ENERGIA 2.cdr

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ENERGIA 2.cdr
ENERGIA
INTERNATIONAL NETWORK ON GENDER AND SUSTAINABLE ENERGY
FEMMES ET ENERGIE DANS
LES PAYS DU SAHEL
ENERGIA
FEMMES ET ENERGIE DANS LES PAYS DU SAHEL
Les ménagères sahéliennes face aux combustibles domestiques
Le dossier que ENERGIA vous propose est la synthèse d'une série d'enquêtes réalisée dans plusieurs pays du Sahel :
Burkina Faso, Cap Vert, Mali, Niger, Sénégal et Tchad.
Ces enquêtes couvrent la diversité des situations et des relations énergies domestiques et femmes dans la sous-région.
Les enquêtes menées au Mali, au Burkina, au Niger et au Tchad ont mis l'accent sur l'utilisation et la vente du bois de
chauffe et du charbon de bois. Au Sénégal, les enquêtes ont insisté sur l'utilisation et la vente du charbon de bois et du
gaz butane. Le Cap Vert a, quant à lui, mis l'accent sur le gaz butane et le bois. Le Niger a aussi abordé la question du
charbon minéral en tant que combustible de substitution au bois de feu. Dans le cas du Mali, est abordé le charbon de
biomasse utilisé par les ménagères maliennes. Quant à la Mauritanie, le dossier s'inspire d'une enquête menée en 2003
par le PREDAS et un bureau d'études, CECO.
A partir d'un canevas, le choix de thèmes a été librement fait par les coordonnatrices responsabilisées dans chaque pays
et tient compte des problèmes actuels dans ces pays en termes d'utilisation de combustibles domestiques.
Ce dossier fait donc une synthèse des analyses proposées par les coordonnatrices des enquêtes menées dans les
différents pays sur les principaux combustibles domestiques. Il convient de préciser qu'il s'agit de la perception des
femmes sahéliennes dans les différents segments des filières énergies domestiques notamment la consommation, la
transformation (par exemple le bois en charbon de bois), la commercialisation ainsi que les activités génératrices de
revenu. Aussi certaines appréciations notamment les coûts peuvent ne pas refléter les résultats d'une analyse
économique rigoureuse.
«
INTRODUCTION
Le bois s'est imposé à moi, je ne l'ai
pas choisi, c'est la source d'énergie
traditionnelle que j'ai trouvée ».
C'est ainsi que s'exprime une ménagère
nigérienne.
C'est le plus souvent la situation de bon
nombre de ménagères des pays du Sahel qui
n'ont à leur portée que le bois comme
combustible pour la cuisson des repas.
En effet, utiliser le bois, le charbon de bois, le
gaz butane, le pétrole lampant, le charbon
minéral ou le charbon de biomasse comme
combustible domestique ne relève pas du bon
vouloir des ménagères sahéliennes. Il dépend
de deux choses essentielles qui sont la
disponibilité des combustibles c'est-à-dire leur
approvisionnement aisé et régulier, et
l'accessibilité du combustible c'est-à-dire son
prix.
En milieu rural, l'on constate que dans
certaines contrées, particulièrement arides et
pauvres, les femmes utilisent comme
combustibles, outre le bois devenu rare, la
bouse de vache, les racin
es, les vieux tissus et des sachets plastiques.
Mais dans l'ensemble des pays sahéliens, le
combustible le plus utilisé et le moins cher
demeure le bois quoique les préférences vont
de plus en plus vers d'autres combustibles
comme le charbon de bois et le gaz butane.
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I. LE BOIS DE CHAUFFE : COMBUSTIBLE LE PLUS UTILISE
ET LE MOINS CHER
Le bois de chauffe est le combustible le plus utilisé dans les pays sahéliens. Il est perçu par
ailleurs par les femmes sahéliennes comme le combustible le moins cher. Cette perception
n'est pas basée sur des résultats d'analyses économiques établies.
Bûcheronne : une activité qui ne
conviendrait pas aux femmes ? « Une hache,
un âne, un bidon et le repas : ce sont mes
moyens de travail quand je pars en brousse. »
C'est Oumou, la bûcheronne malienne du
village de Kasséla qui parle.
Au Mali, Oumou coupe le bois et le transporte (à
raison d'une charretée par semaine) au marché
rural. Munie d'une autorisation de coupe qu'elle
obtient en payant une taxe de 2000 FCFA par
Alibi casse le bois vert comme indiqué par le forestier
semaine, Oumou sait qu'elle n'a pas le droit de
couper le bois vert ni d'aller n'importe où : les
espaces à exploiter sont délimités.
Etre bûcheronne, c'est simplement une activité
qui permet d'obtenir des revenus substantiels.
Oumou l'exprime en ces termes : « Ici, nous
avons des problèmes. Aucune activité ne
rapporte. C'est le seul moyen pour nous les
femmes d'ici de s'en sortir». C'est un travail
pénible mais qui rapporte de l'argent.
En effet, Alibi cite les risques que tous les
exploitants forestiers courent chaque fois qu'ils
vont dans les forêts pour la coupe du bois et les
autres opérations de nettoyage, de semis directs,
de pare-feux, de coupe, de débardage, de
chargement, etc.: les longues distances à
parcourir entre le village et la forêt, le transport
du bois sur la tête, les courbatures, les
palpitations cardiaques. Il y a aussi les risques de
blessures avec la hache et les souches, les
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morsures de serpent et autres insectes
venimeux.
Pour être bûcheronne au Burkina, il faut
appartenir à un groupement de gestion
forestière. Madame Yaro Alibi du village de
Dana, dans la région du Centre Ouest du pays,
dit que c'est pour obtenir plus d'argent qu'elle
s'est engagée dans l'activité de bûcheronne.
Avant cette conversion dit-elle, « je vendais des
beignets le jour de marché et, de temps en
temps, de la bière de mil. »
Je gagne plus d'argent qu'avant et je peux
m'acheter des ustensiles de cuisine. J'aide mon
mari à acheter les vivres en période de soudure.
Je mène cette activité pour subvenir à mes
besoins personnels, à la scolarisation de mes
enfants, à leur habillement et à leur santé ». Elle
poursuit en ces termes. « Comme acte
communautaire j'ai cotisé pour la construction
de l'école de notre village ». Selon Oumou, le
Etre bûcheronne une activité féminine ?
C'est traditionnellement une activité
exclusivement réservée aux jeunes adultes en
particulier. L'activité de la coupe de bois exige
de la force physique et pour des questions
d'esthétique, il ne sied pas à une femme d'être
musclée. Or l'activité de bûcheronne raffermit
les muscles.
Mais depuis une vingtaine d'années que les
activités d'aménagement forestier ont démarré
dans les pays sahéliens, ces considérations
tombent en désuétude. Oumou est bûcheronne
à Kasséna au Mali et Alibi l'est à Dana au
Burkina Faso. Toutes les deux coupent le bois
dans les espaces aménagés et le vendent pour
subvenir à leurs besoins. « Depuis que je suis
bûcheronne, je suis devenue plus indépendante
financièrement ».dit Alibi. « Au village, nos
besoins essentiels sont les vivres, la
scolarisation des enfants, un peu d'argent pour
les événements sociaux. Quand on arrive à faire
ce minimum, on est comblé de joie » dit elle.
Armande Sawadogo
côté bénéfique « c'est que l'on peut exercer cette
activité quelle que soit la situation financière. On
n'a pas besoin de disposer d'un fonds de
commerce comme l'exigent d'autres activités. Et
l'argent qu'on y gagner est un acquis. Avec deux
chargements dans la semaine par exemple, je
peux avoir tout au plus 5000 F et tout au moins
3500 F, 4000 F. »
La coupe du bois, une activité contrôlée. Au
Burkina Faso, la coupe du bois est assurée par
les groupements de gestion forestière reconnus
par la loi. Hommes et femmes s'y mobilisent et
sont formés à cette activité qui a le double
objectif de gérer les forêts villageoises de
manière rationnelle et de procurer des revenus
aux populations riveraines.
Les coups de hâche sur l'arbre
La coupe du bois devient illégale en dehors des
espaces prévus et des périodes indiquées par les
agents des eaux et forêts qui encadrent l'activité.
Au Mali, il faut se munir d'un ticket du service
des Eaux et Forêts qui donne l'autorisation de
couper le bois sinon on s'expose à des
représailles et à de lourdes amendes. Selon
Oumou, « s'il vous arrive d'exploiter sur un
espace protégé et que les Eaux et forêts vous
découvre, vous avez des problèmes ».
Au Burkina, il existe des périodes indiquées
pour la coupe du bois vert (janvier à mars) qui
sèche et est, plus tard, acheté par les grossistes
transporteurs. Dans les îles du Cap Vert, la vente
du bois est illégale et la police locale confisque
les fagots disposés au bord des routes. Ribeirao
Chiqueiro est l'un des rares villages de l'archipel
où l'on trouve des fagots de bois en vente au
bord de la route.
Selon Angelina Freire, vendeuse de bois, (et
certainement bûcheronne aussi) l'autorisation
de couper le bois n'est valable que durant trois
mois dans l'année ce qui est très insuffisant.
Alors Angelina fait la coupe sans autorisation le
reste de l'année dans les « forêts périmètres
publics », à ses risques et périls. Elle vend le bois
récolté illégalement à raison de 100 escudos le
fagot.
Au Cap Vert, le bois est le combustible des
pauvres. Madame Nela, est une dame âgée et
qui a longtemps utilisé le bois et le charbon de
bois du temps où l'archipel en regorgeait. Elle
possède une propriété où elle permet aux
femmes pauvres de se servir en bois pour la
cuisson des repas et pour la vente. « Ces
femmes-là ne peuvent pas se permettre
d'acheter le gaz. » dit-elle.
La vente du bois en milieu rural. C'est une
activité nouvelle car en milieu rural, les brindilles
collectées aux abords des cases pour les besoins
de la cuisine suffisaient largement à la
consommation familiale. Aujourd'hui, le bois est
vendu même en milieu rural et est source
importante de revenus pour les femmes.
Alibi la bûcheronne burkinabè dit qu'elle vend
du bois au bord de la route par tas de 100 FCFA.
Des fagots de bois sont disposés le long des
routes.
Au Mali, Diarra Massira Traoré du village de
Kasséla se fait livrer le bois pour le vendre. Des
bûcherons enlèvent le bois dans la forêt
aménagée de Faya.
Massira appartient à un groupement de 40
femmes qui exercent la même activité. Pour
vendre ce bois Massira, à l'image de ses
consœurs, paye une taxe de 2000 FCFA. Le
groupement travaille en étroite collaboration
avec les exploitants du marché rural de Kasséla,
Mme DIARRA Massira TRAORE
détaillante de bois au Mali
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dans le cadre du comité de gestion mis en place.
Ainsi, on assiste en zone rurale à l'émergence de
filières commerciales de collecte, de transport et
de distribution du bois. Ce constat a été fait
partout dans les pays sahéliens et
particulièrement en Mauritanie. Dans ce pays, le
phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il
s'observe dans la zone du Fleuve et dans la zone
sylvo pastorale, toutes les deux,
traditionnellement pourvoyeuses en bois de feu.
D'abord, les grossistes élèvent le prix du bois
parce qu'ils versent une taxe importante au
service des eaux et forêts. Ensuite moi aussi je
verse une taxe de 2000 F lors de chaque marché
hebdomadaire ».
Au Niger, Madina par contre trouve les taxes
abordables. Elle le dit en ces termes : « nous
revendeuses, nous payons 150 FCFA par mois.
Mais les propriétaires de camions quant à eux,
payent environ 3000 FCFA de taxes par voyage».
Le bois revient cher aux femmes surtout à
cause des taxes. Au Burkina Faso par exemple,
le prix du bois est fixé par les autorités du
ministère chargé de l'Environnement. Et depuis
une vingtaine d'années, ce prix n'a pas changé. Il
est de 2000 FCFA le stère auprès des grossistes
transporteurs.
Au Tchad, Akhayé Harouna s'approvisionne en
bois en l'achetant par tas dans les villages. Elle
dit que « le prix d'un tas composé de 6 morceaux
de bois et pesant environ 2 kgs, se vend à 50
FCFA. Ce prix varie d'une contrée à l'autre.» Elle
achète le bois aussi avec les grossistes
transporteurs.
Les femmes détaillantes de bois de chauffe
n'ont pas toujours besoin de se déplacer. La
vente au détail des combustibles ligneux est une
activité exclusivement féminine surtout dans les
centres urbains. Les vendeuses de bois
s'approvisionnent chez des grossistes/livreurs. Le
bois est livré par des camions ou encore par des
charrettes tractées par des ânes. Les détaillantes
s'approvisionnent pour la plupart auprès des
grossistes transporteurs.
Au Tchad, « l'approvisionnement est assuré par
les commerçants grossistes du bois. Ils vont à des
centaines de kilomètres dans la brousse pour
couper le bois mort ou parfois le bois vert qu'ils
font sécher pour ensuite nous les vendre » dit
Akhayé Harouna.
Au Mali, Tigane Badjé Fofana, vendeuse de bois
et de charbon de bois à Bamako va elle-même
chercher le bois dans la forêt avec les chauffeurs
de camions. Et dans ce cas, le bois lui revient un
peu moins cher. Il arrive aussi qu'elle fasse venir
le bois par les transporteurs.
Au Niger, Madame Madina Mamane s'est
abonnée auprès d'un propriétaire de camions,
exploitant de bois qui lui livre les bûches à
domicile. Les femmes détaillantes de bois de
chauffe n'ont pas besoin de se déplacer.
Au Burkina, Florence le confirme en ces termes
« vendre le bois ne nécessite pas de
déplacements, dans la mesure où les grossistes
transporteurs assurent la livraison et les
bûcherons ambulants fendillent les grosses billes
en petits morceaux immédiatement utilisables».
Juliette a fini de disposer son bois en fagots
Après l'avoir fait fendiller, les femmes revendent
le bois par petits fagots et on y trouve tous les
prix. Il s'agit en effet d'adapter les prix aux
conditions des clientes c'est-à-dire les voisines
ménagères, mais aussi aux boulangers,
dolotières, grilleurs de viandes, etc. qui prennent
de grosses quantités.
Les taxes liées au bois sont très importantes.
Akayé Harouna de Ndjaména, estime que les
taxes constituent son plus gros souci : « je suis
une revendeuse, je subis une double charge.
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En hivernage, le bois est rare, donc il coûte
plus cher. Pendant la saison pluvieuse dit
Madina, au Niger « le bois est rare et il coûte plus
cher. La plupart des camions sont en mauvais
état. Ils n'ont pas accès aux zones forestières
lorsqu'il y a une forte pluie ». Selon Badjé du
Mali, le bois est plus cher en saison pluvieuse et
pendant la saison froide. Pour Florence au
Burkina Faso, «pendant la saison pluvieuse, il y a
des difficultés pour l'approvi-sionnement en bois
à cause de l'état des pistes d'accès dans les
forêts. Il y a aussi les travaux champêtres qui
occupent tout le temps donc on ne peut plus faire
de commerce de bois. Les prix du chargement de
bois sont trop élevés ». Florence note que ce
problème d'approvisionnement aurait pu être
Stock de bois
résolu si elle avait suffisamment d'argent pour
stocker le bois en saison sèche et le vendre en
saison pluvieuse. Mais hélas ! Pour Madina « plus
l'offre est inférieure à la demande, plus les
spéculations sont permises. Alors on peut se
permettre de vendre le bois un peu plus cher que
d'habitude. »
Pourquoi vendre du bois ? A priori aucune
raison n'explique le choix du bois comme activité
lucrative. Au Niger, Madina explique son choix
en ces termes : « En fait, au début, je vendais
uniquement des galettes mais j'ai réalisé que
cette activité ne me permettait pas de subvenir
suffisamment aux besoins de ma famille. Alors,
pour étendre mes possibilités, j'ai commencé à
titre d'essai la vente de bois grâce à un prêt de
100 000 FCFA que j'ai contracté auprès de notre
groupement de femmes». A Ouagadougou,
Florence dit qu '« elle ne pouvait s'asseoir à ne
rien faire. Je vendais d'abord des noix de cola et
après j'ai viré dans la vente du bois et du charbon
de bois. On y gagne mieux ».
Pour Badjé qui fait le commerce de bois depuis
13 ans, elle a pris l'habitude de vendre le bois et
comme ça marche, elle n'a pas envie de laisser
tomber. Au début de l'activité, elle vendait des
petits fagots et elle a ensuite pris un prêt dans
une caisse d'épargne qui lui a permis d'acheter
de grosses quantités.
On gagne de l'argent dans la vente du bois.
Au Tchad, Akhayé dit qu'elle réalise un bénéfice
de 100 %. En effet, elle achète le bois à 50 FCFA
le tas et le revend à 100 FCFA. Un bon nombre
de femmes réalisent des bénéfices substantiels
dans le commerce du bois. A Ouagadougou,
Florence assure dit qu'elle gagne 1500 à 1750
FCFA de bénéfice sur un chargement de
charrette de 15 000 F. Et quand elle achète
plusieurs stères avec un grossiste camionneur,
elle gagne 1500 F par jour soit environ 40 000
FCFA dans le mois comme bénéfice. Madina à
Niamey se fait livrer 15 stères tous les 3 jours.
Elle dit que « le bois me procure tous les 3 jours
environ 5000 F CFA de bénéfice ; soit 50 000
FCFA par mois ».
Le combustible principal. Au Burkina Faso,
au Mali, au Niger et au Tchad, le combustible
principal utilisé dans les ménages pour la
cuisson des repas est le bois. Au Sénégal et en
Mauritanie, on constate que le charbon de bois
est le plus largement utilisé.
En Mauritanie, en milieu urbain, 43,1 % des
ménages utilisent le charbon de bois comme
principal combustible de cuisson.
On constate par ailleurs qu'en moyenne un
ménage sur deux utilise le charbon de bois
comme combustible d'appoint. Cette situation
traduit non seulement une évolution des villes
secondaires vers le charbon de bois, mais aussi
celle des campagnes.
En Mauritanie, le gaz butane apparaît comme
le principal combustible pour 37,2 % des
ménages.
Il est probable que cette situation ne reflète pas
la réalité au niveau national de la Mauritanie..
Mais, si l'on observe que 21 % des ménages
ruraux recourent au gaz en première intention,
il y a là une tendance, un mouvement réel
allant dans le sens d'une plus grande
consommation de ce combustible. Quant au
bois de chauffe, il marque un décrochage en
milieu urbain (19 %), mais demeure au même
niveau que le charbon de bois en milieu rural
(31,5 %), où il reste concurrencé par le gaz
butane en tant que combustible d'appoint.
(Etude PREDAS Mauritanie)
5
Selon Badjé, « tout dépend du marché. Les jours
où ça marche bien, je peux vendre pour 15 000 à
25.000F, cela en période d'hivernage, dans le
cas contraire, c'est entre 10 000F et
15.000F/jour ». Avec les bénéfices obtenus,
Florence dit qu'elle nourrit mieux sa famille et en
plus elle fait face aux dépenses liées aux
Mme Akhayé Harouna, du village Midékhine
dans la Sous-préfecture de Mani au Tchad
événements sociaux : baptêmes, mariages,
funérailles, etc. La famille profite des écorces,
des petits morceaux de bois, c'est-à-dire des
produits non vendables mais utilisables comme
combustibles».
Pour Akhayé du Tchad, il est difficile de vivre
décemment du fruit de son commerce de bois. «
Il faut avouer que j'essaie de survivre avec le peu
que je gagne. Cela me permet de subvenir aux
besoins quotidiens de la famille. L'argent que
mon époux me donne n'est pas suffisant, car
nous sommes une famille nombreuse composée
de 13 personnes ». Pour Madina, « mon niveau
de vie et celui de ma famille se sont nettement
améliorés. J'ai quatre enfants que j'entretiens. Je
les ai inscrits dans une école privée de la place
pour leur assurer un bel avenir. »
Pour Badjé « mon bénéfice, c'est quand je
parviens à faire face à mes problèmes qu'ils
soient personnels, d'ordre familial ou
communautaire ».
« Je ne peux pas définir de bénéfice proprement
dit. » poursuit-elle, « J'arrive à régler ma
contribution dans les tontines et à faire face à
mes dépenses quotidiennes et c'est là mon
bénéfice. »
Utilisation du bois et santé. Le bois si
chèrement planté, entretenu et coupé avec mille
précautions par les exploitants forestiers est
utilisé surtout pour la cuisson de l'ensemble des
repas.
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Juliette du Burkina Faso cite les inconvénients à
l'utiliser : « trop de fumée, très salissant à cause
de la suie, les mauvaises odeurs dénaturent le
goût des repas ». A cela il faut ajouter que
l'utilisation du bois entraîne « le picotement des
yeux, des difficultés respiratoires, la
transpiration et l'écoulement des narines. Donc
on tousse, on éternue, on s'enrhume et on
larmoie. » « Les enfants ont les mêmes malaises
et les mêmes symptômes que les adultes. Ils
pleurent en se frottant les yeux et le nez contre le
dos de leurs mamans. Ils ont de difficultés pour
respirer et cela se termine par une toux.»
On ne fait pas le lien entre pollution des
cuisines et santé des femmes. Jusqu'ici et
dans l'ensemble des pays du Sahel, aucune
étude n'a démontré le lien direct entre la
pollution intérieure des habitations et la
dégradation de la santé des femmes et des
enfants en particulier. Les femmes préparent les
repas le plus souvent à l'intérieur de cuisines
exiguës et mal aérées (on estime environ à 20
Mme Kaltouma Kabo, 37 ans résidant
au quartier Am-Toukoungne, N'Djaména au Tchad
m2 la surface d'une cuisine dans les pays du
Sahel). Il y a donc beaucoup de fumée nocive.
Les femmes n'aiment pas préparer les repas
dans la cour à cause de la divagation des
animaux, des enfants qui jouent et qui peuvent
se brûler, du vent qui favorise la consommation
du bois, etc. Les femmes qui préparent les repas
se plaignent d'avoir des problèmes de
respiration, des maux de tête ou d'yeux. Elles
portent la plupart du temps leurs bébés sur le dos
(jusqu'à ce que ceux-ci aient 17-24 mois)
pendant qu'elles font la cuisine. Les bébés
présentent les mêmes symptômes que leurs
mères.
Généralement, ce sont les enfants qui sont les
plus affectés par les infections respiratoires
aiguës. Par ailleurs les femmes ont souvent des
problèmes de toux liés à la cuisson des repas.
Pour la plupart, elles ne font pas le lien entre la
pollution intérieure dans les cuisines par
l'utilisation du bois et les maladies respiratoires
et leur santé. Cuisiner au bois, à la bouse de
vache, au charbon et résidus agricoles sur des
foyers rudimentaires constitue la réalité
quotidienne de nombreuses ménagères
sahéliennes en milieu rural. Certaines, par
manque de combustibles ou de moyens
financiers, utilisent des racines, du plastique ou
des morceaux de tissu pour préparer un repas
par jour. On considère que cela fait courir un
risque majeur de maladies respiratoires aux
adultes notamment les femmes et les enfants.
A l'âge de 8 ans, la jeune fille commence à
préparer le repas, jusqu'à la retraite. Très tôt, les
jeunes filles et les femmes sont exposées à la
fumée.
Mme Kaltouma Kabo de NDjaména au Tchad
dit ceci : « Evidemment, l'utilisation du bois n'est
pas sans conséquence. La première victime est la
ménagère elle-même. La fumée qui se dégage
Combustible polluant. Il est important de
souligner que les analyses effectuées sur les
combustibles ligneux contiennent une quantité
signifiante de divers polluants pour lesquels
beaucoup de pays définissent des standards de
qualité d'air extérieur. Ce sont par exemple le
monoxyde de charbon, les particules,
hydrocarbure et oxydes d'azote. Beaucoup de ses
composantes organiques sont considérées comme
étant toxiques ou cancérogènes comme le
benzène, le formaldéhyde et les hydrocarbures
poly aromatiques. Mireille Ehemba
est nocive pour les yeux : pendant tout le temps
que dure la cuisson, je ne fais que larmoyer ».
Madame Niaré Assitan de Bamako au Mali de
renchérir : « Ah ! Le bois dégage de la fumée bien
sûr et cela fait mal aux yeux. »
Pour Aïchatou Aboubacar du Niger, « il peut
arriver que le bois ne soit pas sec en saison des
pluies ou quand il pleut, là effectivement, il y a un
dégagement de fumée qui peut être nocif pour la
santé. »
Pour Nassa Juliette au Burkina Faso, elle dit
ressentir les malaises suivants en sortant de la
cuisine : « picotements dans les yeux, difficultés
pour respirer, sueur qui coule, écoulement du
nez. » Et pour les enfants, « ils ont des malaises
comme des pleurs en se frottant le nez contre le
dos de leur mère. Ils ont des difficultés pour
respirer et ils toussent ».
Lutter contre la désertification, oui, mais il
faut vivre ! : Avec la sensibilisation que mènent
les médias, la population est bien consciente, et
ce depuis longtemps, que l'utilisation du bois doit
se faire de manière rationnelle. Selon Alibi la
bûcheronne burkinabè, « pour la communauté
villageoise et le pays, l'activité de coupe permet
de réglementer la coupe du bois vert et permet
ainsi de régénérer la forêt ».
Angelina, vendeuse de bois dans un village du
Cap Vert dit qu'elle est consciente que le pays
dispose de peu de ressources
environnementales mais « nous devons vivre
d'une manière ou d'une autre , surtout quand on
a une famille à soutenir » dit elle.
Au Cap Vert, la coupe du bois est interdite
même dans les propriétés privées. De mars à
juin, il est possible de couper le bois avec une
machette, une hache ou une scie. Seules dans
les zones irriguées, la coupe du bois est
autorisée pour permettre la préparation des
terrains pour les cultures. Sur l'archipel, plus de
600 gardiens forestiers et une dizaine de
policiers exercent un contrôle sur l'exploitation et
le commerce du bois.
Au Niger, les femmes interviewées estiment que
l'utilisation d'autres sources d'énergie comme le
charbon minéral et le gaz butane
contribueraient à diminuer l'utilisation excessive
du bois de chauffe et préserveraient mieux
l'environnement.
Utilisation du bois et confort. Aïchatou
Aboubacar du Niger dit qu'« on ne peut pas dire
que le bois est le combustible idéal mais c'est le
plus accessible. On peut même trouver du bois à
50 F à la différence des autres combustibles».
Selon Kaltouma, « l'utilisation du bois n'est pas
facile. Après avoir allumé le feu, il faut l'éventer
pendant longtemps avant d'obtenir des braises
ardentes. Vous comprenez que la cuisson est très
lente. La ménagère doit s'armer de patience. Le
plus grand désagrément est vécu pendant la
saison pluvieuse. Lorsque le bois est mouillé, il
faut déployer toute son énergie pour attiser le
feu».
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II. LE CHARBON DE BOIS : COMBUSTIBLE DES VILLES
Pour faire un kilogramme de charbon, il faut
disposer de 5 à 8 kilos de bois selon les
rendements des meules de carbonisation. Si du
Mme Alima SACKO met le charbon en sac
point de vue de la dégradation de
l'environnement, l'on ne peut pas recommander
la fabrication du charbon, il faut noter que c'est
un combustible plus pratique, plus propre que le
bois et mieux adapté aux conditions de logement
en milieu urbain (plusieurs locataires dans la
même cour, appartements) de même que les
habitudes culinaires des pays du Sahel (long
mijotage de certains mets, grillades de viande et
de poisson, etc.). De ce point de vue, le marché
du charbon de bois a encore de beaux jours
devant lui.
Assitan du Mali, pourrait se passer de la cuisine
au bois si elle avait des conditions plus
favorables. Selon elle, l'intérêt de la cuisine au
charbon, est qu'il ne dégage pas de fumée
comme c'est le cas du bois.
En Mauritanie, le charbon de bois est le
combustible le plus utilisé notamment dans les
centres urbains.
Le charbon de bois et la création de
richesses. Au Sénégal, l'exploitation du bois en
vue de la fabrication du charbon de bois est pour
la plupart détenue par des organismes
d'exploitation forestière agréés par le Ministère
chargé des Eaux et Forêts. Ces organismes
d'exploitation forestière maîtrisent toute la filière
charbon de bois, depuis la production jusqu'à la
commercialisation. Ce sont les « diallos keurigne
» qui sont chargés de la distribution du charbon
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qu'ils vendent dans des parcs à charbon, situés
dans les quartiers des villes particulièrement
dans les banlieues.
Néanmoins on trouve de plus en plus de femmes
qui commercialisent du charbon de bois dans les
centres urbains une partie de l'année ou même
toute l'année. Les femmes pour la plupart
mènent l'activité de vente du charbon de bois
pour gagner de l'argent et faire face aux
dépenses familiales et sociales comme la
scolarisation des enfants, la cuisson des repas,
les soins pour la santé, l'organisation
d'événements familiaux et sociaux, etc. Au
Sénégal, les femmes interviewées disent qu'elles
s'en sortent grâce à ce commerce. Elles
organisent des tontines de 100 à 500 FCFA par
jour et à la fin du mois elles gagnent
30.000FCFA, ce qui leur permet, en plus des
bénéfices de la vente du charbon, de répondre
aux exigences des dépenses quotidiennes.
Les femmes qui s'adonnent à cette activité sont
des chefs de famille, ou encore vivent dans des
ménages polygames. Dès qu'elles ont une
coépouse, elles se battent pour s'occuper de leur
progéniture, le mari ne leur portant
plus
l'attention d'antan.
Au Burkina, les femmes ensachent le charbon
qu'elles vendent à 50 F, 100 F et plus.
Elles se retrouvent avec un bénéfice net de 1500
juliette met le charbon en tas
FCFA à 2000 FCFA par jour
Au Niger, les femmes s'organisent pour faire
des tontines journalières (1000 FCFA par jour et
elles touchent 30 000 FCFA par mois) ou
mensuelles et touchent dans un groupe de 20
femmes une somme de 100 000 FCFA.
Au Tchad, Mme Am-Rakhié, du village de
Kournari atteste que : « Je revends le sac de
charbon à 3.000 F CFA. Il faut préciser que je
verse une taxe de 250 F CFA par sac aux agents
des services des eaux et forêts. Tout calcul fait je
réalise un bénéfice de 750 F CFA par sac.
Chaque semaine, je parviens à écouler une
quinzaine de sacs de charbon soit environ 45
000 CFA/mois de bénéfice. Dieu merci, cela me
permet de tirer mon épingle du jeu ».
Mme Am-Rakhié, du village Kournari
dans la Sous-préfecture de Koundoul au Tchad
« J'avais commencé à exercer ce commerce avec
une dizaine de sacs au départ. A l'heure où je
vous parle, je suis à une quarantaine de sacs. Ce
qui prouve que mon commerce prospère bon an
mal an ».
« Il y a 20 ans de cela, lorsque j'avais commencé
à exercer ce métier, le sac coûtait 2.500 F CFA.
Aujourd'hui, il oscille entre 6 000 et 7 500 F CFA.
Ce qui prouve que le prix a grimpé de manière
vertigineuse », indique Aché.
« J'ai remarqué qu'à l'approche des fêtes, les
demandes de mes clients dépassent mes
capacités. Il m'arrive d'écouler jusqu'à 60 sacs
dans la semaine. Ce qui m'oblige à emprunter
des sacs de charbon auprès de mes sœurs
vendeuses d'autres localités », souligne Aché.
« Au regard de l'évolution du marché, il serait
malhonnête de ma part de vous affirmer que le
marché est stationnaire. Ça évolue mais au
détriment des pauvres. Le prix du sac n'est pas à
la portée de toutes les bourses », argumente
Aché du Tchad.
Elle ajoute : « L'utilisation du charbon demeure
encore tenace dans la mentalité des femmes
tchadiennes. C'est vrai, quelques unes d'entre
elles utilisent le gaz, mais cette proportion est
minoritaire. C'est pour vous dire que, malgré
l'utilisation du gaz, le charbon a encore un avenir
prometteur au Tchad. Donc, nous les femmes
commerçantes du charbon, nous ne nous
plaignons pas.»
Quelques contraintes néanmoins.
Les femmes rencontrent des problèmes liés à
l'activité de vente du charbon de bois :
6 il y a trop de poussière dans les sacs. Non
seulement elle est invendable mais en
plus elle est nocive. Les femmes disent
consommer du lait le soir pour dégager un
peu la poussière de leurs voies
respiratoires ;
6 les commerçantes détaillantes de
Femme et productrice de charbon, une
activité rare. Etre une femme productrice de
charbon (ou charbonnière) paraît une activité
normale à Kasséla, au Mali. Ailleurs, c'est une
activité exclusivement masculine, les femmes se
chargeant surtout de la vente. Mais à Kasséla,
seules les activités liées au bois et au charbon
de bois sont génératrices de revenus. Alima
Sacko a 46 ans et exerce le métier de
charbonnière depuis 15 ans. Alima produit le
charbon avec le bois que les charretiers lui
vendent. Ceux-ci opèrent dans les espaces
aménagés. Dans la semaine, elle arrive à
produire 10 à 15 grands sacs qui se vendent en
moyenne à 3000 FCFA le sac.
Les moyens de travail de Alima sont
rudimentaires bien qu'elle soit organisée dans
un groupement de charbonniers avec 5 autres
femmes et des hommes : une barrique, 2 pelles
grosses dents et petites dents.
Alima a été formée à la nouvelle technique de
carbonisation qu'elle a pratiqué pendant deux
ans. Mais elle a arrêté car dit-elle, « la nouvelle
technique est rentable même si son utilisation
demande une grande quantité de bois. En effet,
le temps de production du charbon est plus
court (2 à 4) jours contre une semaine pour
l'ancien système.» Alima est épuisée par ce
travail. Si elle avait le choix elle
l'abandonnerait. Niaré Boudua KONTE
9
charbon n'ont pas de place fixe dans les
marchés. De plus, les autres commerçants
font du lobbying pour qu'on les renvoie du
marché car il y a trop de poussière, ce qui
dérange ;
6 au plan social, les autres femmes
considèrent que la vente du charbon n'est
pas une activité esthétique pour une
femme.
Mais, pour les vendeuses de charbon, peu
importe l'esthétique, il s'agit d'exercer une
activité génératrice de revenus et donc elles
continueront à se battre pour se faire respecter
au marché et disposer d'un endroit stable.
Au Tchad, Am-Rakié apprécie le prix du charbon
en ces termes : « Sincèrement, le prix est élevé.
J'achète un sac de charbon dont le poids varie de
25 à 30 kg à 2 000 F CFA chez le grossiste. Le prix
varie selon les périodes. En saison pluvieuse le
prix d'achat du sac de charbon double voire triple
; surtout au mois d'août l'achat des sacs de
charbon est un peu difficile. Ce n'est pas à la
portée des commerçants détaillants puisque les
prix sont élevés », confie-t-elle.
III. LE GAZ BUTANE OU LE COMBUSTIBLE CONFORTABLE
Dans les pays sahéliens et quand on observe
l'échelle énergétique, le gaz butane peut être
considéré comme le haut de gamme. L'utilisation
de l'électricité reste très marginale et concerne
quelques ménages riches.
Dans les pays comme le Sénégal, la Mauritanie,
la Gambie et le Cap Vert, les Etats ont mené une
politique de diffusion massive du gaz butane
pendant plusieurs années dans l'objectif de
Le gaz butane moins cher que le charbon
de bois ?
A priori, le prix du gaz est un facteur limitant
pour son utilisation massive. Mais dans les
centres urbains où les familles deviennent de
plus en plus petites, il apparaît quelques fois
que le gaz butane est moins cher que le
charbon de bois.
Au Sénégal, le gaz se fait de plus en plus rare
et son prix augmente régulièrement. De nos
jours, la bouteille de gaz de 6 kg (la plus
utilisée) est vendue à 2000 FCFA. Cependant,
pour de nombreuses femmes, le gaz reste
toujours plus économique que le charbon de
bois. Pour un repas de midi, elles utilisent 2 à 3
kg de charbon et pour le couscous de mil 3 à 4
kg de charbon de bois. Le kg de charbon de
bois est à 200 FCFA.
Selon elles, le seul avantage du charbon c'est
qu'il peut se vendre en petites quantités. La
bouteille de 6 kg dure une dizaine de jours en
moyenne pour un ménage de 8 à 10
personnes. Et ce, en utilisation exclusive pour
le petit déjeuner et le déjeuner.
En cas de rupture de gaz, les femmes achètent
systématiquement du bois ou du charbon de
bois. Mireille Ehemba
10
diminuer la pression de l'homme sur le couvert
végétal. Mais du fait de la non disponibilité du
gaz et de son prix, la butanisation n'est pas
encore une réalité partout.
Mlle Khadidiatou Dia : j'utilise le gaz ça fait plus
de 5 ans. Je le préfère au charbon de bois.
Au Burkina Faso, au Mali et au Niger de vastes
campagnes ont permis de faire connaître le gaz
butane et ses avantages par rapport, d'une part,
à la régénération de l'environnement et d'autre
part, au confort des ménagères.
Des externalités positives. On peut noter les
externalités positives de la politique de
butanisation sur la vie des femmes car ces
dernières mentionnent et apprécient le confort,
la rapidité, la propreté, la réduction de la
pénibilité des tâches de corvée de bois, et au
dessus de tout, la préservation de la santé dans
l'utilisation de ce combustible moderne. Selon
Madame Dona Nela du Cap Vert, chaque famille
devrait faire l'effort d'utiliser le gaz butane afin
d'éviter que la femme reste esclave de la cuisine
où elle passe plusieurs heures de la journée à
cuire les repas.
Le gaz butane : des avantages indéniables
aussi bien pour l'environnement que pour
la ménagère
Au Niger, Maïmouna Ousmane travaille dans
une petite bourgade située à plusieurs centaines
de kilomètres de Niamey. Elle utilise le gaz
butane comme principal combustible. Elle
apprécie « la cuisson au gaz est plus rapide, mais
surtout propre. A tout moment je peux
rapidement mijoter quelque chose et manger
sans trop peiner autour du foyer alors que, avec
le bois ou le charbon, c'est un peu difficile. » Elle
ajoute « je dirais que la différence avec celle qui
utilise le bois est grande. D'abord la cuisson avec
le gaz est sans fumée, rapide, vos habits et vos
marmites restent propres, ensuite le gaz offre
plus de confort, que le bois. » Maïmouna
poursuit en citant d'autres avantages du gaz
butane : « c'est aussi un substitut au bois énergie
qu'on nous recommande dans le cadre de la
lutte contre le déboisement ». Au Cap Vert, Irène
Miranda Tavares, vendeuse de bouteilles de gaz
reconnaît que la consom-mation de gaz
augmente. La cuisson au gaz est rapide et son
utilisation permet la préservation de
l'environnement. Irène Miranda pense par
ailleurs que les femmes devraient « faire l'effort
d'utiliser le gaz puisque de toutes les façons, le
bois est rare dans l'archipel et le peu qui existe
doit être préservé. Avec le gaz, on ne noircit plus
les murs des cuisines et l'on peut gagner du
temps pour mener d'autres activités particulièrement celles génératrices de revenus. »
Quelques inconvénients aussi. Au Niger
Maïmouna se plaint : « j'ai un gros problème
d'approvisionnement, car s'il arrive que ma
bouteille de gaz soit terminée, il me faut attendre
une occasion pour en commander une autre et
cela prend de longs jours d'attente.» Elle ajoute
que « l'inconvénient du gaz est qu'il est très
dangereux, il doit être manipulé avec la plus
grande attention. Une fuite mal perçue peut
causer des dégâts inestimables, il peut y avoir
une pollution interne qui peut être nocive pour la
santé. »
« Le gaz, comme disent mes voisines, est un
produit de luxe et il faut avoir les moyens pour
l'utiliser régulièrement. Surtout avec la récente
hausse des prix, il faut être déterminé pour
continuer à l'utiliser ».
Au Cap Vert, les femmes préfèrent de loin
utiliser le gaz mais il coûte cher et c'est la raison
pour laquelle les ménagères les plus démunies
ne peuvent l'acheter.
IV. LES PERCEPTIONS DES MENAGERES SUR LES DIFFERENTS
COMBUSTIBLES
En résumé, les femmes sahéliennes
reconnaissent qu'avec le bois, notamment en
milieu rural elles dépensent moins qu'avec le
charbon de bois et le gaz. On trouve le bois en
petites quantités et on peut même utiliser les
brindilles, les écorces et autres petits morceaux
pour la cuisine quotidienne. En utilisant le bois,
la ménagère peut récupérer du charbon de bois
qu'elle peut utiliser à d'autres occasions. Le bois
s'adapte aux grandes marmites. Il est facilement
utilisé pour la cuisson des plantes médicinales et
de certains mets très particuliers.
En revanche, le bois s'adapte difficilement au
contexte urbain où les familles sont nombreuses
dans une même cour ou encore vivent dans des
Habitudes alimentaires et dimension
culturelle en Mauritanie. La plupart des
ménages, urbains comme ruraux, ont adopté
aujourd'hui à peu près les mêmes habitudes
alimentaires. Le riz est le plat principal du
déjeuner, le couscous celui du dîner. Entre les
deux, les ménages sacrifient au rituel du thé à la
menthe. Pour toutes ces préparations, une
longue cuisson est nécessaire. C'est pourquoi,
même à Nouakchott, persistent les habitudes
de consommation du charbon de bois, que l'on
utilise exclusivement pour brûler de l'encens. A
prix égal, les femmes préfèrent le charbon de
bois au gaz butane pour la préparation du riz.
Pourtant, lorsque le prix du gaz est compétitif
11
(1986-1994 et depuis 2000), celui-ci est très
fortement utilisé. Par contre, pour le couscous,
le bois de chauffe est encore préféré. On
observe également une utilisation
concomitante du gaz et du charbon de bois,
lorsque les ménages cuisinent un plat composé
de riz et de sauce. Le riz, d'une cuisson rapide,
cuit sur le réchaud à gaz, tandis que la sauce,
qui nécessite un mijotage prolongé, est elle
préparée au charbon de bois. Outre les
contraintes financières, il apparaît donc, une
dimension culturelle dans le recours aux
différents combustibles.
(Etude PREDAS Mauritanie)
appartements. Dans ces conditions, le charbon
de bois et le gaz s'adaptent mieux.
En effet le bois est reconnu comme un
combustible salissant aussi bien pour les murs
qu'il noircit, que pour la ménagère dont les
vêtements et le corps sentent la fumée après la
cuisson des repas. L'odeur de la fumée dénature
le goût des repas et porte préjudice à la santé des
ménagères et de leurs jeunes enfants en
particulier. Le bois est difficile à allumer en
saison des pluies. Par ailleurs,
l'approvisionnement en bois devient difficile à
cause de l'état des pistes et de celui des camions.
Le charbon de bois est dans certains pays un
Propreté
Efficacité
Rapidité
confort
L’échelle Energétique: Combustible pour la cuisson
des ménages au Sénégal
Milieu urbain
Electricité
Gaz Butane
Milieu péri-urbain
Kérosène
Charbon de bois
Milieu rural
Bois
Bouse de vache, résidus agricole
Prospérité
croissante
combustible pratique et moderne : il permet de
mijoter tous les mets, griller la viande et le
poisson. On peut l'acheter en toutes petites
quantités. Il demeure salissant et peut être nocif
pour la santé des femmes revendeuses à cause
de la poussière. Mais, c'est un combustible plus
cher que le bois.
Le gaz est un combustible moderne. Il procure
un véritable confort. Il est rapide, propre et
12
pratique. Il est très apprécié des ménagères.
Cependant il coûte cher et n'est pas sécurisant
pour les enfants en particulier : manipulation,
vétusté des emballages, etc. Il ne s'adapte pas
aux grandes marmites utilisées lors des
événements sociaux. On constate souvent des
ruptures de stocks et une difficulté à
approvisionner régulièrement les utilisateurs.
Enfin, les équipements qui l'utilisent coûtent
cher.
La combinaison des combustibles, une
adaptation nécessaire. Il est peu courant de
rencontrer des ménagères sahéliennes qui
utilisent exclusivement le gaz butane comme
combustible pour la cuisson des repas.
En effet, la non disponibilité du combustible dans
les points de vente, le revenu des ménages et
surtout les habitudes culinaires, poussent les
femmes à utiliser deux à trois combustibles. Il
serait donc plus juste de parler de « combinaison
de combustibles » C'est le processus par lequel
les ménages migrent de l'utilisation du bois vers
le charbon de bois et de celui-ci vers le gaz
Un bilan nuancé de la butanisation en
Mauritanie. Sans aucun doute la substitution
énergétique a commencé depuis la fin des
années quatre vingt. Il reste qu'elle a surtout
concerné Nouakchott et la zone aride.
L'introduction du gaz butane a finalement
gagné très vite l'intérieur du pays, presque
sans une incitation des pouvoirs publics. Ce
mouvement ne s'est pas fait sans problème.
Ainsi : (i) lorsque les prix à l’importation du gaz
ont connu une hausse avec la dévaluation de
l'Ouguiya en 1994, la substitution s'est
ralentie, voire a connu un recul. Le charbon de
bois était redevenu compétitif dans le milieu
urbain, notamment à Nouakchott ; (ii) une part
importante du manque d'essor dynamique de
la butanisation est sans aucun doute
imputable à l'insuffisance et à la vétusté du
parc des bouteilles de la SOMAGAZ ; (iii) les
habitudes culinaires constituent aussi, dans
une certaine mesure, une entrave à la
substitution énergétique. En effet, on ne fait
jamais les repas de fête (mariage, baptême,
etc.) avec du gaz ; le bois de chauffe est
toujours l'énergie préférée. (Etude PREDAS
Mauritanie)
butane, c'est la « transition énergétique».
C'est un processus qui caractérise l'évolution du
comportement des ménagères dans les centres
urbains des pays sahéliens.
Au Niger, l'on exploite, à très petite échelle, le
charbon minéral pour en faire un combustible
domestique. Ce charbon est utilisé par les
ménagères. Pour Maïmouna Ousmane, « pour la
première fois, j'ai entendu parler du charbon
minéral à une cérémonie. Les femmes ont
préparé le repas avec, je l'ai apprécié et depuis
lors, je l'utilise comme je vous l'ai dit, le week
end, car son allumage est un peu difficile et il
prend beaucoup de temps ».
Au Mali, Madame Nogaye M'Baye utilise le
charbon de biomasse pour faire cuire les repas.
Elle trouve que ce nouveau charbon chauffe plus
vite que le charbon de bois. Elle dit que « en tout
cas le nouveau charbon, sa production d'énergie
est très importante par rapport au charbon de
bois, parce que après la cuisine de la journée, le
lendemain on retrouve encore les braises dans le
fourneau ce qui nous permet d'attiser
simplement le feu pour démarrer la nouvelle
cuisine. »
L'inconvénient, c'est qu'avec ce charbon, la
récupération n'est pas possible. Une fois que
vous l'avez allumé, il ne peut être éteint et
récupéré, alors que le charbon de bois permet
cela.»
Femmes et activités génératrices de
revenus : la plate forme multifonctionnelle
comme moyen de lutte contre la pauvreté
dans les villages. Au Burkina, au Mali, au
Sénégal et peut être bientôt dans d'autres pays,
existe depuis quelques années, des programmes
nationaux appelés programmes plates formes
multifonctionnelles pour la lutte contre la
pauvreté. Conçue pour être utilisée surtout en
milieu rural, la plate forme multifonctionnelle est
un assemblage d'équipements divers entraînés
par un moteur diesel (utilisant du gasoil ou du
bio carburant) permettant essentiellement de
transformer les céréales, et de produire de
l'électricité à l'échelle du village. L'énergie
mécanique utilisée pour les services de mouture,
broyage, décorticage, etc., est transformée en
énergie électrique par un alternateur et produit
de l'électricité pour l'éclairage collectif et
individuel, la soudure, la menuiserie électrique,
etc. Certaines options permettent aussi de
pomper l'eau d'un forage et de la distribuer dans
le village à l'aide de bornes fontaines.
Les plates formes ne constituent pas directement
une activité d'énergie domestique mais
l'utilisation des plates formes libère le temps aux
femmes qui peuvent mener des activités
génératrices de revenus. Cela leur procure de
quoi recevoir des formations diverses dont celle
sur l'utilisation rationnelle du bois de chauffe par
exemple. Elles peuvent aussi s'acheter des foyers
améliorés ou participer davantage aux activités
d'aménagement forestier. Toutes ces sous
activités ont une incidence sur l'utilisation du
bois de chauffe et la préservation de
l'environnement en général.
Alléger les tâches ménagères et gagner du
temps. Ce sont-là les deux conséquences
essentielles qui découlent de l'utilisation des
plates formes multifonctionnelles.
C'est dans l'un des 8000 villages du Burkina
qu'une utilisatrice de la plate -forme
multifonctionnelle indique les avantages qu'elle
constate. Salimata nous dit ceci : « grâce à la
plate-forme, nous n'avons plus à nous déplacer
13
à la recherche de la mouture, du broyage du
karité et d'arachides, la charge de téléphones,
l'éclairage. Elle nous permet de dégager le
temps. »
« Le temps gagné permet de mieux travailler
dans les champs et de fabriquer du soumbala
destiné à la vente. » nous confie Salimata.
Au-delà de l'allègement des tâches ménagères,
la plate forme permet de fournir de l'eau potable
et de l'électricité. Salimata dit qu'elle se fatigue
moins et qu'elle ne tombe plus malade car elle
ne parcourt plus de longues distances pour faire
moudre son grain. Salimata ajoute que « mon
bénéfice issu de la fabrication et de la vente du
soumbala (condiment préparé à base de graines
de Parkia biglobosa fermentées) se trouve à deux
niveaux : je vends du soumbala et j'en fabrique
beaucoup plus qu'avant. Le soumbala lui-même
est utilisé pour agrémenter les sauces de ma
famille. De plus, je gagne plus d'argent (environ
entre 6000 et 15 000FCFA par mois) que j'utilise
pour mieux m'occuper des enfants, améliorer la
qualité du bol alimentaire en achetant plus
d'ingrédients (poisson sec, riz).
V. PERSPECTIVES
Il est reconnu que ceux sont les villes qui sont les principales consommatrices de bois de chauffe et il
reste capital de réglementer sa coupe. Au cours des prochaines années, il s'agit de mettre l'accent sur
deux types d'actions complémentaires et qui sont :
la poursuite des actions favorisant
l'utilisation rationnelle du bois de chauffe et
du charbon de bois. Cette mesure s'applique
surtout au milieu rural mais aussi en milieu
urbain où l'on rencontre de nombreux
consommateurs de combustibles ligneux. Il
s'agit de :
5 Poursuivre inlassablement la gestion
rationnelle (ou contrôlée) des forêts par les
populations elles-mêmes. En effet, en
responsabilisant les populations riveraines des
forêts aménagées sur la coupe réglementée
du bois de chauffe, ces dernières se sentent
engagées dans la protection des ressources
naturelles. Par ailleurs, elles tirent des
revenus substantiels de la vente du bois et du
charbon de bois et sont tentées de préserver la
source de leurs revenus. L'organisation des
populations au Mali et au Burkina pour la
gestion rationnelle des forêts constitue la
preuve qu'il est possible d'obtenir de bons
résultats dans ce domaine.
5 Relancer et encourager l'utilisation des foyers
améliorés à bois et à charbon de bois. Les
modèles performants existants sont déjà
connus des populations. De nouveaux projets
se mettent en place pour la relance de
l'utilisation des foyers améliorés. Au stade
actuel, il est important de faire une utilisation
massive des foyers améliorés. Il s'agit d'une
technologie simple et efficace à la portée de la
ménagère sahélienne moyenne.
>
> Valoriser vulgariser les combustibles comme le
14
charbon minéral au Niger et le charbon de
biomasse au Mali. Le charbon minéral exploité
au Niger et utilisé comme combustible
domestique peut être diffusé dans les autres
pays du Sahel à travers un circuit de distribution
à mettre en place. L'utilisation du charbon
s'adapte parfaitement aux réalités culinaires
des ménages et permet à la ménagère de
réduire le temps consacré à la cuisson des
repas. Outre les économies réalisées par les
ménages sur le budget bois énergie, l'utilisation
du charbon permet de réduire les pressions
exercées sur les ressources en bois, les risques
de maladies respiratoires liées à la fumée
dégagée par le bois. Enfin le circuit de
distribution et la fabrication d'un foyer adapté
favorisent la création d'emplois.
> Poursuivre la campagne de diffusion du gaz
butane notamment dans les centres urbains et
l'adaptation de foyers à gaz aux habitudes
alimentaires des ménagères sahéliennes. En
effet, il existe de plus en plus des ménages qui se
convertissent au gaz butane quoique utilisant
d'autres combustibles comme le charbon ou le
bois selon les plats à confectionner.
> Poursuivre la recherche scientifique et
technologique pour trouver d'autres modèles de
foyers adaptés aux combustibles alternatifs
comme le pétrole lampant et le solaire.
> L'utilisation des briquettes fabriquées à base de
tiges de coton, de balles de riz, etc. sous formes
de combustibles domestiques devra être plus
répandue dans les pays du Sahel.
Ce dossier est une synthèse réalisée par
Madame Armande SAWADOGO
à partir de résultats d’enquêtes proposées par :
-
Mme Armande SAWADOGO du Burkina Faso
Mme¨Pereira DE BARROS du Cap Vert
Mme Niaré Boudia KONTE du Mali
Mme Issouffou Aïchatou Illou du Niger
Mme Mireille EHENBA du Sénégal