La transformation numérique a une incidence sur la

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La transformation numérique a une incidence sur la
briefing interview
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interview briefing
Pierre Boisselier, AccorHotels :
« La transformation numérique
a une incidence sur la trésorerie
et le cash management »
A l’occasion des Journées de l’AFTE organisées à Paris les 17 et 18 novembre
2015, Pierre Boisselier, directeur de la trésorerie, du financement et du credit
management du groupe AccorHotels, s’exprime sur l’évolution des relations banque/
entreprise dans un contexte de désintermédiation et de transformation digitale.
PROPOS RECUEILLIS PAR ANDRÉA TOUCINHO PHOTOS CYRIL ETIEN
En tant que directeur de la trésorerie, du
financement et du credit management
du groupe AccorHotels, à quel type de
problématiques avez-vous été confronté
dans le cadre des relations banque/entreprise ?
Deux défis principaux se sont présentés
à moi depuis ma prise de fonction. D’une
part, les problématiques liées au financement et à la capacité pour le groupe
à sécuriser les ressources nécessaires à
l’exécution de sa stratégie. D’autre part, la
transformation numérique qui a une incidence forte sur la trésorerie et le cash management, notamment sur l’intégration
de nouveaux usages clients en matière de
paiement.
L’un des sujets récurrents dans le domaine de la banque des entreprises est
le financement. Comment la situation
a-t-elle évolué selon vous ?
La situation reste exceptionnellement favorable. L’accès aux liquidités est toujours
facilité et les taux d’intérêt demeurent extrêmement attractifs. Cette situation est
cependant certainement à nuancer pour
les petites entreprises pour lesquelles le
recours au financement désintermédié
est encore limité.
Comment avez-vous vécu, au sein d’AccorHotels, la migration SEPA ? Comment
cette évolution a-t-elle impacté les relations banque/entreprise ?
Nous avons géré la migration SEPA en
mode projet. Cette évolution s’est déroulée
de façon simple au sein du groupe dans la
« Avec l’évolution des propositions
disruptives dans le monde des paiements
BtoC, les grands acteurs ne sont plus
uniquement bancaires mais également
ceux émanant d’Internet, des fintechs ou
du secteur des télécommunications. »
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L’enjeu pour la trésorerie est d’apporter
des réponses aux demandes de nos clients.
Cela se traduit, en matière d’usages, par la
capacité à accepter de nouveaux moyens de
paiement ou de nouvelles façons de payer et
à innover, fluidifier et sécuriser le parcours
client s’agissant des modalités de paiement
mesure où nous avions facilité le mouvement grâce à des options technologiques
adaptées. La façon dont les banques ont répondu a néanmoins varié selon les cas, sachant que s’est ajoutée une certaine disparité en Europe sur le niveau de préparation
des banques ; les établissements du nord
de l’Europe ayant peut-être mieux préparés cette migration que ceux du sud. Côté
AccorHotels, en tant que groupe international, le SEPA a plus été perçu comme
une aubaine que comme une contrainte.
Nous avons ainsi bénéficié de dispositions
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qui facilitent le prélèvement en zone SEPA.
Nous n’avons en revanche pas observé de
réelle modification sur les relations banque/
entreprise, l’axe majeur fédérateur restant le
financement, suivi du cash management.
Le groupe AccorHotel est fortement mobilisé sur le numérique avec notamment
des initiatives sur le Web, telles que la
création d’une marketplace. Quel est
votre positionnement sur le sujet ?
L’enjeu pour la trésorerie est d’apporter
des réponses aux demandes de nos clients.
Cela se traduit, en matière d’usages, par la
capacité à accepter de nouveaux moyens
de paiement ou de nouvelles façons de
payer (wallets, Ideal, Sofort Uberweisung,
Przelewy24, PayPal, …), et à innover,
fluidifier et sécuriser le parcours client
s’agissant des modalités de paiement. La
trésorerie a, à travers ces sujets, un rôle
important à jouer.
C’est-à-dire ? Comment envisagez-vous
la désintermédiation liée à l’avènement
du Web qui caractérise actuellement le
secteur bancaire ?
Dans la sphère BtoB, les impacts restent
plus limités à ce stade. En revanche, avec
l’évolution des propositions disruptives
dans le monde des paiements BtoC, les
grands acteurs ne sont plus uniquement
bancaires mais également ceux émanant
d’Internet, des fintechs ou du secteur des
télécommunications. Cette réalité constitue un vrai sujet de possible refonte des
modèles économiques dans l’industrie
des paiements. Les banques, qui bénéfi-
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cient d’une expérience historique, d’une
compétence technologique et d’une légitimité réglementaire, ont néanmoins les
moyens de réinvestir ce marché.
Les 17 et 18 novembre auront lieu les
Journées de l’AFTE. En tant que président du comité de pilotage, comment
avez-vous travaillé et quels seront les
sujets prioritaires que vous souhaitez
aborder ?
Le comité de pilotage regroupe des permanents de l’AFTE et un panel de trésoriers représentatifs de la situation de la profession,
à savoir des grandes entreprises et des ETI,
des sociétés cotées et des structures autres
de type coopératives, des hommes et des
femmes, et différents secteurs d’activités :
industrie, distribution, services, etc. Cette
diversité a été construite à dessein afin
d’assurer le regroupement du maximum
d’intérêts possibles et d’être ainsi utile à la
communauté. Ce comité se réunit deux
fois par mois et des ateliers spécifiques sont
organisés pour assurer une proposition
de contenu riche. Les Journées de l’AFTE
2015 reposent sur deux thématiques fortes.
D’une part, la nouvelle donne issue des taux
bas, une situation historique inhabituelle
qui induit un certain nombre de réflexions
et de défis qui n’existaient pas avant, et crée
des opportunités assez intéressantes pour
se financer à bon compte, mais à l’inverse
une situation beaucoup moins favorable
pour placer sa trésorerie. D’autre part, l’impact de la transformation et révolution numérique sur le métier du trésorier, qui suscite des modifications en profondeur des
usages clients, mais influence également
la sphère BtoB via la dématérialisation des
échanges entre entreprises par exemple.
Autant de thèmes qui seront traités lors
des Journées de l’AFTE pour mieux comprendre et anticiper les conséquences de
cette transformation et partager les retours
d’expérience.
Quelles sont vos prévisions sur l’évolution du marché en 2016 ?
Le rôle des acteurs non historiques devrait
continuer à se renforcer avec des initiatives loin d’être neutres, notamment côté
Web et fintechs. La réponse des banques
est, à mon sens, moins évidente et moins
lisible. De quoi supposer que la situation
va se renforcer à la faveur des acteurs non
historiques. Cela suscitera des enjeux en
termes de conformité, de sécurité et de
protection des données.
Je vois difficilement comment les trésoriers d’entreprise ne pourraient pas y être
présents, comme dans tout sujet lié à une
refonte des moyens de paiement.
Quelques mots sur la situation du marché des paiements. La France a été le
En conclusion, en tant que trésorier
d’entreprise, comment réagissez-vous à
théâtre des Assises des moyens de
paiement qui doivent déboucher sur la
création d’un comité des paiements suite
logique du comité national SEPA. Les
trésoriers d’entreprise ont-ils vocation à
y participer ?
la nouvelle directive sur les services de
paiement (DSP2) ?
Son impact ne sera pas négligeable sur nos
activités et nos relations avec les banques.
L’effet sera plus fort sur la sphère BtoC, en
particulier sur le paiement par carte, que
sur la sphère BtoB où les enjeux disruptifs sont moindres. Plus généralement,
la DSP2 devrait harmoniser les règles
et obligations des acteurs du monde des
paiements et apporter une clarification
du terrain de jeu pour toutes les parties
prenantes.
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