Migration du personnel de santé en Suisse
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Migration du personnel de santé en Suisse
Migration du personnel de santé en Suisse Recherche qualitative sur le personnel de santé étranger et sur son recrutement Rapport partiel II: La situation du personnel de santé immigrant Kathrin Huber, Ewa Mariéthoz Berne, 31 mai 2010 Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé Maison des cantons Speichergasse 6 Case postale 684 CH-3000 Berne 7 51.313 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Table des matières ABRÉVIATIONS ................................................................................................................................................ 3 RÉSUMÉ ........................................................................................................................................................... 4 PARTIE I INTRODUCTION ............................................................................................................................... 5 1 2 SITUATION DE DÉPART ET OBJECTIFS.......................................................................................................... 5 PROCÉDURE ET MÉTHODOLOGIE ................................................................................................................ 6 2.1 Relevé et analyse des données ...................................................................................................... 6 2.2 Echantillonnage ............................................................................................................................... 7 PARTIE II EXPÉRIENCES DU PERSONNEL DE SANTÉ ÉTRANGER ......................................................... 8 3 MIGRATION: EXPÉRIENCES ET MOTIFS DE MIGRATION .................................................................................. 8 3.1 Moment et direction de la migration ................................................................................................ 8 3.2 Motifs de migration .......................................................................................................................... 9 3.3 Intentions de migration futures ...................................................................................................... 12 3.4 Décisions de migration individuelles et multicausales .................................................................. 14 4 EXPÉRIENCES AVEC LE RECRUTEMENT ..................................................................................................... 14 4.1 Recherche d'emploi depuis la Suisse ou l'étranger....................................................................... 14 4.2 Stratégies dans la recherche d'emploi .......................................................................................... 15 4.3 Procédure de candidature ............................................................................................................. 16 5 FILIÈRE DE FORMATION ET RECONNAISSANCE DES DIPLÔMES..................................................................... 16 5.1 Médecins ....................................................................................................................................... 16 5.2 Personnel infirmier diplômé ........................................................................................................... 17 6 ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE EN SUISSE ................................................................................................... 18 6.1 Déroulement de l'activité professionnelle en Suisse ..................................................................... 18 6.2 Perspectives professionnelles ....................................................................................................... 19 6.3 Conditions de travail ...................................................................................................................... 19 PARTIE III MIGRATION CIRCULAIRE ET POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT ........................................ 22 7 MIGRATION GLOBALE ET SYSTÈMES DE SANTÉ DES PAYS D'ORIGINE ........................................................... 22 7.1 La perception de la migration globale du personnel de santé ....................................................... 22 7.2 Appréciation des systèmes de santé ............................................................................................. 23 7.3 Soutien requis ................................................................................................................................ 24 8 MIGRATION CIRCULAIRE ET COOPÉRATION AVEC LES PAYS D'ORIGINE ......................................................... 25 8.1 La migration circulaire ................................................................................................................... 25 8.2 Autres modes de coopération internationale ................................................................................. 27 PARTIE IV BILAN ET CONCLUSIONS .......................................................................................................... 29 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 31 ANNEXE .......................................................................................................................................................... 32 ANNEXE 1: COMPOSITION DE L'ÉCHANTILLONNAGE ........................................................................................... 32 2 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Abréviations AELE ALCP ASI CDS CEE CRS DRG ES FMH HES IOM MEBEKO OCDE ODM OMS UE Association européenne de libre-échange Accord sur la libre circulation des personnes Association suisse des infirmières et infirmiers Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé Communauté économique européenne Croix-Rouge Suisse Diagnosis Related Groups (forfaits par cas pour l’indemnisation des traitements hospitaliers) Ecole supérieure Fédération des médecins suisses Haute école spécialisée International Organization for Migration Commission des professions médicales Organisation de coopération et de développement économiques Office fédéral des migrations Organisation mondiale de la santé Union européenne 3 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Résumé Situation de départ et objectifs Le présent rapport partiel II est le résultat de la seconde partie de l'étude qualitative sur le thème du personnel de santé étranger en Suisse et de son recrutement. Il fait suite au rapport partiel I, qui résume les résultats de l'enquête auprès des employeurs, c'est-à-dire auprès des établissements de santé. L'objectif de ce rapport partiel II est de présenter les perspectives des employés, c'est-à-dire des médecins et du personnel soignant diplômé étrangers. Les questions les plus importantes ici sont: Pourquoi ont-ils quitté leur pays d'origine? Pourquoi travaillent-ils en Suisse? Quels projets d'avenir ont-ils? En outre, il conviendrait de définir leur activité et sous quelles conditions ils travaillent ici ainsi que les expériences qu'ils ont faites en Suisse lors de leur recrutement. Dans la présentation de la perspective de l'employé également, la question de savoir quel potentiel de développement et quelles chances existent du point de vue du personnel de santé étranger concernant une migration circulaire ou une autre coopération avec les pays d’origine est importante dans l’optique des activités futures de la politique extérieure suisse en matière de santé. Méthodologie Pour la saisie et l'analyse des données, le même procédé a été appliqué que dans le rapport partiel I. Les données à la base du présent rapport partiel II ont été recueillies via des interviews qualitatives avec des médecins et du personnel soignant diplômé étrangers employés dans les cantons de Bâle-Ville ou de Vaud. Résultats et bilan Les médecins et le personnel soignant diplômé d'origine étrangère qui travaillent en Suisse, certains depuis les années 1980 déjà, sont avant tout venus dans ce pays dans l'espoir d'y trouver de meilleures conditions de travail et possibilités de carrière. Certains ont déjà cherché une place de travail en Suisse depuis l'étranger ou y ont été recrutés. Indépendamment de la voie par laquelle ils ont cherché, tous on trouvé assez simple l'accès au marché du travail suisse et sont en majeure partie satisfaits de leur activité professionnelle et des conditions de travail. En raison de leurs perspectives professionnelles et de la famille établie en Suisse, la plupart n'ont pas l'intention de quitter le pays. Ils considèrent que les systèmes de santé dans leur pays d'origine ne sont pas assez opérationnels. Toutefois, selon eux, il n'est pas absolument nécessaire que d'autres Etats, en particulier les Etats qui accueillent du personnel de santé qualifié, soutiennent les pays d'origine dans le développement des systèmes de santé et du personnel de santé. En outre, les professionnels de la santé étrangers ne voient pas vraiment pourquoi ils devraient s'impliquer dans le soutien de leur pays d'origine. Cela tient entre autres au fait que plusieurs d'entre eux ne perçoivent guère leur histoire de migration dans le contexte d'un mouvement migratoire global. La migration circulaire conçue comme un moyen d'atténuer les conséquences négatives de la migration du personnel de santé suscite, tant chez les employés que chez les employeurs, une position ambivalente. Ils ont des doutes quand à sa mise en œuvre, étant donné qu'ils ne sont eux-mêmes guère intéressés à retourner dans leur pays d'origine, mais aussi quant à son efficacité. L'idée de renforcement des systèmes de santé des pays d'origine par le biais d'un transfert de savoir et d'expérience est toutefois jugée positive. Certains sont déjà actifs dans ce domaine, mais sur leur propre initiative. 4 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Partie I Introduction 1 Situation de départ et objectifs Cette étude est consacrée à la thématique de la situation actuelle de la Suisse concernant le personnel de santé étranger et la pratique de son recrutement. Le présent rapport partiel II fait suite au rapport partiel I déjà terminé, dans lequel la situation de départ et la méthodologie ont déjà été exposées. Le rapport partiel I s'intéressait à la perspective de l'employeur. Le présent rapport partiel II, quant à lui, présente la perspective du personnel de santé étranger et la compare déjà partiellement avec les résultats du rapport partiel I. Les questions les plus importantes sont: Pourquoi les médecins et le personnel soignant étrangers ont-ils quitté leur pays d'origine? Pourquoi travaillent-ils en Suisse? Quels projets d'avenir ont-ils? En outre, il conviendrait de définir leur activité et sous quelles conditions ils travaillent ici ainsi que les expériences qu'ils ont faites ici lors de leur recrutement. Dans l'examen de la perspective de l'employé également, la question de savoir quel potentiel de développement et quelles chances existent du point de vue du personnel de 1 santé étranger concernant une migration circulaire ou une autre coopération avec les pays d’origine est importante dans l’optique des activités futures de la politique extérieure suisse en matière de santé. L'objectif est de présenter une vue d'ensemble des réponses à ces questions sur la base de toutes les perspectives individuelles, qui sont entièrement personnelles et dépendent du contexte des personnes interrogées, et de dégager les points communs entre ces conceptions et expériences individuelles. Le déroulement qualitatif de l'étude permet d'obtenir, dans le contexte du vaste thème de la migration du personnel, des points de vue variés sur le regard que portent les professionnels de la santé étrangers employés en Suisse sur leur propre histoire. Le fait que la Suisse connaît un système dual dans l'admission de travailleurs étrangers constitue un contexte important pour cette étude. Les personnes actives provenant d'Etats de l'UE/AELE profitent de l'Accord sur la libre circulation des personnes. Toutefois, il subsiste encore jusqu'en 2011 des restrictions relatives au marché du travail (contingentement, priorité aux indigènes et contrôle des conditions salariales 2 et de travail) pour 8 Etats de l'UE . L'admission de ressortissants d'Etats hors UE/AELE, appelés Etats tiers, n'est possible que si aucune personne en Suisse ou dans les Etats de l'UE/AELE n'est disponible avec les 3 qualifications requises . La plupart des médecins d'origine étrangère qui travaillent en Suisse viennent, comme on pouvait s'y at4 tendre vu le système d'admission dual, de l'UE. C'est également le cas pour le personnel soignant étranger . Pour cette raison, et parce que l'enquête auprès des employeurs a aussi mis en évidence que ce groupe est considéré comme le plus important, tous les Etats de l'UE figureront dans l'échantillon contrairement au mandat initial. Dans le présent rapport, le groupe originaire de l'UE représente donc le plus grand groupe parmi le personnel de santé étranger travaillant en Suisse. Une partie notable du personnel soignant pro5 vient toutefois aussi d'Etats tiers . Il faut particulièrement considérer ce groupe car il est relativement grand 1 Définition cf. chapitre 8.1. Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Slovénie. Cf. à ce propos aussi Office fédéral des migrations ODM (2009). Rapport sur la migration 2008. Berne, ODM. 4 OCDE (2006). Rapport de l’OCDE sur les systèmes de santé – Suisse. Paris, OCDE. 5 Serbie-et-Monténégro, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Inde, Canada, Philippines, Macédoine et Turquie sont, selon le rapport de l'OCDE sur la Suisse (2006), les pays d'origine les plus fréquents du personnel soignant hors UE/AELE. 5 2 3 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant malgré le système d'admission dual sur le marché du travail. Dans le présent rapport, le personnel originaire d'Etats tiers est en général aussi particulièrement intéressant sous l'angle de la demande de migration circulaire et d'autres possibilités de coopération internationale. Tout comme le rapport partiel I, le présent rapport n'a pas pour objectif d’énoncer des fréquences ou des tendances statistiques. Cette limitation résulte de la procédure qualitative, c’est-à-dire de la réalisation d’un nombre limité d’interviews avec un échantillon sélectionné. La représentativité des résultats est garantie par le choix de l’échantillon mais pas par une analyse quantitative globale. L’objectif du présent rapport partiel II consiste en résumé à répondre aux questions suivantes dans la perspective du personnel de santé étranger: 2 Quels ont été les motifs de migration, par rapport au pays d'origine et de destination (facteurs "push & pull")? Comment les personnes interrogées ont-elles été recrutées pour leur poste en Suisse? Comment est organisée l'activité professionnelle, sous quelles conditions, et quels sont les projets d'avenir professionnels? Qu'en est-il de l'intérêt à soutenir le système de santé dans le pays d'origine, p. ex. par le biais de la migration circulaire? Procédure et méthodologie 2.1 Relevé et analyse des données La méthodologie sélectionnée pour le relevé et l'analyse des données a déjà été décrite en détail dans le rapport partiel I (cf. rapport partiel I, chapitre 3). Pour le présent rapport partiel II, 19 interviews qualitatives semi-structurées au total ont été menées de février à avril 2010 dans les cantons de Bâle-Ville et de Vaud. Les médecins et le personnel soignant diplômé d'origine étrangère qui ont pris part à l'étude sont tous employés. Ils ont été interrogés chez eux, dans un café ou sur leur lieu de travail. Il n'y a jamais eu de tierces personnes présentes et les employeurs n'ont été informés de la participation à l'étude que dans deux cas mais jamais du moment auquel se déroulerait l'interview. Une personne n'a participé à l'étude qu'à condition de pouvoir répondre par écrit aux questions et d'ensuite pouvoir les rediscuter par téléphone. Dans un souci de protection des participants à l'étude, la description des cas particuliers dans le présent rapport est limitée de façon à ce qu'il ne soit pas possible d'identifier les personnes. Cela signifie par exemple que l'origine, la profession ou le canton de travail d'une personne ne sont jamais mentionnés en même temps. Pour le présent rapport partiel II, les interviews ont de nouveau été dépouillées à l’aide de la méthode du 6 codage théorique . Cette méthode permet une présentation adaptée à chaque cas de la discussion du thème de l’étude. Elle aide en outre également à la comparaison entre groupes et entre cas, permet donc de comparer les perspectives des cas individuels au sein des groupes employés et employeurs et de mettre en relation les opinions du groupe des employés avec celles du groupe des employeurs. 6 Strauss, Anselm L. (1994). Grundlagen qualitativer Sozialforschung. München, Wilhelm Fink Verlag. 6 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 2.2 Echantillonnage7 L'échantillon a été sélectionné en fonction des caractéristiques que sont le pays d'origine, le canton de travail, le groupe professionnel et le sexe, en veillant à ce que les trois dernières catégories soient représentées aussi équitablement que possible. Etant donné qu'il n'existe pas encore de registre qui permettrait de procéder à une sélection selon des critères définis, il n'était pas possible d'obtenir un échantillonnage purement aléatoire selon les objectifs ci-dessus. Les personnes représentées dans l'échantillon ont pu être trouvées via le registre de la FMH, l'ASI du canton de Vaud, la CRS, via des contacts personnels et dans certains cas via l'employeur. Dans le présent rapport partiel II également, on entend par "personnel de santé" uniquement les médecins et 8 le personnel infirmier diplômé . Le personnel soignant au niveau des soins auxiliaires n'est pas inclus dans l'échantillonnage. Il convient de tenir compte également de ceci dans l'interprétation des résultats. Deux des personnes interrogées ne travaillent plus dans les soins aujourd'hui mais dans l'enseignement ou dans l'administration, mais elles ont tout d'abord travaillé dans les soins après leur arrivée en Suisse. Lors de la sélection des pays d'origine, on a tenu compte du système d'admission dual de la Suisse: comme on peut le voir plus en détails à l'annexe 1, sept personnes provenant d'Etats de l'UE, huit personnes prove9 nant du groupe le plus représenté d'Etats tiers et quatre personnes provenant d'autres Etats tiers ont été interrogées dans cette étude. Il convient de différencier le pays d'origine du pays dans lequel le diplôme a été obtenu. C'est pourquoi ces deux catégories sont indiquées séparément dans l'annexe 1. Mis à part deux 10 des personnes interrogées, toutes ont obtenu leur diplôme à l'étranger . 7 Une description exacte de l'échantillonnage se trouve à l'annexe 1. Le terme de "personnel infirmier diplômé" utilisé ici comprend les titulaires des qualifications minimales suivantes ou des diplômes équivalents à ces filières: Bachelor of Science in Nursing (HES), infirmière/infirmier dipl. ES, DNI ou DNII ainsi que les anciennes formations de niveau diplôme en soins infirmiers. 9 En font partie l'Albanie, le Canada, la Macédoine, les Philippines, la Serbie et la Thaïlande. 10 L'une d'entre elles a accompli toute sa formation à l'étranger jusqu'au diplôme, et l'autre a effectué en Suisse sa formation également. 7 8 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Partie II Expériences du personnel de santé étranger Cette première partie de la présentation des résultats s'intéresse avant tout aux expériences des médecins et du personnel soignant diplômé d'origine étrangère qui travaillent en Suisse. Ainsi, il convient de résumer les réponses aux questions suivantes: Quand et pourquoi avez-vous quitté votre pays pour venir en Suisse? Quelles expériences avez-vous faites lors de votre recherche d'emploi? Quelles formations et quels perfectionnements avez vous accomplis à l'étranger et en Suisse? Quelle fonction occupez-vous ici et sous quelles conditions? Il convient d'indiquer au préalable que le scepticisme vis-à-vis d'une participation à cette étude était sensiblement plus élevé chez le personnel de santé immigré que chez les représentants des employeurs. Cela s'est manifesté par les réserves émises au sujet de la prise de procès-verbal de l'interview ainsi que par le souhait absolu de rester anonyme. En particulier les personnes ayant des doutes quant à leur intégration professionnelle en Suisse ont refusé de participer à l'étude. 3 Migration: expériences et motifs de migration Ce chapitre a pour but de donner une vue d'ensemble du passé migratoire du personnel de santé d'origine étrangère interrogé et de clarifier les raisons déterminantes pour lesquelles ces personnes ont quitté leur pays d'origine et choisi d'émigrer en Suisse. 3.1 Moment et direction de la migration Afin de se faire une image de l'histoire migratoire des participants à l'étude, quelques caractéristiques doivent être mentionnées, notamment le moment de l’immigration en Suisse et la direction de la migration. Moment de la migration Les personnes migrantes interrogées au cours de cette étude ont immigré en Suisse entre 1979 et 2006. La plupart d’entre elles sont toutefois venues en Suisse après 1990. Le fait que les années de l'entrée en Suisse s'étalent sur une si longue période dans ce petit échantillon déjà démontre d'une part que l'immigration en Suisse de personnel de santé étranger n'est pas un phénomène très nouveau. D'autre part, dans le cas d'une telle période sur laquelle s'étend l'immigration, il faut prendre en considération le fait que les conditions en matière de recrutement, d'autorisation d'entrer en Suisse, de permis de travail et de marché du travail étaient pour les différentes personnes interrogées en partie très différentes de celles en vigueur actuellement. Ainsi, cette période pose des limites à la comparaison avec le point de vue des employeurs présenté dans le rapport partiel I. En effet, les employeurs interrogés n'ont par exemple donné des renseignements que sur leur pratique de recrutement actuelle, qui peut avoir beaucoup changé au cours des trente dernières années. Les personnes interrogées avaient entre 19 et 36 ans lors de leur arrivée en Suisse. On ne peut toutefois pas dire s'il existe, vis-à-vis de l'âge au moment de la migration, des différences entre les sexes ou les groupes professionnels. On constate cependant que la décision d'émigrer est prise assez rapidement au cours de la vie: La plupart des personnes interrogées sont venues en Suisse soit juste après leur formation et l'obtention de leur diplôme, soit après avoir pris la décision de fonder une famille avec leur partenaire. 8 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Voies migratoires La grande majorité des personnes interrogées n'a migré qu'une seule fois, soit de leur pays d'origine vers la Suisse. Les voies migratoires sont les suivantes: est-ouest (à l'intérieur de l'Europe et de l'Asie vers l'Europe), nord-sud à l'intérieur de l'Europe, sud-nord (à l'intérieur de l'Europe et de l'Afrique vers l'Europe), Amérique du Nord-Europe et Amérique centrale-Europe. Trois personnes sur l'échantillon ont d'abord migré vers un autre pays avant de venir en Suisse. L'une d'elles a tout d'abord quitté son pays d'origine en Europe de l'Est pour l'Amérique du Nord puis elle est venue en Suisse, une autre a voyagé d'est en ouest à l'intérieur de l'Europe avant d'arriver en Suisse, la troisième a d'abord migré de l'Asie du Sud-est à l'Asie de l'est avant de venir en Suisse. Deux des personnes interrogées sont retournées entre deux dans leur pays d'origine après leur entrée en Suisse. L'une d'elles n'est restée dans son pays d'origine que quelques mois, avant de revenir en Suisse en raison de conditions de travail comparativement moins bonnes et d'un perfectionnement prévu. L'autre personne est retournée dans son pays d'origine après deux ans passés en Suisse et n'est revenue que onze ans plus tard, principalement parce que son/sa partenaire avait perdu son emploi dans le pays d'origine et qu'il/elle voulait chercher du travail en Suisse. 3.2 Motifs de migration Afin de demander les raisons de quitter le pays d'origine et d’émigrer en Suisse, on a eu recours au modèle 11 push & pull . Ce modèle part du principe qu'il existe des facteurs qui incitent les gens à quitter leur pays d'origine (facteurs "push") et des facteurs qui attirent les gens dans un pays en particulier (facteurs "pull"). Il existe, tant dans le pays d'origine que dans le pays de destination, à savoir la Suisse, des facteurs qui attirent ou qui repoussent. Les facteurs "push" et "pull" présentés ci-après ont une certaine signification également pour les immigrants dans d'autres secteurs économiques ou en tant que motifs généraux de migra12 tion . Dans les interviews, il a été demandé aux personnes interrogées pourquoi elles ont quitté leur pays (facteurs "push" dans le pays d'origine), ce qui les y aurait retenues (facteurs "pull" dans le pays d'origine) et pourquoi elles ont choisi de venir en Suisse (facteurs "pull" en Suisse). Facteurs "push" dans le pays d'origine, facteurs "pull" en Suisse La plupart des facteurs "push" et "pull" sont assez similaires entre eux étant donné que les personnes expatriées attendent de la Suisse une amélioration de la situation à leur sens désavantageuse dans leur pays d'origine. Les facteurs dits "pull" sont donc pour la plupart le pendant des facteurs "push" qui les incitent à quitter leur pays d'origine. Pour cette raison, les facteurs "push" et "pull" sont présentés ici en relation directe les uns avec les autres. Ils peuvent être rangés dans les cinq grandes catégories suivantes: 11 Conditions générales politiques, économiques et culturelles Conditions de travail Perspectives professionnelles, formation et perfectionnement Famille et partenariat Contact avec la Suisse Cf. p. ex. OCDE (2009). The Future of International Migration to OECD Countries. Paris, OCDE. Cf. Treibel, Annette (1990). Migration in modernen Gesellschaften. Soziale Folgen von Einwanderung, Gastarbeit und Flucht. Weinheim, Juventa, S. 39 f. 9 12 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 1) Conditions générales politiques, économiques et culturelles Les conditions générales politiques, économiques et culturelles représentent la première et la plus grande catégorie de facteurs "push" et "pull". Du côté des facteurs "push", des critiques du système politique et économique du pays (Albanie), des doutes sur la stabilité de l'ensemble du pays (Haïti), un taux d'imposition jugé trop élevé (Allemagne, Autriche) et des difficultés avec la culture d'un pays ont en outre également été soulevés. Une seule personne a mentionné des instabilités dues à la guerre (Serbie), non pas en tant que raison du départ mais comme argument supplémentaire contre un retour dans le pays d'origine. Du côté des facteurs "pull" de la Suisse, seuls ses atouts culturels ont été mentionnés. La qualité de vie, l'ouverture sociale en général et vis-à-vis des étrangers en particulier, ainsi que l'ordre qui règne ici ont été cités en exemples. Une personne espérait trouver en Suisse une certaine proximité culturelle avec son pays d'origine (Pays-Bas). Et une personne questionnée a choisi la Suisse entre autres parce qu'elle avait déjà appris l'allemand en tant que langue étrangère à l'école. 2) Conditions de travail Tant les médecins que le personnel soignant diplômé ont le plus souvent dénoncé de mauvaises conditions de travail, en tant que partie des conditions générales politiques, économiques et culturelles, comme raison de quitter le pays d'origine. Le salaire trop bas a plusieurs fois été spécialement mentionné. D'un côté, le salaire ne correspondait pas au travail accompli, et de l'autre, il ne suffisait pas à garantir le minimum vital. Les horaires ont également plusieurs fois été qualifiés d’intenables. Dans le domaine médical, la critique concerne des temps de travail en général trop élevés en raison de trop nombreux mandats supplémentaires que les supérieurs ont acquis pour compenser leur propre faible revenu. Dans les soins, le système canadien, dans lequel les membres les plus anciens du personnel soignant peuvent choisir leurs horaires et les nouveaux doivent prendre les plages restantes, a en particulier été critiqué. Les personnes interrogées ont été obligées de travailler pendant deux ans de nuit ou „sur appel" exclusivement. Le principe d'ancienneté 13 semble être déterminant aujourd'hui encore pour la planification des horaires au Canada . La charge psychique élevée du travail, le manque de reconnaissance, ainsi que des compétences trop restreintes ont également été mentionnés comme facteurs "push" liés au travail. La plupart des conditions de travail indiquées comme facteurs "push" sont d'ailleurs également critiquées par le personnel soignant en Suisse et représentent un risque général d’abandon des professions de soins. Plusieurs des personnes interrogées espéraient qu'un déménagement en Suisse leur permettrait également de trouver ici de meilleures conditions de travail. Le salaire, meilleur en comparaison avec le pays d'origine, a particulièrement été souligné notamment par les médecins. Dans le domaine des soins, les compétences plus élargies, la plus grande reconnaissance sociale des professions de soins et la possibilité de choisir les horaires de travail sont des points mentionnés comme particulièrement positifs. 3) Perspectives professionnelles, formation et perfectionnement Le fait de n'avoir guère de perspectives de carrière a également été un motif important de quitter le pays d'origine pour quelques personnes interrogées (médecine et soins). Par exemple, il n'existait guère de bons postes dans le pays d'origine. L'environnement scientifique dans leur pays d'origine a souvent été qualifié de peu propice à une carrière scientifique par les médecins. Outre les maigres possibilités de carrière, les très faibles chances de formation et de perfectionnement ont également été citées: la seule personne de l'échantillon qui a accompli la totalité de sa formation en Suisse a quitté son pays d'origine parce qu'elle aurait dû y attendre cinq ans avant de pouvoir commencer sa formation en raison de la très forte demande. 13 Cf. Shields, Margot, Wilkins, Kathryn (2006). Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier de 2005, résultats. Ottawa, Ministre de l’Industrie. 10 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Pour elle, partir à l'étranger était la seule possibilité de concrétiser son rêve professionnel. Une autre personne a décidé de chercher du travail dans un autre pays parce qu'elle ne voyait pas de chances d’effectuer un perfectionnement de qualité dans le domaine des soins dans son pays d'origine. D'autre part, plusieurs participants à l'étude s'attendaient à avoir de meilleures perspectives professionnelles en Suisse que dans leur pays d'origine. Le fait que l'environnement scientifique en Suisse est avantageux et que les instituts de Bâle ou de Lausanne jouissent d'une renommée internationale qui les rend attrayants a par exemple été signalé explicitement. De plus, les nombreuses offres d'emploi et les possibilités avantageuses de perfectionnement, aussi dans le domaine des soins, ont été citées comme des facteurs déterminants dans le choix de la Suisse. 4) Famille et partenariat Les principaux motifs de migration relevant de la vie privée évoqués sont les raisons familiales de quitter le pays d'origine et surtout d’émigrer en Suisse. Dans au moins quatre cas, le ou la partenaire était d'origine suisse et les personnes travaillant maintenant dans notre système de santé ont émigré en Suisse en tant 14 que "tied mover" . Deux de ces personnes ont mentionné clairement le fait que leur partenaire avait de meilleures chances de carrière en Suisse. Une autre constellation familiale était organisée de telle sorte que le partenaire avait déjà émigré en Suisse depuis longtemps et que la personne interrogée a décidé de le rejoindre après avoir fait sa connaissance dans son pays d'origine. Toutes ces personnes ont indiqué que leur partenariat était la raison principale de la migration. Pour une autre personne, le second déménagement en Suisse était dû à la perte d'emploi du/de la partenaire dans le pays d'origine. Il convient de noter que le contexte familial ne figurait pas au centre de la discussion lors des interviews. Il faut supposer que même dans les cas qui ne l'ont pas mentionné explicitement, les facteurs familiaux ont joué un rôle important dans la décision de quitter le pays d'origine pour la Suisse. 5) Contact avec la Suisse Les autres facteurs "pull" qui ont joué en faveur de la Suisse sont ceux qui peuvent également être englobés dans la notion de contact avec la Suisse. Trois des personnes interrogées ont dit que le fait qu'elles connaissaient déjà dans une certaine mesure le pays, par des voyages en Suisse ou parce qu'elles ont grandi dans les alentours, ont motivé leur décision de venir en Suisse. Les réseaux, c'est à dire l'existence de contacts en Suisse, peuvent également être jugés très déterminants: six personnes ont mentionné explicitement le fait que des contacts professionnels ou des connaissances personnelles en Suisse ont influencé positivement leur décision de venir ici. Si l'on compte en plus les tied mover, les relations ont été déterminantes dans la décision de migration de la grande majorité des personnes interrogées. 6) Autres facteurs Il faut encore mentionner quelques facteurs qui n'appartiennent à aucune des catégories susmentionnées. Par exemple l'envie de voyager: au moins deux des personnes interrogées ont quitté leur pays dans le but de partir à l'étranger à des fins de voyage. Une personne, qui a déjà migré une fois, avait pour seul objectif de quitter à nouveau le pays dans lequel elle avait immigré. Une autre personne voulait chercher un nouvel enjeu professionnel, raison pour laquelle elle a envisagé de quitter le pays. Dans le cas d'une personne, qui a longtemps travaillé comme frontalière, c'est sa longue période en tant que pendulaire qui l’a conduite à la décision de quitter définitivement son pays d'origine et de déménager en Suisse. La proximité géographique de la Suisse avec le pays d'origine fait également partie des facteurs "pull" mentionnés par deux personnes (originaires d'Allemagne et de Hollande). 14 Cf. Mincer, Jacob (1978). "Family Migration Decisions", dans: Journal of Political Economy; 86 (5). 11 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Facteurs "pull" dans le pays d'origine Les médecins et le personnel soignant étrangers ont enfin été interrogés quant aux raisons qui auraient pu les retenir dans leur pays d'origine. Plusieurs ont répondu que rien n'aurait pu les y retenir. Le facteur "pull" le plus mentionné était le réseau social, à savoir la famille et le cercle d'amis. Une personne a évoqué son hobby. Quelques unes ont dit qu'elles seraient restées si elles y avaient développé une relation stable ou si leur partenaire ne les avait pas suivies en Suisse. Il est frappant de constater qu'une seule personne estime ses possibilités professionnelles meilleures dans son pays d'origine qu'en Suisse. 3.3 Intentions de migration futures La question de savoir quelles sont leurs intentions de migration futures a aussi été posée aux médecins et au personnel soignant étrangers. En d'autres termes, souhaitent-il rester en Suisse, ont-ils prévu d'émigrer dans un autre pays ou ont-ils planifié de retourner dans leur pays d'origine. Et dans le cas où ils souhaitent rester ici, quelles raisons les retiennent en Suisse et pour quelles raisons ils ne veulent pas retourner dans leur pays d'origine. Séjour en Suisse La quasi totalité des personnes interrogées prévoient de rester en Suisse. La raison la plus fréquemment invoquée est le fait que la famille s'est entre-temps adaptée à la Suisse, en d'autres termes, que les enfants y vont à l'école et sont bien intégrés et que le/la partenaire s'est aussi installé-e au niveau professionnel. Les autres raisons évoquées pour rester en Suisse sont les suivantes: l'attrait du poste occupé actuellement, de bonnes conditions de travail, l’absence de perspectives professionnelles comparables à l'étranger, la situation en matière de sécurité en Suisse, des problèmes de santé, un appartement en copropriété ou le fait de pouvoir se rendre facilement dans le pays d'origine par avion. Retour dans le pays d'origine Les personnes interrogées veulent en principe rester en Suisse, et ce, entre autre parce qu'un retour dans le pays d'origine ne représente pas une véritable option pour eux. Les facteurs pour lesquels ils ne veulent pas retourner dans leur pays d'origine sont en grande partie comparables aux facteurs "push" qui ont à l'origine contribué à la décision de quitter le pays. L'appréciation du pays d'origine est pour la plupart des personnes interrogées empreinte de leurs expériences et de leur perception des conditions en Suisse. Ainsi, les raisons contre un retour dans le pays d'origine se sont aussi concrétisées entre-temps face aux raisons pour quitter le pays. Il se dégage ainsi les obstacles suivants à un retour dans le pays d'origine: 1) Conditions de travail, perspectives professionnelles, formation et perfectionnement Quelques personnes trouvent les conditions de travail dans leur pays d'origine toujours trop mauvaises ou considèrent que les structures de santé publique de leur pays ne sont plus tolérables après avoir travaillé dans le système suisse. A ce propos, le manque de considération accordée aux professions de soins à l'étranger a particulièrement été pointé du doigt. D'autres craignent d'avoir de la peine à se réadapter au mode de travail de leur pays d'origine étant donné que les méthodes de travail, les compétences et l'infrastructure sur place sont très différentes. Une personne a également mentionné la crainte de ne guère trouver de travail répondant à ses attentes dans le pays d'origine. Les médecins en particulier critiquent l'état du système de santé en général, p. ex. le manque de personnel de santé compétent pour garantir une collaboration efficace. 12 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 2) Conditions générales politiques, économiques et culturelles Seuls peu d'aspects en rapport avec les conditions générales dans le pays d'origine ont été cités, et uniquement par des participants originaires d'Etats non UE. Il s'agit notamment de la corruption du système, d'une situation précaire dans le pays d'origine ou de la mentalité qui est entre-temps considérée comme moins bonne que la mentalité suisse. 3) Famille et partenariat Le troisième type de motifs concerne à nouveau la famille et les relations personnelles. Certains participants ont mentionné que le noyau de la famille s'est entre-temps déplacé en Suisse et qu'ils n'ont plus guère de proches ou de parents dans le pays d'origine. Le ou la partenaire peut également représenter un obstacle au retour dans le pays d'origine. Dans le cas d'une personne, le partenaire ne veut à aucun prix retourner dans le pays d'origine. Pour une autre, l'état de santé général du partenaire ne permet pas un déménagement à l'étranger. Une personne était aussi d'avis qu'elle n'a plus de racines dans son pays d'origine. Toutefois, tous les participants n'excluent pas forcément de retourner dans leur pays d'origine. Environ la moitié des personnes interrogées, originaires d'Etats UE ou d'Etats tiers, pourraient envisager un retour dans leur pays d'origine sous certaines conditions familiales, professionnelles ou économiques. Une dame retournerait dans son pays d'origine si son mari venait à décéder. Elle a l'impression qu'une femme étrangère seule est mal acceptée en Suisse. Une autre personne retournerait dans son pays d'origine si elle pouvait y construire une relation de couple. D'autres encore envisageraient un retour dans leur pays d'origine si la situation économique en Suisse venait à se dégrader ou si elles se retrouvaient sans emploi ici. Une demande d'une université a également été mentionnée comme une possible motivation à retourner dans le pays d'origine. Emigration dans un pays tiers La possibilité de ne pas rester en Suisse ni de retourner dans le pays d'origine mais d'émigrer dans un Etat tiers n'entre en ligne de compte que pour une minorité de participants. Un motif serait p. ex. une offre d'emploi attrayante. Un médecin a signalé qu'il a déjà reçu diverses offres de l'étranger mais qu'il les a toutes rejetées jusqu'à présent. Une doctoresse pourrait envisager un séjour temporaire aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne car il y est plus facile d'y publier des articles scientifiques. La condition pour elle serait toutefois de pouvoir prendre sa famille avec elle. Une autre personne partirait dans un Etat tiers si son partenaire, qui travaille dans une entreprise active au niveau international, devait être muté à l'étranger. Ici aussi, il était question des Etats-Unis ou de l'Australie. Enfin, il a encore été mentionné que les problèmes d'admission du partenaire britannique en Suisse pourraient conduire à un déménagement en GrandeBretagne. Il convient de relever en particulier la constatation faite par une infirmière: partir dans un autre pays n'est pas très intéressant du point de vue professionnel car cela impliquerait de recommencer depuis le début les démarches en matière de reconnaissance des diplômes, les éventuelles reconversions ainsi que l'intégration dans un nouvel environnement professionnel. Etant donné qu'en ce moment, aucun pays n'est en mesure d'offrir de meilleures conditions de travail que la Suisse, cette investissement n'en vaudrait pas la peine. 13 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 3.4 Décisions de migration individuelles et multicausales En résumé, on peut retenir que les raisons de la migration en Suisse sont variées. Les participants ont répondu de manière plus uniforme sur les facteurs "push" que sur les facteurs "pull" qui les ont incités à venir en Suisse. Le fait que l'espoir de meilleures conditions de travail et de meilleures perspectives professionnelles est l'une des raisons principales de migration pour plusieurs participants confirme les résultats obte15 nus jusqu'à présent dans des études similaires . Souvent, plusieurs facteurs interviennent conjointement dans la décision de quitter le pays d'origine pour venir en Suisse. Il ne semble pas évident pour les personnes interrogées elles-mêmes de cerner et d'expliciter clairement les raisons de leur décision. En outre, plusieurs d'entre elles n'avaient pas encore, au moment de quitter leur pays, l'intention d'émigrer durablement. Dans la plupart des cas, elles se sont toutefois installées durablement en Suisse en raison de l'évolution de leurs conditions professionnelles et familiales. La littérature spécialisée soutient principalement la thèse que les facteurs "push" dans le pays d'origine sont plus déterminants dans la décision de migration que les facteurs "pull" dans le pays de destination. Cela signifie que si le personnel de santé est satisfait du poste occupé et de la situation de vie, il n'a aucun motif 16 pour quitter son environnement de vie et émigrer dans un autre pays . Cette thèse est en principe soutenue par les résultats de l'enquête. Toutefois, il existe aussi des facteurs "pull", notamment familiaux, qui poussent à émigrer malgré l'absence de facteurs "push" fondamentaux dans le pays d'origine. Dans ce cas, ce sont les facteurs "pull" qui prédominent. 4 Expériences avec le recrutement 4.1 Recherche d'emploi depuis la Suisse ou l'étranger Pour la Suisse, la question de savoir si le personnel de santé étranger commence déjà à chercher un emploi en étant encore à l'étranger ou s'il n'entame ses recherches qu'une fois en Suisse pourrait être particulièrement intéressante. Car, comme le rapport partiel I l'a mis en évidence, les employeurs dans le domaine de la santé recourent en priorité à des canaux différents pour le recrutement à l’intérieur du pays ou à l'étranger. Environ la moitié des médecins et du personnel soignant interrogés ont cherché un emploi dans la santé en Suisse alors qu'ils étaient encore à l'étranger, et l'autre moitié environ n'ont commencé leurs recherches qu'une fois en Suisse. Il semble qu'il y ait trois critères qui caractérisent ceux qui ont commencé à chercher un emploi une fois en Suisse ou à l'étranger déjà. Le premier critère est le motif de migration "famille": les participants qui sont venus en Suisse en raison d'un partenariat ont tous commencé à chercher un emploi une fois en Suisse seulement. Ont également entamé leurs recherches après leur arrivée en Suisse les participants qui souhaitaient encore accomplir une partie de leur formation ou effectuer une spécialisation en Suisse. Le troisième critère est le motif de migration "perspectives professionnelles": les personnes qui souhaitaient quitter leur pays pour des raisons de carrière ont commencé à chercher un emploi approprié alors qu'elles étaient encore à l'étranger. 15 Cf. Wiskow, Christiane (2007). "Internationale Migration von Gesundheitspersonal: WanderarbeiterInnen im globalen Zeitalter?", dans: Croix-Rouge suisse (éd.). La migration, une contribution au développement?, Zurich, Seismo. 16 Cf. Clark, Paul F., Stewart, James B. et al. (2006). „The globalisation of the labour market for health-care professionals“, dans: International Labour Review; 145 (1-2). 14 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 4.2 Stratégies dans la recherche d'emploi La multitude de canaux de recrutement mentionnés par les employeurs dans le rapport partiel I se reflète également dans les déclarations des médecins et du personnel soignant étrangers. Ils ont trouvé leur emploi de diverses manières qui se résument en quatre catégories. Deux cas ne sont classables dans aucune de ces catégories: une personne a trouvé son emploi par le biais de l'office du travail et une autre a présenté avec succès des candidatures spontanées. Petites annonces et internet La recherche via des petites annonces dans les journaux ou sur internet a souvent été citée. Presque toutes les personnes qui ont trouvé leur emploi de cette manière ont cherché depuis la Suisse. La recherche sur internet s'est effectuée via des plateformes de l'emploi ou directement sur le site d'établissements. C'est le cas de personnes qui ont entendu parler de leur employeur par des connaissances. Une personne, qui cherchait depuis le Canada, a trouvé son emploi via un appel d'offres dans un magazine spécialisé. Agences Le placement par des agences ne semble pas rare au vu des déclarations du personnel de santé étranger. Ce résultat de l'enquête est en contradiction avec le point de vue des employeurs, qui a qualifié de marginal le rôle des agences de placement privées dans le recrutement. Cinq personnes interrogées ont été recrutées par une agence spécialisée à l'étranger (Canada, France et Pays-Bas), et au moins deux se sont inscrites auprès d'une agence en Suisse sans toutefois avoir finalement été engagées par cette entremise. Dans le cas des agences étrangères, l'engagement était la plupart du temps soumis à des conditions, selon les dires des personnes engagées. Le salaire était presque toujours plus bas pendant la première année, en revanche les frais de séjour et d'assurance étaient en partie couverts. En outre, l'engagement devait impérativement durer une année au minimum. Dans un cas, l'agence aurait menacé la personne engagée de réduire son salaire en cas de résiliation anticipée des rapports de travail et l'aurait dissuadée d'y mettre fin prématurément au moyen d'un "coaching". La personne concernée s'est fortement sentie bridée et surveillée. Selon les personnes interrogées, l'un des avantages des agences réside dans le fait que les tâches administratives et l'investissement pour les candidatures sont moindres. Contacts personnels Principalement les médecins qui sont venus en Suisse pour des raisons de carrière ont trouvé leur emploi initial en Suisse par le biais de contacts personnels ou de contacts de leurs supérieurs hiérarchiques. Cette observation correspond à l'estimation des représentants des employeurs selon laquelle le recrutement de médecins peut tirer profit du réseau du corps médical en place. Dans le cas des médecins interrogés dans le cadre de l'étude, les contacts se sont établis via une coopération scientifique. Prolongation de l'activité Enfin, quelques participants ont obtenu leur emploi sans avoir eu à faire de recherches à proprement parler. Le poste leur a été offert, soit après leur formation (stage en soins ou engagement en tant que médecinassistant), soit après un engagement initialement prévu comme un bref séjour dans l'établissement concerné. 15 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 4.3 Procédure de candidature La procédure, de la candidature à l'engagement, a été jugée simple et peu compliquée par tous les participants qui se sont exprimés à ce sujet. En particulier en ce qui concerne les attributions de poste dans les soins, un seul entretien d'embauche et, dans un cas, un jour d'observation, ont eu lieu. Plusieurs personnes trouvent qu'elles n'ont pas dû attendre longtemps après le dépôt de leur candidature pour obtenir un entretien et que leur engagement s’est fait très rapidement après celui-ci. Quelques participants savent qu'il n'y avait guère de concurrents pour leur poste. Ils imputent en partie cela au fait que le profil recherché était très pointu. Mais le personnel soignant non spécialisé a également fait cette expérience. Il est à noter également qu'aucune personne venant d'un Etat tiers n'a mentionné que l'engagement ait été refusé en raison de son origine. Au contraire, les ressortissants d'Etats tiers ont aussi été engagés très rapidement. 5 Filière de formation et reconnaissance des diplômes Etant donné que la migration internationale soulève aussi la discussion sur l'investissement dans la formation du personnel de santé, en particulier sur la perte de cet investissement par le pays d'origine lorsqu'une personne formée quitte le pays, la question de la filière était aussi importante dans les interviews menées dans le cadre de cette étude. 5.1 Médecins Formation et formation postgrade Tous les médecins interrogés ont accompli leur formation à l'étranger et, à une exception près, ils ont tous obtenu leur diplôme à l'étranger. La personne sans diplôme étranger vient d'un Etat tiers et a obtenu son diplôme onze ans après son arrivée en Suisse, après avoir encore rattrapé les deux dernières années d'études. Deux personnes sont venues en Suisse en ayant déjà en poche un diplôme de médecin spécialiste. Les autres ont soit effectué une partie de leur spécialisation dans leur pays d'origine avant de la continuer en Suisse, soit accompli toute leur spécialisation en Suisse. Un médecin a obtenu un diplôme de formation continue aux Etats-Unis mais ne l'a pas fait reconnaître en Suisse. Quatre des sept médecins interrogés ont entre-temps obtenu un titre de privat-docent. Une personne s'est perfectionnée en Suisse de la spécialisation jusqu'à l'habilitation et elle est maintenant sur le point d'obtenir une chaire de professeur. Reconnaissance des diplômes 17 A une exception près, tous les médecins interrogés ont fait reconnaître leur diplôme en Suisse. Trois d'entre eux viennent d'Etats européens et ont donc bénéficié d'une reconnaissance facilitée. Les autres personnes, originaires d'Etats tiers, ont choisi différentes voies pour parvenir à faire reconnaître leur diplôme. Une 17 Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) entre la Suisse et les Etats membres de l'UE, paraphé en 1999 et en vigueur depuis le 1.6.2002, seuls les détenteurs d'un diplôme fédéral de médecin pouvaient en principe exercer de manière indépendante en Suisse. Bien que les diplômes fédéraux et européens soient largement équivalents, seules les personnes ayant la nationalité suisse ont été autorisées à se présenter aux examens fédéraux des professions médicales. Ainsi, il revenait aux cantons d'autoriser au cas par cas les détenteurs de diplômes de médecin étrangers à exercer, ce qu'ils ont toutefois entrepris selon la situation avec réserve et seulement pour leur territoire. Depuis l'entrée en vigueur de l'ALCP, il existe un droit à la reconnaissance des diplômes médicaux des Etats UE25 et AELE. Les diplômes figurant à l'annexe III de l'ALCP sont considérés comme équivalents au diplôme fédéral de médecin et sont donc, sur demande, reconnus de manière quasi automatique en vertu de la Directive européenne 93/16/CEE encore en vigueur. La reconnaissance des diplômes étrangers s'est faite dès 2002 sur la base de la Loi fédérale concernant l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse (LEPM) révisée en vue de l'ALCP par le Comité directeur, et incombe depuis 2007 à la Commission fédérale des professions médicales (MEBEKO) en vertu de la loi sur les professions médicales (LPMéd). 16 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant personne n'a fait reconnaître son diplôme qu'en 2008, après la thèse, l'habilitation et la préparation de médecin spécialiste de la MEBEKO, soit onze ans après s'être établie en Suisse. Une autre personne a repassé son diplôme en Suisse, douze ans après l'avoir obtenu dans son pays d'origine et six ans après s'être établie en Suisse. A cette fin, elle a dû refaire une année d'études. Cette personne a critiqué la pratique de la Suisse en matière de reconnaissance avant 2007, qui exigeait que les médecins venant d'Etats tiers rattrapent le diplôme suisse. Ainsi, les médecins haut placés et au bénéfice de plusieurs années d'expérience se voyaient contraints de se présenter à l'examen en même temps que leurs assistants, ce qui n'était pas chose aisée pour les personnes concernées. Comme mentionné, une personne venant d'un Etat tiers a jusqu'à présent renoncé à faire reconnaître son diplôme étranger. Cela pour des raisons linguistiques et parce qu'elle craint d'être surqualifiée pour son poste actuel de médecin hospitalier si son diplôme était reconnu, mais sous-qualifiée pour un autre poste. Pour résumer, on constate que la plupart des médecins ont accompli leur formation et obtenu leur diplôme à l'étranger, mais qu'ils ont la plupart du temps effectué un perfectionnement médical en Suisse. Dans la plupart des cas également, ils ont réussi à trouver un moyen de faire reconnaître leur diplôme étranger même si les médecins venant d'Etats tiers ont dû y consacrer beaucoup plus d'investissement et qu'ils n'ont obtenu leur reconnaissance que bien plus tard. 5.2 Personnel infirmier diplômé Formation et perfectionnement A une exception près, tou-te-s les infirmiers/-ères interrogé-e-s ont accompli leur formation et obtenu leur diplôme à l'étranger. Environ la moitié d'entre eux/elles ont effectué une formation universitaire. Une seule personne a effectué toute sa formation et obtenu son diplôme en Suisse. Cette personne est aussi la seule à avoir commencé sa formation dans les soins en tant que deuxième formation. Après leur formation d'infirmier/-ière diplômé-e, deux des personnes interrogées ont déjà obtenu au minimum un Master (sciences sociales, recherche économique, économie et gestion de la santé). Certains ont déjà accompli une spécialisation dans le domaine des soins dans leur pays d'origine, d'autres se sont spécialisés une fois en Suisse. Tous les participants interrogés participent régulièrement à des petites formations complémentaires en Suisse, et certains ont également encore des formations continues d'envergure en perspective. Reconnaissance des diplômes 18 Toutes les infirmières et tous les infirmiers étrangers interrogés ont fait reconnaître leur diplôme en Suisse. Les ressortissants d'Etats UE en particulier ont trouvé la reconnaissance très simple à obtenir. Les ressortissants d'Etats tiers ont pour certains encore dû suivre des modules de cours et passer des examens, prendre des cours de langue ou participer à une formation de compensation. Aucun des participants diplômé en soins infirmiers n'a dit de lui-même avoir envisagé de travailler dans les soins sans diplôme reconnu. Trois personnes (venant d'Etats tiers) ont justifié cela par le fait qu'elles n'auraient eu aucune chance de décrocher un poste sans cette reconnaissance. Certains ont également mentionné le fait que la reconnaissance a principalement été faite en vue d'un futur changement d'emploi. 18 Jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr) révisée en 2004, la CRS s'occupait de la reconnaissance des diplômes étrangers dans les métiers de la santé non académiques à la demande des cantons (CDS), et depuis l'entrée en vigueur de la LFPr révisée en 2004 elle s'en charge à la demande de la Confédération. En raison de l'ALCP, il existe depuis 2002 un droit à la reconnaissance de leur diplôme pour les titulaires d'un diplôme en soins infirmiers aussi, tout comme pour les médecins. Ce droit se base sur les directives 77/452/EWG et 77/453/EWG; cela signifie que les titres des infirmières et infirmiers responsables en soins généraux mentionnés à l'annexe III de l'ALCP sont reconnus quasi automatiquement à la demande de la CRS. 17 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Les seules critiques à l'encontre de la procédure de reconnaissance des diplômes émanent également de personnes originaires d'Etats tiers. Deux personnes n'ont pas pu faire valoir leur spécialisation en obstétrique pour l'une et en psychiatrie pour l'autre. Une personne a l'impression que sa demande a été retardée par son supérieur. Une personne a également critiqué le fait que la procédure ait manqué de transparence et que la personne ayant fait la demande n'ait obtenu aucun renseignement sur l'avancement du dossier. 6 Activité professionnelle en Suisse 6.1 Déroulement de l'activité professionnelle en Suisse La plupart des migrantes et migrants interrogés ont exercé leur profession en Suisse plus ou moins immédiatement après leur arrivée, que ce soit en tant que stagiaire, collaborateur prévu comme temporaire dans la recherche ou en occupant un poste régulier. Les participants à l'étude ont également été interrogés sur la suite de leur activité professionnelle en Suisse. La plupart semblent assez satisfaits de leur emploi et de leur carrière actuelle en Suisse. Seules deux personnes ont abandonné l'exercice d'une profession de soins. A part cela, les changements d'orientation professionnelle ou de poste ont principalement eu lieu en raison d'un avancement ou d'un intérêt professionnel. Les raisons non professionnelles d'un changement de poste mentionnées sont d'ordre familial ou de santé. Médecins Six des sept médecins interrogés occupent aujourd'hui une poste directeur en tant que médecin-chef ou en tant que médecin principal. Ils ont recommencé à travailler dans la santé juste après leur arrivée en Suisse. Certains sont également venus en Suisse en raison d'une collaboration scientifique initialement limitée dans le temps. Entretemps, un des médecins est aussi devenu indépendant à temps partiel. La plupart ont déjà changé de poste une fois depuis leur immigration en Suisse. Cela est principalement dû au fait qu'ils ont gradé dans la hiérarchie. Ils ont pour la plupart changé d'un poste de médecin-assistant à un poste de médecin-chef ou d'un poste de médecin-chef à un poste de médecin principal, la plupart du temps au sein du même service. Une seule personne fait exception: en raison de problèmes linguistiques et du diplôme non reconnu après son arrivée, elle n'a pas pu exercer en tant que médecin en Suisse pendant très longtemps. Aujourd'hui toutefois, elle travaille en tant que médecin hospitalier. Personnel soignant Contrairement aux médecins, on constate que les infirmiers/-ères interrogés n'ont souvent pas tout de suite cherché un emploi lors de leur entrée en Suisse. Le constat correspond au minimum à trois femmes qui ont en commun d'être venues en Suisse en raison d'un partenariat. Elles ont attendu entre quatre et onze ans avant d'obtenir un emploi. Deux d'entre elles ont occupé ce temps avec des tâches familiales. Près de la moitié de tou-te-s les infirmiers/-ères interrogées n'occupent pas de fonction directrice. Deux ont été promu-e-s à un poste directeur en tant que chef-fe adjoint-e d’une unité de soins, et deux ont entretemps quitté les soins et sont actifs dans l'enseignement ou l'administration. Le déroulement de l'activité professionnelle des infirmiers/-ères interrogé-e-s est en tout cas moins uniforme que celui des médecins. Des personnes qui travaillent depuis peu en Suisse ont aussi déjà changé de poste une fois. Contrairement aux médecins, les changement ne sont généralement pas le fait d'une ascension hiérarchique mais se sont plutôt effectués entre domaines de spécialité ou de gestion. 18 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 6.2 Perspectives professionnelles La plupart des participants à l'étude sont positifs quand à leur avenir professionnel. Plusieurs aimeraient continuer de travailler à leur poste actuel - deux souhaitant même y rester jusqu'à leur retraite - tout en continuant de veiller à leur carrière. Tant les médecins que les infirmiers/-ères ont l'intention de continuer à se perfectionner. Certains ont même prévu des perfectionnements ou des formations complémentaires plus poussés, comme p. ex. une spécialisation, un master, un doctorat ou un professorat. La plupart estiment leurs chances de perfectionnement comme bonnes. Une seule personne a dit qu'elle jugeait minces ses chances d'accéder à la formation souhaitée parce qu'elle est gênée dans l'accomplissement des conditions à celle-ci. Une autre personne a dit que dans son service les formations complémentaires en soins étaient réservées aux cadres. La plupart des personnes interrogées prévoient donc de continuer à exercer dans la profession. Une seule personne prévoit de quitter le domaine médical pour effectuer une reconversion professionnelle parce qu'elle ne souhaite plus supporter la charge des professions de soins. Une autre personne pourrait s'imaginer accomplir une nouvelle formation dans le domaine social à moyen terme. Et une troisième personne s'apprête à quitter la vie professionnelle pour des raisons de santé. 6.3 Conditions de travail Les participants à l'étude ont également été interrogés sur les conditions dans lesquelles ils travaillent en Suisse. On entend "conditions" au sens large du terme, à savoir: les conditions d'engagement, les conditions de travail et toute discrimination éventuelle. Conditions d'engagement Contrairement au personnel soignant interrogé, les médecins interrogés travaillent plus souvent à plein temps et sont plutôt engagés sous contrat à durée déterminée. Cette constatation résume les conditions d'engagement des participants à l'étude. Les raisons d'un engagement à temps partiel mentionnées sont des problèmes de santé, des obligations liées à la garde des enfants et le temps consacré à des formations. Aucune des personnes interrogées n'a indiqué avoir été persuadée ou obligée à accepter un poste à temps partiel. Concordance entre qualifications et activités Les participants à l'étude des deux groupes professionnels sont pleinement convaincus que leur activité actuelle correspond à leur qualification professionnelle. Seules deux personnes ont quelque peu relativisé: l'une est d'avis que le bon vouloir des supérieurs hiérarchiques est décisif pour un engagement adéquat, raison pour laquelle elle ne peut pas le considérer comme durable. Une autre personne travaillant dans les soins de longue durée a dit qu'elle ne pouvait que très rarement mettre en pratique certaines compétences. Cette adéquation générale entre activités et qualifications est remarquable dans la mesure où les actifs 19 étrangers ont un risque plus élevé en Suisse d'obtenir un emploi pour lequel ils sont surqualifiés . Il convient toutefois de signaler que seul le personnel hautement qualifié a été sollicité pour la présente étude. Si on avait également pris en compte le personnel assistant, la situation aurait pu revêtir un autre aspect. 19 Cf. Pecoraro, Marco (2005), "Les migrants hautement qualifiés", dans: Haug, Werner, Wanner, Philippe (éd.). Migrants et marché du travail. Compétences et insertion professionnelle des personnes d'origine étrangère en Suisse. Neuchâtel, Office fédéral de la statistique. 19 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Conditions de travail La plupart des personnes interrogées jugent leurs conditions de travail bonnes à très bonnes dans l'ensemble. Les vastes compétences du personnel soignant et le climat de travail agréable ont été particulièrement appréciés. Les médecins en particulier ont mentionné qu'on est ici rémunéré à hauteur de ses compétences et que les efforts supplémentaires sont aussi toujours honorés. Il a maintes fois été constaté - mais pas critiqué - le fait que le temps de travail hebdomadaire en Suisse était comparativement élevé, aussi bien en médecine que dans les soins. Seul-e-s certain-e-s infirmiers/ères ont déploré le fait que les horaires étaient quelque peu pénibles. Le manque de structures d'accueil pour les enfants accroît encore les difficultés à maintenir un rythme de travail de 4*12 heures par exemple. Quelques femmes s'estiment discriminées en tant qu'étrangères par les horaires et le manque de structures d'accueil étant donné qu'elles n'ont guère la possibilité de faire garder leurs enfants par l'environnement familial et sont donc plutôt contraintes de travailler à temps partiel. Outre les horaires, le salaire ou l'augmentation salariale ont quelquefois suscité un certain mécontentement. A part cela, les autres conditions n'ont fait l'objet que de critiques isolées. En font partie la charge de travail élevée due à une planification des postes très serrée dans les soins et au manque d'encadrement psychologique pour les tâches éprouvantes psychiquement. Discrimination Une bonne moitié des participants à l'étude ont répondu par la négative à la question de savoir s'ils avaient déjà vécu des discriminations en matière de conditions de travail vis-à-vis de leurs collègues suisses. Lorsque cette impression était expliquée, c'était en se référant aux directives cantonales en matière de salaire ou à la composition internationale des effectifs, qui empêche aujourd'hui la discrimination du personnel de santé étranger. L'autre moitié des personnes interrogées - principalement des infirmiers/-ères - ont répondu avoir déjà vécu des discriminations ou se sentir encore désavantagés de par leur situation. Les discriminations sont souvent d'ordre financier (salaire ou paiement de pensions), linguistique, ou dues à un manque de contacts. Il convient aussi de relever les discriminations indirectes, p. ex. lorsqu'une personne raconte qu'elle n'a pas osé demander à son employeur le remboursement de frais de perfectionnement pour la reconnaissance de son diplôme. Trois infirmiers/-ères ont exprimé explicitement le fait qu'ils/elles sont ou ont été discriminé-e-s au niveau de leur salaire. L'une de ces personnes s'en est aperçue lorsqu'elle a été promue à une fonction directrice dans laquelle elle devait se charger de la gestion des salaires. Selon elle, les échelons salariaux sont fréquemment traités de manière très souple aussi dans les services cantonaux. Une autre personne, employée par un privé, a été discriminée lors de son engagement déjà, avec pour justification le fait que son diplôme provenait d'un Etat tiers. Par la suite, son salaire n'a pas été augmenté après la reconnaissance de son diplôme comme cela lui avait été promis. Cette augmentation salariale promise a été contournée tacitement par le fait que seule l'évaluation générale des prestations est honorée par une augmentation salariale au cours de la première année de travail, sans toutefois ajouter le montant promis à l'origine. Aujourd'hui, après plusieurs années dans le service, la personne concernée sait qu'elle touche tous les mois 500 à 600 francs de moins que ses collègues en possession d'un diplôme européen. Il convient de souligner le fait que les infirmiers/-ères étrangers/-ères interrogé-e-s comparent en partie leurs conditions de travail actuelles avec celles de leur pays d'origine voire avec le scénario du chômage et que, sur la base de cette comparaison, ils/elles les considèrent positives, ce qui explique pourquoi ils/elles renoncent à exiger un traitement égalitaire. Même les personnes interrogées qui ont dit ne pas avoir été 20 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant discriminées ont parfois exprimé l'impression que le personnel de santé étranger se satisfait en règle générale d’un revenu inférieur au personnel suisse. Les exemples du personnel de santé étranger interrogé dans cette étude montrent déjà à eux seuls qu'il faudrait dans une certaine mesure attirer l'attention sur les inégalités de traitement directes et indirectes que rencontre le personnel étranger. Force est de constater que plusieurs médecins et, à plus forte raison, infirmiers/-ères d'origine étrangère ne sont même pas au courant du fait de leur discrimination. Le personnel infirmier en particulier semble n'avoir qu'une connaissance très limitée des conditions de travail qui seraient appropriées à leur situation et des aides à disposition pour exiger l'application de ces conditions. Aucune des personnes se sentant victime de discriminations n'a mentionné vouloir s'en défendre. 21 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Partie III Migration circulaire et potentiel de développement Un des principaux objets de la présente étude porte sur la question de savoir dans quelle mesure la migration du personnel de santé peut faire émerger des avantages mutuels ("mutuality of benefits") tant pour le pays d'origine que pour le pays de destination. Les médecins et le personnel soignant diplômé d'origine étrangère ont été interrogés à ce sujet. Les prochains chapitres abordent de façon succincte les constats tirés des réponses fournies aux questions sur l'état du système de santé dans leur pays d'origine, sur un soutien possible à leur pays d'origine et sur la migration circulaire ou d'autres formes de coopération. 7 Migration globale et systèmes de santé des pays d'origine 7.1 La perception de la migration globale du personnel de santé Contrairement aux employeurs, les employés n'ont pas été interrogés directement sur leur appréciation des répercussions globales de la migration du personnel de santé. Certains se sont quand même exprimés à ce sujet quand le contexte s'y prêtait, notamment en lien avec la migration circulaire. Les médecins en particulier accordent une attention spéciale à ce phénomène. Sept personnes au total ont exprimé leur point de vue sur la migration globale du personnel de santé. Flux migratoires Deux ressortissants allemands interrogés observent que les personnes originaires d’Allemagne optent en priorité pour les pays limitrophes et la Scandinavie. L'Allemagne, quant à elle, recruterait en grand nombre du personnel soignant qualifié russe et polonais. Un médecin qui, avant de venir en Suisse, avait déjà passé de l'Est à l'Ouest observe également que l'Europe de l'Est voit partir en grand nombre ses employés vers l'Europe occidentale, notamment l'Allemagne, l'Angleterre, l'Irlande et les pays scandinaves. Ce médecin estime également que les personnes les mieux qualifiées sont notamment les plus nombreuses à émigrer. Celui qui part doit en effet être sûr que ses chances de trouver un poste à l'étranger sont intactes. Une personne originaire des Philippines utilise le terme de fuite des cerveaux ("Brain Drain") pour parler de la situation qui prévaut dans son pays: les soignants seraient trop nombreux à partir pour cette raison à l'étranger. Mais la plupart d'entre eux seraient déjà de retour au bout de deux ans et se constitueraient d'autres sources de subsistance avec leurs économies. Mécanismes Un médecin attribue principalement ces flux migratoires aux disparités économiques entre les pays d'origine et de destination. Le niveau de salaire dans le pays de destination serait si attrayant que les migrants accepteraient des conditions par ailleurs désavantageuses. Une soignante ajoute à l'appui de cette observation que chaque pays aurait besoin de main d'œuvre bon marché prête à accepter, à cause de la situation dans le pays d'origine, des conditions plutôt médiocres eu égard aux critères du pays de destination. Une autre personne travaillant dans les soins a l'impression que la meilleure qualité du travail incite aussi à la migration. Une personne qualifie la migration du personnel de santé et la fuite des cerveaux qui en résulte de question bilatérale qui se joue entre le pays d'origine et le pays destinataire. Et que les pays d'origine se placeraient trop facilement dans une position de victime au lieu de miser sur leurs propres forces et attraits, atouts qu'ils 22 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant peuvent – ou en tout cas pouvaient – offrir et qui sont à même de retenir les gens au pays. Les pays pauvres n'ayant aucune chance de retenir de la main d'œuvre, il serait impératif d'y intervenir. Répercussions Selon les personnes interrogées, ces mouvements migratoires n'ont encore pas de conséquences graves du fait que les personnes d'un certain âge restent encore en grande partie au pays. Par contre, les effets de l'émigration se feraient sensiblement sentir dans les années à venir tant dans les services de soins que dans le domaine académique. Un autre effet serait les pertes financières élevées que subiraient particulièrement les pays les plus pauvres suite à l'exode de leur personnel de santé qualifié. Sans compter des déséquilibres régionaux croissants, si la Suisse tentait, p. ex., d'attirer le plus de Français possible. Le rôle de la Suisse Le rôle de la Suisse dans le contexte global n'a essuyé que des critiques de la part de ceux qui ont exprimé leur opinion à ce sujet. Selon les personnes interrogées, la Suisse recruterait de façon excessive à l'étranger en profitant de son niveau de salaire élevé. En outre, la Suisse ne formerait pas suffisamment elle-même de personnel de santé qualifié. Sa relève ne pourrait pas pourvoir aux besoins importants de la Suisse dans le domaine académique. Actuellement, la voie choisie par la Suisse ne serait pas la plus adaptée pour faire jouer son gradient économique par rapport aux autres pays, dont elle serait ainsi déjà trop tributaire. 7.2 Appréciation des systèmes de santé Interrogés sur l'état du système de santé de leur pays d'origine, les participants à l’étude émettent tous des critiques plus ou moins sévères. Concernant les pays de l'UE et les Etats tiers du continent européen, les critiques ont surtout porté sur le mode de financement des systèmes de santé, pointant le plus souvent l'insuffisance de la couverture de l'assurance-maladie et la corruption. Les autres lacunes relevées par les ressortissants d'Etats tiers sont, outre le manque de ressources, l'insuffisance de la prise en charge médicale de la population, l'absence d'infrastructure et de maintenance adéquate ainsi que la pénurie de matériel médical et de médicaments. Il a été attesté pour presque tous les pays une inégalité au niveau de la prise en charge médicale. S'agissant des besoins en personnel de santé, les appréciations des personnes interrogées peuvent se classer selon trois types de pays: le premier groupe de pays dispose de personnel de santé en quantité suffisante, un constat qui a été fait à propos de l'Allemagne, de la France, des Pays-Bas et du Canada. Des pays toutefois critiqués pour la politique du personnel pratiqué dans leur système de santé: en Allemagne, par exemple, le système tarifaire des DRG a entraîné une sous-dotation en personnel dans les hôpitaux et, au Canada, les horaires de travail sont à la limite du supportable. Dans le deuxième groupe de pays, tant la demande que la disponibilité de personnel de santé qualifié supplémentaire seraient assurées. Or, comme le financement du système ne fonctionne pas ou que les conditions de celui-ci ne sont pas propices, le personnel de santé qualifié en est réduit soit au chômage soit à l'émigration. Ce point a été soulevé s'agissant de la Grèce, de la Serbie, de la Macédoine, du Bengladesh, des Philippines et de la Thaïlande. Enfin, dans le troisième groupe de pays, les personnes interrogées déplorent une pénurie de personnel qualifié, à quoi s'ajoutent souvent de mauvaises conditions de travail. Au nombre des pays de ce groupe énumérés par les personnes interrogées figurent l'Autriche, l'Estonie, le Maroc et Haïti, même si, à n'en pas douter, la prise en charge varie fortement d'un pays à l'autre. 23 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant 7.3 Soutien requis La question de savoir si et, auquel cas, comment une aide internationale pourrait se concevoir pour le système de santé de leur pays d'origine, a suscité chez les médecins et le personnel soignant des réactions diverses. Certaines plutôt critiques: une infirmière originaire d'un pays européen a été surprise d'apprendre que la Suisse abordait la thématique du personnel soignant étranger sous l'angle de la coopération internationale au lieu de veiller à mieux former son propre personnel spécialisé. Et un médecin d'un pays voisin de la Suisse a lancé la question de principe: la Suisse est-elle obligée de rendre quelque chose aux pays desquels provient le personnel de santé étranger? La Suisse se serait créé un avantage concurrentiel propre à servir de modèle pour d'autres Etats. Concernant les relations de la Suisse au reste du monde, la priorité devrait être accordée à d'autres questions morales, comme le rôle du pays pendant la Seconde guerre mondiale ou par rapport au monde de la finance actuel. Deux personnes originaires d'Albanie et de Russie ont fait part de leur incompréhension quant au principe même d'un soutien à leur pays. Parmi les voix moins critiques sur le principe, certaines sont néanmoins sceptiques concernant l'indemnisation des pays d'origine, un point notamment soulevé par des personnes provenant d'Albanie, de Grèce, du Maroc et de Serbie. Les arguments avancés étant la corruption et la crainte d'un mauvais usage des fonds. Il est également fait valoir que l'Etat n'est pas le seul à avoir investi dans la formation d'une personne qui a émigré mais que sa famille y a aussi contribué. En plus, il serait vain de verser de l'argent à des Etats dont la situation financière n'est généralement pas bonne et le système de santé mal financé. En lieu et place, il a été préconisé de soutenir l'économie en général pour qu'un assainissement des systèmes de santé puisse être assuré. Quant à l'idée de renforcer le personnel de santé dans les pays d'origine, elle est considérée comme positive en principe mais pas toujours nécessaire. Les Philippines et la Thaïlande, p. ex., disposeraient de suffisamment d'écoles et de personnel. D'autres estiment que cantonner le renforcement de la main d'œuvre au secteur de la santé ne serait pas assez efficace. Parmi les propositions les plus couramment citées dans l'optique du renforcement des systèmes de santé via des ressources en personnel, on trouve le soutien à la formation et l'échange de savoirs. Les propositions formulées par les médecins et le personnel soignant étranger concernant le soutien à leurs pays d'origine portent en résumé sur les points suivants: pratiquer des échanges de personnel et de savoirs entre la Suisse et l'étranger (Serbie, Estonie, Philippines, Maroc) promouvoir et améliorer la formation de personnel spécialisé dans les domaines médecine, soins, gestion et informatique (Maroc, Canada) envoyer des formateurs, notamment pour le support technique (Maroc) offrir des places de stage en Suisse pour le personnel soignant et les médecins étrangers (Bengladesh, Haïti) apporter un soutien diversifié en matière de finances, d’administration et de formation (Bengladesh) soutenir la mise en place de centres de soins gratuits ("free clinics") pour la prise en charge des couches les plus pauvres de la population (Philippines) distribuer des médicaments (Philippines) soutenir les groupes de pression du personnel de santé (Allemagne) construire des écoles (Maroc) Les personnes pouvant envisager de s'engager personnellement pour leur pays d'origine ou pour d'autres pays estiment surtout adéquat de le faire dans les secteurs de la formation et du transfert du savoir. Sont 24 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant cités à titre d'exemple l'accueil de stagiaires ou de médecins en Suisse ou la collaboration scientifique avec des groupes de chercheurs à l'étranger. Nombre de personnes sont plutôt réticentes à l'idée d'une participation personnelle au soutien apporté à leur pays d'origine. L'une d'elles a fait remarquer que les émigrés suscitaient également de la méfiance dans leurs pays d'origine et que ceux-ci ne souhaiteraient donc pas vraiment recourir à leur aide. 8 Migration circulaire et coopération avec les pays d'origine 8.1 La migration circulaire Les participants à l'étude ont également été interrogés sur la question de la migration circulaire, laquelle part de l'idée que le personnel de santé qualifié émigré retourne temporairement ou durablement dans le pays d’origine pour renforcer son système de santé avec les compétences acquises à l’étranger et lui procurer 20 ainsi également un bénéfice . A la question de savoir s'ils avaient déjà envisagé un retour au pays aux fins d'y transmettre l'expérience professionnelle acquise ici, la plupart des personnes interrogées ont répondu par la négative. Deux personnes ont indiqué être déjà retournées dans leur pays d'origine, sans toutefois mentionner ce fait en lien avec la question de la migration circulaire (cf. chapitre 3.1). Les participants à l’étude ont été invités à donner une appréciation du concept de la migration circulaire, et ce indépendamment du fait qu'ils aient ou non déjà envisagé d'y recourir. La plupart des réponses font état d'un scepticisme à cet égard. Seul un médecin indique qu'il préférerait en principe travailler dans son pays d'origine et qu'il était donc acquis à l'idée d'une migration circulaire. Parmi le peu de voix à émettre un avis plutôt positif, l'idée d'un échange entre pays d'origine et pays de destination trouve un bon écho. Une option qu'elles ne retiennent toutefois pas pour elles-mêmes. Les motifs invoqués pour le scepticisme à l'égard du modèle de la migration circulaire sont divers. Le point de vue le plus radical a été émis par une personne disant ne pas voir en quoi elle serait redevable à son pays d'origine, celui-ci ne lui ayant pas accordé la moindre aide jusqu'ici. D'autres estiment que ce modèle ne serait adéquat que pour les pays les plus pauvres et donc seulement applicable aux pays du tiers-monde vu l'ampleur de la pénurie de personnel qui les affecte. Les autres objections formulées peuvent se regrouper en quatre points, que nous passons brièvement en revue ci-après. La première objection à l'égard de la circulation migratoire et de son objectif de transfert de savoir et d'expérience via le personnel de santé qualifié expatrié est qu'il est permis de douter que cet engagement soit souhaité par les pays d'origine, par leur personnel de santé et leurs institutions. Un argument avancé par des ressortissants, médecins et personnel infirmier, de pays de l'UE. Une seconde objection concerne le concept lui-même, son efficacité et son sens. Le cœur de la question étant en fait de savoir si une personne retournant (temporairement) au pays est en mesure d’apporter quelque chose de constructif. Un doute fondé sur le fait que les pratiques de travail en Suisse différent fortement de celles des pays d'origine et que les principes appliqués ici sont difficilement exportables. Ou aussi que les besoins du pays d'origine étant d'un autre ordre, les compétences acquises ici ne seraient pratiquement pas demandées là-bas. Enfin, les infirmiers/-ères notamment font remarquer qu'il s'écoulerait beaucoup de temps avant d'être opérationnels là-bas et qu'ils auraient de la peine à se faire entendre par la hiérarchie. 20 Cf. p. ex. Vertovec, Steven (2007). Circular Migration: the way forward in global policy? Oxford, International Migration Institute, ou: OIM (2008). Permanent or Circular Migration? Policy Choices to Address Demographic Decline and Labour Shortages in Europe. Budapest, IOM. 25 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant La troisième objection concerne les réserves quant à la pertinence du modèle de migration circulaire en tant qu'instrument de transfert de savoir et d'expérience. Car le savoir que détient la Suisse n'est pas forcément utile pour les pays d'origine, du fait que la façon de travailler est fondamentalement différente ou que les ressources techniques manquent pour la mise en œuvre des méthodes apprises. Ce sont surtout les médecins interrogés qui font preuve de scepticisme à cet égard. En l'absence de partenaires compétents sur place, une personne seule aurait peu de chances de réaliser quelque chose. Quant à l'avantage que constitue la familiarité avec le système, la culture et la langue du pays, ils l'estiment dépassé dans les conditions actuelles, avec la diffusion des connaissances d'anglais, p. ex. La quatrième objection porte sur la mise en œuvre de la migration circulaire, jugée irréaliste. Est évoquée la difficulté qu'il y aurait à travailler entre deux pays, qui plus est lorsque la distance géographique est grande. Passer d'un pays à l'autre n'est pas si simple: cela revient la plupart du temps à s'établir dans le pays destinataire et à s'y créer un cadre de vie. Certains estiment aussi que s'adapter au travail dans le pays d'origine en venant du système suisse relève de la gageure. Enfin, la migration circulaire a été qualifiée d'utopique, du fait que les avantages découlant du travail en Suisse sont bien si conséquents que personne n'y renoncerait volontairement. Les autres difficultés liées à la mise en œuvre du modèle font l'objet des deux souschapitres suivants. Obstacles Aux fins d'étudier les obstacles à la migration circulaire du point de vue des immigré-e-s, la question a été posée aux participants à l’étude de savoir - indépendamment de leur opinion sur la migration circulaire - ce qui les retiendrait personnellement de retourner, ne serait-ce que temporairement, au pays pour y transmettre leurs expériences. Concernant les obstacles résultant de leur curriculum, ils ont évoqué qu'un séjour temporaire d'un an ou deux pourrait certes avoir des effets bénéfiques mais que ce laps de temps serait en fait trop long pour n'être qu'un aller-retour et trop bref pour construire une nouvelle existence. De façon générale, il a été fait remarquer qu'un retour au pays n'entrait pas dans les plans personnels échafaudés pour l'avenir. Les personnes interrogées dont l'arrivée en Suisse remonte à très longtemps ont déclaré avoir entre-temps des attaches en Suisse et ne plus désirer retourner dans leur pays d'origine. Les problèmes juridiques figurent également au nombre des obstacles mentionnés. Une personne provenant d'un Etat tiers a indiqué ne pas vouloir quitter la Suisse dans les années qui viennent et attendre d'être naturalisée. Retourner temporairement au pays serait surtout épineux pour les ressortissants d'Etats tiers. Un problème qui touche aussi les personnes naturalisées provenant d'Etats tiers, la pratique des visas de leurs pays d'origine posant certaines limites à un retour. Une personne a attiré l'attention sur le fait que les gens ayant dû quitter leur pays comme réfugiés seraient peu enclines à y retourner même en cas d'amélioration de la situation au pays et d'ouverture des frontières. D'autres obstacles, évoqués à plusieurs reprises, sont premièrement la famille, qu'il faudrait quitter ou emmener. Une option rejetée par les personnes dont les enfants fréquentent l'école en Suisse. Le deuxième obstacle invoqué porte sur les obligations professionnelles qu'une absence prolongée compromettrait. Une autre réserve émise est celle de la suppléance, une suppléance intérimaire difficile à mettre en place, notamment pour les postes à responsabilité ou dont le profil est très spécialisé. Troisièmement, une personne a exprimé des doutes quant à sa compétence à assumer des tâches de formation. Quatrièmement, les problèmes de santé ont été évoqués comme obstacle. Et enfin, deux personnes ont déclaré que, fondamentalement, la motivation envers de telles actions leur manquait. 26 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Conditions Les conditions préalables indiquées par les personnes interrogées à un retour temporaire ou durable dans leur pays d'origine sont étroitement corrélées aux obstacles identifiés par elles. Ainsi, aux yeux d'une de ces personnes, il faudrait qu'il n'y ait pas d'entrave à un retour en Suisse. Par ailleurs, leur statut actuel en Suisse ne devrait pas être menacé. Ce qui implique l'assurance de retrouver son poste de travail et de pouvoir poursuivre son avancement. En outre, les initiatives de ce type devraient être reconnues par leurs supérieurs et avoir des répercussions favorables sur leurs chances de carrière. En termes de ressources, la condition sine qua non serait pour beaucoup de continuer à percevoir leur salaire pendant leur séjour à l'étranger. Certains souhaiteraient également une indemnisation des coûts supplémentaires occasionnés. Figurent également au chapitre des conditions la possibilité pour le ou la partenaire d'être aussi du voyage, le fait d'être sollicité explicitement à participer à la migration circulaire et que la durée du séjour ne soit pas trop longue. Un séjour de deux ans est estimé comme le maximum envisageable. Une durée que beaucoup de participants à l’étude estiment insuffisante pour pouvoir mener à bien cette mission. Chez certaines personnes, on pouvait déceler qu'elles auraient été éventuellement tentées par l'expérience avec un bon travail à la clé dans le pays d'origine, si on les sollicitait pour le faire ainsi qu'en présence de conditions cadres d'ordre organisationnel, financier et familial correspondant à leurs souhaits et, si possible, déjà en place. L'importance des contacts professionnels dans le pays d'origine Un médecin a fait valoir la nécessité, qui lui faisait personnellement défaut, de bénéficier d'un réseau dans son pays d'origine pour pouvoir y mener à bien des projets. De fait, nul doute que des contacts professionnels dans le pays d'origine ont leur importance quand il s'agit d'opter pour une migration circulaire et pour une mise en œuvre fructueuse de cette dernière. Plus de la moitié des personnes interrogées ont cependant indiqué ne pas disposer, ou alors très peu, de contacts professionnels dans leur pays d'origine. Le reste (avant tout des médecins) a des contacts de cet ordre soit grâce à une collaboration actuelle soit par le biais de parents ou d'amis actifs dans le secteur de la santé. 8.2 Autres modes de coopération internationale Les employés interrogés ont – tout comme l'avaient déjà fait les employeurs – proposé des solutions pour encourager la coopération et l'échange d'expériences avec les pays d'origine. Les médecins ont été nombreux à lancer des suggestions, surtout ceux exerçant momentanément une activité dans le contexte international. Autres modes de transfert d'expériences Les autres solutions proposées se focalisent sur l'échange et le transfert de savoir et d'expérience. Certains médecins pourraient envisager d'enseigner de temps à autre leur domaine de spécialisation dans leur pays d'origine. Une des personnes interrogées a déjà adressé plusieurs propositions à son pays d'origine pour un échange d'expériences de cet ordre, une offre restée toutefois lettre morte. D'où la conclusion tirée par cette personne que sa contribution n'est pas requise là-bas. Par ailleurs, les médecins tout comme le personnel soignant ont proposé de recourir à l'échange de personnel. Concrètement, il s'agirait de permettre à des stagiaires, à des étudiants ou aussi à des personnes déjà formées de séjourner en Suisse pour y travailler. La probabilité que ces séjours temporaires en Suisse soient plébiscités a été évaluée comme considérable, du fait que ceux-ci font augmenter les chances de carrière dans certains pays. 27 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Une autre proposition a été de mettre en place une collaboration scientifique entre équipes de chercheurs suisses et étrangers. Accorder un soutien à de tels projets de recherche inciterait les jeunes scientifiques à l'étranger à s'engager encore plus. En lieu et place du retour d'une seule personne au pays, une autre option a été suggérée par un médecin, celle d'envoyer des équipes au complet et pas seulement composées de personnes immigrées. Moyennant des conditions et besoins sur place bien identifiés et de bons préparatifs, un tel engagement serait beaucoup plus profitable que celui consistant à envoyer des particuliers dans leur pays d'origine sans objectifs précis. Un autre médecin a aussi des réserves à émettre vis-à-vis des séjours de courte durée à l'étranger de professionnels de la santé. Pour un séjour bref, il serait plus utile de recruter du personnel à l'étranger qui pourrait ensuite tirer profit dans son pays d'origine des impressions retirées ici. Enfin, une autre proposition a visé plus particulièrement le soutien que la Suisse devrait apporter à la création de hautes écoles dans des pays peu développés et souffrant de graves problèmes en matière de services de soins. La coopération internationale aujourd'hui Seules deux des personnes interrogées participent déjà à des projets de coopération à composante internationale dépassant le cadre usuel de la collaboration scientifique et visant le soutien ciblé du pays d'origine. Un médecin ressortissant d'un pays européen travaille à l'encouragement de la relève dans son pays en collaboration avec un groupe de chercheurs. En outre, il accueille au sein de son institut en Suisse des médecins du pays d'origine, leur permettant ainsi de se familiariser avec les pratiques qui y ont cours. Leur engagement temporaire est financé par leur employeur à l'étranger. Un autre médecin travaille parallèlement pour une organisation de son pays d'origine qui encourage l'échange aux fins de promouvoir le recours aux thérapies relevant de son domaine de spécialité. Il exerce par ailleurs une activité d'expert dans plusieurs pays africains. Position ambivalente vis-à-vis de la migration et de la coopération internationale Si, sur le fond, le concept de circulation migratoire suscite plutôt une réaction de rejet de la part des médecins et du personnel soignant ayant participé à l’étude, certains d'entre eux perçoivent néanmoins les enjeux de la migration globale du personnel de santé. Les personnes qui se sont penchées sur cette problématique ont également des solutions alternatives à proposer ou sont déjà actives dans des projets de coopération à composante internationale. Force est de constater cependant que le personnel de santé étranger dans sa majorité n'a pas vraiment engagé de réflexion concernant la migration touchant le personnel de santé et qu'il se sent aussi peu concernée par cette thématique. Dans ces conditions, l'intérêt pour des concepts se proposant de renforcer les systèmes de santé dans les pays d'origine est forcément limité. 28 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Partie IV Bilan et conclusions Les résultats de l'enquête menée auprès des médecins et du personnel soignant diplômé d'origine étrangère font ressortir que l'immigration de personnel étranger n'est pas un phénomène nouveau s'agissant du secteur de la santé. Ces personnes vivent pour la plupart depuis un certain temps déjà en Suisse et s'y sont établies de manière durable tant sur le plan professionnel que familial. Rares sont donc ceux qui projettent un retour au pays ou un déplacement vers un autre pays. Une circonstance que les personnes interrogées attribuent au fait qu'aucun pays n'offre des conditions comparables à la Suisse. En outre, les obstacles énumérés par ces personnes sont en corrélation étroite avec les raisons qui les ont conduites à opter pour la migration en Suisse: le personnel de santé étranger choisit avant tout la Suisse dans l'espoir d'y trouver de meilleures conditions de travail et de meilleures perspectives professionnelles. Mais il ressort de l'enquête que les raisons d'émigrer sont variées et que les facteurs non professionnels, tels que la famille ou un partenariat, sont également déterminants. Les personnes interrogées estiment qu'il est relativement facile de trouver un emploi en Suisse. Si la plupart d'entre elles ont été recrutées passivement, certaines ont aussi été contactées par des agences. Indépendamment de leur parcours et du fait qu'elles aient cherché un emploi à partir de l'étranger ou de la Suisse, toutes les personnes ont trouvé assez rapidement un poste correspondant à leurs qualifications et à leurs attentes. La plupart des personnes ont repris leur métier peu de temps déjà après leur arrivée en Suisse. On peut dire de ces professionnels de la santé, tout au moins ceux retenus dans l'échantillonnage, qu'ils sont dotés de très bonnes qualifications et qu'ils ont des ambitions professionnelles. A une seule exception près, l'ensemble des participants à l’étude ont fait reconnaître leur diplôme, même si les efforts à déployer ont été conséquents. Depuis leur établissement en Suisse, la plupart d'entre eux ont pu avancer professionnellement, se perfectionner et même, pour certains, occuper des postes à responsabilité. Quant au parcours professionnel accompli jusqu'ici en Suisse et aux perspectives professionnelles, les médecins et le personnel soignant étranger les ont estimés satisfaisants. En revanche, des points d'interrogation sont de mise s'agissant des conditions de travail réservées au personnel de santé étranger en Suisse: les discriminations y sont certainement beaucoup plus fréquentes qu'on le croit, ne serait-ce qu'en termes de revenu. Les personnes interrogées appliquent souvent des critères inadéquats pour juger de leurs conditions de travail, sont prêtes à accepter des conditions défavorables et ne se défendent pas, même lorsqu'elles prennent conscience qu'elles sont discriminées en tant qu'employés d'origine étrangère. La tolérance à l'égard des désavantages subis s'explique en premier lieu par la comparaison avec le pays d'origine dont les conditions de travail sont presque systématiquement qualifiées de mauvaises, au même titre que l'état des systèmes de santé en général dans les pays d'origine. Néanmoins, le fait d'apporter un soutien aux pays d'origine est considéré d'un œil plutôt sceptique par les ressortissants étrangers du secteur de la santé. La disponibilité à s'engager personnellement pour renforcer leur pays d'origine est également peu marquée chez les personnes interrogées. Ce qui explique aussi pourquoi le concept de migration circulaire suscite plutôt une réaction de rejet de leur part et ce, même si les arguments fournis contre la migration circulaire sont objectifs et relativement différenciés dans leur formulation. Il convient de ne pas oublier que les décisions de migration procèdent toujours d'un choix individuel, mais que la migration circulaire est un concept global qui ne peut fonctionner que si les mouvements migratoires individuels sont influencés dans une certaine direction. Or, les résultats de l'enquête font ressortir que le personnel de santé étranger n'a guère l'intention de quitter à nouveau la Suisse. Cela met en lumière une des principales difficultés posées à la mise en œuvre de la migration circulaire. Aux yeux des personnes interrogées, c'est surtout dans le 29 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant domaine du transfert d'expériences et de savoir que résident des solutions alternatives à la migration circulaire. Cependant, il s'est avéré que tous les professionnels de la santé étrangers ne perçoivent pas leur propre histoire comme insérée dans le contexte global de la migration et que les questions liées à celle-ci ne suscitent pas de l'intérêt chez tout le monde. On peut donc se demander dans quelle mesure il est possible de compter sur l'engagement des professionnels de la santé pour développer et mettre en œuvre des approches de solution et pour faire émerger des avantages mutuels ("mutuality of benefits") tant pour la Suisse que pour les pays d'origine ou encore pour atténuer les conséquences négatives de la migration du personnel de santé, et dans quelle mesure des pays de destination comme la Suisse sont habilités à exiger un tel engagement. Les résultats de l'étude le montrent bien: c'est l'attrait qu'exerce le pays destinataire qui incite le personnel de santé à émigrer. La responsabilité pour la migration globale et ses conséquences ne saurait revenir aux seuls individus migrants et devrait donc être assumée en collaboration internationale par l'ensemble des Etats. 30 Migration du personnel de santé en Suisse II: La situation du personnel de santé immigrant Bibliographie Office fédéral des migrations ODM (2009). Rapport sur la migration 2008. Berne, ODM Clark, Paul F., Stewart, James B. et al. (2006). „The globalisation of the labour market for health-care professionals“, dans: International Labour Review; 145 (1-2). IOM (2008). Permanent or Circular Migration ? Policy Choices to Address Demographic Decline and Labour Shortages in Europe. Budapest, IOM. Mincer, Jacob (1978). „Family Migration Decisions“, dans: Journal of Political Economy; 86 (5). OCDE (2006). Rapport de l’OCDE sur les systèmes de santé – Suisse. Paris, OCDE. OCDE (2009). The Future of International Migration to OECD Countries. Paris, OCDE. Pecoraro, Marco (2005), "Les migrants hautement qualifiés", dans: Haug, Werner, Wanner, Philippe (éd.). Migrants et marché du travail. Compétences et insertion professionnelle des personnes d'origine étrangère en Suisse. Neuchâtel, Office fédéral de la statistique. Shields, Margot, Wilkins, Kathryn (2006). 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Pays d'origine: Pays Pays ayant délivré le diplôme Albanie 1 - Bengladesh 1 1 Bulgarie 1 - Allemagne 2 1 Estonie 1 1 France 1 1 Grèce 1 1 Haïti 1 1 Canada 3 4 Maroc 1 1 Macédoine 1 1 Pays-Bas 1 1 Autriche - 1 Philippines 1 1 Russie 1 - Suisse - 2 Serbie 1 1 Thaïlande 1 1 Pour les cas de migrations multiples, le pays d'origine et le pays ayant délivré le diplôme ne sont pas identiques. Qualification professionnelle: Médecin (7) Infirmier/-ère dipl. (12) 32 Migration des Gesundheitspersonals in der Schweiz II: Die Situation des immigrierten Gesundheitspersonals Employeurs: hôpitaux publics (13) cliniques privées (1) EMS (2) soins à domicile (1) haute école spécialisée (1) administration publique (1) Sexe: féminin (11) masculin (8) Nationalité et permis de séjour: - citoyen suisse (1) double nationalité CH-étranger (6) permis C (9) permis B (3) ■ N:\5_\51\51_3\51_31\51_313\Mandat_GDK_20092010\Berichte\BT_MigrationPersonnelSantéII_2010_def_f.doc