L`Amérique latine en 2013 - Etudes économiques du Crédit Agricole
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L`Amérique latine en 2013 - Etudes économiques du Crédit Agricole
Apériodique – n° 13/03 – Août 2013 L'Amérique latine en 2013 Amérique latine : quelles perspectives à moyen terme ?1 La croissance moyenne de l'Amérique latine a été de 4% depuis 2003, en nette progression par rapport aux vingt-cinq ans précédents. Ce rythme est soutenable d'ici la fin de la décennie : les pays andins peuvent continuer à croître entre 4,5% et 5,5%, l'Argentine et le Venezuela, après un ajustement certainement douloureux, disposent des ressources pour maintenir une croissance élevée, et le Mexique devrait rebondir. La plus forte incertitude porte sur le Brésil, qui peut tout aussi bien atteindre un rythme de croisière de 5% comme s'étioler à 1,5%-2%. La performance globale de la région dépendra, en effet, largement de celle des deux géants, le Brésil et le Mexique, qui représentent 62% du PIB régional, et qui pendant la dernière décennie ont enregistré une croissance inférieure à celle du reste de l'Amérique latine. La contribution du facteur travail sera un peu moins favorable que pendant la dernière décennie. Il n'y a cependant pas de contrainte sérieuse sur le travail, car une partie importante des actifs est sousemployée. L'épargne et l'investissement peuvent augmenter sensiblement dans la plupart des pays, pour autant que la confiance des épargnants et des investisseurs soit préservée. Grâce à un environnement économique plus stable et prévisible, cette confiance se renforce dans les grands pays du versant Pacifique (Chili, Pérou, Colombie, Mexique) et en Uruguay. Un potentiel évident d'amélioration existe en Argentine et au Venezuela. Reste le Brésil, pour lequel l'incertitude est forte, car la relance nécessaire de l'épargne et de l'investissement y exigera une adaptation plus que marginale de la politique économique. La productivité peut progresser, à deux conditions : - D'une part, une amélioration significative du fonctionnement des secteurs éducatifs. Le problème porte plus sur leur "management" (définition des priorités, formation des enseignants, évaluation des performances…) que sur l'effort financier global. Pour l'heure, l'Amérique latine est loin des autres pays émergents de niveau de revenu comparable (Turquie, Europe orientale, Asie du Sud-Est) ; - D'autre part, un rebond des secteurs industriels. L'industrie est le secteur où la "convergence" (avec les pays avancés) de la productivité peut être la plus rapide, mais elle a partout perdu du poids dans l'emploi, ce qui compromet le rattrapage au niveau macro-économique. Les pays disposant d'une base industrielle (Brésil, Mexique, Argentine, Colombie, et dans une moindre mesure Chili, Pérou, et même Venezuela) devront trouver les moyens (politique industrielle, fiscalité, politique de change…) de relancer le secteur. Par ailleurs, la région est loin d'être autonome : une crise prolongée dans les pays avancés ou un fort ralentissement en Chine auraient pour elle un coût en termes de croissance. Enfin, la "bonanza" des matières premières dont a bénéficié la région pendant les dix dernières années n'est pas extrapolable, ce qui se traduira par un resserrement de la contrainte extérieure, mais aussi par des taux de change plus favorables à l'industrie. 1 Cet article est une version très abrégée d'un travail réalisé pour l'Agence Française de Développement, à paraître début 2014 dans "Les enjeux du développement en Amérique latine". Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com Jean-Louis Martin [email protected] La croissance des économies latino-américaines a été de 4,0% en volume entre 2003 et 2012 contre respectivement 2,6% et 1,6% pendant les périodes 1990-2002 et 19801989. Le PIB par habitant a ainsi pu progresser de 2,8% par an au cours des dix dernières années, alors qu’il n’avait crû que de 1,0% par an entre 1990 et 2002, et reculé de 0,5% par an pendant les années 80. Croissance du PIB réel en Amérique latine 8 % 6 4 La ressource en travail n'est pas une contrainte forte Le facteur travail a participé de manière très significative à l'accélération de la croissance dans la région, avec une évolution démographique favorable et une augmentation du taux d'activité (incluant une plus forte participation féminine au marché du travail). Ce contexte va perdurer jusqu'à la fin de la décennie, mais l'amélioration sera nettement plus modeste que pendant les dix dernières années. Ce n'est sans doute pas un obstacle insurmontable : la croissance économique s'est accélérée depuis dix ans, alors que la croissance de la ressource en travail ralentissait déjà. Des perspectives démographiques favorables, mais moins que par le passé 2 4 0 -2 -4 1980 1985 Source : FMI 1990 1995 croissance a/a 2000 2005 2010 croissance moyenne 2 Cette croissance est-elle soutenable ? Rodrik rappelle que la "convergence" (i.e. le rattrapage des économies développées par les moins avancées) est loin d'être automatique. En Amérique latine, sur longue période, il y a même eu divergence : le PIB par habitant de la région ne représente (en parité de pouvoir d'achat, PPA) que 30% du PIB moyen des pays développés, contre 45% en 1950. Le retournement observé depuis 2004 est très loin de compenser le recul relatif de la région pendant les cinquante-cinq années précédentes. Dans le passé, les périodes de rattrapage (fin des années 1950 et années 1970) ont été suivies par une dégradation très rapide, en particulier dans les années 1980. Selon les auteurs d'un Working Paper très récent du FMI3, l'accélération de la croissance pendant la dernière décennie est principalement due aux augmentations de la force de travail en activité et du stock de capital, la seconde résultant elle-même de celle (souvent modeste) du taux d'investissement dans la plupart des pays. La contribution de la productivité a été en général positive, mais limitée. Leurs conclusions sont donc peu encourageantes : la force de travail employée et le stock de capital vont continuer à augmenter, mais plus lentement, et ils ne croient guère à la possibilité d'extrapoler les progrès de productivité des dernières années. Cela les conduit à anticiper, pour la période 2013-2017, une croissance qui reviendrait autour de 3,25% pour la région. 2 3 Rodrik, D., "The Future of Economic Convergence", Harvard University, 2011. Sosa, S., Tsounta, E., et Kim, H.S., "Is the Growth Momentum in Latin America Sustainable?", Working Paper 13/109, FMI, 2013. Les données concernent l’Amérique latine (hors Argentine et Guatemala) et les Caraïbes. N° 13/03 – Août 2013 Les taux de dépendance vont décroître d'ici 2020 dans tous les pays de la région, à l'exception du Chili : selon l'Organisation internationale du travail et le Programme des Nations-unies pour le développement, le taux moyen dans la région est aujourd'hui de 51%, et va revenir à 48,6% en 2020 ; le vieillissement de la population fera ensuite lentement remonter le taux de dépendance. De ce point de vue, l'Amérique latine sera, d'ici la fin de la décennie, dans une situation optimale. Les ratios calculés par tranche d'âge doivent aussi être corrigés en raison de la participation croissante des femmes au marché du travail : celle-ci implique que la contribution du facteur travail à la croissance économique est plus élevée que ne le fait apparaître la seule évolution de la pyramide des âges. Toutefois, cette contribution va se réduire : alors que la population d'âge actif s'accroissait de 1,70% par an entre 2000 et 2010, elle n'augmente plus que de 1,26% par an au cours de la présente décennie. De même, la participation féminine au marché du travail va continuer à progresser, mais plus lentement, et le surplus de croissance qu'elle apporte à la population active ne va plus être que de 0,19%, contre 0,46% pendant la décennie précédente. La baisse des taux de chômage est une conséquence de l'accélération de la croissance Depuis dix ans, le taux de chômage a baissé dans tous les grands pays latino-américains. L'évolution la plus nette est observée au Brésil, où il est passé de 12% en 2002-2003 à moins de 6% aujourd'hui. La baisse est également sensible au Pérou, en Colombie, et au Chili. La baisse du taux de chômage a contribué à la hausse de la force de travail effectivement active et, donc, à la croissance économique. Mais dans une région où le chômage et surtout le sous-emploi sont élevés, il n'y a pas de rareté quantitative du facteur travail. S'il y a eu réduction du taux de chômage, c'est donc parce qu'il y a eu une accélération de la croissance. De même, la forte hausse de la participation féminine au marché du travail s'explique d'abord par des évolutions sociologiques dans la région, mais aussi par la croissance, et en particulier celle des services. La variable significative dans l'explication de l'accélération de la croissance est donc plutôt l'évolution de la "ressource en travail" disponible (i.e. en âge de travailler, après ajustement pour cause de hausse du taux d'activité des femmes) que celle de la population effectivement employée. 4 Ratio : population totale - population d'"âge actif" (de 15 et 64 ans)/population d'âge actif. 2 Jean-Louis Martin [email protected] La nature, formelle ou informelle, des emplois, n'est par ailleurs pas décisive. Si l'origine de l'informalité se trouve dans la volonté de l'employeur d'éviter certains coûts associés à la formalisation (cotisations sociales, impôts…), elle ne modifie alors que la répartition de la valeur ajoutée entre le travailleur, l'employeur et l'État, et pas le niveau de cette valeur ajoutée. C'est probablement la croissance économique qui fait la formalisation, et assez peu la formalisation qui contribue à la croissance. troubles, dévorés par un impôt arbitraire ou une confiscation, ou réduits à néant par une récession brutale provoquée par l'éclatement d'une bulle ou l'apurement de déséquilibres insupportables. Dans beaucoup de pays, les progrès ont été réels depuis 1995. En fait, l'agrégat régional est faussé par le poids du Brésil, dont les taux d'épargne et d'investissement sont les plus bas (17,6% et 18,0% du PIB sur la période 2003-2012) des grands pays de la région. À moyen terme, une remontée du taux d'épargne de 3 à 5 points (ce qui conduirait la plupart des pays autour de 25% du PIB) est possible. Trois points paraissent essentiels : Le capital productif : des taux d’épargne et d’investissement trop bas L'Amérique latine se caractérise par des taux d'épargne et d'investissement faibles, très en-deçà par exemple de ceux de l'Asie à croissance rapide. Ils se sont cependant améliorés dans certains pays, grâce au rétablissement de la confiance des entreprises et des ménages. L'expérience d'autres parties du monde montre que des progrès significatifs sont encore possibles. Les choix de politique économique joueront ici un rôle décisif. L'ordre public est un préalable, comme le montrent les expériences péruvienne et colombienne ; il doit être préservé, ou rétabli là où il est menacé ; La confiance des épargnants et des investisseurs est le principal déterminant ; elle se construit sur le long terme, via l'amélioration de la gouvernance et de l'environnement des entreprises ; on en est encore loin : selon le rapport Latinobarometro 2011, seulement 35% des Latino-américains considèrent que leur pays est gouverné "pour le bien de tous"5 ; Au Brésil, les progrès seront plus ardus, car ils exigeront des choix politiques difficiles6 (allégement de l'administration, moindre interventionnisme de l'État); le besoin de relancer l'épargne et l'investissement y est pourtant particulièrement aigu. Taux d'investissement et taux de croissance % % PIB 35 7 6 30 x x 25 20 x x x x 5 x x 4 x 15 x x 10 x x x x x 3 x x 2 1 5 0 Am. latine M.-Orient Eur. centr. Asie S-E Afr. SS développés 1980-1989 1990-2002 2003-2012 x x x taux de croissance moyen (éch. dr.) Source : FMI 0 Les taux d’épargne et d’investissement : une faiblesse spécifiquement latino-américaine L'épargnant latino-américain bénéficie ces dernières années d'un environnement plus favorable : l'inflation a reculé presque partout (aux exceptions notables de l'Argentine et du Venezuela), l'autonomie croissante des Banques centrales a rétabli la cohérence de la structure des taux d'intérêt et, peut-être surtout, la confiance des agents économiques privés dans la soutenabilité des politiques publiques s'est améliorée. Cette meilleure "prévisibilité" a contribué à stabiliser les anticipations, un développement favorable à l'épargne et à l'investissement. Les exemples péruvien et colombien illustrent le rôle d'un autre aspect de l'environnement : les taux d'épargne y ont fortement augmenté (à partir de 1994 au Pérou et de 2003 en Colombie) grâce à l'amélioration de la situation d'ordre public (et, au Pérou, aux réformes introduites par Alberto Fujimori). L'épargne extérieure va aussi continuer à apporter une capacité supplémentaire d'investissement. Pour les cinq grands pays "ouverts" de la région (l'Argentine et le Venezuela sont exclus), Les IDE ont représenté de 1,5% (Mexique) à 4,2% du PIB (Pérou) entre 2003 et 2012. Avec les investissements de portefeuille, on atteint un minimum de 2,9% du PIB au Brésil, et jusqu'à 7% au Chili. Les déficits courants (chroniques sauf au Venezuela) ont ainsi été aisément financés7. La région va rester attractive, et les principaux pays peuvent espérer d'ici la fin de la décennie un apport d'épargne extérieure d'au moins 3 % du PIB, qui viendra s'ajouter à l'épargne domestique. Le contenu de l’investissement : biens d’équipement, infrastructures, immobilier Au Mexique, le taux d'investissement reste médiocre, malgré des progrès pendant la dernière décennie. En 2012, il est ainsi de 20,7%, l’un des plus faibles de la région. Toutefois, l'analyse de l'évolution de l'investissement depuis dix ans fait apparaître une caractéristique originale : si l'investissement total a progressé en volume de 46% depuis 2003, celui en construction résidentielle n'a augmenté que de 8%, contre 85% pour les investissements en biens d'équipement (hors matériel de transport). Or, l'impact de l'investissement en biens d'équipement sur la croissance est différent de celui de la construction résidentielle : il est moins immédiat (en particulier si les équipements sont importés), mais il accroît les capacités de production. Au 5 En Amérique latine, la "bonne gouvernance" est donc avant tout la capacité à générer et à entretenir chez les opérateurs économiques une certaine confiance en l'avenir : il s'agit de les convaincre que leur épargne ne sera pas engloutie par l'inflation, et que les fruits de leurs éventuels investissements ne seront pas détruits lors des N° 13/03 – Août 2013 6 7 Ce pourcentage est particulièrement faible en Amérique centrale (Honduras : 7 %, Guatemala : 8 %, Costa Rica : 18 %) et au Mexique (22 %). Latinobarometro est une ONG chilienne. Les événements de juin 2013 pourraient toutefois accélérer le processus. Dans la plupart des cas, les seuls IDE excèdent le déficit courant de la balance des paiements, avant même prise en compte des investissements de portefeuille. 3 Jean-Louis Martin [email protected] Mexique, l'effort d'investissement en biens d'équipement a effectivement permis une évolution de l'appareil industriel mexicain, avec par exemple un développement rapide de la construction de matériel de transport, automobile (et ses équipementiers) mais aussi ferroviaire et, plus récemment, aéronautique. niveaux de développement comparables en Asie ou en Europe centrale et orientale. La qualification de la main d'œuvre va donc être une contrainte à la croissance9. Les besoins en investissement sont, par ailleurs, différents d'un pays à l'autre. Si les insuffisances des infrastructures sont générales en Amérique latine, c'est à des degrés très variés : pour les transports, par exemple, beaucoup plus au Brésil ou en Colombie qu'au Mexique ou en Uruguay. Rodrik a clairement montré qu'il n'y a pas de convergence automatique : un pays ayant initialement un bas niveau de productivité n'est ni plus ni moins susceptible de la voir augmenter qu'un pays ayant initialement une productivité élevée11. Mais il remarque aussi que dans les pays émergents, la dispersion de la productivité entre secteurs est beaucoup plus forte que dans les pays riches. L'exemple le plus évident et le plus lourd de conséquences de cette dualité est bien sûr la Chine, où le transfert de centaines de millions de paysans peu productifs vers l'industrie a été l’un des facteurs majeurs de l'accélération de la croissance. En Amérique latine, il n'existe pas de tels gisements de productivité : à l'exception de l'Amérique centrale, la part de l'agriculture dans l'emploi est déjà modeste (15,3% au Brésil, 13,3% au Mexique, 17,7% en Colombie). La productivité est l'enjeu majeur Par définition, la croissance de la productivité est un "résidu" : la part de la croissance du PIB qui ne s'explique ni par l'évolution de la ressource en travail, ni par celle du stock de capital. La mesure de son évolution passée est donc très fragilisée par les incertitudes sur celles du PIB, du travail et du capital. Mais il est possible d'identifier des éléments qui pourraient contribuer à la faire progresser : des systèmes éducatifs plus efficients, un effort de recherche et développement (R&D) et, surtout, une évolution de la structure de l'activité vers des secteurs à plus forte productivité. L’éducation : des performances médiocres, sans exception dans la région L'illettrisme est en voie de disparition en Amérique latine et dans les Caraïbes. Dans tous les grands pays, le taux d'alphabétisation des adultes est supérieur à 90%, et proche de 100% dans le cône sud, à Cuba, ou à Trinidad. Partout, les performances du système éducatif sont cependant très médiocres. Dans les tests Program for International Student Assessment (PISA) de l'OCDE8, tous les pays latino-américains sont loin du niveau moyen de l'OCDE. À niveau de développement comparable, l'enseignement secondaire latino-américain est nettement moins efficient que ceux de la plupart des pays émergents à forte croissance. En outre, l'accès à l'enseignement supérieur est souvent faible ou médiocre : 27% au Mexique, entre 35% et 40%au Brésil et dans les pays andins. Il existe donc une marge de progression considérable, et la productivité pourrait à moyen terme bénéficier de manière significative de l'amélioration des systèmes éducatifs. Mais ces progrès exigeront parfois une augmentation des budgets (Uruguay, Pérou, Amérique centrale), une révision des priorités et un plus grand souci de justice sociale (Brésil, Chili) et, partout, une réorganisation en profondeur du fonctionnement du secteur éducatif. Certains pays ont déjà pris des initiatives. Ainsi, le président mexicain Enrique Peña Nieto a fait voter une ambitieuse réforme du secteur, incluant un volet d'évaluation. Sa mise en œuvre sera toutefois difficile, car elle a suscité une forte hostilité du puissant syndicat des enseignants, qui "cogère" le secteur depuis longtemps. Les performances des systèmes éducatifs vont sans doute lentement s'améliorer d'ici à 2020, et donc contribuer à une progression de la productivité du travail, mais elles resteront moins bonnes que celles des pays de 8 Ces tests évaluent les compétences en lecture, mathématiques et sciences d'élèves de quinze ans. N° 13/03 – Août 2013 L'industrie, le principal gisement d'amélioration de la productivité 10 Mais Rodrik (ibid.) montre qu'à l'intérieur d'un secteur industriel, il y a bien une "tendance automatique" de la productivité à converger vers celle du même secteur dans les pays les plus avancés. Pour prendre un exemple : l'industrie mexicaine des pièces détachées automobiles se rapproche, en termes de productivité et de capacité d'innovation, de celle des États-Unis. On trouve aussi des exemples dans l'agriculture, comme la production de fleurs coupées en Colombie et en Équateur. L'explication est simple : s'agissant de produits échangés internationalement, un producteur trop loin des "standards" de productivité est rapidement sorti du marché. Le problème est que, comme l'écrit Rodrik, "les activités qui sont bonnes pour absorber des technologies nouvelles ne sont pas forcément bonnes pour absorber le travail". La convergence intra-sectorielle (appelée "interne" par l’auteur) ne se traduit pas nécessairement en convergence de la productivité au niveau d'une économie, parce que le poids des activités les plus productives dans l'emploi global peut reculer (l'évolution "structurelle"). Et c'est bien le cas en Amérique latine. À la différence de la Chine, où beaucoup de paysans peu productifs ont été absorbés par un secteur industriel où leur production était mieux valorisée (puisqu'en grande partie exportée), les latino-américains quittant les campagnes pour la ville se sont tant bien que mal intégrés dans des services peu productifs, car souvent informels. Partout, la part de l'industrie (le secteur le plus susceptible d'une "convergence de productivité") dans l'emploi recule très nettement pendant les années 1990. 9 10 11 On signalera aussi le très faible effort de R&D dans tous les pays de la région, à l'exception du Brésil. Rodrik, op. cit.. Easterly ("National Policies and Economic Growth: A Reappraisal" in Aghion, P. et Durlauf, S.L., "Handbook of Economic Growth", vol. 1A, Elsevier North-Holland, 2005) estimait aussi que cette convergence ne peut même pas être "stimulée" à l'échelle d'un pays par des ajustements de la politique économique : selon lui la corrélation entre la croissance et diverses variables de politique économique disparaît si l'on ne prend pas en compte les observations correspondant à des "politiques économiques extrêmement mauvaises" (par exemple, avec un déficit budgétaire supérieur à 12% du PIB). 4 Jean-Louis Martin [email protected] Quelles perspectives à l'horizon 2020 ? Concernant la convergence "interne", il n'y a aucune raison d'imaginer que les progrès vont s'interrompre; au contraire, certains facteurs pourraient les soutenir. Ainsi, l’IDE dans les secteurs industriels latino-américains devrait continuer à progresser, et en partie se substituer à l'effort local d'investissement en R&D : l'investisseur apporte aussi des avancées technologiques. L'amélioration lente des systèmes éducatifs aura également un impact positif. Des progrès sont aussi possibles dans les secteurs agroindustriels, notamment en Colombie, en Argentine et au Paraguay, comme cela a été le cas au Brésil. Enfin, la faible productivité des services n'est pas générale. Certains sont à forte valeur ajoutée, avec un réel potentiel de développement : le tourisme (particulièrement au Mexique), les services financiers (la région est globalement sousbancarisée), et certains services à la personne à forte valeur ajoutée (par exemple, les services médicaux). Encadré – Les ressources naturelles : une chance ou un malheur ? La majorité des pays latino-américains sont de plus en plus dépendants des matières premières. Partout, à l’exception de l’Amérique centrale, leur part dans le total des exportations a augmenté. Sur l'ensemble de la région, elle est ainsi passée de 42% à 61% entre 2000 et 2010. Dans les pays plus dépendants, cette part dépasse ou s'approche de 90% : Venezuela, mais aussi Chili, Pérou, Bolivie, Équateur, Colombie. Il s'agit avant tout d'un effet prix : entre 2004 et 2011, l'indice des prix des matières premières exportées par la région a augmenté de 128%. Les exportations ont beaucoup moins progressé en volume, à quelques exceptions près. Cette "bonanza" a eu un impact majeur sur les économies. Elle a d'abord considérablement desserré la contrainte extérieure, qui était sauf exception (le Venezuela) forte. Ceci a contribué à faciliter l'accès aux marchés financiers des États (mieux notés) et des entreprises, qui ont ainsi pu accroître leurs investissements. Cette nouvelle aisance a aussi permis d'augmenter massivement les importations de biens de consommation, ce qui a amélioré le niveau de vie. Mais cela a aussi contribué à l'affaiblissement des industries locales, rarement en état de résister à la concurrence des pays avancés ou de la Chine, d'autant que la progression des recettes d'exportations et l'afflux de capitaux ont provoqué une appréciation soutenue des devises sud-américaines, parfois (comme au Brésil) jusqu'à un niveau à l'évidence insoutenable. Le risque de "maladie hollandaise" est donc patent : appréciation du taux de change, attrition des secteurs productifs en dehors des activités rentières, vulnérabilité accrue à la conjoncture mondiale… Certains pays, comme le Chili, ont assez bien réussi à maîtriser ces effets négatifs. Mais la région compte aussi des cas avérés, voire terminaux (Venezuela), et d'autres pays sont menacés : Colombie, Argentine, et bien sûr le Brésil. Cette menace appartient toutefois peut-être au passé. Les prévisions des analystes pointent, en effet, une probable baisse des prix des matières premières minérales (énergie et métaux) et agricoles à l'horizon 2020. Au minimum, il est plus que probable que l'augmentation massive depuis dix ans des prix des matières premières exportées par la région ne peut être extrapolée. Par ailleurs, les perspectives d'accroissement significatif des volumes exportés sont limitées à quelques pays : au Venezuela, où la production pétrolière peut être redressée, au Brésil, avec les gisements "pre-sal", et en Argentine, au Brésil et sans doute en Colombie pour les produits agricoles. Les contraintes financières (externes et budgétaires) vont se resserrer, mais le risque de "reprimarisation" des économies latino-américaines va s'atténuer (le Venezuela constituant bien sûr une exception). Les risques de dérapage Des "accidents" pourraient cependant perturber le scénario central. Les deux principaux éventuels facteurs perturbateurs sont un ralentissement économique global (et en particulier aux États-Unis et en Chine), et la matérialisation du risque politique dans la région. Le risque de ralentissement global : un double impact sur la région Une crise économique durable dans les pays développés affecterait presque certainement les pays latinoaméricains. En 2009, le PIB régional a reculé de 1,5% en volume, alors qu'il avait progressé en moyenne de 5,3% par an pendant les cinq années précédentes. Il est clair que si une telle crise devait être durable, le choc serait cette fois plus violent en Amérique latine. Il n'y a pas de "découplage" entre la conjoncture régionale et son environnement global. La contagion d'une crise se ferait N° 13/03 – Août 2013 par deux canaux. D’une part, via le commerce extérieur. Les États-Unis restent de loin le principal client du Mexique, de la Colombie et du Venezuela, et de tous les pays d'Amérique centrale et des Caraïbes (sauf Cuba). Et la part de la Chine dans les exportations latino-américaines a augmenté partout depuis dix ans, dépassant 20% au Chili et au Pérou, s'en approchant au Brésil. Une Chine qui ne croitrait plus qu'à 5% ou moins réduirait fortement sa consommation de matières premières dont les prix ne manqueraient alors pas de chuter. D’autre part, via le "canal financier" : un ralentissement durable dans les pays avancés se traduirait par une montée de l'aversion au risque émergent. Les entrées d'investissements directs seraient sans doute assez peu affectées, mais les investissements de portefeuille et les crédits bancaires pourraient se tarir. Une forte réduction ou un retournement de ces flux rendrait plus difficile le financement des déficits des paiements courants, qui tendraient, en outre, à se creuser en raison de la chute des prix des matières premières exportées par la région. 5 Jean-Louis Martin [email protected] Dans la région, les conséquences seraient en général négatives : resserrement de la contrainte extérieure suite à la contraction du volume (moindre demande) et de la valeur (chute des termes de l'échange) des exportations, accès plus difficile aux capitaux et, in fine, ralentissement durable de la croissance. Ce qui exacerberait les tensions sociales latentes, et certains gouvernements pourraient alors être tentés par l'exploration de politiques économiques "alternatives" ou radicales. Une chute du prix des matières premières aurait cependant quelques effets positifs, pour les pays qui en sont dépourvus, mais aussi pour les exportateurs : le risque de maladie hollandaise diminuerait. En particulier, la fin de l'appréciation des devises redonnerait de la compétitivité aux industries locales. Le risque politique : persistant mais mesuré La nature du régime politique n'affecte sans doute pas per se la croissance et le développement d'un pays (et l'Amérique latine, qui a connu des régimes très divers, l'illustre bien), mais les actions des responsables politiques le peuvent. Ces derniers peuvent, par exemple, initier une politique économique aventureuse qui se terminera par une crise, qui ne sera résorbée qu'en plusieurs années (telle la crise de la dette de 1982). Ils peuvent aussi mener une politique économique apparemment orthodoxe, mais mal conçue ou mal menée (comme la libéralisation du secteur financier au Mexique avent 1995). Ils peuvent aussi laisser dériver l'économie dans la mono-exportation de matières premières et la "maladie hollandaise", ou perdurer des structures sociales archaïques (Amérique centrale), ou négliger au-delà du supportable la qualité des services publics (le Chili de l'hiver 2011, le Brésil de juin 2013). Les contraintes politiques peuvent aussi interdire ou retarder durablement des réformes pourtant opportunes, comme dans le secteur pétrolier au Mexique ou la fiscalité au Brésil. Des conflits de nature politique peuvent aussi affecter directement des projets ou des secteurs. C'est, par exemple, le cas de plusieurs projets miniers au Pérou, bloqués ou retardés N° 13/03 – Août 2013 par l'opposition de communautés indiennes, ou de la "guerre du soja" entre le gouvernement argentin et une partie du monde rural en avril-mai 2008. Il n'est pas surprenant que ces conflits apparaissent dans les secteurs "rentiers"12. Dans quelques cas, les tensions politiques ont évolué en de véritables guerres civiles, qui ont gravement perturbé l'activité économique des pays concernés : en Colombie sur très longue période, au Pérou dans les années 1980, en Amérique centrale. On ne peut exclure que d'ici la fin de la décennie, ce type de risque politique se matérialise dans un ou plusieurs pays de la région et en ralentisse la croissance, soit en affectant le potentiel de croissance (par exemple en décourageant l'épargne et l'investissement), soit en précipitant une crise aigüe. Ce risque ne peut être écarté car les facteurs qui l'entretiennent (inégalités, présence de rentes, corruption, discrédit des politiciens, etc.) resteront présents. Il semble toutefois déclinant. Les conflits les plus violents ont en effet été aplanis (Amérique centrale, Pérou) ou sont en cours de résolution (Colombie). L'existence, presque partout, d'institutions et de processus démocratiques (fonctionnant certes à des degrés divers) améliore la possibilité de résolution négociée d'éventuels conflits. Et même dans les pays dont les politiques économiques semblent aujourd'hui les plus inefficientes, et qui ont sur longue période pesé sur la croissance moyenne de la région (le Venezuela et l'Argentine), il est plus probable que soient, dans les prochaines années, adoptées des politiques plus soutenables, permettant une croissance moins heurtée. _____________________ 12 Les conflits sur le partage des rentes (pétrolière, minière, agricole – y compris la production et le commerce de marijuana et de cocaïne) sont un des principaux facteurs de risque politique en Amérique latine. Cf. Martin, J.L., "Amérique latine : un risque politique qui change de nature", Éclairages Émergents n°21, Crédit Agricole, 2012. 6 Jean-Louis Martin [email protected] Brésil 2012 a été pour l'économie brésilienne la plus mauvaise année depuis plus de dix ans (hors la crise globale de 2009), avec une croissance pratiquement absente, un regain d'inflation, et une détérioration sensible de la balance des paiements. Cette dernière pourrait cependant se stabiliser, grâce à la forte correction sur le change. Celle-ci est due au moindre intérêt général des investisseurs pour les émergents, mais aussi à une déception spécifique vis-à-vis des performances du Brésil, malgré son potentiel considérable. Les troubles sociaux et politiques de juin font, en outre, craindre un attentisme accrû des autorités, alors que les blocages de l'économie ne pourront être levés que par des réformes profondes. Dans l'immédiat, la croissance restera médiocre. De nombreux indicateurs sont passés à l'orange en 2012. La croissance tout d'abord. Après une année 2011 déjà médiocre (+2,7%), elle a encore ralenti en 2012, à +0,9%. Un modeste rebond s'est dessiné au quatrième trimestre (+0,64% t/t). Mais le caractère hésitant de la reprise s'est confirmé au premier trimestre 2013, avec une croissance de seulement 0,55% t/t. Au deuxième trimestre, la production industrielle et les investissements semblent toutefois rebondir. Mais la croissance sera encore médiocre en 2013 : nous pronostiquons au mieux 2,3%. L'évolution des prix inquiète également. Après avoir été menaçante en 2011 (jusqu'à 7,3% a/a en septembre), elle s'était peu à peu modérée pour revenir au-dessous de 5% à la mi-2012. Mais elle était à nouveau à 6,7% a/a en juin 2013, au-dessus du seuil maximal de l'objectif de la Banque centrale. Les autorités ont réagi en relevant le taux directeur (le Selic) de 125 pdb depuis avril. D'autres relèvements sont probables d'ici la fin de l'année. Cependant, la poussée d'inflation est due à la forte hausse du prix de l'alimentation, et à celle des services (2 points au-dessus de celle de l'indice général depuis 2009). Il est peu probable que les taux aient beaucoup d'impact sur ces prix, dont la progression rapide s'explique plutôt par les contraintes logistiques (pour l'alimentation), les insuffisances de la concurrence, l'inflation salariale (le marché de l'emploi reste tendu), et le dynamisme de la demande, qui permet aux fournisseurs de services de maintenir et même d'améliorer leurs marges. Les pressions inflationnistes ne sont pas au Brésil que conjoncturelles, elles sont aussi structurelles. Brésil : balance des paiements 60 cumul 12m, Mds USD 2003=100 160 40 150 20 140 0 130 -20 120 -40 110 -60 100 -80 2000 2002 2004 2006 bal. commerciale t. de l'échange (éch. dr.) 2008 90 2010 2012 bal. courante Source : IBGE La détérioration de balance des paiements est sensible, mais a peut-être atteint son point extrême. Le déficit commercial a été de 3,1 Mds USD au premier semestre, conduisant à un déficit courant sur douze mois (juillet-juin) de 72,5 Mds (3,3% du PIB). Mais un retournement est sans doute en cours sous l'effet du recul du real : un excédent N° 13/03 – Août 2013 commercial de 2,3 Mds USD a été enregistré en juin, et le déficit courant sur l'année 2013 pourrait revenir à 60 Mds USD (2,7% du PIB). En particulier, la croissance des importations tend à se modérer. Ce n'est pas encore le cas du poste "voyages", qui côté crédit reste stable (6,6 Mds USD en 2012), mais qui continue à augmenter côté débit : 10,9 Mds USD en 2009, 23,9 Mds en juin 2013 (cumul douze mois). Au total, le déficit courant reste toutefois aisément finançable, pour autant que les investisseurs de portefeuille ne se détournent pas du Brésil. Au premier semestre, cela n'a pas été le cas : ils ont atteint 17,9 Mds USD, contre 7,5 Mds au premier semestre 2012. Mais le real, qui reste objectivement surévalué, est devenu plus vulnérable aux changements d'humeur (ou de liquidité) des marchés, plus nerveux ces derniers mois vis-à-vis des marchés émergents. On observe aussi un certain relâchement sur le front budgétaire. Le projet de budget 2014 présenté au Congrès brésilien par le gouvernement affiche encore un excédent budgétaire de 3,1% du PIB. Mais cette prévision d'excédent est à la fois exagérée (elle ne prend pas en compte des dépenses d'investissement public, et même certaines dépenses courantes ou certains allégements fiscaux) et irréaliste (car basée sur une prévision de croissance, très peu probable, de 4,5%). Au total, le niveau anticipé d'excédent primaire "réel" (2,1% du PIB en 2013, 1,8% en 2014) ne suffira pas pour réduire le ratio dette publique/PIB, en raison de la faiblesse du real (une partie, certes décroissante, du numérateur est en USD). On n'est pas dans une situation de "dérapage" budgétaire ; mais les comptes publics brésiliens deviennent moins lisibles. Les troubles qui ont agité les villes brésiliennes en juin ont surpris. Au-delà des revendications matérielles limitées, il s'agit sans doute d'un mouvement d'exaspération devant un système politique certes démocratique mais corrompu et déconnecté des préoccupations de la population. Préoccupation par exemple pour la qualité des services publics, notoirement médiocres. Et certainement aussi déception à l'égard du PT, qui s'est avéré être lui aussi un parti de politiciens ordinaires. Le risque de dérapage semble toutefois limité. Le danger est plutôt celui d'un immobilisme aggravé, jusqu'aux élections présidentielles d'octobre 2014, alors que l'atonie de l'économie confirme le besoin d'une action politique beaucoup plus décisive. Au total, et sans que rien d'irrémédiable ne soit en cours (le rating souverain BBB ne semble ainsi pas menacé sur les douze prochains mois, même si Moody's l'a assorti en juin d'une perspective négative), le Brésil déçoit. Un potentiel de croissance élevé reste latent, en raison de blocages (infrastructures inadéquates, rigidités structurelles, bureaucratie pesante…) non traités par une politique économique qui a semblé depuis deux ans se limiter à la recherche d'une relance à court terme. 7 Jean-Louis Martin [email protected] Mexique L'économie mexicaine déçoit depuis le début de 2013, avec une croissance de seulement 2,2% au premier trimestre, et peu d'indices d'un véritable rebond au deuxième. Les anticipations de croissance pour 2013 sont donc revues à la baisse, à 2,5%. Pour le reste, aucun déséquilibre majeur (prix, finances publiques, comptes extérieurs) ne menace. L'enjeu est donc de relancer la croissance. Les premiers mois du gouvernement Peña Nieto pourraient en avoir établi les bases, avec la signature en décembre d'un accord entre les trois grands partis (PRI, PAN et PRD) qui permettra, même en l'absence de majorité, de voter des réformes jusqu'ici bloquées. Une ambitieuse réforme du secteur éducatif a déjà été votée. Elle est capitale (la médiocre qualification de la force de travail est une des faiblesses du pays), mais elle n'aura d'impact qu'à moyen terme. Le PIB mexicain n'a crû que de 2,2% a/a en volume au premier trimestre 2013. C'est largement en-deçà des attentes, en particulier alors que l'activité aux États-Unis, bien qu'hésitante, montre une certaine résilience, et qu'un accord entre les trois grands partis mexicains a permis d'initier des réformes attendues depuis longtemps. Le plus surprenant est sans doute le "décrochage" de l'activité manufacturière par rapport à celle des ÉtatsUnis, avec laquelle elle est historiquement étroitement corrélée. Les données aujourd'hui disponibles ne laissent pas attendre de rebond significatif au deuxième trimestre Une explication fréquemment avancée est la faiblesse de la dépense publique au premier trimestre, en recul de 0,8% a/a (phénomène qui n'avait plus été observé depuis huit ans). La médiocrité de l'activité est aussi liée à l'absence de dynamisme des exportations, qui ont elles aussi très peu progressé (+0,3% a/a), sans doute en raison de la faiblesse des importations américaines (+0,1% a/a). Mexique et États-Unis : production manufacturière mm3m, a/a, % 15 10 5 0 -5 -10 -15 -20 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Mexique Source : INEGI, Federal Reserve Etats-Unis Alors qu'il avait réussi à augmenter assez sensiblement sa part de marché dans les importations américaines en 2009 et 2010 (de 10,0% en 2008 à 11,7% en 2010, le Mexique a piétiné ces deux dernières années (actuellement : 11,9%). L'écart avec la Chine sur les salaires moyens dans l'industrie a pourtant continué à se réduire, et n'était plus en 2012 que de 14%. En 2013, le recul du peso et la modération salariale persistante au Mexique pourrait réduire cet écart à néant. Mais les progrès de productivité sont bien moindres au Mexique qu'en Chine, en particulier en raison des graves faiblesses du secteur éducatif. Le gouvernement Peña Nieto s'y est attaqué, avec une réforme du secteur votée dans le cadre du "Pacte pour le Mexique" signé entre les trois grands partis. Mais les effets n'en seront perçus qu'à N° 13/03 – Août 2013 moyen terme, pour autant que la mise en œuvre (politiquement difficile) soit soutenue. D'autres réformes pourraient relancer la croissance. D'une part, dans le secteur pétrolier : de meilleures incitations à l'investissement étranger (qui permettrait de relancer la production) sont possibles, mais l'amélioration de la gouvernance de Pemex est un objectif très ambitieux. D'autre part, en matière de fiscalité : le prélèvement de l'État sur l'économie est à la fois injuste (car reposant largement sur la fiscalité indirecte) et très faible (11 à 12% du PIB, hors fiscalité pétrolière et prélèvements sur Pemex), ce qui limite les capacités d'intervention de l'État (notamment dans le domaine social). Mais il n'est pas certain qu'une telle réforme soit vraiment souhaitée par la majorité de la classe politique mexicaine. Elle serait cependant opportune : les événements récents au Brésil nous confirment que le risque politique n'a pas totalement disparu en Amérique latine. Or, le contexte mexicain nous semble nettement plus porteur de ce risque que celui du Brésil, avec en particulier un État beaucoup plus passif face aux inégalités (qui se sont moins réduites au Mexique depuis dix ans que dans presque tous les pays de la région, sauf en Amérique centrale) et une gouvernance très médiocre : pour les indicateurs "État de droit" et "contrôle de la corruption" de la Banque Mondiale, le Mexique est ainsi, loin derrière la moyenne latino-américaine, et derrière le Brésil et la Colombie. Ce risque politique ne serait pas nécessairement catastrophique : des institutions démocratiques existent, qui favorisent la capacité d'adaptation de la société et des autorités. Il est toutefois aggravé au Mexique par la présence d'une violence de droit commun, largement liée aux trafics de stupéfiants vers les États-Unis, qui perturbe la vie économique et sociale dans certaines parties du pays (notamment la frontière nord et une partie de la côte Pacifique). La stratégie de confrontation avec les cartels du précédent gouvernement Calderón a échoué, mais celle du président Peña Nieto n'apparaît pas encore clairement. Les perspectives à moyen terme du pays sont pourtant favorables. Il bénéficie d'une position géographique exceptionnelle, à proximité du premier marché de consommation au monde. Sa propre taille (117 millions habitants) lui donne un marché domestique important (qui pourrait être développé par une réforme bancaire). Les réformes maintenant possibles (après deux sexennats de blocage) devraient contribuer à lever certaines des contraintes pesant sur la croissance. La compétitivité de certains secteurs industriels est réelle et va permettre au pays de renforcer ses positions à l'exportation (États-Unis, Amérique latine). Enfin, quelques activités de services (tourisme, services médicaux…) ont un vrai potentiel, pour autant que l'ordre public soit maintenu. 8 Jean-Louis Martin [email protected] Argentine L'Argentine croît bien en-deçà de son potentiel. Non pas, comme le proclame le gouvernement, en raison de l'hostilité du reste du monde, mais bien à cause de l'incohérence de la politique économique. Celle-ci handicape le secteur moteur, l'agriculture, qui continue pourtant à dégager des excédents considérables et à assurer une part significative des recettes budgétaires, et est en train de tuer l'industrie. Elle est aussi, via les prix, responsable de distorsions majeures. Pourtant, la capacité de rebond existe bien : beaucoup de fondamentaux sont sains. Manque un ingrédient : la confiance, qui ne sera pas rétablie tant que l'équipe actuelle sera en place. Sa popularité chute, et des élections législatives auront lieu en octobre, mais l'opposition semble elle aussi peu cohérente. Le problème de l'Argentine est clairement politique. L'économie argentine tourne au ralenti. Selon les chiffres officiels (on y revient plus bas), la croissance n'a été que de 1,9% en 2012, et la production industrielle est en recul depuis le deuxième trimestre 2012. La demande intérieure soutient de moins en moins l'activité, par ailleurs handicapée par les distorsions de prix, par un taux de change irréaliste, et par les restrictions aux importations mises en place par les autorités pour freiner la dégradation des échanges extérieurs. américain de la contraindre à rembourser immédiatement ses créanciers non restructurés en 2005 ou en 2010 (les "holdouts", pour la plupart des "fonds vautours" ayant acquis leurs créances sur le marché secondaire). Le gouvernement s'y refuse. D'où les outlooks négatifs de Standard & Poor's et de Moody's, et la remontée à des niveaux stratosphériques de la prime de risque argentin (le spread EMBI est supérieur à 1200 pdb). La décision est actuellement en appel. Argentine : balance des paiements L'obstination des autorités argentines dans l'affichage d'un indice des prix totalement irréaliste (en juin, +10,5% a/a, contre entre 18,1 et 26,0% selon diverses sources alternatives) et sans aucune crédibilité (même les négociations salariales entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires se font sur la base des estimations alternatives) rend difficile toute analyse économique. Les problèmes de l'économiste sont fâcheux, mais les manipulations de prix et d'indices ont des conséquences bien plus graves pour l'économie. Par exemple, le blocage des prix de l'énergie conduit à des gaspillages considérables, et à un déficit énergétique croissant, alors que le pays devrait être exportateur net. cumul 1 an, Mds USD 25 La monétisation croissante du déficit fiscal (2,5 Mds USD en 2008, près de 20 Mds en 2012 – 60% en pesos, 40% en dollars –, soit un peu plus de 4% du PIB) est la principale source d'inflation : la masse monétaire croît à un rythme supérieur à 35%, même si là encore, le lien est nié par les autorités. Malgré la forte progression des recettes budgétaires, le déficit se creuse car les dépenses augmentent encore plus rapidement (+8 points sur la même période). Le poste "services économiques" est celui dont la croissance a été la plus forte : 1,3% du PIB en 2002, 6,2% en 2011; il s'agit en fait des subventions aux entreprises publiques (par exemple Aerolineas Argentinas) ou privées, notamment celles qui fournissent des services publics (électricité, transport…) dont les tarifs sont gelés. Ce transfert du coût des services du consommateur au contribuable (et aussi, de plus en plus, à la Banque centrale) est un des fondements du "populisme" du gouvernement actuel. * calculé comme solde entre la bal. courante et la var. des réserves énergie hors énergie bal. commerciale bal. courante compte financier* Source : BCRA L'abondance de pesos contribue aussi à l'affaiblir. Il est également affecté par la médiocre performance des échanges extérieurs depuis 2010. Mais l'existence d'un marché parallèle (le dollar "blue"), où le dollar a dépassé 10 ARS en mai, illustre la montée de la défiance des entreprises et des ménages envers la politique économique de Cristina Fernández. Cette défiance se retrouve aussi dans le déficit croissant du compte financier et dans la chute des réserves en devises (37,0 Mds USD fin juin, contre 43,3 en début d'année) : les capitaux fuient l'Argentine. 20 15 10 5 0 -5 -10 -15 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Pourtant, la capacité de rebond est réelle. L'Argentine confirme sa capacité à dégager des excédents extérieurs (malgré les incohérences des politiques agricole et énergétique) ; la capacité à percevoir l'impôt a été renforcée (un des rares succès des administrations Kirchner); les agents économiques sont peu endettés, le système bancaire est sain ; les infrastructures sont meilleures qu'ailleurs en Amérique latine – malgré leur vieillissement faute d'investissement. Mais il manque la confiance, qui ne se rétablira pas avec l'actuel gouvernement. Des élections législatives se tiendront le 27 octobre. Les Argentins renouvelleront un tiers des sénateurs et la moitié des députés. Selon les sondages les plus récents, le gouvernement pourrait garder une majorité simple à la Chambre des députés, mais devrait perdre la majorité au Sénat. La présidente serait alors tentée de gouverner de plus en plus par décret jusqu'à la fin de son mandat en 2015 : l'incohérence de la politique économique pourrait dans ce cas atteindre de nouveaux sommets, et augmenter la probabilité d'une crise, dont il est difficile d'anticiper la forme : peut-être une crise de change, avec une aggravation de la fuite devant le peso (phénomène déjà observé en Argentine), peut-être une crise sociale dans laquelle les principales forces d'opposition seraient les syndicats et la rue. L'Argentine se relèvera, mais seulement ensuite. L'Argentine risque aussi un nouveau défaut sur sa dette extérieure, suite à la décision en février 2012 d'un juge N° 13/03 – Août 2013 9 Jean-Louis Martin [email protected] Venezuela Les événements politiques (campagne et élection d'Hugo Chávez, puis décès de celui-ci, et enfin élection contestée de Nicolás Maduro) ont fortement influencé la politique économique vénézuélienne. Avant les élections, les autorités ont accéléré les dépenses publiques, souvent hors budget, pour renforcer les programmes sociaux. La dévaluation du bolivar, nécessaire pour redresser les finances publiques (très dépendantes des recettes pétrolières en USD) a aussi été repoussée jusqu'en mars 2013. Elle a permis de modérer la croissance des importations, au prix d'une nouvelle poussée d'inflation. Les perspectives économiques sont très incertaines : le gouvernement Maduro a semblé montrer ces derniers mois un peu plus de réalisme que le gouvernement précédent, mais on reste très loin des conditions d'une croissance équilibrée. Les développements les plus importants au Venezuela depuis un an ont été de nature politique. Il y a d'abord eu, en octobre 2012, la réélection d'Hugo Chávez à la présidence. Élection assez large, avec 55% des voix, malgré la bonne performance du candidat d'opposition Henrique Capriles. Mais Hugo Chávez était déjà très malade, vraisemblablement d'un cancer diagnostiqué en 2010, et il passe l'essentiel des mois suivants en traitement à La Havane. Il décède le 5 mars 2013, sans avoir pu prêter serment. Une nouvelle élection est alors organisée, qui a lieu le 14 avril. Elle est remportée par son dauphin désigné Nicolás Maduro, contre le même Henrique Capriles. Le résultat de cette seconde élection, très serré (50,75% des voix contre 49,0%), est fortement contesté par l'opposition ; beaucoup d'observateurs signalent de nombreuses irrégularités. Depuis avril, Nicolás Maduro s'est cependant installé au pouvoir. Ce calendrier politique a largement influencé la politique économique. Pour "préparer" les élections présidentielles d'octobre, les dépenses publiques ont fortement augmenté en 2012, dans des proportions toutefois difficiles à mesurer puisqu'une partie (en particulier certains programmes sociaux) est effectuée hors budget, financée directement par la compagnie pétrolière PDVSA : alors que le déficit budgétaire 2012 est de l'ordre à 4,8% du PIB, l'IFI estime le déficit consolidé des finances publiques à 15,2% du PIB pour la même année. Le budget 2013 était ainsi un modèle d'irréalisme, basé sur les hypothèses suivantes : (i) une croissance du PIB de 6% en volume (elle sera de l'ordre de 1 à 1,5%), (ii) une inflation de l'ordre de 15% (ce sera plutôt 30%), (iii) un baril de pétrole à 55 USD (le prix du WTI est de 105 fin juillet) ; et (iv) un taux de change VEB/USD inchangé à 4,3 (il a été dévalué à 6,29 en mars). Les autorités ont donc fini par accepter une dévaluation du bolivar, annoncée en février, quelques jours avant le décès d'Hugo Chávez et le début d'une nouvelle campagne électorale. Elle a redonné un peu d'espace aux finances publiques, et freiné la demande en produits importés. Mais elle a immédiatement provoqué une nouvelle poussée d'inflation, qui atteignait 37,3% a/a en juin, malgré un renforcement du contrôle des prix, contre 19,5% en décembre 2012. Même si elle ralentit au cours des prochains mois, l'inflation va rester élevée, entre 35 et 40% en 2013. Elle pourrait être entretenue en 2014 par une nouvelle dévaluation du bolivar. La bonne tenue du cours du pétrole en 2012 n'a pas empêché une contraction de l'excédent courant de la balance des paiements, qui est resté cependant confortable (2,9% du PIB). Il devrait rester du même ordre en 2013, le prix du pétrole montrant une résistance un peu inattendue (94 USD/bbl en moyenne au premier semestre pour le WTI, soit le même niveau qu'en 2012, et 105 USD en juillet). Mais les sorties de capitaux (le poste "prêts à N° 13/03 – Août 2013 l'étranger par les résidents", qui recouvre une surestimation des exportations pétrolières, mais aussi une thésaurisation en USD et une classique fuite de capitaux : des résidents vénézuéliens transférant une partie de leurs revenus à l'étranger) sont depuis 2007 systématiquement plus élevées que l'excédent courant. Les réserves en devises sont donc, malgré l'accumulation d'excédents (le dernier déficit remonte à 1998), à peine suffisantes : 25,8 Mds USD fin juin 2013, soit 3,4 mois d'importations de biens et services. Le risque de défaut est cependant limité à un horizon de dix-huit mois, sauf décision politique de ne pas honorer tel ou tel poste de dette (ainsi l'annonce récente du nonpaiement de l'obligation 2016 de l'entreprise sidérurgique Sidetur, nationalisée en 2010). Le gouvernement a cependant assorti cette dernière annonce d'une promesse de constituer une réserve pour le cas où le Venezuela serait condamné à payer cette dette. Il s'agit d'un exemple parmi d'autres d'une certaine modération du gouvernement Madero, du moins si on le compare au radicalisme d'Hugo Chávez. Un dialogue (heurté) avec les États-Unis a été rouvert, et les relations avec la Colombie sont moins conflictuelles. Dans le champ économique aussi, une évolution est évidente, avec une nette contraction des dépenses publiques réelles (après ajustement pour inflation), et une politique de change plus réaliste (cf. la dévaluation, mais aussi un meilleur mécanisme d'allocation des devises). On reste cependant très loin d'une politique économique soutenable et permettant une croissance plus ou moins stabilisée : les indicateurs de gouvernance du Venezuela restent parmi les plus mauvais au monde. Venezuela : les "World Governance Indicators" (notes de -2,5 à +2,5) 0,6 0,4 0,2 0,0 -0,2 -0,4 -0,6 -0,8 -1,0 -1,2 -1,4 -1,6 -1,8 expression démocratique Venezuela 2003 Colombie stabilité politique efficacité du qualité de la respect de la lutte contre la gouvern. régulation loi corruption Venezuela 2011 Pérou Argentine Equateur Mexique Source : Banque mondiale Selon la constitution vénézuélienne, un référendum révocatoire (du président) est possible en 2016. L'opposition le demandera sans doute, et pourrait le gagner (cela dépendra du prix du pétrole et du niveau de la fraude). Cela pourrait alors relancer l'attractivité du Venezuela, mais même alors il conviendra de rester prudent : la transition sera difficile dans un pays très polarisé. 10 Jean-Louis Martin [email protected] Colombie La croissance a ralenti en 2012 (4,0%, après 6,6%), mais reste réalisée sans déséquilibre majeur : l'inflation est au plus bas, les finances publiques sont proches de l'équilibre, et le déficit courant reste aisément finançable (il se creuse cependant). La principale inquiétude porte sur la perte de compétitivité de l'industrie et de certains secteurs agricoles exportateurs (café, fleurs) en raison de l'appréciation du peso. Celle-ci semble toutefois en train d'être maîtrisée, par une combinaison adéquate de politiques monétaire et budgétaire, et grâce aussi au moindre enthousiasme des marchés pour les émergents. La menace pourrait cependant ressurgir si les entrées d'investissements de portefeuille venaient à décoller. Les négociations entre le gouvernement et la principale guérilla se poursuivent à La Havane, mais la mise en œuvre d'un accord sera difficile, d'autant qu'une partie de l'opinion s'y oppose. Le PIB colombien a progressé de 4% en volume en 2012, après des révisions significatives, à la hausse, pour les trois premiers trimestres (et pour l'année précédente, ce qui a porté la croissance 2011 de +5,9% à +6,6%). Mais elle s'essoufflait en fin d'année, et le premier semestre 2013 est assez décevante, avec +2,9% au premier trimestre et un deuxième trimestre qui ne devrait pas dépasser 3,5%. Même si un rebond est attendu au second semestre, la croissance sera cette année un peu inférieure à 4%. fortement augmenté ses achats d'USD sur le marché. Le gouvernement poursuit ses efforts d'assainissement budgétaire : le déficit est revenu en-deçà de 2,0% du PIB en 2012 (avec un excédent primaire), et la dette publique n'est que de 32% du PIB. Le repli de certains investisseurs de portefeuille a aussi contribué à stabiliser le peso, revenu autour de 1900 COP/USD. L'évolution la plus préoccupante est sans doute le recul confirmé de l'industrie : la production industrielle a chuté au premier trimestre de 6,1% a/a (en partie pour des raisons de saisonnalité, avec -11,7% en mars, corrigé par +8,7% en avril). En mai, la contraction se poursuivait, avec 2,5% a/a. On ne peut pas ne pas lier ce recul au niveau trop élevé du peso. 1 500 140 1 700 130 1 900 120 2 100 110 2 300 100 2 500 90 2 700 80 L'excédent commercial a lui aussi reculé, à 2,1 Mds USD, contre 2,7 Mds en 2011. Les termes de l'échange n'e se détériorent légèrement après un pic en 2012 (-2,3% a/a au premier semestre 2013), et le volume des exportations de pétrole a plafonne depuis qu'il a atteint 1 million de barils/jour en décembre 2012. Il ne devrait plus augmenter à court terme faute de découverte significative. Par ailleurs, le volume des importations de biens augmente systématiquement (depuis 2000) plus vite que celui des exportations. Un déficit commercial devrait ainsi être enregistré en 2012, de l'ordre de 1,6 Md USD. En outre, le poste "débit" des flux de services et de revenus croît rapidement : de 11,3 Mds USD en 2005 à 29 Mds en 2012. Au total, le déficit courant de la balance des paiements a atteint 11,9 Mds USD en 2012, soit 3,2% du PIB, et devrait continuer à se creuser au-delà de 13 Mds USD (3,5% du PIB) en 2013. Ce déficit est cependant presque entièrement financé par les investissements étrangers directs. L'essoufflement est cependant bien réel : la production industrielle croissait en 2011 à un rythme supérieur à 5%, et elle régresse depuis août 2012; les exportations non pétrolières ou minières (hors pétrole, charbon et ferronickel) avaient augmenté de 18,7% (en valeur) en 2011, et seulement de 4,3% au premier semestre 2013 (tirées par l'automobile); la dépendance au pétrole s'aggrave : il représentait 41% des exportations en 2010, 50% en 2011, et 52,6% en 2012. La menace de "maladie hollandaise" est bien présente. Les autorités colombiennes en sont bien conscientes. Le premier souci de la politique économique est aujourd'hui la maîtrise de l'appréciation du peso, qui était au premier trimestre proche de son pic de juin 2008. La Banque centrale a abaissé quatre fois son taux directeur pour le ramener à 3,25% (ces ajustements sont permis par la baisse de l'inflation, revenue autour de 2%) et a N° 13/03 – Août 2013 Colombie : évolution du peso 2000 = 100 2 900 04 05 06 Source : Reuters, JPMorgan 07 70 08 09 10 11 12 13 COP/USD tx de change effectif réel (éch. dr.) Les insuffisances des infrastructures, en particulier de transports, handicapent aussi la compétitivité. Quelques projets ont été menées à bien (aéroport de Bogotá, routes), mais d'autres traînent en raison d'une géographie difficile, et aussi des faiblesses de la gouvernance, qui s'améliore cependant depuis 2010 et l'entrée en fonction du gouvernement Santos. Celui-ci s'oppose très vivement à son prédécesseur Uribe sur la question des relations avec la guérilla des FARC. Le président Santos a pris l'initiative d'ouvrir des négociations, tout en poursuivant l'offensive militaire sur le terrain. Pour Uribe et la droite colombienne, il s'agit au mieux d'une mollesse coupable, au pire d'une trahison. C'est pourtant la seule voie possible d'une réelle pacification du pays, condition préalable à la concrétisation de son potentiel de croissance. La guérilla est affaiblie, et un accord à La Havane est assez probable, mais sa mise en œuvre sera complexe et incertaine : quel processus de désarmement ? Quelle participation des FARC à la vie politique (l'opinion est ambigüe sur ce point : elle souhaite la paix et est favorable aux négociations, mais reste hostile à une intégration politique de la guérilla) ? Comment traiter le problème des millions de déplacés par la violence en milieu rural ? Des élections présidentielles auront lieu en 2014 : J.M. Santos sera très probablement candidat, et sera favori, pour autant que les négociations en cours apportent quelques réponses satisfaisantes à la population. 11 Jean-Louis Martin [email protected] Chili Les principaux atouts du Chili sont la prudence de la gestion des finances publiques, la qualité de la gouvernance, et ses importantes ressources en cuivre (un quart des réserves et un tiers de la production mondiales). Son système bancaire est particulièrement solide. Quelques fragilités cependant dans un bilan très positif. D'une part, la dépendance au cuivre, (54% des exportations) qui rend le Chili directement vulnérable aux fluctuations de l'économie mondiale, et en particulier au risque de ralentissement de l'économie chinoise, son principal client. Ensuite, des signes de surchauffe, dont un creusement très rapide du déficit courant. Et enfin, une société in fine pas si prospère (à 17730 USD, le PIB ppa/habitant est le plus bas de tous les pays notés A+ par les agences), et très inégalitaire. Cependant, le Chili reste très nettement le meilleur risque en Amérique latine. L'économie chilienne a progressé de 5,6% en volume sur l'ensemble de 2012, malgré un ralentissement en fin d'année. Après +5,8% et +5,9% en 2010 et 2011, la performance est remarquable, d'autant que l'environnement était un peu moins porteur, avec en particulier un ralentissement de l'économie chinoise, qui absorbe 23% des exportations chiliennes. Le ralentissement se confirme toutefois au premier semestre 2013, avec une croissance de 4,1% au premier trimestre, et un indicateur avancé d'activité (l'IMACEC) qui ne progressait plus que de 3,9% au 2ème trimestre. exportations hors cuivre, qui en 2011 augmentaient de 24%, étaient en 2012 en recul de 2%. Le déficit courant a continué à se creuser au premier trimestre 2013, mais il devrait se réduire au second semestre. Chili : croissance soutenue et déficit courant en hausse 10 Mds USD (b. courante) et a/a, % (PIB) 8 6 4 2 L'inflation n'inquiète pas, malgré un fort rebond depuis quelques mois +2,2% en juillet, après +0,9% en mai), restant dans la fourchette objectif (2% à 4%) de la Banque centrale. Les finances publiques sont saines : leur solde global a été positif de 0,6% du PIB en 2012, en léger recul par rapport en 2011 en raison d'une forte progression des dépenses publiques (surtout dans l'éducation et les transferts aux régions). L'excédent devrait rester du même ordre en 2013, grâce à l'impact d'une réforme fiscale de 2012 qui va augmenter les recettes de l'impôt sur les sociétés, mais il pourrait disparaître en 2014 avec une augmentation des dépenses après les élections. La dette publique représente moins de 12% du PIB. L'économie montre cependant des signes de surchauffe, et les tensions se sont accentuées au cours de l'année 2012. Ainsi, la progression trop rapide de la demande domestique. La consommation des ménages a augmenté de 6,1% en 2012 (pour un PIB en croissance de 5,6% en volume), et encore de 7,2% a/a au premier trimestre 2013, après déjà +8,9% en 2011. Les investissements de 12,3%, et encore de 9,6% a/a au 1er trimestre 2013. Un point positif cependant : la part des investissements (au total 24% du PIB) qui augmente le plus rapidement est la composante "biens d'équipement" : +17,4% en volume en 2012, contre +9,0% pour la construction. La contribution nette de l'extérieur à la croissance est par ailleurs très négative : en 2012, les exportations ne progressaient que de 1,0% en volume, contre 4,9% pour les importations. Se superpose à ce dynamisme de la demande domestique une nette détérioration des termes de l'échange, qui a commencé dès le début de 2011 mais s'est accentuée en 2012 (-5,7%), et persiste au début de 2013. L'impact sur la balance des paiements a été sensible : chute rapide de l'excédent commercial (15,3 Mds USD en 2010, 10,5 en 2011, et seulement 3,4 Mds en 2012), et creusement d'un déficit courant, qui a atteint 9,5 Mds USD en 2012, soit 3,5% du PIB, un niveau jamais constaté depuis 1998. Les exportations ont baissé en valeur de 3,9%. C'est principalement dû au cuivre (-5,6%), mais les N° 13/03 – Août 2013 0 -2 -4 -6 -8 -10 -12 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 bal. courante (cumul 1an) PIB prix à la conso. Source : BCCh La stagnation des exportations est en partie due à la faiblesse de la demande extérieure, mais aussi à une certaine perte de compétitivité de l'économie chilienne. Le taux de change effectif réel du peso s'est apprécié de 7,5% entre décembre 2011 et décembre 2012, il n'est revenu que ces derniers jours au-dessus de 500 CLP/USD. Les autorités chiliennes sont donc confrontées à un dilemme (de riche) : la vigueur de la demande domestique (et les tensions sur le marché du travail, avec un taux de chômage de 6,4%) et le déficit courant croissant pourraient justifier un relèvement des taux. Mais pas le niveau de l'inflation, et encore moins le risque d'appréciation du peso : les taux réels sont déjà élevés (le taux directeur est à 5%) et tout relèvement risquerait d'encourager des entrées de capitaux, inopportunes dans la situation actuelle. Les autorités chiliennes temporisent, et se refusent pour le moment à mettre en place des mesures macro-prudentielles (par exemple, une hausse du taux de réserves obligatoires ou des obstacles aux entrées de capitaux). D'autant que 2013 est une année électorale : des élections présidentielles et législatives auront lieu en novembre. La question était jusqu'ici celle de la participation de l'ancienne présidente Michelle Bachelet, restée très populaire. Elle a obtenu l'investiture pour la gauche (la "Concertación"). Elle devrait en novembre être élue à la présidence (face à la candidate de la droite Evelyn Matthei), d'autant que le gouvernement reste impopulaire. L'alliance (nouvelle) de la Concertación avec le Parti Communiste ne doit pas inquiéter : le risque d'une révision radicale de la politique économique chilienne est très limité, en particulier avec Michelle Bachelet. 12 Jean-Louis Martin [email protected] Pérou Le Pérou a encore affiché en 2012 des indicateurs macro-économiques parmi les meilleurs de la région : croissance, inflation, finances publiques. Cela lui a valu de nouvelles appréciations favorables des agences de rating. La plupart des analystes anticipent aussi une croissance stable, au-dessus de 6%. Les progrès depuis cinq ans sont réels, mais nous sommes moins optimistes. D'abord, la détérioration très rapide des échanges extérieurs en raison d'une demande domestique beaucoup trop dynamique va imposer un coup de frein dès cette année : la croissance devrait donc revenir autour de 4,4% cette année, et à moins de 4% en 2014. Ensuite, certains risques nous semblent bien présents : à court terme, risques d'un repli des prix des métaux exportés et d'une correction sur un sol encore surévalué, et à moyen terme risque politique, la seule croissance (qui va donc ralentir) ne suffisant pas à intégrer une société qui reste duale. Le PIB péruvien a encore augmenté de 6,3% en volume en 2012. C'est la deuxième performance de la région, après Panama. Sur la période 2002-2012, aucun pays n'a fait mieux que le Pérou, avec une croissance moyenne annuelle de 6,4% : en dix ans, le PIB péruvien a ainsi doublé en volume, le PIB par habitant a augmenté (toujours en volume) de 72%, el le PIB par habitant à parité de pouvoir d'achat (en USD courants) a lui aussi doublé. Ces performances exceptionnelles, avec une gestion particulièrement prudente des finances publiques (en excédent depuis 2006, à l'exception de déficits modestes en 2009 et 2010, et une dette publique qui ne représente que 19% du PIB), ont permis au Pérou une amélioration spectaculaire des ratings par les agences. Ainsi, Moody's, qui notait encore le Pérou "Ba3" en juillet 2007, le note maintenant "Baa2", soit une progression de quatre échelons. Les marchés sont cependant un peu plus prudents depuis quelques mois : le prix du CDS à cinq ans (137,0 le 16 août 2013), est repassé en mai au-dessus de ceux du Mexique (Baa2; 122,4) et de la Colombie (Baa3; 130,7), tout en remontant beaucoup moins que celui du Brésil (Baa2; 192,4). Les derniers indicateurs d'activité publiés par l'INEI confirment le niveau soutenu de l'activité, avec une croissance du PIB estimée à 5,6% a/a au deuxième trimestre (après 4,8% au premier). Les anticipations restent donc très optimistes sur l'économie péruvienne : le consensus (en juin) est d'une croissance de 6,0% en 2013, et de 6,2% en 2014. Nous sommes moins positifs, sur les perspectives de croissance et sur le risque. Sur les perspectives de croissance d'une part. L'économie ne semble pas ralentir, mais il va pourtant falloir appuyer sur le frein. La détérioration du commerce extérieur devient sérieusement préoccupante. Le déficit courant a déjà représenté 3,6% du PIB en 2012, le plus mauvais chiffre des grandes économies d'Amérique latine. Au deuxième trimestre 2013, un déficit commercial (850 millions USD) a été enregistré. Compte tenu de l'ampleur du déficit des échanges de services et de revenus (les transferts de dividendes des entreprises minières vont toutefois baisser sensiblement), un déficit courant de 11,7 Mds USD (5,6% du PIB) peut être anticipé pour 2013 (et ce en supposant un net ralentissement des importations). La fragilité de la balance des paiements est accrue par sa dépendance à un très petit nombre de produits : le cuivre (23% des exportations en 2012), l'or (21%), et le pétrole (11%). Au total, les minerais et le pétrole représentent 67,4% des exportations péruviennes. Les termes de l'échange sont orientés à la baisse : ils ont reculé de 4,9% en 2012 et encore de 2,3% a/a au premier semestre 2013. N° 13/03 – Août 2013 Pérou : croissance et balance des paiements % du PIB (cumul 12m) et a/a, % 14 12 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 PIB Source : BCRP bal. commerciale/PIB bal. courante/PIB La forte correction observée sur le sol depuis le début de l'année (-8,8% contre l'USD) devrait cependant contribuer à modérer les importations et à réduire le déficit courant en 2014. Elle s'explique par la montée générale de l'aversion au risque émergent, mais aussi par une prudence plus spécifique à l'égard du Pérou. La Banque centrale vend aujourd'hui de l'USD pour stabiliser le sol, alors qu'elle essayait en 2012 d'enrayer son appréciation. Mais les autorités péruviennes vont devoir aussi agir pour une meilleure maîtrise de la demande domestique. Pour le moment, elles ne le font pas : la consommation publique a encore augmenté de 11,4% en volume au premier trimestre (après 10,6% en 2012). Le secteur de la construction progresse en moyenne de 12,2% par an (en volume) depuis 2005 (15,2% en 2012). Le président de la Banque centrale a ainsi évoqué un "gonflement excessif du secteur des nonéchangeables". Les mots n'ont pas été prononcés, mais cela ressemble beaucoup à l'idée de "maladie hollandaise". Un coup de frein devient donc de plus en plus probable, qui va affecter la croissance. Le risque politique, enfin, reste présent. Malgré l'émergence réelle d'une classe moyenne urbaine, une part significative (30% ?) de la population reste marginalisée, et refuse le modèle de développement (l'opposition persistante au projet minier Conga illustre ce refus). L'élection en 2011 d'un président réformiste, Ollanta Humala, laissait espérer de nouveaux efforts d'intégration. Ils sont jusqu'ici modestes, le gouvernement ayant plutôt choisi de rassurer la classe moyenne, les entreprises et les marchés. À court et moyen terme, cela rassure et conforte l'optimisme, mais laisse persister un clivage social que la seule croissance, qui va ralentir dès les prochains mois, ne suffira pas à faire disparaître. 13 Jean-Louis Martin [email protected] Uruguay La croissance s'est repliée en 2012, à 3,9%. Il est vrai que le rythme des années précédentes (8,9%, puis 6,5% en 2011) était insoutenable dans un pays dont la population n'augmente que de 0,3% par an. Cette croissance va un peu rebondir en 2013 et 2014, portée par la construction et l'entrée en production d'une nouvelle usine géante de cellulose. Le souci principal de la politique économique est la persistance de l'inflation à un niveau élevé, en raison surtout d'un marché du travail tendu et des pressions salariales. La modernisation réussie d'une économie agricole, la bonne gestion de la dette publique et la qualité de la gouvernance ont permis à l'Uruguay d'obtenir en 2012 et 2013 un "investment-grade" de la part des trois agences de notation. Il reste toutefois un risque sérieux : les voisins du pays, avec une Argentine à la dérive et un Brésil englué dans une croissance médiocre. Fitch a été la dernière agence de notation à accorder un investment-grade au souverain uruguayen, le 7 mars 2013. C'était déjà le cas pour S&P depuis avril 2012, et Moody's depuis juillet 2012 (cette dernière assortissant même son Baa3 d'une perspective positive). Aucun pays n'a obtenu une remontée aussi forte de son rating après un défaut (survenu en mai 2003 pour l'Uruguay). Les agences relèvent toujours que le poids de la dette publique reste plus élevé que pour la moyenne des pays notés à ce niveau (c'est cependant de moins en moins vrai : le ratio dette publique/PIB était fin 2012 de 37,7%, contre 36,4% pour la médiane des pays notés Baa par Moody's), mais toutes reconnaissent que la gestion de cette dette est remarquable. Par exemple, la maturité moyenne de cette dette est de onze ans, et d'ici 2020 l'amortissement annuel ne dépasse jamais 2% du PIB. La part en devises reste plus élevée que pour la moyenne des Baa (47% contre 29%), mais elle décroît rapidement (89% en 2005). Uruguay : indicateurs des finances publiques 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 -6 % PIB 00 % PIB 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 02 04 06 08 10 12e 14p dette publique (éch. dr.) solde global des finances publiques solde primaire des finances publiques Source : Moody's, Crédit Agricole S.A. D'autres faiblesses sont réelles. Ainsi le niveau élevé de dollarisation du système bancaire : fin 2012, 72% des dépôts étaient en devises, le niveau le plus élevé des pays Baa (Panama exclu), la médiane étant de 27,9%. Mais ce ratio était de 90% en 2004, et le FMI relève (Article IV Consultation, décembre 2011) que "one of the most relevant structural changes occurred in the regulation and the supervision of the financial system which has been substantially strengthened", et il est maintenant "in line with international best practices". Autre faiblesse : l'inflation. Elle reste dangereusement proche de 10% (8,7% en juillet), bien au-delà de l'objectif de la Banque centrale. Son principal moteur est la N° 13/03 – Août 2013 demande domestique, très soutenue, elle-même portée par une forte progression des salaires nominaux, dans un contexte de marché du travail tendu. À court terme, la seule option pour les autorités est sans doute fiscale : le déficit budgétaire est modeste (autour de 2,0% du PIB en 2012), mais il a augmenté par rapport à 2011, alors qu'il faudrait le réduire. À plus long terme, la réponse est dans doute dans des progrès de productivité qui permettraient de mieux utiliser une ressource en travail limitée. Et aussi : les "rigidités". Certains observateurs en voyaient partout, qui présageaient un inévitable déclin : dans une démographie faiblissante, dans l'incapacité à dégager des progrès de productivité significatifs dans une économie structurellement agricole, et dans un environnement "socialiste" (avec un poids élevé du secteur public, une législation du travail "archaïque"... et des électeurs votant à gauche : tout le contraire du paradigme libéral en vogue !). Concernant la démographie, l'âge moyen est certes plus élevé que dans le reste de l'Amérique latine, mais depuis 2006 la population a recommencé à augmenter (0,35% par an ; certains émigrés sont revenus). L'Uruguay a, par ailleurs, des indicateurs d'éducation parmi les meilleurs de la région (après Cuba et à égalité avec le Chili). Et s'il est vrai que l'Uruguay est et restera une économie à dominante agricole (les deux tiers des exportations en 2012), son agriculture a su évoluer et se moderniser : élevage (avec des capitaux argentins et brésiliens), soja, viticulture, et cellulose avec deux très grands projets, celui de Fray Bentos, (1,1 million tonnes), en opération, et celui, en construction, de Stora Enso et Arauco à Montes de Plata (1,3 million tonnes et des exportations de l'ordre de 750 millions USD/an). Au total, cette transformation de l'agriculture a permis à l'Uruguay une croissance moyenne annuelle de 5,7% sur la période 2004-2012, soit +5,4% par an et habitant : peu de pays peuvent afficher une telle performance. Les "rigidités politiques" enfin, et la meilleure gouvernance de la région (au sens des indicateurs de la Banque Mondiale ; celle du Chili n'apparaît supérieure qu'en raison de la note très supérieure du Chili pour la "qualité de la régulation"; mais il s'agit là d'idéologie) font que la société uruguayenne est la plus homogène du continent, et assurent au pays une stabilité politique sans équivalent. Ni l'alternance en 2004 (pour la première fois, la gauche accédait au pouvoir), ni l'élection du "radical" José Mujica en 2009 ne se sont traduits par des revirements significatifs de la politique économique. Le risque politique uruguayen est très faible, et le pays peut effectivement apparaître comme un modèle pour le continent. 14 Jean-Louis Martin [email protected] Données structurelles 1 Brésil Mexique Argentine Venezuela Colombie Chili Pérou Equateur Rép. Dominicaine Uruguay Guatemala Costa Rica Am. latine & Caraïbes PIB PIB ppa/hab M. hab 198,4 114,9 41,0 29,5 46,6 17,4 30,5 15,2 10,2 3,4 15,1 4,7 608 Mds USD 2 252 1 178 475 382 364 268 200 81 59 50 50 45 5 689 USD 11 850 15 760 18 070 13 730 10 880 17 700 11 000 8 890 8 650 16 020 5 120 13 320 12 260 Moy. ann., % 3,3 2,0 4,5 3,4 4,3 4,3 5,8 4,5 5,1 3,4 3,4 4,4 3,4 2014 2,7 3,8 2,5 2,5 4,5 4,5 3,8 4,0 4,1 4,8 3,4 4,5 3,3 2012 5,4 4,1 23,8 21,1 3,2 3,0 3,7 5,1 3,7 8,1 3,8 4,5 7,5 Croissance, prix et échanges Brésil Mexique Argentine * Venezuela Colombie Chili Pérou Equateur Rép. Dominicaine Uruguay Guatemala Costa Rica Am. latine & Caraïbes PIB (a/a, %) 2012 0,9 3,9 1,9 5,5 4,0 5,5 6,3 5,0 3,9 3,8 3,0 5,0 2,7 Finances publiques et risques Brésil Mexique Argentine Venezuela Colombie Chili Pérou Equateur Rép. Dominicaine Uruguay Guatemala Costa Rica Am. latine & Caraïbes Taux de Exportations croissance Exportations % mat. 1ères 2000-2012 2009-2011 Population 2013 2,3 2,5 2,0 1,0 3,8 4,3 4,4 4,0 3,2 4,5 3,4 4,1 2,7 1 2013 2,3 -0,3 -0,5 -1,8 0,4 1,0 2,2 -0,6 -1,3 0,7 -1,0 -2,3 0,7 3 Doing Business 2013 % total 63,6 26,5 68,1 94,5 77,7 89,0 88,7 91,0 31,0 74,6 66,4 39,3 58,1 Classement 2 85 61 45 71 91 40 77 89 96 51 133 62 78 Moy. KKZ 3 57,5 51,9 37,4 7,1 55,1 89,4 51,1 21,4 32,3 72,8 31,8 66,9 50,9 Classement 4 130 48 124 180 45 37 43 139 116 89 93 110 102 2014 2,1 -0,4 -0,4 -0,6 0,2 0,4 2,0 -0,7 -0,4 1,0 -1,1 -2,7 0,6 2013 6,4 4,1 26,7 37,4 2,2 1,8 2,7 3,1 4,6 8,5 4,5 5,0 8,8 2014 5,5 4,0 25,0 30,0 2,5 2,5 2,5 2,9 4,9 8,0 4,9 4,8 7,8 2012 -2,4 -1,0 0,0 2,9 -3,3 -3,5 -3,6 -0,2 -6,8 -5,4 -2,9 -5,3 -1,7 Balance courante (% du PIB) Dette publique (% du PIB) 2012 58,7 28,7 38,3 27,4 32,2 11,9 19,8 17,9 32,9 39,5 24,3 35,2 41,0 chiffres 2012 sauf indication contraire Indice de Développement Humain, sur 187 pays moyenne des KKZ 3 à 6, note de 0 (minimum) à 100 (maximum) 4 sur 185 pays * compte tenu des controverses sur l'indice officiel, l'inflation est une estimation CASA 2 Gouvernance 2011 Inflation (a/a, %) Solde primaire (% du PIB) 2012 2,9 -0,7 -0,2 -2,2 0,6 1,1 3,0 -0,8 -4,2 0,4 -0,9 -2,3 0,9 Mds USD 242,6 370,7 80,9 97,3 66,9 78,3 45,6 24,7 9,1 9,9 10,1 11,4 1 110 IDH 2013 59,3 28,9 38,2 28,6 32,1 11,5 18,5 18,0 34,5 37,7 25,0 37,1 40,8 CDS 5 ans 2014 59,8 28,9 38,4 30,8 31,8 11,3 17,3 18,3 35,4 36,2 25,7 38,9 40,5 19/08/2013 203 126 2536 894 136 95 143 nd 440 214 215 301 2013 -2,7 -1,2 -0,2 2,8 -3,5 -2,9 -5,6 -1,0 -4,3 0,9 -4,2 -5,6 -1,9 2014 -2,6 -1,1 -0,3 2,9 -3,4 -2,7 -5,1 -1,2 -3,9 0,9 -4,2 -6,2 -1,9 Notation S&P / Moody's / Fitch 19/08/2013 BBB / Baa2 / BBB BBB / Baa1 / BBB+ B- / B3 / CC B / B2 / B+ BBB / Baa3 / BBBAA- / Aa3 / A+ BBB / Baa2 / BBB B / Caa1 / BB+ / B1 / B BBB- / Baa3 / BBBBB / Ba1 / BB+ BB / Baa3 / BB+ Sources : instituts statistiques locaux, Banques centrales, PNUD, Banque Mondiale, CEPALC, EIU, S&P's, Moody's, Fitch, Thomson Reuters, Crédit Agricole SA Achevé de rédiger le 19 août 2013 Directeur de la publication : Isabelle Job-Bazille Rédaction en chef : Jean-Louis Martin Réalisation et secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty Crédit Agricole S.A. – Études Économiques Groupe 12 place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Copyright Crédit Agricole S.A. – ISSN 1248 - 2188 Contact : [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur l’App store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cet te opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l’information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l’une de ses filiales ou d’une Caisse Régionale. Le Crédit Agricole S.A. ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse Régionale, ne sauraient donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication. N° 13/03 – Août 2013 15