Un concerto pour des achats
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Un concerto pour des achats
LA LIBERTÉ MARDI 2 OCTOBRE 2012 26-28 29 30 31 32 MAGAZINE LOCATION-VENTE AVIS MORTUAIRES RADIO-TV JARDINAGE MÉTÉO 25 MARDI EXPOSITION Jeux de parcours de migrants CLAUDINE DUBOIS Un Valais authentique qui ne serait peuplé que d’autochtones? Un mythe selon l’anthropologue Viviane Cretton qui signe avec Thierry Amrein «Serious Games», une expo à la fois ludique et scientifique pour vivre de l’intérieur le parcours d’un migrant en Valais. L’expo vient de s’ouvrir au Musée de Bagnes, commune qui compte 22% d’habitants d’origine étrangère, de 55 nationalités. Pour l’expo, vingt-cinq migrants ont été sélectionnés dans la région et invités à raconter leur parcours de vie: le départ du pays, l’arrivée en Valais, les difficultés rencontrées, les liens conservés avec le pays d’origine, ceux tissés avec le Valais... Confrontés à un accueil plutôt rude, ils ont dû mettre en place des stratégies pour se sentir acceptés. Un processus d’intégration qui a duré entre cinq et dix ans. Selon diverses études, avec un fond sonore, les gens passent plus de temps dans les marchés. CHARLY RAPPO-A Un concerto pour des achats SOCIÉTÉ • La musique s’invite dans les commerces. Fraises, pantalons, livres, tout s’achète en musique. Est-ce que ça marche vraiment? Le point avec des spécialistes. NICOLE RÜTTIMANN Acheteurs, êtes-vous sous influence? Boutiques de vêtements, librairies, marchés alimentaires, la musique est partout. Inconsciemment ou non, elle vous entoure, créant une ambiance. Si, d’après les experts, elle ne détermine pas directement l’acte d’achat, elle le met néanmoins en condition favorable. D’autres techniques de marketing, comme les senteurs ou la présentation inciteraient quant à elles plus directement à l’achat. «Tout est étudié, bien entendu», relève Valérie Muster, juriste à la Fédération romande des consommateurs. Petit tour d’horizon de l’univers marketing. «Nous diffusons une bande sonore spécifiquement conçue pour les commerces: Radio Swiss Pop», détaille le gérant et manager de la Migros d’AvryCentre, Charles Krebs. «C’est un mix de musique classique, tubes, chansons françaises et autres, adapté à une large clientèle. Cela répond à une demande de la part des gens, habitués à un fond sonore quotidien entre radio, télé, bars, etc. De plus, la bande sonore couvre les bruits dérangeants – escalators, ascenseurs et autres.» A l’origine, la musique «Le premier vecteur de vente dans un magasin est l’ambiance. Il faut mettre le consommateur en situation favorable», souligne de son côté Nicolas Ingland, directeur général d’Imadéo, société d’étude et conseil pour le commerce basée à Lausanne. «La musique est un fait, c’est son absence qui est inhabituelle!», s’exclame Olivier Droulers, 53 ans. Professeur de marketing à l’Université de Rennes en France, il a écrit un livre sur le «Neuromarketing», marketing revisité par la neuroscience. «Chez Aldi, où il n’y a pas de musique, l’ambiance est étrange, il manque quelque chose!», exprime, lui faisant écho, Coraline Heinrich, 18 ans, étudiante à Fribourg. L’usage de la musique dans les magasins remonte déjà aux années 1920 aux USA, et débute en France en 1927 avec Monoprix, selon Olivier Droulers. Pour lui, le fond sonore d’un commerce doit répondre à plusieurs critères: «Il doit être en adéquation avec la cible recherchée. Pour un supermarché, il faut choisir une musique de variété qui touche un public large. Elle doit correspondre au style du magasin, être synonyme de décontraction et ne pas attirer trop l’attention: trop connue, trop stimulante, elle détourne le client de l’acte d’achat.» Son but est donc de mettre de bonne humeur le client, ainsi plus disposé à «envisager l’acte de consommation». Il perçoit plus positivement le produit et le magasin par «contagion émotionnelle». «Je n’y fais pas souvent attention, mais une musique qui me plaît m’incitera peut-être à acheter plus, étant de bonne humeur», reconnaît Marion Clément, 17 ans, collégienne à Fribourg. Marketing multisens Une influence limitée «Avec un fond sonore, les gens passent plus de temps dans les marchés. Ils adaptent leur rythme à celui de la musique: plus cette dernière aura un tempo lent, plus ils ralentiront», explique le psychologue Yves-Alexandre Thalmann, se basant sur des études menées dans des marchés. A l’inverse, une musique à volume trop élevé ou au tempo rapide fait fuir les clients: «Chez Tally Weijl, la bande-son est tellement forte que je n’ai plus envie d’entrer!» renchérit Coraline Heinrich. Il ne s’agit pas là de manipulation, puisque «nous Des parfums pour créer une identité La musique n’est pas le seul domaine abordé par Audiadis. La société utilise également des gels polymères, qui libèrent un parfum au contact de l’air. Comme pour la musique, ces parfums sont utilisés soit pour reproduire des senteurs (odeur de pain frais, vanille, etc.), soit en tant que signature olfactive d’un magasin – une banque se crée ainsi une identité, qu’elle reproduit dans toutes ses filiales. «Les senteurs sont un média très puissant, elles encodent tout un contexte, ramènent à une émotion, un visuel... Imaginez-vous si chaque lieu avait son odeur spécifique, l’impact que cela aurait par exemple sur un enfant particulièrement réceptif... Mais attention, il ne s’agit pas pour gardons notre recul cognitif», nuance Olivier Droulers. Et la musique reste un vecteur «soft», soutient Yves-Alexandre Thalmann, «elle ne produit pas en soi de comportements d’achats». autant de manipulation! Ces attirances existent déjà de manière naturelle», argumente Guy Hausermann. «Il y a beaucoup plus puissant que ces techniques», convient le psychologue Yves-Alexandre Thalmann. «La manipulation n’est pas toujours là où on le croit. Par exemple, les images subliminales n’ont en réalité aucune influence! »En revanche, le matraquage marche: plus on multiplie les expositions à un produit, plus on finit par le trouver attirant.» Le packaging des produits, le marketing ciblé pour les enfants («Lilibiggs» ou «Nano» de la Migros) sont aussi pointés du doigt par le psychologue, qui souligne leur efficacité. NR Il existe en revanche des sociétés spécialisées qui remixent des musiques afin qu’elles servent de bandesson aux magasins et développent une panoplie de techniques pour optimiser l’ambiance, propice ainsi à l’achat: Audiadis, société genevoise, «Agence de communication multisensorielle in-store», a été créée en 2001 par Guy Hausermann. Elle met notamment ses compétences au service de la Migros de Genève, de Max Mara ou encore du Ciné Pathé au Flon à Lausanne. Partant d’annonces personnalisées, elle propose de véritables stratégies audio. «Ces dernières doivent faire le lien entre trois points: l’esprit de l’enseigne, le profil de ses consommateurs et ses objectifs commerciaux», explique Guy Hausermann. Ainsi les magasins Morgan, vingt ans d’existence, ont décidé de rajeunir leur image et leur clientèle et ont fait appel aux services d’Audiadis. La musique correspondra ainsi à l’enseigne: glamour, sexy et quelque peu provocante. La société en a aussi renouvelé la «signature ou logo sonore», - le fameux «Morgan de toi». S’il s’agit là d’un slogan sonore, Audiadis travaille également avec le visuel et les senteurs, notamment avec des «signatures olfactives» (voir encadré). Le marketing est donc un domaine très complexe, touchant à tous les sens. La question est donc vaste et la limite entre influence naturelle et manipulation semble parfois floue. Au consommateur de garder intact son esprit critique et réfréner sa «fièvre acheteuse»... I Pour garantir l’anonymat des personnes qui se sont confiées, la mise en scène a transformé le musée en vaste terrain de jeux de société. Salle après salle, un jeu colle avec une étape du cheminement du migrant. Celui de l’oie illustre par exemple l’installation, puis l’enracinement: avancer de trois cases, reculer de deux, etc. Autre exemple: s’inspirant de Cherchez Charlie, une section de l’exposition se penche sur les préjugés: «tout le monde a des stéréotypes sur tout le monde, souligne Viviane Cretton: les Valaisans sur les gens d’origine étrangère, et vice versa, mais aussi les habitants de tel village valaisan sur tel autre.» «Serious Games» émane d’une recherche du Centre régional d’études des populations alpines (CREPA) de Sembrancher, en collaboration avec la HES-SO Valais. I > Serious Games, Musée de Bagnes, le Châble, jusqu’au 2 déc. me-di, 14-18 heures. COUREZ-Y! Amour et handicap: le film fait un carton Il a fallu refuser du monde, dimanche, à la première du film «Deux amours» à Fribourg: quelque 400 personnes se sont précipitées au Rex pour découvrir l’émouvant documentaire de Miguel Béchet. Résultat: samedi et dimanche prochains, le film revient pour deux projections supplémentaires en présence du réalisateur. Ancien éducateur à la communauté de la Grotte à Fribourg, celui-ci a suivi l’histoire d’amour de Marie-Esther et Olivier, deux résidents qui vivent avec un handicap mental. Des premiers baisers à la séparation, ce film tendre et sensible parle de sentiments et de sexualité, de Dieu et de Gottéron... et des rapports parfois compliqués avec les parents. Un document rare. AMO > Sa et di à 14 h 15 au Rex 1 à Fribourg EN BREF CARICATURES Jules Stauber et Tell(e) est la Suisse Le centre Dürrenmatt de Neuchâtel présente une sélection des 17 000 dessins de Jules Stauber (1920-2008), l’un des maîtres du trait de plume satirique. Le caricaturiste né à Montreux développe une rhétorique subtile sur le thème de la Suisse et de ses symboles. Stauber se rapproche de Friedrich Dürrenmatt dans ses caricatures de Guillaume Tell ou du cor des Alpes. Il avait été récompensé par le Swiss Cartoon Award en 2007. CDB «Tell(e) est la Suisse», Centre Dürrenmatt, Neuchâtel, jusqu’au 23 déc. me-di, 11h-17h.