CHE - Cubanismo

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CHE - Cubanismo
CHE (Steven Soderbergh, USA/F/S - 2008)
Part One - THE ARGENTINE: 126'
Part Two - GUERRILLA: 131'
Un film d'un cinéaste étatsunien sur le Che? En décembre 2008 2 vétérans aussi bien à Cuba qu'en
Bolivie du combat d'Ernesto Guevara (1928-1967) donnaient leur opinion, avant même la présentation du
film au festival de La Havane.
Harry "Pombo" Villegas: "L'important n'est pas qu'un étatsunien ait fait le film, mais que le
film soit suffisamment proche de la réalité de la lutte du Che à Cuba et en Bolivie. Et qu'il propose la
vision révolutionnaire et la morale du Che aux jeunes, ceux de Cuba, en Amérique latine et du tiers
monde" (CubaGuide, « Benicio del Toro presents», repris du Granma Internacional 11/12/2008).
Leonardo "Urbano" Tamayo: "En tant que conseiller pour le film j'ai fait tout le possible pour approcher la
réalité; nous avons attaché plus d'importance aux événements réels qu'à leurs lieux véridiques. Benicio
del Toro et les autres acteurs ont très bien joué leurs rôles. Quoique concernant la topographie le film ne
s'est pas fait dans les conditions idéales, il est aussi réaliste que possible". (CubaNow: “I'm a Survivor”
ou “Soy un sobreviviente”).
A la base du projet du film se trouvent, déjà fin années 90, l'acteur Benicio del Toro et la productrice
Laura Bickford. Est engagé le cinéaste Terrence Malick, qui commence un scénario du Che en Bolivie,
mais il quitte le projet quand le financement du film aux EU tombe à l'eau. Steven Soderbergh qui fait
jouer Del Toro dans son film Traffic (2000), s'intéresse au projet et prend la relève. Del Toro et Bickford
sont comme Soderbergh conscients du fait que dans leur projet il n'y a pas de contexte ni de motivation
pour l'action du Che en Bolivie et ils espèrent combler cette lacune en engageant le scénariste Peter
Buchman, qui a une réputation dans le domaine du film historique. Pour Soderbergh cela ne suffit pas et
il prend la décision déterminante de filmer également la lutte du Che à Cuba (et son discours en 1964
aux Nations Unies à New York), ensuite d'en faire 2 films! En plus, pour le réalisateur ayant dans Traffic
déjà porté les scènes se déroulant au Mexique en espagnol à l'écran, il est hors de question de faire un
film sur le Che en anglais (ce qui pourtant était l'intention à l'origine du projet). Un film aux EU sur le Che
n'est pas évident, de surcroît les chaînes de télévision payantes disent ne pas vouloir diffuser des films en
langues étrangères. Dans le film, il n'y aura pas un cent investi provenant des EU (où dans la partie 1
sont tournées les scènes aux Nations Unies; les films terminés, il y aura une distribution, quoique modeste), le financement est finalement trouvé en France et en Espagne. Pour se documenter, Soderbergh
s'est rendu (dans le cadre d'un échange culturel) 5 fois à Cuba, mais quand il veut effectivement
commencer le tournage du film sur l’île cela lui est interdit en tant que citoyen des EU, au nom du blocus
officiel contre Cuba. Aussi pour un film donc dans lequel il n'y a pas un dollar. On commence alors par
tourner la partie bolivienne, El guerrillero, et cela en Espagne (où Urbano fonctionne durant un mois en
tant que conseiller). Et seulement après la partie 1, El argentino, à Puerto Rico. Pour la bataille de Santa
Clara, où le Che a livré le coup de grâce au régime de Batista et avec laquelle la partie 1 se termine,
Soderbergh cherche durant des mois un emplacement adéquat et il finit par choisir Campeche (Mexique).
L'acteur ni le réalisateur n'ont voulu d'une image romantique du Che. Benicio del Toro: "Durant mon
enfance à Puerto Rico (et au fond jusqu'à la recherche intensive pour le film) je ne savais que peu de
choses sur le Che et en tant que gosse j'avais une mauvaise image de lui. Puerto Rico a beau se trouver
près de Cuba, mais l'île appartient aux USA et nos livres d'histoire ne parlaient que très peu de Cuba.
C'est certainement mon rôle le plus difficile jusqu'à présent, car le Che avait une personnalité complexe.
Au cinéma, il y a habituellement un homme d'action et un penseur, mais le Che était les deux en même
temps. En plus, avec le Che c'est à un continent entier qu'on donne la vie, on doit donc davantage faire
attention. Nous ne cachons pas la question de la violence, mais la violence du Che était dirigé contre
l'ennemi, autrement il ne terrorisait jamais personne. Le Che est pour moi une figure historique et noble.
Ce qui m'a impressionné le plus est son intégrité et sa ténacité". En mai 2008 à Cannes, Benicio del Toro
obtient pour son rôle dans Che le Prix d'interprétation masculine (à l'unanimité).
Première à Paris
Steven Soderbergh: "Faire ressortir un personnage et ses motivations ne signifie pas partager toutes ses
opinions ou inciter le spectateur à suivre son exemple, ce n'est pas ainsi que travaillent l'art ou un artiste.
Ce n'est qu'après avoir terminé les films que j'ai réalisé que ce qui m'avait tout le temps attiré dans le
sujet était le contraste entre s'engager ou pas. Est-ce qu'on participe ou est-ce qu'on observe? Quand le
Che s'engageait, il le faisait pleinement : c'est ce qui m'a fortement intéressé. Et puis sa vie est parmi les
plus fascinantes au siècle passé. Mais avant d'entamer ce film, je pensais qu'à Cuba Fidel Castro avait
tout fait et je ne connaissais pas l'existence de ces autres groupes. Et j'ignorais cette transformation de
Che le médecin en un révolutionnaire, tandis que les circonstances dans lesquelles il a péri en Bolivie ne
m'étaient pas claires".
Au scénariste Peter Buchman le réalisateur dit chercher les scènes précédant ou suivant celles dans
l'habituel film biographique, "dans 'Che' je voulais les tâches quotidiennes, mais avec une connotation
pratique et idéologique et donnant au spectateur l'impression de ce que pouvait signifier participer à la
lutte du Che". Les journaux du Che à Cuba et en Bolivie ont été le point de départ. Puis des entretiens
avec les survivants de la guérilla du Che et autres contemporains (dont Soderbergh a d'ailleurs fait un
documentaire) et finalement la littérature abondante sur le Che: "Le Che signifie pour tout le monde
autre chose. Nous avons tenté de digérer tout ce qui a été écrit sur lui, mais on était tellement submergé
que nous étions bien forcés de déterminer nous mêmes qui était le Che à nos yeux".
Les journaux du Che sont restés la source d'inspiration par excellence. L'un a été écrit après la révolution
à Cuba et pour cette raison il est selon Soderbergh "quelque peu porté sur la réflexion, avec la
perspective et la tonalité de la victoire" et pour la partie 1 du film il opte ainsi pour l'écran large, un look
plus traditionnel aux cadrages classiques et une palette de couleurs chaudes de verts avec beaucoup de
jaunes. Tandis que le journal de Bolivie "est écrit au moment des faits et avec une issue totalement
incertaine, sans aucune perspective". De sorte que pour la partie 2 le format large de l'image et les
travellings ou prises de vues à partir de grue sont abandonnés, certes toujours avec beaucoup de vert
(les uniformes, la foret, ...) mais cette fois-ci beaucoup de bleu et dans son ensemble la palette de
couleurs tirée vers le blême. Narrativement la partie 2 suit l'ordre chronologique stricte et linéaire: de
Cuba, en la présence de Fidel, le déguisement du Che en homme d'affaires chauve et son arrivée en
Bolivie, jusqu'à la déroute de la guérilla et l'exécution du Che. Tandis que la partie 1 nous projette
plusieurs fois en avant ou en arrière vers le passage et le discours du Che à New York, avec sa vision
pour l'Amérique latine et le monde entier.
Dans Che on reste aussi très éloigné de tout schéma à clichés sur la montée et la chute d'un héros. Che
n'est pas "didactique", mais dans la partie 2 on est indirectement incité à se demander pourquoi en
Bolivie le contact avec les paysans ne s'établit pas comme à Cuba et pour quelles raisons la guérilla
piétine, même lorsqu'il est question d'une grande grève de mineurs (et de sa répression): le parti
communiste bolivien qui se désolidarise de la guérilla du Che, les manœuvres de la CIA, quoi d'autre? Ce
qui est encore renforcé par le fait que les parties 1 et 2 nous confrontent quelques fois avec des scènes
similaires. Ainsi, aussi bien à Cuba qu'en Bolivie Ernesto Guevara doit décider s'il incorpore ou non des
volontaires peu matures dans ses troupes, dans les deux lieux lors d'un combat imminent et décisif avec
l'ennemi il place ses hommes devant le choix: soit rester soit, pour ceux pas certains d'eux-mêmes,
quitter la guérilla. Jamais la guérilla n'est romantisée ou idéalisée. On ne nous montre pas pour autant le
Che abattu. Tandis que la CIA a diffusé partout la photo et faisait entretemps immédiatement disparaître
son corps, Steven Soderbergh fait autre chose: au moment où le Che sera exécuté, il prend avec sa
caméra le point de vue de celui-ci, on tombe avec lui.
Benicio et Evo
Début décembre 2007, Del Toro (encore chauve pour les scènes du Che déguisé) est reçu à La Paz
auprès du président Evo Morales. Après avoir fait connaissance, Benicio del Toro déclare qu'avec la
nouvelle Bolivie d'Evo Morales un rêve du Che a été réalisé. En effet, l'élection de Morales et sa politique
en faveur des plus démunis a permis l'accès de ceux-ci au programme humanitaire Operación Milagro de
médecins cubains en plus de 30 pays en Amérique latine et en Afrique; ainsi, presque 110.000 boliviens
ayant des problèmes de cataracte retrouvent gratuitement la vue (parmi eux aussi le sergent Mario
Terán, qui autrefois avait rempli l'ordre d'exécution du Che)! Salim Lamrani -TLAXCALA : L'assassin du
Che, l'Opération Miracle et les médecins .... (également en
et
).
Fin 2008, les deux parties de Che reçoivent un accueil triomphal au festival de cinéma de La Havane (un
des plus vastes au monde). Après quoi les producteurs offrent 20 copies du film à l'institut
cinématographique cubain ICAIC, pour une distribution à travers le pays. Benicio del Toro à La Havane :
"Notre rêve était de réaliser le film et de l'apporter au pays où tout a commencé".
Autres sources principales :
- Che (film) - Wikipedia, the free encyclopedia
- Cannes 2008 ou www.festival-cannes.com/assets/Image/Direct/025659.pdf
Bruno Bové, 20/10/2009

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