henry david thoreau et la désobéissance civile

CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
HENRY DAVID THOREAU
ET LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org
conférence N°1000-170
HENRY DAVID THOREAU ET LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE
conférence d’Éric Lowen donnée le 19/05/2006
à la Maison de la philosophie à Toulouse
En matière politique, le Devoir de la Désobéissance Civile est le livre majeur de Thoreau,
philosophe américain (1817-1862), qui inspira notamment Gandhi, Martin Luther King et tous
les mouvements pacifistes ultérieurs. Ce livre fait date en matière de proclamation et de
défense de la liberté humaine et des droits humains face aux nations, aux états et aux
pouvoirs, même démocratiques. Il expose dans ce bref ouvrage les principes de la
désobéissance civile (à ne pas confondre avec la désobéissance civique) qui réhabilite
l'individu comme acteur politique fondamental et autonome dans le cadre du contrat social.
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HENRY DAVID THOREAU ET LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
“Il existe des lois injustes : consentirons-nous à leur obéir ?”
H. D. Thoreau
I
LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE, UNE NOTION QUI FAIT PROBLÈME
1 - L’apparente apparition récente du concept de désobéissance civile au début du 20ème siècle
2 - La popularisation récente du concept de désobéissance civile en France
3 - Mais une notion qui pose problème car elle n’a apparemment pas de définition ni de théoricien
4 - Alors qu’elle a pourtant bien un inventeur et une définition : Henry David Thoreau
II
HENRY DAVID THOREAU : UN HÉRAUT DE LA LIBERTÉ
1 - À la découverte d’une autre Amérique, celle de Thoreau
2 - Éléments biographiques généraux (1817-1862)
3 - Un philosophe praticien, engagé et rattaché au mouvement transcendantaliste
4 - Son oeuvre philosophique de poète naturaliste et moraliste
5 - Une pensée philosophique atypique et novatrice
6 - Un auteur engagé dans la plupart des luttes de son temps en Amérique
7 - Un succès posthume, par le biais des philosophes qu’il influencera
III
L’OUVRAGE
1 - Le contexte historique : l’esclavage et la la guerre contre le Mexique (1846-1848)
2 - Le refus de payer l'impôt le 18 juillet 1846, qui l’amène à être emprisonné
3 - La première conférence, le 16 janvier 1848 au Lyceum de Concord
4 - La publication du livre en 1849
5 - Un pamphlet abolitionniste et pacifiste pour réveiller la conscience de ses concitoyens
6 - Un livre adossé à la tradition politique fondatrice américaine
7 - Un livre manifeste de portée universelle, bien au-delà du cas américain
IV
LES PRINCIPES DE LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE
1 - La désobéissance civile est pensée dans le cadre d’une philosophie politique classique
2 - Les principes politiques qui structurent la notion de désobéissance civile
A - Le fait politique repose sur le contrat social
B - Le fait social et l’état politique sont au service des citoyens pensés comme individus
C - La désacralisation de l’état, y compris démocratique
D - Le refus de l’obéissance aveugle, au profit d’une obéissance consciente et non servile
E - L’existence d’un droit supérieur aux états, les droits naturels ou droits humains
F - L’état et ses lois doivent respecter les droits naturels
G - Leur non-respect par l’état entraine la rupture du contrat social
3 - Sa modalité d’action : une résistance consciente, intentionnelle, non-violente et publique
A - Un acte conscient et intentionnel
B - La violation d’une loi positive
C - Une résistance pacifique et non-violente
D - Une résistance publique
E - Les moyens tactiques de la désobéissance civile
4 - Le refus éthique de la collaboration passive à des lois injustes et inhumaines
5 - La volonté de mettre fin à un ordre injuste de violence et d’exploitation
6 - Une articulation entre morale de conviction et morale de responsabilité
7 - Une résistance par respect de principes éthiques altruistes
8 - Le prolongement dans un cadre interne du droit à la résistance à l’oppression
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9 - La mise en avant de la responsabilité fondamentale de chacun
10 - Une garantie de respect des libertés exercées par les citoyens eux-mêmes
11 - Une notion forte, le dernier stade avant la désobéissance armée
V
LA NOVATION DE LA DÉSOBEISSANCE CIVILE
1 - Une troisième voie, entre obéissance servile et résistance armée
2 - Un principe opérant dans un cadre politique démocratique et d’état de droit
3 - Elle associe le principe politique démocratique avec celui éthique des droits humains
4 - L’esprit de la démocratie contre le formalisme démocratique et son majoritarisme
5 - La désobéissance civile comme procédure de défense et d’amélioration d’une démocratie
VI
CONCLUSION
1 - Livre de référence dans l’histoire des idées éthiques et politiques
2 - La désobéissance civile, un nouvel outil démocratique à notre disposition
ORA ET LABORA
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Document 1 : Voilà une définition de la désobéissance civile que formula le philosophe américain John
Rawls.
La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non violent, décidé en
conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un
changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on
s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon
une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres
légaux ne sont pas actuellement respectés.
John Rawls (1921 - 2002)
Théorie de la justice, 1971
trad. franç. de C. Audard, Seuil, 1987, p. 405
Document 2 : Ambrotype d’Henry David Thoreau réalisé en août 1861 vers la fin de sa vie par E. S.
Dunshee.
Document 3 : À l’époque de Thoreau, l’esclavage divisait déjà violemment les états américains. Ce qui
amena quelques années plus tard à la guerre de cession entre les états sudistes esclavagistes (confédérés)
et les états nordistes abolitionnistes. Farouche abolitionniste Thoreau dénonçait principalement les
mentalités conservatrices et à l’indifférence de ses concitoyens. Exemple de marquage au fer rouge des
esclaves au 19ème siècle.
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Document 4 : Liste des principaux ouvrages de Thoreau. À cette liste s’ajoute une série d’articles, de
poèmes et d’essais mineurs. Les ouvrages indiqués sont disponibles en français dans différentes éditions.
- L'esprit commercial des temps modernes et son influence sur le caractère politique,
moral et littéraire d'une nation (1837)
- Aulus Persius Flaccus (1840)
- The Service (1840)
- Natural History of Massachusetts (publié dans le Dial en juillet 1842)
- Paradise (to be) Regained (1843)
- The Landlord (1843)
- Sir Walter Raleigh (1844)
- Herald of Freedom (1844)
- Wendell Phillips Before the Concord Lyceum (1845)
- Reform and the Reformers (1846-8)
- Thomas Carlyle and His Works (1847)
- Ktaadn, qui sera plus tard intégré dans Maine woods, 1848.
- Une semaine sur les fleuves Concord et Merrimac (A Week on the Concord and
Merrimack Rivers) (1849)
- La Désobéissance civile (Civil Disobedience) (1849)
- An Excursion to Canada (1853)
- L'Esclavage dans le Massachusetts (Slavery in Massachusetts) (1854)
- Walden, ou, La vie dans les bois (Walden or Life in the woods) (1854)
- Remarks After the Hanging of John Brown (1859)
- The Last Days of John Brown (1860)
- Plaidoyer pour John Brown (A Plea for Captain John Brown) (1860)
- De la marche (Walking) (écrit en 1851, publié en 1862)
- Couleurs d'automne (Autumnal Tints) (1862)
- Wild Apples: The History of the Apple Tree (1862)
- Excursions (1863)
- La Vie sans principe (1863)
- Night and Moonlight (1863)
- The Highland Light (1864)
- Les Forêts du Maine (The Maine Woods) (1864)
- Cap Cod (Cape Cod) (1865)
- Letters to Various Persons (1865)
- Un Yankee au Canada (A Yankee in Canada, with Anti-Slavery and Reform Papers)
(1866)
- Early Spring in Massachusetts (1881)
- Summer (1884)
- Winter (1888)
- Autumn (1892)
- Miscellanies (1894)
- Familiar Letters of Henry David Thoreau (1894)
- Poems of Nature (1895)
- The First and Last Journeys of Thoreau (1905)
- Thoreau, journal, 1837-1861 (Découvert tardivement parmi ses journaux et manuscrits
inédits, publié en 1906)
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Document 5 : Un élément important de la désobéissance civile : la majorité n’est pas raison. La voie de la
majorité n’est pas nécessairement celle de la justice. L’éthique ne se fonde pas sur la majorité. Extrait du
chapitre 4.
Mais un gouvernement où la majorité règne dans tous les cas n’est pas fondé pour
autant sur la justice, même dans son sens le plus élevé. Ne peut-il exister de
gouvernement où ce ne seraient pas les majorités qui décideraient du bien et du mal,
mais la conscience ? Dans lequel les majorités ne décideraient que des questions où la
règle de l'opportunité est applicable ? Le citoyen doit-il jamais, ne fût-ce qu’un instant ou
du moindre degré, remettre sa conscience entre les mains du législateur ? Pourquoi
chaque homme aurait-il une conscience, alors ? Je pense que nous devons être des
hommes d'abord et des sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même
respect pour la loi que pour le bien. La seule obligation qui m’incombe est de faire à tout
instant ce que j'estime juste. On dit assez justement qu'un groupe d’hommes n'a pas de
conscience, mais qu’un groupe d'hommes consciencieux est un groupe doué de
conscience. La loi n'a jamais rendu les hommes plus justes d’une once; et, à cause du
respect qu'ils lui témoignent, même les gens les mieux intentionnés se font chaque jour
les agents de l'injustice.
Document 6 : Extrait du chapitre 18, autre passage décisif.
Si l'injustice fait partie du frottement nécessaire de la machine gouvernementale, alors
c’est un fait; il finira bien par s'adoucir à l'usage et la machine s'usera elle aussi
certainement. Si l'injustice a un ressort, une poulie, une corde ou une manivelle, qui lui
soit spécifique, alors peut-être qu’il est temps de se demander si le remède ne serait pas
pire que le mal; mais si la nature de cette machine essaye de faire de vous l'agent de
l'injustice envers votre prochain, alors, je le dis, brisez la loi. Que votre vie soit un
contre-frottement pour arrêter la machine. Je dois veiller, à tout prix, à ne pas
collaborer au mal que je condamne.
Document 7 : Ce passage qui achève le pamphlet de Thoreau énonce la supériorité des droits humains sur
toutes les organisations politiques, mêmes démocratiques. Un siècle après, en 1948 sera proclamé la
Déclaration Universelle des droits humains adoptée par l’ONU.
L'évolution de la monarchie absolue à la monarchie parlementaire, de la monarchie
parlementaire à la démocratie est une évolution vers un respect véritable de l'individu. La
démocratie, telle que nous la connaissons, est-elle l'ultime progrès en fait de
gouvernement ? N'est-il pas possible de faire un pas de plus vers la reconnaissance et
l'établissement des droits de l'homme ? Jamais il n’y aura un État vraiment libre et éclairé
tant que l'État n'en viendra pas à reconnaître à l’individu un pouvoir supérieur et
indépendant, d'où proviendrait tout le pouvoir et l’autorité du gouvernement qui traiterait
l’individu en conséquence. Je me plais à imaginer un État, enfin, qui puisse être juste
envers tous les hommes et traiter l'individu avec respect, comme un voisin ; qui même ne
jugerait pas incompatible avec son propre repos que quelques hommes vivent à l'écart
de lui, sans se mêler de ses affaires ou être encerclés par lui, du moment qu’ils
rempliraient tous leurs devoirs envers leurs voisins et leurs semblables. Un État qui
porterait ce genre de fruit et accepterait qu’il tombât sitôt mûr, préparerait la voie pour un
État encore plus parfait, plus splendide, tel que je l’ai imaginé mais encore jamais vu
nulle part.
Conclusion du “Devoir de la Désobéissance Civile”
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Document 8 : Si la désobéissance civile est une nouveauté dans le cadre démocratique, elle reste bien
fidèle à l’esprit démocratique comme l’indique ce texte de Jean-Pierre Vernant.
L'invention du politique va de pair avec le dépôt du pouvoir " au centre " pour qu'il
n'appartienne à personne et que, devenu commun, il ne puisse plus signifier la
domination de quiconque sur un des membres de la communauté. La situation est tout
autre dans nos sociétés modernes où c'est l'État qui exerce, à la façon d'un monarque, la
souveraineté. Au lieu que le pouvoir, déposé au centre, soit exercé par tous sans
appartenir à personne, il se trouve fixé en haut au-dessus des citoyens, dans la main de
ceux qui, par délégation, sont censés les représenter. En face de ce pouvoir, soumis à lui,
des individus conçus comme des atomes nantis de droits inaliénables. La règle du jeu est
donc désormais de définir entre le pouvoir de l'État souverain et la liberté des citoyens,
les frontières à ne pas franchir. D'hier à aujourd'hui, de la démocratie ancienne à la
démocratie moderne, il y a bien continuité quant à l'importance du politique, mais la
notion de pouvoir souverain, dans les grandes nations modernes, a repris sa place tandis
que l'individu émergeait comme un centre de référence incontournable sur tous les plans
de la vie collective.
Jean-Pierre Vernant (1914 - 2007)
La Grèce pour penser l'avenir
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- Une autre pensée politique américaine, la démocratie radicale d'Emerson à Cavell, Sandra Laugier,
Éditions Michel Houdiard, 2004
- Henry David Thoreau, Michel Granger, Belin, 1999
- Paroles du nouveau monde, Kenneth White, Albin Michel, 1997
- Henry D. Thoreau, Michel Granger (sous la direction), Éditions de l'Herne, 1994
- Henry Thoreau, l'éveillé du nouveau monde, Gilles Farcet, Albin Michel, 1990
- La Guerre de Sécession, B. Catton, Payot, 1983
- La figure du dehors, White Kenneth, Bernard Grasset, 1982
- Thoreau, Micheline Flack, Seghers, 1973
- L’Angleterre des révolutions, Roland Marx, Armand Colin, 1971
Livres sur la désobéissance civile
- Désobéissance civile et démocratie, Howard Zinn, Agone, coll. Éléments, 2010
- Les textes politiques américains fondateurs, Eric Lowen, ALDÉRAN éditions, 2010
- La désobéissance civile : Approches politique et juridique, David Hiez et Bruno Villalba (éds), Presses
universitaires du Septentrion, coll. Espaces politiques, Villeneuve d'Ascq, 2008
- Droit et démocratie, Jürgen Habermas, Gallimard, 1997
- Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie (1548), Flammarion, 1997
- Du Contrat Social, Jean-Jacques Rousseau (1762), Le livre de poche, 1996
- Traité du gouvernement civil, John Locke, 1680, Flammarion, 1992
- Du mensonge à la violence, Hannah Arendt (1972), Presses Pocket, 1991
- La crise de la culture, Huit exercices de pensée politique, Hannah Arendt (1972), Gallimard, 1989
- Théorie de la justice, John Rawls (1971), Seuil, 1987
- Essai sur la révolution, Hannah Arendt (1963), Tel, 1985
- La Démocratie en Amérique, Tocqueville (1835)
- Le sens commun, Thomas Paine, 1776
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Livres autour de l’histoire de la désobéissance civile
- Réfractaires à la guerre d’Algérie, 1959-1963, avec l’action civique non-violente, Erica Fraters, Éditions
Syllepse, 2005
- Pour la désobéissance civique, José Bové et Gilles Luneau, La Découverte, 2004
- La révolte des citoyens, Soulet Jean-François, Privat, 2001
- Sans armes face à Hitler. Le Résistance civile en Europe (1939–1943), Jacques Sémelin, Payot, 1989
Webographie
- Association internationale dédiée à l'étude de ses œuvres, la Thoreau Society :
- http://www.thoreausociety.org
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