L`intérêt de la haute température en chromatographie en phase liquide
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L`intérêt de la haute température en chromatographie en phase liquide
TECHNIQUE INSTRUMENTALE MARIE PIERRE BARRIOULET, SABINE HEINISCH, JEAN-LOUIS ROCCA1 L’intérêt de la haute température en chromatographie en phase liquide RÉSUMÉ La haute température est une technique très intéressante pour, d’une part réduire les temps d’analyse, d’autre part diminuer la teneur en modificateur organique dans la phase mobile. C’est également un moyen de réaliser des séparations très performantes de composés basiques sur des phases à base de silice mais également sur d’autres types de supports. La température est un paramètre essentiel pour modifier les sélectivités et améliorer la résolution de ce type de composés. Les avantages de la chromatographie en phase liquide à haute température (HTLC) sont détaillés et illustrés à travers quelques exemples avec diverses phases stationnaires, à base de silice, de polymère organique, de carbone et de zircone. MOTS-CLÉS Chromatographie en phase liquide, haute température, composés basiques The interest of high temperature in liquid chromatography SUMMARY High temperature liquid chromatography (HTLC) is an attractive method both to decrease the analysis time and to reduce the organic content in the mobile phase. It is also a very convenient way to achieve efficient separations of basic compounds on silica based stationary phases and other materials as well. The advantages of HTLC are detailed and illustrated by examples with silica-, organic polymer-, carbon- and zirconia- based columns. KEYWORDS Liquid chromatography, high temperature, basic compounds Revuee I - Introduction Autrefois principalement appliquée à la chromatographie des grosses molécules (1, 2), l’utilisation de températures élevées s’est beaucoup développée au cours de ces cinq dernières années (3-8). Le vif intérêt pour cette technique, couramment appelée HTLC (High Temperature Liquid Chromatography), a été rendu possible grâce à deux facteurs essentiels. Le premier est lié à l’amélioration considérable de la stabilité en température des phases stationnaires à base de silice (9) ainsi qu’au développement de nouveaux matériaux très stables thermiquement, tels que les phases à base de zircone (10), de carbone (11) ou de polymère organique (12). Le deuxième facteur est la mise sur le marché de systèmes de chauffage suffisamment performants pour ne pas générer de gradients 1 thermiques à l’intérieur de la colonne pouvant entraîner des dispersions supplémentaires. Les avantages potentiels de la haute température sont considérables. Le premier de ces avantages est la possibilité d’obtenir des séparations très rapides. En effet, la viscosité qui est une grandeur caractéristique d’un solvant à une température donnée diminue lorsque la température augmente. Des équations empiriques ont été établies à partir de mesures de perte de charge dans une colonne afin de déterminer les valeurs de la viscosité dans des mélanges de solvant pour des températures de 20°C à 180°C (7). L’équation de Wilke et Chang (13) montre que le coefficient de diffusion d’un soluté est approximativement proportionnel au rapport (T/η) de la température absolue sur la viscosité, de même que la vitesse linéaire optimum qui est proportionnelle au coefficient de diffusion. Laboratoire des Sciences Analytiques (CNRS UMR 5180) – Université Claude Bernard – 43, Bd du 11 Novembre 1918 – 69622 Villeurbanne Cedex 38 SPECTRA ANALYSE n° 254 • Janvier - Février - Mars 2007 Technique instrumentale L’intérêt de la haute température en chromatographie en phase liquide En revanche, la hauteur de plateau minimum, H, est indépendante du coefficient de diffusion. Il s’en suit qu’en travaillant à la vitesse optimum, on obtient, à haute température, des séparations plus rapides sans perte d’efficacité. Contrairement à ce qui est souvent annoncé dans la littérature, les hautes températures ne permettent pas, par contre, de réduire les pertes de charges dans les colonnes. En effet, selon la loi de Darcy, la perte de charge dans la colonne est proportionnelle à la viscosité ainsi qu’à la vitesse linéaire. Par conséquent, à la vitesse optimum, la perte de charge qui est ainsi proportionnelle à la température absolue, est plus élevée à haute température. La pression dans la colonne diminue lorsque la vitesse linéaire reste identique ce qui permet éventuellement d’augmenter la longueur de la colonne (14). Cependant, il a été démontré, dans ce cas, que les performances en terme d’efficacité par unité de temps peuvent être nettement diminuées (15). Le moyen de réduire les quantités de modificateur organique dans la phase mobile constitue le deuxième avantage de la haute température. En effet, en chromatographie à polarités des phases inversées, la force éluante d’un solvant est relativement bien corrélée à la constante diélectrique. celle-ci diminue avec la température (16). Par conséquent, pour conserver des rétentions identiques, la teneur en modificateur organique doit être réduite. Ainsi, dans le cas de micro-colonnes, un gradient de température peut offrir une alternative très intéressante au classique gradient d’élution qui est techniquement difficile, voire impossible à mettre en œuvre avec de très faibles débits. Le troisième avantage est lié au précédent. En élevant suffisamment la température, il est possible de travailler sans solvant organique, avec l’eau comme phase mobile, et ainsi, outre l’aspect écologique, de réaliser des couplages très intéressants avec des détecteurs comme le FID ou la RMN (17). Enfin, le dernier avantage concerne les composés basiques, majoritaires dans le domaine pharmaceutique. Les mises au point de séparation sont bien souvent problématiques en chromatographie classique : manque de sélectivité, pics très asymétriques, sensibilité insuffisante, temps d’analyse important, etc. L’utilisation de températures élevées (18, 19) permet d’apporter un paramètre supplémentaire pour varier et augmenter la sélectivité. Par ailleurs, le taux d’ionisation des composés basiques diminue lorsque la température augmente, ce qui permet de réduire les interactions secondaires de type non hydrophobe entre la forme cationique du composé basique et des sites polaires ou anioniques de la phase stationnaire. En outre, l’amélioration des cinétiques de transfert à haute température réduit l’élargissement et l’asymétrie des pics et par suite, augmente la résolution entre les pics ainsi que la sensibilité de détection. A travers les exemples présentés, l’objectif est d’illustrer et d’expliquer l’apport bénéfique de la haute température en chromatographie en phase liquide, en particulier pour la séparation de composés basiques. II - Matériel et méthodes Les expériences ont été réalisées sur un système de pompes quaternaires Alliance (Waters, Milford, ÉtatsUnis) avec un volume de délai de 0,8 mL. Les volumes injectés étaient de 10 μL sur les colonnes de 4,6 mm d.i., 5 μL sur les colonnes de 3 mm d.i. La détection a été réalisée avec un détecteur à barrette de diode 996 (Waters). Les chromatogrammes sont présentés à une longueur d’onde de 220 nm. Les colonnes ont été thermostatées dans un four Polaratherm Series 9000 (R.I.C., Belgique) équipé de systèmes de préchauffage et de refroidissement de la phase mobile. Les mesures de pH ont été réalisées avec une électrode de verre XG200, une électrode de référence (Ag/AgCl) REF201 (Radiometer Analytical, France) avec une solution KCl saturée et un capteur de température T201. La précision des mesures était de ±0,2 upH. L'électrode était calibrée avec les solutions standards (pH 4,0 ; 7,0 ; 10,0) définies par l’IUPAC. Les colonnes suivantes ont été utilisées dans cette étude: RP-Xterra C18 50 mm x 4,6 mm (Waters, Milford, États-Unis), 3,5 μm: Hypersil Gold C18 150 mm x 3 mm (Thermo Electron, Royaume-Uni), 5 μm; Nucleodur Gravity C18, 70 mm x 4,6 mm, 3 μm (Macherey Nagel, Duren, Allemagne); PLRP-S 150 mm x 4,6 mm, 5 μm (Polymer Laboratories, Royaume-Uni); Hypercarb 100 mm x 3 mm, 5 μm (Thermo Electron, R.U.); Discovery ZrPBD 50 mm x 4,6 mm, 3 μm (Supelco, États-Unis). Les trois premières colonnes sont à base de silice, la colonne PLRP-S est un polymère organique, la colonne Hypercarb est à base de carbone graphite poreux et la colonne Discovery ZrPBD est obtenue par recouvrement de zircone par du polybutadiène. L’eau était permutée et distillée. L’acétonitrile provenait de SDS (Peypin, France). Le dipotassium hydrogénophosphate, le potassium dihydrogenophosphate, l’acétate d’ammonium et l’acide formique ont été obtenus chez Sigma (St-Quentin Fallavier, France). Les tampons phosphate ont été préparés par pesée à partir des sels précédents. Le tampon acétate a été obtenu par ajustement avec l’acide acétique. Tous les tampons ont été filtrés sur 0,42 μm. Les composés suivants ont été obtenus chez Sigma (France): N,N-diméthylaniline (pKa=5,15); imipramine (pKa=9,4); quinine (pKa=8,4); diphenydramine (pKa=9,2); protriptylline (pKa=10,5); orthocrésol (pKa=10,3); benzène; propylbenzène; butylbenzène; pentylbenzène; phénol; la codéine (pKa=8,2) et la chloroprocaïne (pKa=9) ont été fournies gracieusement par le Laboratoire de Chimie Analytique de Genève. Les coefficients de diffusion, pour la détermination des courbes de Knox ont été calculés à partir de l’équation de Wilke et Chang selon une méthode décrite auparavant (7). III - Résultats et discussion Pour des colonnes remplies avec des particules de diamètre, dp, et pour un soluté de coefficient de diffusion, Dm, la hauteur de plateaux en coordonnées réduites (h = H / d p ) peut être exprimée en SPECTRA ANALYSE n° 254 • Janvier - Février - Mars 2007 39 TECHNIQUE INSTRUMENTALE fonction de la vitesse linéaire, u, par l’équation de Knox (20) : • h = A ⋅ (u ⋅d p / Dm )0,33 + B (u ⋅d p / Dm ) + C ⋅ (u ⋅d p / Dm ) (a) (u ⋅ d p / Dm ) est, par définition la vitesse linéaire réduite, ν. L’équation (a) s’écrit ainsi sous la forme : • h = A ⋅ν 0,33 + B ν + C ⋅ν (b) Cette équation est la somme de trois termes qui traduisent les trois contributions majeures au processus d’élargissement: la qualité du remplissage ainsi que la diffusion latérale dans la phase mobile (A.ν0.33), la dispersion des molécules par diffusion longitudinale dans la phase mobile (B/ν), et l’effet de la résistance au transfert de masse dans la phase mobile stagnante et la phase stationnaire (C.ν). A est dans une large mesure, indépendant de la température. Les termes B et C dépendent de la rétention du composé. La comparaison des courbes de Knox à différentes températures doit donc être effectuée à k constant. Il a été montré que pour des composés neutres, les coefficients B et C variaient peu ou pas avec la température (21, 7) ce qui se traduit par une seule et unique courbe h=f(ν) quelle que soit la température comme le montre la Figure 1 qui représente les courbes h en fonction de ν du butylbenzène pour différentes températures, sur une colonne de type zircone enduite de polybutadiène, et sur deux silices greffées différentes. Les courbes diffèrent selon les colonnes et en particulier les coordonnées du minimum dépendent de la phase stationnaire. Les silices greffées permettent toutes deux de travailler à des vitesses plus grandes et vont par conséquent générer, pour des efficacités identiques, des temps d’analyse plus faibles que la zircone. Par contre, pour une colonne donnée, les points obtenus à différentes températures se superposent parfaitement sur une seule et même courbe. Une exception concerne néanmoins les point obtenus à 120°C pour les valeurs élevées de ν. Ce comportement inattendu peut être attribué à un défaut de préchauffage qui n’est pas surprenant compte tenu des vitesses importantes générées dans les tubes de préchauffage pour des fortes valeurs de ν et des colonnes possédant des diamètres aussi importants. En effet, il a été démontré (7) que le préchauffage de la phase mobile est facilité en réduisant les diamètres de colonne. Une séparation de trois alkylbenzènes est montrée sur la Figure 2. Elle a été réalisée sur une silice greffée à deux températures différentes, à la vitesse optimum et avec la même force éluante (k constant). Ces deux chromatogrammes illustrent l’avantage de la HTLC. En effet, un facteur trois a été gagné sur le temps d’analyse entre 30°C et 90°C tout en conservant pour chaque pic la même largeur (en volume) et par conséquent, la même hauteur et donc la même sensibilité. Par ailleurs, la teneur en acétonitrile pour obtenir une force éluante identique a été réduite de 77% à 63%. La Figure 3 montre l’évolution de la pression dans le système en fonction du débit de la phase mobile, pour différentes températures. Cette évolution, conforme à la loi de Darcy est linéaire. Pour un débit donné, la pression diminue bien évidema) 0 2 Temps (min) 4 6 b) 0 0,3 0,6 0,9 1,2 1,5 1,8 Temps (min) Figure 1 Courbes de Knox du pentylbenzène (k=7) sur trois phases stationnaires à différentes températures: sur une colonne Discovery Zr-PBD ◆ 35°C-47%ACN ; ■ 90°C-37%ACN ; ▲120°C-30%ACN, sur RP-XTerra C18 ◆30°C-60%ACN ; ■ 60°C-55%ACN, sur HypersilGold C18 ◆20°C-70%ACN ; ■ 70°C-70%ACN. 40 SPECTRA ANALYSE n° 254 • Janvier - Février - Mars 2007 Figure 2 Séparation du propyl-, butyl- et pentylbenzène sur une Nucleodur Gravity C18. 30°C; 77% d’acétonitrile et 0,9 mL/ min (a). 90°C; 63% d’acétonitrile et 2,8 mL/min (b) Technique instrumentale L’intérêt de la haute température en chromatographie en phase liquide Figure 3 Evolution de la perte de charge sur la colonne DiscoveryZr-PBD en fonction du débit à différentes températures et dans des conditions de force éluantes identiques. .◆ 30°C47%ACN, ■ 90°C-37%ACN, ▲ 120°C-30%ACN; ● 150°C23%ACN. ment avec la température. Cependant, les débits optimums requis pour ces différentes températures et indiqués sur la figure induisent des pertes de charge d’autant plus grandes que la température est plus élevée. La HTLC ne peut donc malheureusement pas résoudre le problème des faibles diamètres de particules et des pressions élevées qu’ils engendrent. Les avantages de la HTLC pour des composés basiques sont multiples. Ils sont illustrés par les chromatogrammes de la Figure 4 qui montrent la séparation de trois composés pharmaceutiques sur une colonne Hypercarb et l’amélioration considérable en terme de temps d’analyse, de forme des pics, de sensibilité et de résolution qui est obtenue en passant de 60°C à 160°C. L’effet de la température sur la rétention ainsi que sur les sélectivités peut être expliqué à partir de la loi de van’t Hoff qui décrit la variation de log(k) en fonction de 1/T: • log k = − ΔH ° ΔS ° + + log φ 2,3RT 2,3R (c) où ΔH0 et ΔS0 sont respectivement les variations d’enthalpie et d’entropie lors du transfert du soluté de la phase mobile vers la phase stationnaire, R, la constante universelle des gaz parfaits et Φ, le rapport des volumes de phases. Dans le cas de composés neutres, ΔH0 et ΔS0 sont généralement indépendants de la température et par conséquent le tracé de log(k) en fonction de 1/T est linéaire avec une pente de ΔH0/2,3R. Par conséquent, pour des composés dont les enthalpies sont très proches, il est très difficile d’améliorer la sélectivité en modifiant la température. Sachant que les enthalpies de transfert sont généralement comparables pour les composés d’un même mélange, il est souvent bien incertain d’optimiser la température pour améliorer la qualité de séparation. En général, on préfère optimiser la composition de phase mobile à température fixée. Pour des composés ionisables et basiques en particulier, la situation est très différente. Ces composés existent dans la phase mobile sous les deux formes, neutre et ionisée. La rétention Figure 4 d’un composé basique est décrite par l’équation : • k = kHB + .τ + (1 − τ ).kB (d) où kB représente le facteur de rétention de la forme neutre, kHB+ le facteur de rétention de la forme ionisée et τ le taux d’ionisation. La loi de van't Hoff s'applique aux facteurs de rétention kB et kHB+ mais ne s’applique pas forcément au facteur de rétention k. En effet, le taux d’ionisation peut varier avec la température (20, 22). Cette variation dépend des enthalpies d’ionisation respectives du soluté et du tampon. Si elles sont identiques, il n’y a pas de variation de τ avec la température et la courbe log(k) en fonction de 1/T est en général linéaire. En revanche si les deux enthalpies sont différentes, ce qui est le cas lorsque le tampon est de type phosphate ou acétate, la variation de log(k) n’est plus linéaire en fonction de 1/T mais quadratique et même parfois sigmoidale (20). La rétention peut également dans certains cas augmenter avec la température. Ces différents cas sont illustrés sur les Figures 5 et 6 (voir page suivante). La variation de log(k) en fonction de 1/T a été étudiée pour différents solutés basiques et neutres sur une colonne à base de polymère organique et 40% d’acétonitrile (figure 5) avec un tampon phosphate de potassium (figure 5a) et un tampon acétate d’ammonium (figure 5b) ainsi que sur une colonne à base de silice et 30% d’acétonitrile (figure 6) avec ces deux Séparation de la codéine, de la chloroprocaine et de la diphénhydramine (dans l’ordre) sur colonne Hypercarb avec 90% acétonitrile à deux températures et deux débits différents. SPECTRA ANALYSE n° 254 • Janvier - Février - Mars 2007 41 TECHNIQUE INSTRUMENTALE a) b) Figure 5 Tracé des courbes log(k) en fonction de 1/T sur une colonne PLRP-S avec une phase mobile phosphate 15mM pH 6.0 -ACN 60-40 (v/v) (a); avec une phase mobile acétate d’ammonium 15 mM pH 6.0 – ACN 60-40 (v/v) (b). Solutés : ◆ chloroprocaine; ■ diphenhydramine; ▲ quinine; ● codéine; X benzène; x phénol. a) mêmes tampons (figures 6a et 6b). Le pH a été ajusté à la valeur 6.0 dans la phase aqueuse pour toute cette étude. Pour un composé basique, la rétention à 30°C sur une même colonne varie selon le tampon utilisé ce qui est logique puisque pour un même pH mesuré en phase aqueuse, le pH du milieu hydro-organique est différent selon le tampon et par conséquent, le taux d’ionisation du soluté est différent (23). Toutes ces courbes, montrent un comportement distinct selon la nature du soluté. Les composés neutres suivent parfaitement la loi de van’t Hoff sur les deux phases étudiées. Les courbes obtenues avec les deux tampons sont superposables. En revanche, pour les composés basiques, les courbes ne sont pas linéaires. Leurs formes dépendent des composés, du tampon et de la nature de la phase stationnaire. Ces courbes sont des portions de sigmoide avec une amplitude plus importante pour la colonne à base de silice. Avec ce type de phase, les rétentions augmentent de façon inattendue mais significative avec la température. Ces comportements atypiques sont logiquement expliqués par des variations de taux d’ionisation des composés avec la température. Il a été montré, en effet, que ce taux pouvait passer de 100% à 0% dans un intervalle de 100°C avec un tampon phosphate, l’intervalle de température nécessaire étant plus élevé avec un tampon acétate d’amonium (20). Ces courbes montrent également les variations de sélectivité qu’il est possible d’obtenir en modifiant la température qui devient ainsi un paramètre très intéressant pour la mise b) 1,20 1,00 1,00 0,80 0,80 0,60 0,60 0,40 0,40 log k 1,20 0,20 0,20 0,00 0,00 -0,20 -0,20 -0,40 -0,40 1/T x 1000 1/T x 1000 -0,60 -0,60 2,4 2,6 2,8 90°C 3 3,2 3,4 2,4 2,6 30°C 2,8 90°C 3 3,2 3,4 30°C Figure 6 Tracé des courbes log(k) en fonction de 1/T sur une colonne Nucleodur Gravity-C18 avec une phase mobile phosphate 15mM pH 6,0 -ACN 70-30 (v/v) (a); avec une phase mobile acétate d’ammonium 15 mM pH 6,0 – ACN 60-40 (v/v) (b). Même solutés que sur la Fig.5. 42 SPECTRA ANALYSE n° 254 • Janvier - Février - Mars 2007 Figure 7 Séparation de composés basiques en gradient d’élution acétate d’ammonium pH 6,8-acétonitrile sur colonne Hypersil Gold C18. 0%ACN à 90%ACN en 21,1min ; débit 0,7 mL/min ; 35°C (a). 0%ACN à 90%ACN en 7 min ; débit 2,1 mL/min ; 80°C (b). Technique instrumentale L’intérêt de la haute température en chromatographie en phase liquide au point de séparations de composés basiques. Les chromatogrammes de la Figure 7, réalisées en gradient d’élution montrent, pour des composés pharmaceutiques, outre un temps d’analyse trois fois plus faible, plusieurs inversions d’ordre d’élution entre 35°C et 80°C. L’amélioration des cinétiques de transfert avec la température, en particulier pour les interactions secondaires de type échange d’ions permet un gain considérable sur le nombre de plateaux et l’asymétrie des pics, ce que montrent respectivement les Figures 8 et 9. Alors que le nombre de plateaux du phénol est élevé et ne varie pas avec la température, celui de la chloroprocaine est très faible à température ambiante sur une colonne polymérique mais augmente régulièrement avec la température jusqu’à atteindre des valeurs proches de celles du soluté neutre (figure 8). Les colonnes à Figure 8 Nombre de plateaux 5000 Phénol 4000 Chloroprocaine 3000 2000 Comparaison de l’évolution du nombre de plateaux d’un composé neutre et d’un composé basique en fonction de la température sur une colonne PLRP-S. Phase mobile acétate d’ammonium pH 6.8 - acétonitrile 60-40 (v/v). Débit : 1 mL/min. 1000 0 80 100 120 140 160 180 Température (°C) Figure 9 2,2 35°C 60°C 2 Asymétrie Comparaison de l’asymétrie de la codéine à 35°C et 60°C pour différentes colonnes à base de silice. Phase mobile: acide formique pH 2,7-acétonitrile. 1,8 1,6 1,4 1,2 1 Hypersil Gold Blaze 200 Zorbax-SB X-Bridge SPECTRA ANALYSE n° 254 • Janvier - Février - Mars 2007 43 TECHNIQUE INSTRUMENTALE base de polymère organique qui ont des cinétiques de transfert souvent très lentes et qui par ailleurs sont très résistantes à hautes températures gagnent beaucoup à être utilisées au-dessus de 100°C. Les colonnes à base de silice ont également leur performance améliorée pour les composés basiques comme le montre l’évolution de l’asymétrie entre 30°C et 60°C pour différentes phases stationnaire à pH acide (figure 9). elle permet de réduire les temps d’analyse de façon significative sans perte d’efficacité et de diminuer également les teneurs en modificateur organique. Outre ces deux avantages, elle permet également pour les composés basiques, d’améliorer, souvent de façon considérable, la forme des pics sur tout type de phase stationnaire. De plus, du fait des variations atypiques de la rétention avec la température pour ce type de composé, le paramètre température constitue un outil de choix pour agir sur les sélectivités et ainsi optimiser les séparations. IV - Conclusion Nous avons montré que la chromatographie en phase liquide haute température apportait des avantages considérables par rapport à la chromatographie en phase liquide classique. Pour les composés neutres, BIBLIOGRAPHIE (1) ANTIA F.D., HORVATH Cs. High-performance liquid chromatography at elevated temperatures: examination of conditions for the rapid separation of large molecules. J. Chromatogr., 1988, 435, 1-15. (2) CHEN H., HORVATH Cs, High speed high performance liquid chromatography of peptides and proteins, J. Chromatogr. A, 1995, 705, 3-20. (3) YAN B. ZHAO J. BROWN J.S. BLACKWELL J., CARR P., High temperature ultrafast liquid chromatography, Anal. Chem., 2000, 72, 1253-1262. (4) THOMPSON J.D., CARR P.W. 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