Document - Ville de Neuchâtel
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Université de Neuchâtel Juin 2007 Faculté des lettres et sciences humaines Institut d’ethnologie « Je fais du social, mais je suis avant tout un policier » Une ethnographie sous mandat de la police de proximité d’un quartier neuchâtelois Séminaire III « Méthodes et Terrains » 2006-2007 Hossam Adly Vincent Fontana Fabrice Roman 1 Table des matières INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE .......................................................................................... 3 I. RÉALISER UNE ENQUÊTE DE TERRAIN SUR LA POLICE DANS LE CADRE D’UN PROJET D’ACTION PUBLIQUE : MÉTHODE, POSTURE ET ENJEUX ÉPISTÉMOLOGIQUES D’UNE RECHERCHE SOUS MANDAT. ................................................... 5 1. ETHNOLOGIE ET DEMANDE SOCIALE ..................................................................................................... 5 1. 1 Temporalités................................................................................................................................. 5 1. 2. Quartier, qualité de vie, et objet de recherche ............................................................................ 7 1. 3 Restitution.................................................................................................................................... 7 2. POSTURE DE RECHERCHE SUR LE TERRAIN............................................................................................. 8 2. 1. Distance et participation ............................................................................................................ 8 2. 2. L’« émotion » du terrain et l’éthique de la recherche sous mandat ......................................... 10 3. LA POLICE COMME TERRAIN................................................................................................................ 11 4. DÉLIMITATION DU CHAMP DE RECHERCHE ........................................................................................... 13 II. LES IMPLICATIONS POLITIQUES, INSTITUTIONNELLES ET LOCALES DE LA CRÉATION D’UN POSTE DE POLICIER DE PROXIMITÉ DANS LE QUARTIER DE PIERRE-À-BOT...................................................................................................................................... 14 1. PROXIMITÉ ET PRÉVENTION, QUELS ENJEUX POUR L’ACTION DES AUTORITÉS ?.................................... 14 2. LES IMPLICATIONS D’UN SERVICE DE PROXIMITÉ AU SEIN DE L’INSTITUTION POLICIÈRE, ENTRE CHANGEMENTS ET DIFFICULTÉS .............................................................................................................. 16 3. COMMENT LÉGITIMER LA PRÉSENCE QUOTIDIENNE DE LA POLICE DANS LE QUARTIER DE PIERRE-ÀBOT ?..................................................................................................................................................... 17 4. LA POLICE DE PROXIMITÉ DANS LE PROJET ANIM’ACTION ................................................................... 18 III. RÉFLEXIVITÉ, EXPERTISES ET RAPPORTS DE POUVOIR : LES ENJEUX DU PROJET ANIM’ACTION ...................................................................................................................................... 20 1. « VOUS / NOUS » : UN PROJET DE CONJUGAISON ................................................................................. 20 2. DÉBATS EN ÉBAT ................................................................................................................................ 22 2. 1 Les transformations de l’action publique… .............................................................................. 22 2.2 … S’appliquent-elles à Anim’Action ?........................................................................................ 23 3. ENJEUX ET RAPPORTS DE POUVOIR ...................................................................................................... 24 3.1 Acteurs, points de vue, subjectivités ........................................................................................... 25 3.2 Les enjeux d’une collaboration originale................................................................................... 25 4. REPRÉSENTATION ET RAPPORTS SOCIAUX ............................................................................................ 27 CONCLUSION........................................................................................................................................ 29 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................. 31 SOURCES................................................................................................................................................ 33 2 Introduction et problématique Porter un regard anthropologique sur le processus de mise en place et de réalisation du projet Anim'Action pose une première série de questions : que faire de toutes les données recueillies sur le terrain, les nombreux échanges avec nos interlocuteurs, nos souvenirs, nos impressions, etc.? Autrement dit, comment passer de l'ethnographie à l'ethnologie ? Comment se distancier suffisamment pour saisir les enjeux de cette expérience qui a projeté les étudiants de l'Institut d'Ethnologie (IE) au coeur d'un projet d'action publique menée par la Ville de Neuchâtel ? Le travail d’écriture peut-il servir d’outil de distanciation ? A l’instar de Primo Levi qui procède au travail d’écriture « en vue d’une libération intérieure » (1987, p. 8), nous comptons sur la mise en texte pour émerg e r du terrain. Ainsi seulement pourrons-nous tenter une ébauche de réponse aux interrogations d’ordre théorique et méthodologique que soulève notre participation en tant qu’étudiants d’ethnologie à un projet tel qu’Anim’action. Notre pratique du terrain s’est déployée au sein d’un projet dont les logiques sont extérieures à la discipline ethnologique: objectifs et attentes politiques, calendrier établi, restitution publique, etc. Par conséquent, quelle posture avons-nous adopté, notamment au regard de l’implication que présuppose un projet d’action publique ? Que pouvons-nous déduire de cette expérience du point de vue méthodologique ? Ces questions feront l’objet de la première partie du présent travail. Après quelques ébauches de réponses aux interrogations concernant notre posture, rendue délicate par les particularités du projet dans lequel l’IE s’est impliqué, nous constaterons dans un deuxième temps que cette même implication a permis notre immersion au sein d’une institution difficile d’accès, la police neuchâteloise. Loin de souhaiter rendre compte de celle-ci dans son ensemble, notre terrain a porté sur la seule police de proximité exerçant à Pierre-à-Bot, car son rôle vise « à prendre contact avec la population au sujet des nuisances qui gâchent la vie d’un quartier », dans le but d’établir un « climat de confiance »1. Cette articulation entre l’institution policière, la population, les « nuisances qui gâchent la vie » et la confiance, nous est apparue comme une piste de recherche pertinente pour répondre à la demande du projet Anim’Action. Notre deuxième partie sera donc consacrée à l’analyse des données relevées sur le terrain. Nous allons tenter de rendre compte des implications de la création d’un poste de policier de proximité aux niveaux politique, institutionnel et « local »2. Nous mettrons en évidence les logiques politiques auxquelles répond cette création et quels sont ses enjeux face à la demande sociale de sécurité. Puis, nous donnerons un aperçu de certaines conséquences internes que revêt cette nouvelle fonction de l’institution policière, centrée sur la prévention et la proximité. Par la suite, nous exposerons comment le policier de proximité légitime sa présence dans le quartier de Pierre-à-Bot en construisant de la 1 Entretien du 15.11.2006 avec M. Fiaux, policier de proximité responsable du secteur Nord, dont fait partie Pierre-àBot. 2 Ce terme fait référence au secteur nord, dont s’occupe M. Fiaux, et plus particulièrement au quartier administratif de Pierre-à-Bot. 3 proximité ainsi que de la confiance avec les habitants. Enfin, il conviendra d’analyser son rôle dans le projet Anim’Action et les similitudes de leurs démarches respectives concernant la consultation des citoyens. Le rôle de la police de proximité est comparé par le caporal Fiaux à celui d’un « thermomètre »3. Autrement dit, son travail consiste à prendre la température afin d’identifier les symptômes d’un éventuel malaise. Nous avons pu constater en effet que le quotidien des policiers, qui ont accepté que nous les côtoyions, se caractérise par une démarche de consultation de la population, ce qui représente un nouveau paradigme au sein des logiques policières. Pour saisir au mieux cette progression il conviendra, dans la troisième partie, d’élargir la perspective en décrivant les dynamiques contemporaines des politiques d’action publique. Nous émettons l’hypothèse qu’il existe entre la police de proximité et l’action publique des similitudes en matière d’intégration des citoyens dans les processus de production de savoir et de prise de décision. Le projet Anim’Action formule l’ambition de rapprocher les autorités politiques des citoyens. Après avoir décrit ces dynamiques, nous nous demanderons si la démarche du projet s’inscrit dans le passage du modèle rationnel au modèle réflexif de la gouvernabilité. Etudié entre autres par Cantelli (2006), la redéfinition de l’action publique voit naître des collaborations originales entre autorités politiques, experts et citoyens. D’emblée, se pose alors la question des points de vue. Quelles tensions une telle confrontation de subjectivités légitimes induit-elle ? Ce travail ne vise pas à décrire notre implication dans le projet Anim’Action de manière exhaustive, néanmoins il tente une approche par plusieurs biais (méthodologique, empirique et politique), espérant ainsi rendre compte au mieux d’un processus qui se situe à la convergence de domaines qui ne peuvent être abordés isolément sans rencontrer certaines limites. Par ailleurs, nous avons mené notre étude de terrain à trois, chaque observation était partagée et chaque entretien retranscrit afin que celui ou ceux qui n’étaient pas présents puissent en suivre le déroulement. Dès lors, il nous importait de conclure l’expérience enrichissante que nous a offerte le séminaire III par un travail de rédaction collectif. Nous sommes bien évidemment conscients des difficultés stylistiques d’une écriture à six mains. Nous avons tenté d’en rendre le fruit le plus cohérent possible, mais les différences qui subsistent reflètent trois subjectivités, trois manières d’entreprendre un terrain, enfin, trois regards dont l’homogénéisation n’a jamais fait partie de notre projet de recherche. 4 I. Réaliser une enquête de terrain sur la police dans le cadre d’un projet d’action publique : méthode, posture et enjeux épistémologiques d’une recherche sous mandat. La collaboration amorcée dans le cadre du séminaire III entre les divers partenaires impliqués dans le projet Anim’Action a d’emblée posé, selon les termes même du rapport rendu à la Ville de Neuchâtel, « un défi à l’Institut d’ethnologie »4. En effet, une ethnologie « sous mandat» pose à la fois des questions d’ordre méthodologique, épistémologique et éthique. Cette situation particulière nous a amenés à nous interroger d’une part sur les conditions de production du savoir ethnographique et d’autre part sur la posture de l’ethnologue sur un terrain désigné. Dans le sillage d’une anthropologie réflexive5, il convient ainsi de souligner que les conditions dans lesquelles se déploie l’étude de terrain sont décisives à la fois pour l’accès à un certain type de données, et également quant à leur interprétation. La notion de « demande » implique des contraintes qui ne sont pas propres à la discipline ethnologique, notamment au niveau de la temporalité de la recherche, des attentes des mandataires ainsi que de la restitution, qui implique un travail de traduction du savoir produit. Nous observerons donc dans un premier temps quels sont les enjeux intrinsèques liés à l’ethnologie « sous mandat ». Dans un deuxième temps, nous évoquerons la question du positionnement de l’ethnologue face à un projet d’action publique, de son implication face aux acteurs observés et du rapport entre l’objectivité et l’émotion du chercheur. Cette interrogation reconduit un questionnement sur l’éthique et la déontologie de l’ethnologue mandaté, sujet de réflexion largement abordé par une partie de l’ethnologie française, dont la récente orientation vers une ethnologie finalisée en entreprise pose des problèmes du même ordre. Enfin, nous constaterons que la recherche au sein d’une institution « fermée » comme la police pose une série de problèmes méthodologiques particuliers. 1. Ethnologie et demande sociale 1. 1 Temporalités Lorsqu’on l’interroge sur les « méthodes spécifiques » de l’anthropologie, Marc Abélès répond qu’il « a tendance à mettre de plus en plus l’accent sur le rôle du temps comme constitutif de l’enquête. C’est parce qu’on dispose de ce précieux adjuvant qu’est la durée qu’ont est en mesure d’inventer de nouvelles élaborations conceptuelles à partir de la position spécifique, questionnante et questionnée, qu’on occupe sur le terrain » (1995 : 70). Le premier « défi » posé par cette collaboration a tenu 4 Voir « Annexe A », Rapport Anim’action, p. 1 L’ouvrage collectif de Christian Ghasarian propose de définir comme suit la notion de réflexivité : « La démarche réflexive s’efforce de prendre en compte le fait que le discours ordinaire ne peut fournir qu’une version politisée et idéologique du réel, c’est à dire une version qui supprime la conscience de sa propre partialité. […]. En pratique la reflexivité est devenue la reconnaissance par les anthroplogues du fait que leurs écrits doivent prendre en compte les forces epistémologiques et politiques qui les conditionnent ». « Réflexivité » in : Ghasarian, Christian (sous dir.) 2002 – De l'ethnographie à l'anthropologie réflexive – Paris – Armand Colin – pp. 301. 5 5 précisément à la conciliation des différentes temporalités qui ont structuré notre expérience de terrain. Le temps de la recherche ethnographique est nécessairement long, supposant une immersion prolongée sur le terrain d’enquête, condition nécessaire à l’« observation participante » (Izard 1991 : 470). A l’inverse, le temps administratif est celui du court terme, particulièrement sensible aux conjonctures d’un agenda politique préétabli. Le délai imparti pour effectuer notre recherche s’est donc rapidement avéré être la principale et la plus contraignante des exigences posées par le projet. Le problème posé par le manque de temps est ici de double nature, agissant à la fois sur la collecte des données et également sur l’élaboration du savoir anthropologique. D’une part, au vu du calendrier très serré dans lequel se déployait notre terrain, nous avons progressivement privilégié une « technique de collecte » axée sur un choix des informateurs en fonction de notre objet. Constatant en effet qu’une grande proportion des habitants rencontrés au « hasard » lors de nos promenades ne connaissaient pas le service de police proximité, nous avons privilégié les entretiens sur rendez-vous, choisissant nos interlocuteurs en fonction de leur rapports avec l’institution policière. Le manque de temps nous a également empêchés de réaliser plusieurs « tournées »6 avec le policier de proximité. Limitées à quatre, ces immersions contractuelles en « terrain policier » ont probablement induit une vision essentiellement synchronique des rapports sociaux et professionnels de nos interlocuteurs. D’autre part, il convient de souligner que les séances de travail qui jalonnaient le déroulement du projet nous contraignaient à élaborer régulièrement des synthèses de nos recherches. La réflexion et l’élaboration de l'analyse anthropologique se sont ainsi effectuées alors même que nous menions à bien notre enquête de terrain. Loin de constituer un obstacle insurmontable, ces temporalités diverses ont néanmoins infléchi à la fois le savoir produit, le dispositif méthodologique et également les modalités de collaboration de la recherche. Les auteurs du rapport estiment ainsi que « faute de plus de temps ou de décisions d’en prendre, nous n’avons pas ménagé assez de moments de discussions, voire d’oppositions, entre les différents partenaires »7. Malgré la richesse de cette confrontation temporelle, la question centrale de la définition de l’objet de recherche a elle aussi été l’une des difficultés de ce projet. Comme le note le sociologue Dominique Monjardet, la pression de la demande immédiate induite par la recherche sous mandat conduit à une focalisation sur une étude de cas et dissuade, par manque de temps, de procéder à une véritable recherche comparative (1997 : 218). Conciliant deux temporalités initialement en adéquation absolue, il convient cependant de souligner la richesse de cette collaboration. Opérant une mise à l’épreuve des qualités d’adaptation de l’anthropologie, ce projet reformule ainsi les enjeux d’une possible « professionnalisation » (Chauvier 2004 : 12) de la discipline anthropologique. 6 Par « tournée » (terme employé par les policiers), nous entendons un exercice participatif en compagnie des policiers en activité. Nous avons réalisé une « tournée » chacun avec Mr Fiaux, en plus d'une tournée réalisée avec Mme Favre par deux d'entre nous. Nous tenons cependant à préciser que les contacts avec nos interlocuteurs policiers sont également constitués de plusieurs entretiens et de rencontres sur le terrain. 7 « Annexe A: Considérations méthodologiques et épistémologiques » in Rapport Anim’action, p.1. 6 1. 2. Quartier, qualité de vie, et objet de recherche « La qualité de vie dans votre quartier vous tient à coeur? Cela tombe bien, à nous aussi !» (nous soulignons)8. Le projet Anim’action repose sur des notions dont il est nécessaire de questionner le sens et la pertinence. Selon Gérard Althabe, l’ethnologue doit se garder de délimiter définitivement un objet de connaissance sur lequel il va fonder son investigation du réel (1990 : 2). Au contraire, la tâche de l’ethnologie est de se questionner en permanence sur sa perspective et sur les concepts utilisés pour interpréter une situation sociale. En prenant pour objet de recherche l’impact de « la police de proximité sur la qualité de vie dans un quartier » sans interroger la pertinence de concepts énoncés comme opératoires, l’entreprise ethnologique risquait de relever de la « fiction » (Althabe 1990 : 2). Notre enquête de terrain s’est donc révélée être un délicat travail d’équilibriste, compris entre la volonté de répondre aux attentes programmatiques des mandataires et la rigueur épistémologique qui fonde la légitimité de la discipline anthropologique. Cette démarche impliquait « d’accueillir et d’accepter un décalage entre l’existence politique et sociale de notre objet (formulée par notre commanditaire et/ou nos informateurs) et son existence sociologique ou ethnographique »9. Mais ce questionnement comportait en soi le risque de rendre nos analyses hyper-réflexives, compromettant ainsi l’objectivation de nos résultats en « thèmes prioritaires ». Il est ainsi apparu au cours du terrain une distinction manifeste entre le quartier « institué » et le quartier « vécu » par les différents usagers du territoire. Prenant la mesure des diverses représentations territoriales que les habitants avaient de leurs propres lieux de vie et d’activités, nos interrogations ont paru suffisamment pertinentes pour mener le groupe pilote du projet à renommer l’un des quartiers (Pierre-à-Bot) en plusieurs entités territoriales10. La rigueur de nos investigations a été ici la condition pour que les mandataires puissent entreprendre une telle remise en question, transcendant son aspect problématique au niveau logistique. 1. 3 Restitution Dans l’optique d’un dispositif de « démocratie participative » qui caractérisait le projet, les résultats de notre enquête se devaient de refléter le point de vue des habitants. Cette « représentativité » présentait un point essentiel pour le bon déroulement des séances de travail finales, durant lesquelles nous étions invités à restituer les résultats de nos recherches. Les consignes pour le travail de terrain distribuées lors du séminaire soulignaient dès le départ cette difficulté : « La Ville attend de nous que nous découvrions et donnions une forme aux représentations de la qualité de vie dans [un] quartier […]. Dès lors, nous devons tout mettre en œuvre pour répondre aux attentes de la Ville sans dénaturer les principes de base de l’anthropologie »11. Partant, comment mettre en forme (en texte) un savoir ethnographique qui soit à la fois conforme aux impératifs fondateurs de la discipline, et également accessible à des non-initiés? La question de la lisibilité du texte anthropologique pose immanquablement celle des destinataires, dont la qualité et l’affluence hypothétique étaient en partie fondées sur notre « propagande » de terrain. La nécessité d’effectuer une « traduction » de nos textes a 8 Voir Flyer Anim'action. Rapport Anim’action, p. 2. 10 Ces nouvelles entités ont étés dénommées selon les appellations que leur donnaient les habitants, à savoir « Puit Godet », « Quatre-Ministraux », Denis-de-Rougemont », « Acacias » et «Verger Rond ». 11 Debary, Octave, Hertz, Ellen, Consignes pour le travail de terrain, document distribué lors du séminaire « Méthodes et terrains », 2006-2007. 9 7 été relevée lors des séances de travail intermédiaires. Les partenaires du projet, soulignant la rigueur universitaire de notre langage, s’inquiétaient de la possibilité pour les auditeurs de comprendre nos présentations12. Si, a posteriori, on peut considérer que ces exercices de restitution ont été plutôt « réussis »13 du point de vue des mandataires, l’élaboration de leurs formes a fait l’objet de vifs débats internes. L’enjeu de cette interrogation sur la forme du texte anthropologique doit permettre de dépasser la dichotomie entre la « tour d’ivoire » et la « grande prostitution » que Roger Bastide présente comme un risque pour l’anthropologie (cité in : Chauvier 2004 : 70). Selon l'anthropologue Marc Henry Piault, les conditions d’appropriation du savoir anthropologique dépendent des modalités d’accès aux résultats de la recherche, dont la forme relève de la responsabilité du chercheur14. Pour Irène Bellier, l’anthropologue doit construire sa position d’enquête, d’analyse et de restitution dans le cadre d’un dialogue dont les fondements varient selon que les interlocuteurs disposent des moyens de comprendre l’espace théorique et culturel dans lequel il s’inscrit (2002 : 60). Alban Bensa souligne que le mot même de restitution est inadéquat: « pour qu’il y ait restitution, il faut qu’il y ait eu vol qualifié. Il ne s’agit pas de restitution, mais de partenariat respectueux, de la marge de liberté du chercheur et du droit de regard des pouvoirs locaux, qui doivent pouvoir s’approprier le savoir produit »15. Finalement, il convient de produire un texte rigoureux, dont les conclusions ne mettent pas l’ethnologue en porte-à-faux avec luimême et avec la déontologie de sa discipline, mais dont la forme peut faire l’objet de sélections et d’une « traduction » qui conviennent au contexte. Dès lors, ce qui importe n’est plus seulement le contenu du texte, mais l’effet qu’il produit sur l’auditoire au travers de la mise en problématique de l’ordinaire des enquêtés (Chauvier 2004 :98). 2. Posture de recherche sur le terrain 2. 1. Distance et participation De manière générale, l’emploi de la démarche ethnologique en dehors du cadre académique reconduit la question de son utilité et des conditions de son utilisation. La restitution de nos résultats a fait émerger une interrogation fondamentale de la recherche en anthropologie: celle de la posture du chercheur sur son terrain, qui s’inscrit en l’occurrence dans un projet d’action publique faisant appel à des dispositifs de « démocratie participative ». Le Rapport note ainsi que « nous nous trouvions souvent pris par un sentiment d’inconfort, lié à nos responsabilités et à nos engagements envers la Ville et le sentiment que seule une certaine ethnologie (un peu trop lisse, un peu trop « positivée » à notre goût, otage d’une logique de la représentativité) répondrait aux attentes de la commande »16. L’intérêt d’une interrogation 12 Olivier Arni affirmait ainsi que nous n’avions pas besoin de légitimer notre rigueur scientifique par un langage académique spécifique, cette légitimité étant déjà acquise de fait. Plusieurs termes ont ainsi été écarté, parmi lesquels on peut relever « posture », « pluralité sémantique ». Notes prises lors de la séance de travail du 21 décembre 2006. 13 Les critères de « réussite » étaient d'emblée formulés par le prospectus d'invitation: former des groupes de travail pour approfondir les « thèmes prioritaires » dégagés par nos travaux et formuler des propositions de projets concrets. 14 Piault, Marc-Henry, in : Journal des Anthropologues, 1992, p. 39 15 Bensa, Alban, in in : Journal des Anthropologues, 1992, p. 45 16 « Annexe A », Rapport Anim’action, p. 3 8 a posteriori sur notre posture de terrain n’a pas pour ambition d’opposer l’« idéal type » de la recherche ethnologique face à notre premier « bricolage » de terrain. Pour la plupart d’entre nous, cette enquête était d’ailleurs la première de type ethnographique et représentait un cadre idéal du point de vue pédagogique. Il s’agit bien plus de tenter de résoudre, à l’aide de travaux plus théoriques proposés par la littérature anthropologique, le malaise issu d’un terrain si spécifique L’anthropologie urbaine, faisant preuve d’une réflexivité nécessaire à sa légitimité, a clairement remis en question la prétendue « objectivité » du chercheur, fondée sur une conception positiviste des sciences sociales (Ghasarian 2002 : 10-11). Il est dorénavant admis que l’ethnologue est « un acteur du jeu social indigène: dès son arrivée il est impliqué, le plus souvent à son insu, dans un réseau d’alliance et d’opposition » (Althabe 1990 : 2). Selon Gérard Althabe, l’enquête de terrain, animée par un projet analytique qui va orienter la collecte et l’interprétation des informations, se déploie à l’intérieur de l’« échange ordinaire » entre l’ethnologue et ses interlocuteurs. C’est l’introduction d’une « distance » au sein de ce « dialogue ordinaire » qui permet à l’ethnologue de livrer une « connaissance intérieure » du monde social observé (Althabe 1990 : 3). L’édification de cette « distance » s’établit selon lui à travers un processus « fondateur », qui constitue le point de départ de la démarche ethnologique. Ce processus impose à l’ethnologue de définir sa propre position de manière claire (Althabe 1990 : 3). Il est acteur certes, mais doit poser un regard extérieur sur une situation sociale donnée. Cependant, comment articuler une posture de recherche anthropologique dès lors que nous étions impliqués sur le terrain dans une entreprise visant à « encourager un engagement actif de la part des habitants »17, endossant le rôle d’acteurs clés dans la réussite du projet18? Enfin, en tant que médiateur entre les habitants et les autorités, comment le chercheur affronte-t-il son « instrumentalisation »19 inévitable? Notre intégration au projet Anim’action en qualité d’ethnologues a eu pour première conséquence que notre légitimité sur le terrain n’a pas fait l’objet de remises en cause régulières. Le fait de participer concrètement au déroulement du projet a surtout permis de dépasser l’« extériorité radicale» entre l’ethnologue et son terrain: notre posture relevait ainsi le plus souvent du rôle de « participant comme observateur » (Ghasarian 20002 : 9). Il convient ici de préciser que cette notion de « participation » renvoie tant à l’engagement de l’ethnologue pour une cause (l’ « amélioration de la qualité de vie » prônée par Anim’action) qu’à une participation régulière aux activités des personnes étudiées, qui englobent au sens large nos interactions avec les clients de M. Fiaux, nos passages dans les bistrots en compagnie ou non du policier, notre présence à une séance de conciliation dans les immeubles 30-32 Pierre-à-Bot, etc. La légitimité résultant de cette « participation » a permis l’accès à des terrains initialement difficiles d’accès à la recherche universitaire, débloquant dans notre cas, grâce à des appuis institutionnels, les verrous d’un « terrain fermé » comme l’institution policière. Lors des « tournées » en compagnie du policier, celui-ci a pu parfois nous présenter à ses « clients » comme des « collègues » 17 Nous renvoyons ici à la définition de la notion de démocratie participative proposée dans le rapport, p. 8. Nous renvoyons également le lecteur à la IIIe partie de ce présent travail. 18 Nous nous permettons ici de mentionner le souvenir du fabuleux briefing de Christian Willhem (Radix) lors de la présentation initiale du projet Anim'action à l'Institut d'ethnologie le jeudi 9 novembre 2006. 19 Les consignes proposaient d’éviter, dans un premier temps, d’aborder le programme d’Anim’action afin de « différer le moment (certes inévitable) où les personnes interviewées nous instrumentaliseront pour faire connaître leurs doléances et mettre la pression sur la Ville sur tel ou tel point ». Debary, Octave, Hertz, Ellen, Consignes pour le travail de terrain, distribuées lors de « Methodes et terrains – séminaire III », 2006-2007, p.2 9 chargés de présenter un projet de la municipalité. 2. 2. L’« émotion » du terrain et l’éthique de la recherche sous mandat Cependant, le malaise résultant de notre double posture – ethnologue/ « participant impliqué» – n’a été résolu, si il l’a jamais été, qu’au prix d’une grande réflexivité. La demande sociale et les attentes qui en résultent ont fait apparaître la difficulté d’appréhender l’« émotion » procurée et vécue sur le terrain. Dans ce contexte particulier où l’ethnologue est particulièrement impliqué dans son terrain, le « conflit existentiel entre bonne conscience (celle du savant) et mauvaise conscience (celle du témoin indiscret) » relève d’une situation où la subjectivité du chercheur peut s’avérer problématique (Ghasarian 2002 : 11). Dans notre cas, le choix même de la police comme objet de recherche relève d’un défi à notre propre subjectivité. Tous trois amis de longues dates, nos opinions politiques sont plutôt marquées par une certaine réserve à l’égard des activités policières20. Nous avons donc dû effectuer un premier travail de distanciation afin de dépasser nos a priori négatifs concernant l’institution policière. Au cours du terrain, les émotions suscitées d’une part par les sujets de l’étude et également par le contexte politiquement « sensible »21 dans lequel s’insérait cette recherche sur la police ont probablement été décisives quant à l’interprétation de nos données. Ce type d’expériences de terrain renvoie aux questionnements réflexifs posés par l’anthropologie finalisée en entreprise. Dans ce type de « professionnalisation » de la discipline, les enjeux résultants de l’utilisation du savoir ethnologique dépassent le cadre académique classique. Les conséquences (positives ou négatives) de la restitution des résultats pour les interlocuteurs observés sont bien réelles, reconduisant une interrogation éthique à propos de l’incidence du travail de l’anthropologue. Ces considérations déontologiques soulèvent les questions de la politique de la recherche, de la place de l’enquêteur dans la structure de pouvoir que représentent les mandataires et de l’impact social de la recherche. « Dans la relation triangulaire entre les sujets de l’étude, les commanditaires de l’étude et la communauté scientifique, l’ethnologue est ainsi pris entre ses devoirs moraux, personnels et professionnels » (Erikson et Ghasarian 2002 : 136). L’émotion du terrain, voire la culpabilité, ont ainsi pu accabler certains d’entre nous au point de questionner la valeur et la pertinence même de notre travail22. Christian Ghasarian remarque cependant que le chercheur ne sort pas indemne de son terrain, de quelque nature qu’il soit (2002 : 134). En admettant, selon la proposition d’Irène Bellier, que le terrain ne constitue pas « un dispositif expérimental depuis lequel l’anthropologie extrait une preuve de ce qu’il avance, mais un espace d’interactions mouvantes sur le plan temporel entre observateurs et observés » (2002 : 46), il convient dès lors de comprendre les émotions nées de l’enquête afin de les intégrer dans notre recherche. Cette démarche consiste pour le chercheur à éviter la naïveté d’une prétendue objectivité en développant une réfléxivité permettant ce que Pierre Bourdieu appelle l’« objectivation participante », c’est-à-dire « l’objectivation du rapport subjectif du chercheur à son objet » (cité in : Ghasarian 2002 : 12). Cette tension entre vue du dedans (insider) et vue du dehors 20 Il faut ainsi signaler que nous partageons un passé militant commun dans des mouvements issus de la mouvance dite « altermondialiste », traditionnellement marqué par une critique des pratiques policières. 21 A ce sujet voir intra pp. 11-12 et p. 26. 22 Nous ne citerons pas ici de cas particuliers, mais nous nous permettons cependant de mentionner la discussion qui s’est déroulée lors séance de séminaire du 31/05/07 à propos de la forme du rapport. Cette interaction a notamment mis en lumière la difficulté pour certainEs d’articuler le rapport entre posture ethnologique, participation à un projet d’action publique et utilité/utilisation du savoir ethnographique. 10 (outsider) est en réalité intrinsèque à la pratique de l’observation participante, et ne se résout que par un travail de réflexivité de l’ethnologue face à son terrain, lui permettant de comprendre les enjeux liés à sa présence (Ghasarian 2002 : 10). Pour Eric Chauvier, réaliser une « anthropologie impliquée » qui s’assume doit ainsi relever de l’ « exploitation heuristique des effets de la présence de l’anthropologue dans le réseau de son enquête » (2002 : 15). La question de l’utilité du savoir anthropologique reste cependant, dans l’absolu, plus problématique: Jean Copans se demande si le savoir doit être utile, et si la réponse est positive, comment et à quel prix (nous soulignons)23? 3. La police comme terrain Les recherches en sciences sociales qui se donnent comme objectif d’étudier l’institution policière, peu nombreuses en sociologie24 et rares en ethnologie25, se heurtent d’emblée à l’inaccessibilité d’un « terrain fermé ». L’institution policière, centralisée et hiérarchisée par excellence, contrôle strictement toute intrusion dans ses services par le biais d’autorisations délivrée par une autorité compétente (Monjardet 1997 : 216). En outre, les coulisses de l’activité policière restent un domaine « sensible », où la mise en lumière de certaines pratiques par les médias fait souvent l’objet de scandales politiques locaux. Insérée dans un contexte plus global – celui de la « gouvernementalité »26 foucaldienne des collectivités locales, la légitimité de la police dans son rôle d’instrument de pouvoir relève d’enjeux éminemment politiques, qui ne supportent pas de remises en cause frontales. Dans notre cas, la facilité d’accès à l’institution policière nous semble relever du contexte politique neuchâtelois actuel: la police de proximité, instituée depuis le 1er janvier 2006, se trouve dans une période d’essai27. L’étude de l’impact des policiers de proximité sur la « qualité de vie » de deux quartiers s’avère donc être intéressante pour les collectivités locales, mais relève également d’un pari risqué. L’embarras causé par un désaveu, même partiel, des pratiques et de l’organisation du nouveau service aurait eu des répercutions directes sur l’ensemble des partenaires politiques engagés dans un processus complexe. Notre terrain a ainsi été ponctué de remises à niveau, durant lesquels nos interlocuteurs policiers nous faisaient clairement comprendre que notre étude portait sur un sujet « sensible ». Lors de notre premier entretien au poste de police avec le caporal Fiaux, nous avons d’emblée ressenti une certaine méfiance à notre égard. Suite à cet entretien, le policier nous avoue dans une discussion informelle à la cafétéria du poste de police qu’il est plus facile de dialoguer avec un caïd de 16 ans qui fait du rentre dedans qu’avec un universitaire. Si on dit aux étudiants que pour aller du point A au point B ils doivent emprunter tel chemin, ils vont 23 Question posée par Jean Copans lors de la table ronde in : Journal des Anthropologues, 1992, p. 47. Voir bibliographie Pruvost, 2007 : 131-148. 25 Voir bibliographie Jeanjean, 1991 : 79-89. 26 Michel Foucault définit la gouvernementalité comme « un ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d’exercer cette forme spécifique, quoique très complexe de pouvoir qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l’économie politique, pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité_ » (cité in : Foucault, Michel, 2004, Sécurité, Territoire, Population, Cours au Collège de France 1977-1978, Paris, Gallimard, p.655). 27 A ce propos, voir intra p. 14. 24 11 forcément en emprunter un autre et tenter de prouver que leur chemin est le meilleur28. La méfiance, voir l’hostilité, d’un corps professionnel à l’égard d’un chercheur venu « expertiser » ses pratiques n’est pas propre aux policiers. Dominique Monjardet note « qu’aucun groupe professionnel n’est spontanément porté à s’ouvrir à une investigation externe, indépendante et approfondie, et que lorsqu’il y est amené (ou contraint), la recherche est d’ordinaire saisie comme enjeu, parmi bien d’autres, des conflits internes » (1997 : 220). En clarifiant dès le départ sa position et son projet de connaissance, l’ethnologue peut tenter d’instaurer une relation de confiance avec ses interlocuteurs, condition primordiale au bon déroulement de l’enquête. Une fois informé sur les particularités et les finalités de notre discipline et après s’être définitivement assuré que nous n’appartenions pas au corps journalistique (dont il se méfiait tout particulièrement), le caporal Fiaux a ainsi fait preuve d’une cordialité et d’une loquacité à notre égard dépassant toutes nos espérances. Cependant, ce dernier n’a pas manqué de nous rappeler régulièrement les impératifs de sa profession, notamment au lendemain du bilan de la première année de la police de proximité, qui a malencontreusement coïncidé avec un épisode problématique survenu à la fin décembre 2006. Lors d’une séance de travail intermédiaire, les étudiants chargés d’effectuer une recherche sur la police de proximité du quartier de Serrières ont effectué une présentation qui ne correspondait manifestement pas aux attentes de Mme Bavaud, adjointe du directeur politique de la police de Neuchâtel, générant dès lors une certaine tension29. Le policier Fiaux nous a par la suite indiqué que la confiance n’était pas « rompue » mais que nous devions lui envoyer la version finale de notre travail avant la restitution, ceci afin de procéder à une vérification des « détails techniques »30. Les stratégies d’insertion et la relative confiance établie avec les interlocuteurs ne résolvent pas la posture malaisée du chercheur en « terrain policier ». Les policiers se trouvent dans la situation délicate d’avoir accès à une quantité de récit personnels, concernant souvent des sujets « sensibles » à la limite de la légalité, sans avoir la possibilité de les restituer de manière désintéressée sans menacer leur carrière professionnelle (Pruvost 2007 : 136). Devoir de confidentialité oblige, le chercheur s’engage sur le terrain à s’afficher le moins possible comme un observateur. Notre première expérience de terrain est ainsi marquée par une adaptation extrême au contexte: nous nous dirigeons vers la loge du concierge de « DDR » [Denis-de-Rougemont] située côté rue Pierreà-Bot, en face des terrains de sport. Sur le chemin, le policier Fiaux marche vite, parle tout aussi vite et regarde évasivement aux alentours. Cela n’a rien d’une promenade mais ressemble plutôt à une intervention. Fiaux me dit qu’il vient aux nouvelles et me glisse : « on est bien d’accord, tous ce qui va se dire est confidentiel ». Pour ces raisons et également en raison du fait que je rencontre les informateurs pour la première fois en compagnie d’un policier dans l’exercice de ses fonctions, j’ai jugé impossible de sortir mon carnet de notes lors des différentes interactions31. 28 Note de terrain du 15.11.2006 29 A ce propos, voir intra p. 26 prises lors d'un entretien avec le caporal Fiaux au poste de police de Neuchâtel. 30 Demande que nous avons acceptée, estimant notre travail suffisamment rigoureux pour ne pas poser de problèmes particuliers. 31 Notes de terrain prise lors de la première tournée effectuée en compagnie de Fiaux le 23.11.2006. 12 4. Délimitation du champ de recherche Réaliser une ethnographie du rapport entre la police de proximité – en tant qu’institution – et les habitants d’un quartier – en tant que population – fait également apparaître la difficulté de la délimitation d’un « objet de connaissance ». D’emblée nous sommes confrontés à l’étude d’un objet qui est présenté comme cohérent mais dont l’existence même est relative à l’ « opération qui consiste à isoler une sphère du symbolique qui posséderait en elle ses règles de fonctionnement, une logique propre dont le chercheur va rendre compte»32. La tâche de l’anthropologue face à une situation sociale est de questionner en permanence la pertinence de ses outils d’analyse ainsi que sa perspective d’approche. On constate dès lors que la notion d’ « institution », à l’instar de celle de « quartier », ne se présente pas comme un système symbolique et social autonome. « La tâche de l’anthropologue consiste précisément à déconstruire ce qui se donne comme institution, écrit Marc Abélés, ajoutant que l’institution, loin d’être traitée comme une structure formelle, doit être pensée comme un espace de confrontation entre des représentations: dans cet espace se croisent des trajectoires en quête de pouvoir » (1995 : 83). L’appareil policier, présenté régulièrement par les collectivités publiques comme jouissant d’une autonomie « insulaire » (Monjardet 1997 : 222), est en réalité fortement inséré dans un environnement social et politique local. Selon Dominique Monjardet, le système policier n’apparaît donc pas comme un objet de recherche isolable, mais est au contraire travaillé par les réseaux de relation et l’« environnement (local, social, politique, normatif, culturel) dans lesquels il s’inscrit » (1997 : 221). Paradoxalement, nous avons constaté dès lors que si la désignation d’un objet aussi clair (rapport institution-habitant) semblait au premier abord faciliter la délimitation d’un « objet de connaissance » et le lien entre les données et l’analyse théorique, la pratique du terrain a fait apparaître la complexité d’une institution souvent présentée comme autonome. Nous avons vu émerger, au cours de notre recherche, de nouvelles approches théoriques possibles. Notre objectif initial, celui d’évaluer l’apport de la police de proximité à la qualité de vie d’un quartier, a paru progressivement trop restreint pour restituer la complexité de l’imbrication des différentes logiques mises en œuvre durant notre enquête. La suite de notre travail tentera donc de présenter nos données de terrains selon une approche plus globale qui prend en compte le nouveau paradigme dans lequel s’inscrit la police de proximité. De là, la démarche réflexive nous conduira dans la troisième partie vers un questionnement des logiques politiques du projet au sein duquel notre enquête s’est déployée. 32 G. Althabe in Vers une ethnologie du présent, sous la direction de G. Althabe, D. Fabre et de G. Lenclud, Paris, MSH, 1992 : 256-257. Cité in « Annexe A », Rapport Anim’action, p. 2 13 II. Les implications politiques, institutionnelles et locales de la création d’un poste de policier de proximité dans le quartier de Pierre-à-Bot En examinant les données relevées sur notre terrain de Pierre-à-Bot entre novembre 2006 et mars 2007, nous allons tenter de rendre compte des implications de la création d’un poste de policier de proximité aux niveaux politique, institutionnel et « local »33. Nous mettrons en évidence les logiques politiques auxquelles répond cette création et quels sont ses enjeux face à la demande sociale de sécurité. Puis, nous donnerons un aperçu de certaines conséquences internes que revêt cette nouvelle fonction de l’institution policière, centrée sur la prévention et la proximité. Par la suite, nous exposerons comment le policier de proximité légitime sa présence dans le quartier de Pierre-à-Bot en construisant de la proximité ainsi que de la confiance avec les habitants. Enfin, il conviendra d’analyser son rôle dans le projet Anim’Action et les similitudes de leurs démarches respectives concernant la consultation des citoyens. Au préalable, il nous paraît important d’évoquer le fait que le service de police de proximité a débuté dans ses fonctions le 1er janvier 2006. Ce service est, par conséquent, tout à fait nouveau. Les policiers sortent d’une année d’essai et sont dans une situation d’expectative concernant le futur de leur poste. Ainsi, même si plusieurs d’entre eux nous ont régulièrement affirmé que le travail ne manquait pas34, il nous semble qu’ils se trouvent face à l’obligation de prouver leur légitimité et les résultats de leur action aux niveaux de l’institution policière et des habitants du secteur dans lequel ils opèrent. 1. Proximité et prévention, quels enjeux pour l’action des autorités ? « Instrument de la force dans des sociétés qui se fondent sur la prohibition de la force » (Monjardet 1996 : 19), la police représente, selon Dominique Monjardet, « le monopole revendiqué par l’Etat de l’usage légitime de la force physique pour servir, appliquer les lois et maintenir l’ordre » (1996 : 281). Maurice Chalom, directeur des affaires interculturelles à la ville de Montréal, et Luce Léonard ajoutent « qu’elle est un service public devant satisfaire aux intérêts de la collectivité et qu’elle a pour mandat d’assurer la sécurité, l’application des lois, la protection des citoyens et de leurs biens et la poursuite des délinquants en justice » (2001 : 141). Cependant, ces auteurs constatent que, à force d’avoir privilégié la grande criminalité, les institutions de contrôle social se trouvent démunies face à la petite délinquance de rue, qui est encore négligée ou est abordée avec des méthodes répressives peu adaptées. Selon Maurice Chalom et Luce Léonard, cette situation impliquerait « une intensification, dans la population, du sentiment d’insécurité et une croissance de la peur du crime conjuguée avec une perte de crédibilité et de légitimité des institutions de maintien de l’ordre » (2001 : 17). Les incivilités et les désordres pourraient être expliqués par « la 33 Ce terme fait référence au secteur nord, dont s’occupe M. Fiaux, et plus particulièrement au quartier administratif de Pierre-à-Bot. 34 Entretiens du 15.11.2006 et du 02.02.2007 avec M. Fiaux et du 19.12.2006 avec Mme Favre. 14 disparition des relations de proximité, l’effacement des comportements de solidarité et de vigilance communautaire qui jouaient un rôle essentiel dans l’équilibre et la régulation des rapports sociaux dans les quartiers » (Chalom et Léonard 2001 : 16). Sophie Body-Gendrot nous indique « qu’il en résulte ainsi un sentiment collectif d’une détérioration de la vie collective et que, face à l’impuissance institutionnelle à la freiner, un sentiment d’insécurité s’empare des discours d’une partie de la population » (Body-Gendrot 2000 : 199). Dès lors, Maurice Chalom et Luce Léonard affirment que « face aux transformations de la cellule familiale, à la marginalité d’une population toujours plus jeune et à la délinquance juvénile, l’Etat et sa police sont appelés plus que jamais à tenter d’élaborer une réponse adéquate à la demande sociale de sécurité » (2001 : 16). Il est intéressant de constater que la Ville de Neuchâtel a procédé depuis 2001, à des tentatives de transformation progressive du rôle et des missions assignées à la police, dont les conséquences sont la création d’une brigade urbaine, active dans le centre ville depuis plus de cinq ans, et les créations plus récentes d’une police de proximité, qui couvre depuis le 1er janvier 2006 tout le territoire de la ville, séparée en quatre secteurs, ainsi que d’un poste de médiateur, depuis le 1er janvier 2007. Mme Bavaud nous a également fait remarquer que « les feux bleus, les policiers normaux, procèdent eux-aussi à des missions intercalaires entre les interventions, se transformant en policier de proximité dans le centre ville et entrant en contact, dans la majeure partie des cas, avec les commerçants »35. Selon elle, la police de proximité « doit être plus proche du citoyen », c’est-à-dire qu’elle a « une autre mission que l’intervention et la répression, missions dévolues à police secours ». Elle « fait de la prévention »36. L’action policière semble redéfinir certaines de ses priorités dans le cadre municipal neuchâtelois, et cette redéfinition manifeste la volonté politique de reprise de contact entre les policiers et la population dans son ensemble. Il est possible que ce processus résulte de la constatation, exprimée par Dominique Monjardet, que la police quotidienne avait auparavant perdu toute permanence dans l’espace public. De ce fait, précise-t-il, elle avait « abandonné les interactions élémentaires qui nouent une relation de présence/confiance entre un territoire, sa population et sa police, qui, elle, s’était concentrée sur l’activité répressive » (2001 : 9). Partant de la réflexion de Sophie Body-Gendrot, pour laquelle « les enjeux liés à la sécurité touchent à la confiance qu’une société a en elle-même et en ses dirigeants pour affronter les défis présents et futurs » (2000 : 194), nous reprenons l’idée, développée par Maurice Chalom et Luce Léonard, qu’il s’agirait de « combiner plus efficacement la répression et la prévention » – car une police plus proche du citoyen ne signifie pas l’exclusion de toute notion de répression 37 – , « de manière à les renforcer l’une par l’autre, dans le but d’accroître la légitimité de l’institution policière et de démontrer la capacité des autorités à faire baisser le sentiment d’insécurité » (2001 : 67). Les vives réactions de Mme Bavaud concernant la présentation du service de police de proximité, lors des séances de répétition précédant les séances publiques de Serrières et de Pierre-à-Bot, pourraient du reste être l’illustration de cette volonté de bien exposer à la population le fonctionnement et les buts de ce nouveau service de police, afin de le légitimer en même temps que l’action des autorités municipales. 35 Entretien du 08.12.2006 avec Mme Bavaud. Entretien du 08.12.2006 avec Mme Bavaud. 37 Entretiens du 19.12.2006 avec Mme Favre et du 02.02.2007 avec M. Fiaux. 36 15 2. Les implications d’un service de proximité au sein de l’institution policière, entre changements et difficultés Il nous semble que cette nouvelle fonction de l’institution policière, centrée sur la prévention de la criminalité et la sécurité des citoyens, remet en question le modèle traditionnel répressif de la police, peu efficace, selon Dominique Monjardet, pour faire diminuer les incivilités et les désordres (1996). Maurice Chalom et Luce Léonard expliquent que « cette extension du mandat de la police, appelée à pratiquer désormais des modes d’interventions étrangers au maintien de l’ordre et à la répression du crime, ainsi que le partenariat entre la police et les citoyens vont à l’encontre du traitement habituellement réactif et répressif des incidents, tâche supposée principale, sinon exclusive, selon les policiers eux-mêmes » (2001 : 79). De plus, poursuit Maurice Chalom, « l’évaluation de l’efficacité de la police de proximité est faite en fonction du sentiment de sécurité des citoyens et de la qualité des relations avec la collectivité, plutôt qu’en fonction des taux de solution de la criminalité » (1993 : 158). Face à ces remises en question des stratégies policières de lutte contre la criminalité, se met en place, selon Pierre Favre, « une dévalorisation à l’interne du travail de proximité et de prévention par rapport à ce qui est encore perçu comme le cœur du métier policier, la guerre contre le crime » (1999 : 761). On s’aperçoit donc que, dans les cas français et canadien, l’apparition d’un service de police de proximité et d’une nouvelle façon d’aborder les problèmes d’insécurité ont pu créer des tensions au sein de l’institution policière, la profession policière considérant massivement, comme le précise Dominique Monjardet, « le retour à une fonction plus préventive comme une inadmissible régression » (2001 : 9). A Neuchâtel, « les policiers de proximité étaient volontaires, mais déjà engagés au sein de la police»38. Ils ont donc été formés à l’interne. Lors d’un entretien avec le médiateur de la police, Mr Falquet, celuici a exprimé le fait que l’équipe de proximité et lui-même étaient perçus comme des « extraterrestres39 » par leurs collègues. De par leur position généralement à l’écart du travail d’intervention et basée sur la prévention, les policiers de proximité doivent donc affronter des doutes sur leur légitimité aussi bien à l’intérieur de l’institution policière qu’à l’extérieur. Et le principal obstacle auquel se heurtent les policiers de proximité à Neuchâtel, et que l’on retrouve dans les contextes français et canadien (Monjardet 1996 ; Chalom et Léonard 2001), s’avère être l’évaluation de leur travail. En effet, comme la proximité implique une disponibilité à long terme et s’appuie sur des relations de confiance souvent informelles, il est difficile d’en mesurer l’efficacité en termes de lutte contre les incivilités ou de maintien de la sécurité. Au bénéfice d’une relation de confiance avec « le commandant », leur supérieur et unique répondant au sein de l’institution, et d’une relative liberté d’action sur le terrain, les policiers de proximité gèrent et priorisent eux-mêmes leur emploi du temps quotidien40. En fin d’année, ils sont chargés de remettre au commandant un rapport d’activité, en procédant à leur propre évaluation, à la suite duquel ils définissent ensembles les stratégies pour l’année suivante41. Après plus d’une année sur le terrain, il arrive désormais que les policiers de proximité soient consultés 38 Entretien du 08.12.2006 avec Mme Bavaud. Entretien du 18.01.2007 avec M. Falquet. 40 Tournée du 01.12.2006 avec M. Fiaux et entretien du 19.12.2006 avec Mme Favre. 41 Tournée du 01.12.2006 avec M. Fiaux et entretien du 19.12.2006 avec Mme Favre. 39 16 par leurs collègues « de l’intervention », au sujet « de certains cas42 ». Ceci pourrait donc illustrer le fait que leur travail commence à être reconnu à l’interne et qu’ils commencent à être considérés comme des relais d’informations. Mais qu’en est-il de cette reconnaissance à l’intérieur des secteurs dans lequel ils opèrent ? 3. Comment légitimer la présence quotidienne de la police dans le quartier de Pierre-à-Bot ? Notre première vision de la police sur le terrain de Pierre-à-Bot s’est déroulée le 16 novembre 2006 lorsque, discutant avec deux employées d’une entreprise de location de voitures, nous avons vu descendre deux policiers d’une voiture « 117 police secours ». Ceux-ci commencèrent à amender certaines voitures parquées dans le chemin du Puits-Godet puis repartirent rapidement. L’unique réflexion de nos deux interlocutrices, marquée par l’exaspération, fut la suivante : « Ils ont rien d’autre à foutre ces cons-là ». Suite à cette épisode et à l’impression dégagée de la part de ces deux personnes que la police était présente dans le quartier pour procéder à un maintien de l’ordre très procédurier et non pas pour servir les besoins de la population, il nous a semblé important de poursuivre nos recherches sur la perception de la police par la population du quartier. Nous avons ainsi pu nous questionner sur le peu de contact des habitants avec l’institution policière, police de proximité comprise. Mais nous avons également élargi ce questionnement jusqu’à l’évaluation des actions policières par la population et de leurs conséquences sur son environnement. Il convient de rappeler, à cet effet, que le service de proximité a démarré depuis un peu plus d’une année et que, selon le caporal Fiaux, seule présence policière quotidienne dans le quartier de Pierre-à-Bot, « il est difficile d’être connu de tous les habitants », malgré le fait qu’il ait mené « plus de 900 entretiens en 2006 »43. L’enjeu, entourant cette présence et sa reconnaissance par la population, est loin d’être anodin. Selon Maurice Chalom et Luce Léonard, « pour que la population continue à faire confiance à l’institution policière et que celle-ci retrouve sa légitimité, le policier de proximité se doit d’être plus proche des citoyens et à l’écoute de la demande sociale » (2001 : 100). Ils précisent que « la police doit, en effet, prendre sérieusement en compte la façon dont la population définit ses propres problèmes, à la fois parce que cela favorise une relation utile ave celle-ci mais également, parce que cela permet d’obtenir des informations sans lesquelles elle ne peut travailler avec efficacité » (2001 : 113). Le policier de proximité doit ainsi « bien connaître son secteur ainsi que les personnes qui l’habitent »44. Etant familier avec la zone qui lui a été impartie, cette connaissance doit, selon Maurice Chalom et Luce Léonard, « favoriser sa capacité à comprendre les problèmes et son aptitude à collaborer avec les personnesressources existant dans le secteur » (2001 : 122). « Cette attitude proactive, et non plus réactive, de la police confirme une stratégie de prévision et d’anticipation, mais inclue également la consultation et la participation de la collectivité » (Chalom et Léonard 2001 : 115). 42 Entretien du 02.02.2007 avec M. Fiaux. Tournée du 07.12.2006 avec M. Fiaux. 44 Tournée du 23.11.2006 avec M. Fiaux. 43 17 La construction de la proximité est un corollaire de cette attitude proactive et signifie que les policiers de proximité doivent être immédiatement identifiables et visibles dans leur rôle professionnel. Cette visibilité se manifeste notamment par l’uniforme, par le type de déplacement choisi (à pied), dans la perspective d’être accessibles et disponibles à la population du quartier, par un comportement censé montrer l’exemple et représenter des personnes rassurantes et stables, et, dans une moindre mesure, par une visibilité médiatique. Par ailleurs, le travail des policiers de proximité se base sur l’élaboration d’un réseau de personnes avec lesquelles se construit une relation de confiance. La bonne connaissance du terrain et « des trucs à savoir pour gagner la confiance »45 est fondamentale dans cette perspective, qui souligne une nouvelle fois la nécessité d’une disponibilité à long terme du policier vis-à-vis de ses « clients »46. En sollicitant le dialogue, les policiers de proximité créent un réseau réunissant sur le long terme des personnes impliquées localement, dont le but vise à améliorer la communication entre la police et la population. Malgré une visibilité quotidienne affichée et les échos positifs que nous avons pu recueillir, lors de nos divers entretiens, sur l’accessibilité et sur le travail de prévention et de communication effectué par le policier de proximité, deux intervenants du quartier ont publiquement remis en cause sa présence au cours de la séance publique de Pierre-à-Bot du 14 mars 2007. Ces derniers affirmaient que le quartier n’avait pas besoin d’un policier, jugeaient sa présence et son action inutiles et laissaient entendre qu’ils étaient capables de s’occuper eux-mêmes de l’insécurité à Pierre-à-Bot. Le phénomène de « contestation » de la police de proximité, par ailleurs très faible, contraste dans le cas présent avec l’espace de communication et de dialogue nouvellement mis en place entre la police et la population, incarné en la personne du policier de proximité, et au sein duquel certains habitants peuvent notamment exprimer leurs doutes sur l’efficacité des actions policières dans leur environnement. Dominique Monjardet rappelle à cet effet que « l’on ne peut pas assigner aux stratégies de police de proximité un effet positif mesurable sur le niveau de la délinquance, mais que l’on peut noter le plus souvent une amélioration sensible des relations entre la police et la population » (1996 : 254). Ayant pu suivre le policier de proximité dans son secteur à plusieurs reprises, nous pouvons mettre en avant le fait que sa démarche principale sur le terrain vise à améliorer la communication entre la police et la population. 4. La police de proximité dans le projet Anim’Action L’évocation de cette séance publique nous permet de rebondir sur le rôle et l’implication du policier de proximité au sein du projet Anim’Action. Ou plutôt faudrait-il mentionner son absence. En effet, hormis avec Mme Bavaud, qui représente l’Observatoire de la sécurité et de la cohésion sociale et ne se trouve jamais sur le terrain, il semble que les responsables d’Anim’Action n’aient d’autres contacts avec le policier de proximité que des contacts officiels comme lors de la restitution. Il nous faut préciser, par 45 46 Tournée du 23.11.2007 avec M. Fiaux. Entretien du 15.11.2007 avec M. Fiaux. 18 ailleurs, qu’aucune des deux parties ne semble vouloir changer cet état de fait. Or, de par sa fonction qui vise « à prendre contact avec la population au sujet des nuisances qui gâchent la vie d’un quartier », dans le but d’établir « un climat de confiance pour désamorcer les conflits lorsqu’ils sont encore petits »47, ce dernier participerait, en collaboration avec les habitants du quartier, à l’amélioration de la qualité de vie, prônée dans le cadre d’Anim’Action. Cette absence de collaboration peut ainsi prêter à questionnement, car la police de proximité prétend, à travers le développement de contacts durables au sein de la population de Pierre-à-Bot, participer à l’élaboration d’une cohésion sociale, recherchée par le projet Anim’Action. En tentant de rendre compte des implications politiques, institutionnelles et locales de la création d’un poste de policier de proximité dans le cadre municipal neuchâtelois, nous avons mis en évidence le changement de paradigme de l’institution policière. Son passage à une police qui se base sur la prévention et la proximité s’exprime par la sollicitation et la consultation de la population. Cependant, cette tentative de retrouver sa légitimité sociale et la confiance des habitants qu’elle est censée protéger résulte avant tout d’une décision politique. Cette volonté d’embellir l’image de la police expose au grand jour la nécessité pour les autorités municipales d’améliorer également la communication et leur perception par leurs administrés. Ainsi, de la même façon que l’action policière gagne en crédit et en légitimité à travers la consultation des citoyens, les autorités municipales mettent en place, notamment à travers des projets comme Anim’Action ou l’Observatoire sur la sécurité et la cohésion sociale, des processus devant légitimer leur prise en compte des besoins et des soucis de la population. Et pour mieux comprendre comment ces processus se construisent et sont légitimés politiquement, il convient de sortir de Pierre-à-Bot, d’élargir le spectre et de mettre en évidence les enjeux présents dans le projet Anim’Action. 47 Entretien du 15.11.2006 avec M. Fiaux 19 III. Réflexivité, expertises et rapports de pouvoir : les enjeux du projet Anim’Action Les dynamiques qui ont mené à la création de la police de proximité et les logiques politiques qui la dirigent montrent des similitudes avec une transition d’ordre plus général de la démocratie contemporaine. En effet, ce que nous avons examiné dans la section précédente reflète la tendance actuelle des politiques – et donc de la police de proximité – à consulter davantage les citoyens, à les rendre acteurs de la prise de décision. Partant, nous tenterons dans cette section de comprendre de manière plus détaillée comment les nouveaux enjeux de l’action publique ont influencé la mise en place du projet Anim’Action. Mais auparavant, il nous paraît important d’interroger les principes théoriques sur lesquels ce dernier s’appuie. 1. « Vous / nous »48 : Un projet de conjugaison La qualité de la vie dans votre quartier vous tient à cœur ? Cela tombe bien, à nous aussi ! C’est même l’une des priorités de notre action politique. Alors, […] nous vous invitons vivement à prendre une part active dans le projet Anim’Action (nous soulignons)49. C’est en ces termes que Daniel Perdrizat invite la population à participer « activement » au projet Anim’Action, lequel vise à améliorer la qualité de vie dans les quartiers, objectif décrit comme l’une des « priorités de [l’] action politique » de la Ville. Cependant, la consultation des citoyens et la participation qui leur est demandée, n’émanent pas en premier lieu de la politique du Conseil communal, ni du projet Anim’Action. Celui-ci « ne tombe pas du ciel: il s'inscrit dans le cadre d'une démarche initiée en l'an 2000 lorsque la Ville de Neuchâtel, en se dotant d'un Agenda 21 local, s'est engagée à placer l'ensemble de son action politique sous le signe du développement durable »50. Selon Nathalie Holec (2003 : 53), chargée de mission dans une association de développement durable à Paris, « le principe du développement durable [est que] l’initiative et le projet doivent venir d’en bas, des acteurs de terrain et non être imposés d’en haut, de l’Etat notamment ». Cependant, dans le contexte neuchâtelois, les « acteurs de terrain » dont parle Holec ne désignent pas uniquement la Commune de Neuchâtel et les diverses instances publiques qui composent ce qui est nommé ici « le bas » (services sociaux, animateurs du Centre de Loisirs, police de proximité, etc.). En effet, selon l’Agenda 21 local neuchâtelois, qui constitue la base du projet Anim’Action, « on constate aujourd’hui un décalage entre collectivités publiques et citoyens, notamment en matière de participation à la vie politique, d’aménagement du territoire, etc. ». Partant, l’objectif consiste à « favoriser la concertation entre les habitants et les autorités communales, entre le citoyen et le politique » (Ville de 48 En couverture de la brochure d’information du projet Anim’Action. Daniel Perdrizat, Conseiller communal de la Ville de Neuchâtel. Citation tirée de la brochure d’information du projet Anim’Action. 50 Extrait de l’historique du projet Anim’Action consultable sur [http://www.neuchatelville.ch/animaction]. 49 20 Neuchâtel 2000 : 59). Selon Holec, « L’originalité de la démarche [Agenda 21] tient au fait qu’elle donne la parole aux habitants et les rend acteurs du développement de leur territoire » (2003 : 53). Ainsi faut-il comprendre que la participation citoyenne constitue un véritable enjeu pour la gouvernabilité locale contemporaine telle que la conçoivent les promoteurs des Agendas 21 et donc du projet Anim’Action qui en constitue une manifestation concrète. Pour nous permettre de retomber sur nos pattes, il convient de redonner la parole au Conseiller communal pour saisir l’esprit du projet Anim’Action : Nous avons […] la conviction que c’est dans le dialogue avec la population et avec sa participation active que les autorités et l’administration pourront le mieux et donc le plus durablement œuvrer à l’amélioration de la qualité de la vie ainsi qu’au renforcement de la cohésion sociale dans notre ville51. La « cohésion sociale » mentionnée ici rappelle « la qualité du “vivre ensemble” » que le postulat du groupe socialiste de septembre 2004, défini comme « l’impulsion décisive »52 du projet, se propose de développer et d’améliorer à travers la création d’associations socioculturelles ou de quartier53. Dans le but de saisir au mieux les enjeux que la collaboration entre citoyens et autorités implique et de quelle manière cette collaboration s’articule, il convient désormais de porter un regard anthropologique plus large sur les dynamiques de la démocratie contemporaine. Un tel changement de focale n’était pas inscrit à notre cahier des charges. En effet, comme nous l’avons démontré dans la première section de ce travail, le mandat auquel a répondu l’Institut d’Ethnologie stipule que « [l]es entretiens [menés par les étudiants] ont pour but de dégager des usages de l’espace urbain et communautaire et des attentes des habitants liées à la vie sociale dans leurs quartiers » (Art. 2)54. La demande consistait donc à mener un terrain d’anthropologie urbaine « classique ». Mais la tâche des étudiants ne pouvait se résumer à cela, l’enjeu consistait également – et surtout – à comprendre les motivations politiques d’une telle demande. Autrement dit, il nous était impossible de répondre à celle-ci sans entreprendre en parallèle l’ethnographie du projet lui-même, dont nous proposons quelques résultats ci-dessous. 51 Daniel Perdrizat, ibid. Historique du projet Anim’Action, cf. note 3. 53 Le postulat du groupe socialiste est disponible sur le site du projet Anim’Action : [http://www.neuchatelville.ch/animaction]. 54 Convention du 15 mai 2006 entre la Ville de Neuchâtel et l’Institut d’ethnologie, citée dans le Rapport Anim’action, p. 1. 52 21 2. Débats en ébat 2. 1 Les transformations de l’action publique… Le projet Anim’Action de par son instigation politique (Conseil communal) s’apparente à un projet d’action publique, notion que Michel Peroni distingue des « politiques publiques » en ce que les « problèmes » sociaux ne sont pas définis par les instances politiques, mais bien socialement construits et donc énonçant « une problématicité inhérente à l’action en question » (Peroni 1993 : 7). La publicité de l’action, ajoute-t-il, en fait un type spécifique d’action qui l’amène à se demander « si la gestion du cadre ne devient pas plus importante que celle du problème » (8). Nous reviendrons sur ce point ultérieurement. L’action publique peut donc être définie comme une action sans agent, ou plus exactement une action dont les agents peuvent être quelconques (9), mais dont la condition est « la mise en place de dispositifs de publicisation selon le modèle délibératif du débat public » (10). Cette définition nous semble cependant insuffisante. Encore faut-il préciser ce que signifie ce « débat public », notion fondamentale pour saisir les enjeux du projet Anim’Action. En effet, ce n’est que récemment que ce débat inclut la voix des citoyens « quelconques ». Le débat à proprement parler, nous dit Thierry Paquot (2000 : 9), a longtemps confronté le chercheur universitaire et le praticien uniquement : « A partir des années soixante, l’université fabrique des “spécialistes” qui viennent rejoindre les ingénieurs des Ponts, les architectes plus ou moins autoproclamés “urbanistes”, les énarques et autres hauts fonctionnaires de l’Etat, dans les agences d’urbanisme, les commissions du Plan, les jeunes établissements publics d’aménagement des villes nouvelles, etc. ». Cette collaboration forme ce que Peroni nomme la « communauté des experts » ; elle propose un débat sur des questions posées par la société mais auxquelles elle ne sait pas – ou du moins juge-t-on qu’elle ne sait pas répondre. Selon ce modèle, la population est considérée comme n’ayant pas les compétences pour agir sur son environnement. Il s’agit là de la forme technocratique de la prise décision, modèle rationnel s’il en est et qui a dominé les interventions d’action publique depuis les années 1960. Ce modèle a été remis en question en premier lieu par les mouvements sociaux, écologistes et féministes notamment, dans les années 1970-80. Ces derniers s’opposaient aux logiques technocratiques de la démocratie. Le traditionnel « magister dixit » évoqué par Fischer (1990) à propos des autorités autoproclamées propriétaires et administratrices du savoir a par la suite été critiqué par les sciences sociales en la personne d’Habermas notamment, dont les travaux ont mis en évidence les limites du concept de rationalité. Suite à ces travaux, « s’impose l’idée […] que peuvent s’opposer, au cœur de l’action publique, différents modèles de rationalité » (Cantelli [et al.] 2006 : 10). Depuis les années 1990, le pilotage de l’action public s’inscrit dans un processus que Fabrizio Cantelli (2006 : 10) dit être signifié par « le glissement terminologique que l’on constate aujourd’hui dans les sciences sociales du concept de “rationalisation” vers celui de “réflexivité” […] ». En effet, les récentes politiques d’action publique se caractérisent par l’entrée en scène de nouveaux acteurs qui revendiquent d’être pris en compte dans les processus de décision. La réflexivité implique davantage de remise en question, de consultation, de négociation et donc de débat. Pour Michel Callon (2001 : 142) « le mouvement général 22 est celui d’une nécessaire collaboration entre les deux formes d’investigation [scientifique et « profane »], au moment de la formulation des problèmes, au moment de la constitution du collectif de recherche, au moment de la transposition finale ». Le débat public contemporain n’exclut pas l’expert ni le praticien, loin de là, mais il intègre désormais la voix des acteurs locaux, y compris parfois celle des citoyens. L’action publique voit ainsi les subjectivités légitimes se multiplier et les savoirs se diversifier. En résulte par conséquent une grande complexité, due entre autres à la reconfiguration de l’expertise, qui ne correspond plus à la figure du technocrate, mais prend des formes plurielles. Nous approfondirons la question de l’expertise dans le chapitre suivant. Néanmoins, nous pouvons clore ce chapitre en émettant l’hypothèse que l’éclatement de l’expertise favorise le débat tel qu’Albert Ogien (1993 : 248), prolongeant l’ « espace public » d’Habermas, le définit ; il insiste sur « l’instauration d’un bien commun entre individus dotés d’identiques capacités de rationalité et placés dans un même rapport d’intersubjectivité gageant leur disposition à parvenir au consensus au moyen de la discussion ». Après avoir passé en revue le processus de transformation du modèle rationnel au modèle réflexif qui caractérise l’action publique et cerné ce que signifie la notion de « débat public », il nous incombe désormais de questionner la mise en œuvre du projet Anim’Action afin de déterminer si celle-ci s’inscrit dans le processus évoqué ici. Le cas échéant, de quelle manière cette mise en œuvre s’articule-t-elle ? 2.2 … S’appliquent-elles à Anim’Action ? Le projet Anim’Action, tel que les étudiants ont pu l’aborder, présente-t-il des éléments permettant de l’inscrire au sein de l’approche réflexive de l’action publique ? Nous tâcherons de répondre à cette question à l’aide de quelques éléments recueillis sur notre terrain. La présentation de Monsieur Wilhelm, mandaté au nom de Radix par Promotion Santé Suisse pour développer le projet national « Qualité de vie dans les communes », à l’Institut d’ethnologie, nous permet en partie de répondre à cette interrogation. Il y a annoncé que son action était basée sur la notion d’empowerment, notion qu’il a définie comme une action portée par la population et encadrée par des professionnels : « Les professionnels encouragent, accompagnent et soutiennent des processus d’empowerment »55. Il faut lire dans ceci la volonté de faire directement participer la population à la réalisation du projet Anim’Action. Pour Fischer (1990), le concept d’empowerment se réfère au processus politique procurant aux citoyens les ressources nécessaires afin de prendre des décisions adaptées à leurs besoins et de réaliser leurs buts. Si l’on en croit cette définition, les autorités politiques n’auraient pour rôle que de supporter les décisions de la population, de fixer un cadre au sein duquel le débat participatif prend forme. Cela sous-entend-il que sans un tel cadrage, les débats ne pourraient pas avoir lieu spontanément, ou du moins qu’ils ne seraient pas forcément reconnus comme tels ? Les deux séances publiques de Serrières et de Pierre-à-Bot, dont on peut se demander si elles constituent ce qu’Andrea Cornwall Vera Coelho (2007) nomment les « new democratic arenas » au sens où la décentralisation extrême qui les caractérise redéfinit la citoyenneté, les pratiques et les significations de la participation démocratique, s’avèrent révélatrices du cadrage évoqué ci-dessus. Nous ne retiendrons que deux éléments. Premièrement, l’introduction de Daniel Perdrizat aux deux séances exprimait par 55 Présentation de Monsieur Wilhelm à l’IE le 9 novembre 2006. 23 une métaphore sur les « sociétés » (de pêche, de sport, etc.), la volonté de voir tout un chacun participer à la constitution d’un « nous » commun dans lequel tout individu se engagerait de manière responsable. Deuxièmement, les présentations des étudiants ont été dans les deux situations, suivies par ce que le projet a nommé la phase de « dialogue », qui consistait à réunir les propos de la population56 afin de créer des groupes de travail. Ces échanges étaient encadrés par les deux animateurs du Centre de Loisirs mais aucunement dirigés. Aucun jugement n’était porté sur le contenu des discours, que ce soit de la part des animateurs, du Conseiller communal ou encore des étudiants ; tout sans exception a été soigneusement relevé sur les tableaux. Ce fait nous renvoie au début de ce chapitre, où Michel Peroni se demandait « si la gestion du cadre ne devient pas plus importante que celle du problème » ou pour le dire autrement, si le processus de prise de décision n’est pas en fin de compte plus important que la décision elle-même. Dans cette optique, le résultat ne semble pas devoir suivre une ligne idéologique et/ou politique mais aboutir après un processus de délibération participative et de discussion. Les résultats seront « imparfaits » aux yeux de l’autorité politique mais seront – selon la rhétorique du moins – le produit d’un travail délibératif et équitable. Les ambitions premières des Agendas 21, telles que les décrit Nathalie Holec (2003 : 52), font apparaître de manière évidente que la mise en place d’un projet tel qu’Anim’Action n’est pas destinée à produire des résultats prévus à l’avance, mais davantage des résultats issus d’un processus participatif spécifique : « L’Agenda 21 local est avant tout un processus. Le résultat – le plan d’action lui-même – importe moins que la dynamique de progrès et d’amélioration continue dans laquelle la collectivité locale s’engage, quel que soit son état au départ ». Au vu de ce qui précède, peut-on véritablement parler de débat ? Entre citoyens peut-être, mais entre citoyens et encadreurs, rien n’est moins sûr. Sans pouvoir répondre à cette question, nous pouvons toutefois nous demander si le processus d’Anim’Action ne dénote pas tout de même une forme de pouvoir à une échelle différente. Offrir un espace ponctuel de délibération « populaire » tel que le déroulement du projet Anim’Action le propose ne revient-il pas à nier toute autre forme de décision prise en dehors de ce cadre ? Et en fin de compte, la sphère participative, en définissant au préalable l’espace, le temps, le langage, etc., ne reflète-t-elle pas autant l’exercice d’un certain contrôle que les modèles rationnels d’action publique57 ? Nous reviendrons brièvement sur ces questions lorsque nous évoquerons les enjeux qui sous-tendent la multiplication d’acteurs impliqués dans un tel projet. Mais il convient en premier lieu, de décrire la diversité de regards qui caractérise Anim’Action. 3. Enjeux et rapports de pouvoir 56 Suite aux conclusions de nos études, l’unicité de la population que semblent souhaiter les instigateurs du projet Anim’Action se doit d’être relativisée. 57 Pour davantage de détails sur la normativité des « espaces publics » et le contrôle de l’information, cf. OGIEN (1993). 24 3.1 Acteurs, points de vue, subjectivités Nous l’avons vu précédemment, le modèle réflexif de l’action public dans lequel s’inscrit le projet Anim’Action fait participer davantage des citoyens qui revendiquent aujourd’hui leur contre-expertise ou leur propre expertise, basée sur l’expérience et le vécu. Entre l’état libéral et l’état-providence, se situe le citoyen-acteur participant aux débats le concernant en mettant en avant ses compétences cognitives. Mais les citoyens ne sont pas les seuls à réclamer leur part de gâteau, bien qu’une place importante leur ait été dévolue dans le projet. D’autres acteurs sont impliqués dans une collaboration inédite qui mène à une pluralité de productions de savoirs légitimes. Parmi ceux-ci, ne citons que les plus importants : les animateurs du Centre de loisirs, Promotion Santé Suisse, Radix, les politiques (Conseil communal), les associations de quartier, la police (de proximité), ainsi que nous autres, étudiants et professeurs de l’Institut d’ethnologie. Dans une moindre mesure, nous pouvons encore mentionner les médias, qui participent à ce que Peroni a nommé la publicisation de l’action publique. Il va de soi que chacun de ces acteurs possède et produit un savoir particulier, un point de vue et une subjectivité propre, sans oublier que chacun à intérêt de manière différente à participer à ce projet. Malheureusement, même si nous ne pourrons qu’effleurer les visions et les intérêts de ces acteurs, il nous semble néanmoins important de souligner l’hétérogénéité qui caractérise le projet dont il est ici question, une hétérogénéité involontaire mais inévitable, donnant lieu à quelques tensions que nous tâcherons de développer à présent. Celles-ci sont certes multiples et nous avons dû opérer un choix. Nous avons préféré évoquer celles où nous-mêmes étions impliqués, ainsi que celles concernant l’objet de notre terrain : l’institution policière. Il est à noter que ce choix n’est nullement exhaustif, mais qu’il représente ce qui nous a le plus poussé à la réflexion lors du terrain. 3.2 Les enjeux d’une collaboration originale Les tensions que sous-tend la collaboration d’autant d’acteurs différents sont loin de constituer un problème pour l’anthropologie. Bien au contraire, elles révèlent la complexité de la réalité empirique, trop souvent occultée par les instigateurs de projets. En effet, notre étude a révélé un décalage entre la réalité telle qu’elle est perçue par les commanditaires de la demande adressées à l’IE (quartiers homogènes, identité commune, problèmes, volonté d’améliorer la qualité de vie) et la « réalité » ethnographique telle que les étudiants l’ont perçue (opinions hétérogènes, points de vue, interactions) dont la mise en évidence n’a été possible que par le biais d’une présence intensive sur le terrain. Une première tension, qui résulte de cette différence, peut-être résumée par le propos d’Octave Debary qui en s’adressant aux instigateurs du projet leur reprochait de vouloir « faire exister ce qui sur le terrain a du mal à exister », ce à quoi Olivier Arni du Centre de Loisirs répondait : « on s’est un peu plantés, on pensait que Pierre-à-Bot était le terme adapté »58. A l’homogénéité voulue par Anim’Action (un quartier, une population, une identité, un projet), les étudiants ont non sans mal opposé l’hétérogénéité observée sur le terrain. 58 Ces propos ont été tenus à l’IE le 11 janvier 2007, lors de la première présentation consacrée à Pierre-à-Bot. 25 Une autre tension a particulièrement retenu notre attention car elle concerne l’institution policière. Cette dernière, par le port de l’uniforme et la mise en place d’une hiérarchie propre, exprime la volonté d’effacer la personnalité de ses membres derrière la représentation de son autorité. L’ethnologie quant à elle vise précisément à décrypter l’uniformité apparente dans le but de mettre en évidence les représentations individuelles. A ce titre et malgré la courte durée de notre étude de terrain, nous avons pu constater qu’au sein même de la police de proximité, les opinions et conceptions du métier ou des partenaires professionnels peuvent fortement diverger. Chacun de nos interlocuteurs a fait montre de points de vue propres ; ce constat nous a été utile pour comprendre de quelle manière les policiers se représentent leur travail. Le fait d’avoir mené à plusieurs reprises et de manière intensive des entretiens et des observations en compagnie de chaque policier, nous a permis d’aborder non seulement la pratique professionnelle, mais également des aspects « extérieurs » au cadre de la police. Nous sommes obligés de relativiser l’extériorité de ces aspects, car il nous paraît que l’identité des policiers que nous avons pu rencontrer se construit tout autant durant la pratique quotidienne du travail de policier de proximité, qu’en « dehors ». Avec honnêteté, nous devons reconnaître que nous avons été les premiers surpris de cette hétérogénéité entre les policiers, révélée par notre terrain. Nous pensions en effet aborder une institution homogène et non des personnalités hétérogènes. En fin de compte, comme nous le démontrions dans la première partie, les policiers de proximité ne font pas partie d’une institution cloisonnée et refermée sur elle-même, mais sont partie intégrante de réseaux sociaux variés. La deuxième surprise est venue lorsque cette hétérogénéité a été évoquée lors de la présentation par les étudiants des premières conclusions sur Serrières le 21 décembre 200659. La réaction de Mme Bavaud, adjointe de la direction politique de la police, dénote la volonté de montrer les membres de l’institution policière de manière uniforme : « on connaît jusqu’à la couleur des chaussettes de Monsieur Maraldi ; ce que le policier de proximité pense n’est pas utile pour mener des actions dans un quartier. » Nous pouvons aisément déduire de ceci que la Direction politique de la police souhaitait que les étudiants mènent une étude sur la police, mais surtout pas sur les policiers. Son intérêt consistait à voir se réaliser un travail sur le sentiment d’insécurité et constatant que le résultat ne suivait pas la direction désirée, elle a été jusqu’à menacer de retirer la police de la suite du projet Anim’Action. Le retour sur le terrain, comme il a été évoqué dans la première partie, ne s’est pas fait sans difficultés. Que pouvons-nous déduire de cette tension survenue entre l’institution policière et les étudiants si l’on se réfère à la pluralisation des subjectivités légitimes invoquée plus haut ? La cohabitation de l’expertise et du débat sont-elles toujours possibles ? Il nous semble qu’au sein d’un projet d’action publique tel qu’Anim’Action, la confluence des points de vue et des méthodes connaisse parfois quelques obstacles. Ces obstacles sont à analyser à la lumière de rapports de pouvoirs au sein d’une sphère participative. Qui a intérêt à quoi ? Qui n’a pas intérêt à ce que tel ou tel autre sujet soit débattu ? Dans d’autres cas, il peut paraître que la sphère participative serve de levier à des formes d’exclusion du débat. L’affirmation du politologue Gilles Pinson (2003 : 53) selon laquelle « les dispositifs interactionnistes et délibératifs dans l’action publique urbaine ne sont […] pas exempts de logiques d’exclusion et de domination politique » semble se vérifier dans l’exemple que nous allons décrire à présent. 26 La mise en place d’un projet tel qu’Anim’Action peut court-circuiter des modes d’organisation en place au préalable. C’est ce qui semble se produire avec l’Association de Quartier-Serrières Bouge (AQSB). Le projet semble en effet marcher en quelque sorte sur les plates bandes de l’association, qui poursuit des objectifs similaires à ceux proposés par Anim’Action : sur son site internet elle se positionne « pour une meilleure qualité de vie à Serrières »60. Toutefois, cette communauté d’intérêt n’est pas sans faille, un point de discorde oppose l’AQSB à la Ville de Neuchâtel dans l’affaire des transformations censées avoir lieu à Tivoli, contre lesquelles l’association a fait parvenir des interpellations au Grand Conseil et au Conseil Général. Sans oser nous risquer davantage dans ce conflit d’intérêts car il ne faisait pas directement l’objet de notre étude de terrain, nous pouvons toutefois émettre l’hypothèse qu’Anim’Action constitue un moyen de mettre l’AQSB à l’écart. 4. Représentation et rapports sociaux Dans cette section, nous avons tenté de démontrer que les projets d’action publique se caractérisent par une plus grande participation des citoyens ou de ce que certains nomment la « société civile » (Cornwall et al. 2007). Les tensions qui opposaient les théoriciens aux praticiens se complexifient encore avec l’arrivée au sein de la « sphère publique » définie par Habermas (Fraser 1993) des citoyens, jusqu’alors considérés comme ignorants. On assiste à une redéfinition du rôle de l’expertise. L’expert prend la forme du citoyen, de l’étudiant, du policier, etc. Ce phénomène fait éclater le concept de la rationalité et force les autorités politiques à faire preuve d’une plus grande réflexivité. L’action publique et c’est le cas d’Anim’Action, vise davantage à encadrer un processus délibératif qu’à diriger de manière technocratique la finalisation du projet. Cette ambition constitue la clé de voûte des Agendas 21 dont celui de Neuchâtel et cela en dépit des risques que cela implique. A ce propos, Albert Ogien évoque « les résultats catastrophiques que l’on peut […] attendre [du fait de favoriser le processus au détriment du résultat] : la décision irrationnelle contre le meilleur choix » (1993 : 259-260). L’éclatement de la figure experte et la revendication de participer à la prise de décision formulée par une pluralité d’acteurs amènent quantités de tensions dont nous avons présenté un échantillon dans le chapitre précédent. La citation de Gilles Pinson sur laquelle nous avons clos ce chapitre sur les enjeux et les tensions que sous-tend la mise en commun de points de vue et d’approches divers au sein d’un même projet d’action publique, nous permet de conclure notre entreprise de compréhension des logiques politiques dans lesquelles s’inscrit le projet Anim’Action. En effet, les sphères où se prennent les décisions ont beau paraître participatives, elles n’en éliminent pas davantage les rapports de pouvoir inhérents à tout processus politique. C’est en partie le fait d’avoir négligé ces rapports (de classe notamment) que Nancy Fraser reproche à Habermas (1993). Par ailleurs, même au sein d’un espace participatif se pose la question de la représentation. Qui – et pourquoi – représente tel groupe ? Comment se joue la représentation ? Comment s’exercent les rapports de pouvoir ? Andrea Cornwall et Vera Coelho indiquent par exemple que ces nouvelles sphères participatives, décrites comme des intermédiaires entre l’état et la société, ne sont pas épargnées par les 60 http://www.aqsb.ch/Introduction.htm 27 divisions hiérarchiques telles que les rapports sociaux de sexe par exemple. En conséquence, comment la redéfinition de la prise de décision politique au sein d’espaces délibératifs tels qu’Anim’Action influence-t-elle et redéfinit-elle les rapports sociaux ? 28 Conclusion L’enjeu de ce travail consistait donc à entreprendre un travail d’écriture en vue de se distancier suffisamment de notre présence sur le terrain, ainsi que de notre implication au sein du projet Anim’Action. Cette mise à distance s’est avérée être la condition nécéssaire pour comprendre les enjeux liés à notre présence et assumer notre posture anthropologique sur le terrain. Nous avons tenté, dans la première partie, de mettre en évidence les enjeux intrinsèques de l’ethnologie sous mandat. Ceux-ci évoqués, il convenait alors de nous focaliser, dans la deuxième partie, sur l’objet même de notre recherche, à savoir la police de proximité neuchâteloise. Nous avons ainsi tenté de démontrer que ce nouveau service répondait à un besoin de légitimation de l’action des collectivités publiques auprès des citoyens, dont le principe repose davantage dans une action policière réflexive que répressive. En élargissant la focale, nous avons pu constater, dans la troisième partie, que les logiques participatives dans lesquelles s’inscrit le travail de proximité de la police neuchâteloise présentaient des similitudes avec les dynamiques contemporaines de la gouvernabilité et de l’action publique. Cette dernière est passée, et Anim’Action en fournit un exemple représentatif, d’un modèle rationnel et technocratique à un modèle réflexif et participatif. Les résultats issus de cette recherche nous ont ainsi permis d’entamer une réflexion sur notre expérience de terrain et sur la logique dans laquelle s’inscrivait cette collaboration. Cependant, celle-ci nous laisse un léger goût d’amertume quant à l’évaluation du service de proximité, et ce pour des raisons à la fois exogènes et endogènes à notre rôle d’observateur. Nos premières frustrations émanent du manque de temps qui a marqué cette recherche. Elles ne sont pas tant dues à la brièveté de nos observations sur le terrain et à la pression des échéances fixées par le calendrier, qu’à la nature même de notre objet d’étude. Le fait que le service de police de proximité soit dans une période d’essai nous a empêchés de constater son évolution et les potentiels changements d’orientation qu’induisent les auto-évaluations constantes auxquelles se soumettent les policiers de proximité. Le manque de temps nous a également amenés à écarter de nos analyses d’éventuels points problématiques concernant le fonctionnement du service de proximité. Cette incapacité à formuler des critiques questionne notre rôle dans ce projet. En raison même du contexte dans lequel s’est inscrite cette recherche, nous n’avons pas pu, ou su, nous ménager une distance permettant une lecture plus critique de ce nouveau service. Le Rapport fait donc état d’un service de proximité qui « favorise la discussion et le dialogue avec la population », […] constituant ainsi un relais entre la population et les divers organismes de la ville »61. En somme, notre travail présente une image idyllique d’un service adapté aux mutations urbaines de la ville. Mais qu’en est-il des contradictions au sein de ce nouveau service ? Quelle est la marge de différence entre le discours de nos interlocuteurs policiers et la pratique à long terme d’un nouveau type de maintien de l’ordre ? La réflexivité de la police de proximité dénote-t-elle véritablement un changement de paradigme impliquant une consultation effective de la population ou relève-t-elle d’un alibi censé fonder une nouvelle légitimité politique ? Pour répondre à ces questions, et afin de procéder à une analyse libérée 61 « Annexe C » in Rapport Anim’Action, p. 6 29 de toutes contraintes extérieures et rendant compte du changement à terme, il conviendrait donc de retourner sur le terrain. Cependant, regretter l’orientation de notre travail en raison du fait que le Rapport procède quasiment à une apologie de la police de proximité reviendrait à nier la richesse de notre rencontre avec le policier de proximité du secteur nord et la réelle implication de ce dernier dans son travail. Ce projet nous a permis de rencontrer et, progressivement, d’établir un lien presque amical avec une personne dont tout semblait nous séparer. Et même si les débuts furent marqués par un apprivoisement progressif et que certaines mises au point furent réaffirmées tout au long du terrain, M. Fiaux nous a toujours intégrés, et même plus que de rigueur, à sa réalité professionnelle quotidienne. Nos adieux furent emprunts à la fois de convivialité et de solennité, rappellant que nous avions fait là une vraie rencontre. Il n’en reste pas moins que notre recherche au sein du projet Anim’Action nous a mis au contact d’une réalité de terrain complexe et dans laquelle nous avons évolué avec plaisir, tout en essayant d’y faire preuve du moins de naïveté possible. Les vifs débats et dialogues qui ont émaillés nos tables rondes internes resteront des souvenirs importants, et auront démontré l’hétérogénéité sans cesse affirmée et renégociée de notre petite collectivité. 30 Bibliographie ABELES, Marc 1995 – « Pour une anthropologie des institutions » in L'Homme – vol. 35 – nº 135 – pp. 65-85. ALTHABE, Gerard 1990 – « Ethnologie du contemporain et enquêtes de terrain » in Terrain – nº14 – [En ligne : http://terrain.revues.org/document2976.html]. BELLIER, Irène 2002 – « Du lointain au proche. Réflexions sur le passage d'un terrain exotique au terrain des institutions politiques » in : Christian GHASARIAN (dir.), De l'ethnographie à l'anthropologie réflexive – Paris – Armand Colin – pp. 45-63. 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