Michelin: impact des étoiles sur les finances des restaurants

Transcription

Michelin: impact des étoiles sur les finances des restaurants
Guide Michelin: Impact des rétrogradations et des promotions sur les résultats des restaurants étoilés Olivier GERGAUD KEDGE Business School [email protected] Caractéristiques principales de l'échantillon: Cette étude est basée sur un échantillon de 16 restaurants promus ou rétrogradés par le Guide Rouge Michelin entre 2003 et 2014. Les données financières sont tirées des données du compte de résultat disponibles dans la base Diane (Bureau van Dijk) en date du 02/02/2016. De nombreux restaurants n'ont pas pu être identifiées dans la présente base de données qui contient des informations sur près de 54,000 établissements de restauration en France. On distingue dans cette analyse deux périodes : 

La période qui précède la promotion ou la rétrogradation La période qui suit immédiatement la promotion ou la rétrogradation En moyenne nous comparons des périodes d'observations de : 

4 années avant la promotion/rétrogradation avec une période de 3 années après la promotion/rétrogradation Chaque période d'observation dure donc en moyenne 7 années. Une observation est que le nombre de promotions (12) dans l'échantillon domine le nombre de rétrogradations (4)1 qui sont des évènements plus rares. 1
Nous avons décidé dans le cas de Lameloise de nous concentrer sur la période 2001 – 2006 qui correspond à la période entourant la perte de la troisième étoile en 2005; étoile récupérée en 2007. Et ce dans la mesure où les rétrogradations sont moins nombreuses dans l'échantillon que les promotions. Table 1 ‐ Liste des restaurants de l'échantillon Numéro 1 2 3 15 Restaurant LA TOUR D'ARGENT EURL GILLES GOUJON HOSTELLERIE DU CHAPEAU ROUGE MICHEL SARRAN SAS PASSEDAT LE PETIT NICE RESTAURANT TAILLEVENT S.A RESTAURANT BUEREHIESEL LAMELOISE RESTAURATEUR LES CRAYERES FLOCONS DE SEL NASTI RESTAURATION IL CORTILE AUBERGE DU PONT D'ACIGNE LA MARINE D'ALEXANDRE MAS VIEIRA 16 PASSAGE 53 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Ville PARIS FONTJONCOUSE DIJON Année 2006 2010 2013 Evènement Rétrogradation Promotion Promotion Etoiles Michelin 2 → 1 2 → 3 1 → 2 TOULOUSE NICE 2003 2008 Promotion Promotion 1 → 2 2 → 3 PARIS 2007 Rétrogradation 2 → 3 STRASBOURG 2007 Rétrogradation2 3 → 0 CHAGNY 2005 Rétrogradation 3 → 2 REIMS MEGEVE KAYSERBERG MULHOUSE NOYAL SUR VILAINE NOIRMOUTIER EN L'ILE CHAUDES AIGUES PARIS 2012 2012 2014 2014 2013 Promotion Promotion Promotion Promotion Promotion 1 → 2 2 → 3 1 → 2 1 → 2 1 → 2 2013 Promotion 1 → 2 2012 Promotion 1 → 2 2011 Promotion 1 → 2 Principales variables analysées: Trois variables ont fait l'objet d'une analyse statistique: 


Le niveau de profit (ou perte) après impôt (en milliers d'euros) Le chiffre d'affaires (en milliers d'euros) Le nombre d'employés 2
Le chef Westermann a en fait "rendu" ses étoiles au Michelin cette année‐là: https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Westermann Analyse statistique: Statistiques descriptives: A première vue le chiffre d'affaires évolue peu en moyenne en cas de rétrogradation alors qu'il semble augmenter plus nettement en cas de promotion. Les profits semblent quant à eux chuter de manière vertigineuse en cas de rétrogradation et progresser très confortablement en cas de promotion (nous verrons ci‐dessous que ces chiffres sont trompeurs). Le personnel quant à lui évoluerait à la hausse dans les deux cas (statistiques également trompeuses). Il faut évidemment prendre avec beaucoup de précautions ces premières observations basées sur de simples comparaisons de moyennes compilées à partir d'échantillons inévitablement de faible taille. Table 2a : Statistiques descriptives ‐ Rétrogradations (4 restaurants) Variable Période Moyenne Nombre Ecart Minimum type d'obs. Chiffre d'affaires (in K€) Avant 4924 20 2131.16
1893 Après 5474.87 15 2026.69
1710 Profit (ou perte) (in K€) Avant 304.36 22 398.34 ‐83 Après ‐191.67 15 773.05 ‐2311 Nombre d'employés Avant 52.74 19 23.78 24 Après 60.62 13 24.74 20 Table 2b : Statistiques descriptives ‐ Promotions (13 restaurants) Variable Période Moyenne Nombre Ecart Minimum type d'obs. Chiffre d'affaires (in K€) Avant 1894.51 30 1517.01
585.33 Après 3661.08 24 2932.29
787.13 Profit (ou perte) (in K€) Avant ‐6.17 30 147.88 ‐722 Après 17.03 24 271.12 ‐939.07 Nombre d'employés Avant 24 11 13.91 1 Après 41.08 12 25.82 15 Maximum 7901 7344 1768 554 96 96 Maximum 7941 9619.84 90 434 47 108 Nous présentons maintenant le résultat d'une série de tests de différences de moyennes qui nous permettront de conclure au caractère significatif ou pas de ces différences. Tests de différences de moyennes: 
Rétrogradations: Dans le cas des rétrogradations (Table 3) nous observons une chute des profits très significative de 304 k€ à ‐192 k€. La différence se révèle en effet significative au seuil de 1% d'erreur dans le cas du test unilatéral et à 2% dans le cas d'un test bilatéral classique. Cela signifie que malgré la faible taille de l'échantillon on parvient à obtenir une baisse significative du résultat du restaurant dans les trois années qui suivent sa rétrogradation. Le chiffre d'affaires de ces établissements et le personnel ne semble pas quant à lui évoluer de manière significative (résultats des tests disponibles auprès de l'auteur à la demande). Table 3: Evolution des profits en cas de rétrogradation Les effets sur cette même variable ne sont pas aussi clairs dans le cas d'une promotion (Table 4). En effet, la différence n'apparait significative dans aucun des tests reportés dans le tableau suivant. Ceci est le signe de situations très variées d'un établissement à un autre. La promotion incite très vraisemblablement les restaurateurs à confirmer leur promotion et ceci passe, à l'évidence par une augmentation des coûts de production (masse salariale, achats de matières premières, investissements dans les locaux, la cave, etc. Les restaurateurs promus ont sans aucun doute en tête les mésaventures liées à une éventuelle dégradation confirmées précédemment. Cette situation est génératrice d'un stress important et explique pourquoi certains chefs parfois décident de rendre leurs étoiles ou bien refusent tout simplement de s'engager dans la course aux étoiles. Rappelons ici que le suicide de Bernard Loiseau est intervenu au moment où ses relations avec les guides (Gault Millau et principalement Michelin) commençaient à se tendre3. Table 4: Evolution des profits en cas de promotion Les profits n'augmenteraient donc pas de manière significative avec l'arrivée des étoiles Michelin. Notre examen de l'évolution du nombre d'employés à la Table 5 (positive et significative à 6% de 24 à 41 en moyenne) et du chiffre d'affaires à la Table 6 (aussi positive et significative de 1894 k€ à 3661k€) confirment l'explication avancée précédemment. Nous confirmons avec ces résultats que les étoiles Michelin ne garantissent pas la rentabilité des établissements qui comptent souvent sur les excédents financiers de l'hôtel et sur les produits dérivés (ouvrages du chef, prestations télévisées, contrats avec l'industrie agro‐alimentaire, etc.) pour pérenniser la santé financière du restaurant. Cette situation d'une certaine manière évoque celle de la haute couture notoirement déficitaire et qui compte sur le prêt‐à‐porter et les produits dérivés tels que les cosmétiques et les parfums pour assurer sa rentabilité. 3
Voir sur le sujet l'article récent et documenté de l'Express: http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/restaurant/la‐verite‐sur‐le‐suicide‐du‐chef‐bernard‐
loiseau_1212381.html Table 5: Evolution du personnel en cas de promotion Table 6: Evolution du chiffre d'affaires en cas de promotion