ENERGIA 2.cdr
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ENERGIA INTERNATIONAL NETWORK ON GENDER AND SUSTAINABLE ENERGY FEMMES ET ENERGIE DANS LES PAYS DU SAHEL ENERGIA FEMMES ET ENERGIE DANS LES PAYS DU SAHEL Les ménagères sahéliennes face aux combustibles domestiques Le dossier que ENERGIA vous propose est la synthèse d'une série d'enquêtes réalisée dans plusieurs pays du Sahel : Burkina Faso, Cap Vert, Mali, Niger, Sénégal et Tchad. Ces enquêtes couvrent la diversité des situations et des relations énergies domestiques et femmes dans la sous-région. Les enquêtes menées au Mali, au Burkina, au Niger et au Tchad ont mis l'accent sur l'utilisation et la vente du bois de chauffe et du charbon de bois. Au Sénégal, les enquêtes ont insisté sur l'utilisation et la vente du charbon de bois et du gaz butane. Le Cap Vert a, quant à lui, mis l'accent sur le gaz butane et le bois. Le Niger a aussi abordé la question du charbon minéral en tant que combustible de substitution au bois de feu. Dans le cas du Mali, est abordé le charbon de biomasse utilisé par les ménagères maliennes. Quant à la Mauritanie, le dossier s'inspire d'une enquête menée en 2003 par le PREDAS et un bureau d'études, CECO. A partir d'un canevas, le choix de thèmes a été librement fait par les coordonnatrices responsabilisées dans chaque pays et tient compte des problèmes actuels dans ces pays en termes d'utilisation de combustibles domestiques. Ce dossier fait donc une synthèse des analyses proposées par les coordonnatrices des enquêtes menées dans les différents pays sur les principaux combustibles domestiques. Il convient de préciser qu'il s'agit de la perception des femmes sahéliennes dans les différents segments des filières énergies domestiques notamment la consommation, la transformation (par exemple le bois en charbon de bois), la commercialisation ainsi que les activités génératrices de revenu. Aussi certaines appréciations notamment les coûts peuvent ne pas refléter les résultats d'une analyse économique rigoureuse. « INTRODUCTION Le bois s'est imposé à moi, je ne l'ai pas choisi, c'est la source d'énergie traditionnelle que j'ai trouvée ». C'est ainsi que s'exprime une ménagère nigérienne. C'est le plus souvent la situation de bon nombre de ménagères des pays du Sahel qui n'ont à leur portée que le bois comme combustible pour la cuisson des repas. En effet, utiliser le bois, le charbon de bois, le gaz butane, le pétrole lampant, le charbon minéral ou le charbon de biomasse comme combustible domestique ne relève pas du bon vouloir des ménagères sahéliennes. Il dépend de deux choses essentielles qui sont la disponibilité des combustibles c'est-à-dire leur approvisionnement aisé et régulier, et l'accessibilité du combustible c'est-à-dire son prix. En milieu rural, l'on constate que dans certaines contrées, particulièrement arides et pauvres, les femmes utilisent comme combustibles, outre le bois devenu rare, la bouse de vache, les racin es, les vieux tissus et des sachets plastiques. Mais dans l'ensemble des pays sahéliens, le combustible le plus utilisé et le moins cher demeure le bois quoique les préférences vont de plus en plus vers d'autres combustibles comme le charbon de bois et le gaz butane. 1 I. LE BOIS DE CHAUFFE : COMBUSTIBLE LE PLUS UTILISE ET LE MOINS CHER Le bois de chauffe est le combustible le plus utilisé dans les pays sahéliens. Il est perçu par ailleurs par les femmes sahéliennes comme le combustible le moins cher. Cette perception n'est pas basée sur des résultats d'analyses économiques établies. Bûcheronne : une activité qui ne conviendrait pas aux femmes ? « Une hache, un âne, un bidon et le repas : ce sont mes moyens de travail quand je pars en brousse. » C'est Oumou, la bûcheronne malienne du village de Kasséla qui parle. Au Mali, Oumou coupe le bois et le transporte (à raison d'une charretée par semaine) au marché rural. Munie d'une autorisation de coupe qu'elle obtient en payant une taxe de 2000 FCFA par Alibi casse le bois vert comme indiqué par le forestier semaine, Oumou sait qu'elle n'a pas le droit de couper le bois vert ni d'aller n'importe où : les espaces à exploiter sont délimités. Etre bûcheronne, c'est simplement une activité qui permet d'obtenir des revenus substantiels. Oumou l'exprime en ces termes : « Ici, nous avons des problèmes. Aucune activité ne rapporte. C'est le seul moyen pour nous les femmes d'ici de s'en sortir». C'est un travail pénible mais qui rapporte de l'argent. En effet, Alibi cite les risques que tous les exploitants forestiers courent chaque fois qu'ils vont dans les forêts pour la coupe du bois et les autres opérations de nettoyage, de semis directs, de pare-feux, de coupe, de débardage, de chargement, etc.: les longues distances à parcourir entre le village et la forêt, le transport du bois sur la tête, les courbatures, les palpitations cardiaques. Il y a aussi les risques de blessures avec la hache et les souches, les 2 morsures de serpent et autres insectes venimeux. Pour être bûcheronne au Burkina, il faut appartenir à un groupement de gestion forestière. Madame Yaro Alibi du village de Dana, dans la région du Centre Ouest du pays, dit que c'est pour obtenir plus d'argent qu'elle s'est engagée dans l'activité de bûcheronne. Avant cette conversion dit-elle, « je vendais des beignets le jour de marché et, de temps en temps, de la bière de mil. » Je gagne plus d'argent qu'avant et je peux m'acheter des ustensiles de cuisine. J'aide mon mari à acheter les vivres en période de soudure. Je mène cette activité pour subvenir à mes besoins personnels, à la scolarisation de mes enfants, à leur habillement et à leur santé ». Elle poursuit en ces termes. « Comme acte communautaire j'ai cotisé pour la construction de l'école de notre village ». Selon Oumou, le Etre bûcheronne une activité féminine ? C'est traditionnellement une activité exclusivement réservée aux jeunes adultes en particulier. L'activité de la coupe de bois exige de la force physique et pour des questions d'esthétique, il ne sied pas à une femme d'être musclée. Or l'activité de bûcheronne raffermit les muscles. Mais depuis une vingtaine d'années que les activités d'aménagement forestier ont démarré dans les pays sahéliens, ces considérations tombent en désuétude. Oumou est bûcheronne à Kasséna au Mali et Alibi l'est à Dana au Burkina Faso. Toutes les deux coupent le bois dans les espaces aménagés et le vendent pour subvenir à leurs besoins. « Depuis que je suis bûcheronne, je suis devenue plus indépendante financièrement ».dit Alibi. « Au village, nos besoins essentiels sont les vivres, la scolarisation des enfants, un peu d'argent pour les événements sociaux. Quand on arrive à faire ce minimum, on est comblé de joie » dit elle. Armande Sawadogo côté bénéfique « c'est que l'on peut exercer cette activité quelle que soit la situation financière. On n'a pas besoin de disposer d'un fonds de commerce comme l'exigent d'autres activités. Et l'argent qu'on y gagner est un acquis. Avec deux chargements dans la semaine par exemple, je peux avoir tout au plus 5000 F et tout au moins 3500 F, 4000 F. » La coupe du bois, une activité contrôlée. Au Burkina Faso, la coupe du bois est assurée par les groupements de gestion forestière reconnus par la loi. Hommes et femmes s'y mobilisent et sont formés à cette activité qui a le double objectif de gérer les forêts villageoises de manière rationnelle et de procurer des revenus aux populations riveraines. Les coups de hâche sur l'arbre La coupe du bois devient illégale en dehors des espaces prévus et des périodes indiquées par les agents des eaux et forêts qui encadrent l'activité. Au Mali, il faut se munir d'un ticket du service des Eaux et Forêts qui donne l'autorisation de couper le bois sinon on s'expose à des représailles et à de lourdes amendes. Selon Oumou, « s'il vous arrive d'exploiter sur un espace protégé et que les Eaux et forêts vous découvre, vous avez des problèmes ». Au Burkina, il existe des périodes indiquées pour la coupe du bois vert (janvier à mars) qui sèche et est, plus tard, acheté par les grossistes transporteurs. Dans les îles du Cap Vert, la vente du bois est illégale et la police locale confisque les fagots disposés au bord des routes. Ribeirao Chiqueiro est l'un des rares villages de l'archipel où l'on trouve des fagots de bois en vente au bord de la route. Selon Angelina Freire, vendeuse de bois, (et certainement bûcheronne aussi) l'autorisation de couper le bois n'est valable que durant trois mois dans l'année ce qui est très insuffisant. Alors Angelina fait la coupe sans autorisation le reste de l'année dans les « forêts périmètres publics », à ses risques et périls. Elle vend le bois récolté illégalement à raison de 100 escudos le fagot. Au Cap Vert, le bois est le combustible des pauvres. Madame Nela, est une dame âgée et qui a longtemps utilisé le bois et le charbon de bois du temps où l'archipel en regorgeait. Elle possède une propriété où elle permet aux femmes pauvres de se servir en bois pour la cuisson des repas et pour la vente. « Ces femmes-là ne peuvent pas se permettre d'acheter le gaz. » dit-elle. La vente du bois en milieu rural. C'est une activité nouvelle car en milieu rural, les brindilles collectées aux abords des cases pour les besoins de la cuisine suffisaient largement à la consommation familiale. Aujourd'hui, le bois est vendu même en milieu rural et est source importante de revenus pour les femmes. Alibi la bûcheronne burkinabè dit qu'elle vend du bois au bord de la route par tas de 100 FCFA. Des fagots de bois sont disposés le long des routes. Au Mali, Diarra Massira Traoré du village de Kasséla se fait livrer le bois pour le vendre. Des bûcherons enlèvent le bois dans la forêt aménagée de Faya. Massira appartient à un groupement de 40 femmes qui exercent la même activité. Pour vendre ce bois Massira, à l'image de ses consœurs, paye une taxe de 2000 FCFA. Le groupement travaille en étroite collaboration avec les exploitants du marché rural de Kasséla, Mme DIARRA Massira TRAORE détaillante de bois au Mali 3 dans le cadre du comité de gestion mis en place. Ainsi, on assiste en zone rurale à l'émergence de filières commerciales de collecte, de transport et de distribution du bois. Ce constat a été fait partout dans les pays sahéliens et particulièrement en Mauritanie. Dans ce pays, le phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il s'observe dans la zone du Fleuve et dans la zone sylvo pastorale, toutes les deux, traditionnellement pourvoyeuses en bois de feu. D'abord, les grossistes élèvent le prix du bois parce qu'ils versent une taxe importante au service des eaux et forêts. Ensuite moi aussi je verse une taxe de 2000 F lors de chaque marché hebdomadaire ». Au Niger, Madina par contre trouve les taxes abordables. Elle le dit en ces termes : « nous revendeuses, nous payons 150 FCFA par mois. Mais les propriétaires de camions quant à eux, payent environ 3000 FCFA de taxes par voyage». Le bois revient cher aux femmes surtout à cause des taxes. Au Burkina Faso par exemple, le prix du bois est fixé par les autorités du ministère chargé de l'Environnement. Et depuis une vingtaine d'années, ce prix n'a pas changé. Il est de 2000 FCFA le stère auprès des grossistes transporteurs. Au Tchad, Akhayé Harouna s'approvisionne en bois en l'achetant par tas dans les villages. Elle dit que « le prix d'un tas composé de 6 morceaux de bois et pesant environ 2 kgs, se vend à 50 FCFA. Ce prix varie d'une contrée à l'autre.» Elle achète le bois aussi avec les grossistes transporteurs. Les femmes détaillantes de bois de chauffe n'ont pas toujours besoin de se déplacer. La vente au détail des combustibles ligneux est une activité exclusivement féminine surtout dans les centres urbains. Les vendeuses de bois s'approvisionnent chez des grossistes/livreurs. Le bois est livré par des camions ou encore par des charrettes tractées par des ânes. Les détaillantes s'approvisionnent pour la plupart auprès des grossistes transporteurs. Au Tchad, « l'approvisionnement est assuré par les commerçants grossistes du bois. Ils vont à des centaines de kilomètres dans la brousse pour couper le bois mort ou parfois le bois vert qu'ils font sécher pour ensuite nous les vendre » dit Akhayé Harouna. Au Mali, Tigane Badjé Fofana, vendeuse de bois et de charbon de bois à Bamako va elle-même chercher le bois dans la forêt avec les chauffeurs de camions. Et dans ce cas, le bois lui revient un peu moins cher. Il arrive aussi qu'elle fasse venir le bois par les transporteurs. Au Niger, Madame Madina Mamane s'est abonnée auprès d'un propriétaire de camions, exploitant de bois qui lui livre les bûches à domicile. Les femmes détaillantes de bois de chauffe n'ont pas besoin de se déplacer. Au Burkina, Florence le confirme en ces termes « vendre le bois ne nécessite pas de déplacements, dans la mesure où les grossistes transporteurs assurent la livraison et les bûcherons ambulants fendillent les grosses billes en petits morceaux immédiatement utilisables». Juliette a fini de disposer son bois en fagots Après l'avoir fait fendiller, les femmes revendent le bois par petits fagots et on y trouve tous les prix. Il s'agit en effet d'adapter les prix aux conditions des clientes c'est-à-dire les voisines ménagères, mais aussi aux boulangers, dolotières, grilleurs de viandes, etc. qui prennent de grosses quantités. Les taxes liées au bois sont très importantes. Akayé Harouna de Ndjaména, estime que les taxes constituent son plus gros souci : « je suis une revendeuse, je subis une double charge. 4 En hivernage, le bois est rare, donc il coûte plus cher. Pendant la saison pluvieuse dit Madina, au Niger « le bois est rare et il coûte plus cher. La plupart des camions sont en mauvais état. Ils n'ont pas accès aux zones forestières lorsqu'il y a une forte pluie ». Selon Badjé du Mali, le bois est plus cher en saison pluvieuse et pendant la saison froide. Pour Florence au Burkina Faso, «pendant la saison pluvieuse, il y a des difficultés pour l'approvi-sionnement en bois à cause de l'état des pistes d'accès dans les forêts. Il y a aussi les travaux champêtres qui occupent tout le temps donc on ne peut plus faire de commerce de bois. Les prix du chargement de bois sont trop élevés ». Florence note que ce problème d'approvisionnement aurait pu être Stock de bois résolu si elle avait suffisamment d'argent pour stocker le bois en saison sèche et le vendre en saison pluvieuse. Mais hélas ! Pour Madina « plus l'offre est inférieure à la demande, plus les spéculations sont permises. Alors on peut se permettre de vendre le bois un peu plus cher que d'habitude. » Pourquoi vendre du bois ? A priori aucune raison n'explique le choix du bois comme activité lucrative. Au Niger, Madina explique son choix en ces termes : « En fait, au début, je vendais uniquement des galettes mais j'ai réalisé que cette activité ne me permettait pas de subvenir suffisamment aux besoins de ma famille. Alors, pour étendre mes possibilités, j'ai commencé à titre d'essai la vente de bois grâce à un prêt de 100 000 FCFA que j'ai contracté auprès de notre groupement de femmes». A Ouagadougou, Florence dit qu '« elle ne pouvait s'asseoir à ne rien faire. Je vendais d'abord des noix de cola et après j'ai viré dans la vente du bois et du charbon de bois. On y gagne mieux ». Pour Badjé qui fait le commerce de bois depuis 13 ans, elle a pris l'habitude de vendre le bois et comme ça marche, elle n'a pas envie de laisser tomber. Au début de l'activité, elle vendait des petits fagots et elle a ensuite pris un prêt dans une caisse d'épargne qui lui a permis d'acheter de grosses quantités. On gagne de l'argent dans la vente du bois. Au Tchad, Akhayé dit qu'elle réalise un bénéfice de 100 %. En effet, elle achète le bois à 50 FCFA le tas et le revend à 100 FCFA. Un bon nombre de femmes réalisent des bénéfices substantiels dans le commerce du bois. A Ouagadougou, Florence assure dit qu'elle gagne 1500 à 1750 FCFA de bénéfice sur un chargement de charrette de 15 000 F. Et quand elle achète plusieurs stères avec un grossiste camionneur, elle gagne 1500 F par jour soit environ 40 000 FCFA dans le mois comme bénéfice. Madina à Niamey se fait livrer 15 stères tous les 3 jours. Elle dit que « le bois me procure tous les 3 jours environ 5000 F CFA de bénéfice ; soit 50 000 FCFA par mois ». Le combustible principal. Au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Tchad, le combustible principal utilisé dans les ménages pour la cuisson des repas est le bois. Au Sénégal et en Mauritanie, on constate que le charbon de bois est le plus largement utilisé. En Mauritanie, en milieu urbain, 43,1 % des ménages utilisent le charbon de bois comme principal combustible de cuisson. On constate par ailleurs qu'en moyenne un ménage sur deux utilise le charbon de bois comme combustible d'appoint. Cette situation traduit non seulement une évolution des villes secondaires vers le charbon de bois, mais aussi celle des campagnes. En Mauritanie, le gaz butane apparaît comme le principal combustible pour 37,2 % des ménages. Il est probable que cette situation ne reflète pas la réalité au niveau national de la Mauritanie.. Mais, si l'on observe que 21 % des ménages ruraux recourent au gaz en première intention, il y a là une tendance, un mouvement réel allant dans le sens d'une plus grande consommation de ce combustible. Quant au bois de chauffe, il marque un décrochage en milieu urbain (19 %), mais demeure au même niveau que le charbon de bois en milieu rural (31,5 %), où il reste concurrencé par le gaz butane en tant que combustible d'appoint. (Etude PREDAS Mauritanie) 5 Selon Badjé, « tout dépend du marché. Les jours où ça marche bien, je peux vendre pour 15 000 à 25.000F, cela en période d'hivernage, dans le cas contraire, c'est entre 10 000F et 15.000F/jour ». Avec les bénéfices obtenus, Florence dit qu'elle nourrit mieux sa famille et en plus elle fait face aux dépenses liées aux Mme Akhayé Harouna, du village Midékhine dans la Sous-préfecture de Mani au Tchad événements sociaux : baptêmes, mariages, funérailles, etc. La famille profite des écorces, des petits morceaux de bois, c'est-à-dire des produits non vendables mais utilisables comme combustibles». Pour Akhayé du Tchad, il est difficile de vivre décemment du fruit de son commerce de bois. « Il faut avouer que j'essaie de survivre avec le peu que je gagne. Cela me permet de subvenir aux besoins quotidiens de la famille. L'argent que mon époux me donne n'est pas suffisant, car nous sommes une famille nombreuse composée de 13 personnes ». Pour Madina, « mon niveau de vie et celui de ma famille se sont nettement améliorés. J'ai quatre enfants que j'entretiens. Je les ai inscrits dans une école privée de la place pour leur assurer un bel avenir. » Pour Badjé « mon bénéfice, c'est quand je parviens à faire face à mes problèmes qu'ils soient personnels, d'ordre familial ou communautaire ». « Je ne peux pas définir de bénéfice proprement dit. » poursuit-elle, « J'arrive à régler ma contribution dans les tontines et à faire face à mes dépenses quotidiennes et c'est là mon bénéfice. » Utilisation du bois et santé. Le bois si chèrement planté, entretenu et coupé avec mille précautions par les exploitants forestiers est utilisé surtout pour la cuisson de l'ensemble des repas. 6 Juliette du Burkina Faso cite les inconvénients à l'utiliser : « trop de fumée, très salissant à cause de la suie, les mauvaises odeurs dénaturent le goût des repas ». A cela il faut ajouter que l'utilisation du bois entraîne « le picotement des yeux, des difficultés respiratoires, la transpiration et l'écoulement des narines. Donc on tousse, on éternue, on s'enrhume et on larmoie. » « Les enfants ont les mêmes malaises et les mêmes symptômes que les adultes. Ils pleurent en se frottant les yeux et le nez contre le dos de leurs mamans. Ils ont de difficultés pour respirer et cela se termine par une toux.» On ne fait pas le lien entre pollution des cuisines et santé des femmes. Jusqu'ici et dans l'ensemble des pays du Sahel, aucune étude n'a démontré le lien direct entre la pollution intérieure des habitations et la dégradation de la santé des femmes et des enfants en particulier. Les femmes préparent les repas le plus souvent à l'intérieur de cuisines exiguës et mal aérées (on estime environ à 20 Mme Kaltouma Kabo, 37 ans résidant au quartier Am-Toukoungne, N'Djaména au Tchad m2 la surface d'une cuisine dans les pays du Sahel). Il y a donc beaucoup de fumée nocive. Les femmes n'aiment pas préparer les repas dans la cour à cause de la divagation des animaux, des enfants qui jouent et qui peuvent se brûler, du vent qui favorise la consommation du bois, etc. Les femmes qui préparent les repas se plaignent d'avoir des problèmes de respiration, des maux de tête ou d'yeux. Elles portent la plupart du temps leurs bébés sur le dos (jusqu'à ce que ceux-ci aient 17-24 mois) pendant qu'elles font la cuisine. Les bébés présentent les mêmes symptômes que leurs mères. Généralement, ce sont les enfants qui sont les plus affectés par les infections respiratoires aiguës. Par ailleurs les femmes ont souvent des problèmes de toux liés à la cuisson des repas. Pour la plupart, elles ne font pas le lien entre la pollution intérieure dans les cuisines par l'utilisation du bois et les maladies respiratoires et leur santé. Cuisiner au bois, à la bouse de vache, au charbon et résidus agricoles sur des foyers rudimentaires constitue la réalité quotidienne de nombreuses ménagères sahéliennes en milieu rural. Certaines, par manque de combustibles ou de moyens financiers, utilisent des racines, du plastique ou des morceaux de tissu pour préparer un repas par jour. On considère que cela fait courir un risque majeur de maladies respiratoires aux adultes notamment les femmes et les enfants. A l'âge de 8 ans, la jeune fille commence à préparer le repas, jusqu'à la retraite. Très tôt, les jeunes filles et les femmes sont exposées à la fumée. Mme Kaltouma Kabo de NDjaména au Tchad dit ceci : « Evidemment, l'utilisation du bois n'est pas sans conséquence. La première victime est la ménagère elle-même. La fumée qui se dégage Combustible polluant. Il est important de souligner que les analyses effectuées sur les combustibles ligneux contiennent une quantité signifiante de divers polluants pour lesquels beaucoup de pays définissent des standards de qualité d'air extérieur. Ce sont par exemple le monoxyde de charbon, les particules, hydrocarbure et oxydes d'azote. Beaucoup de ses composantes organiques sont considérées comme étant toxiques ou cancérogènes comme le benzène, le formaldéhyde et les hydrocarbures poly aromatiques. Mireille Ehemba est nocive pour les yeux : pendant tout le temps que dure la cuisson, je ne fais que larmoyer ». Madame Niaré Assitan de Bamako au Mali de renchérir : « Ah ! Le bois dégage de la fumée bien sûr et cela fait mal aux yeux. » Pour Aïchatou Aboubacar du Niger, « il peut arriver que le bois ne soit pas sec en saison des pluies ou quand il pleut, là effectivement, il y a un dégagement de fumée qui peut être nocif pour la santé. » Pour Nassa Juliette au Burkina Faso, elle dit ressentir les malaises suivants en sortant de la cuisine : « picotements dans les yeux, difficultés pour respirer, sueur qui coule, écoulement du nez. » Et pour les enfants, « ils ont des malaises comme des pleurs en se frottant le nez contre le dos de leur mère. Ils ont des difficultés pour respirer et ils toussent ». Lutter contre la désertification, oui, mais il faut vivre ! : Avec la sensibilisation que mènent les médias, la population est bien consciente, et ce depuis longtemps, que l'utilisation du bois doit se faire de manière rationnelle. Selon Alibi la bûcheronne burkinabè, « pour la communauté villageoise et le pays, l'activité de coupe permet de réglementer la coupe du bois vert et permet ainsi de régénérer la forêt ». Angelina, vendeuse de bois dans un village du Cap Vert dit qu'elle est consciente que le pays dispose de peu de ressources environnementales mais « nous devons vivre d'une manière ou d'une autre , surtout quand on a une famille à soutenir » dit elle. Au Cap Vert, la coupe du bois est interdite même dans les propriétés privées. De mars à juin, il est possible de couper le bois avec une machette, une hache ou une scie. Seules dans les zones irriguées, la coupe du bois est autorisée pour permettre la préparation des terrains pour les cultures. Sur l'archipel, plus de 600 gardiens forestiers et une dizaine de policiers exercent un contrôle sur l'exploitation et le commerce du bois. Au Niger, les femmes interviewées estiment que l'utilisation d'autres sources d'énergie comme le charbon minéral et le gaz butane contribueraient à diminuer l'utilisation excessive du bois de chauffe et préserveraient mieux l'environnement. Utilisation du bois et confort. Aïchatou Aboubacar du Niger dit qu'« on ne peut pas dire que le bois est le combustible idéal mais c'est le plus accessible. On peut même trouver du bois à 50 F à la différence des autres combustibles». Selon Kaltouma, « l'utilisation du bois n'est pas facile. Après avoir allumé le feu, il faut l'éventer pendant longtemps avant d'obtenir des braises ardentes. Vous comprenez que la cuisson est très lente. La ménagère doit s'armer de patience. Le plus grand désagrément est vécu pendant la saison pluvieuse. Lorsque le bois est mouillé, il faut déployer toute son énergie pour attiser le feu». 7 II. LE CHARBON DE BOIS : COMBUSTIBLE DES VILLES Pour faire un kilogramme de charbon, il faut disposer de 5 à 8 kilos de bois selon les rendements des meules de carbonisation. Si du Mme Alima SACKO met le charbon en sac point de vue de la dégradation de l'environnement, l'on ne peut pas recommander la fabrication du charbon, il faut noter que c'est un combustible plus pratique, plus propre que le bois et mieux adapté aux conditions de logement en milieu urbain (plusieurs locataires dans la même cour, appartements) de même que les habitudes culinaires des pays du Sahel (long mijotage de certains mets, grillades de viande et de poisson, etc.). De ce point de vue, le marché du charbon de bois a encore de beaux jours devant lui. Assitan du Mali, pourrait se passer de la cuisine au bois si elle avait des conditions plus favorables. Selon elle, l'intérêt de la cuisine au charbon, est qu'il ne dégage pas de fumée comme c'est le cas du bois. En Mauritanie, le charbon de bois est le combustible le plus utilisé notamment dans les centres urbains. Le charbon de bois et la création de richesses. Au Sénégal, l'exploitation du bois en vue de la fabrication du charbon de bois est pour la plupart détenue par des organismes d'exploitation forestière agréés par le Ministère chargé des Eaux et Forêts. Ces organismes d'exploitation forestière maîtrisent toute la filière charbon de bois, depuis la production jusqu'à la commercialisation. Ce sont les « diallos keurigne » qui sont chargés de la distribution du charbon 8 qu'ils vendent dans des parcs à charbon, situés dans les quartiers des villes particulièrement dans les banlieues. Néanmoins on trouve de plus en plus de femmes qui commercialisent du charbon de bois dans les centres urbains une partie de l'année ou même toute l'année. Les femmes pour la plupart mènent l'activité de vente du charbon de bois pour gagner de l'argent et faire face aux dépenses familiales et sociales comme la scolarisation des enfants, la cuisson des repas, les soins pour la santé, l'organisation d'événements familiaux et sociaux, etc. Au Sénégal, les femmes interviewées disent qu'elles s'en sortent grâce à ce commerce. Elles organisent des tontines de 100 à 500 FCFA par jour et à la fin du mois elles gagnent 30.000FCFA, ce qui leur permet, en plus des bénéfices de la vente du charbon, de répondre aux exigences des dépenses quotidiennes. Les femmes qui s'adonnent à cette activité sont des chefs de famille, ou encore vivent dans des ménages polygames. Dès qu'elles ont une coépouse, elles se battent pour s'occuper de leur progéniture, le mari ne leur portant plus l'attention d'antan. Au Burkina, les femmes ensachent le charbon qu'elles vendent à 50 F, 100 F et plus. Elles se retrouvent avec un bénéfice net de 1500 juliette met le charbon en tas FCFA à 2000 FCFA par jour Au Niger, les femmes s'organisent pour faire des tontines journalières (1000 FCFA par jour et elles touchent 30 000 FCFA par mois) ou mensuelles et touchent dans un groupe de 20 femmes une somme de 100 000 FCFA. Au Tchad, Mme Am-Rakhié, du village de Kournari atteste que : « Je revends le sac de charbon à 3.000 F CFA. Il faut préciser que je verse une taxe de 250 F CFA par sac aux agents des services des eaux et forêts. Tout calcul fait je réalise un bénéfice de 750 F CFA par sac. Chaque semaine, je parviens à écouler une quinzaine de sacs de charbon soit environ 45 000 CFA/mois de bénéfice. Dieu merci, cela me permet de tirer mon épingle du jeu ». Mme Am-Rakhié, du village Kournari dans la Sous-préfecture de Koundoul au Tchad « J'avais commencé à exercer ce commerce avec une dizaine de sacs au départ. A l'heure où je vous parle, je suis à une quarantaine de sacs. Ce qui prouve que mon commerce prospère bon an mal an ». « Il y a 20 ans de cela, lorsque j'avais commencé à exercer ce métier, le sac coûtait 2.500 F CFA. Aujourd'hui, il oscille entre 6 000 et 7 500 F CFA. Ce qui prouve que le prix a grimpé de manière vertigineuse », indique Aché. « J'ai remarqué qu'à l'approche des fêtes, les demandes de mes clients dépassent mes capacités. Il m'arrive d'écouler jusqu'à 60 sacs dans la semaine. Ce qui m'oblige à emprunter des sacs de charbon auprès de mes sœurs vendeuses d'autres localités », souligne Aché. « Au regard de l'évolution du marché, il serait malhonnête de ma part de vous affirmer que le marché est stationnaire. Ça évolue mais au détriment des pauvres. Le prix du sac n'est pas à la portée de toutes les bourses », argumente Aché du Tchad. Elle ajoute : « L'utilisation du charbon demeure encore tenace dans la mentalité des femmes tchadiennes. C'est vrai, quelques unes d'entre elles utilisent le gaz, mais cette proportion est minoritaire. C'est pour vous dire que, malgré l'utilisation du gaz, le charbon a encore un avenir prometteur au Tchad. Donc, nous les femmes commerçantes du charbon, nous ne nous plaignons pas.» Quelques contraintes néanmoins. Les femmes rencontrent des problèmes liés à l'activité de vente du charbon de bois : 6 il y a trop de poussière dans les sacs. Non seulement elle est invendable mais en plus elle est nocive. Les femmes disent consommer du lait le soir pour dégager un peu la poussière de leurs voies respiratoires ; 6 les commerçantes détaillantes de Femme et productrice de charbon, une activité rare. Etre une femme productrice de charbon (ou charbonnière) paraît une activité normale à Kasséla, au Mali. Ailleurs, c'est une activité exclusivement masculine, les femmes se chargeant surtout de la vente. Mais à Kasséla, seules les activités liées au bois et au charbon de bois sont génératrices de revenus. Alima Sacko a 46 ans et exerce le métier de charbonnière depuis 15 ans. Alima produit le charbon avec le bois que les charretiers lui vendent. Ceux-ci opèrent dans les espaces aménagés. Dans la semaine, elle arrive à produire 10 à 15 grands sacs qui se vendent en moyenne à 3000 FCFA le sac. Les moyens de travail de Alima sont rudimentaires bien qu'elle soit organisée dans un groupement de charbonniers avec 5 autres femmes et des hommes : une barrique, 2 pelles grosses dents et petites dents. Alima a été formée à la nouvelle technique de carbonisation qu'elle a pratiqué pendant deux ans. Mais elle a arrêté car dit-elle, « la nouvelle technique est rentable même si son utilisation demande une grande quantité de bois. En effet, le temps de production du charbon est plus court (2 à 4) jours contre une semaine pour l'ancien système.» Alima est épuisée par ce travail. Si elle avait le choix elle l'abandonnerait. Niaré Boudua KONTE 9 charbon n'ont pas de place fixe dans les marchés. De plus, les autres commerçants font du lobbying pour qu'on les renvoie du marché car il y a trop de poussière, ce qui dérange ; 6 au plan social, les autres femmes considèrent que la vente du charbon n'est pas une activité esthétique pour une femme. Mais, pour les vendeuses de charbon, peu importe l'esthétique, il s'agit d'exercer une activité génératrice de revenus et donc elles continueront à se battre pour se faire respecter au marché et disposer d'un endroit stable. Au Tchad, Am-Rakié apprécie le prix du charbon en ces termes : « Sincèrement, le prix est élevé. J'achète un sac de charbon dont le poids varie de 25 à 30 kg à 2 000 F CFA chez le grossiste. Le prix varie selon les périodes. En saison pluvieuse le prix d'achat du sac de charbon double voire triple ; surtout au mois d'août l'achat des sacs de charbon est un peu difficile. Ce n'est pas à la portée des commerçants détaillants puisque les prix sont élevés », confie-t-elle. III. LE GAZ BUTANE OU LE COMBUSTIBLE CONFORTABLE Dans les pays sahéliens et quand on observe l'échelle énergétique, le gaz butane peut être considéré comme le haut de gamme. L'utilisation de l'électricité reste très marginale et concerne quelques ménages riches. Dans les pays comme le Sénégal, la Mauritanie, la Gambie et le Cap Vert, les Etats ont mené une politique de diffusion massive du gaz butane pendant plusieurs années dans l'objectif de Le gaz butane moins cher que le charbon de bois ? A priori, le prix du gaz est un facteur limitant pour son utilisation massive. Mais dans les centres urbains où les familles deviennent de plus en plus petites, il apparaît quelques fois que le gaz butane est moins cher que le charbon de bois. Au Sénégal, le gaz se fait de plus en plus rare et son prix augmente régulièrement. De nos jours, la bouteille de gaz de 6 kg (la plus utilisée) est vendue à 2000 FCFA. Cependant, pour de nombreuses femmes, le gaz reste toujours plus économique que le charbon de bois. Pour un repas de midi, elles utilisent 2 à 3 kg de charbon et pour le couscous de mil 3 à 4 kg de charbon de bois. Le kg de charbon de bois est à 200 FCFA. Selon elles, le seul avantage du charbon c'est qu'il peut se vendre en petites quantités. La bouteille de 6 kg dure une dizaine de jours en moyenne pour un ménage de 8 à 10 personnes. Et ce, en utilisation exclusive pour le petit déjeuner et le déjeuner. En cas de rupture de gaz, les femmes achètent systématiquement du bois ou du charbon de bois. Mireille Ehemba 10 diminuer la pression de l'homme sur le couvert végétal. Mais du fait de la non disponibilité du gaz et de son prix, la butanisation n'est pas encore une réalité partout. Mlle Khadidiatou Dia : j'utilise le gaz ça fait plus de 5 ans. Je le préfère au charbon de bois. Au Burkina Faso, au Mali et au Niger de vastes campagnes ont permis de faire connaître le gaz butane et ses avantages par rapport, d'une part, à la régénération de l'environnement et d'autre part, au confort des ménagères. Des externalités positives. On peut noter les externalités positives de la politique de butanisation sur la vie des femmes car ces dernières mentionnent et apprécient le confort, la rapidité, la propreté, la réduction de la pénibilité des tâches de corvée de bois, et au dessus de tout, la préservation de la santé dans l'utilisation de ce combustible moderne. Selon Madame Dona Nela du Cap Vert, chaque famille devrait faire l'effort d'utiliser le gaz butane afin d'éviter que la femme reste esclave de la cuisine où elle passe plusieurs heures de la journée à cuire les repas. Le gaz butane : des avantages indéniables aussi bien pour l'environnement que pour la ménagère Au Niger, Maïmouna Ousmane travaille dans une petite bourgade située à plusieurs centaines de kilomètres de Niamey. Elle utilise le gaz butane comme principal combustible. Elle apprécie « la cuisson au gaz est plus rapide, mais surtout propre. A tout moment je peux rapidement mijoter quelque chose et manger sans trop peiner autour du foyer alors que, avec le bois ou le charbon, c'est un peu difficile. » Elle ajoute « je dirais que la différence avec celle qui utilise le bois est grande. D'abord la cuisson avec le gaz est sans fumée, rapide, vos habits et vos marmites restent propres, ensuite le gaz offre plus de confort, que le bois. » Maïmouna poursuit en citant d'autres avantages du gaz butane : « c'est aussi un substitut au bois énergie qu'on nous recommande dans le cadre de la lutte contre le déboisement ». Au Cap Vert, Irène Miranda Tavares, vendeuse de bouteilles de gaz reconnaît que la consom-mation de gaz augmente. La cuisson au gaz est rapide et son utilisation permet la préservation de l'environnement. Irène Miranda pense par ailleurs que les femmes devraient « faire l'effort d'utiliser le gaz puisque de toutes les façons, le bois est rare dans l'archipel et le peu qui existe doit être préservé. Avec le gaz, on ne noircit plus les murs des cuisines et l'on peut gagner du temps pour mener d'autres activités particulièrement celles génératrices de revenus. » Quelques inconvénients aussi. Au Niger Maïmouna se plaint : « j'ai un gros problème d'approvisionnement, car s'il arrive que ma bouteille de gaz soit terminée, il me faut attendre une occasion pour en commander une autre et cela prend de longs jours d'attente.» Elle ajoute que « l'inconvénient du gaz est qu'il est très dangereux, il doit être manipulé avec la plus grande attention. Une fuite mal perçue peut causer des dégâts inestimables, il peut y avoir une pollution interne qui peut être nocive pour la santé. » « Le gaz, comme disent mes voisines, est un produit de luxe et il faut avoir les moyens pour l'utiliser régulièrement. Surtout avec la récente hausse des prix, il faut être déterminé pour continuer à l'utiliser ». Au Cap Vert, les femmes préfèrent de loin utiliser le gaz mais il coûte cher et c'est la raison pour laquelle les ménagères les plus démunies ne peuvent l'acheter. IV. LES PERCEPTIONS DES MENAGERES SUR LES DIFFERENTS COMBUSTIBLES En résumé, les femmes sahéliennes reconnaissent qu'avec le bois, notamment en milieu rural elles dépensent moins qu'avec le charbon de bois et le gaz. On trouve le bois en petites quantités et on peut même utiliser les brindilles, les écorces et autres petits morceaux pour la cuisine quotidienne. En utilisant le bois, la ménagère peut récupérer du charbon de bois qu'elle peut utiliser à d'autres occasions. Le bois s'adapte aux grandes marmites. Il est facilement utilisé pour la cuisson des plantes médicinales et de certains mets très particuliers. En revanche, le bois s'adapte difficilement au contexte urbain où les familles sont nombreuses dans une même cour ou encore vivent dans des Habitudes alimentaires et dimension culturelle en Mauritanie. La plupart des ménages, urbains comme ruraux, ont adopté aujourd'hui à peu près les mêmes habitudes alimentaires. Le riz est le plat principal du déjeuner, le couscous celui du dîner. Entre les deux, les ménages sacrifient au rituel du thé à la menthe. Pour toutes ces préparations, une longue cuisson est nécessaire. C'est pourquoi, même à Nouakchott, persistent les habitudes de consommation du charbon de bois, que l'on utilise exclusivement pour brûler de l'encens. A prix égal, les femmes préfèrent le charbon de bois au gaz butane pour la préparation du riz. Pourtant, lorsque le prix du gaz est compétitif 11 (1986-1994 et depuis 2000), celui-ci est très fortement utilisé. Par contre, pour le couscous, le bois de chauffe est encore préféré. On observe également une utilisation concomitante du gaz et du charbon de bois, lorsque les ménages cuisinent un plat composé de riz et de sauce. Le riz, d'une cuisson rapide, cuit sur le réchaud à gaz, tandis que la sauce, qui nécessite un mijotage prolongé, est elle préparée au charbon de bois. Outre les contraintes financières, il apparaît donc, une dimension culturelle dans le recours aux différents combustibles. (Etude PREDAS Mauritanie) appartements. Dans ces conditions, le charbon de bois et le gaz s'adaptent mieux. En effet le bois est reconnu comme un combustible salissant aussi bien pour les murs qu'il noircit, que pour la ménagère dont les vêtements et le corps sentent la fumée après la cuisson des repas. L'odeur de la fumée dénature le goût des repas et porte préjudice à la santé des ménagères et de leurs jeunes enfants en particulier. Le bois est difficile à allumer en saison des pluies. Par ailleurs, l'approvisionnement en bois devient difficile à cause de l'état des pistes et de celui des camions. Le charbon de bois est dans certains pays un Propreté Efficacité Rapidité confort L’échelle Energétique: Combustible pour la cuisson des ménages au Sénégal Milieu urbain Electricité Gaz Butane Milieu péri-urbain Kérosène Charbon de bois Milieu rural Bois Bouse de vache, résidus agricole Prospérité croissante combustible pratique et moderne : il permet de mijoter tous les mets, griller la viande et le poisson. On peut l'acheter en toutes petites quantités. Il demeure salissant et peut être nocif pour la santé des femmes revendeuses à cause de la poussière. Mais, c'est un combustible plus cher que le bois. Le gaz est un combustible moderne. Il procure un véritable confort. Il est rapide, propre et 12 pratique. Il est très apprécié des ménagères. Cependant il coûte cher et n'est pas sécurisant pour les enfants en particulier : manipulation, vétusté des emballages, etc. Il ne s'adapte pas aux grandes marmites utilisées lors des événements sociaux. On constate souvent des ruptures de stocks et une difficulté à approvisionner régulièrement les utilisateurs. Enfin, les équipements qui l'utilisent coûtent cher. La combinaison des combustibles, une adaptation nécessaire. Il est peu courant de rencontrer des ménagères sahéliennes qui utilisent exclusivement le gaz butane comme combustible pour la cuisson des repas. En effet, la non disponibilité du combustible dans les points de vente, le revenu des ménages et surtout les habitudes culinaires, poussent les femmes à utiliser deux à trois combustibles. Il serait donc plus juste de parler de « combinaison de combustibles » C'est le processus par lequel les ménages migrent de l'utilisation du bois vers le charbon de bois et de celui-ci vers le gaz Un bilan nuancé de la butanisation en Mauritanie. Sans aucun doute la substitution énergétique a commencé depuis la fin des années quatre vingt. Il reste qu'elle a surtout concerné Nouakchott et la zone aride. L'introduction du gaz butane a finalement gagné très vite l'intérieur du pays, presque sans une incitation des pouvoirs publics. Ce mouvement ne s'est pas fait sans problème. Ainsi : (i) lorsque les prix à l’importation du gaz ont connu une hausse avec la dévaluation de l'Ouguiya en 1994, la substitution s'est ralentie, voire a connu un recul. Le charbon de bois était redevenu compétitif dans le milieu urbain, notamment à Nouakchott ; (ii) une part importante du manque d'essor dynamique de la butanisation est sans aucun doute imputable à l'insuffisance et à la vétusté du parc des bouteilles de la SOMAGAZ ; (iii) les habitudes culinaires constituent aussi, dans une certaine mesure, une entrave à la substitution énergétique. En effet, on ne fait jamais les repas de fête (mariage, baptême, etc.) avec du gaz ; le bois de chauffe est toujours l'énergie préférée. (Etude PREDAS Mauritanie) butane, c'est la « transition énergétique». C'est un processus qui caractérise l'évolution du comportement des ménagères dans les centres urbains des pays sahéliens. Au Niger, l'on exploite, à très petite échelle, le charbon minéral pour en faire un combustible domestique. Ce charbon est utilisé par les ménagères. Pour Maïmouna Ousmane, « pour la première fois, j'ai entendu parler du charbon minéral à une cérémonie. Les femmes ont préparé le repas avec, je l'ai apprécié et depuis lors, je l'utilise comme je vous l'ai dit, le week end, car son allumage est un peu difficile et il prend beaucoup de temps ». Au Mali, Madame Nogaye M'Baye utilise le charbon de biomasse pour faire cuire les repas. Elle trouve que ce nouveau charbon chauffe plus vite que le charbon de bois. Elle dit que « en tout cas le nouveau charbon, sa production d'énergie est très importante par rapport au charbon de bois, parce que après la cuisine de la journée, le lendemain on retrouve encore les braises dans le fourneau ce qui nous permet d'attiser simplement le feu pour démarrer la nouvelle cuisine. » L'inconvénient, c'est qu'avec ce charbon, la récupération n'est pas possible. Une fois que vous l'avez allumé, il ne peut être éteint et récupéré, alors que le charbon de bois permet cela.» Femmes et activités génératrices de revenus : la plate forme multifonctionnelle comme moyen de lutte contre la pauvreté dans les villages. Au Burkina, au Mali, au Sénégal et peut être bientôt dans d'autres pays, existe depuis quelques années, des programmes nationaux appelés programmes plates formes multifonctionnelles pour la lutte contre la pauvreté. Conçue pour être utilisée surtout en milieu rural, la plate forme multifonctionnelle est un assemblage d'équipements divers entraînés par un moteur diesel (utilisant du gasoil ou du bio carburant) permettant essentiellement de transformer les céréales, et de produire de l'électricité à l'échelle du village. L'énergie mécanique utilisée pour les services de mouture, broyage, décorticage, etc., est transformée en énergie électrique par un alternateur et produit de l'électricité pour l'éclairage collectif et individuel, la soudure, la menuiserie électrique, etc. Certaines options permettent aussi de pomper l'eau d'un forage et de la distribuer dans le village à l'aide de bornes fontaines. Les plates formes ne constituent pas directement une activité d'énergie domestique mais l'utilisation des plates formes libère le temps aux femmes qui peuvent mener des activités génératrices de revenus. Cela leur procure de quoi recevoir des formations diverses dont celle sur l'utilisation rationnelle du bois de chauffe par exemple. Elles peuvent aussi s'acheter des foyers améliorés ou participer davantage aux activités d'aménagement forestier. Toutes ces sous activités ont une incidence sur l'utilisation du bois de chauffe et la préservation de l'environnement en général. Alléger les tâches ménagères et gagner du temps. Ce sont-là les deux conséquences essentielles qui découlent de l'utilisation des plates formes multifonctionnelles. C'est dans l'un des 8000 villages du Burkina qu'une utilisatrice de la plate -forme multifonctionnelle indique les avantages qu'elle constate. Salimata nous dit ceci : « grâce à la plate-forme, nous n'avons plus à nous déplacer 13 à la recherche de la mouture, du broyage du karité et d'arachides, la charge de téléphones, l'éclairage. Elle nous permet de dégager le temps. » « Le temps gagné permet de mieux travailler dans les champs et de fabriquer du soumbala destiné à la vente. » nous confie Salimata. Au-delà de l'allègement des tâches ménagères, la plate forme permet de fournir de l'eau potable et de l'électricité. Salimata dit qu'elle se fatigue moins et qu'elle ne tombe plus malade car elle ne parcourt plus de longues distances pour faire moudre son grain. Salimata ajoute que « mon bénéfice issu de la fabrication et de la vente du soumbala (condiment préparé à base de graines de Parkia biglobosa fermentées) se trouve à deux niveaux : je vends du soumbala et j'en fabrique beaucoup plus qu'avant. Le soumbala lui-même est utilisé pour agrémenter les sauces de ma famille. De plus, je gagne plus d'argent (environ entre 6000 et 15 000FCFA par mois) que j'utilise pour mieux m'occuper des enfants, améliorer la qualité du bol alimentaire en achetant plus d'ingrédients (poisson sec, riz). V. PERSPECTIVES Il est reconnu que ceux sont les villes qui sont les principales consommatrices de bois de chauffe et il reste capital de réglementer sa coupe. Au cours des prochaines années, il s'agit de mettre l'accent sur deux types d'actions complémentaires et qui sont : la poursuite des actions favorisant l'utilisation rationnelle du bois de chauffe et du charbon de bois. Cette mesure s'applique surtout au milieu rural mais aussi en milieu urbain où l'on rencontre de nombreux consommateurs de combustibles ligneux. Il s'agit de : 5 Poursuivre inlassablement la gestion rationnelle (ou contrôlée) des forêts par les populations elles-mêmes. En effet, en responsabilisant les populations riveraines des forêts aménagées sur la coupe réglementée du bois de chauffe, ces dernières se sentent engagées dans la protection des ressources naturelles. Par ailleurs, elles tirent des revenus substantiels de la vente du bois et du charbon de bois et sont tentées de préserver la source de leurs revenus. L'organisation des populations au Mali et au Burkina pour la gestion rationnelle des forêts constitue la preuve qu'il est possible d'obtenir de bons résultats dans ce domaine. 5 Relancer et encourager l'utilisation des foyers améliorés à bois et à charbon de bois. Les modèles performants existants sont déjà connus des populations. De nouveaux projets se mettent en place pour la relance de l'utilisation des foyers améliorés. Au stade actuel, il est important de faire une utilisation massive des foyers améliorés. Il s'agit d'une technologie simple et efficace à la portée de la ménagère sahélienne moyenne. > > Valoriser vulgariser les combustibles comme le 14 charbon minéral au Niger et le charbon de biomasse au Mali. Le charbon minéral exploité au Niger et utilisé comme combustible domestique peut être diffusé dans les autres pays du Sahel à travers un circuit de distribution à mettre en place. L'utilisation du charbon s'adapte parfaitement aux réalités culinaires des ménages et permet à la ménagère de réduire le temps consacré à la cuisson des repas. Outre les économies réalisées par les ménages sur le budget bois énergie, l'utilisation du charbon permet de réduire les pressions exercées sur les ressources en bois, les risques de maladies respiratoires liées à la fumée dégagée par le bois. Enfin le circuit de distribution et la fabrication d'un foyer adapté favorisent la création d'emplois. > Poursuivre la campagne de diffusion du gaz butane notamment dans les centres urbains et l'adaptation de foyers à gaz aux habitudes alimentaires des ménagères sahéliennes. En effet, il existe de plus en plus des ménages qui se convertissent au gaz butane quoique utilisant d'autres combustibles comme le charbon ou le bois selon les plats à confectionner. > Poursuivre la recherche scientifique et technologique pour trouver d'autres modèles de foyers adaptés aux combustibles alternatifs comme le pétrole lampant et le solaire. > L'utilisation des briquettes fabriquées à base de tiges de coton, de balles de riz, etc. sous formes de combustibles domestiques devra être plus répandue dans les pays du Sahel. Ce dossier est une synthèse réalisée par Madame Armande SAWADOGO à partir de résultats d’enquêtes proposées par : - Mme Armande SAWADOGO du Burkina Faso Mme¨Pereira DE BARROS du Cap Vert Mme Niaré Boudia KONTE du Mali Mme Issouffou Aïchatou Illou du Niger Mme Mireille EHENBA du Sénégal