Atmosphre du magasin : dfinition du concept
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Atmosphre du magasin : dfinition du concept
Session 8 - 46 CONGRUENCE PERÇUE PAR LE CONSOMMATEUR ENTRE L’AMBIANCE OLFACTIVE ET LES AUTRES VARIABLES D’ATMOSPHERE DU MAGASIN : ETUDE EXPLORATOIRE Annie BONNEFONT Maître de conférences en Gestion CRG/Université de Toulouse 1_IAE Place Anatole France-31042 Toulouse cedex Tél : (33).05.61.63.56.46 [email protected] Karim ERRAJAA Doctorant EN Gestion CRG de l’IAE de Toulouse, Département Marketing Place Anatole France-31042 Toulouse cedex Tél : (33).06.27.65.10.70 [email protected] Résumé Cette recherche s’intéresse à l’influence de l’atmosphère au point de vente sur le comportement du consommateur en magasin et plus particulièrement au rôle de la congruence perçue par le consommateur entre les senteurs d’ambiance et les autres composantes de cette atmosphère. Pour ce faire, une étude exploratoire qualitative a été conduite « focus group » auprès des consommateurs et entretiens individuels d’experts. Les résultats de cette étude confortent les résultats de travaux antérieurs en confirmant l’hypothèse selon laquelle l’atmosphère est un construit multidimensionnel à étudier de façon holistique. Les résultats montrent également que les répondants accordent une attention particulière à la cohérence qu’ils perçoivent entre les senteurs diffusées et les autres éléments d’atmosphère au point de vente. Mots-clés Marketing expérientiel et sensoriel, atmosphère du point de vente, congruence perçue, comportement du consommateur, senteurs d’ambiance, étude exploratoire. Abstract This research examines the influence of the atmospherics in the retail outlet on the consumer's behavior in store and more especially to the role of the congruence discerned by the consumer between the ambient scent and the other components of this atmosphere. For that to make, an exploratory study has been driven: "focus group" of the consumers and individual interviews of experts. The results of this study reinforce the results of previous works while confirming the hypothesis according to which the atmosphere is a holistic concept. The results also show that the respondents grant a particular attention to the consistency that they discern between the distributed scents and the other elements of atmospherics to the retail outlet. Keywords Experiential and sensory Marketing, atmosphere of the retail outlet, discerned congruency, consumer behavior, ambient scent, exploratory study. Session 8 - 47 CONGRUENCE PERÇUE PAR LE CONSOMMATEUR ENTRE L’AMBIANCE OLFACTIVE ET LES AUTRES VARIABLES D’ATMOSPHERE DU MAGASIN : ETUDE EXPLORATOIRE 1. Introduction L’intérêt managérial des praticiens à l’égard de la notion d’atmosphère peut s’expliquer par la recherche impérieuse de nouveaux axes de différenciation sous l’effet d’une pression concurrentielle exacerbée d’enseignes étrangères (ex : ZARA, H&M, Mango, etc) qui ont renouvelé le paysage commercial (Aubert et Hetzel, 1993 ; Hetzel, 2002 ; Rieunier, et al, 2002). Au-delà de la vente de produits et services associés, c’est toute une expérience d’achat agréable, esthétique, polysensorielle, divertissante, plus en moins chargée d’émotions que l’on cherche à proposer aux consommateurs pour susciter leur curiosité, les inciter à acheter plus au moins impulsivement et les inviter à revenir. L’atmosphère du magasin et tous ses ressorts sensoriels et sociaux participent à cette expérience comme en témoignent des concepts pionniers que furent les enseignes Nature et Découvertes, L’Occitane, Apache, Séphora, Niketown mais aussi des plus contemporains telles que Résonances, Olivier & Co, Anne Fontaine, Chair (UK), All Bar One (UK), la Fabrique (UK) et Flamand (Belge), magasins amiraux de certaines marques (Ralph Laurent, Emporio Armani, Gucci, etc). Cette tendance à la création de magasins d’atmosphère singuliers peut s’expliquer également par des facteurs juridiques, technologiques et sociologiques : - Sur le plan juridique : pour les enseignes de distribution, le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 leur interdisant la publicité télévisée a pu les inciter à travailler l’atmosphère de leurs magasins pour en faire de véritables « lieux de vie », vecteur d’image de la marque et/ou de l’enseigne. - Sur le plan technologique : l’émergence de nouvelles technologies (audiovisuelles, informatiques et de diffusion de fragrances) permet de modifier à volonté couleurs, projection audiovisuelle, ambiance sonore et olfactive en accord avec l’architecture intérieure, le style de la décoration, l’éclairage des magasins et l’image voulue de marque et/ou de l’enseigne. - Sur le plan sociologique : l’exigence croissante des consommateurs dûe à une concurrence effrénée oblige marques et enseignes à créer, à faire évoluer l’atmosphère de leurs magasins pour satisfaire les besoins expérientiels, identitaires et sociaux d’un consommateur volage. Le consommateur d’aujourd’hui devenu polysensoriel (Guichard, Lehu et Vanheems, 1998) fréquente les lieux de vente non seulement pour acheter mais aussi pour des motifs hédoniques et immatériels : se divertir, flâner, s’imprégner d’une atmosphère, ressentir des émotions esthétiques tout en inventoriant les produits. Pour le sociologue Lipovetsky (2006), c’est « un Homo consumericus de troisième type qui voit le jour, une espèce de Turbo-consommateur décalé, mobile, flexible, largement affranchi des anciennes cultures de classe, imprévisible dans ses goûts et ses achats, à l’affût d’expériences émotionnelles et de mieux-être, de qualité de vie et de santé, de marques et d’authenticité, d’immédiateté et de communication ». Conscients de l’ampleur de ce phénomène, les professionnels s’efforcent de concevoir des lieux de vente agréables et propices à l’achat. Ces efforts englobent des décisions relatives à la création ou la rénovation de l’espace de vente, au caractère fonctionnel et esthétique de son design physique et à la gestion des ressources humaines (Baker, Levy et Grewal, 1992). De telles Session 8 - 48 pratiques sont destinées à acquérir un avantage concurrentiel (Chebat et Turley, 2002). En recherche, le thème de l’influence de l’atmosphère du magasin sur le consommateur a suscité un intérêt important ces dix dernières années et a donné lieu à de nombreuses publications. Ces dernières ont emprunté deux directions principales : l’approche analytique et l’approche holistique. Le contexte managérial et théorique de cette recherche souligne donc la nécessité pour les praticiens d’utiliser de nouveaux axes de différenciation au-delà des variables classiques du marketing-mix pour attirer et fidéliser des clients plus exigeants, en quête d’expérience polysensorielle et récréationnelle. Si les pratiques des entreprises montrent une avancée managériale dans ce domaine, la recherche académique, elle, autorise encore des développements. De nombreux travaux ont étudié majoritairement l’influence d’une seule variable d’atmosphère sur le comportement du consommateur, donnant lieu à des résultats contrastés et parfois contradictoires; ceci pourrait s’expliquer par le fait de ne pas considérer les interactions entre les différentes dimensions d’atmosphère (Daucé et Rieunier, 2002 ; Filser, 2003 ; Lemoine, 2002; 2003; 2004). C’est pourquoi la recherche proposée ici est centrée sur la problématique suivante : « Dans quelle mesure la congruence perçue entre les senteurs d’ambiance et les autres variables d’atmosphère au point de vente peut-elle avoir des effets sur les réactions du consommateur ? ». Plusieurs objectifs guident cette recherche : - mieux comprendre la perception qu’a le consommateur de l’atmosphère du point de vente; - étudier l’incidence de cette atmosphère globale et celle de ses composantes (sensorielles, sociales et du design physique) sur les expériences de magasinage du consommateur; - comprendre l’influence de la congruence perçue entre en particulier la composante olfactive et les autres variables d’atmosphère sur les réactions du consommateur. Cette recherche est sous-entendue par un triple intérêt théorique, méthodologique et managérial. - Sur le plan théorique, elle se veut un prolongement d’importants travaux académiques en marketing consacrés à l’atmosphère au point de vente. Elle s’inscrit pleinement dans l’approche expérientielle et se propose d’étudier, par différence avec les travaux analytiques, d’abord la perception globale qu’a le consommateur de l’atmosphère du point de vente avant de s’intéresser au rôle des senteurs d’ambiance en association avec les autres éléments d’atmosphère du point de vente. Pour cela, elle mobilisera le concept de congruence perçue, traité dans d’autres thèmes de recherche en marketing tels que l’ambiance olfactive (Maille, 1999; Jacquemier, 2001), la musique publicitaire (Galan, 2003), la musique d’ambiance (Rieunier, 2000), l’ambiance sonore et olfactive (Mattila et Wirtz, 2001). - Sur le plan méthodologique, le recours à une étude qualitative exploratoire conduite volontairement auprès de deux populations différentes fournira des idées convergentes et/ou complémentaires sur la problématique de recherche. Ont été organisés un focus group de consommateurs et des entretiens individuels semi-directifs auprès d’experts (responsables d’enseignes et consultants en création d’atmosphère de lieu). - Sur le plan opérationnel, cette recherche théorique et empirique pourraient conduire à des recommandations managériales en permettant aux praticiens de mieux comprendre les réactions attitudinales, affectives et comportementales du consommateur à l’égard de l’atmosphère au point de vente, selon que les composantes de celle-ci leur paraissent être congruentes entre elles ou non et que l’ensemble leur parait être congruent avec l’image de la marque et/ou de l’enseigne. Enfin, peut-être, pourrait-on identifier des composantes clés dans l’atmosphère globale au point de vente et mettre en relief l’apport de la dimension olfactive. Session 8 - 49 Dans un premier temps, une revue de littérature sur le concept d’atmosphère au point de vente sera abordée. Puis, dans un deuxième temps, les aspects méthodologiques de l’étude et les résultats seront détaillés ainsi que les implications théoriques et managériales. 2. Revue de la littérature 2.1. Approche expérientielle Cette recherche étudie le rôle de l’atmosphère du lieu de vente comme support de l’expérience vécue du consommateur lors de sa visite pour achat ou butinage. Elle s’inscrit dans la théorie de la consommation expérientielle. Voici quelques rappels conceptuels et empiriques sur le courant expérientiel. L’idée de l’expérience de consommation a fait progressivement son chemin en marketing pour montrer que le consommateur ne recherche pas uniquement des bénéfices utilitaires et matériels dans ses activités d’achat, de visite ou de consommation, mais recherche aussi confort physique et psychique, divertissement, évasion de la pensée, plaisir esthétique et émotionnel, rencontres avec des gens, manipulation de produits dans le lieu de vente. Plus précisément, l’approche expérientielle s’est développée en marketing avec l’apparition de l’article séminal d’Holbrook et Hirschman dans les années 80. Cette vision semble compléter les modèles traditionnels d’analyse du comportement du consommateur qui, contrairement à l’approche expérientielle, privilégient le rôle de la recherche et du traitement d’information. En s’appuyant sur une revue des travaux centrés sur l’approche expérientielle, Filser (2002) dresse une synthèse des apports de la théorie de la consommation expérientielle dans une approche pluridisciplinaire (sociologie de consommation, psychologie environnementale, marketing , etc). Par ailleurs, de nombreux champs disciplinaires se sont intéressés à l’approche expérientielle entre autres le comportement du consommateur en marketing (Holbrook et Hirschman, 1982; Bonnin, 2000; Filser, 2002; Hetzel, 2002; Giraud, 2002; Lombart et Labbé-Pinlon, 2005), en économie (Pine et Gilmore, 1999), en design (Campbell et Pisterman, 1996; cité dans Curù et Cova, 2002) et en sociologie (Lipovetsky, 2006). Au départ cette approche a mis l’accent sur le rôle des variables affectives comme moteur de l’expérience de consommation. Toutefois, au fil des recherches, la théorie de la consommation expérientielle ne se limite pas à la dimension affective mais intègre les dimensions utilitaire et sociale (Benavant et Evrard, 2002). De plus, elle trouve son application et sa légitimité non seulement dans le contexte de magasinage mais aussi dans des domaines de consommation à fort contenu émotionnel, hédonique et symbolique. Il s’agit par exemple de la culture (festival, cinéma, musée, théâtre, etc) (Bourgeon et Filser, 1995; Bourgeon, 1994; 1997; Lemoine, 1999; Pulh, 1999), du sport (Ayadi, 2005; Galan et Vachet, 2006). Selon Hetzel (2002), le phénomène de l’expérience de consommation peut donner lieu à une forme de marketing spécifique que l’on peut appeler « marketing expérientiel ». Cette notion met en relief le rôle de l’entreprise dans la production de l’expérience à l’aide d’outils multiformes tels que l’approche polysensorielle, la « théâtralisation » des points de vente, la mise en scène des espaces de vente, la « thématisation », les espaces de jeux et de lecture, etc. A ce titre, l’auteur précise que « ce qui est vendu, ce ne sont plus uniquement des produits, mais c’est tout un espace thématique dont la vocation est de contribuer à ce que les consommateurs découvrent un peu de rêve, s’évadent de leur quotidien. » (Hetzel, 2002, p.90). Le courant expérientiel s’est développé dans la recherche académique et les pratiques des entreprises se multiplient dans ce domaine Session 8 - 50 comme l’attestent l’ouvrage de référence « Planète Conso » de Patrick Hetzel (2002) et les pratiques managériales de production d’expériences agréables pour le chaland. Dans une perspective sociologique, ces pratiques correspondent à une logique pure de captation de clientèle (Cochoy, 2004). 2.2. Atmosphère du magasin Sont évoqués tour à tour sa définition, les modèles théoriques l’utilisant, quelques résultats des travaux empiriques relevant de l’approche analytique et holistique et enfin la notion de congruence entre les différentes composantes d’atmosphère du point de vente d’une part, d’autre part entre cette atmosphère et d’autres variables. • Définition du concept d’atmosphère du point de vente Les recherches francophones et anglo-saxonnes centrées sur les comportements du consommateur en magasin font émerger depuis les années 70 de nombreuses définitions du concept d’atmosphère. L’objectif de ces travaux vise à mieux comprendre et à modéliser l’influence des variables d’atmosphère sur les réactions du consommateur. Pour situer la présente recherche dans son champ théorique, nous proposons de passer en revue la définition du concept d’atmosphère, les modèles de recherche afférents à ce concept ainsi que quelques résultats des travaux antérieurs. Etymologiquement, la notion d’atmosphère est composée de deux mots grecs « atmos » (vapeur) et « sphaira » (sphère) signifiant l’air qui enveloppe le globe terrestre, milieu dans lequel on vit considéré par rapport à l’influence qu’il exerce (Larousse, 3 vol, 1965). En Marketing, le concept d’atmosphère du point de vente introduit en marketing par Kotler (1973-1974, p.50) est défini comme étant « la création d’un environnement d’achat produisant des effets émotionnels spécifiques chez l’individu, tels que le plaisir ou l’excitation, susceptibles d’augmenter sa probabilité d’achat ». Cette définition met en évidence le besoin des enseignes de se positionner autrement que par le prix ou l’assortiment en faisant appel à l’atmosphère, à ses ressorts sensoriels, émotionnels et souligne la nécessité de créer des atmosphères susceptibles d’agir positivement sur le comportement du consommateur en magasin. Dans le prolongement de la définition de Kotler, Derbaix (1987) considère la notion d’atmosphère d’un lieu comme « une organisation de l’espace à orientation affective qui vise à créer des impressions de bien-être, d’accueil, de joie, de discount, etc ». L’auteur attire l’attention sur l’importance du conditionnement multi-sensoriel dans la recherche en marketing et considère l’atmosphère, le décor, la luminosité comme des éléments inhérents au contexte physique d’un lieu de vente. Dans la notion d’atmosphère, il considère des dimensions de type visuel (couleurs, tailles, formes, aménagements des linéaires), auditif (fréquence et intensité de la musique), olfactif et tactile. Bien que les deux définitions précitées valorisent le rôle stratégique de la notion d’atmosphère de point de vente dans la compréhension du comportement du consommateur, trois remarques peuvent être faites : - Seuls les états affectifs sont retenus comme explicatifs des réactions du consommateur à l’égard des stimuli d’atmosphère, alors que des variables d’ordre physiologique, évaluatif et sociologique peuvent aussi être prises en compte. - La dimension gustative est omise; si la sensation organoleptique peut avoir plus au moins de relief selon l’atmosphère du lieu de consommation, inversement elle peut contribuer à cette atmosphère. - La définition de Kotler se limite uniquement à l’environnement d’un point de vente, or, l’atmosphère a bien d’autres domaines d’application (Greenland et McGoldrick, 1994) (exemples en services : lieu de concert, théâtre, stade, lieu de culte, école, restaurant, etc). Session 8 - 51 Dans la lignée des travaux précités, un débat sur la conceptualisation et la compréhension du phénomène d’atmosphère a donné lieu à d’autres définitions plus élargies. Ces recherches mettent en exergue le caractère multidimensionnel de la notion d’atmosphère et le pouvoir d’influence des variables d’atmosphère non seulement sur les clients mais aussi sur les employés qualifiés d’occupants (Baker, 1986; Bitner, 1992; Baker, Grewal et Parasuraman, 1994; Rieunier, 2000). Complétant les premières définitions qui ont privilégié essentiellement les réactions affectives et comportementales des consommateurs à l’égard de l’atmosphère, les travaux récents ont montré que d’autres réactions de type physiologique et évaluatif peuvent aider aussi à expliquer le comportement du consommateur en magasin. Baker (1986), Baker, Grewal et Parasuraman (1994), Greenland et McGoldrick (1994) considèrent la notion d’atmosphère comme la somme de trois dimensions fondamentales (dimension d’ambiance, dimension de design physique et dimension sociales). A partir d’une synthèse de la littérature, Rieunier (2000) donne une définition détaillée de la notion d’atmosphère du point de vente: « Le terme d'atmosphère du point de vente se réfère à tous les éléments du magasin qui peuvent être contrôlés afin d'influencer les réactions affectives, cognitives, physiologiques et / ou comportementales des occupants (tant des consommateurs que des employés). Ces éléments peuvent être multiples et incluent des stimuli d'ambiance tels que la couleur, l'odeur, la musique, la lumière, les matières, ainsi que les relations employés-clients ». Plus récemment, Daucé et Rieunier (2002) classent les éléments d’atmosphère en deux groupes : les éléments d’environnement physique (musiques, odeurs, couleurs, lumières) et les éléments sociaux (style des vendeurs et des clients, phénomène de foule) du magasin. Au fil du temps, c’est non seulement la délimitation du concept d’atmosphère qui a intéressé divers chercheurs en marketing mais aussi le recensement de ses composantes (voir la classification proposée par Daucé et Rieunier (2002)). Maintenant passons en revue les différents modèles de l’influence de l’atmosphère sur le comportement du consommateur. • Modèles théoriques de l’influence de l’atmosphère du point de vente sur le comportement du consommateur On doit les premières tentatives de modélisation de concept d’atmosphère du magasin, dans les années 70, aux travaux de Kotler (1973-1974) et de Mehrabian et Roussel (1974). Ces auteurs proposent deux modèles expliquant le lien entre l’atmosphère du point de vente et le comportement du consommateur en magasin. Ces deux modèles furent enrichis par un modèle intégrateur plus complet proposé par Bitner (1992) relatif à l’influence des variables d’environnement d’achat sur les réactions des occupants d’un magasin (vendeurs et clients). - Le modèle de Mehrabian et Roussel (1974) : la psychologie environnementale s’est penchée sur la question de l’incidence de l’environnement physique sur les comportements des individus. Elle suggère que les stimuli d’atmosphère suscitent chez l’être humain des états émotionnels spécifiques qui, à leur tour, influencent ses réactions comportementales. Le modèle de Mehrabian et Roussel (1974) s’inscrit pleinement dans cette approche et a été repris par de nombreux chercheurs en marketing qui se sont intéressés aux expériences de magasinage du consommateur (Donovan et Rossiter, 1982; Donovan et alli, 1994; Spangenberg, Crowley et Henderson, 1997; Daucé, 2000; Turley et Milliman, 2000; Rieunier, 2000; Lemoine, 2002; 2003). Afin de rendre compte de l’influence de l’atmosphère sur les états affectifs du consommateur, Mehrabian et Roussel ont développé l’échelle de mesure P.A.D (Pleasure-Arousal-Dominance) qui s’inscrit dans le paradigme SOR (StimulusOrganisme-Réponse). Session 8 - 52 - Le modèle de Kotler (1973-1974) suppose que la perception des stimuli d’ordre sensoriel influence les réactions internes affectives du consommateur, provoquant par la suite des réactions d’approche ou d’évitement. Les deux modèles partagent certains points et se complètent sur d’autres : tous deux stipulent que la diffusion de stimuli d’environnement agit sur les réactions affectives du consommateur qui, à leur tour, influencent ses réactions comportementales, mais le modèle de Kotler prend en compte l’influence cognitive des variables d’atmosphère sur le comportement du consommateur, ce qui permet de compléter le modèle de Mehrabian et Roussel (1973-1974). Les caractéristiques individuelles ainsi que le phénomène de l’appropriation de l’espace par le consommateur sont deux dimensions absentes dans les deux modèles. - Le modèle de Bitner (1992) est un modèle intégrateur considérant la notion d’environnement physique dans sa globalité, c'est-à-dire en tant que construit multidimensionnel. Ce modèle suggère des voies de recherche relatives à l’incidence de l’environnement physique sur le comportement des consommateurs et des employés. Pour proposer son modèle, Bitner s’est inspiré d’études en comportement des organisations et en marketing des services. Ce modèle a été le point de départ de nombreuses recherches développées dernièrement en France relatives à l’incidence des variables d’atmosphère du point de vente sur le comportement du consommateur. Le tableau 1 récapitule les apports et les limites du modèle de Bitner. Apports Limites - Prise en compte des variables cognitives et physiologiques comme explicatives du comportement du consommateur à l’égard de l’environnement physique. - Intégration du personnel de vente dans le modèle au même titre que les clients. - Attention portée au rôle des variables modératrices (individuelles et situationnelles, ex : variables de personnalité, but de la visite, etc) dans l’appréhension du comportement des occupants (clients et employés) vis-à-vis des stimuli d’atmosphère. - Incidence des stimuli d’atmosphère sur les réactions d’approche vs d’évitement des consommateurs et sur le comportement des employés (ex : satisfaction à l’égard du travail, motivation, etc). - Difficulté de mesure des réactions affectives du consommateur à l’égard des variables d’atmosphère. - Difficulté de mesure de l’influence séparée des facteurs d’atmosphère sur le comportement du consommateur et sur celui du personnel de vente, puisqu’ils sont en interaction permanente au sein du magasin (Rieunier, 2000). Tableau 1: Apports et limites du modèle de Bitner (1992) - Le cadre conceptuel de Daucé et Rieunier (2002) s’inspire du modèle de Bitner et propose un modèle simplifié mettant en avant les résultats validés empiriquement à propos des effets des variables d’atmsophère sur le consommateur. Ces deux auteurs fournissent une synthèse des résultats signficatifs des travaux antérieurs. Comme dans le modèle de Bitner, ils considèrent le rôle des variables individuelles (ex : personnalité, seuil de détection sensorielle, attention portée aux facteurs d’atmosphère, etc) et situationnelles (ex : moment d’achat). Par différence avec Bitner, ils ne prennent en compte ni les effets de l’atmosphère sur la force de vente, non plus que sur les réactions physiologiques des clients, ni les effets des facteurs physiques de l’atmosphère au point de vente tels que l’architecture extérieure et intérieure (volume, matériaux, couleur, merchandising, mobilier, style de la décoration, mise en scène des produits, organisation des rayons et des allées, etc) et les facteurs sociaux (échanges entre clients et vendeurs, style de présentation du personnel de vente, amabilité, compétences, disponibilité, etc). S’agissant des réponses comportementales, les deux auteurs prennent en compte seulement les réactions positives d’approche. Ils ont aussi choisi d’intégrer dans leur modèle conceptuel les réactions cognitives Session 8 - 53 telles que l’ « inférence » et l’ « évocation » à la place de croyance, catégorisation et significations symboliques utilisées par Bitner. • Résultats de travaux empiriques analytiques et holistiques de l’influence de l’atmosphère sur le consommateur Au fil des recherches, l’étude de l’influence de l’atmosphère sur le comportement du consommateur s’est structurée autour de deux perspectives distinctes : perspective analytique et perspective holistique. Dans la perspective analytique, les travaux se sont intéressés principalement à l’incidence des variables d’atmosphère sur le comportement du consommateur, considérées une à une, sans prendre en compte leurs effets d’interactions. Les différentes synthèses de littérature développées sur ce sujet (Daucé et Rieunier, 2002; Giraud, 2002; Filser, 2003; Lemoine, 2002; 2003) montrent la diversité des dimensions étudiées dans la perspective analytique. Les dimensions étudiées sont soit d’ordre sensoriel soit relatives au design physique du point de vente soit sociales. Ont été donc traitées les dimensions sonores (Sibéril, 1994; Rieunier, 1998; 2000; Ben Dahmane Mouelhi et Touzani, 2003), olfactives (Spangenberg, Crowley et Hendersn, 1997; Chebat et Michon, 2003; Lemoine et Bonnin, 1998; Maille, 1999; 2001; 2003; Daucé, 2000; Jacquemier, 2001), sociales (Dion, 1999) et visuelles (Pantin-Sohier et Brée, 2004). De ces travaux ressortent les conclusions suivantes : - consensus quant à l’importance stratégique du phénomène d’atmosphère du point de vente et à sa capacité à influencer les réactions du chaland en magasin : temps passé en magasin, échanges avec les vendeurs, émotions ressenties lors de la visite du point de vente, achats impulsifs, etc; - pas d’influence sur le montant des transactions réalisées par les clients (Filser, 2001; Lemoine, 2005); - seuls les effets à court terme de l’atmosphère sur les réactions de consommateur ont souvent été privilégiés dans ces travaux par rapport à des effets à long terme tels que la satisfaction récurrente, la fidélité ou l’attachement à la marque par exemple. Bien que les travaux précités aient une portée académique et managériale d’importance, ils souffrent d’une limite : l’absence ‘étude empirique de prise en compte des effets combinés des différents stimuli d’atmosphère sur les réactions du consommateur. Une littérature française et anglo-saxonne s’accorde à considérer le phénomène d’interactions entre les différentes dimensions d’atmosphère (sensorielles, sociales et du design physique du magasin) comme étant peu exploré (Rieunier, 2000; Mattila et Wirtz, 2001; Daucé et Rieunier, 2002; Filser, 2003; Lemoine, 2002; 2003; 2004; Baker et al, 2002). Cette critique est légitime car le consommateur fréquentant un espace de vente ne fait pas attention exclusivement à un seul stimulus (ex : musique d’ambiance) mais évalue l’environnement du magasin globalement. Il n’est donc guère surprenant de constater que les résultats obtenus en manipulant un seul stimulus d’atmosphère différent d’une recherche à une autre. Rieunier (2000) souligne le caractère embryonnaire des travaux analytiques et le problème de pertinence des résultats obtenus qui sont parfois épars et contrastés. A l’instar des limites précédemment abordées, il convient de souligner que les facteurs du design physique et les facteurs sociaux de l’espace de vente ont été moins étudiées dans les recherches analytiques que les facteurs sensoriels; or, la recherche académique montre que le concept multidimensionnel d’atmosphère implique l’utilisation conjointe de ces trois dimensions. Comme en témoigne l’exemple emblématique de Nature & Découvertes et bien d’autres, certains professionnels adoptent une approche globale dans les projets de création d’atmosphère d’un magasin; ils réfléchissent à tous les éléments d’atmosphère en même temps de telle sorte que les Session 8 - 54 facteurs d’atmosphère choisis soient en parfaite harmonie entre eux et avec le positionnement de la marque et/ou de l’enseigne. Dans la perspective holistique, peu de recherches ont contribué à la compréhension des effets d’interactions entre les dimensions d’atmosphère sur le comportement du consommateur (Rieunier, 2000; Mattila et Wirtz, 2001; Daucé et Rieunier, 2002; Lemoine, 2002; 2003; 2004; Baker, et al, 2002). Ce n’est que depuis quelques années que certaines recherches anglo-saxonnes et françaises affirment un souci de comprendre l’influence globale des variables d’atmosphère sur le consommateur (pour une synthèse, voir Mattila et Wirtz (2001), Rieunier (2002), Daucé et Rieunier (2002), Lemoine (2003), Filser (2003). Plusieurs arguments issus de la théorie de la psychologie environnementale, du marketing et de l’observation des pratiques managériales légitiment cette position du rôle des interactions entre les différentes dimensions. Il est largement établi aujourd’hui qu’un consommateur apprécie l’ensemble des stimuli d’une atmosphère grâce à ses récepteurs sensoriels (Bitner, 1992; Guichard, Lehu et Vanheems, 1998; Mattila et Wirtz, 2001; Daucé et Rieunier, 2002, Baker, Parasuraman, Grewal et Voss, 2002). Privilégiant l’approche holistique, certaines recherches, peu nombreuses, ont montré que l’étude des effets d’interactions entre les variables d’atmosphère pourrait contribuer à mieux comprendre les expériences de magasinage. En effet, Daucé et Rieunier (2002) expliquent que : « A l’image de ce qui s’est produit dans la pratique professionnelle, les recherches académiques se sont focalisées sur l’étude d’un seul facteur atmosphérique à la fois. Pourtant, la perception de l’être humain est holistique et rien ne garantit que les résultats trouvés d’une part sur un premier facteur et d’autre part, sur un second, s’additionnent une fois que les facteurs sont manipulés de manière concomitante, etc ». Une recherche menée par Mattila et Wirtz (2001) indique qu’il est nécessaire de diffuser des senteurs d’ambiance congruentes avec la musique diffusée sur le lieu de vente pour évaluer positivement un magasin, éprouver une sensation de plaisir, accroître la satisfaction lors de la visite, donner l’envie de revenir au lieu de vente et augmenter les achats impulsifs. Dans un autre contexte, Baker et alli (2002) suggèrent un modèle qui prend en compte les interactions pouvant exister entre les trois principales dimensions d’atmosphère (sensorielles, sociales et du design physique du lieu de vente). Ceci permet d’évaluer l’influence de ces trois dimensions d’atmosphère sur la perception qu’a le consommateur du service interpersonnel, de la qualité et de la valeur de la marchandise, du coût monétaire, du coût d’expérience d’achat. Donavan et Rossiter (1982) indiquent que les interactions entre les clients et les variables d’atmosphère influencent l’humeur, qui à son tour, influence l’intention d’achat. Sur le plan social, le comportement et les caractéristiques du personnel de vente telles que l’amabilité, la méthode de travail et l’empathie jouent un rôle primordial dans l’expérience de consommation vécue par les clients (Baker, Levy et Grewal, 1992). En outre, l’espace du magasin et notamment sa structure d’organisation sont des indicateurs pouvant agir positivement ou négativement sur les réactions émotionnelles du consommateur en magasin (Baker et alli, 2002). Par ailleurs, il se peut, selon deux études menées respectivement par Baker, Levy et Grewal (1992) et Baker et alli (2002), que l’atmosphère du magasin et ses ressorts sensoriels influencent l’intention de revenir au magasin et incitent certains clients à recommander le magasin à leur entourage. Wakfield et Baker (1998) mettent en exergue l’influence des composantes du design physique de l’espace de vente sur la réaction émotionnelle de stimulation du consommateur et l’intention de rester dans le magasin. L’étude de Daucé menée au sein de l’enseigne Caroll en 2000 a révélé la capacité des senteurs d’ambiance à améliorer l’ambiance du magasin et à influencer certaines attitudes des Session 8 - 55 consommateurs notamment la sensation d’attente mais elle a montré la nécessité de respecter certaines conditions avant de parfumer le magasin notamment la cohérence des odeurs avec les autres éléments de l’aménagement du magasin et les couleurs. Il convient pour une entreprise de travailler son offre en magasin de telle sorte que les variables d’atmosphère apparaissent congruentes entre elles ainsi qu’avec l’image de la marque et/ou de l’enseigne. C’est aussi une façon de rompre avec les pratiques traditionnelles qui souvent consistaient à choisir et intégrer les stimuli d’atmosphère de manière séquentielle (Daucé et Rieunier, 2002) et intuitive (Lemoine, 2003) sans la moindre réflexion préalable sur la cohérence perçue par le chaland entre ces éléments et le positionnement marketing de la marque et/ou de l’enseigne. Le rôle médiateur des états affectifs dans la relation entre l’atmosphère et le comportement du client a été confirmé dans l’étude menée par Donovan et Rossiter (1982) puisque ces deux auteurs ont pu montrer l’existence d’une relation positive entre le plaisir et l’intention d’achat et entre la stimulation et le temps passé au sein du point de vente, l’envie de consommer et d’échanger avec le personnel de contact. Baker (1986) met en évidence le rôle important du facteur social dans la perception du niveau de service offert par l’entreprise (notamment nombre, apparence et comportement des employés du magasin). S’inscrivant dans l’approche holistique de l’atmosphère du magasin, Lemoine (2003) propose, à partir des résultats d’une recherche empirique conduite au sein du magasin Extrapole, d’étendre la notion d’atmosphère à des variables autres que sensorielles telles que les variables sociales (ex : disponibilité et serviabilité du personnel) et celles du design physique (ex : taille du magasin, agencement physique). L’auteur montre l’influence positive des variables d’atmosphère sur le temps passé en magasin et les transactions effectuées par les clients en magasin. Dans un autre contexte de recherche, Lemoine (2002) montre la relation positive entre les facteurs sociaux (nombre de clients) d’atmosphère du magasin, la lumière et le temps passé en magasin. Après avoir défini la notion d’atmosphère et abordé sa modélisation ainsi que quelques résultats d’études empiriques, revenons sur le concept de congruence jugé important dans cette recherche. • La congruence : définition du concept Etymologiquement, la congruence vient de l’adjectif latin « congruus » signifiant « qui s’accorde », « qui coïncide », « qui convient à une situation donnée » par extension « pertinent avec… », « cohérent avec… » (Larousse, 3 vol, 1964, Robert, 1994). Ce concept est largement utilisé en marketing pour mieux comprendre certaines réactions comportementales du consommateur. Selon Heckler et Childers (1992) le concept de congruence comporte deux dimensions fondamentales : la pertinence « relevancy » qui permet de savoir si l’utilisation de deux éléments en même temps est pertinente ou non et le caractère attendu « expectancy » qui consiste à évaluer si les deux éléments utilisés sont attendus par l’individu. Cette définition est consensuelle en marketing (Galan, 2003). Toujours en marketing, Fleck-Dousteyssier et al. (2005) eux aussi considèrent la congruence comme la compatibilité et la cohérence entre deux choses (ex : marque et catégorie de produits vendus). Nombre de recherches en marketing ont eu recours à la congruence perçue par le consommateur entre deux variables « X » et « Y » pour comprendre ses réactions dans des situations données : musique d’ambiance (Rieunier, 2000), senteurs d’ambiance (Maille, 1999), Musique publicitaire (Galan, 2003), atmosphère au point de vente (Mattila et Wirtz, 2001), mais rares sont celles qui se sont centrées sur deux ensembles de variables d’atmosphère de l’espace de vente ou une variable et un ensemble de variables. 3. Méthodologie de recherche empirique 3.1. Démarche de l’étude qualitative Session 8 - 56 L’objectif de cette recherche est d’améliorer la compréhension du phénomène d’atmosphère du lieu de vente et de ses effets sur les expériences de magasinage du consommateur puisque la littérature montre qu’une telle incidence peut exister. Les recherches dans ce domaine ont utilisé majoritairement des méthodes quantitatives. Ici une étude qualitative exploratoire a été choisie délibérément en raison du peu d’informations dont on dispose encore à ce jour quant à l’incidence de l’approche holistique de l’atmosphère du magasin sur le comportement du consommateur. « L’approche qualitative a pour vocation de comprendre un phénomène de recherche subjectivement construit contrairement à l’approche quantitative qui, elle, a plutôt une visée explicative d’une connaissance objective » (Bergadaà et Nyeck, 1992). Le protocole qualitatif utilisé ici mobilise deux méthodes distinctes : un focus group de consommateurs et des entretiens d’experts. La combinaison de ces deux méthodes peut apporter des informations convergentes mais aussi des éclairages complémentaires sur le problème étudié. Le tableau 2 récapitule les quelques éléments méthodologiques relatifs à chacune des deux techniques qualitatives. Techniques Eléments méthodologiques qualitatives Focus group - Guide d’animation de - Thèmes abordés : types de lieux de vente fréquentés et raisons de cette fréquentation, consommateurs dimension expérientielle de la visite des lieux de vente quelle que soit sa récence, perception du rôle de l’atmosphère du point de vente dans les expériences de magasinage, congruence perçue entre la composante olfactive et les autres variables d’atmosphère 1 . Entretiens - Guide d’entretien semi-directifs - Thèmes abordés : concept d’atmosphère du magasin, rôle, composantes clés, individuels congruence entre la composante olfactive et les autres variables d’atmosphère du d’experts magasin. Tableau 2: Eléments de méthodes des deux études empiriques. Dans une première étape, le focus group de consommateurs a été organisé conformément aux recommandations de Giannelloni et Vernette (2001). Il a duré trois heures et a été intégralement enregistré et retranscrit. L’échantillon retenu est constitué de 7 individus de profils variés en termes de sexe (4 femmes et 3 hommes), d’âge (entre 25 et 35 ans), de catégories socioprofesionnelles (cadres, fonctionnaires, chercheurs, doctorants). Tous ont été sélectionnés en fonction de l’intérêt qu’ils portent à leurs expériences personnelles de magasinage et au rôle que peut y jouer l’atmosphère du point de vente. Il est demandé aux participants de s’exprimer librement sur les thèmes majeurs de l’étude (Cf.Tableau2). La deuxième étape a permis de mener des entretiens individuels auprès de 6 experts (responsables de points de vente ou consultants en création d’atmosphère) opérant dans des domaines variés (Nature & Découvertes, Résonances, Olivier & Co, Paraboot, l’Occitane, Sté Parfum Indigo du Groupe Air Berger). Ces entretiens ont eu lieu dans les lieux de travail des praticiens (magasins du centre ville et société de conseil) et ont duré en moyenne 45 minutes. A cette occasion, un guide d’entretien a été élaboré, soumis à deux chercheurs en marketing et testé 1 Les thème de la perception du rôle de l’atmosphère au point de vente dans les expériences de magasinage et celui de la congruence entre la composante olfactive et les autres variables d’atmosphère ont été abordé de la même façon dans le focus group de consommateurs et les entretiens d’experts pour vérifier si les discours des deux parties convergent ou non. Session 8 - 57 auprès de trois personnes avant d’interviewer les experts. L’ensemble des interviews a été intégralement enregistré et retranscrit fidèlement à l’aide d’un dictaphone. 3.2. Procédure de traitement et d’analyse Les données recueillies ont été traitées conformément au protocole de l’analyse de contenu préconisé par Bardin (1998) et Giannelloni et Vernette (2001). L’unité d’analyse du contenu retenue dans cette recherche est le thème. Giannelloni et Vernette (2001) définissent cette unité d’analyse comme étant « un groupe de phrases jugées équivalentes, car faisant référence à des situations, à des objectifs ou des concepts proches ». A l’issue de cette étape, deux grilles d’analyse ont été conçues, l’une concernant les propos des consommateurs et l’autre ceux d’experts en utilisant le principe de la lecture flottante des dires. Dans les deux cas, une analyse manuelle verticale et horizontale a été menée afin d’analyser et classer les propos recueillis. De plus, nous avons utilisé le Sphinx Lexica pour dégager la fréquence d’apparition des thèmes. 3.3. Résultats de l’étude qualitative L’étude « consommateur » fait émerger quatre thèmes majeurs : types de magasins fréquentés et les raisons de cette fréquentation, dimension expérientielle de la visite, rôle des variables d’atmosphère dans les expériences de magasinage vécues, congruence perçue entre l’ambiance olfactive et les autres variables d’atmosphère. L’étude « experts » enrichit les résultats des deux derniers thèmes et plus particulièrement du dernier. A propos des types de magasins fréquentés et des motivations de cette fréquentation, il apparaît que les consommateurs se rendent soit principalement dans les hypermarchés (ex : Carrefour, Auchan) soit dans des magasins qu’ils qualifient eux-mêmes de magasins d’atmosphère (ex : Natures & Découvertes, Vieux Campeur, H&M, Mexx, ZARA, Celio, Jules, etc) (Cf.Tableau3). Ceux qui fréquentent essentiellement les hypermarchés le font pour des raisons de proximité (domicile, travail) et d’attachement à des habitudes d’achat dans ces lieux. Ceux qui se disent plus intéressés par les magasins d’atmosphère, les fréquentent pour y vivre une expérience d’achat et/ou de visite agréable. S’agissant des motivations relatives à la fréquentation de ces deux types de points de vente, elles peuvent être utilitaires et/ou récréationnelles avec une dominante déclarée récréationnelle pour les magasins d’atmosphère et l’inverse pour les hypermarchés. Individu n°1 […] Je vais chez Carrefour parce que c’est pas loin de chez moi. De temps en temps je fais mes courses dans des petites supérettes car c’est juste en bas de mon immeuble […] Individu n° 3 […] Oui plus H&M, à la limite je vais prendre la voiture, je vais à Bordeaux et je vais chez H&M par habitude […] Tableau 3: Exemples de verbatim « consommateurs » illustrant les formats de magasins fréquentés et raisons. A propos des motivations de fréquentation des lieux de vente, il ressort de l’analyse qualitative deux tendances de shopping habituellement distinguées dans la littérature en marketing : le shopping utilitaire et le shopping récréationnel. Pour le shopping utilitaire, certains consommateurs fréquentent des magasins pour acheter le produit satisfaisant strictement un besoin utilitaire. Cette dimension rappelle la définition de Jallais, Orsoni et Fady (1994) du concept « Shopping » qui est le fait d’aller de magasins en magasins pour acheter. En revanche, pour le shopping récréationnel, certaines personnes recherchent uniquement des bénéfices hédoniques : se distraire, s’amuser, flâner et se livrer ou non à l’achat de produit et/ou de service (Cf.Tableau4). Le shopping récréationnel partage l’idée de divertissement avec le comportement du butinage considéré par Lombart (2004) comme étant « une forme de loisir où le Session 8 - 58 consommateur cherche à vivre une expérience plaisante au point de vente grâce aux produits exposés, à l’ambiance du magasin, à sa mise en scène et aux autres composantes présentes dans le point de vente, sans intention d’achat ». De même, l’article historique de Edward Tauber paru plus exactement en 1972 intitulé « Why Do People Shop » a mis en évidence la capacité du magasinage à favoriser le côté récréationnel, divertissant de l’expérience de visite. Dans le même ordre d’idée, une importante littérature en marketing s’est consacrée au concept de shopping pour le clarifier et mieux comprendre sa relation avec le comportement du consommateur. L’apport de ces travaux est de distinguer le shopping utilitaire du shopping récréationnel. Deux précisions s’imposent : d’une part, il serait simpliste de penser que le shopping n’est qu’utilitaire en hypermarchés et que récréationnel en magasins « d’atmosphère » ; pour certains sujets il est à la fois utilitaire et récréationnel dans l’un et l’autre lieu avec un dosage utilitaire/récréationnel qui diffère selon la classe de produits, le temps disponible, l’humeur, le fait d’être accompagné ou non, l’objet de la visite (« butinage », « repérage » intentionnel de produits ou nécessité d’acheter un produit dévolu à usage précis). D’autre part, pour les différences terminologiques entre shopping utilitaire et récréationnel, lèche-vitrine, magasinage, butinage, reprenons la synthèse proposée par Lombart (2004), Lombart et Labbe-Pinlon (2005) à une nuance près : Pour nous magasinage, shopping, lèche-vitrine seront considérés comme synonymes car pouvant se conclure ou non par un achat quelle que soit la motivation de cet achat. Individu n°2 […] J’y vais parfois en sachant très bien que je ne vais rien acheter, c’est juste pour l’ambiance parfumée […] Individu n°6 […] je ne vais rien acheter mais juste pour observer, pour flâner […] Tableau 4: Exemples de verbatim « consommateurs » illustrant les motivations de shopping récréationnel. A propos de la dimension expérientielle, il s’agit de comprendre comment elle est vécue par les différents consommateurs. Pour ce faire, il leur a été demandé de raconter librement leurs expériences vécues les plus marquantes. Leurs discours indiquent généralement qu’elles ont pu l’être positivement ou négativement selon les circonstances. Dans le cas d’expériences négatives, les consommateurs donnent comme raisons désagréables des dimensions sensorielles et sociales de l’atmosphère au point de vente telles que l’impression de foule, le manque d’espace et d’air, la chaleur et le mauvais accueil. Dans le cas d’expériences positives, les participants évoquaient l’atmosphère agréable du lieu, les programmes de fidélisation, la qualité de service (Cf.Tableau5). Individu n°3 […] La vendeuse a très bien fait son travail, elle m’a vendu la carte de fidélité; c’est bien puisque j’y suis retourné 3 ou 4 mois après […] Individu n°3 […] Avec la carte de fidélité, il y a un système de codes barres que tu peux donner à des amis ce qui permet de cumuler des points […]; […] ainsi, je me suis retrouvé avec une réduction de 65% sur l’article […] Individu n°4 […] C’était impressionnant, j’y ai pensé pendant quelques jours, c’était une bonne expérience […] Tableau 5: Exemples de verbatim « consommateurs » illustrant la dimension expérientielle de la visite des points de vente. Toute expérience de visite et/ou d’achat agréable peut comporter une dimension hédonique et une dimension utilitaire habituellement distinguées dans la littérature en marketing, alors que l’on peut éprouver du plaisir à trouver un produit parfaitement utilitaire. Ici les résultats de l’analyse du contenu rendent compte d’une dimension hédonique, affective recherchée par le consommateur au sein du magasin et exprimée fréquemment par les mots « plaisir », « confort », « détente » (Cf.Tableau6). Ce résultat confirme une fois encore la pertinence de l’approche expérientielle en montrant que le point de vente peut être un lieu de vie où le consommateur peut se sentir à l’aise et éprouver du plaisir. La littérature en marketing sur ce sujet, prenant appui sur Session 8 - 59 l’article séminal d’Holbrook et Hirschman (1982), stipule que le lieu de vente peut mettre en scène une offre polysensorielle, source de plaisir pour le chaland. Individu n°4 […] Je me sens super à l’aise […] Individu n°5 […] Une atmosphère très calme où tu te sens bien […] Individu n°6 […] J’ai été contente […] Tableau 6: Exemples de verbatim « consommateurs » illustrant la dimension hédonique du shopping. La recherche d’expérience émotionnelle dans la fréquentation des magasins peut néanmoins s’accompagner d’une recherche de bénéfices utilitaires; certains répondants ont insisté sur l’importance qu’ils accordent aux aspects fonctionnels du magasin (prix, facilité d’accès, repérage facile des rayons, etc). Cette conclusion converge avec les travaux qui suggèrent que l’expérience de visite et/ou d’achat ne se limite pas uniquement à la recherche d’émotions, mais qu’elle comporte aussi une dimension utilitaire et sociale. Dans cette perspective, Benavant et Evrard (2002) précisent que les aspects affectifs, bien qu’importants, ne reflètent pas la totalité de l’expérience vécue par le consommateur et proposent donc d’étendre l’approche expérientielle à d’autres dimensions cognitives, utilitaires et sociales (Cf.Tableau7). Individu n°2 […] Ce n’est pas très cher et ces pantalons très longs sont faits pour moi qui suis grande, donc j’aime bien […] Individu n°4 […] H&M a toute une gamme: jeune, mi-jeune, trente/quarante, costumes, il y a tout : lingerie, maquillage, accessoires pour un prix très accessible. Et ils sont assez pointus au niveau de la mode je trouve […] Tableau7: Exemples de verbatim « consommateurs » illustrant la dimension utilitaire et sociale du shopping. A propos du rôle des variables d’atmosphère dans les expériences de magasinage vécues, il a été demandé aux consommateurs de parler de l’atmosphère des magasins qu’ils aiment fréquenter et de ceux qu’ils ont détestés. Le but est de comprendre en quoi les variables d’atmosphère utilisées par un magasin peuvent être à l’origine d’expériences spécifiques vécues par le consommateur : empathie et compétence du personnel de vente, design physique du magasin, mise en scène des produits, couleurs, senteurs d’ambiance, ambiance sonore, agencement du magasin, facilité d’accès au produit, circulation dans les allées et les rayons sont autant d’éléments auxquels les sujets ont déclaré être sensibles. Détaillons tour à tour ces dimensions : sociales, sensorielles (olfactive, sonore, visuelle, etc), fonctionnelles et esthétiques. La dimension sociale est omniprésente dans les discours des consommateurs. De façon unanime, ils estiment que le climat relationnel dans lequel se déroule leur visite et/ou achat rend l’expérience agréable ou non. Ce contexte social est fait d’échanges entre clients et vendeurs, mais aussi du type de clientèle à laquelle on souhaite ou non s’identifier. Ce résultat n’est pas récent, différents travaux de sociologie et de marketing l’ont souligné (Tauber, 1972; Hoolbrook et Hirshman, 1982; Filser, 2002; Lemoine, 2003; Lypovetski, 2006). Les répondants s’attendent à ce que le personnel en contact rende agréable leur visite et/ou achat en présentant diverses qualités : empathie, écoute attentive, courtoisie, attention, présence non oppressante, conseil bienveillant à la demande, compétences (connaissance précise des produits, réponses précises et adéquate aux questions), intérêt pour leur travail, enthousiasme, look, attitude en accord avec l’image de la marque et/ou de l’enseigne, etc. En plus des vendeurs et du personnel en contact, la dimension sociale de l’atmosphère au point de vente intègre le phénomène de foule et les sentiments qu’elle suscite. L’intérêt des répondants pour ce thème montre bien qu’il est primordial de développer un lien social fort et agréable entre l’enseigne et ses clients (Cf. Tableau8). Individu n°2 […] D’une part le vendeur s’y connaît, c’est lui qui approvisionne tout le magasin, on voit qu’il est Session 8 - 60 intéressé par les BD, qu’il les connaît bien, il peut vraiment me dire ce qu’il a aimé. Il me conseille mieux qu’un vendeur dans la grande distribution, telle qu’à la Fnac ou chez Virgin […] Individu n°3 […] Je sais qu’à la Fnac on a toujours l’impression de déranger le vendeur, il n’est pas forcément disponible ou il en donne toujours l’impression, alors que chez Virgin quand on demande un renseignement la personne cherche pour que je trouve […] Individu n°2 […] Les vendeurs parfois me rebutent, j’ai l’impression d’être agressé […] Individu n°1 […] S’il y a trop de monde c’est sûr que cela ne me donne pas envie de rentrer […] Individu n°7 […] Le vieux campeur ne serait pas le vieux campeur s’il n’avait pas ses vendeurs […] Individu n°7 […] Les magasins où il y 10000 personnes je ne rentre pas […] Individu n°7 […] Chez Décathlon ils conseillent beaucoup mieux […] Expert n°1 […] L’accueil et l’aspect social du lieu de vente doivent s’inscrire dans une globalité […] Individu n°6 […] Des vendeurs souriants pas collants et pas hautains […] Individu n°2 […] Vendeur souriant qui ne fait pas de réflexion car je me suis déjà faite insultée par des vendeurs, donc je suis partie […] Expert n° 3 […] Pour nous l’implication de l’équipe et l’aspect humain dans le travail sont fondamentaux […] Individu n°7 […] Le vendeur idéal c'est celui qui est là quand on le veut […] Tableau8: Exemples de verbatim « consommateurs » et « experts » illustrant la dimension sociale du magasin Parmi les dimensions d’atmosphère de l’espace de vente, l’une d’elles, la dimension olfactive, fût un des thèmes longuement abordé (spontanément ou avec relances) pour savoir en quoi elle peut contribuer à cette atmosphère. La majorité des consommateurs est favorable à l’idée de diffusion de senteurs d’ambiance sous réserve qu’elles soient cohérentes avec l’image du magasin et avec la catégorie des produits commercialisés. Ceci est conforme aux résultats antérieurs sur les stimuli olfactifs et leurs effets sur le comportement du consommateur (pour une revue détaillée, voir Maille, 1999; Daucé, 2000). En effet, les stimuli olfactifs peuvent participer à la singularité d’un magasin, donner envie de flâner, d’acheter, susciter des achats impulsifs, etc. (Cf. Tableau9). Individu n°7 […] Chez Nature & Découverte ça va être des odeurs de bois, d’encens en accord avec ce qu’ils vendent […] Individu n°4 […] Moi c’est plus le café, ça me fait penser au bureau parce que c’est là que je bois du café […] Individu n°2 […] C'est important quand tu rentres dans un magasin que ça sent le frais alors que c'est 18 heures et que plein de gens sont passés, les senteurs masquent tout le reste […] Individu n°1 […] Il faut que l’odeur soit suffisamment subtile pour que l'on ne s'en rende pas compte mais en même temps qu'elle soit agréable […] Expert n°3 […] La diffusion des odeurs en magasin est importante, ça sent bien et reflète la qualité de produits […] Tableau 9: Exemples de verbatim « consommateurs » et « experts » illustrant la dimension olfactive du magasin. S’agissant de la dimension sonore, la présence d’une musique d’ambiance au sein d’un magasin ne semble pas gêner les sujets à partir du moment où elle est agréable à écouter, adaptée aux goûts de la clientèle, douce (Cf.Tableau10). Sur le plan académique, de nombreuses études se sont focalisées sur l’influence des stimuli sonores sur le comportement du consommateur (pour un panorama théorique et managérial, voir Rieunier (2000), Daucé et Rieunier (2002)). Individu n°2 Individu n Individu n°2 Individu n°6 Individu n°4 […] La musique est assez forte. Je n’aime pas trop, donc quand la musique est très forte j’aurais tendance à vouloir partir assez vite […] […] C’est vrai que si je vais à la Fnac ou chez Virgin c’est plus pour la musique d’ambiance que j’aime […] […] Il y a un minimum, je pense qu’on ne se rend même pas compte qu’il y a de la musique, mais il faut qu’elle soit présente, que tu te sentes à l’aise […] […] La musique excessivement forte c’est vrai que c’est quelque chose qui m’insupporte et qui me fatigue […] […] La musique me stimule un peu mais il ne faut pas qu’elle soit trop forte […] Session 8 - 61 Tableau10: Exemples de verbatim « consommateurs » illustrant la dimension sonore du magasin. Si certains consommateurs insistent sur les aspects hédoniques, affectifs de l’atmosphère, d’autres jugent importants les aspects fonctionnels et esthétiques d’un point de vente. S’agissant des dimensions fonctionnelles et esthétiques réunies dans l’expression « design physique du point de vente » (Baker, 1986; Baker, Grewal et Paraguaná, 1994; Greenland et McGoldrick, 1994; Lemoine, 2003), que nous reprenons ici, tant les consommateurs que les experts les citent spontanément ensemble comme étant importantes. Cette association naturelle rend compte d’une perception globale même si ensuite chacune est reconnue avoir ses propres composantes : « facilité de circulation dans les rayons, repérage rapide de produits, clarté de l’agencement des rayons, facilité d’accès aux produits » pour la dimension fonctionnelle, « caractère esthétique de l’architecture de l’intérieur, des volumes, des matériaux utilisés, de la présentation des produits » pour la dimension esthétique ; cette dernière a pu être qualifiée « d’esthétique élégant, sobre, zen, minimaliste, exubérant , etc » selon l’enseigne et les répondants (Cf.Tableau11). Ces dimensions fonctionnelles et esthétiques contribuent à la « facilité d’appropriation de l’espace » par les consommateurs que Bonnin (2003) considère comme une action exercée par le consommateur sur son environnement. Individu n°3 Individu n°6 Individu n°6 Individu n°7 […] Je suis passé devant Darty et j’ai trouvé l’architecture extérieure assez jolie […] […] C’est sympa l’espace […] […] C’est bien rangé, il y a ce côté classé plus ou moins par type, par couleur […] […] J’aime beaucoup le Vieux Campeur, c’est très ambiance chalet, il y a beaucoup de bois et je pense qu’ils ont très bien travaillé le design de leur magasin […] Individu n°7 […] On a l’impression de rentrer dans un chalet de montagne où il y a du bois partout […] Individu n°2 […] La facilité de déplacement ça c’est sûr […] Individu n°6 […] L’accès au produit est aussi important car je n’ai pas à monter sur deux étagères pour attraper le produit que je cherche […] Expert n° 3 […] les matériaux, l’agencement des rayons, le décor font partie de l’environnement global du magasin […] Individu n°4 […] C’est agréable de pouvoir circuler librement dans les rayons et que les choses soient visibles […] Individu n°7 […] Les plus mal agencés sont les magasins de chaussures…C’est hallucinant parce que là tu es obligé de faire tomber des boîtes, tu as toujours une dame qui veux passer au même endroit que toi, c’est la chose qui me rebute le plus […] Tableau 11: Exemples de verbatim « consommateurs » et « experts » illustrant la dimension design physique du magasin. La congruence perçue entre l’ambiance olfactive et les autres variables d’atmosphère a été jugée importante tant par les consommateurs que par les experts même si les propos de ces derniers furent beaucoup plus riches. De par leur expérience, les experts estiment que la congruence est un principe fondamental qu’ils doivent gérer de manière optimale et prudente lors de la création d’un espace de vente. Toute senteur d’ambiance sélectionnée pour être diffusée au sein d’un magasin doit être impérativement en parfaite harmonie avec l’environnement dans lequel elle est émise, les valeurs de l’enseigne, sa charte graphique, son image de marque, son personnel, ses produits et son modèle commercial. Les praticiens se disent de plus en plus soucieux de manipuler à bon escient les différents outils constitutifs d’une atmosphère de magasin pour en créer une qui soit cohérente avec l’image de la marque et/ou de l’enseigne et ne pas s’en tenir à une gestion intuitive de cette atmosphère. Ils sont parfaitement convaincus de la nécessité de combiner de façon harmonieuse les différentes dimensions (sensorielles, sociales et du design physique) qui créent une atmosphère agréable d’une part et d’autre part de trouver une cohérence Session 8 - 62 entre cette atmosphère et l’image voulue du point de vente. Les termes « corrélation, cohérence, globalité, harmonie, associations et symbiose » illustrent l’intérêt manifesté à la fois par les consommateurs et les experts. Pour eux la gestion des lieux de vente nécessite une réflexion méthodique sur le choix, la nature des stimuli d’atmosphère à utiliser de manière congruente et non pas seulement de manière intuitive même s’il subsiste une part de subjectivité inéluctable (Cf.Tableau12). Individu n°7 […] Il faut que l'odeur colle avec ce que l’enseigne vend, par exemple le magasin Nature & Découverte vend de l'encens et des objets en bois, des produits naturels, il ne faut pas que ça sente une odeur de cuir […] Expert n°1 […] On étudie la diffusion des senteurs d’ambiance avec d’autres facteurs […] Expert n°2 […] L’adéquation avec ses valeurs, sa charte graphique, son image de marque, aussi son personnel, ses produits, ses clients, son modèle commercial […] Expert n°2 […] C’est une association entre différents éléments que l’on peut trouver dans la nature, c’est une sorte de symbiose et de cohérence que le client apprécie […] Expert n°4 […] On choisit des outils d’atmosphère qui ont un rapport direct avec les produits et l’environnement dans lequel s’insère, rien n’est laissé au hasard car tout à un intérêt, je vous donne un simple exemple : la nouvelle collection des produits cosmétiques en bio est disposée sur un présentoir qui lui-même est recyclé et cohérent avec les produits vendus […] Tableau 12 : Exemples de verbatim « consommateurs » et « experts » illustrant la congruence de l’ambiance olfactive avec les autres variables d’atmosphère de magasin. 4. Conclusion Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale qui s’intéresse à la perception qu’a le consommateur de la cohérence entre l’ambiance olfactive et le design physique de l’espace de vente d’une part et d’autre part aux effets de cette cohérence sur ses réactions affectives, évaluatives, comportementales ainsi que sur la satisfaction retirée de l’expérience de visite du magasin. La recherche exploratoire présentée ici a pour objectif de mieux comprendre l’influence des variables d’atmosphère du point de vente sur le comportement du consommateur dans le magasin. Elle s’intéresse particulièrement à la perception qu’a le consommateur de la congruence entre les senteurs d’ambiance et les autres variables d’atmosphère au point de vente et à ce qu’en pensent les experts. Elle fait émerger quatre résultats. Les deux premiers proviennent des consommateurs, les deux autres des experts. Premièrement, elle montre que les consommateurs, en fréquentant les lieux de vente, perçoivent de manière globale et polysensorielle l’ensemble des variables d’atmosphère précitées (sensorielles dont l’une est olfactive, sociales et du design physique). Ce résultat conforte l’hypothèse selon laquelle l’atmosphère est bien un concept multidimensionnel, évalué d’abord globalement. Deuxièmement, cette étude montre également que les consommateurs fréquentent des lieux de vente non seulement pour se procurer un produit ou un service mais aussi pour se divertir et passer des moments agréables lors du magasinage, c'est-à-dire faire du shopping récréationnel, phénomène important en marketing. Troisièmement, il ressort que l’expérience de magasinage dépend de l’ensemble des dimensions d’atmosphère de l’espace de vente (dimensions sensorielles, du design physique et sociales). Plus précisément, le lien social (relations entre les clients et le personnel, phénomène et sentiment de foule), le design physique, l’ambiance sonore, olfactive et visuelle sont autant d’éléments qui valorisent et renforcent l’expérience de visite du consommateur. Quatrièmement, l’hypothèse de la nécessaire congruence entre les senteurs diffusées au sein du point de vente et les autres éléments contributifs à son atmosphère semble validée tant dans les propos des consommateurs que dans ceux plus nombreux des experts. Ces derniers insistent sur Session 8 - 63 l’importance stratégique pour les managers des points de vente de choisir des variables d’atmosphère cohérentes avec l’ensemble des éléments matériels et immatériels de leur marque et/ou de leur enseigne (identité de marque, charte graphique, personnel en contact, catégorie des produits vendus, matériaux utilisés, etc). Plusieurs limites caractérisent la présente recherche et donnent lieu à de nouvelles voies de recherche. - Le caractère exploratoire de cette étude qualitative utilisant des échantillons restreints de consommateurs et d’experts ne permet pas de généraliser les résultats. - L’étude auprès des consommateurs s’est focalisée progressivement seulement sur la congruence entre les senteurs d’ambiance et les autres variables d’atmosphère, elle exige donc des approfondissements entre autres sur l’effet du halo affectif entre ces groupes de variables. Cette recherche a cependant quelques implications théoriques et managériales. Sur le plan théorique, les résultats confortent la pertinence de l’approche holistique de l’atmosphère du point de vente pour mieux comprendre les comportements du consommateur en magasin. Elle conforte les résultats des recherches antérieures quant au rôle des outils multisensoriels dans la valorisation des activités de shopping utilitaire et recréationnel des consommateurs. Le climat social, l’atmosphère de point de vente peuvent se transformer en shopping utilitaire et/ou récréationnel. La dimension olfactive joue bien un rôle plutôt récréationnel. Les consommateurs s’attendent à une congruence entre senteurs d’ambiance et les autres variables d’atmosphère, les praticiens sont convaincus de son intérêt. Sur le plan managérial, cette recherche confirme que le consommateur n’est pas en quête uniquement de bénéfices matériels, utilitaires en fréquentant les magasins mais qu’il cherche aussi à vivre une expérience émotionnelle agréable. Ceci justifie une nouvelle fois le souci déclaré des praticiens concernant cette « offre globale » d’atmosphère au point de vente dans le but de se démarquer de la concurrence et de fidéliser les clients. Peut-être pourrait-on proposer à des consultants en atmosphère de lieux des simulations de projets de conception d’espaces de vente alliant à la fois avantages fonctionnels et immatériels pour recueillir les impressions des consommateurs et apprécier la congruence qu’ils perçoivent ou non entre dimension olfactive et les autres variables d’atmosphère d’une part, d’autre part entre l’ensemble de ces variables et le positionnement perceptuel de la marque et/ou de l’enseigne. Bibliographie Aubert, V. et Hetzel, P. (1993), « Design d'environnement commercial et phénomène de mode : une approche sémiotique », Design / Recherche, 4, 19-39. Ayadi, N. (2005), « Etude du comportement de prise de risque dans le cadre de l’expérience de consommation du parachutisme : Apports de la netnographie », Actes de la 10ème Journée de Recherche en Marketing de Bourgogne, Dijon. Baker, J. 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