CRDSU n¡ 19 - Centre de ressource et d`échanges pour le

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CRDSU n¡ 19 - Centre de ressource et d`échanges pour le
V e i l l e
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En introduction, Maurice Charrier, vice-président de
la Communauté urbaine de Lyon en charge de l’urbanisme commercial, introduit le cadre d’action. Élaboré en 1994, le Schéma directeur d’urbanisme
commercial (SDUC) de l’agglomération lyonnaise vise
à renforcer les centres existants à différentes échelles :
hypercentre, centres secondaires et de proximité, l’enjeu étant celui d’un service de proximité pour toute
la population. En effet, les commerces sont un élément essentiel de l’animation de la vie locale, des
lieux de rencontre et d’échanges. Ils connaissent
cependant souvent des problèmes liés à l’insécurité ;
aussi le thème de la sécurité est-il un élément permanent de la requalification des dix pôles commerciaux
engagée dans l’Est lyonnais avec le programme
Urban. De plus, ajoute Claude Lanvers, sous-préfet à
la ville du Rhône, c’est au travers de tels programmes
que se joue la structuration des politiques urbaines
européennes.
Centrée sur la présentation d’actions concrètes
menées dans le domaine de la sécurité et du commerce, la journée visait la confrontation afin de créer
de la connaissance commune et d’inciter les partenaires de la politique de la ville à monter des actions
de même type sur d’autres sites. Après une intervention de Monsieur Musy, contrôleur général de la
Police nationale, présentation d’expériences menées
dans l’agglomération lyonnaise et ailleurs : LyonMermoz, médiateur - agent d’ambiance ; Annemasse,
recrutement de personnel pour la sécurité ; Vaulxen-Velin, sécurisation des espaces publics et des commerces ; Décines-Le Prainet, prise en compte de la
sécurité dans la construction d’un nouveau centre
commercial ; Marseille, sécurité des parkings à proximité des commerces et Seine-Saint-Denis, programme de sécurité commerciale.
De la médiation sociale à la vidéo-surveillance,
déroulement de chaque cas avec ses caractéristiques
techniques, le montage partenarial et financier et les
effets repérés. Éclairage sur deux des actions présentées : l’une dans le huitième arrondissement de Lyon,
quartier Mermoz Sud, s’inscrit dans un programme
de réhabilitation - transfert du centre commercial
dans le cadre du contrat de ville, l’autre à Annemasse
se joue un peu différemment puisqu’il s’agit d’une
initiative à dominante privée…
SÉCURISATION DES COMMERCES DU QUARTIER DE
MERMOZ SUD (LYON 8ème) : RESTRUCTURATION ET
MÉDIATION
M. Guillaumot, directeur de l’agence de l’OPAC du
Grand Lyon, a présenté l’opération.
Le secteur de Mermoz-Sud est un quartier de mille
logements sur un secteur relativement concentré.
Outre la réhabilitation du bâti, des transformations
d’usage, l’implantation de nouveaux équipements et
l’aménagement des espaces publics, le projet urbain
avait programmé une opération de transformation et
de modernisation des locaux commerciaux : la galette
commerciale vétuste n’abritait plus que quatre commerces dispersés, les passages traversants créaient
de l’insécurité. Le projet consiste en la construction
d’un immeuble comprenant quatorze PLA, un centre
pour mal-entendants et cinq commerces en rez-dechaussée. Faisant suite à la construction de la poste
mise en service en 1995, le bâtiment est achevé fin
1996, le transfert des commerçants et la démolition
de la galette commerciale doivent suivre.
Un incident déclencheur
« On a commencé par une très mauvaise expérience,
explique M. Guillaumot, l’Express est rentré seul à l’automne 1996 - les autres commerçants n’étant pas prêts ;
il a connu tout de suite une agression et a fermé
boutique, on a réalisé qu’il y avait là un véritable problème… Il y avait un crédit disponible pour l’aide à
la commercialisation qu’on a alors décidé en accord
avec les commerçants, le DSU, l’OPAC, d’affecter à la
sécurisation… »
En matière de sécurité passive, tous les commerces
ont été équipés de rideaux métalliques et de barreaux
sur les baies arrières. La sécurité active s’est traduite
par la mise en place d’un agent de médiation.
Pendant une première phase de janvier à mai 1997,
intervention d’un médiateur à raison de trente heures
hebdomadaires (du lundi au samedi aux heures de
passage de la clientèle) afin d’assurer une présence
forte pendant la période d’installation. Pour renforcer
cette présence, la personne employée à temps plein
par l’association Eile (entreprise d’insertion) avait aussi
une mission d’entretien et de propreté du nouveau
bâtiment. L’OPAC a pris en charge à 100 % le coût du
poste (11 000 F par mois environ).
« Nous avons choisi une personne d’une trentaine
d’années, du quartier, bien connue de tous. Cela a permis de gérer un certain nombre d’incivilités notamment aux heures de sortie d’école où les enfants ont
tendance à se rassembler, où il y a toujours des petits
groupes de jeunes qui traînent à proximité. Cela a
vraiment apporté quelque chose. »
Depuis mai 1997, le salarié médiateur assure une
présence de sept heures et demi par semaine, environ
une heure à une heure et demi par jour. Le contrat de
travail a été transféré à la régie de quartier Eureka
qui dispose de marchés relativement importants avec
l’OPAC sur le secteur de Mermoz. Le salarié consacre
90 % de son temps à l’entretien et 10 % à de la présence. Le coût du salaire consacré à la « sécurisation »
est maintenant pris en charge par les commerçants
eux-mêmes.
Pratiquement, le salarié passe tous les jours entre
11 h 30 et midi pour dire bonjour aux commerçants,
il est ensuite à leur disposition, ses horaires d’entretien étant ajustés pour correspondre aux horaires
d’activité des commerçants ; équipé d’un simple
« tatoo », il peut intervenir très rapidement grâce à
sa proximité.
Les ingrédients de la réussite
Selon M. Guillaumot, ce dispositif est suffisant
dans 99 % des cas. « On n’a pas eu d’incident, les commerces sont là, l’Express tient aussi et est en progres-
sion… » Consultés à l’automne 1997 après l’installation
de l’Express, les commerçants ont souhaité continuer l’action. De plus leur chiffre d’affaires s’est maintenu ou a augmenté sensiblement (pour certains
jusqu’à 20 %) depuis le transfert. Quels sont les éléments déterminants à retenir de cette configuration ?
• Le choix de la personne, « une personne de qualité », constitue le premier élément. « On a choisi une
personne qui vivait sur le quartier, en qui on avait
confiance, une personne de très bonne volonté avec
une capacité de discussion avec les jeunes, quelqu’un
qui est connu et reconnu pour ses talents de médiation. Les jeunes qui posent problème sont souvent ses
voisins, tout le monde se connaît. Mais si dans certains cas le climat de confiance ne suffit pas, s’il faut
être plus ferme, il reçoit alors le soutien de l’encadrant
de la régie de quartier, lui aussi habitant du quartier,
cela permet de répartir la pression sur deux personnes. »
• La dynamique favorable créée par l’opération de
restructuration.
On a là selon la CCI de Lyon des conditions propices : les commerçants étaient liés entre eux, ce qui
n’est pas le cas partout ; le centre commercial a été
requalifié, désenclavé, transféré vers un axe de circulation, les commerçants se sont mis dans une perspective constructive, les financements publics aidant,
ils ont bien reçu l’action de solidarité et de présence.
Ce que confirme la commissaire de l’arrondissement
(le commissariat a participé à plusieurs réunions avec
les commerçants et l’agent de médiation) qui note
l’impact positif en terme de sécurisation.
Enfin, l’action a été complétée par une opération
publicitaire pour agrandir la chalandise des commerçants aux quartiers voisins ; de plus, la convention de gestion de proximité en cours d’élaboration
consacrera une ligne à la sécurité des commerces et
permettra ainsi de pérenniser cette action. ■
Contacts :
• Katherine Bazouin, chargée de mission PIC URBAN.
Tél. : 04 72 61 64 70
• M. Guillaumot, OPAC du Grand Lyon, agence Lyon Mermoz.
Tél. : 04 78 76 55 00 - Fax : 04 78 76 55 29
juin 1998
Placé sous la responsabilité de l’État, le programme
Urban repose sur un partenariat avec la Communauté
urbaine de Lyon, dix communes de l’Est lyonnais
et d’autres partenaires publics (Région, chambres
consulaires, bailleurs sociaux…). Il vise notamment
la requalification de dix centres commerciaux de
proximité. La sécurisation de ces centres est une
condition de leur viabilité. Le 30 mars dernier
s’est tenu un séminaire sur ce sujet à l’initiative
du Grand Lyon et de la Préfecture du Rhône.
Dominique Gaudron, du cabinet Ten Conseil, en
assurait l’animation.
Les cahiers du DSU
Les cahiers du DSU
juin 1998
L a
Sécuriser les commerces de quartier et leur environnement,
un des axes du programme européen Urban dans l’Est lyonnais.
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À ANNEMASSE, UNE ACTION DE SÉCURISATION
DES COMMERCES DÉJÀ ANCIENNE FINANCÉE PAR DES
ACTEURS PRIVÉS
• Et bien entendu les vols à l’étalage, chiffrés par le
supermarché à plusieurs centaines de milliers de
francs annuels. »
Présentation par Angelo Ricci, chef de projet du
contrat de ville d’Annemasse, dont nous reprenons les
propos.
Puis une action de surveillance.
« Pour remédier à cet état d’insécurité les commerçants ont décidé de créer deux postes de surveillants
et de les pourvoir avec des jeunes.
Les commerçants font le choix des jeunes recrutés
en consultant les animateurs de la MJC du Perrier
qui est juste à côté. Ces jeunes sont ensuite embauchés par une société de surveillance (en effet, l’activité de surveillance est encadrée et doit être exercée
sous la responsabilité d’une société qui dispose de
l’agrément nécessaire). L’encadrement est assuré par
le supermarché et les commerçants réunis au sein
du GIE pour la partie galerie commerciale. Un jeune
est affecté à temps plein au supermarché, l’autre partage son temps entre le supermarché et la galerie
commerciale.
Il y a bien sûr un certain nombre d’engagements,
plutôt de type moral. Les commerçants demandent
au jeune de s’engager sur deux ans ; la Ville s’engage à
aider au reclassement du jeune au bout de cette
période s’il le souhaite. Le GIE embauchera à nouveau un jeune du quartier qui sera formé pendant
trois mois par celui qui a déjà de l’expérience et est
passé au supermarché.
Le premier jeune embauché est devenu chauffeur
de bus depuis maintenant deux ans, son expérience
a été valorisée par la société d’exploitation pour le
mettre sur les lignes dites « sensibles » et pour l’instant cela va bien.
Ainsi nous avons réussi à tenir cet engagement de
reclassement une première fois. C’est important car
c’est là-dessus que se fonde le consensus autour de
l’expérience, c’est la condition de son efficacité. Ce
serait un point de fragilité si nous ne réussissions
pas à le tenir, il y a une part d’impondérable dans ce
montage. »
« La ville d’Annemasse - le quartier du Perrier plus
particulièrement - fait l’objet d’une procédure de
contrat de ville qui fait suite à un programme de
développement social des quartiers. La ville
d’Annemasse compte 30 000 habitants, son agglomération 60 000 et le bassin genevois 150 000.
Le centre commercial situé au cœur du quartier du
Perrier se compose d’un supermarché - une enseigne
commerciale Stoc - et de dix-sept boutiques. Du point
de vue architectural, il est conçu comme un carré
fermé, un « blockhaus », traversé par une galerie. Il
dispose d’un parking supérieur, facteur d’insécurité.
Les commerçants sont organisés en GIE (groupement d’intérêt économique) dans lequel le supermarché représente un peu plus de 50 % des parts. Les
difficultés auxquelles était confronté le centre commercial étaient de trois ordres : une faible attractivité, un stationnement inadapté, un climat
d’insécurité dans la galerie commerciale. »
D’abord une action sur l’environnement…
« La Ville, en lien avec les commerçants, a essayé
de répondre à ces difficultés en veillant tout d’abord à
améliorer l’environnement car c’est un élément décisif pour un schéma commercial. La Ville a saisi l’opportunité d’un déménagement de l’ANPE locale pour
l’installer au-dessus du centre commercial et générer
ainsi beaucoup plus de passage, ce qui du coup sécurise les lieux.
Mais les problèmes de sécurité demeuraient. C’est
pourquoi nous avons mis en place cette expérience
avec l’embauche de jeunes du quartier, une expérience qui dure maintenant depuis quatre ans (1994).
Les situations qui posaient un problème de sécurité
pour les commerçants étaient de trois sortes.
• L’agressivité, qui monte très vite dans les galeries
commerciales, et donc sa gestion. Quand les jeunes
stationnent à l’intérieur de la galerie cela fait rapidement du bruit, s’il y a une altercation l’agressivité se
développe tout de suite.
• Le stationnement des jeunes dans la galerie et aussi
dans les escaliers qui font communiquer la galerie
commerciale avec le parking supérieur.
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Résultats et conditions d’efficacité
Le supermarché enregistre une diminution des vols
de l’ordre de 50 % ; les commerçants parlent d’un
regain de la confiance, notamment de la part des personnes âgées ; le personnel aussi se sent plus rassuré.
Recrutement et professionnalisation.
Le recours à des jeunes du quartier fonctionne globalement de façon positive, les jeunes sachant qu’il y
a là une possibilité d’emploi à préserver. Il faut dire
qu’auparavant les commerçants avaient eu recours à
des sociétés de surveillance avec personnel en tenue,
que cela n’a jamais bien marché et tournait rapidement au jeu ou au conflit entre les jeunes et les surveillants. Par contre, c’est à la demande des jeunes
que la période de deux ans a été instaurée : « rester
huit heures dans une galerie commerciale, c’est assez
usant ». Il semble donc que l’on ne puisse pas envisager une professionnalisation de ce type de tâches
sans les faire évoluer.
Quant à l’engagement moral, qui est une spécificité
du dispositif, il est difficile à tenir car il ne repose
que sur la bonne foi des uns et des autres. Même si
l’insertion professionnelle réussie du premier jeune
fait exemple, cela reste une difficulté pour une ville
qui ne souhaite pas forcément procéder à des recrutements internes.
L’engagement du privé et du public.
• Du côté des commerçants. Dans ce montage, ils
sont les patrons, il n’y a pas d’intermédiaires. Ils n’auraient pas le même contrôle sur des médiateurs
locaux de sécurité embauchés dans le cadre d’un
contrat local de sécurité.
L’effort financier peut paraître important, mais le
supermarché aurait eu un agent de surveillance de
toute façon. On peut considérer qu’il a spécialisé le
profil de poste pour l’adapter au quartier.
Enfin, le GIE joue un rôle-clé pour faire adhérer
les commerçants
• Du côté de la Ville. Elle est intervenue avec beaucoup de vigueur dans cette affaire avec l’installation
de l’ANPE d’abord. Avec un passage de 30 000 personnes par an, l’ANPE fournit un apport de clientèle
certain.
Ensuite, la participation des commerçants à l’entretien des espaces verts a été renégociée, la Ville leur
permettant de retrouver là une part de financements.
Pour le chef de projet, « tout cela fait partie d’un
ensemble ». Le centre commercial existe depuis 1972,
les commerçants sont présents pour la plupart depuis
une vingtaine d’années, ils ont le feeeling, connaissent beaucoup d’habitants. Aussi, dans un contexte
où ils doivent affronter la concurrence avec l’implantation d’un gros supermarché et faire face à la stabilisation du commerce, vont-ils entreprendre la
■
rénovation du centre dès l’été 1998.
Propos recueillis par Françoise MALBOSC, CR•DSU
Les cahiers du DSU
Les cahiers du DSU
juin 1998
juin 1998
Sécuriser les commerces de quartier et leur environnement
Quelques éléments techniques
• Deux CDI à temps plein financés à 100 % par les commerçants :
1,5 poste par le supermarché (170 000 F par an) ; 0,5 poste par
les commerçants (80 000 F par an, soit environ 5 000 F par an
par commerce)
• Le contenu de la mission : surveillance par caméra, aide aux
personnes, interpellation des voleurs à l’intérieur du supermarché et tant qu’ils sont dans la galerie. Le premier poste remplit
le rôle d’un agent de sécurité du supermarché, le second est à
la lisière entre le supermarché et la galerie. La gestion des deux
postes est coordonnée. La mission de dialogue est la plus importante, il doivent établir le lien et le contact avec les groupes à
l’intérieur de la galerie et éviter qu’ils y stationnent.
• Le profil de recrutement : le niveau est indifférent ; il faut que
les candidats soient connus (par des activités d’encadrement d’activités pour enfants à l’intérieur de la MJC par exemple), qu’ils
puissent bien « tenir le dialogue en face de leurs copains ».
Contacts :
• M. Ricci, chef de projet du contrat de ville.
Tél. : 04 50 95 57 75
• M. Chaumont, directeur du magasin Stoc Le Perrier.
Tél. : 04 50 37 12 68
• M. Micard, président de l’association des commerçants.
Tél. : 04 50 37 07 79
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