(JNRDM) 2001
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(JNRDM) 2001
Conception d'un système transdermique intelligent pour délivrer des médicaments Yassine Talbi, Damien Brulin, Eric Campo, Jean-Yves Fourniols 1CNRS, LAAS, F-31400 Toulouse, France - CNRS : UPR8001 - France 2Univ de Toulouse, INSA, F-31100 Toulouse E-mail : [email protected] Résumé L'administration des médicaments par voie orale présente des limitations dues à la faible absorption et à la dégradation enzymatique. L'administration transdermique est de plus en plus courante, facilitée par le développement des patchs qui fait de cette voie une des plus acceptables La composition et l’architecture de la couche cornée de la peau font d’elle une barrière considérable pour une diffusion transdermique d’agents thérapeutiques. La diffusion passive des molécules à travers la peau reste limitée à certains médicaments qui ont des propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques adéquats. Différentes méthodes physico-chimiques ont été étudiées pour améliorer la perméabilité, le challenge est de compromettre la couche cornée d'une façon réversible et sans douleur. Dans cette étude, nous présentons une méthode physique qui permet de contourner cette barrière d’une façon noninvasive, et surtout contrôler et améliorer la pénétration et la diffusion des agents thérapeutique à travers la peau. 1. Introduction L'objectif de notre travail de recherche est de concevoir un système transdermique intelligent (Figure 1) sous la forme d'un patch électronique pour délivrer des médicaments (Transdermal Drug Delivery System, TDDS). Fig.1 Système transdermique intelligent Le système transdermique se compose de trois grandes parties. Une partie intelligente comportant un microcontrôleur, des capteurs et un système de communication vers l’extérieur (Body-Lan et tablette) une deuxième partie comportant un actionneur et un réservoir pour pouvoir utiliser le patch plusieurs fois, et finalement, une troisième partie, qui est abordée dans ce papier, concernant la diffusion transdermique active de médicaments à travers la peau. La diffusion passive, en dépit des divers avantages qu’elle peut présenter, reste limitée à certains médicaments qui ont des propriétés pharmacocinétique, pharmacodynamique et physico-chimique adéquats. Notamment, la masse moléculaire, la solubilité, le coefficient de partage et la Demi-vie. Seules quelques molécules lipophiles et de petites tailles sont commercialisées sous forme de patches transdermiques. D’où la nécessité de trouver une méthode pour améliorer la diffusion et donc pouvoir intégrer et contrôler de plus grandes molécules Il existe plusieurs méthodes physiques qui permettent d’améliorer la pénétration des molécules, notamment l’utilisation des ultra-sons (phonophorèse), des pulses de tensions d’au moins 500 Volts (électroporation), des micro-aiguilles ou encore une stimulation à faible intensité de courant (ionophorèse). Parmi ces méthodes d’amélioration de la diffusion, l’ionophorèse (figure 2) est choisie dans cette étude. Il s’agit d’un procédé électrique qui permet la diffusion de molécules ionisé à travers la peau grâce à une faible stimulation électrique (<0.5mA/cm²) [1-2]. L’énergie électrique assiste le mouvement des ions suivant le principe électrique « les charges de même signe se repoussent et les opposées s’attirent ». Parmi les avantages de l’ionophorèse est qu’elle délivre des doses contrôlées (à travers la variation de la densité du courant, la concentration du principe actif), élimine l’incompatibilité gastro-intestinale, évite les absorptions erratiques, réduit les risques d’infections, d’inflammation et augmente la compliance et l’adhésion thérapeutique du patient. Elle permet de contrôler précisément la quantité du médicament diffusée. En effet, la quantité de médicaments délivrée est déterminée par la quantité de charge injectée suivant la loi de faraday [3]. D= (I*T) / (Z*F) Figure 2 : principe de l’ionophorèse Récemment, différentes études proposent des patches transdermique ionophorètique confortable avec un traitement de long terme [6], cependant, ces système sont pilotés directement à partir d’une batterie sans aucun contrôle sur le courant. Dans ce papier, nous mettons en avant une corrélation entre la quantité de médicament diffusée et les paramètres de commande (courant et temps), pour pouvoir contrôler la dose à délivrer au patient suivant ses besoins en concevant une électronique embarquée pilotée par un réseau de capteur sur l’homme (Body-Lan) ou par une tablette suivant les instructions du médecin. Nous avons choisi dans notre étude la molécule de la lidocaïne. Il s’agit d’un anesthésique local efficace largement utilisé pour une anesthésie topique ou pour toute procédure médicale ou chirurgicale. Ce médicament est utilisé localement sur la peau contre la douleur et les démangeaisons. Il est utilisé dans le cas des déchirures musculaire, des lésions cutanées, des éraflures, des brûlures mineures, d’eczéma et des piqûres d'insectes. La lidocaïne fonctionne en provoquant des engourdissements temporaires et une perte de sensations sur la peau et les muqueuses. 2. Matériels et méthodes 2.1 Matériels Où D : Quantité de médicament délivrée I : Courant, T : Temps F : Constante de Faraday, Z : Valence Par conséquent, la quantité de médicaments peut être contrôlée par l’intensité électrique et la durée de son application. Grâce à ces avantages, l’ionophorèse est largement utilisée pour différentes maladies, notamment parkinson, le rhumatisme [4], les douleurs chroniques et aussi d’autres applications non médicales comme la cosmétique [5]. La diffusion transcutanée des molécules via l’ionophorèse est basée essentiellement sur deux principes que sont l’électro-répulsion et l’électroosmose. Chlorhydrate de lidocaïne (288 g/mol) est obtenu de Sigma-Aldrich (St. Quentin Fallavier, France). Des électrodes Ag/AgCl pour une diffusion ionophorètique (Harvard Apparatus, France). Une peau de porc est obtenue d’un abattoir local. 2.2 Méthodes Préparation de la peau L’oreille de porc est choisie pour cette étude comme membrane de diffusion du fait qu’elle présente une similitude fonctionnelle et structurelle avec la peau humaine. Sa couche graisseuse a été enlevée, puis la peau est lavée avec de l’eau déminéralisée et stockée à -20 °C dans de l’aluminium. Avant l’utilisation, la peau est décongelée puis découpée selon les dimensions souhaitées. La Cellule de Franz (Figure.3), qui est une référence mondiale concernant la diffusion transdermique, est utilisée dans cette étude pour sa fiabilité et sa reproductibilité dans la mesure où l’on peut assurer les mêmes conditions (Température, vitesse d’agitation) pour les différentes expérimentations. . Figure 3 : Cellule de Franz pour la diffusion transdermique [7] Le compartiment donneur contenant 200 µL de principe actif (Lidocaïne HCL 2% pH=6), est au contact de la peau du côté de la couche cornée, pour une diffusion transdermique vers le compartiment récepteur sur une surface de 1.77 cm². Les différentes cellules de Franz sont parcourues par une eau à 37 ° autour du compartiment récepteur et maintenues par des clampes. La peau est ensuite placée au contact du compartiment récepteur contenant 12 mL de PBS (Phosphate Buffered Saline, avec un pH = 7.4, 11.9 mM Phosphate de sodium, 137 mM NaCl, 2,7 mM KCL). 3. Etude in-Vitro En raison des caractéristiques cationiques du Chlorhydrate de lidocaïne, un courant électrique direct (DC) de 0.5mA est appliqué sur l’anode (compartiment donneur) « Anodal iontohoresis », la cathode est insérée dans le compartiment récepteur à travers l’ouverture de prélèvement. En effet, la lidocaïne HCL se dissocie dans la solution en ions positifs de lidocaïne et d’hydrogène et en même temps en ions de chlorures chargées négativement. La solution étant placée sous l’anode, les cations de lidocaïne migrent à travers la peau par effet d’électro-répulsion, un phénomène de transport majeur dans la diffusion transdermique en plus de l’électroosmose. Une expérimentation de diffusion passive a été réalisée en parallèle comme « un contrôle » dans cette étude, gardant les mêmes conditions décrites auparavant excepté l’application du courant électrique. 3.1 Analyse quantitative Pour déterminer la quantité du principe actif diffusée à travers la peau, on a procédé à des prélèvements d’échantillons espacés dans le temps du compartiment récepteur. Sur une durée de 3 heures, et pour chaque expérimentation (diffusion ionophorètique et passive) on a prélevé un échantillon de 1mL chaque 30 minutes et remis à sa place le même volume du PBS d’origine. Ces échantillons sont analysés en utilisant la méthode HPLC (high performance liquid chromatography). Utilisant un détecteur UV d’une longueur d’onde de 210 nm. La colonne utilisée est acquity CSH C18 1.7µm, 2.1 x 50mm. Un mélange est utilisé pour la phase mobile est composé de 0.1% d’acide formique (solvant A) et de 0.1% d’acide formique et d’acétonitrile (solvant B), avec un débit de 0.6 mL/min et un volume d’injection de 5 µl. 4. Résultats et discussion L’analyse HPLC confirme la présence du Chlorhydrate de lidocaïne dans les 12 échantillons prélevés. Les différents chromatogrammes obtenus des différents échantillons, corrélés avec une courbe de calibration ont permis d’obtenir la figure 4. L’ionophorèse à courant continu améliore la diffusion transdermique de la lidocaïne à travers la peau du porc. Sur une durée de 3 heures, la quantité de principe actif qui a traversé la peau est de 183 µg/cm², contre 42 µg/cm² pour une diffusion passive. L’ionophorèse a donc permis de multiplier la diffusion transdermique par un facteur de 4 sur une période de 3 heures avec 1 heure d’application de courant. Pour déterminer l’effet de l’ionophorèse sur la diffusion transdermique, un courant continu de 0.5 mA est appliqué pendant une heure, de 0 à 1 H suivie de deux heure de diffusion passive. La diffusion transdermique est suivie pendant une période de 3 heures en total. Durant cette période, le compartiment receveur est mélangé à l’aide d’une bille magnétique inerte à 300 rpm. La tension du circuit a été mesurée toutes les heures pour s’assurer du bon contact du avec la peau et mesurer sa polarisation. Fig.4 : La quantité délivrée de la lidocaïne Le flux transdermique (figure.5) montre bien la dynamique de la diffusion. En effet, pendant la durée de l’application du courant, le flux transdermique croit jusqu’à la valeur 200 µg/cm²/h et baisse graduellement par la suite, cela démontre en effet la dépendance de la quantité de médicament délivrée à un moment donnée avec le courant appliqué. Fig.5 : Le flux transdermique de la lidocaïne Conclusion Dans cette étude, nous avons proposé les résultats d’une diffusion transdermique active de médicaments intégrés dans un système intelligent qui s’active lorsque le patient ou le médecin le souhaite. En effet, à l’inverse d’un patch jetable et passif où la diffusion n’est pas maitrisée. Le patch réutilisable que nous proposons, permet la diffusion de médicament à des moments précis ; une commande à partir d’une tablette ou un autre capteur connecté, le patch à l’avantage de fournir au patient la stricte dose nécessaire grâce à son électronique embarquée. Nous avons mis en avant la corrélation entre la quantité de médicament diffusée et les paramètres courant et temps. L’ionophorèse est la méthode physique d’amélioration utilisée dans notre étude, les résultats montrent que la diffusion active est 4 fois supérieure à la diffusion passive. Plus encore, si par exemple le patient a besoin de 1 mg de principe actif, il saura par avance l’intensité et la durée de la stimulation électrique nécessaire pour obtenir cette dose. Enfin, l’ionophorèse permet l’accès à de nouvelles sortes de molécules (peptides, protéines, etc.) qui étaient auparavant réservées à la voie orale et/ou intraveineuse. Références [1] R. H. Guy, “Review: Current status and future prospects of transdermal drug delivery,” Pharmaceutical Res., vol. 13, no. 2, pp. 1765–1769, Dec. 1996. [2] R. H. Guy and J. Hadgraft, “Review: Transdermal drug delivery: A perspective,” J. Controlled Release, vol. 4, no. 4, pp. 237–251, Feb. 1987. [3] B. H. Sage Jr. and J. E. Riviere, “Model systems in iontophoresis– Transport efficacy,” Adv. Drug Delivery Rev., vol. 9, no. 2–3, pp. 265–287, Sep.-Dec. 1992. [4] C. T. Costella and A. H. Jeske, “Iontophoresis: Applications in transdermal medication delivery,” Physical Therapy, vol. 75, no. 6, pp. 554–563, Jun. 1995. [5] L. Zhang et al., “Electroporation-mediated topical delivery of vitamin C for cosmetic applications,” Bioelectrochemistry and Bioenergetics, vol. 48, no. 2, pp. 453–461, May 1999. [6] “Ion Patch,” Rocket Electric Co. Ltd., 2008. [7] http://www.permegear.com/o-ring.htm