FLASH INFO VIGO arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2016

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FLASH INFO VIGO arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2016
FLASH INFO VIGO
arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2016 :
Revirement jurisprudentiel en matière de protection de la messagerie personnelle du salarié ?
La chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre une nouvelle décision en matière de respect
de l’intimité de la vie privée du salarié. Par un arrêt rendu le 26 janvier 2016 et publié au bulletin, dans
le cadre d’un contentieux prud’homal la Cour de cassation refuse d’admettre la production aux débats
de courriels trouvés dans l’ordinateur professionnel d’un salarié et provenant de sa messagerie
électronique personnelle. (Cass. soc., 26 janvier 2016 n° 14-15.360)
Pour mémoire, le droit au respect de l’intimité de la vie privée est garanti sur le fondement de l’article
9 du code civil. Il doit être respecté « au temps et au lieu de travail », ce qui implique, en particulier, le
secret des correspondances du salarié (arrêt « Nikon » Cass. soc. 2 octobre 2001 n° 99-42.942).
Néanmoins, les messages électroniques adressés ou reçus par le salarié par le biais de l’outil
informatique mis à sa disposition pour son travail sont présumés avoir un caractère professionnel.
Cette présomption du caractère professionnel des courriels autorise l’employeur à les ouvrir hors la
présence du salarié, sauf si ces messages sont identifiés comme étant « personnels » (Cass. soc. 26 juin
2012, n° 11-15.310).
Dans l’arrêt du 26 janvier 2016, il est question de la production aux débats, par l’employeur, de deux
courriels trouvés dans l’ordinateur professionnel d’une salariée, afin de justifier le licenciement de
celle-ci. Ces messages électroniques provenaient de la messagerie personnelle de l’intéressée
(distincte de sa messagerie professionnelle), et avaient été envoyés à partir d’adresses privées non
professionnelles.
La cour d’appel avait écarté ces messages électroniques comme étant personnels, jugeant que leur
production aux débats portait atteinte au secret des correspondances de la salariée. Ces pièces
écartées, le licenciement avait été jugé sans cause réelle et sérieuse.
VIGO cabinet d’avocats, Flash Info du 19 février 2016
Dans son arrêt du 26 janvier 2016, la Cour de cassation valide l’analyse de la cour d’appel :
« ayant constaté que les messages électroniques litigieux provenaient de la
messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie
professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, la
cour d’appel en a exactement déduit que ces messages électroniques
devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait
atteinte au secret des correspondances. »
Le Cour de cassation considère ainsi que l’employeur ne peut utiliser comme moyens de preuve les
courriels trouvés dans l’ordinateur professionnel de la salariée sans violer le secret des
correspondances, dès lors que ceux-ci proviennent de sa messagerie personnelle. Cette décision laisse
alors penser que la nature de la messagerie d’où proviennent les courriels prévaut sur le fait que ces
messages soient trouvés dans l’ordinateur professionnel de la salariée.
Dès lors cet arrêt semble revenir sur une précédente décision de la même chambre (Cass. soc. 19 juin
2013 n° 12-12-138) dans laquelle la Cour de cassation a considéré que les courriels intégrés dans le
disque dur de l’ordinateur du salarié ne sont pas déterminés comme étant personnels du seul fait qu’ils
proviennent de la messagerie électronique personnelle du salarié.
Certes, une différence factuelle entre les deux affaires pourrait expliquer la nouvelle position de la
Cour de cassation : si dans les deux affaires les courriels provenaient de la messagerie personnelle du
salarié, en revanche, dans la première affaire les courriels litigieux avaient été envoyés par un
concurrent, alors que dans la seconde ils émanaient d’adresses privées non professionnelles.
Toutefois, cette différence factuelle n’est pas prise en compte aux termes de l’arrêt de la Cour de
cassation de 2016, dont l’attendu vise exclusivement le fait que les courriels provenaient de la
messagerie personnelle du salarié, sans référence à la qualité (professionnelle ou non) des émetteurs
des courriels.
Mutatis mutandis, l’attendu de 2016 appliqué aux faits de la première espèce aurait donc conduit à
une solution inverse en 2013. La Cour de cassation paraît bien opérer un revirement par cet arrêt du
26 janvier 2016. Il convient néanmoins d’attendre un prochain arrêt de la chambre sociale pour le
confirmer.
Au demeurant, cet arrêt du 26 janvier 2016 confirme la nécessité, pour l’employeur, d’être prudent
quant à l’appréhension des messages et fichiers présents dans l’ordinateur professionnel des salariés.
Ces documents risquent fort d’être qualifiés de personnels et d’échapper à la possibilité pour
l’employeur d’en prendre valablement copie par huissier hors la présence du salarié dès lors qu’ils
proviennent de la messagerie personnelle du salarié, à tout le moins lorsqu’ils émanent d’adresses
privées non professionnelles…
A suivre…
Flora PLENACOSTE
VIGO cabinet d’avocats, Flash Info du 19 février 2016
Emmanuel MERCINIER