2.1. Vitamines Il importe, tout d'abord, de distinguer entre pertes intentionnelles et pertes inévitables : l'écrémage du lait, par exemple, ne peut être confondu avec la perte de vitamine C résultant par exemple d'un traitement thermique. D'une manière générale, les pertes en vitamines dépendent de nombreux facteurs, parmi lesquels : le pH, la présence d'oxygène, de métaux, d'enzymes, la température, le temps. On peut proposer un tableau permettant de synthétiser, pour les vitamines, les principales causes de pertes : Vitamines A D E C B1 Solubilis. Oxydation Réduction B2 B6 Chaleur Acides Bases Lumière B12 PP Ac. fol.* Ac. pan.* = Pas d'effet sensible ; = Pertes sensibles ; = Pertes importantes ; = Effet bénéfique = Action indirecte ; * : Ac. fol. = acide folique ; Ac. pan. = acide pantothénique. Irradiat. Si l'on désire préciser un peu, on peut dégager quelques traits essentiels concernant les différentes vitamines : - Acide ascorbique (Vitamine C) : C'est la plus fragile des vitamines. L'oxydation , négligeable à pH acide devient d'autant plus rapide que le pH est alcalin ; elle est catalysée par des traces métalliques (fer, cuivre), voire par des enzymes telles l'ascorbate-oxydase, ou d'autres enzymes oxydantes. A noter que la destruction de vitamine C en furfural est catalysée par la présence de saccharose et de fructose. - Thiamine (Vitamine B1) : Elle est très hydrosoluble, et très thermosensible sous certaines conditions. Elle est plutôt stable à pH acide (< 5), mais détruite à température ordinaire en milieu neutre ou alcalin. Néanmoins, certains traitements thermiques, notamment parce qu'ils inhibent les thiaminases, peuvent avoir une influence positive sur la teneur en thiamine. - Riboflavine (Vitamine B2) : D'une bonne stabilité à la chaleur et à l'oxygène en milieu acide ou neutre, cette vitamine est en revanche décomposée par la lumière et les pH alcalins en lumiflavine, sans activité vitaminique, et qui de plus, conduit à la dégradation de la vitamine C. - Pyridoxine (Vitamine B6) : Stable à la chaleur en milieu acide ou alcalin, plutôt photosensible en milieu neutre ou alcalin. Très bonne conservation dans les produits secs. Réagit avec les acides aminés en perdant son activité vitaminique. - Cobalamine (Vitamine B12) : Assez résistante, quoique photosensible. Détruite par la vitamine C, la thiamine, les sels ferreux, les groupements sulfhydriles (par les réducteurs énergiques...). - Niacine (Vitamine PP) : En pratique, la plus stable des vitamines. Souvent peu disponible nutritionnellement car complexée à des polysaccharides de type cellulose ou hémicelluloses, libérable par cuisson alcaline. - Acide folique, folates : Solubles dans l'eau, sensibles à la chaleur. Les traitements thermiques peuvent libérer l'acide folique, plus stable. Oxydables et photosensibles, par irradiation de la riboflavine (photosensibilité indirecte). - Acide pantothénique : Stable à température ambiante à pH neutre ou alcalin. Résiste à la chaleur en milieu neutre. Ni oxydable, ni photosensible. - Vitamine A : Oxydable et photosensible. On n'observe cependant de forte oxydation que par chauffage prolongé. La stabilité de la vitamine est variable d'un aliment à l'autre en fonction de effet protecteur des lipides ou des antioxydants naturels. - Vitamine D : Stable, en général. Décomposition lente à la lumière. - Tocophérols (Vitamine E) : Antioxydants, dégradés lentement par l'oxygène et la lumière. - Vitamine K : Photosensible. Remarquons, pour finir, qu'il est raisonnable de se contenter, dans le domaine, de données qualitatives. De fait, la perte en vitamines est une fonction directe du traitement, mais aussi de l'aliment traité. De plus, la seule connaissance de la teneur brute est une indication très insuffisante, car elle ne tient pas compte de la disponibilité de la vitamine. En fait, le problème de la perte en vitamines n'est réellement significatif que si l'aliment concerné est particulièrement riche (Vitamine C de la pomme de terre, B1 de la charcuterie), ou largement consommé (céréales). Dans les cas marginaux, la perte ne constitue pas un réel problème. 2.2.2.2. Eléments et sels minéraux Les pertes ici, ont deux origines principales : pertes intentionnelles résultant du pelage des fruits, du parage des légumes, du blutage des céréales, de l'élimination du lactosérum ; ou pertes par solubilisation et diffusion dans l'eau. La cuisson à la vapeur permet de diminuer largement ces pertes par diffusion/solubilisation. En dehors de ces pertes, les minéraux peuvent être considérés comme des espèces particulièrement stables. Seule leur disponibilité peut être modifiée, soit par formation de complexes insolubles ou inassimilables, soit par oxydation : les sels ferriques sont, par exemple, moins aisément assimilables que les sels ferreux. Le problème posé est donc ici très mince. 2.2.2.3. Protéines et acides aminés Pour l'essentiel, il est possible de classer les phénomènes de perte d'acides aminés par la réaction conduisant à leur disparition, selon des mécanismes d'oxydation, d'isomérisation, ou de réaction rendant les acides aminés indisponibles. Les phénomènes d'oxydation affectent principalement les acides aminés soufrés ; de manière plus secondaire le tryptophane et les acides aminés aromatiques. Ainsi, la méthionine est aisément oxydée en sulfoxyde de méthionine, conservant 90 % de la valeur nutritionnelle de la méthionine, ou, dans des conditions plus sévères, en méthionine-sulfone, privée d'activité. L'oxydation du tryptophane, et donc sa perte en tant que nutriment, conduit à la formation de dérivés toxiques, mais n'intervient que dans des conditions très sévères de chauffage. L'irradiation gamma peut entraîner des pertes par désamination et décarboxylation. De même, l'action de la lumière est néfaste sur la teneur en méthionine du lait. La cystéine peu, elle, être désulfurée par traitements thermiques et alcalins. Les phénomènes d'isomérisation viennent,entre autres, de ce que les formes L des acides, naturellement présentes dans les aliments, peuvent être racémisées par traitement thermique sévère, ou par traitement alcalin. or, les formes D alors synthétisées sont peu ou pas utilisées par l'organisme. De la même façon, l'isoleucine est transformée en alloisoleucine, de valeur nutritionnelle faible, cependant que l'arginine est transformée en ornithine. Le dernier cas d'espèce concerne les phénomènes tendant à rendre indisponibles les acides aminés. Plusieurs réactions sont envisageables. La réaction de Maillard a lieu entre groupements aminés et fonctions carbonyles des glucides réducteurs (glucose, lactose). Elle est lente à la température ordinaire, mais considérablement accélérée par la chaleur. Hors le grand intérêt que cette réaction présente quant aux aspects hédoniques, elle n'en constitue pas moins un moyen redoutable de blocage des acides aminés, plus particulièrement encore des acides aminés basiques tels la lysine et l'arginine. Dans le cas de la lysine, les pertes peuvent s'élever à 60-80 % de la teneur initiale, fait particulièrement gênant, notamment pour les céréales où la lysine constitue le facteur limitant. La formation de liaisons covalentes inter- ou intramoléculaires constitue une autre cause d'indisponibilité. Dans certains cas, ces liaisons sont isopeptidiques, et font intervenir la fonction ε-aminée de la lysine et la fonction carboxylique libre des acides aminés dicarboxyliques, tels l'acide aspartique et l'acide glutamique. La digestibilité des acides aminés s'en trouve grandement affectée. Ces réactions de détérioration des acides aminés pourraient justifier un apport complémentaire d'acides aminés, notamment de lysine. C'est négliger le fait que les acides aminés libres sont encore plus sensibles que les formes protéiques aux réactions mentionnées plus haut. Aussi paraît-il plus sage de s'attaquer à l'effet néfaste des traitements appliqués à l'aliment. 2.2.3. ELABORATION D'ALIMENTS A FINALITE NUTRITIONNELLE PARTICULIERE Dans ce paragraphe, on abordera brièvement le cas des aliments dits "diététiques", c'està-dire administrés à des consommateurs en bonne santé, mais offrant des garanties nutritionnelles particulières sur le plan de l'équilibre alimentaire. On entre donc de plain-pied dans le cadre des produits dits "à teneur garantie"; des produits de régime, apportant leur ration de vitamines et de sels minéraux sans apporter les calories "d'accompagnement" indésirables ; des aliments du nourrisson et de l'enfant. Pour la préparation de ces nutriments, il va de soi que l'apport en additifs nutritionnels est la règle : on garantit une teneur minimale en tel ou tel nutriment en minimisant l'apport de l'aliment naturel au détriment de la part rajoutée, car la maîtrise des teneurs est difficile à obtenir sur la matière première agricole. Parfois même, la composition dénote un équilibre purement artificiel, comme dans le cas des aliments équilibrés à 100 kilocalories, où les protéines (équilibrées) représentent 30 % du total des calories disponibles. Dans ce cas de figure, le recours aux acides aminés rajoutés est à peu près incontournable. Toutefois, la tradition française - et c'est là un des points de discorde vis-à-vis de la législation européenne - veut que de tels aliments, équilibrés artificiellement, soient plutôt considérés comme des substances médicamenteuses que comme des produits simples. L'évolution des mentalités relativise cette remarque, mais, gardons-nous d'oublier qu'il y a seulement dix ans, le lait maternisé était exclusivement distribué en pharmacie... 2.2.4. UTILISATION D'ADDITIFS NUTRITIONNELS A DES FINS DE SANTE PUBLIQUE 2.2.4.1. Cas de carences nutritionnelles déclarées Les grandes carences, telles que l'humanité toute entière les a connues, ont aujourd'hui à peu près disparu des pays européens et du continent nord-américain. Seules subsistent des anémies nutritionnelles dues à des carences en fer et/ou en folates, chez la femme ou le vieillard, carences aux mécanismes complexes et relevant d'une thérapeutique appropriée. Sans qu'il soit question de malnutrition, les carences en vitamine D demeurent fréquentes durant les périodes de croissance rapide, notamment jusqu'à l'âge de vingt mois, et nécessitent alors une politique de prévention contre le rachitisme. Aux USA, la supplémentation du lait est systématique en vitamine D, attitude diamétralement opposée à celle de la France où la vitamine D (non sans raisons toxicologiques, du reste) est classée parmi les substances médicamenteuses réglementées et est interdite en tant qu'additif nutritionnel. Dans nos pays industrialisés, le goître a définitivement disparu (sauf cas pathologiques) depuis que l'addition d'iode est devenue systématique au sel de cuisine, aussi sans doute depuis que la diversification de l'alimentation est devenue une réalité. La situation n'est pas, hélas, aussi enviable dans les régions les plus pauvres du globe, notamment par carence en vitamines liposolubles. Les politiques sanitaires et nutritionnelles doivent en tenir compte et recourir à des supplémentations régulières, en vitamines d'une part, en minéraux - au premier rang desquels on trouvera le fer - d'autre part. L'état trop souvent constaté de malnutrition protéino-calorique justifie également des mesures d'enrichissement en protéines ou en acides aminés essentiels. 2.2.4.2. Carences nutritionnelles subcliniques Les enquêtes nutritionnelles tendent à démontrer que les carences en certains nutriments sont, de manière insidieuse, plus fréquentes que l'on ne croit généralement. Au chapitre des besoins les plus mal couverts, il s'avère, en France, que les apports sont souvent nettement insuffisants en vitamine E, en vitamine D, en acide folique, et, dans une moindre mesure, en fer, en vitamines B1 et B6 , en niacine et en acide pantothénique. Les carences vont préférentiellement toucher les enfants, notamment en période de croissance rapide, les milieux socio-économiques défavorisés, les femmes enceintes, les personnes âgées. Un certain nombre de groupes "à risques" vont même présenter des carences spécifiques, explicitées plus bas : Alcoolisme Vitamine B1 Niacine Folates Contraceptifs oraux Magnésium Médicaments Vitamine A Tabagisme Vitamine A Vitamine A Vitamine B6 Niacine Folates Vitamine C Vitamine C Zinc Vitamine A Folates Même si ces carences sont bien cernées et analysées, on conçoit sans peine qu'il soit difficile d'y pallier de manière généralisée, dans la mesure où elles ne concernent pas la totalité de la population. Aussi semble-t'il plus judicieux de lutter à titre préventif contre les risques d'aggravation du statut vitaminique et minéral des groupes vulnérables. 2.2.4.3. Evolution des habitudes alimentaires Sans qu'il soit utile de développer à outrance, on admettra que les enquêtes alimentaires tendent à établir la corrélation entre l'alimentation d'une époque et l'apparition de maladies nutritionnelles associées. Nombre d'atteintes gastro-intestinales, de maladies cardio-vasculaires sont les témoins de notre évolution alimentaire. Les additifs nutritionnels peuvent apporter une réponse appropriée, pour peu que l'on considère comme tels les fibres alimentaires, voire les acides gras poly-insaturés. De la même façon, certaines carences en nutriments sont le fait d'une époque. L'introduction de flocons de pomme de terre instantanés dans une population forte consommatrice risque d'induire chez celle-ci une baisse décisive de l'apport en vitamine C. L'augmentation de la consommation de sucres solubles va augmenter les besoins en thiamine... Les exemples abondent ainsi de carences "fabriquées" par l'évolution des habitudes alimentaires. Ces carences, souvent et heureusement bénignes, peuvent être gommées par le recours à une supplémentation intelligente. 2.3 MODALITES DE LA SUPPLEMENTATION 2.3.1. CONDITIONS GENERALES On peut énoncer un certain nombre de conditions nécessaires à une bonne supplémentation : - 1°) Choix judicieux de l'aliment vecteur, fonction de l'additif et de la population concernée. - 2°) Garanties de stabilité, de biodisponibilité de l'additif ; garantie contre les risques d'excès, de toxicité, voire de nouveaux déséquilibres. - 3°) Choix d'une technologie appropriée, fonction de la compatibilité des produits à mélanger, des possibilités de conservation, évitant les effets organoleptiques discutables. - 4°) Mise en place de moyens de contrôle légaux. 2.3.2. CHOIX DES ALIMENTS VECTEURS 2.3.2.1. Critères du choix Dans le cas d'un enrichissement ayant pour but la santé publique, on retiendra surtout deux caractéristiques : - L'aliment vecteur doit être largement consommé, sa consommation doit présenter une faible variabilité d'un jour sur l'autre. - L'aliment supplémenté doit être acceptable sur le plan organoleptique, et avoir un coût modeste. En fait, le choix se porte assez souvent sur les aliments de base, assez souvent de type céréalier. En effet, un choix moins universel peut manquer sa cible, parce que les consommateurs habituels risqueront alors l'excès, cependant qu'on laissera de côté les consommateurs occasionnels. C'est ainsi que l'on est parfois amené à supplémenter en nutriment un aliment ne le contenant pas à l'origine (exemple de la supplémentation du thé en vitamine A, en Inde). Le dernier point concerne les aspects technologiques. Un aliment supplémenté doit être un aliment de fabrication industrielle, ou au moins de fabrication artisanale contrôlée. La supplémentation domestique n'existe pas. 2.3.2.2. Applications Nous allons ici tenter d'énoncer quelques exemples d'application, gardant à l'esprit que la structure de l'aliment-vecteur et celle du nutriment sont, bien sûr, étroitement liées. On trouvera ainsi des supplémentations en vitamines liposolubles dans les graisses, des apport d'acides aminés dans des aliments à dominante protéique... - Produits céréaliers : Vecteurs de choix, car type d'aliment très largement consommé. L'apport de nutriment peut se faire au niveau du moulin, ou, plus en aval dans la chaîne de transformation, au niveau de la préparation de la pâte. Le riz nécessite, par sa structure granulée, une technique particulière, reposant sur l'imprégnation. Les suppléments peuvent être de nature variée : vitamines, sels minéraux, voire acides aminés. - Matières grasses : Seules les vitamines liposolubles peuvent constituer ici un apport valable. La margarine est ainsi, par analogie avec le beurre, souvent enrichie en vitamine A, plus rarement en vitamines D et E. - Racines, tubercules : Aliments énergétiques, pauvres en protéines, leur supplémentation n'a d'intérêt que dans les régions très fortes consommatrices. Pour l'essentiel, les zones tropicales sont, avec l'igname et le manioc, plutôt concernées. On supplémente en général les préparations de ces aliments sous forme de purées, flocons, farines, semoules, par addition de vitamines, sels minéraux ou protéines. - Produits laitiers : Le lait et ses dérivés sont des véhicules intéressants pour la supplémentation, essentiellement sur la poudre de lait après transformation. En effet, la stérilisation du lait altère les vitamines hydrosolubles, cependant que les vitamines hydrosolubles sont éliminées par l'écrémage. - Sucre, sel, assaisonnements : Le sucre est souvent utilisé comme support à la vitamine A. L'impact est assuré sur les populations enfantines, avec la restriction que l'introduction dans la confiserie peut être génératrice d'excès. Les assaisonnements et le sel sont des vecteurs astucieux, car hors des problèmes organoleptiques de part leurs saveurs marquées. - Boissons : Les jus de fruits sont fréquemment supplémentés en vitamine C, mais c'est surtout l'image commerciale du produit "dynamique" qui est visée. La tendance actuelle est à la supplémentation des laits végétaux (coco, soja), en protéines (caséines, lactosérum...). - Aliments de l'enfance : C'est de loin le vecteur le plus utilisé, et ce de manière quasiplanétaire. 2.3.3. ASPECTS QUANTITATIFS, DOSES UTILISEES 2.3.3.1. Restauration La finalité de l'opération consistant à rendre à l'aliment sa teneur originelle, il apparaît logique de cesser la supplémentation lorsque l'on atteint 100 % de la teneur initiale. Une marge est toutefois admise, allant de 80 à 200 % de la teneur originelle. Cette marge de 200 %, apparemment élevée, tient compte des recommandations d'apport nutritionnel journalier qui varient le plus souvent dans un rapport d'un à deux. 2.3.3.2. Enrichissement, vitaminisation La problématique est, là, sensiblement différente, puisque l'aliment enrichi a, par définition, une teneur supérieure à l'aliment de départ. L'objectif poursuivi est celui de la correction d'une carence, ou de la couverture d'un besoin. On tiendra donc compte de l'objectif nutritionnel, du niveau de consommation de l'aliment-vecteur choisi, des teneurs initiales dans l'aliment-vecteur. a titre d'exemple, voici les standards admis pour l'enrichissement des produits céréaliers en Amérique du Nord : Nutriments Thiamine Riboflavine Niacine Acide folique Nutriment Pyridoxine Acide pantothénique Standards US (mg/100 g) 0.64 0.40 5.30 0.07 Standards US (mg/100 g) 0.44 - Standards canadiens (mg/100 g) 0.44 - 0.77 0.27 - 0.48 3.5 - 6.4 0.04 - 0.05 Standards canadiens (mg/100g) 0.25 - 0.31 - Vitamine A Calcium Zinc Magnésium Fer 950 UI 200 2.2 44 2.9 - 3.7 110 - 140 150 - 190 2.9 - 4.3 On peut observer que l'approche réalisée par deux pays extrêmement semblables dans leur mode de vie et leur pratique alimentaire est sensiblement différente. Ainsi, sur la base de la consommation de 100 g/jour de ces produits enrichis, la couverture en magnésium est de 50 % au Canada, contre < 20 % aux USA. On admet, dans les calculs de standard d’enrichissement, quelques formules simples, dont celle de RANUM (1980) : A = 1,06 (R - χ + S) Où A désigne la quantité d’additif à incorporer, χ la teneur moyenne de base dans le produit de départ, R le standard d’enrichissement et S l’écart-type de la teneur moyenne de départ. Aux fins de comparaison plus globale, voici les valeurs les plus courantes de taux d'enrichissement de produits céréaliers ou de margarine : Produits céréaliers, par kg Thiamine Riboflavine Niacine Fer Calcium Margarine, par kg Vitamine A Vitamine D Taux d'enrichissement 4 - 8 mg 2 - 4 mg 30 - 50 mg 20 - 40 mg 1 - 5 mg Taux d'enrichissement 6000 - 15000 µg 10 - 100 µg Les valeurs les plus basses correspondent dans ce tableau à l'objectif fixé par les standards américains, à savoir la couverture de 30 à 50 % des besoins pour 100 g consommés. Les valeurs hautes s'appliquent aux pays africains, dans l'optique d'une alimentation enfantine (biscuits vitaminés en l'occurrence). 2.3.3.3. Risques d'excès La plupart des recommandations comportent des limites supérieures. En fait, le risque d'excès minéraux ou vitaminiques est très limité par une bonne pratique de l'enrichissement. Le seul risque recensé est celui d'ingestion de produits supplémentés en fer par des patients souffrant d'hémochromatose ; risque très réduit par un bon étiquetage. Les excès rencontrés le plus fréquemment atteignent les grands consommateurs de produits polyvitaminés. Les excès de vitamine A et D sont, pathologiquement, les plus redoutables. 2.3.3.4. Supplémentation des protéines En alimentation humaine, on se réfère à la composition chimique d'une protéine que l'on considère comme bonne par son équilibre en acides aminés et apte à couvrir le besoin qualitatif du plus grand nombre. On a longtemps utilisé comme référence la protéine de l'œuf entier. On lui préfère maintenant une combinaison type d'acides aminés essentiels : Acide aminé Isoleucine Leucine Besoins nourrisson 35 80 Besoins adolescent 37 56 Besoins adulte 18 25 Protéine de réf. 40 70 Lysine 52 75 22 55 Met + Cystéine 29 34 24 35 PhéAla + Tyrosine 63 34 25 60 Thréonine 44 44 13 40 Tryptophane 8,5 4,6 6,5 10 Valine 47 41 18 50 Source : FAO, OMS, 1973 - Unités : mg/g de protéine. Le problème peut être aisément systématisé si l’on connaît la composition en acides aminés d’une protéine, en calculant l’indice chimique comme suit : IC = ((mg d’acide aminé par g de protéine)/ mg d’acide aminé par g de la combinaison-type))*100 On retient l’indice chimique le plus faible, correspondant à celui des acides aminés essentiels le plus limitant par rapport à la protéine de référence. Cet indice est bien sûr dénué de sens si l’on ne mentionne pas l’acide aminé essentiel limitant, le plus souvent la lysine ou les acides aminés soufrés. Thréonine et tryptophane sont souvent des facteurs limitants secondaire. Si l’on considère quelques protéines usuelles, voici les résultats : Source protéique Indice chimique Acides aminés limites Oeuf de poule 122 (Leucine) Viande de poulet 109 (Thréonine) Viande de Boeuf 103 (Valine) Lait de femme 96 AA soufrés Lait de vache 92 AA soufrés Caséine (vache) 83 AA soufrés Soja 75 AA soufrés Arachide 68 Lysine Riz 68 Lysine Orge 66 Lysine Pois chiche 66 AA soufrés Pois 63 AA soufrés Haricot 60 AA soufrés Lentille 51 AA soufrés Maïs 50 Lysine Fève 49 AA soufrés Blé 36 Lysine Remarque : Lorsque l'indice chimique dépasse 100, les acides aminés cités entre parenthèses ne jouent pas un rôle limitant, mais sont simplement les moins représentés. Les méthodes utilisées pour la supplémentation sont de deux natures : le rajout d'acides aminés de synthèse, ou la complémentation entre protéines (ou encore la combinaison de ces deux techniques). Dans le premier cas, le taux de supplémentation est calculé par différence entre les teneurs de la protéine à supplémenter et la combinaison-type. Dans le second cas, on se fixe un indice chimique objectif de 100. Dans la plupart des cas, cela nécessite systématiquement le recours à des protéines animales, les protéines végétales étant par essence inadéquates. Si l'on considère quelques protéines usuelles, voici les valeurs de quelques indices chimiques : 2.3.4. FAISABILITE, FORMES ADEQUATES 2.3.4.1. Eléments minéraux On recherchera, en tant que forme adéquate, la forme la plus disponible pour l'organisme humain. Toutefois, une restriction de taille apparaît, en ce sens que les formes les plus disponibles sont souvent les plus sensibles aux pertes. dans le cas du fer, par exemple, les formes les plus disponibles (notamment FeCl3) sont celles qui posent les plus grandes difficultés sur le plan organoleptique. Le sulfate ferreux, hautement assimilable, est lui chimiquement trop réactif, ce qui limite son emploi. Des essais ont été tentés avec du fer élémentaire, réduit en granulés de taille < 10 µ, avec de bons résultats, sauf en ce qui concerne l'homogénéité de la répartition, notamment avec les farines de blé : le fer, beaucoup plus dense, a tendance par gravité à descendre au bas des silos de stockage. Les autres métaux de supplémentation (Zn, Mg) posent moins de problèmes, leur disponibilité dépendant assez peu de leur forme chimique. 2.3.4.2. Vitamines L'efficacité de l'enrichissement va être ici fonction de la stabilité des vitamines au cours du traitement et du stockage. On recours fréquemment à l'emploi d'agents séquestrants ou chélatants du type EDTA. La forme chimique de la vitamine est souvent importante, comme dans le cas de la vitamine A, utilisable sous forme de rétinol, d'acétate de rétinol, de palmitate de rétinol, ou de β-carotène (précurseur). Les activités respectives, par µg de substance, sont variables, et, dans l'ordre de l'énumération précédente, respectivement égales à 3,33, 2,9, 1,8, et 0,5 UI. Le composé le plus souvent utilisé, entre autres pour sa bonne stabilité et sa grande disponibilité est le palmitate de rétinol. 2.3.4.3. Acides aminés La meilleure technique est indéniablement la supplémentation par mélange de protéines complémentaires, les acides aminés de synthèse se montrant beaucoup trop sensibles aux attaques chimiques par rapport à leurs homologues engagés dans des combinaisons peptidiques. De plus, l'utilisation d'acides aminés libres est souvent difficilement admise à cause de la saveur souvent désagréable (amère..) des acides aminés de supplémentation. Aussi, les efforts portent-ils sur la supplémentation par des concentrés protéiques d'origine animale (poisson, lait, lactosérum), voire des isolats protéiques végétaux (soja, pois fève, haricot...). Une voie d'avenir dans ce domaine est la voie enzymatique consistant à préparer des plastéines, ou les acides aminés sont combinés entre eux par des liaisons peptidiques. Le ciblage devient alors plus précis qu'avec des concentrés protéiques, cependant que les inconvénients des acides aminés libres ne sont pas retrouvés. 2.4 CONCLUSION L'emploi d'additifs à finalité nutritionnelle posent deux séries de problèmes ; l'une amplement abordée dans ce chapitre et d'ordre technique, l'autre d'ordre politique. La décision de supplémenter l'alimentation d'un groupe de personnes est discutable, à partir du moment où la population concernée dispose de conditions économiques lui permettant a priori de disposer d'une alimentation équilibrée. Deux attitudes fondamentalement différentes s'opposent : celle des Etats-Unis et du Canada où le choix a été fait de continuer à supplémenter des aliments de grande consommation, et celui de la France où la supplémentation est considérée comme facteur de spécialisation de l'aliment, à des fins de régime ou de diététique. Sans entrer dans le débat, concluons en énonçant que la supplémentation, dans un pays à haut niveau de vie, n'est qu'un palliatif à la mauvaise éducation diététique des consommateurs... Chapitre 3 : Les additifs de conservation 3.1 CONSIDERATIONS GENERALES 3.1.1. DEFINITION DU PROBLEME Toute denrée alimentaire, quelle qu'elle soit, passe nécessairement par un stade d'entreposage, qu'il s'agisse d'une matière première ou d'un produit fini. Il est évidemment souhaitable d'éviter toute altération du produit pour lui conserver les principales qualités. Or, la préservation de la qualité d'un aliment ne saurait être une opération miraculeuse, ni gratuite, ni éternelle. Sans le recours aux additifs alimentaires, ce serait une tâche impossible. L'utilisation d'additifs chimiques remonte, dans ce domaine, à la nuit des temps, ainsi qu'en témoigne l'utilisation du sel, ou du vinaigre. Qu'est ce que conserver un aliment ? La réponse est difficile à donner, tant l'interprétation peut varier selon l'époque, le lieu ou la culture. Une définition objective serait de dire que c'est le fait de maintenir, le plus longtemps possible, le plus haut degré de qualité de la denrée, en agissant, pour en ralentir les effets, sur les divers mécanismes d'altération.(J.-L. MULTON). La conservation est si naturelle, dans l'histoire de l'Homme, que l'on en est venu à considérer comme des produits nouveaux, à part entière, ce qui n'était que la traduction directe d'un procédé de conservation (salaison, marinades, produits fumés...). Le concept de conservation est donc directement associé à celui de qualité. Aussi est-il sans doute nécessaire de définir d'abord la qualité alimentaire avant de définir les additifs. 3.1.2. LA QUALITE D'UNE DENREE ALIMENTAIRE La définition de l'AFNOR est de présenter la qualité comme étant l'aptitude d'un produit ou d'un service à satisfaire les besoins des utilisateurs (Norme AFNOR NF-X-50-109). Cette norme précise que les composantes de la qualité peuvent être : Caractéristiques et performances, disponibilité, sécurité d'emploi, caractères non polluants, coût global de possession. Plus simplement, la qualité est parfois décrite comme étant la simple aptitude à l'usage (fitness for use) (Juran, 1982). S'agissant de denrées alimentaires, il est possible de distinguer dans le concept de qualité plusieurs facettes très différentes, et dont certaines dépendent directement des conditions de conservation. 3.1.2.1. La qualité alimentaire C'est l'aptitude du produit à bien nourrir l'homme, ou l'animal, c'est-à-dire lui fournir, dans des conditions de sécurité complètes, les nutriments nécessaires à son métabolisme. Cette qualité présente deux aspects : l'un hygiénique, l'autre nutritionnel. - Qualité hygiénique, c'est-à-dire non-toxicité de l'aliment. La liste des éléments toxiques serait trop longue à détailler, mais l'on peut résumer en disant que ces éléments peuvent être ajoutés ou mélangés accidentellement, ou bien accumulés de manière discrète le long d'une chaîne alimentaire (métaux lourds...), ou encore générés dans l'aliment lui-même, soit par le process de fabrication, soit par altération au cours du stockage (cas des toxines bactériennes ou fongiques...). - Qualité nutritionnelle, c'est-à-dire l'aptitude de l'aliment à bien nourrir. L'aspect peut être quantitatif (teneur suffisamment élevée en nutriments), ou qualitatif (adéquation de l'aliment par rapport aux besoins du consommateur). Le stockage peut bien sûr affecter gravement cette qualité, surtout dans le cas des matières premières. 3.1.2.2. La qualité sensorielle ou organoleptique Cette qualité est bien sûr très importante, mais subjective et variable dans le temps. Industriellement, la qualité est bonne si elle satisfait le plus grand nombre. C'est un facteur extrêmement sensible aux conditions de conservation (rancissement, goûts désagréables, durcissement, liquéfaction...). 3.1.2.3. La qualité technologique Elle intéresse surtout les matières premières et concerne donc l'industriel et non le client. Ce peut être, par exemple, la qualité boulangère d'une farine, le pouvoir aromatique d'une plante, etc...C'est une qualité évidemment très sensible à la conservation. 3.1.3. LES MECANISMES D'ALTERATION Les mécanismes d'altération vont être une fonction directe de la composition de l'aliment considéré. Le déclenchement et la vitesse d'action des mécanismes d'altération dépendent de deux éléments : l'existence de facteurs favorables d'une part ; les propriétés physiques et structurales des composants d'autre part. 3.1.3.1. Les causes d'altération des denrées Trois catégories peuvent avoir des effets différents : - Les réactions chimiques de dégradation , à savoir la réaction de Maillard (ou brunissement non enzymatique) qui va conduire à des composés intermédiaires pouvant évoluer vers la formation de polymères brunâtres et amers ; la dénaturation des protéines et des acides nucléiques qui peut conduire à la perte des propriétés fonctionnelles ; les modifications physico-chimiques de l'amidon survenant soit à température élevée par éclatement des grains d'amidon, entraînant l'empesage plus ou moins prononcé, ou à température ordinaire où l'on assistera à une recristallisation entraînant le rassissement ; les oxydations non enzymatiques, par l'oxygène de l'air, essentiellement actives sur les lipides et responsables du goût de rance. - Les altérations enzymatiques, pour l'essentiel des hydrolases agissant sur les protéines (protéases), les lipides (lipases), les glucides (amylases, glucosidases) ; des oxydases (lipoxygénases oxydant les lipides, polyphénol-oxydases produisant des composés brunâtres, etc...). - Les altérations biologiques, dues aux activités métaboliques des entités vivantes quand il y en a. Certaines matières premières vivantes (grains, graines), ou produits constituent avec les microorganismes (bactéries, moisissures, levures), les arthropodes (insectes et acariens) un véritable écosystème dont les activités vitales peuvent être à l'origine de la formation de métabolites produisant des goûts et des odeurs souvent désagréables, quand ils ne sont pas toxiques. 3.1.3.2. Les facteurs du milieu Cinq facteurs vont être fondamentaux quant à la régulation de l'influence du milieu sur l'aliment : - Le facteur temps, dans la mesure où les mécanismes d'altération sont régis par les classiques lois de la cinétique. - Le facteur thermique, ou énergétique, dans la mesure où l'accroissement de température est un facteur d'accélération des réactions chimiques (Arrhénius). L'influence biologique mérite déjà discussion plus fine, sauf dans la gamme des températures faibles ou ambiantes où les lois d'évolution sont assimilables aux lois chimiques. - Le facteur hydratation, sans doute le plus important de tous, puisqu'il régule tous les mécanismes d'altération, par le biais de la valeur de l'activité de l'eau aw. - Le facteur pH qui influence considérablement les activités enzymatiques et microbiennes. D'une manière générale, un pH bas garantit le plus souvent une bonne conservation. - Le facteur teneur en oxygène et CO2 qui va intervenir sur la nature du métabolisme (aérobie ou anaérobie) des micro-organismes et entités vivantes, ainsi que sur l'intensité des phénomènes d'oxydation (enzymatiques ou chimiques). 3.1.4. ROLE DES PROPRIETES PHYSIQUES DU PRODUIT ALIMENTAIRE DANS SA CONSERVATION Les propriétés physiques du produit vont influer directement sur l'activité des causes d'altération. Citons les plus importantes de ces propriétés : - Les structures macroscopiques et microscopiques - Les caractères rhéologiques - Les propriétés thermiques: conductivité et capacité - La diffusion de la vapeur d'eau (coefficient de diffusivité). Même si l'influence de ces propriétés sur la stabilité du produit n'apparaît pas nécessairement comme évidente au premier examen, elle est tout à fait réelle et ne saurait en aucun cas être passée sous silence. 3.1.5. LA PLACE DES ADDITIFS PARMI LES PRINCIPALES TECHNIQUES DE CONSERVATION 3.1.5.1. Les techniques de conservation Sans aucun souci du détail, mentionnons les techniques essentielles : - 1°) La destruction partielle ou totale des causes d'altération qui peut être obtenue par effet thermique (stérilisation), ou par irradiation. Cette méthode autorise des conservations de très longue durée. - 2°) La stabilisation par le froid (ralentissement des vitesses de réaction et de développement microbien) obtenue par réfrigération (Froid positif), ou par congélation et surgélation. - 3°) L'abaissement de l'activité de l'eau, obtenue par séchage, lyophilisation, concentration, fumage, séchage, confisage... - 4°) La production naturelle dans l'aliment de métabolites protecteurs permettant l'abaissement du pH (fermentations lactique et acétique), la production d'alcool (fermentation alcoolique). - 5°) La séparation physique de l'aliment et de l'oxygène atmosphérique obtenue par emballage sous vide ou sous gaz inerte. - 6°) L'utilisation d'additifs chimiques, de manière isolée ou en association avec les techniques exposées plus haut. 3.1.5.2. Les additifs de conservation La gamme en est très vaste, et l'on peut systématiquement distinguer : - Les additifs ayant un effet direct sur les micro-organismes, classés comme additifs conservateurs par la législation (Numéros CEE : E-200 à E-290). ils peuvent avoir un effet fongi et/ou bactériostatique (stabilisant, inhibiteur de développement, ou fongi et/ou bactéricide (effet stérilisant). Les additifs fongi et/ou bactériostatique agissent en modifiant les conditions du milieu, soit le pH (correcteurs de pH), soit l'aw (dépresseurs de l'activité de l'eau). C'est à cette famille que se rattachent les conservateurs les plus traditionnels (sel, vinaigre, sucre..). - Les additifs permettant d'éviter les oxydations, en termes légaux, les antioxygènes (E-300 à E-321) - Les additifs permettant de stabiliser la texture, tels les anti-rassissants, les raffermisseurs, les émulsifiants. 3.1.5.3. Choix des techniques de conservation Le choix de l'une ou l'autre des techniques dépend de la nature de l'aliment, de la durée de conservation souhaitée, des conditions de stockage, du coût du traitement par rapport au produit, des effets secondaires du traitement sur la qualité. L'utilisation d'additifs de conservation sera choisie chaque fois qu'elle apportera un avantage supplémentaire par rapport aux traitements physiques. Notons, de plus qu'un certain nombre d'additifs présentent des effets doubles ; d'une part favoriser la conservation, d'autre part améliorer le goût (cas du sel, du sucre..), la structure (glycérol, sorbitol), ou encore avoir un effet doublement conservateur, comme antiseptique et antioxydant (anhydride sulfureux, phénols substitués..). En conclusion, nous dirons que le rôle des additifs conservateurs est indissociable de l'objectif de qualité lié à la notion d'alimentation humaine. On le verra, les substances chimiques utilisées ne sont pas toutes, loin s'en faut, dépourvues de toxicité. Leur maintien et leur usage courant, sous contrôle sévère de la législation, sont les meilleures preuves de leur utilité. 3.2 LES ADDITIFS CONSERVATEURS 3.2.1. GENERALITES 3.2.1.1. Définition des additifs conservateurs Un conservateur peut être défini comme une substance, non consommée normalement en tant que denrée alimentaire, que l'on incorpore à un aliment en vue d'accroître sa sécurité et sa stabilité microbiologiques. Cette définition, parce qu'elle précise que la substance ne doit pas être consommée normalement en tant que denrée alimentaire, exclut des produits d'utilisation courante, ayant des propriétés conservatrices (Vinaigre, NaCl, alcool éthylique, huiles, sucres...). Nous aborderons cependant leur cas, tant leur utilisation n'est pas dénuée d'intérêt. D'autre part, signalons le cas des additifs qui, utilisés majoritairement pour d'autres propriétés intéressantes, possèdent néanmoins des aptitudes à la conservation (dépresseurs d'aw , acidifiants, antioxygènes). Notons pour finir que la notion d'additif de conservation suppose que la dose d'emploi soit inférieure à 1 %. 3.2.1.2 Les buts de la conservation chimique Les conservateurs ont pour mission d'assurer l'innocuité de l'aliment, en inhibant les microbes pathogènes initialement présents (salmonelles, clostridiæ, staphylocoques, moisissures diverses) lesquels sont potentiellement producteurs de toxines. Dans une autre mesure, leur rôle sera d'assurer également la stabilité organoleptique de l'aliment, en inhibant les micro-organismes non pathogènes responsables d'altération. Aux doses employées, très faibles, les conservateurs exercent essentiellement un rôle de bactériostatique et non de bactéricide. Ils ne peuvent donc pas rendre sain un produit douteux. 3.2.1.3. Avantages et inconvénients de la conservation chimique Dans les pays où la production alimentaire est insuffisante, et où, par suite du climat et de l'insuffisance de moyens physiques de conservation, les micro-organismes occasionnent des pertes considérables, les agents conservateurs peuvent, à coût réduit, assurer un accroissement appréciable de la masse d'aliments disponible. Dans les pays industrialisés, ils constituent un moyen énergétiquement favorable d'aider à la conservation des produits, tant il est vrai que l'utilisation du thermique (positif ou négatif) est grande consommatrice de kilojoules. Néanmoins, l'image du conservateur chimique est très défavorable, de par l'existence à leur endroit d'un préjugé de toxicité. Les risques corrélés à leur utilisation sont pourtant déjà très faibles, mais sans doute faut-il, par une réglementation largement diffusée d'une part, par une recherche active de principes plus inoffensifs d'autre part, les abaisser encore de manière à rehausser l'image de marque de ces molécules pourtant indispensables. 3.2.2. LES AGENTS CONSERVATEURS MINERAUX 3.2.2.1. Les chlorures Le chlorure de sodium NaCl est sans doute, si l'on excepte la fumée, le premier conservateur chimique à avoir été utilisé. Son utilisation est si traditionnelle en tant que produit à connotation hédonique qu'il n'est pas considéré comme un additif. C'est cependant un agent antimicrobien efficace, essentiellement par son rôle dépresseur de l'activité de l'eau. 3.2.2.2. Les nitrates et nitrites de sodium et de potassium KNO3 (E 252) ; NaNO3 (E 251) ; KNO2 (E 249) ; NaNO2 (E 250) Dans les produits alimentaires, sous l'action de diverses bactéries (notamment les microcoques), les nitrates sont réduits en nitrites, qui sont en fait la forme active de ces composés. L'utilisation de ces additifs est omniprésente en charcuterie-salaison où leur fonction est multiple : - En se combinant à la myoglobine du muscle, les nitrites donnent naissance à la nitrosomyoglobine, de couleur rose stable, responsable de l'aspect des produits de charcuterie. - Ils contribuent étroitement à l'élaboration de la saveur particulière des produits. - Au cours de la cuisson, ils donnent naissance à des inhibiteurs très efficaces de la croissance du Clostridium botulinum, bactérie anaérobie sporulée qui produit une neurotoxine extrêmement active et très souvent mortelle. Il est aujourd'hui à peu près évident que le C. botulinum a, par le passé, provoqué un nombre impressionnant d'hécatombes "familiales", par ingestion de produits mal conservés. L'utilisation généralisée des nitrates / nitrites a sans nul doute réduit le phénomène au niveau de l'accident rare. Notons que l'activité des nitrites ne se limite pas au seul C. botulinum, mais qu'elle s'exerce aussi sur d'autres formes de clostridiæ, notamment le C. tyrobutyricum, certes moins toxique, mais à l'origine d'accidents de fabrication en fromagerie extrêmement coûteux. On pourrait penser que leur utilisation se justifierait dans la fabrication des poissons fumés, notamment, soumis au même risque botulique que les produits de charcuterie. Certains pays autorisent ces usages annexes, mais ce n'est pas le cas de la France qui limite l'usage des nitrites / nitrates à la seule industrie de la salaison. Le mode d'action des nitrites a longtemps été discuté. Ils n'empêchent pas la germination des spores, mais empêchent la multiplication qui leur fait suite. Leur concentration est un facteur déterminant de leur efficacité. Elle est malheureusement difficile à maîtriser car elle évolue sensiblement dans le temps. Ces nitrites, du reste, semblent avoir une activité marquée sur d'autres bactéries tel Staphylococcus aureus. Le mécanisme d'inhibition est mal connu, mais l'on présume qu'il s'agit d'actions diverses sur les mécanismes de transport, les oxydoréductions et les réactions enzymatiques. Les nitrites sont malheureusement susceptibles, au cours de la cuisson, de former par réaction avec les fonctions amines des nitrosamines dont le rôle cancérigène a été largement démontré. De plus, les nitrites sont des sels puissamment toxiques, car methémoglobinisants. Des chercheurs allemends de l’Université de Heidelberg ont, en 1978, lancé une campagne par voie de presse sur le présence de nitrosamines volatiles dans les denrées alimentaires et les boissons. Depuis, ces molécules ont fait l’objet de nombreuses recherches, au point de devenir un des thèmes favoris de l’OMS. Cette inquiétude n’est pas sans fondements : il existe dans le monde des populations souffrant de cancers endémiques semblant imputables au mode de conservation des aliments, sous forme d’aliments fumés, séchés et salés. Des Chinois de la région de Canton dont l’alimentation principale était constituée d’aliments contenus dans du salpêtre présentaient des taux de cancers de l’œsophage et du tube digestif dans des proportions très nettement supérieures aux moyennes des statistiques officielles mondiales. Les pouvoirs publics ont légiféré sur les teneurs maximales de nitrosamine dans les aliments et boissons. La teneur moyenne en nitrosodiméthylamine (CH3)2N-N=O de la bière a ainsi décru de 2 à 10 µg/kg en 1978 à moins de 0,3 µg/kg en 1982, pour l’essentiel en évitant le chauffage direct lors du touraillage du malt, et en réglant les brûleurs de manière à limiter leur production de NOx. Si le cas des nitrosamines volatiles semble facile à analyser, il n’en est pas de même au niveau des nitrosamines non volatiles qui, en dépit des progrès des techniques analytiques, semblent toujours représenter un cas difficile. Il faut tempérer l'image toxique des nitrites pris comme additifs par l'observation suivante : les nitrosamines sont présentes de manière absolument naturelle dans de nombreux produits (tabac, boissons, divers...), et il est donc certain que la part de nitrosamines imputable directement à la consommation de produits charcutiers est, en fait, assez minime. Cette observation ne doit toutefois pas diminuer l’attention des toxicologues quant aux risques liés à l’addition de nitrites aux produits alimentaires. Bien que l'on ait souvent, sous des pressions diverses, cherché à le faire, les nitrites n'ont jamais été interdits car ils sont considérés comme des additifs anti-botuliques irremplaçables. L'importance du risque botulique est telle que son palliatif "peut se permettre" d'être toxicologiquement discutable... Cela dit, la législation relative à l'emploi des nitrites est très contraignante, et oblige à les employer en mélange avec du chlorure de sodium (sel nitrité à 0,6 % de nitrite de sodium). La concentration tolérée dans les produits est limitée, et l'on a beaucoup cherché à la réduire, avec des fortunes diverses. On trouvera plus bas les doses d’incorporation et les doses résiduelles des nitrites et nitrates : Denrées alimentaires Dose d’incorporation (mg/kg) Quantité résiduelle (mg/kg) Nitrite de potassium E 249 et nitrite de sodium E 250 Produits de charcuterie et de 150 (exprimée en NaNO2) 50 (exprimée en NaNO2) salaison non cuits, séchés Autres produits de salaison 150 100 Produits de viande en conserve 150 100 Foie gras, foie gras entier, bloc de 150 100 foie gras Bacon traité en salaison 150 175 Denrées alimentaires Doses d’incorporation (mg/kg) Doses résiduaires (mg/kg) Nitrate de sodium E 251 et nitrate de potassium E 252 Produits de charcuterie et de 300 (exprimée en NaNO3) 250 (exprimée en NaNO3) salaison Produits de viande en conserve 300 250 Fromage à pâte dure, semi-dure et 50 semi-molle Succédané de fromage à base de 50 produits laitiers Spécialités au vinaigre et sprats 200 3.2.2.3. L'anhydride sulfureux et les sulfites Anhydride sulfureux SO2 (E 220) ; sulfite de sodium Na 2SO3 (E 221) ; sulfite acide de sodium (bisulfite) NaHSO3 (E 222) ; disulfite ou pyrosulfite ou métabisulfite de sodium Na2S2O5 (E 223) ; disulfite ou pyrosulfite ou métabisulfite de potassium K2S2O5 (E 224) ; sulfite de calcium CaSO3 , 2 H2O (E 226) ; bisulfite de calcium Ca(HSO3)2 (E 227), sulfite acide de potassium KHSO3 (E 228). Ces additifs sont parmi les plus anciens utilisés, puisque les Egyptiens et les Romains utilisaient déjà le SO2 provenant de la combustion du soufre pour désinfecter le matériel de vinification. Le procédé est encore utilisé, mais on fait aujourd'hui également appel aux sels dans les produits alimentaires, lesquels libèrent le dioxyde de soufre au contact de l'eau. Leur utilisation principale est la vinification, aussi bien aux fins de désinfection qu'à celles de contrôle de la fermentation, du fait que SO2 dosé à 50 - 100 ppm est bien plus toxique pour les bactéries et les moisissures que pour les levures. Ils servent également pour la conservation des produits végétaux, essentiellement les fruits et préparations à base de fruits où leur rôle protecteur s'exerce également à l'égard du brunissement enzymatique. Plus rarement, on les a vu utilisés dans la conservation des produits animaux (crevettes, viandes) où leur rôle serait pour l'essentiel anti-botulique. Anecdotiquement, ils furent également les premiers antioxygènes utilisés dans les vins et les bières (jusqu’en 1934). SO2 et ses dérivés sont en effet capables d’inhiber le brunissement non enzymatique (réaction de Maillard) en bloquant les fonctions aldéhydes des sucres. Les sulfites sont aussi des inhibiteurs des polyphénols oxydases, responsables du brunissement enzymatique. SO2 présent dans les aliments peut être sous forme libre (gazeuse, ou saline), mais aussi sous forme combinée par des liaisons covalentes le plus souvent à différents constituants : sucres, acides aminés, polyphénols, acides nucléiques, thiamine, riboflavine,acide folique, etc.. Ces capacités de fixation font que l’on est souvent amené à des dosages plus élevés que nécessaire pour atteindre le seuil effectif de présence souhaité. Le mode d'action du SO2 ne vient certainement pas de son pouvoir acidifiant, très modéré. On l'explique plutôt par la réduction des ponts disulfures (-S - S-) dans les protéines enzymatiques et la combinaison avec les fonctions aldéhydes des sucres qui freinerait leur dégradation. aux sulfites, toujours plus nombreux, déclenche des intolérances chez les asthmatiques. Les symptômes sont le plus souvent : une rhini Le dossier toxicologique des sulfites a été ouvert en 1886, et n’a jamais été refermé depuis. On sait que les aliments traités te paroxystique, voire un sifflement respiratoire, de l’asthme, de l’urticaire, de l’eczéma, de la diarrhée, de l’hypotension avec éventuelle perte de connaissance. On a parfois accusé le SO2 des vins d'être à l'origine de céphalées. En 1986, la FDA a pris deux décisions importantes : - Toute dose de sulfites > 10 mg/l dans les bières et les vins doit être mentionnée sur l'étiquetage (dose ensuite remontée à 25 mg/l) - Révocation des sulfites de la liste GRAS. La prise de conscience du phénomène a permis un abaissement des doses utilisées : ainsi, dans les vins blancs, les doses maximales atteignant parfois 400 mg/l et plus sont actuellement ramenées à 100 mg/l. Le nombre important de substances où l’emploi de SO2 est autorisé fait que le risque semble élevé, surtout chez les enfants présentant les plus fréquentes intolérances. Les cas de dépassement de la DJA résultant de cette multiplicité d’emploi ne sont donc potentiellement pas rares. On pourra en juger en consultant le tableau ci-après. Au final, il semble bien que l’anhydride sulfureux et ses dérivés soient des additifs efficaces et bon marché, souvent irremplaçables (vinification notamment, où ils préviennent de la « tourne »). Si les risques qu’ils représentent ne semblent pas devoir être rédhibitoires (pas d’effets mutagènes ou cancérigènes suspectés), ils ne peuvent être négligés, sans doute à cause de la facilité de fixation du SO2, qui explique certainement ses aptitudes allergènes. L’attitude la plus raisonnable face à ce risque semble donc devoir être la prévention par voie d’étiquetage, avertissant les populations sensibles d’un risque allergique potentiel (mais comment être sûr que ce risque spécifique ne soit pas interprété comme un risque global ?…). Quantités maximales en SO2 dans les denrées alimentaires (Directive 95/2/CE, annexe III, B) Denrées alimentaires Quantités maximales de SO2, en mg/l ou en mg/kg Produits à base de pommes de terre Granules de pomme de terre déshydratés 400 Amuse-gueule à base de céréales et de pommes de terre 50 Pommes de terre pelées 50 Pommes de terre transformées (y compris congelées et surgelées) 100 Pâte de pommes de terre 100 Champignons séchés 100 Fruits séchés Abricots, pêches, raisins, prunes et figues 2000 Bananes 1000 Pommes et poires 600 Autres (y compris fruits à coque) 500 Noix de coco séchées 50 Fruits, légumes, angélique et écorces d’agrumes confits, cristallisés 100 ou glacés Boissons Jus de fruits Orange, pamplemousse, pomme et ananas destinés à la vente en vrac 50 dans la restauration Jus de limette et de citron 350 Concentrés à base de jus de fruits contenant au minimum 2,5 % 350 d’orge (« Barley water ») Autres concentrés à base de jus de fruits ou de fruits broyés 250 Boissons aromatisées sans alcool contenant du jus de fruits (à partir 20 de concentrés uniquement) Boissons aromatisées sans alcool contenant au minimum 235 g/l de 50 sirop de glucose Bière, y compris la bière à faible teneur en alcool et la bière sans 20 alcool Bière subissant une seconde fermentation dans le fût 50 Vins sans alcool 200 Made wine 260 Cidre, poiré, vins de fruits, vins de fruits pétillants (avec ou sans 200 alcool) Sirop de glucose, déshydraté ou non 20 Mélasses 70 Autres sucres 40 Hydromel 200 Vinaigre de fermentation 170 Moutarde, sauf de Dijon 250 Moutarde de Dijon 500 Gélatine 50 Succédanés de viande, de poisson et de crustacés à base de protéines 200 végétales ou de céréales 3.2.2.4. L'anhydride carbonique CO2 (E 290). L'intérêt de CO2 en tant que conservateur a été révélé par l'étude de la conservation sous vide, et a d'abord été mis au crédit de la privation d'oxygène. Une étude plus attentive à montré la faiblesse de cette explication, puisque la conservation sous vide laissait en général une pression partielle d'oxygène suffisante pour assurer la survie et la croissance des micro-organismes. CO2 joue donc un rôle réel sur l'inhibition de la croissance des micro-organismes. CO2 n'est pas, de manière évidente, un additif, puisque existant de façon plus qu'importante à l'état naturel dans les préparations alimentaires. Cependant, son introduction dans un aliment entraîne sa dissolution et son incorporation, et il n'a donc pas, à ce titre, à être exclu de l'étude. CO2 se montre, en général, plus actif sur les bactéries aérobies que sur les anaérobies, ce qui le rend efficace contre les bactéries responsables d'altération, mais pas, par exemple, sur la flore lactique. On a également pu constater qu'il était très actif contre les moisissures, mais pas contre les levures. Par contre, son efficacité est médiocre vis-à-vis des bactéries pathogènes. Son action est plus efficace à basse température, sa dissolution étant plus élevée. Son champ d'utilisation s'étend : viande fraîche réfrigérée, mais aussi oeufs, lait, poisson, crustacés... Sur les produits végétaux, son rôle sur l'évolution du végétal est intéressant. Le mode d'action est mal connu, mais résulterait de l'inhibition des décarboxylases. Au final, le CO2 est un additif intéressant, notamment sur le plan sanitaire, puisque sa toxicité est nulle. 3.2.3 LES AGENTS CONSERVATEURS ORGANIQUES 3.2.3.1. Les acides gras saturés et leurs dérivés Ces acides sont généralement utilisés sous forme de sels de sodium, potassium, calcium. Les molécules les plus utilisées sont : - L'acide formique HCOOH et les formiates (E 236, 237, 238) - L'acide acétique CH3COOH et les acétates et diacétates (E 260, 261, 262, 263) - L'acide propionique C2H5COOH et les propionates ( E 280, 281, 282, 283) - L'acide caprylique CH3 - (CH2)6 - COOH (E 470 générique) Ces acides, ajoutés aux produits alimentaires, ou utilisés en désinfection de surface, ou libérés in situ par des processus fermentaires ont un rôle acidifiant préjudiciable à certains micro-organismes, mais surtout exercent, sous forme neutre, à bas pH, un effet inhibiteur plus ou moins spécifique sur les microorganismes. L'acide acétique, sous forme de vinaigre, est utilisé depuis longtemps pour conserver les cornichons, oignons, ainsi que diverses sauces (mayonnaise, ketchup). Il est également très utilisé dans les marinades pour poisson. Dans la plupart de ces produits, l'effet conservateur de l'acide acétique n'est qu'une composante d'un ensemble destiné à assurer la conservation. L'effet de l'acide acétique est plus marqué sur les bactéries et les levures que sur les moisissures. Les acides formique, propionique et acétique suscitent aujourd'hui un grand intérêt en tant qu'agents de décontamination de surfaces pour les viandes. La pulvérisation en surface de solutions pures ou mixtes à 2 % donnent des résultats intéressants, encore renforcé par l'addition d'acide ascorbique à 1 %. L'effet bactéricide est réel, notamment sur les salmonelles. L'acide propionique est un produit naturel, rencontré notamment dans les fromages à pâte cuite à des doses de l'ordre de 1 %. Cet acide et ses sels se montrent particulièrement actifs contre les moisissures, et ont un rôle anti-rassissant particulièrement marqué. Ceci rend leur incorporation fréquente aux produits de la panification. L'acide propionique et ses dérivés semblent utilisables pour conserver beaucoup d'autres produits, parmi lesquels les fruits et légumes et les aliments pour le bétail. Beaucoup d'acides gras à chaîne plus longue, et les glycérides correspondants semblent avoir des propriétés intéressantes. La mono-laurine, ester glycérique de l'acide laurique (C 12:0) est reconnu comme un anti-microbien efficace. On pense que l'inhibition de l'absorption par altération de la perméabilité membranaire y joue un rôle majeur. Aux doses utilisées (le plus souvent quantum satis), l'effet de ces additifs reste modeste, et ne dispense pas du recours à des moyens physiques plus sûrs, notamment le froid. Leur addition constitue un bon moyen d'allonger la durée de vie des produits. Signalons enfin que ces composés sont métabolisés normalement par les cellules animales, et qu'ils n'ont donc pas d'effets toxiques, du moins aux doses couramment utilisées. 3.2.3.2. L'acide sorbique et les sorbates de calcium, sodium et potassium CH3 - CH = CH - CH = CH - COOH (E 200, 201, 202, 203) Il a été fréquemment observé que la présence de doubles liaisons dans les acides gras accroît leur activité anti-microbienne, et que les poly-insaturés sont particulièrement efficaces en tant que fungistatiques. L'acide sorbique est, dans cette série de composés, le plus prometteur. Il est, soit incorporé dans les produits, soit utilisé en traitement de surface (trempage ou pulvérisation), soit présent dans l'emballage. Il inhibe surtout les moisissures, mais aussi, à un degré moindre, les levures et bactéries. Son champ d'utilisation est vaste : émulsions grasses, fromages, fruits séchés, laits fermentés, yaourts, mayonnaise,pruneaux, fruits confits, pains et gâteaux. Cette dernière application pose problème, car l'acide sorbique empêche la levée de la pâte. On y remédie en incorporant du palmitate de sorboyle, inactif à température ambiante, mais libérant l'acide sorbique à la cuisson (Brevet HOECHST). L'acide sorbique est également utilisable en pulvérisation après cuisson. Dans le cas des viandes, il semble bien que l'acide sorbique puisse trouver quelques applications. Le trempage des blancs de poulet dans une solution de sorbate de potassium réduit la flore totale, ainsi que le nombre de salmonelles après 7 jours de stockage à 10°C. La multiplication des bactéries psychrotrophes est freinée dans les produits cuits à base de volaille, et la durée de vie du produit s'en trouve largement augmentée. Enfin, un des derniers "moteurs" de la vogue de l'acide sorbique est son aptitude à remplacer, au moins partiellement, les nitres dans leur rôle anti-botulique. Le mode d'action de l'acide sorbique et de ses dérivés n'est pas nettement explicité. Il ne sont efficaces que pour des contaminations par les moisissures relativement faibles, et l'on suppose que l'action est en fait un rôle inhibiteur sur les enzymes et les déshydrogénases. L'action anti-botulique est encore plus mal expliquée : on suppose qu'aux premiers stades de la germination, l'acide sorbique entrerait en compétition avec les inducteurs de la germination. L'acide sorbique ne pose pas, toxicologiquement, de problèmes graves. Son métabolisme est le même que celui de l'acide caproïque CH3 - (CH2)4 - COOH. On trouvera dans les tableaux suivants les principales utilisations du sorbate de potassium E 202 dans l’alimentation : Principales utilisations de l’acide sorbique Produits Boissons alcoolisées et aromatisées à base de raisin ou de pomme Hydromels Fromages frais Fromages fondus Spécialités laitières à tartiner allégées ou à teneur lipidique réduite, beurres allégés, margarines allégées, demi-beurres, demi-margarines Margarines Matières grasses composées allégées Matières grasses composées Petits suisses Préparations à base de légumes et de laits fermentés, yaourts ou fromages blancs Préparation de fruits destinées aux fruits aux laits fermentés, aux yaourts aux fruits et aux fromages frais aux fruits Préparations à base de fruits et de sucres destinées à la confection de glaces, crèmes glacées et sorbets Préparations à base de sucres et de gélifiants destinées à la confection de glaces, crèmes glacées et sorbets Pâtes à base de légumineuses destinées au fourrage de produits de pâtisserie et de biscuiterie Pâtes à tartiner allégées ou à teneur lipidique réduite Confiseries gélifiées, aérées ou non Fourrages des confiseries de chocolat de type fondant Fruits confits (sauf marrons, extrait sec compris entre 65 et 78 %) Fruits semi-confits (extrait sec compris entre 55 et 65 %) Mirabelles séchées Pruneaux Pâte d’amandes en l’état Pâtes d’amandes destinées aux confiserie en pâtes d’amandes Pâtes d’amandes destinées aux fourrages des articles de confiserie ou de pâtisserie Salades acidifiées (pH<5), réfrigérées pouvant contenir de la viande et/ou des fruits de mer Doses d’emploi 100 mg/l, exprimé en acide sorbique ; pour les boissons alcoolisées à base de raisin seulement 200 mg/l, seul ou en mélange 100 mg/kg, migration à partir du papier de couverture 1g/kg seul ou en mélange 2 g/kg, total des conservateurs, emùploi autorisé uniquement si le pH de la phase aqueuse est inférieur ou égal à 5,5 1 g/kg, seul ou en mélange 2 g/kg, total des conservateurs, uniquement si le pH de la phase aqueuse est inférieur ou égal à 5,5 1 g/kg, total des conservateurs, emploi autorisé uniquement si le pH de la phase aqueuse est inférieur ou égal à 5,5 150 mg/kg, migration à partir du papier d’enrobage des petits suisses et produits similaires 1 g :kg seul ou en mélange 2 g/kg, dose maximale dans la préparation ; seul ou mélange avec E 200 (acide sorbique) 200 mg/kg seul ou en mélange 750 mg/kg seul ou en mélange. La teneur en acide sorbique de la glace, de la crème glacée ou du sorbet ne doit pas excéder 400 mg/kg 1 g/kg, teneur maximal dans la pâte comportant au minimum 25 % de légumineuses, seul ou en mélange avec E 200 (acide sorbique), E 203 (sorbate de calcium) 2 g/kg, total des conservateurs, emploi autorisé uniquement si le pH de la phase aqueuse est inférieur à 5,5 1 g/kg, seul ou en mélange ; pH inférieur à 5,5 1 g/kg, seul ou en mélange ; pH inférieur à 5 1 g/kg, seul ou en mélange. Extrait sec compris entre 65 et78 %. Teneur en SO2, inférieure à 60 mg/kg 1 g/kg, extrait sec compris entre 55 et 65 %. Teneur en SO2 inférieure à 60 mg/kg, pH inférieur à 5 350 mg/kg, teneur maximale dans la pulpe ; humidité des mirabelles inférieure ou égale à 32 % ; traitement par SO2 et sulfites interdit 500 mg/kg, seul ou en mélange 1 g/kg, seul ou en mélange 1 g/kg, seul ou en mélange 1 g/kg, seul ou en mélange 1 g/kg, seul ou en mélange Principales utilisations et quantités maximales des agents conservateurs sorbates (S), benzoates (B), parahydroxybenzoates (PHB) seuls ou associés entre eux Denrées alimentaires S Boissons aromatisées à base de vin Boissons aromatisées sans alcool Concentrés liquides de thé et d’infusion de fruits et de plantes Vins, vins sans alcool, vins de fruits, Made wine, cidre et poiré (y compris sans alcool) Saft Bière sans alcool en fût Hydromel Spiritueux ayant un titre alcoolique inférieur à 15 % vol Confitures, gelées, marmelades à faible teneur en sucres ainsi que produits similaires à valeur énergétique réduite (VER) ou sans sucres ajoutés (SSA) et autres pâtes à tartiner à base de fruits, Mermeladas Produits de poisson en semi-conserve, y compris ceux à base d’œufs de poisson Poisson salé et séché Crevettes cuites Fruits et légumes confits, cristallisés et glacés Fruits secs Préparations de fruits et de légumes, y compris les sauces à base de fruits, excepté les purées, mousses, compotes, salades et produits similaires en conserve Olives et préparations à base d’olives Pâte de pommes de terre et tranches de pommes de terre précuites Fromage en tranches, préemballé Fromage non affiné Fromage fondu Fromage en couche et fromage avec addition de denrées alimentaires Desserts non traités thermiquement à base de produits laitiers Œufs liquides (blancs, jaunes ou œufs entiers) Produits d’œufs déshydratés, concentrés, congelés et surgelés Pain tranché et préemballé et pain de seigle Produits de boulangerie précuits et préemballés destinés à la vente au détail « Amuse-gueule » à base de céréales ou de pommes de terre et fruits à coque enrobés 200 300 Quantité maximale (mg/kg ou mg/l) B PHB S+B S+ S+B PHB +PHB 150 S250 + B150 600 200 500 200 200 200 200 200 500 400 1000 2000 200 2000 1000 1000 1000 1000 2000 2000 1000 1000 2000 1000 300 5000 1000 2000 2000 1000 (300 PHB) 1500 (300 PHB) Confiseries (sauf chocolat) Sauces non émulsionnées Sauces émulsionnées 1000 1500 3.2.3.3. L'acide benzoïque et ses dérivés COOM M = H (E 210), Na (E 211), K (E 212), ½ Ca (E 213) L'acide benzoïque étant peu soluble dans l'eau, ce sont plus souvent les benzoates alcalins ou alcalino-terreux qui sont utilisés. Ces produits se montrent actifs à bas pH, en dessous de pH 4, car c'est la forme non ionisée de l'acide benzoïque qui est active. A ces pH, les bactéries sont déjà inhibées, et le produit intervient surtout contre les levures et les moisissures. Les esters de l'acide parahydroxybenzoïque (parabens) et leurs sels de sodium, présentent le double avantage d'une bonne solubilité et d'une faible sensibilité au pH qui autorisent leur emploi au voisinage de la neutralité. OM COOR Parahydroxybenzoates : R = CH3, C2H5, C3H7 – M = H ou Na L'acide benzoïque et ses dérivés sont utilisés à des doses de l'ordre de 0,1 % pour conserver les préparations à base de poisson, notamment les oeufs (caviar...), les jus de fruits, compotes et préparations similaires. Le bas pH de ces produits renforce, bien sûr, l'efficacité de l'additif. L’Académie de Médecine a émis en 1988 un avis s’opposant à l’assouplissement des conditions d’emploi de l’acide benzoïque et des benzoates dans les BRSA (Boissons Rafraîchissantes Sans Alcool). Celles-ci sont en effet surtout consommées par des enfants et des adolescents. Le processus de détoxification de l’acide benzoïque passant par une conjugaison avec le glycocolle pourrait exiger des besoins indispensables en cet acide aminé non essentiel. L’utilisation reste donc autorisée dans les BRSA à pH inférieur ou égal à 3,5 et dont la teneur en gaz carbonique est supérieure à 4,7 g/l, la dose maximale étant de 150 mg/l. Les parabens ont été testés en tant qu'agents anti-botuliniques et semblent présenter à ce titre un certain intérêt. Le mécanisme d'action de ces composés est inconnu. Leur innocuité est loin d'être parfaite. Ils semblent notamment susceptibles de provoquer des allergies chez les personnes sensibles (asthme ou urticaire récurrent). Leur toxicité est réelle à dose élevée et ne les rend utilisables que pour des aliments consommés en petite quantité. 3.2.3.4. Les autres acides organiques Mentionnons ici rapidement les acides citrique (E 330), ascorbique (E 300), tartrique (E 334), lactique (E 270), en général utilisés à d'autres fins primaires que l'inhibition microbienne. Il en difficile, dans leur cas, de faire la part de l'abaissement du pH par rapport à un rôle bactériostatique particulier. L'acide lactique est très fréquemment rencontré, puisque formé naturellement par fermentation (produits laitiers, choucroute, saucisson sec...). 3.2.3.5. Autres conservateurs Dans cette catégorie se rangent les dérivés du benzène, surtout utilisés pour le traitement de surface des agrumes (E 231 est utilisé en imprégnation des papiers d'emballage). Ces dérivés sont réputés déclencher des phénomènes d'irritation, des nausées et vomissements chez les personnes les manipulant. D'autres produits, à usage plus limité, font l'objet d'une utilisation restreinte, résumée ci-après : E 239 E 242 Dérivés du benzène Biphényle Orthophénylphénol Orthophénylphénate de sodium Thiabendazole (Benzimidazole) Autres Hexaméthylènetétramine Dicarbonate de méthyle E 284 E 285 Acide borique Tétraborate de sodium (borax) E 230 E 231 E 232 E 233 Usage Fromage "Provolone" Boissons aromatisées sans alcool, vins sans alcools, concentré liquide de thé Oeufs d'esturgeon (caviar) Idem 3.2.3.6. Les antioxydants phénoliques Ces agents sont étudiés dans un autre chapitre, car leurs propriétés fondamentales ne sont pas celles de conservateurs. Toutefois, leur activité antimicrobienne, notamment en ce qui concerne le butylhydroxytoluène (BHT), le butylhydroxyanisol (BHA), la tertiobutylhydroquinone (TBHQ) est loin d'être négligeable. Le fait n'est pas surprenant, sachant que ces molécules sont des phénols, et que le plus simple de ceux-ci - le phénol lui-même - a toujours été réputé pour son activité bactéricide. Toutefois, leur action n'est guère sélective, puisqu'ils s'avèrent plus efficaces sur les bactéries lactiques que sur les Pseudomonas, par exemple ; ce qui va résolument à l'encontre du but recherché... 3.2.3.7. Les antibiotiques Ces composés sont évidemment d'une efficacité redoutable contre les micro-organismes indésirables. Toutefois, ils présentent deux inconvénients réellement majeurs : - Un risque élevé d'effets indésirables chez le consommateur - La possibilité de génération de souches résistantes. A l'heure actuelle, ils posent bien d'avantage de problème en technologie alimentaire qu'ils n'en résolvent...Leur usage est donc extrêmement limité. Les USA ont autorisé pendant quelques temps la chlortétracycline et l'oxytétracycline pour allonger la durée de conservation de la volaille. Ces tétracyclines sont encore employées dans certains pays pour conserver le poisson frais entier, les crevettes, les coquillages (malgré les risques d'allergie vis-à-vis de certains consommateurs...). La natamycine (E 235) est parfois autorisée aux fins d'inhibition de la moisissure sur la croûte des fromages ou à la surface de certains produits carnés. C'est un antibiotique parmi les moins actifs, au même titre que la nisine (E 235), dont le rôle essentiel est l'inhibition du C. tyrobutyricum dans les fromages à pâte cuite. Il semblerait par ailleurs que la nisine présente un certain intérêt en tant qu'anti-botulinique. 3.2.4. CONCLUSION QUANT A L'EMPLOI DES CONSERVATEURS CHIMIQUES Ce procédé de conservation présente, à l'heure actuelle, beaucoup d'avantages, en ce sens qu'il permet de réduire ou supprimer certains traitements thermiques, voire de conserver à température moins basse certains produits. Ces avantages ne doivent pas laisser de côté le problème de leur toxicité, même si le décalage est important entre la toxicité réelle - quasiment nulle - et la vision qu'en a le consommateur. Il est donc louable que l'incorporation de ces additifs se fasse à des doses aussi réduites que possible. Des efforts ont été également faits pour tenter de minimiser le rôle de ces substances, en leur substituant des méthodes plus traditionnelles. Mais, ce faisant, on se heurte à d'amusants paradoxes : remplacer la salaison par la fumaison, c'est abandonner un additif potentiellement cancérigène (nitrite), pour un qui l'est à coup sûr (benzopyrène), qui altère sérieusement le goût, et qui, de plus, présente le risque d'être inefficace face au bacille botulique. Face aux risques que présenterait l'abandon brutal des conservateurs, notamment du nitrite, on travaille beaucoup à l'heure actuelle sur les effets synergiques que présente parfois l'association de deux additifs, permettant du même coup de minorer le dosage du plus toxique d'entre eux. De la même façon, la recherche de molécules polyvalentes, ayant des effets autres que ceux de la conservation, est largement en vogue. Face aux dangers de la contamination microbienne, l'usage de conservateurs chimiques paraît bien devoir être un "mal nécessaire". TABLEAU DE SYNTHESE : ADDITIFS CONSERVATEURS Code E 200 E 201 E 202 E 203 E 210 E 211 E 212 E 213 E 214 E 215 E 216 E 217 E 218 E 219 E 220 E 221 E 222 E 223 E 224 E 226 E 227 E 228 E 230 E 231 E 232 E 233 E 234 E 235 E 236 E 237 E 238 E 239 E 242 E 249 E 250 E 251 E 252 E 260 E 261 E 262 E 263 E 270 E 280 E 281 E 282 E 283 E 284 E 285 E 290 E 325 E 326 E 327 E 330 Nomenclature Acide sorbique Sorbate de sodium Sorbate de potassium Sorbate de calcium Acide benzoïque Benzoate de sodium Benzoate de potassium Benzoate de calcium p-hydroxybenzoate d'éthyle Dérivé sodique de E 214 p-hydroxybenzoate de propyle Dérivé sodique de E 216 p-hydrtoxybenzoate de méthyle dérivé sodique de E 218 Anhydride sulfureux Sulfite de sodium Bisulfite de sodium Métabisulfite de sodium Métabisulfite de potassium Sulfite de calcium Bisulfite de calcium Bisulfite de potassium Diphényle ou biphényle Orthophénylphénol Orthophénylphénate de Na Thiabendazole (benzimidazole) Nisine Natamycine Acide formique Formiate de Na Formiate de Ca Hexaméthylènetétramine Dicarbonate de méthyle Nitrite de K Nitrite de Na Nitrate de Na Nitrate de K Acide acétique Acétate de K Acétate de Na Diacétate de Ca Acide lactique Acide propionique Propionate de Na Propionate de Ca Propionate de K Acide borique Tétraborate de Na (Borax) Anhydride carbonique Lactate de Na Lactate de K Lactate de Ca Acide citrique Principaux usages autorisés Boissons alcoolisées et aromatisées, fromages frais et fondus, margarines et pâtes à tartiner, petits suisses, préparation laitières contenant des fruits, fruits confits, pains tranchés... Boissons rafraîchissantes sans alcool, crevettes cuites, confitures, gelées, marmelades, œufs liquides, sauces, souvent en synergie avec l'acide sorbique et ses sels Produits à base de pommes de terre (déshydratées, transformées, en pâte...), champignons secs, fruits séchés, fruits confits ou glacés, jus de fruits, boissons aromatisées sans alcool aux fruits ou à plus de 235 g/l de sirop de glucose, bières, vins, moutarde, mélasses, sirops de sucre, vinaigres, surimi et succédanés de viande.... Traitement de surface des agrumes, imprégnation des papiers d'emballage Antibiotiques de surface (fromages, saucissons secs) Pain, bière, fruits et légumes en conserve, jus de fruits, confitures à la dose du quantum satis. Fromage Boissons, vins sans alcool Restrictivement : produits de charcuterie et de salaison, produits de viande en conserve, fromage à pâte dure, semi-dure et semi molle, succédané de fromage, poissons au vinaigre et sprats Voir E 236 à 238 Voir E 236 à 238 Caviar Atmosphères modifiées Soft drinks, fruits et légumes non transformés, congelés et surgelés, compotes de fruits, conserves de fruits et légumes, viande hachée préemballée, pain de froment, jus de fruits... Code E 331 E 332 E 333 E 334 E 335 E 336 E 337 Nomenclature Citrate de Na Citrate de K Citrate de Ca Acide tartrique Tartrates de Na Tartrates de K Tartrate double de Na et K Principaux usages autorisés (Voir plus haut) 3.3 ADDITIFS ANTIOXYGENES La protection contre l'oxydation des graisses, huiles et produits alimentaires "gras" est souvent nécessaire, car la dégradation oxydative des lipides présente des inconvénients organoleptiques, nutritionnels et hygiéniques. Cette dégradation oxydative, appelée "rancissement", a des conséquences économiques considérables, puisqu'elle va conduire à la production de denrées alimentaires inconsommables. Là ne s'arrêtent pas les effets négatifs. L'oxydation des lipides va entraîner une baisse de la qualité des denrées en raison de la destruction des vitamines A et E qu'elles renferment. De plus, l'oxydation va d'autant plus toucher un corps gras qu'il est insaturé, c'est à dire que ce sont les acides gras essentiels qui vont souffrir le plus de cette réaction. Leur perte est grave puisque, faut-il le rappeler, ils ne peuvent pas être synthétisés par les organismes animaux. Terminons en rappelant que les produits de dégradation des acides gras par oxydation sont, le plus souvent, des molécules toxiques. La lutte contre l'oxydation des denrées alimentaires s'impose donc. Elle est menée de très longue date, et l'a d'abord été de façon empirique. On maîtrise aujourd'hui beaucoup mieux les dosages nécessaires au juste compromis efficacité/toxicité. Nous allons successivement traiter de quelques aspects de l'oxydation, et des moyens de la combattre ; puis de la nature chimique des principaux oxygènes ; et enfin de la toxicité des molécules utilisées. 3.3.1. AUTOXYDATION - MESURES DE PREVENTION 3.3.1.1. L'autoxydation La caractérisation de l'autoxydation peut se faire par : - des altérations de caractères organoleptiques : rancissement - des variations de caractéristiques physiques : décoloration du carotène, prise en masse des huiles siccatives - des modifications d'état chimique : formation de dérivés à chaîne courte, souvent volatils, à flaveur désagréable, et de composés souvent nommés "acides oxydés". - une absorption d'oxygène qui génère des peroxydes. C'est cette fixation d'oxygène qui a permis l'identification de la réaction et ce dès 1795 (SCHERER), absorption démontrée par BERZELIUS, mesurée par MOUREU ET DUFRAISSE en 1922 qui ont donné de l'autoxydation cette définition : "oxydation spontanée par l'oxygène libre, dans des conditions ordinaires de température et de pression". Examinons rapidement la série de réactions impliquées. Le processus a lieu au niveau des doubles liaisons dans les molécules de triglycérides. Les électrons π de ces doubles liaisons se délocalisent facilement, stabilisant ainsi les radicaux libres formés. L'autoxydation se manifeste après une période de latence dite "période d'induction". Elle s'accélère ensuite brusquement, par action catalytique des produits formés. R1 CH R1 R2 H R2 R° RH = acide gras R° = radical acide gras RH R° O O R1 O2 R2 RH R° ROO° = radical peroxyde O OH H3C CH3 ROOH = hydroperoxyde L'étape dite d'initiation de la réaction, générée par une captation d'énergie, par exemple lumineuse forme un radical libre en α d'une double liaison carbone-carbone. Le radical libre formé R• est très sensible à l'action de l'oxygène atmosphérique et tend alors à former un radical peroxyde libre ROO•. La phase de propagation, mettant par exemple en oeuvre une nouvelle molécule d'acide gras RH conduit à la formation d'hydroperoxydes. Ceux-ci, peu stables, vont donner naissance, par scission, à des composés volatils et souvent malodorants : hydrocarbures, aldéhydes, cétones, alcools, acides...Ils peuvent également conduire, sans raccourcissement de chaîne à des acides oxydés monomères, éventuellement cycliques, voire à des polymères. Ces réactions sont d'autant plus à craindre que la température est élevée. Donnons l'exemple de la dégradation de l'acide oléique : Dégradation Volatils : aldéhydes, cétones Rancidité, réversion ACIDE OLEIQUE | PEROXYDE évolue Produits oxydés monomères Polymérisation Fixes : diacides Acides mono-, di- hydroxy-, époxy- et cétostéarique Polymères (dimères) de constitution mal connue Acidité Acides oxydés, réversion à la saponification ? Les facteurs d'évolution de la réaction sont les suivants : - Le degré d'insaturation des acides gras : plus une graisse est insaturée, plus elle est susceptible de s'oxyder. - La pression d'oxygène : plus elle est faible, plus la vitesse d'oxydation sera réduite. - La température : la chaleur accélère l'oxydation - La lumière, surtout ultraviolette, et les radiations ionisantes accélèrent le processus d'oxydation - Les pigments et les enzymes : la chlorophylle, le cytochrome C, la myoglobine, l'hémoglobine et l'hémine catalysent la réaction d'oxydation, de même que les lipases et lipoxygénases animales ou végétales - La présence de traces de métaux, en particulier le cuivre et le fer. a des concentrations < 1 mg/kg, ils peuvent considérablement réduire la stabilité des graisses. La présence d'acides gras libres est un facteur aggravant, puisqu'elle va faciliter la solubilisation des traces métalliques. les processus d'oxydation radicalaire peuvent trouver leur terminaison dans les processus suivants : R• + R• → R - R ROO• + R• → ROOR ROO• + ROO• → ROOR + O2 R• + AH → RH + A• où A• désigne un radical stable qui ne permet pas la propagation de la réaction en chaîne. 3.3.1.2. Mesures de prévention On dispose, en fait, de deux voies essentielles pour envisager de supprimer ou de ralentir la réaction d'autoxydation des lipides : - La première consiste à tenter de supprimer les facteurs favorables à la réaction : lumière, oxygène, traces métalliques, enzymes, pigments... - La seconde consiste à trouver un "catalyseur négatif"qui empêche la propagation de la réaction. Une telle molécule est appelée "antioxygène" puisqu'elle inactive l'oxygène mais n'empêche pas la réaction d'autoxydation de se produire. Si la première voie apparaît comme la plus séduisante, c'est cependant la plus difficile à réaliser, ce qui explique l'emploi très large des antioxygènes dans les industries agro-alimentaires. 3.3.2. LES ANTIOXYGENES 3.3.2.1. Historique L'utilisation empirique d'antioxygènes est une pratique très ancienne pour la conservation des vivres : le "boucanage" consistait en l'imprégnation des tranches de viande ou de poisson par les composants phénoliques de la fumée. Plus près de nous, DESCHAMPS, pharmacien à Avallon, a montré l'effet antioxygène du benjoin et du bourgeon de peuplier, CHEVREUIL celui du bois de chêne, les frères LUMIERE et de SEYEWETZ ceux de l'hydroquinone et des composés analogues. C'est en 1926 que MOUREU et DUFRAISSE, déjà cités, ont mis en évidence les mécanismes de l'autoxydation. 3.3.2.2. Mécanisme d'action et modalités d'utilisation Nous avons déjà vu que le rôle de l'antioxygène était celui d'un "catalyseur négatif".Parmi les molécules susceptibles de jouer ce rôle, les phénols sont les plus utilisés. Observons le mécanisme simplifié de leur action selon SHERWIN : O OH R° + RH + Acide gras Radicaux libres antioxygène Radical acide gras phénol O O O (hybrides de résonance stables) HC CH C H Selon ce schéma, les substances phénoliques fonctionnent comme des accepteurs de radicaux libres stables et bloquent ainsi l'oxydation à la phase d'initiation. Il y a usure de la molécule par suite de la formation de ces combinaisons. La prolongation de l'action est toutefois possible en utilisant des substances dites "synergiques", à caractère acide, qui le régénèrent partiellement en créant un potentiel d'oxydo-réduction favorable. L'efficacité de l'action antioxygène, si elle est liée à la constitution chimique de la molécule, est aussi étroitement fonction de la nature de l'aliment à protéger. Il est évident que l'addition d'antioxygène sur un aliment déjà très oxydé ne pourra être efficace, puisque l'antioxygène agit sur la phase d'initiation de la réaction. 3.3.2.3. Les antioxygènes alimentaires et les synergiques Parmi les nombreuses molécules potentiellement actives, l'industrie alimentaire n'en a retenu que quelques-unes. Il s'agit essentiellement : - De molécules d'origine naturelle, mais éventuellement synthétisées : tocophérols (E 306, 307, 308, 309) - Pour les produits de synthèse : du 3,5-di-tertiobutyl 4-hydroxy toluène ou BHT (E 321), du mélange de 2-tertiobutyl para hydroxy anisole et de 3-tertiobutyl para hydroxy anisole ou BHA (E 320), des gallates de propyle, d'octyle et de dodécyle (E 310, 311, 312), de la 2-tertiobutyl hydroquinone ou TBHQ, de la 1,2-dihydro 6-éthoxy 2,2,4-triméthylquinoline ou Ethoxyquin (Santoquin). PRINCIPAUX ANTIOXYGENES DE SYNTHESE H3C H3C O O H3C CH3 CH3 CH3 HO OH H3C CH3 BHA (Butyl-hydroxy-anisole) E 320 - mélange des deux isomères COOR OH HO CH3 OH OH BHT (Butyl-hydroxy-toluène) E 321 Gallate de propyle (R = C3H7) E 310, d'octyle (R = C8H17) E 311, de dodécyle (R = C12H25) E 312 OC2H5 CH3 OH N H OH Ethoxyquin TBHQ (Tert-butyl hydroquinone) CH3 CH3 CH3 CH3 CH3 CH3 CH3 HO H3C COOH H3C O CH3 Trolox C CH3 R1 CH3 R R = OH, OCH3 ou alkyle R1 = H ou alkyle Poly AOTM.79 Antioxygènes d'origine naturelle (ou synthétisés à l'identique) HO O O HO HO OH Acide ascorbique, sels et dérivés E 300,301,302,304 R1 HO H3C H H3C H H3C CH3 O R2 CH3 R3 Tocophérol R1 HO H3C O R2 R3 H3C H3C CH3 CH3 Tocotriénol Il est à noter que l'emploi de l'éthoxyquin en alimentation humaine est très limité, et ne concerne que le traitement des pommes et poires contre l'échaudure (auxiliaire technologique). Certaines molécules sont plus ou moins hydrosolubles (gallate de propyle, TBHQ), la plupart sont strictement liposolubles. Les synergiques vrais sont, en général, des acides ou leurs sels : lactate de sodium (E 325), de potassium (E 326), de calcium (E 327), acide lactique (E 270), citrique (E 330), citrates (E 331, 332, 333), acide tartrique (E 334), tartrates (E 335, 336, 337), acide orthophosphorique (E 338), et orthophosphates (E 339, 340, 341). Mais l'acide ascorbique et les ascorbates et dérivés peuvent également jouer ce rôle, même si ce sont eux même des antioxygènes (E 300 à 304 ; acide érythorbique et sels : E 315,316) Les antioxygènes sont en général dilués dans le sorbitol (E 420), le glycérol (E 422), le propylène-glycol. En dehors de ces composés classiques, les recherches se sont portées, soit sur des molécules de synthèse à structure proche des tocophérols, tels le trolox C, ou le poly AO™-29, dont les propriétés toxiques semblent particulièrement faibles, soit sur des composés naturels, extraits de divers végétaux. Parmi ceux-ci, citons les extraits de sauge et de romarin, de thym et d’origan, qui semblent particulièrement efficaces. Le plus souvent, les antioxydants naturels sont incorporés par les épices qui les contiennent. On a pu toutefois extraire et commercialiser l’acide carnosique, le carnosol et l’acide rosmarinique. Les Etats-Unis ont autorisé l’utilisation d’extraits de romarin, très chargés en ces molécules, autorisation non reprise dans la Directive 95/2/CE, ce qui fait que ces extraits demeurent interdits dans l’Union Européenne (non sans raisons toxicologiques, l’usage du romarin restant de toutes les façons, autorisé). L'efficacité comparée de molécules couramment utilisées via l’usage des épices a fourni une large bibliographie. 3.3.3. TOXICOLOGIE COMPAREE DES ANTIOXYGENES Ce paragraphe, que nous avons voulu particulièrement bref, compte-tenu de la surabondance de publications sur le sujet, ne s'intéressera qu'aux antioxygènes de nature phénolique, les autres composés, tels les tocophérols ou l'acide ascorbique étant doués de propriétés vitaminiques. 3.3.3.1. Action sur le métabolisme énergétique Le BHT, et ses homologues, semble provoquer une augmentation du métabolisme basal, d'où une baisse de l'accumulation des lipides corporels. De la même façon, on constate que l'ingestion provoque chez l'animal de laboratoire une hypertrophie thyroïdienne. La digestibilité des lipides, en particulier des acides gras saturés, semble également affectée. L'absorption intestinale de la vitamine K est très réduite chez l'animal, ce qui peut avoir de lourdes conséquences. 3.3.3.2. Action sur le foie Un régime incorporant 0,05 % de BHT provoque l'hypertrophie du foie du rat, du poulet, du canard, du porc. Les résultats n'ont par contre pas été confirmés chez le singe. Le même phénomène est constaté avec les autres antioxygènes phénoliques, à l'exception toutefois des gallates. Cette hypertrophie semble être induite par une augmentation du contenu du foie en protéines. Elle entraîne parfois des phénomènes inflammatoires aigus. 3.3.3.3. Action sur les poumons L'atteinte du poumon, par injection intrapéritonéale de BHT chez la souris provoque la nécrose précoce des cellules alvéolaires de type I, au profit des cellules de type II. L'effet est l'augmentation du poids des poumons, et la forte stimulation de la synthèse de l'ADN. Cette propriété semblerait être le seul fait du BHT. 3.3.3.4. Effets sur la coagulation sanguine L'ingestion à forte dose de BHT provoque des hémorragies internes mortelles chez le rat de laboratoire. Il est manifeste que ce composé exerce une action anticoagulante majeure, par inhibition de l'absorption intestinale de la vitamine K sans doute, puisque la supplémentation du régime en cette vitamine fait disparaître les accidents mentionnés. 3.3.3.5. Carcinogenèse On a noté quelques effets d'augmentation de la fréquence des adénomes pulmonaires chez la souris, mais pas chez le rat (toujours avec le BHT). Le BHA semblerait, lui, être à même d'induire des tumeurs de la partie antérieure de l'estomac chez le rat, mais pas chez la souris. Au total, aucun effet direct réellement significatif n'a pu être démontré. Il semblerait que le BHT et ses homologues pourraient renforcer l'effet cancérigène de certaines substances (nitrosamines, hydrocarbures polyaromatiques...). Antioxygènes issus d'extraits naturels CH3 OH O O O OH OH CH3 H3C CH3 Gingérol (gingembre) Isoeugénol (muscade, girofle) O OH O O CH2 O O OH OH OH CH3 Eugénol (muscade, girofle) Curcumine (curcuma) CH3 OH OH O O O O CH3 Shogaol (gingembre) CH3 OH CH3 Zingérone (gingembre) Antioxygènes issus d'extraits naturels (suite) O CH3 CH3 OH OH O OH CH3 H3C Thymol (thym, origan) Vanilline (vanille) OH H3C CH3 Carvacrol (thym, origan) OH CH3 CH3 HO HO O O CH3 O CH3 H3C CH3 CH3 CH3 O CH3 OH OH O Acide carnosique Carnosol Acide rosmarinique O OH (Romarin, sauge) O HO OH 3.3.3.6. Effets sur la reproduction et la descendance Quelques cas d'anophtalmie ont été observés chez des ratons issus de rats ayant ingéré du BHT, mais il est vraisemblable que l'origine se trouve plutôt dans la faible teneur induite du régime en vitamine A. Il semblerait que les effets se limitent à un retard de croissance sur la descendance, plus marqué avec le BHA qu'avec le BHT chez les rats de laboratoire. 3.3.3.7. Effets divers On a constaté, par absorption d'antioxygènes phénoliques, des cas d'hypertrophie des surrénales, ainsi que des dysfonctionnements sévères du rein. Des influences sur l'hypertrophie de la rate, ainsi que le métabolisme et la physiologie cardiaque ont aussi été relatés chez l'animal de laboratoire. Chez l'homme, on a noté des réactions allergiques ou d'hypersensibilisation à ces divers composés. On suspecte également l'existence d'effets antioxygènes in vivo qui pourraient faire jouer à ces composés un rôle dans les processus de vieillissement. 3.3.4. CONCLUSION SUR LES ANTIOXYGENES De ce qui précède, il apparaît clairement que les antioxygènes constituent une famille d'additifs particulièrement toxiques. Bien sûr, rien n'a été relaté chez l'homme, mais il est patent que certaines observations, notamment chez les petits rongeurs, au niveau des poumons, sont très inquiétantes, parce que survenues à des doses d'additifs faibles. C'est pourquoi il apparaît raisonnable de réduire l'utilisation des composés les plus suspects, tels le BHA, ou le BHT, au profit de molécules à l'innocuité démontrée telles les tocophérols, ou le palmitate d'ascorbyle. Certains problèmes techniques restent encore à régler, mais on peut penser que cette substitution sera généralisée très rapidement. ADDITIFS ANTIOXYGENES E 220 E 221 E 222 E 223 E 224 E 226 E 227 E 228 E 300 E 301 E 302 E 304 E 306 E 307 E 308 E 309 E 310 E 311 E 312 E 315 E 316 E 320 E 321 E 009 Anhydride sulfureux Sulfite de sodium Sulfite acide de sodium (bisulfite de sodium) Disulfite de sodium (métabisulfite de sodium) Disulfite de potassium (métabisulfite de potassium) Sulfite de calcium Sulfite acide de calcium (bisulfite de calcium) Sulfite acide de potassium (bisulfite de potassium) Acide ascorbique Ascorbate de sodium Ascorbate de calcium Acide palmityl 6-L-ascorbique Tocophérols naturels α-tocophérols de synthèse γ-tocophérols de synthèse δ-tocophérols de synthèse Gallate de propyle Gallate d’octyle Gallate de dodécyle Acide érythorbique Erythorbate de sodium BHA (Butylhydroxyanisole) BHT (Butylhydroxytoluène) Ethoxyquine