Les nouvelles vibrations du Wax

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Les nouvelles vibrations du Wax
Date : 20/06/2016
Heure : 16:49:46
Journaliste : Emmanuelle Courrèges
www.grazia.fr
Pays : France
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Les nouvelles vibrations du Wax - Grazia.fr
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Symbole de la culture africaine, cet imprimé envahit nos dressings de la saison. La raison d'une telle passion ?
La profusion de jeunes labels afropolitains qui se le réapproprient pour mieux mixer urbanité et métissage.
Décryptage.
Ils s'appellent By Natacha Baco, De La Sébure, Nash Prints It, Panafrica ou Uchawi. Quel est leur point
commun ? Ces jeunes créateurs français sont tous afro-descendants, selon le terme qu'ils emploient, et
utilisent le wax, avec succès, dans toutes leurs collections. Ce n'était pourtant pas gagné. Comme l'observe,
amusé, Youssouf Fofana, cofondateur de la marque Maison Château Rouge : "Lorsque j'ai commencé, ma
mère m'a dit : ''A qui tu vas vendre du wax ! ?'' Car le wax, pour elle, pour moi aussi, était jusque-là plutôt
associé aux tenues que l'on porte lors d'événements comme les mariages ou les baptêmes."
En clair, un textile plus tradi que trendy et sûrement pas un motif susceptible de plaire aux Occidentaux ou aux
modeuses d'origine africaine. Car pour certaines d'entre elles, comme le raconte Solange, attachée de presse
franco-congolaise, "cet imprimé a longtemps été associé aux chemises du ''tonton'' qui vient en vacances en
France et que tout le monde trouve totalement has been".
Un sentiment de fierté
Mais en 2011, Christopher Bailey, directeur artistique de Burberry, propose une collection entière avec du
wax. La planète mode s'affole : de H&M à Christian Louboutin, tout le monde s'y met. D'ailleurs, le chausseur
a développé cette saison un cabas tout wax en collaboration avec l'association La Maison Rose. Dans la
communauté noire française, en témoignent les partages sur les réseaux sociaux, souffle un sentiment de
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Date : 20/06/2016
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fierté. Car même si cet imprimé est plus métissé que l'on ne croit, pour la rétine occidentale et l'imaginaire
collectif, le wax est "le" tissu africain.
De la fierté pour beaucoup mais aussi des interrogations, et même un début de polémique : pourquoi faut-il
que ce soit une marque occidentale qui suscite cet intérêt pour le wax ? "Je pense que cela a été un déclic
pour de nombreux créateurs afropolitains, observe Youssouf Fofana. D'abord parce qu'on s'est dit que si
Burberry le faisait, on pouvait nous aussi le faire. Et puis, on s'est aussi dit que nous étions plus légitimes
pour faire des vêtements en wax..." Et de poursuivre sa réflexion : "Alors qu'en réalité pas plus que Burberry
ou qu'une autre maison de luxe."
Un imprimé à tout faire
Les jeunes créateurs qui ont surfé sur cette tendance sont, pour la plupart d'entre eux, très philosophes : les
grandes marques comme la griffe britannique rassurent les gens. En ce sens, Burberry leur a ouvert la voie...
Résultat, By Natacha Baco comptabilise aujourd'hui presque 30 000 followers sur Instagram. Avec son style
rétro, ses jupes crayon doublées de basques sexy, ses cropped tops en wax rose fuchsia habillés de cols
Claudine, cette jeune créatrice parisienne donne à ce motif un twist ultraféminin qui séduit prescriptrices et
fans de mode.
Il faut dire que Natacha fait du sur-mesure. Dans son ravissant showroom, pour chacun de ses modèles, elle
propose une quinzaine de tissus au choix. Quand le stock est écoulé, elle en sélectionne de nouveaux. Rétro,
couture mais aussi street et urbain : nombreuses sont aujourd'hui les variations autour du wax. On le trouve
taillé en maillots de football américain chez Maison Château Rouge, en bomber chez Atelier Beaurepaire,
version tailoring pour De La Sébure... "Ces créateurs lui ont donné une nouvelle jeunesse en quittant la
dimension traditionnelle et en le travaillant avec des coupes plus dans l'air du temps. Ils ont mis un coup de
projecteur sur cet imprimé et ont donné à d'autres l'envie de l'utiliser", explique Alexandra Jubé, décrypteuse
de tendances chez Nelly Rodi. Des partis pris aux accents résolument contemporains, qui ont permis à Maison
Château Rouge ou aux chaussures Panafrica d'être vendues avec succès ce printemps au concept store
parisien Merci, à l'occasion de l'exposition "So Wax".
"Comme un motif pop d'aujourd'hui."
Autre collaboration fructueuse, celle de Nash Prints It -le label parisien fondé par Shade Affogbolo, créatrice
originaire du Bénin par son père - et de Pimkie, marque de mode mainstream et populaire, qui viennent de
lancer une collection capsule disponible à la vente cet été. Mais au fond, pourquoi tant de passion pour le
wax ? "Dans l'atmosphère actuelle un peu grise et morose, c'est un graphisme gai, coloré, vivant, observe
Jean-Denis Franoux, professeur de mode au Studio Berçot. Comme un motif pop d'aujourd'hui." Un motif pop
qui, dopé par de nouvelles silhouettes, fait valser la question du "trop ethnique", longtemps posée par des
Blancs frileux de porter du wax.
Et ce n'est pas Laëtitia Kandolo, 20 ans, diplômée d'Esmod et assistante styliste sur les tournées européennes
de Kanye West ou Madonna, qui dira le contraire. La jeune femme s'est associée à l'Institut des arts et métiers
de Kinshasa, en République démocratique du Congo, pour lancer la griffe Uchawi (magie en swahili), 100
% made in Congo. Ses silhouettes combinent codes urbains et héritage africain, en mixant par exemple
veste cintrée en wax et jupe patineuse en cuir. Le total look, lui, s'envisage en ensemble avec une chemise
à la coupe masculine et une jupe crayon au boutonnage fendu, le tout porté avec une paire de sandales
strassées qui louchent vers les Birkenstock. Bien balancée, l'allure fait irrésistiblement envie. Et correspond
aux aspirations actuelles : "Face à l'industrialisation mondiale de la mode, le croisement des cultures est
comme un contrepoint à un marketing de masse par trop développé", souligne Jean-Denis Franoux.
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Transcender la tradition
Ainsi, certains labels imaginent créer leurs propres imprimés, comme le fait déjà Laurence Chauvin- Buthaud,
fondatrice de la marque pour hommes LaurenceAirline, qui réfléchit à une déconstructionreconstruction
du wax, une approche quasi intellectuelle de l'imprimé. A l'instar de la Sénégalaise Selly Raby Kane qui
réinterprète des éléments de la culture africaine. Sur des kimonos, elle applique des hirondelles détourées,
issues du célèbre wax du même nom, qu'elle décale avec des étoiles en cuir argenté. La symbolique et le
petit vocabulaire de cet imprimé restent pourtant l'apanage de l'Afrique - et assez peu du champ de la mode.
Pour certains, comme Bernie Seb, créateur de De La Sébure, qui conçoit des collections pour hommes en
éditions limitées, le wax est devenu un "produit d'appel". "Pour moi, l'utiliser, c'est une manière de sensibiliser
à la mode africaine, explique le créateur originaire du Burkina Faso. Mais je veux surtout montrer qu'il n'y a pas
que ça en Afrique." Dans la collection de cet été, qui s'adresse aux hommes mais dont les imprimés délicats,
les sarouels et les grandes chemises ouvertes recouvertes d'hibiscus font aussi craquer les femmes, Bernie,
qui a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans dans son pays d'origine, a mixé le wax avec du pagne tissé burkinabé.
Une audace chic qui lui confère ce petit twist artisanal dans l'air du temps. Le wax n'a pas fini de se métisser :
c'est le destin même de cet imprimé.
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