l`analyse des besoins sociaux
Transcription
l`analyse des besoins sociaux
Master 2 Manager Territorial – IAE de Lille 2012 L’ANALYSE DES BESOINS SOCIAUX : UN ENJEU DE MODERNISATION POUR L’ACTION SOCIALE LOCALE ? Etude de cas : Ville de La Madeleine Mémoire présenté par : Melle BEC Emilie Référents pédagogiques : - M. BANNEUX Patrick - M. DUPUIS Jérôme Référent institutionnel : - M. DAIRAY Patrick (Directeur du CCAS La Madeleine) Master 2 Manager Territorial – IAE de Lille 2012 L’ANALYSE DES BESOINS SOCIAUX : UN ENJEU DE MODERNISATION POUR L’ACTION SOCIALE LOCALE ? Etude de cas : Ville de La Madeleine Mémoire présenté par : Melle BEC Emilie Référents pédagogiques : - M. BANNEUX Patrick - M. DUPUIS Jérôme Référent institutionnel : - M. DAIRAY Patrick (Directeur du CCAS La Madeleine) AVANT PROPOS La teneur de la présente contribution n’ambitionne pas de devenir une référence dans le champ des politiques sociales de proximité, néanmoins le travail produit souhaite proposer une nouvelle approche de l’appréhension de l’action sociale locale. Les éléments soulevés sont issus d’un travail de terrain d’une durée de cinq mois (à mi-temps) au sein du Centre Communal d’Action Sociale de la ville de La Madeleine (59). Outre le délai relativement réduit du temps d’observation, une partie de la mission s’est déroulée en période estivale (juillet et août), ralentissant considérablement l’avancement de la mission. De plus, la soutenance du mémoire ayant lieu avant la fin concrète de la mission, le travail d’investigation ne porte que sur les deux premières phases d’élaboration de l’analyse des besoins sociaux (ABS). Bien que la portée de ces propos soit de faible envergure, l’ambition de la présente contribution renvoie au précepte de Georges Braque (artiste-peintre et sculpteur français) : "Contentons-nous de faire réfléchir. N'essayons pas de convaincre1". 1 http://www.grainesdechangement.com/citations.htm REMERCIEMENTS Partenariats et collaborations seront les maitres mots de la présente contribution mais avant de leurs donner une finalité propre à l’action sociale territoriale, je souhaite leurs donner une dimension plus personnelle en résonnance aux multiples interactions liées à la réalisation de ce mémoire. Ainsi, je remercie vivement, les personnes qui m’ont permis de construire ce travail de réflexion et d’investigation, celles qui ont travaillé de concert avec moi, qui m’ont appuyée, soutenue et guidée. Mes meilleurs sentiments s’adressent en particulier à : - M. Jérôme DUPUIS, (professeur référent à l’IAE) pour son aide à l’apprentissage, son expertise - M. Patrick BANNEUX (professeur référent à l’IAE) pour son temps, ses réflexions et son accompagnement dans le cheminement analytique de l’objet d’étude - M. Patrick DAIRAY, directeur du CCAS de La Madeleine (référent à institutionnel) pour son accueil, sa disponibilité et son écoute, ainsi que l’ensemble de son équipe pour leur encadrement notamment Martine LAGACHE et Francine COUDEVILLE. - M. Sébastien LEPRETRE, Maire de la commune de La Madeleine, et Mme Janine DHOLLANDE pour avoir fait confiance à l’IAE et m’avoir confié cette mission. - M. Guy LAURENT, 4ème Vice Président de l’UNCCAS et Président de l’UDCCAS de Haute Garonne, ainsi que ses collaborateurs, pour leur adhésion au projet et leur participation à l’étude. Enfin, je remercie l’ensemble des directeurs de CCAS qui ont répondu à mes sollicitations et aux partenaires rencontrés dans le cadre de la mission. ABREVIATIONS AAH : Allocation Adulte Handicapé ABS : Analyse des Besoins Sociaux APA : Allocation Personnalisée à l’Autonomie CA : Conseil d’Administration CAF : Caisse d’Allocations Familiales CASF : Code de l’Action Sociale et des Familles CCAS : Centre Communal d’Action Sociale CG : Conseil Général CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales CLIC : Centre Local d’Information et de Coordination CNAF : Caisse Nationale des Allocations Familiales CNAM : Caisse Nationale d’Assurance Maladie CNAV : Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique CRC : Chambre Régionale des Comptes CUCS : Contrat Urbain de Cohésion sociale EPA : Etablissement Public Administratif EPCI : Etablissement Public de Coopération Communale FSL : Fonds de Solidarité pour le logement INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques IRIS : Ilots Regroupés pour l'Information Statistique LMCU : Lille Métropole Communauté Urbaine ODAS : Observatoire de l’Action Sociale Décentralisée PLIE : Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi RGPP : Révision Générale des Politiques Publiques RSA : Revenu de Solidarité Active UDCCAS : Union Départementale des Centres Communaux d’Action Sociale UNCCAS : Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale UTPAS : Unité de Prévention et d’Action Sociale UNEDIC : Union Nationale interprofessionnelle pour l'Emploi Dans l'Industrie et le Commerce SOMMAIRE Introduction ................................................................................................................................ 1 Propos liminaires ...................................................................................................................... 11 PARTIE IL’ANALYSE des BESOINS SOCIAUX : ENJEUX METHODOLOGIQUES ....................................................................................................... 17 A. L’élaboration d’un diagnostic social : de la démarche quantitative à l’approche qualitative de la demande sociale ..................................................................................... 17 B. De l’analyse partagée à l’approche stratégique du territoire…………………………25 C. Un outil d’aide à la décision ............................................................................................... .35 PARTIE II - L’ABS ET MUTATIONS SOCIALES : QUELLE(S) PERSPECTIVE(S) POUR L’ACTION SOCIALE LOCALE ? .......................................................................... 47 A. De l’émergence des nouveaux publics prioritaires à la mutation des pratiques sociales : un outil à visée stratégique ................................................................................................ 47 B. L’impulsion du social des synergies de proximité ....................................................... 52 C. Vers l’institutionnalisation du management du social ? ............................................... 63 Conclusion ................................................................................................................................ 79 Liste des annexes ...................................................................................................................... 83 Bibliographie ............................................................................................................................ 94 Table des matières .................................................................................................................... 99 INTRODUCTION "Le devoir de la société est de chercher à prévenir la misère, de la secourir afin d’offrir du travail à ceux auxquels il est nécessaire pour vivre et de les y forcer s’ils refusent, d’assister les sans travail, ceux à qui l’âge ou les infirmités ôtent tout moyen de s’y livrer 2". La Rochefoucauld au XIXème siècle posait en ces termes les prémisses de ce qui deviendrait plus tard l’action sociale. Dans cette approche historique, nous retrouvons les principes fondamentaux des politiques d’action sociale actuelles, d’une part la nécessité d’une prise en charge collective de problématiques individuelles (invalidité, alcoolisme, isolement...); d’autre part, la définition des publics potentiellement bénéficiaires : les exclus de la sphère professionnelle et les personnes amoindries par leur état physique, sans famille ni réseau de voisinage… Deux préoccupations actuelles majeures transparaissent dans les propos de l’époque, d’abord la notion de « devoir » de la société envers les plus démunis, ce que nous appelons l’intérêt général, ensuite le périmètre et les modalités d’intervention en matière d’action sociale. Si la question de la prévention, de la pauvreté et de l’exclusion, tout comme celle de l’état sanitaire (« hygiène ») de la population est un souci ancien, la naissance de l’intervention étatique (publique) marque un décrochement historique, étudié tour à tour par C. Booth3, E. Durkheim4 ou plus récemment par R Castel5. Les fondements de l’apparition de la « désintégration sociale » sont mis à jour, nécessitant une prise en charge collective afin de pallier le manque de solidarité d’une part, aider et encadrer les individus isolés d’autre part. Ce phénomène sera appelé par E. Durkheim (De la division du travail social, 1893) l’anomieforme de dérégulation sociale s’expliquant par des évolutions et dérégulations sociales conduisant à l’augmentation de l’individualisme. La question substantielle induite par conséquent est la suivante : quels sont les principes d’une juste intervention sociale ? Où commence le social, où s’arrête-t-il ? Car le principe du social est de répondre aux interactions entre individus (dimensions individuelles) mais aussi de pallier les 2 La Rochefoucauld, Les bons et les mauvais pauvres, 1790, In Pierre Rosanvallon, La nouvelle question sociale, 1995, p. 141. 3 Charles Booth, Labour and life of the people, 1886-1903. 4 5 Emile Durkheim, De la division du travail social, 1893. Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, 1995. 1 dysfonctionnements inter-individuels. La problématique de fond peut être soulevée de la façon suivante : l’Etat entend prévenir les risques liés à ces formes d’errances et d’inadaptabilités sociales, en proposant de nouvelles solidarités autres que familiales. Par la suite et de nos jours encore, la notion d’intervention collective s’interroge sur les modalités de la prise en charge des publics fragiles. Ce souci d’intervention de l’Etat dans la sphère privée est illustré dans la thèse de Hobbes (1651) dans son ouvrage Le Léviathan. L’auteur fournit une justification théorique de l’autorité royale, d’après laquelle dans « l’état de nature », chaque entité individuelle est mue par des passions, qui l’amèneraient à prendre le dessus sur son voisin. La conséquence est simple pour le philosophe : « Man’s life was solitary, poor, nasty, brutish, and short ». Pour sortir de cet état de guerre, de turpitude permanente du « tous contre tous » où « l’homme est un loup pour l’homme », les hommes auraient décidé d’aliéner leur liberté en déléguant la totalité de leur autorité à un souverain, qui assurera leur protection : l’Etat. En ce sens, Michel Foucault (Naissance de la biopolitique, Surveiller et punir) s’appuyant sur le développement des politiques sanitaires et de la notion de biopolitique (action concertée du pouvoir en place sur la vie de la population) montre que les actions mises en œuvre vont de pair avec la surveillance de l’individu et l’émergence du pouvoir disciplinaire. L’intervention de l’Etat dans la sphère individuelle est-elle une volonté de maitrise des populations ? L’institutionnalisation des politiques sociales traduit la volonté de préserver l’ordre social. Georges Simmel (Les pauvres, 1907) en témoigne, en étudiant les catégories les plus démunies, il met à jour les mécanismes de maîtrise de ce que l’on appelle alors « les indigents ». Dans la continuité de ce mouvement de pensées, la société serait alors le produit d’un « contrat social 6». L’État moderne considère que la protection du corps social est sa préoccupation légitime. Sur ce principe, au cours des siècles suivants, la notion d’Etat interventionniste s’impose en matière de santé d’abord, puis d’éducation, puis de gestion des risques enfin. Selon ce principe de « contrat social » implicite, la population investirait l’État d’une responsabilité de prévention. Ainsi, la notion d’intérêt collectif apparaît légitimée par la notion de protection du bien-être collectif et au nom de l’intérêt général. Après avoir posé les bases philosophiques de l’émergence de ce que l’on appelle l’action publique, un rapide historique de l’institutionnalisation de l’action sociale parait indispensable pour comprendre les tenants et les aboutissants des politiques sociales contemporaines. 6 Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social ou Principe du droit politique, 1762. 2 La société médiévale, face à ses indigents, faisait l’éloge de la charité qui, à cette époque était considérée comme un devoir moral. L’Ancien Régime mettait en avant le devoir de solidarité et de mise sous tutelle des pauvres (qu’il fallait contrôler). Ces politiques de traitement de la pauvreté étaient à la fois charitables et policières. Peu à peu la référence au travail devient centrale, avec la lutte contre le paupérisme. Dès le début du 16ème siècle, la nécessité pour l’Etat de fournir du travail aux indigents est déjà très prégnante. L’Etat a, à cette époque, un rôle paternaliste de protection. Dès le 17ème siècle avec l’accroissement de l’extrême pauvreté et la baisse des solidarités familiales, l’Etat se retrouve confronté aux enjeux de l’utilité sociale de la mise au travail des populations errantes (sur fond d’alcoolisme et de vagabondage), la préoccupation majeure est de contrôler et de moraliser les populations « dangereuses » (Foucault7, Simmel8)). Au 17ème siècle, la création de l’Hôpital Général représente le point culminant de la philosophie répressive : l’alternative au travail est l’enfermement des mendiants. Progressivement s’ouvre avec Turgot le traitement de la pauvreté, par la création des comités de mendicités (1775), signe de l’avènement du principe d’assistance par le travail et la régulation juridique de l’activité professionnelle. Dès lors, le sujet du droit à l’assistance est l’individu, défini par ses caractéristiques économiques et sociales. La catégorie du droit s’efface devant le devoir d’impliquer l’Etat. La centralité du travail devient l’alternative aux diverses formes d’aumônes. En 1789, au moment des réformes liées à la Révolution, le droit à l’assistance est clairement identifié comme étant un palliatif, faisant éclore la notion de dette nationale à l’égard des plus démunis. On assiste à l’amorce de ce que décriront E. Durkheim et R. Castel9 : la modification des solidarités sociales qui ne s’appuient plus sur l’appartenance à un territoire ou un groupe, mais sur l’intégration à un système de production. Qu’en est-il aujourd’hui ? Faisons un bond dans l’histoire. Dans les années 60 en France la question centrale était celle des inégalités et du partage des bénéfices liés à la création des richesses économiques, dans un contexte de plein emploi où l’augmentation du niveau de vie était constante. Les années 80 sont marquées par un tournant, la société est confrontée au phénomène de la nouvelle pauvreté, dénoncée et analysée par Serge Paugam (1991). La société française doit faire face au développement de nouvelles figures de la pauvreté qui est moins un état qu’un processus 7 Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975. Georges Simmel, Les pauvres, 1907. 9 Robert Castel, L’insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ?, 2003. 8 3 de modification du lien social, lié aux évolutions structurelles de parcours professionnels. Le nouveau marché de l’emploi, conduit selon l’auteur, à une forme de disqualification sociale caractérisée par la fragilité et l’affaiblissement du tissu social. Dès lors la pauvreté n’est plus seulement monétaire, elle est aussi sociale, physique (dépendance) et psycho-sociale. La nouvelle pauvreté est à la limite de l’exclusion voire de la « désintégration sociale » (E. Durkheim, 1893). Dans ce contexte, la prise en charge sociale est désormais organisée autour du rapport au travail et à l’insertion professionnelle et sociale, comme en témoigne la création du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) en 1988. Aujourd’hui la nouvelle pauvreté a fait place à la notion de précarité, les pauvres deviennent les exclus aux formes multiples. On parle de cohésion sociale, d’intégration et d’accompagnement social. Les personnes âgées, les jeunes travailleurs, les immigrés les travailleurs précaires sont de nouvelles cibles de l’action publique. Cibles d’autant plus particulières qu’elles sont mobiles dans l’espace et le temps. La précarité, l’exclusion peuvent se cumuler, c’est le développement du « précariat », en lien avec la dégradation du marché de l’emploi : multiplication des emplois instables, augmentation du chômage de longue durée, affaiblissement des liens sociaux, nouvelles formes de production, flexibilité de la main d’œuvre… Le débat sur l’exclusion a pris une importance grandissante depuis le début des années 1990 et est au cœur du débat social et politique de prise en charge des risques sociaux, de lutte contre l’exclusion et la marginalisation. Dans le contexte actuel marqué par le poids de la crise économique, par les enjeux financiers, les attentes sociales sont désormais accrues. Les solidarités changent de visage et amènent à l’évolution du périmètre de la protection et des actions sociales. Comme en témoigne l’évocation de la création d’une cinquième branche de la Sécurité Sociale, liée à la dépendance. Avant toute problématisation, revenons sur cette question de la protection sociale, qui nous permet d’éclairer un phénomène d’échelle (que nous n’avons pas soulevé) intrinsèquement lié à la question de l’intervention publique dans la gestion des phénomènes sociaux. L’émergence de la prise en charge est d’abord territoriale et locale, peu à peu nous avons assisté à un mouvement d’Etatisation, lié au développement des compétences de l’Etat Providence. Ce processus nous amène à porter une attention particulière sur l’articulation entre local et global qui sera, nous le pensons, un axe fort de cette présente composition. 4 Le système français des politiques sociales s’est fondé sur le principe de solidarité nationale et sur une définition bismarckienne de l’Etat interventionniste. Les principales institutions sociales ont été établies entre les années 1930 et 1960, la sécurité sociale est au cœur de cette institutionnalisation. Créée pour couvrir les risques liés à la santé, aux familles, aux accidents du travail et à la retraite. Les politiques sociales sont scindées en 4 branches et gérées par divers organismes nationaux : la CNAM, CNAF, CNAV et l’UNEDIC. L’assurance sociale française couvre les risques des assurés sociaux, est financée par des cotisations et assure une redistribution horizontale. Aux côtés des instances d’assurances sociales, se sont développées les complémentaires (prévoyance) et l’assistance (aide sociale). Cette dernière couvre les risques sur le fondement des besoins, est financée par l’impôt et assure une redistribution verticale. En somme, la construction de l’action sociale est d’abord et avant tout un processus politique et règlementaire édicté par l’Etat, qui scinde la protection sociale en deux grandes catégories d’interventions : le financement et les protections obligatoires ; et les politiques sociales spécialisées. Née au XXème siècle, l’action sociale, est une notion récente, créée comme une action facultative destinée à compléter des aides légales, elle regroupe « un ensemble large et générique d’actions, obligations ou facultatives, qui contribuent à la cohésion de la société 10», conduisant à l’émergence de la notion de développement social au cours des années 1990. Thématique de recherche Les préoccupations contemporaines, de la prise en charge sociale des plus fragiles, portent moins sur l’expression des phénomènes que sur les réponses à apporter. L’approche en termes de gouvernance et de périmètre d’intervention renvoie à un contexte particulier de multiplication des échelles d’actions, amenant à reconsidérer les impacts de l’implication publique (aménagement du territoire, péri-urbanisation, solvabilité des ménages…). Quelles sont les voies et moyens pour l’action sociale de proximité pour répondre à des enjeux sociétaux ? Quelle place pour les communes dans la mise en œuvre des politiques sociales ? Assiste-t-on à l’émergence d’un nouveau système de gouvernance de l’action sociale qui favoriserait une re-territorialisation des politiques sociales à l’échelle locale ? Ou à son inverse ? 10 Selon la Direction Générale des Collectivités locales. 5 Notre intérêt se porte sur les politiques d’actions sociales locales, du fait de leur inscription historique au cœur des territoires. La prise en charge repose sur la charité « chrétienne » qui trouve son essence dans la proximité et l’aide aux individus de la localité. Peu à peu les mesures d’aide, puis de prise en charge s’organisent autour d’établissements tels que les hospices, puis les bureaux de bienfaisance et ensuite dans des Bureaux d’Aide Sociale (BAS). Dans les années 1953, on assiste à un souci d'encadrement des textes et à une réforme qui aboutit à la fusion des Bureaux d'Assistance et des Bureaux de Bienfaisance par la création d'une institution unique d'aide sociale : le Bureau d'Aide Sociale. Ces bureaux d'aide sociale voient leur structure évoluer en 1986, date à laquelle s'amorce le mouvement de décentralisation : répartition des rôles et fragmentation des compétences. On assiste alors à l’émergence des Centres Communaux d'action Sociale : C.C.A.S. La commune pendant plusieurs décennies a été le lieu de l’action sociale par excellence, avant de concéder une partie de ses actions aux Départements depuis les lois de décentralisation. La création d’un Centre Communal d’Action Sociale, est régie par la loi du 06 janvier 198611, qui donne une existence de plein droit à cet établissement public administratif (EPA) distinct de la mairie, dans chaque commune (art. L123-4 CASF). Néanmoins les CCAS sont aujourd’hui des acteurs locaux indispensables dans la lutte contre l’exclusion, la précarité et le suivi des publics démunis. Leurs compétences s’exercent dans un champ d’intervention vaste au sein duquel ils doivent « mettent en œuvre, sur la base du rapport mentionné à l’article R. 123-1, une action sociale générale, telle qu’elle est définie par l’article L. 123-5 et des actions spécifiques. Ils peuvent intervenir au moyen de prestations en espèces, remboursables ou non, et de prestations en nature ». Le décret du 6 mai 1995 relatifs aux CCAS, ainsi que les articles L.123-4 et L123-9 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF), fixent leurs compétences selon le caractère obligatoire ou facultatif de l’intervention. Les missions des CCAS et leurs interventions couvrent tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens, leurs missions sont étendues et se diffusent dans une logique de la cohésion sociale territoriale. Selon l’article L123-5 modifié par la Loi n°2007-209 du 19 février 2007(art. 58 JORF 21 février2007) les CCAS : 11 Loi N°86-17 du 6 janvier 1986 a substitué le nom de Centre Communal d'Action Sociale à Celui de Bureau d’Aide Sociale. Les BAS résultent de la fusion des anciens Bureaux de bienfaisance et des bureaux d'assistance, créés respectivement par en 1796 et 1823. Les Centres Communaux d'Action Sociale décret-loi N°53- 1186 du 29 novembre1953 portant réforme des lois d'assistance, complété par les décrets n°54-661 du 11 juin 1954 et 55191 du 2 février 1955. 6 - Anime une action générale de prévention et de développement social dans la commune, en liaison étroite avec les institutions publiques et privées. Il peut intervenir sous forme de prestations remboursables ou non remboursables. - Participe à l’instruction des demandes d’aide sociale dans les conditions fixées par voie réglementaire. L’établissement du dossier et sa constitue une obligation, indépendamment de l’appréciation du bien-fondé de la demande. - Peut créer et gérer en services non personnalisés les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L.312-1 (CASF). - Peut, le cas échéant, exercer les compétences que le département a confié à la commune dans les conditions prévues par l’article L. 121-6 (CASF). On recense trois grands champs d’intervention : l’Action Sociale Générale (ASG) plus communément mise en œuvre via des formes d’aides sociales facultatives, la prévention et le développement social et enfin, l’instruction des demandes d’aides sociales et l’action vers les personnes âgées. Selon l’Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale12, au plan national l’aide à domicile est le second champ d’intervention le plus répandu. 50% des CCAS et 75% des CIAS sont gestionnaires d’au moins un service d’aide à domicile. Le premier champ d’action étant celui de la lutte contre les exclusions. Les CCAS gèrent 60% des logements foyers publics répertoriés au plan national. Selon l’UNCCAS, 69% des aides sont octroyées sous la forme d’aide de secours, 22% le sous forme d’aides directes, 8 % d’aides indirectes et 2% sont des prêts. La présence et l’action des CCAS dans le paysage des politiques sociales s’illustrent par quelques chiffres clés : - 4 communes sur 10 confient toute la politique sociale au CCAS, - 7 573 CIAS/CCAS disposent d’une autonomie comptable, - 20% des communes de moins de 5 000 habitants n’ont pas de CCAS, or ces communes représentent près de 40% de la population totale. Les CCAS sont majoritairement présents dans les grandes communes, selon la gazette des communes. - seuls 30% des CCAS réalisent une analyse des besoins sociaux (ABS), obligation pourtant règlementaire, instituée par le décret n°95-562 du 6 mai 1995. 12 Dans un article paru dans la Gazette des communes, juin 2012. 7 L’activité d’une institution, ici des CCAS, ne peut se comprendre sans les clés de l’appréhension du contexte global, c’est pourquoi il nous apparaît fondamental de porter une attention particulière à l’ABS. Intérêt de la question Dans un paysage sociétal en pleine évolution, les populations sont noyées dans le flou administratif et économique, leurs voix se font entendre auprès des maires. L’environnement institutionnel modelé par la décentralisation et la participation du citoyen dans la gouvernance de la cité modifient considérablement le visage des politiques publiques. Les enjeux d’efficacité et de performance sans cesse réaffirmés ont particulièrement trouvé écho au sein des politiques publiques territoriales ; favorisant l’enchevêtrement de plus en plus accru des compétences de chaque administration locale, dont sont « victimes » les CCAS. En août 2011, le Parlement dépose une proposition de loi13 évoque la simplification des normes applicables aux collectivités locales, selon laquelle les CCAS seraient susceptibles d’être dissous par les communes ou EPCI afin que ces dernières exercent en direct les missions attribuées préalablement à l’établissement public. Faut-il voir une remise en cause des établissements ? Faut-il comprendre que l’action sociale de proximité a besoin d’être réformée ? Refondée ? Le modèle fortement ancré dans l’héritage Révolutionnaire doit-il se moderniser ? Comment ? Cette initiative parlementaire met en exergue les carences de l’action sociale de proximité en posant la problématique de l’autonomie voir de la concurrence entre les administrations publiques communales ; et ouvre la voie aux nouveaux contours de l’action sociale de proximité. Problématique Cette présente contribution se propose d’étudier les politiques sociales de proximité, à travers l’étude des actions conduites par les CCAS. Nous nous interrogerons plus particulièrement sur l’obligation qui est faite à ces établissements publics de produire annuellement une analyse des besoins sociaux, plus communément appelée ABS. Nous nous interrogerons sur leurs capacités à devenir un moyen de modernisation des services et d’adaptabilité à l’environnement social local. 13 Sénat, Session extraordinaire de 2010-2011, n°779, proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, présentée par le Sénateur Eric Doligé. Référence à l’article 18 (proposition 259). 8 La volonté d’étudier les actions conduites par les CCAS, et plus particulièrement la mise en œuvre de l’ABS, repose sur les inquiétudes liées à la résorption des nouvelles fragilités sociales. Ces établissements disposent d’une lisibilité d’une importance primordiale pour la mise en œuvre des dispositifs et services en étant au centre du quotidien des citoyens. Patrick Kanner (Président du Conseil Général du Nord et de l’UNCCAS) écrit : « Parce qu’il faut changer d’urgence nombre de politiques sociales défaillantes. […] j’ai pour conviction que la société doit savoir compenser les conséquences de la faiblesse de ses membres. Elle doit aussi savoir comprendre et traiter les causes. […] Nous sommes dans une situation où il faut reconstruire une politique sociale14 ». Nos propos veulent interroger le sens de l’action, les moyens d’évolution pour les CCAS et les voies de leur repositionnement dans la sphère sociale et institutionnelle. Nous partons du postulat suivant : la modernisation de l’action sociale passe par des outils d’aide au pilotage, l’Analyse des Besoins Sociaux, peut apparaitre comme l’un d’entre eux. Dans cette perspective, comment faire d’un tel document un outil d’orientation des politiques ? Quels sont les atouts de l’ABS pour devenir un outil d’aide au pilotage ? Dans cette perspective il sera question de comprendre les freins à un déploiement et surtout à l’institutionnalisation de la pratique, d’évoquer les leviers et les atouts de cet outil pour une administration telle que le CCAS, pour innover et être porteur de modernisation voire de mutations de nos instances sociales. Nous esquisserons les contours actuels de l’action sociale de proximité. Notre premier axe de recherche entend répondre aux questions suivantes : en quoi l’ABS apparait comme un outil d’aide à la décision politique ? Quels impacts concrets l’ABS a-t-elle sur le mode d’organisation et de décision de prise en charge des problématiques à caractéristiques sociales Nos propos s’articuleront autour de la problématique suivante : dans quelle mesure l’analyse des besoins sociaux contribue-t-elle à la construction de l’action sociale des communes, non seulement dans la mise en œuvre de politiques sociales locales mais aussi dans l’offre territoriale de services ? Cette première partie essaye de positionner l’ABS comme un outil d’aide à la décision et au pilotage des politiques sociales locales, en abordant les limites, les leviers et les enjeux méthodologiques. Ensuite nous nous interrogerons les conditions d’émergence de nouvelles 14 Patrick Kanner, L’écrit d’alerte : Manifeste pour une nouvelle politique sociale, Mars 2012, Territorial Edition, p17. 9 pratiques autour d’un tel outil. Enfin, il sera question de comprendre quel peut être le rôle de l’ABS au sein des CCAS mais aussi dans le cadre plus large des politiques locales : conditions d’émergence, de pérennité ? L’ABS peut-il s’ériger comme outil d’accompagnement des politiques sociales territoriales ? Notre second axe d’analyse soulève des questions plus prospectives. Il s’agira de repositionner les capacités d’action des CCAS dans un périmètre en mutation, pour mieux soulever les questions liées à la recherche du territoire pertinent et aux enjeux de gouvernance. Quelle est l’autonomie des CCAS, puis des municipalités dans le cadre de la mise en œuvre de politiques sociales ? Quels sont les rôles des acteurs locaux et des politiques dans la mise en œuvre cohérente des dispositifs ? Comment l’ABS peut apparaître comme une solution dans la mise en œuvre cohérente des dispositifs locaux d’intervention sociale ? Le second axe de réflexion aborde le rôle des CCAS dans ce système. Puis nous mettrons en lumière le poids du dispositif ABS comme enjeu de repositionnement des CCAS au cœur de l’action sociale. Enfin nous allons nous interroger sur les dynamiques émanant des ABS pour positionner les CCAS comme acteur central dans le système d’action sociale renouvelé. 10 PROPOS LIMINAIRES (Contextualisation et présentation du terrain de recherche) Dans tout domaine la connaissance est la base de la capacité à agir. Auguste Comte, disait en ce sens « savoir pour prévoir, afin de pouvoir ». La notion d’expertise est le préliminaire à toute activité construite et édifiée en faveur d’un objectif, d’une cause, d’un résultat. La maîtrise de l’environnement permet de poser les bases de l’objectivation de toute réalité que celle-ci soit sociale, médicale (diagnostic), économique (étude de marché), scientifique (expérimentation)… Le domaine du social ne doit pas échapper à cette règle, quand bien même son champ d’action se réfère aux sciences « molles ». Les sciences humaines et sociales ont au cours des décennies su s’implanter dans le champ de l’objectivation, elles reposent sur une véritable démarche épistémologique (Bachelard), pour s’inscrire dans le domaine des sciences de l’action, les sciences politiques et de gestion. Le travail social puis les diagnostics sociaux, par le biais des investigations de types statistiques ou qualitatives, ont fait émerger la quête de l’information pour les administrations. Progressivement les modes de gestion se sont institués pour créer de réelles bases de données ou d’étude de cohortes, afin de rendre compte de façon objectivée et distanciée des faits sociaux. C’est dans cette perspective que doit être appréhendée l’analyse des besoins sociaux. Présentation de l’Analyse des Besoins Sociaux L’analyse des besoins sociaux, obligation issue du décret n°n°95-562 du 6 mai 1995, soumet les structures d’action sociale à procéder à une étude annuelle de l’évolution de leur territoire : « les centres communaux et intercommunaux d’action sociale mentionnés au chapitre II et titre III du code de la famille et de l’action sociale procèdent annuellement à une analyse des besoins sociaux de l’ensemble de la population qui relève d’eux, et notamment de ceux des familles, des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes en difficulté15». Le résultat escompté de cette initiative trouve probablement ses fondements dans la volonté de mettre en œuvre une approche réflexive pour scruter l’environnement dans lequel est plongé le CCAS. 15 Art. R. 123-1 et R. 123-2 du code de l’action sociale et des familles 11 La règlementation précise notamment que cette analyse est effectuée à partir des constats et des statistiques établis pour chaque prestation et chaque activité mises en œuvre par le CCAS. Le rapport est présenté au président du Conseil d’Administration, avant le débat sur les orientations budgétaires. Les enjeux pour les CCAS Selon L’UNCCAS (Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale), l’analyse des besoins sociaux peut-être conduite dans différentes perspectives : - Permettre d’établir le bilan du mandat, - Poser un regard neutre sur le réalisé et non réalisé, - Permettre une meilleure reconnaissance du CCAS auprès de la ville, des habitants, des acteurs du territoire, - Interroger les pratiques professionnelles, - Questionner les relations partenariales au regard d’objectifs initiaux définis. Les objectifs d’une telle réalisation ne peuvent être que multiples. Les enjeux pour le CCAS de La Madeleine Pour cela il convient de réintroduire nos propos dans une présentation du terrain d’investigation. La ville de La Madeleine compte 22 174 habitants en 2009, sa population est essentiellement composée d’actifs (63% de la population totale a entre 20 et 64 ans, contre 58,3 en France ; les 65 ans et plus représentent 14% contre 17,1% au niveau national), elle connaît un taux d‘activité pour les 15-64 ans de 76,8% en 2009 et un taux de chômage de 11,6 %. La dernière caractéristique territoriale porte sur une répartition géographique des populations avec deux grands ensembles de quartiers, dont la « frontière » est marquée par la rue du Général De Gaulle. La Madeleine se caractérise par une forte densité de population et bénéficie largement de l’attractivité de la ville de Lille, les deux communes étant adjacentes. La ville est actuellement dirigée par M. Sébastien LEPRETRE, élu aux derniers élections municipales en 2008. Les questions sociales sont déléguées à plusieurs élus : solidaritélogement (J. Dhollande), enfance-famille-écoles (A. Soubrier), animation-culture-école de musique (E. Bizot), jeunesse-insertion-emploi-commerce-entreprises locales (C. Blanchet), aînés-santé (C. Gabriel). Au sein de la Mairie les services municipaux concernant notre 12 champ d’investigation sont répartis en deux services : les services à la population regroupant les personnes âgées et l’enfance/jeunesse (accueil de loisirs et scolarité), le service logement (annexe 3 : organigramme). Les missions du CCAS de La Madeleine Le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) est un établissement public administratif, géré par un Conseil d’Administration (CA) constitué paritairement d’élus locaux désignés par le Conseil municipal et de personnes qualifiées dans le secteur de l’action sociale, nommées par le Maire, Président de plein droit du CCAS. Le Code de l’Action Sociale et des Familiales définit les compétences légales des CCAS : « Les centres communaux d’action sociale mettent en œuvre, sur la base du rapport mentionné à l’article R. 123-1, une action sociale générale, telle qu’elle est définie par l’article L. 123-5 et des actions spécifiques. Ils peuvent intervenir au moyen de prestations en espèces, remboursables ou non, et de prestations en nature ». Le CCAS de La Madeleine était rattaché « physiquement » aux locaux des services municipaux jusqu’en 1973. Les activités du CCAS touchent des domaines variés entre compétences obligatoires et facultatives : - l’instruction de l’aide sociale légale (accompagnement administratif des demandes de FSL, d’aide sociale, de l’AAH, d’APA…) ; le suivi et la gestion des bénéficiaires RSAPLIE ; l’octroi d’aides sociales facultatives et d’urgence, les aides alimentaires et la participation aux frais en tout genre des familles dans le besoin (restauration scolaire, achat de chaussures, participation fêtes de fin d’année…) ; et la gestion des services d’aide à domicile pour les personnes âgées, - héberge l’Association Madeleinoise des Soins à domicile et Emplois Familiaux, - accueille des permanences régulières d’une dizaine d’organismes et associations. Ce rapide portrait de la structure illustre le cadre d’action dans lequel la structure se situe. La vocation première du CCAS de La Madeleine est bien d’accueillir la population, que celle-ci soit en quête de renseignements ou touchée par une problématique sociale particulière. Le CCAS gérait auparavant deux associations majeures de l’action sociale : un vestiaire et une épicerie solidaire. Au-delà de ces champs d’action, le CCAS développe des compétences plus larges qui vont de la constitution de dossiers de surendettement à l’instruction de dossiers de micro crédit social, en passant par la mise en œuvre d’un Programme de Réussite Educative (PRE). 13 L’origine de la demande : une commande politique. La mission confiée est de conduire une étude sur les besoins de la population avec pour référence principale le décret de 1995, pour aboutir à la production d’un rapport exhaustif établissant un état des lieux des besoins sociaux tout en menant une approche prospective permettant de soulever les questions pouvant émerger à plus long terme. L’initiative de la réalisation de l’ABS s’inscrit pour partie dans une volonté de mesurer l’efficacité des aides apportées et de réinterroger l’action sociale telle qu’elle est menée actuellement. Pour l’autre, elle répond à une volonté politique de faire état des actions entreprises au cours du mandat écoulé, en vue des élections municipales de 2014. Pour Monsieur le Maire, la réalisation d’une ABS est portée par la volonté de dresser un portrait social du territoire, elle répond d’abord et avant tout à une demande politique, accueillie favorablement par le parti de l’opposition. Les objectifs énoncés par monsieur Le Maire, sont les suivants : - rendre compte des évolutions sociétales, - consolider la connaissance des services sur leur territoire, - proposer une aide à la décision pour les orientations politiques de la Ville, - développer une vision prospective des phénomènes territoire, - proposer un bilan des actions sociales menées lors du mandat écoulé, mais aussi pour déboucher sur une forme de conventionnement global. Le directeur à l’initiative de la démarche, pour lui la réalisation de l’ABS répond d’abord à l’obligation réglementaire. Plusieurs attentes ont été formalisées : - favoriser les projets, - orienter les actions du CCAS et les adapter au tissu social local, - permettre de soulever des interrogations pour questionner les pratiques actuellement mises en œuvre. - partager les informations avec les administrateurs. L’ambition de la Ville de La Madeleine est de placer l’ABS comme un outil permanent d’animation de la question sociale sur le territoire. Lors de la présentation de la réalisation de l’ABS, les élus ont souhaité donner une approche stratégique au futur document, en faisant de l’ABS un potentiel document cadre pour la politique déployée par le CCAS. 14 Les enjeux de la dotation d’un tel outil lorsqu’ils ont été présentés au Conseil d’Administration sont multiples, notamment en favorisant : - la connaissance des publics, comme cela est clairement explicité par le décret de 1995, rendre compte des évolutions que celles-ci soient économiques, professionnels, démographiques, sanitaires… - la remise en question des services et de l’offre proposée, - la mise à jour des tendances sociétales, - l’interrogation et l’approche stratégique des aides. La réalisation du diagnostic social du territoire s’inscrit dans une perspective de mutualisation des savoirs. Deux études ont été menées préalablement au choix de mettre en œuvre l’analyse des besoins sociaux, l’une porte sur les besoins d’accueil en termes de petite enfance, la seconde étude concerne les ainés. Il est aussi important de souligner qu’une étude de consultation de la population a été conduite au cours de l’année écoulée autour du projet de la création de la médiathèque. L’approche méthodologique La méthodologie proposée doit en outre permettre à la Ville de se comparer dans le temps, dans l’espace, à d’autres pour mieux se positionner. - Dans le temps : le CCAS de la Madeleine a fait le choix de prendre pour référence de bases (pour le recueil des données) l’arrivée de la nouvelle équipe municipale en 2008. De plus, une comparaison des chiffres des deux derniers recensements réalisés par l’INSEE a été proposée. - Dans l’espace : le CCAS de la Madeleine a construit un référentiel à partir de villes géographiques proches (pour neutraliser les effets plus globaux qui pourraient s’exercer sur le territoire) et similaires pour être facilement comparables (sans pour autant négliger les spécificités propres à chaque commune). Dans cette perspective, la ville sera comparée à quatre autres villes qui sont : Lambersart, Mons-en Baroeul, Armentières, Loos. Sans cadre propre et clairement défini, l’ABS devient un outil qui reflète les attentes des commanditaires à l’égard de la connaissance de leur territoire et des enjeux présents, à charge du prestataire de réaliser en lien un cahier des charges exprimés en correspondance avec les souhaits des acteurs (politique et technique). Cette démarche en amont est capitale, comme en 15 témoigne l’adjoint au directeur du CCAS d’une grande commune du sud ouest : le Conseil d’Administration du CCAS de la Ville de X, installé suite aux élections municipales de mars 2008, a souhaité engager progressivement l’établissement public dans une démarche d’ABS […]. Pour ce faire, un projet de cahier des charges relatif au lancement d’une ABS a été formalisé au printemps 2011 […]. Cette étude a été réalisée en septembre et octobre 2011. […] Dans le cadre de ce cahier des charges, la démarche d’ABS devrait être lancée en janvier 2013 […]16». Ainsi, la conception est un élément déterminant pour positionner (ou non) l’ABS comme un réel outil d’expertise. C’est pourquoi nous nous intéresserons de prime abord à la consistance de l’ABS (périmètre et modalité méthodologique), pour ensuite interroger sa capacité à se positionner comme un outil d’aide à la décision. 16 Propos récupérés dans le cadre du questionnaire. 16 PARTIE I - L’ANALYSE DES BESOINS SOCIAUX : ENJEUX METHODOLOGIQUES Le décret de 1995 même s’il aborde 5 grandes catégories de population que l’analyse des besoins sociaux se doit d’explorer, ne précise ni la méthodologie ni la façon de procéder pour mettre en lumière les besoins sociaux. En outre, la définition de la notion de besoins sociaux n’est pas non plus proposée. La réalisation d’un benchmark pour connaître les modalités de mise en œuvre de l’ABS réalisées par d’autres CCAS s’avère indispensable. Dans cette perspective, une recherche internet a été conduite, au-delà des éléments proposés par l’UNCCAS (cahier des charges), le recours aux ABS du Territoire de Belfort, de la commune de Besançon, de la synthèse de la ville de Bordeaux et de la communauté de communes de Fruges. Selon les communes, la structuration du document varie, pour certaines il existe un travail construit autour de l’offre et de la demande, pour d’autres l’ABS est articulée en 3 parties : une approche globale, une approche par public, une approche par problématique (Tourcoing). Cette phase a permis de dégager une structuration type du document proposé au CCAS de La Madeleine. Nous allons désormais détailler les différentes phases du processus d’élaboration de l’ABS. Dans un premier temps en nous attardant sur les complexités émanant du recueil statistique, dans un second temps en questionnant la notion d’analyse partagée. Et enfin en interrogeant la portée de l’ABS en tant qu’outil d’aide à la décision. A. L’élaboration d’un diagnostic social : de la démarche quantitative à l’approche qualitative de la demande sociale L’ABS est d’abord un outil de portée statistique, qui s’appuie sur des données chiffrées collectées auprès de partenaires variés, pouvant donner lieu à la signature de convention d’échanges et de partage de données, ce fut notamment le cas entre le CCAS de La Madeleine avec la CAF du Nord. Lors du travail d’investigation sur le territoire de La Madeleine, deux problématiques majeures ont été rencontrées dans la recherche des données : d’une part la définition du périmètre, d’autre part l’accessibilité des données. 17 1. Préalables méthodologiques La définition du périmètre est en partie conditionnée par les attentes des élus, sinon du prestataire. En effet, le décret ne mentionne pas, la notion de « besoins sociaux ». A cet égard, comment définir un besoin social ? La caractéristique du besoin social tient elle à son caractère collectif ? Tout comme Maslow a pu le préciser il existe des besoins divers selon le niveau de développement individuel. On distingue des besoins naturels liés aux nécessités vitales, les besoins sociaux (individuels et collectifs). Ygal Fijalkow mentionne, dans son ouvrage (Sociologie de la ville, 2004), la production de l’espace et la cohésion des groupes sociaux est liée aux aspirations de la population ouvrière en espace, confort, conditions de vie, transport. On distingue deux formes de besoin : les besoins-obligations et les besoins-aspirations. Les premiers répondent à des besoins vitaux, les seconds relèvent des dispositifs qui permettent aux groupes sociaux de se maintenir en tant que tel. Alors, à quel moment doit intervenir la puissance collective ? Doit-on traduire la notion de besoin social en termes de réduction des inégalités et de développement de l’équité sociale ? Ainsi l’approche en termes de besoin social s’appuie sur une dimension individuelle quand il touche à la subsistance, la survie ; et à une dimension collective lorsque l’on rapproche difficulté personnelle à un niveau de vie ou d’accessibilité différentiel aux services et à la consommation. La notion de besoin social tend à prendre le caractère de préjudice social avéré par l’identification d’une cause, d’une problématique, un état, qu’il convient de compenser l’action publique. Pour Vincent Bourdeau (2008), la notion de besoin collectif n’est pas éclairante, c’est l’organisation du partage qui en découle qui est le fondement même de la notion de besoin social. Le besoin aujourd’hui est il lié à la rareté, à l’accès ou au partage des ressources ? Les besoins sociaux ont un caractère objectif. C’est pourquoi, l’analyse des besoins sociaux passe par une dimension quantitative nécessairement orientée selon l’appréhension de la réalité sociale du technicien, qui de façon implicite définit le champ de l’ABS. Or cela peut s’avérer délicat, d’une part quand le professionnel soulève de nombreuses interrogations qui étendent toujours plus le champ de l’observation (par exemple des problématiques liées à l’illettrisme ou à la garde des enfants pour les familles monoparentales). D’autre part quand la notion d’arbitrage et de choix risque peuvent laisser de côté des éléments : faiblement représentation quantitative mais se posant avec acuité, complexité particulière sur le territoire, nous pensons au « mal logement » des personnes âgées à La Madeleine. 18 L’enjeu réside donc dans la détermination du périmètre de l’analyse, et la façon d’étudier de façon pertinente le territoire, pour rendre compte du social. Le parti pris a été de proposer une approche en entonnoir partant du supra-communal à l’infra-communal (annexe 4 : structuration de l’ABS), l’idée est d’étudier le tout dans son contexte, il s’agit de développer une amorce d’approche systémique. En effet, qu’est-ce que le territoire pertinent ? Est-ce l’IRIS ? Le quartier ? La ville ? En développant cette approche, la ville de La Madeleine se permet de comprendre les enjeux transversaux à son territoire, ou du moins d’en témoigner, comme notamment : - la proximité avec un ensemble de villes, une densité urbaine importante, - la densité de population importante et une segmentation de la ville en deux « rives », - l’intégration à un EPCI Lille Métropole Communauté urbaine, et un rattachement intracommunautaire à Lille. - Les spécificités de la région Nord-Pas-de-Calais a des spécificités socio-économiques et démographiques, non négligeable. Ici, la question du territoire prend donc toute sa dimension, un territoire s’arrête-t-il à la frontière des communes ? La juxtaposition d’une telle maille territoriale n’amène-t-elle pas à réinterroger la valeur territoire ? Faut-il saisir le territoire du point de vue institutionnel ou dans une approche citoyenne ? Pour les populations qu’est-ce que le territoire ? Un lieu d’habitation ? Un lieu de vie ? De consommation ? De production (liée à l’activité professionnelle) ? Telles ont été les questions sous jacentes aux principes d’élaboration de la méthodologie. Ces représentations sont indispensables pour capter les synergies et des influences présentes sur un espace géographiquement situé. Ce qui pose la question du « qu’est-ce qu’habiter ? », en effet l’ABS doit permettre de mieux comprendre les personnes qui vivent sur son territoire. La façon dont les populations elles-mêmes se saisissent de leur environnement conditionne aussi l’action publique. Nous posons le constat suivant : la ville de La Madeleine se caractérise par une forte population active ayant entre 25 et 55 ans, ces populations entrainent des flux d’entrées et de sorties sur le territoire, quels sont les moyens d’intervention pour les pouvoirs publics ? L’attribution d’aides ponctuelles sera-t-elle suffisante ? La fourniture d’aide (ou non) amènera-t-elle une nouvelle catégorie de population ? En évincera-t-elle une autre ? Ces questionnements liés à l’approche méthodologique sont indispensables pour penser un outil adapté à l’activité des services. La démarche de construction retenue s’est opérée en faveur d’une structuration de l’analyse des besoins sociaux à travers une approche 19 en entonnoir. Cette structuration a en outre l’objectif de guider le travail de recherche pour proposer une analyse de plus en plus fine des dynamiques présentes sur le territoire madeleinois. Schéma 1 : Etapes et démarches clés dans la structuration de l’ABS17 De plus, l’étude statistique amènent à aborder la notion de zonages, de géographies prioritaires telles quelles peuvent être conçues par les politiques publiques. En ce qui concerne La Madeleine, un quartier fait partie du CUCS de Lille Métropole Communauté Urbaine. Il a été identifié comme une zone où les enjeux sociaux et certaines problématiques sont surreprésentées (annexe 5 : carte du CR NPDC). Pour autant, ce territoire vit bien « au sens des habitants », les habitants s’approprient leur quartier et développent une certaine forme d’appartenance locale. Il ne convient pas seulement d’identifier, mais de caractériser un espace urbain, un public, un phénomène. En effet, la ville de La Madeleine, on observe une occupation de l’espace public socialement : la rive gauche accueille des populations plus fragiles, en lien avec l’histoire populaire du quartier, tant dis que la rive ouest est peuplée de populations plus aisées. La démarcation des quartiers est représentée par l’artère principale, l’avenue du Général De Gaulle. Il faut donc garder à l’esprit cette difficile mission d’identification : ne pas tomber dans la volonté de normer (Canguilhem, Le normal et le pathologique, 1966). Il faut rendre compte tout en gardant une posture objective et ne pas mettre en évidence de « fausses évidences ». 17 Réalisé par l’auteur 20 La notion de la pertinence est décidément bien centrale dans notre démarche de construction de l’analyse sociale : qu’est-ce que la problématique pertinente ? Qu’est-ce que l’intérêt général ? Le consultant doit veiller à ne pas amputer des problématiques sociales qui, de part leurs nombres ne sont pas numériquement repérables mais qui se posent avec une acuité toute particulière. Le social est construit, la grille de lecture qui va découler de l’ABS sera donc en partie une représentation orientée de la réalité. Ces postulats énoncés, il nous a semble plus que pertinents de partir des problématiques des populations (logement, précarité…), car ceux sont les premières bénéficiaires des dispositifs d’aide, et de cette façon nous surmontons les controverses liées aux notions du territoire et du local. C’est pourquoi, le travail de déconstruction et de prise de recul est indispensable à toute élaboration d’analyse, d’autant plus quand l’objet est un construit politique. 2. Le recueil de données Avant toute analyse le nécessaire travail de balisage du recueil et du périmètre des informations « captées » est indispensable. Lors de cette phase, le prestataire veille à ne pas chercher des données inexploitables et non pérennes. Un travail de sélection et de recoupement a été conduit, suite au travail de définition de la période étudiée et du périmètre, pour enfin donner lieu à une priorisation des éléments recueillis au sein d’un tableau synthétique. Dans un premier temps, une liste des partenaires présents sur le territoire a été identifiée. Cette liste (annexe 6 : listes des partenaires) c’est appuyée sur un document de cadrage de l’UNCCAS18. Le choix des partenaires a été réalisé par le biais d’une concertation des différents techniciens de la structure, en contact direct avec les partenaires dans le cadre de leurs missions. La première difficulté est donc celle de l’identification des sources de données fiables (sources sûres, produites régulièrement) et représentatives. A qui s’adresser ? Pourquoi ? Dans notre cas, nous avons eu recours à une analyse « sélective des partenaires » en identifiants les sources sûres incontournables et les sources « incertaines » (dépendantes des volontés des techniciens à adhérer au projet et de la capacité à produire des éléments). Au niveau du CCAS de la Madeleine l’activité est peu chiffrée, elle permet de connaître les évolutions d’une année sur l’autre liées à une prestation et au public touché, il était donc important d’élargir le recueil. 18 UNCCAS, Comprendre l’Analyse des Besoins Sociaux, ses enjeux, sa méthodologie, 2009 21 La seconde difficulté alors rencontrée est la mise en cohérence et l’articulation des données. Des institutions sont pourvoyeuses de données, telles que la Caf, l’UTPAS, abordent les mêmes populations mais sous des angles différents, le CG aura des données sur les bénéficiaires du RSA, tant dis que la Caf dispose de données sur les bénéficiaires des prestations qui sont aussi bénéficiaires du RSA, de plus les personnes suivies dans le cadre du RSA peuvent aussi apparaître au cœur des dossiers Pôle Emploi et ceux de la Maison de l’Emploi (PLIE). Le souci de limiter la perte d'informations du fait d’un manque de cohérence dans les données, contrairement aux unités de lieux, d’action et de temps propres au théâtre d’unité. Il y a des références historiques notamment (Insee production tous les 9 ans et Pôle Emploi tous les mois), mais aussi d’échelle (Banque de France données de surendettement niveau départemental, Insee travaille de l’IRIS, jusqu’à l’aire urbaine, etc). Au fil de la construction de la phase exploratoire de l’ABS dans la commune de La Madeleine, il s’est avéré que le territoire ne connaissait pas de problématiques particulièrement accrues, il s’est finalement poser la question de la priorisation et de la mise en avant de certains phénomènes. Dans ce cas, quelle posture entretenir ? Une multitude de problématiques sont liées à chacune de populations, groupes sociaux et quartiers, il est alors question de la pertinence. - Comment assurer la fiabilité de l'analyse à travers l'étude des statistiques, c'est à dire rendre compte de la réalité sociale ? - Comment être sûr de la pertinence des problématiques qu'il convient d'analyser de façon plus intense ? C’est pour quoi, le directeur du CCAS et le pilote du projet ont choisi de proposer une analyse exhaustive des grandes caractéristiques du territoire en s’appuyant sur les populations ciblées par le décret, charge ensuite à la structure de mobiliser de façon périodiques des éléments pour éclairer des problématiques ayant relevé son attention ou son intérêt. L’ABS s’adapte à son territoire en prenant une forme évolutive. En ce sens, l’expérience du CCAS de Metz est intéressante : des orientations thématiques sont choisies annuellement par le conseil d’administration, à partir de priorités fixées tous les 5 ans sur la base d’un état des lieux actualisés. Le CCAS de La Madeleine s’adosse à ce principe d’actualisation. En outre, le travail de première constitution d’un tel outil est lourd et 22 demande beaucoup de temps. Il est question de proposer autour de l’ABS, des études spécifiques et ponctuelles, pour l’alimenter régulièrement. Une nouvelle question a alors émergée en fin de processus : la connaissance de la demande sociale et celle des besoins sociaux est une chose, mais sans apporter un regard interrogatif sur l’offre de services et de prestations, l’ABS risque de se fourvoyer. En effet, les partenaires peuvent répondre et absorber certaines problématiques. C’est pourquoi, bien plus de la sollicitation des partenaires pour construire les problématiques prioritaires, le repérage des aides et autres dispositifs est indispensable. En Seine-Maritime par exemple, sur une commune, un demandeur à face à lui 10 organismes différents et un catalogue de 41 dispositifs19. La dispersion des dispositifs, leurs manques de cohérence et de lisibilité entraine une multiplication des actions (toutes ne sont pas réellement connues) et des acteurs, et ce sans spécialisation thématique. L’acuité de la question de l’offre doit être traitée avec autant d’attention que celle de la demande sociale, il en va de l’optimisation des dépenses publiques. A travers le recueil de données, l’enjeu est de construire une méthodologie particulière qui se distingue : chaque CCAS se saisit de l’ABS pour construire un outil adapté à sa réalité sociale, selon ses moyens et ses ambitions. Le choix des données est un travail élémentaire et d’une part il prend la mesure du contexte, car d’autre part il permet de proposer des indicateurs, données chiffrées adéquates. 3. Le choix des indicateurs dans l’action sociale Le recueil des données statistiques répond à l’impératif de pertinence et d’efficacité. Il doit permettre aux techniciens de construire un tableau de bord simple, lisible et durable dans le temps, cela pousse à l’exercice de « vulgarisation de la démarche d’évaluation », afin que celle-ci soit pérenne et transposable. Le choix des indicateurs peut avoir deux finalités : - Comprendre et quantifier - Agir et évaluer Les deux systèmes d’interprétation des données sont intrinsèquement liés, l’un renvoie à la phase de l’ABS par un recueil et la visualisation quantifier de la vie sur le territoire. Il prendra la forme d’un tableau de bord contextuel et s’appuiera sur les données chiffrées du CCAS et 19 Aides Sociales : Enjeux et pratiques locales, Groupe Chèquedéjeuner, Agence des Nouvelles Solidarités actives, oct. 2010. 23 des Partenaires. Tandis que l’autre renvoie à l’appropriation des données retenues dans l’ABS pour favoriser le pilotage de l’action sociale au sein de la structure. Les indicateurs dans l’action sociale sont spécifiques puisque l’action se caractérise par : les actions ponctuelles et les actions régulières ou d’accompagnement. Le principal enjeu attendu de la mise en œuvre de l’ABS dans les services de la ville de La Madeleine est de soulever le débat pour permettre le repositionnement stratégique des actions. Toutefois un tableau de suivi avec des indicateurs clés à été élaboré (annexe 7 : tableau de bord) Dans ce cadre, avant toute mise en œuvre d’indicateurs, il semble intéressant d’accompagner la structure sur la voie du questionnement : poser les « bonnes questions » qui découlent de l’observation. Dans les systèmes et procédure d’évaluation cela est appelé, la question évaluative. Dans la mise en œuvre de l’ABS il existe 3 natures : La première porte sur le problème : Quelle importance ? Quel périmètre ? Quelle acuité ? La seconde porte sur le périmètre, il s’agit d’envisager le « champ des possibles » : - Quelles sont les actions possibles ? Dans quel domaine ? Pour quels publics ? Quelles sont les solutions envisageables ? Quelles sont les capacités de la structure pour agir (partenariat, fond, personnel) ? - Quelles sont les contraintes ? Les ressources, le temps, le personnel, l’implication, la connaissance, dans quel délais. Faut-il donner des objectifs ? Qualitatifs ? Quantitatifs ? Enfin un dernier champ d’interrogation portera sur les effets : - Les objectifs ont-ils été atteints ? Avec quels moyens ? Qu’est ce qui en a découlé (résorption d’un problème, effet pervers…) ? Amplitude du problème, fréquence, origine (structurel, conjoncturel, personnel) ? Avec cette forme de cheminement simple, le CCAS s’ouvre progressivement à la remise en question, voire en cause, des dispositifs et de ses services. Il s’agit d’accompagner en douceur la structure vers une mesure de résultat, d’impact à travers une réorganisation, une restructuration de la lisibilité des actions produites au quotidien. Par l’introduction progressive de l’observation et par l’émergence de la capacité à se réinterroger, les CCAS développeront une culture de l’expertise qui les amènera probablement vers une culture de l’évaluation. 24 L’évaluation est considérée par tous comme un outil stratégique pour clarifier le contenu des projets, mais l’ABS peut être une tentative de « vulgarisation » de la mesure de l’action sociale, dans le sens où elle permet d’analyser les retombés d’une action. Deux approches sont ouvertes soit l’évaluation du travail social (évaluation des programme d’aide et des dispositifs d’intervention) ou l’évaluation des politiques sociales (évaluation de la politique sociale dans son ensemble), qui de notre point de vue est complémentaire puisque plus transversale. Avec l’entrée en vigueur de l’analyse des besoins sociaux, on fait entrer le champ de l’expertise dans un domaine encore fortement emprunt d’une gestion patronale et familiale. Il s’agit de redonner au social tout son pouvoir d’ingénierie et d’innovation. G. Simmels au sujet des indigents et des pauvres parlait de charité, il l’adossait à une forme de « don » que l’on consent à donner sans pour autant se poser la question de l’adéquation de l’offre au besoin de ces populations, la mise en œuvre de l’ABS permet de sortir de cette approche. Les CCAS en fondant leur activité sur l’observation de la demande sociale, en prônant l’évaluation de la demande et des besoins, ouvre la voie de la veille sociale et du suivi de l’instruction de la demande. Mais pour autant : Est-elle un outil d’aide au changement ? Un outil qui marque l’évolution et la maturité du secteur social ? Au regard des questionnaires que nous avons pu réceptionner l’ABS est un outil de connaissance du territoire, lié au recueil de données statistiques, lorsque ce travail de collecte de données est abordé, la question de l’outil informatique est citée dans un tiers des cas. Cette première étape que nous avons décrite est le socle de l’analyse partagée, « les données brutes » demandent des exploitations complémentaires. Les personnes questionnées alertent sur le travail considérable que cela suppose. Pour 6 cas sur 7, la mise en œuvre de l’ABS a fait ou fait appel à un prestataire externe compte tenu « de l’investissement nécessaire et du degré d’expertise20 ». B. De l’analyse partagée à l’approche stratégique du territoire « Contrôle mutuel de la puissance et création collective du sens21 » Après la constitution d’une première ébauche purement statistique du territoire, conduit à réinterroger l’analyse quantitative auprès des partenaires. Au-delà de la démarche de 20 21 Propos recueillis dans le cadre des questionnaires. Georges Balandier, Sens et Puissance, 1971. 25 confrontation des perceptions sociales, l’analyse croisée doit permettre de mettre en exergue les difficultés des publics qui ne se sont pas présentés au CCAS ou à la Mairie, pour recenser l’ensemble des besoins sociaux. Avant de développer la notion de vision partagée, il convient de préciser que tous les partenaires ne : - Disposent pas de la même implication au sein de la commune, il existe des partenaires intervenant sur le territoire dont le « siège », bureau est implanté dans une autre commune, pour La Madeleine s’est le cas avec le CLIC, le Secours Populaire et les Resto du cœur entre autre. - Connaissent pas le dispositif, par conséquent ils ne sont que peu sensibilisés aux enjeux de l’élaboration de l’ABS. Cela est d’autant plus vrai sur le territoire madeleinois pour : les associations et les services municipaux, les acteurs comme la Caf et l’UTPAS apparaissent plus sensibilisés, car ayant été sollicités antérieurement par d’autres structures. Faut-il voir un enjeu de communication autour de l’objet ABS ? - Produisent pas ou peu de données pour les associations, ou accordent difficilement accès à des données précises (UTPAS, pour qui le travail de consultation n’a donné lieu qu’à la communication d’un tableau de bord très généraliste dont la majorité des données provenaient de l’Insee). 1. Créer un espace d’observation et de connaissance partagées sur un territoire La procédure d’analyse partagée s’organise en deux étapes fondamentales. D’une part, elle consiste en une consultation : un recueil de données et de rencontres (Caf, UTPAS, Maison de l’Emploi de la Métropole Ouest, service logement de la ville et de la responsable de service enfance jeunesse, CLIC). Concernant les associations une vingtaine de partenaires ont pu recevoir un questionnaire (annexe 8 : liste des partenaires concertés). Le sentiment des acteurs se résume à une validation de la démarche et à une volonté « de décloisonnement des interventions, pour une réelle connaissance des entreprises de chacun » (responsable service jeunesse mairie, mission locale et UTPAS) mais aussi à un désir de prendre connaissance des effets des mesures en place : « sortir la tête du quotidien » (responsable jeunesse, référent 26 RSA et PLIE). Ainsi, l’émergence d’enjeux territoriaux partagés favorise l’adhésion des divers partenaires afin de créer un cadre intelligible pour l’action partenariale sous l’égide de la commune reconnaissance des acteurs eux mêmes, de leurs actions et principalement des faiblesses du système construit autour des bénéficiaires. L’émiettement et la parcellisation des tâches (Cristol, 2010), nuisent la mise en œuvre de la cohérence des dispositifs, mais traduisent l’éparpillement des politiques et responsabilités sur le territoire comme le souligne la directrice de l’UTPAS. A travers le choix des indicateurs, c’est l’amorce de la construction d’un référentiel commun, qui sera ensuite proposé aux partenaires pour élaborer une grille de lecture commune et homogène. A ce jour, la phase de la concertation n’a pu être lancée, toutefois des travaux de groupes sur les questionnements majeurs doivent être organisés en septembre pour permettre la confrontation des points de vue. L’objectif de la démarche est de favoriser le débat et la mise en relation de partenaires, afin de leur proposer un outil de référence. L’objectif idéal à atteindre est la création d’une zone de consensus de l’action sociale définie à partir d’une situation à un moment donné établie par l’ABS. Selon notre vision, l’enjeu pour les CCAS est de faire émerger un outil de valorisation des actions des travailleurs du social. D’une façon générale, les CCAS restent porteur d’une responsabilité reconnue par le législateur en matière de développement social local, nous pensons donc et nous œuvrons en faveur d’une démarche qui conduit le CCAS de La Madeleine à s’élever comme force d’articulation pour les actions de services à la population, à vocation sociale. La notion d’intérêt général est aussi mentionnée par deux des personnes rencontrées (UTPAS, Maison de l’Emploi). La volonté de travailler sur des thématiques communes et de capitaliser les connaissances des acteurs sur les bénéficiaires fait accord. La phase de concertation n’étant pas lancée nous ne sommes pas en mesure de dire si les mots seront suivis des faits, mais nous espérons et nous mettons tout en œuvre pour que l’observation sociale partagée s’impose comme un élément fédérateur de la politique sociale locale à La Madeleine. « La dimension sociale, composante à part entière du développement durable, est appréhendée notamment dès la phase d’élaboration de diagnostics territoriaux partagés, mettant en visibilité des attentes et des besoins sociaux22. » L’ABS, si elle veut jouer son rôle d’outil pour l’action sociale doit être partagée et alimentée par et pour les 22 Corinne Hommage, « Cohérence territoriale et cohésion sociale dans les projets de territoire » », CNAM Paris, juin 2006, p1. 27 partenaires. Cela revient à questionner le rôle et les modalités de dialogue entre les acteurs de l’action sociale. La complémentarité des acteurs est de plus en plus encouragée par l’Etat, sous l’égide du développement du partenariat local. « Par la mise en avant de la concertation et du partenariat, se profile la diffusion d’une logique de résultats, de la performance ou de l’efficience orchestrée par la nouvelle sous direction des affaires financières et de la modernisation23 ». De l’Etat jusqu’au communes une multitude d’acteurs interviennent pour promouvoir l’action sociale en faveur des personnes les plus fragiles. Il existe donc pour l’ABS un réel enjeu de déploiement stratégique, dans un cadre qui se complexifie. Bien que les partenaires soient associés, on observe plusieurs freins à la réalisation d’une analyse réellement partagée. De notre point de vue une sensibilisation préalable à le lancement de la est un vecteur indispensable pour la réussite du projet. La communication permet de faire adhérer, cela revient à faciliter la collecte des informations et à investir les partenaires d’une mission de consultation qui devrait permettre d’éviter les écueils de données « bateaux » sans grand intérêt. o Formuler et expliciter les objectifs collectifs o Informer pour coproduire o Impliquer pour susciter l’adhésion o Un portage politique et institutionnel indispensable. La création ou l’affirmation d’une analyse croisée nécessite de rendre compte du positionnement des acteurs et de leurs représentations et intérêts. En effet, le territoire est le support et le produit des interactions et des dynamiques qui se nouent en son sein. Il est le lieu de convergence de la conception des acteurs, il est le point de convergence des intérêts et d’amener à un référentiel commun de recueil, de traitement et de diffusion des données, dont les modalités restent à définir. Alain Faure, Gilles Pollet, Philippe Warin ont étudié cette question de la construction du sens dans les politiques publiques. L’analyse partagée et l’approche croisée alliant les divers partenaires, permettent de capitaliser les diverses modalités d’expression de la demande sociale. Comment caractériser la demande sociale ? De par son caractère expressif, la demande sociale conduit à une mobilisation voir une revendication (cf : Alain Touraine, les nouveaux mouvements sociaux), 23 Danièle Cristol, « Aide et actions sociales, les conséquences de la révision générales des politiques publiques », Informations sociales, 2010/6 n°162, p52-62 28 elle fait pression sur les administrations mais ne peut être satisfaite dans sa totalité. Si nous prenons l’exemple des besoins de garde, la demande est grande mais les taux d’occupation horaire des heures de crèches sont variables. La demande sociale n’est pas uniquement une problématique sociale, c’est ce qui la diffère des besoins sociaux, qui demandent une réponse effective. La mise en agenda (politique) peut être considérée comme l’émergence du besoin social, puisqu’elle est la traduction et l’inscription de la demande d’intervention dans l’espace public. Schéma 2 : L’ABS : un outil de captation des dynamiques sociales : Cohérence territoriale et cohésion sociale dans les projets de territoires 24 1 Pressions sociales 2 Compétences sociales 3 Cohérence territoriale Populations 4 Cohésion sociale 5 Projet de territoire 1 3 Développement 5 Territoire 4 Solidarités 2 Administrations La démarche globale d’observation de toutes les composantes territoriales, ouvre la voie à une meilleure identification des problèmes et adéquations des réponses : « le territoire comme support de la transversalité, de nouvelles modalités de gouvernance locale comme mode d’énonciation et de conduite de politiques territoriales. La finalité visant la cohésion sociospatiale des territoires 25 ». C’est pourquoi, on peut se questionner sur les enjeux de la construction de l’offre territoriale et ses productions collectives. Le pilotage du projet de territoire, est avant et d’abord un projet de structure, de l’organisation qui en est à l’initiative. Dans cette perspective, la fonction normative et les valeurs sous jacentes au principe d’intervention semblent intrinsèquement liés. Louis Maurin (directeur de l’Observatoire des inégalités) constate voire regrette l’absence d’un projet social global. 24 25 Réalisation de l’auteur Corinne Hommage, « Cohérence territoriale et cohésion sociale dans les projets de territoires », 2006, p1. 29 2. Vers la construction d’une offre sociale ? ABS a un enjeu reconnu, clair et explicite : mettre en adéquation les besoins de la population qui relève du CCAS et les actions à apporter son public. Si les partenaires sont interrogés c’est pour mieux appréhender leurs positions en termes de demande sociale, de besoin social et d’offre de services. Les partenaires sollicités dans le cadre de la mise en œuvre de l’ABS à La Madeleine, accueillent favorablement la procédure. Pour la directrice de l’UTPAS, cela pourrait conduire (avec accord préalable) à minima, à « renforcer des actions sur le domaine du logement, pour lequel des problématiques de sur-occupation et de décohabitation sont présentes sur certain quartier » ; dans le meilleur des cas « à la mutualisation du personnel afin de renforcer l’efficacité des actions et permettre une meilleure allocation des fonds26 ». La réponse publique doit être sans cesse ajustée, calquées sur les évolutions sociétales, en fonction des réalités géographiques et des besoins exprimés ou non par les habitants. En effet, il ne suffit pas de répondre aux besoins présents, mais d’anticiper aussi ceux à venir afin d’adapter les services sans rupture dans l’accompagnement des populations bénéficiaires. Selon l’UNCCAS la nécessité pour l’action sociale est de produire une charte de l’organisation de l’offre des services publics (notamment en milieu rural), nous pensons qu’il faut étendre le concept pour clarifier les interventions sociales. L’expérience d’un CCAS du Pas-de-Calais retient notre attention, à partir de la mise en œuvre de l’analyse des besoins sociaux a conduit à la création d’un Projet Social de Territoire, réunissant quatre acteurs majeurs : la mairie, le CCAS, le CG et la Caf. Le PST est décliné en plan d’action priorisé. Une personne est spécialement dédiée à cette mise en œuvre à temps plein. Sur les 7 CCAS nous ayant répondu un seul mentionne réellement cette forme de conventionnement avec les partenaires. Nous prendrons deux exemples « symptomatiques » de la mise en œuvre opérationnelle de l’accompagnement du public. D’abord arrêtons-nous sur la problématique logement de la ville de La Madeleine, caractérisée par un marché tendu et une densité de population, qui actuellement mobilise : - La direction de l’aménagement, de l’activité économique et du logement de la Mairie de La Madeleine, 26 Propos recueillis auprès de la Directrice de l’UTPAS dans un entretien informel. 30 - Lille Métropole Communauté Urbaine qui a la compétence Logement Habitat et qui définit des priorités via le PLH2 et l’Accord Collectif Intercommunal, - Le CCAS pour instruire les demandes de logement ou de FSL, - L’UTPAS qui perçoit certaines problématiques et le Département du Nord pour le paiement des dossiers d’aides de type FSL, - Les fournisseurs d’énergies, avec qui le CCAS dispose une convention d’échange de données, - Les associations (CAL PACT, Comité Madeleinois du Logement), - Les bailleurs, les promoteurs et investisseurs privés, - Une commission paritaire conduite par une élue pour préparer les commissions d’attribution de logements sociaux, - Les demandeurs de logements sociaux ou non. - Les établissements d’accueil pour personnes défavorisées - … Dans ce contexte difficile où acteurs publics, privés, partenaires, demandeurs interagissent sur une même problématique, il n’existe que peu d’instances de consultation. Nous posons le même constat en ce qui concerne les demandeurs d’emploi ou les bénéficiaires d’une aide à l’insertion professionnelle : - Le PLIE inclus dans la Maison de l’emploi de Lambersart, - L’ESPAS - Pôle Emploi de La Madeleine, - ALORE, association de Lille, - L’AFPA, - Le Conseil Général et la Caf, - Le conseil régional par les actions de formation - La mission locale - … la liste n’est pas exhaustive, le repérage de l’offre est en cours d’élaboration. Où est la lisibilité dans les actions actuellement ? Il n’y a pas de cohérence, la division des tâches entre : le financement du dispositif, le suivi du bénéficiaire selon son statut, son âge, ses problématiques deviennent une mission impossible. Les représentations dominantes dans l’action publique de proximité en matière d’emploi et de formation invitent à un partenariat extensif avec les acteurs de l’entreprise, de l’économie sociale et du monde politique, qu’en est-il vraiment ? L’imbrication des dispositifs se justifient par une exigence d’efficacité autour 31 de la mobilisation de toutes les forces vives associées à la lutte contre le chômage, la précarité, la fragilité économique, mais cela est-il réelle bénéfique au demandeur ? Ces deux exemples, interrogent le mode d’énonciation et de conduite des politiques publiques à l’échelle infra-départementale et le système la cohésion territoriale des acteurs sur une zone géographique déterminée. Schéma 3 : Les différents cercles des politiques sociales27 Certains avancent, « fabrication du la mythe partenarial28 ». En outre la fédération des acteurs prend appui sur la recherche cohérence de plus de territoriale. L’ensemble de paramètres amènent ces à penser différemment ou à repenser l’action sociale, non plus selon des sphères d’acteurs mais plutôt atour des groupes de population, permettant la convergence des moyens de façon interinstitutionnelles. La notion de cohérence est très forte chez les CCAS ayant répondu à notre enquête, pour les structures l’ABS est d’abord est avant tout un élément de connaissance à mettre au profit de la réflexion et de la décision. Dans cette perspective, trois (sur sept) mentionnent explicitement une référence une finalité opérationnelle avec une déclinaison en plan d’action et une volonté de priorisation des problématiques traitées. Dans l’ensemble des cas, la démarche a donnée lieu à des instances de suivi et de pilotage de l’analyse des besoins sociaux : tous abordent les comités de pilotage et les groupes de travail partagé et pluridisciplinaires. 27 Présentation Futuribles, Document de cadrage sur les politiques sociales en France, 2008. J. De Maillard, « Le partenariat en représentations : contribution à l'analyse des nouvelles politiques sociales territorialisées », Politique et management public, 2000, n°18. 28 32 Ce renforcement du partenariat a été scellé par l’Association des Maires de France, Association des Département de France, Union Nationale des CCAS et la Caisse nationale d’Allocation familiale en 2009, qui ont adopté une déclaration commune de principes sur les conditions d’attribution des aides facultatives locales à caractères social. Cet accord scelle des principes communs dont l’accès commun aux informations détenues par chaque collectivité publique. C’est pourquoi, l’ABS pourrait conduire à un observatoire social. « Le développement social ou local global(DSL) est une manière de repenser l’action publique à la fois en partant des besoins exprimés par la population du territoire concerné en définissant avec l’ensemble des partenaires institutionnels un projet global de territoire29». Nous en arrivons logiquement à l’analyse stratégique du déploiement des actions au sein d’un système complexe. Selon cette théorie (Crozier, Friedberg, L’acteur et le système, 1981), le système local est un système d’action concret, caractérisé par la stratégie des acteurs à l’égard de leurs propres organisations et de leurs relais locaux (autres administrations, associations, entreprises). On ne peut comprendre la stratégie d’un acteur sans connaître la « marge de liberté » et la « zone d’incertitude » qui délimitent la portée de son action. Il y a une « rationalité limitée » qui se traduit par la difficulté à connaître l’éventail complet des possibilités d’action qui lui sont offertes et à mesurer avec certitude toutes les conséquences qui en résulteraient. L’action sociale locale témoigne cette approche systémique. Dès lors, il est difficilement concevable que l’ABS permette d’influer concrètement un système pris de part et d’autre par des étaux administratifs, institutionnels, règlementaires mais aussi et surtout politiques. Car en effet selon les auteurs, pris dans un réseau complexe d’interdépendances, chaque acteur cherche à diminuer sa propre zone d’incertitude et à accroître sa marge de liberté. S’interroger sur la nature de l’offre, sa portée et son efficacité amènent naturellement les acteurs du service public du domaine du social à prendre la mesure ou faire émerger des marges de manœuvre collective pour créer des synergies positives pour l’ensemble du territoire (bénéficiaires et acteurs compris). Pour certains auteurs, le territoire serait l’unité susceptible de briser l’isolement entre le monde bureaucratique et l’univers politique. Le diagnostic social devient un maillon indispensable dans l’approche territoriale, il « apporte des éléments de réflexion pour l’action », il sert à la formulation d’enjeux et propose les réponses pour y répondre, il permet d’accompagner le changement. Le diagnostic social, ou 29 Eric Pélisson, « Le développement social local, nouvelle approche territorialisée de la cohésion sociale : préalables méthodologiques indispensables », Colloque Territoires, action sociale et emploi, 22 et 23 juin 2006, p1. 33 territorial, est indissociable de l’articulation des territoires et la participation des acteurs à la conception du projet. Ainsi nous ouvrons le débat sur la notion de la gouvernance publique et du management public avec la montée de la reconnaissance de l’expertise du niveau local. Nous y reviendrons dans la seconde partie. Avec la finalité d’émergence d’un projet de territoire cohérent et la complémentarité des espaces et coordination des acteurs, pourquoi l’ABS n’a-t-elle pas su se développer autant que les diagnostics ? Car finalement, les deux démarches nécessitent une adaptation méthodologique aux situations de terrain. « la façon d’articuler les différentes méthodes de traitement des informations, mais aussi de mobilisation des acteurs, autour de la production de représentations spatiales, pour construire progressivement une vision partagée et stratégique du territoire » (Lardon et Piveteau, 2005). Les diagnostics de territoire sont aussi mus par des enjeux de transversalité et les conditions d’une démarche itérative dans l’accompagnement d’un projet de territoire. Ils produisent une organisation spatiale sur laquelle le système d’acteurs agit, prend des décisions, se recompose et transforme le territoire. L’ABS, parmi les sept questionnaires nous ayant été retournés, est soumise à cette question de transversalité, quatre abordent la notion d’observation sociale ou d’atlas social ; cinq sur sept font référence à la « globalité » ou la « transversalité » ou le « panorama ». L’ABS s’inscrit bel est bien dans une démarche de connaissance de l’environnement local et pas seulement social. « Au cours d'une ABS, on ne se contente pas de relever qu'il y a peu d'enfants sur un territoire à un instant T, illustre Daniel Zielinski (délégué général de l’UNCCAS). On analyse aussi l'installation récente de jeunes couples pour anticiper les besoins futurs en matière d'offre de garde30 ». Ainsi ces deux premières parties nous ont permis de montrer l’importance méthodologique qui doit être accordée à la constitution de l’ABS. L’analyse des besoins sociaux pose les bases d’un questionnement, elle réinterroge les pratiques et l’existant pour guider les dynamiques futures, mais le diagnostic territorial n’est il pas la même chose finalement ? Non ne le pensons pas, en effet l’ABS répond à un besoin de pérennité et constitue la base de la constitution d’une synergie en faveur de la pérennité de la vie sociale d’un territoire. En faisant un parallèle avec les questionnaires récupérés, nous pouvons ainsi décliner le cycle de vie d’une ABS : connaissance => objectivation/légitimation => Aide à la décision. 30 http://infos.gazette-sante-social.fr/1019/lanalyse-des-besoins-sociaux-incontournable-dans-les-ccas-depuis1995?id=2745&dossier=144 34 L’ABS est-il alors un tremplin à travers la définition des objectifs et le repérage des besoins vers l’avènement de la culture de l’évaluation dans les CCAS ? Dans quelle mesure l’ABS permet-elle de dégager des éléments d’aide à la décision ? C. Un outil d’aide à la décision ? Les ambitions de l’ABS sont multiples, comme en témoigne Laurence DiederchsDiop31 (directrice du CCAS de Marseille) : « Au-delà de la mise en conformité avec la réglementation, la démarche est pourtant essentielle à la fois pour décider des orientations budgétaires en matière sociale confiées au CCAS, pour adapter son offre aux besoins du territoire, pour anticiper les évolutions futures et pour positionner le CCAS au cœur de son rôle d’animation de l’action sociale locale. ». Adapter l’offre suppose par conséquent l’adaptation des procédures de mesure pour s’adapter aux réalités complexes. 1. Un outil au service de l’aide à la décision L’ABS, au-delà de sa fonction de connaissance, est-il un outil de pilotage capable de structurer la politique sociale de la commune ? Selon Jean-Philippe Maccarinelli (CCAS de Libourne), elle apporte aussi un soutien en matière de management et d'évaluation : « L'ABS nous a aidés à dégager des axes politiques que nous avons déclinés en programmes et plans d'action. Ainsi, les professionnels perçoivent à tout moment le sens de leur travail et peuvent l'évaluer au regard des objectifs fixés32». Dans cette dernière sous partie nous nous interrogeons sur la capacité de l’ABS à être un outil au service du territoire et des acteurs. Schéma 4 : Programme social et type d’évaluation 3 Structure organisationnelle Problème social 1 Programme objectifs Effet et impact de l’intervention 2 Méthodes d’intervention sociale 4 5 31 Laurence Diederichs-Diop, « l’analyse des besoins sociaux : au-delà de l’obligation règlementaire, un exercice d’évaluation a priori de l’action sociale », Evaluation et données longitudinales : quelles relations ?, Coordonné par T. Couppié, D. Epiphane, et Al., CEREQ, RELIEF, 2010, N° 30. 32 http://infos.gazette-sante-social.fr/1019/lanalyse-des-besoins-sociaux-incontournable-dans-les-ccas-depuis1995?id=2745&dossier=144 35 Source : Programme social et type d’évaluation (d’après P. Rossi, H Freeman, S. Wright : Evaluation, a systematic approach) dans Changer au quotidien, une introduction au travail social, tome 2, 1982. 1) Evaluation stratégique 4) Analyse du travail 2) Contrôle du programme 5) Evaluation du produit et feed back 3) Evaluation organisationnelle L’analyse de ce schéma nous permet de mettre en perspective la maturité de l’organisation dans la mise en œuvre de pratique rétrospective, afin de développer le caractère décisionnel. Ce caractère décisionnel est définit par la finalité de trouver une solution à un problème. Il existe un processus qui amène les structures à se positionner et à s’interroger. Cette prise de conscience est liée d’après notre point de vue à un cycle de mutation intra-institutionnelle. Auguste comte (Discours sur l’esprit, 1844) a mis à jour une célèbre loi sur les « trois états », l'esprit humain passe successivement par “l'âge théologique”, par “l'âge métaphysique” pour aboutir enfin à "l'âge positif", dans lequel la seule vérité n'est accessible que par les sciences. Nous pensons que les organisations connaissent le même cycle de développement. Comme le soulève Mintzberg33, les organisations sont le lieu de confluence du pouvoir, du système de coordination, des buts et de la relation à l’environnement. Nous attirons dans notre cas, l’attention sur ce que l’auteur appelle les « facteurs de contingence », à savoir l’âge de l’organisation, sa taille, le secteur d’activité et le système technique. Si l’on rapproche nos observations aux cinq configurations d’organisations étudiées par Mintzberg, nous dirions que d’une organisation bureaucratique – caractérisée par la standardisation des procédés et la division des taches- le CCAS observé tend à devenir une organisation adhocratique les conduisant vers la culture de projet, inscrivant ainsi la structure dans une perspective diachronique (somme de deux configurations au sein d’une même organisation). Mintzberg en 2005 illustre le jeu des contradictions auxquelles sont soumises les organisations. Pour réaliser un outil, nous nous sommes appuyés sur le tableau suivant pour proposer des outils simples, communicables et faciles à mettre à jour : Objectifs opérationnels Résultats attendus Montants financiers et partenariats Quantitatifs et qualitatifs 33 Indicateurs de résultats principaux Indicateurs complémentaires de résultats Indicateurs de réalisation Indicateur de développement durable Indicateurs de contexte Structure et dynamique des Organisations, Editions d’Organisation, Ed. Agence d’Arc, Paris, Montréal, 1982 36 Source : Tome1, p83, tableau d’évaluation des politiques contractualisées dans les CPER-2000-2006, par objectifs opérationnels. De plus, en prenant appui sur le tableau que Kirschling a proposé pour Dijon en 1991, il semble qu’un outil puisse proposer la mesure de l’efficacité, de la pertinence et de l’efficience des actions au regard des besoins de l’action sociale, dont la mise en œuvre soit simple et efficace pour les décideurs. Variables Fins Projets Finalités d’objectifs généraux Activités disponibles Entrées Objectifs concrets décidés Processus Objectifs mis en place Sorties Effets, services produits Perspectives Besoins à prévoir Ressources dégagées Affectation ressources Activités prévoir à Contraintes Pression sur l’institution et pressions extérieures Contraintes initiales Attitudes faces aux contraintes Contraintes prévoir à Forces d’appui Décideurs Chercheurs Connaissances dont on dispose Renforcement des capacités par l’action engagée Bilans des ressources utilisées Bilan de fonctionnement par rapport aux contraintes institutionnelles Bilan des satisfactions Initiatives innovations et Moyens de Ce schéma plus simple inspiré de la réalisation d’un arbre des objectifs permet d’avoir une vision transversale des tenants et aboutissant d’une action. Il sera facilement utilisable en Conseil d’Administration, pour décider des grandes orientations, réinterroger les effets et la pertinence au regard de ce qui est attendu, tout en inscrivant le dispositif dans un cadre témoignant des dynamiques. Ainsi, « la faute et le préjudice social, le besoin méconnu, la contradiction entre l’objectif de rentabilité et la spécificité de la prestation sociale, sont les pierres angulaires de la commande d’évaluation34 ». L’ABS tend vers l’introduction de la démarche d’évaluation dans le CCAS. Nous entendons par évaluation : "Évaluer une politique, c'est rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont fixés35". Selon, l’analyse de Jérôme Dupuis36, le pilotage stratégique est au service de la performance dans les collectivités territoriales, lorsqu’il instruit une culture du travail collectif (et non pas de la dimension de la performance individuelle) et la prise en compte de l’environnement : des incertitudes stratégiques et des dynamiques de changement tournées vers le réajustement 34 Gérard Martin, Amandine Ruffiot, « La commande d’évaluation des politiques sociales territoriales, entre mythes et apprentissages3, Politique et management public, vol. 19, n°2,2001, p1-23. 35 Décret du 22 janvier 1990. 36 « Le pilotage stratégique au service de la performance dans les collectivités locales », Cahier territorial, 2008 37 des objectifs. En ce sens l’ABS est un outil de pilotage, où l’attention est portée plus aux éléments d’intelligibilité et de compréhension, et dont la base sont des indicateurs de mesure. Dans cette perspective, l’auteur propose la représentation suivante identifiant deux logiques : LOGIQUE CLASSIQUE Moyens LOGIQUE A PRIVILEGIER Caractéristiques Des territoires objectifs des politiques et modes d’intervention Moyens (nature et volume) Objectifs Source : Jérôme Dupuis, Evaluation, action publique territoriale et collectivité L’évaluation est un outil fondamental de cheminement entre efficacité organisationnelle et valeur institutionnelle, entre stratégie politique et intérêt général, entre opérationnalité et normativité, conclue l’article. C’est pourquoi dans ce cadre nous trouvons la proposition de Hilkka Summa37, pertinente car elle permet de privilégier une évaluation en se focalisant sur les 3 C : Coordination, Cohérence et Complémentarité, réintégrant la volonté de changement global sur un territoire en surmontant les problèmes de cloisonnement segmentation. Les « 3C » permettent une inscription spécifique sur un territoire, tandis que les 3E de l’évaluation classique (Efficacité, Efficience, Economie) répondent plus à une logique d’évaluation en programme/action. L’ABS ne peut en outre passer au-delà là de la prise en compte du contexte, des contraintes, des effets et des impacts, et intervient dans une organisation encore loin de développer l’approche de type Lolf. Le document proposé à la ville de La Madeleine, permettra de prioriser les informations. L’intérêt de la création d’un tableau de bord-suivi social, réside dans la mise en exergue des évolutions. Plus l’outil proposé sera simple : peu de données, codes couleurs, plus la lecture sera efficace, en effet il ne faut pas omettre une caractéristique fondamentale de l’ABS : la mise à jour annuelle, par conséquent le choix des indicateurs est un travail qui ne peut être négligé. L’idée alors est de rendre au social sa vocation stratégique et sa capacité d’accompagnement global du bénéficiaire. « Le savoir est au cœur de l’action publique de 37 Hilkka Summa, 3evaluation, gouvernement multi-niveaux et stratégies de territoires », Evaluation, action publique territoriale et collectivités (tome1), Maurice Baslé, Jérôme Dupuis, Sylviane Le Guyader, Logiques politiques, L’Harmattan, 2003 38 proximité. Il l’accompagne dans une course effrénée du niveau le plus fin d’intervention, ce qui, immanquablement, aboutit au constat que ce niveau est in fine celui de l’individu38». Nous venons de le voir l’ABS constitue un document de connaissance, sa forme et son contenu œuvre en ce sens : le rapport donne une visions détaillée et spécifique du territoire et le tableau de bord sert à l’éclairage des évolutions. Parmi les établissements ayant répondu à l’enquête, très peu ont le recul nécessaire pour avoir mis en œuvre des méthodes d’évaluation. Un CCAS semble avoir développé un système d’utilisation des données avancé : « Un gros travail d’appropriation de la démarche a été mené par la personne chargée initialement de la coordination de la démarche. Aujourd’hui nous sommes capables de traiter nous-mêmes les bases de données, de géocoder l’information, d’intégrer les différents indicateurs issus de sources de données au sein d’un outil unique qui permet d’organiser, d’historiciser, de centraliser l’information et de la restituer sous forme de tableaux, graphiques et cartes, de produire nous même des documents d’analyse et d’étude 39». Toutefois ce CCAS se démarque, dans la majorité des cas, le travail de production est surtout orienté autour de la collecte et de l’agencement, organisation des données. Néanmoins, il faut peut être introduire un biais, en faisant remarquer que le questionnaire était à réponse libre et que chaque répondant était libre de toute expression. Nous retiendrons l’idée de frein lié à l’appropriation et d’« intégration » de l’outil ABS au sein des CCAS. Toujours selon le même CCAS (cité ci-dessus), « l’appropriation et le développement de l’ABS suppose l’émergence d’une nouvelle culture de l’observation et du partage de l’information qui ne peut se faire que progressivement ». Nous retenons cette idée, sur laquelle nous reviendrons plus tard. L’ABS prend tour à tour diverses formes d’aide à la décision qui peuvent s’exprimer selon des finalités multiples : aide à la planification, à la programmation d’action, à la structuration ou encore à la révision. L’ABS permet de « décider », décider cela revient à analyser sa capacité à agir. 38 Thierry Berthet, L’Etat social à l’épreuve de l’action territoriale : Postmodernité et politiques publiques de proximité dans le champ de la relation formation-emploi, IEP Grenoble. Non daté. 39 Propos issus de l’enquête par questionnaire. 39 2. Un outil tourné vers l’action L’ABS peut se positionner comme un outil de pilotage que s’il est couplé à d’autres outils, nous pensons notamment aux cartographies de l’offre de services, aux arbres d’objectifs, aux diagrammes de logique d’impact (plus appropriés que les arbres d’objectifs) et aux tableaux de bord. Il est possible de distinguer des axes de développement possible. Le schéma cidessous illustre un outil qui peut convenir au déploiement de l’ABS en tant qu’outil d’aide au pilotage. Schéma 5 : Logigramme adapté d’une proposition de l’AFIGESE Action(s) Réalisation(s) Résultat(s) Impact Impact attendu réel Source : Adapté d’un document de l’Association Finances Gestion Evaluation des Collectivités territoriales. « Les échos de l’évaluation », 2012 Avant d’accompagner le CCAS de La Madeleine dans une démarche de changement « sophistiquée » fondée sur des indicateurs (contexte, impact…), nous avons opté pour la réalisation d’un outil de suivi de l’activité, entre l’arbre des objectifs et le tableau de bord. Cet outil s’est appuyé sur les questions évaluatives et les indicateurs préalablement définis est inspiré d’un document de l’AFIGESE. La structuration du document permet d’interroger de façon transversale les problématiques, les résultats attendus, les actions mises en œuvre et les effets observés. L’ABS nous apparaît comme un outil d’accompagnement du développement social et non une fin en soi. Il doit permettre de définir des objectifs, des responsabilités vis-àvis des objectifs de les mesurer et de les évaluer. C’est pourquoi un cadrage et une approche statistique permet de baliser le domaine et le champ d’observation en dégageant quelques problématiques aigues et surtout des marges de manœuvre. Or nous émettons une hypothèse, valable pour le CCAS de la Madeleine, cette nouvelle dimension de management public encouragé par l’ABS, ne pourra être conduite qu’à l’issue de l’acquisition d’une certaine maturité organisationnelle et managériale (comme vu précédemment), liée à l’appropriation 40 de la démarche ABS en elle-même (repérage, identification, concertation). La voie de l’action ne pourra s’ouvrir que par la suite. L’ABS est un outil tourné vers l’action, qui soit s’appuyer sur une validation politique, la mobilisation des partenaires, des données pertinentes et un pilote légitime. Cette notion de pilote légitime est capitale dans la mise en œuvre d’un tel outil, en définitive le pilote détermine la portée de l’ABS dès son origine, en lui attribuant une certaine visibilité au sein d’abord du CCAS. Ensuite, le pilote est le capteur et le porteur du projet, son investissement et sa capacité d’entrainement permettront plus facilement d’accéder à l’étape de concertation des partenaires, c’est pourquoi il semble intéressant que le référent projet soit une personne vitrine connue et reconnue de l’administration. Ensuite, le pilote est légitimé par sa connaissance du terrain, sa proximité avec les populations et les partenaires, la double entrée est souhaitable. Enfin le pilote légitime est celui qui fera vivre l’outil sur le territoire, pour le territoire et par le territoire. Il s’agit de tendre vers de l’intelligence territoriale. L’ABS serait donc l’avènement de la culture de l’expertise et de la conduite en mode projet du travail social. Titre : L’observation sociale partagée comme élément fédérateur de la politique sociale locale Schéma 6 : L’observation partagée comme élément fédérateur de la politique sociale locale Analyse des besoins Définition, ajustement de la sociaux Aide à la décision Analyse de la POLITIQUE SOCIALE Aide à la décision LOCAL réponse apportée Evaluation des politiques publiques Analyse a postériori Analyse a priori ACTION Source : Site UDCCAS 69, L’ABS, analyse partagée des besoins sociaux, Bernard Cogne, 2010. Cette illustration marque l’inscription dans le territoire des politiques sociales, de l’observation sociale partagée, et des modalités de suivi et de mise à jour qui en découle. L’ABS avec une approche très large du social, permet de soulever des questionnements pour mieux y répondre par la suite. Il permet de se questionner sur : 41 - La pertinence de l’aide - L’efficacité des actions - Le niveau et le volume des personnes touchées ciblées… P. Kanner (Président de l’Union Nationale des Centres Communaux d’Action sociale), répond de façon affirmative à la question « Le précédent mandat a vu le démarrage de la mise en œuvre de l’analyse des besoins sociaux (ABS) par les CCAS-CIAS. Le nouveau mandat (20082014) sera-t-il celui du véritable décollage de cette démarche 40». Ainsi posée la question de l’ABS en tant qu’outil d’aide à la décision permet d’illustrer le manque d’institutionnalisation de la démarche. Toutefois dans les propos qui suivent la question le Président de l’UNCCAS, positionne l’ABS comme un « outil décisionnel » et souhaite qu’il s’impose comme un outil de programmation banalisé. « Ce véritable observatoire des besoins sociaux, va permettre aux CCAS de dégager des priorités. Ce rôle d’aide à la décision sera d’autant plus renforcer que les moyens alloués à l’actions sociale seront d’autant plus favorisés voire limités par la crise des dépenses publiques : désormais les collectivités ne pourront plus intervenir sur tous les champs de la vie sociales, cela marque la fin de la gestion en tant que « bon père de famille41». A partir de nos observations de terrain, l’ABS si elle veut être érigée en outil de pilotage doit : - Etre promue et connue, avant de pouvoir être reconnue comme une aide au pilotage. - Etre conçue et étudiée, avant de conduire les collectes de données, pour poser le périmètre et évaluer les ambitions auxquelles doit répondre l’outil. - Etre portée institutionnellement, afin que les partenaires rattachent directement la démarche au CCAS, ce qui lui procurera légitimité et un accès plus facile aux données. Dans ce cadre, les techniciens sont des personnes ressources : détentrices de leur expérience de travailleur social et d’un réseau mobilisable dans une telle démarche. Ce portage institutionnel permet d’asseoir la raison d’être de l’outil en l’incluant dans le cycle décisionnel du CA. - L’ABS doit favoriser la mutation de l’institution pour le CCAS. 40 Jean-Yves Guéguen, L'année de l'action sociale 2009. La réorganisation de l'action sociale : de l’action à la cohésion sociale, Dunod, Paris, 2009, p 25. 41 Idem. 42 Toutefois l’activité et la portée d’un tel outil bien qu’il ouvre la voie à l’intégration du mode gestion de projet, est soumise aux règles et aux cadres dans lequel il est située et mis en œuvre. L’ABS pour quelle puisse se positionner comme réelle démarche d’aide à la gestion des politiques sociales locales doit, sur le territoire madeleinois, relever les défis suivants : - La méconnaissance des partenaires, la différenciation d’implication de ces derniers et l’instauration d’un réel dialogue, sans que cela n’apparaissent comme une contrainte. Susciter l’adhésion au projet. - Sortir du cloisonnement institutionnel des activités des services et des taches, favoriser et encourager la prise de recul face à la gestion du public et du quotidien, qui peut s’avérer chronophage. - Réussir à créer un réseau d’experts attentifs à la prise en considérations des phénomènes sociaux. - Etre en capacité de proposer des outils méthodologiques plus pratico-pratiques, concis, pertinents : tels que des cartographies, tableau de bords, programmation en mode gestion de projet en déclinaison programme-mission-action. - Instaurer une démarche de veille : collecte, interprétation, suivi des données et mise à jour. Avec la mise en œuvre de l’ABS, le CCAS se trouve face à des enjeux organisationnels : le positionnement interne et l’organisation des services demandent à faire émerger les missions d’expertises entre le directeur et les gestionnaires d’accueil. De plus, l’introduction de la démarche ABS, à soulever les enjeux d’un repositionnement externe de la structure, avec l’instauration de procédures de dialogue et de communication formalisées avec les services de la mairie. Cette distinction a préalablement été caractérisée par Nizet et Pichaut42 à partir de l’analyse de Mintzberg qui distingue les buts de missions et les buts de système. Ainsi, ce que nous appelons portée externe revient à parler de « but de mission qui se réfère aux produits, aux services, ou encore aux clients », tandis que les effets internes sont donc nommés « but de système » où la référence est l’organisation en dehors de ce quelle produit pour les autres. En définitive, CCAS de La Madeleine pose les jalons d’un observatoire de la vie sociale, mais il est contraint d’inventer sa propre méthode de travail, qui sera réinventé à souhait. Un rapide 42 J. Nizet et Pinchaut F., Comprendre les organisations, Mintzberg à l’épreuve des faits, Gaëtan Morin, Paris, 1995. 43 benchmark permet de visualiser la diversité des outils élaborés et les diverses formes données : - Beauvais : Plan d’harmonie sociale. - Saint Priest : Forum et création d’un conseil local. - Brest : Implication des partenaires et des usagers. - Metz : Orientations thématiques annuelles choisies par le CA, à partir de priorités fixées tous les 5 ans, sur la base d’un état des lieux actualisés. - Besançon : s’est appuyé sur l’analyse des besoins sociaux pour proposer la création d’un service plus global : le service analyse des besoins et évaluation, qui est rattaché au pôle Gestion et Modernisation de la Ville. L’ABS dans une certaine mesure permet le pilotage de l’activité et de la stratégie, lorsque l’analyse des besoins sociaux tend à mettre en œuvre des actions de façon cohérente et organisée. Toutefois cette capacité de l’ABS à être « pilote » de l’action sociale est dépendante de la capacité de la structure à proposer un plan d’action opérationnel, découlant d’une stratégie définie. De plus l’ABS pour se positionner comme outil de pilotage demande à voir se développer les réflexions et les interrogations autour des marges de maneouvre. Dès lors, l’analyse des besoins sociaux prend une nouvelle dimension, elle s’incorpore, initie de fait de nouveaux leviers managériaux du changement à visée locale. Tout ceci nous permet de dire que l’ABS se manage, la démarche doit vivre au sein des services où naissent des enjeux d’appropriation interne, au niveau des élus, des techniciens et des usagers. En effet, l’action sociale ne doit pas être confondue avec la seule attribution d’aides ou de services. Nous aborderons ces aspects dans la seconde partie. 44 Avant de conclure, nous souhaitons faire un retour réflexif sur la démarche ayant permis l’énonciation de ces propos. Comme nous l’avons vu, l’ABS est d’abord et avant tout un outil statistique de recueil et d’analyses des données. Lors de la mission les difficultés liées à ce travail ont été de plusieurs ordres : d’une part, il a été difficile de savoir quoi chercher. Nous étions dans une configuration où nous devions mettre en œuvre un élément qui n’existait pas. La question de la nature de la recherche s’est trouvée rapidement corrélée à la question du où chercher, sur qui s’appuyer. En effet, le périmètre de l’étude est large, les acteurs sont multiples et les problématiques liées aux populations peuvent être variées. Dès lors, les données recueillies sont issues d’un travail de concertation avec le directeur du CCAS, qui a consisté en une sélection d’acteurs « potentiellement producteurs de données ». Nous avons donc en priorité axées nos demandes sur des acteurs « fiables », une seconde catégorie d’acteurs a été identifiée comme faiblement « ouverts » au partage de données. Nous devons donc mettre en avant cette caractéristique : le travail de recherche est en parti dépendant du réseau de professionnel avec lesquels le CCAS mène des missions. L’un des freins majeurs à la mise en œuvre de l’ABS est le degré de perméabilité des établissements et leur capacité à produire des données. Effectivement d’un côté il existe des acteurs qui « sous couvert de l’anonymat de leurs bénéficiaires » ne souhaitent pas entrer dans la démarche. Il y a une autre catégorie d’acteurs : ceux qui produisent des données mais dont le temps de production constitue un frein à l’évolution réelle de l’analyse des besoins sociaux. Une dimension incontournable à prendre en considération est l’adhésion à la démarche, il est parfois difficile de susciter l’appétence autour de l’objet pour arriver à un projet co-construit. En interne les freins sont donc le risque pour l’organisation de laisser produire le prestataire un élément qui ne correspond ni à ses attentes ni à son ambition. Risque qui conduirait à doter la structure d’un outil inadapté et mal maitrisé. Tout comme l’introduction de la culture de gestion, l’analyse des besoins sociaux avant même sa mise en œuvre se manage pour savoir sur quel professionnel s’appuyer, pour faire vivre sa démarche. Le temps fut le principal ennemi dans la conduite de la mission. A l’heure où ces propos sont rédigés la phase de concertation n’a pas encore été lancée. Les propos tenus sont donc à prendre en compte avec du recul, ils nécessitent une posture d’appréciation ou d’appréhension a priori. Nous souhaitons partager de grosses interrogations quant à la capacité d’appropriation de l’outil ABS par le CCAS et ses marges de manœuvre quant à l’utilisation 45 externe, bien que la partie suivante soit conçue comme une étude réflexive, les analyses et diverses observations laissent à penser qu’il sera difficile de fédérer des acteurs autour d’un même projet, ou que la portée de ce dernier sera faible, mais cela n’est qu’un sentiment. Enfin, les transitions entre savoirs universitaires et applications pratiques ne sont pas toujours évidentes, la réalisation d’un tableau de bord (ou plutôt tableau de suivi) ou d’un arbre des objectifs, demandent à se mettre à la portée de l’institution d’en cerner les besoins et les enjeux, cette démarche de compréhension et d’adaptation à l’environnement demande un investissement considérable, qui demande un travail d’observation de la part du commanditaire qui a le souci du « bien faire », demandant beaucoup de temps. A partir de l’expérience conduite auprès du CCAS, (qui ne porte que sur les deux premières étapes du processus de construction de l’ABS), il s’avère que le contenu, le périmètre, la forme de l’outil sont déterminés par les ambitions qui sont associées à l’outil. Se détacher de la réponse d’obligation réglementaire, permet de proposer un outil innovant d’aide à la décision, au pilotage. L’ABS telle qu’elle est construite pour le CCAS de La Madeleine, entend d’abord trouver sa place, sa raison d’être au sein de l’institution. Elle puise sa légitimité par l’appropriation du directeur qui l’incorporera au sein du CA. L’ultime enjeu pour le CCAS de La Madeleine sera de faire vivre et perdurer le produit dans le temps (pérennité et viabilité). Pour conclure nous pensons, que l’ABS n’apparait pas clairement comme un outil de pilotage, en effet l’utilité d’un tel dispositif est remis en cause au regard des grands dispositifs de solidarités gérés par les départements d’une part et parce que pris isolément il n’est qu’un outil de diagnostic social d’autre part. C’est pourquoi il nous semble capital pour les CCAS de développer à partir de l’ABS des outils concrets de management du social dont la portée serait plus large. Nous conclurons en rappelant s’il s’agit pour La Madeleine d’un élément nouveau, l’observation des populations est une vieille idée neuve, dès 1978, René Lenoir et Baudouin Prot réalisaient un rapport qui montrait la nécessité et l’intérêt d’une analyse partagée des besoins sociaux ; le Rapport Mauroy (2000) sur la décentralisation prônait le principe de subsidiarité du pilotage du RMI. La question alors est de savoir pourquoi les ABS ont tant tardé à se déployer ? Nous nous proposons d’interroger dans une seconde partie, le positionnement de l’ABS et des CCAS au sein de l’action sociale territoriale. 46 PARTIE II - L’ABS ET MUTATIONS SOCIALES : QUELLE(S) PERSPECTIVE(S) POUR L’ACTION SOCIALE LOCALE ? Si les politiques de demain se construisent aujourd’hui, dès lors quelle place pour l’ABS dans la construction et la mise en œuvre des politiques sociales locales ? Quelles sont les perspectives d’évolution de cet outil ? Au-delà de cela quelles sont les modalités liées à l’environnement dans lequel il se situe ? C’est pourquoi dans cette partie nous nous interrogerons sur la capacité des ABS à faire sens au sein des CCAS, puis nous réinterrogerons la place des CCAS en tant qu’experts du social au sien des communes. Pour enfin proposer un cadre pour l’action sociale locale de demain. A. De l’émergence des nouveaux publics prioritaires à la mutation des pratiques sociales : un outil à visée stratégique 1. Des enjeux de l’insertion à la cohésion sociale : la multiplication des problématiques sociales Dans un pays où les solidarités familiales diminuent, où la syndicalisation n’est plus une force de protection, où l’on assiste à l’émergence de nouveaux mouvements sociaux (A. Touraine, 1978), où les parcours résidentiels et professionnels sont de moins en moins stables, les nouvelles formes de l’intervention sociale doivent non plus seulement protéger mais aussi prévenir les risques et les accompagner. L’enjeu est de compenser l’affaiblissement des réseaux et solidarités initialement forts et structurants. Aux cotés des problématiques d’insertion par l’activité professionnelle se développent des situations voire des parcours empreints de multi-fragilités. Il convient de parler de précarité monétaire, familiale, professionnelle : nos sociétés, nos territoires assistent au développement de parcours de précarité et en deviennent le support. Désormais le social fait face à des risques multi-variés, pluriels pour paraphraser Bernard Lahire (L’homme pluriel, 1998). Par la définition des publics ou de zones prioritaires, on assiste à l’émergence des nouveaux fondements de l’action sociale. Ce phénomène d’ultra-catégorisation est perceptible dans la politique de logement (Loi DALO, PDALPD, ACI), dans les politiques d’insertion professionnelles (RSA en distinguant le RSA Socle, RSA solidarité, le RSA jeune…) ou les politiques de la ville (Zone de Sécurité Prioritaire, CUCS…). 47 Progressivement, les contours de l’action sociale et l’aide sociale tendent à voir leurs périmètres se confondre, amenant à repenser les compétences voire à les étendre notamment en termes de compétences facultatives. L’expérimentation et l’innovation sont les enjeux pour les maux sociaux de demain. Schéma 7 : La construction des nouveaux périmètres de la prise en charge des populations fragiles43 Le schéma ci-dessus illustre la position du besoin social au centre des politiques sociales et illustres le caractère parfois prioritaire de certains publics, il démontre aussi la diversité des besoins au regard des dispositifs mis en œuvre et de la demande sociale. Faut-il que les CCAS axent leurs activités sur ce nouveau périmètre ? C’est tout l’enjeu du développement social local ou global qui entend réintroduire et guider un individu au sein de structures diverse sur une période non plus fixe mais variable, dans des sphères aussi variées que le monde économique ou la participation citoyenne. Dès lors, existerait-il un enjeu de clarification entre compétences facultatives et légales ? Aide sociale VS Action sociale : des enjeux de redéfinition ? - L’aide sociale est un ensemble de prestations de nature alimentaire correspondant à des droits subjectifs et attribuées par la collectivité publique sans contribution préalable du bénéficiaire. C’est une réponse à un état de besoin, demandant à être justifié. - L’action sociale peut se définir comme un ensemble d’interventions qui viennent compléter l’aide sociale. Elle ne constitue pas un bloc homogène d’interventions, elle est relative à la libre initiative des promoteurs. L’action sociale voit la nature de l’aide et ses 43 Réalisé par l’auteur. 48 conditions d’accès fixées librement par les techniciens et élus sous réserve du respect de la légalité, les règles d’organisations, et de fonctionnement de l’aide sociale sont arrêtées par la loi et les règlements. Selon un article44, la « nature du social » est liée à la décentralisation du social, qui concède des marges de manœuvre et de liberté aux collectivités, tout en encadrant de façon drastique leurs activités par des contraintes règlementaires. Ainsi on assiste à l’émergence d’un dilemme, « ou bien la nature profonde de l’aide sociale est préservée, mais le principe constitutionnel de libre administration des Collectivités locales se trouve fortement malmené pour ne pas dire nié ; ou bien ce principe se trouve assuré, mais l’aide sociale tend alors à perdre sa spécificité juridique et à se pervertir peu ou prou en action sociale ». Ce qui est vrai pour les départements, l’est d’autant plus pour les communes et en particulier pour les CCAS. L’action sociale répond à une logique de répartition des compétences entre différentes strates administratives, nuisant à la lisibilité, visibilité et l’efficacité de cette dernière (annexe 9 : action sociale et aide sociale). Cela nous amène à nous interroger sur l’évolution des blocs de compétences dans le champ du social. 2. Un paysage institutionnel en mouvance Les solutions de prise en charge des problématiques sociales ont trouvé un nouveau fondement sous l’appellation de politique contractualisées et localisées dans les années 1980 suite aux rapports Oheix (1981), Bonnemaison (1982). Ces cadres d’interventions sont multiples « politique de développement social des quartiers », « développement social urbain », « développement local », « politique de la ville », « politique d’insertion », « politique sociale territorialisée ». Jean-Pierre Gaudin (1989) voit la marque de l’enracinement local dans les politiques contractuelles. Mais depuis, le paysage institutionnel a évolué sous les effets successifs de : - La Révision Générale des Politiques Publiques : qui a conduit à des transformations considérables des politiques d’aide et d’action sociale, notamment par la culture de l’appréciation coût-efficacité impulsée par la RCB (Rationalisation des choix budgétaires), 44 Borgetto Michel, « la décentralisation du « social » : de quoi parle-t-on ? » Informations sociales, 2010/06 n°162, p 8. 49 se parachevant en 2001 avec la Loi Organique relative aux lois de Finances (LOLF), scelle la nouvelle culture de performance des administrations. En parallèle, on assiste à des remaniements au niveau des administrations générales : la Direction Générale de l’action sociale (DGAS) devient la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS). Ce changement marque un ajustement de l’intervention de l’état central dans son rôle de stratège, la DGCS doit assurer « la conception, le pilotage et l’évaluation des politiques publiques de solidarités, de développement social et de promotion de l’égalité favorisant la cohésion sociale ». En 2009, cela aboutit à la création des Directions Régionales de la Jeunesse, des Sport, et de la Cohésion Sociale (DRJSCS) qui refonde totalement les antennes de l’Etat dans les régions. - Les actes I et II de la décentralisation, et l’amorce de l’acte III ont donné lieu à deux vagues successives de réformes (1982-1983, et 2003-2004). La décentralisation peut se définir comme un mode d’organisation publique « la décentralisation est dite « territoriale » lorsque le transfert est opéré au bénéfice des collectivités locales, elle est dite « technique » […]lorsque le transfert est opéré au profit de personnes administratives spécialisées […] chargées de gérer un secteur particulier de la vie économique et sociale (université, hôpitaux…)45». De la première vague, acte I, nous retiendrons les lois n° 83-8 du 7 janvier 1983 et n° 83-663 du 22 juillet de la même année, qui ont organisé la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat ; et la loi n°86-17 du 6 janvier 1986 amenant à l’adaptation de la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé. La seconde vague, l’acte II, est marquée par l’inscription de la décentralisation dans la Constitution (loi de révision constitutionnelle n°2003-276 mars 2003) ainsi : « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Loi de transfert du RMI de l’Etat au département. La loi n°2004-089 du 13 août 2004, a procédé à de nouveaux transferts de compétences dont le transfert au département d’un rôle de pilotage et de coordination des politiques sociales locales (planification sociale et médico-sociale, coordination de l’action gérontologique) et des responsabilités en matière d’insertion et de lutte contre les exclusions. Les CG deviennent des opérateurs et des acteurs de terrains, comme en témoigne la diversité 45 Borgetto (Michel), « La décentralisation du « social » de quoi parle-t-on ? », Informations sociales, 2010/06 n°162, p6-11 50 des appellations des antennes territoriales -UTPAS dans le Nord, Territoires d’Action Sociale dans l’Aveyron par exemple. L’acte III se dessine en faveur de l’intercommunalité et de la création de métropoles (annexe 10 : tableau de répartition des compétences). - Lois de modernisation de l’action sociale et médico-sociale. La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, elle ouvre le secteur social et médicosocial à l’ère des rapports contractuels. En effet, les outils relatifs au droit des usagers ont une valeur contractuelle. Cette loi est dite de responsabilité et de diversification. Elle a quatre objectifs généraux : développer les droits des usagers, diversifier la palette des établissements, services et interventions, améliorer les procédures techniques de pilotage du secteur, instaurer le principe de meilleure coordination entre les divers acteurs. La loi de Cohésion Sociale de 2005, dite « Borloo », pose le cadre législatif pour l’intercommunalité à vocation sociale et reconnaît la vision stratégique des politiques sociales locales. Elle fait suite à la loi du 13 aout 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, comportant un volet intercommunal. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) a conduit à la création des ARS (Agences Régionales de Santé). Les ARS se substituent aux directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales au groupement régional de santé publique (GRPS), à l'union régionale des caisses d'assurance maladie (Urcam), à la mission régionale de santé (MRS), et à la Cram rebaptisée Carst (caisse d'assurance retraite et de la santé au travail). La loi de financement de la Sécurité sociale 2010 modifie le contexte des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des unités de soins de longue durée (USLD) ; et créé un statut pour les établissements privés non lucratifs, l'ESPIC. La loi HPST introduit la procédure d' « appel à projets » pour créer un EHPAD ou tout établissement médico-social, visant à apporter une réponse aux besoins de création d'établissements mis en évidence par les schémas régionaux et départementaux. L’Etat, via les règlements et les lois, détermine les cadres fondamentaux de l’aide et de l’action sociale. L’APA, la PCH ou le RSA sont des prestations centralisées répondant à une législation nationale pour lesquelles les départements et les collectivités locales ont une autonomie toute relative. Ces diverses mesures et réformes permettent de mettre en avant un 51 problème sous-jacent : le bon niveau d’intervention des politiques sociales. Dans une interview accordée à Informations sociales, Jean-Pierre Hardy et Clémence Helfer, « aujourd’hui, l’échelon opérationnel et fonctionnel de l’action sociale et le développement ne sont plus l’Etat comme dans les années 1970, mais le département46 ». On peut alors s’interroger sur la place de la commune dans l’action sociale. Quel(s) arbitrage(s) entre cohésion territoriale, la cohérence politique et cohésion sociale sur un territoire ? Quels sont les moyens d’intervention et les capacités d’action (économiques, politique, juridiques…) ? Convient-il de repenser la question de la définition de la problématique de l’action sociale ou celle des interventions sociales sur le territoire ? B. L’impulsion du social des synergies de proximité Pour certains élus47, la remise en cause la clause compétences générales des collectivités territoriales apparait comme une menace pour le principe de subsidiarité en amputant les solutions et les capacités d’interventions des politiques locaux. La commune peut-elle se distinguer en existant comme entité autonome et originale et s’unifier en fondant un « sentiment d’appartenance commun » ? 1. Quel(s) rôle(s) pour les CCAS ? Dans la mise en œuvre de politiques sociales, l’échelle communale dispose d’importants moyens d’actions. L’apparition d’un centre communal d’action sociale en est la marque et illustre l’institutionnalisation des solidarités territoriales autour des populations les plus fragiles. Les CCAS par leur place stratégique, leur passé et occupation historique de l’espace social sont les légitimes héritiers de la fonction d’observation des populations. Cette fonction à trop longuement était amputée par celle de « l’administration » des populations. Dans un tel cadre, le premier objectif de la mise en œuvre de l’ABS comme nous l’avons précédemment vu amène à instituer une approche réflexive, favorisant la culture du management. L’avènement de cette culture repose sur la recherche de l’intérêt collectif, la 46 J-P Hardy, C. Helfter, « Désengagement de l’Etat en matière d’action sociale : la fin du développement social », Informations sociales, CNAF, 2010 47 Guéguen (Jean-Yves), L'année de l'action sociale 2009. La réorganisation de l'action sociale : de l’action à la cohésion sociale, Dunod, Paris, 2009. 52 satisfaction des citoyens/électeurs, la capacité à réinterroger ses pratiques pour entamer un travail d’inscription dans l’univers territorial. On suppose que cela conduirait à un mouvement d’inclusion des systèmes d’actions qui jusque là n’existe pas. La technicité apportée par l’ABS accompagne les CCAS vers le questionnement pour sortir les techniciens d’une approche de gestion du public et des prestations. Cela favorise le recentrage de l’institution au sein de l’espace public. L’ABS met en lumière les besoins « primaires », adaptation de l’offre et connaissance de la population, et les « besoins secondaires » : évolutions structurelles et organisationnelles liés à une organisation. La question telle qu’elle se pose pour le CCAS de La Madeleine, tient à l’opportunité de se doter d’outils qui favorisent la sortie du traitement de l’urgence pour développer une stratégie et déployer sa capacité d’adaptabilité à plus long terme. L’organisation des services en deux échelons hiérarchiques (directeur, personnels d’accueil et instructeurs) ne favorisent pas cette forme de recul. A coté de cela, il existe un problème d’autonomie des services d’action sociale : le CCAS et les services municipaux madeleinois à compétences sociales dits « services à la population », n’entretiennent aucun mode de communication, ni travail de collaboration. Les relations sont ponctuelles, les informations circulent peu entre les deux administrations. Anecdote symptomatique : deux études ont été conduites avant le lancement de l’analyse des besoins sociaux, toutes deux situées dans la direction « service à la population ». L’une portant sur les besoins d’accueil de la petite enfance, la seconde portant sur les besoins des personnes âgées. Un peu plus tard, le service culture prendra contact avec le CCAS, pour leur communiquer les résultats de l’ABS, alors que ce dernier avait lancé une enquête auprès de la population pour connaître les attentes liées à la construction de la nouvelle médiathèque. Deux enseignements doivent être reçus, d’une part, un besoin d’information, tous les services sont interconnectés et travaillent sur le même territoire avec les mêmes publics (qu’ils se renvoient parfois), sur des thématiques communes. D’autre part, un cruel manque de communication et d’association des employés communaux. C’est pourquoi nous soulevons le problème de l’autonomie et de la reconnaissance des parties prenantes : comment est-il possible de favoriser un partenariat interinstitutionnel si au sein même des services de la Maire, il existe des cloisonnements ? L’une des préconisations finales, portera sur le nécessité ou le bien fondé, de proposer un poste d’encadrant intermédiaire ayant des missions de veille-observation sociale (mise à jour 53 de l’ABS) et d’appui technique (prise de recul, mise en œuvre de nouvelles orientations). En ce sens, il s’agit de doter la structure d’un élément qui conforte la mission d’expertise du CCAS, d’une part en lui confiant la responsabilité de dialogue inter-institutionnel (mairie, partenariat), d’autre part en offrant au territoire un pilote de référence spécialiste, connu et reconnu. Comme le soulèvent Manuel-Viriato Verrier et Pierre-Eric Verrier, « les outils de management ne produisent leurs pleins effets que grâce au support des structures qui sont chargées de les mettre en œuvre et de les utiliser. La gestion interne des administrations est conditionnée par le découpage des responsabilités, la différenciation des taches et la structuration des activités 48». Le manque de distanciation est préjudiciable à l’ensemble des organisations, notamment les plus petites, « enlisées » dans la gestion du quotidien, qui manquent de recul pour proposer les leviers des évolutions. Il s’agit de sortir l’emprise bureaucratique largement étudiée par Max Weber et dénoncer par Michel Crozier dans Le Phénomène bureaucratique (1963). Les CCAS ne sont pas arrivés à maturité organisationnelle pour se saisir de l’ABS, ils souffriraient de la nature des tâches qu’ils réalisent, où le travail social est hyperspécialisé et fractionné, peu reconnu et promu. Cette approche a été formalisée par J. Donzelot qui évoque la segmentation historique préjudiciable à l’approche globale (personnes et groupes) pour se conformer à des segments de compétences correspondant à des prestations, des seuils de ressources, types de problèmes, catégories d’intervenants, sources financières… (L’invention du social, 1994). Cette hyperspécialisation ou ce que François Alballéa appelle les aires de l’activité de l’intervention sociale, mérite à être repenser. C’est pourquoi nous proposons une évolution du schéma réalisé par ce dernier (cité en annexe dans l’article de Pélisson49). Cette proposition d’évolution semble être validée par les observations de Denis Guilhomat (Président de l’ANCCAS), qui note une évolution des pratiques « on voit bien ce qui sépare l’un de l’autre : le gestionnaire se contente de gérer en bon père de famille alors que le manager anticipe, expérimente et, surtout évalue […]50». La nouvelle schématisation met en avant les stades de maturités organisationnelles et les missions des services conduits par les CCAS. Les enjeux de la mise en œuvre de l’ABS, pour le CCAS de La Madeleine sont de dépasser les clivages, rouages historiques qui lui ont assigné, trop largement adossé à l’assistanat. 48 Manuel-Viriato Santo, Pierre-Eric Verrier, Le management public, Que sais-je ?, PUF, 1993. Pelisson (Eric), « le développement social local, nouvelle approche territorialisée de la cohésion sociale : préalables méthodologiques indispensables », Communication CNAM, 2006, citant Aballéa François. 50 La gazette, 25 juin 2012. 49 54 Schéma 8 : Les conditions du repositionnement stratégique des CCAS51 Les CCAS devraient pouvoir mener une action globale et prospective plus proche de la notion de développement durable que des anciennes missions adossées aux anciens bureaux d’aide sociale (BAS). Le CCAS peut constituer un véritable levier pour réussir un projet social dans une ville à condition qu’il ne s’isole pas. Or cette question n’est pas liée au statut de l’établissement mais à une volonté politique. Nous pensons, que les CCAS ont à se positionner comme le maître d’ouvrage d’un réseau de réflexion pour l’appropriation des enjeux locaux, ils seraient des instances favorisant les confluences des acteurs des actions ; pour proposer un cadre favorable à l’émergence de processus de mobilisations et de cohérence. 51 Réalisation de l’auteur à partir du schéma de F. Alballéa, « les aires d’activités de l’intervention sociale ». 55 L’objectif stratégique est l’adaptation aux mutations des questions sociales à laquelle est confrontée la société française. Ce que Rosanvallon appelait déjà, « la nouvelle question sociale » (1981). R Castel (1995) mettait à jour un processus de métamorphose, amenant à un bouleversement de l’action sociale et conduisant à une redéfinition de ses modalités d’organisation. Si nous nous fondons sur l’analyse de Kaplan52, les freins liés au développement d’une organisation et à ses outils de gestion sont : - Le projet et stratégie irréalisables - La dissociation entre la stratégie et les objectifs des différents acteurs, - L’absence de lien entre la stratégie et les ressources, - Le retour d’expérience tactique et non stratégique. Dans le cadre de notre étude, deux des éléments pré cités peuvent être la cause du retard « de développement » de l’ABS et les freins à son déploiement : le manquement stratégique et les objectifs qui en découlent ; l’absence de lien entre stratégie et les ressources. En effet, la mise en œuvre de l’outil ne répond pas à une stratégie précise de redéfinition de son action sur le territoire, la portée stratégique est absente, puisqu’interne en premier lieu. Ce manque de stratégie est lié en partie aux activités et aux ressources dont dispose le CCAS. Aujourd’hui, nous sommes pourtant dans une conception où le principe d’efficacité des politiques sociales réside dans la proximité entre les demandeurs-bénéficiaires et les acteurs de terrains. La ville s’apparente dès les années 1990-2000 à un « inducteur de pratiques sociales spécifiques ». C’est sur le territoire communal que se définissent les problèmes, que se construisent des solutions spécifiques. Autour de l’action municipale se construisent généralement les actions qui découlent de l’ABS. Pourquoi la commune n’aurait-elle pas la légitimité pour mettre en œuvre l’ABS ? 2. Quelle(s) fonction(s) pour la commune ? L’échelle communale en termes d’action sociale est marquée par un paradoxe : les maires et les services municipaux sont les acteurs de la scène publique les mieux identifiés par la population, pourtant leurs marges de manœuvre et leurs compétences tendent à se réduire, même dans le cadre de l’article L2121-29 du CGCT qui avance le principe d’intérêt général. 52 R.S. Kaplan, “The evolution of management accounting”, The Accounting Review, vol LIX n°3, 1984. 56 Alors, comment faciliter l’intervention du service social en terrain municipal pour qu’il participe à l’émergence de nouvelles relations sociales, pour à terme simplifier la réponse locale ? Dans un entretien accordé à Informations Sociales, Jean-Louis Sanchez et Sandrine Dauphin évoquent la complexité de la situation : « Les villes ont en effet une responsabilité naturelle sur le développement social […] Une collaboration plus étroite entre les départements et les villes nous semble indispensable pour réussir la complémentarité des actions chaque fois que les villes sont impliquées dans le social ». Que signifie cette notion : impliquée dans le social ? De fait il existe un certain partage des rôles entre la commune et les autres collectivités, et notamment les départements compétents en matière d’action sociale. Cela induit d’une certaine façon une nécessaire complémentarité dans les actions. Le rôle des EPCI à travers les notions de développement local, de politique de la ville, du logement et de l’insertion, pose la question de « l’interterritorial53 » et de l’intercollectivité. Cet environnement, de notre point de vue, favorise l’émergence de la commune en tant que maître d’ouvrage de l’action locale, en s’appuyant sur les nouvelles approches stratégiques, légitimé par la présence de l’ABS. Dans un contexte où, efficacité des fonds publics, demande de transparence et réduction budgétaire, l’action en faveur de la cohésion sociale tend à devenir un enjeu stratégique pour les maires et les élus communautaires, il est temps d’interroger les modes traditionnels d’action et les formes classiques d’intervention sociale. Nous partageons le point de vue de Patrick Kanner (2012), selon lequel un nouveau cadre doit émerger, celui de l’innovation : « innover implique que l’on connaisse bien, que l’on maitrise bien toutes les données du problème ». L’ABS dans notre analyse permet d’initier ce mouvement en suscitant la question du bien être social. De cette façon, les municipalités trouveraient un second souffle dans un rôle de structuration de l’action : assembler et coordonner les compétences de chacun. De notre point de vue l’ABS constitue un véritable outil de démarche de management stratégique, en répondant aux trois dimensions majeures caractéristiques exposées dans « Management de la performance : des outils aux concepts » de Stéphane Jacquet, à savoir : 53 La dimension instrumentale comprenant de véritables indicateurs d’analyse ; Martin Vanier, Le pouvoir des territoires, Essai sur l’inter-territorialité, Ed. Economica, 2010. 57 - La dimension procédurale : l’ABS permet de favoriser des actions dans un cadre où les règles seraient définies par la commune- qui assurer le pilotage ; - La dimension managériale, l’ABS au cœur de la politique communale permettrait de constituer un levier de management, en réaffirmant l’expertise sociale. Cette dimension se traduirait par des prises de décision, un mode de fonctionnement, des équipes et des groupes de projet. L’ensemble de nos propos nous amènent aux réflexions sur les modes de prise en charge, l’identification des problèmes prédétermine, les structures et les acteurs compétents pour définir et mettre en place les politiques publiques locales. Le traitement social des phénomènes interroge les valeurs de la société, il paraît alors indispensable de partir des besoins sociaux pour conduire à la liaison du tout et des parties, donner la centralité à l’humain avec toutes les complexités que cela implique. Bruno Palier cite Jean Leca (chercheur) « avec l’approche globale, transversale et partenariale qui est prescrite, on retrouve « la nouvelle conception de la gouvernance qui doit permettre au gouvernement de mieux accomplir sa tâche », en s’inscrivant dans l’interaction d’une pluralité d’acteurs « gouvernants » qui ne sont pas tous étatiques ni même publics. (1996) ». Palier, préconisait déjà (1998) la nécessité de réinscrire, de réinsérer les personnes et les groupes en difficulté dans les relations, échanges et réseaux que supporte le territoire. Nous aborderons la théorie des liaisons proposée par H. Mintzberg, selon laquelle, le cloisonnement et la verticalité sont des freins54. La théorie sur la structuration des organisations. En croisant différents facteurs de contingence comme l’âge et la taille des organisations, les technologies mises en œuvre, les conceptions d’organisation du travail et d’exercice du pouvoir avec les modalités de coordination existants au sein des organisations, Mintzberg identifie différentes situation de configurations organisationnelles et les grands principes du management parmi lesquelles : la structure divisionnaire, la bureaucratie professionnelle, l’organisation missionnaire et l’organisation innovatrice ou adhocratie. Mintzberg a ajouté un dernier type d’organisation, l’organisation politique, caractérisée par une situation de crise, où prévalent des rapports de forces instables. Dans son apport l’auteur met en exergue la vision stratégique du changement et de l’évolution des organisations, tout en optant pour un point de vue fonctionnaliste. 54 Henry Mintzberg, Structures et dynamique des organisations, Les Editions d’Organisation, Paris, 1982. 58 La prochaine étape pour le développement de l’action social serait l’institutionnalisation de la veille et de l’intelligence sociale, pour répondre aux diverses pressions qui s’exercent sur les politiques sociales locales. Selon François-Xavier Merrien55, la démarche est stratégique, elle se caractérise par les missions de pilotage, de partenariats et elle se doit d’être incitative. En ce sens, l’ABS peut-elle être considérée comme l’ouverture d’un droit à la possibilité d’expérimenter ? Les CCAS pourraient à partir de cette assise d’expert du social serait alors amener à détenir un rôle d’animateur d’un réseau social local : - Création de structure de concertation et de coordination - Recours au conventionnement Le rôle d’animation du réseau pour une coordination au niveau communal et une meilleure lisibilité des actions inter-institutionnelles. Le partenariat doit permettre d’éviter « les chevauchements, les doubles emplois, les compétions stériles, l’éparpillement des moyens56 ». L’ABS permet de favoriser l’émergence et la légitimité d’un acteur pivot, pour permettre aux villes de s’affirmer dans l’espace politique, il revêt un aspect stratégique indéniable. En effet, si l’on s’adosser aux étapes que doivent suivre les TBE dans la mise en œuvre de stratégie, alors l’ABS est un élément central pour le repositionnement de l’analyse stratégique au sein de l’action sociale. Dans un article intitulé « Management de la performance : des concepts aux outils », Stéphane Jacquet, énumère huit phases dans ce travail de positionnement stratégique : - définir la stratégie, - formaliser la stratégie, - aligner la stratégie des entités sur celle de l’organisme, - communiquer sur la stratégie, - lier la stratégie et l’opérationnel, - surveiller l’exécution de la stratégie par les entités, - surveiller l’exécution de la stratégie « corporate » de la stratégie, - adapter la stratégie. 55 Merrien (François-Xavier), « La nouvelle gouvernance de l’Etat social en France dans une perspective internationale », Informations sociales, 2011/85, n°167, p11-12. 56 Cristol (Danièle), « Aide et actions sociales, les conséquences de la révision générales des politiques publiques », Informations sociales, 2010/6 n°162, p5 2-62. 59 Selon ce modèle, quatre dimensions sont indissociables et entretiennent des interrelations importantes. Ainsi, l’efficacité organisationnelle est la somme des quatre dimensions que l’on peut faire converger dans une « arène politique57 », cette dimension témoigne de la complexité de l’évaluation de l‘efficacité d’une organisation et influence le système de gouvernance de la performance. Schéma 9 : les dimensions de l’efficacité organisationnelle Source : référence à Savoie et Morin, 2000 Tiré de : Management de la Performance, des outils aux concepts, Dans notre analyse, cette arène politique serait détenue par la ville. L’histoire de l’action sociale en France rappelle que la commune est le fer de lance de l’action sociale locale. De l’aide paroissiale aux bureaux de bienfaisance et d’assistance, puis aux bureaux d’aide sociale pour conduire enfin à l’émergence des centres communaux d’action sociale, la volonté n’était pas tant de mettre en œuvre une solidarité de proximité mais plutôt de l’organiser, d’organiser le traitement de la demande sociale. Les communes doivent inverser le schème d’action selon lequel les politiques sociales de proximité s’inscrivent dans un modèle top/down. Toute la capacité d’intervention des communes passe par la légitimation de leurs actions et la valorisation de leurs connaissances des réalités et des besoins locaux, pour démontrer la 57 Source : Savoie et Morin, 2000. 60 puissance de l’approche bottom-up. Cela est possible par le biais des CCAS, et plus particulièrement de l’ABS, outils d’ingénierie sociale favorables à l’avènement de l’intelligence sociale territoriale. Quel(s) rôle(s) pour les municipalités dans l’action sociale territorialisée : observateur, animateur ou coordinateur ? Ou accompagnateur et de suivi des bénéficiaires (notion de suivi social des publics) ? Quelle gouvernance pour le social local ? Plusieurs illustrations pourraient être citées pour illustrer ce besoin de conduite et de pilotage. Nous évoquerons trois exemples58 issus de notre enquête par questionnaire. - Un CCAS du Nord, les démarches issues de la mise en œuvre de l’ABS sont alliés à « entités » déjà existantes appelées « Forum permanents des solidarités » et « actions de vous à nous », ces instances permettent de favoriser le dialogue social et sont relayées par les groupes d’analyse partagée, afin d’accéder à une vision globale du social sur le territoire. Ici, le CCAS a donc à partir de l’ABS une mission d’animation de la connaissance des problèmes sociaux. - Un CCAS du Pas-de-Calais, se positionne comme véritable coordinateur de l’action sociale, puisqu’une personne est mobilisée à temps plein pour faire converger quatre acteurs principaux autour des problématiques alimentées et justifiées par l’ABS. - Enfin, un CCAS de Haute-Garonne a mis en œuvre une ABS intercommunal, regroupant quatre municipalités. Au- delà des difficultés d’observation des phénomènes, cette démarche a aboutie à avoir une vision plus cantonale des besoins. Cette démarche doit être formalisée avec la création d’un logiciel dédié à l’observation du territoire, avec un rapprochement de l’UDCCAS 31 et de la DRJSCS. Ainsi les multiples expériences observées interrogent les capacités d’action mais aussi et surtout le niveau d’intervention. L’échelle d’observation si elle se prête à la globalisation, ne revêt pas les mêmes caractéristiques que les échelles d’actions, comme en témoigne le groupement de commande de dix communes de la métropole lilloise pour l’ABS : chacun a exploité isolément les données issues de l’ABS. La mise en œuvre de l’ABS au niveau des CIAS est qualifiée de « complexe », bien que la mutualisation des coûts soit un atout. Nous soulèverons un dernier point, issu de l’analyse des réponses au questionnaire qui nous sont parvenus. La place de l’ABS au sein de la commune serait, en partie déterminé par le 58 Les éléments ont été obtenus lors d’entretiens. 61 mode d’organisation des services municipaux. Ainsi sur les 7 CCAS ayant répondu, 3 sont rattachés directement à la direction de services municipaux que nous nominerons « solidarités, cohésion sociale » pour une meilleure compréhension. Dans cette organisation des services, le directeur du CCAS est aussi le directeur des services municipaux de solidarités. Cette transversalité est de notre point de vue un facteur de positionnement indéniable pour l’émergence de l’analyse des besoins sociaux comme un outil du développement social global. Le CCAS de la Ville de X dispose d’un cahier des charges précis lui permettant de lancer une démarche d’ABS élargie aux politiques municipales de solidarité. Dans le cadre d’une organisation des services autonomes, des freins seront plus nombreux pour positionner l’ABS comme un outil à visée stratégique. D’ailleurs, un CCAS s’interroge sur « la déconcentration – ou non – de ce matériau dans l’ensemble des Directions, pour quelles mènent leur propre analyse (pour informations, les Directions sont regroupées par pôles et la logique de fonctionnement voulue par la Direction Générale est un management par projet) : Sur quelle bas ? Avec Qui ? ». L’ABS s’avère être un outil stratégique au cœur du développement des politiques sociales locales. 62 C. Vers l’institutionnalisation du management du social ? L’ensemble de notre questionnement autour de la mise en œuvre de l’analyse des besoins sociaux nous amène progressivement à étendre notre cadre d’analyse pour nous interroger sur l’environnement dans lequel il est mis en œuvre. 1. Les principes fondamentaux du management public Schéma 10 : Le territoire, support de la construction de l’action sociale : « Entre sens et puissance »59 Le schéma illustre le cadre d’action dans lequel est situé l’ABS, il ne mentionne que les acteurs et ne prend pas en considération les dispositifs existants. Il met en avant les diverses catégories de création de la réponse publique et illustre la place du territoire au cœur des politiques sociales : lieu de cristallisation des valeurs, espace marqué l’occupation sociospatiale et support des interventions politiques et économiques. En ce sens, nous citerons Georges Balandier, qui à propos des colonies, parlait de « création collective du sens et 59 Réalisé par l’auteur 63 contrôle mutuel de la puissance60 ». Les interférences entre politiques locaux et politiciens administrateurs centralisés a notamment été étudiée par Crozier et Thoening (La régulation ses systèmes organisés complexes, 1975), sous le nom de « régulation croisée », pour signifier l’importance décisive des interférences entre le niveau administratifs et politiques dans la mise en œuvre des politiques publiques. « S’il existe un espace social spécifique pour la mise en œuvre, c’est parce que les projets et programmes gouvernementaux sont porteur de beaucoup d’ambigüités : leurs objectifs sont souvent flous, les intérêts protégés, contradictoires, les moyens attribués, imprévisibles, la répartition des compétences, peu ou mal effectuée61 ». Cette représentation schématique permet de rebondir sur les piliers fondamentaux du management public caractérisant les organisations publiques : - La poursuite de finalités externes, la présence d’enjeux plus ou moins formels selon les administrations est induite par la détermination externe d’objectifs d’intérêts généraux. Nous émettons l’hypothèse suivante : si le décret de 1995, relatif à l’ABS, ne définit pas ce qui peut apparaitre comme un « besoin social », cela témoigne de la volonté de laisser le champ libre à la définition du champ social et ainsi, favoriser l’émergence des réponses adaptées à un intérêt public local et non uniformisée. - L’absence de rentabilité capitalistique. « La valeur ajoutée au capital investi n’est pas un concept opérant d’analyse de l’activité de services62 ». Cette caractéristique des organisations sociales amène les administrateurs à raisonner en termes de coûts. Cette notion de coûts est désormais relayée par des notions d’efficience, d’efficacité et de performance des fonds publics. Cet héritage conceptuel a longtemps marqué les activités et administrations du social souvent décrites comme coûteuses et peu efficaces : les engagements de fonds (considérables, près de 70% du budget du département du Nord est consacré à l’action sociale) ramène dès lors les débats sur l’utilité publique des interventions. - Des missions assurées en concurrence nulle ou imparfaite. Or depuis les lois de décentralisations, jusqu’à la multiplication des partenaires associatifs et le développement partenariat public privés (PPP), les missions assurées par les organisations publiques doivent 60 Georges Balandier, Sens et puissance, les dynamiques sociales, 1959, p299. Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, 2009, p42. 62 Manuel-Viriato Santo, Pierre-Eric Verrier, Le management public, Que sais-je ?, PUF, 1993, p6. 61 64 désormais prendre en compte les partenaires. La voie s’ouvre désormais au développement de la délégation de compétences et à la production de richesse. - Des systèmes complexes et extrêmement cloisonnés. Comme nous avons pu l’observer l’environnement des actions publiques est complexes faisant appels aux secteurs associatifs, privés, parapublic… et aux multiples collectivités. Cette complexité de l’intervention et l’approche verticale de la résolution des problèmes amputent toute reconnaissance des compétences de la base à produire une analyse, une expertise. - Une soumission de l’action administrative au politique. Cela renvoie aux procédures de décision, au temps de l’action et à la concomitance avec la rapidité des solutions à apporter. Au regard de cette réappropriation des piliers du management public, nous nous interrogeons sur le cadre politico-administratif dans lequel il se situe. Schéma 11 : Les pressions de l’environnement sur l’action sociale locale63 Bien que constituant la base du management public, ces caractéristiques que l’on observe avec régularité, demandent à être surpasser comme cela a pu être le cas avec le développement du New Management Public. Selon l’analyse de Bruno Pallier (politiste, chargé de recherche au CNRS), l’action sociale locale s’est structurée autour d’un triptyque : le territoire, les populations et les collectivités territoriales. Selon l’auteur, cette répartition de ce que l’on pourrait appeler l’espace social, s’avèrerait contreproductive, en démontrant que : - le territoire est le lieu de cristallisation des problèmes, d’émergence des problématiques, - les populations sont le support des solutions apportées et marque des problématiques du territoire, 63 Réalisé par l’auteur 65 - les techniciens et professionnels de l’action sociale qui entendent jouer sur le phénomène du territoire sans répondre réellement aux préoccupations « populaires ». A travers cette notion de « contre-productivité » liée à la notion de territoire, l’idée est de réintroduire le social comme élément de structuration de l’espace social. On note une forme de phénomène « pervers » dans ce cadre où la définition du territoire est la référence centrale, une partie de la question sociale serait amputée de sa partie sociale au profit d’une gestion trop administrative où le souci d’aménagement et de structuration de l’offre ferait du « social », le laisser pour compte de l’action publique. Les politiques territorialisées sont différentes des politiques sociales territorialisées, la notion de développement durable a trop longtemps écarté le social de son champ. Ainsi nous pouvons nous réinterroger sur la centralité du territoire dans la mise en œuvre du développement de l’action sociale. Ainsi l’ABS en introduisant la dimension de l’offre territoriale, la dimension de la demande sociale et celle de l’action de partenaires, peut devenir une grille de lecture stratégique pour les centres communaux d’action sociale mais aussi pour l’ensemble des collectivités qui entendent agir sur le territoire pour les populations. 2. Une crise des modèles traditionnels de l’action sociale de proximité Les éléments liés à la mise en œuvre de l’ABS des besoins sociaux amènent à réinterroger le modèle de l’action organisée telle qu’elle est conduite aujourd’hui. i. Au-delà de la stratégie des territoires ? Les politiques publiques se sont construites autour de la valeur territoire. En effet, la prise en charge ou non du demandeur est conditionnée par l’inscription territoriale de ce dernier via une domiciliation, domiciliation qui devient « le signe, le support et la condition » (R. Castel). Pourtant, les traitements sociaux et les maux de la société, avec la reformulation de l’action social sur le registre de la nouveauté des problèmes sociaux, souligne qu’ils ne s’inscrivent pas dans les cadres préétablis de l’action publique, qu’ils ne peuvent être pris en charge par les secteurs déjà existants. Malgré les tentatives de Développement social des Quartiers, et de Contrats de ville, les politiques territorialisées cherchent encore leurs voies. Les enjeux contemporains sont liés à la mobilisation des acteurs et du sens des actions. La dimension fondamentale nécessitant aujourd’hui d’être réaffirmée est celle du projet de zone. En effet, favoriser la cohérence et le partenariat autour de dynamiques, afin d’arriver à 66 constituer un « conseil de zone », chargé de son animation de son suivi et de son élaboration. En effet la gestion de l’action sociale locale peut s’appuyée sur trois entrées : - L’approche par les populations présente sur un territoire pouvant être touchées par plusieurs problématiques - L’approche par les problématiques, qui trouvent son essence dans les caractéristiques socioculturelle d’un espace géographique. - L’approche par le territoire, où le partenariat et les acteurs sont les maitres mots de la coordination territoriale. L’expertise est, dans notre approche, fondée sur la référence à la notion d’utilité sociale. L’utilité sociale renvoie aux finalités de l’organisation. On la retrouve d’ailleurs au cœur de multiples actions d’acteurs sous l’appellation Convention d’Utilité Sociale. Avec la recherche d’une efficience territoriale ou de performance sociale y aura-t-il une nouvelle répartition des rôles des acteurs locaux ? Une nouvelle appréhension de la gouvernance sociale ? Bourdin (La question sociale, PUF, 2000) dénonce la fausse concordance entre local et territoire. Le local n’est pas territorial de prime abord. Pour l’auteur, la problématique est celle du fossé croissant entre les demandes de régulations politiques et les capacités de régulation des autorités publiques. Les politiques sociales ne peuvent se comprendre et se mettre en œuvre que dans une perspective territoriale, elles doivent nécessairement rendre compte des aspects les plus complexes de l’environnement qui les régit. Toutefois lavoie de la gouvernance territoriale est ouverte depuis une dizaine d’année maintenant, mais les situations de coopérations, de partenariats de réseaux restent faibles ou peu formalisés. En introduisant l’idée de la mutualisation des administrations, Joseph Carles (2002), mentionne le processus de coopération intercommunale (communauté de communes, communauté d’agglomérations, communautés urbaines… Aujourd’hui les métropoles). Avec cette évolution à la croisée de l’échelle infra-départementale et supra-municipale, se développe la notion de performance collective des institutions intervenant sur le même territoire. Pour l’auteur, l’évaluation est le ciment entre les nouveaux territoires et les nouvelles gouvernances, la transversalité est l’objectif, pour atteindre cette performance collective. L’auteur avance que la territorialisation de l’action publique est définitivement ancrée dans le processus opérationnel. 67 Aujourd’hui, il convient de renforcer le caractère structurant des politiques sociales locales, non plus seulement dans une perspective de développement durable mais dans une perspective de pilier de l’aménagement du territoire en réintroduisant les notions d’impacts par une appréhension systémique64, comme décrites dans le schéma suivant. Nous pouvons interpréter le territoire, à partir de cette représentation, comme un mode de lecture des interventions qui visent à le modifier. Source : cours IAE, Jérôme Dupuis Sémantiquement la gouvernance est d’abord l’action de gérer des hommes dans un espace donné, il a une dimension gestionnaire. Le verbe grec kubernân1 (piloter un navire ou un char) utilisé par Platon de façon métaphorique pour désigner le fait de gérer les hommes. Tandis que le gouvernement a la vocation de formuler des projets politiques en prenant appui sur un système de valeurs, le tout définit dans un périmètre précis. Le gouvernement impulse les systèmes de gouvernance. Tout laisse à penser que nous sommes dans une crise des systèmes qui nuit au territoire à la cohérence des actions, cette crise engendre un problème de lisibilité : lisibilité des compétences, des périmètres d’actions, et modalités d’intervention. Dans cette perspective nous rejoignons Joseph Carles, pour qui « gouverner un territoire ou mesurer la performance publique sur un territoire, c’est peut-être en premier lieu avoir identifier les différents acteurs sur ce territoire, d’avoir pris en compte le portage des préoccupations propres à chacun de ces acteurs, et de mesurer au fond la capacité de chacun 64 Cours IAE, Jérôme Dupuis, gouvernance territoriale, 2012. 68 d’entre eux à sacrifier de leur intérêt particulier au profit du projet qui est le porteur du sens de l’intérêt général 65». Nous enchérirons cette vision, en soulevant la question de la gouvernance des acteurs plus que du territoire. ii. Quel(s) fondement(s) pour le principe de gouvernance ? Développer l’analyse multi-variée de l’action sociale de proximité amène à étendre le cadre de l’action sociale organisée à : population, territoire et acteur, permet de reconnaitre la suprématie de ces derniers dans l’influence et le développement d’un territoire. Pourquoi ne pas parler d’utilité sociale pour réintroduire la notion de proximité et de subsidiairité ? L’ABS peut être un élément déclencheur, s’il s’inscrit comme nous l’avons vu en première partie dans une culture de l’expertise sociale. Kilkka SUMMA, dans les années 2000, propose que l’évaluation des politiques sociales soit focalisée sur l’analyse des changements où « la résolution des problèmes dans un territoire spécifique, indépendamment des politiques sectorielles ou des programmes spécifiques définis verticalement66 ». L’auteur va plus loin en parlant de politique intégrée, l’évaluation territoriale serait un élément fondé sur une unité d’analyse, appelé territoire. Ce concept favorise la prise de distanciation avec les problématiques liées au caractère vertical des d’un programme ou d’une politique. Cette analyse est intéressante mais demande à être développée pour intégrer les impacts transversaux. Le territoire ne doit constituer qu’une clé d’entrée pour analyser les phénomènes qu’il supporte et organise, il s’agit de renouveler le questionnement, de l’insertion (voire l’appropriation) des populations dans le territoire, par le territoire et pour le territoire. Dans les politiques sociales, le territoire ne doit pas avoir la primeur des interventions, il est seulement un cadre d’action qui donne du sens et de l’organisation, il deviendra ensuite le support des résultats, mais il n’est pas le résultat attendu en lui-même. Martin Vanier ose parler d’interterritorialité, « La déterritorialisation du pouvoir politique, pour mieux préparer sa reterritorialisation sur des bases à inventer, soulève de lourdes questions, tout comme le partage de la souveraineté qui s’en suit : questions de légitimité politique ; de justice fiscale, d’efficacité de l’action, etc. Les mêmes questions ouvrent de nouveaux espaces pour la démocratie des usages, pour l’affirmation de biens communs locaux-planétaires, pour une 65 Baslé (Maurice), Dupuis (Jérôme), Le Guyader (Sylviane), (ed), Evaluation, action publique territoriale et collectivités, (tome 1), Logiques politiques, L’Harmattan, 2003, p48. 66 Maurice Baslé, Jérôme Dupuis, Sylviane Le Guyader, (ed), Evaluation, action publique territoriale et collectivités, (tome 1 et 2), Logiques politiques, L’Harmattan, 2003. 69 solidarité plus redistributrice67. » C’est le fondement territorial qui se trouve remis en question à l’heure où les populations sont mobiles et où les territoires se développent, s’entrecroisent, se renouvellent, se modifient. Dès lors le territoire est compris comme un système complexe d’organisation d’acteurs et d’intérêts, qu’il conviendra de sensibiliser autour d’un objectif commun. Dès lors l’introduction de l’unité territoriale fait converger l’ « appréhension » (capacité à percevoir les éléments) du territoire comme un lieu de centralisation des objectifs et des acteurs autour de l’utilité sociale. L’utilité sociale renvoie aux enjeux touchant la sphère publique sociale : - introduit la notion d’efficience d’efficacité des actions entreprises, - renforce le caractère « utile » du travailleur social, - renvoie à la notion de bien fondé à deux échelles : l’utilité pour les habitants/bénéficiaires et l’utilité pour la société dans son ensemble au-delà du territoire. 3. Une nouvelle approche de l’action sociale de proximité : les enjeux de la modernisation de l’intervention de proximité Du projet initial de connaissance du territoire à un projet global local : l’avènement d’un nouveau registre d’action : le gouvernement des acteurs du social grâce à l’ABS ? On peut à travers la mise en œuvre de l’ABS et le déploiement de l’outil s’interroger sur l’origine du changement de gouvernance qu’il peut induire. Quels sont les éléments qui permettront d’infléchir les nouvelles formes de « l’agir » ? i. La constitution d’une sphère d’action partagée ? Les modes de gestion des politiques sociales tout comme leur contenu ont évolués, elles posent de nouveaux enjeux autour de l’articulation, de la coordination et de la lisibilité des interventions réalisées sur un espace géographique défini. Avec la crise de l’Etat social, une remise en cause des modes traditionnels de gestion des services publics jugés inefficaces et coûteux a eu lieu, pourtant les solutions ne sont pas trouvées. L’action sociale locale est en milieu du gué, partagée entre reconnaissance du principe de subsidiarité et évolution des modes de gestion. On assiste à un basculement 67 Martin Vanier, Le pouvoir des territoires, Essai sur l’interterritorialité, Economica, Antrhopos, 2010 70 épistémologique68 qui permettrait de comprendre les similarités structurelles des réformes engagées, que ce soit pour modifier les relations entre le centre et la périphérie (décentralisation, déconcentration), pour instaurer de nouvelles relations entre les acteurs de terrain (Etat, administration décentralisées, associations, entreprises privées) ou enfin, pour influencer le comportement des bénéficiaires de l’Etat social. Pour François-Xavier de Merrien, la réponse n’est pas seulement la mise en œuvre de nouveaux moyens ou de nouvelles réglementations, mais il s’agit d’élaborer des procédures afin de limiter les asymétries d’informations et de réduire les latitudes d’actions de « l’agent vis-à-vis du principal », et par l’utilisation d’incitations et d’évaluations pour obliger les agents à atteindre les objectifs définis et non exploiter la situation à leur profit. Selon le même article, on distingue trois champs de réformes : - celui portant sur l’Etat traduisant la décentralisation et la déconcentration, - celui de la nouvelle gouvernance avec des arrangements mouvants entre les acteurs centraux, locaux, publics associatifs et privés, - celui des bénéficiaires avec l’imposition de contreparties. L’ensemble de ces réflexions met en exergue la dichotomie entre les attentes des prescripteurs prou modernistes et les pratiques de terrain encore très traditionnalistes. Cette contradiction est perceptible au niveau de l’ABS. Cet outil répondant aux caractéristiques du New management public tente de se mettre en œuvre dans un environnement peu enclin à la modernisation et happé par un héritage dont il a du mal à surpasser ses marques. Nous citerons Robert Castel pour illustrer le cadre logique d’action actuel : « la relation de proximité qui doit exister entre le bénéficiaire des secours et l’instance dispensatrice », cette notion d’instance dispensatrice marque le manque de construction stratégique des organisations telles que les CCAS. Nous pensons que l’ABS peut favoriser l’émergence d’un nouveau cadre d’intelligibilité du social. Le problème rencontré dans la sphère sociale est celui du cloisonnement des stratégies et des angles d’approches. Chaque échelon administratif construit des objectifs à partir d’un héritage et selon un cadre fixé selon le principe de bloc de compétences. Territorialité, transversalité, partenariat et contractualisation tentent de s’imposer comme les maitres mots de l’action sociale locale ; certains évoquent la notion de péréquation, dans tous les cas, la recherche de la rationalisation est une dimension intégrante de la nouvelle donne territoriale. 68 François Xavier Merrien, « La nouvelle gouvernance de l’état social en France », Informations sociales, 2011. 71 Repenser l’action sociale nécessite par conséquent, une adaptation méthodologique aux situations de terrain et donc au local. « La façon d’articuler les différentes méthodes de traitement des informations, mais aussi de mobilisation des acteurs, autour de la production de représentations spatiales, pour construire progressivement une vision partagée et stratégique du territoire » (Lardon S. et Piveteau V, op. cit.). Cela nous amène à l’approche politique. D’après nos observations, le pouvoir du politique dans l’organisation des prestations est un élément clé dans l’évolution du système d’aide et de prise en charge. Les décideurs politiques doivent impulser cette capacité d’expérimentation et d’innovation, pour éviter les méandres de l’immobilisme. Immobilisme qui consiste à traiter les problématiques présentent à travers des moyens d’hier. Il faut que les CCAS réussissent l’évolution de leurs missions en entrant dans un nouveau cycle de construction de l’action sociale dépeinte de l’administration patronale. Les élus sont les principaux créateurs, dessinateurs des territoires, ils portent des enjeux et des ambitions autour du territoire et de la maîtrise des populations. Puisque, ce qui ce cache derrière l’action sociale c’est bien la gestion des publics en difficulté. L’offre de services, les équipements de proximité, les interventions des associations favorisent (ou non) l’accès d’un public à un territoire et sont pour partie dépendantes de la responsabilisation et de l’implication sociale des élus locaux. Sur les territoires à quel niveau se situe le pouvoir ? Est-ce au niveau des élus locaux ? Des acteurs économiques ? Des citoyens ? Selon Jérôme Dubois, « l’émiettement du pouvoir rend possible toute forme de débat social sur l’avenir69». Nous complèterons ces propos par l’introduction des débats sur les finalités recherchées. ii. Les conditions d’émergence d’un nouveau cadre d’intelligibilité du social Guy Cauquil70 propose une nouvelle appellation : « la stratégie d’actions de 3ème type », qui n’est ni catégorielle, ni sectorielle, où la gestion de l’espace est élevée dans sa dimension de projet politique. Cette nouvelle forme stratégique d’intervention sociale se différencie des territoires stratégiques et amènent à une nouvelle conception des politiques publiques. Elle permet de valoriser l’approche subsidiaire du social et favoriser l’émergence d’une 69 Jérôme Dubois, Les politiques publiques territoriales, La gouvernances multi-niveau face aux défis de l’aménagement, Presse Universitaire de Rennes, Res Publica, Rennes, 2009. 70 Guy Cauquil, Conduire et évaluer les politiques sociales territorialisées, Dunod, Paris, 2004. 72 transversalité. Ce qui conduirait les communes à développer leur intervention en termes d’animation des intérêts territoriaux. Cette question est d’ailleurs, actuellement étudiée par L’Odas qui mène une recherche-action sur la gouvernance locale dans 8 villes en partenariat avec le Secrétariat du Comité Interministériel des Villes71. L’ABS s’il s’impose peut constituer un pas de plus vers le management public post moderne, en impulsant la dynamique de management par projet avec l’attribution de responsabilité visà-vis des objectifs, la mesure de la performance et l’utilisation de l’évaluation, mais surtout parce qu’il suscite la convergence des acteurs du social. Le schéma ci-dessous tente d’illustrer le processus induit. Schéma 12 : Cycle de vie d’un projet de zone sociale72 Besoins Acteurs Zone d’émergence Analyse et objectifs Mise en œuvre stratégiques globaux opérationnelle et coproduite Zone de Pilotage du social : concertation, autour des nouvelles collaboration maitrises des techniques Zone de convergences des actions et intérêts Marges de manœuvre Adaptation Prise en considération des impacts de management de projet ? active Retour réflexif et responsabilisation des acteurs sur le territoire : créations des modalités opératoires, management Evaluation des résultats spécifique 72 Réalisé par l’auteur 73 Parmi notre enquête, seulement trois CCAS mentionnent cette dimension de projet et de management de projet. Selon l’un d’entre eux, la connexion entre ABS et projet se décline de la façon suivante : l’ABS permet de savoir, le savoir permet de faire, le faire repose sur un projet défini. Nous citerons les propos d’un CCAS du Nord : « l’ABS est un outil indispensable qui constitue une réelle source d’informations pour une collectivité. Cependant, afin de pouvoir l’exploiter pleinement, il est indispensable de pouvoir disposer de moyens suffisant autour du projet ». Ce qui nous conduit à dire que pour faire vivre une analyse des besoins sociaux, un référent est indispensable. Ce référent projet doit être identifié en interne, être un porteur, et en externe (personne ressources, coordinatrice). Ainsi, sur les sept CCAS ayant répondu à notre démarche, quatre disent avoir un référent ABS (a temps plein ou non), les autres ne l’ont pas précisé. Il importe donc de réinterroger la valeur et la portée des actions jusqu’ici mises en œuvre. Il manque ainsi une forme de projet collectif qui amène les acteurs à se regrouper, se fédérer et qui suscite la nécessité d’un suivi dans le temps. La ponctualité de l’action sociale perturbe de fait cette longévité de l’approche sociale. Pour Gilles Jeannot Latts73, « il s’agit alors de faire que ces diagnostics s’imposent aux acteurs et ne puissent être balayés par l’un d’entre eux à sa convenance ». L’auteur parle de capacité à tenir l’enjeu, cela revient à notre proposition de gestion des acteurs afin de les aligner autour d’une même ligne de conduite et d’engagements réciproques. Qui aboutirait à une forme d’institutionnalisation du management de projet, structurée par des phases précises (cf : schéma ci-dessus). Les savoirs passent par la maitrise des compétences et la maitrise des compétences nécessite la connaissance des interventions et du statut des acteurs. Les partenariats territorialisés se développent et sont synonymes d’un renouvellement des modes de conception de la gouvernance et des modalités d’intervention et de légitimation de l’action publique : « en amplifiant les effets de la montée en puissance des villes et en accompagnant la diffusion du conventionnement» (De Maillard, 2000). On s’aperçoit que cette coopération ne s’est que partiellement développée (Laurent Cytermann, Informations sociales, 2010). « Cette convergence des outils de gestion et des politiques publiques, suppose un travail de fond, long et fastidieux au sein des services publics ». Les politiques publiques sont inscrites dans des lois qui structurent le terrain de jeu, indique aux acteurs les comportements valorisés. Ce 73 In « Diagnostic territorial et coordination de l’action publique », publié dans Le bricolage organisationnel, crises des cadres hiérarchiques et innovation dans la gestion des entreprises et territoires, Olivier Coutard (Ed), 2001 74 modèle conduit à l’inertie des politiques publiques. Si le champ externe ne proposent pas de solutions, les changements des politiques publiques seraient liés aux évolutions internes aux institutions à partir « de processus d’accumulation de changements de faible portée immédiate » (Lascoumes, Le Galès, 2007, p128) comme : - La sédimentation institutionnelle, - La conversion institutionnelle ou le glissement en raison de la réorientation vers de nouveaux objectifs, - L’épuisement progressif de certaines institutions par manque d’adaptation, par abandon des acteurs, par succession de non décision ou d’inertie. Dans les recherches, de Mintzberg, le fonctionnement d’une organisation est modélisé en 6 parties de bases : le sommet stratégique, la ligne hiérarchique, le centre opérationnel, la technostructure, le support logistique et l’idéologie de l’organisation. De là, il définit différents types d’ajustement dans l’organisation, pour proposer une analyse croisée. - l’ajustement mutuel, - la supervision directe, - la standardisation des procédés de travail, - la standardisation des résultats, - la standardisation des qualifications et des savoirs, - la standardisation des normes. Nous faisons l’hypothèse que l’action sociale locale se situe dans la phase d’ajustement mutuel. Mintzberg identifie différentes configurations organisationnelles dont deux correspondent particulièrement bien à la situation rencontrée dans l’organisation de l’action sociale de la Madeleine : - la structure simple. Il s’agit de la petite entreprise, caractérisée par une faible hiérarchie, et où l’ajustement se fait essentiellement grâce à la supervision directe du chef d’entreprise ; - la bureaucratie mécaniste. Cela correspond à la grande entreprise fordiste, ou prévaut la standardisation par les procédés de travail. Il existe donc des freins liés aux organisations, qui découlerait de leurs capacités à évoluer, s’ajuster à leur environnement. Par conséquent, si nous nous référons au schéma classique de 75 diffusion des nouvelles normes de politiques publiques, l’action sociale en est à ses prémisses. Effectivement la situation actuelle est marquée par la phase d’invention d’idées émanant des constructeurs du social, générant l’amorce de la phase suivante de la considération. Les organisations et leurs développements sont liés à une dynamique de traduction : il s’agit de faire comprendre pour faire adhérer et participer. L’essentiel tient à la réciprocité des points d’adhésion, pour résoudre les difficultés soulevées par la mise en réseau, l’appropriation et la convergence des actions. Ne retrouvons nous pas les mêmes étapes que celles initiées pour la construction et la mise en œuvre de l’ABS ? Cette approche pose les jalons de l’action sociale organisée : à la fois état et dynamique. Cela nous amène à nous interroger sur les modalités de gouvernance des organisations publiques sociales (quelles soient des administrations, des associations, des entreprises sociales ou des individus). Cela ouvre ainsi la voie à l’interrretorialités et l’intercollectivités : l’élargissement du cadre répond aux nouveaux enjeux sociaux de rationalité. En effet en partant de l’ABS en tant que projet de structure et en proposant un schéma de diffusion de l’information, l’action sociale de proximité se fonderait autour d’un projet social global. « A une organisation des services en termes de délégation des pouvoirs, doit pouvoir s’imposer une logique de management des acteurs afin de mieux tirer parti de la coordination des différents niveau d’action. […] L’animation du partenariat doit ainsi concourir à la production d’un espace de travail en réseautique et l’ouverture d’action décloisonnée74 ». Ces propos extraits d’un ouvrage publié en 2002, nous sommes encore loin du diagnostic partagé, de la planification des actions et de la hiérarchisation des pistes d’actions. « Le problème se pose de l’articulation et de la cohérence de ses interventions. Le travail social est, encore aujourd’hui, une sorte de géant endormi ». Ces propos qui auraient pu être les nôtres en guise de conclusion, sont attribués à C. Bachman et J. Simonin, et datent malheureusement de 1979. Existerait-il un lien entre maturité organisationnelle, management public et traduction des enjeux ? B. Latour et M. Callon75, développent une sociologie de la traduction pour expliquer la diffusion de l’innovation. Si le conventionnement et le travail social en réseautique ne peut être conduit aujourd'hui, alors il doit y avoir un enjeu sémantique. Cet enjeu sémantique expliquerait le paradoxe stratégique auquel nous sommes confrontés avec la réalisation et 74 Maurice Baslé, Jérôme Dupuis, Sylviane Le Guyader, (ed), Evaluation, action publique territoriale et collectivités, (tome 1), Logiques politiques, L’Harmattan, 2003, p 282. 75 Michel Callon, Bruno Latour, « Comment suivre les innovations ? Clef pour l’analyse socio-technique », Prospective et santé publique, numéro spécial sur l’innovation, 1978. 76 l’institutionnalisation de l’ABS. La théorie de la traduction permet de rendre compte des tensions entre conception stratégique et mise en œuvre opérationnelle. Si le message (ici la visée stratégique) n’a pas été traduit, c'est-à-dire s’il n’est pas devenu un enjeu clairement identifié par les récepteurs, il n’a aucune chance d’être réceptionné. Selon cette approche, le processus de traduction se déroule en plusieurs étapes : 1) la contextualisation, 2) la problématisation, 3) la création d’un bien commun, 4) solidification du réseau. Nous pouvons schématiser ce processus de traduction de la façon suivante : Schéma 13 : Processus d’inclusion des acteurs à un projet global local76 Projet de structure Contractualisation des enjeux partenaires territoriaux ENJEUX TRADUCTION Projet d’une unité territoriale CO-PRODUCTION RESEAU De cette façon, l’ABS met en exergue un paradoxe stratégique au niveau de l’action sociale de proximité. Ce paradoxe est lisible à travers le phénomène d’appropriation tardive de l’ABS (pour les CCAS ayant répondu à notre enquête l’ABS date de la fin des années 2000). Cette appropriation tardive amène à de nouvelles crispations managériales et interventionnistes : l’approche des besoins sociaux demandent dores-et-déjà à être repensée, notamment en termes de flux de population, de bien être, des besoins des populations résidentes et des besoins des populations évoluant sur les territoires (travailleurs, consommateurs…)… Désormais la question des besoins amènent à la question des échelles de besoins (identification) et par conséquent de celle des interventions. Le paradoxe organisationnel résiderait donc dans les temporalités d’action. 76 Réalisé par l’auteur 77 Aux termes de cette nouvelle partie, nous aborderons une approche réflexive, tout comme cela a été le cas pour la première. Cette partie beaucoup plus théorique, tend à s’interroger sur le cadre d’action et les modalités d’intervention dans le domaine du social. Dès lors, nos propres issues de réflexions personnelles et d’observations voulaient s’interroger sur le social de demain, et sur la place (somme toute relative) de l’ABS au sein du système. Pour pallier le manque de temps et d’investigations, un questionnaire a été diffusé à l’ensemble du réseau de l’UDCCAS 31 et de quelques CCAS dans le Nord. Cette démarche de consultation, nous a permis de donner la parole aux acteurs de terrain et aux personnels des CCAS, utilisateurs ou futurs de l’ABS. Cette partie comme nous le rappelons, tend à réinterroger les capacités du social ; il ne s’agit que de la volonté de soulever des pistes et de questionner l’existant pour appréhender le futur. Il s’agit alors plus d’une démonstration que d’une étude de cas. La faiblesse de nos propos de consultation tient à la difficulté de « capter » le personnel des administrations publiques en période estivale. Ainsi, cette approche autour de l’existence de l’ABS aurait pu être conduite dans une démarche plus globale en collaboration avec l’UNCCAS, vivement intéressée par les problématiques soulevées. Or nos propos sont plus modestes et ne portent que sur un retour d’expérience de six CCAS. 78 CONCLUSION L’ABS : opportunité ou menace ? Il est difficile de répondre à cette question. Comme nous l’avons vu, une corrélation existe entre maturité institutionnelle et mode de gestion. Nul ne doute que l’analyse des besoins sociaux en tant que démarche positiviste (au sens d’Auguste Comte) soit une opportunité pour les organisations en capacité de s’en saisir. La démarche de mise en œuvre d’une analyse des besoins sociaux témoigne d’un tournant dans le champ de l’action sociale locale et illustre une forme de « révolution scientifique » (Khun), amenant le système à se repositionner autour des nouvelles modalités d’intervention et d’un nouveau paradigme. Ce nouveau paradigme serait celui du management de l’action sociale, management du projet social ou développement social global. L’évolution paradigmatique serait liée à une certaine « maturité organisationnelle » de l’institution qui met en œuvre l’ABS. La maturité organisationnelle différentielle explique en partie pourquoi, une minorité des CCAS ne se serait pas saisie de cet outil, mis à leur disposition depuis 1995. Nous allons même plus loin, en posant le postulat selon lequel le caractère obligatoire de l’ABS (mentionné dans le décret) tient à la volonté de l’Etat central d’impulser une culture de la statistique et de l’évaluation de façon progressive au sein des CCAS. Cela marquerait la volonté de faire émerger de nouvelles pratiques pour rompre avec l’héritage politicoinstitutionnel des CCAS, leur assignant un rôle de « bienfaiteurs ». Selon ce postulat, l’objectif recherché aurait été de pousser les CCAS à interroger leur environnement, afin de réinterroger leurs propres pratiques et activités, pour les amener à développer de nouvelles missions en meilleure adéquation avec les besoins des citoyens. En ce sens, l’analyse des besoins sociaux est un des éléments favorisant la mutation du système et l’avènement d’une « révolution » de l’action sociale de proximité. La rupture, ne peut être totalement assignée à l’introduction de l’analyse des besoins sociaux. Cette rupture est l’aboutissement d’un cycle d’évolution des administrations publiques sociales. Cycle au sein duquel tour à tour ont été introduites les notions de performance, de bien être social, de démocratie participative, de management public. Cycle structuré par de nombreuses réformes, déstabilisant l’ordre établi et amenant à une nouvelle répartition des compétences et des échelles d’intervention au sein des collectivités territoriales. La déstabilisation du système a créé une rupture pour sortir le social de l’inertie, favorisant l’achèvement de la vision 79 « paternaliste » de l’action sociale locale. Le passage de l’administration interventionniste à une administration gestionnaire du social est marqué par des phases d’apprentissage, de mimétisme et d’appropriation des outils du management public. L’étude de la mise en œuvre de l’ABS au sein du CCAS de la ville de La Madeleine a fait émerger un paradoxe : entre innovation et paternalisme, entre volonté de changement et maturité de l’administration et des élus locaux. Ce paradoxe réside dans des contradictions stratégiques pour lesquelles le temps de l’action n’est pas le temps de la décision. Le principal apport de l’ABS est d’introduire une culture de la statistique et de l’observation du social. Cette double entrée est renforcée par la production de données partagées et d’une analyse croisée. L’analyse des besoins sociaux porte sur deux sphères, le périmètre interne à l’organisation et une portée externe. L’initiation de la démarche peut conduire à un nouveau mode de travail et un questionnement de l’activité produite, en proposant l’acquisition d’un management en mode gestion de projet. Sa portée interne est réelle si elle puise son essence dans la volonté de donner du sens aux missions de l’institution. Il peut être considéré comme un outil de pilotage lorsqu’il questionne la notion de couverture des besoins, pour adapter son offre. L’ABS est un outil d’abord et avant tout construit par l’établissement, pour l’établissement en direction de la population. L’ABS est un outil de partage d’informations, dès lors il a une portée externe. Il peut être considéré comme un outil d’aide à la décision, lorsqu’il crée des synergies et fédère les acteurs d’un territoire. Pour les communes, il permet de favoriser la cohérence et la connaissance des dispositifs et partenaires de l’action sociale. Il devient alors une opportunité pour les CCAS et les communes en contribuant à les positionner dans le rôle d’observateur du social, légitimant leurs interventions par l’acquisition d’une expertise sociale. Néanmoins, l’analyse des besoins sociaux en tant que telle, ne semble pas être un levier suffisant pour la modernisation de l’action sociale. L’ABS est un outil d’aide au changement, nécessitant l’introduction d’outils et de procédés relais (évaluation des dispositifs, suivi de l’activité avec des tableaux de bord, proposition de structuration de l’offre par un programme d’action, etc.). Comme tout élément d’un système, l’analyse des besoins sociaux dépend des interactions le liant aux autres composantes de son environnement. Nous assistons à un changement de paradigme en faveur de la mise en cohérence managériale des systèmes. A la suite de la seconde Guerre Mondiale le paradigme d’administration laisse place au paradigme de gestion. 80 Le défi pour les CCAS sera de mobiliser les forces vives pour développer une organisation managériale et canaliser les synergies entre les différentes missions afin de générer une véritable coopération, co-production entre les divers partenaires. En somme, l’ABS est victime de sa méconnaissance et de son manque d’institutionnalisation. De plus, les CCAS ne disposent que d’un cadre d’action réduit, leurs principales activités consistent à accueillir et orienter les populations, leur permettre d’accéder aux droits sociaux et aux dispositifs d’aides. Cette assise technique demande à être capitalisée au profit de fonctions de coordination et d’animation de réseaux d’acteurs au service d’un projet local transversal du territoire ; et à être développer en faveur de la prise en compte du bien être des populations (IDH). Les observations liées à La Madeleine ne sont peut-être pas vraies pour d’autres CCAS. Tout comme en politique où on distingue politics, policies et polity, le social est multiple. Véritable laboratoire propice aux innovations et sujet aux évolutions, nous citerons Georges Balandier pour illustrer cette complexité : « les organisations humaines ne sont que mouvement, ajustement, contradiction, mutation... perpétuels. […]Des dynamiques s'appliquent à une société, elles naissent en son sein ou bien apparaissent en dehors du système et viennent en déranger l'ordre établi ; mais parce que des dynamiques nouvelles ou transformées rencontrent d'autres dynamiques, déjà à l'œuvre ou latentes, la société n'est pas monolithique […] elle est, à la fois, donné et projet » (Sens et Puissance, Les dynamiques sociales, 1971, p. 70). Nous souhaitons avant de conclure définitivement, aborder les limites du travail conduit. La première faiblesse de ce travail est probablement sa portée théorique, beaucoup de questions soulevées ont émané du terrain mais n’ont pas pu être mises « à l’épreuve des faits77 ». Le second point négatif tient à la difficulté de rapprochement théorique et des faits observés. Enfin, cette expérience au cœur de l’action sociale locale bien que trop courte, a été l’occasion de développer une posture de consultant. Posture nécessitant prise de recul, affirmation de soi, arbitrages et capacité à dire que l’on ne maîtrise pas tout. Notre question de départ voulait interroger la pertinence des analyses des besoins sociaux comme outil d’observation et questionner le lien entre outil d’observation et de mise en œuvre des politiques sociales locales, malheureusement notre contribution n’a pu aller jusque là. Nous regrettons de ne pas avoir pu réellement analyser la phase de concertation des partenaires, qui nous parait déterminante, pour mesurer la pertinence de l’objet que nous proposions pour la ville de La 77 « Le fait scientifique est conquis, construit et constaté », Gaston Bachelard. 81 Madeleine. Enfin, deux aspects déterminants n’ont pas assez été soulevé celui de la répartition des compétences entre aides sociales et actions sociales ; les CIAS ont aussi été peu évoqué. Consciente qu’elle soulève plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses, notre approche est faible au regard de la mise en pratique et du manque de recul de tous les éléments évoqués. Mais tout comme Bayeux et Vigneau, nous soulevons « l’impérieuse nécessité de se doter en France de dispositifs d’observation et d’évaluation adaptés aux enjeux des politiques publiques78 ». Les politiques sociales se sont construites autour de trois finalités : - Lutter, par la redistribution, contre la pauvreté - Atténuer par la fourniture de services sociaux, les effets négatifs des politiques économiques tournées vers le profit - Assurer une régulation sociale à finalité humaine. Ne faut-il pas repenser ses finalités ? En effet, toute action se déploie dans un cadre plus large, celui des valeurs et des références symboliques, celles-là même qui posent les jalons du principe de solidarité, en perte de sens dans notre société bercée par l’individualisme et la concurrence. La société civile ne disparaît-elle pas derrière les complexités institutionnelles ? L’action sociale locale est-elle en perte de sens ? Toutefois dans un monde où tout évolue, tout reste possible, Antoine de Saint-Exupéry ne proposait-il pas : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible » ? 78 Maurice Baslé, Jérôme Dupuis, Sylviane Le Guyader, (ed), Evaluation, action publique territoriale et collectivités, (tome 1), Logiques politiques, L’Harmattan, 2003. 82 LISTE DES ANNEXES ANNEXE 1 : LISTE DES CCAS AYANT REPONDU AU QUESTIONNAIRE………P 92 ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE………………………………………………………..P 93 ANNEXE 3 : STRUCTURATION ANALYSE DES BESOINS SOCIAUX……………P 94 ANNEXE 4 : CARTE DE REPERAGE DES QUAARTIERS FRAGILES DU NORD-PASDE-CALAIS……………………………………………………………………………….P 95 ANNEXE 5 : LISTES DES PARTENAIRES DE IDENTIFIES PAR L’UNCCAS….…P 96 ANNEXE 6 : TABLEAU DE BORD EXTRAIT…………………………………….…..P 97 ANNEXE 7 : LISTE DES PARTENAIRES CONCERTES………………………….….P 99 ANNEXE 8 : REPARTITION DES COMPETENCES…………………………….……P 100 ANNEXE 9 : REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE COLLECTIVITES TERRITORIALES ………………………………………………………………………P 101 83 ANNEXE 1 : LISTE DES CCAS AYANT REPONDU AU QUESTIONNAIRE Liste des CCAS ayant répondu à la sollicitation par questionnaire 1 CCAS de Lille 2 CCAS de Toulouse 3 CCAS de Mons-en-Baroeul* 4 CCAS de Tourcoing 5 CCAS de Roubaix 6 CCAS de Colomiers 7 CCAS de Marcq-enBaroeul* 8 CCAS de Carvin 9 CIAS Fenouillet 10 UDCCAS 59 (entretien) • Ces CCAS ont répondu ne pas avoir engagé une démarche d’Analyse des Besoins Sociaux. 84 ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE à l’attention des chargés de projet ABS Le CCAS réalise-t-il ou a-t-il réalisé une analyse des besoins sociaux (ABS, décret de mai 1995) ? Si non, pourquoi ? 1. Mise en œuvre de l’analyse des besoins sociaux, description de la méthode - Depuis quand la démarche est-elle en œuvre dans votre établissement ? - Quels ont été les motifs recherchés et les finalités attendues autour de la mise en œuvre de cet outil ? En d’autres termes, pourquoi avez-vous décidé de réaliser une ABS ? - Qui est à l’initiative de la réalisation de l’ABS (élus, techniciens…) ? Qui a conduit le projet (chargé de mission, directeur…) ? Avez-vous eu recours à un organisme extérieur (consultant) ? - Sur quoi porte-t-il ou a-t-il porté ? Sur quel périmètre (problématiques, publics…)? - Comment a-t-il été construit ? Conduit (entretiens, groupe de travail, questionnaires auprès des usagers…) ? - La mise en œuvre de l’ABS a-t-elle initié de nouvelles pratiques (professionnelles, partenariales…)? Qu’est-ce qui a découlé de la mise en œuvre de l’analyse (gouvernance sociale, projet social…) ? 2. Condition(s) d’évaluation et approche réflexive - L’outil, ABS, a-t-il évolué depuis sa première mise en œuvre ? Quelles ont été les étapes dans l’évolution de l’outil ? Un processus d’évaluation de la méthode a-t-il eu lieu ? - Quels sont les freins et les leviers à l’appropriation et au développement de l’ABS ? Dans quelle(s) condition(s) continuez-vous à faire vivre l’outil ? - Avez-vous fait de l’ABS un outil d’aide au pilotage ? Par quels moyens, procédés ont été nécessaires? A votre avis, quelle place pour l’analyse des besoins sociaux (ABS) au sein des politiques sociales locales d’aujourd’hui ? De demain ? 85 ANNEXE 3 : STRUCTURATION ANALYSE DES BESOINS SOCIAUX EDITO rédigé par M. Le Maire-Président du CCAS AVANT PROPOS Définition ABS Information sur la méthode retenue PARTIE I : CONNAISSANCE GENERALE DU TERRITOIRE SECTION 1 : Analyse supra-nationale : « se comparer à d’autres » SECTION 2 : Analyse communale : « Se connaitre » Sous-section 1 : La population madeleinoise Sous-section 2 : L’offre territoriale SECTION 3 : Analyse infra-communale : « Connaitre ses spécificités spatiales » PARTIE II : PROBLEMATIQUES MADELEINOISES SECTION 1 : Les publics fragiles : entre prévention et accompagnement SECTION 2 : Les jeunes : un atout pour le territoire peu accompagné SECTION 3 : Le logement : des enjeux d’aménagements et de réduction des inégalités spatiales PARTIE III : PRECONISATIONS ANNEXES Sigles Liste des partenaires sollicités Tableau de bord/suivi des évolutions Méthodologie pour l’actualisation des données 86 ANNEXE 4 : CARTE DE REPERAGE DES QUARTIERS FRAGILES DU NORD-PAS-DE-CALAIS 87 ANNEXE 5 : LISTES DES PARTENAIRES DE IDENTIFIES PAR L’UNCCAS 88 ANNEXE 6 : TABLEAU DE BORD (1ere partie extrait) Tableau de bord Besoins sociaux du territoire Indicateurs Données Tendances Liens, indications Sources sur la source Nombre d'habitants INSEE Moins de 25 ans INSEE 25-64 ans INSEE 65-75 ans INSEE 75 ans et plus INSEE Indice de vieillissement PHARE-COMPAS Population étrangère INSEE Nb de naissances SERVICES MAIRIE Nb de déces SERVICES MAIRIE Niveau de vie Revenu médian disponible INSEE Niveau de vie médian Disparité des niveaux de vies (rapport interdécile d9/d1) Indicateurs départementaux sociaux Taux de pauvreté monétaire ( seuil de pauvreté à 60% Indicateurs départementaux sociaux Taux de pauvreté monétaire ( seuil de pauvreté à 60%) des individus entre 0-19 ans Indicateurs départementaux sociaux Taux de pauvreté monétaire (seuil de pauvreté à 60%) des 65 ans et plus Indicateurs départementaux sociaux Indicateurs départementaux sociaux Intensité de la pauvreté monétaire Emploi Taux d'activité de la population en 2008 INSEE (nb d'actifs/pop de 15-64 ans) INSEE Nb de demandeurs d'emplois toutes catégories confondues Pole Emploi Nb de demandeurs d'emplois longues durées Pole Emploi Nb de demandeurs d'emplois catégorie A Pole Emploi proportion en % des femmes Pole Emploi proportion en % des moins de 25 ans Pole Emploi Minima-sociaux Allocataires Revenu de Solidarité Active Conseil Général 89 RSA Socle seul Conseil Général RSA socle seul majoré Conseil Général RSA socle+ activé majoré Conseil Général RSA socle+ activé non majoré Conseil Général Proportion de la couverte par le RSA population Conseil Général Allocataire Allocation Solidarité Spécifique Conseil Général Adultes allocataires Allocations aux Adultes Handicapés AAH Conseil Général Dont 20 à 64 ans Conseil Général Bénéficiaires Couverture Maladie Complémentaire (CMUC) Conseil Général Rapport à la population totale Conseil Général 90 ANNEXE 7 : LISTE DES PARTENAIRES CONCERTES 24 La maison de l'aide à domicile ASSAD AMAGAD 1 CPAM 25 Ariane services 2 Pole Emploi 26 Aide Familiale à domicile 27 CLIC Métropole Nord Ouest 3 ARS 28 V.I.S.A. 4 Banque de France 29 Les restaurants du cœur 5 CAF du Nord 30 Secours catholique 6 CARSAT 31 Mouvement Vie Libre 7 CG 59 32 Société Saint Vincent de Paul 8 CG 59 33 Association "Joie et Lumière" 9 UTPAS 34 Secours populaires 10 INSEE 35 L'armée du Salut 11 MSA 36 Association REVES (Ressourcerie, Epicerie, Vestiaire) 12 OPH 37 Mission locale Métropole Nord Ouest 13 Maison de l'emploi Lambersart 38 PACT Métropole Nord 14 SRCJ 39 Comité Madeleinois du Logement 15 SIA HABITAT ALORE (Association Lille et ses environs Orientation 40 Relais Emploi) 16 Partenord Habitat 41 Elois et Nous 17 Logis métropole 42 ALCOJAQ 18 SA d’HLM 43 Banque alimentaire du Nord 19 SA du Hainaut 44 Comité des Ainés Fêtes et Animations 20 C.M.H 45 Association des Familles de La Madeleine 21 Ar-HLM Direction départementale de la 22 cohésion sociale 23 Point Info Jeunesse 91 ANNEXE 8 : REPARTITION ACTIONS LEGALES FACULTATIVES 92 ANNEXE 9 : REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE COLLECTIVITES TERRITORIALES 93 BIBLIOGRAPHIE Articles de revues : - Berthet (Thierry), « Focus Territorialisation et changements dans l’action publique locale en matière sociale : l’exemple de la formation professionnelle », Informations sociales, 2010/1, n°157, p90-92. - Borgetto (Michel), « La décentralisation du « social » de quoi parle-t-on ? », Informations sociales, 2010/06 n°162, p6-11. - Bourdeau (Vincent) et al., « La notion de besoins collectifs n’est pas éclairante », Entretien avec Gareth Stedam Jones, Mouvements, 2008/2n°54, p87-92. - Burgi (Noelle), « Les politiques sociales, une science expérimentale », Raisons politiques, 2002/2 n°6, p. 23-36. - Cauquil (Guy), « Comment manager les politiques sociales territorialisées », Cahiers du Management territorial n°22, Juin/juillet/aout 2005. - Coenen-Huther (Jacques), « La cumulativité du savoir sociologique entre mythe et réalité », Revue européenne des sciences sociales, 2005. - Cristol (Danièle), « Aide et actions sociales, les conséquences de la révision générales des politiques publiques », Informations sociales, 2010/6 n°162, p5 2-62. - Cytermann (Laurent), « Communes, intercommunalités et politiques sociales », Informations sociales, 2010/6 n°162, p 42-48. - Dupuis (Jérôme), «Les territoires au cœur d’un nouveau management », Cahiers du Management territorial n°22, Juin/juillet/aout 2005. - Donier (Virginie), « Le principe d’égalité dans l’action sociale des collectivités territoriales », Annuaires des collectivités territoriales, Tome 26, 2006, p639-647. - Flückiger (Alexandre), « L’évaluation législative ou comment mesurer l’efficacité des lois », Revue européenne des sciences sociales, 2007. - Gaudin (Jean-Pierre), Pourquoi la gouvernance ?, Presses de Sciences Po, La bibliothèque du citoyen, 2002. - Gaudin (Jean-Pierre), « Politique urbaines et négociations territoriales. Quelle légitimité pour les réseaux de politiques publiques ? », Revue de Sciences Politique, 45ème année, n°1, 1995, pp.31-56. - Gaudin (Jean-Pierre), Livet (Pierre), « Processus d’évaluation des sciences sociales : acteurs et valeurs », Revue européenne des sciences sociales, mis en ligne en 2011. - Gaudin (Jean-Pierre), « Modalités et enjeux de l’évaluation des SHS : le tournant actuel », Revue européenne des sciences sociales, mis en ligne en 2011. - Frigoli (Gilles), « Le rôle du département en tant que chef de file dans le domaine de l'insertion », Informations sociales, 2010/6 n° 162, p. 76-84. - Hardy (Jean-Pierre) et Helfer (Clémence), « Focus- le désengagement de l’Etat en matière d’action sociale : la fin du développement social », Informations sociales, 2010/6 n°162, p72-75. - Hommage (Corinne), « Cohérence territoriale et cohésion sociale dans les projets de territoire », Publication CNAM, Paris, juin 2006. - Jacquet (Stéphane), Management de la performance : des concepts aux outils, CREG, 2011. - Kanner (Patrick), L’écrit d’alerte, Manifeste pour une nouvelle politique sociale, Territorials éditions, Bresson, 2012. - Lardon (Sylvie), Piveteau (Vincent), Lelli (Laurent), Le diagnostic des territoires, Géocarrefour, vol80/2, 2005. 94 - - - - - Livet (Pierre), « Peut-on parvenir à une forme de cumulativité en sciences sociales », Revue européenne des sciences sociales, mis en ligne le 12 novembre 2009. De Maillard (Jacques), « Le partenariat en représentations : contribution à l’analyse des nouvelles politiques sociales territorialisées », Politiques et Management Public, 2000, vol. 18 n°3, p21-41. Martin (Gérard), Ruffiot (Amandine), « La commande d’évaluation de politiques sociales territoriales, entre mythes et apprentissages », Politiques et management public, vol 19 n°2, 2001, p. 1-23. Merrien (François-Xavier), « La nouvelle gouvernance de l’Etat social en France dans une perspective internationale », Informations sociales, 2011/85, n°167, p11-12. Bertrand (Nathalie) et Peyrache-Gadeau (Véronique), « Introduction. « Cohésion sociale et cohérence territoriale », quel cadre de réflexions pour l'aménagement et le développement ? », Géographie, économie, société, 2009/2 Vol. 11, p. 85-91. Palier (Bruno), « La référence au territoire dans les nouvelles politiques sociales », Politiques et management public, vol 16 n°3, 1998, p.13-41. Pelisson (Eric), « le développement social local, nouvelle approche territorialisée de la cohésion sociale : préalables méthodologiques indispensables », Communication CNAM, 2006. Lafore (Robert), « Le rôle des associations dans la mise en œuvre des politiques d'action sociale », Informations sociales, 2010/6 n° 162, p. 64-71. Royer (Jean-françois), « Disparités territoriales : effets et causes des comportements des agents », Economie et statistiques, 2008 n°415-416. Sanchez (Jean-Louis), Dauphine (Sandrine), « Focus- Pour une réhabilitation de la gouvernance locale », Informations sociales, 2010-06 n°162, p.92-95. Stern (Patrice), Tutoy (Patricia), Le métier de consultant, principes, méthodes, outils, Ed. D’organisation, Paris, 2001 Terrien (Jean), « Culture et types de l’action sociale », Revue européenne des sciences sociales, déc. 2002. Périodiques : - « Action sociale des petites communes : mythe ou réalité ? », La gazette, Nov. 2001. - « Les échos de l’évaluation », Lettre Métier, AFIGESE, Juin 2010, n°4 - « Focale, Construire un diagnostic local : de l’état des lieux chiffrés au projet de territoire », OREF, 2008/09, n°8. - « La semaine Entretien » et « Forum : Idées et opinions », La Gazette, juin 2012. Rapports : - Développement social participatif : modes d’emploi, Adels, Revue territoires, Paris, 2005. - Aides sociales : enjeux et pratiques locales, Groupe chèque déjeuner, Solidarités actives, Paris, 2010 - Rapport annuel, « Politiques sociales de l’Etat et territoires », La documentation française, Paris, 2002. - Livre Blanc de l’action sociale territoriale, UNCCAS, mars 2009. - De Amorin (Aude), Cavalier (Bernadette), Ruleta (Michael), Yard (Yves), Guide de l’évaluation, juin 2005. - Leca (Jean), Le petit guide de l’évaluation, La Documentation française, Paris : 1996. - « L’action sociale intercommunale, enjeux, réalités et perspectives d’évolution », La gazette santé social, Cahier détaché, octobre 2010 n°2. 95 - « Renforcement de l’efficacité de l’action sociale locale : expérience beauvaisienne du Plan d’harmonie sociale », La gazette santé social, Cahier détaché, mars 2009. Sites internet : - Dress-Dares - Cairn - Persées - La documentation française - Bollecker (Gilles), Nobre (Thierry), « L’évolution des paradoxes organisationnels : le cas d’une organisation de service public évoluant vers le modèle marchand », Association Internationale de Management Stratégique, onglet pratiques organisationnelles et management. - Amadio (Nicolas), Le travail social territorialisé : vers une gestion du social ?, http://www.intelligence-territoriale.eu/index.php/fre/content/view/full/1656 - Berthet (Thierry), L’Etat social à l’épreuve de l’action territoriale : Postmodernité et politiques publiques de proximité dans le champ de la relation formation-emploi, IEP Grenoble. Non daté. Ouvrages : - Bachmann (Christian), Simonin (Jacky), Changer au quotidien : une introduction au travail social, Tome 1, Etudes Vivantes, collection Social, Bourges, 1981. - Bachmann (Christian), Simonin (Jacky), Changer au quotidien : une introduction au travail social, Tome 2, Etudes Vivantes, collection Social, Bourges, 1982. - Baslé (Maurice), Dupuis (Jérôme), Le Guyader (Sylviane), (ed), Evaluation, action publique territoriale et collectivités, (tome 1 et 2), Logiques politiques, L’Harmattan, 2003. - Castel (Robert), Les Métamorphoses de la question sociale, une chronique du salariat, Fayard, Paris, 1995, réédition Folio-Gallimard, Paris, 2000. - Cauquil (Guy), Conduire et évaluer les politiques sociales territorialisées, DUNOD, Broché, 2004. - Diederichs-Diop (Laurence), « L’analyse des besoins sociaux : au-delà de l’obligation règlementaire, un exercice d’évaluation a priori de l’action sociale », Evaluation et données longitudinales : quelles relations ?, Coordonné par Couppié (Thomas), Epiphane (Dominique), et al., CEREQ, Relief , 2010, n° 30. - Dubois (Jérôme), Les politiques publiques territoriales, La gouvernances multi-niveau face aux défis de l’aménagement, Presse Universitaire de Rennes, Res Publica, Rennes, 2009. - Dupuis (Jérôme), Contrôle, pilotage et évaluation de l’action publique locale, mesure et appréciation de la performance de l’action locale et territoriale au service de la décision publique et politique, Universitaires Européennes, Saarbrucken, 2011. - Fijalkow (Yankel), Sociologie de la ville, La Découverte, Paris, 2004. - Guéguen (Jean-Yves), L'année de l'action sociale 2009. La réorganisation de l'action sociale : de l’action à la cohésion sociale, Dunod, Paris, 2009. - Lascoumes (Pierre), Le Galès (Patrick), Sociologie de l’action publique, Armand Colin, 2007. - Penaud (Pascal), Amghar (Yann-Gael), (ed.), Politiques Sociales, Presses de sciences P, Dalloz, 2011. - Santo (Manuel-Viriato), Verrier (Pierre-Eric), Le management public, Que sais-je ?, PUF, 1993. 96 - UNCCAS, Comprendre l’Analyse des Besoins Sociaux, ses enjeux, sa méthodologie, 2009. Vanier (Martin), Le pouvoir des territoires, Essai sur l’inter-territorialité, Economica, Anthropos, Paris, 2010. Valtriani (Patrick), Les politiques sociales en France, Hachette Supérieur, Les fondamentaux, Paris, 1999. 97 LISTE DES SCHEMAS Schéma 1 : Etapes et démarches clés dans la structuration de l’ABS…………………..…P 20 Schéma 2 : L’ABS : un outil de captation des dynamiques sociales : Cohérence territoriale et cohésion sociale dans les projets de territoires …………………………………………….P 29 Schéma 3 : Les différents cercles des politiques sociales……………………………..…..P 32 Schéma 4 : Programme social et type d’évaluation………………………………………...P 35 Schéma 5 : Logigramme adapté d’une proposition de l’AFIGESE……………………......P 40 Schéma 6 : L’observation partagée comme élément fédérateur de la politique sociale locale………………………………………………………………………………………..P 41 Schéma 7 : La construction des nouveaux périmètres de la prise en charge des populations fragiles………………………………………………………………………………….…..P 48 Schéma 8 : Les conditions du repositionnement stratégique des CCAS………………......P 55 Schéma 9 : les dimensions de l’efficacité organisationnelle………………………………P 60 Schéma 10 : Le territoire, support de la construction de l’action sociale : « Entre sens et puissance »……………………………………………………………………………….…P 63 Schéma 11 : Les pressions de l’environnement sur l’action sociale locale…………….…P 65 Schéma 12 : Cycle de vie d’un projet de zone sociale……………………………………..P 73 Schéma 13 : Processus d’inclusion des acteurs à un projet global local…………………...P 77 98 TABLES DES MATIERES Avant propos Remerciements Abréviations Sommaire Introduction ................................................................................................................................ 1 Propos liminaires ...................................................................................................................... 11 PARTIE I - L’ANALYSE des BESOINS SOCIAUX : enjeux Méthodologiques ................. 17 A. L’élaboration d’un diagnostic social : de la démarche quantitative à l’approche qualitative de la demande sociale ............................................................................................. 17 1. Préalables méthodologiques .......................................................................................... 18 2. Le recueil de données .................................................................................................... 21 3. Le choix des indicateurs dans l’action sociale .............................................................. 23 B. De l’analyse partagée à l’approche stratégique du territoire ............................................ 25 1. Créer un espace d’observation et de connaissance partagées sur un territoire................. 26 2. Vers la construction d’une offre sociale ? ........................................................................ 30 C. Un outil d’aide à la décision ? .......................................................................................... 35 1. Un outil au service de l’aide à la décision ........................................................................ 35 2. Un outil tourné vers l’action............................................................................................. 40 PARTIE II - L’ABS ET MUTATIONS SOCIALES : QUELLE(S) PERSPECTIVE(S) POUR L’ACTION SOCIALE LOCALE ? .............................................................................. 47 A. De l’émergence des nouveaux publics prioritaires à la mutation des pratiques sociales : un outil à visée stratégique ............................................................................................................ 47 1. Des enjeux de l’insertion à la cohésion sociale : la multiplication des problématiques sociales ................................................................................................................................. 47 2. Un paysage institutionnel en mouvance ........................................................................... 49 B. L’impulsion du social des synergies de proximité .............................................................. 52 1. Quel(s) rôle(s) pour les CCAS ? ................................................................................... 52 2. Quelle(s) fonction(s) pour la commune ? ..................................................................... 56 C. Vers l’institutionnalisation du management du social ? ...................................................... 63 99 1. Les principes fondamentaux du management public .................................................... 63 2. Une crise des modèles traditionnels de l’action sociale de proximité........................... 66 i. Au-delà de la stratégie des territoires ? ..................................................................... 66 ii. Quel(s) fondement(s) pour le principe de gouvernance ? ...................................... 69 3. Une nouvelle approche de l’action sociale de proximité : les enjeux de la modernisation de l’intervention de proximité ...................................................................... 70 i. La constitution d’une sphère d’action partagée ? ...................................................... 70 ii. Les conditions d’émergence d’un nouveau cadre d’intelligibilité du social .......... 72 Conclusion ................................................................................................................................ 79 Liste des annexes ...................................................................................................................... 83 Bibliographie ............................................................................................................................ 94 Liste des schémas ..................................................................................................................... 98 Tables des matières .................................................................................................................. 99 Résumé ................................................................................................................................... 101 100 RESUME L’Analyse des besoins sociaux : un enjeu de modernisation pour l’action sociale locale ? L’élaboration de l’Analyse des Besoins Sociaux, s’explique par une forme de maturité de l’organisation qui la produit. La démarche de l’ABS repose sur un travail méthodologique, alliant observation quantitative (de l’offre et de la demande sociale) et diagnostic partagé. Cette posture conduit les Centres Communaux d’Action Sociale vers l’acquisition d’une posture évaluative favorisant l’avènement de l’expertise sociale. Cette démarche d’expertise est indispensable dans le cadre d’un repositionnement stratégique de l’action sociale locale. La portée interne de la mise en œuvre de l’ABS pousse les CCAS à sortir de leur héritage institutionnel et les amène à repenser « le social ». L’ABS nécessite un processus d’appropriation et de déploiement interne à l’organisation, pour devenir un outil d’aide au pilotage. Pour les communes, cet outil réaffirme le principe de subsidiaire et légitimité de leurs compétences sociales de territoire. L’ABS favorise l’émergence des rôles de veille et de prospective sociale, pour ériger la ville comme coordonnatrice et animatrice des interventions sociales locales, pour ainsi renforcer leurs compétences dans l’ingénierie sociale locale. L’analyse de l’ABS soulève des perspectives plus larges, touchant au système d’action dans lequel interviennent élus locaux, associations, administrations publiques et citoyens. Mettant à jour un système complexe de management de projet de territoire. ABS – action sociale locale – management du social – organisation – développement social global 101