Dossier M. Jazy - Laetitia Lejeau

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Dossier M. Jazy - Laetitia Lejeau
Michel JAZY
L’idole de tout un peuple…
St-Maur 12 Oct. 1966
Souvenir du Jubilé JAZY
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ROME 1960
Nous sommes fin août, les Jeux Olympiques se poursuivent sur le magnifique stade de
Rome sous le soleil radieux, permettant d’offrir une magnifique diversité de couleurs, et
favorisant une merveilleuse ambiance. Il faut reconnaître que ces J.O. de Rome n’ont
pas été exceptionnels, mais la passion demeure et le public est fidèle. C’est la grande
finale du 1500 mètres et nous avons deux Français au départ, deux athlètes fiers de
représenter la France. Deux nordistes : Michel JAZY de Oignies, et Michel Bernard
d’ANZIN. Deux hommes aux caractères bien trempés, durs au mal comme le sont en
général les gens du Nord.
La Course
Sur la ligne du départ, il y a du beau monde. L’Australien ELLIOT, le Hongrois
ROSZAVOL Guy, le Suédois WAERN, le Roumain VAMOS, ce sont les principaux
adversaires de nos deux Français JAZY – BERNARD.
Dès le départ à la surprise générale, c’est Michel Bernard qui prend la tête en imposant
un rythme infernal. Premier 400 m en 58’’2. Le 800 m en 1’57’’7, notre Français est
toujours en tête, et ne donne aucun signe de fatigue. Jazy bien collé à la corde dans la
foulée d’Elliot semble serein. Le stade s’enflamme. Le 1000 m est couru en 2’24’’.
Bernard est toujours devant, c’est du délire ; incroyable au 1200 m atteint en 2’54’’
Elliot est en tête, il est venu relayer Bernard à l’amorce du dernier 400 m. Ce diable de
Bernard s’accroche mais il ne pourra pas résister à l’accélération brutale de
l’Australien, où seuls ont pu suivre Roszavol Guy et Jazy, qui font une formidable
impression. On se met à rêver. Mais Elliot accélère de nouveau et s’envole vers une
victoire et un record du monde du 1500 m en 3’35’’6. Pour la médaille d’argent, il y a
une formidable empoignade entre Jazy et Roszavol Guy. L’ambiance est incroyable et
l’on entend JAZY – JAZY. Imaginez un Français acclamé de cette façon en Italie, c’est
merveilleux. Déchaîné, Michel Jazy s’imposera dans un style remarquable et sera vice
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Champion Olympique en réalisant une grande performance en 3’38’’4 qui sera non
seulement le nouveau record de France mais également le record d’Europe. Le
valeureux Michel Bernard terminera à la 7ème place en 3’41’’5.
Cette finale olympique aura marqué les esprits et aura donné à la jeunesse de notre
pays un formidable engouement pour l’athlétisme.
En 1960, la carrière de nos deux mousquetaires ne faisait que commencer, et Michel
Jazy devint la coqueluche de tous les Français.
Une carrière d’athlète exceptionnelle.
Michel Jazy est né le 13 juin 1936 à Oignies (Pas de Calais). Notre rencontre date de
1954. J’étais à l’époque licencié à l’A.S.P.T.T. de Paris en cadet, alors que Michel était
junior. C’était une époque très difficile en ce qui me concerne, mais tellement
enrichissante lorsque l’on était sur le stade. Après l’entraînement conseillé par Danton
Vacassi et Jean Viguié (nous nous entraînions au stade Géo-André où le « Père
Laruelle », gardien du stade, se montrait si accueillant), nous finissions par un sauna.
Le Père Laruelle était aimé de tous les athlètes qui fréquentaient le stade. Il était
serviable et vigilant. C’était l’ami de tous et particulièrement de Michel Jazy à ses
débuts. Il offrait cette particularité de ne jamais refuser aux athlètes la possibilité de
s’entraîner, à une condition : « qu’il respecte le stade.
Pendant les séances de sauna, je me trouvais en présence de toutes sortes de sportifs,
mais surtout d’authentiques champions comme Marcel Hansenne, Lucien Mias,
Senftleben, Victor Sillon, Haroun Tazieff, les célèbres frères Micquet, Jazy qui était dans
l’antichambre de la gloire, etc. Et tous ces grands n oms parlaient de moi sans
condescendance : ils me considéraient l’égal d’eux-mêmes. Je connus une vive
réaction de bonheur. L’espoir se réalisait. C’était l’avènement d’un rêve : « être un
individu comme les autres ! » Etait-ce possible ?
Voilà comment les circonstances inattendues de la vie, m’ont permis de rencontrer ce
grand champion, qui fut, vous l’avez compris, mon idole.
Depuis, nous sommes copains (j’aime ce terme), et nous avons toujours entretenu des
relations très fraternelles.
Michel Jazy a alors vingt-quatre ans. Conseillé par l’ancien champion Marcel
Hansenne et son confrère de l’Equipe Gaston Meyer, où il bénéficie d’horaires
aménagés et d’une préparation personnelle adaptée ; elle lui permet de suivre à
Volodalen, en Suède, les stages du père de l’entraînement naturel, Gosta Olander.
Contrairement à Bernard, toujours demeuré dans sa petite ville d’Anzin, Jazy est un
privilégié qui mesure sa chance et entend en profiter. Débute alors une éblouissante
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époque de cinq années, pendant lesquelles Jazy donne ses rendez-vous à la France et
s’y rend en triomphateur. Comme Ladoumègue un temps, il est devenu le meilleur
coureur du monde sur 1500 mètres, tant en valeur chronométrique qu’en maîtrise
tactique. Champion et recordman d’Europe de la distance, il abaisse les meilleurs
temps mondiaux sur les parcours peu usités du 2000 et du 3000 mètres en juin
1962.
C’est la grande période forte de l’athlétisme français. Il fallait voir l’ambiance lors des
France-URSS, France-Angleterre, France-Suède, etc… Le stade de Colombes était
rempli. Quel dommage que cela n’existe plus. On a connu les merveilleuses soirées
Perrier – Challenge – Tartan – avec ses tentatives de records du monde par Michel
Jazy et celles du 4 x 1500 mètres. Le stade Cheron était surchauffé. La presse était
présente, la télévision, il y avait une merveilleuse jeunesse pleine de vie, qui n’avait
pas envie de brûler les voitures.
Michel Jazy était le chef de file de très grands athlètes où le demi-fond était vrai : avec
les Bernard – Bogey – Clausse – Vervort – Dufresne – Leflohic – Rault etc…
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Voici la liste complète des records du monde battus par le petit coureur au maillot
jaune du C.A. Montreuil :
- en 1962 : le 4 juin au stade Charlety 2000 mètres en 5’1’’6 ; le 27 juin à Saint-Maur
le 3000 mètres en 7’49’’2.
- en 1963 : le 6 juin à Charlety les 2 miles (3218 mètres) en 8’29’’6.
- en 1965 : le 9 juin à Rennes, le plus beau, celui du mile (1609,31 m) en 3’53’’6 ;
le 23 juin à Melun celui des 2 miles en 8’22’’6.
- en 1966, le 12 octobre à Saint-Maur, chant du cygne, le 2000 mètres en 4’56’’2
(tous ces records sur cendrée).
Ses records d’Europe :
- en 1963 : le 26 juillet à Colombes, 1500 mètres en 3’37’’8.
- en 1965 : le 2 juin à Saint-Maur, le mile en 3’55’’5, le 6 juin à Lorient, le 5000 m
en 13’34’’4, amélioré le 11 juin à Charlety en 13’29’’ puis le 30 juin à Helsinki en
13’27’’6.
- en 1966 : record du 1500 mètres battu deux fois de suite, d’abord le 15 juin à
Rennes en 3’36 ‘’4, puis le 26 juin à Sochaux en 3’36’’3.
On admirera en passant son extraordinaire campagne de juin 1965, son apogée sans
doute.
Sur le plan national, rappelons simplement que Jazy a amélioré plus de trente records
de France, de 1957 à 1966.
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Voici la liste de ses records personnels :
800 m
1000 m
1500 m
Mile
2000 m
3000 m
2 miles
3 miles
5000 m
10000 m
1’47’’1
2’19’’1
3’36’’3
3’53’’6
4’56’2
7’49’’
8’22’’6
13’4’’8
13’27’’6
29’3’’2
(1962)
1963
1966
1965
1966
1965
1965
1965
1965
1965
Tous ces « chronos » ont été record de France en leur temps sauf ceux du 1000 m et
du 10.000 m, et des distances anglaises, non reconnues par la F.F.A.
Enfin, 59 fois international sur piste et 43 fois premier en 74 courses, Jazy a enlevé
deux titres nationaux sur 800 m (1961-62), cinq sur 1500 mètres (1956-57 – 58 –
60 et 63) et un sur 5000 mètres (1966).
Qui dit mieux ?
Michel Jazy a été chargé de relations avec les athlètes dans deux sociétés, parfois en
simultané : 26 ans chez Adidas et 28 ans chez Perrier.
• Président du comité de gestion du Parc des Princes de 1983 à 1992,
• retraité depuis 1992.
• CE : 1er (1500 m)
Il sera également pendant quelques années vice Président de la Fédération Française
d’Athlétisme. Son franc parler lui aura valu quelques déboires avec la dite fédération.
Vous trouverez le poème qui relate assez bien je pense, le problème. Poème que
Robert Pariente, rédacteur en chef du journal l’Equipe avait en partie proposé aux
lecteurs.
En 1999, lors des championnats du monde de Séville, il déclarait dans le journal
l’Equipe : « Notre athlétisme n’a plus d’âme ! Maintenant, c’est la recherche de la haute
performance, la seule qui, aujourd’hui, vous apporte la notoriété. L’argent est en train
de pourrir tout et favorise l’égoïsme. L’athlétisme actuel ne me fait pas
systématiquement sourire.
Voilà, mes amis, le portrait d’un homme, d’un champion sur le stade et de sa vie. Il
m’a fait aimer le sport, et c’est grâce à lui si je suis encore auprès de vous pour notre
passion commune.
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COMPLAINTE… POUR UN CŒUR BLESSE
Poème
paru
dans
le
journal
L’EQUIPE
le
1er
Avril
1981
Réalisé
par
Léon‐Yves
Bohain
(Médaille
d’Or
de
la
Jeunesse
et
des
Sports)
et
Directeur
de
la
Revue
«
COURIR
»
à
l’occasion
de
l’éviction
de
Michel
JAZY
de
la
Fédération
Française
d’Athlétisme
Il était cet athlète, qui courait vers la gloire
D’une foulée superbe, et d’un style souverain
On titrait grand son nom quand venait la victoire
Puis, l’on se bousculait pour lui serrer la main.
Idolâtré, aimé par une foule unie
De Saint-Maur à Melbourne, en passant par Tokio,
On bénissait cet homme car il offrait la vie,
En rendant à certains, plus léger le fardeau.
Moi, j’étais dans son ombre, admirant ses trésors,
Je découvrais ma route, que me guidaient ses pas,
Nous avions les mêmes goûts et le même décor
Chacun à sa façon, nous menions le combat.
Cela était du temps où régnait la sagesse
Où l’on gardait l’espoir d’une certaine amitié,
On vivait pour ce sport avec tant d’allégresse
Et l’on croyait en l’homme et sa sincérité.
Mais voilà qu’aujourd’hui, ce superbe champion
Ce dirigeant affable, cet être passionné
Après avoir créé tant et tant de passion
De sa Fédération se voit remercié !
Vous qui avez voté, éclairez ma lanterne
Expliquez-moi pourquoi vous avez tout renié.
Toutes ces belles médailles, sont-elles devenues ternes
Ou vous empêchent-elles, simplement de briller ?
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En retirant la pierre de cette pyramide,
Vous venez de créer une brèche importante
La lumière y pénètre et mes yeux tout humides
Y découvrent une rancœur qui était en attente.
Comme tout cela est triste et ne vous honore pas
Mais soyez rassurés, simplement mes seigneurs
Vous ne serez jamais dignes de cet homme-là
Qui a su faire pleurer et enrichir mon cœur !
Il est toujours champion du stade et de la vie,
Et offre encore aux jeunes désireux aujourd’hui
De connaître tant de joies et d’avoir des amis
Cet homme tout simplement s’appelle Michel JAZY !
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