[Interview] Emmanuel Mouret pour la sortie de

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[Interview] Emmanuel Mouret pour la sortie de "Caprice"
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Comme dans ses films, Emmanuel Mouret est d’une politesse exquise et d’une grande
gentillesse : juste avant son train, il était disponible pour discuter de son très joli Caprice (voir
notre critique enthousiaste). Une conversation bien agréable dans les salons du Train Bleu. Le
film sort mercredi : ne le manquez-pas !
J’ai beaucoup aimé Caprice : tous vos films (à part « Une autre vie » qui est un pur mélo), sont à
la fois euphorisants et légèrement mélancoliques. Caprice est peut-être un peu plus cruel ?
Emmanuel Mouret : Ce qui se rapproche de la cruauté, c’est le fait que tous les personnages,
finalement, sont pleins de bonne volonté. Ils essaient de ne pas blesser, de ne pas faire de mal
: évidemment, il y a de la douleur quand même. Le personnage de Caprice (Anaïs Demoustier)
est un peu différent, il arrive comme une météorite dans la vie de Clément (joué par Emmanuel
Mouret). Je voulais que, jusqu’au bout, le spectateur s’interroge sur cette jeune fille. Est-elle la
plus sincère ? Est-elle assez calculatrice ? On peut penser qu’il s’agit du personnage le plus
démuni. Caprice distille quelque chose d’inquiétant, elle peut faire peur. Elle provoque des
situations, bouscule. Pour certaines de ses actions, je voulais que le spectateur reste libre
d’interpréter ses intentions.
Caprice, le nom est joli et tout à fait inhabituel !
Emmanuel Mouret : Oui, bien sûr, c’est un nom qui n’existe pas. Peut-être une idée pour de
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futurs parents, d’ailleurs ? Je trouve le mot très joli, j’aime le prononcer. Et puis, l’amour a
quelque chose de capricieux. Je me représente souvent un petit Cupidon qui vole au-dessus de
nous avec son carquois et ses flèches. Une belle image : on ne le maîtrise pas, il peut
disparaître d’un coup. Le désir est capricieux, on peut se faire tous les serments, se dire que
l’on restera toujours fidèle, mais en réalité on ne sait pas ce qui peut arriver.
Dans Caprice, au moment des coups de foudre, les personnages sont toujours trois et pas
deux. Le troisième est à la fois spectateur et participant (un peu comme dans Le Ravissement
de Lol V. Stein de Duras)
Emmanuel Mouret : Oui, c’est le désir mimétique, comme en parlait René Girard (Mensonge
romantique et vérité romanesque, 1961), avec la figure du triangle. Dans Caprice, il y a quatre
personnages principaux (joués par Virginie Efira, Anaïs Demoustier, Emmanuel Mouret et
Laurent Stocker) et j’avais d’abord pensé à un quadrille. Mais les personnages d’Anaïs
Demoustier et de Laurent Stocker se croisent à peine. Il y a plutôt deux triangles et, à plusieurs
moments du film, les choses sont très ouvertes. J’ai d’ailleurs beaucoup hésité sur la fin du
film, que j’ai mis deux ans à choisir. Cette fin, les spectateurs peuvent la ressentir
différemment, il y a là aussi une liberté laissée à l’interprétation.
Les acteurs sont tous très justes. Virginie Efira est lumineuse et douce, Anaïs Demoustier est
excellente avec ce personnage plus inquiétant, et Laurent Stocker est vraiment touchant.
Emmanuel Mouret : Virginie Efira, outre sa beauté et sa classe, a cette chose assez rare : elle
n’a pas du tout le regard hautain de certaines femmes très belles, un peu méprisantes. Ce que
je préfère chez elle, c’est son regard, qui possède une vraie gentillesse. C’est tout à fait
plausible, du coup, qu’elle tombe amoureuse d’un simple instituteur. Quant à Laurent Stocker
(qui jouait déjà dans L’art d’aimer d’Emmanuel Mouret), c’est un ami dans la vie. Alors qu’il
joue mon meilleur ami à l’écran s’est fait tout naturellement. Laurent Stocker a une justesse de
jeu incroyable.
Dans le film, il y a aussi Thomas Blanchard (2 automnes 3 hivers, Inupiluk). Vous aviez vu les
films de Sébastien Betbeder ?
Emmanuel Mouret : Non, je ne connaissais pas Thomas Blanchard, c’est ma directrice de
casting qui me l’a présenté. Et c’est vrai que les seconds rôles, en quelques scènes, apportent
aussi quelque chose d’essentiel.
Vous-même, dans le film, semblez peut-être un peu moins timide qu’avant ? Toujours
maladroit, mais plus assuré, d’une certaine manière ? Le personnage en porte-à-faux, en
décalage, c’est plus celui de Caprice.
Emmanuel Mouret : Ah peut-être. Dans le film, Clément a un enfant, des responsabilités.
Avant Caprice, vous aviez réalisé Une autre vie, dans la veine du mélo. Pourquoi n’avoir pas
joué dedans ? Jasmine Trinca (Nos meilleures années) était superbe dans le film.
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Emmanuel Mouret : J’avais envie de tourner avec Joeystarr. Et moi, les gens s’attendent à rire
lorsqu’ils me voient. J’ai adoré travailler avec Jasmine Trinca. Les grands mélos, c’est un
genre qui me touche particulièrement. Les films de Douglas Sirk ou de Leo McCarey m’ont
marqué. Audrey Hepburn, Cary Grant… Audrey Hepburn a ces yeux magnifiques, étonnés.
Dedans, il y a une sorte d’innocence, comme si elle découvrait les choses pour la première
fois. Elle regarde les gens en leur portant une vraie attention. J’aime beaucoup aussi Jack
Lemon, dans The Apartment de Billy Wilder, notamment. Parfois, les personnages de cinéma
nous aident à nous réformer. Mes personnages ont, la plupart du temps, une conscience, le
souci de ne pas faire de mal. Surtout, ils ne sont pas dans le jugement.
Et Peter Sellers ?
Emmanuel Mouret : Ah oui, forcément. Cette timidité, cette très belle façon d’être toujours
l’étranger… Dans La Party, sa timidité qui déclenche toute une série de catastrophes… Et son
extrême gentillesse. Mes personnages ont, souvent, cette grande politesse, ce désir de ne
surtout pas blesser. Un peu comme au Japon, où on ne dit jamais « non » ni « au revoir », parce
que ce serait trop brutal. Et la timidité, c’est quelque chose qui me touche, que je trouve assez
beau.
visuels: affiche et photo officielles du film.
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