Le massacre de la place Tian`anmen :

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Le massacre de la place Tian`anmen :
Le massacre de la place Tian’anmen :
25 ans plus tard
Par Marianne Boivin
Depuis 1949, le Parti communiste chinois (le PCC) fait la pluie et le beau temps en Chine. En effet, le 1er octobre de
cette même année, le Grand Timonier, Mao Tsé-Toung proclame la République populaire de Chine. Ainsi commence
le joug « communiste » sous lequel se retrouve encore aujourd’hui plus d’un milliard de Chinois. L’oligarchie exercée
par le Parti communiste a connu plusieurs soubresauts depuis : le Grand Bond en avant, en 1958, qui plonge le pays
dans une terrible famine, la révolution culturelle des années 1960, qui rafle presque tous les intellectuels chinois,
ainsi que la révolte de la place Tian’anmen, en 1989, menée par des étudiants, et qui se conclut par le massacre d’une
bonne partie d’entre eux par les autorités. Cet évènement soulève l’ire de la communauté internationale, qui décrit,
par le fait même, les excès du régime communiste chinois, qui se permet ce qu’il veut sur sa population. Néanmoins,
pour bien saisir ce phénomène, il est nécessaire de comprendre les causes et le contexte de cet évènement.
En 1989, la Chine est dirigée par Deng
Xiaoping depuis 1978, le dirigeant qui
a pris la tête du pays à la suite de la mort
de Mao Tsé-Toung en 1976. Ce dernier
rompt avec la tradition plutôt « socialiste
» du Parti, et instaure peu à peu le capitalisme au sein de l’industrie du pays. Ainsi,
il autorise la privatisation de plusieurs
entreprises d’État, met fin au système
monobancaire en autorisant la création
de banques par des particuliers, permet
aux citoyens de devenir propriétaires et
ouvre le pays au commerce extérieur.
Bref, c’est la fin définitive du maoïsme.
Cela se fait ressentir chez les classes plus
pauvres de la société : l’avènement de
Deng Xiaoping sonne le glas de la protection des plus pauvres, qui pouvaient
auparavant bénéficier de banques de
vêtements et de nourriture, fournies par
le gouvernement. Bref, Deng Xiaoping,
s’il amène plusieurs libertés individuelles
ainsi que la liberté de commerce, restreint
grandement la qualité de vie des strates les
plus pauvres de la société, elles qui étaient
auparavant prises en charge par le gouvernement.
Néanmoins, si le gouvernement chinois
prend exemple sur les Occidentaux quant
aux politiques économiques, il reste
fermé aux réformes politiques et démocratiques. Toutefois, l’ouverture de la
Chine aux Occidentaux permet une plus
que la corruption ronge le système économique du pays. En effet, l’absence de
contrôle par le gouvernement sur ce plan
et la non-transparence de celui-ci encourage les conflits d’intérêts, la collusion
et le blanchiment d’argent, entre autres.
Ainsi, la Chine a encore beaucoup à faire
pour atteindre les revendications des étudiants de Tian’anmen.
http://www.dinosoria.com/tiananmen.htm
Photo d’archive de la place Tian’anmen (Source Internet. Auteur inconnu)
grande diffusion de l’information et de la
culture. La censure culturelle que le Parti
impose aux citoyens est de plus en plus
faible. Ainsi, de plus en plus de Chinois
se rendent compte des défauts du système dans lequel ils vivent et plusieurs
d’entre eux réclament des réformes politiques, comme la transparence du gouvernement, l’autorisation de créer des
formations politiques indépendantes du
Parti, etc. Les étudiants, plus exposés aux
influences occidentales, sont ceux qui initient ce mouvement. Le secrétaire général du Parti, Hu Yaobang, n’est pas insensible aux revendications des étudiants. Il
tente, sans succès, d’instaurer certaines
réformes démocratiques au sein du Parti.
Il finit par en être exclu, en 1987. Toutefois, le 15 avril 1989, ce dernier est
retrouvé mort, son décès étant considéré
comme mystérieux. Cet évènement est
considéré comme l’évènement déclencheur de la série de manifestations qu’est
le printemps de Pékin.
Ainsi, dès le 27 avril 1989, les étudiants
commencent à se rassembler sur la place
Tian’anmen, afin de demander les réformes démocratiques énoncées plus tôt
et de commémorer le 4 mai 1919, date
chère aux nationalistes chinois. Les rassemblements/manifestations continuent
assez pacifiquement jusqu’au 20 juin
1989, date à laquelle Li Peng, secrétaire
général du Parti, fait instaurer la loi martiale, afin que l’armée puisse dégager et
débloquer la place Tian’anmen, occupée
depuis presque un mois par les étudiants.
Cela n’a pas du tout l’effet escompté : dans
http://www.dinosoria.com/tiananmen.
html © Jeff Widener Associated Press
teur de Radio Pékin dévoilait que des milliers de personnes avaient été tués et que
l’armée avait tiré au hasard sur la foule désarmée. Ce speaker a été aussitôt limogé.
Dans les hôpitaux, des bûchers sont
allumés par ordre du gouvernement
pour masquer l’ampleur du désastre
(V.Battaglia; 02.2004).
Le 4 juin prochain soulignera les 25 ans
Pas une répression, mais un massacre (V. du massacre qui a couté la vie à plus d’un
Battaglia; 02.2004 : Internet).
millier de personnes. Malheureusement
Le 20 mai, les soldats tentent de faire éva- pour tous les survivants de Tian’anmen,
cuer la place. Mais ce jour-là, ils reculent les réformes démocratiques que ceux-ci
plutôt que de faire couler le sang. Certains revendiquaient sont loin d’être acquises,
fraternisent même avec la foule.
le pays sombrant de plus en plus dans le
Le 23 mai, le portrait de Mao Zedong, non-respect des droits fondamentaux huqui surplombe Tian’anmen est maculé mains, l’inégalité et la corruption.
la nuit du 3 au 4 juin 1989, l’armée investit la place, sans grande considération
pour toute forme de vie humaine. Bilan :
1800 morts et plusieurs dizaines de milliers de blessés dans tout le pays. Tous des
gens ayant des aspirations démocratiques. d’encre. Malgré la montée de la tension,
il reste encore 100 000 personnes sur la
Cet évènement, loin d’être dévastateur
place à la fin du mois de mai.
pour le dirigeant Deng Xiaoping, est
plutôt salvateur pour ce dernier. En effet, Dans la nuit du 2 juin, l’armée attaque
même si la loi martiale fut instaurée sous en force. Il y a des victimes, mais la place
son impulsion par Li Peng, il utilise la n’est toujours pas évacuée.
grogne populaire à son avantage pour ins- Entre le 4 et le 7 juin, les étudiants, armés
taurer des réformes libérales et « démo- de cocktails Molotov, affrontent l’armée.
cratiques ». Il prétend ainsi avoir entendu La ville est en état de siège.
les revendications des jeunes, et remplace
Juchés sur des chars et des véhicules blinLi Peng au poste de secrétaire général du
dés, équipés de fusils automatiques et de
Parti par le très jeune Jiang Zemin.
grenades offensives, les militaires se sont
Bref, au grand dam des étudiants mani- avancés vers les manifestants qui, à mains
festants, le massacre de Tian’anmen, loin nues ou à l’aide de simples bâtons, ont
de faire trembler le pouvoir établi, a plu- tenté de riposter.
tôt contribué à conforter celui-ci. Trois
Un étudiant qui arrête seul une colonne
ans après le massacre, en 1992, Deng
de chars. Cette photo a fait le tour du
Xiaoping fait entériner par le Politburo
monde.
du Parti le principe que l’économie de
la Chine est désormais une économie de Les journalistes occidentaux présents ont
marché socialiste (ce qui est franchement assisté à des scènes terribles :
contradictoire). Cela accélère donc le « Une fillette réchappée du massacre a
processus d’ouverture de la Chine, qui est été frappée à coup de crosse et son crâne
aujourd’hui l’une des grandes puissances défoncé » (V. Battaglia; 02.2004 : Intermondiales. On observe aussi la création net). « Les chars ont foncé sur la foule en
d’une classe sociale aisée : membres et écrasant sous leurs chenilles les étudiants
dignitaires du Parti, politiciens et chefs » (V. Battaglia; 02.2004 : Internet).
d’entreprises. Malheureusement, les
Le printemps de Pékin aura duré un peu
citoyens issus de la classe moyenne et
plus d’un mois.
ouvrière peinent à profiter de la libéralisation du capital chinois, entre autres parce Après ces journées d’enfer, un présenta-
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