Rapport sur le Racisme anti-Noir en Suisse 2000 à 2014

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Rapport sur le Racisme anti-Noir en Suisse 2000 à 2014
CRAN
CARREFOUR DE RÉFLEXION ET D’ACTION CONTRE LE RACISME ANTI-NOIR
Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse
Case postale 251 - CH-3000 Berne 7
2015-2024 - DÉCENNIE INTERNATIONALE DES PERSONNES D'ASCENDANCE AFRICAINE
Rapport sur le
Racisme anti-Noir
en Suisse
2000 à 2014
ACTUALITÉ DU RACISME ANTI-NOIR ET ACTIONS DU CRAN
Berne - 2015
.
Editeur :
CRAN
Case postale 251
CH-3000 Berne 7
IBAN : CH86 0900 0000 3051 4517 5
CCP : 30-514517-5
Comité d’édition :
VILLOZ-MUAMBA Félicienne Lusamba (Présidente du CRAN), Bienne
LOEMBE André (Vice-Président en charge de la Suisse alémanique), Fribourg
SALAH Johannes (Vice-Président en charge de la Suisse romande), La-Chaux-de-Fonds
MUTOMBO Kanyana (Secrétaire général), Genève
FRÖHLICHER-STINES Carmel (Déléguée pour la Suisse alémanique), Zürich
TICKLE Rebecca (Déléguée pour la Suisse romande), Lausanne
ESSAMA Auguste (Délégué auprès des institutions internationales), Fribourg
SONKO Papa Moustapha (Délégué suppléant auprès des institutions internationales), Genève
Infographie :
LOEMBE André
Ont contribué à la recherche de données et à la rédaction :
ESSAMA Auguste, LOEMBE André, MBOMIO Bacheng Joaquin, SCHMIDT Sophie, TOKPA Gérôme (20022006)
Editeur exécutif, rédacteur principal, graphisme, mise en page :
MUTOMBO Kanyana
© Berne, Juillet 2015
N.B. - Ce Rapport sur le Racisme anti-Noir en Suisse 2002-2014 peut également être consulté sur www.cran.ch)
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CRAN
CARREFOUR DE RÉFLEXION ET D’ACTION CONTRE LE RACISME ANTI-NOIR
Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse
Case postale 251 - CH-3000 Berne 7
DÉCENNIE INTERNATIONALE DES PERSONNES D'ASCENDANCE AFRICAINE
-
2015-2024 .
Rapport sur le
Racisme anti-Noir
en Suisse
2000 - 2014
ACTUALITÉ DU RACISME ANTI-NOIR - ACTIONS DU CRAN
Berne - 2015
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TABLE DES MATIÈRES
4
INTRODUCTION
14
PREMIÈRE PARTIE : ACTUALITÉ DU RACISME ANTI-NOIR EN SUISSE
15
Chapitre 1 : Enquête sur le racisme anti-Noir en Suisse 2000-2003
23
Chapitre 2 : Faits marquants d’actualité sur le Racisme anti-Noir
100
Chapitre 3 : Témoignages sur le racisme anti-Noir
164
Chapitre 4 : Observations générales
171
DEUXIÈME PARTIE : ACTUALITÉ DE L’ACTION DU CRAN
172
Chapitre 1 : Actions diverses et majeures du CRAN
181
Chapitre 2 : Prises de position du CRAN
275
CONCLUSION GÉNÉRALE
284
BIBLIOGRAPHIE
Page 4
INTRODUCTION
La non-considération du Noir en Suisse
ou l’injuste retour des choses
C
e Rapport sur le racisme anti-Noir en Suisse est le premier du genre sur autant d’années1. Prévu au
départ pour être publié en 2012 afin de marquer les dix ans de la création du CRAN, il revêt
aujourd’hui deux traits symboliques majeurs. Ce double trait est lié à une année 2015, celle de sa
parution, qui représente pour les personnes d’origine africaine une importance historique singulière.
Premièrement. L’année 2015 est en effet celle qui débute la « Décennie internationale des Personnes
d’acsendance africaine »2, décidée en 2014 par l’Assemblée générale de l’ONU en faveur de ceux qui sont
également appelés Afro-Descendants. Cette Décennie constitue une des mises en oeuvre majeures des
recommandations émanant de la Déclaration et du Programme d’Action adoptés en 2001, à Durban
(Afrique du Sud), par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et
l’Intolérance qui y est associée, et émanant également de la Convention Internationale sur l’Elimination de
toutes les formes de Discrimination Raciale (CERD). Dans chaque pays membre de l’ONU, des
manifestations et réalisations diverses devraient ponctuer cette Décennie.
Membre de l’ONU et pleinement partie prenante du Processus de Durban, la Suisse participera donc à cette
dynamique, de manière officielle et par sa société civile. A cet égard, le CRAN, seule organisation antiraciste
issue des communautés d’origine africaine à l’échelle de toute la Suisse, a prévu quelques activités :
-
l’organisation en avril 2015 des « 2des Assises sur le racisme anti-Noir en Suisse », 15 ans après les
premières Assises (2001) qui décidèrent de la création d’une organisation spécifiquement centrée sur le
racisme anti-Noir, une occasion pour faire un bilan de 15 ans de lutte contre le racisme anti-Noir en Suisse,
à l’aide notamment du présent Rapport ;
-
l’organisation, à partir de janvier 2015, d’une « Enquête sur le racisme anti-Noir en Suisse », dont les
premiers résultats seront présentés lors des Assises du mois d’avril ;
-
l’organisation en 2016 de la « 2de Conférence européenne contre le racisme anti-Noir », 10 ans après la
première organisée également par le CRAN à Genève en 2006, avec la participation d’organisations
européennes antiracistes ou engagées sur des problématiques liées aux Afro-Descendants;
-
la réalisation, en partenariat avec l’Université populaire africaine en Suisse (UPAF.ch), d’un Répertoire
identifiant les lieux en Suisse liés à la Mémoire afro-suisse (ex. St-Maurice l’Africain, la statue du négrier
1
Le CRAN a déjà publié par le passé deux rapports sur les années 2002-2003 et 2004-2005. Ces rapports ont été intégrés à
la présente édition.
2
La Décénnie a été officiellement lancée le 10 décembre, journée internationale des Droits de l’Homme, à New York au
siège de l’ONU. C’est dans sa résolution A/68/L.34, que l'Assemblée générale de l’ONU a décidé le 19 décembre 2013
que la décennie allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2024 serait la Décennie internationale des personnes
d'ascendance africaine. Assortie d'un Programme d'action et dotée d'un budget de 5,5 milliards de dollars, la Décennie a
pour thème « Personnes d'ascendance africaine : considération, justice et développement »
Page 5
De Pury à Neuchâtel, le restaurant genevois où fut empoisonné le héros de la lutte anti-coloniale
camerounaise Félix Moumié). Ce travail devrait déboucher sur un Projet « Tourisme de Mémoire », en
plus d’une publication sur ces « Lieux et Personnages de la Mémoire afro-suisse » ;
-
l’organisation, en partenariat également avec l’UPAF, de manifestations culturelles à caractère mémoriel :
Exposition Louis Agassiz (du nom d’un glaciologue suisse par ailleurs idéologue de la « séparation des
races »), en collaboration avec l’historien suisse Hans Fässler (réalisateur de cette exposition, à travers un
comité dont fait partie un représentant du CRAN) ; Exposition « Notre Congo : La propagande coloniale
belge », réalisée en Belgique et illustration de l’action de la colonisation sur les mentalités africaines - avec
le vocabulaire qui lui est associé - et plus particulièrement sur la fabrication de l'image du Noir ; etc.
-
la sensibilisation des autorités suisses à l’impéatif d’honorer leurs engagements internationaux, en
particulier la mise en oeuvre du suivi du Plan d’action de Durban contre le racisme, à travers notamment la
reconnaissance officielle et l’intégration dans l’ordre juridique interne de la traite négrière et de
l’esclavage des Noirs comme un crime contre l’humanité, outre le soutien concret aux projets de
manifestations devant intervenir en Suisse dans le cadre de cette Décennie.
D’autres manifestations ou activités seront programmées et signalées tout au long de cette Décennie.
Deuxièmement. Serions-nous aujourd’hui devant un injuste retour des choses ? L’année 2015 revêt également
une autre signification symbolique singulière pour les Noirs de Suisse en particulier. Elle coïncide avec la
commémoration des 1500 ans de l’abbaye - la plus ancienne d’Europe - dédiée à St-Maurice. Ce saint mort en
martyr avec les 6500 hommes de sa Légion thébaine, tous Noirs, originaires de Nubie (Nord-Soudan actuel),
est très connu. Chaque année un pélérinage fait courir des milliers de chrétiens de Suisse et de l’étranger, dont
de nombreux Noirs. Outre l’abbaye, une ville, Saint-Maurice, construite autour de cette énorme baâtisse porte
ainsi son nom en Valais. Mais, très curieusement, ce saint adulé, objet d’un culte à l’échelle européenne, est
très rarement évoqué en Suisse en spécifiant ses origines négro-africaines. C’est comme si tout le pays, y
compris du reste «sa» propre ville, vivait ces traits Noirs comme une maladie honteuse3.
Toutefois, le plus affligeant c’est le saisissant paradoxe de cette double image éclatante de la Suisse, entre hier
et aujourd’hui. Hier, c’est la revendication et l’affirmation de l’image d’un saint Noir qui a sauvé du génocide
une peuplade helvète du Valais actuel, les Agaunes, avec qui il partageait ardemment la même foi. En fait, pour
avoir refusé d’exterminer ces peuplades qu’ils auraient du reste christianisées, les 6500 Noirs, guerriers
chrétiens au service de Rome, acceptèrent sans résistance d’être exterminés. L’ordre était venu de l’Empereur
Maximien, fou de rage face à cette résistance africaine salvatrice pour les Helvètes. Aujourd’hui, s’impose
l’image d’une Suisse toujours protégée depuis la voûte céleste par Saint Maurice, un Noir devenu « saintpatron », protecteur du Valais et du reste du pays. Mais une Suisse où, en même temps, les Noirs sont les moins
protégés et les plus insécurisés des individus, en plus d’être les plus méprisables et les plus indésirables.
Ainsi donc cohabitent, d’une part, une image positive - mais floutée, sous-exposée, voire niée - de Noirs
protecteurs d’Helvètes jusqu’au martyr, à savoir Maurice et sa Légion thébaine ; de l’autre, l’image négative et ultra-exposée - de Noirs assimilés aux dealers ou à des parasites sociaux, requérants d’asile honnis, sans
protection, livrés à la vindicte populaire par des politiciens négrophobes à souhait4 et à l’arbitraire d’une police
au même diapason. Comme le démontrent les faits et témoignages recueillis durant les 15 dernières années et
rapportés dans le présent Rapport, les polices du pays se livrent à une sorte de surenchère oppressive contre les
Noirs, de manière volontairement ciblée, sous prétexte de lutte contre le marché de la drogue, lutte
unidirectionnelle (contre le vendeur, presque jamais contre l’acheteur-consommateur, tous les deux pourtant
unis dans un même délit puni de la même peine par la Loi sur les stupéfiants.
Etrange disjonction de traitement et de destins entre ces deux groupes d’immigrants Noirs, à quelques siècles
d’intervalle ! Surtout, mortifère injuste retour de choses ! Combien d’autres populations étrangères ont-elles
payé autant de leur vie pour la Suisse (ou des Suisses), en étant ainsi payées en retour ? Sans compter tous les
multiples sacrifices ultérieurs, même si involontaires5.
3
Le journaliste et écrivain ivoirien Serge Bilé a réalisé un documentaire-fiction sur St-Maurice qu’aucune télé - ni suisse,
ni africaine - n’a accepté d’acheter. A la télévision d’Etat suisse, ce sujet n’a pourtant pas fait l’objet d’un film à ce jour.
4
Certains, tel M. Christoph Blocher, ont animé du temps de l’Apartheid une section UDC en Afrique du Sud
5
Notamment, milliards spoliés, déposés en Suisse par les dictatures africaines et jamais restitués, à part quelques peanuts
(ex. «fortune» du zaïrois Mobutu, estimée de son vivant à 4 milliards et réduite à 4 millions par les banques après sa mort)
Page 6
Qui sont ces «Noirs» si peu considérés en Suisse ? Combien sont-ils ?
Ils sont noirs de peau ou métis, originaires d’Afrique, des Amériques ou d’autres continents. Ils sont de
nationalité suisse (de naissance ou naturalisés) ou étrangers au bénéfice de l’un des multiples permis suisses de
séjour. Ils sont diplomates des pays africains accrédités en Suisse ou auprès de l’Office de l’ONU à Genève,
fonctionnaires internationaux, juristes, gérants de fortune, médecins, travailleurs sociaux, ouvriers, magasiniers,
étudiants, ouvriers, chômeurs … Ces hommes et ces femmes ont tous un point commun : leur origine raciale
qui les assimile au terme générique de “Noirs“6.
Malgré l’absence de statistiques sur les Noirs comme tels, on peut estimer ces derniers, en 2014, à une
population entre 100 000 et 150 000 personnes, par extrapolation à partir des chiffres disponibles :
62 046 Noirs d’Afrique sub-saharienne ou résidents permanents africains sans ceux d’Afrique du Nord,
chiffre calculé d’après les données au 31.12.2013 de l’Office fédéral de la Statistique
+ Noirs d’Afrique non-Subsaharienne (Maghreb, Iles de l’Océan Indien, etc.)
+ Suisses Noirs (métis, naturalisés ou adoptés)
+ Noirs de la Diaspora africaine des Amériques (Brésil, Haïti, Cuba, Antilles, USA, etc.).
En ne retenant que les Noirs ressortissants des pays d’Afrique subsaharienne, majoritaires et seuls repérables
dans les statistiques parmi les autres Noirs, on note une forte progression constante depuis 1960 (apparition
d’une majorité d’Etats africains sur la scène internationale), comme le montre le tableau ci-dessous.
EVOLUTION DU NOMBRE D’AFRICAINS SUBSAHARIENS, EN SEJOUR PERMANENT EN SUISSE, DE 1960 A 2013
% Total Afrique*
1960
1970
1980
1990
1995
2000
2005
2010
2013
:
:
:
:
:
:
:
:
:
485
1 706
4 334
9 386
15 648
22 149
29 186
50 365
62 046
41 %
46 %
54 %
58 %
60 %
70 %
73 %
% Total Etrangers
% Total Population Suisse
0,08 %
0,15 %
0, 47 %
0,83 %
1,15 %
1,56 %
1,89 %
2,85 %
3,20 %
0,009 %
0,02 %
0,07 %
0,14 %
0,22 %
0,31 %
0,39 %
0,64 %
0,76 %
(*) Taux par rapport au total de tout le continent africain présent en Suisse, incluse l’Afrique du Nord (Algérie,
Egypte, Libye, Maroc, Tunisie, Sahara Occ.)
Source : CRAN, sur la base des chiffres de l’Office fédéral de la Statistique (OFS)
TOP TEN DES POPULATIONS ETRANGERES AFRICAINES EN SUISSE, FIN 2013
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
Erythréens
Somaliens
Congolais (RDC)
Camerounais
Angolais
Ethiopiens
Nigérians
Ivoiriens
Kenyans
Ghanéens
16 584
6 425
5 670
4 380
3 947
3 112
2 355
1 818
1 578
1 451
Source : CRAN, sur la base des chiffres de l’Office fédéral de la Statistique (OFS)
6
Le terme «Noir», adopté ici dans un but de simplification, devant la diversité sémantique («Noir», «personne de couleur»,
«métis», etc.), est à comprendre ici à la fois dans son sens restreint et dans son sens large. Dans son sens restreint, il vise la
communauté Noire dans sa spécificité historico-culturelle, à savoir les Négro-africains et les personnes d’origine négroafricaine (Africains-américains, Afro-antillais, Afro-latino-américains ou métis négro-américains, négro-européens, négroasiatiques, etc.). Dans son sens large, le «Noir» désigne par sa visibilité toute personne de race Noire ayant la peau foncée
ou dite «de couleur». Il comprend ainsi, outre les catégories précitées, certains Asiatiques (ex. Indiens noirs, Arabes noirs,
etc.) ou Océaniens (ex. aborigènes d’Australie), souvent victimes du même racisme anti-Noir développé par la colonisation.
Page 7
Cette progression apparaît nettement à partir des années 1980 et 1990, qui correspondent aux années les plus
marquées par les régimes dictatoriaux, une paupérisation croissante, guerres civiles, etc., poussant de plus en
plus de personnes à l’exil. Elle est encore plus marquée dans les années 2000, par la hausse de l’apport des
personnes originaires de la Corne de l’Afrique : selon les chiffres de l’OFS, les Erythréens doublent ainsi leur
population en Suisse entre 2009 et 2010 (de 3 555 à 7 355) et progressent de 10 436 en 2011 à 16 584 en 2013;
quant aux Somaliens ils font un bond prodigieux de 1 852 en 2009 à 5 854 en 2010, avant de se stabiliser.
Longtemps leaders, les Congolais (RDC) seront ainsi dépassés dès 2010 par ces deux populations. Le service
militaire forcé et la déliquescence avancée du régime en Erythrée autant que l’aggravation de la guerre civile en
Somalie en sont les principales causes. Sur le tableau ci-dessus représentant les Top Ten, l’écart creusé par les
Erythréens par rapport à leurs suivants, les Somaliens, est particulièrement saisissant.
Source : CRAN, sur la base des chiffres de l’Office fédéral de la Statistique (OFS)
En un peu plus de cinquante ans, sur la base des chiffres disponibles sur les ressortissants subsahariens, la
population Noire globale (réfugiés compris) a été multipliée par 110 en Suisse. Cette mutation sans pareille est
surtout observable au sein du groupe large africain : alors que les Africains subsahariens représentaient en 1980
41 % du total Afrique en Suisse, ce taux s’inversera pour donner 70 % en 2010. Plus particulièrement, entre
2002 et 2012, le nombre total de ressortissants africains résidant en Suisse est passé de 22'000 à 52'000
personnes, soit une progression de plus 200 % et une augmentation de 30'000 ressortissants africains en dix ans.
Il n’en reste pas moins que du point de vue des enjeux migratoires suisses, la forte progression africaine ne
représentait qu’une immigration de 3’000 personnes par an venant d’un continent de 54 Etats et de plus d’un
milliard d’habitants. Du moins quand on la met en corrélation avec l’ensemble de la population étrangère. Car,
durant la même période (2002-2012), le nombre par exemple de ressortissants européens résidant en Suisse est
passé de 835'000 (2002) à 1'190'000 (2012), soit une augmentation de 355'000 ressortissants européens,
représentant une immigration de 35'500 personnes en moyenne par an pour un continent européen de
« seulement » 742,5 millions en 2013. De plus, malgré la fulgurance de sa progression en 10 ans ou 50 ans, la
population africaine (Afrique subsaharienne et Maghreb) n’a représenté que 1 % de la population suisse début
2014, comme le démontre le graphique ci-dessous. Cette visibilité, peu observable dans les années 1960 lorsque
les Africains subsahariens représentaient moins de 0,1 % de la population suisse, est toujours restée
insignifiante dans les statistiques.
Cela dit, autant le tableau que le graphique ci-dessous, sur l’évolution du nombre des ressortissants africains
montrent certes une croissance constante de la population potentiellement victime de racisme anti-Noir. Du
reste, celle-ci est à l’image de la progression d’un « problème Noir » en Suisse. Ce problème qui résulte de la
détestation dont sont l’objet les Noirs en général, est moins lié à des facteurs quantitatifs que qualitatifs, mettant
en avant la préférence pour une immigration désirable – si on ne peut l’éviter – plutôt que pour une
Page 8
immigration indésirable. La comparaison des parts démographiques que se taillent les populations étrangères
résidant de manière permanente en Suisse le démontre clairement.
PART DE LA POPULATION RESIDENTE PERMANENTE AFRICAINE EN SUISSE, FIN 2013
(Graphique réalisé par le CRAN sur la base des chiffres de l’OFS)
C’est surtout quand on examine (voir tableau ci-dessous) la part des populations étrangères en Suisse que la
représentation du continent africain apparaît de manière encore plus marginale, en s’avérant bien inférieure à
celle de beaucoup de pays, même minuscules. Les ressortissants de pays comme le Kosovo, avec 4.5% de la
population étrangère, ou la Serbie (4.7%) dépassent ainsi ceux de l’ensemble de l’Afrique (4.3%, Afrique du
Nord comprise). Kosovars et Serbes font certes partie des populations les plus victimes de discriminations en
Suisse, leur non-visibilité les met néanmoins à l’abri des humiliations publiques, notamment par des dégradants
contrôles au faciès, lot des Africains subsahariens, sous prétexte de lutte de la police contre le trafic de drogue.
PART DES POPULATIONS RESIDENTES PERMANENTES ETRANGERES EN SUISSE, FIN 2013
(Source : Office fédéral de la Statistique/OFS)
Ainsi, de par les courants xénophobes ou racistes qui traversent la société suisse par intermittence ou
continuellement, de manière sous-jacente, la mutation de la démographie africaine en Suisse ne pouvait ne pas
avoir de conséquences sur cette société. Population très visible par son apparence extérieure, ce trait particulier
a permis de bien nourrir à l’endroit des Noirs le sentiment suisse - à la fois politique et populaire - d’être envahi
par les étrangers ainsi que la volonté de sévir contre ces derniers. Car, il est indéniable que le nombre
insignifiant de Noirs ne peut expliquer ni justifier les humiliations, harcèlements et autres tracasseries
quotidiens dont ils sont victimes, notamment de la part de la police, parce qu’une infime minorité d’entre eux se
livrerait au trafic de drogue. Plus que d’autres populations étrangères, les Noirs sont devenus la population la
plus à problèmes.
Page 9
L’équation « Noirs = Africains = requérants d’asile = dealers = problème = Noirs »
Ainsi, malgré, leur très relatif petit nombre (0,14 % de la population du pays en 1990 et 1 % em 2014), les
Noirs en Suisse semblent avoir transformé le paysage urbain de manière significative. Lorsque, au début des
années 1980, ce nombre explose sous l’effet d’une autre caractéristique, à savoir la jeunesse et la turbulence de
sa nouvelle migration, conjuguée à sa modalité migratoire dominante, l’asile, le problème se transforme en une
véritable crise sociale, quant au vivre-ensemble avec une telle population. D’autant plus qu’à partir des années
1990, le trafic de drogue, qui s’est développé de plus en plus en Suisse depuis quelques années, va absorber
progressivement dans son activité plusieurs de ces jeunes migrants.
Jusqu’au début des années 1980 en effet, les Africains présents en Suisse ne posent aucun problème majeur. Du
reste, à cette époque, le pays se ressent encore de l’onde de choc des xénophobes initiatives Schwatzernbach
ciblant principalement les migrants espagnols, italiens et portugais. Majoritairement étudiants, sinon diplomates
ou fonctionnaires internationaux, les Africains ne détonnent pas dans le paysage. La croissance soudaine et la
nouvelle composition de cette population, sous l’impulsion de l’arrivée massive de requérants d’asile africains,
va poser problème, a fortiori dans un pays où l’absence de passé colonial fort n’a pas habitué les gens à une
telle allogénéité. Elles apporteront leur lot de défis auxquels aussi bien les Suisses que les communautés
africaines devront faire face. Un des défis sera le racisme, qui ne pouvait ne pas être associé à cette présence
très vite jugée indésirable, stigmatisée sous la forme de l’équation « Noirs = Africains = requérants d’asile =
dealers = problème = Noirs ». Bref Noirs = problème, voire méga-problème. Organisés individuellement les
personnes d’origine africaine chercheront à prendre des initiatives afin de participer à une dynamique
incontournable : combattre la banalisation des préjugés sur l’Afrique et les Africains pour répondre au défi que
pose à toutes les communautés africaines cette équation multi-réductionniste.
La première dynamique d’envergure commence déjà à Genève, le canton qui accueille le plus d’Africains en
Suisse. En 1984, sept associations culturelles7 se réunissent au sein d’un Collectif pour réagir à l’image
négative des Africains dans les médias suisses et l’opinion publique. Ils lancent le premier journal associatif
africain, Echos Africains. Le gros dossier du premier numéro de ce trimestriel portera sur « Les réfugiés
africains à Genève ». Toutefois, ce journal survivra à peine une année et disparaîtra au bout de trois numéros,
victime de dissensions internes. Le lancement en 1986 d’un autre trimestriel, Regards Africains, lancé par une
des associations membre du Collectif Echos Africains, installera l’expression africaine dans les médias de
manière un peu plus durable (de 1886 à 2005). Il faudra toutefois attendre le début des années 2000 et une prise
de conscience nationale de la question raciste, dans la foulée de l’affaire des fonds juifs en déshérence, avec la
mise en place subséquente de la Commission fédérale contre le racisme et de la norme pénale antiraciste en
1995, pour voir les personnes d’origine africaine, avec des Suisses, s’organiser pour lutter spécialement contre
le racisme anti-Noir.
Emergence du premier mouvement contre le racisme anti-Noir
L’impulsion viendra particulièrement de la dynamique engagée par l’historique Conférence mondiale contre le
racisme, organisée à Durban (Afrique du Sud) en août-septembre 2001 et dont les phases préparatoires avaient
commencé en 2000. L’engagement africain va se concrétiser dans l’émergence pour la première fois en Suisse
d’un mouvement spécifiquement dirigé contre le racisme anti-Noir et marquée par plusieurs étapes :
-
Mars 2000 : Création du Groupe de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir (GRAN) par cinq
participants africains et suisses à des groupes de travail organisés à Berne par la Commission fédérale
contre le racisme (CFR) et le Forum suisse contre le racisme (FCR) en vue de la Conférence européenne
de Strasbourg préparant la Conférence mondiale contre le racisme. Le GRAN fait partie du FCR ;
-
Juin 2000 : Audition par la Commission fédérale contre le racisme (CFR) de quatre représentants des
communautés Noires de Suisse, dont deux émanaient du GRAN et lesquels invitent les membres de la
CFR à reconnaître et à prendre en compte désormais la spécificité du racisme anti-Noir au même titre
que l’antisémitisme, l’islamophobie ou le racisme anti-Rom ;
7
Il s’agit de l’Association des Camerounais de Genève, de l’Association des Etudiants maghrébins Berbères de Genève,
de l’Association des Etudiants rwandais de Genève, du Cercle culturel africain (de l’Université de Genève), du Club
africain de Loisirs (devenu plus tard Association culturelle Regards Africains) et de l’Union des Maliens de Suisse.
Page 10
-
Octobre 2000 : Participation du GRAN à la pré-Conférence européenne de Strasbourg contre le racisme,
plus particulièrement au forum des ONG, où le GRAN est en première ligne pour impulser des avancées
dans la lutte spécifique contre le racisme anti-Noir ;
-
Mai 2001 : Organisation par le GRAN, durant tout le mois, de la première enquête sur le racisme antiNoir en Suisse, dont un des vœux exprimés est la prise en main de la lutte contre le racisme anti-Noir par
des éléments issus de la communauté concernée ;
-
Juin 2001 : Organisation par le GRAN, avec le soutien de la CFR et du FCR, des premières Assises des
Communautés Noires de Suisse dans le but, notamment, de provoquer leur mobilisation et des échanges
en leur sein. Un des résultats tangibles est la décision de créer une organisation pour lutter contre un
racisme spécifiquement anti-Noir et devant aussi servir d’observatoire de ce phénomène ;
-
Mars 2002 : Création du Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir (CRAN), dont une
des fonctions fondamentales sera de servir d’observatoire du racisme anti-Noir en Suisse.
L’Observatoire du Racisme anti-Noir a été mis en place afin de réaliser les activités suivantes :
-
Identifier, informer et - éventuellement - poursuivre les manifestations de racisme anti-Noir
Diffuser les informations recueillies
Gérer et mettre à la disposition du public des ressources documentaires
Elaborer et fournir des outils de sensibilisation ainsi que des programmes de formation
Recherche, identification et mise en réseau de partenaires stratégiques du terrain (local communities
leaders, médiateurs, avocats-conseils juridiques, etc.)
Conseil aux victimes, institutions, autorités
Organisation de soirées-débat, colloques, etc.
Publication d’un rapport annuel
Actes racistes anti-Noirs en recrudescence depuis les années 80
Depuis les années 1980, un climat délétère semble ne plus lâcher la Suisse quant à la présence africaine et ce
qu’elle génère comme sentiment de détestation en particulier. Car, il est un fait que, à un moment ou un autre
de leur existence, les Noirs vivant en Suisse ont déjà eu à faire l’expérience du racisme, soit directement, soit
indirectement, notamment à travers les représentations que se font d’eux les médias. En outre, en dépit de leur
représentativité insignifiante au sein de la population étrangère comme de la population totale suisse, les Noirs
représentent les personnes les plus visibles de Suisse et donc, en cas de poussées endémiques de fièvre
xénophobe ou raciste, les plus perçus négativement et les plus soumis aux tracasseries administratives et
policières. Les actes dont ils sont victimes constituent une atteinte grave aux droits de l’Homme, à la dignité
humaine, autant qu‘une menace à la paix sociale. Toutefois, ces actes n’ont jamais été répertoriés de manière à
la fois systématique et spécifique, afin de pouvoir être mieux pris en compte par les observateurs officiels.
La mise en place d’un Observatoire du racisme anti-Noir en Suisse est donc venue pallier une lacune
importante. La volonté d’une telle mise en place est partie d’un constat et d’un engagement.
Le constat, c’est une recrudescence d’actes et de manifestations racistes dirigés contre les Noirs en particulier,
ces dernières années. Ces actes trouvent un certain écho dans les médias. En novembre 1999, des spectateurs
lancent des insultes contre les joueurs Noirs du Hockey Club de Bienne, lors d’un match en Thurgovie. En
mars 2000, un orphelin angolais recueilli par un couple suisse est chassé d’un collège vaudois à la suite d’une
démarche raciste des parents d’élèves dans ce sens. En juin 2000, seuls des «Blacks» et des «bronzés» sont
refoulés sans ménagement d’une discothèque genevoise. C’est surtout en août 2000, à St-Gall, que l’agression
raciste dirigée par plusieurs Skinheads contre des Africains, suivie d’une véritable bataille rangée, révèle aux
yeux du public suisse et de beaucoup de Noirs la forme que pouvait prendre un racisme jusque là sournois,
discret, peu exprimé. Ceci, d’autant que ces faits interviennent dans un nouveau contexte où de plus en plus
d’Européens, « décomplexés », reconnaissent ouvertement, avec arrogance, leurs sentiments racistes ou
xénophobes, en particulier envers les personnes Noires.
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Les autorités accordent peu de considération au racisme anti-Noir
Face à l’ensemble des faits de racisme anti-Noir, la réponse des autorités, du moins quand elle existe, reste en
deçà des attentes des communautés Noires. Malgré l’augmentation alarmante des violences et abus de pouvoirs
commis contre des Noirs par des policiers, en toute impunité, ces comportements racistes particulièrement
inadmissibles dans un Etat moderne, aucune mesure particulière n’est prise. D’une manière générale, la montée
du racisme anti-Noir dans la société ainsi que la multiplication des actes racistes contre les Noirs n’entraînent
aucune déclaration politique particulière. Ni des autorités, ni des partis politiques, toutes tendances confondues,
à l’échelle fédérale particulièrement. Interpellé en 2003 sur la question par quelques organisations Noires
réunies autour du CRAN, le président de la Confédération, dans sa réponse, n’a pas daigné tirer la moindre
sonnette d’alarme. Au contraire, comme d’autres responsables politiques, il a minimisé le phénomène. Pourtant
la Commission fédérale contre le racisme en a fait une préoccupation particulière, comme on peut le lire dans
son Rapport 2002 qui note «une augmentation des réclamations pour contrôles policiers» de la part des
«personnes de couleur».
Minimisation et absence d’empathie semblent ainsi de mise auprès des politiques, dans un antiracisme certes
affiché, mais à deux vitesses. De même, pour certains, et pas seulement la classe politique, la société civile en
Suisse comme en Europe reflète aussi cela, à savoir que, de même qu’il existe des races supérieures et des
races inférieures, de même il existerait des racismes supérieurs et des racismes inférieurs. On ne pourrait pas
s’empêcher de faire un parallèle avec les actes racistes portés, d’un côté, contre les Noirs et, de l’autre, contre
d’autres communautés. S’agissant de ces dernières, les actes sont systématiquement et immédiatement
dénoncés par les politiques, en écho et en appui aux représentants de ces communautés. Ainsi, par exemple, les
actes antisémites bénéficient toujours d’une réponse politique vigoureuse, généralisée à l’ensemble de la classe
politique, respectant et prenant en compte la parole des victimes avant toute enquête, là où les actes anti-Noirs
sont soit ignorés, soit minimisés, voire contestés dans leur véracité.
L’usage de l’expression tautologique « racisme et antisémitisme » tend du reste à accréditer l’idée d’un
traitement différencié de l’antisémitisme face aux autres formes de racisme. Cette discrimination dans la
discrimination, dont le racisme anti-Noir est la première victime, fait autant partie du discours que de la
pratique au sein de la classe politique ainsi qu’au sein de la société civile suisses. En dépit des initiatives
antiracistes institutionnalisées en Suisse depuis 1995 (création de la CFR, adoption d’une norme pénale en
l’article 261 bis), le paradigme raciste est loin d’avoir été désconstruit. Il continue toujours à inspirer et à guider
de nombreuses actions - ou absences d’action - au sein de la société politique et civile suisse.
Expression des Noirs peu prise en compte
Quant aux médias, s’ils sont prompts à répercuter largement auprès de l’opinion publique toutes les opérations
policières et autres propos de certains politiques, ils n’accordent qu’une attention très limitée à l’expression des
victimes. C’est ainsi que plusieurs communiqués de presse du CRAN sont restés sans véritable écho,
apparaissant souvent sous forme de petits entrefilets quand ils n’étaient pas purement et simplement ignorés.
La prise en compte de la parole des victimes, principe cardinal de la Conférence de Durban, s’avère dans les
paramètres présents une lutte contre la discrimination dans la discrimination, un combat pour la reconnaissance.
Il s’agit là, sans aucun doute, d’un des chantiers majeurs autant qu’un défi de première importance pour le
CRAN et son Observatoire. Longtemps pris en charge en Suisse, comme dans le reste de l’Europe, par des
activistes issus rarement des communautés Noires, le racisme anti-Noir avait en effet propulsé et maintenu audevant de la scène ces acteurs non-Noirs. Qui, au fil des décennies, sont devenus d’autant plus incontournables
qu’ils s’étaient institués en éminents représentants de la lutte contre un racisme pris dans sa globalité et jamais
dans ses spécificités notamment Noires.
Les seules spécificités reconnues jusqu’à l’émergence du CRAN ont été l’antisémitisme, le racisme anti-Rom et
l’islamophobie. Or, si, par exemple, la parole des victimes de l’antisémitisme s’est hissée depuis longtemps au
niveau de ceux qui mènent la lutte contre cette forme de racisme, la parole des victimes du racisme anti-Noir
doit encore gagner cette place et cette reconnaissance au sein du leadership antiraciste. Ceci, aussi bien auprès
des médias que des divers acteurs publics et privés impliqués dans la lutte contre le racisme. Car le CRAN a été
confronté auprès de ces derniers à des divergences profondes quant à la lecture même du phénomène de
racisme anti-Noir, dans ses fondements et ses développements en particulier.
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Le CRAN, organisation créée par les communautés Noires de Suisse, n’aspire pas qu’à être partie prenante du
leadership dans la lutte contre le racisme anti-Noir. Il entend devenir un acteur global et synergique dans cette
lutte spécifique. Ainsi, sous les auspices de la Commission fédérale contre le racisme, des experts membres du
CRAN ont mené une importante étude sur le racisme anti-Noir en Suisse et dont les conclusions devraient être
publiées au cours du second semestre 2004. Des enquêtes ont également été menées sur le terrain, auprès des
communautés Noires. Des synergies avec d’autres acteurs de la lutte contre le racisme ou tout simplement issus
des communautés Noires ont été soit impulsées soit convenues et conduites ensemble. Toutes ces actions
participent à la lutte contre le racisme au même titre que la relation et la dénonciation des faits racistes.
Structure du présent Rapport
Dans sa présentation, le contenu du présent Rapport va ainsi se structurer, après cette partie introductive, en
deux grandes parties :
-
La première partie commence par une enquête comparative menée en 2000 et 2003 au sein des
communautés Noires de Suisse sur un échantillon de personnes rencontrées le plus souvent dans les lieux
publiques. Elle se prolonge ensuite par un important inventaire de nombreux actes et actions dénotant ou
visant le racisme anti-Noir, survenus en Suisse et relatés dans les médias ou communiqués au CRAN à
travers des témoignages. Un dernier chapitre portera sur les observations dégagées de cette première
partie.
-
La deuxième partie porte sur l’actualité de la lutte contre le racisme anti-Noir, telle que menée
particulièrement par le CRAN. Un premier chapitre fera part des diverses actions du CRAN au fil des
années. Le deuxième portera sur la somme des productions du CRAN dans la dénonciation du racisme
anti-Noir en Suisse : communiqués de presse, lettres ouvertes, mémorandums, appels et autres déclarations
publiques du CRAN.
Une courte conclusion viendra apporter quelques recommandations nécessaires.
Nous prions les lecteurs de ce Rapport d’être particulièrement indulgents pour toutes ses imperfections, ses
lacunes et ses limites. Nous avons essayé de déployer tous nos efforts pour vous mettre à disposition des
données qui vous permettent au moins d’avoir un éclairage relativement substantiel sur la réalité et l’actualité
du racisme anti-Noir en Suisse. Nous espérons pouvoir faire beaucoup mieux pour les prochaines années.
Le Comité de gestion du CRAN tient ici à remercier vivement toutes celles et tous ceux qui ont collaboré de
près ou de loin à la réalisation de ce Rapport, en particulier le Service de lutte contre le racisme (SLR), pour
son soutien financier. Nos remerciements vont également en particulier à Mme Sophie Schmidt et à M. Joaquin
Bacheng Mbomio, pour leur collaboration dans la récolte de données, avec MM. Auguste Essama et André
Loembe, membres du comité. Ce dernier est également intervenu à la fois pour la traduction de données
statistiques en graphiques ou « fromages » plus lisibles et pour la relecture, avec un membre du CRAN, M.
Théophile Nouatin. Ancien membre du comité (entre 2002 et 2006), M. Gérôme Tokpa a réalisé la plus grande
partie de l’enquête et recueilli un grand nombre de témoignages. Egalement membre du comité, M. Mutombo
Kanyana a été le rédacteur principal du présent Rapport et en a aussi assumé les charges d’édition, de mise en
page, de graphisme et de coordination générale des tâches. L’ensemble du Conseil de gestion a assumé la
direction du projet. Nos remerciements enfin vont à tous ceux et toutes celles qui n’ont cessé de nous
encourager à persévérer dans ce difficile mais nécessaire combat contre le racisme anti-Noir, pour le respect de
la dignité et des droits des personnes humaines et pour un meilleur vivre-ensemble.
Le Conseil de gestion du CRAN
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PREMIÈRE PARTIE
ACTUALITÉ DU
RACISME ANTI-NOIR
EN SUISSE
2000 à 2014
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CHAPITRE 1ER
ENQUÊTE
SUR LE RACISME ANTI-NOIR EN SUISSE
2000 - 2003
INTRODUCTION
Quel a été l’état du racisme anti-Noir en Suisse entre 2000 et 2003 ? Comment durant cette période vivaient les
personnes victimes de ce racisme? Il s’agit là de quelques questions auxquelles l’Observatoire du CRAN, mis
en place à la création du CRAN en 2002, a essayé de répondre en poursuivant une enquête commencée en 2000
par l’«ancêtre» du CRAN, le Groupe de Réflexion et d’Actions contre le Racisme anti-Noir (GRAN).
En effet, après la création du GRAN en mars 2000, une de ses premières actions majeures a été de s’immerger
dans les réalités du terrain afin de mieux connaître l’état de ce racisme jusque là inconnu dans sa spécificité,
aussi bien dans le public, dans les milieux activistes que dans les rares enquêtes et études publiées jusque là.
Première enquête du genre en Suisse, celle-ci a ainsi permis avant tout d’attirer l’attention des divers
responsables et personnes impliquées dans le combat contre le racisme sur cette spécificité. Quelques résultats
ont pu être exploités et livrés dans des communications à la Conférence européenne de Strasbourg (octobre
2000) préparant la Conférence mondiale de Durban (2001), lors des Premières Assises sur le racisme anti-Noir
en 2001 ainsi qu’à l’occasion de l’assemblée constituante qui créera le CRAN en 2002. Mais il a fallu
compléter et enrichir ces résultats par un travail d’enquête supplémentaire finalisé en 2003.
Certes, sur le plan opérationnel, l’ensemble de la Suisse n’a pu être couverte par cette enquête compte tenu des
moyens dont notre jeune organisation disposait et continue du reste à disposer. L’espoir est toujours demeuré
de voir, dans les années à venir, et avec l’aide officielle ou officieuse des uns et des autres, de pallier autant que
possible à cette lacune. Les données récoltées entre 2000 et 2003 ont tout de même permis de se faire une idée
de la situation du racisme anti-Noir en Suisse. Une situation devenue préoccupante du fait du climat délétère
qui continue de régner au sein des communautés Noires depuis que les Suisses votent de plus en plus une
extrême droite xénophobe. Ce climat de malaise diffus, voire de peur, a persisté tout au long de l’enquête,
même si cette dernière a permis d’extérioriser une panique que beaucoup vivent comme une souffrance avec
laquelle il faut construire sa vie plutôt que de se révolter. D’autant plus qu’«on n’est pas chez nous».
L’enquête a été menée dans des lieux publics, surtout dans les gares et les rues. Elle s’est voulu le plus
anonyme possible et le nombre restreint de femmes s’explique par le fait que celles-ci fréquentent moins ces
lieux que les hommes et qu’elles sont généralement moins nombreuses que les hommes.
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Les résultats sont présentés en distinguant les deux périodes d’enquête, 2000 et 2003. Un parallèle est ainsi
établi entre les deux enquêtes afin de pouvoir non seulement apprécier les résultats de la première enquête,
mais aussi d’avoir une idée de l’évolution des tendances sur une période de près de quatre ans.
Menée au moyen d’un questionnaire, l’enquête a dégagé les résultats suivants :
A - PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
1 - Représentation des interviewés par cantons
Un nombre restreint de cantons ont été sillonnés par l’équipe du CRAN chargée de l’enquête. Ils sont 11 et 9
respectivement pour les années 2000 et 2003 et le nombre d’interviewés dans chaque canton peut être visualisé
dans le tableau ci-dessous :
FIG.1A : RÉPARTITION PAR CANTON EN 2000
FIG.1B: RÉPARTITION PAR CANTON EN 2003
Le total des personnes interrogées en 2000 est de 70 alors que nous n’avons que 55 en 2003 soit une différence
de 15 personnes. On constate également qu’il y a plus de cantons visités en 2000 qu’en 2003. Les cantons
comme le Jura, Lucerne n’avaient pas été visités en 2000. Soleure, le Tessin, le canton de Vaud et Uri ne le
sont pas en 2003.
Cette variation des lieux a pour but de donner une certaine diversification au lieu d’habitation des personnes qui
sont interrogées étant donné que les moyens dont dispose le CRAN ne lui permettent pas en une année de
couvrir toute la Suisse entière. L’option serait naturellement de couvrir en une année tous les 26 cantons de la
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Confédération, ce qui permettrait d’avoir une vue d’ensemble plus nette et globale de la situation des personnes
interrogées. Nous osons espérer que les années à venir nous permettrons d’atteindre ce but.
2. Répartition par sexe
TABL.1 : RÉPARTITION PAR SEXE DES PERSONNES INTERROGÉES
Sexe féminin
Sexe masculin
2000
34
36
2003
9
46
On constate ici que le nombre de personnes de sexe féminin en 2003 est de 9 sur 55, il est en 2000 de 34 et
presque égal au nombre des personnes de sexe masculin. En 2000, le désir affiché dès le départ de l’enquête
était d’interroger autant de femmes que d’hommes. En plus, les conditions de l’enquête étaient nettement
différentes de celle faite en 2003. En effet, en 2003, au lieu que les questionnaires soient envoyés par poste aux
personnes qu’on voulait interroger, le CRAN a voulu augmenter autant que possible le critère du hasard. C’est
ainsi que la plupart des interviews ont été menées dans les lieux publics et principalement dans les gares
ferroviaires et les rues. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les hommes étaient plus présents dans les gares
que les femmes.
B - FORMES ET EXPRESSIONS DU RACISME ANTI-NOIR
1. Les Victimes du racisme anti-Noir
Dans ces résultats, le nombre des non victimes doit être revu à la baisse car certaines personnes interrogées par
peur car ne connaissant pas ceux qui les interrogent, ont souvent répondu qu’elles n’étaient pas victimes de
racisme alors que dans les discussions avec elles, il en ressortait le contraire. Certaines personnes, comme dans
le centre d’accueil de réfugiés de Lyss, sont venues reprendre leur questionnaire déjà rempli pour le déchirer.
Elles avaient tout simplement peur.
Néanmoins la comparaison des résultats de 2000 et de 2003 montre que les victimes du racisme en 2003 sont
en nombre nettement inférieur par rapport à celles de 2000. L’extrapolation des résultats de 2003 nous donne
une population non victime du racisme dont le nombre se chiffre à environ 22. C’est pratiquement le double des
non victimes de 2000. Doit-on conclure que le racisme pique du nez en Suisse ?
FIG.2 : PROPORTION DES VICTIMES DU RACISME SUR LE TOTAL DES INTERROGÉS
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2. Nature de l’acte raciste
FIG.3 : SITUATION EN 2000 (PAR RAPPORT AUX 59 VICTIMES)
FIG.4: SITUATION EN 2003 (PAR RAPPORT AUX 38 VICTIMES)
Quand l’on compare les deux diagrammes, on se rend compte que les atteintes physiques ont pris de l’ampleur
en 2003 et croissent de 5%. Elles sont de 8% en 2000 et évoluent jusqu’à 13% en 2003.
On constate aussi que les injures racistes ont pris une relative ampleur (21% en 2000 contre 25% en 2003)
pendant que les moqueries (21% en 2000 contre 16% en 2003) semblent avoir diminué. Les mauvais regards
connaissent aussi une certaine diminution dans l’enquête (25% en 2000 contre 15% en 2003).
3. Lieu Où les actes ont-ils été commis ?
TABL. 2 : RÉPARTITION DES LIEUX OÙ LES ACTES ONT ÉTÉ COMMIS
A l’école
Sur les places de jeu
Au travail
Au café/Restaurant
Dans un Night Club
Dans votre immeuble
Dans le transport public
Autres lieux
2000
5
7
17
21
14
19
22
27
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2003
1
4
11
6
4
3
8
17
Les différents lieux où les actes sont commis montrent soit une stabilisation des tendances, soit une diminution.
On remarque que le racisme anti-Noir a connu un réel recul dans les écoles (seulement une personne sur les
cinq écoliers interrogés) alors que la plupart des agressions dont les Noirs sont victimes ont lieu soit dans la
rue, soit dans les lieux publics tels que les gares, les transports publics, les magasins, les boites de nuit et les
rues. Le racisme sur les lieux de travail reste un problème sérieux et il ne semble pas diminuer depuis 2000. Ici
l’on constate que les Noirs ont l’impression qu’ils sont plus exposés que les autres dès qu’une faute est
commise. Les premiers soupçons pèsent toujours sur eux en cas de vol ou d’une mauvaise manipulation
d’appareil. Pis les quelques rares qui ont des positions privilégiées dans des entreprises ne sont pas pris au
sérieux et on préfère, en cas de conseil, s’adresser à leurs adjoints. D’après les investigations, le Noir qui est
dans une telle position doit convaincre et être certainement deux fois meilleur au Blanc qui aurait eu la même
position. Un certain nombre de licenciements des Noirs bons travailleurs selon certains de leurs collègues vient
corroborer malheureusement ces constats. Ainsi un jeune Sénégalais, travaillant dans le MacDonald de la
Zytglocke a été dans le mois de mars licencié par son chef sans aucune raison évidente.
Les Noirs subissent aussi la discrimination et le racisme des colocataires et autres voisins dans les immeubles
où ils habitent : 19 en 2000 contre 3 en 2003. Dans ce groupe on retrouve aussi des Noirs qui sont agressés par
les membres de la famille de leur épouse ou de leur mari car il semble que souvent certains parents des
conjoints s’opposent à un mariage avec un Noir. Quand le/la conjoint-e outrepasse cette mise en garde, c’est le
Noir qui après subit toutes les frasques de la belle famille. Mais comme on peut le constater, ces agressions ont
diminué.
Les agressions sur les autres lieux n’ont pas augmenté. Cependant les agressions du fait de la police et de la
douane ont drastiquement pris de l’ampleur. Ainsi pour un taux d’agressions policières et douanières en 2000
de 12% on constate qu’en 2004, il a dépassé les 20%. Donc ici la tendance est nettement positive.
On remarque dans les faits que les Suisses sont devenus moins racistes ou le manifestent moins vis-à-vis des
Noirs mais que la police est devenue apparemment plus agressive et brutale (24% d’agressions physiques en
2003 contre 12% en 2000).
Les diagrammes suivants montrent encore mieux ce changement quant à cette délégation de comportement au
sein de la population.
Les agressions anonymes connaissent donc une régression et passent de 54% en 2000 à 50% en 2003.
Sur les lieux de travail aussi, il y a apparemment une diminution des comportements racistes (20% en 2000
contre 15% en 2003). On remarque la même tendance dans les transports publics (chauffeurs de bus, de train ou
de tram) où on passe de 14% en 2000 à 11% en 2003.
FIG.5 : RÉPARTITION DES MISES EN CAUSE (2000) :
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FIG.6: RÉPARTITION DES MIS EN CAUSE (2003)
4. la Réaction des victimes
Comment les Noirs réagissent face aux agressions racistes dont ils sont victimes ? Les diagrammes suivants
donnent une idée globale de leurs réactions.
On remarque une nette différence dans la réaction des victimes en 2000 et en 2003. En effet il s’est développé
chez elles en 2003 un net sentiment d’impuissance (46%) alors qu’en 2000, elles avaient plutôt tendance à
vouloir discuter (21%) avec les auteurs des actes racistes.
Cette réaction peut se comprendre dans la mesure où, comme annoncé plus haut, une nette différence s’est
opérée parmi les auteurs des actes commis. En 2000, on avait plus à faire à la population civile, alors qu’en
2003, ce sont surtout aux policiers que les victimes semblent le plus être confrontées. On constate aussi que les
plaintes suite aux actes racistes sont rares et diminuent chez les victimes de 5% entre 2000 et 2003. Les
agressions racistes étant très souvent difficiles à prouver du point de vue de la loi, beaucoup se résignent à ne
pas porter plainte. En plus par manque de témoins, toute plainte devient dérisoire.
FIG.7 : RÉACTIONS DES VICTIMES EN 2000
Page 20
FIG.8 : RÉACTIONS DES VICTIMES EN 2003
5. Réaction des témoins de l’acte
Ici encore, on remarque une nette différence dans l’indifférence des témoins des actes. Cela vient corroborer le
fait que les auteurs des actes ayant changé, les auteurs de 2000 qui sont devenus en 2003 les témoins des
agressions policières ne réagissent pas. Ils semblent accepter cet état de fait. Ainsi l’indifférence des témoins
est de 56% en 2000 alors qu’elle passe à 71% en 2003.
Ici aussi les réactions en faveur de la victime ont nettement diminué, car de 32% en 2000, elles diminuent de
près de la moitié et se situent à 16%. Les appuis aux auteurs de l’acte ne varient guère.
Les témoins des actes racistes anti-Noirs semblent donc avoir changé de rôles. Cet appui est d’autant plus
visible que les Noirs dans la vie de tous les jours ont l’impression que le racisme individuel, interpersonnel
dans la population a diminué alors que pendant la période des différentes élections qui ont lieu entre 2000 et
2003, on note une augmentation constante du sentiment de rejet de l’Etranger par le Suisse.
Ainsi la vérité de tous les jours ne reflète pas la vérité des urnes. C’est comme s’il y avait une certaine
hypocrisie dans le comportement des gens. Par l’augmentation de l’indifférence face à des auteurs policiers,
tout se passe comme si caution leur était donnée pour agir comme elles le font contre les Noirs.
FIG.9 : RÉACTIONS DES TÉMOINS EN 2000
Page 21
FIG.10: RÉACTIONS DES TÉMOINS EN 2003
EN CONCLUSION
Après analyse et interprétation des résultats, certaines victimes ont considéré que les diverses expressions ou
manifestations de racisme dérivent des relations entre le Noir et le Blanc depuis l’époque de la traite négrière,
de l’esclavage et de la colonisation. Pour elles, ces préjugés « ne disparaîtront jamais ».
Le délit de faciès et son corollaire de violences policières ne sont pas en reste et semblent même avoir pris de
l’ascendance non seulement dans la quantité mais aussi dans la gravité. Si ce délit de faciès est devenu un réel
problème à cause d’une poignée de Noirs qui s’adonnent à la vente de la drogue, l’enquête montre surtout que
beaucoup de victimes, parce que Noires, ont été gratuitement humiliées, violentées par des policiers qui les
auraient confondues avec d’autres Noirs délinquants, selon la phrase-type maintes fois balancée : « Vous
correspondez à notre signalement ».
Les informations recueillies ici devaient amener à l’élaboration d’un document de référence et de travail non
seulement pour les membres du CRAN et le grand public, mais aussi comme un outil de sensibilisation, une
sorte de baromètre devant permettre à tout un chacun de jauger l’état du racisme anti-Noir dans une société
aussi multiculturelle que la Suisse.
Un autre objectif subséquent, auquel a conduit ce sondage, a aussi été d’alerter les autorités pour que des
mesures adéquates soient prises à temps afin d’éviter qu’une partie de la population - les Suisses Noirs - ne se
sente rejetée. D’autant plus que les problèmes auxquels les Noirs de Suisse sont confrontés sont devenus
récurrents et ont amplifié au cours des ans. Comme le démontrent, dans les pages suivantes, les faits marquants
qui ont émaillé l’actualité suisse, ainsi que des témoignages ou des prises de positions du CRAN, entre 2002
(mise en place de l’Observatoire du CRAN) et 2014.
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CHAPITRE 2
FAITS MARQUANTS D’ACTUALITÉ
LIÉS AU RACISME ANTI-NOIR
EN SUISSE
DE 2002 À 2014
(Actes et Actions relevant du Racisme, de la Discrimination raciale, de la Xénophobie ou de
l’Intolérance à l’égard des Noirs)
FAITS MARQUANTS - 2002
Lausanne : Opération Alpha contre les dealers Noirs
Mme Doris Cohen-Dumani, directrice de la Sécurité publique, et M. Gérard Hagenlocher, commandant de la
Police municipale, présentent à la presse l’Opération Alpha, avec un grand tapage médiatique. Il s’agit
d’affecter spécialement 15 policiers à la traque en centre-ville des dealers. Mme Cohen-Dumani s’est voulue
très précise à l’égard de ces derniers, sur les plateaux de la télévision : «Ce sont des gens d’origine africaine».
Commentaire du Temps : «La formulation de Cohen-Dumani, maladroite, en a (…) rajouté à la négrophobie
ambiante qui tente de faire croire à l’équation “Noir=dealer“». (Le Temps, 16.1.2002)
Colombier (NE) : Etudiant africain tabassé
Un étudiant africain âgé de 20 ans est sévèrement tabassé par de mystérieux individus, alors qu’il se rend à un
cours au Centre professionnel des métiers du bâtiment (CPMB). Le jeune homme, très choqué, a été entendu
par des enquêteurs. (ATS, 16.1.2002)
Berne/canton : Communes bernoises contre la violence et le racisme
Pas moins de 25 communes de la région de Berne se sont réunies pour créer la première antenne contre la
violence et le racisme. A l’enseigne de “gggfon-Gemeinsam gegen Gewalt und Rassismus“, ce centre de
conseil et d’information ouvrira ses portes début février, a annoncé l’association “Région Bern“. Le projet a été
lancé par la commune de Muenchenbuchsee, déjà confrontée à plusieurs reprises à des incidents avec des
groupes de jeunes d’extrême droite. Selon la Commission fédérale contre le racisme, il s’agit de la première
antenne du genre ouverte par des communes en Suisse. (AP, 29.1.2002)
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Berne fédérale : Lacunes de la lutte contre le racisme
La Commission fédérale contre le racisme (CFR) rend public un rapport rédigé par le Forum suisse pour l’étude
des migrations et dressant un tableau saisissant des carences dans les structures à disposition des victimes de
discrimination raciale. Est également relevée l’absence de coordination, tant à l’échelle régionale ou nationale,
qu’entre les acteurs concernés par la problématique. (Le Temps, 8.2.2002)
Lausanne : Média raciste ? (I)
Sur la couverture du nouveau numéro du magazine romand L’Hebdo (21.2.2002) explose ce titre racoleur :
«Criminalité étrangère , les chiffres tabous : 80% des agressions en Suisse sont commises par des étrangers».
Un titre de couverture ne reposant sur rien de tangible? La conclusion de l’article intérieur est toute autre :
«99% des étrangers n’ont rien à se reprocher». Alors, désinformation, manipulation de chiffres ? D’autant que
dans ces chiffres de la «criminalité étrangère», le magazine ne souligne aucunement le fait que près de la moitié
des infractions commises par les étrangers non-résidents (ex. requérants d’asile) ne peuvent être commises par
des Suisses, en particulier les multiples contraventions aux décisions d’expulsion du territoire suisse ou
cantonal (Office fédéral de la Statistique).
Suisse : L’Afrique discriminée dans les médias suisses
A l’occasion de leur campagne annuelle ayant pour slogan cette année «Un autre monde ne sera possible
qu’avec une autre information», Action de Carême et Pain Pour le Prochain, deux Oeuvres d’entraide, ont réuni
à Fribourg des professionnels des médias. Leur campagne “Partager la communication“ formule des
revendications autant au gouvernement qu’aux entreprises de télécommunications et aux médias suisses. Ces
derniers sont accusés d’offrir une image biaisée des pays du Sud, en particulier d’Afrique. Réplique de Daniel
Pillard, rédacteur en chef du défunt dimanche.ch : «La place dans les médias du Nord pour les infos du Sud ne
se mendie pas : elle se mérite»… (Le Temps, 25.2.2002)
Genève internationale : Racisme anti-Noir au centre des échanges post-Durban
Pendant deux jours, à l’initiative de militants antiracistes ayant participé à la Conférence mondiale contre le
racisme, à Durban (Afrique du Sud), en 2001, une large réflexion est engagée autour du thème «Après Durban :
Perspectives de lutte contre le racisme et l’exclusion en Suisse et dans la région Genève-France voisine».
Associant des spécialistes, des diplomates, des représentants d’ONG et des politiques, ces journées de réflexion
ont permis de mettre à la disposition d’acteurs du terrain n’ayant pas été à Durban les importants acquis de cette
Conférence afin de les impliquer dans le processus engagé. Ces acquis, dans la perspective de la lutte contre le
racisme anti-Noir ont été au centre des débats. (Communiqué des organisateurs, 24.2.2002)
Berne fédérale : Nouvelle Loi contre les Etrangers ?
Le Conseil fédéral livre au parlement un «Message» l’invitant à se pencher sur son projet de nouvelle Loi sur
les Etrangers (Letr). Cette loi jugée xénophobe, voire raciste, par les milieux antiracistes autant que par la
Commission fédérale contre le racisme, est spécialement dirigée contre les étrangers du deuxième cercle, ou
non-européens, susceptibles de mettre en danger «l’équilibre de l’évolution démographique et social du pays»
(Le Courrier, 9.3.2004). Parmi ces étrangers ainsi visés, les Africains passent pour être les plus représentatifs,
puisque les plus différents et les plus repérables du point de vue de leur visibilité.
Sion : Rejet d’un recours après la mort d’un requérant nigérian
Le Tribunal cantonal valaisan a rejeté le recours de la famille du requérant d’asile nigérian mort en prison en
mai 2001 contre la décision du juge instructeur de ne pas ouvrir d’enquête. Le tribunal admet que les policiers
impliqués ne pouvaient prévoir le décès. Le requérant avait succombé après avoir résisté à son renvoi le 1er mai
2001. (ATS, 19.3.2002)
Berne fédérale : Journée nationale contre le racisme anti-Noir
La Commission fédérale contre le racisme (CFR) a choisi, ce 20 mars 2002 de placer sa Journée nationale
annuelle sous le signe de la sensibilisation au racisme anti-Noir. Organisée avec le Groupe de réflexion et
d’action contre le racisme anti-Noir (GRAN, ancêtre du CRAN), sa journée de réflexion qui a réuni une
centaine de personnes à l’Université de Berne a porté sur le thème «Les ombres du passé et le poids des
images : le racisme anti-Noir en Suisse» (CFR, Rapport 2002)
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Suisse : Naissance d’une organisation Noire contre le racisme
Avec la volonté de s’impliquer pleinement dans la lutte contre le racisme, les communautés Noires de Suisse
créent ce 23 mars 2002 leur propre organisation, le Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme antiNoir (CRAN), dont une des missions essentielles sera le monitoring des faits racistes visant les Noirs grâce à
son Observatoire du racisme anti-Noir en Suisse. (Communiqué CRAN, 23.03.2002)
Lausanne : Critiques socialistes contre l’Opération Alpha
Interpellée au Conseil municipal par Mme Myriam Maurer-Savary, cheffe du groupe socialiste, sur des
«contrôles musclés qui se feraient sur la base de l’allure exotique des personnes», Mme Cohen-Dumani,
directrice de la Sécurité publique, après un constat d’autosatisfaction sur les résultats de l’Opération Alpha,
n’écarte pas cette éventualité et promet quelques mesures : proscription du tutoiement, interdiction de
l’étranglement comme mode de faire cracher aux dealers les boulettes de drogue qu’ils conserveraient dans leur
bouche, cours d’éthique pour les policiers... (24 Heures, 11.4.2002)
Buchs (Saint-Gall) : Une commune refuse d’accueillir des requérants d’asile Noirs
Les autorités de Buchs (Buchser Gemeinderat) annoncent leur refus d’accueillir des requérants d’asile Noirs sur
le territoire de leur commune. Toutefois, le Conseil d’Etat du canton de Saint-Gall va refuser d’accéder à la
demande des autorités communales. (Südostschweiz, 26.4.2002). Par la suite, un dialogue fructueux sera
instauré entre ces autorités et le CRAN, par un échange de lettres.
Lausanne : Le canton de Vaud se félicite de sa lutte contre les dealers Noirs
Au terme des deux premiers mois de son Opération Strada, la police cantonale annonce triomphalement
quelques résultats : démantèlement de deux réseaux importants, l’un d’origine balkanique ravitaillant le marché
de la Riviera, l’autre d’origine africaine pourvoyeur des dealers lausannois; saisie de 5 kg d’héroïne, 2 kg de
cocaïne et environ 33’000.- en cash provenant de ce marché. A l’origine de ces «résultats positifs» : le «bon
fonctionnement de la chaîne pénale» réunissant justice, police municipale lausannoise et police cantonale.
L’Opération Strada se poursuit. (www.police.vd.ch/communique_presse/)
Genève : Le canton de Genève se félicite de sa lutte contre les dealers Noirs
Lors d’une conférence de presse, la ministre de la police, Micheline Spoerri, et le chef de la police, Christian
Coquoz, se sont félicités de la politique cantonale de lutte contre les dealers au centre-ville. Il s’agit, depuis
janvier, des mesures d’assignations territoriale et locale ainsi que de la mise sur pied d’une brigade spéciale. La
police aurait ainsi constaté que «la majorité écrasante des dealers arrêtés étaient des requérants d’asile
africains ou algériens en mesure de renvoi ou en délai de départ». (ATS, 3.5.2002)
Laufond : Injures et agressions racistes contre un jeune footballeur Noir
Lors d’un match de football opposant des équipes juniors, un joueur Noir de l’équipe invitée a été traité de
«Scheiss-Neger» par les spectateurs. Quelques joueurs de son équipe ont répliqué en traitant les autres de
«Dreckschweizer», avant que tout ne revienne en ordre. (Basler Zeitung, 7.5.2002)
Berne fédérale : Refus aux victimes du racisme de recourir à l’ONU
En ratifiant en 1994 la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale, la Suisse n’avait pas reconnu aux victimes du racisme la possibilité de recourir au Comité de l’ONU
pour l’élimination de toute discrimination raciale (CERD). Cette compétence du CERD continue de ne pas lui
être reconnue. Malgré l’avis du Conseil fédéral, avis du reste suivi par les députés fédéraux, les sénateurs se
sont majoritairement opposés à ce que les victimes du racisme en Suisse puissent porter plainte auprès du
CERD. Ils ont toutefois renvoyé le projet à une commission pour des «éclaircissements supplémentaires». (Le
Temps, 14.6.2002)
Lausanne (VD) : Bagarre entre policiers (en civil, en congé et ivres) et jeunes Noirs
Trois inspecteurs de police qui avaient passé leur nuit au MAD, une discothèque branchée, étaient dans un état
d’ébriété avancé lorsqu’ils se sont trouvés, à la sortie, face à un groupe de jeunes Noirs. En civil et en congé, ils
auraient provoqué ces derniers, parmi lesquels ils auraient reconnu de dealers. Une bagarre s’en est suivie. Un
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des inspecteurs grièvement blessé a dû être hospitalisé. «Les policiers ont l’obligation de dénoncer une
infraction grave. Mais cela ne veut pas dire que c’est à eux à intervenir. On ne les encourage pas à le faire,
d’autant qu’ils n’en ont pas les moyens techniques en congé. En principe, chez nous, ils doivent plutôt avertir
leurs collègues et faciliter l’intervention de la police», a néanmoins précisé le porte-parole de la police
lausannoise Jean-Christophe Sauterel… (24 Heures, 19.6.2002)
Fribourg : Ils ressemblaient à d’autres Noirs, ils se retrouvent au poste ligotés, déshabillés…
Quatre jeunes d’origine africaine circulant en voiture sont stoppés par la police de Fribourg. Arrêtés sous la
menace des armes, ils sont ligotés, emmenés au poste de police puis fouillés. Ils ont même dû se déshabiller
entièrement. C’est seulement au bout d’une heure qu’ils ont être relâchés. Les jeunes sont convaincus que la
police aurait procédé autrement s’il s’était agi de jeunes Blancs. Les agents ont déclaré que les quatre jeunes
correspondaient au signalement de personnes dangereuses recherchées par la police. (Liberté, 22.6.2002)
On se demande de quel signalement il pouvait s’agir, à part celui d’être Noirs…
Carouge (GE) - : Des habitants s’opposent à l’accueil de Noirs sur leur commune
Une Association des Intérêts de Pinchat (AIP), quartier de la commune de caroude, dans le canton de Genève,
adresse un courrier musclé aux responsables cantonaux afin de s’opposer à l’ouverture d’un centre
d’hébergement de requérants d’asile. Selon le journal gratuit GHI (Genève Home Informations), «l’AIP se
fondait sur une remarquable enquête du journal “Le Temps“ (16.2.2002, ndlr)… Il y était question des filières
africaines de la cocaïne et des problèmes spécifiques de requérants jeunes et célibataires. Selon des
indiscrétions, cette association a appris que 250 requérants célibataires originaires d’Afrique de l’Ouest
allaient être installés à Pinchat». Une pétition lancée par l’AIP a entretemps recueilli 1000 signatures dans un
quartier peu peuplé. Interviewé par la Tribune de Genève (30.9.2002), le ministre genevois Laurent Moutinot,
socialiste, pris à partie par l’AIP, a crié au racisme! (GHI, 19.9 et 2.10. 2002)
Genève : Délégués d’ONG africaines indésirables
Au Forum mondial de la société civile qui se déroule du 15 au 19 juillet, c’est «l’hécatombe». Plusieurs
dizaines de délégués, voire plus de cent, en majorité africains se sont vus refuser le visa d’entrée en Suisse par
plusieurs ambassades suisses. Selon Sebastien Ziegler, président du comité d’organisation, la raison serait «la
peur que les conférenciers ne restent illégalement en Suisse». L’affaire est jugée «scandaleuse» dans une
Genève internationale qui, «incohérente», cherche pourtant, en accord avec Berne, à renforcer le rôle et
l’efficacité des ONG. Chaque année, assistent ainsi à la commission des droits de l’Homme plusieurs délégués
dûment inscrits et accrédités auprès de l’ONU. (La Tribune de Genève, 16.7.2002)
Faisant suite à cette affaire, et à l’instigation du secrétaire général du CRAN, à la fois dans le comité dirigeant
de Regards Africains, plusieurs ONG africaines établies à Genève signent le 20 juillet 2002 une «Déclaration
des ONG et Associations africaines de Suisse» à propos des Africains personnae non gratae en Suisse lors du
Forum de la société civile. Envoyée aux médias autant qu’aux autorités suisses, au secrétaire général de l’ONU,
aux missions diplomatiques, elle exprime leur indignation et dénonce ces «pratiques discriminatoires et
racistes» qui vont croissant.
Genève : Africaines maltraitées à la douane
Lors d’un contrôle à un poste frontalier, le 24 juillet, deux amies africaines se rendant en France voisine se font
interpeller par des policiers douaniers, sont emmenées à l’intérieur du poste avant de se voir soumettre à la
fouille de leurs sacs et de leur corps. Calme jusque là, une des filles ne se retient plus lorsque les attentions de
la police vont au-delà de ce qui est acceptable. «Vous n’avez pas le droit de me traiter comme cela!»
s’exclame-t-elle, désormais énervée. «Comment on les a traités les nègres? Sale négresse!», lui rétorque le chef
des policiers qui a reconnu ce dérapage, mais en alléguant avoir été provoqué par les propres insultes de la
jeune dame. L’échange d’amabilités devient tel que celle-ci est placée en cellule «pour qu’elle se calme». Le 29
juillet 2002, elle a déposé plainte pénale pour discrimination raciale. Les quatre douaniers ont à leur tour porté
plainte pour «injures et menaces». (La Tribune de Genève, 8.8.2002)
Lausanne (VD) : Aucun recours contre la mort en prison d’un requérant nigérian
Le Tribunal fédéral déboute la famille d’un requérant d’asile nigérian mort dans une prison valaisanne le 1er
mai 2001 à la suite de brutalités policières. Ses juges écartent le recours de cette famille contre le refus du
tribunal valaisan d’ouvrir une enquête pour homicide par négligence. Le jeune Nigérian, 28 ans, sur le point
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d’être renvoyé, avait opposé une forte résistance qui avait amené deux policiers à le plaquer au sol et à
s’appuyer sur lui pour lui passer les menottes. Pourtant, selon les experts en médecine légale, «le décès pouvait
être attribué à une asphyxie consécutive à la position de contention sur le ventre avec les bras fixés au dos et la
mise de poids sur le thorax» (Le Temps, 27.7.2002)
Genève : Média raciste ? (II)
Dans un éditorial incendiaire fustigeant la gestion du président Robert Mugabe du Zimbabwe, à l’occasion d’un
reportage tendancieux “Zimbabwe, l’espoir brisé d’un fermier suisse“, un journaliste du Temps n’a pas manqué
de ressortir les vieux clichés coloniaux et racistes à l’appui de sa défense des quelques fermiers Blancs
inquiétés par les projets de redistribution de leurs terres inexploitées à des paysans Noirs. Il a ainsi reproché
notamment au président zimbabwéen de «chasser les paysans blancs, seuls à savoir cultiver des denrées
alimentaires à une échelle qui dépasse la subsistance»… (Le Temps, 14.8.2002)
Genève : Hani Ramadan se prononce pour la lapidation des femmes nigérianes accusées d’adultère
Enseignant et directeur du Centre islamique de Genève, Hani Ramadan défend avec vigueur cette loi divine,
après les condamnations à mort par lapidation de Safiya Husseini et Amina Lawal au Nigeria, pour adultère
(enceintes sans être mariées. Certes, condamnée en octobre 2001, Safiya Husseini a été acquittée le 25 mars
2002, tandis que Amina Lawal, condamnée en mars 2002, sera acquittée plus tard, le 25 septembre 2003. Il
n’empêche que dans une tribune du journal Le Monde, intitulée «La Charia incomprise», Hani Ramadan écrit
que la lapidation était une «punition», mais aussi une «purification». (Le Monde, 10.09.2002)
Bâle : Le footballeur d’origine congolaise Blaise Nkufo crie au racisme !
Peu avant le début du match devant opposer la Suisse à l’Autriche, et non retenu à la dernière minute, le
footballeur Blaise Nkufo claque la porte de la sélection suisse et retourne en Allemagne rejoindre son nouveau
club Hanovre. D’origine congolaise (ex-Zaïre) et naturalisé suisse, ce joueur qui a fait la gloire du Stade
Lausanne, de Lausanne Sports et d’Yverdon, n’a pu s’empêcher de donner libre cours à son amertume, à
l’occasion d’une longue interview accordée le lendemain : «Je suis face à la réalité : ma couleur de peau est un
handicap, et quand un choix doit être fait, c’est moi qui trinque. Je ne crois pas avoir démérité sur le terrain,
mais un Noir doit montrer deux fois plus qu’un Blanc. Je sais cela depuis longtemps, mais maintenant je veux
le dire haut et fort, même si cela doit choquer. (…) Il faut être Noir pour comprendre ce qu’est le racisme voilé.
(…) Si je suis parti, ce n’est pas parce que je n’étais pas dans le onze de base, pas du tout. Du banc, j’en ai
déjà fait. C’est le sentiment de n’avoir pas la même chance que tout le monde, (…) qu’être Noir est un
handicap éternel» (24 Heures, 23.8.2002).
En 2001, le Sénégalais Pape Thiaw, évoluant au Lausanne Sports, avait pensé lancer avec d’autres joueurs
africains une action «Stop au racisme», à la suite de propos racistes tenus à son égard, sur le terrain… (Le
Temps, 29.9.2001)
Genève : Déshabillée complètement au poste devant des policiers mâles
A l’arrêt du tram de la douane de Moillessulaz (frontière avec la France), ce 22 septembre, une jeune
Camerounaise portant son nourrisson de 5 semaines sur son ventre peine à extraire un billet de l’automate. Le
tram menace de partir. Elle tente de monter dans le véhicule pour informer le conducteur qu’elle prendra son
ticket à l’arrêt suivant, pratique très courante. Deux agents des Transports publics genevois (TPG) présents
l’empêchent de monter et l’accusent de chercher à frauder. L’altercation verbale qui s’ensuit amène ces
derniers à appeler la police. Arrivés toutes sirènes hurlantes comme s'ils intervenaient sur la scène d'un crime,
les policiers n'accordent foi qu'à la version des agents TPG et tiennent à la dame des propos soupçonneux,
agressifs, provocateurs, avant de la balancer violemment dans leur véhicule pour le commissariat de Thônex.
Où ils la séparent sans ménagement de son bébé avant de la fouiller intégralement. Bien qu’une policière
procède au déshabillage et à la fouille, deux policiers mâles sont restés dans le local et observent la scène. Face
à l’humiliation et à la violence subies et totalement injustifiée, la dame a porté plainte. (Le Courrier, 25.9.2002)
Genève : La ministre de la Police interdit son centre-ville aux dealers Noirs
Après avoir obtenu l’accord de l’Office fédéral des Réfugiés (ODR), Mme Micheline Spoerri, ministre de la
police, qui a entrepris ce 8 octobre un «nettoyage» de Genève de tous ses trafiquants de drogue visibles, Noirs
essentiellement, annonce des mesures d’interdiction de tout le centre-ville à leur endroit. Désormais, les
trafiquants interpellés sans autorisation valable vont se voir remettre une carte de la zone prescrite. Dans sa
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conférence de presse, la ministre n’a pas manqué de féliciter sa “Task Force Drogue“ mise en place depuis
mars 2002 et qui a déjà procédé à 603 arrestations, dont 437 requérants d’asile «ou considérés comme tels» et
«presque tous originaires d’Afrique de l’Ouest». Quant aux saisies de drogue, en dépit de ces nombreuses
arrestations, «elles ne sont pas grandioses», selon le journaliste qui a assisté à la conférence de presse… (La
Tribune de Genève, 9.10.2002)
Berne fédérale : Gros moyens pour accélérer les renvois de requérants africains
Les demandes d'asile de requérants originaires d'Afrique, principalement d’Angola, Guinée, RDC, Nigéria,
Sierra Leone, etc. seront traitées en priorité. De même, le rapatriement des personnes condamnées par la justice
ou au comportement asocial aura la priorité. Compte tenu de l'augmentation du nombre des demandes d'asile
déposées par des ressortissants d'Afrique occidentale, la conseillère fédérale Ruth Metzler a décidé un train de
mesures, qu'elle a chargé l'Office fédéral des réfugiés (ODR) d'appliquer immédiatement. (ATS, 11.10.2002)
Zürich : Manifestation contre le racisme
A l’appel de plusieurs organisations, a lieu une grande «Manifestation contre le racisme! Pour une politique
d’asile et de migration solidaire et humaine». Réunissant plusieurs centaines de personnes, les organisateurs
ont voulu «donner un signal de solidarité sans équivoque» à l’adresse des populations visées par l’initiative de
l’UDC qui «signifierait en fait l’abolition du droit d’asile en Suisse». (ATS, 26.10.2002)
Berne canton : Tabassé, hospitalisé et condamné à se taire
Un jeune requérant d’asile nigérian, interné au centre Flüchtlingsunterkunft, à Lyss, dans le canton de Berne,
interdit de se déplacer au-delà de sa localité de résidence, n’a pas résisté à l’envie d’aller rencontrer quelques
amis à Berne, fin octobre. Où il se fait interpeller par des policiers. Effrayé à l’idée de devoir subir des
sanctions pour désertion de son lieu de résidence, il choisit d’échapper au contrôle et prend ses jambes à son
cou. Pensant avoir affaire à un criminel, les policiers se mettent à ses trousses, le rattrapent et se mettent à le
tabasser avec une telle violence que le jeune garçon s’évanouit. Lorsqu’il se réveille, il est sur un lit d’hôpital
avec deux bras cassés, la mâchoire déplacée, le nez brisé, des douleurs dans tout le corps, incapable durant
plusieurs semaines de se laver et de manger sans l’aide d’une autre personne. Très bavard lors d’une première
visite effectuée dans son centre par un de nos collaborateurs à sa sortie d’hôpital, il sera d’un mutisme total lors
d’une seconde visite. Avait-il été menacé d’expulsion s’il parlait à des organisations de défense des droits de
l’Homme? La responsable du centre donnera même une nouvelle version des faits : le jeune Nigérian serait
plutôt tombé en courant - ou, une autre fois, en voulant sauter un mur - et se serait ainsi brisé les deux bras et le
nez… (communiqué au CRAN, 20.1.2003)
Zürich : Ils sont Suisses, mais «simples Nègres» d’abord
C’est sous ce titre que le grand quotidien Tages Anzeiger publie une enquête émouvante sur des jeunes Suisses
présentant la particularité d’avoir la peau noire et de subir des tracasseries policières en raison de cette couleur.
Métis pour la plupart et, donc, malgré une partie de sang suisse coulant dans leurs veines, ils sont
quotidiennement confrontés en public, de la part de la police, à des comportements discriminatoires qui leur
gâchent souvent leur journée et, surtout, qui leur font douter de leur identité suisse. Car pour les policiers, ils
sont avant tout de «simples Nègres» et que «tous les Noirs se ressemblent» (Tages Anzeiger, 31.10.2002)
14 Novembre : Renvoi systématique de requérants angolais à nouveau possible
Berne - Jusque là relativement préservés des renvois systématiques, les requérants d’asile angolais déboutés
vont désormais se trouver dans le collimateur. Se fondant sur une «stabilisation de la situation politique en
Angola», l’Office fédéral des Réfugiés (ODR) vient de prendre une mesure dans ce sens, laquelle concernerait
un total de 3600 personnes. Un programme d’aide au retour pour les personnes ayant déposé leur requête avant
le 1er novembre accompagne la mesure. (ATS, 14.11.2002)
Sion : «Les dictateurs africains sont des macaques»
A l’occasion d’une réunion publique autour du débat sur l’initiative anti-asile de l’Union démocratique du
Centre (UDC), en votation le 24 novembre 2002, le président de ce parti, Oskar Freysinger, professeur
d’allemand de son état, a tenu des propos à la limite du racisme. Fustigeant les dictateurs africains comme
producteurs de requérants d’asile, il n’a pas hésité à les comparer à des «macaques». Indisposé par ces propos,
M. Yves Ecoeur, député socialiste, présent, les a dénoncés comme tombant sous le coup de l’art. 261 bis du
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Code pénal et introduit une action auprès du procureur de Sion. Qui n’y donnera aucune suite, ayant estimé que
les propos ne visaient que les dictateurs, «or les dictateurs peuvent être de toutes les races»… (Le Nouvelliste,
22.11.2002; enquête ultérieure du CRAN)
Rapperswil : Tentative de meurtre sur un jeune Noir
L’approche de la votation du 24 novembre sur l’initiative du parti nationaliste et xénophobe UDC rendrait-elle
le climat anti-requérants d’asile, anti-dealers et anti-Noirs des plus électriques ? Un jeune Nigérian de 25 ans
attendait seul, ce 22 novembre, sur un des perrons de la gare de Rapperswil, un train pour Zürich et le centre
d’hébergement de candidats à l’asile. Sans prévenir, un autre jeune homme marche vers lui et l’agresse
physiquement au couteau. Deux autres jeunes viennent lui prêter main-forte. Les assaillants, âgés de 17 à 20
ans, Blancs, sérieusement battu le jeune Africain et l’ont laissé avec de profondes blessures au ventre, avant de
prendre la fuite. La police locale a aussitôt qualifié l’acte de «tentative de meurtre»… (La Liberté, 22.11.2002)
Suisse : L’initiative anti-asile et xénophobe de l’UDC échoue de peu!
L’initiative «Contre les abus dans le droit d’asile» émanant du parti gouvernemental Union démocratique du
Centre (UDC) et devenue au fil des débats et de leur médiatisation une initiative anti-asile, anti-dealers et antiNoirs, a manqué de peu d’être voté par le peuple suisse. Toutefois, en recueillant 49,2 % des voix, il s’agit
d’une victoire pour ce parti nationaliste et xénophobe. L’initiative proposait un certain nombre de mesures
vidant le droit d’asile de son contenu. Elle exigeait notamment que tout requérant d’asile ayant transité par un
pays tiers dit «sûr» soit renvoyé illico dans ce dernier pays, allant jusqu’à proposer de sanctionner les
compagnies d’aviation qui desserviraient la Suisse sans avoir procédé elles-mêmes à un premier tri. A un
moment où de nombreux Suisses sont excédés par la vue de jeunes Noirs traînant dans les gares par oisiveté ou
comme dealers, l’initiative demandait également de réduire encore davantage l’accès des requérants d’asile au
marché du travail ainsi qu’aux prestations sociales et aux soins médicaux. Globalement, l’initiative prétendait
dénoncer «les milliards que coûteraient les abus dans le droit d’asile». Sans citer bien sûr un seul des milliards
que rapporte l’asile à l’économie suisse, comme l’a démontré le magazine Bilanz appartenant aux milieux
économiques... (divers quotidiens, 25.11.2002; Bilanz, mai 2003)
Berne fédérale : «La Suisse orientale n’a pas l’habitude des Noirs»
Interrogé au lendemain de la demi-victoire de l’initiative de l’UDC contre les requérants d’asile, le directeur de
l’Office fédéral des Réfugiés (ODR), Jean-Daniel Gerber s’est vu poser par le correspondant du quotidien La
Tribune de Genève cette question : «Vous avez vous-même beaucoup contribué à porter sur le devant de la
scène de façon répétée le problème des dealers africains. N’avez-vous pas soufflé dangereusement sur les
braises?». Réponse : «Non. (…) Si nous n’avions rien fait cela aurait été pire encore. Bien sûr, je ne pourrai
jamais le prouver. C’est vrai que les Africains sont une minorité parmi les requérants et que tous ne sont de
loin pas des délinquants. (…) Nous avons expliqué ce qui se passait. En Suisse romande, les gens sont peut-être
habitués à voir des Noirs. En Suisse orientale, c’est différent. Les gens voient parfois des Africains habiter
dans leur région pour la première fois»… (La Tribune de Genève, 26.11.2002)
Bienne : Non aux photos de sidéens Noirs pour la campagne anti-SIDA !
Aide SIDA Berne avait prévu d’installer sur la place Centrale de Bienne, pour la Journée mondiale de lutte
contre le Sida, l’exposition “Durchblickdurch“ du photographe Peter Schweizer. Cette exposition vise à
montrer les ravages du SIDA en Afrique, à travers des visages d’enfants et adultes tanzaniens touchés par le
virus. Afin de ne pas éveiller les susceptibilités Noires, une semaine après la votation fédérale sur le droit
d’asile qui avait révélé une forte poussée xénophobe et raciste dans la population, Aide SIDA Berne est
revenue sur son choix. Ce réflexe sain et en cohérence avec le thème de cette année, «Discrimination et
stigmatisation», pour ne pas en rajouter aux images négatives des Noirs (dealers, prostituées… bientôt sidéens)
n’a cependant pas été du goût de tout le monde. Privé d’un voyeurisme qui lui est habituel, M. Béat
Grossenbacher, rédacteur en chef du quotidien local, Journal du Jura, s’est fendu d’un éditorial incendiaire,
«Insulte aux Biennois» pour pourfendre la décision d’annulation de l’exposition! (Journal du Jura, 30.11.2002)
Genève : «Dur dur d’être Noir dans une gare
Journaliste sénégalais accrédité auprès de l’ONU, El Hadji Gorgui Ndoye est un hélvetophile convaincu : il a
été le seul journaliste étranger à couvrir à New York la cérémonie d’entrée de la Suisse à l’ONU, le 10
septembre 2002, «une manière de rendre hommage à la Suisse qui a soutenu avec désintéressement le Sénégal
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lors de la Coupe du monde de football». Malgré cela, il a été souvent confronté à des contrôles policiers au
faciès à la gare. Il a raconté un de ces contrôles, invité par La Tribune de Genève à exposer librement ses
réflexions : «Etonné d’être le seul à être apostrophé parmi tant de voyageurs et de passants, j’ai sorti mes
documents d’identification tout en demandant aux policiers : «Pourquoi moi et pas les autres?» On me fit
sortir mes affaires de mon sac (…). Enervé, j’ai tout jeté par terre pour montrer que je n’avais rien à cacher
(…). Les deux policiers ont manifestement compris que je n’aimais pas le scénario et m’ont conduit à leur
poste logé discrètement dans les Pâquis, en menaçant de me passer les menottes. (…) Ce n’est pas «montrer
patte blanche» malgré mes pieds noirs qui fut dérangeant, mais l’incongruité de se voir interpeller parce qu’on
est Noir qui fut froissante. Imaginez une personne qui ne fume pas, qui ne boit pas et en plein jeûne de
ramadan qui se fait fouiller pour de la drogue au coeur de milliers d’autres individus «censés être clean»
parce que Blancs. C’est au poste de police après vérification du fichier qu’on me fit savoir : «Nous vous avons
vu tourner pendant cinq minutes, c’est pourquoi vous avez été interpellé. Nous savons que vous êtes éduqué,
mais comprenez que nous avons beaucoup de problèmes avec les dealers autour de la gare»… (La Tribune de
Genève, 30.11-1.12 2002)
Meilen (ZH), une commune « interdite aux Noirs »
Le Conseil communal de Meilen, une commune de la banlieue de Zürich, interdit désormais à «ses» requérants
d’asile de se rassembler dans des lieux publics tels la gare, la poste oules magasins Migros ! (ATS, 9.12.2002)
Comment va-t-on identifier ces requérants? Sans doute le préjugé général «Noir = requérant d’asile = dealer»
servira-t-il de point de repère…Toutefois, suite à l’intervention du canton, ce conseil communal dominé par
l’UDC (extrême-droite xénophobe) lèvera l’interdiction le 23 décembre.
Mörschwil (St-Gall) appelle à la délation des Noirs «incorrects»
La commune de Mörschwil, dans les environs de St-Gall, fait paraître dans sa Feuille d’avis officielle un appel
à la surveillance et à la délation par les citoyens des requérants d’asile «surtout originaires de l’Afrique» (14 sur
3300 habitants) qui «se tiennent mal». Pourtant, la commune n’a enregistré en 14 ans que deux incidents
impliquant les requérants! Quand on sait qu’il n’existe aucun signe distinctif permettant de reconnaître un
requérant d’asile, parmi les personnes pouvant se tenir mal dans la commune, dont un bon nombre de Suisses
ivres en cette période de fin d’année, ici aussi c’est le tenace préjugé «Noir = requérant d’asile» qui servira de
repère… Aucune levée de la mesure n’interviendra comme à Mellen. (Tribune de Genève, 23.12.2002)
FAITS MARQUANTS - 2003
Berne fédérale : Accords de sous-traitance pour le renvoi de requérants Noirs
Mme Ruth Metzler, ministre fédérale de la police revient triomphalement d’un voyage en Afrique (Sénégal et
Nigéria) effectué en compagnie de Mme Micheline Spoerri, sa collègue du canton de Genève, et du directeur de
l’Office fédérale des Réfugiés (ODR). But de ce voyage qu’elle avoue à la TSR (journal télévisé du jour) avoir
effectué «aussi à la demande de l’UDC», le parti le plus xénophobe : signer des accords de transit ou de
réadmission des requérants d’asile Noirs déboutés en Suisse et ne possédant plus de papiers pouvant établir leur
pays d’origine… (divers quotidiens, 11.1.2003)
Genève : Le canton met l’intégration sur les rails avec notamment des représentants africains
Premières du genre et dernière pièce du dispositif mis en place par les autorités cantonales pour intégrer les
étrangers, les Assises de l’intégration se déroulent sur toute la journée. Parmi les participants, une majorité
d’associations et de personnes d’origine africaine. Si le déroulement est verrouillé et ne laisse que peu de place
à l’expression des étrangers, le clou de la journée sera l’élection de leurs représentants au sein de la
Commission consultative, un des organes mis en place. Sur les quatre représentants élus, trois sont d’origine
africaine (une Afro-Brésilienne, une Sénégalaise et un Congolais, avec un Turc). (Le Courrier, 13.1.2003)
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Fribourg : La ville est-elle championne de l’antiracisme ?
L’Oeuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO), Caritas et le CCSI/SOS Racisme coordonnent le travail de lutte
contre le racisme. Zurich (ots) - L’OSEO vient d’inaugurer à Fribourg une "Fenêtre anti-racisme": cette
permanence d’accueil, d’accompagnement et d’intervention est ouverte à toute personne victime de
discriminations raciales dans l’emploi et la vie quotidienne. Cet espace vient compléter l’action menée depuis
sa création il y a 12 ans par le Centre de contact Suisses-Immigrés/SOS Racisme. Sa permanence juridique
hebdomadaire traite chaque année vingt à trente affaires soumises par des victimes de racisme. Le CCSI/SOS
Racisme dénonce aussi le racisme institutionnel, les lois et les procédures discriminatoires, voire arbitraires, qui
visent les immigrés. (ATS, 14.1.2003)
Genève : Ancienne ambassadrice malmenée et humiliée à la frontière
Une ancienne ambassadrice africaine, exilée en Suisse et se rendant à la mairie de Plan-les-Ouates (GE) s’est
trompée de voie de sortie sur l’autoroute de contournement en direction de Perly. Elle débouche malgré elle à la
douane de Bardonnex (frontière avec la France). Où, en voulant reprendre la voie inverse pour revenir vers
Genève, elle est retenue dans le local de la police douanière et est victime pendant deux heures d’un traitement
abusif et humiliant. Avant d’être obligée à payer sur-le-champ la vignette, elle subit des sarcasmes, se fait
balader d’un local à l’autre et va jusqu’à être forcée de se déshabiller en partie et de vider le contenu de son sac.
Juste parce qu’elle ne disposait pas sur sa voiture de la nouvelle vignette autoroutière. Ne voulant pas porter
plainte, elle a toutefois souhaité que l’affaire soit portée à la connaissance des responsables. (Lettre du
25.1.2003 au CRAN, qui a fait suivre auprès de la Commission fédérale contre le racisme/CFR)
Meyrin (GE) : Opposition des habitants à la présence de requérants
Ayant appris le 29 janvier l’imminence d’un projet de foyer pour requérants d’asile sur le territoire de leur
commune, des habitants s’organisent pour se rebeller contre ce projet. Paradoxalement La commune de Meyrin
est considérée dans le canton de Genève comme une des plus multiculturelles et également des plus généreuses
quant à l’aide au développement en faveur des pays du Sud. Et pourtant, selon l’Hospice général, chargé de
l’hébergement des requérants d’asile dans le canton, près de 20% de ces derniers sont obligés de se loger dans
des abris de protection civile et des bâtiments «réaffectés». (Vivre Ensemble, No 92, avril 2003)
Saint-Gall : Membre du CRAN acteur d’une scène de racisme anti-Noir dans une gare
Alors qu’il est en train d’effectuer son enquête de routine auprès d’un jeune Nigérian, requérant d’asile
rencontré à la gare le 4 février, un membre du comité du CRAN se fait contrôler avec ce dernier par deux
policiers. Ils sont les seuls Noirs dans la gare et les seuls à être interpellés : «Eh Sie da Ausweis!» (Eh, vous,
vos papiers!). Tout en s’exécutant, les deux Africains n’en demandent pas moins pourquoi sont-ils les seuls à
être interpellés, et de cette manière, d’autant plus qu’en plus des papiers, les deux agents ont commencé à poser
des tas de questions. «De toutes les façons, la plupart des Noirs sont des dealers. Il faut les contrôler quand ils
forment un attroupement, car cela peut nuire à l’ordre public» ! A notre collègue qui leur demande s’ils ne
sont pas en train de commettre un délit de faciès, leur contrôle frisant le racisme, ils lui rétorquent qu’ils
auraient été racistes s’ils les avaient interpellés : «Eh Negger Ausweis!» (Eh Nègres, vos papiers!). Avant de
partir, un attroupement de curieux s’étant formé, l’un d’eux a encore eu le temps de lâcher : «De toutes les
manières, vous n’avez rien à faire ici. L’Afrique a plus besoin de vous que la Suisse»… (enquête du CRAN,
février 2003)
Oberbüren (St-Gall) : Mort d’un requérant d’asile nigérian par «overdose»
Un requérant d’asile originaire du Nigéria, Osuigwe Christian Kenechukwu, 22 ans, a trouvé la mort dans le
centre pour requérants Thurof. Malgré un faisceau d’éléments discordants, voire contradictoires, le rapport de
police établi à cet effet a conclu, de manière péremptoire et avec une désinvolture totale, à un «décès par
overdose de drogues». Une autopsie réalisée peu après, à la demande de sa famille, a plutôt conclu à un décès
dû à une rubéole non traitée malgré des terribles souffrances dont avait fait état la victime. Auparavant, dans un
communiqué, le CRAN avait demandé «l’ouverture d’une enquête plus approfondie et la plus transparente
possible, ayant pour buts de : faire toute la lumière sur les circonstances et les causes de la mort du requérant
d’asile nigérian; déterminer toutes les responsabilités quant aux facteurs ayant conduit à cette mort; et
sanctionner sévèrement ces responsabilités». Cette demande est restée lettre morte. (ATS, 14.2.2003; enquête et
Communiqué du CRAN, 28.2.2003)
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Vugelles-la-Mothe (VD) : Cérémonie Ku Klux Klan pour s’opposer à l’accueil de requérants
Cérémonie haute en couleur et non sans frissons, le 12 février, dans cette commune du canton de Vaud, peuplée
par une centaine d’habitants. Où la population massée sur la place du village et criant des slogans hostiles brûle
en pleine nuit une croix, comme au temps du Ku Klux Klan, aux USA. But de l’opération : s’opposer avec la
dernière énergie à l'installation dans le village d’une soixantaine de requérants d’asile, notamment Noirs. Le
Conseil d’Etat vaudois refusera le 25 février le retrait de la démission des autorités de Vugelles-la-Mothe
donnée le 7 février pour signifier cette opposition. Toutes ces manifestations d'opposition conduiront la
FAREAS (Fondation pour l'accueil des requérants d'asile) à retirer son projet. Dans le canton de Vaud, plus de
250 requérants d’asile ne pouvaient qu’être hébergés dans des abris de la protection civile, dont des familles
avec enfants. (24 Heures, 14.2.2003 et suivants)
Zürich : Camerounaise expulsée et brutalisée
Une Camerounaise, à qui on a signifié son expulsion du territoire suisse, écrit aux autorités cantonales de
Zürich pour dénoncer des policiers qui l’ont violentée et brutalisée devant sa fille dans un quartier de Zürich.
Ces policiers étaient venus les chercher, car selon eux, elles n’avaient plus rien à faire sur le sol helvétique.
(Communiqué au CRAN, le 20.2.2003)
Suisse : Les candidats aux législatives sont invités à s’engager contre le racisme
Le Forum contre le racisme (FCR), qui regroupe une trentaine d’organisations antiracistes, lance une action
Fairness en vue de la campagne électorale pour les élections nationales 2003. Toutes les candidates et tous les
candidats au Conseil national et au Conseil des Etats devraient signer une charte pour une campagne non
raciste. Depuis l'été dernier, on constate en politique et dans les médias une vague de déclarations à tendance
généralisatrice voire racistes suggérant que les abus systématiques en matière de droit d'asile et la hausse de la
criminalité seraient le fait des requérants d'asile africains. Ces déclarations s'inscrivent en toile de fond de la
campagne électorale qui a déjà débuté. Le FCR a ainsi élaboré une charte par laquelle tous les candidats aux
élections au Conseil national et au Conseil des Etats s'engagent à respecter les principes des droits de la
personne et en particulier la Convention contre le racisme de l'ONU. En même temps, les candidats devraient se
distancer des déclarations discriminatoires et s'y opposer résolument. Les alliances politiques et stratégies
électorales devraient également tenir compte de ces critères. (Swissinfo, 21.2.2003)
Berne fédérale : Echec aux accords de sous-traitance de renvoi de requérants Noirs
L’opposition était trop forte, principalement de la part des ONG militant pour les droits de l’Homme et très
dynamiques au Sénégal, relayés par les partis de l’opposition au parlement. Le gouvernement sénégalais a fait
savoir au gouvernement suisse qu’il renonçait à l’accord de transit signé le 8 janvier dernier et qui prévoyait de
renvoyer via Dakar des demandeurs d’asile africains déboutés en Suisse et sans papiers d’identité valables.
(ATS, 3.3.2003)
Entretemps, l’accord avec le Nigéria s’est révélé impossible à appliquer ! Officieusement, les contreparties
offertes par la Suisse ne répondraient aux attentes locales…
Zürich : Brutalisé par la police, il est poursuivi pour brutalités par… la police!
En plein jour, vers 11h00, un jeune Camerounais est interpellé par quatre policiers, dont une femme, sur la
Langstrasse, rue très fréquentée d’un quartier à forte concentration étrangère. Après avoir contrôlé son identité,
ils projettent et plaquent au sol l’infortuné avant de le soumettre devant de nombreux passants à une fouille
humiliante et vaine. Au bénéfice d’un permis B et menant une vie tranquille, le jeune homme cherche à
comprendre les raisons de cet acharnement sur lui exclusivement. Insultes grossières et brutalités lui répondent,
surtout lorsqu’il demande tout simplement aux policiers de lui remettre ses pièces qu’ils avaient jetées sur le
trottoir. M. Hans-Rudolf Speck, de la police de Zürich, donne cette explication au mauvais traitement :
«Malheureusement beaucoup d’Africains noirs s’adonnent à la vente de drogue dans la Langstrasse. Quand un
Noir passe donc dans cette rue, cela est trop voyant». Se considérant victime d’un traitement abusif, le jeune
Camerounais a porté plainte, avec certificat médical à l’appui. Auparavant, les 4 policiers qui avaient pourtant
reconnu leur faute devant leur supérieur, vont faire poursuivre en justice le jeune qu’ils accusent de les avoir
menacés et agressés verbalement lors de l’interpellation. Après avoir pris en main la défense juridique du jeune
Camerounais, le CRAN a par la suite confié l’affaire à Amnesty International Suisse. (Wochenzeitung,
10.7.2003; Enquêtes du CRAN, 17.7.2003)
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Suisse : Un parti propose de limiter l’immigration non-européenne
Les Démocrates suisses lancent une initiative pour la «limitation de l’immigration en provenance d’Etats non
membres de l’Union européenne». Ils demandent que le nombre annuel des immigrants ne dépasse pas le
nombre de personnes ayant quitté la Suisse au cours de l’année précédente. (ATS, 12.3.2003)
Carouge (GE) : Des habitants manifestent contre le racisme d’autres habitants
Quelques 70 personnes manifestent pour dénoncer l’opposition à l’ouverture d’un centre d’hébergement de
requérants d’asile dans le quartier de Pinchat, à Carouge. «Nous sommes tous des enfants d’immigrés»,
pouvait-on notamment lire sur les pancartes. L’opposition a été manifestée aussi bien par les autorités
communales que par de nombreux habitants, pour des raisons de «racisme», aux yeux de beaucoup, dont le
ministre genevois Laurent Moutinot, socialiste (interview à la Tribune de Genève, 30.9.2002). Une pétition a
même recueilli l’année dernière 1000 signatures (voir plus haut). (La Tribune de Genève, 15.3.2003)
Winterthur : Requérant d’asile Noir roué de coups pour rien, par des policiers en civil
Un requérant d’asile allant tranquillement à un entraînement de football non loin du Centre Grüze où il est
hébergé, se fait violemment accosté par deux policiers en civil. Après avoir à peine montré leur carte, ces
derniers le maîtrisent et tentent de lui serrer le cou au point de l’étrangler. Tout en le rouant de coups, ils le
projettent violemment à terre et le fouillent comme un criminel, avant de l’abandonner gisant au sol, avec
plusieurs contusions, n’ayant rien trouvé sur lui. Le jeune requérant affirme connaître les deux policiers qu’il
voit souvent au centre, à la recherche de dealers africains. Manque de chance, plutôt que sur un dealer, ils sont
tombés sur un jeune homme interdit de travail comme des milliers d’autres requérants, mais préférant rompre
son oisiveté par le sport. (Communiqué au CRAN par l’Association Sankofa de Zürich, 16.4.2003)
Genève : Acharnement incendiaire contre une résidence de requérants
Pour la 5ème fois depuis le mois d’octobre, un immeuble du quartier des Pâquis dans lequel habitent des
requérants d’asile prend feu. Sans causer de victimes. Malgré ces incendies successifs, l’enquête continue de
piétiner. (La Tribune de Genève, 30.3.2003)
Berne Jeune Sénégalais licencié parce qu’il n’accepte pas les insultes racistes d’une cliente
Un jeune sénégalais vivant en Suisse depuis 6 ans, employé dans un restaurant Mac Donald, à Berne, refuse de
servir une cliente raciste. Auparavant, il avait servi à cette cliente un chocolat dans un verre qui n’était pas plein
au goût de celle-ci. Après avoir expliqué que c’est une machine qui remplit automatiquement le verre, il
s’apprête néanmoins à aller rajouter du chocolat lorsque la copine de cette dernière le traite de «Scheissnegger»
(Sale Nègre). Lorsqu’il réplique calmement qu’il n’accepte pas une telle insulte, la fille répète de plus belle.
Les choses s’enveniment. Alerté par le bruit, le patron du restaurant vient s’enquérir sur la dispute et ne retient
que la version des filles, à savoir «Ce nègre refuse de nous servir convenablement». A son employé, il se limite
à dire : «Ruhe!» (taisez-vous!). Quelques instants plus tard, il lui remettait sa lettre de licenciement…
(communiqué au CRAN le 12.4.2003)
Genève : Camerounaise violentée par la police déboutée
Un tribunal de Genève rejette l'appel interjeté par une Camerounaise à la suite de la décision du procureur
général de classer la plainte qu'elle avait déposée au pénal contre des policiers après son interpellation,
survenue le 22 septembre 2002 (voir plus haut). Soutenue par ACOR/SOS Racisme, cette femme a affirmé que
les membres des forces de l'ordre l'avaient brutalisée et avaient proféré des injures racistes à son égard. Séparée
de son bébé de cinq semaines, elle avait été soumise à une fouille à corps en présence d'agents de sexe
masculin. Ses avocats ont fait part de leur intention de saisir le Tribunal fédéral, car durant l'information
judiciaire leur cliente n’avait pas été entendue et aucune déposition des témoins retenue. (La Tribune de
Genève, 4 & 9.4.2003)
Winterthur (ZH) : Parents Noirs plaqués au sol avec bébé par la police
En pleine rue, alors qu’il marche tranquillement, un couple Noir avec son bébé, est violemment pris à partie au
milieu de passants par des policiers. Qui cherchent à contrôler leur identité et se mettent à les fouiller sur tout le
corps. Comme les deux parents se plaignent de la discrimination et du mauvais traitement dont ils sont
victimes, les policiers les brutalisent davantage et vont jusqu’à les projeter et maintenir au sol avec bébé afin de
leur passer les menottes. Emmenés au poste, insultés, brutalisés (le mari a failli perdre l’oeil qu’il venait de se
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faire opérer), ils sont relâchés au bout de deux heures, après une fouille infructueuse. Sans excuses. Plus tard la
police donnera cette explication : «les familles africaines volent dans les magasins à Winterthur». Et elle était à
la recherche de cartes de crédit volées... (NZZ 22.5.2003; Enquête CRAN, 30.5.2003)
Zürich : Selon un magazine, les requérants d’asile rapportent beaucoup d’argent à la Suisse
Le magazine mensuel Bilan publie une étude choc ce mois. Il montre comment les requérants d’asile
n’engendrent pas que des coûts sans cesse dénoncés par les partis politiques de droite, notamment l’UDC. En
effet, les requérants sont également une source importante de profits. Aux créations d’emplois et aux
cotisations sociales, il faudrait ajouter les commerces, agents immobiliers, etc. (Bilan, mai 2003)
Berne fédérale : « La nouvelle Loi sur les Etrangers est raciste »
La Commission fédérale contre le racisme (CFR) critique lors d’une conférence de presse la nouvelle Loi
fédérale sur les étrangers (Letr) que le gouvernement s’apprête à soumettre au Parlement. Le système des «deux
cercles» qu’introduit cette loi discriminerait les migrants non européens, en introduisant une inégalité de
traitement entre les immigrés ressortissants de l’UE, auxquels s’applique l’Accord sur la libre circulation des
personnes, et les autres immigrés soumis à l’avenir à la LEtr. Ce système binaire, qui «crée en Suisse deux
catégories d’immigrés», viole le principe de l’égalité de traitement visé à l’article 8 de la Constitution fédérale.
La documentation à l’appui de la prise de position de la CFR établit notamment une liste des différences entre
les droits prévus par l’accord bilatéral et la LEtr. (ATS, 2.5.2003)
Kreuzlingen (TG) : Des requérants punis et exposés dans une cage en verre
Au centre d’hébergement de Kreuzlingen, les demandeurs d’asile qui rechignent à faire les corvées ménagères
peuvent être enfermées dans la salle d’attente, complètement vitrée. Mis au régime pain, eau et pommes, ils
sont exposés au regard de tout le monde. Pour Jürg Schertenleib, juriste à l’Oeuvre suisse d’aide aux réfugiés,
« C’est une pratique disproportionnée, qui porte atteinte à la dignité humaine ». (Le Temps, 22.08.2003)
Bienne : Opération Boule de neige contre les dealers Noirs
La Police municipale lance une Opération Boule de neige pour cinq mois, jusqu’au 8 octobre. Visés : les
dealers ouest-africains ou Noirs, c’est-à-dire, tout Noir «suspect», comme ailleurs en Suisse. Plus tard, dans une
auto-critique, et recevant des représentants du CRAN, le commissaire Ordre et Sécurité, Heinz Grossen,
admettra : «Il y a des comportements injustes envers des personnes de couleur établies ici à Bienne. J’ai vu des
policiers suivre un jeune Noir, alors que moi je savais à 100% que ce n’était pas un dealer. Il faut que ça
change». (Biel Bienne, 22-23.10.2003)
St-Gall : Plainte pénale de la famille du requérant nigérian mort
L’avocat de la famille du Nigérian de 22 ans décédé le 12 février dans le centre pour requérants de Thurhof à
Oberbüren (canton de St-Gall), porte plainte contre inconnu pour homicide. En effet, malgré un faisceau
d’éléments discordants, voire contradictoires, le rapport de police établi à cet effet a conclu, de manière
péremptoire et avec une désinvolture totale, à un «décès par overdose de drogues». Une autopsie réalisée peu
après, à la demande de sa famille, a plutôt conclu à un décès dû à une rubéole non traitée malgré des terribles
souffrances dont avait fait état la victime. (ATS, 8.5.2003)
St-Gall : Manifestation contre la mort du requérant nigérian
Plusieurs organisations, dont le CRAN, ont appelé à une grande manifestation le 10 mai afin de dénoncer les
circonstances de la mort du requérant d’asile nigérian, Osuigwe Christian Kenechukwu, dans un centre
d’hébergement de requérants d’asile. Elles entendaient également dénoncer la politique d’asile de la Suisse qui
amène souvent à maintenir les requérants dans des conditions peu dignes d’un être humain. (Flyer de la
manifestation)
Berne : Passant par la gare, après son travail, il finit au poste, battu et dénudé
Un jeune ressortissant gambien vivant en Suisse avec sa femme suissesse passe par la gare, vers 20h30, venant
du travail. Il se fait interpeller dans la foule des passants par deux policiers qui lui ordonnent aussitôt d’ouvrir
la bouche. Il n’obtempère pas et demande les raisons de ce traitement. Un des policiers lui sert le cou, par
derrière, et l’immobilise pendant que son collègue passe les menottes au jeune homme. Conduit au poste de
police de la gare comme un malfaiteur, il y est déshabillé, soumis à la fouille de toutes ses affaires. Ne se
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laissant pas faire et protestant, il est alors roué de coups proprement, insulté, avant d’être relâché, les policiers
n’ayant rien trouvé sur lui et sans aucune excuse. Il se rend aussitôt aux urgences, tout le corps endolori, mais
finit chez lui à la maison, aucun médecin n’étant libre pour l’examiner. Un des policiers tabasseurs, le plus
violent, est connu comme celui dont la spécialité est de pourchasser les Noirs à la gare. Plusieurs Noirs agressés
compteraient parmi ses victimes. Le CRAN possède son nom et son No matricule. (communiqué au CRAN,
suivi d’une enquête, 26.6.2003)
Genève : Série noire pour un Noir pourtant gentil
Déjà sérieusement malmené l’année dernière par la police genevoise (voir plus haut, 30.11.2002), le journaliste
sénégalais Ndoye Gorgui El Hadji, en poste à Genève, se retrouve à nouveau arrêté et - cette fois - correctement
battu, à la suite d’une querelle avec une vendeuse de la galerie marchande de la gare. Non content du tirage des
photos qu’il venait de faire de George Bush, à l’aéroport, venu pour le G8, il avait demandé à voir le gérant
devant le refus de la vendeuse de s’exécuter. Au lieu du gérant, celle-ci appellera des flics qui, à quatre, vont
aussitôt le neutraliser et le tabasser copieusement, en le traitant de «sale nègre». Relâché plus tard, sans aucune
excuse, malgré la normalisation de son cas, il sera en plus frappé d’«interdiction de séjour» dans les environs
de la gare! Refusant d’écrire un nouvel article dénonciateur ou de porter plainte, notre journaliste cherchera à
obtenir réparation «à l’africaine», en obtenant des excuses de l’un des policiers qui l’avaient tabassé et en
présence de son chef. Sans toutefois obtenir la garantie que c’est la dernière fois qu’il est l’objet d’une bavure
policière… (La Tribune de Genève, 1.12.2003)
St Gall : Interdit de séjour sur la base de simples soupçons
W.M., requérant d’asile soudanais, est frappé d’interdiction de séjour dans les environs de la gare de Saint Gall
parce que la police le soupçonne d’être un dealer. Etre soupçonné simplement suffit à un Noir d’être interdit
dans des lieux publics, dans bon nombre de cantons de Suisse. Les polices abusent ainsi continuellement de
l’article 13 de la Loi sur les Etrangers du 26 mars 1931 (ANAG, SR 142.20) pour empêcher la libre circulation
des Noirs. Williams Martin n’est malheureusement pas un cas isolé. (Communiqué au CRAN, 27.6.2003)
Glaris : Descente policière trop musclée dans un centre de requérants
Les forces de l'ordre se rendent coupables de mauvais traitements lors de descentes de police effectuées au petit
matin dans deux centres de transit pour demandeurs d'asile du canton de Glaris. Au petit matin, des policiers
pénètrent de force dans les pièces où dorment les demandeurs d'asile, dans les centres de transit de Rain, à
Ennenda, ainsi que dans des logements de Linthal, Rüti et Matt. Ils leur ont ligoté les pieds et les mains, les ont
encagoulés et les ont photographiés alors que certains d'entre eux étaient totalement nus ou presque. Les
policiers les ont ensuite enfermés dans les parties communes pendant environ cinq heures. Ils ont bâillonné un
homme à l'aide de ruban adhésif. Les fouilles effectuées n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale contre les
personnes interpellées. La Croix-Rouge, gérante des centres, a fait part de son indignation. L’organisation
Augenauf va déposer une plainte contre la police glaronnaise le 4 août. (ATS, 3.7, 4.8 et 4.9.2003)
Berne fédérale : Des experts déclarent «non raciste» un jeu sur l’asile
L’Office fédéral des réfugiés (ODR) a bonne conscience. Les trois experts externes en charge d’examiner son
jeu sur l’asile «Swiss-Checkin», dénoncé notamment par ACOR/SOS Racisme, ne l’ont pas jugé «raciste». Ce
jeu virtuel réalisé par l’ODR en automne 2002 pour les jeunes et les utilisateurs d’Internet avant tout, avait pour
objet de les familiariser à la problématique de l’asile. Au cours des derniers mois, il a été consulté plus de
700'000 fois. Lorsqu’il a été sévèrement critiqué en mai dernier, l’ODR a décidé de le soumettre à une expertise
et de le retirer provisoirement du site Internet. Malgré l’unanimité des 3 experts désignés (Synes Ernst,
président de l’Association «Spiele des Jahres», Georg Kreis, président de la Commission fédérale contre le
racisme et Claude Torracinta, président de l’Hospice général de Genève et ancien président de la LICRA), M.
Kreis a tenu à y mettre un bémol. Il a constaté que le jeu «encourage une attitude xénophobe envers les
requérants d’asile et porte atteinte au respect de la dignité humaine». L’ODR n’en procédera pas moins, dans
les mois à venir, à une refonte du jeu. (ATS, 7.7.2003)
Berne : Des jeunes Suisses protestent contre les contrôles au faciès
Une semaine après une descente de la police, en nombre et puissamment armée, à la Reitschule, un des lieux
les plus alternatifs, et où ils n’ont procédé qu’au seul contrôle des Noirs présents, des jeunes “Autonomes“ s’en
prennent aux mêmes policiers revenus le 13 juillet. Ils s’élèvent en effet contre ces contrôles discriminatoires et
racistes. (communiqué au CRAN, 15.7.2003)
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Genève : Emprisonnés à tort, ils sont acquittés
Incarcérés depuis deux mois et demi, deux Africains sont acquittés. Ils avaient été arrêtés fin avril aux Pâquis,
suite à l’agression d’un Portugais. (La Tribune de Genève, 17.7.2003)
Soleure : Jeune Soudanais dénudé au poste devant des agents de sexe opposé
Un jeune Soudanais de 19 ans accompagné de deux amis, également africains, s’arrête à un fastfood pour
s’acheter des kebab et quelques boissons. Pendant que le groupe est en train de consommer tranquillement,
plusieurs policiers débarquent violemment et se mettent à tabasser les trois amis. Le jeune Soudanais en
particulier reçoit plusieurs coups de poing et de pied à la hauteur de la poitrine et du bas ventre, avant d’être
conduit manu militari à un poste de police avec ses amis. Dénudé complètement, il est soumis à la fouille
jusque dans ses parties génitales, sous le regard, notamment, des femmes policières présentes. Ne s’exprimant
qu’en anglais, il n’apprendra les motifs de son arrestation que le lendemain, lorsqu’un document lui est remis
pour signature et dans lequel il est établi qu’à la suite d’un contrôle il a été trouvé en possession d’une boulette
de cocaïne qu’il s’apprêtait à vendre à un consommateur que les policiers n’ont pu rattraper ! Relâché malgré
tout après la garde à vue, il continuera à nier être dealer et avoir été arrêté en possession de cocaïne, une version
corroborée par le restaurateur. (cité par Innocent Naki, La Suisse, les étrangers et les Noirs, éd. de l’Aire, 2004)
Zürich : Un «vrai Nègre» sur les listes électorales
Andrew Katumba, 32 ans, mère ukrainienne et père ougandais, No4 sur la Liste Second@s Plus, qui regroupe
les candidats issus de la seconde génération d’immigrés, et membre du Parti socialiste local lance de manière
malicieuse sa campagne pour les élections législatives du 19 octobre prochain. Cette campagne fait un clin
d’oeil au slogan que la section saint-galloise de l’Union démocratique du Centre (UDC), extrême-droite et
xénophobe, avait adopté dans un premier temps, «Nous les Suisses, nous sommes de plus en plus les nègres de
service». Andrew Katumba a répliqué sur ses affiches : «Si les Suisses sont toujours plus nombreux à se sentir
comme des nègres, il est grand temps que le Conseil national en ait enfin un vrai». (Le Temps, 13.8.2003)
Buchs : Injurié et traité de «dealer» par la police
M. Conteh, d’origine sierra léonaise, reçoit des injures racistes de la part des policiers qui venaient de le
contrôler avant de l’embarquer au poste de police. M. Conteh est autrichien et a un permis C en Suisse. Un des
policiers, une dame, crie à ses autres camarades de regarder l’Autrichien qu’ils ont eu à Buchs, d’un air
moqueur. Elle dit à Conteh que les Autrichiens comme lui ne sont pas les bienvenus en Suisse. Ce dernier est
néanmoins relâché sans que rien ne lui soit reproché. Quelle ne fut sa surprise de lire le 22 août 2003 dans le
journal régional W&O et d’entendre aux nouvelles de Tele Ostschweiz des informations selon lesquelles un
«dealer», correspondant à son signalement, serait tombé dans les filets de la police. (info communiquée au
CRAN, 20.9.2003)
Genève : Charter de requérants pour le Congo cloué au sol
Un avion prêt à décoller pour Kinshasa, République démocratique du Congo (RDC), et ayant à son bord une
vingtaine de requérants d’asile originaires de ce pays ou supposés tels, est resté cloué au sol, à l’aéroport de
Genève, le 20 août. Déboutés et ayant fait l’objet d’une rafle dans toute la Suisse, les requérants sont
solidement accompagnés par des policiers. Mais l’avion ne décollera pas en raison d'un refus d’atterrissage de
dernière minute signifié par les autorités de la RDC. Aussitôt libérés, le projet d’expulsion ayant ainsi avorté,
les requérants s’empresseront de disparaître dans la nature… (Vivre Ensemble, No 94, septembre 2003)
Zürich : Requérants «inadéquats» désormais internés dans des «Minimalzentrum»
Un reportage révèle un nouveau centre spécialisé où sont transférés les «requérants d’asile dont le
comportement est inadéquat». Selon les responsables, «80% des résidents, ici, sont des dealers». Un premier
«Minimalzentrum» s’est ouvert à Zürich, début septembre, sous les avions. (La Tribune de Genève, 5.9.2003)
Quelques semaines auparavant, un autre centre minimalisé avait défrayé la chronique. L’ODR venait de
confirmer que les requérants d’asile qui rechignent à accomplir leurs tâches quotidiennes au centre
d’enregistrement de Kreuzlingen (TG) étaient enfermés dans une «maison de verre» (des salles d’attentes
vitrées à l’entrée du bâtiment) à la vue de tous, certains pendant plusieurs jours, n’y recevant que de l’eau, du
pain et des pommes. L'aumônier du centre juge le personnel «autoritaire et souvent brutal». Il a également
signalé que les plaintes des requérants sont fréquentes contre ce personnel. (Le Temps, 22.8.2003 & Tages
Anzeiger, 21.8.2003)
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Berne : Jeune Congolais arrêté et brutalisé parce que confondu avec un dealer
Encore un Noir qui se plaint des contrôles policiers au faciès et criminalisant tout Noir, surtout quand il est
jeune. Congolais, il a été pris à partie par des policiers bernois, brutalisé et amené au poste de police, avant de
lui annoncer plus tard qu’on l’aurait confondu avec une autre personne, dealer et Noire. (Der Bund, 6.9.2003)
Bienne : « Employé à la gare et dénudé en public, j’ai pensé au suicide »
Moment d’émotion intense, lors de la soirée de rencontre organisée par le Rassemblement des communautés
d’origine africaine de Bienne (RCOA), avec le CRAN, des représentants de la police communale et cantonale,
devant un nombreux public, en particulier des personnes d’origine africaine, autour du phénomène des dealers
africains et de la question des violences policières. Parmi les témoignages poignants, celui d’un Congolais, 38
ans, père de famille vivant à Bienne depuis une quinzaine d’années. Employé aux Chemins de fer fédéraux
(CFF) et souvent obligé de commencer son travail à 5h du matin, il lui est arrivé d’être confronté aux
tracasseries policières à l’intérieur de la gare. Il a ainsi été obligé un matin de se déshabiller devant des
passants, pour des raisons de fouille. Une fouille tellement humiliante que non seulement il n’est plus parti à
son travail, mais en plus il a pensé à se suicider... Si les deux représentants de la police n’ont pas cherché à nier
les faits (déjà relatés dans un journal local), l’un d’eux a osé cette justification : «Monsieur, en tant que Noir, il
ne fallait pas se trouver à un tel endroit à ce moment-là»… Cette rencontre a malgré tout débouché sur le
principe d’une collaboration CRAN-police quant à la prévention contre le racisme anti-Noir. (Biel/Bienne, 1213.9.2003 ; Rapport CRAN)
Zürich : Caritas dénonce les violences policières contre les Noirs
Les bavures de la police, de la justice et des autorités responsables de l'exécution des peines sont une réalité à
laquelle la Suisse n'échappe pas. Le groupe de Caritas Suisse spécialisé dans la réforme du système pénal s'est
penché sur la question, lors de son congrès annuel les 18 et 19 septembre, sous le titre «De l'arrestation à
l'exécution des peines : les limites de la violence étatique». Même si le sujet ne fait l'objet d'aucune statistique,
de l'avis de Franz Riklin, professeur de droit pénal à l'Université de Fribourg, «les excès sont sans doute plus
fréquents qu'on ne le pense communément». Invitée par Caritas, Denise Graf, coordinatrice de l'aide aux
réfugiés chez Amnesty International, a confirmé ce point de vue pour ce qui est des forces de police. Depuis 4
ans, son organisation reçoit toujours plus de plaintes de la part de personnes qui disent avoir été victimes de
violences policières. Les «étrangers de couleur» seraient particulièrement touchés. (ATS, 19.9.2003)
Sins (AG) : Cocktails Molotov contre un centre pour requérants
Des jeunes de la commune de Sins, en Argovie, jettent cinq cocktails Molotov contre le centre hébergeant des
requérants d’asile en criant des injures xénophobes. On ne déplore pas de morts. (SonntagsZeitung, 5.10.2003)
Zürich : Traité de «dealer» par des policiers, à tort, il reçoit des excuses de leur chef
M. Moussa Sarr est victime d’un contrôle musclé de la police dans une rue de Zürich. On l’accuse notamment
de vendre de la drogue. M. Sarr est victime de cette agression parce que les policiers le trouvent trop bien
habillé pour un simple requérant qui ne reçoit pas grand-chose par mois. Donc il se serait acheté tous ses habits
avec l’argent de la vente de la drogue. Se sentant calomnié, M. Sarr écrit à Mme Esther Maurer (Cheffe de
police de Zürich) qui lui présente ses excuses un peu plus tard. Le CRAN possède une copie de cette lettre.
(info communiquée au CRAN, 10.10.2003)
Zürich : Lancement d’une campagne «Ensemble contre le racisme»
Le GRA (Fondation contre l’antisémitisme et le racisme) lance une campagne de sensibilisation au racisme
intitulée «Ensemble contre le racisme». Financée principalement par le Fonds fédéral de projets contre le
racisme et en faveur des droits de l’Homme, à hauteur de 200’000.- frs, elle a été réalisée par l’agence de
publicité Wirz Werburg. Elle se veut «choquante et déstabilisante», en cherchant à se jouer sur le même mode
des clichés aussi bien racistes (sur les Juifs et les Noirs) que xénophobes (sur les Thaïlandaises, les Turcs, les
Kosovars), sous forme de grandes affiches et de spots publicitaires… (ATS, 1.10.2003)
Sins (AG) : Cocktail Molotov contre un centre de requérants
Quatre adolescents suisses attaquent à coup de cocktails Molotov un centre d’accueil pour requérants d’asile,
dans le canton d’Argovie. En dehors de quelques dégâts matériels, ils ne font aucune victime. Ils seront arrêtés
par la police le 14 octobre. (ATS, 14.10.2003)
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Zürich : Discriminations à la discothèque
Accompagnée de son mari nigérian et d’amis suisses, une Suissesse a fait l’expérience de la discrimination
raciale anti-Noir dans une discothèque zurichoise, le 15 octobre. Ayant déjà entendu parler autour d’elle, depuis
quelques années, de ce type de discrimination à l’entrée de plusieurs discothèques de la ville, elle ressent dans
cette confirmation une révolte difficile à étouffer. (Cas communiqué au CRAN, 14.10.2003)
Genève internationale : «L’UDC a mené la campagne européenne la plus hostile au droit d’asile»
Le HCR se dit profondément préoccupé par la campagne de criminalisation des requérants d’asile et des
réfugiés menée par l'UDC lors de sa campagne électorale, «l’une des plus hostiles à l’asile qu’un parti politique
important ait jamais mené en Europe». Une pleine page de l’UDC sur les étrangers parue dans divers journaux
le 10 octobre, en pleine campagne électorale, a valu à cette dernière une contre-offensive des milieux
antiracistes, en particulier 2 plaintes pénales, dont l’une de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et
l’antisémitisme) et. Le HCR s’étaient déjà inquiété de l’initiative de l’UDC contre l’asile, lors de la votation du
24 novembre. (La Tribune de Genève, 6.11.2002, 18.10.2003; ATS, 5.12.2003)
Suisse : Triomphe des xénophobes aux législatives !
L’Union démocratique du Centre (UDC), le parti dont le fonds de commerce est la xénophobie est le grand
gagnant des élections législatives. Le parti du tribun zurichois Christoph Blocher est en effet arrivé en première
position sur l’échiquier politique, aux termes d’une campagne qu’il a émaillée de slogans racistes et
xénophobes. (différents journaux, 20.10.2003)
Suisse : Des Noirs blessés par la campagne «Ensemble contre le racisme»
Réunis autour du CRAN, 36 organisations issues des communautés Noires de Suisse demandent dans un
communiqué de presse l’arrêt immédiat de la campagne d’affiches et de spots du GRA. Cette campagne a
complètement raté son objectif et ouvert même la voie à un renforcement de ces clichés. L’image représentant
le Noir dans un décor animalier est encore plus blessante de la dignité et de la mémoire des Noirs, ainsi
portraiturés à travers cette représentation comme des bêtes, des non-êtres humains. Indignées de n’avoir pas été
consultées à propos d’une campagne qui les visent aussi, les organisations Noires ont demandé, à défaut d’un
arrêt immédiat, au moins le retrait des affiches et spots visant les Noirs, ainsi que des excuses à l’adresse des
communautés Noires de Suisse. (CRAN, Communiqué de presse du 1.11.2003; ATS, 7.11.2003 ; SolidaritéS,
No 36, 17.11.2003)
Genève : Genève interdit sur son sol la campagne «Ensemble contre le racisme»
Le Bureau de l’intégration a dénoncé la dernière campagne contre le racisme de la Fondation contre le racisme
et l’antisémitisme (GRA), jugeant les affiches discriminatoires et blessantes pour les étrangers. Auparavant, le
délégué-adjoint à l’Intégration avait affirmé : «Utiliser les clichés racistes ne fait que les renforcer» (Le
Courrier, 9.10.2003). Prolongeant cette position, le conseiller d’Etat Robert Cramer a fait connaître aux
responsables de la campagne la «ferme» volonté du gouvernement genevois de ne pas accepter sur le sol du
canton leur campagne. (Le Temps, 15.11.2003)
Suisse : « L’UDC reprend pour ses campagnes des statistiques officielles faussées sur l’asile »
Pour Yves Brutsch, responsable de la Communication sur l’asile au Centre social protestant (CSP), reconnaît
dans une tribune libre que « les électeurs de l’UDC ont raison de réagir contre l’asile en apprenant à longueur
d’année que
Lausanne (VD) : D’Alpha à Delta, encore et toujours la chasse aux dealers Noirs !
Après Alpha, la police lance pendant un mois une nouvelle opération afin de nettoyer le centre-ville de ses
dealers Noirs. «Nous allons faire le ménage!», a annoncé, plus que jamais guerrière, Mme Doris CohenDumani, en charge de la police municipale, avec à ses côtés le commandant de la police de Lausanne et le juge
de paix. La municipalité a décidé d’y mettre de gros moyens : augmentation des effectifs avec une vingtaine de
policiers en plus et un arsenal répressif inédit comportant des zones d’exclusion ou de bannissement pour
certains dealers. Il s’agit d’un «développement de l’opération Alpha». Nom de la nouvelle opération : Delta…
(24 Heures, 4.12.2003 ; Le Courrier, 9.12.2003)
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Suisse : Eglises contre «une campagne électorale aux relents racistes et xénophobes»
Des relents racistes et xénophobes ont accompagné la campagne des élections fédérales, constate le Conseil
missionnaire catholique dans une déclaration adoptée vendredi. Selon lui, le discours xénophobe est en train de
devenir "politiquement correct". Il semble même être admis jusque dans les plus hautes instances politiques
suisses, précise le Conseil missionnaire (CMCS) dans une déclaration soutenue par le Conseil des missions
évangéliques. Pour ces institutions chrétiennes, la sécurité des requérants d'asile et des étrangers résidant en
Suisse est mise en péril. La CMCS redoute la banalisation des sentiments xénophobes dans la population et
craint que ces préjugés débouchent sur des actes hostiles à l'encontre de la population étrangère. Elle en appelle
à tous pour ne pas se laisser prendre au piège du racisme. (ATS, 5.12.2003)
Glaris : Un juge condamne les brutalités policières contre les requérants d’asile
Un juge d'instruction rend publiques les conclusions de l'enquête qu'il a menée, à la demande de la CroixRouge Suisse, au sujet du comportement des agents de police lors d’opérations menées dans un centre de
requérants, en avril dernier, dans le canton de Glaris (voir plus haut). Il a indiqué que certaines des mesures
auxquelles les policiers avaient eu recours dépassaient les «limites acceptables et proportionnées», que le
bâillonnement était dangereux et que la façon dont les demandeurs d'asile ont été pris en photo était
«dégradante». Il a ordonné la destruction des photographies et a condamné l'agent qui assurait le
commandement, non seulement à partager avec l’Etat les frais de procédure, mais aussi à indemniser quatre
requérants qui avaient déposé plainte au pénal. (ATS, 8.12.2003)
Berne : La xénophobie propulsée avec le sexisme au sommet de l’Etat
Journée sombre pour les femmes et pour les étrangers. Lors du renouvellement du Conseil fédéral, la ministre
de la police, Ruth Metzler, a dû céder sa place au populiste Christoph Blocher, leader de l’Union démocratique
du Centre (UDC). Il ne reste plus qu’une femme au gouvernement. Surtout, avec l’accession du tribun zürichois
à la magistrature suprême, c’est tout un courant raciste et xénophobe qui fait son entrée au gouvernement
fédéral. Pressenti pour reprendre le poste de Ruth Metzler, le nouveau ministre ne manquera pas d’infléchir les
politiques fédérales visant les étrangers, notamment en matière d’asile et d’immigration, dans le sens des vues
idéologiques de son parti. (différents journaux, 11.12.2003)
Lausanne (VD) : Jeune Soudanais roué de coups par des surveillants d’un magasin
Khalid Musah, jeune requérant d'asile soudanais, est roué de coups par des surveillants d'un magasin de
disques. Il est soupçonné de vol d'un CD juste parce qu'on l'a vu mettre celui-ci dans son walkman, alors qu'il
venait de le payer à une caisse d'étage du magasin et qu'on ne lui a pas laissé le temps de montrer le ticket de
caisse. Après vérification au poste de police, il a été aussitôt relâché. Les violences ont entraîné un arrêt de
travail de 5 jours, l'utilisation de béquilles pendant 9 jours ainsi que la "disparition" de son walkman, du CD et
de sa veste (déchirée dans la violence). Plainte a été déposée pour obtenir des réparations morales et
psychologiques ainsi que le remboursement des biens détruits. Les agents de sécurité GPA ont à leur tour
introduit une plainte pour "violence". (Le Courrier 11.12.2003)
Zürich : Confondus avec des Noirs ayant commis un délit à 400 km de là !
Trois amis africains, tous requérants d’asile appartenant au centre Urdorf, dans les environs de Zürich ont
acheté des canettes de bière qu’ils boivent tranquillement dans un jardin attenant à la gare de Zürich. Partis un
moment aux toilettes d’un Mac Donald voisin, ils trouvent à leur sortie, dehors, 15 policiers en civil qui les
attendent ! Sans daigner décliner leur identité, ils encerclent aussitôt les trois jeunes, les fouillent entièrement,
leur passent des menottes avant de les emmener sans ménagement au poste. Enfermés dans des cellules
séparées, complètement déshabillés, ils sont soumis à de nouvelles fouilles. Ils ne sont relâchés qu’au bout
d’une heure environ. Sans aucune excuse. Avec juste une explication courte : on les avait confondus avec
d’autres jeunes Africains qui auraient commis des délits à Genève, à 400 km de là… (info communiquée au
CRAN, le 15.12.2003)
Lausanne (VD) : Lutte contre les dealers Noirs couronnée de «succès»
Après 15 jours de son Opération Delta, la police municipale tire à mi-parcours un premier bilan qui serait des
plus satisfaisants : 139 personnes soupçonnées de trafic de cocaïne auraient été identifiées entre le centre-ville
et la gare. Surtout, «toutes sont des requérants d’asile d’Afrique de l’Ouest». De plus, a précisé la police, non
sans souligner sa satisfaction, il n’y aurait eu aucune plainte pour «délit de faciès»… (24 Heures, 17.12.2003)
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Zürich : Pas de tolérance pour le mot «Neger»!
L’humour d’Andrew Katumba avec ses affiches en clin d’oeil pendant la campagne électorale (voir plus haut)
n’a pas été du goût de tout le monde dans la communauté Black de Zürich, notamment parmi les jeunes
secundos. Ceux de l’association Sankofa en ont ainsi profité pour lancer, aux lendemains des élections, à
Zürich, une campagne intitulée «Wir Fordern Respekt! Keine Toleranz für Rassismus» visant notamment
l’abolition du mot «Neger». Ils dénoncent également le renforcement du racisme auquel ont donné lieu
certaines affiches (d’Andrew Katumba, de l’UDC, etc.) de la campagne. (Communiqué de l’association
Sankofa, 18.12.2003)
Bäch (SZ) : Cocktail Molotov contre un centre pour requérants
Des inconnus lancent de nuit un cocktail Molotov contre un centre d’hébergement de requérants d’asile, dans le
canton de Schwytz. Un des occupants du centre a réussi à stopper l’incendie. (ATS, 28.12.2003)
Siebnen (SZ) : Des coups de battes de base-ball sur deux requérants Noirs
Deux requérants d’asile originaires, l’un de Sierra Leone, l’autre du Libéria, ont été violemment pris à partie
dans la soirée du 29 décembre par deux inconnus, aux abords de la gare de ce village situé dans le canton de
Schwytz. Le premier, âgé de 19 ans, une fois neutralisé, après avoir été frappé à coups de battes de base-ball,
s’est fait en plus voler son porte-monnaie et son téléphone portable. Le second, âgé de 18 ans, a réussi à leur
échapper et à se cacher, après avoir été poursuivi et menacé par les deux individus… (ATS, 2.1.2004)
Günsberg (Soleure) : « Chassez ces nègres voleurs et dealers ! »
L’année se termine sur une note exaltante… Un article de 20 Minuten rapporte la distribution de tracts racistes
dans le village de Günsberg dans le canton de Soleure. Dans ce petit village, quelqu’un a distribué nuitamment
dans les boîtes à lettre des habitants, des tracts les appelant à «se réveiller et à chasser ces nègres voleurs,
dealers». (20 Minuten, 31.12.2003)
FAITS MARQUANTS - 2004
Genève : Vivre dans la Cité de Calvin quand on a la peau foncée
Comment vivent les minorités à Genève ? La Tribune de GE propose à partir du numéro de ce jour une série
consacrée à la vie quotidienne de la communauté Noire du canton. Comment vit-on lorsqu’on a la peau
foncée ? Difficultés à trouver un logement ou un emploi et sentiments d’exclusion affectent leur quotidien.
(Tribune de Genève, 6.01.2004)
Suisse : Des Suisses ont participé à la traite et à l’esclavage des Noirs
L’année 2004 ayant été consacrée par l’ONU à la commémoration de la lutte contre l’esclavage, les journaux
La Liberté et Le Courrier ont publié un gros dossier sur la participation de la Suisse à la traite et à l’esclavage
des Noirs à travers de nombreux citoyens suisses qui s’y sont fortement impliqués. S’appuyant sur des travaux
d’historiens suisses, tel Hans Fässler, il est ainsi évoqué des noms de navire armés par des Suisses comme Le
Pays de Vaud, Ville de Lausanne, L’Helvétie, etc. Des noms de grandes familles sont cités : Burchhardt, Faesch
ou Merian à Bâle, les Genevois Thellusson, Necker, Cottin, Picot-Fazy, Mallet, Butini, Peschier, Gallatin,
Dunant ou Fatio, les Neuchâtelois De Pury, Pourtalès, Favre ou Rossel, les Rietmann, Högger ou Schlumpf à
St-Gall, etc. (Le Courrier, La Liberté, 14.01.2004)
Berne fédérale : Soumettre tous les requérants à un test de dépistage du SIDA sera-t-il stigmatisant ?
Tous les requérants d’asile se présentant dans un centre d’enregistrement devraient se voir systématiquement
proposer un test de dépistage du VIH. Cette mesure, rendue publique le 18 janvier par la NZZ am Sontag,
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devrait s’inscrire dans une démarche plus large d’information et de prise en charge, censée sensibiliser les
requérants à la problématique du SIDA. Un but à peine voilé est de désamorcer les tentatives des milieux
xénophobes d’utiliser l’équation « requérants = SIDA », d’autant que certains à l’UDC réclament déjà de
refouler systématiquement les requérants séropositifs. Cette proposition encore interne à l’Office fédéral de la
Santé publique (OFSP) suscite déjà des vives réactions tous azimuts, notamment comme facteur de
stigmatisation supplémentaire. (Le Temps, 20.01 et 3.02.2004)
Lyss (BE) : Deux jeunes Noirs tabassés par quatre skinheads
Le 19 janvier quatre skinheads brutalisent avec une violence inouïe 2 jeunes requérants Noirs à Lyss, dans le
Canton de Berne. Après leur forfait qu’ils ont filmé eux-mêmes, les quatre néonazis passent la peinture blanche
sur les jeunes agonisants. L’un deux reste d’ailleurs plusieurs jours à l’hôpital pour traumatisme crânien. (20
Minuten, 24.01.2004)
Berne fédérale : Critiques sévères d’ECRI à l’égard de la Suisse
Pour la troisième fois, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) critique sévèrement
la Suisse devant la montée du sentiment xénophobe envers les Noirs notamment. Ce rapport insiste en sur la
violence policière et exhorte les autorités Suisses à tout mettre en œuvre pour mettre fin à cette violence
institutionnelle dirigée contre une partie de la population Suisse. (Tages Anzeiger, 24 Heures, 28.01.2004)
Berne fédérale : « Les Noirs sont victimes d’un racisme institutionnel et ordinaire »
Dans une interview accordée au journal, Mme Boel Sambuc ne comprend pas pourquoi les étrangers, une fois
en Suisse devraient être catégorisés car la nouvelle loi sur les étrangers prévoit un traitement privilégié des
ressortissants de l’Union Europe. Elle exhorte la Suisse à gommer ces inégalités et de hisser tous les étrangers
au même niveau, d’autant que les Noirs, déjà exposés au racisme anti-Noir, cumuleront cette discrimination
institutionnelle. Elle trouve qu’il y a bien une augmentation généralisée du racisme contre les Africains,
racisme renforcé par les discours politiques. (24 Heures, 28.01.2004)
Berne fédérale : Requérants discriminés pour l’accès aux soins
Depuis le 1er avril, les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière (ou NEM) ne bénéficient
plus d’aide sociale. Les demandes de soutien d’urgence sont encore très modestes. Il est trop tôt pour dire si le
scenario catastrophe brossé par les oeuvres d’entraide pourra être évité et que l’effet dissuasif recherché jour
pleinement. Car les personnes dont les demandes sont jugées infondées peuvent encore user de leur droit de
recours avant de se voir définitivement couper les vivres. Par ailleurs, les NEM peuvent prétendre à une aide
d’urgence, prise en charge par les cantons et à laquelle la Confédération participe par le biais d’un forfait de
600 CHF. (Le Temps, 27.03.2004)
Berne canton : Un Bunker pour loger les requérants Noirs refoulés
Sur le front de l’asile et des mesures pour son durcissement, un centre d’hébergement se trouve très contesté
par les habitants. « La population a peur », a titré Le Matin. Situé au Col du Jaun (BE), ce centre offre pourtant
les pires conditions d’hébergement dans un ancien bunker isolé de l’armée. Son choix vise à encourager les
étrangers refoulés en première instance à rentrer chez eux. Mais les villageois craignent pour l’image de leur
région très fréquentée par les touristes. La plupart de ces requérants déboutés sont Noirs. (Le Matin, 8.06.2004)
Berne fédérale : Pas de risque de stigmatisation avec le test systématique de dépistage des requérants
A la suite de la forte controverse suscitée par la volonté de l’Office fédéral de la Santé publique (OFSP) de
procéder systématiquement désormais à un test de dépistage du VIH, culminant avec un conflit ouvert avec
Office fédéral des Réfugiés (ODR), l’OFSP a dû renoncer à cette mesure. L’Office entend en revanche
sérieusement renforcer la prévention auprès des requérants dans le cadre du contrôle sanitaire aux frontières.
(Le Temps, 12 et 23.06.2004)
Valais : Un nouveau concept d’intégration des étrangers fondé sur le respect de l’Etat de droit
Sous la houlette de la cheffe du Service des Etrangers, Françoise Gianadda, le Valais entend mettre en œuvre
un nouveau système d’intégration, tout en invitant les communes à faire preuve d’un meilleur accueil. Ce
nouveau système a pour pierre angulaire le respect d’un certain nombre de règles du jeu non négociables et
édictés en 2000 par la Confédération. Il s’agit en gros de principes d’un état de droit : « liberté individuelle,
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liberté de croyance, égalité homme-femme, droit à l’intégrité physique, respect des minorités, respect de la
dignité humaine, etc. » (Le Temps, 15.06.2004)
Berne fédérale : Prise de position de la CFR sur le durcissement des mesures en matière d’asile,
particulièrement pour les Noirs
La Commission fédérale contre le racisme (CFR) redoute que la suppression de l’aide sociale en faveur des
requérants d’asile frappés d’une décision de non-entrée en matière (NEM), mesure en vigueur depuis le 1er avril
2004, ainsi que plusieurs propositions du Conseil des Etats dans l’actuelle révision de la loi, ne violent la
dignité humaine des personnes concernées, les droits fondamentaux garantis par la Constitution et les droits de
l’homme. A ses yeux, les mesures déjà introduites et les durcissements à venir ont non seulement des
conséquences humaines, politiques et économiques pour les personnes qu’elles visent, mais aussi un effet
négatif sur la perception, par la population, des requérants d’asile et des étrangers. Elle en veut pour preuve les
nombreux agissements racistes et discriminatoires à l’encontre des Africains en particulier et relatés par les
médias ou qui lui ont directement été rapportés.
La CFR demande que la politique suisse en matière d’asile continue à l’avenir aussi à respecter les principes
éthiques qui sous-tendent l’esprit de l’asile, la tradition humanitaire de la Suisse, les droits fondamentaux ainsi
que les engagements de la Suisse sur le terrain des droits de l’homme et qu’elle ne serve pas uniquement
d’instrument d’exclusion. (Communiqué CFR, 18.06.2004)
Genève : Opération d’intox pour stigmatiser encore plus les Africains?
Dans un témoignage exclusif, John, un jeune requérant d’asile africain, arrêté par la police, raconte sa vie de
dealer de cocaïne à une journaliste du Temps. Dans quel but ? Planques, réseaux, tarifs, techniques de
dissimulation de la drogue ou de l’argent, tout est livré, exhibé : « Avec l’argent de mon travail, je m’achète des
habits et je mange bien » … « Ici en Suisse, c’est facile de demander l’asile : on est nourri, on est logé, on a de
bonnes chambres. En France, si je me fais attraper avec deux grammes de cocaïne, je vais en prison pendant
longtemps. Ici, c’est plus tranquille. (…) A Genève, on est bien. La vie est facile » (Le Temps, 21.06.2004)
Genève : Deux Africains dénudés dans la rue par des policiers
« D’abord l’un des deux policiers m’a demandé mes papiers. Il les a jetés à terre. Puis il m’a obligé à me
déshabiller complètement, de la ceinture jusqu’aux pieds. Il a passé les gants puis m’a fouillé. Une fouille
intime, anale. Il n’a rien trouvé. Et quand j’ai voulu lui demander une explication, il m’a ordonné de me tirer
et m’a traité de sale nègre ». La victime qui raconte les faits est un jeune guinéen de 18 ans victime d’un
contrôle policier le 30 juin au quai Gustave Ador à Genève. Son compatriote avec lequel il était, a en plus
d’avoir subi le même sort, été giflé. M. Marc Derveaux, chauffeur de Taxi, indigné et bouleversé par cette
humiliation suivie de bout en bout a déposé une plainte au greffe car pour lui c’est « toute la dignité humaine
qui était bafouée ». (Le Matin, 8.07.2004)
Bienne : Le marché de cocaïne à Bienne dans les mains des seuls Noirs ?
Le 19 mars 2004, Mme Félicienne Villoz, Conseillère municipale à Bienne, et membre du comité du CRAN,
avait interpellé le Conseil municipal sur le délit de faciès, la suspicion systématique pesant sur les Noirs. Dans
ce numéro du Journal du Jura, elle revient sur plusieurs témoignages non seulement des Noirs qui confirment
les relations tendues entre la police et les Noirs de Bienne. Elle demande qu’une enquête indépendante soit
menée au niveau de la police pour situer les responsabilités de ces agents de l’Etat dont l’image se trouve
régulièrement associée au racisme, aux abus etc. Dans sa réponse rapportée par le journal, M. Scherrer, autorité
en charge de la police à Bienne, insiste pour dire que les Noirs sont des dealers et qu’ils ont le marché de
cocaïne en main. (Journal du Jura, 13.07.2004)
Berne fédérale : « Evitons les amalgames »
M. Francis Matthey, Président de la Commission Fédérale des Etrangers lance un appel aux autorités politiques
pour trouver un équilibre entre la lutte contre les abus et la reconnaissance des immigrés, « qui sont aussi une
richesse pour la Suisse ». (24 Heures, 15.07.2004)
Suisse : Dénonciation de la recrudescence des violences policières à l’égard des Noirs
M. Kanyana Mutombo, Secrétaire général du CRAN affirme, dans une interview au Temps, qu’il y a une
« recrudescence des violences policières à l’égard des Noirs ». Il parle aussi du livret Vos droits face à la
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police que le CRAN vient de publier. Ce livret devrait, selon M. Kanyana, « permettre la prise de conscience
de toute la Suisse sur les problèmes auxquels une partie de sa population se trouve confrontée ». (Le Temps,
28.07.2004)
Genève internationale : Le HCR critique les nouvelles dispositions de la loi sur l’asile
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) émet des critiques sur le durcissement de la
politique d’asile en Suisse et craint que de telles restrictions ne violent l’esprit et la lettre de la convention de
Genève de 1951 sur le statut des réfugiés. L’agence onusienne se dit particulièrement préoccupée par la
suppression de l’aide sociale à l’ensemble des requérants déboutés ainsi que la restriction d’accès à une
procédure d’asile normale pour les personnes ne pouvant pas fournir leur passeport dans les 48 heures. Le HCR
rappelle qu’il est difficile de se procurer les papiers nécessaires en fuyant son pays. (Le Temps, 28.07.2004)
Genève : Pour s’amuser, des policiers en tenue singent publiquement les esclaves Noirs
Une nouvelle limite a été franchie l’après-midi du 13 août, devant la gare de Genève. Des policiers voulant
enterrer le célibat d’un collègue n’ont pas trouvé mieux que de pasticher les scènes atroces qui suivaient
l’arrestation des esclaves Noirs fugitifs, aux Amériques : après avoir colorié et déguisé en négro (avec une
perruque afro) ce collègue, deux policiers en service et en uniforme se sont livrés à un simulacre d’arrestation
de dealer, avec plaquage au sol et menottes, avant de lui nouer la taille avec une grosse corde attachée à leur
voiture de fonction, gyrophare allumé, et de le faire courir derrière eux sur une centaine de mètres, jusqu’au
poste de police de la gare !
La seule réaction du chef de la police, M. Urs Rechsteiner, contacté le jour même par le quotidien La Tribune
de Genève, a été d’ouvrir une enquête «administrative» pour «utilisation du matériel à des fins privées». Quant
à Mme Micheline Spoerri, alors ministre cantonal de la police, elle a exigé des policiers de présenter des
excuses à leurs collègues (salis par leur acte) ainsi qu’à la population genevoise. Aucune action n’a été
envisagée par les deux responsables contre cette offense inqualifiable à la dignité et à la Mémoire des Noirs et
de l’Humanité. Rappelons que cet acte intervient en 2004, année commémorant le bicentenaire d’Haïti,
première république Noire à se libérer de l’esclavage.
Devant l’extrême gravité de cet énième dérapage de la police genevoise visant les Noirs, le CRAN a lancé le 18
août un « Appel pour le respect des droits et de la dignité des Noirs dans la Genève internationale ». Signé par
plusieurs organisations et personnes attachées au respect des droits de l’Homme, l’Appel exigera notamment,
formellement, la démission du chef de la police et de la ministre genevoise. (La Tribune de Genève,
14.08.2004 ; Appel du CRAN, 18.08.2004)
Morges (VD) Privée de blouse blanche parce que Noire
24 Heures rapporte les déboires d’une Suissesse Noire dans le canton de Vaud. Cette dame d’origine
camerounaise s’est vue refuser un emploi dans l’EMS de la Gottaz à Morges parce qu’elle est Noire. Madame
Anne Russi, propriétaire du domaine, regrette qu’elle n’ait pas su la couleur de la peau de la jeune femme au
moment où elle l’appelait. M. Karl Grünberg, SG d’ACOR SOS Racisme regrette, lui, qu’aucune disposition de
loi ne condamne un refus d’embauche à cause de la couleur de la peau. Il critique les limites de la législation
Suisse dans ce domaine. (24 Heures, 17.08.2004)
Genève : L’indignation du CRAN face au dérapage des policiers continue dans la presse
Trois officiers ont simulé le 13 août l’arrestation d’un Noir devant la gare de Cornavin. Le Temps rend compte
de l’indignation du CRAN qui dénonce cette humiliation de trop, à un moment où les contrôles ciblés, les
dérapages verbaux et physiques par les policiers sont devenus monnaie courante dans la cité de Calvin. La
publication par le CRAN du premier Rapport sur le racisme anti-Noir en Suisse est également mentionnée. (Le
Temps, Tribune de Genève, 24.08.2004)
Morges : Discrimination à l’embauche pas punie par la loi !
La Suissesse Noire qui a été refusée à l’embauche pour la couleur de sa peau ne peut s’appuyer sur aucun
article du code pénal Suisse. Même si discrimination raciale est proscrite par la constitution Suisse, la loi reste
floue dans le cas de la discrimination à l’embauche. L’article 261bis alinéa 5 du code pénal stipule que « celui
qui aura refusé à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique
ou religieuse, une prestation destinée à l’usage public, sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende ». Le
journal se demande si une embauche est une prestation destinée à l’usage public. M. Niggli, Prof. de droit pénal
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à l’Uni de Fribourg constate qu’en raison du flou l’alinéa 5 n’a jamais mené à des condamnations. (Tribune de
Genève, 24.08.2004)
Genève internationale : Nouvelle critique sévère du HCR contre le projet de loi sur l’asile
Pendant que le chef du département fédéral en charge de l’asile trouve que la loi sur l’asile est très molle, le
HCR avertit que si cette loi était adoptée par les chambres fédérales, elle violerait l’esprit de la Convention
internationale de 1951 sur les réfugiés signée par la Confédération helvétique. (Le Temps, 26.08.2004)
Berne fédérale : Le Conseiller Fédéral chargé de la Police a le feu vert pour durcir la Loi sur l’asile
Seulement deux des neuf propositions du durcissement de la loi sur l’asile ont été refusées, en occurrence la
détention illimitée des requérants pour insoumission et l’abrogation de l’admission pour motif humanitaire. Ont
été acceptées par le Conseil fédéral les autres dispositions. Ainsi les mesures telles que la détention des
requérants non coopératifs passent de 9 mois au double, ainsi que les mesures de contrainte, la non entrée en
matière sur les cas de requérants sans documents de voyage, la non reconnaissance des permis de conduire ou
un extrait de naissance comme documents valables, la suppression de l’aide sociale étendue à tout requérant
débouté, le payement d’une redevance pour tout recours, etc. (Der Bund, Le Matin, 28.08.2004)
Genève : « Les Noirs de Genève vivent sous pression »
Une Genevoise, Barbara Altman, raconte comment ses connaissances Noires sont régulièrement victimes de
vexations, de marques de mépris et d’insultes racistes proférées par des policiers. Ainsi, récemment un agent a
demandé à un Noir qu’il contrôlait d’enlever ses chaussures. Le Noir s’est exécuté. Le policier, après avoir
fouillé les souliers sans rien trouver d’anormal y verse de la bière. De peur de recevoir une contre plainte pour
insubordination à agent de l’Etat et devoir payer une amende, un procédé malheureusement de plus en plus
fréquent dans la police genevoise et dans d’autres polices du pays, ce jeune homme a préféré ne pas porter
plainte. Dans le même article, M. Urs Rechtsteiner ne nie pas l’existence du racisme dans la police. Mais autant
tous le policiers ne sont pas des racistes, autant tous les Noirs de Genève ne sont pas des dealers. Il regrette les
amalgames. Pour M. Delachaux, policier et formateur, il faudrait beaucoup de temps pour changer les
mentalités dans la police. (Tribune de Genève, 2.09.2004)
Genève : Commerçant gabonais refoulé comme un criminel
Un ressortissant gabonais reconduit à la frontière est traité comme un criminel. Commerçant, il est expulsé pour
un visa échu de trois jours. Le journal s’interroge s’il y a eu abus de pouvoir ou si les autorités compétentes ont
suivi une procédure normale. (Le Matin, Tribune de Genève, 31.08.2004)
Lugano : Mort suspecte d’un Noir en prison
Le 1er septembre 2004 un jeune Nigérian de 17 ans meurt dans une prison dans le Tessin. Il avait été incarcéré
suite à une descente musclée des policiers dans un centre de requérants à Lugano. Selon la version des
policiers, il se serait pendu dans sa cellule. Vu le doute qui plane sur les réelles circonstances de la mort du
jeune Noir, des Africains du canton ont manifesté les 9 et 10 septembre dans les rues de Lugano. Ils ont
dénoncé les conditions pénibles de détention et exigé toute la lumière sur cette affaire. (La Liberté, 11.09.2004)
Lausanne (VD) : Brutalité policière sur une Sud-Américaine Noire
Un policier a été reconnu d’abus d’autorité : il interpellait souvent des Sud-Américaines clandestines. Connu
pour arrêter facilement ces femmes de ménage, le brigadier aurait « exagéré » avec l’une d’elle, interpellée à
Pully-Vaud. (Le Matin, 12.09.2004)
Gampel : Requérant d‘asile congolais dénudé en public par la police
Le 13 décembre à l’Open Air de Gampel, au vu et au su d’une partie du public, M. Kassimba, est victime d’une
humiliation. Ce requérant d’asile d’origine congolaise a été pris à partie par trois policiers, certainement à la
recherche de dealers, déshabillé et humilié en public. Lors de ce contrôle, M. Kassimba a été dépouillé de tous
ses effets personnels, de son argent (1980,-) et de son téléphone portable. Ils ne lui ont pas été remis. (Walliser
Bote, 15.09.2004)
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Bâle : Un spectateur Noir brutalisé au stade par des supporters
Lors d’un Tournoi de football à Bâle, des supporters font le salut d’Hitler, puis brutalisent un jeune Noir qui se
trouvait là comme spectateur également. (Basler Zeitung, 28.09.2004)
Genève : Les deux Noirs déshabillés sur les quais par des policiers gagnent une première victoire
En juin 2004, deux Noirs soupçonnés d’être des dealers, avaient été contraints par deux policiers à se
déshabiller en pleine rue, sur le très fréquenté Quai Gustave-Ador, à Genève, en fin d’après-midi estivale.
Parmi les nombreux témoins de la scène, un chauffeur de taxi avait soutenu les deux hommes, relaxés sur place,
et les avait encouragés à déposer plainte. Le 28 septembre dernier, les deux policiers incriminés ont été inculpés
pour abus d’autorité. L’instruction avait permis l’audition de deux témoins, dont le chauffeur de taxi, qui ont
confirmé avoir vu l’une des victimes baisser son slip. (Le Courrier, 29.09.2004)
Suisse : « La TSR ne me ressemble pas. Elle ne me parle pas. Je refuse de payer la redevance TV »
Le 29 septembre dernier, sous la houlette d’Innocent Naki, écrivain et enseignant habitant Soleure, des
représentants de la communauté africaine ont lancé une opération visant à ne pas payer la redevance TV afin de
lutter contre le racisme qui ronge les médias. Selon Innocent Naki, « on ne parle de la population africaine
vivant en Suisse qu’en termes négatifs, pour l’assimiler aux dealers de cocaïne ou à d’autres crimes. (…) Nous
sommes des citoyens à part entière, des acteurs de la société suisse qui soutiennent financièrement les médias
publics ». Intitulé «Non au Black-out dans les médias publics». L’objectif est d’interpeller les médias suisses, et
plus particulièrement la SSR, face à la censure dont sont victimes les intellectuels d’origine africaine vivant en
Suisse. M. Naki explique : « J’aimerais que les Africains ne soient pas seulement invités sur les plateaux télé
pour y faire des témoignages misérabilistes, mais aussi pour y tenir des propos analytiques. Beaucoup en sont
capables. La télévision suisse ne me ressemble pas. Elle ne me parle pas, comme elle ne parle à des milliers de
membres de ma communauté ». (Le Journal du Jura, 15.10.2004)
Soleure : La misère des requérants refoulés de Soleure
« Actuellement je ne vis pas, je respire seulement » raconte un jeune requérant Noir chassé du centre où il vivait
à cause de la mesure de non entrée en matière. Ils n’ont plus de toit où loger et vivent, qui dans les gares de
train, qui chez des amis. (24 Heures, 3.11.2004)
Zoug : Décès d’un NEM
Le Bureau d’intégration de Zoug rapporte la mort d’un jeune d’origine guinéenne. Ce dernier se cachait dans le
centre pour requérant Unterärgeri (canton Zug). Les hommes de Securitas, informés de sa présence dans les
lieux y font un tour. Pendant la poursuite, il saute par la fenêtre de l’étage et se blesse grièvement lors de sa
chute. Les soins qui lui ont été par la suite apportés à l’hôpital de Zug ont été vains et il décède suite à un
traumatisme crânien. (www.integrationsnetz.org)
Bâle : Tous les Noirs ne sont pas dealers
Dans sa publication du vendredi 10 décembre 2004, le journal revient sur la manifestation Afrika in BaselBasel in Afrika (ABSA) ayant réuni les experts pour discuter sur le racisme à Bâle. Il est surtout fait mention de
violences policières et du délit de faciès dont sont victimes les Noirs à Bâle. Les Africains de Bâle, au nombre
de 1430, ne sont pas tous requérants d’asile (seulement 215), ni dealers, comme beaucoup le pensent et
participent pleinement à la vie de la commune selon Mme Lilo Vischer, ethnologue au Centre d’études
africaines à l’Université de Bâle. (Basler Zeitung, 10.12.2004)
Berne fédérale : La non entrée en matière (NEM) critiquée
Depuis le 1er avril 2004, 4302 demandeurs d’asile ont été déboutés de la procédure d’asile parce que leurs
dossiers ont été jugés irrecevables à cause du manque des documents de voyage des demandeurs. Mme Boel
Sambuc critique « les dégâts éthiques et humains de cette mesure dans la société » et parle de la négation des
droits élémentaires tels que figurant dans la constitution, « dans un pays qui entend mener, sur le plan
international, une politique exemplaire en faveur des droits de l’homme ». Et pourtant, poursuit-elle, au sens de
l’article 12 de la Constitution Fédérale, tout être humain, placé en situation d’indigence doit bénéficier des
conditions minimales d’existence. Elles s’inquiète de l’effet raciste de cette loi, puisque la plupart des Non
Entrée en Matière sont des Noirs et Arabes. (Le Temps, 14.12.2004)
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Soleure : Le Tribunal fédéral en faveur d’un NEM débouté
Le Tribunal Fédéral a suspendu la suppression de l’aide d’urgence aux requérants frappés de NEM suite au
recours déposé par un Africain soutenu par IGA SOS Racisme dans le canton de Soleure. La décision contraint
les autorités cantonales à accorder à nouveau une aide d’urgence aux NEM. (Swissinfo, 28.12.2004)
FAITS MARQUANTS - 2005
Berne fédérale : « Le racisme anti-Noir est très présent en Suisse »
Une étude financée par la Commission Fédérale de lutte contre le Racisme (CFR) et conduite par deux
membres du CRAN, la Carmel Frohlicher-Stines et Mme Kelechi Mennel, « Etre Noir en Suisse : une vie entre
intégration et discrimination », vient d’être publiée. Présentée le 26 janvier dernier et basée sur 27 entretiens
elle rapporte le ressentiment général des Noirs interrogés. Beaucoup se disent bien intégrés mais reconnaissent
subir dans la vie de tous les jours la discrimination liée à la couleur de leur peau. Pour Carmel FröhlischerStines, « les comportements en Suisse à l’égard des Noirs n’ont pas évolué depuis la colonisation ». (TagesAnzeiger, 20 Minuten, 27.01.2005 ; Femina, 20.02.2005)
Kappel (Soleure) : Incendies criminels de camps de requérants d’asile
Le 29 janvier 2005, trois jeunes incendient le camp de requérants de Kappel dans le canton de Soleure. Les
observateurs avertis soupçonnent des extrémistes de droite qui font très souvent parler d’eux dans le canton par
leurs attaques ciblées contre les Noirs. Le journal rapporte en outre que le 17 décembre 2004, c’était au camp
de Bäch dans le canton de Schwyz de subir le même sort. Quatre jeunes Suisses dont l’âge varie entre 17 et 26
ans avançaient comme motif de leur forfait leur « haine pour les requérants ». Le journal s’inquiète en outre de
l’augmentation de ce genre d’incendies depuis 2000 :
- 4 octobre 2003, à Sins, canton d’Argovie, des jeunes jettent cinq cocktails Molotov dans le centre de Sins.
- à Aarwangen dans le canton de Berne, trois incendies criminels ont été signalés en 2001, 2002 et 2003.
- 21 mars 2001 à Küsnacht, canton de Zurich, pour « énerver » ses étrangers. (SonntagsZeitung, 30.01.2005)
Suisse : La politique d’asile de Blocher critiquée
Le maire de la ville de Zurich, le socialiste Elmar Ledergerber, demande à Blocher, le ministre fédéral de la
police, d’arrêter sa politique répressive car elle ne fait que fabriquer des Sans droits, des illégaux qui sont
exploités ou poussés à commettre des délits pour survivre. Quant au maire de la petite ville de Grenchen dans le
canton de Soleure, M. Boris Banga, il demande que l’on « libère les Sans-papiers de l’insécurité » dans
laquelle ils vivent. Genève émet la possibilité de régulariser 5000 Sans-papiers. (SonntagsZeitung, 30.01.2005)
Suisse : Les Africains vivant dans le pays, une histoire de détresse autant que de succès
Sous la plume de Mariane von Arx-Wegner, et à la suite de l’étude de la CFR parue (voir ci-dessus), le journal
raconte la vie des Africains en Suisse. Ils seraient environ 40 000 soit 2,7% de la population étrangère de
Suisse. Et pourtant le commun des Suisses penserait qu’il y en a 150 000 à 200 000, car minorité la plus visible.
La situation particulière de la Suisse alémanique est mise à jour où beaucoup d’Africains, malgré plusieurs
décennies de vie en Suisse se sentent toujours « étrangers ». Même les enfants de ses Africains, Suisses dans
l’âme et connaissant peu l’Afrique, disent vivre le racisme anti-Noir. (NZZ am Sonntag, 30.01.2005)
Kappel (SO) : La haine contre les étrangers, cause de l’incendie criminel
Les trois jeunes (13, 16 et 17 ans), impliqués dans l’incendie criminel du centre d’asile ont avoué leur forfait et
disent l’avoir fait pour leur haine contre les étrangers. (20 Minutes, 4.02.2005)
Berne canton : Des requérants d’asile Noirs protestent devant l’Office des migrations (ODM)
Le 8 février 2005, une trentaine de requérants essentiellement Africains protestent devant l’ODM. Ils ne
supportent plus leurs conditions de vie dans les centres créés pour héberger les requérants déboutés appelés
« Minimalzentren ». Ils sont pour la plupart à Aarwangen dans la commune de Lyss (BE). Ils ne supportent plus
d’être traités « comme des animaux ». (20 Minutes, 9.02.2005)
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Berne canton : Non au droit de vote facultatif des étrangers dans les communes
Le Grand Conseil bernois n’a pas voulu d’un droit de vote facultatif des étrangers dans les communes. Par 98
voix contre 86, le Parlement cantonal a refusé le 18 avril l’entrée en matière sur ce projet de modification de la
Constitution et de la Loi sur les communes. La commission préparatoire a ainsi été suivie, après avoir estimé
que l’intégration devait passer par la naturalisation. (La Liberté, 19.04.2005)
Bex (VD) : Insultés par des slogans « Nègres go home », des requérants d’asile manifestent
Au cours de la soirée du 10 mai 2005, des dizaines de requérants d'asile du centre Fareas à Bex sont sortis dans
la rue pour crier leur colère. Ils s'estimaient insultés par les dix slogans, dont «Nègres go home», qu'André
Corboz, un élu UDC, avaient peints sur les murs de la cité après une altercation avec par deux dealers. En deux
vagues, les Africains se sont heurtés aux forces de l'ordre accourues en nombre. Dans un premier temps, la
police a pu les repousser dans le centre alors qu'ils voulaient s'en prendre à André Corboz, mais la deuxième
fois elle a procédé à des arrestations. Au total, sept voitures ont été endommagées ce soir là ainsi que des
panneaux de signalisation. (Le Matin, 11.05.2005)
Lausanne (VD) : « Il faut condamner clairement une politique d’embauche ségrégationniste »
En attendant le jugement relatif au refus d’engager une veilleuse Noire à l’EMS de Morges, ACOR SOS
Racisme engage un débat sur la question. Pour M. Karl Grünberg, son secrétaire général, il faut la justice
condamne sans hésiter une politique ségrégationniste à l’embauche. Le Mari de la femme qui a refusé le travail
à la Noire trouve quant à lui que les faits ont été exagérés car une vingtaine de Noirs travaillent chez eux. Si la
Suissesse Noire avait accepté de travailler la journée, ils n’en seraient pas là. Les problèmes organisationnels de
l’EMS ne doivent pas être une raison « franchir les barrières de l’apartheid » rétorque le président d’ACOR
SOS Racisme, M. Oscar Tosato dans le même journal. (24 Heures, 19.05.2005)
Zürich : La trouvaille de Zurich, le régime du tournus
Depuis début juin, le canton de Zurich impose aux NEM qui n’ont pas encore disparu dans la nature de changer
de centre d’hébergement tous les sept jours. On les y appelle « die Siebentägler ». 850 personnes avec une
majorité de Noirs sont concernées par ce tournus. L’objectif est de les mettre sous pression et les pousser à
quitter la Suisse. Certains trouvent une telle politique peu claire et peu efficace car on oblige des gens à devenir
clandestins. (La Liberté, 5.08.2005)
Berne fédérale : « Beaucoup reste à faire contre le racisme ! »
A l’occasion des 10 ans de la Commission Fédérale de lutte contre le racisme (CFR), le président de cette
institution extraparlementaire, M. Georg Kreis, fait un état des lieux de la question. Même si l’antiracisme est
devenu un sujet qui s’est établi dans la société suisse, il trouve que beaucoup de chemin reste à faire et
demande que des mesures concrètes de lutte contre le racisme soient prises. (Bund, Basler Zeitung, 12.09.2005)
Morges (VD) : Une Noire gagne aux Prud’hommes contre une EMS raciste. Une première en Suisse !
Durement tancée par le Tribunal des Prud’hommes pour ne pas avoir embauché une Noire, la Direction du
home pour personnes âgées La Gottaz a été condamnée à s’acquitter de 5'000 CHF pour tort moral. Fermement
soutenue par SOS Racisme et Me Jean-Michel Dolivo, Magalie Schaer, Lausannoise d’origine haïtienne a
réussi pour la première fois en Suisse à faire appliquer l’article 328 du Code des Obligations sur la protection
de la personnalité du travailleur. La Direction de l’EMS de luxe avait refusé explicitement d’engager la
veilleuse en raison de la couleur noire de sa peau. Une belle victoire de principe. (Le Matin, 13.10.2005)
Berne : 33 Dealers arrêtés, à savoir « deux Suisses, deux Vietnamiens, un Italien et des Noirs »
Selon un rapport de la police de Berne, celle-ci aurait arrêté 33 dealers dans le canton, ainsi comptabilisés : 2
sont Suisses, 2 sont Vietnamiens, un est Italien et les autres sont des Noirs. Ainsi, les Noirs qui sont arrêtés ne
peuvent ni être Suisses, ni Italien. Le passage sous silence de la nationalité des personnes Noires commettant
des délits est devenu récurrent dans certains journaux Suisses. Le journal Bund écrira quant à lui, à propos de
ces mêmes dealers : La police de Berne a arrêté 33 personnes qui seraient impliquées dans le trafic des
substances interdites. Toute la différence est là. (20 Minutes, 21.10.2005)
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Suisse : Les naufragés d’Afrique sur nos terres
Ces derniers temps, il a beaucoup été questions d’immigrés africains escaladant les grillages de Ceuta et
Melilla, des provinces espagnoles non loin des côtes africaines. Beaucoup ont été fusillés à bout portant,
d’autres ont été enchaînés et rapatriés vers le Maroc. Un Congolais ayant eu « plus de chance » et vivant
illégalement en Suisse raconte comment il est difficile pour un opposant au régime d’avoir de vrais papiers.
Pour 3500 dollars, il avait loué un faux passeport avec un visa Schengen pour pouvoir sortir de la RDC car sa
vie y était menacée par le régime en place. Dès qu’il a mis les pieds en Suisse, il a dû retourner le papier. Il ne
voit pas comment il aurait pu aller chez son bourreau pour se faire faire un passeport pour sortir du pays. Et
pourtant arrivé en Suisse, il a grossi le lot des non entrée en matière (NEE) car n’ayant pas de papier. Il traîne à
Lausanne, dort dehors ou de fois dans les sleep-in lorsqu’une bonne âme lui donne 5 Frs. (Le Temps,
22.10.2005)
Genève : La Noire, le ticket de bus et les quatre gendarmes, une histoire qui dure depuis trois ans
Le 19 août 2002, deux contrôleurs des TPG arrêtent une jeune Camerounaise qui n’avait pas son titre de
transport. Elle explique aux agents qu’elle s’apprêtait à l’acheter. Une discussion s’engage et la police est
aussitôt alertée. Quatre gendarmes arrivent sur les lieux, gyrophares allumés et toutes sirènes hurlantes, à croire
qu’on leur avait signalé LE terroriste du siècle. Un des témoins cités aurait trouvé cela disproportionné. La
jeune femme est amenée au poste de police. Elle affirme avoir été malmenée, injuriée, humiliée pendant le
parcours. Elle est en plus séparée de son bébé. Le médecin qui la consulte plus tard parle d’une femme
bouleversée, portant des traces d’ecchymoses. Un journaliste qui ne comprenait pas la proportion qu’avait prise
une affaire aussi mineure demande à la jeune fille au téléphone si elle est Noire. Et dire par la suite : « Seul cet
élément pouvait à mes yeux justifier le comportement des protagonistes ». Toujours est-il que l’affaire se
trouve toujours au tribunal. (Tribune de Genève, 1.11.2005)
Zürich : La police brutalise Keita, star du foot et … Noir
Dans une interview accordée au Blick, Allhassane A. Keita, joueur au FC Zurich, raconte comment des
policiers ont pressé sa tête contre le volant de sa voiture lors d’un simple contrôle de routine. Il a été menotté et
amené au poste de police pour interrogatoire, comme un vulgaire criminel, après que sa voiture ait été fouillée
de fond en comble. Pour lui, cela ne fait l’ombre d’aucun doute : un Noir à bord d’une BWV, à Zurich, cela
faisait trop suspect, ça ne pouvait être qu’un dealer. Sinon, il ne comprend pas pour quelles autres raisons les
policiers ont fouillé avec soin sa voiture, l’ont emmené au poste de police où il a également subi lui-même une
fouille complète. (Blick, 4.11.2005)
Genève : Interpellation musclée d’une jeune Camerounaise
Le 16 novembre, un passant a filmé l’interpellation musclée d’une jeune Camerounaise dans le quartier de la
Servette, grâce à la caméra de son téléphone portable. Ce film qui a fait le tour des médias suisses montre une
Noire vêtue d’une robe en train d’être sauvagement projetée au sol par des policiers qui la menottent et la
traînent sur l’asphalte en l’insultant, sa robe remontée très haut, jusqu’à mettre à nu son bas-ventre. La maman
de la jeune fille, présente, expliquait en vain aux agents que sa fille souffrait de problèmes psychiques. Elle est
elle-même prise à la gorge et priée de laisser ces agents de l’Etat « faire leur travail ». La maman et l’avocat de
la jeune fille espèrent que les policiers mis en cause seront sévèrement sanctionnés. (Le Temps, 24.11.2005)
Genève : Les deux policiers ayant brutalisé la jeune Noire, suspendus
L’interpellation d’une Camerounaise à la rue de la Servette, à Genève, le 16 novembre dernier, dont le film
projeté presqu’en boucle par une TV locale (financée par l’Etat !) a indigné plus d’une personne a entraîné une
réaction rapide des responsables de la police. Les deux policiers impliqués dans cette arrestation ont en effet été
suspendus. (Tribune de Genève, 26.11.2005)
Unterwasser (SG) : Le racisme anti-Noir ordinaire pousse un couple afro-suisse à l’exil … en Afrique
La commune d’Unterwasser, dans le Toggenburg (canton de Saint-Gall) n’a plus de médecin. Jörg Michel, qui
s’y était installé en 2002, retourne en Afrique, d’où est originaire sa femme. Depuis mai 2005, le couple et ses
deux enfants de 8 et 10 ans sont terrorisés par des menaces racistes de la pire espèce. Lettres d’insultes
anonymes les incitant à partir (« Disparais avec ta bande de nègres, casse-toi avec ta portée de singes »), pneus
de voiture régulièrement lacérés, façades de leur maison régulièrement maculées de peinture, etc. Bernois
d’origine, le médecin n’en peut plus, plus de 6 mois après la première lettre anonyme. Il a remis sa démission.
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Ayant passé plusieurs années en Afrique comme médecin, il partira vivre avec sa famille en Afrique du Sud
post-apartheid ! Ceci, malgré la multiplication des marques de solidarité - tardives ? - à leur endroit : lettre
ouverte de collègues médecins de la région, excuses publiques du président de la commune, déclaration du
gouvernement cantonal, marche silencieuse de 500 personnes dans le village, etc. (Le Temps, 30.11.2005)
Suisse : « De la couleur dans la police » !
Innocent Naki, Noir et citoyen Suisse prône, pour diminuer les violences policières, plus de couleur dans la
police. Pour lui, des cas comme celui du policier qui violente une personne Noire et lui dit : « Mon grand-père
a niqué ton nègre de grand-père et c’est à moi à mon tour de te niquer », comme ce fut le cas avec la jeune
Camerounaise, trouveraient une solution s’il y a aussi des Noirs dans la police. Il trouve en effet qu’un policier
Blanc qui côtoie régulièrement un collègue Noir aura du mal à tenir de tels discours. (Tribune de Genève,
1.12.2005)
Berne : L’entrée d’une discothèque refusée au seul Noir du groupe
Le 1er novembre 2005, un groupe d’étudiants étrangers veulent bien visiter la ville de Berne by night. Ils
s’amènent à la discothèque Eclipse. Les 8 membres du groupe qui sont tous Blancs entrent sans que cela pose
problème au portier. Mais quand l’étudiant kenyan veut entrer à son tour, il s’entend demander sa carte de
membre. L’étonnement des autres est à son comble et n’y voient là que du racisme anti-Noir. Et pourtant, le
responsable du club, M. Lawrence Wyss, trouve que cela n’a rien à avoir avec le racisme. Seuls les membres
ont le droit d’entrer dans le club. (20 Minutes, 6.12.2005)
Morges (VD) : L’EMS raciste ne recourt pas contre un verdict donnant raison à une Noire
Condamnée par le Tribunal des Prud’hommes pour ne pas avoir embauché une Noire en raison de la couleur de
sa peau, la Direction du home pour personnes âgées La Gottaz a renoncé à recourir contre le verdict. « Mes
clients onts l’intime conviction de ne pas être racistes. Alors, se faire traiter de quelque chose que l’on n’est
pas, ils en avaient assez. Assez des médias, assez de la vindicte populaire. Mes clients souhaitent retrouver le
calme », a expliqué l’avocat des responsables de l’EMS, Anne et Bernard Russi. « Ce n’est pas de l’argent que
je voulais, mais une reconnaissance », a noté Mme Schaer. Qui a du reste versé l’intégralité de son indemnité à
SOS Racisme, afin de créer un fonds visant à défendre les mêmes causes. (Le Matin, 6.12.2005)
Toggenbourg (Saint-Gall) : Harcèlement raciste contre un couple mixte
Après la publication du harcèlement raciste dont un couple mixte était victime dans le canton et précisément à
St Johann, les langues se délient. Le racisme sur la famille du médecin n’est pas un cas isolé. Le prêtre Josef
Karber raconte que même dans les écoles, le racisme anti-Noir est très présent. Il raconte que lors d’un cours
sur l’esclavage, un élève aurait dit à son instituteur d’arrêter avec « cette merde » car « les Noirs n’ont rien à
faire ici ». Et toute la classe de crier : « UDC ! les Noirs dehors ». Un autre prêtre Noir s’entend dire
régulièrement que les Noirs sont des criminels. (20 Minutes, 9.12.2005)
Winterthur : La ville adhère à la Coalition européennes des villes contre le racisme
Le Conseil municipal de la ville de Winterthur a décidé de faire adhérer la ville à la Coalition européenne des
villes contre le racisme et la discrimination. (Tages Anzeiger, 20.12.2005)
N.B. - La Coalition européenne des villes contre le racisme, partie intégrante d’une Coalition internationale, est
un projet initié par l’UNESCO en 2004 et piloté jusqu’en 2006 par M. Mutombo Kanyana, expert international
et auparavant secrétaire général du CRAN. Son Plan d’action proposé aux villes se décline en dix points
destinés à mieux combattre le racisme et la discrimination dans la ville.
Genève : Policiers ayant usé de violence contre une Camerounaise et son bébé devant la justice
Le 19 août 2002, pour n’avoir pas eu le temps d’acheter son billet de tram, une Camerounaise a été rudoyée par
les agents des TPG, jetée dans une voiture par quatre gendarmes appelés par les agents TPG, alors qu’elle
portait un nourrisson de 5 semaines sur le ventre. Elle aurait ensuite reçu une avalanche de coups de poing sur
le visage avant d’être traînée au poste, gardée en cellule durant près de 4 heures, séparée de son bébé,
déshabillée et fouillée sans ménagements en présence de 2 gendarmes qui ont tout fait pour l’humilier. Pour la
police, qui a porté plainte contre la Camerounaise, les accusations de violence portées contre eux par la jeune
femme sont totalement fausses. Ils sont suivis en cela par le Procureur Daniel Zappelli, qui réclame sa
condamnation pour dénonciation calomnieuse : « Je ne vois pas la moindre connotation raciste dans ce
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dossier ». Avocat de la Camerounaise, Me J-M. Dolivo estime que l’accusation de dénonciation calomnieuse
dont sa cliente est victime est inadmissible. Il dénonce « la volonté de revanche des policiers et la complicité
active du procureur général », une « mascarade », une « affaire cousue de fil blanc », un « montage
policier ». (Tribune de Genève, 23.12.2005)
Genève : Désaveu du directeur de la police dans l’affaire de la Camerounaise
Suite à la brutalité des policiers genevois sur une Noire dans les rues de Genève, fait largement diffusé dans les
médias suisses, le journal Le Matin se demande si M. Laurent Moutinot, le nouveau patron de la Police
cantonale n’a pas mis la pression sur M. Rechtsteiner pour sanctionner les deux policiers impliqués. Ces deux
agents auraient reçu un blâme et un avertissement, pendant que les quatre autres continuent d’affirmer devant le
tribunal de police que les accusations de violence portées contre eux par la jeune femme sont totalement
fausses, suivis en cela par le Procureur Daniel Zappelli. (Le Matin, 25.12.2005)
FAITS MARQUANTS - 2006
Neuchâtel : Le joueur d’origine sénégalaise, Kader Mangane, souvent victime de propos racistes
Dans une interview au magazine suisse L’Illustré, Kader Mangane, joueur du FC Neuchâtel Xamax, a fait part
de sa confrontation au racisme sur les stades. Il a ainsi confié qu'il entend des réflexions racistes à son sujet
presqu’à chaque match, et ceci pas seulement de la part des spectateurs. Souvent, sur le terrain, face aux autres
joueurs, il entend aussi des expressions comme "sale nègre" et d'autres insultes. (L’Illustré, 15.03.2006)
Berne fédérale : « J’ai découvert en Suisse un racisme profond que minimisent les politiciens »
Selon la première impression de la visite en Suisse du rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, M. Doudou
Diène, « le racisme est profond en Suisse. C’est un phénomène quotidien et structurel. La Suisse est pourtant
un pays qui a su se construire sur la diversité culturelle. Mais elle peine visiblement à faire face à une nouvelle
diversité, extra-européenne. Les autorités reconnaissent d’ailleurs le problème même si elles le relativisent ».
Face à ce constat, un porte-parole de l’UDC avait défrayé la chronique en alléguant que la Suisse n’avait pas de
leçon à recevoir d’un Sénégalais. (Le Courrier 18.03.2006)
Genève : Les Sans-papiers investissent les Assises de l’intégration
La décision du Conseil d’Etat de Genève, de tenir les sans-papiers à l’écart du travail du bureau de l’intégration
dès sa création en 2001 en raison de leur situation d’illégalité, a poussé ceux-ci à imposer leur présence aux
débats. Le collectif des travailleuses et des travailleurs sans statut légal accuse le bureau de l’intégration de
pratiquer la discrimination. (Le Courrier 20.03.2006)
Berne fédérale : Après avoir diffamé deux Albanais, Blocher daigne s’excuser
Le conseiller fédéral Christoph Blocher, en charge du Département de Justice et Police, s’est excusé
publiquement. Il a reconnu avoir fauté en traitant deux réfugiés albanais de «criminels» lors du traditionnel
disours de l’Albisgüetli. « Maintenant tout le monde sait que Christoph Blocher ment », a réagi le secrétaire
général du Parti socialiste suisse, Thomas Christen. (Tribune de Genève, 30.03.2006)
Bienne (BE) : Le politicien Noir Ricardo Lumengo victime d’une agression de Skinheads
Le soir du 27 mars, vers 18h30, le candidat au Grand Conseil bernois, Ricardo Lumengo a croisé un groupe de
Skinheads près de la gare de Bienne. Un des Skinheads s’est détaché du groupe et a agressé ce citoyen biennois
d’origine angolaise en le frappant violemment sur la tête avec un objet en bois. La victime s’est refusé à faire
de cet incident un argument de campagne et a renoncé à déposer plainte. (Berner Zeitung, 11.04.2006)
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Genève : Une jeune femme Noire condamnée pour avoir porté plainte contre des policiers
A l’origine un contrôle de billets dans un bus des Transports Publics Genevois (TPG) qui tourne mal. Myriam
affirme avoir été passée à tabac, menacée et avoir subi des remarques racistes. En outre elle soutient que la vie
de son bébé, âgé de 5 semaines à l’époque des faits, a été mis en danger. Le Tribunal de police n’en a pas cru
un seul mot. Elle a été condamnée à un mois de prison avec sursis et pas loin de 20 000 francs pour indemnités
pour tort moral, dépens et frais. (Le Courrier 02.06.2006)
Bex (VD) : Un Valaisan tire sur un requérant d’asile africain
Une ivoirien de 17 ans a été légèrement blessé par balle, à Bex (canton de Vaud) par un Valaisan de 40 ans en
état d’ivresse, le 21 mai denier. Suite a une altercation survenue dans un bar, le Valaisan l’a attendu dehors,
sorti son arme et tiré en l’atteignant au thorax.. Le tireur a été interpellé 2 heures après son forfait par des
gendarmes, alors qu’il s’apprêtait à quitter son domicile avec son amie. Il a été inculpé de crime manqué de
meurtre. (Le Matin Bleu, Le Courrier 22.05.2006)
Lausanne : Racisme à l’entrée des boîtes ?
Plusieurs personnes affirment avoir été victimes de racisme à l’entrée de l’Atelier Volant en fin d’année 2005.
Cette mésaventure est arrivée plusieurs fois et de manière systématique à un Angolais d’origine. ACOR SOS
Racisme et le CRAN ont l’intention de tester prochainement les boîtes de nuit lausannoises pour constater si
oui ou non elles pratiquent un délit de facies à leur entrée. (Le Matin Bleu, 26.06.2006)
Bienne : Le chef de la Police présente ses excuses à la communauté africaine
Le directeur de la Sécurité à Bienne, Jürg Scherrer, comparaissait le 18 septembre devant le Tribunal de
Bienne-Nidau. Un collectif de 9 personnes d’origine africaine, emmené par Ricardo Lumengo, élu socialiste au
Conseil de Ville, l’accusait d’injure et de diffamation pour des propos cités en février 2005 dans la presse
locale. Interrogé par la presse, après une interpellation plutôt musclée d’un Africain, Il vait déclaré, « Le
plaignant est-il Noir ? Parce que si c’est ça, ça ne m’étonne pas. En cas d’interpellation, les Noirs inventent
volontiers des histoires et font croire qu’ils ont été malmenés ». Au terme de 2 heures de négociation à huis
clos, les parties sont parvenues à un accord. Jürg Scherrer s’est excusé, sans pour autant engager sa
responsabilité pénale. Mais cette convention n’a satisfait qu’une partie du public accouru en nombre. (Le
Journal du Jura, 19.09.2006)
Lausanne : Une marche pour le respect des Noirs
A l’occasion de la Fête du 1er Août, une centaine de personnes, en majorité d’origine africaine, ont manifesté à
Lausanne pour demander le respect des Noirs. Ils ont dénoncé la ségrégation dont ils sont victimes. « Nous
voulons la dignité », ont-ils scandé dans les rues. « Nous, les Noirs, nous sommes aussi la Suisse. Nous
travaillons, nous payons des impôts. Pourquoi sommes-nous discriminés ? Nous disons non à cette
discrimination », a lancé Paul Kahumbu Ntumba, le président du Forum des étrangers de Lausanne.
Les manifestants dénonçaient notamment les amalgames avec les trafiquants de drogue ainsi que les brimades
policières. « Nous n'avons rien contre la police, mais nous revendiquons le respect », a précisé Georges
Blézon-Dérou, qui a fondé il y a deux mois le Mouvement pour la dignité du Noir qui a organisé la
manifestation. (ATS 1.08.2006, Le Courrier, 2.08.2006)
Genève internationale : Le Rapporteur de l'ONU sur le racisme critique la Suisse
Le Rapporteur de l'ONU sur le racisme Doudou Diène a critiqué la Suisse devant le Conseil des droits de
l'homme, dans sa séance du 18 septembre. Il a dénoncé notamment « le traitement sécuritaire des questions de
l'immigration et de l'asile ». M. Doudou Diène s'est rendu cinq jours, en Suisse, en janvier dernier et avait été
reçu par les autorités fédérales à Berne. Il a relevé une « instrumentalisation politique du racisme dans le débat
politique » : « J'ai constaté la place croissante, dans les discours politiques et les médias, de la rhétorique de
la défense de l'identité nationale et de la menace de la présence allogène », a affirmé le Rapporteur spécial de
l'ONU, à quatre jours des votations fédérales sur les lois sur l'asile et les étrangers. « Cette rhétorique est
révélatrice de l'existence, dans la société suisse, d'un courant politique favorable à un enfermement identitaire
face à l'immigration et donc animé par des tendances xénophobes », a-t-il ajouté. Doudou Diène a aussi
regretté « la faiblesse de la stratégie politique et juridique actuelle » contre le racisme et la discrimination
raciale, « dans le traitement principalement sécuritaire des questions de l'immigration et de l'asile, dans la
criminalisation de l'étranger, de l'immigré et du demandeur d'asile ».
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Il n’a pas hésité à dénoncer « le nombre élevé d'actes de violence policière à connotation raciste et xénophobe
contre ces groupes, ainsi que l'impunité dont jouissent, selon les victimes, leurs auteurs ». Il a également
souligné « la remise en question de l'identité nationale par la diversité culturelle, ethnique et religieuse
croissante de la société, notamment d'origine non européenne ». (Le Temps, 19.09.2006)
Bienne (BE) : Jürg Scherrer, membre de l’exécutif municipal se lâche contre les Noirs
Le chef du Parti de la liberté, le conseiller municipal Jurg Scherrer, en charge de la police à l’exécutif de la ville
de Bienne, s’est encore illustré dans l’outrance raciste et xénophobe. Dans un billet sur son blog, il s’en est pris
aux Noirs qui, selon lui, sont toujours prêts à « inventer des histoires horribles » pour se disculper quand ils
sont confrontés à la police. Il est même allé jusqu’à croquer ostensiblement un minarêt en chocolat blanc. Le
site de son parti est également illustré par de «têtes de nègre» avec des visages humains. Des propos et des
gestes, à l’encontre des Africains et des musulmans, qui ont été jugés choquants même par ses collègues de
l’exécutif de la Ville, Dans un communiqué de presse, la communauté africaine de Bienne a déclaré qu'elle va
déposer plainte et faire cesser la diffusion de cette annonce discriminatoire. Peu de temps après, l'illustration
disparaît de la homepage. (Le Journal du Jura, 21.09.2006)
Genève : Après une votation anti-asile et anti-étrangers, un quartier entre en résistance
Le 24 septembre dernier, à peine connue l’acceptation par les Suisses d’un nouveau tour de vis contre le «droit
d’asile» et le «droit des étrangers», des habitants des 14 et 16 chemin des Ouches, à Genève, ont étendu une
large banderole sur laquelle on pouvait lire : « Etrangers toujours bienvenus. Résistons aux lois xénophobes ».
Parallèlement, un Appel était lancé, recueillant de premières signatures. Une fête agendée allait fournir une
occasion d’explorer de premières pistes d’action concrète et de lancer la réflexion sur les possibilités de fédérer
les forces refusant la blochérisation de la Suisse. (Le Courrier, 7.10.2006)
Zürich : Racisme et xénophobie boostés après le triomphe d’un vote anti-Etrangers
Environ deux semaines après la double votation populaire sur la révision de la Loi sur les étrangers et de la Loi
sur l'asile, le journal Blick se fait l’écho des répercussions sur les personnes perçus comme étrangers en Suisse.
Une femme de 43 ans originaire du Cameroun déclare que sur le chemin du travail elle se fait insulter et
cracher dessus. Depuis les votations elle se sent à nouveau étrangère en Suisse. « Avant ces votations, les gens
n'osaient pas exprimer publiquement leur xénophobie. Mais maintenant ils se sentent plus forts, parce que 70%
de la population pense comme eux ». Un conducteur de taxi turc rapporte : « Depuis deux semaines, j'ai moins
de clients. Les gens me disent souvent : je n'entre pas dans la voiture d'un étranger ». Glenda Loebell-Ryan de
SOS Racisme, et métisse (CH-Afrique du Sud) confirme ces dires : « La peur est beaucoup plus grande chez
nos clients depuis la votation. Beaucoup de Noirs n'osent plus sortir de leur maison ». Elle-même a souffert
d'expériences similaires : « Les gens dans le bus ou dans le tram vous donnent des coups de coudes dans les
côtes. Cela m'arrive de plus en plus souvent ces derniers temps ». (Blick, 13.10.2006 ; Chronologie GRA.ch)
Berne fédérale : Blocher aurait insulté les Africains
« Ce qu’on doit faire avec l’Afrique ? Je n’en sais rien. Une possibilité serait de la laisser à son propre sort ».
Interrogé le 14 septembre dernier sur l’aide au développement par la Commission des Institutions politiques du
Conseil national suisse, à Berne, le leader du parti raciste et xénophobe, UDC, ministre de la Justice et de la
Police, M. Christoph Blocher n’a pas hésité à dénigrer l’Afrique et les Africains, allant jusqu’à traiter ces
derniers, « même ceux qui ont été formés en Suisse » de « flemmards » qui « n’ont pas envie d’avancer
économiquement ». Ses propos ont été consignés dans un procès-verbal que Le Matin Dimanche s’est procuré.
(Le Matin Dimanche, 15.10.2006)
Berne fédérale : Le département de Justice & Police et l'UDC réfutent les accusations contre Blocher
M. Blocher a laissé entendre que les Africains sont «paresseux», qu'ils sont eux-mêmes «responsables de leurs
situation» et qu'il ne vaut pas la peine d'investir de l'argent sur le continent Noir. Le département fédéral de
justice et police qu’il dirige ainsi que son parti, l'UDC, ont nié que Christoph Blocher ait traité les Africains de
«paresseux». Le conseiller fédéral a en revanche exprimé sa «perplexité» face à la politique de développement
en Afrique. Président de la commission devant laquelle s’est exprimé Blocher, et interrogé par la presse, le
député socialiste Andreas Gross, a porté contre lui de graves accusations. Il est catégorique : « Je maintiens que
le conseiller fédéral a clairement laissé entendre que les Africains sont trop paresseux et trop bêtes pour que
réussissent les investissements que l’on fait chez eux ». Mais la commission se déroulant à huis-clos, il n’a pas
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reproduit les propos exacts pour des raisons de légalité. Il n’a donc fait que résumer ses impressions « Et ce
qu’il a dit était encore pire que les impressions que j’ai exprimées ! » (Le Matin, Le Courrier 17.10.2006)
Jura : Dérapages racistes contre un candidat métis aux élections cantonales
Yannick Erard de Buix est encore sous le choc. Candidat au Parlement jurassien, il est victime d’une campagne
d’affichage à caractère raciste dans plusieurs communes du district de Porrentruy. De père ajoulot et de mère
mauricienne, le jeune homme a découvert, il y a trois jours en allant prendre le train, ces affiches insultantes,
réalisées à partir de caractères découpés dans les journaux. Il est notamment possible d’y lire: «Un Jura qui
gagne sans bronzé, donc sans Erard», «Pas de sous-hommes au parlement». etc. En guise de signature, on
trouve le label «Qualité Suisse» et le slogan «Allons dans le bon sens», utilisés par l’UDC-Jura, dans la
campagne pour l’élection au législatif et au Gouvernement. La substitute du procureur Valérie Cortat a
immédiatement averti les patrouilles de police qui ont pris des photos de ces affiches, avant de les arracher. Le
Président de la Fédération d’Ajoie Julien Loichat en a dénombré une bonne vingtaine entre Porrentruy et les
villages de la Basse-Allaine.
«(...) Je n’arrive pas à comprendre. Je suis né ici, j’ai grandi ici. Je savais bien qu’il y avait une dérive vers
l’extrême droite en Suisse. Mais pas à ce point!», réagit pour sa part Yannick Erard, 24 ans (...). (La Liberté, Le
Quotidien Jurassien, TSR Infos, 20.10.2006)
Bienne (BE) : La Conseillère de ville Villoz-Muamba, d’origine congolaise, dénonce les dérives racistes
du chef de la Police locale
Après les derniers propos du conseiller municipal Jurg Scherrer, président du Parti de la Liberté et directeur de
la Sécurité au sein de l’exécutif local, sa collègue d’origine congolaise, membre des Verts, Félicienne Lusamba
Villoz-Mwamba est intervenue avec beaucoup d’émotions, à la tribune du Conseil de Ville, lors de la séance du
18 octobre dernier : « Qui l’arrêtera ? Jusqu’où doit-il aller pour qu’un coup d’arrêt soit porté à une dérive
choquante, indigne et raciste ? ». Sur le site de son parti, M. Scherrer avait tenu des propos jugés choquants
même par ses collègues de l’éxécutif de la Ville à l’encontre des Africains et des musulmans, allant même
jusqu’à croquer ostensiblement un minarêt en chocolat ainsi que des «têtes de Nègre». (Le Journal du Jura,
21.10.2006)
Berne fédérale : La communauté africaine manifeste, ulcérée par les propos de Blocher
Devant le Palais fédéral, une trentaine d’Africains est venu protester, le 21 octobre, contre les « déclarations
racistes » du conseiller fédéral Christoph Blocher, exigeant qu’ils retire publiquement ses propos. Ils ont
également demandé à tous les politiciens et politiciennes de ne plus propager des images négatives de
personnes d’origine africaine pour faire de la propagande et de la politique. Protestant sous la dévise « Nous,
personnes d’origine africaine en Suisse, nous en avons assez que l’on fasse de la politique sur notre dos ! », ils
ont par ailleurs déploré qu’on ne leur donne pas la parole quand on parle d’eux.
Dans une lettre au journal ayant révélé l’affaire, la Délégation permanente de l’Union africaine à Genève s’est
indignée « face à ce discours empreint de mépris et de racisme. Faut-il rappeler que l’Afrique a contribué de
façon significative au développement des autres continents avec ses ressources naturelles ainsi qu’avec le sang
et la sueur de ses enfants ». Il a été également exigé « que M. Blocher retire ses propos et présente ses excuses
aux peuples africains qu’il s’est permis de déshonorer par une déclaration non conforme à ses fonctions
officielles et à la morale internationale ». (Le Matin Dimanche, 22.10.2006)
Collombey-Muraz : On se bat contre le racisme
Lors d’une course d’école en de Terre des hommes à Massongex, certains élèves ont refusé de courir prétextant
qu’ils ne le feraient pas « pour ces Nègres », Blogs xénophobes, graffitis haineux, gestes provocateurs, bagarre
généralisée… faces à ces incidents parfois anodines et parfois plus sérieux, un groupe de coordinateur veut
lutter contre le racisme ambiant. (Le Courrier 30.10.2006)
.
Berne fédérale : Le Conseil fédéral se défend contre les critiques de l’ONU sur le racisme en Suisse
Le gouvernement suisse « considère son engagement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie
comme une tâche permanente ». Dans un rapport de 109 pages publié le 31 octobre, il se défend contre les
critiques émises par le Comité de l’ONU contre la discrimination raciale (CERD), en recensant en particulier
l’évolution juridique et politique en Suisse. Et en affirmant également que « dans une société multiculturelle, il
ne suffit pas de lois pour combatre les tendances racistes ».
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Le CERD s’est dit « préoccupé au plus haut point par la persistance en Suisse d’attitudes hostiles envers les
Noirs, les musulmans et les demandeurs d’asile ». Quant au rapporteur de l’ONU sur le racisme, M. Doudou
Diene, lors de sa visite en Suisse en janvier dernier, « la Suisse connaît une situation de racisme, de xénophobie
et de discrimination ». Il avait aussi relevé l’absence de stratégie politique au plus haut niveau pour y faire face.
(Le Courrier, 1.11.2006)
Fribourg : Une femme Noire « sent trop fort » et doit quitter le restaurant !
Le patron de cet établissement jure que les Africains sont les bienvenus chez lui… Sauf cette femme Noire qui
raconte sa mésaventure causée par un cher parfum. En effet celle-ci s’était mise un parfum, pourtant de marque
(Guerlain) qui « sentait trop fort » pour les clients d’un café fribourgeois, selon le patron. « Je me suis sentie
humiliée », a confié la dame qui a dû quitter le restaurant. (Le Courrier, La Liberté, 02.11.2006)
Berne fédérale : « Monsieur Blocher, laissez-moi vous rappeler une histoire connue »
Dans une lettre ouverte publiée intégralement par Le Courrier, M. Roger Puati, pasteur d’origine congolaise,
interpelle le Conseiller fédéral Christoph Blocher sur ses propos relatifs à l’Afrique. Outre un rappel historique
pointu, comportant des éléments tant du passé que d’aujourd’hui, l’homme d’Eglise fait également remarquer :
« Vos propos peuvent avoir de lourdes conséquences en termes de paix civile ». (Le Courrier, 2.11.2006)
Genève : Vers une expulsion de plaignants africains contre la Police ?
En juin 2004, deux Noirs soupçonnés d’être des dealers, avaient été contraints par deux policiers à se
déshabiller en pleine rue, sur le très fréquenté Quai Gustave-Ador, à Genève, en fin d’après-midi estivale.
Parmi les nombreux témoins de la scène, un chauffeur de taxi avait soutenu les deux hommes, relaxés sur place,
et les avait encouragés à déposer plainte. Le28 septembre 2004, les deux policiers incriminés étaient inculpés
pour abus d’autorité. L’instruction avait permis l’audition de deux témoins, dont le chauffeur de taxi, qui ont
confirmé avoir vu l’une des victimes de l’interpellation baisser son slip. Un recours des policiers, en très
mauvaise posture, a ensuite été rejeté en juin 2005. Cependant, le procès à venir risque bien de se tenir sans les
deux plaignants, originaires de Guinée et qui ont vu leur demande d’asile définitivement rejetée. Devant cette
perspective d’expulsion, leur avocat, Me Jean-Pierre Garbade multiplie les initiatives pour obtenir une
indemnité de l’Etat pour tort moral et surtout pour que les deux plaignants puissent rester en Suisse jusqu’au
jugement. (Le Courrier, 3.11.2006)
Lausanne : Agressions racistes en hausse contre le personnel médical Noir
A l’occasion d’un débat au Grand Conseil vaudois sur la loi concernant les établissements médicaux-sociaux, le
médecin Philippe Vuillemin propose un complément, afin que le personnel soit mieux préservé des agressions
racistes. Il base sa motion sur le fait que ces deux dernières années, le nombre commentaires racistes et
désagréables envers le personnel soignant a augmenté. Deux semaines plus tard, le journal Le Matin Dimanche
publie les déclarations de différentes aides infirmières Noires qui affirment subir régulièrement des offenses
racistes. (Le Matin Dimanche, 19.11.2006)
Bex (VD) : Quand les dealers africains servent d’enjeu électoral
A deux semaines d’un vote populaire sur la fermeture d’un centre pour requérants à Bex (Vaud), la police y
débarque avec 180 hommes pour une vaste opération visant à démanteler un petit groupe de dealers. Butin : 50
g de cocaïne, 160 g de marijuana, 1g d’héroïne et près de 15'000 CHF en liquide. En outre 24 personnes ont été
arrêtées et emmenées au poste. Même si l’existence d’un trafic de drogue dans la ville est connue de longue
date, une opération de cette envergure n’avait pas été menée depuis plusieurs années. Le moment choisi a
suscité un certain malaise. On soupçonne même un coup de pouce à l’initiative de l’UDC, objet de la votation,
par le chef de la Police cantonale, Eric Lehmann, fondateur de l’UDC-Genève … (Le Courrier, 11.11.2006)
Bex (Vaud) : Les habitants s’opposent par vote à l’implantation d’un centre pour requérants d’asile
C’est par un vote de 53,4%, le 26 novembre dernier, que les habitants de Bex se sont opposés contre un centre
de requérants. Pour le Conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud, la majorité des gens ont surtout exprimé un
« ras-le-bol contre les dealers » (Le Matin Dimanche, 3.12.2006)
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FAITS MARQUANTS - 2007
Jura : Un candidat métis à des élections avoue avoir manipulé des affiches racistes
« Je présente mes excuses au peuple jurassien car je l'ai trompé ». Le mea culpa de Yannick Erard, un métis
(CH-Mauritanie) qui a admis avoir copié et collé des affiches à caractère raciste le concernant avant les
élections cantonales, n'empêche pas le Parti socialiste de se désolidariser de son ancien candidat et d'attendre sa
démission. L'UDC a confirmé le dépôt d'une plainte pénale pour infraction à son honneur.
L'affaire avait éclaté à la suite d'affiches racistes placardées en Ajoie contre le candidat métis du PS. L'enquête
a montré que Yannick Erard en avait photocopié et placardé une dizaine. Le ou les auteurs des placards
originaux, qui avaient été posés la nuit précédente, sont toujours recherchés.
Yannick Erard explique son geste par le fait qu'il a voulu jouer un mauvais tour à ceux qui étaient à l'origine de
ces affiches discriminatoires «en rajoutant une couche durant la nuit après le premier affichage». Avec le
recul, il se repent: «Ma réaction n'a pas été la bonne, elle était même digne du plus grand des imbéciles.» Et
d'expliquer: « La plupart d'entre vous ne connaîtront jamais le racisme, c'est une chose que l'on subit dès
l'enfance et ma réaction a été celle d'un enfant à qui l'on a cassé le plus beau jouet, en l'occurrence mon
intégrité d'être humain et ma liberté d'être ce que je suis, un métis fier de l'être ».
Premier des viennent-ensuite de la liste socialiste d'Ajoie, Yannick Erard, à la première vacance, entrerait au
Parlement jurassien et personne ne pourrait l'en empêcher. Le PS le pousse à la démission, par la voix de son
président local, Julien Loichat : «Nous ne pouvons accepter la manière dont Yannick Erard a voulu
communiquer sa révolte au sujet du contenu de ces affiches ». (Le Matin, 12.01.2007)
Lausanne : Jeune Noir tabassé par six Skinheads
Un jeune homme Noir de 19 ans, sur son chemin de retour chez lui, vers 1h du matin a été roué de coups à
cause de sa couleur de peau. Dans la nuit de samedi à dimanche, Jamal rentrait chez lui quand un groupe de six
Skinheads lui est tombé dessus. Ils l’ont d’abord insulté et humilié, puis un skin lui a sauté dessus, et comme il
se défendait, les autres s’y sont mis aussi. Puis les agresseurs l’ont laissé filer après lui avoir retiré ses
chaussures. (Le Matin, 28.01.2007)
Bex (VD) : Un socialiste Noir dénonce les dérapages racistes du Syndic (socialiste) de la ville
Il y a des jours où les socialistes préféreraient peut-être oublier que la petite ville de Bex est dirigée par un des
leurs. Pour un parti qui combat le durcissement du droit d'asile et les amalgames propagés par l'UDC, les
déclarations du syndic Michel Flückiger sont des plus gênantes. Le 27 janvier dernier, l'écrivain et journaliste
Innocent Naki, d’origine ivoirienne et membre du Parti socialiste suisse, a écrit à la présidente du PS vaudois,
Josiane Aubert, pour dénoncer les propos «insultants» du syndic de Bex envers les requérants d'asile. Dans une
démarche entreprise avec la caution de Doudou Diène, rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme,
Innocent Naki s'insurge notamment contre les propos tenus par Michel Flückiger en novembre dernier, à
l'occasion d'une réunion publique sur l'initiative populaire de l'UDC demandant la fermeture du Centre
d'hébergement de requérants de Bex. «Le nombre important de Noirs squattant le centre de notre village est
peu propice à faire retomber la xénophobie chez nos habitants», aurait alors déclaré le syndic. Mais encore :
«Il est incontestable que dans le centre s'active toute une faune de personnes non désirables comme les NEM
ou les délinquants». Sur le même registre animalier, le socialiste aurait enfin regretté que les requérants aient
été laissés «en stabulation libre». Selon une socialiste de Bex, gardant l'anonymat, «à Bex, il y a des socialistes
qui ne sont pas très socialistes, mais plutôt UDC. Comme par exemple le syndic!». (Le Courrier, 1.02.2007)
Bex (VD) : Amendes salées après les tags racistes « Nègres go home »
Candidat UDC au Grand Conseil, André Corboz a écopé d'une peine de 90 jours-amende à 150 francs et d'une
amende de 1500 francs pour avoir peint des slogans racistes sur les murs de Bex en mai 2005. Pour calmer des
requérants d'asile qui s'étaient sentis insultés par ces slogans et les ramener à leur centre, une vingtaine de
patrouilles de police avaient dû converger de toute urgence à Bex.
Le Tribunal a estimé qu'André Corboz avait agi intentionnellement. Ces slogans ne sont «ni à interpréter, ni
équivoques». La défense avait au contraire plaidé la réaction émotionnelle d'un homme exaspéré par les trafics
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de drogue liés aux Noirs logés au centre de la Fareas à Bex. Il ne s'agirait donc pas de racisme mais d'un cri de
désespoir, d'un «pétage de plombs». En début d'audience, la Cour a refusé à l'association ACOR SOS Racisme
les qualités de plaignante et de partie civile dans cette affaire. Pour son avocat, cette décision «inadmissible»
empêche les victimes des slogans de s'exprimer. (RTS Info, 15.02.2007)
Bex (VD) : « Michel Flückiger n'est pas en porte-à-faux avec notre objectif »
Après les tags racistes du garagiste UDC André Corboz, le syndic socialiste Michel Flückiger est montré du
doigt pour ses déclarations insultantes à l'égard des requérants d'asile. En novembre dernier, lors d'une
assemblée publique il avait affirmé que, dans le centre d'hébergement de requérants, « s'active toute une faune
de personnes non désirables comme les NEM ou les délinquants ». Une année auparavant, il avait même
employé à leur propos le terme de «parasites», qu'il s'agirait d' «éliminer». La direction du PSV lui a demandé
de s'excuser, ce qu'il a refusé de faire : « surtout auprès des NEM, qui ne disposent pas de statut légal ». La
présidente de PSV, Josiane Aubert, tente de minimiser l'affaire. Elle réfute l'idée selon laquelle les socialistes
pourraient être accusés de tenir un double discours, en fustigeant les amalgames propagées par l'UDC d'une
main, et en les tolérant dans leurs rangs de l'autre. (Le Courrier, 7.03.2007)
Bex (VD) : Ils manifestent contre « Nègres go home », ils se retrouvent devant les tribunaux
Quatre ressortissants africains comparaissent aujourd'hui pour incitation à l'émeute dans l'affaire des slogans
racistes « Nègres go home » de l’élu UDC, André Corboz, garagiste à Bex. Irrité à la vue de ces graffitis, un
groupe de requérants du centre d'accueil s'est constitué pour se rendre au domicile du conseiller communal
André Corboz. Dans un premier temps, la police a réussi à repousser la vague, mais la deuxième tentative
débouche sur un affrontement entre les forces de l'ordre et une trentaine de requérants. ACOR SOS Racisme,
qui a pris leur défense, met en cause l'intervention de la police : «Pourquoi la police n'a-t-elle pas pris la
situation plus au sérieux? Pourquoi n'a-t-elle pas arrêté André Corboz plus tôt?».
En effet, sur la base des des rapports d'audition que Le Temps s’est procurés, les agents de police ont aperçu à
plusieurs reprises André Corboz «muni de son pot de peinture», alors qu'ils avaient déjà pu lire une de ses
inscriptions. Ils l'ont également entendu invectiver deux ressortissants africains qu'il avait interpellés d'un
«Rentrez chez vous sales Nègres». Plus tard, recroisant le garagiste, la police a pu constater, toujours selon les
rapports, que «l'intérieur de ses mains était maculé de sang, ce qui, dans le contexte vécu, pouvait laisser
craindre qu'une personne avait été blessée, peut-être même gravement». A aucun moment le garagiste n'a été ni
arrêté ni inquiété.
Le 15 février dernier, ce dernier a été condamné pour discrimination raciale à 90 jours-amende avec sursis
pendant deux ans dans le cadre du premier volet des événements. Ce 17 avril, il se présente face aux accusés,
puisqu'il est plaignant et qu'il s'est porté partie civile. (Le Temps, 17.04.2007)
Bex (VD) : Menacé de sanction par son parti, le syndic regrette ses propos mais n’excuse pas
Tout s'est déroulé dans la plus grande discrétion. Le 20 mars dernier, le comité directeur du Parti socialiste
vaudois (PSV) décidait d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre du syndic de Bex, Michel Flückiger.
Craignant que cette affaire n'entache l'image du parti en pleine campagne électorale, les roses ont tout fait pour
l'étouffer. Deux semaines encore avant le lancement de la procédure, la présidente du PSV, Josiane Aubert,
déclarait que Michel Flückiger n'était «pas en porte-à-faux avec les objectifs du parti».
Alerté par l'écrivain et journaliste Innocent Naki, membre du Parti socialiste suisse, le PSV se décidait
finalement à agir. En mars dernier, c'est à l'unanimité que le comité directeur a ouvert une procédure
disciplinaire. Le différend a finalement pu être réglé à l'amiable. Entendu le 19 avril par le comité directeur du
parti, Michel Flückiger a dit regretter la teneur de ses propos. Il s'est aussi engagé à ce que de tels dérapages ne
se reproduisent plus. Contacté hier par téléphone, il a affirme qu'il a dès le début exprimé des regrets. «Mais
m'excuser, c'était exclu. Je ne vois pas pourquoi je m'excuserais». Si début mars, la vice-présidente du PSV
Cesla Amarelle disait attendre des excuses, le comité directeur s'est finalement contenté de regrets et a décidé le
28 avril, à l'unanimité, de clore la procédure disciplinaire. (Le Courrier, 1.05.2007)
Genève : Jeune Rwandaise trouvée assassinée dans un train
Une jeune Rwandaise de 22 ans a été retrouvée morte par des nettoyeurs dans la rame d'un TGV en provenance
de Nice et vide, stationnée en gare de Genève. Elle se rendait à Bulle, pour assister aux obsèques de son oncle.
Victime de plusieurs coups de couteau, elle est décédée à l'arrivée des secours. (Le Matin, 1.06.2007)
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Lausanne : La Cour de cassation contre les slogans « Nègres go home » de Bex
La Cour de cassation pénale du canton de Vaud a reconnu le grave déni de justice subi par ACOR SOS
Racisme à l'occasion du procès d'André Corboz. Dans ce sens, elle a admis le bien-fondé de la démarche
d’ACOR SOS Racisme à recourir contre le jugement du Tribunal correctionnel de l’Est vaudois « qui a fait tout
faux ». ACOR SOS Racisme exprime sa satisfaction que la Cour de cassation a admis qu’elle avait subi un déni
de justice du fait d’un jugement qui comportait de graves irrégularités. En effet, si ACOR SOS Racisme avait
été entendue, elle aurait pu informer le tribunal de faits au sujet desquels le juge instructeur avait réuni des
documents et qui n'ont pas pu être exposés au tribunal. Le tribunal aurait ainsi appris : (1) qu’André Corboz, en
peignant ses grands placards «Nègres go home», avait battu des Noirs et les avait menacés de mort ; (2) que la
police de Bex, informée dès le début de cette provocation haineuse, n’y a pas mis fin malgré les demandes de
Noirs qu'elle contrôlait plutôt que d’écouter ; (3) combien les victimes de cette agression étaient choquées par
ces événements. (Communiqué d’ACOR-SOS Racisme, 18.06.2007)
Saignelégier (JU) : Racisme ordinaire à une terrasse en ville
Quelques personnes sont assises devant un bistrot et deux jeunes gens d’origine africaine passent dans la rue.
Les personnes assises leur rient au nez et font des commentaires insultants. Une lettre de lecteur quelques jours
plus tard déclare que les Africains auraient été traités de «Blanche Neige» et de «singes». (Chronologie
GRA.ch, 26.08.2007)
Genève : Un groupe de 8 Skinheads agresse violemment trois Noirs dans la rue, la nuit
Dans la nuit du 8 au 9 août dernier, trois Africains revenant des Fêtes de Genève ont été violemment agressés
par huit jeunes néonazis. D’abord attaqués verbalement, ils ont dû en venir aux mains contre un groupe
nettement supérieur en nombre et portant sur eux des armes blanches. Un des jeunes Africains sera du reste
grièvement blessé. Tous les trois ne devront leur salut que grâce à l’intervention d’un groupe de militaires
passant par là qui ont pris en chasse les agresseurs avant de les faire arrêter par la police. Plus tard, lors d’une
fouille effectuée à leurs domiciles respectifs, outre des photos d’Adolf Hitler et d’autres références à
l’Allemagne nazie, une impressionnante collection d’armes de poing y a été trouvée.
Intervenant après la mort violente toujours inexpliquée d’une Guinéenne, tombée sans raison apparente du 5e
étage de son immeuble, dans la nuit du 24 au 25 août, à la suite de l’assassinat toujours pas élucidé d’une
Rwandaise le 31 mai dernier, toujours à Genève, cette agression a provoqué émotion, inquiétude et colère dans
la communauté africaine de Genève. Le Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse, basé
dans cette ville a publié un communiqué de presse. (Communiqué du Collectif des organisations de la Diaspora
africaine en Suisse, 27.08.2007 ; Le Courrier, 14.08.2007)
Genève internationale : Le rapporteur spécial de l'ONU interpelle la Suisse sur les affiches UDC
Le sénégalais Doudou Diène a interpellé le Conseil fédéral sur les affiches de l'UDC. Une démarche qui fait
partie de son mandat, qui est de veiller à ce que les gouvernements respectent leurs engagements
internationaux. Il ne considère pas, de facto, faire de l'ingérence, comme le lui reproche l'UDC. (Tribune de
Genève, 1.09.2007)
Genève : La ville s’abstient de bannir les controversées affiches de l'UDC
La ville de Genève a le droit d'interdire des affiches controversées. Elle aurait pu bannir l'affiche controversée
de l'UDC, mais a préféré s'abstenir. Son Conseil administratif a refusé de s'engager dans cette procédure à la
suite d'un vote à trois contre deux. (Le Courrier, 1.09.2007)
Bienne : Tensions entre le député Noir Ricardo Lumengo et le Parti de la liberté
Les tensions entre le député Noir au Grand Conseil bernois, Ricardo Lumengo, et le Parti de la liberté,
formation xénophobe, s'enveniment. Le socialiste a déposé hier une requête d'exécution forcée auprès du
Tribunal civil de Bienne contre ce parti pour le non-respect d'une décision de justice. (Le Courrier, 7.09.2007)
Berne fédérale : Le Conseiller fédéral Pacal Couchepin excédé par les « méthodes fascistes » de l’UDC
Rhétorique du complot dont use et abuse l'UDC, dramatisation extrême de la non-réélection de Christoph
Blocher, affiches publicitaires UDC parlant de « plan secret », « de conspiration », de « mafia », « tout cela fait
penser aux méthodes fascistes », a dit le Conseiller fédéral Pascal Couchepin. (Le Courrier, 08.09.2007)
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Tessin : Trop de Noirs dans l'équipe nationale ? Bignasca blanchi
Selon le Ministère public tessinois, le président raciste et xénophobe de la Lega dei Ticinesi, M. Giuliano
Bignasca, n'a pas commis de discrimination raciale en reprochant à l'équipe nationale de football d'aligner trop
de joueurs Noirs. (Le Matin Bleu, 14.09.2007)
Genève : Une autre plainte vise la police à propos de la Guinéenne décédée
L'étau se resserre autour des gendarmes dans l'affaire Marianne, cette jeune clandestine guinéenne tombée d'un
balcon pour échapper à une visite des forces de l'ordre. Une première plainte contre les policiers à été déposée
par sa cousine qui l'hébergeait dans son appartement. Une seconde vient d'atterrir sur le bureau du procureur
général. (Genève Actualité, 19.09.2007)
Lausanne : Une manif anti-Blocher tourne à l’émeute
Des échauffourées ont éclaté à Lausanne à l'issue de la manifestation contre la venue de Christoph Blocher au
comptoir suisse : poubelles en feu ; barricades ; vitres cassées... La ville n'avait plus connu pareils
affrontements depuis les manifestations contre le G8 en 2003. (Tribune de Genève, 19.09.2007)
Montreux : Violences policières contre les manifestants anti-Blocher et anti-Moutons noirs
La police était en force à Montreux pour contenir la cinquantaine de manifestants venus protester contre la
venue de Christoph Blocher et les affiches UDC sur les moutons noirs. Mais selon une manifestante, elle aurait
abusé de la force. En effet cette étudiante en droit à l'Université de Genève affirme avoir été frappée à coup de
matraque et projetée au sol par un policier. (Vevey-Riviera 27-28.09.2007)
Lausanne : Nouvelles accusations contre la police pour violences délibérées contre les Noirs
Les anciens agents de la police secours ont décidé de parler. Ils dénoncent des passages à tabac dirigés
spécifiquement conte des Africains, certains policiers auraient aussi participé à des opérations de « nettoyage »
au centre-ville embarquant des personnes sans motifs pour les relâcher dans les bois. Ces actes ont été perpétrés
au début des années 2000. Un ex-agent, en poste à la police secours en 2004 affirme avoir été témoin des
propos tel que : « enculé de nègre, rentre chez toi ! » ; « on va chasser le Black ». Il continue en soulignant que
les Blacks se faisaient tabasser alors qu'ils n'avaient pas de drogue sur eux et qu'ils possédaient des papiers en
règle. (Le Matin Dimanche, 30.09.2007)
Berne fédérale : Les moutons de l'UDC font des petits chez les néonazis allemands
Le parti d'extrême allemand NPD a copié l'affiche de l’UDC pour sa campagne dans le Land de Hesse. Comme
l'affiche de l'UDC, celle du parti allemand montre trois moutons blancs expulsant un mouton noir du territoire.
Comme le drapeau helvétique, celui du Land de Hesse est rouge et blanc. (Tribune de Genève, 2.10.2007)
Genève : Plainte contre l'UDC pour incitation au racisme
La Ligue suisse des droits de l'homme estime que les jeux électroniques accessibles depuis le site internet de ce
parti politique constituent une infraction à la norme pénale contre le racisme. Elle a donc porté plainte contre ce
parti. (Tribune de Genève, 4.10.2007)
Genève : Atteinte à la dignité des Noirs par la police et toujours pas de condamnations.
La chambre d'accusation vient de blanchir deux gendarmes visés par une plainte pénale. Ces deux officiers
étaient suspectés d'avoir humilié deux Guinéens lors d'une intervention sur le quais. Les premières accusations,
parfois relayées par des passants, parlaient de fouille intime, de sexe à l'air et de propos racistes. Manque de
preuves, absence de témoins : il est rare que les plaignants obtiennent gain de cause devant les tribunaux. Les
forces de l'ordre violentes bénéficient-elles d'un « bouclier judiciaire », d'un traitement de faveur? Des avocats
se penchent sur la question. (Tribune de Genève, 4.10.2007)
Genève : Tant de plaintes contre la police et si peu de condamnations !
Sur la quarantaine de plaintes pénales déposées chaque année contre la police, une seule, en moyenne,
débouche sur une condamnation. Au printemps, un rapport d'experts révélait que 30% des prévenus sondés se
plaignent de mauvais traitements. A Genève, les forces de l'ordre procèdent à environ 70 000 interventions par
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an, dont 1200 avec usage de la contrainte. Seule 3,3% de ces dernières réquisitions conduisent à une
dénonciation. « Et toutes les victimes ne portent pas plainte », martèle Me Pierre Bayenet, avocat à
l'Observatoire des pratiques policières. « Elles hésitent de plus en plus en voyant l'issue défavorable des
procédures ». De plus, la police tend à déposer une contre-plainte dissuasive pour dénonciation calomnieuse,
qui est, elle aussi, souvent classée. La Chambre d'accusation vient de blanchir deux gendarmes visés par une
plainte pénale datant de juillet ... 2004 et suspectés d'avoir humilié deux Guinéens lors d'une intervention sur
les quais. Les premières accusations, parfois relayées par des passants, parlaient de fouilles intimes, de sexe à
l'air et de propos racistes ... (Tribune de Genève, 6.10.2007)
Genève : Plainte classée dans l’affaire de la chute meurtrière d'une jeune Guinéenne
La femme de 25 ans, sans papiers, logeait chez une cousine. Cette dernière avait eu la nuit du drame au volant
de sa voiture un accrochage avec une moto. La police a été alertée et des gendarmes se sont rendus à
l'appartement à 3h du matin. Vraisemblablement paniquée, la jeune femme de 25 ans, aurait tenté de passer
d'un balcon à un autre en entendant des gendarmes sonner à sa porte et elle est tombée dans le vide (version de
la police). La famille en doute. Le procureur général Daniel Zappelli a classé la plainte de la famille. L'avocat
de la famille a annoncé qu'il fera recours auprès de la Chambre d'accusation contre la décision de classement
du Parquet. (Le Courrier, 9.10.2007)
Suisse-romande : Une pétition antiraciste prend l'ampleur.
En réaction à l'initiative de l'UDC sur les moutons noirs, l'initiative des « Moutons de gardes » a rassemblé en 2
semaines 20 000 personnes. Provenant en majorité de Romandie, mais aussi de Suisse alémanique, du Tessin,
de France ou encore d'Espagne, elles appellent partis politiques, lobbies et médiats à refuser et à condamner
sans relâche toute démarche attisant la haine, la peur, le racisme ou la xénophobie. (Le Courrier 13.10.2007)
Suisse : L’UDC veut renvoyer les étrangers criminels. Cela est déjà possible
L'UDC présente l'état d'avancement de son initiative pour l'expulsion des étrangers délinquants. Les motifs
d'expulsion sont les suivants : atteintes très grave à la sécurité et l'ordre publics ainsi que la mise en danger ou
la menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la suisse ; condamnations pour viol ; meurtre ; effraction ;
brigandage et abus des assurances sociales ou de l'aide sociale. L'appréciation de la gravité du délit et la
décision de renvoi relèvera de la compétence du canton. (Tribune de Genève, 15.10.2007)
Suisse : Dernier du classement européen de la lutte contre la discrimination
Une étude menée au niveau européen relègue la Suisse en fin de classement des politiques de lutte contre les
discriminations à l'égard des migrants. Une loi forte contre la discrimination manque à la Suisse. Cette étude
menée par le British Council et le Migration Policy Group place la Confédération au 25e rang, sur une échelle
de 28, parmi les pays ayant mis sur pied une politique de lutte contre les discriminations à l'égard des étrangers.
Les chercheurs remarquent que si la lutte contre la discrimination intègre bien le respect des croyances
religieuse et des différences ethniques, elle ignore totalement les discriminations liées à la nationalité. (Le
Courrier, 16.10.2007)
Lausanne : Le procès de « Myriam » évite de traiter du racisme
Myriam avait-elle le droit de penser que sa peau noire lui a valu un traitement particulier de la part de la
police ? Plus encore, pouvait-elle le dire publiquement et déposer plainte contre lesdits policiers ? Question à
20 000 frs ! C'est en effet le montant réclamé par les cinq policiers qui se disent victimes d'une dénonciation
calomnieuse. Les témoins à qui Myriam avait raconté ses mésaventures (une personne de l'association Acor
SOS racisme, une psychologue du centre d'aide aux victimes d'infraction et son mari) confirment l'état de choc
dans lequel ils l'ont trouvée après les événements et attestent sa crédibilité. Elle finira par craquer en fin
d'audience. En larmes depuis l'évocation de son déshabillage forcé, elle se dit épuisée par quatre ans de
procédure. (Le Courrier 18.10.2007)
Zürich : Suissesse et Miss de beauté Noire placée 1re par la presse mais rétrogradée 2e par le public
Agée de 23 ans, la Zurichoise Claudia Wambululu, d'origine africaine, est la première jeune femme de couleur
a accéder au titre de deuxième dauphine de Miss Suisse. Le jury professionnel l'avait placée en tête mais le vote
des téléspectateurs en a décidé autrement. D'origine congolaise par son père et ougandaise par sa mère, Claudia
Wambululu est née à Zurich. Elle vit chez ses deuxièmes parents qui l'ont accueilli à l’âge de deux ans : « J'ai
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quatre parents et deux origines, je porte les deux mentalités ». Classée deuxième dauphine au concours de Miss
de beauté noire, la jeune femme ne pense pas avoir été victime d'a priori négatifs lors de la finale. Parfaitement
intégrée - quoique la question soit presque saugrenue puisqu'elle est née ici - elle a déjà eu droit à des
remarques désagréables, dans le bus par exemple. (ATS, 18.10.2007)
La-Chaux-de-Fonds : Le Rwandais « génocidé », Révérien Rurangwa, a été débouté.
« J'ai mal au coeur, je suis dégoûté ». Valérie Schweigruber, avocate du Rwandais Révérien Rurangwa, auteur
du livre Génocodé, a annoncé à ce dernier le rejet par le Tribunal administratif fédéral de son recours contre la
décision, déjà fédérale, qui lui refusait le droit d'asile en Suisse. « Il a perdu son recours, mais il devrait obtenir
un permis humanitaire », selon le parlementaire et conseiller communal chaux-de-fonnier Didier Berberat.
Révérien voulait se faire « reconnaître comme réfugié par la voie normale. La Suisse est le pays qui m'a relevé
des morts en me soignant. Si ce même pays ne reconnaît pas mon statut, qui le fera ? Le mouton noir, c'est moi
maintenant, avec un seul bras et un seul oeil ».
Il n'a toujours pas le droit de travailler, de se loger, de posséder quoi que ce soit et même pas toucher les
royalties de son livre Génocidé, vendu à 70 000 exemplaires rien qu'en France. Traduit en japonais et en
suédois, il pourrait l'être en plusieurs autres langues, sauf qu’il faudrait que M. Rurangwa puisse sortir du pays
pour assurer la promotion de son livre. (Tribune de Genève, 15.10.2007).
Berne canton : Ricardo Lumengo devient le premier parlementaire Noir issu de la migration
Le socialiste a été élu le 21 octobre député au Conseil national suisse, devenant ainsi le premier candidat Noir à
faire son entrée au Parlement helvétique. Ricardo Lumengo, juriste de 45 ans, a fui la guerre civile en Angola
en 1982, avant d'obtenir la nationalité suisse en 1997. En 1996, après des études de droit à l'Université de
Fribourg, Ricardo Lumengo devient membre du parti socialiste. En 2005, il entre au Parlement de la ville de
Bienne et en 2006, il fait son entrée au Législatif du canton de Berne. Après son élection au Parlement fédéral,
il devrait renoncer à ces deux mandats. A l'époque où «Blocher s'appelait Schwarzenbach» et où les femmes
venaient d'obtenir le droit de vote et d'éligibilité, en 1971, Tilo Frey avait quant à elle été la première Africaine
à entrer au Palais fédéral sous les couleurs du Parti radical (RTS Info, 22.10.2007; Swissinfo.ch, 3.12.2007)
Berne canton : Ricardo Lumengo gagne en appel contre le Parti de la Liberté
L'affaire « lumengo.ch » a atteint son épilogue judiciaire : la Cour suprême du canton a confirmé une première
décision du Tribunal d'arrondissement Bienne-Nidau, qui avait interdit au Parti suisse de la liberté (PSL) de
dévier les internautes vers son blog, à partir de l'adresse www.lumengo.ch. Le député socialiste Ricardo
Lumengo, nouvellement élu au Conseil national, a ainsi obtenu gain de cause. Sur ce blog, Ricardo Lumengo
avait été violemment critiqué par le PSL, après un petit accrochage qu'il avait provoqué sur l'autoroute. En effet
le PSL l'accusait de délit de fuite et réclamait sa démission de ses mandats d'élu. Ricardo Lumengo a dû payer
une contravention pour inattention et perte de maîtrise.
Par ailleurs, Ricardo Lumengo a décidé de se retirer du Conseil de ville et du Grand Conseil afin de mieux se
concentrer sur son mandat national. (Le Journal du Jura, 3.11.2007)
Berne fédérale : Christophe Blocher rencontre une délégation des organisations de la Diaspora africaine
Le lundi 5 novembre dernier, M. Christophe Blocher, Conseiller fédéral en charge du département de
Justice et Police, a reçu une délégation composée d’une dizaine de représentants d’organisations de la
Diaspora africaine en Suisse au Palais fédéral, à Berne. Cette rencontre demandée par ces derniers
fait suite aux propos insultants sur les Africains et l’Afrique, attribués à M. Blocher, par le journal Le
Matin Dimanche du 15 octobre 2006. Un long Mémorandum a été remis au ministre. (Communiqué du
Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse, 7.11.2007)
Genève : Le dessin anti-UDC d'une collégienne fait un tabac
En découvrant l'affiche controversée de l'UDC durant les élections fédérales, Marie van Berchem, collégienne
de 16 ans, met son talent de dessinatrice pour répondre à l'affiche des moutons de l'UDC.
Marie décide de ne pas rester les bras croisés : « Cela me révolte que l'on puisse tant de racisme comme ça,
devant tout le monde ». Sa fresque, publiée dans la Tribune de Genève, et reproduite sur des cartes postales, des
t-shirts, des posters, remporte un franc succès. (Tribune de Genève, 14.11.2007)
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Genève : Les voisins d’un Sénégalais le croient terroriste et le dénoncent à la police
Un Sénégalais vivant à Genève depuis 17 ans a été victime d'une méprise révélatrice du climat de méfiance
envers l'islam. Le 31 août, à 1h du matin, la police frappe à la porte de Magueye Thiam. Motif : ses voisins
l'auraient aperçu en pleine prière, muni d'explosifs. « Est-ce que vous aviez un natel en priant ? », demande l'un
des agents, afin de comprendre ce qui aurait pu faire penser à une bombe. Outré, le suspect propose aux
policiers de fouiller son appartement. Ces derniers s'excusent, conscients du faible risque posé par l'individu.
Le principal intéressé a longtemps refusé de parler de sa mésaventure, car les accusations dont il a fait l'objet
« étaient idiotes, mais également blessantes ». Depuis, il baisse les stores de son appartement. Militant depuis
longtemps à Genève pour un multiculturalisme « qui respecte les racines de chacun », il a décidé de réagir :
« Tout ne se négocie pas dans l'intégration dans un pays étranger. Ma culture islamique, par exemple, ne se
négocie pas ». Cette expérience reflète le climat de peur autour de l'Islam en Suisse renforcé par l'initiative de
l'UDC visant à interdire la construction de minarets et qui tente de récolter les 100 000 signatures nécessaires.
Délégué au Bureau de l'intégration, André Castella estime qu'on aurait dû l'appeler « Initiative anti-Islam » :
« Imaginez la peine que ce monsieur a dû ressentir. C'est un peu comme si l'on accusait à tord un homme d'être
pédophile. Quels messages donne-t-on aux jeunes musulmans, qui représentent aussi, qu'on le veuille ou non,
l'avenir de ce pays ? » (Tribune de Genève, 22.11.2007)
Berne fédérale : Pas besoin de réviser la norme antiraciste
Le conseil fédéral ne veut pas réviser la norme pénale antiracisme. Refusant le proposition de Christophe
Blocher, il ne « voit pas pour l'instant la nécessité d'intervenir pour concrétiser cette norme pénale ». Le
ministre UDC a proposé à ses collègues de limiter la poursuite pénale des négations de génocides et crimes
contre l'humanité à ceux constatés par un tribunal international reconnu par la Suisse, a indiqué Livio Zanolari.
Le Conseil fédéral n'a pas voulu changer la donne, « car le peuple a adopté la norme pénale antiracisme en
votation », a expliqué Micheline Calmy-Rey sur DRS. « La norme pénale a sa place dans notre législation »,
a-t-elle insisté. La décision du Conseil fédéral signifie l'enterrement définitif du projet de Christophe Blocher.
« Il ne sera pas relancé ultérieurement par l'exécutif », souligne Livio Zanolari. (ATS, 22.11.2007)
Genève : Aux moutons noirs des affiches de l’UDC, la Ville oppose des brebis colorées
Deux affiches de Wazem et d'Albertine, ornent les murs de Genève. La Ville entend ainsi défendre des valeurs
d'intégration et du « vivre ensemble ». L'exécutif de la Ville de Genève a en effet exprimé son dégoût pour
cette campagne d'affichage en lui opposant les valeurs de tolérance et d'ouverture. « Sans oublier que de
nombreux membres de la communauté internationale ont été choqués par cette campagne d'affichage et par le
ton que prenait la campagne électorale », dit M. Maudet, conseiller administratif. La Ville a réagi en lançant
un concours sur appel à six dessinateurs genevois afin de montrer de manière positive les valeurs
fondamentales du vivre ensemble. Du côté de l'UDC, Soli Pardo, nouveau président de la formation nationale
populiste, dit sa satisfaction : « Il est toujours agréable de se faire plagier, cela signifie que nous avons touché
juste ». Il ne s'agit ni plus ni moins, pour lui, que de la publicité gratuite pour sa formation. « Nous avons de
beaux jours devant nous ». (Le Courrier, 29.11.2007).
Berne fédérale : Le baptême du feu de Lumengo au Parlement fédéral
Star incontestable de ce début de législature, le biennois Ricardo Lumengo, premier parlementaire Noir issu de
la migration, a fait une entrée très médiatisée hier au Conseil national. Assailli par une cohorte de journalistes
suisses et étrangers, le socialiste ne s'est pas départi de son calme. Avant de retrouver son quotidien d’homme
politique constamment soumis aux injures racistes dont il fera part plus tard dans sa boîte aux lettres avec des
messages tels que «Lumengo = Dealer», «Vas-t’en», etc. (Le Matin, 28.11.2007; Journal du Jura, 3.12.2007)
Berne fédérale : Leader d’un parti xénophobe, Blocher est éjecté du gouvernement !
En 2003, il avait fallu trois tours de scrutin à Christoph Blocher pour être élu au Conseil fédéral contre Ruth
Metzler. Deux ont suffi pour l'en éjecter, selon un plan mis en œuvre par les partis de gauche et du centre.
L'UDC grisonne Eveline Widmer Schlumpf est élue au Conseil fédéral à la place de Blocher. Très remonté par
l'acceptation d'Eveline Widmer Schlumpf d'occuper le poste de conseillère fédérale, Christoph Blocher annonce
la foudre à des parlementaires médusés. Il promet de poursuivre son combat politique. Sa mission : faire revenir
la Suisse à ce qu'il estime être ses vertus premières à savoir la lutte contre l'endettement, contre un Etat
envahissant, contre les abus dans les assurances sociales, l'asile et la criminalité. (ATS, 13 & 14.12.2007)
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Vallorbe VD) : Eloignez ces Noirs qu’on ne saurait trop voir !
La section locale du parti radical dépose une motion auprès du Conseil communal, afin d’interdire aux
demandeurs d’asile de séjourner à la gare. Comme la commune a un grand Centre d’accueil, une organisation
d’entraide a organisé un lieu d’accueil en dehors. Le président du groupe radical justifie sa motion par le fait
que « Lorsque les gens sortent du train, c’est noir de monde ». Il s’agit de restaurer l’image de marque de
Vallorbe ... (Le Matin, 17.12.2007)
FAITS MARQUANTS - 2008
Bienne : Bulletins gênants pour Lumengo
La loi interdit de remplir des bulletins à la pelle et cette anomalie, à propos des bulletins favorables au candidat
Ricardi Lumengo, à été signalée au procureur de la Confédération, qui a ouvert une enquête pour captation de
suffrages. La communauté africaine ignorant ce détail de la loi, elle a demandé aux électeurs désirant voter
pour leurs deux représentants de confier le remplissage des bulletins à une même personne afin de se simplifier
la tâche. Partant la découverte à Bienne de 47 bulletins de vote écrits de la même main et favorables à Ricardo
Lumengo, est embarrassante pour le premier conseiller national Noir. Il risque son poste. (Le Matin, 9.01.2008)
Vallorbe : Requérants d’asile interdits à la gare
La Municipalité de Vallorbe a demandé un avis de droit au canton, suite à l'acceptation par le Conseil
communal d'une motion interdisant l'accès et la circulation des requérants d'asile en gare de Vallorbe. Il sera
prêt d'ici la fin du mois a annoncé Philippe Leuba. « Le Conseil d'Etat ne se prononcera pas sur le fond », a
expliqué le Conseiller d'Etat, répondant à Jean-Michel Dolivo (parti A gauche toute!). (ARS, 16.1.2208)
Berne fédérale : La vice-présidente de la CFR, Boël Sambuc, s'en va. Bilan d'un combat difficile.
Depuis 1995, date de la création de la Commission fédérale contre le racisme (CFR), Boël Sambuc, Viceprésidente n'a pas hésité à prendre des positions courageuses, parfois à l'encontre des partis gouvernementaux.
Après trois mandats, elle cède sa place. De ses années passées à la CFR, Boël Sambuc tire un bilan sévère et
lucide de la politique fédérale en matière de lutte contre le racisme :
Après une période favorable, en lien avec le contexte international, une période de stagnation et de recul est
apparue. La norme pénale contre le racisme ne doit pas être le seul instrument juridique de lutte contre le
racisme; il nous faut un instrument de droit civil. Que se soit les deux rapports de la Commission européenne
contre le racisme et l'intolérance (ECRI), celui de la Commission onusienne pour l'élimination de la
discrimination raciale (CERD) ou les propos du rapporteur spécial de l'ONU, Doudou Diène, tous montrent
qu'il existe un racisme institutionnel en Suisse. Il est vrai qu'en Suisse la tendance est toujours de s'occuper en
premier lieu des auteurs alors que la priorité devrait être la protection des victimes.
Par son mandat, la CFR n'a aucun pouvoir exécutif. Elle ne joue qu'un rôle consultatif et seulement auprès du
gouvernement. Dans l'avenir, nous devons nous préparer à une persistance du populisme, à un affaiblissement
de la notion d'égalité des individus hors de toute considération d'appartenance ... (Le Courrier, 14.1.2008)
Bienne : Accusé de fraude électorale, Lumengo rejette toute responsabilité
En début d'année, une enquête contre inconnu a en effet été ouverte par le Ministère public de la Confédération,
le préfet de Bienne ayant constaté qu'une cinquantaine de bulletins comportaient une écriture similaire.
Propagée par certains médias, une rumeur a enflé : le nom de Ricardo Lumengo aurait été inscrit sur les fameux
bulletins. D'aucuns soupçonnaient même le conseiller national de les avoir lui-même remplis. Des allégations
rejetées en bloc par Ricardo Lumengo ; il pourrait porter plainte pour diffamation contre inconnu, sa réputation
ayant été entachée par cette rumeur.
Le président Philippe Garbani confirme « rien ne permet aujourd'hui d'affirmer que Ricardo Lumengo est
impliqué d'une manière ou d'une autre dans cette affaire ! ». Le préfet espère que l'enquête du Ministère public
de la Confédération sera rapidement bouclée : « L'affaire des bulletins litigieux est un délit mineur, passible
d'amende. Ce n'est donc pas une priorité pour le MPC ». (Journal du Jura, 16.1.2008)
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Genève : Affaire du décès de la Guinéenne clandestine classée
Après le procureur général Daniel Zappelli, la Chambre d'accusation de Genève a classé l'affaire de la jeune
Guinéenne tombée du 5è étage de son balcon. Elle exclut tout abus d'autorité de la part des deux gendarmes
venus frapper à la porte de l'appartement la nuit du drame. Paniquée et craignant d'être expulsée de Suisse, la
clandestine de 25 ans qui logeait chez sa cousine, aurait tenté de s'enfuir en passant d'un balcon à l'autre. Elle
aurait fait alors fait une chute mortelle. L'avocat de la famille Vincent Spira, qui a confirmé hier le classement
de l'affaire annoncée dans la Tribune de Genève, avait porté plainte pour abus d'autorité. Me Spira renonce à
faire recours auprès du Tribunal fédéral, les chances d'aboutir étant quasi nulles. (ATS, 21.1.2008)
Berne fédérale : Le « génocidé » du Rwanda n'a-t-il pas assez souffert ?
Révérien Rurangwa, qu'on avait fait venir en Suisse pour être soigné, vient de recevoir un préavis négatif à sa
demande de permis humanitaire. Malgré les promesses de l'Office fédéral des migrations (ODM).
Le 20 avril 1994, ce Tutsi, alors âgé de 15 ans, assiste au massacre à la machette de 43 membres de sa famille.
En 1995, sans qu'il ne demande rien, l'organisation Sentinelles le ramène en Suisse pour le faire soigner. En
1996 il dépose une demande d'asile. Elle est rejetée, alors même que le canton de Neuchâtel, où réside le
Rwandais, soutenait la demande. Admis à titre provisoire, il ne lui reste que l'espoir d'obtenir un permis
humanitaire. Selon son avocate, « l'ODM cherche visiblement la moindre faille pour faire capoter ce dossier.
Et on fait peut-être payer à mon client la médiatisation de son cas ». En 2006, Rurangwa racontait son histoire
dans un livre intitulé, Génocidé. (20 Minutes, 14.2.2008)
Genève : Un Burkinabè n'abandonne pas face aux violences policières
Titulaire de papiers en règle, Sélif (prénom d'emprunt) se serait fait insulter, tabasser et humilier sur le lieu du
contrôle de son identité comme au poste, avec plainte de la police contre lui. Sorti du commissariat avec une
double fracture de la clavicule, il a porté plainte à son tour. S'ensuit une suspension de sa plainte, puis de celle
des policiers, réciproquement en attente de l'instruction de l'autre. Selon son avocat, Me Bayenet, le médecin
ayant examiné Sélif n'a jamais été entendu et la matraque cassée sur le dos de l'inculpé n'a été expertisée que
par un responsable de la police genevoise. De plus, la plainte contre les policiers a été classée sur la base des
données de l'instruction contre le Burkinabé. Pour Sylvie Brugnard, de l'Observatoire des pratiques policières,
« la police se sait dans une sorte d'impunité car les plaintes prennent du temps ». (Le Courrier, 13.02.2008)
Neuchâtel : La criminalité n'augmente pas
La police neuchâteloise a dressé le bilan de son action en 2007. La criminalité est au centre d'une attention
soutenue de la population et des médias. Globalement stable, la criminalité concerne en majorité des infractions
contre le patrimoine. Trois quarts des auteurs sont des hommes, 40% sont des étrangers, une fois retranchés la
part des délits contre la Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers. « La nationalité n'explique pas le
passage à l'acte » a répété le chef de la police judiciaire Olivier Guéniat. « Nous travaillons avec quelques
indicateurs significatifs comme le degré d'instruction ou la structure familiale ». (Le Courrier, 16.02.2008)
Genève : Un requérant accusant la police de racket a failli être expulsé
De la cocaïne découverte chez un Guinéen devant être expulsé lui permet d'être entendu dans une autre affaire,
où il accuse la police. Il a en effet, en février 2007, déposé plainte contre la police pour « vol, abus d'autorité et
blanchissage d'argent ». Selon son avocat, le juge instruisant le dossier, a couru le risque qu'il soit enterré en
laissant traîner les choses. L'avocat relève que la police a tenté d'expulser son client quelques jours après qu'il
eut reçu sa convocation. Et les gendarmes n'ont pas été inculpés. (Le Courrier, 9.02.2008)
Bienne : Brutalités de contrôleurs de train contre un Noir
Un contrôle brutal s’est déroulé dans un train du S-Bahn S3, tard dans la soirée du 23 avril 2008. Des
contrôleurs du BLS ont abordé un passager Noir. Il n’avait ni billet ni papiers. Sous les yeux de passagers
choqués, le contrôle de billet a pris une tournure des plus brutales. Selon le porte-parole du BLS, Hans Martin
Schaer, une enquête interne a été ouverte. (Biel Bienne, N° 17, 23-24.04.2008)
Genève : Privé de subventions cantonales, ACOR SOS Racisme pourrait disparaître
Fondé en 1995, ACOR SOS Racisme assure une permanence téléphonique pour les victimes de racisme.
L'association suit ces personnes, les supporte lors de procès et oeuvre à la prévention. En 2007, le délégué à
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l'intégration de l'époque, Paul-Olivier Valloton, a annoncé la volonté de l'Etat de ne pas renouveler sa
subvention. Il a été demandé au BIE de reprendre l'organisation de la Semaine contre le racisme. Le nouveau
délégué André Castella prépare un plan d'intégration pour le Conseil d'Etat dans lequel il y a un volet de lutte
contre le racisme. Le Bureau de l'égalité attend également d'ACOR SOS Racisme davantage de visibilité et de
projets de sensibilisation plus larges, notamment auprès des jeunes. (Tribune de Genève, 26.04.2008)
Genève : SOS Racisme va être passé sous la loupe
Le Bureau genevois de l'intégration des étrangers entend réaliser un audit de l'association. Il semble peu
convaincu de l'aide aux victimes de racisme assurée par l'organisme, via sa ligne téléphonique. Karl Grünberg,
son secrétaire général, défend pourtant ses activités, et met en avant la permanence sur Internet. (Tribune de
Genève, 7.05.2008).
A noter que SOS Racisme s’investit beaucoup dans la défense des droits et de la dignité des Noirs en Suisse.
Langenthal (BE) : Des nazis lancent des bananes sur Ricardo Lumengo, durant un discours
Premier élu Noir du Conseil national, Ricardo Lumengo, invité à Langenthal (BE) pour célébrer le 1er mai, a
essuyé un jet de bananes après son allocution. Renato Bachmann, porte-parole du parti PNOS (Parti nationaliste
suisse), n'exclut pas que des sympathisants soient impliqués, mais nie toute directive. Pour lui, le parlementaire
« ferait mieux de tenir ses discours en Angola ! » Ricardo Lumengo pense déposer plainte. Il avait déjà été
agressé en 2006 à la gare de Bienne par un jeune skinhead. (20 Minutes, 6.05.2008)
Vallorbe (VD) : Bagarre dans un centre de requérants.
Une soixantaine d'Albanais et d'Africains en sont venus aux mains au cours d'un match de football. Cinq
patrouilles de la police cantonale vaudoise et un conducteur de chien ont été appelés pour rétablir l'ordre. Les
policiers ont dû faire usage de sprays au poivre pour faire reculer les Africains, alors que les Albanais étaient
évacués. (Tribune de Genève, 10.05.2008)
Berne fédérale : La CFR contre l’initiative de l’UDC pour des « naturalisations forcées »
La Commission fédérale contre le racisme (CFR) dénonce la connotation raciste de l’initiative populaire «Pour
des naturalisations démocratiques». Pour garantir l’équité dans les procédures de naturalisation, il est
important que les cantons exercent une surveillance sur les décisions prises par les communes et que le droit de
recours soit maintenu. La campagne en faveur de cette initiative à connotation raciste reprend les affiches, déjà
utilisées précédemment par l’UDC, représentant des mains qui se tendent avidement vers un passeport suisse,
image qui ravive le sentiment d’hostilité vis-à-vis des candidats, qualifiés sans exception de profiteurs. Ainsi,
l’initiative entend privilégier l’arbitraire d’une procédure qui va pénaliser surtout les catégories de personnes
faisant l’objet de préjugés. Dans son étude intitulée "Discrimination dans le cadre des naturalisations", publiée
en septembre 2007 (www.ekr-cfr.ch), la CFR a démontré que les refus de naturalisations sont souvent motivés
par le racisme, grâce aux mécanismes de la démocratie directe. (Communiqué de la CFR, 22.05.2008)
Suisse : Selon le GRA, les actes racistes auraient beaucoup augmenté en 2007
« Le nombre des incidents à caractère raciste a augmenté très nettement en 2007 ». C’est ce qui ressort de la
nouvelle édition de la chronologie Racisme en Suisse. D’après ce rapport publié par la Fondation contre le
racisme et l’antisémitisme (GRA), basée à Zürich, 2007 a connu une hausse d’environ 30% des incidents à
connotation raciste en Suisse par rapport à l’année précédente. Au 31 décembre 2007 le GRA a recensé 112 cas
contre 87 à la même date l’année précédente, en majorité du racisme verbal, en particulier à l’égard des
musulmans et des Noirs. La campagne agressive menée l’année dernière par l’UDC avec ses connotations
racistes et xénophobes est considérée comme partiellement responsable de cette augmentation. La chronologie
et son commentaire sont publiés chaque année par le GRA, avec l’Association des minorités de Suisse (GMS).
(Communiqué de la Fondation contre le racisme et l'antisémitisme (GRA, 5.06.2008)
Fribourg : Election du premier préfet Noir
Carl-Alex Ridoré docteur en droit et socialiste, d'origine haïtienne, a été élu hier par les citoyens du district de
la Sarine. Il devient le premier préfet Noir de Suisse. Agé de 36 ans, Carl-Alex Ridoré siège au Grand Conseil
fribourgeois depuis 2006 et préside le Parti socialiste de la Sarine. (AP, 23.06.2008)
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Suisse-Eurofoot : Huit jeunes Blacks s'estiment victimes de discrimination raciale à l’embauche
Répondant à une annonce dans une entreprise de recrutement, huit jeunes étudiants se présentent pour
s'inscrire. Une semaine avant l'Eurofoot qui se déroule sur territoire suisse et autrichien, pas de nouvelles de
leur contrat. Parmi les amis du petit groupe, deux Blancs inscrits après eux auraient été engagés. Plainte auprès
du recruteur, qui finit par avouer : « La société événementielle (le client, ndlr) a répondu qu'il y avait trop de
Blacks ». Selon l'agence, « les responsables ne savaient pas trop comment nous annoncer les choses »,
commente un des étudiants. La société événementielle et l'agence intérim réfutent toute accusation de
discrimination : il n'y a eu que 50 personnes engagées sur les 80 recherchées au départ. Les huit jeunes ont
l'intention de mener une action devant les Prud'hommes pour non respect du contrat oral passé avec l'agence et
envisagent une action pénale (20 Minutes, 25.06.2008)
Neuchâtel : Tilo Frey, première femme Noire au Parlement fédéral, avant Lumengo, est décédée
Bien avant Ricardo Lumengo, entré au Parlement fédéral en 2007, la Neuchâteloise Tilo frey, métisse l’avait
précédé en 1971 déjà. Cette ancienne directrice d'école devenait par la même occasion, à peine le suffrage
fédéral venait d’être octroyé aux femmes, en février 1971, la première Neuchâteloise élue au Conseil national
(Parlement fédéral), au sein duquel elle s’est battue pour l’égalité des salaires entre hommes et femmes, pour la
décriminalisation de l’avortement et pour une collaboration renforcée avec les pays en voie de développement.
Elle fait également partie des dix premières femmes élues de l'histoire fédérale.
Née en 1923 à Maroua (Cameroun), d’un père Suisse, Paul Frey, ingénieur EPF de Zurich, et de Fatimatou
Bibabadama, camerounaise, ensuite adoptée en Suisse, elle a vécu célibataire. Avec le Parti radical (PRD, NE),
Tilo Frey a siégé au Grand Conseil neuchâtelois de 1969 à 1973 et également au Conseil général de la ville de
Neuchâtel de 1964 à 1974 qu'elle présida en 1970-71. Membre du Conseil national entre 1971 et 1976, elle sera
également déléguée à l’Union interparlementaire entre 1972 et 1974. Après son mandat parlementaire, elle ne
poursuit plus sa carrière politique, mais est encore professeure à l'Ecole professionnelle commerciale (19761984). Elle quitte la vie publique jusqu’à sa mort, le 27 juin 2008 à l’âge de 85 ans.
Félicitant Ricardo Lumengo en 2007, elle lui conseillera de «ne pas s'occuper des préjugés raciaux, de faire au
mieux selon son honnêteté et de toujours sourire. Car le chien aboie et la caravane passe!»
(L'Assemblée fédérale-Le Parlement suisse, Nécrologie, http://www.parlament.ch/f/; Dictionnaire historique de
la Suisse, 7.07.2008, http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F6042.php; Swissinfo, 3.12.2007)
Payerne (VD) : Les passionnés de Harley-Davidson semblent ne pas aimer les Noirs
Lors du Wild-Run, une rencontre de motards passionnés de Harley-Davidson qui se tient chaque année à
Payerne, un journaliste Noir travaillant pour le quotidien 24 Heures est insulté par deux participants. D’abord,
un homme lui arrache son calepin et le bouscule avant d’appeler les gens de la sécurité en déclarant «Dégagezmoi de cette merde». Un deuxième motard s’en mêle et reproche au journaliste de n’avoir pas utilisé l’entrée
principale, mais d’être entré «par les arbres». Les organisateurs se sont confondus en excuses après cette
altercation. (24 Heures, 12.07.2008)
Rennens (VD) : Une société coopérative soupçonnée de racisme au logement à l’égard des Noirs
La Société coopérative de Renens aurait refusé de mettre une jeune mère sud-africaine de 23 ans, auparavant
demandeuse d’asile et aujourd’hui titulaire d’un permis de séjour B, sur sa liste d’attente pour un appartement.
Depuis le début de l’année, cette coopérative avait édicté un règlement selon lequel seuls les Suisses et les
étrangers au bénéfice d’un permis de séjour B ou d’un permis d’établissement C pouvaient être acceptés
comme locataires. Dans le comité de la coopérative siègent également deux membres de l’exécutif communal.
Des pratiques discriminatoires y semblent fréquentes. (24 Heures, 23.07.2008)
Baden (AG) : Des néo-nazis s'en prennent à un Suisse Blanc et à ses deux enfants métis
Sept extrémistes de droite ont pris à parti un père, Blanc, et à ses deux enfants métis samedi après-midi à la
gare de Baden (AG). Appelés à la rescousse, les agents municipaux ont dû demander le renfort de la police
cantonale pour maîtriser la situation. Les personnes arrêtées, âgées de 19 à 27 ans, sont de nationalité suisse et
habitent la région de Baden. Elles sont connues des services de police pour appartenir à la scène d'extrême
droite. (24 heures, 27.07.2008)
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Neuchâtel : Grosse baston à la sortie d'une boîte de nuit
A l'occasion de la promotion de leur soirée, le Casino de la Rotonde a vu la fête dégénérer à la fermeture . Des
bagarres ont éclaté entre les fêtards, qui s'en sont pris à la police. La soirée a réuni quelques 450 personnes, la
plupart d'origine africaine, venues des cantons de Fribourg, Vaud, Berne et Genève. (20 Minutes, 28.07.2008)
Suisse alémanique : Une artiste helvético-haïtienne veut rebaptiser l'Agassizhorn
Sasha Huber est résolue à changer symboliquement le nom de l'Agassizhorn le 23 août en déposant au sommet
une plaque revêtue du nom de « Rentyhorn ». Renty est le nom de l'esclave noir de Caroline du Sud que Louis
Agassiz avait fait prendre en photo pour preuve « scientifique » de l'infériorité de la « race noire ». Célèbre
pour ses études sur les glaciers, Louis Agassiz est aussi connu pour avoir été un « remarquable raciste et un
précurseur idéologique de l'Apartheid ». (ATS, 14.08 2008)
Bienne : Lumengo apprend à se défendre
Constatant une augmentation de la violence dans notre société, le premier conseillé national noir, Ricardo
Lumengo passe de la théorie à la pratique. Il suit des cours de self-défense avec comme entraîneur l'ex-policier
Jürg Steiner. (20 Minutes, 15.08.2008)
Suisse alémanique: Débaptiser l'Agassizhorn ? Débat dans les Alpes
La commune de Grindelwald (BE) se dit prête à discuter de la question controversée d'un nouveau nom pour
l'Agassizhorn. Deux autres communes concernées Guttannen (BE) et Fieschertal (VS) restent très réservés.
Président de la commune de Grindelwald, Emmanuel Schläppi serait d'accord de rencontrer les parties
concernées. (ATS, 18.08.2008)
Suisse : Plus d'un migrant sur deux est hautement qualifié.
Une étude publiée par Avenir Suisse montre que 58% des migrants qui s'installent en Suisse ont fait des études
supérieures, et 60% des cadres des entreprises Suisse cotées en bourse viennent de l'étranger. Ceci est en lien
avec l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'Union européenne et une politique plus restrictive à
l'égard des étrangers originaires des pays tiers. De plus, ces migrants ne prennent pas les places des Suisses. Ils
compensent plutôt le déficit de main-d'oeuvre qualifiée. (ATS, 2.10.2008)
Suisse : Elue Miss Suisse 2008, une métisse se fait traiter d’«abcès» de la Suisse
La métisse Whitney Toyloy, vivant à Yverdon (VD) et Miss Suisse depuis le 27 septembre, fait l’objet de
propos racistes de la part d’un groupe d’extrême droite actif en Suisse alémanique, le PNOS (Partei National
Orientierter Schweizer). «La Suissesse brune représente un abcès qui bouffe l’indépendance de la Suisse», écrit
le groupe sur son site internet. Même dénigrement pour la première dauphine de l’Yverdonnoise, Tekha Datta.
«Quelqu’un qui a des racines helvétiques ne ressemble pas à Toyloy», a déclaré le leader du parti, Dominic
Lüthard, Une procédure pénale a du reste été ouverte contre Dominic Lüthard, pour violation éventuelle de la
norme pénale anti-raciste par le Service régional des juges d'instruction de la région Emmental-Oberaargau, sur
la base des déclarations parues dans les médias. (20 Minutes, 15.10.2008)
Genève : Selon Jean Ziegler, « le Nord doit demander pardon »
Dans son livre La haine de l'Occident le célèbre sociologue genevois explique pourquoi nous suscitons une
animosité : les Blancs qui représentent 13% de la population dominent le monde avec un capitalisme des plus
violents. Aujourd’hui, on observe une renaissance de la mémoire. Les douleurs de l'humiliation remontent à la
surface... La principale revendication des peuples du Sud est la reconnaissance des crimes qu'on leur a fait
subir. Lorsqu'il y a demande de pardon, le mal recule, il n'est pas annulé, mais apaisé. (GHI, 12.11.2008)
Berne fédérale : Les apprentis étrangers ne sont pas moins bons que les Suisses !
« Les jeunes portant des noms étrangers ont de moins bonnes chances que leur collègues suisses, de trouver
une place d'apprentissage, même quand leurs résultats scolaires sont équivalents ! » a expliqué hier à Berne
Martin Flügel, président de Travail.Suisse. « Les préjugés jouent un grand rôle à l'égard de certains groupes
d'étrangers, notamment les jeunes originaires des Balkans ou de Turquie. Ces jeunes sont soupçonnés de
causer des problèmes dans l'entreprise, or il est prouvé que tel n'est pas le cas », affirme-t-il. En omettant de
former ces jeunes c'est l'économie qui est aussi fortement touchée. (20 Minutes, 21.11.2008)
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Genève : Dieudonné traité de «Nègre» à la TSR
Si Dieudonné n'est pas futé, c'est parce que c'est un «Nègre» ! C'est ce qu'a estimé Pascal Bernheim, auteur de
la Revue de Genève, lors de l'émission « Tard pour bar ». Suite à la diffusion de la vidéo de l'émission par
DalyMotion et les fortes réactions, Pascal Bernheim a posté sa propre vidéo d'excuses : « Mon propos ne se
voulait pas raciste. C'était juste un gag à deux balles... ». Dieudonné veut « demander des comptes » et
envisage de porter plainte en justice. Pour Djily Diagne, attaché de presse de Dieudonné : « Ce n'est pas le fait
d'avoir traité Dieudonné de « Nègre » qui pose problème, mais le fait d'avoir prétendu que Dieudonné n'est pas
futé parce qu'il est « Nègre ». Ce qui est une insulte envers les Noirs en général. De tels propos tombent sous le
coup de l'article 261 bis du Code pénal ». (Le Matin, 1.12.2008)
Suisse : Jean Ziegler, êtes-vous devenu raciste ?
Tollé chez les altermondialistes ? Le Carrefour de réflexion et d'action contre le racisme anti-Noir (CRAN)
attaque La haine de l'Occident, dernier ouvrage publié par Jean Ziegler. Il l'accuse de stigmatiser « des hauts
faits de l'histoire des Noirs ». Le CRAN estime que « ce livre est une véritable incitation insidieuse à la haine
raciale ». (Le Matin, 30.12.2008 ; Communiqué du CRAN, 25.12.2008)
FAITS MARQUANTS - 2009
Suisse : Malgré leur image calamiteuse, les migrants font prospérer la Suisse
L’UDC promettait une invasion d’étrangers profiteurs et criminels, avant l’entrée en vigueur en 2001 des
accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne sur la libre circulation. Ces sont des travailleurs qualifiés
et spécialisés qui sont arrivés. Aujourd’hui, 27% d’heures travaillées en Suisse sont fournies par des étrangers.
Le nombre des professeurs étrangers a doublé dans les 20 dernières années et représente actuellement 43% des
effectifs. Près de la moitié des cadres des 100 plus grandes entreprises sont d’origine étrangère et cette
proportion dépasse 50% parmi les nouveaux grands dirigeants. Selon le professeur George Sheldon, de
l’Université de Bâle, la quasi-intégralité de la hausse annuelle de 0,5% de la productivité, entre 1995 et 2000,
est due aux nouveaux arrivants. Ce qui correspond à un apport de 2,4 milliards de francs au PIB. Les
immigrants représentent aujourd’hui 26% de la population totale du pays. (La Liberté, 5.01.2009)
Suisse : Contrôles Schengen dans l’Intercity, dirigés avant tout sur les Noirs
Les contrôles Schengen s’invitent jusque dans les trains CFF entre Berne et Fribourg. Le 7 janvier dernier, une
brigade de 3 gardes-frontières en tenue, à peine entrés dans un Intercity pour un contrôle, a foncé sur un Noir et
pour lui demander ses papiers, comme si le train venait de dépasser une frontière internationale. « Nous
appliquons la nouvelle loi Schengen », s’est justifié un agent. (La Liberté, 10.01.2009)
Lausanne : Un policier sur le banc des accusés pour abus d’autorité sur un jeune Noir
Un agent de police lausannois comparaissait ce 14 janvier pour abus d’autorité et lésions graves sur la personne
d’un jeune Noir, mineur (16 ans) au moment des faits. Ces faits remontent à 2006, au Nouvel An, et ont
impulsé la mise en place d’un Comité d’éthique au sein de la police de Lausanne, ce même 14 janvier. Le jeune
avait été interpellé après un contrôle par une patrouille intervenue sur le lieu d’une bagarre à la sortie d’une
boîte. Une intervention plutôt musclée. Relâché plus tard, il est à nouveau interpellé à un autre endroit de la
ville. Des insultes fusent contre les policiers. Qui l’emmenent dans le bois de Sauvabelin, loin du centre, et l’y
abandonnent après que l’un d’eux lui aient administré du gaz poivre dans le cou. La même nuit et revenu à la
ville, le jeune tente sans succès de faire accepter sa plainte au poste de police. (24 Heures, 15.01.2009)
Sugiez (Bas-Vully, FR) : « On n’en veut pas ici ! »
Dès début février, la commune de Sugiez, dans le Bas-Vully (canton de Fribourg), accueillera 50 requérants
d’asile dans les pavillons du Centre cantonal de protection civile. Mais citoyens et autorités s’insurgent contre
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cette décision de l’Etat de Fribourg, prise pour une période provisoire. « On ne veut pas de ces gens chez nous.
Ici, c’est un endroit tranquille, nous ne voulons pas que cela change », affirme une habitante. Et la même
phrase revient telle un refrain : « on n’a rien contre les étrangers, on n’est pas raciste, mais 50 réfugiés d’un
coup, c’est trop pour une commune de 1800 habitants ». Une pétition a été lancée. (Le Courrier, 27.01.2009)
Genève : Un policier accusé de violence repasse devant les juges
Le procès en appel d'un policier genevois accusé d'avoir sciemment frappé un délinquant calme et menotté s'est
poursuivi hier par une succession de longs témoignages. Deux versions s'affrontent. D'un côté, un trafiquant de
cocaïne pincé en flagrant délit. Tranquille et les mains attachées dans le dos, il aurait été agressé et frappé par
un agent, lequel soutient au contraire avoir dû se défendre et user de la contrainte face à un délinquant agité et
violent. Les témoins oculaires, des policiers, ont jugé anormal ce qui venait de se passer, mais, par gain de paix,
ont décidé de ne pas donner suite à l'affaire ! Nouvelle audience prochainement. (Le Courrier, 29.01.2009)
St-Gall : Etrangers interdits d’un bar
« Nous n'acceptons ni Albanais, ni Yougoslaves, ni Noirs dans notre établissement », propos tenus par le
propriétaire du O Five-Pub, M. Maarouf Itani. Violant la norme pénale, il risque jusqu'à 3 ans de prison et
l'interdiction d'exercer. D'autres clubs de Saint-Gall sont accusés de discrimination. (Le Matin, 30.01.2009)
Genève : La CICAD contre l’humoriste Noir Dieudonné
La Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) a tenu hier à Genève un
stand d'information pour dénoncer l'antisémitisme de l'humoriste Dieudonné.
Une centaine de mètres plus loin, des jeunes militants d' «Unité populaire» ont distribué des tracts dénonçant le
« lobbying agressif » de la CICAD envers « toutes les personnes et les associations se permettant de
développer une vision critique à l'égard de l'Etat d'Israël ». (Le Courrier, 7.02.2009)
Genève : Gros succès des spectacles de Dieudonné, malgré les appels à boycott
Malgré les demandes d'annulation, l'humoriste a rempli quatre fois la Salle de la Madeleine à Genève, sans
heurts. Le désordre du monde, les mensonges des politiques, la guerre à Gaza,et les génocides oubliés, sans
oublier les dictateurs africains ont alimenté ses sketches. (Le Courrier, 9.02.2009)
Genève : Dieudonné et la TSR repartent dos à dos
Dieudonné, assisté de Me Jacques Barillon, s'est dit « halluciné » par l'attitude de la TSR, qui, selon lui, a bien
relevé le côté intolérable les propose de l'homme de spectacle, mais refuse de le reconnaître publiquement.
Dieudonné a jusqu'au 27 février pour saisir la justice.
Le 27.2.2009, il a déposé plainte pénale pour discrimination raciale, ainsi qu'injure et diffamation contre Pascal
Bernheim, auprès du procureur général de Genève Daniel Zappelli. (Le Matin, 12.02.2009)
Genève : Les députés veilleront à l'intégrité des requérants expulsés
Suite à des allégations de mauvais traitements formulés par deux requérants d'asile déboutés, lors de leur
transport depuis leur lieu de détention vers l'aéroport, le Département des institutions a donné le feu vert à la
commission des visiteurs officiels afin qu'elle participe à certains transports. « Nous avions formulé cette
demande depuis deux ans, nous nous réjouissons donc de la décision des autorités », selon Damien Scalia,
président de la section genevoise de la Ligue suisse des droits de l'homme. (Le Courrier, 26.02.2009)
Genève internationale : La conférence sur le racisme, Durban II, de plus en plus contestée
Après Israël et le Canada, l'Italie ne sera pas à la conférence de Durban II sur le racisme, qui doit se tenir à
Genève du 20 au 24 avril. Des pays blâment les accents «antisémites» du projet de déclaration. Les USA feront
de même si est maintenu un projet « qui focalise la critique sur Israël » et qui restreint « de façon inacceptable
la liberté d'expression sous couvert de diffamation de la religion ». (Tribune de Genève, 7.03.2009)
Genève : La défense plaide l'acquittement pour un policier accusé d'avoir frappé un suspect.
Accusé d'avoir frappé en 2006 un suspect menotté, un policier genevois a demandé hier son acquittement
devant le Tribunal de police. Le Ministère public a requis une condamnation pour abus de pouvoir et lésions
corporelles simples. Le Tribunal de police rendra son jugement ultérieurement. (Le Courrier, 7.03.2009)
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Lausanne : Le combat contre le racisme se muscle
Pour la troisième fois, la ville et diverses associations proposent une semaine contre le racisme, du 18 au 21
mars. Car, si les incidents racistes ont diminué, les discriminations sont en augmentation. Christophe Blanchet,
responsable des classes d'accueil pour des étrangers, confirme que « le racisme est présent à l'école. Il est donc
important de travailler sur ces attitudes ». « Le nombre de bagarres racistes a baissé. Par contre, on constate
une recrudescence de la discrimination dans des situations d'embauche ou de recherche de logement », note
Tidiane Diouwara président du Forum des étrangers (FEEL). (24 Heures, 11.03.2009)
Neuchâtel : Ex-Conseillère nationale, Valérie Garbani, ivre, traite de «Négro» un barman Noir
« Valérie Garbani m’a dit : «Negro, sers-moi à boire, j’ai soif!» Ce n’est pas la première fois que j’ai des
problèmes avec elle. Mais c’est la première fois qu’elle me traite de négro. Elle a le mot facile quand elle a un
verre dans le nez. En plus d’être méchante, elle a l’alcool bête. J’ai refusé de la servir. Et je suis allé porter
plainte contre elle pour insulte raciale, lundi matin à la police ». Sylvain, barman de la discothèque Le Club à
Neuchâtel, a choisi de «ne pas laisser passer l’affront» que Valérie Garbani lui a fait subir ce vendredi 13. Ce
dérapage a été de trop. Il a conduit à la démission, le lendemain 14 mars, cette conseillère communale et exconseillère nationale connue pour ses excès d’alcool suivis de dérapage. (L’Express-L’Impartial, 17.03.2009)
Lausanne : Des « couleurs » au coeur de la 3e Semaine contre le racisme
Au menu des activités : une exposition au Forum de l'Hôtel de Ville donne la parole aux enfants, deux débats
réuniront les élus politiques face à des publics adolescents : le premier consacré aux messages de trois
campagnes sur les thèmes de l'asile et des étrangers ; le second des politiciens seront invités à réagir à un
groupe de jeunes formés à débattre sur le racisme. (Le Courrier, 19.03.2009)
Genève : Le racisme des jeunes déstabilise enseignants et travailleurs sociaux
Comment les professionnels gèrent-ils l'incident raciste ? Une recherche originale de la Haute Ecole de travail
social (HETS) de Genève, qui mêle recherche, formation et dialogue, donne des réponses. La publication,
L'incident raciste au quotidien : représentations, dilemmes et interventions des travailleurs sociaux et des
enseignants (ies éditions, 2009), présentée à l’occasion de la Semaine d’actions contre le racisme, éclaire le
sujet et bouscule les préjugés. (Le Courrier, 21.03.2009)
Fribourg : Un Noir nommé médecin cadre à l’hôpital de Riaz
Agé de 40 ans, métis et de nationalité belge, le Dr Jean-Bruno Lekeufack a exercé en qualité de chirurgien
depuis 1995 dans divers hôpitaux de Suisse et de Belgique. Depuis 2008, il travaillait au Centre hospitalier de
Pontarlier, en France comme «praticien hospitalier», ce qui correspond à la fonction de médecin-chef. Il est
entré en fonction, à l’Hôpital de Riaz, Sud de la Broye, en qualité de médecin-adjoint. (La Liberté, 2.04.2009)
Berne : Après avoir injurié la métisse Miss Suisse 2008, un extrémiste de droite relaxé
Dominic Lüthard avait déclaré que Miss Suisse 2008, Whitney Toyloy, est un « ulcère qui dévore la
Confédération ». Membre du Parti des Suisses nationalistes (PSN), il ne devra pas payer d'amende. Il n'aurait
pas enfreint la norme antiraciste, selon les juges. Cette décision confirmée par le tribunal d'AarwangenWangen, fait suite à un recours de M. Lüthard. En février, il avait été condamné par le service du juge
d'instruction de Berthoud (BE) à payer 500 francs. Amende à laquelle il échappe, tout comme à la peine
pécuniaire avec sursis de 1650 francs et aux frais de procédure. (20 Minuten, 3.04.2009)
Genève internationale : Une Conférence mondiale contre le racisme du 20 au 24 avril
L'aggravation du racisme alarmait la Conférence de Durban, troisième conférence mondiale consacrée à le
combattre. Des oppositions entre pays arabes et occidentaux avaient marqué celles de 1978 et de 1983, que les
Etats-Unis avaient boycottées. En 2001, le Proche-Orient et les réparations liées à l'esclavage avaient opposé
pays occidentaux, pays arabes et ONG africaines qui demandaient la reconnaissance de la traite négrière, de
l'esclavage et du colonialisme comme crimes contre l'humanité. L'échec de la Conférence de Durban autant que
l'échec programmé de la Conférence diplomatique de Genève, n'ont rien à voir avec l'antisémitisme ou les
revendications mémorielles. L'espoir se niche cependant dans les ateliers qu'animeront les militant-e-s du
monde entier réunis au sein d’un Forum de la société civile. Une manifestation nationale et internationale,
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organisée par des organisations solidaires des droits des réfugiés, des migrants, se tiendra à Genève, le 18 avril.
(Le Courrier, 7.04.2009)
Berne fédérale : La CFR et la lutte contre le racisme en Suisse depuis la Conférence de Durban
La CFR (Commission fédérale contre le racisme) a publié une prise de position à la veille de l’ouverture à
Genève de la Conférence d’examen du suivi de la Conférence mondiale contre le racisme (Durban, 2001). Ce
document dresse un état des lieux précis de la lutte contre le racisme en Suisse depuis 2001. Elle a dressé la
liste des avancées de ces huit dernières années et des lacunes qui subsistent.
Parmi les progrès depuis Durban, à noter la création d'un Service de lutte contre le racisme rattaché au
Département fédéral de l'intérieur. Ce service a d'abord disposé d'un fonds de 15 millions de
francs « pour financer des projets contre le racisme et en faveur des doits de l'homme ». Son budget,
entretemps réduit, lui permet toujours de subsidier des projets éducatifs, en priorité auprès des jeunes. Un début
de sensibilisation des polices cantonales contre le racisme fait partie des progrès cités. Principale lacune,
l'absence de programme national d'action pour lutter contre le racisme en Suisse. Autre recommandation : les
partis politiques et les médias sont invités à adopter un code de déontologie contre le racisme. La protection des
victimes de racisme doit être améliorée, une aide fédérale à la création de centres de consultation au niveau
cantonal est préconisé. (Le Temps, 21.04.2009)
Genève internationale : La dénonciation des propos d'Ahmadinejab contre Israël, à Durban II, éclipsent
d’autres enjeux, comme le suivi de Durban I et la question des réparations dues aux Noirs
Le président iranien a livré des propos «haineux» contre Israël, en ouverture de la conférence de l'ONU contre
le racisme. De nombreuses délégations ont quitté la salle, dont celles des Etats-Unis et des cinq membres de
l'Union européenne. En ouverture de la Conférence, qui réunit plus d'une centaine d'Etats, 470 ONG, 50
ministres et quelques 4800 personnes au total, la Haute-Commissaire aux Droits de l'homme, Navi Pillay, a
tenu a souligner les succès obtenus dans la lutte contre le racisme depuis Durban en 2001. En clôture, elle a
dénoncé « une machine de propagande qui a voulu transformer cette conférence en échec ». Elle s’est
particulièrement élevée contre les accusations selon lesquelles le processus entamé à Durban en 2001 est
« antisémite », un « festival de haine ». L'épisode Ahmadinejab a éclipsé les autres intervenants et enjeux. Elle
a surtout permis de faire passer au second plan, voire de donner peu d’échos aux revendications des
organisations d’Afro-descendants pour des réparations pour le crime contre l’humanité qu’ont été la traite et
l’esclavage des Noirs. (La Liberté, Le Courrier, 20+25.04.2009 ; Le Temps, 21.04.2209).
Fribourg canton : Comment les communes peuvent-elles faciliter l’intégration des migrants ?
La 1re Conférence pour l’intégration des migrantes et migrants, proposées aux communes s’est tenue le 29 avril
à Granges-Paccot (canton de Fribourg), en présence de plus d’une centaine de responsables en provenance de
75 communes et avides de s’informer sur les moyens de faciliter l’intégration des migrants. Un succès au-delà
des espérances. Un schéma directeur adopté par le Conseil d’Etat en décembre 2008 définit quelques objectifs :
favoriser la cohabitation harmonieuse entre communautés, stimuler le processus d’intégration dans un esprit de
réciprocité, appliquer le principe de non-discrimination, etc. (La Liberté, 30.04.2009)
Berne : 27 clients Noirs d’une boutique africaine interpellés lors d’une descente de la police
La police cantonale de Berne a effectué une descente dans un commerce du quartier Morillon de la ville de
Berne. Après avoir encerclé la zone, la police a procédé à l’interpellation de 27 personnes, des clients du
magasin, en grande majorité d’origine africaine, dont 13 ont été arrêtées pour être déférées auprès du juge
d’instruction du canton. A la suite de la fouille du magasin, la police aurait trouvé près d’1,5 kg de cocaïne
stockés à côté de la drogue douce, ainsi que de grosses coupures d’argent, 40 téléphones mobiles, 11 appareils
de photo numérique, dont l’origine reste à déterminer. L’indignation était à son comble au sein de la
communauté africaine locale face à ces méthodes stigmatisants … (20 Minuten, 18.05.2009 + témoignages)
Sugiez (FR) : Des Suisses créent des ponts avec les requérants
Un groupe de citoyens de Sugiez, dans le Bas-Vully (canton de Fribourg), a créée récemment une « Plateforme
Contact Foyer de Sugiez », avec pour objectif de favoriser le contact entre les requérants d’asile logés depuis 3
mois à Sugiez, dans les locaux de la Protection civile, et les habitants de la région. Il s’agit également d’offrir
aux réfugiés des loisirs et des possibilités de faire connaissance avec les lieux et leurs habitants. A l’origine de
l’initiative : les paroisses reformée et catholique du Vully, par réaction à l’émoi provoqué par l’ouverture du
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centre dans la commune. « Nous voulons dissiper ce malentendu récurrent qui consiste à dire que les
requérants sont des profiteurs, des criminels, des trafiquants. Car quand on est en contact avec ces personneslà, on se rend compte que la réalité est bien différente », a souligné un habitant. (La Liberté, 22.05.2009)
Berne : Manifestation contre le « racisme policier », sous la houlette du parlementaire fédéral Ricardo
Lumengo, après une fouille dans une boutique africaine
La Communauté africaine reproche à la police cantonale d’être raciste, après les descentes policières effectuées
le 15 mai dernier dans deux magasins tenus par des personnes d’origine africaine et ayant débouché sur la
saisie notamment d’1,5 kg de cocaïne. Sous la houlette du conseiller national d’origine africaine Ricardo
Lumengo, une manifestation devait se dérouler le 22 mai. Elle a été annulée et reportée au 28 mai. Les clients
des deux magasins, interpellés par la police auraient en effet été maltraités, certains ligotés et emmenés les yeux
bandés. « Naturellement, nous traitons toutes les personnes interpellées de la même façon. Les menottes
servent à la protection des policiers. Et, avec les yeux bandés, on peut empêcher les suspects de communiquer
avec les yeux », a expliqué la cheffe de la Police cantonale, Ursula Stauffer. (20 Minuten, 25.05.2009)
Fribourg : Pour protester contre les conditions de leur détention, 6 détenus font la grève de la faim
Détenus à la prison centrale de Fribourg, les 6 détenus, dont 3 Africains, sont enfermés dans l’attente de leur
renvoi, sous le coup d’une mesure de contrainte administrative. « On est dans cet endroit juste pour être
disponible pour des interrogatoires et pour l’expulsion. On n’est pas es criminels », ont-ils écrit dans leur lettre
au directeur de la Sécurité et de la Justice, Erwin Jutzet. S’ils ont commencé une grève de la faim, c’est pour
demander « des conditions plus humaines et plus justes » en rapport avec leur situation juridique. Après des
discussions avec les autorités pénitentiaires, certains malentendus ont pu être levés et certains aménagement
effectués. Cinq des détenus ont recommencé à s’alimenter. (La Liberté, 5.06.2009)
Vaud : Le policier acquitté après avoir sprayé abusivement un Erythréen sera rejugé
La cour de cassation vaudoise a annulé hier l'acquittement d'un policier lausannois accusé d'avoir aspergé de
spray au poivre un jeune Erythréen, début 2006. L'affaire sera rejugée devant un tribunal de première instance
en raison de deux vices de procédure. Le 16 janvier dernier, le Tribunal de police avait libéré l'appointé des
accusations de voies de fait et d'abus d'autorité. De nouveaux témoignages ont amené la justice pénale à ouvrir
une deuxième enquête, inculpant de faux témoignage un des agents entendus. Cette décision permettra au
tribunal de la Côte, à Nyon, de procéder à une nouvelle instruction avant son verdict. (Le Courrier, 9.06.2009)
Suisse : Un guide juridique explique quand et comment porter plainte pour discrimination raciale
Un nouveau guide juridique de 179 pages, publié par la Confédération, explique aux victimes de racisme, la
marche à suivre tout en soulignant les limites des voies de droit. Le document fournit une série de conseils
pratiques pour se défendre contre la discrimination raciale dans la recherche d'un logement, à l'école, dans la
famille, sur le marché du travail ou dans le contact avec les autorités. Le guide peut être commandé auprès du
Service de lutte contre le racisme. (Le Courrier, 17.06.2009)
Berne fédérale : La « pointe de l’iceberg », version 2008, a été exposée par la CFR
Les personnes le plus souvent victimes de racisme en Suisse sont celles d'une autre couleur de peau ou
provenant des Balkans. Telle est l'une des conclusions d'un Rapport sur les incidents racistes présenté ce 30
juin à Berne par la Commission fédérale contre le racisme (CFR). Parmi les auteurs présumés d'actes racistes,
on trouve des administrations publiques, des membres de la police, des particuliers, des entreprises, des groupes
d'extrême droite ainsi que des internautes anonymes. La discrimination se fait souvent sur le mode verbal,
parfois violent et sous forme d'écrits, d'inégalités de traitement ou de refus de fournir des prestations.
Le Rapport sur les incidents racistes fait partie du projet «Réseau de centres de consultation pour les victimes
du racisme» mené par la CFR et Humanrights.ch. Il contribue à la réalisation d'un monitorage national de lutte
contre le racisme. Il se fonde sur les données récoltées par cinq centres de consultation (gggfon, Stop Racisme,
SOS Racisme Suisse alémanique, le TikK et la CFR), qui ont documenté 158 cas traités en 2008. Le Rapport en
présente 87. Cela n'est pas représentatif, admet le CFR, «il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg».
La Suisse romande, qui en est absente, devrait y être intégrée l'an prochain, par le biais de la Coordination
intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD, Genève) ou du centre Multimondo de
Bienne. L'objectif est de renforcer le réseau des centres de consultation et d'offrir partout en Suisse des conseils
compétents aux victimes de discrimination raciale. (ATS, tsr.ch, 30.06.2009)
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Genève : Le conseiller municipal d’origine guinéenne, Alpha Dramé, exclu du groupe des Verts
Le groupe des Verts de la Ville de Genève a exclu le conseiller municipal Alpha Dramé pour manque de
loyauté. Ce dernier a accepté d'être présenté par la droite, à la présidence d'une commission, contre la candidate
des Verts Sarah Klopmann. Cette sanction mettrait un terme à plusieurs manques de loyauté de la part d'Alpha
Dramé. Cependant, celui-ci peut rester membre du parti. (ATS, 15.07.2009)
Suisse : Migrants discriminés sur le marché de l’emploi, en particulier en période de crise
Selon l’Union syndicale suisse (USS), les migrants sont beaucoup plus touchés par la détérioration de la
conjoncture économique : ils affichent un taux de chômage de 6,6% contre une moyenne suisse de 3,6%.
D’autres données de l’USS donnent une idée de l’ampleur des discriminations :
- Sur les 140 000 personnes inscrites au chômage en Suisse, 40% sont des migrants
- Si les Working Poors sont 5,7% en Suisse, le taux pour les migrants est 13,2%
- En avril 2009, 72% de jeunes Suisses avaient trouvé une place d’apprentissage contre 44% d’immigrés
- 80% des salariés immigrés n’exercent aucune fonction de direction
- Le salaire moyen chez les travailleurs étrangers est de 4’962 CHF, contre 5'840 CHF pour le Suisse
L’USS souhaiterait introduire un certain nombre de mesures pour favoriser l’intégration des migrants dans le
tissu économique et, à terme, éviter que ne se propagent des slogans xénophobes chers à la droite dure,
« étrangers = profiteurs = expulsion ».
(La Liberté, 17-07.2009)
Vaud : Les Africains du canton se sont réunis en une seule association
Une Fédération des Africains du canton de Vaud est née à Lausanne : la FedAf-VD. « Le but est de promouvoir
et renforcer la fraternité et la solidarité entre les personnes et les familles d'origine ou d'ascendance
africaines », souligne Gilbert Mwako, secrétaire exécutif de la nouvelle Fédération. Trois axes d'actions ont été
définis : mise en place d'un appui scolaire aux élèves africains dans le quartier de la Borde, aide juridique pour
répondre aux besoins supplémentaires liés à l'entrée en vigueur d’une nouvelle loi fédérale des étrangers
beaucoup plus sévère que la précédente, ainsi que l'intégration. (Tribune de Genève, 17.07.2009)
Genève : Traitée de «Négresse» à la poste, elle dépose plainte pénale
Genevoise, née à Châtelaine, où elle habite toujours, Sandra, une mère de famille âgée de 26 ans, explique
avoir été victime de propos racistes dans la poste de son propre quartier : « En juin, je me trouvais à la poste
avec mes deux enfants. La petite s'est mise à pleurer. Alors, le postier m'a lancé : «Il n'y a pas de lolette pour
les nègres ? Vous, les nègres, ne pouvez pas en donner à vos enfants ?». Puis une postière a continué : «Vous
n'arrivez pas à la calmer, alors foutez le camp de la poste ! Avec les nègres c'est toujours la même chose». Je
suis partie un peu ébranlée ».
Pour Me Eve Delaloye, avocate de Sandra, « il s'agit d'un cas de discrimination raciale, article 261 bis du
Code pénal, qui prévoit en outre la non-interdiction d'accès au service public ». Le contrevenant risque trois
ans, au plus, ou une peine pécuniaire. (Tribune de Genève, 28.07.2009)
Vaud : On ne peut plus être condamné pour avoir aidé un Sans-Papiers
Le Tribunal fédéral a annulé la peine infligée, à Lausanne, à un homme dont le seul tort était d'avoir hébergé
ponctuellement une femme sans-papiers avec qui il entretenait une liaison amoureuse. Pour que l'aide à une
personne en situation irrégulière tombe sous le coup de la loi, il faut que l'action des autorités (par exemple une
arrestation) s'en soit entravée. (Le Courrier, 4.08.2009)
Suisse : La CFR lance le Manifeste de la Suisse diverse
La Commission fédérale contre le racisme (CFR) a lancé le 24 août à Bienne le Manifeste de la Suisse diverse.
Parmi les premiers signataires du manifeste figure la ville de Lausanne avec son projet de « Caravane
interculturelle 2010 » et de « Semaine lausannoise d'action contre le racisme 2011 ». Les Verts vaudois
annoncent la mise sur pied d'une fête multiculturelle et la récolte de signatures pour l'initiative cantonale en
faveur des droits politiques des étrangers. Le Manifeste de la Suisse diverse énumère huit points qui pour
l'essentiel s'inspirent de valeurs inscrites dans la Constitution fédérale comme le respect de l'autre et la
protection de la dignité humaine. (ATS, 24.08.2009)
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Genève : Les gendarmes tiennent à leur anonymat et refusent d’être «tracés» par un matricule
Genève restera un cas à part en Suisse, voire en Europe, où les policiers sont « traçables » grâce à un matricule.
En commission, sur pression des syndicats de la police, ce garant d'un meilleur respect des droits fondamentaux
a été vidé de son contenu. La loi prévoit simplement que « sur demande, les fonctionnaires (de police)
indiquent leur numéro de matricule ». (Le Courrier, 28.08.2009)
Vallorbe : Les «Nègres» feraient fuir les touristes
Les requérants d’asile internés à Vallorbe, et parmi lesquels de nombreux Africains, sont plus qu’indésirables
dans cette ville qui propose plusieurs lieux touristiques. Président de la fondation qui gère le musée, JeanPhilippe Dépraz précise être en contact avec la Municipalité pour pouvoir exclure les réfugiés du secteur : «La
présence de tous ces gens n’est pas positive pour notre image». Son collègue Walter Zehnder, de la Société des
Grottes, est encore plus explicite, en focalisant sur la gare le danger que constitue la présence des «Nègres» :
«On tente d’attirer les touristes chez nous, mais à peine sortis du train, les gens doivent enjamber des
troupeaux de négros, ça décourage». Autre sujet de discorde : une aire de pique-nique proche du Musée du Fer.
«Cet endroit devrait être réservé aux touristes et aux gens de chez nous», tonne Bernard Haldeman, du groupe
radical. Même quand ces indésirables essaient de redorer leur image en donnant des coups de main à la ville,
par exemple en nettoyant talus et zones piétonnes, ça ne passe pas non plus : «Ils ne font que nettoyer leur
merde», estiment certains habitants. «C’est triste, confie une habitante, où qu’ils aillent, on les traite en
parias». Le syndic (maire), Stéphane Costantini, conclut : «On entend régulièrement ce genre de propos. Ils
expriment une gêne compréhensible: le centre n’aurait jamais dû être construit ici!» (20 Minutes, 2.11.2009)
Sion : Jeune arbitre Noir régulièrement traité de «Noir de merde» sur les stades
Il n’a que 17 ans. Cet écolier cap-verdien officie déjà comme arbitre de football durant ses heures de loisirs.
Lors d’un match de Juniors D qu’il a récemment arbitré le père d’un joueur l’a traité de «Noir de merde». La
saison précédente également, des parents de l’équipe adverse l’avaient également insulté avec des termes
similaires. (Le Nouvelliste, 12.11.2009)
Suisse : Rapport européen sur le racisme
L'UDC goûte peu d'avoir été épinglée dans le rapport sur la Suisse publié par la Commission contre le racisme
et l'intolérance du Conseil de l'Europe (ECRI). Le parti estime que les arguments fournis sont « ridicules » et
« partisans ». Les causes de la xénophobie ne viendraient pas d'un soi-disant discours raciste de la part de
l'UDC, mais de mauvaises expériences fournies par les criminels étrangers, a déclaré Silvia Bär, secrétaire
générale adjointe du Parti. (ATS, 16.09.2009)
Suisse : L'album « Tintin au Congo » doit-il être retiré des bibliothèques publiques ?
La célèbre BD d'Hergé tombe-t-elle sous le coup de la norme pénale antiraciste ? Après les Etats-Unis, la
Belgique, la Grande-Bretagne et la France, la polémique atteint la Suisse où une plainte, déposée la semaine
dernière par un particulier valaisan, exige la mise à l'index de l'ouvrage par les librairies et bibliothèques
publiques. Ce n'est pas la première fois qu'il s'attire les foudres de l'opinion puisqu'il a déjà subi quelques
modifications textuelles depuis sa première édition en 1931.
Pour Félicienne Villoz-Lusamba, présidente de Carrefour de réflexion contre le racisme anti-Noir (CRAN) :
« A l'exemple du Cran français, nous projetons nous aussi de saisir la justice. C'est uniquement par manque de
moyens que nous ne l'avons pas encore fait... alors que nous disposons de lois antiracistes, nous ne pouvons
tolérer qu'un discours dévalorisant soit perpétué par le biais d'un oeuvre aussi populaire auprès des jeunes.
L'idéologie propagée, visant à rabaisser, porte atteinte à la dignité des Noirs et tombe manifestement sous le
coup de la norme antiraciste. Nous demandons le retrait de cet album car la lutte contre le racisme est une
lutte contre tous les symboles et les propos qui le véhiculent et le perpétuent. » (Journal du Jura, 17.09.2009)
Bienne : Une publication met en avant des exemples réussis d’ « intégration en interactivité »
Récemment nommée à la tête de l’Alimentarium à Vevey, Madeleine Betschart, directrice du Musée Schwab, a
présenté à la presse, le 15 décembre, un ouvrage pionnier, « Je me sens d’ici – Tu es de chez nous », bilingue
(français-allemand) et co-édité par le Musée Schwab et Regards Africains (Genève). Entourée des trois autres
clés de voûte du livre que sont Ali Sylejmani et Kanyana Mutombo (qui signent les textes du bouquin) ainsi
que le photographe Heini Stucki, Madeleine Betschart souligne les multiples aspects novateurs : «Pour la
première fois, l’intégration est présentée à Bienne sous l’angle d’une interactivité réelle. D’un côté, des
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personnes issues de la migration évoquent leur parcours de vie, leur enracinement et leur attachement à la
société d’accueil. De l’autre, des Suisses leur témoignent ouvertement leur confiance, leur respect et leur
attachement.» Témoignages de 35 migrants et de leurs amis suisses offre des points de vue inédits sur la
migration africaine et albanaise. Au vernissage du livre, le 20 décembre, le Musée Schwab était bondé de
Suisses et de migrants venus aussi dire adieu à une directrice qui a tant fait pour l’ouverture du musée vers la
cité, son crédo. (Journal du Jura, 16.12.2009 ; Biel/Bienne, 21.12.2009)
Berne : Policier passionné par les ratonnades anti-Noirs
Un jeune Gambien, demandeur d'asile encore mineur (16 ans), porte de graves accusations de mauvais
traitements contre un policier bernois de la brigade des stupéfiants. Ce policier est également responsable de la
sécurité chez les jeunes UDC (JSVP). Ligoté, il a été conduit au poste de police et passé à tabac, explique le
jeune, demandeur d'asile à Berne. Après avoir passé trois jours à l'hôpital, il a porté plainte. Ce n'est pas la
première fois que ce policier bernois est accusé d’être auteur de violences et d’injures racistes contre les Noirs :
« Switzerland is not for motherfucking African people » (La Suisse ne veut pas des maudits Africains) ou bien «
Bern doesn't welcome niggers » (les Nègres ne sont pas les bienvenus à Berne) lui aurait-on dit.
Au printemps dernier, le magazine d'information Beobachter rapportait un cas similaire. Le journal
hebdomadaire suisse alémanique WOZ (Wochenzeitung) sait que dans les deux cas, c’est le policier W. (son
nom est bien connu de la Rédaction) qui est accusé. Il jouit d'une très mauvaise réputation auprès des Noirs de
Berne qui l'ont surnommé à juste titre Wicked W. (W. la brute). (WOZ, 19.12.2009)
FAITS MARQUANTS EN 2010
Suisse : « Impossible d’imposer une discipline à l’européenne aux footballeurs africains »
A l’occasion de la Coupe d’Afrique de football en Angola, Claude Mariétan, entraîneur suisse ayant évolué en
Côte d’Ivoire, parle des footbaleurs africains : « Impossible de leur imposer une discipline à l'européenne,
malgré des discussions, des mise-en-garde, culture oblige. Après une victoire, même si un match crucial est
prévu deux jours plus tard, ils font la fête. On ne peut pas les retenir. Il ne s'agit pas de beuveries, mais ils
dansent, ils chantent parfois jusqu'au lendemain matin. C'est peut-être à cause de cela que, malgré le talent,
aucune équipe africaine n'a encore remporté la Coupe du monde. C'est ensemble qu'ils trouvent leur énergie,
de manière parfois irrationnelle.» (Le Matin Dimanche, 3.01.2010)
Vaud : Requérants d’asile africains non-violents mais conduits enchaînés et menottés devant le juge
Les conditions de transfert d'étrangers placés en détention administratives suscitent l'indignation des quelques
députés vaudois. Une interpellation demande des explications au Grand conseil vaudois. Un jeune SierraLéonais a été conduit, menottes aux poignets et chaînes aux pieds, devant le juge de paix. Ces entraves ne lui
ont pas été enlevées durant toute l'audience. « Un tel traitement n'est pas réservé même aux criminels endurcis
comparaissant devant des cours pénales », notent les députés, ajoutant que « l'imposition des menottes durant
toute l'audience constitue un traitement dégradant, voire inhumain au sens de l'art. 3 CEDH » (Convention
européenne des droits de l'homme). Une mésaventure similaire serait arrivée à un requérant d'asile débouté,
non-violent non plus, qui se rendait en compagnie de policiers à l'office d’Etat-civil de Vevey afin de faire tout
simplement une reconnaissance en paternité. Le Conseil d'Etat, embarrassé, a eu un délai de trois mois pour
répondre à l'interpellation des députés. (La Liberté, 3.02.2010)
Lausanne : Brutalités policières et abus d’autorité à l’endroit d’un jeune requérant d’asile tchadien
Les faits remontent au 8 février 2010, après une fouille au poste de police. Au moment de relâcher un suspect
auquel rien ne peut être reproché, le brigadier lui demande pourquoi il a fui à la vue de la police. L'intéressé
rétorque qu'il aime courir. L'agent lui propose de «l'emmener dans un endroit où il pourra s'adonner à ce sport».
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Direction la place des fêtes de Sauvabelin, où les policiers le déposent. Vers 3h du matin, perdu, l'homme
demande l'aide au 117 et tombe sur un supérieur. Alertée, la hiérarchie dénonce le cas à la justice.
Une autre affaire similaire concerne elle aussi des policiers lausannois, accusés d'avoir abandonné de nuit un
jeune Erythréen près des bois de Sauvabelin après avoir été sprayé au poivre. Portée en justice par ce jeune,
avec une grande obstination, elle n'est pas encore définitivement jugée. (24 Heures, 8.02.2010)
Bienne : Fièvre raciste contre Ricardo Lumengo à chaque fois que les médias parlent de lui
«Chaque fois que je suis dans la presse, je reçois des écrits racistes». Le conseiller national socialiste Ricardo
Lumengo, seul parlementaire Noir à Berne, a ainsi reçu plus d’une centaine de courriels racistes après qu’on ait
appris qu’une plainte pénale était déposée contre lui pour fraude électorale. Lumengo, qui conteste l’accusation
de fraude électorale, mais accepte celle de «captation» de votes, est depuis victime d’un véritable harcèlement.
Sur son site internet, le parti des automobilistes, qui a déjà calomnié Lumengo à diverses reprises, exige sa
démission immédiate comme conseiller national. En outre, pour ce parti xénophobe, «sa nationalité suisse
devrait lui être retirée et il devrai être immédiatement renvoyé du territoire». (Sontag, 21.02.2010)
Zürich : « Stop à l’africanisation » d’une « ville suisse et blanche, souillée »!
La campagne électorale pour les municipales qui se sont déroulées le 7 mars 2010, les affiches et programmes
des partis étaient très explicites. Parmi les thèmes mobilisateurs, la haine des étrangers, en particulier des Noirs.
Comme chez les Démocrates suisses, à Zürich : «De plus en plus d’immigrants de pays exotiques, en
particulier d’Afrique, arrivent en Suisse par des voies incertaines. Zurich est en train de perdre son visage de
ville suisse et blanche». Et d’appeler la population à leur faire confiance pour «arrêter l’africanisation» de
Zürich, en interdisant notamment des quartiers entiers aux Noirs. (Affiche électorale «Afrikanisierung
Stoppen!», Schweizer Democraten, Liste No8, élections du 7.03.2010)
Genève : Le parquet accusé de négliger les actes racistes anti-Noirs
Le Collectif Afro-Swiss dénonce dans une lettre ouverte au procureur général le peu de cas que ferait le
Ministère public genevois et son chef Daniel Zappelli des plaintes pour discrimination raciale. Suite au récent
classement de la dénonciation d'une femme traitée de « négresse » par deux buralistes postaux du canton, le
Collectif Afro-Swiss appelle à un rassemblement de protestation devant le Palais de justice, le 15 mars. Les
activistes réclament un rapport public sur les motivations qui auraient conduit à enterrer de nombreuses
procédures de cet ordre ces dernières années. (Le Courrier, 12.03.2010)
Genève : Le BIE veut davantage s’engager dans la Semaine d’actions contre le racisme
Pour le Bureau de l'intégration des étrangers (BIE) organisateur de la Semaine internationale contre le racisme,
l'objectif de cette année est de « provoquer la réflexion sur l'évolution de nos sociétés en matière de diversité et
de sensibiliser le public à la lutte contre les préjugés et les discriminations ». Débats, interventions culturelles,
expositions et films se succéderont aux quatre coins du canton. A l'avenir le BIE compte aussi s'engager dans le
domaine de l'aide aux victimes. « Nous sommes prêts pour mettre sur pied une cellule d'écoute et
d'orientation, qui serait dirigé par un spécialiste extérieur à notre service ». Cette structure devrait traiter
toutes les formes de discriminations (handicap, orientation sexuelle, etc.). (Le Courrier, 13.03.2010)
Genève : La justice « égare » deux fois une plainte pour racisme anti-Noir
La plainte contre racisme déposée en août dernier par la victime d'un couple de postiers de la Châtelaine a
disparu à deux reprises. « Comme par hasard », s'indigne le Collectif Afro-Suisse venu manifester sous les
bureaux de Daniel Zappelli. Le procureur général classerait pratiquement toutes les plaintes déposées pour des
actes racistes. Perdue une première fois en octobre 2009, puis re déposée, la plainte est finalement classée en
décembre par manque de preuves. Lorsque le recours est déposé contre le classement, la semaine passée, le
dossier disparaît une nouvelle fois ! Contacté, le Palais de justice ne commente pas les éventuelles pertes de
dossiers. (20 Minutes, 16.03.2010)
Zürich-Kloten : Un requérant d’asile Nigérian débouté meurt lors de son expulsion forcée
Agé de 29 ans, l'homme devait être expulsé de force à bord d'un vol spécial pour Lagos, en compagnie de
quinze autres compatriotes. Après le refus de l'Office des migrations (ODM) d'entrer en matière sur sa demande
d'asile, il s'était opposé à son renvoi au Nigéria et avait été placé en détention en vue de son expulsion, le 17
mars 2010. Selon la police cantonale zurichoise, il refusait toute nourriture depuis plusieurs jours. Le soir dit, le
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Nigérian, connu de la police pour trafic de drogue, a tenté de résister à son expulsion. Il a fallu recourir à la
force pour lui lier les mains et les pieds. Peu après il a soudain « manifesté des problèmes de santé », explique
la police. Les liens ont été retirés et des mesures de réanimation engagées, mais en vain. L'homme devait
décéder peu après, dans l'enceinte de l'aéroport. Le directeur de l’ODM assistait à cette opération. Il a
interrompu les expulsions par vols spéciaux « tant que ce cas ne sera pas élucidé ».
Julius et Emmanuel, deux Nigérians, auraient dû quitter la Suisse avec le décédé dans le même vol de nuit de
Zurich. De retour au centre de détention de Frambois (GE), ils ont témoigné : « On nous a traité comme des
animaux ». Ils expliquent comment « plus de 60 policiers » - pour 16 hommes à expulser - les ont accueillis
vers 22 h. Les hommes devaient uriner dans des bouteilles en cas de besoin. « Les policiers nous ont attachés
en différents endroits du corps et mis un casque comme ceux des boxeurs. On ne pouvait pas bouger ». Ils ne
comprennent pas qu'on attache des gens qui sont d'accord de partir.
Amnesty International (AI) s'est dit « consterné » par ce décès, « le troisième depuis 1999 en Suisse lors d'un
renvoi avec utilisation de mesures de contrainte ». Pour AI, il serait primordial de « former des policiers à la
désescalade des conflits », indique Denise Graf, spécialiste du dossier. Il est inacceptable, par exemple, d'aller
chercher les expulsés la nuit, en entrant dans leur cellule à six ou sept policiers, parfois masqués. (La Liberté,
20 Minutes, 19.03.2010)
Suisse : Les Africains en Suisse sont comme des « ours polaires déplacés à Berne, inadaptés »
Dans le journal du parti des Démocrates suisses paraît un texte bref sans indication de l’auteur intitulé «Des
ours polaires au Bärengraben» (Eisbären im Bärengraben). L’auteur anonyme commence par dire que tous les
hommes ne sont pas égaux, mais «tous différents et adaptés à leur lieu d’origine». C’est ainsi que « les
Européens appartiennent à l’Europe, les Africains à l’Afrique. Il ne viendrait à personne l’idée d’expédier des
ours polaires à Berne au Bärengraben et de débattre ensuite de la manière de rendre le Bärengraben habitable
pour un ours polaire ». (Schweizer Democrat, No 3/4, 2010, à consulter sur :
www.schweizer-demokraten.ch/parteizeitung/dokumente/2010/2010_03_04.pdf)
Liestal (BL) : Afro-Américain et Suisse partenaires en affaires, mais traitement inégal face à la police
Deux partenaires en affaires, un Suisse et un Afro-américain, voient leur affaire mise en faillite. Mais la police
les traite de façon totalement différente. L’Afro-américain, qui se rend au bureau suite à un appel téléphonique,
se voit immédiatement menotté, puis placé dans une cellule après avoir effectué le trajet dans un «panier à
salade». Là-bas, on établit sa fiche signalétique. Il est interrogé plusieurs heures plus tard avant d’être relâché.
Le Suisse en revanche n’est convoqué que le jour suivant à un interrogatoire dont il peut fixer l’heure. Aucune
plainte contre lui, ni aucune identification requise. (Augenauf-Bulletin, No 64, marz 2010)
Zürich : Noire et femme d’un célèbre journaliste, confrontée au racisme
Dans une interview au journal «Blick», Mme Ruth Müller, épouse de la vedette de la télévision Heiri Müller,
explique ce qu’elle vit en tant que femme Noire à Zürich : «Je suis généralement surprise lorsque, comme c’est
arrivé récemment, un monsieur habillé en costume d’affaires m’apostrophe en me traitant de sale noire». Ou
encore : «Il y a deux semaines j’étais dans un train bondé et je devais sortir. J’ai dû passer devant un couple de
suisses âgés et la femme a dit «C’est le genre de personnes qui empestent tout le train»… (Blick, 24.04.2010)
Berne fédérale : Démission du chef de l’ODM demandée après sa stigmatisation des Africains
Pour le CRAN, M. Alard du Bois-Reymond «démontre dans ses propos récurrents que l'application du droit
d'asile suisse, en ce qui concerne les Nigérians, repose avant tout sur des a prioris». « S'agissant d'un haut
fonctionnaire fédéral, on est devant une véritable xénophobie d'Etat », écrit le CRAN dans un communiqué
lundi. Cette plateforme anti-raciste relève d'ailleurs que cette xénophobie concerne tous les ressortissants
africains puisque le taux d'octroi de l'asile à leur égard ne dépasse que «très rarement le 1% en général». Alors
que l'ODM est impliqué dans la mort du jeune Nigérian le 18 mars lors de son renvoi forcé à Kloten et après les
considérations «humiliantes et stigmatisantes» de son chef, le CRAN appelle à «la démission avec effet
immédiat du directeur de l'ODM». Il exige également la mise en place d'une commission d'enquête
indépendante pour traiter le cas du Nigérian décédé.
Amnesty International a également critiqué dimanche M. du Bois-Reymond pour qui la majorité des Nigérians
ont des activités criminelles en Suisse, affirme AI. Le directeur de l'ODM, interrogé par la RSR lundi matin,
précise s'en tenir aux faits en se référant aux chiffres: 99,5% des demandes de requérants d'asile nigérians n'ont
aucune chance d'aboutir. En 2009, sur 1700 demandes, une seule a été acceptée, a-t-il indiqué. (Le Matin, 20
Minutes, Tribune de Genève, 24.04.2010)
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Lausanne : Une agence matrimoniale refuse une jeune femme jugée trop « Noire »
Une agence matrimoniale a refusé une cliente à cause des origines martiniquaises de son père. « Elle cherchait
des hommes entre 25 et 40 ans », explique la directrice de l'agence, Geneviève Rohr. « Dans cette tranche
d'âge, aucun de mes clients ne s'intéresse à ce type de femme. Je ne vais pas les forcer à coucher avec des
Noires ! ». Elle ne voit rien d'étonnant à ce que ses centaines de clients ne s'intéressent qu'aux Blanches : « Les
gens qui font appel aux agences matrimoniales sont souvent un peu rétro ». Le filtrage effectué par l'agence a
fait bondir André Loembé, du groupe de lutte contre le racisme anti-Noir, CRAN : « Je crois qu'on est
clairement dans un cas de discrimination raciale ». (20 Minutes, 12.05.2010)
Bienne : « Ce sont surtout les Noirs qui nous coûtent cher »
Hubert Klopfenstein (parti radical), membre de l’exécutif de Bienne, s’est fâché contre une récolte de
signatures concernant une initiative fiscale de l’association syndicale bernoise. Il a déclaré à tue-tête : «Il y a
déjà assez de multiculti à Bienne sans qu’il faille encore soutenir les bandes de Noirs». Il a confirmé ces faits
en ajoutant. «Ce sont surtout les Noirs qui nous coûtent cher à Bienne». (Berner Zeitung, 18.05.2010)
Genève : Après des brutalités sur un Congolais, la police se prémunit en portant plainte contre lui
La brigade des stup' pratiquerait des contrôles d'identité «au faciès» à la pelle. Un profilage racial pouvant
mener jusqu'au tribunal de police, même si aucun crime n'a été commis. C'est ce qui est arrivé à un Congolais,
journaliste caméraman indépendant, victime d'un contrôle d'identité «musclé» le 31 décembre 2009, alors qu’il
faisait du footing et traversait un espace fréquenté par des dealers et leurs clients. Son interpellation ayant mal
tourné, une plainte pénale pour injures et menaces envers les autorités a été aussitôt déposée contre lui par
l'inspecteur l'ayant emmené au poste. Le prévenu a ensuite déposé une contre-plainte, accusant à son tour la
police d'un délit de faciès. «Les agents de police sont partis de la simple prémisse que sur la place des
Volontaires, tous les Noirs sont des dealers», explique son avocat. Lorsque le jeune homme a annoncé qu'il
n'avait pas ses papiers d'identité sur lui – à cause de sa tenue de sport –, on aurait menacé de le menotter et de
l'embarquer au poste. Puis le ton est monté, et la situation aurait dégénéré.
Ce trentenaire, père de deux enfants, risque trente jours amende, une peine injustifiée selon son avocat. D'autant
qu'il a déjà passé cinq jours à Champ-Dollon, «pour rien», souligne son avocat Me de Morawitz. qui déplore la
récurrence de ce type de plaintes de la part de la police. «Dans ce cas, c'est l'interpellation qui fait le crime,
c'est absurde!» Il dénonce «une arrestation arbitraire à caractère raciste». (Le Courrier, 19.05.2010)
Berne fédérale : Alard du Bois-Reymond, patron de l’ODM, adepte de la méthode du franc-parler
« Je ne sais si être marié à une Congolaise me donne une légitimité, mais cela me donne l'envie de parler
clair. J'aime que les Africains soient bien intégrés. J'aime l'Afrique, je m'y sens aussi chez moi ! » Alard du
Bois-Reymond, nouveau directeur de l'Office fédéral des migrations (ODM), revendique le parler vrai. Et
l'applique. C'est lui qui a déclaré, à la mi-avril, que 99,5% des requérants nigérians utilisent la filière de l'asile
pour s'adonner à des activités illégales, dont le trafic de drogue. Amnesty International s'en était indignée. Le
Carrefour de réflexion et d'action contre le racisme anti-Noir (CRAN) avait exigé sa démission, l’accusant de
«xénophobie d'Etat». Cet ex-délégué du CICR passerait aux yeux de certains milieux humanitaires pour le
raciste N°1 de Suisse. (Tribune de Genève, 26.05.2010)
Berne fédérale : Mouton noir ou mouton gris ?
Lors de la campagne pour les dernières élections fédérales, les affiches des moutons noirs avaient suscité
l'indignation à cause de leur force de frappe xénophobe. Hier une partie de la gauche parlementaire a soutenu le
contre-projet à l'initiative de l'UDC pour le renvoi des criminels étrangers. Celui-ci est désormais accepté par
les deux Chambres. Le scénario se répète depuis des années. Désormais la gauche elle-même n'oppose plus un
son de cloche différent, hésitant entre pragmatisme et combativité. Le contre-projet se fonde sur les mêmes
bases erronées et populistes. Près de 90% des Suisses sont persuadés que l'insécurité a augmenté depuis 2000.
Electoralisme oblige, il ne s'agit donc plus de répondre à la criminalité réelle, mais seulement au sentiment
d'insécurité. Le principe de la double peine (prison suivie de renvoi) est non seulement discriminatoire, mais il
accrédite l'idée qu'un crime serait plus grave s'il est perpétré par un non-Suisse. (Le Courrier, 3.6.2010)
Zürich : Deux soldats suisses en civil sont pris pour des terroristes. L’un d’eux était Noir
Un soldat qui a venait de son cours de répétition montre à un collègue Noir son fusil d’assaut dans sa voiture.
Un inconnu annonce à la police que «deux Noirs sont en train de manier une arme à feu». Un détachement de
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la police anti-terroriste anti-terroriste se déplace et tire les deux hommes de la voiture, les font s’agenouiller sur
la rue jusqu’à ce qu’il s’avère que c’était une fausse alarme. L’homme Noir a été entretemps traité de «nègre» à
plusieurs reprises, notamment en le menaçant de coups : «Tiens-toi tranquille nègre, sinon on te passe un
savon». (Chronologie GRA.ch, 19.06.2010)
Elgg (ZH) : Encore des images animalières pour fustiger la présence étrangère
Willy Schmidhauser, président des Démocrates suisses de Thurgovie, a publié une lettre de lecteur dans la
Elgger Zeitung. Il y évoque d’abord le danger représenté par les espèces animales non indigènes immigrées,
puis passe abruptement aux êtres humains. Il écrit : «Il y a en Suisse bientôt deux millions d’étrangers à notre
région, représentant plus de 140 nations, cultures et religions. Aucune trace d’une autorisation de détention,
aucune analyse de risque scientifique (…). Mais qu’en est-il des «parasites bipèdes» et jusqu’où la population
indigène doit-elle encore subir toutes les conséquences et les surprises néfastes que nous réserve notre «parc
de stabulation libre?». (Elgger Zeitung, 26.06.2010 ; Chronologie GRA.ch)
Bex (VD) : 6 mois requis contre un Africain ayant appelé à manifester contre « Nègres go home »
Le Ministère public a requis une peine de six mois d'emprisonnement à l'encontre d'un Africain qui a comparu
devant le Tribunal correctionnel de Vevey pour incitation à l'émeute suite à l'affaire Corboz à Bex (VD). Ses
trois coaccusés ne se sont pas présentés. Le rassemblement d'une trentaine d'Africains avait été provoqué par
les slogans racistes peints sur les murs de la cité par l'élu UDC André Corboz le 10 mai 2005. Dans son
réquisitoire, le substitut du procureur a estimé que l'accusé était l'un des quatre meneurs de l'émeute qui s'est
produite à Bex le 10 mai 2005. «On peut manifester contre le racisme, mais on ne peut pas commettre des
dégâts sur des véhicules, faire peur aux gens et agresser des policiers», a relevé le représentant du Ministère
public. «Même en réaction aux tags, cette réaction est totalement disproportionnée». Le 15 février 2007, M.
Corboz, à l’origine des incidents, avait lui été condamné pour discrimination raciale à 90 jours-amende (150
francs par jour) avec sursis pendant deux ans et à une amende de 1500 francs. (RTS Info, 28.06.2010)
Lausanne : Scandale et délation à la police lausannoise à propos de brutalités anti-Noires
Un agent de la police municipale lausannoise, blanchi par la justice le 16 janvier, sur la base des témoignages
de ses collègues, dans l’affaire des brutalités policières à l’endroit d’un jeune Erythréen en 2006, aurait bel et
bien été coupable des faits qui lui étaient reprochés : violences sur mineur. L'une de ses collègues, outrée du
défilement de témoignages policiers en faveur de l'accusé, a accusé plusieurs membres de police secours de
s'être concertés pour lui fournir de faux témoignages. Elle a ainsi affirmé que l'un de ces témoins lui avait
raconté l'histoire, dans des termes qui corroboraient entièrement la version de la victime présumée de brutalités
policières. Rapidement informé, le juge d'instruction a alors fait interpeller deux des agents qui avaient déposé
en faveur de leur collègue. Si le premier a maintenu sa première version, le second a fini par craquer et s’est dit
soulagé de pouvoir enfin dire la vérité. Il a été inculpé pour faux témoignage et entrave à l'action de la justice.
(24 Heures, 28.06.2010)
Berne fédérale : L'autopsie du Nigérian décédé ne clôt pas le débat sur les expulsions. Ni les insultes
Selon un rapport d’autopsie, la mort du Nigérian de 29 ans décédé lors de son expulsion forcée le 17 mars à
l'aéroport de Zurich serait due en partie à des causes naturelles. L'homme souffrait d'une grave maladie du
coeur qu'il n'était pratiquement pas possible de détecter de son vivant. La mort a été causée par une déficience
cardiaque, à mettre en lien avec la grève de la faim que le détenu avait commencée quelques jours auparavant
et à un « état d'agitation intense ». L'ODM a annoncé en mai que, désormais, une équipe médicale, serait
présente lors de la préparation de chaque vol spécial pour l'encadrement médical des personnes à renvoyer. Les
conclusions du rapport d'autopsie ne rassurent pas Amnesty International (AI) : « La prédisposition cardiaque
est un élément, mais le stress en est un autre », a déclaré pour sa part Denise Graf, la représentante de
l’organisation en Suisse. (Le Temps, 29.06.2010)
Par ailleurs, l’organisation Augenauf, qui critique souvent la politique et les pratiques de l’Office fédéral des
migrations (OFM) a recu plusieurs courriels désobligeants. Un inconnu, par exemple, a écrit : « C’est dommage
que tous les Nigérians n’aient pas crévé. Pourquoi soutenez-vous cette racaille ? » Pour un certain Konrad
Schläpfer, «il faut tout de suite éliminer tous ces parasites et la bande d’augenauf avec! ». Un autre, M Stökli
déclare: « On ne s’étonne pas que la population considère que ce soit une bonne chose qu’il y en ait un de
moins de ces sales dealers noirs ». (Augenauf-Bulletin, No 65, juni 2010)
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Genève : Le procureur ne s’empresse pas trop contre le blanchiment d’argent sale africain
Le procureur général genevois Daniel Zappelli a été remis à l'ordre par le Conseil supérieur de la magistrature
(CSM), dans une affaire de détournement de fonds au profit des plus hauts dignitaires angolais avec la
complicité de plusieurs intermédiaires. Il ne serait pas assez empressé à poursuivre les affaires de blanchiment
d’argent sale africain. (Le Courrier, 7.07.2010)
Lausanne : Du «délit de faciès» et «profilage racial» à la «recherche ciblée» au sein de la police …
Le tout premier avis du Comité d'éthique de la police lausannoise, intitulé Du «délit de faciès» à la «recherche
ciblée» de personnes, a été distribué aux agents et rendu public hier. Constitué en janvier 2009 seulement, le
comité a d'abord planché sur la question du «délit de faciès» suggérée par ACOR SOS Racisme, suite à une
interpellation collective de présumés dealers, d'origine africaine, à une heure de forte affluence sur la place
Chauderon. L'opération avait mobilisé de nombreux policiers et avait pu être ressentie comme une volonté de
stigmatiser une minorité aux yeux du public. Pour le Comité d'éthique de la police, il ne s’agissait pas de «délit
de faciès», ni de «profilage racial», mais plutôt de «recherche ciblée», selon cinq critères qu’ils ont définis. Il
n’en demeure pas moins que le recours à la pratique de « recherche ciblée » introduit également une
discrimination visant une population donnée ... (La Liberté, 3.07.2010)
Berne fédérale : Des observateurs nigérians seront embarqués à bord des vols spéciaux.
La présence à bord des avions de renvoi des représentants nigérians, en plus de la police, des observateurs
indépendants permettra la reprise des vols spéciaux suite au décès d'un passager ligoté de force en vue de son
renvoi vers Lagos en mars. L'enjeu pour la Suisse est de signer un accord migratoire. Pour que le Nigéria
accepte la reprise des vols spéciaux, la Suisse a fait plusieurs propositions. Manon Schick, porte-parole
d'Amnesty International, plaide pour que les observateurs présents aient de réelles compétences dans les droits
humains, et la présence des autorités du pays d'origine, en l'occurrence d'un Etat qui n'est pas au-dessus de tout
soupçon, pose des problèmes de sécurité à la personne renvoyée. Le Nigéria voulait que la Suisse accepte des
quotas de travailleurs. Pour l'ODM, c'est exclu. D'autres propositions sont explorées. (La Liberté, 15.07.2010)
Confédération : Pour s’en prendre aux étrangers, l'UDC ne compte pas
La révision de la loi sur l'asile vient d'être transmise au parlement et l'initiative sur le renvoi des étrangers sera
soumise au peuple le 28 novembre 2010. Les ménages suisses recevront une publication de 24 pages sur cette
thématique, comprenant également un sondage sur une série de mesures de restrictions préconisées par le parti.
Les propositions vont de la résiliation de l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'Europe au retrait
d'une autorisation de séjour en cas de dépendance durable à l'aide sociale. Les sondés ont aussi la possibilité de
partager leurs idées sur un blog. De quoi fournir à l'UDC le matériel de base pour deux campagnes : sur son
initiative sur le renvoi des étrangers et pour les élections fédérales de 2011. L'UDC n'a pas voulu fournir de
chiffres sur l'aspect financier de l'opération. On peut facilement évaluer la facture à plusieurs centaines de
milliers de francs. En 2007, l'UDC avait utilisé la même formule, en plus modeste, pour le lancement de
l'initiative pour le renvoi des étrangers criminels. Cette «démocratie tout-ménages» avait permis de récolter 90
000 signatures. Et fait parler de l'UDC. (Le Courrier, 28.07.2010)
Opfikon (ZH) : Quand Fête nationale rime encore une fois avec affirmation d’une « Suisse Blanche »
Dans son discours du 1er août qui, selon l’usage, s’est déroulé à l’église, lors d’une cérémonie œcuménique le
vert-libéral Urs Wagner, président du conseil communal d’Opfikon, n’a pas hésité à tenir des propos racistes,
notamment : «La Suisse a une culture blanche et la gardera. Il faut donc tirer les conséquences nécessaires.
Elle va continuer à développer cette culture avec les autres états européens. Les influences des cultures non
occidentales se mélangent parfois positivement avec notre culture. L’établissement de personnes originaires de
cultures extra-européennes doit cependant être refusé, car cela représentera une sorte de surmenage»… Le
journal local Stadt-Anzeiger, qui a publié le texte intégral, a généré de vives réactions sous forme de lettres de
lecteurs. (Stadt-Anzeiger, 1.08.2010 ; Chronologie GRA.ch)
Berne : « Tu es Noir, eux sont Blancs et moi aussi », pour justifier un contrôle au faciès dans le train
Un homme Noir entre dans le train omnibus de Berne vers Worb. Deux contrôleurs de train le suivent et lui
demandent son titre de transport. L’homme décrit la suite des événements dans une lettre de lecteur à la
«Berner Zeitung» : « Les autres passagers ont sorti leurs billets et abonnements. Les contrôleurs se sont
pourtant dirigés directement vers un groupe de passagers Noirs (qui ont présenté leur titre de transport à la
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ronde), sans contrôler les autres passagers. Etant impliqué directement, j’ai demandé la raison de cette
mesure. La réponse du contrôleur a été simplement : «Tu es Noir, eux sont Blancs et moi aussi» ». Dans sa
prise de position, le porte-parole du service de transport a écrit qu’il ne pouvait pas confirmer l’incident «sous
cette forme» sans indiquer d’autres éléments. (Berner Zeitung, 4.08.2010; Chronologie GRA.ch)
Berne fédérale : Le racisme continue à frapper surtout les Noirs
En 2009, les cinq centres de consultation anti-racistes travaillant avec la Commission fédérale contre le racisme
(CFR) et l’association Humanrights.ch, ont documenté 162 cas qui relevaient effectivement du racisme, de
l'intolérance ou de la xénophobie. En 2008, 82 cas avaient été compilés. Pour la CFR, une chose est : en 2009,
de nombreux cas ont été annoncés par des témoins, des parents, des tiers ou des institutions, ce qui peut être
interprété comme une sensibilisation croissante du public. La CFR constate aussi que les remarques et les
propos grossièrement discriminatoires se font de plus en plus à la légère, notamment dans l'espace public mais
aussi au travail. Ce qui ne change pas en revanche, c'est que les personnes originaires d'Afrique et d'Europe
centrale, avec ou sans la nationalité suisse, restent plus fréquemment victimes de discrimination,
particulièrement dans le monde du travail et dans l'espace public. Ce racisme est souvent exprimé sous la forme
de propos humiliants et concerne majoritairement des hommes adultes. (Le Matin, 17.08.2010)
Lausanne : « J’en ai marre d’être assimilé à un dealer par des drogués et par la police »
Anasthase Lokomon, jeune Suisse Noir de 33 ans parle de son expérience de vie à Lausanne, dans le climat
délétère actuel, difficile à vivre quand on est Noir et jeune : « J’en ai marre de passer pour un dealer. Cela me
révolte ». Il raconte comment il se fait aborder par des drogués qui lui demandent de la came mais aussi le fait
qu’il se fait régulièrement contrôlé par la police, avec des issues parfois dramatiques.
En décembre 2009, un inconnu lui demande de la coke et devient agressif lorsqu’il lui affirme qu’il se trompe.
Il réussit à éviter le coup de couteau visant son ventre, prend la fuite et appelle la police qui arrête l’agresseur.
Quelques mois auparavant, un même quiproquo finira en altercation avec dépôt de plainte. Un arrangement au
tribunal clôturera l’affaire. Le Lausannois obtiendra des excuses et 100 francs de dédommagement …
En octobre 2006 dans le train Lausanne-Yverdon où un contrôle par la police ferroviaire finira par une fouille
intime dans les locaux du poste de la gare de Lausanne. «C’était humiliant. J’étais nu et ils m’ont demandé de
m’accroupir». Surtout, «quand ils ont fini de contrôler mon identité, les agents m’ont demandé pourquoi je
n’avais pas dit plus tôt que j’étais Suisse». Anasthase dépose alors plainte. La police dira au juge qu’il n’avait
jamais été interpellé. Deux fois, il y a non-lieu. Obstiné, le Lausannois a poussé l’affaire devant la Cour
européenne des droits de l’homme à Strasbourg. En 2007, le 10 juillet, il porte encore plainte pour avoir été
molesté par des policiers ferroviaires à qui il refusait de montrer ses papiers d’identité, car «ces hommes étaient
en civil et ne se sont pas légitimés». On lui donne tort et il est condamné à une semaine de travaux d’intérêts
publics … Mais aucun regret d’être Noir : «Que cela soit clair, je ne me blanchirai pas comme Michael
Jackson». (24 Heures, 17.08.2010)
Lausanne : « Les demandeurs d’asile Noirs viennent en Suisse pour faire du trafic de drogue »
Des tracts anonymes sont distribués dans plusieurs boîtes aux lettres de la ville. Il y est notamment écrit que
« les demandeurs d’asile Noirs viennent en Suisse pour y faire du trafic de drogue ». (24 Heures, 26.08.2010)
Bienne : La police tire sur un ressortissant ivoirien
Hier vers 17h25, un ressortissant ivoirien de 22 ans a été blessé à une jambe par un coup de feu tiré par un
policier. La police l'aurait sommé à plusieurs reprises de s'arrêter. Les unités spéciales de la police cantonale
voulaient procéder à son interpellation dans le cadre d'une procédure pénale pour brigandage qualifié, viol et
contrainte sexuelle, à Bienne. Il a été emmené à l'hôpital, mais ses jours ne sont pas en danger. En compagnie
d'une vingtaine de compatriotes, un citoyen biennois d'origine africaine a manifesté son soutien au blessé aux
abords de l'hôtel. Une confrontation entre les manifestants et les forces de l'ordre, qui ont sécurisé le périmètre
fermé durant près de trois heures, a pu être évitée grâce à la médiation des membres de la brigade Sécurité,
Intervention, Prévention qui s'étaient rendus sur les lieux par hasard. La police cantonale va tenter d'établir les
circonstances exactes des évènements qui se sont déroulés. (Le Journal du Jura, 15.10.2010)
Bienne : Un suspect ivoirien sous les verrous pour le meurtre d'une prostituée
Les forces de l'ordre ont arrêté un ressortissant ivoirien de 20 ans, suspect dans le cadre de l'homicide d'une
prostituée brésilienne de 45 ans qui a été retrouvée morte lundi dernier dans un salon de massage. Pour rappel,
la police avait retrouvé l’objet tranchant qui a vraisemblablement servi pour le meurtre. Quant au déroulement
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de cette arrestation « elle s'est passée tout à fait normalement, il n'y a pas eu d'usage des armes », confie
Nicolas Kessler, porte-parole de la police cantonale, contrairement à l'interpellation de jeudi soir à la rue du
Marché-Neuf (voir ci-dessus), durant laquelle, un suspect a été blessé par balle. Nicolas Kessler a refusé
d'établir un lien entre les deux interpellations. Toutefois, le Matin dimanche révélait hier que des prostituées
avaient porté plainte contre un ressortissant africain pour deux violentes agressions. Selon elles, l'homme qui
les a agressées par deux fois serait le même qui a tué la Brésilienne.
La police cantonale a confirmé le 18.10 que le ressortissant ivoirien blessé jeudi par un coup de feu policier alors qu'il tentait d'échapper aux forces de l'ordre - avait bien fait l'objet d'un contrôle avant d'être relâché. Une
procédure judiciaire ainsi qu'une enquête interne ont été ouvertes pour déterminer si l'utilisation de l'arme à feu
par la police était justifiée. (Le Journal du Jura, 18 & 19.10.2010)
Genève : Le MCG revoit son affiche et déclenche une nouvelle polémique
Nouvelle provocation du Mouvement citoyen genevois (MCG). Hier, Eric Stauffer, son président, a présenté
une nouvelle mouture d'affiches sur le renvoi des criminels étrangers (votation fédérale du 28.11.2010). Elle est
destinée à remplacer celle mettant en scène Kadhafi, une version censurée par les autorités et qui
contreviendrait à la loi. Eric Stauffer a à la place récopié le logo et un article du quotidien 20 minutes rapportant
les menaces d'Hannibal. Son bouclier : si l'affiche est interdite, cela signifie qu'il faudrait retirer de l'ensemble
des sites Internet tous les articles causant un outrage aux Kadhafi. Le subterfuge est illégal, selon Caterina
Arias, juriste chez Edipresse : « L'utilisation commerciale de cet article ne respecte pas les droits de ces deux
rédacteurs. C'est une violation des droits d'auteur ». Si on refuse l'affichage, Eric Stauffer assure que « les
militants du MCG iront eux-mêmes placarder les affiches, et sur les emplacements officiels ».
La SGA (Société générale d’affichage) a pris soin de caviarder le portrait incriminé, sur l'ordre du Conseil
d'Etat, pour ne pas jeter de l'huile sur les relations déjà brûlantes entre la Suisse et la Libye. Le chef de
l'information du Département des affaires étrangères (DFAE) avait d'ailleurs confirmé aux autorités
genevoises « la possibilité que les autorités libyennes saisissent la justice genevoise dans le cas d'une
publication des affiches ». (Tribune de Genève, 20.10.2010).
Berne : « Sous l’apartheid, une culture évoluée cohabitait avec une culture de l’âge de la pierre »
Cherchant sans doute à mieux faire connaître à son public l’Afrique du Sud sous l’apartheid, le mensuel
Standpunkt, organe du petit parti populiste Union démocratique fédérale (UDF), plus implanté en Suisse
alémanique que romande, a publié un texte de Dorothea Scarborough, présidente de l’Union évangélique
conservatrice sud-africaine, Sous le titre «United Christian Action», elle écrit : « L’apartheid est le terme
afrikaans pour développement séparé. Il était nécessaire pour gérer la cohabitation entre une culture évoluée
chrétienne-européenne et une culture animiste-africaine de l’âge de la pierre. Elle a été un succès dans la
mesure où elle a permis aux Noirs d’intégrer la civilisation chrétienne de manière relativement rapide. Un
mouvement de libération nationale (marxiste) a fait du mot «apartheid» une insulte et un synonyme de haine
raciale et de répression » ... (Standpunkt, novembre 2010 ; Chronologie GRA.ch)
Opfikon (ZH) : Le maire qui refusait l’implantation de «non-Blancs» sur sol suisse a été éjecté
« La Suisse a une culture d'hommes Blancs et la gardera. (...) Il faut refuser l'implantation de non-Blancs sur le
territoire européen » (voir ci-dessus). Cette déclaration du premier citoyen d'Opfikon, durant son discours du
1er août dernier, jour de fête nationale, a coûté son poste à Urs Wagner, déjà exclu par son parti, les Verts
libéraux. Ce physicien de 44 ans, diplômé de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, reste cependant membre
du parlement de sa commune, où il siégeait depuis 2006. (20 Minutes, 2.11.2010).
Bienne : « Je ne démissionnerai pas », affirme Lumengo, condamné pour fraude électorale
Après sa condamnation pour fraude électorale, le Parti socialiste a demandé à Ricardo Lumengo de quitter le
Conseil National. Mais le premier Noir élu sous la coupole refuse de céder. « Ce jugement n'est pas
acceptable : je suis innocent », proclame Ricardo Lumengo. Le Tribunal pénal de Bienne vient de déclarer le
conseiller national coupable de fraude électorale. Son propre parti, par la voix de Christian Levrat, président du
PS, réclame déjà sa démission. Ricardo Lumengo fera appel contre ce jugement.
Pour rappel, il avait rempli 44 bulletins électoraux de sa main, lors des élections au Grand Conseil bernois de
2006. Selon le juge, « remplir un bulletin de vote pour un tiers, c'est interdit par la loi bernoise, plus sévère
que la loi fédérale ». « Je l'ai fait pour rendre service », réplique Lumengo, juriste d'origine angolaise. L'étude
graphologique avait montré que les 47 bulletins litigieux saisis lors du dépouillement en 2007 n'étaient pas
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remplis de sa main. Mais lorsque le vice-chancelier biennois a ressorti les 44 bulletins qui portaient la même
écriture un an plus tôt, lors des élections au Grand Conseil, une instruction a été ouverte pour fraude électorale.
« J'ai commis une erreur d'appréciation », admet Ricardo Lumengo. « Je voulais aider les électeurs à remplir
leur bulletin eux-mêmes. » « Ce ne sont pas des bulletins qui ont été remplis, mais des spécimens censés servir
d'exemple. La volonté des électeurs a été respectée », a plaidé Me André Gossin, son avocat. Ce qui a joué un
mauvais tour a l'élu biennois, c'est que 44 électeurs ont voté par correspondance avec le bulletin rempli de sa
main. Le procès d'hier constituait une première pour la justice helvétique. A 48 ans, Ricardo Lumengo travaille
bénévolement comme consultant juridique dans un centre d'intégration. « Je reste un symbole. Et je continuerai
de défendre les défavorisés », affirme malgré tout Ricardo Lumengo. (Le Matin, 12.11.2010).
Berne fédérale : Deux textes soumis aux électeurs pour le renvoi des criminels étrangers
Le premier texte, initiative de l'UDC intitulé « Pour le renvoi des étrangers criminels », sera soumis au vote le
28 novembre réclame qu'un étranger condamné pour meurtre, viol ou tout autre délit sexuel, brigandage, trafic
de drogue, effraction, trafic d'êtres humains ou abus de prestations sociales soit automatiquement privé de son
titre de séjour ; ceci, indépendamment de la gravité de l'acte concerné. Les personnes en cause devront être
frappées d'une interdiction d'entrer sur le territoire suisse pendant 5 à 15 ans, voire 20 en cas de récidive. Elle a
été signée par plus de 210 000 citoyens.
Le second texte est un contre-projet de l'assemblée fédérale. Il vise à unifier la pratique actuelle en matière de
retrait de droit de séjour pour les criminels étrangers. Il dresse aussi une liste d'infractions, mais à titre indicatif,
car c'est l'intensité de la peine qui sert de référence. Un renvoi est prévu en cas de condamnation pour toute
infraction passible d'une peine privative de liberté d'au moins un an ou dans le cas de personnes ayant purgé des
peines totalisant 720 jours sur dix ans. Dans la situation actuelle, les cantons procèdent déjà à des expulsions de
criminels étrangers. Des pratiques qui varient fortement d'une région à l'autre.
Selon le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, des problèmes pourraient surgir avec l'Union
Européenne : l'expulsion automatique de criminels étrangers sans prise ne compte des cas individuels, se
trouverait « en contradiction avec la libre circulation des personnes ». Par ailleurs, le principe de nonrefoulement est ancré dans la Convention européenne des droits de l'homme. (20 Minutes, 16.11.2010).
Suisse : Le CRAN lance une pétition de soutien à Lumengo
La presse fait état de la pétition du CRAN (Carrefour de réflexion et d'action contre le racisme anti-noir) en
soutien au conseiller national Ricardo Lumengo et qui circule sur internet. L'association déplore « que le
premier parlementaire d'origine africaine soir réduit à incarner le symbole du premier parlementaire suisse
condamné pour fraude électorale » alors que les traditions judiciaires et politiques suisses « se sont souvent
révélées plutôt complaisantes » à ce sujet par le passé. Le CRAN, qui dénonce le deux-poids-deux-mesures, en
veut pour preuve le cas de Christoph Blocher, qui avait pressé le bouton de vote d'une collègue parlementaire
absente en 1994. Le National avait refusé de lever son immunité. En 2003, l'UDC Ulrich Mathys avait inscrit
son nom sur 21 bulletins de vote lors d'un scrutin. Son procès s'était soldé par un non-lieu bien qu'il ait admis sa
faute, a souligné le CRAN. (20 Minutes, 25.11.2010 ; voir aussi la pétition en entier plus loin, 2e partie).
Olten (SO) : « Je ne veux jamais plus avoir affaire à un contrôleur aussi raciste »
Dans un courrier des lecteurs du journal Beobacher, on a pu y lire le courrier suivant d’une lectrice : « Dans le
train de Zurich à Olten, le contrôleur a contrôlé un jeune Noir. Ce dernier n’avait pas de billet. Alors qu’on
peut généralement acheter sans autre un billet dans l’inter-région, l’homme a dû se lever et acheter son billet
dans le couloir. Argument du conducteur: «Quand tu n’as pas de billet, tu n’as pas le droit de t’asseoir». Ce
n’était pas le tutoiement qui était le plus choquant, mais le fait que le conducteur a encore donné ses intentions
de vote pour le 28 novembre. En tant que cliente fidèle des CFF, je ne veux jamais plus avoir affaire à un
comportement aussi raciste ». (Beobacher, 26.11.2010 ; Chronologie GRA.ch)
Lausanne : Policiers violents avec un jeune Erythréen jugés pour faux témoignage
L'affaire remonte à la nuit du Nouvel-An 2006. L'Erythréen, alors âgé de 16 ans, est interpellé à deux reprises
en ville de Lausanne. Il profère des insultes à l'égard des policiers. A partir de là, les versions divergent : le
mineur accuse les policiers de l'avoir embarqué dans leur fourgon et abandonné de nuit près du bois de
Sauvabelin, puis de lui avoir administré, par punition, du spray au poivre. Les accusés contestent les faits.
Dans un premier temps, un tribunal lausannois avait acquitté l'auteur du sprayage, sur la base du témoignage
des policiers présents. Mais une ex-inspectrice, qui avait recueilli les confidences d'un des policiers sur place
cette nuit là, a dénoncé ses collègues, les accusant de vouloir couvrir une bavure. Les cinq policiers sont
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renvoyés devant le Tribunal le la Côte, du 9 au 13 décembre. L'auteur du coup de spray est accusé de voies de
fait. Les quatre autres (trois hommes et une femme qui a quitté le corps de police depuis les faits) sont
poursuivis pour faux témoignages. (Le Courrier, 2.12.2010).
Saint-Gall : Discrimination contre un Noir dans un car postal
Dans le courrier des lecteurs du St-Galler Tagblatt, une lectrice fait part de sa colère contre le chauffeur d’un
car postal circulant entre Saint-Gall et Rorschach, via Untereggen : «(…) Un motif de colère supplémentaire est
que certains chauffeurs se permettent ici et là des remarques racistes à l’égard des étrangers. Mais cela n’est
pas tout. Récemment, j’ai observé un jeune étranger qui était le seul passager à entrer à Goldach près du
chauffeur pour montrer son billet. Qu’est-ce que ça veut dire? Chers chauffeurs, il n’y a pas de raison de
demander plus particulièrement aux jeunes qui ont le teint foncé de montrer leur billet». (St-Galler Tagblatt,
14.12.2010 ; Chronologie GRA.ch)
Confédération : Etrangers peu qualifiés champions de l'aide sociale
Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), sur les 230 010 bénéficiaires de l'aide sociale en 2009, 45,5%
étaient d'origine étrangère. Au premier rang se trouvent les ressortissants de l'ex-Serbie-et-Monténégro avec 15
287 personnes. Les Turcs figurent au deuxième rang avec 11 160 cas, devant les Italiens (8671) et les Portugais
(8290). Proportionnellement à leur population résidente en Suisse, les citoyens de Somalie, du Yemen et de
Guinée-Bissau sont particulièrement nombreux à recevoir de l'aide : ils sont pratiquement un sur deux.
« Les immigrés qui touchent l'aide sociale travaillent dans des secteurs de très bas revenus. Ils n'ont
pratiquement aucune chance de s'améliorer professionnellement », a expliqué Walter Schmidt, président de la
Conférence suisse de l'aide sociale. Ces personnes ont également des familles qui comptent plus d'enfants que
la moyenne suisse et, parce que peu ou pas qualifiés, « ce sont les grands perdants sur la marché du travail »,
estime l'économiste George Sheldon, de l'université de Bâle. (20 Minutes, 27.12.2010)
FAITS MARQUANTS - 2011
Fribourg : Des clients accusent un bar de discrimination raciale
Ces derniers temps, plusieurs personnes d'origine africaine, habitant Fribourg et ses environs, affirment s'être
vu refuser l'entrée de La Habana, un café situé à Fribourg. L'une d'entre elles a même subi des violences.
Toutes dénoncent une discrimination. Du côté de La Habana, le patron réfute avoir bloqué l'accès à des clients
à cause de leur couleur de peau. (La Liberté, 11.01.2011)
Berne fédérale : « Les autorités sont responsables » à propos du décès d'un Nigérian à Kloten en 2010
Michel Romanens, cardiologue et président de l'association Ethique et médecine, accuse les autorités en charge
des expulsions d'être « entièrement responsables » de la mort du requérant d'asile nigérian en mars 2010, et
conteste les résultats de l'autopsie. L'institut de médecine légale de l'université de Zurich est arrivé à la
conclusion que le Nigérian souffrait d'une grave maladie cardiaque presque impossible à détecter. Pour Michel
Romanens, ce diagnostic s'apparente à une « construction » permettant de couvrir les autorités. Rien ne
prouvait que l'homme souffrait d'une maladie cardiaque. Il n'est pas exclu que l'état de faiblesse dans lequel il
se trouvait après au moins quarante jours de grève de la faim, combiné au stress de la situation, ait suffi à
provoquer une arythmie mortelle. Cela aurait dû dissuader les autorités d'exécuter le renvoi.
C’est dans un article du Bulletin des médecins suisses que le cardiologue appelle la profession à refuser son
concours lors des expulsions par vols spéciaux, dans des conditions «éthiquement inacceptables». Le président
de la Fédération des médecins suisses (FMH) a également fait part de son scepticisme dans la presse et critiqué
l'absence de formation spécifique pour les accompagnants. Le 15 mars, le Ministère public zürichois a ordonné
une nouvelle autopsie. (Le Courrier, 25.03.2011)
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Zürich : Pour le Parquet de la ville, «nègre» n'est pas raciste
Un tract des Démocrates Suisses contenant le mot "nègre" n'a pas été reconnu comme raciste par le Ministère
public zurichois. Les Démocrates suisses n’ont pas violé la norme antiracisme en distribuant, lors de la
campagne des récentes élections cantonales zurichoises, un tract avec le mot «nègre» comme réponse dans une
grille de mots-croisés. Selon le Ministère public zurichois, les DS n’ont pas dépassé la limite dans ce
prospectus. Toutes les déclarations xénophobes et de mauvais goût ne sont pas forcément punissables, explique
la porte-parole du Ministère public Corinne Bouvard. « Pour être délictueux, les propos doivent grossièrement
bafouer la dignité humaine », a-t-elle indiqué. Et cette ligne jaune n’est pas franchie dans le prospectus. Pour
Georg Kreis, président de la Commission fédérale contre le racisme, «une telle décision est presque une
incitation à la diffamation raciale des africains». (24 Heures, 20 Minutes, 6.04.2011)
Berne fédérale : Pour l’extrême-droite xénophobe, Lumengo doit être expulsé vers son pays d’origine
Dans un communiqué de presse, le Parti nationaliste suisse (PNS) demande la démission du conseiller national
socialiste Ricardo Lumengo, poursuivi pour « fraude électorale » et «son expulsion vers son pays d’origine,
l’Angola». (Communiqué PNS, 22.04.2011 ; Chronologie GRA.ch, avril 2011)
Genève : De plus en plus difficile de déposer plainte dans les postes de police genevois pour racisme
Une jeune femme fait l'objet d'insultes racistes dans un commerce. Un Sans-papiers est grugé par une fausse
propriétaire et verse une caution pour un logement qui n'existe pas. Tous, victimes d'infractions plus ou moins
graves, ont eu grand peine à faire enregistrer leur plainte par la police. Ces témoignages, corroborés par des
associations de défense des victimes, éclairent sur la difficulté pour les plaignantes de justifier leur démarche.
Selon Me Pierre Bayenet, avocat et membre de l'Observatoire des pratiques policières, « dans de trop
nombreux cas, les gendarmes dissuadent les plaignants et vont parfois même jusqu'à refuser d'enregistrer les
plaintes, sous divers prétextes ». La Commission fédérale contre le racisme renvoie régulièrement des
plaignants imposer leur plainte. « Cette attitude n'est pas propre à Genève, mais on y relève plus de refus
qu'ailleurs », regrette Kathrin Buchmann, de la Commission. Du côté de la police, officiellement, on assure que
toutes les plaintes sont enregistrées. (Tribune de Genève, 2.05.2011)
Neuchâtel canton : Les requérants se résignent à intégrer leur «prison»
La tension était montée en début de semaine, lorsque 31 jeunes hommes placés dans les centres d'accueil
saturés de Couvet et Fontainemelon se sont vu signifier leur transfert dans un abri PC de la cité horlogère.
« C'est une prison ! », s'étaient emportés les requérants en voyant les locaux borgnes et les dortoirs équipés de
couchettes étroites. Les autorités soulignent qu'il s'agit d'une structure provisoire et d'une solution d'urgence
face à l'arrivée de demandeurs d'asile dans le canton de Neuchâtel. (20 Minutes, 6.05.2011).
Berne : Selon la justice, « Lumengo n'est pas un fraudeur »
Le conseiller national bernois n'a pas commis de fraude électorale. « Je suis complètement acquitté » a déclaré
Ricardo Lumengo à l'issue de son procès en appel. Si la Chambre pénale de la Cour suprême bernoise a libéré
le politicien de la prévention de fraude électorale lors des élections pour le Grand Conseil en 2006, elle ne l'a
pas pour autant épargné. Le président a ainsi mis plusieurs fois en doute sa crédibilité. Lumengo a admis les
faits mais a expliqué avoir voulu aider des électeurs, contestant la fraude électorale. (20 Minutes, 19.05.2011)
Berne fédérale : Le nombre de cas de racisme dénoncés augmente
Les actes de racisme dénoncés auprès du Réseau de consultations pour les victimes ont augmenté en 2010, mais
plus légèrement que les années précédentes. Une hausse manifeste notamment pour les personnes de couleur ou
pour les personnes relevant de l'abus de pouvoir. Les sept centres de consultation qui participent au rapport, le
troisième du genre, ont répertorié 178 cas relevant effectivement d'un contexte de discrimination raciale, contre
162 en 2009, indique le rapport publié par la Commission fédérale contre le racisme (CFR) et l'association
humanrigths.ch. Les incidents rapportés vont « du racisme subtil ordinaire aux blessures corporelles ». En
outre, une part considérable des incidents traités est associée à une forme latente et vague de xénophobie ou
d'intolérance, à la couleur de la peau ou à l'islamisme. Les personnes les plus fréquemment victimes de
discrimination raciale proviendraient d'Afrique subsaharienne (42), d'Europe centrale (26), et d'Afrique du
Nord (23). (Tribune de Genève, 20.06.2011).
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Lausanne : « Racisme » et « sexisme » à l'EMS
Le syndicat des Services publics et le Mouvement de lutte contre le racisme dénoncent le traitement infligé à
des employées d'un EMS lausannois. Ils ont saisi l'Office de médiation et écrit au Conseil d'Etat. Les deux
parlent de la «terreur» que ferait régner une nouvelle infirmière cheffe et de harcèlement et organisé et soutenu
par la direction. Elles affirment que les employées ont été victimes de «racisme et de sexisme». La Fédération
patronale des EMS vaudois juge ces accusations « totalement scandaleuses ». (20 Minutes, 8.07.2011)
Wettingen (AG) : «Dehors les nègres et Négresses!».
Un vendredi matin de début septembre, une Africaine Noire trouve régulièrement, depuis des mois, des lettres
dans sa boîte avec l’exhortation suivante : «Dehors les nègres!». Sa sœur, également domiciliée à Wettingen,
reçoit le même courrier. Les deux femmes ont voulu dénoncer ce harcèlement à la police, mais elles ont été
découragées plusieurs fois, jusqu’à ce qu’elles dlcident de déposer plainte pénale contre inconnu. (Chronologie
GRA.ch, septembre 2011)
Berne fédérale : Expulsé au Cameroun et menacé à cause d'une fuite de papiers suisses
Geordry, un Camerounais de 26 ans, et un des protagonistes du documentaire Vol spécial de Fernand Melgar,
tourné dans le centre de détention administrative de Frambois (VD), a été expulsé de force et s'est retrouvé
quelques mois plus tard en prison au Cameroun. Aujourd'hui, après 5 mois derrière des barreaux, il vit caché à
Yaoundé. Car il craint d'être à arrêté par la police pour le seul fait d'avoir demandé l'asile en Suisse.
Geordry a déposé une demande d'asile à Vallorbe le 10 avril 2006. Débouté par l'Office fédéral des Migrations
(ODM), il est incarcéré le 22 octobre 2009 à Frambois. Le 4 mars 2010 au petit matin, il est expulsé de force,
par vol spécial, vers le Cameroun, où il apprend que la police locale détient des preuves qu'il a demandé l'asile
en Suisse. Convoqué le 25 décembre. Il est emprisonné de force à la prison Kondengui, partageant avec 14
détenus une cellule insalubre de 4m2. Libéré le 26 mai 2011, il doit rester à la disposition de la justice. Un
rapport de la police fait état de l'interpellation de Geordry, « détenteur d'un ensemble de documents dont les
origines paraissent douteuses » (un laisser-passer établi par l'ambassade du Cameroun à Berne, sa fiche
signalétique de Frambois et son permis N de requérant d'asile). Pour Fernand Melgar, la situation est
grave : « Geordry est en danger. La Suisse doit le protéger ». Rencontré en juin à Yaoundé, Geordry a raconté
les tortures subies en prison pour avoir « sali l'image de son pays à l'étranger ». (Le Temps, 14.09.2011)
Suisse : Appel à la haine contre une métisse élue Miss Suisse
Le Parti des Suisses nationalistes (PNOS) a critiqué sur son site les origines multiraciales d’Alina
Buchschacher, élue plus belle femme du pays le 24 septembre dernier. Son président, Dominic Lüthard, y
décrit la récente élection de Miss Suisse comme une «anormalité qui semble devenir la normalité». Une
manière de critiquer sur le plan racial Alina Buchschacher, dont la mère Farina vient de Trinité-et-Tobago, dans
les Caraïbes. L’auteur, âgé de 28 ans, s’en prend aussi aux médias, accusés de contribuer à la «décomposition
multiculturelle de notre société». Le PNOS rejette l’«appauvrissement multiculturel par principe sous le
drapeau suisse». Dans un photo-montage, la mention «Miss Suisse» sur l’écharpe de la belle a été remplacée
par «Miss Multikulti» avec, sur un fond, l’inscription «Schweiz Secondas plus», du nom d’un mouvement qui
milite pour une meilleure intégration de jeunes Suisses issus de l’immigration.
En 2008, la métisse Vaudoise Whitney Toyloy, également nouvelle Miss à l’époque, avait été assimilée à un
«ulcère» par le même Dominic Lüthard. Selon un expert en droit consulté par Blick, les propos du PNOS sont
totalement inacceptables, mais ne tviolent pas a priori l’art. 261 bis. (Tribune de Genève, 28.09.2011)
Valais : Et si le jeu «Qui a peur de l’homme Noir?» s’appelait plutôt «Qui a peur de l’homme Juif»?
Le débat fait rage en Valais. Des parents dénoncent le fait que leur fils métis s’est vu proposer ce jeu en cours
de gym. Faut-il bannir de notre vocabulaire la question «Qui a peur de l’homme noir?» De prime abord, ce
n’est qu’un jeu de poursuite qui se pratique dans les cours de gymnastique et sous les préaux d’école. Mais le
nom qui lui est donné suscite le débat en Valais. A Monthey, les parents de quatre enfants métis sont partis en
guerre contre ce qu’ils qualifient de «racisme pur et simple».
L’histoire débute en mai 2010. Hedi Putallaz, marié à une Afro-Américaine, découvre, scandalisé, que parmi
les jeux pratiqués dans l’école figure «Qui a peur de l’homme Noir». Il obtient de l’école le retrait du jeu, puis
le changement du message, par l’appellation «Le loup dans la bergerie». Mais, le mois dernier, un professeur
de gymnastique a une nouvelle fois proposé au fils Putallaz de jouer à «l’homme Noir». Pour Hedi et son
épouse, Aleiah, c’en était trop! Ils reprennent contact avec l’école et aussi avec le Service de l’enseignement
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valaisan. Leur exigence: «Une directive officielle du Canton doit dire que cette appellation est changée». Car,
précisent-ils, le terme reste utilisé dans d’autres écoles du canton. Leur credo: «Le Valais ne doit pas être
considéré comme le Mississippi de la Suisse!»
«Anodin», selon le chef du Service valaisan de l’enseignement : «Si, à l’échelle du canton, nous décidions
d’appeler ce jeu «Qui a peur du loup?» nous nous mettrions aussi des gens à dos». Anecdotique? Plutôt un
«déni» pour les Putallaz. «Jouer à «l’homme noir», c’est comme retourner à ce passé hideux qu’ont vécu mes
ancêtres», estime Aleiah Putallaz. «Si ce jeu s’appelait «Avez-vous peur de l’homme Juif» ou «de
l’homosexuel», comment réagiriez-vous?» renchérit son époux.
Un avis partagé par la Commission fédérale contre le racisme, qui rappelle que la Constitution interdit toute
discrimination du fait, notamment, de la race. Cette façon de stigmatiser les «personnes de couleur» en tant que
«bougres imbéciles» fait référence au temps du colonialisme; « c’est une attitude que l’on peut par conséquent
qualifier aujourd’hui de raciste ». Hedi et Aleiah Putallaz, eux, maintiennent leur exigence de voir le Canton
intervenir. A défaut, menacent-ils, ils déposeront plainte. «Notre combat est juste. Dans un Etat de droit,
personne ne peut dire que nous avons tort». S’il le faut, ils iront jusqu’à la Cour européenne des droits de
l’homme. (Tribune de Genève, 17.10.2011)
Lausanne : Le Tribunal fédéral annule la décision d’acquittement de policiers contre un jeune Erythréen
Le recours auprès du Tribunal Fédéral (TF) du jeune Erythréen qui accuse des policiers lausannois de l'avoir
abandonné près des bois de Sauvabelin et sprayé au poivre le 1er janvier 2006 a été accepté. Dans un arrêt
rendu le 24 octobre et notifié le 2 novembre aux avocats des parties, le TF a estimé que le jugement n'avait pas
pris tous les éléments en compte. Pour l'avocate des policiers impliqués, la décision du TF ne signifie pas pour
autant que «les accusations du jeune homme sont vraies». Contre l'avis du Ministère public, trois instances
avaient successivement acquitté les policiers poursuivis. Le TF a relevé qu'en tant que mineur, l'Erythréen a été
victime d'un traitement dégradant s'il a effectivement été abandonné dans le bois de Sauvabelin. Par ailleurs,
concernant le sprayage, l'appréciation des éléments de preuves n'a pas été adéquate. Le Tribunal cantonal a
écarté des preuves déterminantes pour des motifs dépourvus de justification, selon le TF. Il n'a notamment pas
pris en considération des aveux écrits et confirmés au juge d'instruction de la part de certains policiers
impliqués. (20 Minutes, 5.11.2011)
Berne fédérale : « Ficeler des personnes à expulser comme des saucissons n'est pas acceptable »
Entraves trop fortes, requérants immobilisés sur leur siège pendant tout le vol, sans pouvoir aller aux toilettes,
saisie par surprise des personnes à refouler dans leur cellule engendrant un climat de violence, formation
insuffisante des policiers : voilà les principales critiques de la Commission nationale de prévention de la torture
(CNPT) concernant les vols spéciaux chargés d'expulser de force les requérants déboutés et clandestins, parmi
lesquels de nombreux Africains. Elle a adressé ses recommandations au Département fédéral de justice et
police (DFJP) et à la Conférence des directeurs cantonaux ad hoc. L'Office fédéral des migrations a réagi, à
travers le comité d'experts «Retour et exécutions des renvois», qui, justifiant la pratique actuelle, rappelle que
les vols spéciaux n'interviennent qu'en tout dernier recours, et qu'ils ont concerné 136 personnes en 2010. Pour
l'ODM, qui a admis le recours aux alaises de type «TravelJohn» (récipient pour faire ses besoins), « il y a lieu
de d'accorder une plus grande importance à la sécurité de l'ensemble du vol qu'au sentiment de honte que
pourrait éprouver la personne concernée » … (Le Temps, 2.12.2011).
Bettwil (AG) : Un village argovien « prêt à tout » contre ses 140 requérants.
Le 22 novembre les habitants de Bettwil ont appris l'ouverture par la Confédération d'un centre provisoire pour
140 requérants d'asile, dans un cantonnement militaire à l'orée du bois qui surplombe la localité. Depuis, la
colère gronde. « Nous ne sommes pas racistes. Nous avons notre quota d'étrangers. Mais ce chiffre de 140 est
disproportionné vu la taille de notre village », argumente Wolfgang Schibler, président UDC.
Ancienne policière, Jacqueline Wiederkehr est sceptique, comme tous les habitants de Bettwil rencontrés. « Les
gens ont peur car les statistiques le montrent : la criminalité est en hausse avec les Africains. Ils n'auront pas
d'occupation. Et puis, la journée les femmes et les enfants sont seuls au village ». Lors d'une séance
d'informations à laquelle participaient le chef ad interim de l'ODM, Mario Gattiker, et la conseillère d'Etat
Susanne Hochuli (Verts), les commentaires se sont parfois mués en injures. (Le Temps, 3.12.2011)
Berne fédérale : Plusieurs mesures en vue contre les demandeurs d'asile
Initié par Christoph Blocher, la réforme de la loi sur l'asile a été poursuivie par Eveline Widmer-Schlumpf, puis
par Simonetta Sommaruga. Le parlement se penche sur ce paquet législatif alors qu'une nouvelle révision,
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prévue pour fin 2012, vient d'être lancée par la ministre afin d’accélérer les procédures (faire passer le délai
moyen du traitement d'une demande de 1400 à 120 jours) et multiplier les centres gérés par la Confédération.
Principales décisions adoptées par le Conseil des Etats : interdiction de la désertion et de l'objection de
conscience comme seuls motifs d'asile (pour freiner la forte venue d'Erythréens en Suisse), fin du dépôt d'une
demande d'asile dans les ambassades, obligation de faire valoir les problèmes de santé dès le début de la
procédure, punir d'une amende les requérants qui déploient des activités politiques publiques, etc. Toutefois, les
sénateurs ont refusé à une forte majorité, d'interdire le regroupement familial aux personnes admises
provisoirement en Suisse. (Le Temps, 13.12.2011)
Lausanne : Acquittés après de mauvais traitements envers un Erythréens, des policiers seront rejugés
Deux policiers lausannois, accusés d'avoir abandonné un jeune Erythréen de 16 ans dans les bois de Sauvabelin
après l'avoir aspergé d'une dose de spray au poivre durant la nuit du réveillon 2006, seront jugés pour la
troisième fois. La Cour de cassation, liée par un arrêt du Tribunal fédéral qui souligne l'appréciation arbitraire
des preuves qui a aboutit à leur acquittement, a estimé qu'il fallait tout reprendre à zéro. Les débats se
dérouleront cette fois devant le Tribunal de la Broye et du Nord vaudois. (Le Temps, 20.12.2011)
Lausanne : Police «choquée» après les accusations du CRAN sur les fouilles anales en public de Noirs
Les fouilles humiliantes effectuées dans la rue par des policiers, lors d'opérations contre des dealers à
Lausanne, ont été dénoncées par le Carrefour de réflexion et d'action contre le racisme anti-noir (CRAN),
photographie de presse à l'appui, comme étant «des traitements déshumanisant répétés». Lors d’opérations antidrogue de la police, «de jeunes Noirs soupçonnés d'être des dealers sont alignés comme des bestiaux face
contre mur avant de se voir intimer l'ordre de baisser leur pantalon pour être fouillés jusque dans l'anus». Tout
en rappelant son attachement au respect rigoureux de la loi, le CRAN dénonce la «démagogie» de ces
opérations anti-drogue qui offrent «des boucs-émissaire faciles», dans un communiqué envoyé à diverses
instances comme la présidence de la Confédération ou encore le Haut-commissariat de l'ONU pour les droits de
l'Homme. «Choqué» par ces propos, le capitaine Stéphane Dumoulin est formel: «On ne descend pas les
pantalons des gens de notre propre chef». Sur la photographie de presse, «le jeune homme a baissé de lui-même
ses jeans. Il était excédé d'avoir été contrôlé plusieurs fois ce jour-là» ...
Selon le responsable policier, lors de ces opérations, les personnes interpellées sont guidées et alignées vers un
mur pour éviter une fuite et sécuriser l'intervention. Puis un chien passe pour détecter la drogue et s'assied
lorsqu'il la sent. Un policier procède alors à une palpation de sécurité et fouille sacs et poches. «On ne va pas
au-delà dans la rue», affirme M. Dumoulin. Au besoin, l'intéressé est emmené à l'Hôtel de Police. «Jamais un
policier ne procédera à un toucher rectal. Il s'agit d'une fouille médicale, effectuée au CHUV», précise-t-il
pour couper court aux «légendes» ... (ATS, Le Nouvelliste, 21.12.2011)
FAITS MARQUANTS - 2012
Vaud : Les « illégaux » ne seront plus discriminés face au mariage
Les sans-papiers ne peuvent pas être exclus du droit au mariage. Dans un arrêt du 17 janvier, dont les
considérants ont été publié hier, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence de novembre dernier. Les deux
cas d'espèce ont cependant trouvé des issues opposées. Dans l'affaire la plus récente, Mon-Repos a validé le
refus du canton de Vaud de marier un ressortissant irakien. Alors qu'il y a deux mois, il avait donné raison à un
Camerounais empêché de convoler par les mêmes autorités vaudoises. Depuis janvier 2011, les fiancés ont
l'obligation de prouver qu'ils sont en séjour légal en Suisse. A défaut, l'officier d'état civil refuse la célébration
du mariage. Cette révision du Code civil heurte le droit au mariage, garanti par la Constitution et la Convention
européenne des droits de l'homme. C'est pour cette raison que le Tribunal cantonal vaudois a décidé le 30
septembre dernier, dans un arrêt de principe, de ne plus appliquer cet article du Code civil.
Mais la justice vaudoise devra faire marche arrière, le Tribunal fédéral estimant possible d'appliquer la nouvelle
règle sans violer le droit supérieur. (Le Courrier, 31.01.2012).
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Berne : Ricardo Lumengo est définitivement acquitté
Le Tribunal fédéral (TF) a rejeté le recours du Ministère public du canton de Berne contre l'acquittement de
Ricardo Lumengo. L'ex-conseiller national, qui avait été condamné en première instance pour fraude électorale,
est définitivement acquitté. Il a estimé que le verdict rendu par le TF montre qu'il a été victime d'un complot
fomenté par ses adversaires politiques. Et le Biennois d'ajouter que les membres du PS, son ancien parti, en
auraient aussi fait partie. Des membres du PS bernois avaient exigé sa démission après sa condamnation en
première instance devant le Tribunal de Bienne-Nideau. (Tribune de Genève, 11.02.2012)
Lausanne : Un Noir soupçonné de vol à l’étalage à la Coop est violemment tabassé par les vendeurs
«J'ai vu un Africain par terre et trois à quatre personnes autour de lui qui le frappaient. Il a reçu des coups de
pied aux côtes et au ventre », a raconté une lectrice de 20 minutes «indignée par la scène de brutalité» à
laquelle elle a assisté le 29 février dernier en fin de journée, près du magasin Coop Pronto de la Place
Chauderon, à Lausanne. Ayant d'abord cru à l'arrestation d'un dealer par des policiers en civil, la Suissesse
d'origine kenyane s'est tenue à distance, intimidée. Jusqu'au moment où elle a constaté que ceux qu'elle croyait
être des policiers portaient la tenue de travail des employés de la Coop. « J'ai commencé à filmer. Ils se sont
mis à hurler en m'intimant l'ordre d'arrêter. Mes mains tremblaient tellement ce que je voyais était choquant.
Le type qui était par terre demandait à ce qu'on appelle la police», poursuit-elle. Du côté de la police de
Lausanne, si on confirme qu'il y a eu un incident, on se refuse à tout commentaire pour cause d'enquête en
cours. Coop Pronto a adopté la même attitude.
D'après les renseignements recueillis par 20 Minutes, un vol à l'étalage serait à la base de cette affaire. Un
Africain s'exprimant en anglais aurait subtilisé un snack aux légumes. Pris en flagrant délit, il ne disposait pas
d'argent pour payer. « Il a proposé de laisser sa montre en gage puis il a pris brusquement la fuite », a indiqué
un autre témoin. Les vendeurs de Coop Pronto le rattraperont. (20 Minutes, 2.03.2012)
Lausanne : Le Tribunal fédéral condamne définitivement un policier lausannois pour abus d’autorité
Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d'un agent lausannois pour abus d'autorité à 7 jours-amende
avec sursis. Les faits remontent au 8 février 2010, après une fouille au poste de police. Au moment de relâcher
un suspect auquel rien ne peut être reproché, le brigadier lui demande pourquoi il a fui à la vue de la police.
L'intéressé rétorque qu'il aime courir. L'agent lui propose de «l'emmener dans un endroit où il pourra s'adonner
à ce sport». Direction la place des fêtes de Sauvabelin, où les policiers le déposent. Vers 3h du matin, perdu,
l'homme demande l'aide au 117. Le message est entendu par un supérieur. Alertée, la hiérarchie dénonce le cas
à la justice. Saisi d'un ultime recours, le TF juge que le comportement du policier, qui a voulu infliger une
brimade à ce requérant d'asile tchadien, constitue un abus d'autorité. En agissant comme il l'a fait, « il a porté
atteinte de manière illicite à la liberté individuelle et de mouvement de l'intéressé en abusant des pouvoirs de
sa charge » et relève que cet homme aurait dû être relâché au terme des vérifications d'usage à l'Hôtel de
police.
Une autre affaire similaire n'est elle pas encore définitivement jugée. Elle concerne elle aussi des policiers
lausannois, accusés d'avoir abandonné de nuit un jeune Erythréen près des bois de Sauvabelin et de l'avoir
sprayé au poivre. (20 Minutes, 8.03.2012)
Genève : Création par 5 organisations antiracistes d’une Coordination Ecoute contre le racisme
Cinq associations actives dans le domaine de la lutte contre le racisme et les discriminations annoncent la
création depuis le 15 novembre 2011 d’un collectif «Coordination Ecoute contre le Racisme (CECR)». La
démarche a été impulsée par le Bureau de l’Intégration. ACOR (Association romande contre le racisme) SOS
Racisme, CICAD (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation), CRAN
(Carrefour de reflexion et d’action contre le racisme anti-Noir), LICRA (Ligue contre le racisme et
l’antisémitisme) et la Ligue suisse des droits de l’Homme (section Genève) se sont en effet unis pour mettre en
place un lieu d’écoute pour les victimes et témoins de racisme et discrimination. Il s’agira d’un service public et
gratuit qui pourra offrir en toute confidentialité des conseils juridiques, un soutien psycho-social ainsi que de la
médiation aux victimes.
Avec un budget annuel de 100’000 francs, le Centre est cofinancé par le canton, l’Office fédéral des migrations
et le Service fédéral de lutte contre le racisme. Cette démarche collective reste inédite en Suisse, comme le
précise Kanyana Mutombo, président en exercice de la Coordination Ecoute contre le racisme. (Tribune de
Genève, 21.03.2012 ; Communiqué de CECR, 18.03.2012)
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Suisse : Les cas de racisme sont en net recul en Suisse, selon GRA
La nouvelle chronologie «Racisme en Suisse» répertorie pour l'année 2011 principalement des propos racistes
contre des minorités vivant ici, par exemple musulmans, juifs, personnes d'origine africaine ou gens du voyage.
Le rejet et le harcèlement dont sont victimes ces minorités sont attisés par les extrémistes de droite et par les
membres du parti national conservateur. Comme les années passées, près de la moitié des incidents relèvent en
2011 du «racisme verbal», c'est-à-dire qu'il s'agit de propos insultants tenus en public contre des musulmans,
des juifs, des gens du voyage ou des personnes d'origine africaine. Nommée auparavant «Cas de racisme en
Suisse», la chronologie «Racisme en Suisse», paraît depuis plus de vingt ans. (L’Express, 22.03.2012 ;
Communiqué de la GRA, 22.03.2012)
Valais : L’UDC vole un cliché pour mieux stigmatiser les requérants d’asile africains sur ses affiches
Un photographe français est furieux. Ne reculant devant rien, l’UDC a utilisé dans un tract qui stigmatise les
requérants d'asile africains une de ses photos. Cela sans son autorisation et en la détournant de son sens.
L’UDC assure avoir les droits. Dans un flyer, qui doit être distribué à quelque 5000 foyers, l'UDC utilise une
photo choc: le cliché d'un camion plein à craquer d'Africains traversant le désert est accompagné du texte : « Ils
arrivent! Ils sont de plus en plus nombreux. Pour la plupart, ils n'ont aucune chance d'obtenir l'asile. Pourtant,
ils resteront presque tous chez nous. Et ils nous coûtent des millions ».
En Valais, l'UDC a imprimé un tract afin de sensibiliser la population de la région de Conthey sur l'arrivée de
requérants d'asile aux Pinèdes. (20 Minutes, 15.05.2012 ; Communiqué de presse du CRAN, 8.06.2012)
Wetzikon (ZH) : Violence gratuite d’un groupe de jeunes filles contre une Brésilienne Noire
Dans un bus de Wetzikon, quatre à six jeunes femmes inconnues de la police commencent par proférer des
insultes racistes envers une Brésilienne Noire, âgée de 18 ans. A sa sortie, elles descendent avec elle et la
poussent à terre et commencent à lui donner des coups de pieds. Un passant intervient et les agresseuses s’en
vont. Plus tard, la police arrêtera quatre jeunes filles, deux Suissesses, une Bosniaque et une Macédonienne qui
avoueront l’agression. La Brésilienne a dû être hospitalisée. (Blick, 18.05.2012)
Obergerlafingen (SO) : « Les Noirs sont inutiles à l’économie publique », selon un cadre de l’UDC
Beat Mosimann, membre de l’UDC et à la tête d’une entreprise de vigiles à Obergerlafingen, dans le canton de
Soleure, a déjà protégé Christoph Blocher lors de meetings où le tribun craignait des attaques de l’extrême
gauche. Sur le réseau social, il s’est déclaré favorable à faire sauter 300 centres d’accueil destinés aux candidats
à l’asile, révèle Der Sonntag. Selon lui, il manque une base légale pour pouvoir tirer, si nécessaire, sur les
requérants. Dans ses dérapages il n’épargne ni les Noirs, des personnes «très pigmentées inutiles à l’économie
publique», ni les Juifs, «qui dominent le monde de la finance». (Le Matin, 2.07.2012)
Bâle : Un groupe extrémiste dénonce les « Noirs violeurs »
Un groupe inconnu, le Koss «Komitee für ein soziales u. schweizerisches Basel» a déposé des tracts dans les
boîtes aux lettres. Intitulé «Terreur noire sur Bâle», il prend à partie les étrangers et les problèmes qu’ils
suscitent pour la société suisse. «Cela commence par des familles turques musulmanes, parfois même
naturalisées (qui est responsable de cela ?), qui refusent d’envoyer leur fille au cours de natation, ensuite les
abus dans le domaine de l’asile, les nombreux vols à l’étalage commis par des demandeurs d’asile nordafricains, les tournées d’effractions commises par des Roms de l’étranger, et cela se termine par les viols
perpétrés par des Noirs.» (Basellandschaftliche Zeitung, 9.07.2012)
Yverdon : Un ex-flic accuse au tribunal la police lausannoise de délit de faciès contre les Noirs
Deux agents lausannois soupçonnés d’abus d’autorité et de lésions simples à l’égard d’un Eythréen, âgé de 16
ans au moment des faits, en 2006, se sont retrouvés au tribunal à la suite d’une décision du Tribunal fédéral
ordonnant un nouveau jugement. Marqué par des acquittements, des recours et de nouveaux jugements, ce
feuilleton juridique entamé en 2006 a connu un nouvel épisode le 16 juillet 2012 à Yverdon. Entendu comme
témoin, un ancien flic dit avoir entendu, au poste, que ses collègues s’étaient arrangés pour faire converger
leurs déclarations. Il a par la suite fait un témoignage qui accable la police de Lausanne. « Des Africains et des
ressortissants de l’ex-Yougoslavie étaient emmenés en forêt, où ils étaient lâchés. Les policiers leur donnaient
des coups de poing ou utilisaient un spray au poivre. On appelait ça «le bonus». Je n’en suis pas fier, mais j’ai
participé à de telles pratiques. Que ça plaise ou pas, je dis la vérité ». (20 Minutes, 17.07.2012)
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Bâle : En fauteuil roulant, insulté et agressé à cause de la couleur de sa peau
Un homme de 26 ans en fauteuil roulant a été insulté et agressé à Bâle, à cause de la couleur de sa peau, par un
groupe de cinq personnes (trois hommes offensifs et deux femmes qui chercheront à les calmer en vain)
inconnues de la police. La victime, un Suisse d'origine africaine, a été blessé au visage et hospitalisé.
L'agression remonte à la nuit du 23 au 24 juin. Elle n'a été dénoncée que cette semaine, a précisé le Ministère
public. Les trois agresseurs ont pris la fuite après avoir frappé l'homme dans son fauteuil roulant. Deux
passantes lui prodigueront les premiers soins avant l’arrivée de l'ambulance qu’elles avaient appelée. (ATS,
L’Express/L’Impartial, 18.07.2012)
Lucerne : Une Suissesse se fait refouler avec son mari Noir de discothèques de la ville
Dans un courrier de lecteurs, une Suissesse relate la mésaventure qui lui est arrivée avec son mari, ancien
demandeur d’asile originaire d’Afrique sub-saharienne, étudiant à la Hochschule et citoyen suisse. « Nous
avons été refoulés de trois night-clubs à Lucerne. Cette forme de racisme public est connu depuis des années,
mais rien n’est entrepris contre cela ». (Neue Luzerner Zeitung, 19.07.2012)
Yverdon : Victoire du jeune Erythréen contre les policiers lausannois
Le Tribunal du Nord vaudois a condamné vendredi à 10 et 20 jours-amende avec sursis les deux policiers
lausannois accusés d'avoir abandonné un jeune Erythréen près des bois de Sauvabelin et de lui avoir administré
un coup de spray au poivre. Il les a reconnus coupables d'abus d'autorité et de lésions corporelles simples.
« Après six ans et demi de bataille, la justice vaudoise a enfin dit que je ne suis pas un affabulateur. Je la
remercie du plus profond de mon cœur », a déclaré le jeune homme à la sortie du tribunal, à Yverdon-les-Bains.
La Cour a estimé que les déclarations du plaignant sont « globalement crédibles », même si elles peuvent varier
sur certains points. Après deux acquittements successifs cassés par le Tribunal fédéral, l'affaire n'en restera
vraisemblablement pas là. « Il est plus que probable qu'un appel sera déposé », a lancé Me Jean-Christophe
Diserens, avocat d'un des policiers. (20 Minutes, 20.07.2012)
Genève & Vaud : Pour des peines plus sévères contre les petits dealers. Gros trafiquants pas visés
Pierre Maudet et Jacqueline de Quatro, chefs des départements de Justice et Police dans les cantons
respectivement de Genève et Vaud, sont allés dire à Berne leur ras-le-bol face à la criminalité des petits dealers.
Ils aimeraient d’urgence de peines plus sévères. « Les policiers arrêtent les dealers le lundi et ces derniers
ressortent le mardi. La population n’y comprend rien ». Mme de Quatro plaide pour davantage de prisons et
des peines lourdes. « Il faut mettre le dealer quelques mois au frais. S’il recommence, il prendra une année. Le
but est d’arriver à le priver de revenu lucratif et casser son lien avec les fournisseurs. Le maintenir deux jours
en prison, c’est tout simplement ridicule ». Cette réflexion sera menée par la Commission des Affaires
juridiques du Conseil national. (Tribune de Genève, 27-28.10.2012)
Suisse : Rarement investis par la police, les clubs sont des lieux de grande consommation de cocaïne
Une petite ligne (ou plusieurs) : la chose est courante dans nombre de soirées branchées. Et même dans celle
qui ne le sont pas. En comparaison internationale, la consommation de cocaïne en Suisse est une des plus
élevées d’Europe. Selon Christoph Ort, de l’Institut de recherche de l’eau du domaine des EPF (Eawag), Berne,
Zurich, Genève et Lucerne sont de hauts lieux de la cocaïne. « Les quantités de cocaïne trouvées dans les eaux
usées de ces villes sont comparables à celles des villes européennes qui affichent les valeurs les plus élevées »,
déclare le chercheur suisse. Qui a participé à la première enquête européenne sur les quantités de drogues
présentes par les eaux usées de 15 millions de personnes dans 19 villes. Les résultats ont été publiés dans le
magazine Science of the Total Environment et comparés aux données d’enquêtes similaires réalisées par
l’Eawag en Suisse en 2011. Les villes suisses ont des valeurs similaires à celles d’Anvers et d’Amsterdam, avec
une consommation moyenne de 1,5 gramme par jour pour 1000 personnes. Ces révélations ont à peine suscité
des haussements de sourcils parmi les spécialistes suisses des toxicomanies. (Swissinfo, 17.08.2012)
Vaud : Le délit de faciès poursuit un Vaudois d’origine angolaise jusqu’au Japon
Il est suisse, vaudois. Mais ses origines africaines et surtout sa peau noire n’en fait pas un Suisse ou Européen à
part entière. Parti joyeusement passer des vacances seul au Japon, il y a deux semaines, Lumvumina Tusevo, 59
ans, n’a pas pu dépasser le périmètre de l’aéroport. Refoulé, malgré son passeport à croix blanche obtenu trois
ans auparavant. «Je n’ai pas été traité comme un homme.» a vécu l’humiliation de sa vie. Ce père de famille
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domicilié dans le canton de Vaud depuis 1994 n’a pas été autorisé à pénétrer sur sol japonais, sous prétexte
qu’il voyageait sans être accompagné d’un guide, malgré ses 10 nuits d’hôtel ont payées à l’avance et ses mille
francs en cash (30'000 yens et 700 $) ainsi qu’une carte de crédit approvisionnée. «Vous pourriez vous perdre!»
lui a lancé en anglais un agent du service de l’immigration local, à l’aéroport de Tokyo-Narita. «Je lui ai
demandé si j’aurais été traité de la même manière si j’avais été un Suisse d’origine», reprend Lumvumina
Tusevo. Affirmatif, ont juré les agents. Et quand le Vaudois fait remarquer avoir vu bon nombre d’Occidentaux
passer la douane, seuls, on lui rétorque : «Ces gens résident au Japon», bien que l’interprète lui concèdera dans
la foulée que ce n’est pas la vérité. «Les Japonais m’ont déçu, on ne m’avait jamais traité comme ça»,
L’ambassade suisse ne pourra rien pour lui non plus. Résultat des courses: deux fois douze heures de vol
d’affilée et quelque 2000 francs jetés par les fenêtres. (Le Matin, 13.10.2012)
Genève internationale : Au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, plusieurs pays demandent à la
Suisse de mieux faire en matière de discrimination
Plus de 30 pays se sont exprimés à la suite du discours prononcé à Genève par le conseiller fédéral Didier
Burkhalter devant le Conseil des droits de l'homme, à la tête d'une délégation de 29 membres. Ils ont salué les
progrès réalisés récemment, tout en faisant plusieurs recommandations nouvelles. La Suisse peut en particulier
faire davantage pour lutter contre les discriminations, protéger les migrants et renforcer l'égalité des sexes. « Le
Conseil fédéral considère que le niveau de protection des droits de l'homme en Suisse est bon. Mais aucun
pays, pas même ceux où les droits de l'homme sont les mieux respectés, ne peut et ne doit faire preuve de
complaisance à ce sujet », a affirmé M. Burkhalter. Lors d’un débat d'un peu plus de trois heures, plus de 80
pays ont fait des remarques à la Suisse, soit par écrit, soit par oral. Plusieurs Etats, en particulier africains, se
sont inquiétés de « la montée du racisme, de l'intolérance et de la xénophobie » en Suisse. Une législation
nationale contre toutes les discriminations a été préconisée par divers pays.
Des Etats ont également demandé que le Centre suisse de compétence pour les droits humains, opérationnel
depuis 2011, soit transformé en une institution nationale indépendante avec un large mandat. Etc. Le conseiller
fédéral Didier Burkhalter a répliqué qu'il ne faut pas aller trop vite, si l'on ne veut pas braquer la population.
Pour la création d'une institution nationale des droits de l'homme, le Conseil fédéral prendra sa décision en
2014 sur la base du projet de Centre suisse de compétence pour les droits humains. (Le Matin, 29.10.2012)
Lausanne : Vaste opération au centre-ville contre les dealers et ciblant les Noirs
La police de la Ville et du Canton a mené le 7 novembre une vaste opération contre le deal à la place
Chauderon, à Lausanne. Quelque 150 policiers de la Ville et du Canton se sont déployés avec des chiens sur la
place du centre-ville à partir de 16h30. L'opération visait à déstabiliser le milieu des dealers de rue. Elle a
permis l'interpellation de 52 personnes. Sept d'entre elles ont été maintenues en détention et neuf caches de
drogue ont été découvertes, selon la police. Les 45 autres ont été relâchées. Au total, sept personnes ont été
dénoncées pour violation de la loi sur les stupéfiants et environ 40 sachets de marijuana et des boulettes de
cocaïne ont été retrouvés. Deux agents seront quotidiennement sur la place Chauderon, en journée et en soirée,
durant plusieurs mois. Cette action coordonnée des polices était la troisième du genre. (20 Minutes, 8.11.2012)
Suisse romande : Le plus beau Suisse-romand est Noir, mais cela ne plait pas à tout le monde
«Les Suisses de souche ne sont-ils pas assez beaux pour représenter leur région?», «Choix non représentatif»,
effet d’un «multiculturalisme pervers»… Depuis l’élection de Souheila Yacoub et d’Ulysse Freitas, d’origine
béninoise, en tant que Miss et Mister Suisse romande, le 15 décembre dernier, les commentaires courroucés
fleurissent sur la blogosphère nationaliste. En cause: rien de moins que la couleur de peau de monsieur, ainsi
que les origines maghrébines de mademoiselle. Comme en 2008 à l’occasion de couronnement de Whitney
Toyloy à Miss Suisse, c’est d’abord le parti ultra-nationaliste PNOS qui est monté au front dimanche, par
l’intermédiaire de son responsable romand Philippe Brennenstuhl, toujours très remonté contre le
«mondialisme». Des réactions ont ensuite suivi jusque sur divers blogs en Suisse et même sur celui d’un
sympathisant du Front National, en France.
«J’y étais préparé, confie Ulysse, avec le temps on se crée une certaine carapace.» Né à Genève, Suisse de
cœur et de papiers, il explique répondre régulièrement à la question de ses «origines», parfois au prix d’une
certaine lassitude. «Quand on me demande d’où je viens, je dis que je viens de Genève. Ce sont mes parents qui
viennent du Bénin». (Le Matin, 17.12.2012)
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FAITS MARQUANTS - 2013
Davos (GR) : Métaphore raciste en faveur de la violence haineuse contre les Etrangers
C’est par une certaine métaphore qu’une propagande haineuse a été distillée à travers le journal du matin
GipfelZytig. Celui-ci a en effet publié trois petites images montrant un troupeau de sangliers qui traverse une
route en empruntant le passage piéton. A côté il est écrit : «Est-ce que quelque chose te frappe?» avec, en gras,
«ça saute aux yeux». Viennent ensuite les légendes suivantes : « Ils utilisent les passages piétons pour
traverser la rue! », « Ils ne portent pas de foulard! », « Ils n’utilisent pas de vélos/trottinettes volés! », « Ils se
montrent disciplinés! », « Ils ne portent pas de couteaux! », « Ils ne s’introduisent pas dans les maisons des
autres! », « Ils ne crachent pas par terre! » … « Et ils ne draguent pas des femmes inconnues! ». Et le texte se
termine sur la phrase : «Mais sur eux on ose tirer!»… (GipfelZytig, 8.03.2013)
Vaud : Un nouveau Code de déontologie pour la police cantonale
La police cantonale vaudoise et les corps communaux vaudois disposent désormais d’un Code de déontologie
unique. Définissant surtout des « bonnes pratiques professionnelles », le texte est la pierre angulaire de la
réforme policière en vigueur depuis 2012. C’est la suppression de toute référence à la dénonciation, voire à la
délation entre collègues pris en défaut, qui a ouvert la voie au présent Code. Cette disposition, inscrite dans la
Charte lausannoise lancée en 2008, avait suscité les résistances des agents de l’ordre. (Le Temps, 26.04.2013)
Lausanne : Flagrantes discriminations au faciès à l’entrée d’une discothèque
Un Suisse d'origine éthiopienne, étudiant en HES, et son copain nigérian, doctorant en droit à l’Unil, se sont
faits jetés le 21 avril du club Buzz, au centre de Lausanne. «Un agent de sécurité nous a dit qu’il y avait trop de
monde. Mais, bien qu’arrivés après nous, des gens ont pu entrer. Il a fini par me dire que les Africains
n’étaient pas les bienvenus au Buzz, car ce sont des dealers et ils perturbent la vie nocturne». Après avoir vécu
pour la seconde fois en six mois ce qu’il considère comme du «racisme primaire» dans un bar-dancing
lausannois, Semir Berhe a décidé de se confier à la presse. Pour le Nigérian, «le portier a tout fait pour
m’énerver. Il m’a même violemment bousculé, mais je suis resté calme. En tant que futur avocat, je sais que je
ne dois pas utiliser la force, mais je ne peux que dénoncer ce délit de faciès».
Une enquête menée par un journaliste de 20 Minutes d’origine sénégalaise a confirmé les accusations, l’entrée
leur ayant été refusée aussi. « Selon les deux portiers, il fallait une invitation. Or, d’autres personnes ont pu
accéder au club sans aucune vérification. Alors que je demandais des explications, un agent m’a bousculé
brutalement avant de me donner un coup de pied au tibia. Furax parce que j’avais pris une photo de
l’établissement, il m’a frappé à la nuque. «Je vais te démonter», a-t-il lancé, hors de lui ».
Le patron s’est dit surpris : «En dix ans, c’est la première plainte de ce genre. Nous avons du personnel et des
clients africains. Pour moi, il ne peut s’agir que d’un amalgame malheureux». (20 Minutes, 6.05.2013)
Neuchâtel : Justice et police unies contre les dealers. Consommateurs pas visés …
Il y a six semaines, le Ministère public tirait la sonnette d’alarme: le nombre de dealers actifs dans le canton
avait «littéralement explosé», selon le procureur Nicolas Feuz. Une opération de harcèlement des dealers vient
de débuter, visant à freiner le trafic de drogue dans la rue. Pour y parvenir, la police va réorienter des
patrouilles et intensifier le travail effectué en civil. Par ailleurs, les procédures judiciaires seront accélérées et
des peines fermes infligées au maximum, en dépit d’une grave surpopulation dans les prisons neuchâteloises.
Bilan dans un mois. (20 Minutes, 6.05.2013)
Encore une fois, tout est mis en œuvre contre les dealers, Noirs souvent, mais rien contre les consommateurs,
Blancs en général, alors que la Loi sur les stupéfiants les poursuit sans discrimination …
Mels (SG) : Enseignant raciste dénoncé par des élèves
Un conflit a éclaté au niveau secondaire du Collège de Mels, dans le canton de St-Gall. Une classe de terminale
a voulu critiquer un enseignant dans une pièce de théâtre. La direction de l’école a interrompu la représentation.
Par la suite les élèves ont distribué des tracts contre l’enseignant. Une enseignante soupçonnée par la Direction
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de les y avoir incités a déclaré que l’enseignant en question a, de façon répétée «émis des propos racistes à
l’égard d’écoliers d’origine étrangère». Il aurait notamment fustigé un élève en l’appelant «tête de choco». Un
autre collège a confirmé, ainsi que le directeur, quoique de façon indirecte : « Nous avons eu des discussions,
suite à quoi les incidents ont cessé ». (Chronologie GRA.ch, juillet 2013)
Glaris : Un ultra-raciste, sur Twitter, se fait arrêter
Il insultait régulièrement les «Nègres» et les «Juifs» sur un réseau social. Ce Suisse de 39 ans a été interpellé
par la police de Glaris le 15 juillet dernier. Depuis des mois, il publiait des déclarations racistes sur Twitter.
L'homme s'exprimait à visage découvert sur le réseau social. Il se définit lui-même comme un «patriote de
droite». Il avait été dénoncé aux autorités par d'autres membres de Twitter, choqués par la violence de ses
propos. Son compte a depuis été supprimé. (Le Matin dimanche, 21 juillet 2013)
Bremgarten : Choix ségrégationniste de zones urbaines interdites aux requérants d’asile
Le 6 août, le Tages-Anzeiger révélait l’existence d’un accord conclu entre la commune de Bremgarten (AG),
l’Office fédéral des migrations (ODM) et le Département fédéral de la défense. « Presque la moitié de la ville
est taboue », titrait le quotidien, évoquant 32 zones où les requérants sont jugés indésirables : infrastructures
scolaires et sportives, piscine publique, casino, mais aussi parvis d’églises et EMS. Depuis la parution de cet
article, les autorités ont tenté à plusieurs reprises de rectifier le tir. Le directeur de l’ODM Mario Gattiker a
assuré que seuls les écoles et les alentours d’installations sportives étaient concernés, et a précisé en outre
qu’aucune sanction n’était prévue en cas de non-respect des règles par les requérants. Le 9 août, la ministre de
la Justice Simonetta Sommaruga a dû s’expliquer, et l’ODM a publié le document complet sur son site.
Mais plutôt que de désenfler, la polémique semble prendre de l’ampleur. Dans le sillage des partis de gauche et
des organisations de défense des droits de l’Homme, la presse étrangère et les internautes se sont emparés de
l’affaire. On parle de «ségrégation», «Apartheid», «mesures exceptionnelles qui deviennent la norme», «Suisse
raciste», etc. (Tages Anzeiger, 6.08.2013 ; RTS Infos, 9.08.2013)
La Chauds-de-Fonds (NE) : Une Miss Diaspora africaine élue pour lutter contre l’excision
Le samedi 24 août a été la soirée de la beauté africaine à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel. En
effet, dans le cadre de Neuchatoi 2013, un vaste programme d’activités culturelles et sportives organisé dans le
but de permettre une meilleure connaissance et une meilleure compréhension entre Suisses et personnes issues
de la migration, l’association ivoirienne «Loucha», qui lutte contre l’excision, a organisé la première édition de
l’élection de Miss Diaspora africaine en Suisse. Douze candidates originaires de sept pays africains (Tchad,
Cameroun, Mali, République Démocratique du Congo, Guinée, Côte d’Ivoire et Nigeria) ont participé à ce
concours de beauté et l’élue est la Congolaise Vanessa Katambayi, une assistante en soins de santé
communautaire de 20 ans dont huit passés en Suisse. La 1ère dauphine et la 2ème dauphine sont la tchadienne
Ketsia Manitha et la malienne-camerounaise Fatima Fadimatou Sow Linda. (Voix d’Exils, 30.08.2013)
Berne fédérale : La Suisse est condamnée pour des violences policières contre un Burkinabè
La Cour européenne des droits de l’homme a accepté la plainte d’un ressortissant burkinabé molesté par la
police genevoise en 2005. La Suisse devra verser 25700 euros d’indemnité, pour dommage matériel, tort moral
et frais d’avocat. Agé d’une trentaine d’années, cet homme avait été approché à Genève par deux gendarmes
qui lui avaient demandé de présenter ses papiers, alors qu’il se trouvait sur un site connu pour le trafic de
stupéfiants. Il avait ensuite été plaqué brutalement au sol par les policiers. Plus tard, un constat médical avait
établi que le jeune Africain souffrait d’une fracture de la clavicule droite. Sa plainte avait été classée sans suite
par le procureur général de Genève avant que le Tribunal fédéral, qui avait d’abord obligé la justice genevoise à
reprendre son enquête, ne rejette son recours en 2011. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, «les
modalités d’intervention des gendarmes dans leur ensemble révèlent un usage disproportionné de la force». Le
ressortissant burkinabé a bien été victime de mauvais traitements de la part de la police genevoise, qui a ainsi
violé l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
De plus, la Cour reproche à la justice genevoise l’absence d’enquête effective. Selon elle, l’instruction de cette
affaire n’a pas été complète, en particulier en ce qui concerne les faits entourant la fracture de la clavicule. En
outre, une contre-expertise aurait dû être faite concernant le bris de la matraque d’un des gendarmes. L’enquête
a également trop duré (2005 à 2010), critique la Cour. Après son arrestation, le jeune avait été en arrêt de
travail, puis avait perdu son emploi de bagagiste dans un hôtel. La Cour européenne a condamné ainsi la Suisse
à lui verser 15’700 euros d’indemnisation pour ce préjudice. En ce qui concerne les allégations d’injures à
caractère raciste et les menaces de mort dont le jeune homme s’était plaint, la Cour prend note «avec
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préoccupation» d’un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du 2 avril
2009. Selon celle-ci, il subsisterait en Suisse des cas de comportements abusifs de la police à l’encontre de
«non-ressortissants, de demandeurs d’asile, de Noirs et autres groupes minoritaires». (Le Temps, 24.09.2013)
Zürich : Décourageant d’être Noir !
Des jeunes Noirs habitant Zürich font part de leurs expériences avec la police. Deux jeunes déclarent que
certains jours ils se font contrôler «jusqu’à trois ou quatre fois». Parfois ils ont dû baisser leur pantalon et les
policiers ont éclairé leurs parties génitales à la lampe de poche : «Là on se sent découragé». Un autre rapporte
comment il s’est fait violemment contrôler dans un tram. Il a dit aux policiers : «Je suis Suisse et je travaille à
l’Etat». On lui a répondu : «Un gars comme toi ne travaille sûrement pas à l’Etat». Le chef de la police,
Richard Wolff, qui était présent avec le journaliste lui a déclaré : «Vous avez raison, vous avez le droit qu’on
vous traite avec respect». (Tages-Anzeiger, 21.11.2013)
FAITS MARQUANTS - 2014
Genève : La Cour européenne des droits de l’Homme condamne la Suisse pour « usage disproportionné
de la force » par la police contre un Burkinabè
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), à Strasbourg, a rejeté mardi la demande du gouvernement
suisse de renvoyer devant la Grande Chambre l'affaire d'un ressortissant burkinabé molesté par la police
genevoise en 2005. En septembre 2013, la Suisse avait été condamnée à verser au plaignant 25'700 euros
d'indemnité, pour dommage matériel, tort moral et frais d'avocat. Agé d'une trentaine d'années, l'homme avait
été approché par deux policiers qui lui avaient demandé de présenter ses papiers alors qu'il se trouvait sur le site
d'Artamis, un lieu alternatif, à Genève, connu pour le trafic de stupéfiants. Ils l'avaient ensuite brutalement
plaqué au sol. Un constat médical avait établi que le jeune Africain souffrait d'une fracture de la clavicule
droite. Sa plainte avait été classée sans suite par le procureur général avant que le Tribunal fédéral, qui avait
d'abord obligé la justice genevoise à reprendre son enquête, ne rejette son recours en 2011.
Selon la CEDH, « les modalités d'intervention des gendarmes dans leur ensemble révèlent un usage
disproportionné de la force ». Le Burkinabè a bien été victime de mauvais traitements de la part de la police
genevoise, qui a ainsi violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour a aussi
reproché à la justice genevoise de n'avoir pas procédé à une enquête approfondie.
Le jeune avait été en arrêt de travail après son arrestation, puis il avait perdu son emploi de bagagiste dans un
hôtel. La Suisse a été condamnée à lui verser 15'700 euros pour ce préjudice. A ce montant s'ajoutent encore
4000 euros pour réparation du dommage moral et 6000 euros pour frais et dépens. (20 Minutes, 18.02.2014)
Suisse : Pour le Tribunal fédéral, «cochon d'étranger» ou «sale requérant», ce n’est pas raciste !
Traiter quelqu'un de «cochon d'étranger» ou de «sale requérant» est injurieux mais ne contrevient pas à la
norme pénale antiraciste ! Le Tribunal fédéral accepte le recours d'un policier condamné après avoir proféré ces
injures lors de l'arrestation d'un Algérien suspecté de vol. Les faits s'étaient déroulés lors de la Foire de Bâle, en
avril 2007. Le Nord-Africain avait été soupçonné de s'être emparé de la sacoche d'un ressortissant russe. En
présence de nombreux passants, le policier l'avait menotté. Constatant, après avoir examiné ses papiers, que le
suspect était requérant d'asile, le policier l'avait injurié haut et fort. Il l'avait traité notamment de
«Sauausländer» (cochon d'étranger) et de «Dreckasylant» (sale requérant). Pour ces dérapages verbaux,
l'agent avait écopé d'une peine pécuniaire avec sursis et d'une condamnation pour infraction à la norme pénale
antiraciste. Une sanction annulée en dernière instance. (Le Matin, 21.02.2014)
Berne fédérale : CFR et art. 261 bis dans le collimateur de l’UDC
Pour l'UDC, l’art. 261 bis accepté par le peuple en 1994, doit être supprimée. Elle a déposé une motion en ce
sens. «L'article 261 n'est pas un succès», déclare le conseiller national zurichois Gregor Rutz. « Il conduit à des
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procédures absurdes et parfois abusives. Ainsi qu'à des coûts inutiles et à une surcharge de travail pour la
justice. Car souvent, à la fin, il n'y a pas de condamnation ». Surtout, la norme anti-raciste est « en conflit avec
les principes fondamentaux de notre système juridique libéral, c'est à dire avec la liberté d'expression ». La
Commission fédérale contre le racisme (CFR) se trouve aussi dans la ligne de mire de l'UDC : « La Suisse n'a
pas besoin d'un organe étatique qui décide quelles opinions sont opportunes ou pas », s'insurge Gregor Rutz.
Pour la présidente de la CFR, la conseillère nationale Martine Brunschwig Graf : « Notre commission n'est pas
une police de l'opinion! Le rôle de la CFR est avant tout de faire de la prévention et de l'information ». Sur la
suppression de l'article 261, elle est formelle : « Il ne faut pas y toucher. Chaque société a besoin de limites. Et
le racisme n'est pas une opinion comme une autre ». (20 Minutes, 13.03.2014)
Suisse : Baisse des incitations publiques à la haine raciale en 2013, selon le GRA
Les incitations publiques à la haine raciale en Suisse auraient été moins nombreuses en 2013 qu’en 2012, selon
la chronologie «Racisme en Suisse» de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme (GRA) et de la Société
pour les minorités en Suisse, basées à Zürich. Pour 2013, 57 cas sont recensés contre 81 en 2012 et 84 en 2011.
Le nombre d’incidents «a heureusement diminué», notamment dans la catégorie «racisme verbal» (15 cas
contre 37 en 2012 et 33 en 2011), ont indiqué les deux associations. En revanche, les victimes d’actes racistes
sont de plus en plus nombreuses à rechercher de l’aide auprès des centres de conseil. Il s’agit de membres de
minorités et des étrangers. Avec le lancement d’initiatives populaires contre les droits des minorités et des
étrangers, «le positionnement politique à l’égard de ces groupes s’est durci». (Le Temps, 21.03.2014)
Genève : Ouverture d’un Centre Ecoute contre le racisme. Une première Suisse
!
La «Coordination Ecoute contre le Racisme (CECR)» créée le 15 novembre 2011, a inauguré son Centre
Ecoute contre le racisme (C-ECR) ce 21 mars 2014. Sous l’impulsion du Bureau de l’Intégration, ACOR
(Association romande contre le racisme) SOS Racisme, la CICAD (Coordination intercommunautaire contre
l’antisémitisme et la diffamation), le CRAN (Carrefour de reflexion et d’action contre le racisme anti-Noir), la
LICRA (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme) et la Ligue suisse des droits de l’Homme (section Genève)
se sont en effet unis pour mettre en place un lieu d’écoute pour les victimes et témoins de racisme et
discrimination.
Ce service public offrira en toute confidentialité et gratuitement des conseils juridiques, un soutien psychosocial ainsi que de la médiation aux victimes. Le Centre est cofinancé par le canton, l’Office fédéral des
migrations et le Service fédéral de lutte contre le racisme. Une aide de la Ville est attendue. Cette démarche
collective reste inédite en Suisse, comme le précise Kanyana Mutombo, président de la Coordination Ecoute
contre le racisme. (RougeFM blog, 21.03.2014 ; Communiqué de CECR, 21.03.2014)
Bâle : Un Noir se fait poignarder dans le dos par un Blanc qui le suivait dans la rue
Mystérieuse agression dimanche 23 mars dernier à Bâle : un homme a été poignardé en pleine rue, en face d'un
arrêt de bus, aux alentours de 21h30. La victime, à laquelle des passants et des gendarmes ont administré les
premiers secours, est dans un état critique, indique lundi dans un communiqué la police cantonale, qui dit avoir
arrêté un suspect peu après les faits. D'après le témoignage d'une passante, un homme suivait la victime dans la
rue quand il l'a soudain poignardée par-derrière, avant de se remettre à marcher. On ne sait encore rien des
motifs de ce coup de couteau et l'identité de la victime, dont on sait qu'il est Noir, demeure inconnue. Le
suspect arrêté par la police dans les environs est un Suisse âgé de 29 ans. (ATS/Newsnet/24Heures, 24.03.2014)
Coppet (VD) : Des logements pour seniors seront réservés aux seuls Suisses
Le Conseil communal de Coppet a permis à une fondation de construire des logements pour ses seniors. Mais
les futurs locataires n'en bénéficieront que s'ils sont Suisses. Le projet est mené par Esther Duvillard depuis 25
ans pour le compte de la Fondation Pierre et Esther Duvillard. «Je ne suis pas xénophobe, insiste la dynamique
septuagénaire. Mais j'ai fait mon enquête et il manque des appartements pour les Suisses âgés. Alors je me suis
dit que j'allais faire quelque chose pour nos petits vieux à nous». Cette exigence inscrite dans les statuts de la
fondation a choqué certains élus. Une proposition visant à préciser dans les statuts que les logements seraient
attribués sans distinction de nationalité a été refusée par deux tiers du Conseil. La clause sur la préférence
nationale est en effet légale : «La fondation étant privée, elle a le droit de poser une telle exigence, explique
Alma Wiecken, juriste auprès de la CFR. Certaines offrent de la même manière une prestation aux résidents
d'un canton ou d'une ville». (24 heures, 27.05.2014)
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Berne fédérale : Un numéro spécial de la revue Tangram de la CFR sur le racisme anti-Noir
La Commission fédérale contre le racisme (CFR) publie un numéro spécial de sa revue Tangram sur le racisme
anti-Noir, afin d’attirer l’attention sur un phénomène qui est encore trop souvent minimisé ou mis sur le compte
de la susceptibilité des victimes. Le CRAN a salué cette importante contribution à la lutte contre le racisme
anti-Noir et surtout à sa compréhension. Elle vient en quelque sorte corriger l’omission du racisme anti-Noir
constaté dans le premier Rapport fédéral sur le racisme en Suisse, publié en mars 2013. Dans la variété des
thèmes abordés, plusieurs articles mettent notamment en lumière les mécanismes de légitimation et de
pérennisation du racisme anti-Noir. Avec son bulletin, la CFR espère aussi renforcer la recherche dans ce
domaine et souligner l’importance de reconnaître, de documenter et de dénoncer des faits dont la gravité est
trop souvent sous-estimée. Des membres du comité du CRAN y ont contribué de façon notable. (Communiqué
CFR, 12.06.2014 ; Communiqué CRAN, 14.06.2014)
Suisse : Au classement 2013 du racisme, les actes anti-Noirs remportent la palme
Si le nombre d'actes racistes dénoncés auprès du Réseau de consultations pour les victimes, créé par la
Commission fédérale contre le racisme (CFR) et l'association humanrights.ch, est resté stable en 2013, les actes
anti-Noirs, une cinquantaine, ont été les plus dénoncés. Les 11 centres de consultation couvrant une grande
partie de la Suisse ont recensé 192 cas, contre 196 en 2012. Les propos racistes, avec 81 cas rapportés,
constituent les incidents les plus nombreux. Suivent les menaces (22 cas), les inégalités de traitement dans le
monde du travail (22) et les refus de prestations publiques (22). Le monde du travail reste toutefois
surreprésenté, de même que le marché du logement et les rapports avec l’administration publique, la police et la
justice. Dans les cas recensés l'an dernier par les centres de consultation, les Suisses d'origine étrangère ont été
également le plus fréquemment victimes de discrimination raciale. La grande majorité des cas sont signalés par
les victimes elles-mêmes, ce qui n’«avait plus été le cas depuis longtemps», écrivent les auteurs. En 2013, seuls
huit cas ont ainsi été rapportés par des témoins. (Le Temps, La Liberté, 23.06.2014)
Suisse : Coureur cycliste suisse raciste envers le seul coureur Noir du Tour de France
Le coureur suisse Michael Albasini aurait proféré des insultes racistes à l'encontre du seul coureur Noir du Tour
de France, le Guadeloupéen Kevin Reza-Coumba, lors de l’étape du 22 juillet, selon Jean-René Bernaudeau, le
manager de sa formation (Europcar). «Mon coureur était très perturbé après la course. J’ai appelé Albasini
pour lui dire ce que je pensais de son attitude. Lui me dit que ce n’est pas vrai. Mais j’ai confiance en Kevin et
il était touché. J’ai dit à Albasini d’aller voir Kevin au départ de Saint-Gaudens». Les deux hommes, qui
faisaient partie de la même échappée la veille. Ils se sont donc vus avant la course du 23 juillet. «Malentendu
éclairci. Ils se sont serré la main. Pas de drame», a coupé court Brian Nygaard, directeur de la communication
chez Orica-GreenEdge. (Le Matin, 23.07.2014 ; Afrik.com, 24.07.2014)
Berne fédérale : La CFR préoccupée par les dérapages racistes sur Facebook
La présidente de la commission fédérale contre le racisme, est très préoccupée par l'augmentation des
commentaires racistes sur les sites en ligne. Elle demande à Berne de prendre des mesures. «Nous avons atteint
un point tel que les autorités doivent intervenir», a déclaré Mme Brunschwig Graf dans une interview à la
SonntagsZeitung. L'ancienne conseillère nationale genevoise réclame que la «Suisse entame un dialogue avec
Facebook pour que le réseau social réagisse plus rapidement aux dérapages racistes». Un coup d'oeil sur les
commentaires diffusés sur les médias en ligne révèle par ailleurs une «radicalisation». «La haine est devenue
normale», dit Mme Brunschwig Graf. (20 Minutes, 3.08.2014)
Lausanne : Le jeu « Qui a peur de l’homme Noir? » au centre d’un débat
Cyril Bouquet, professeur de management à l’IMD (Institute for Management Development) à Lausanne, s’est
fâché que son enfant ait joué à «Qui a peur de l’homme noir?» durant un cours de tennis donné à Vidy, fin
juillet. Il a retiré aussitôt son enfant, avant d’alerter ses collègues par courriel, provoquant des réactions outrées
de Suisse et de l’étranger, notamment en Amérique. Le club évoque une maladresse. Dans ce jeu, qui a déjà
provoqué la polémique en Suisse, notamment en Valais, les enfants courent pour échapper à une personne
nommée «homme noir» ou «homme en noir ».
Choqué, ce Canadien, dont le fils est métis, est allé demander des explications au directeur du club, mais il
estime avoir été mal reçu. « Au lieu de s’excuser et d’indiquer que cet incident ne se reproduirait plus, le
responsable du Tennis club de Vidy m’a dit que c’était plutôt moi qui avais un problème et qu’il n’y avait
aucun racisme dans ce jeu. Des gens sur place ont d’ailleurs pris sa défense.» Furieux, Cyril Bouquet partage
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le jour même son indignation sur internet. Pour le directeur de l’école (qui, enfant, a lui aussi pratiqué le jeu),
« ce jeu existe depuis des lustres et les étudiants l’ont mené sans mauvaise intention, raison pour laquelle je
n’ai pas jugé utile de m’excuser. Ce Monsieur a eu raison de souligner la chose, car je reconnais que le titre
du jeu est maladroit. En revanche, je récuse les accusations de racisme ». (Le Temps, 14.08.2014)
Zürich : Un ancien conseiller national inculpé pour discrimination raciale
L'ancien homme politique, membre de l’UDC, devra comparaître devant le tribunal de district d'Andelfingen
(ZH). L'information révélée par Tagesanzeiger.ch/Newsnet a été confirmée ce 4 septembre par la porte-parole
du Ministère public. Un citoyen avait porté plainte contre M. Schlüer à cause d'un article mis en ligne le 19
juillet 2012 sur le site «sifa» (sécurité pour tous). M. Schlüer y décrivait une bagarre au centre de requérants de
sa commune de Flaach (ZH) et traitait les requérants d'asile de «racaille» et de «misérable ramassis de
casseurs». Le procureur requiert une peine pécuniaire avec sursis et une amende de 800 francs. (ATS, 20
Minutes, 4.09.2014)
Berne : Un ministre s’en prend aux «Petits Nègres» attirés vers leur «pays de Cocagne», la Suisse
Le ministre de la Police du Canton de Berne, Hans-Jürg Käser, a profité de l’inauguration d’un nouveau centre
pour requérants d'asile pour affirmer que pour chaque «Negerbubli» (petit nègre), « la Suisse est un pays de
cocagne ». Interrogé par la suite sur une radio locale, Radio 32, le ministre a réitéré et justifié les mêmes
propos. La présidente de la Commission fédérale contre le racisme (CFR) a déploré l’utilisation d’une telle
expression : « Il aurait simplement pu dire que les Africains considèrent la Suisse comme un pays de cocagne».
Devant le tollé provoqué par ses déclarations, le ministre bernois, également président de la Conférence des
directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP), a présenté ses excuses pour ce qu’il considère comme une
«expression peut-être maladroite».
Pour sa part, dans un communiqué, le CRAN a reproché à la présidente de la CFR sa qualification des propos
du ministre bernois qu’elle n’assimile pas à du racisme. Son comité a surtout demandé au ministre de présenter
des excuses publiques aux communautés africaines blessées dans leur dignité. Ces excuses ont été présentées
dans une lettre officielle du 6 octobre 2014. (Le Matin, 12.09.2014 ; Communiqué du CRAN du 28.09.2014 ;
Lettre de M. Hans-Jürg Käser, 6.10.2014, rendue publique par le CRAN après en avoir informé le ministre)
Langenthal : Hockeyeur valaisan Noir victime d’insultes racistes
Le Montheysan du HC La-Chaux-de-Fonds, Dave Sutter, un Noir, a été victime d'insultes racistes le 12
septembre dernier. Après la défaite du HCC à Langenthal vendredi soir (4-2), Dave Sutter a été pris à partie par
un supporter du club bernois. L'homme aurait proféré des insultes racistes à l'encontre du Montheysan
d'origine, rapporte aujourd'hui L'Express/L'Impartial. Un fait divers qui a choqué le directoire des Mélèzes. «
J'ai informé notre conseil d'administration de ces actes », a réagi Régis Fuchs, le directeur sportif du HCC.
« En plus de 25 ans de présence dans le monde du hockey sur glace, c'est la première fois que je vis une chose
pareille. J'ai été choqué ».
Le président du club neuchâtelois Marius Meijer, qui affirme qu'il portera plainte auprès de la Ligue, s'est
également montré indigné. Dave Sutter, lui, préfère relativiser les faits: «Le supporter était probablement
saoul. J'ai été surpris par le comportement de cette personne, mais je n'ai pas envie de faire une grosse histoire
de tout cela». (Le Matin, 15.09.2014)
Suisse : Selon la Commission européenne, les Noirs restent parmi les plus discriminés
Les Noirs sont les plus discriminés,, avec les Yéniches et les Gens du voyage, selon la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (ECRI). Son 5e Rapport sur la Suisse dénonce le discours xénophobe, voire
raciste, de certains politiciens qui a péjoré les conditions de vie des Noirs en particulier. Publié le 16 septembre
2014 à Strasbourg, le Rapport met le doigt aussi sur les discriminations sur le marché du travail et dans le
secteur tertiaire. ECRI se félicite toutefois de l'engagement des autorités helvétiques et de leur condamnation
claire du racisme et de la xénophobie. Elle salue notamment les centres de consultation mis en place pour les
victimes de discrimination dans le cadre des programmes d'intégration cantonaux (PIC), le renforcement des
mesures contre le racisme et la discrimination à l'école, les offres de formation sur les droits humains, etc.
Par ailleurs, comme à chacun de ses rapports, ECRI recommande d’attribuer à la Commission fédérale contre le
racisme (CFR) la fonction et la responsabilité de fournir aide et assistance aux victimes, y compris une aide
juridique, en vue de faire valoir leurs droits auprès des autorités et des tribunaux. Elle invite aussi les autorités
suisses à intervenir auprès des partis politiques sur l’utilisation d’éléments racistes et xénophobes dans le
discours politique. Un système de filtrage préalable de la conformité des projets de votation populaire au droit
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international en vue d’éviter des campagnes racistes et discriminatoires a été aussi recommandé. En même sens,
la commission demande aux médias d’éviter les réflexes pouvant mener à une couverture médiatique
stigmatisant les groupes vulnérables, tels les Noirs.
(https://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msg-id=54470, 16.09.2014)
Genève : Le reportage de la RTS, sur le parcours d’un dealer, pas crédible pour la police genevoise
Le reportage de «Temps présent», diffusé en mai dernier, est contesté par les forces de l’ordre. Qui ont donné
leur version, mercredi. Un important trafiquant de drogue s’y affiche avec des armes de guerre, dans un
appartement genevois: ce Guinéen apparaît quelques instants dans l’enquête de «Temps présent» consacrée au
parcours d’un requérant. Des images et des propos surprenants pour la brigade des stupéfiants: ils ne
correspondraient pas à la réalité rencontrée habituellement sur le terrain. Les inspecteurs dénichent le supposé
caïd, perquisitionnent et trouvent des armes... en plastique. La police s’est fendue mercredi d’un communiqué
pour faire part de ses doutes. «Genève, ce n’est pas le Bronx», a expliqué le service de presse à 20 Minutes. Le
producteur de «Temps présent», Jean-Philippe Ceppi, persiste. «Le pistolet-mitrailleur filmé au premier plan,
dans la séquence incriminée, n’était pas factice. Et lors de notre tournage, il y avait d’autres armes réelles
dans cet appartement», soutient-il. Le tournage a été réalisé en début d’année, alors que la perquisition de la
police, elle, a eu lieu en septembre dernier: «Beaucoup de choses ont pu changer en plusieurs mois dans cet
appartement», ajoute le producteur.
Fribourg : La Police ne va plus utiliser l’expression «homme de couleur» !
L’usage de l’expression «hommes de couleur» par la police cantonale a heurté certaines sensibilités. La
Commission fédérale contre le racisme (CFR) souligne que cette mention est à bannir dans le cas d’une
communication sur un délit. La police, elle, reconnaît le côté stigmatisant de l'expression et assure qu’elle ne
l’utilisera plus. En effet, l’été dernier, la police cantonale fribourgeoise a utilisé l’expression pour décrire les
auteurs d’un brigandage qui a eu lieu en ville de Fribourg. Anodine et informative pour certains, cette
expression, relayée sur la page Facebook de «La Liberté» ainsi que dans son édition papier, a suscité plusieurs
réactions de lecteurs, notamment via les réseaux sociaux. Bien que reconnaissant qu’elle utilise elle-même
parfois cette expression, la Commission fédérale contre le racisme (CFR) explique que la mention «homme de
couleur» est à bannir dans le cas d'une communication liée à un délit. On risque de tomber en effet dans le
profilage racial. (La Liberté, 8.10.2014)
Lausanne-Pully : Psychose Ebola contre une Noire, maman de jour
A Pully, des parents ont été pris d’une soudaine inquiétude lorsqu’ils ont eu vent des projets de voyage en
Afrique d’une maman de jour chargée de la garde de leur enfant, comme chaque année. Bien qu’elle ne compte
pas se rendre dans l’un des pays touchés par l’épidémie d’Ebola, les parents se sont manifestés auprès du
service communal responsable pour retirer leur enfant de sa garde à son retour de vacances. Cette réaction,
estime Alain Delaloye, chef du Service de la jeunesse et des affaires sociales, chargé du réseau d’accueil en
milieu familial, résulte d’une «méconnaissance» de la situation. La commune a décidé de diffuser dès la
semaine prochaine un message destiné aux mamans de jour et aux parents qui ont recours à leurs services. « Si
une accueillante en milieu familial se rend dans l’un des trois pays touchés par Ebola et si elle est inquiète à
son retour », elle devrait consulter son médecin afin qu’il évalue l’éventualité d’une exposition à risques,
indique la missive, conçue d’entente avec Eric Masserey, médecin cantonal adjoint, chargé du contrôle des
maladies transmissibles. Elle serait alors au bénéfice d’un certificat médical afin d’éviter tout contact avec des
enfants. Une hypothèse jugée hautement improbable: sur les 25 femmes actives dans l’accueil de jour à Pully,
Paudex, Belmont-sur-Lausanne et Lutry, trois proviennent de pays africains. Aucune d’entre elles en revanche
n’est originaire de l’un des trois pays concernés par Ebola. «Si malgré tout les parents ne souhaitent plus placer
leur enfant chez l’accueillante à son retour d’Afrique, c’est une décision qui leur appartient», ajoute Alain
Delaloye. Une réaction «disproportionnée», estime Eric Masserey. « Ebola, ce que ce terme véhicule, interroge
notre rapport au monde, à la migration et à l’épidémie. On est face à des réactions irrationnelles. Il y a une
tentation de barricade ». (Le Temps, 17.10.2014)
Valais : Freysinger ne veut plus de substitue une «Semaine pour l'intégration» à la «Semaine d'actions
contre le racisme» de l’ONU
Une directive cantonale déclenche un tollé en Valais. Le conseiller d’Etat Oskar Freysinger, chef du
Département de la formation et de la sécurité (DFS) et vice-président national du parti raciste et xénophobe
UDC, a donné l'ordre au Service de la population et des migrations de renommer pour le Valais la «Semaine
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d'actions contre le racisme», a indiqué Slobodan Despot, chargé de la communication externe du département,
confirmant une information publiée vendredi dans Le Temps. «C'est pour donner un signe positif vers
l'intégration plutôt que de dénoncer le racisme, ce qui ne constitue pas un message positif donné aux
immigrés». La Semaine d'actions contre le racisme s'inscrit dans le cadre de la journée internationale pour
l'élimination de la discrimination raciale organisée chaque 21 mars par l'ONU. Vu cette appellation
internationale, comment imposer un changement de nom aux communes ou aux organisations participantes qui
refuseraient? «Si des personnes ne sont pas d'accord, ce sera à elles de le dire et d'argumenter», répond
Slobodan Despot. (ATS/Newsnet/Le Matin, 14.11.2014)
Valais : Des footballeurs racistes finissent devant la justice
«Putain de Noir, dégage d’ici!» L’insulte a fusé sur le terrain, lors d’un match de 5e ligue valaisanne entre
Chamoson 2 et l’US Port-Valais 2, au mois d’avril. Le joueur visé, originaire du Cap-Vert, a porté plainte
contre deux joueurs de l’équipe adverse pour propos racistes. Les prévenus, deux Portugais de 21 et 23 ans, ont
reconnu les faits. Durant ce match, «tout le monde était extrêmement nerveux», a relevé le procureur. Il a
malgré tout condamné les deux hommes pour injures: ils écopent de 3 jours-amende avec sursis, de 200 fr.
d’amende et de 700 fr. de frais. Une condamnation pour insultes est un cas rare dans le milieu du foot romand.
Peut-être même une première, selon les associations et les procureurs contactés. Dans l’élite, les cas qui
finissent devant la justice sont également rares. (20 Minutes, 10.12.2014)
Suisse : Les condamnations pour racisme sont toujours rares en Suisse
Seule une infime partie des 1000 cas répertoriés de racisme est dénoncée à la justice. Depuis 1995, soit depuis
l'existence de la norme antiraciste, il n'y a eu que 390 jugements prononcés par les tribunaux en vertu de cet
article de loi. En 2013, le Réseau de consultation a recensé 192 cas d'actes racistes, un chiffre similaire à 2012.
Chaque année, il publie un rapport sur les activités des 11 antennes qui le compose. Le nombre d'incidents
racistes et d'actes antisémites sur Internet a connu une forte augmentation.
De 1995 à 2013, la justice a rendu 664 dénonciations au total. Environ 40% n'ont pas débouché sur une
procédure d'instruction. Pour les 60% restants (401 décisions formelles), un jugement a été rendu. Pour 54
(14%) d'entre elles, les autorités ont lavé les personnes accusées de discrimination raciale, tandis que pour 336
(86%), elles les ont déclarées coupables, selon le site de la Commission fédérale contre le racisme (CFR). Les
auteurs sont des particuliers (39%), des politiciens (8%), des journalistes (6%) ou encore des extrémistes de
droite (15%). En revanche, du côté des victimes, ce sont surtout les juifs (27%), les étrangers (23%) et les Noirs
(16%) qui sont touchés. Les infractions ont surtout été commises dans des lieux publics. A noter que ces
données se basent sur les jugements qui ont été communiqués à la CFR. La statistique de l'Office fédéral de la
statistique en recense davantage. (ATS/Newsnet, Tribune de Genève, 26.12.2014)
Suisse : « L’auto-racisme anti-Noir est sans doute le plus difficile à combattre, tant son déni est fort! »
Dans une longue interview au magazine d’Amnesty International (section Suisse), Kanyana Mutombo,
secrétaire général du CRAN (Carrefour de réflexion et d’action sur le racisme anti-Noir), président du Collectif
associatif genevois à l’origine du premier et unique Centre suisse d’écoute contre le racisme, et directeur de
l’Université populaire africaine de Genève, en est convaincu : «Une manière de lutter contre le racisme dirigé
contre les Noirs, c’est de lui donner une visibilité. Cette visibilité ne peut pas être reconnue à travers un terme
vague». Le terme « racisme » est en effet depuis longtemps un vaste fourre-tout d’où on a vite extrait des
racismes spécifiques comme l’antisémitisme ou l’islamophobie. C’est depuis quinze ans que Kanyana
Mutombo s’est engagé dans la lutte contre le racisme anti-Noir et pour la reconnaissance de sa spécificité, ce
qui n’a pas été évident même dans le cadre du processus de la Conférence mondiale de Durban (2001), bien
qu’une large population le subisse depuis longtemps dans le monde. Aujourd’hui encore, des Noirs aussi
continuent à participer au déni ou à la minimisation du racisme anti-Noir. (Magazine AMNESTY, publié par la
Section suisse d’Amnesty International, n°79, décembre 2014)
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CHAPITRE 3
TÉMOIGNAGES
SUR LE RACISME ANTI-NOIR EN SUISSE
Un certain nombre d’actes racistes ou de discrimination ont été signalés au CRAN. D’autres nous ont
été communiqués volontairement par des organisations partenaires (ex. IGA-SOS Racisme, active
dans le canton de Soleure). Parfois, ils sont tirés de certaines publications (ex. le journal Voix d’Exils,
créé par des instituions actives dans le domaine de l’asile et animé principalement par des réfugiés).
La grande majorité des témoignages porte sur les violences policières. Mais il ne s’agit là que de
quelques cas, parmi des centaines d’autres, rapportés au CRAN oralement ou par écrit. Seuls
quelques uns des témoignages sont exposés ici. Les auteurs en ont accepté la publication, sous
garantie d’anonymat en général. Nous avons utilisé des pseudonymes ou des initiales dans ce cas,
afin de respecter les vœux des témoins.
TÉMOIGNAGES - 2002
RACISME INSTITUTIONNEL
Un requérant exaspéré retire sa demande d’asile
Nous reproduisons ci-dessous copie d’une correspondance du 16.12.2002, transmise par son
auteur et qui était adressé à l’Office fédéral des réfugiés (Bundesamt für Flüchtlinge), à Berne.
Au Bundesamt für Flüchtlinge8
Objet : Demande de retrait d’asile
Monsieur,
Par la présente, je viens solliciter auprès de votre haute et respectable institution le retrait de ma demande
d’asile et la restitution de l’ensemble de mes documents originaux en votre possession parce que j’ai décidé de
8
Office fédéral des Réfugiés, à Berne
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quitter la Suisse non pas pour retourner en Mauritanie où je serai arrêté et jeté immédiatement en prison mais
pour aller demander asile et protection en Belgique, pays européen où les hommes de couleur ne font l’objet
d’aucune discrimination raciale de la part de la police. Ce qui est loin d’être le cas de Zürich.
L’autre jour me trouvant à un arrêt de bus devant la gare de Orlikon parmi un nombre impressionnant de
Blancs, j’ai été interpellé par trois agents de la police suisse pour un contrôle. Ils m’ont fouillé, palpé partout
avant de repartir sans étendre la mesure aux Blancs se trouvant sur les lieux avec moi. Je trouve là que c’est un
acte raciste grave puisqu’il émane justement d’agents des forces de l’ordre qui sont censés veiller au strict
respect de la loi. Je rappelle qu’une telle pratique est condamnée par l’ONU dans sa loi sur l’asile en son article
I-A-2. de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et dont la Suisse est l’un des pays signataires. Une autre
fois c’est au Camp de réfugiés d’Effretikon qu’un groupe de policiers a fait une descente dans nos chambres à
six heures du matin pour nous réveiller, fouiller, et mettre nos bagages dans tous les sens.
Ce n’était pas l’idée que j’avais de la Suisse et j’étais très loin d’imaginer que de telles méthodes qui sont le
propre des pays tyranniques et très policiers d’Afrique et d’ailleurs, pouvaient bien exister en Suisse. (…)
Au camp de réfugiés d’Effretikon les conditions de vie sont très difficiles (mauvaise nourriture : une fois c’est
dans la salade servie à table que nous avons trouvé un ver de terre). Le soir, c’est dans un Bunker souterrain
très froid et humide que nous dormons et sur des lits superposés tellement bas et inadaptés qu’on touche le lit
du dessus. Le matin, au réveil nous subissons une véritable torture parce que nous ne disposons pas d’eau
chaude pour la douche et par ce temps de froid, c’est notre santé qui en souffre.
Peut-être que tout cela n’est pas connu de l’office suisse des réfugiés. Tout n’est pas mauvais dans le système
suisse et je viens justement remercier ici les autorités et le personnel du centre qui ont un sens très élevé des
droits fondamentaux de l’homme et sont en permanence à l’écoute des réfugiés.
Mes remerciements et mes reconnaissances vont également à l’organisation suisse des réfugiés pour les efforts
humains, matériels et financiers déployés pour accueillir, entretenir et héberger tous ces demandeurs d’asile,
qui, sans les sacrifices consentis se retrouveraient devant une situation difficile. Il est seulement dommage que
certains de vos collaborateurs n’aient pas compris la portée de votre noble action et méprisent les personnes
placées sous leur responsabilité.
Ayant pour ma part fui mon pays à cause des mesures d’exclusion, de pratiques racistes et de menaces sur la
liberté exercée par les autorités sur ma communauté les Fulani, je ne souhaite plus rester en Suisse pour y subir
des traitements humiliants que nous avons toujours dénoncés et combattus chez nous au risque de nos vies et
libertés. (…)
(signé)
TÉMOIGNAGES - 2003
RACISME À LA DOUANE
Ancienne diplomate brutalisée pour une vignette
Il ne fait pas bon de changer de statut. Ancienne diplomate et représentant son pays (africain)
à Genève, cette dame a été brutalisée comme une criminelle par la police des frantières pour
un banal problème de vignette autoroutière.
1. Les faits
Je me rendais à la Mairie de Plan les Ouates. Mais comme je n'ai pas l'habitude de prendre cette direction, je
n'ai pas tourné au bon endroit, raison pour laquelle je me suis retrouvée sur l'autoroute vers Perly.
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Arrivée à la douane, je me suis naturellement arrêtée. La vérification des papiers du conducteur de la voiture
qui était devant moi terminée, c'était mon tour. Tout en remettant les miens à la douanière, je lui racontais ce
qui m'était arrivé en lui demandant gentiment de me montrer comment faire pour reprendre l'autoroute dans le
sens opposé.
Je compris qu'il y avait problème quand son collègue me fit un geste de me garer avec un regard qui en disait
long sur ce qui allait suivre. On m'intima l'ordre de me rendre à l'intérieur de leurs locaux et c'est là que j'ai
appris que j'étais en infraction puisque ma voiture ne portait pas de vignette m'autorisant à rouler sur
l'autoroute. Je tentais d'expliquer et de m'excuser. En guise de réponse on me prit de force mon sac, on jeta
toutes mes affaires sur la table en me répétant méchamment que je n'avais rien d'autre à faire que payer une
amende et d'acheter la vignette. On prit mes cartes en m'intimant l'ordre de dire combien d'argent il y avait sur
mes comptes. On me déshabilla de mon manteau malgré le grand froid pour y chercher je ne sais quoi. Les
affaires contenues dans mon sac et mon manteau sont restées étalées sur la table pendant environ une heure.
Durant tout ce temps j'essayais de garder le calme comme je pouvais, répétant par moments que je n'avais rien
fait qui puisse mériter ce traitement. Comme réponse : des menaces, des ricanements, des «on s'en fout» à n'en
pas finir. Un moment je leur révélais même que j'avais occupé de hautes fonctions dans mon pays. Même
attitude haineuse et méprisante, les mêmes «on s'en fout, tu resteras là toute la journée si tu ne paies pas, si tu
ne te plies pas à nos décisions». Je subissais vraiment le genre d'interrogatoire qu'on subit dans les
Commissariats de Police.
Les choses se sont gâtées quand on me fit sortir pour m'amener dans un autre endroit, chez le responsable du
poste. Alors que nous marchions, l'agent qui m'emmenait a laissé échapper un avertissement «Là, tu auras plus
dur». En effet une minute après je devais subir : regards méprisants (que j'évitais comme je pouvais, ce qui me
valut d'être traitée d'une mal éduquée irrespectueuse) interrogatoire, ricanements etc. N'en pouvant plus, je me
suis risquée de poser la question qu'il ne fallait pas car les choses se sont gâtées davantage. J'ai demandé si
j'aurais subi le même traitement si je n'étais pas noire ! Le policier laissa éclater toute sa colère et cria de plus
belle sur moi. Je n'en croyais pas mes oreilles quand je l'entendis dire «on s'en fiche, justement tu dois être
traitée comme ça». Ceci mit fin à tout échange car je sentis à mon tour une colère terrible monter en moi et
comme je ne pouvais rien lui faire ou que je ne voulais pas prononcer quoique ce soit que je pouvais regretter
après, je me contentais de faire des exercices de respiration profonde, après quoi on me laissa partir après que
j'ai acheté la vignette. Je suis arrivée au poste à 11h et j'en suis repartie à 13h
2. Mes griefs
Je ne conteste nullement que quelque soit la raison je n'étais pas en ordre. Mais je pense vraiment que je ne
devais pas subir tout ce que j'ai subi alors qu'un rapport me réclamant la fameuse amende suffisait. Je dénonce
les regards et les ricanements méprisants, le ton de menace, l'attroupement de tout un groupe autour de moi et
leur désobligeance collective.
Je trouve très abusive la fouille que j'ai subie allant jusqu'à me faire déshabiller de mon manteau.
Je dénonce les propos, le ton, l'appréciation du chef de poste qui n'avait rien vu mais donnait raison ipso facto à
ses collaborateurs. Je m'insurge contre ses propos malveillants sur mon éducation et le respect envers les autres
car pour moi ce sont des propos qu'il ne faut pas tenir dans pareilles circonstances. J'exprime ma
désapprobation totale que je sois restée deux heures à un endroit où je n'avais rien à faire car il arrive à tout le
monde de se tromper de route. En effet, j'ai subi le même traitement d'une personne en état d'arrestation alors
que je voulais juste demander la route.
3. Objectif poursuivi en soumettant l'affaire devant le CRAN : je ne réclame aucune indemnisation, je n'ai
aucune intention de saisir la justice, je souhaite juste que ma plainte parvienne chez qui de droit qui
empêcherait que d'autres personnes soient victimes de tels agissements.
(signé, correspondance du 25.1.2003)
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VIOLENCES POLICIÈRES
Brutalisé, maltraité et condamné à se taire
Le cas de John* n’est certainement pas isolé, mais il est sans aucun doute celui dont
l’ampleur aura retenu notre attention en l’année 2003.
John est un jeune africain de 18 ans ayant fui la guerre dans son pays pour trouver une terre d’asile en Suisse en
février 2002. Jusque-là tout semble normal dans la vie de ce jeune requérant d’asile.
John est interdit de sortir de la localité dans laquelle il est enregistré sous peine d’amende. Mais il prend
souvent ce risque pour aller voir ses compatriotes et amis à Berne. Il joue donc à cache-cache avec la police car
il est conscient qu’il encourt une peine, si jamais les policiers le contrôlent et découvrent qu’il ne doit pas
mettre les pieds à Berne.
En ce jour d’octobre 2002, John voit des policiers qui viennent vers lui. Sans se poser de questions, il prend ses
jambes à son cou, effrayé qu’il est à l’idée d’une amende qu’il ne pourrait jamais payer. Les policiers, qui se
disent que ce Noir a certainement quelque chose à cacher se mettent à sa poursuite.
John peut s’attendre à tout sauf au traitement d’un autre âge dont il sera victime car il sera très vite rattrapé par
ces hommes en uniforme. Il est brutalisé de la manière la plus bestiale qui soit. Comme lui-même le raconte
plus tard presque les larmes aux yeux, il s’est évanoui suite aux coups et blessures et ne s’est réveillé que sur un
lit d’hôpital. Il avait ses deux bras cassés, la mâchoire déplacée et le nez fracturé.
Dans les premières semaines après cet acte, il était incapable de se laver, de manger et ne se nourrissait que de
bouillie grâce à l’aide d’un de ses amis qui lui tenait la bouche entrouverte.
Que reproche-t-on à ce jeune africain noir venu en Suisse rien que pour fuir les affres de la guerre qui sévit
dans son pays ? A-t-on le droit de traiter un homme de la sorte, fût-il coupable d’un quelconque délit ? Encore
faut-il fournir les preuves du délit.
Non contents de lui avoir fait subir toutes ces atrocités ces hommes en uniforme seraient revenus voir John
pour le menacer d’expulsion de la Suisse s’il pense un seul instant porter plainte, ou parler à des organisations
antiracistes ou humanitaires. Sinon comment comprendre que le premier jour de notre visite chez John, il nous
raconte tout ce qu'il a subi et nous montre même les photos qu’on a du mal à regarder tellement elles sont
atroces et que le deuxième jour il refuse catégoriquement de nous voir, sous prétexte qu’il n’a aucun problème
avec qui que ce soit et que son état est normal. Et pourtant nous nous étions donné rendez-vous.
On est à se demander si la menace pèse seulement sur John ou aussi sur le personnel du camp de réfugiés, qui
tantôt nous dit que John serait tombé en courant (et cassé ses deux bras et le nez) tantôt qu’il aurait sauté un
mur. C’est d’ailleurs avec beaucoup de difficultés qu’on réussit à leur arracher ces bouts de phrases.
Evidemment, il est difficile d’entreprendre quoi que ce soit tant que John refusera de parler. Mais fermer les
yeux sur ce genre de brutalité policière ne va que donner plus de zèle aux policiers se croient tout se permettre.
Surtout tant qu’il s’agira des requérants d’asile en particulier « des Noirs, ces Africains tous vendeurs de
drogue qui, quand ils ne dealent pas flirtent avec les jeunes Suissesses ».
Et pourtant, la dignité d’un être humain, fût-il un requérant d’asile doit être respectée et protégée.
La loi fondamentale suisse ne dit-elle pas en son article 9 que toute personne a le droit d’être traitée par les
organes de l’Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi ?
*John est un nom d’emprunt pour respecter la décision de la victime.
(Communiqué au CRAN, 20.1.2003)
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VIOLENCES POLICIÈRES (suite)
Confondu avec une autre personne, il est brutalisé et humilié en
public par la police
Ces lignes qui suivent sont le récit d’une brutalité policière qu’un père de famille originaire de
la RDC (République Démocratique du Congo) vivant à Berne depuis près de quatre ans avec
sa femme et leurs quatre enfants a subi à la gare de Berne.
C’était un après-midi du mois de décembre 2002, Jules avait rendez-vous avec un jeune ami suisse à 17 heures
devant le café Mövenpick dans la Neuengasse. Jules étant arrivé sur les lieux du rendez-vous avec un peu
d’avance, il décide de lécher les vitrines en attendant que son ami arrive. Mal lui en prit. Soudain il voit deux
policiers qui viennent vers lui et demandent ses pièces d’identité. Chose qu’il leur brandit sans état d’âme
particulier puisqu’il ne se reproche rien. Mais sa surprise sera à la mesure de ce qu’il allait subir les minutes qui
allaient suivre. Sans autre forme de procès, il est aussitôt menotté, les bras dans le dos. Les deux policiers lui
intiment ensuite l’ordre de les suivre au commissariat de police. Il demande alors la raison du traitement dont il
était victime. Aucune réponse.
Il refuse alors de les suivre tant qu’on ne lui a pas dit le délit qu’il aurait apparemment commis car il «connaît
ses droits». Pour toute réponse pourtant, il est encore plus brutalisé et poussé de force en direction du
commissariat proche. Il demande alors qu’on lui permette au moins de téléphoner à la personne qu’il devait
rencontrer et à sa femme pour que ceux-ci s’inquiètent. Les policiers refusent et le brutalisent toujours plus.
Soudain, à une bonne dizaine de mètres du commissariat de police, l’un des policiers, après avoir reçu un coup
de téléphone, certainement d’un collègue, demande qu’on le laisse partir. Pour seule excuse ils se limitent à lui
dire qu’ils se seraient trompés de personne. Et Jules de se demander si ces policiers auraient agi de la même
manière s’ils avaient eu en face d’eux un Suisse ou tout simplement un Blanc.
Jules* est un nom d’emprunt.
(communiqué au CRAN, 28.01.2003)
---------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES (suite)
A la gare de St-Gall, scène habituelle de racisme
Le 4 février 2003 à la gare ferroviaire de Saint-Gall, un membre du CRAN était en train
d’interroger au moyen d’un questionnaire sur le racisme anti-Noir un jeune Nigérian résidant
dans un centre d’accueil pour réfugiés lorsqu’ils furent interpellés par deux policiers.
Nous étions les deux seuls Noirs dans la gare en ce moment et nous fûmes les deux à être contrôlés, après avoir
été accostés par deux policiers (dont je tairai volontairement les noms) en ces termes : «Eh Sie da Ausweis !»
(Eh! Vous-là, carte d’identité!). En guise de protestation, nous avons dit que même si nous ne contestions pas le
contrôle, nous n’étions tout de même pas d’accord avec la manière de nous interpeller.
Pendant qu’ils consultaient nos cartes d’identité, celui qui semblait être le plus âgé voulu savoir où habitait le
jeune Nigérian avec la carte de résident. Il répondit que si cela l’intéressait vraiment, qu’il appelle le service de
renseignement de la police pour avoir ces informations. A moi on me demanda si l’adresse était toujours
actuelle.
Ne comprenant rien à cet interrogatoire qui avait dépassé nettement le cadre d’un contrôle de routine, nous leur
demandons alors le pourquoi de ces questions qui étaient tout sauf courtoises. On tomba des nues lorsque l’un
des policiers répondit que de toutes les façons, la plupart des Noirs sont des dealers et qu’il faut les contrôler
quand ils sont attroupés dans un lieu public, car cela est douteux. Ainsi deux personnes à la gare de Saint Gall
est un attroupement qui semble nuire à l’ordre public surtout quand on est noir.
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Je répliquai alors que ce délit de faciès et la manière dont ils ont opéré leur contrôle frisait le racisme. Ils me
répondirent qu’ils auraient été racistes s’ils nous avaient dit : «Eh Negger Ausweis», ce qui n’était pas le cas.
La discussion a pris fin quand les passants commençaient à s’attrouper autour de nous pour assister sans
broncher à notre discussion. Avant de partir, ils n’ont pas manqué de nous dire que de toutes les manières, nous
n’avons rien à faire ici et que l’Afrique a plus besoin de nous que la Suisse.
D’ailleurs nombreux sont les requérants d’asile africains, à l’image de ce jeune Soudanais du camp de réfugiés
de Soldanella, qui sont interdits de séjour dans les environs de la gare ferroviaire de Saint Gall.
(communiqué au CRAN, 8.02.2003)
---------------------------------------------------------MALTRAITANCES DANS UN CENTRE DE REQUÉRANTS D’ASILE
Une mort qu’on aurait pu éviter
Le 12 février 2003, un jeune mourait à Oberbüren dans le Canton de Saint-Gall suite à une varicelle bénigne,
qu’on aurait facilement soignée si Osuigwe Christian, Nigérian demandeur d’asile en Suisse n’avait pas été un
Noir. Mais la demande d’aide pour être transporté à l’hôpital n’a été ni entendu par le centre social du camp
d’asile, ni par les policiers qui trouvaient que ce jeune était « sous overdose ». Ses camarades, voyant son état
s’aggraver avaient essayé désespérément de le conduire à l’hôpital. La direction et la permanence de nuit du
centre d’asile ont refusé de faire appel à une ambulance. Les amis du défunt, à leur grand étonnement, seront
enfermés et assisteront, les larmes aux yeux, à la mort de Christian.
Trois jours avant, le médecin traitant du camp d’asile avait, après un diagnostic dont lui seul avait le secret,
conclu que le jeune était sous l’effet de la drogue.
L’autopsie a pourtant montré qu’il n’en était rien.
(communiqué au CRAN, 28.02.2003)
---------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Un Camerounais roué de coups dans la Langstrasse de Zürich
La Langstrasse de Zürich est la rue la plus animée de cette ville. C’est là aussi que se trouve
concentrée la grande communauté étrangère de cette ville. F.D. n’habite pas le quartier, mais
il y vient souvent pour s’acheter les denrées africaines et les cartes de téléphone avec
lesquelles il peut appeler moins cher au Cameroun, son pays d’origine.
Ce 10 mars 2003, vers 11 heures il marchait dans cette rue lorsque 4 policiers (une femme et trois hommes)
l’encerclent et lui intiment l’ordre d’ouvrir sa bouche. Il leur demande ironiquement s’ils sont dentistes. C’était
apparemment une plaisanterie de mauvais goût et les policiers commencent à le fouiller partout, jetant tout ce
qu’il avait dans les poches par terre. Ils ne trouvèrent malheureusement (pour eux) pas ce qu’ils cherchaient. Ils
s’apprêtaient à partir quand F.D. leur demande de lui redonner tout ce qu’ils venaient de jeter sur le trottoir et
qui lui appartenait. Dans leur refus de le faire, il relève le numéro de leur voiture garé sur le trottoir non loin de
là. Voyant cela, les policiers reviennent interpeller F.D. et lui mettent les menottes en le tenant allongé sur le
trottoir. Un des policiers lui donna même des coups de pieds. Ils le jettent dans leur voiture et le conduisent au
commissariat. Pendant le parcours, il est traité de « criminel », d’ « enculé », d’ « imbécile »…
Au commissariat, il sera enfermé dans une cellule après avoir été obligé de se mettre tout nu. Il est relâché vers
13 heures 30 sans autre forme de procès. Chemin faisant il constate que ces poignés sont enflés et va à l’hôpital
pour se faire faire un certificat médical.
F.D. n’en reste pas là. Il écrit à la cheffe du Département de police de Zürich, Mme Esther Maurer pour lui
raconter ses méfaits car se sentant « discriminé », lui qui ne cesse d’écrire dans les journaux pour dire qu’il ne
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faut pas mettre tous les Noirs dans le même panier, lui qui sensibilise régulièrement les jeunes Noirs pour qu’ils
respectent la loi de leur pays d’accueil.
M. Hans-Rudolf Speck de la police de Zürich n’y trouve qu’une explication à ce mauvais traitement :
«Malheureusement beaucoup d’Africains noirs s’adonnent à la vente de drogue dans la Langstrasse. Quand un
Noir passe donc dans cette rue, cela est trop voyant». Est-ce à dire que les Noirs qui n’ont rien à voir avec la
vente de drogue n’ont plus le droit de circuler dans la Langstrasse ?
Quand F.D. retourne dans la soirée pour remettre le certificat médical aux policiers qui l’ont agressé, il trouve
le chef de police qui, après l’avoir confronté avec ses éléments mis en cause présente ses excuses au
Camerounais. F.D. accepte le pardon et insiste néanmoins pour que la facture de l’hôpital soit payée par la
police. Le chef de police n’y voit pas d’inconvénient. Quelle ne fut alors la surprise de celui-ci, quand il reçut
un mois plus tard une facture de 348 francs de la police, pour agression des policiers dans l’exercice de leur
fonction! …
(communiqué au CRAN, 17.07.2003)
---------------------------------------------------------LICENCIEMENT ABUSIF
Insulté par une cliente raciste, il se plaint auprès du patron et
perd son job
En matière de racisme et de défense de ses droits et dignité, on ne sait parfois sur quel pied
danser. On pense agir bien correctement et on fait tout faux ! C’est l’expérience vécue par un
jeune Noir à Berne.
Monsieur A.D. est Sénégalais et vit en Suisse depuis 6 ans. Depuis le 3 avril 2003, il ne travaille plus dans le
McDonald de la Vieille-ville de Berne parce que son chef en a décidé autrement. En effet ce jeudi après-midi,
deux jeunes filles rentrent dans les locaux. Seule une d’entre elles veut boire du chocolat chaud et en
commande donc chez A.D. qui est de service ce jour. Après avoir servi le verre de chocolat, la jeune fille lui
tend un billet de 20 francs. Au moment il rend la monnaie à la cliente, sa camarade qui était restée en retrait se
plaint qu’il n’y a pas assez de chocolat (le chocolat n’est pas assez) dans le verre. A.D. répond alors qu’il n’en
est pas responsable car c’est une machine qui détermine la quantité. Mais il ajoute qu’il peut toutefois en mettre
un peu plus si tel était le désir de la jeune fille, l’autre en retrait s’en prend à Diallo qu’elle traite de
«Scheissnegger» (sale nègre) qui vend la drogue aux jeunes Suisses. Il répond qu’il n’est pas un Scheissnegger
mais qu’il a un nom (A.D.) qu’il lui décline entièrement.
«Tu es quand même un Scheissnegger et sers ma camarade, fils de pute !», rétorque la fille qui était visiblement
très en colère contre les Noirs. A.D. répond alors qu’il ne remplira plus le verre et qu’elles peuvent faire ce
qu’elles veulent. Pendant la discussion, le chef du McDonald descend et demande aux filles ce qui se passe.
Elles répètent que «le nègre» ne veut pas leur servir convenablement le chocolat. Quand A.D. veut expliquer sa
version des faits au chef, il lui intime l’ordre de se taire : «Ruhe». Il le convoque après dans son bureau et lui
remet une feuille de licenciement.
Ainsi, sans un avertissement préalable, ni même une mise en garde, A.D. est mis à la porte.
(communiqué au CRAN, 12.04.2003)
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VIOLENCES POLICIÈRES CONTRE UN COUPLE ET SON BÉBÉ
« Je ne sais pas si Dieu a péché en nous créant avec la peau
noire »
Même quand on st en famille, a fortiori avec un bébé, cela ne vous met pas à l’abri de
mésaventures que vous pouvez connaître en Suisse, face à la police, parce que votre couleur
noire de peau est comme une incitation à la violation de vos droits et dignité.
C’était le 22 avril 2003 vers 14 heures. Moi, ma femme et mon fils (6 mois) venions d’Elternbriefe.
En passant par l’avenue du Général Guisan à Winterthur, je vois subitement 2 policiers en civil venir vers nous.
L’un deux nous barre la route brutalement en présentant sa carte et nous oblige avec agressivité à présenter nos
passeports.
Ma femme et moi demandons alors s’il y a un problème. La question les rend très furieux. Ils répondent que ce
n’est pas à nous de les questionner, c’est plutôt à eux de nous poser des questions.
Je leur montre mon Ausweis (carte d’identité). Pendant que ma femme faisait sortir la sienne de son sac, l’un
des policiers arrache violemment la carte d’identité de ses mains. Cette dernière devenue à son tour furieuse
demande si nous étions des criminels pour être traités de la sorte. Les policiers nous obligent alors à nous
rendre au poste de police. Ma femme refuse de les suivre tant qu’on ne lui dit pas pour quel motif on lui
demande d’aller au poste de police. L’un des policiers appelle en renfort deux policiers en civil tout en
menaçant ma femme. Ils tirent de force la poussette des mains de ma femme. Elle enlève l’enfant de la
poussette et la tient par le bras gauche, pendant que le policier lui tord le bras droit en voulant lui mettre des
menottes. Elle essaye de traverser la route et partir mais le policier la bloque en plein milieu de la route
provoquant ainsi un bouchon pendant près de 15 minutes.
Ma femme tombe tout en essayant de protéger l’enfant, mais le policier cherche toujours à lui mettre les
menottes en lui tordant le bras.
L’un des policiers qui étaient avec moi me met aussi les menottes et me demande de partir avec eux. Je leur
réponds de laisser au moins partir ma femme et de me prendre tout seul.
C’est ainsi que deux policiers se jettent sur moi, l’un m’étrangle pendant que l’autre me jette sur le trottoir et
m’y maintient en piétinant ma tête jusqu’à ce que mes lunettes se cassent. Mon œil gauche que je venais de
faire opérer en prend un coup. Ils nous amènent de force à leur poste de police dans la Badgasse à une centaine
de mètres de là où nous étions.
Là ils me fouillent partout sans trouver quelque chose de compromettant. Ma femme reste avec les deux
policiers qui appellent d’autres policiers en renfort. Elle est entourée en tout de 5 policiers dont l’un
foncièrement raciste, l’agresse et la traite de chienne. Ma femme aussi me rejoint donc au poste de police et
nous y restons jusqu’à 16 heures. Ils nous libèrent ensuite, sans avoir trouvé ce qu’ils cherchaient. Je prends
rendez-vous avec mon docteur et je pars chez l’assistant social Peter Schneider à qui j’explique tout ce que je
viens de subir avec ma famille. Il établit un rapport et me fait venir le lendemain pour me montrer ce rapport et
voir si tout est correct. Il promet de nous aider. Monsieur Schneider a appelé la police pour lui demander leur
version des faits. Ils lui ont répondu que des familles africaines volent dans les magasins à Winterthur. Il leur
aurait répondu que ce n’était pas pour cette raison qu’on devait nous traiter de la sorte. Je lui demande s’il
connaît un bureau où nous pouvons porter plainte. Il répond négativement.
Jusqu’à présent je sens toujours des douleurs dans ma tête et mon œil gauche.
Vu toutes les injustices qui se passent en Suisse sur les Africains, je ne retrouve pas ce pays de paix et de
démocratie que je comptais connaître en arrivant ici.
Les cas similaires sont légion et même quand les Africains ont raison, nous nous sentons faibles et sans soutien.
Je ne sais pas si Dieu a péché en nous créant avec la peau noire.
(signé, correspondance du 30.5.2003)
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VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Acharnement gratuit sur un jeune Africain à la gare de Berne
Monsieur M.D. est un jeune Gambien vivant en Suisse depuis une dizaine d’années. Ce
mercredi 4 juin 2003 vers 20 heures 30, il venait du travail et n’était que de passage à la gare
de Berne. Il devait prendre les escaliers roulant de la Christoffelunterführung pour traverser la
gare et aller de l’autre côté, à la gare routière (Postbushaltstelle).
En descendant dans la gare (Bahnhof), il aperçoit un premier policier qui descend en courant les escaliers non
roulants et va attendre en bas au pied des escaliers roulants.
Comme il le raconte lui-même, le policier laisse passer tous les autres qui descendaient sur l’escalier roulant
sauf lui. Car arrivé à son niveau celui-ci lui demande par un geste brusque qui le surprend, de s’arrêter et
d’ouvrir sa bouche. Il demande alors pour quelle raison on lui demanderait d’ouvrir sa bouche. Il n’obtempère
pas. C’est ainsi qu’il se rend compte de la présence du deuxième policier qui se trouvait comme lui, sur
l’escalier roulant tout juste derrière lui. Ce dernier le prend violemment par le cou pour l’immobiliser pendant
que l’autre policier lui passe les menottes.
Il est conduit vers le poste de police de la gare à côté du Treffpunkt. Il y est déshabillé. Les policiers contrôlent
ses papiers d’identité retirés de ses habits qu’ils fouillaient de fond en comble. Ils ne trouvent apparemment pas
ce qu’ils cherchent. La femme policière qui est au comptoir vérifie les papiers de M.D. et lui demande depuis
quand il ne vit plus avec sa femme. Très énervé, il répond que cela ne la regardait aucunement.
C’est alors que le policier qui lui avait mis les menottes commence à le rouer de coups. M.D. demande de quoi
on l’accuse. Pour toute réponse il était battu par le policier qui lui répétait qu’il n’avait rien à chercher dans ce
pays. Il devrait rentrer chez lui.
Il lui jette ses habits à ses pieds et après lui avoir enlevé les menottes, lui dit de s’en aller.
Sentant les douleurs partout et saignant, il décide d’aller à Inselspital pour recevoir des soins. Malheureusement
il ne sera pas reçu aux urgences car tous les médecins étaient occupés. Ainsi M.D. retourne chez lui à la maison
le corps brûlant de douleur que des policiers lui ont fait subir ce jour.
Ainsi, chaque jour à la gare de Berne des Noirs sont soumis à des fouilles les plus ignobles dès qu’ils sont
arrêtés parce que les policiers sont persuadés que ce sont ces Noirs qui envoient la drogue en Suisse. Tous les
Africains de l’Afrique de l’Ouest sont devenus des vendeurs de drogue malgré eux, parce qu’ils ont simplement
la peau noire.
(Rapport établi par le CRAN après témoignage, 26.6.2003)
---------------------------------------------------------DISCRIMINATIONS À L’ENTRÉE DE DISCOTHÈQUES
Quand une Suissesse fait l’expérience du racisme anti-Noir
Le racisme anti-Noir, comme tout racisme, est une idéologie. Il peut habiter n’importe qui,
Blanc ou Noir, et frapper également n’importe qui, selon certes son appartenance à la « race »
Noire, mais aussi selon son degré de proximité avec le Noir.
Mon mari et moi, un couple binational (lui nigérian, moi suissesse) sommes domiciliés depuis trois ans dans la
ville de Zurich. Je travaille à Zurich et mon mari à Mägenwil en Argovie. Tout d’abord permettez-moi une
remarque liminaire : je n’aborderai PAS le comportement contestable des autorités, c’est un autre chapitre. Je
voudrais aborder le quotidien.
Jusqu’à présent, ce n’est que très rarement que mon mari a été discriminé dans le quotidien et lorsque c’était le
cas il a pu se défendre. Cependant ces derniers temps, il est arrivé à lui ou à des camarades qu’en raison de la
couleur de leur peau, on leur interdise l’entrée dans des établissements publics.
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Je suis très prudente avec les accusations de racisme et je trouve que l’on ne peut pas simplement «mettre dans
le panier de racisme» tous les comportements méprisants et désobligeants. C’est pourquoi des années durant,
j’ai pensé que je me trompais et que ces incidents n’étaient pas motivés en réalité par du racisme.
Jusqu’au soir du 11 octobre 2003 où il s’est encore passé quelque chose, le motif était tellement clair que moi
non plus je ne pouvais l’ignorer. C’est pourquoi j’ai décidé d’agir. Que pouvons-nous faire ? Nous ne le savons
pas. Mais nous espérons que vous pourrez nous aider.
Malheureusement je n’ai pas noté les incidents du passé précisément car comme je l’ai déjà dit, je pensais que
je me trompais. Maintenant, pour l’événement du 11 octobre 2003, le soir, au «Lady Hamilton», je l’ai noté très
précisément. Tous les établissements mentionnés ci-après se trouvent à Zürich.
Il y a quelques années un de mes amis, originaire d’Afrique du Sud et noir de peau, s’est vu refuser l’entrée à
«Adadgio», avec la raison qu’il n’était pas assez bien habillé. Je dois ajouter que je ne connais quasiment
personne plus élégante. L’incident a été rapporté dans 20 minutes.
Depuis des années, il est arrivé à mon mari de se voir refuser l’entrée de «Movie ‘s»avec la raison que les
hommes qui ne sont pas accompagnés par une femme ne sont pas admis. Dans deux de ces cas, j’y étais,
j’attendais mon mari au «Movie’s» et ces deux fois nous avons pu observer que le vigile à l’entrée laissait
entrer certains hommes non accompagnés. A ma question, le garde me répondit qu’il s’agissait de clients
habitués (Stammgäste). Je fis une vérification et demandai à deux hommes européens pris au hasard et qui
venaient juste d’entrer s’ils étaient des habitués. Or ils n’y étaient jamais venus !
Il existe d’autres cas où mon mari et ses amis se sont vus refuser l’entrée d’établissements, par exemple au
«Nelson».
Au «Lady Hamilton», le soir du 11 octobre 2003 :
Mon mari et moi étions en compagnie d’un couple d’amis. Vers minuit environ, un collègue originaire
d’Afrique du Sud et noir de peau nous appelle pour nous dire que le vigile refuse de le laisser entrer.
Nous sommes descendus pour parler au vigile (employé n° 151). Il nous dit qu’il ne laissait entrer que des
femmes, des membres ou des personnes qu’il connaît. Détail intéressant : juste avant, un grand groupe était
entré, il s’agissait de supporters de football irlandais (des hommes pour la plupart). Etaient-ils tous membres ou
amis personnels ?!
Mon amie et moi-même n’étions pas satisfaites de sa réponse et insistions poliment mais fermement. Le vigile
devint agressif et nous dit que nous ne le respections pas (!) ; et si nous continuions nous pouvions nous en
aller. Ce que nous fîmes bien sûr volontairement.
Après cet incident c’était clair pour moi (et nous tous) qu’il s’agissait de discrimination à cause de la couleur de
la peau et dans les autres cas précédents aussi.
Nous ne pouvons accepter plus longtemps ce traitement humiliant et contraire à la loi.
Que pouvons-nous faire ? Introduire une action en justice (qui soit gratuite pour nous) ? Avertir les médias ?
Existe-t-il un bureau où l’on peut se plaindre. Ces locaux qui refusent les personnes de couleur peuvent-ils être
fermés si les preuves sont établies ?
(signé, correspondance du 12.10.2003)
---------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Portables arrachés aux requérants lors de simples contrôles
Lors d’une visite au centre d’hébergement de Lyss, des jeunes requérants d’asile africains
nous ont raconté toutes les humiliations qu’ils subissent dans les gares de la part de
policiers particulièrement allergiques au Noir.
Diarra, un jeune Guinéen raconte qu’il est régulièrement contrôlé à la gare de Berne pour rien. A chaque fois,
on lui confisque son Natel (téléphone portable). Cela ferait la troisième fois que les policiers lui arrachent son
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téléphone. Il lui a été demandé de donner les adresses exactes de tous ceux dont les noms se trouvaient
sauvegardés dans le téléphone.
Ahmed raconte qu’on leur demande à chaque fois de fournir le reçu d’achat du Natel. Quand ils répondent
qu’ils ne l’ont pas avec eux, leur téléphone est automatiquement confisqué. On les accuse soit d’avoir volé ces
appareils, soit de les utiliser pour vendre la drogue.
Donc la plupart d’entre eux ont décidé de ne plus sortir avec leur Natel.
Un peu partout ce sont les mêmes plaintes.
Ce n’est pas parce que les Noirs se trouvent dans les gares qu’ils seraient forcément des vendeurs de drogue. La
plupart des requérants d’asile ne travaillent pas pour pouvoir se payer le luxe d’aller s’asseoir dans un café ou
un restaurant au chaud en ville pour discuter avec leurs amis. Le seul coin qui leur reste et où ils ont la chance
de rencontrer les autres amis sans débourser de l’argent, reste la gare. C’est pour cela qu’ils sont pour la plupart
dans les gares. Les vrais vendeurs ne viennent pas dans les gares, disent-ils.
(Divers témoignages recueillis par le CRAN, 14.12.2003)
TÉMOIGNAGES - 2004
VIOLENCE RACISTE DE CITOYENS
Deux requérants d’asile guinéens sont agressés par des
hommes masqués dans la commune de Lyss
La commune de Lyss ne nous est plus inconnue car nous nous y sommes rendus l’année
dernière lorsqu’un jeune requérant d’origine nigériane a été brutalisé par les forces de police.
Cette fois ce ne sont pas les forces de police mais des individus masqués qui ont frappé,
nous rappelant la triste époque du Ku Klux Klan aux USA.
Le jeune K. est requérant d’asile et vit depuis quatre mois dans le camp de requérants Flüchtlingsunterkunft
Grenzstrasse 17-21, un camp situé en pleine zone industrielle de Lyss, certainement le seul endroit habité dans
cette partie de Lyss.
C’était le lundi 19.01.04 aux environs de 22 heures. K. venait de rendre visite à des amis à Berne. Il doit
marcher une vingtaine de minutes pour se rendre à la Grenzstrasse 17-21. Quand il arrive dans la
Kapellenstrasse, il remarque qu’un minibus de couleur verte immatriculé dans le canton de Vaud qui le suit. Il
pense à une voiture de police. Le minibus le dépasse de quelques mètres et s’immobilise. Il y a cinq personnes
à l’intérieur. Quatre en sortent et se jettent sur lui, le projettent à terre. Il n’a pas le temps de réaliser ce qui lui
arrive. C’était quatre colosses Blancs, cagoulés qui se mettent à le battre, à le traîner sur le trottoir. Entre temps
le cinquième cagoulé, chauffeur du bus, filme avec une caméra l’œuvre de ses quatre camarades. K. se met à
crier : « Au secours ! Au secours ! ».
Il a le temps de se relever et prendre ses jambes à son cou. Il ne sera pas rattrapé jusqu’au camp de la
Grenzstrasse où il est hébergé. Il avertit le responsable du camp qui ne semble pas prendre sa mésaventure au
sérieux. Et pourtant il insiste parce qu’un de ses amis qui allait également passer par là risquait de subir le
même sort. Quelques dizaines de minutes plus tard en effet, ce dernier arrive presqu’à quatre pattes au camp,
saignant de tout son corps. Nous n’avons pu rencontrer ce dernier, car il a été aussitôt hospitalisé.
Selon la version du jeune K. il avait devancé son compatriote quand ils sont descendus du train parce que celuici voulait téléphoner à ses parents au pays depuis une cabine téléphonique du village. C’est pendant qu’il
téléphonait qu’il fut retiré de la cabine et battu à sang par ces mêmes hommes masqués. L’œil très enflé,
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saignait abondamment quand il est arrivé au camp. Les amis du jeune Guinéen ont alerté la police. Transporté
chez le médecin du centre, le blessé n’a reçu pour tout pansement qu’un bandage autour de la tête. Les autres
requérants, ayant remarqué que l’enfant (il n’a que 17 ans) continuait à souffrir ont dû menacé le gardien du
centre afin qu’on l’amène à l’hôpital car le bandage n’arrivait pas à retenir le sang qui continuait de couler tout
le long de son corps. C’est seulement après cela qu’il a été transporté à l’hôpital de Aarberg.
A part la police qui, semble-t-il, a pris l’affaire en main, les agressés n’ont reçu aucun mot de compassion ni
des autorités de la ville, ni de celles du canton de Berne. Il faut signaler que ces agressions ont été rapportées
par le journal 20 Minuten du mercredi 21 janvier.
L’année 2004 annonce certainement les couleurs de ce qui attend les Noirs. Les milieux racistes ont repris du
poil de la bête et vont jusqu’à filmer leurs agressions qu’ils vont certainement présenter comme des trophées.
Les jeunes requérants du camp de Lyss que nous avons rencontrés disent vivre dans une atmosphère délétère,
faite de peur et de méfiance. Ils n’osent plus sortir le soir et ont l’impression que ce que viennent de subir deux
des leurs n’intéresse personne. Peut-être attend-on qu’il y ait mort d’homme pour que les politiques réagissent.
(Rapport établi par le CRAN après témoignage, 19.01.2004)
---------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Les déboires d’un jeune Guinéen à Bienne
M. Samoura (pseudo) est Guinéen. Il est arrivé en Suisse en février 2002. Il est requérant
d’asile et vit au centre de Büren dans la Riesenmattstrasse 28. Il est détenteur du permis N
comme bon nombre de ses compatriotes vivant en Suisse.
Büren est un petit centre. Y trouver un lieu de distraction pour un Africain oasif malgré lui est plus qu’aléatoire.
Samoura a l’habitude de venir à Bienne pour y rencontrer d’autres compatriotes et amis aussi pour se distraire
quelque peu. Faut-il signaler que Bienne dispose de dancings africains où des Africains venant même de
Genève y affluent les week-ends ? La discothèque en vogue actuellement est le Black and White.
Ce samedi 6 mars 2004, Samoura fait partie des noctambules de Bienne et se rend donc au Black and White.
Vers 2 heures du matin, il a assez dansé et transpire. Il sort un peu pour respirer l’air frais de l’extérieur.
Pendant ce temps deux jeunes Blancs passent par là avec un gros chien, vraisemblablement un berger allemand.
L’un d’eux lui crie : « sale nègre ». Samoura demande alors ce qu’il lui a fait pour qu’il le traite de sale nègre.
Il reçoit pour toute réponse : « casse-toi bordel ». Le jeune Guinéen ne voulant pas se laisser intimider
rétorque : « Nazi! »
Le Blanc avec le chien avance alors vers lui et veut le frapper. Il esquive. C’est alors qu’il lâche son chien qui
attaque le Guinéen. Ce dernier est mordu à la main gauche. Son anorak qu’il portait est déchiqueté par le
quadrupède. Après leur forfait, les deux jeunes s’en vont.
Quelques instants après, deux policiers en civil passent par là. Ils voient le jeune Guinéen en train de se tordre
de douleur. Ils déclinent leur identité et lui demandent ses pièces d’identité. Il les supplie d’appeler une
ambulance tout en leur présentant néanmoins son permis N. Après un contrôle négatif à leur base où ils ont
certainement une liste des gens qu’ils recherchent, ils souhaitent une bonne soirée à Samoura l’abandonnant à
son sort. Celui-ci rentre dans le Dancing pour nettoyer le sang qui coulait de la blessure. Il prend ensuite un taxi
avec ses camarades pour rentrer à Buren. La douleur étant de plus en plus forte, il compose le 144 et une
ambulance vient le chercher plus tard pour aller chez un médecin. C’est là qu’il recevra un pansement.
Les malheurs du jeune Guinéen ne sont pas finis
Trois jours plus tard, le 9 mars, A. est de nouveau à Bienne pour rencontrer d’une part sa copine et d’autre part
s’acheter une carte de téléphone prépayée pour appeler en Guinée, chez lui.
Après l’entrevue avec sa copine, il passe chez Dosanet à la Winkelstr. 12/14 pour acheter la carte. Il est environ
20 heures et le protocole de la police nous le confirme.
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Juste devant l’entrée du local, il est accosté par deux policiers en civil qui, tout en déclinant leur identité, lui
saisissent le cou et essaient de l’étrangler en lui demandant d’ouvrir la bouche. Il s’exécute et l’un des deux
policiers, à l’aide d’une petite lampe de poche examine minutieusement tous les coins et recoins de sa bouche.
Il ne trouve rien. Il le prend tout de même par l’épaule et l’amène dans une voiture banalisée garée non loin de
là. Il est amené au commissariat de police où il est entièrement dénudé. Il est encore fouillé jusque dans son
orifice anal sans que rien de compromettant ne soit trouvé sur lui. Toutefois, dans la poche de son habit, ils
trouvent 300,- et lui demandent d’où il a cette somme. Il dit que c’est sa paye qu’il a reçue la veille. L’argent
lui sera remis plus tard. Par contre ils confisquent son portable (Natel). La raison, on l’ignore. Après lui avoir
fait une photo, les policiers disent au Guinéen qu’il aurait vendu de la cocaïne à une jeune fille qui l’a dénoncé.
Ce qu’il refuse naturellement d’admettre en ne signant pas le protocole de police.
Ainsi après avoir fouillé ce jeune sans rien trouver ressemblant à la cocaïne sur lui, ces policiers voulaient se
trouver une raison pour lui interdire de mettre les pieds à Bienne. Et ils le réussiront bien puisque depuis ce
jour-là il n’a plus le droit de mettre les pieds dans un périmètre dit A., couvrant toute la gare de Bienne et les
alentours. Autant dire qu’il ne doit plus arriver à Bienne.
La mesure qui frappe le jeune Samoura dans le cadre de l’opération très médiatisée « Boule de Neige » est
arbitraire. M. Glausen, commandant de police de la ville de Bienne avait pourtant rassuré le CRAN à la
rencontre du 19 septembre 2003 que nous avons eue avec la police que les étranglements ne se faisaient plus.
Les échos qui nous viennent de Bienne font cas de ce que chaque jour des Noirs, et seuls les Noirs, sont
régulièrement contrôlés devant les dancings africains de Bienne et transportés sans raison apparente au
commissariat de police. Les étranglements ont encore repris de plus belle dans la ville de Bienne et des Noirs
sur lesquels ne pèse apparemment aucun soupçon sont soumis aux fouilles les plus humiliantes qui soient.
(Rapport du CRAN, 6.03.2004)
---------------------------------------------------------FOUILLES POLICIÈRES DANS UN CENTRE POUR REQUÉRANTS :
Seuls les Noirs sont ciblés, humiliés devant des enfants
La police vaudoise a effectué une descente au Centre d’hébergement de la FAREAS de Bex
au petit matin du 2 juin 2004. Les méthodes employées ont laissé abasourdis les habitants du
centre. Un journaliste de Voix d’Exils a recueilli des témoignages.
C’est aux environs de 6h du matin que 140 éléments de la police cantonale ont débarqué au Centre de Bex qui
abrite près de 180 requérants d’asile. Les chambres ont été passées au peigne fin, et même les toitures.
Au-delà de l’aspect évidemment salutaire de l’opération qui a permis une faible saisie de stupéfiants, cette
intervention a surtout permis de constater le procédé discriminatoire employé par la police. Seuls des
ressortissants africains ont été fouillés au corps, alors que le centre abrite d’autres communautés étrangères.
Un homme âgé et respectable livré au regard des enfants !
Toutes les personnes visées ont été fouillées et partiellement dénudées par les policiers qui les ont menottées
tels des brigands. Fait frappant : un Africain respecté a dû subir le même traitement, de surcroît devant une
femme policier et des enfants. Ce qui est pour le moins inadmissible au regard du principe des droits de la
personne et de sa dignité. La police vaudoise s’inspirerait-elle des procédés chéris par les GI’s des tristement
célèbres prisons d’Abou Ghraib?
Les intéressés exigent des explications et des excuses de la part des autorités policières.
(Georges Fru Ndam, Voix d’Exils, No 14, août 2004)
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FOUILLES POLICIÈRES DÉGRADANTES
« J’ai été fouillé jusque dans les parties intimes de mon corps »
Modou Barrow est gambien. Ex-officier de l’armée de son pays, il est maintenant requérant
d’asile habitant au Foyer d’Anières (Genève). Le 3 juin 2004, il nous a rendu visite à la
rédaction et a livré, la gorge nouée par l’émotion, le récit de sa mésaventure la veille avec la
police.
J’arpentais la rue Blanche, en route pour une séance de sport avec des amis quand trois policiers en civil (deux
hommes et une femme) m’ont arrêté. L’un d’eux m’a pris directement à la gorge et m’a ordonné d’ouvrir la
bouche. En public! Puis les trois agents m’ont poussé dans un coin de bâtiment situé non loin de là afin de me
passer les menottes. Environ dix minutes après, j’ai été embarqué dans une voiture en direction du poste de
police de Carouge.
Dans les locaux de la police, j’ai été forcé de me déshabiller complètement sous des injures on ne peut plus
racistes. Nu comme un ver, j’ai été fouillé jusqu’aux parties intimes de mon corps. Puis ils m’ont remis un
papier à signer indiquant que je devrais me soumettre à une séance de radiographie à l’Hôpital cantonal. De
retour au poste de police, j’ai encore passé des heures, menottes aux poings.
Sans que rien ne me soit reproché, j’ai été brusquement jeté dehors vers 1h du matin. J’ai essayé de me
plaindre auprès d’un des policiers, lui disant que je ne pouvais rentrer à Anières à cette heure là, puisqu’il n’y
avait plus de bus en circulation. Il m’a hurlé à la figure : « Débrouille-toi! ». J’ai passé la nuit à la belle étoile
jusqu’à 5h où j’ai pu prendre le premier bus et rentrer à Anières.
C’est la deuxième fois en trois semaines que la police genevoise me traite ainsi. La première fois, je me
rendais juste derrière la gare Cornavin, à Genève Roule, où je travaille. Je suis propre en mon âme et
conscience et je n’aime pas, comme toute personne digne, qu’on me salisse comme cela. Je porte plainte. Et je
veux savoir si les droits de l’Homme sont respectés par tous et pour tous dans ce pays.
(Tiré du journal Voix d’Exils, No 14, août 2004)
---------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Quelques témoignages recueillis par une Suissesse indignée,
mère d’un petit métis, auprès de Noirs à Genève
Mme Barbara A., Suissesse vivant à Genève et excédée par le comportement de la police
genevoise à l’égard des Noirs et mère elle-même d’un enfant Noir, métis, a recueilli plusieurs
témoignages. Elle a tenu à les porter à notre connaissance. Elle nous résume ci-dessous la
manière dont la police interpelle les jeunes Noirs à Genève, à Baby Plage et au Parc de la
Grange en particulier.
Les policiers commencent toujours par leur demander les papiers. Ensuite, «déshabille-toi!» : chaussures,
chaussettes, pantalon ... Fouille en public.
«Parfois les policiers nous coupent les lacets, les passants de nos ceintures». Deux personnes au moins se sont
plaintes qu'on leur a coupé des chaussures neuves avec un couteau. Parfois on leur confisque la ceinture et les
lacets des chaussures. Souvent on leur confisque leur portable. Plusieurs personnes se sont plaint que la
police a enlevé la puce du portable et l'a cassée en deux. D'autres disent qu'on leur a bloqué le portable avec
la remarque «vous n'en avez pas besoin!».
Une personne s'est plainte que des policiers lui ont confisqué deux fois de suite son abonnement demi-tarif.
Deux personnes se sont plaints que la police leur a confisqué leur argent qu'ils venaient de toucher auprès des
services sociaux une fois au moins, sans délivrer un reçu. Un autre m'a montré le reçu de confiscation de son
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argent, 1400.- frs sur les 1500.- qu'il avait sur lui. Malgré ses protestations disant qu'il a gagné cet argent en
travaillant, la police n'a pas jugé nécessaire de se renseigner avant de garder l'argent.
L'un des Africains m'a rapporté le cas d'un policier qui, après une fouille non fructueuse, à part un billet de
cent francs trouvé, a déchiré le billet avant de le rendre à son propriétaire.
Un autre se plaint d'avoir été insulté par les policiers après une fouille infructueuse.
Quand je leur ai dit qu'ils avaient le droit de demander le numéro de matricule des agents de police et de
demander un reçu pour tout objet confisqué, ils m'ont répondu que dès qu’ils ouvrent la bouche la police les
frappe pour les faire taire.
L’un d'eux voulait porter plainte parce qu'on lui avait confisqué sa ceinture et ses lacets. La police lui a
répondu que s'il le faisait il aura des problèmes.
Une amie africaine, en règle avec ses papiers, avait assisté par hasard à une fouille corporelle complète d'un
Africain au bord du lac, toucher anal y compris !
On peut se demander pourquoi ces gens se laissent faire sans porter plainte. Ils craignent de représailles de la
part de la police. Ils m'ont confié ces faits parce qu'ils ont confiance en moi et parce que je leur ai promis
l'anonymat.
Barbara A. (Genève, 9 juillet 2004)
---------------------------------------------------------FOUILLES POLICIÈRES DÉGRADANTES
Témoins d’une violence policière, une dame écrit à la ministre
de la police, à Genève
Madame A.S. en est encore toute indignée. Par le spectacle auquel elle a assisté et qui
confirmait devant ses yeux ce qu’un journal comme La Tribune de Genève, avait fait état ces
derniers temps. Conséquente, elle a saisi aussitôt la plus haute autorité du canton,
responsable de la police, Mme Micheline Spoerri, en mettant le CRAN en copie.
Madame la Conseillère d’Etat,
J’habite dans le quartier, à côté d’un parc devenu depuis quelque temps une scène importante de la drogue.
Régulièrement, la police fait des descentes et effectue des contrôles d’identité. Le vendredi dernier 16 juillet
2004, à Genève, j’ai été témoin d’une scène qui m’a profondément choqué et révolté.
La scène s’est passée autour de 15h30, sur la place Isaac-Mercier qui jouxte le parc. Je passai à proximité,
lorsque j’ai vu deux policiers en train de contrôler un jeune Noir. Celui-ci semblait calme, correct et ne
cherchait pas apparemment à s’échapper. J’ai déjà eu à assister à des tels contrôles et cela ne m’a pas surpris.
J’allais continuer mon chemin lorsque mon attention a été attirée par une scène insolite. J’ai vu le garçon
ouvrir sa ceinture et baisser son pantalon. Aussitôt, un des policiers s’est saisi de son caleçon pour le secouer
dans tous les sens en regardant à l’intérieur, avant d’ordonner au garçon de remonter le pantalon. Cela semblait
normal aux deux policiers et le pauvre garçon se laissait faire sans réagir.
Je me suis approché entre-temps de la scène et j’ai demandé aux deux policiers pourquoi ils ne pouvaient pas
emmener le garçon au poste pour le fouiller plus intimement, au lieu de le faire en public, devant des
personnes qui passent. « Vous permettriez-vous de me déshabiller aussi en public si vous deviez me
contrôler ? », ai-je encore demandé. Pendant que son collègue emmenait avec lui le garçon sur qui rien n’avait
été trouvé pourtant, l’un des policiers a répondu qu’ils n’avaient pas demandé au garçon de baisser son
pantalon et que c’est lui-même qui l’a fait spontanément. Je lui ai dit que je l’avais vu tirer sur le caleçon du
garçon. « Comment pouvez-vous alors participer à un acte réprimé par la police et qui pourrait conduire à
une condamnation d’atteinte à la pudeur ? », ai-je ajouté. « Vous n’avez qu’à écrire à Mme Spoerri », m’a-t-il
lancé. Je lui ai alors demandé son numéro matricule. Il pensait que je plaisantais. J’ai insisté et lui ai dit que si
je devais écrire à Mme Spoerri, comme il me le conseillait, j’avais besoin de ce numéro. Il me l’a inscrit sur
une carte de visite de la police de la gare (voir photocopie en annexe) avant d’aller rejoindre son collègue.
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Ces faits m’amènent à m’adresser à vous, puisque vos agents n’ont pas pu répondre à toutes ces questions qui
m’assaillent :
-
Après le récit de faits analogues rapporté récemment par le journal Le Matin (du 8 juillet 2004), pourquoi
les agents de police cherchent-ils à tout prix à humilier en public ces jeunes Noirs alors qu’ils peuvent se
livrer aux mêmes fouilles discrètement au poste ?
-
Espagnole et mariée à un Africain, je suis moi-même mère d’enfants déjà adolescents et ayant une double
identité, je me demande quelle image vont-ils avoir d’eux-mêmes lorsqu’ils se voient ainsi stigmatisés par
la couleur de leur peau, et devant des telles atteintes délibérées et ciblées à la dignité des personnes qui ont
les mêmes origines qu’eux ?
-
Je n’ai jamais entendu qu’un jeune Blanc a été victime d’une telle humiliation publique par la police, alors
que depuis un moment des associations de défense des droits de l’Homme dénoncent des violences
policières. Qui m’assure que mon jeune garçon qui a 15 ans et qui passe régulièrement par ce parc ne va
pas finir un jour aussi humilié, choisi au milieu de ses camarades qui seraient épargnés, eux, juste à cause
de la couleur de peau et des soupçons de dealer qui pèsent sur tout jeune Noir ?
-
Je ne pense pas que le respect de la personne et de sa dignité soit un privilège réservé dans notre Genève
internationale à tous sauf aux Noirs, notre police n’a-t-elle donc aucune éthique dans son travail, ne reçoitelle aucune formation au respect de la personne et de sa dignité quelle que soit sa couleur ou ses origines ?
-
Bien que je comprends que les enfants, parmi lesquels les miens, qui jouent dans ce parc (préau d’école)
fréquenté par des dealers ont besoin d’être protégés et que la police doit faire son travail de répression de la
criminalité, pourquoi ce travail va-t-il jusqu’à ne pas prendre en compte la protection des enfants contre ces
attentats à la pudeur que fait commettre la police sous prétexte de lutte contre le trafic de la drogue ?
Chère Madame la Conseillère d’Etat, je suis révoltée et indignée de voir que la lutte que vous et vos hommes et
femmes menez contre le commerce de la drogue ne veut s’attaquer qu’aux petits dealers et apparemment pas à
leurs fournisseurs, ni même aux consommateurs. Je suis révoltée et indignée que dans notre Genève
internationale, siège du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’Homme, et ville qui devrait
être la championne du respect des droits humains, des pratiques visant l’humiliation et la violation de la dignité
humaine qu’on croyait réservées aux prisons iraquiennes puissent s’y dérouler, sur des places publiques et,
apparemment, avec l’accord des autorités. Je suis enfin révoltée et indignée de voir à quel point Genève, ville
multiculturelle par excellence, est en train de créer pour nos enfants des citoyens à deux vitesses, ceux qui ont
droit au respect de leur dignité et de leur droits et ceux qui n’y ont pas droit. Et ceci, sur la seule base de la
couleur de leur peau.
Ce n’est pas parce que pour votre police, ces jeunes Noirs viendraient de sociétés qui ne seraient ni modernes ni
civilisées qu’elle doit se sentir en droit d’agir envers eux de cette manière qui ne respecte pas un minimum de
dignité humaine.
J’ose espérer que ces pratiques racistes et indignes d’une société moderne et civilisée cesseront bientôt et que
vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour y mettre fin.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de recevoir, Madame la Conseillère d’Etat, mes sentiments
distingués.
A.S., Genève (17.07.2004)
N.B. – La Conseillère d’Etat a répondu à cette dame, en promettant une enquête interne dont la
suite n’a jamais été communiquée. Cela dit, l’interpellation du CRAN, adressée à la même
Conseillère d’Etat et sur le même cas, n’a jamais été honorée par une réponse.
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VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Tabassé par la police pour un ticket de train qu’il avait pourtant
présenté
B.H. est originaire du Bénin a été victime de brutalités policières qu’il a tenu à dénoncer
ouvertement, bien que plusieurs portes des journaux lui sont restées fermées. Ce jeune
Béninois est entretemps rentré dans son pays, ses études terminées, avec une certaine idée
du pays de Henri Dunant.
Je suis étudiant ayant terminé mes études à HEC (Haute Ecole commerciale) de Lausanne en Actuariat. Je suis
arrivé en Suisse le 31 octobre 2000 et je m’apprête à quitter la Suisse le 12 septembre 2004. J’ai été avant cela
victime d’une violence policière le vendredi 30 juillet 2004 à la gare de Lausanne.
Les faits
J’ai pour habitude de prendre le train régional de Tolochenaz à Lausanne parce que je travaille sur Tolochenaz.
Le vendredi comme d’habitude du retour du travail, les contrôleurs de billets de transport sont rentrés dans la
voiture où je me trouvais à la gare de Renens. Il y avait beaucoup de passagers dans cette voiture dans laquelle
j’étais le seul Africain.
Dans cette voiture, les contrôleurs (au nombre de deux) ont demandé comme d’habitude aux passagers de
présenter leurs billets, ce que firent les voyageurs assis aux premiers rangs.
Arrivé à mon niveau, le contrôleur, un homme d’une trentaine d’années m’a demandé de présenter mon titre de
transport et mon abonnement demi-tarif ; ce que je fis. Après lui avoir présenté mon titre de transport, il me
demanda de lui présenter une pièce d’identité chose qui me parut assez étrange. Je répondis immédiatement,
que je ne disposais d’aucune autre pièce d’identité sur moi ; ne se sentant toujours pas convaincu, il me
demanda ma carte bancaire, ce qui m’a rendu furieux car je n’arrivais pas à voir le lien entre ma carte bancaire
et le titre de transport d’une journée. Je rétorquai : « Je n’ai aucune pièce à vous donner je suis en règle et je
ne vois pas où se trouve le problème. Si vous doutez de mon identité je pourrais vous montrer l’ancien
abonnement demi-tarif de l’année passée », ce que j’ai sorti d’ailleurs de mon portefeuille. Très furieux, il a
menacé d’appeler la police. J’ai vivement réagi en disant que je ne craignais rien et qu’il pouvait appeler qui il
voulait.
Lorsque nous arrivons à Lausanne aux environs de 17h50, sa collègue et lui m’empêchent de sortir du train. Je
repousse les bras de la collègue pour pouvoir sortir malgré tout. Le contrôleur me dit que j’ai agressé sa
collègue et que nous irons régler tout cela à la police. Entretemps un de leurs collègues est arrivé sur les lieux
pour les soutenir. Nous allons au poste de police.
Au poste de police de la gare de Lausanne
Au poste, un jeune policier me demande de rentrer et sans me poser aucune question m’enferme dans une
cellule isolée où il fait environ 40 degrés. Ma réaction aussitôt à été très vive, j’ai commencé à crier qu’on
m’enlève de cette cellule car je n’avais commis aucun délit pour qu’on m’y enferme comme un vulgaire voleur.
Un autre policier blond aux cheveux courts la trentaine dépassée m’a dit « Tu la fermes ou bien …». J’ai insisté
encore que je n’aivais rien fait et pour manifester mon mécontentement j’ai frappé sur la table qui se trouvait
dans le local où je me trouvais confiné.
A ma grande surprise trois policiers ouvrent la porte et se jettent sur moi en me rouant de coups. Je reçois des
coups de poing sur les yeux, dans le ventre un peu partout sur le corps et surtout dans certaines parties
sensibles. Ils m’enlèvent mes chaussures, me menottent et me cognent la tête contre le mur. Ils prennent mon
portefeuille et mon téléphone mobile, puis me conduisent dans une chambre plus minuscule et plus chaude où il
y a des toilettes. Je leur demande néanmoins à parler à leur chef.
Alors un monsieur chauve en chemise jaune se dirige vers moi et me fait savoir que si je ne me calme pas je
vais passer la nuit dans cette petite chambre. Je rétorque: « je n’ai commis aucun délit pour être traité ainsi ». Il
me demande de lui expliquer ce qui s’est passé. Je lui demande de m’ôter les menottes avant que je ne lui
explique les faits, mais il insiste. Je lui demande alors si un contrôleur a le droit de me demander une pièce
d’identité. Il me fait comprendre que beaucoup de Noirs prennent ce train. C’est pourquoi le contrôleur leur
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demande les pièces d’identité. (Cela voudrait-il dire que dans toute cette diversité de races, seuls les Noirs ont
une identité douteuse? Et dire que nous sommes dans un pays qui se vante du respect et de la défense des droits
de l’Homme … ).
A la fin, le responsable demande à un de ses collègues de m’enlever les menottes et de me remettre mes effets.
Avant, il ajoute « Si vous n’êtes pas content, rentrez dans votre pays ». (Je sens qu’ils sont animés d’une
certaine haine envers les Noirs en particulier, pourtant ne devraient-ils pas assurer la sécurité des citoyens sans
distinction?). Je lui réponds que je quitte bientôt la Suisse parce que l’environnement social ici n’est pas décent.
Je sors donc du poste de police pour l’hôpital du CHUV à Lausanne pour un examen médical suite aux coups et
blessures. Le médecin après m’avoir examiné a promis de m’envoyer le rapport médical. Mais entretemps il
m’a délivré un certificat provisoire.
B.H. (Lausanne, 12 septembre 2004)
TÉMOIGNAGES - 2005
Les deux témoignages qui suivent sont tirés du magazine Femina No 8, du 20.02.2005,
réalisés par Marlyse Tschui. Ils ont été publiés à la suite d’un scandale provoqué par
la directrice d’un EMS (Etablissement médico-social), près de Lausanne, dans le
canton de Vaud. Cette dernière avait refusé d’engager comme veilleuse de nuit une
Noire parce que Noire. Les titres ont été modifiés par le CRAN.
DISCRIMINATION À L’EMPLOI
« Je n’ose plus me présenter pour un emploi. L’accueil est
glacial. Je reste chez moi pour ne pas souffrir »
(COLETTE HEFEL)
En voyant qu’elle est Noire, ses employeurs potentiels changent de couleur. A force d’essuyer des refus,
Colette désespère de retrouver un job de vendeuse.
Elle dit adorer la Suisse. Compare le lac Léman au lac Tanganyka. Raconte que lors de ses séjours au Burundi,
elle chante pour la paix entre Hutu et Tutsi. Mais la passion de Colette, se sont les fringues. Dans son pays, elle
avait un atelier de couture et voyageait pour acheter des tissus. En Suisse, après son mariage avec un de nos
concitoyens, elle a travaillé dans une boutique de vêtements. « La mode, les habits, le contact avec la clientèle,
j’ai ça dans le sang. Je réalisais un excellent chiffre d’affaires ». Puis la direction a changé, et Colette a été
licenciée. Depuis, elle n’a pas retrouvé de travail.
« Quand j’entre dans un magasin qui cherche une vendeuse, les gérants font une drôle de tête. L’accueil est
glacial. Ils ne cherchent même pas à discuter, à savoir qui je suis ». Ils gardent le dossier, promettent de la
recontacter, mais ne la rappellent jamais. « Je n’ose même plus me présenter. Je reste chez moi pour ne plus
souffrir ». Dans sa maison de Belmont, sur les hauts de Lausanne, Colette tourne en rond. A 45 ans, elle
n’imagine pas passer le reste de son existence entre quatre murs. La dernière fois qu’elle s’est rendue au Bureau
de l’orientation professionnelle, l’employé a téléphoné à sa place pour un poste de vendeuse. Quand il a précisé
que la candidate était une « personne de couleur », la réponse a fusé immédiatement. C’était non.
En famille non plus, la vie n’est pas toujours facile. Le beau-père n’a pas apprécié que non fils épouse une
Noire. A Colette, pendant longtemps, il n’a pas adressé la parole. Ce qui ne l’empêchait pas de manger tous les
jours à sa table. « Mon mari a beaucoup souffert que je ne sois pas acceptée par son père. Ce dernier a réussi à
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le convaincre de ne pas m’accompagner quand je rends visite à ma famille au Burundi, sous prétexte que
l’Afrique est sale et qu’on y attrape d’horribles maladies ».
Sinon, dit-elle, elle n’a pas eu trop à souffrir du racisme. Sa fille, assistante médicale, est bien intégrée. C’est
pour son fils qu’elle se fait du souci. « Il en a marre de se faire systématiquement contrôler par la police à
cause de la couleur de sa peau ».
(Par Marlyse Tschui, Fémina No 8, 20.02.2005)
---------------------------------------------------------DISCRIMINATION À L’EMPLOI ET PRÉJUGÉS SEXISTES
« Pour les gens une Noire s’intéresse à un Suisse pour son
argent, et un Suisse ne sort avec une Noire que pour le sexe »
(NATACHA MUTEMBA)
Ses parents ont fui le Mozambique pour des raisons politiques. Aujourd’hui, à 22 ans, Natacha vit à
Pully avec son ami. Le couple a une petite fille de 18 mois.
« J’oublie toujours que je suis Noire ». La jeune femme sourit. « Ce sont les autres qui me le rappellent. Un
jour, j’ai appelé le patron d’un restaurant italien qui cherchait une serveuse. Il a proposé qu’on se rencontre.
Nous avions rendez-vous en ville, il devait passer me prendre en voiture. J’ai attendu longtemps, mais
personne ne s’est arrêté. Je suis sûre qu’il a passé son chemin quand il a vu que j’étais Noire. Je me suis sentie
humiliée ».
Le racisme ordinaire, ce sont aussi les allusions sexuelles. Quand Natacha se fait draguer par un homme Blanc,
il lui propose de lui offrir un cadeau. Comme si elle était à acheter. « Apparemment, ce qui intéresse les
Suisses chez une femme Noire, c’est le sexe. D’ailleurs mon ami, qui est Blanc, a été questionné à plusieurs
reprises : « Comment c’est au lit, avec une Noire ? » Les gens s’imaginent qu’une Noire recherche la
compagnie d’un Suisse pour son argent, et qu’un Suisse ne sort avec une Noire que pour le sexe ».
Paradoxalement, c’est au Mozambique que Natacha a fait sa pire expérience en matière de racisme. A l’âge de
8 ans, elle y a vécu pendant six mois en compagnie de son père, qui envisageait de retourner définitivement au
pays suite à l’amélioration de la situation politique. « Je fréquentais l’école française et j’étais l’unique Noire
de l’établissement. Tous les autres élèves étaient des enfants de Blancs vivant et travaillant au Mozambique.
Comme les seuls Noirs qu’ils connaissaient étaient les domestiques de leurs parents, ils me traitaient avec
mépris. Ils ne m’adressaient pas la parole, sauf pour m’insulter. J’étais si déprimée que j’en suis tombée
malade ». De retour au pays des Helvètes, Natacha vit dans une famille d’accueil avec son frère et sa sœur
tandis que leur mère rejoint momentanément son mari au Mozambique. « Notre famille d’accueil n’était pas
ouvertement raciste, mais son attitude et ses propos nous faisaient bien comprendre que les Africains étaient
des sous-hommes. Nous étions « les pauvres Africains ». A un moment, je me suis vraiment demandée si les
Noirs étaient plus bêtes que les autres, si nous n’étions pas restés un peu singes » …
A l’école, Natacha ne se souvient pas d’avoir été ostracisée. Pourtant elle se sait différente. Ses amis sont tous
d’origine étrangère. A l’adolescence, elle se rapproche des jeunes de la communauté Noire. « J’avais un
problème d’identité, c’est certain. J’ai arrêté mes études parce que je m’ennuyais. Je ne savais pas très bien où
me situer. Aujourd’hui je me passionne pour tout, mais je n’ai pas encore trouvé ma voie. En attendant, je
travaille trois soirs par semaine au bar du Théâtre 2.21. Cela me permet d’avoir du temps pour ma fille. Et
puis j’y rencontre des gens intéressants, je peux voir les pièces de théâtre ».
(Par Marlyse Tschui, Fémina No 8, 20.02.2005)
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VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Agression ciblée à Shopville, sous la gare de Zürich
Monsieur J.T. est ivoirien. Il est détenteur d’un permis de séjour N pour requérant d’asile. Il vit
en Suisse depuis 8 ans.
Le mercredi 29 avril 2005, J.T. se trouve devant le bureau Telefon Corner à Shopville, au premier niveau du
sous-sol de la grande gare de Zurich. C’est là que les étrangers en général et les Africains en particulier
viennent acheter des cartes prépayées pour appeler leur famille. Ici on peut aussi surfer sur internet. J.T. veut
s’acheter une carte de téléphone. Il croise un ami, Sidi avec lequel il échange quelques mots. Quand le
téléphone portable de M. Sidi sonne, J.T. attend qu’il finisse de téléphoner avant de continuer la conversation.
C’est en ce moment que trois jeunes policiers d’une trentaine d’années en moyenne arrivent sur les lieux et leur
demandent leurs pièces d’identité. M. Sidi, qui se trouve toujours au téléphone, essaie d’abréger la conversation
pour avoir les mains libres et chercher son permis de séjour dans sa poche. M. J.T. quant à lui, sans rechigner
montre son permis N. Les policiers l’examinent et le lui redonnent.
L’un des trois policiers qui ne peut comprendre que M. Sidi continue de téléphoner alors qu’ils lui demandent
ses papiers s’énerve et lui arrache son téléphone portable qu’il jette par terre. Il s’en suit une altercation car M.
Sidi ne comprend pas que le policier soit aussi agressif. Vu la situation qui se dégrade, J.T. qui a reçu son
papier veut aller acheter sa carte de téléphone. Il est arrêté par le même policier qui venait de le contrôler et
celui-ci lui demande de lui redonner son permis N. Il ne comprend pas, mais finit tout de même par obtempérer.
Sans autre forme de procès on les amène à la Stadt-polizei, menottés. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive
car entre-temps M. Sidi a fini par montrer son permis C.
A la Stadt-Polizei, on demande à J.T. s’il sait qu’il n’a pas à mettre les pieds au centre de Zürich. Il est
naturellement tout étonné car il n’a jamais reçu une information à ce sujet.
Il se rappelle seulement avoir une fois été contrôlé dans un restaurant à Zurich il y a de cela quelques mois. Ils
mangeaient dans ce restaurant lorsqu’une patrouille de policiers est entrée pour leur demander leurs pièces.
Tous les autres Noirs (en tout 3) qui étaient à table avec lui avaient soit le permis C soit le passeport suisse. Lui
seul était détenteur du permis N. Il fut ce jour-là pris et amené au poste de police. Après l’interrogatoire, il fut
informé verbalement que là où il mangeait (Limmatplatz) était un lieu de vente de drogue et qu’on ne voulait
plus le voir là-bas. Il serait aussi préférable qu’il ne se hasarde pas dans la Langstrasse. Il avait en son temps
demandé pourquoi on pouvait lui interdire des lieux à Zurich sans qu’auparavant on ne l’est pris en flagrant
délit de vente de drogue ni sans qu’aucun soupçon ne pèse sur lui. Dans tous les cas, il leur avait répondu qu’il
allait respecter leur injonction.
On ne comprend dès lors pas pourquoi ce 29 avril, on lui dit ne pas avoir respecté la délimitation du rayon qui
lui était interdit. Il dit n’avoir jamais reçu une quelconque lettre l’informant dans ce sens.
Auparavant, il a été déshabillé et fouillé jusque dans ses parties intimes. Son ami aussi. Après avoir séjourné
quelques heures dans les cellules de la Stadt-Polizei, on les amène menottés à la Kasernerstrasse, à la police
criminelle du canton de Zurich. Ils y passent la nuit et sont soumis le matin à un interrogatoire. Ils sont assistés
d’un traducteur. On dit à J.T. que devant le magasin de cartes prépayées il parlait à un Suisse et que
certainement c’était pour lui vendre de la drogue. Or, devant Shopville, il n’a jamais parlé à un Suisse mais
plutôt avec son ami Sidi. On l’informe que ce lieu est dangereux et qu’il ne devrait plus s’y retrouver. On lui
remet un plan de Zürich sur lequel est délimitée au feutre tout le centre de Zurich où il ne doit plus mettre les
pieds. Il en est de même pour son ami Sidi…
(Témoignage reccueilli par le CRAN, 29.04.2005)
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LE TRISTE SORT DES REQUÉRANTS D’ASILE DÉBOUTÉS
Les NEM de Saint Gall entre détresse et misère
Le samedi 24 septembre 2005, le CRAN s’est rendu à Saint-Gall, dans le cadre d’une
invitation du centre CABI qui organisait une journée de témoignages des victimes de
racisme. On retiendra tout de même que dans cette partie de la Suisse, le racisme est vécu
quotidiennement par les Africains.
La majeure partie des NEM (requérants d’asile frappés de Non entrée en Matière) sont des Noirs. Une
organisation mise sur place spécialement pour leur venir en aide (SOLINETZ) leur offre un repas par jour (les
midis) car ils ne perçoivent rien pour se nourrir, poussés qu’ils sont à vivre dans l’illégalité. Un centre
d’hébergement aménagé par des ONGs St Galloises leur est mis à disposition. Ce local est ouvert les soirs à 19
heures et fermé les matins dès 8 heures.
A chaque fermeture le matin, des policiers viennent y faire un tour pour, non seulement chasser les NEM qui
s’y trouvent encore, mais les brutaliser tout en les insultants. Tous ces NEMs sont pour la plupart connus des
policiers qui ont pris soin de déchirer les papiers d’identité de certains, confisqué les Gleis 7 pour d’autres. Or
pourtant, à chacun de leur passage dans le centre à 8 heures du matin (heures de fermeture), les policiers
contrôlent deux à trois NEM sur le tas, tout en sachant qu’ils n’ont aucun papier. Ils sont embarqués dans le
fourgon de la police et transportés, d’après les responsables de CABI, à la prison de Altstätten, vers la frontière
autrichienne pour les relâcher 48 heures plus tard dans la nature tout en leur intimant l'ordre de ne plus se faire
voir. En fait l'objectif ici est de pousser à bout tous ces NEM afin qu’ils quittent la Suisse.
Le dernier acte en date concerne un jeune Nigérian NEM que nous avons rencontré et conduit à Berne à son
ambassade pour qu’on lui délivre un laisser-passer. L'ambassade de ce pays a fait savoir aux policiers qu'il leur
faut trois mois pour réunir tout ce qu'il faut. Le jeune Nigérian a été ramené à St Gall et remis en liberté. On
sait que le seul pays africain à avoir signé les accords de réadmission avec la Suisse est pour le moment le
Nigéria. La situation des Noirs à Saint Gall est lamentable et la vie est devenue pour eux une corvée, harcelés
quotidiennement qu’ils sont par les policiers qui veulent les pousser à quitter la Suisse. Beaucoup sont
traumatisés.
(Rapport du CRAN, 24.09.2005)
---------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES VUES PAR DES SUISSES
Suissesse choquée par la brutalité policière à l’égard des Noirs
Une Suissesse a eu connaissance de l’interpellation musclée d’un jeune Ivoirien qui s’est vu
étranglé et brutalisé par la police le 17 janvier 2005 à la gare de Berne. Elle a tenu à nous livrer
son témoignage, choquée et révoltée par les méthodes des agents de l’ordre de son pays.
A la gare de Münchenbuchsee, où il monte dans le train en direction de Berne, le jeune Ivoirien salue un de ces
compatriotes qui, lui, descendait du même train. Le contrôleur pense alors que ce compatriote a plutôt donné
son ticket de transport à celui-ci. Il appelle alors la police qui attend l’Ivoirien à la gare de Berne.
Dès sa descente du train, sans se voir demander son permis de séjour, il est projeté au sol et roué de coups. Les
deux policiers lui étranglent la gorge pour se rassurer qu’il n’a pas de boulette de cocaïne dans sa bouche qu’il
tenterait d’avaler, comme si le motif de ce contrôle était le soupçon de vendre la drogue. Ils ne trouvent
pourtant rien de compromettant sur lui. Malgré cela, c’est lui qui reçoit quelques jours plus tard une plainte de
police pour offense à agent de l’Etat ! Il est entre temps condamner à purger une peine de trois jours ou de
réaliser en lieu et place de cela un travail d’intérêt public.
Le jeune Ivoirien ne comprend pas ce qui lui est arrivé et se demande ce qu’il doit faire. Il ignore quel rapport
les policiers ont fait au centre où il est hébergé. Car il doit quitter le centre pour activités illégales et ne peut y
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revenir qu’après un mois. Pendant ce mois, il ne recevra pas d’aide sociale et sera livré à lui-même. Une ONG
de Bienne a décidé de lui venir en aide en donnant des bons de nourriture.
(Recueilli par le CRAN)
---------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES VUES PAR DES SUISSES
Elle ne comprend pas la violence policière qu’un jeune Africain
a subie dans le canton de Soleure
Ce témoignage d’une Suissesse a été recueilli par l’organisation IGA SOS Racisme de Soleure
qui nous l’a courtoisement transmis.
Je voudrais volontiers vous décrire ce qui m’a été donné de vivre le vendredi 22 septembre 2005 dans le canton
de Soleure.
Ce jour-là, j’étais avec M. Diallo et nous amenions mon enfant à Berne chez sa grand-mère. A 18 heures nous
prenions le chemin du retour. J’amène M. Diallo dans le centre d’hébergement pour requérants d’asile à
Langendorf (SO). Je lui donne de l’argent pour qu’il fasse des courses pour moi, car j’étais très fatiguée. Nous
nous donnons rendez-vous pour 22 heures 30, car nous voulions encore faire une petite sortie. Jusqu’à 23
heures M. Diallo n’est pas encore arrivé. Je l’appelle sur le téléphone portable pour savoir où il était. Il me dit
qu’il se trouve à Grenchen avec des policiers qui sont en train de le contrôler. Je pars directement sur les lieux
pour m’enquérir de ce qui se passait. Les deux policiers présents demandent les pièces de M. Diallo. Il leur
donne son « Quai 7 » qui ne lui sera plus remis. Un des policiers appellent au poste de police et annonce que M.
Diallo est encore redevable d’un certain nombre de contraventions. En plus, il serait illégal en Suisse. Je me
porte alors garante que chaque mois, M. Diallo et moi allons payer petit à petit la contravention car M. Diallo
ne reçoit que l’aide d’urgence et il ne pourra payer toute cette somme en une seule fois.
Je ne m’empêche pas de demander aux policiers s’ils contrôlent aussi de la sorte les « Blancs ». Le deuxième
policier me répond qu’ils viennent justement de surveiller deux alcooliques Blancs à la Märetplatz. J’étais
choquée par l’affirmation du policier qui argumente que dans son travail, il doit contrôler les « Noirs », car il y
en a beaucoup ici et ils sont partout. Le deuxième policier, lui avance qu’ils sont tous illégaux et se pavanent
partout ici. Je leur réponds que M. Diallo était en route vers chez moi et qu’il n’était pas en train de se pavaner
ou de faire quelque chose d’anormal. Ils me répondent qu’il est illégal en Suisse et que cela n’est pas tolérable.
Ils lui demandent alors de leur remettre tout ce qu’il avait sur lui. Alors qu’il leur remettait l’argent et le
téléphone qui étaient dans sa poche, je dis aux policiers que cet argent m’appartenait car je le lui avais remis
pour qu’il aille faire des courses pour moi. Un des policiers demande avec désinvolture : Faire des courses à
cette heure ?
Un des policiers demande à son collègue si je peux récupérer mon argent. Ce dernier, qui semble être le chef,
rétorque que tout cela sera réglé au poste de police.
M. Diallo ajoute que nous ne pourrons de toutes les façons plus aller faire les courses et qu’il serait mieux de
remettre cela au lendemain samedi. Je décide tout de même de venir avec lui au poste de police. Le policier
chef trouve que ce n’est pas une bonne idée car cela ne me regarde pas, vu que M. Diallo n’est pas mon mari.
Je m’entête et suis leur voiture.
Herr D. ging am Freitag nicht mehr einkaufen, weil es zu spät wurde, und da dachte er, dass wir eben doch am
Samstag einkaufen gehen.
Au poste de Police
Arrivée au poste de police, je devais attendre dehors. Quelques instants plus tard, les deux policiers sortent et
me disent que M. Diallo est un récidiviste, selon le rapport qu’ils viennent de lire le concernant. Il aurait déjà
agressé une fois un policier et si cette fois-ci, il ne coopérait pas, il irait directement en prison. Je leur dis que
M. Diallo s’était défendu la dernière fois parce qu’il a été brutalisé et blessé dans sa dignité car rien ne justifiait
qu’on lui mette les menottes. Les deux policiers trouvent que c’est par respect pour moi qu’ils lui ont pas passé
les menottes durant tout le trajet jusqu’au poste de police car c’est NORMAL que ses gens-là soient menottés.
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Je ne comprenais pas la raison qui pouvait motiver une telle conduite puisque M. Diallo n’avait rien fait de mal,
commis aucun délit. Que penseront les gens qui le verraient ainsi menotté ? Un des policiers rétorque que le fait
que M. Diallo vive illégalement en Suisse est un délit.
M. Diallo a été sommé de payer une contravention de 250 Frs et de rendre son portable s’il tenait à recouvrer la
liberté. Je leur répète que cet argent et le portable m’appartiennent et ils devraient me les rendre. Ils trouvent
que rien ne prouve que cet argent m’appartienne. Ils me demandent de partir à la maison, sinon je devrais
m’attendre aussi à une contravention. Comme ils sont de gentils policiers, ils ne me mentionneront pas dans le
protocole comme étant celle qui héberge un illégal, ce qui est condamnable en Suisse. Je leur précise que je
n’héberge pas M. Diallo. Il est mon copain et c’est normal que je le reçoive chez moi de temps en temps.
Je leur indique également qu’il n’est pas aussi normal de leur part qu’à chaque fois que M. Diallo est arrêté, il
le mettent complètement à nu. Cela est inhumain. Un des policiers me dit que cela s’appelle dans le jargon
policier « Strippen ». Selon lui, tous ceux qui sont contrôlés doivent se soumettre à ce genre de fouille. Ils ne
feraient pas cela, parce que cela leur plairait, mais c’est simplement la loi qui le demande. Je ne suis pas sûre
que les Blancs subissent ce genre de déshabillage public, leur dis-je. Ils répondent que récemment ils ont
déshabillé aussi un Blanc. J’étais profondément choquée de constater qu’il existe des policiers aussi racistes
dans ce pays. C’était un véritable choc pour moi de vivre tout cela.
Après quelques temps, les deux policiers repartent dans le bureau en me disant qu’ils espèrent que cette fois, M.
Diallo va coopérer. Celui-ci vient me rejoindre quelques minutes plus tard, sans mon portable et les 250 frs.
Entretien avec le juge d’instruction
Le lendemain, c'est-à-dire le 23 septembre vers 11 heures, j’ai appelé le juge d’instruction pour savoir comment
je pouvais entrer en possession de mon argent et mon téléphone portable. Celui-ci trouve que je ne dois même
pas y penser car tout ce qui a été trouvé dans les poches de M. Diallo lui appartient. C’est de ma faute, si j’ai
donné tout cela à M. Diallo et que de toutes les façons je me rendais condamnable en aidant quelqu’un qui vit
illégalement en Suisse.
Je rétorque que je n’entretiens pas ce jeune. Le juge d’instruction me propose, si j’y tenais, de lui envoyer une
demande écrite. Il ajoute que j’encours dans ce cas un risque d’emprisonnement de 6 mois ou 10000 Frs
d’amende car j’entretiens un illégal. Je suis profondément scandalisée par tout ce que j’ai entendu et vu, car M.
Diallo n’est pas un criminel et pourtant on l’a traité ainsi. Ce n’est rien d’autre que du racisme pur. Aucun
humain ne mérite ce genre de traitement. Ce système ne respecte plus la dignité humaine. Cela me fait
intérieurement mal qu’un homme aussi bon subisse ce genre de traitement.
J’espère que vous entreprendrez quelque chose contre ces policiers.
(Recueilli par IGA SOS Racisme, Soleure, et transmis au CRAN)
ABUS D’AUTORITÉ
Des Noirs entassés dans des WC pour handicapés, à Soleure
Le 30 août 2005, alors qu'ils se rendaient à l'Office cantonal de sécurité sociale pour y toucher
leur aide d'urgence, une vingtaine de NEM9 ont été pendant une heure entassés et gardés à
vue dans les WC pour handicapés se trouvant à proximité du guichet de l'Office.
Après avoir touché leur pécule, ils ont d'abord été empêchés de quitter l'office par trois policiers en civil, qui
gardaient la porte d'entrée; tous ont ensuite été sommés de se rendre aux toilettes pour handicapés et d'y rester.
« Nous y étions serrés comme des sardines, on ne nous a pas dit la raison de ce traitement; quelqu'un a
demandé à pouvoir aller aux toilettes, le policier lui a répondu: "mais vous y êtes déjà, dans les toilettes! »
Un requérant qui protestait contre de telles mesures « humiliantes et contraires aux droits de l'homme » et qui a
menacé d'alerter la presse, a été menotté puis conduit dans un fourgon cellulaire. Il a été relâché au bout d'une
demi-heure environ, après avoir été "baladé" dans le quartier.
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L'opération a été menée par sept policiers en civil, appartenant majoritairement à la police cantonale. Un seul
policier était en uniforme, un policier au moins faisait partie de la police des étrangers.
Quelques personnes ont été arrêtées dès leur entrée dans le local de l'Office de sécurité sociale: la relégation
dans les WC, situés à 5 ou 6 mètres de la porte d'entrée, était donc totalement inutile L'opération policière
dénuée de fondement est intolérable de la part de représentants de la loi.
Il s'agit là d'une mesure d'intimidation destinée à dissuader les personnes concernées de venir toucher leur aide
d'urgence, mais aussi à humilier ceux qui, aux yeux de certains fonctionnaires ayant perdu toute inhibition, sont
devenus des indésirables, envers lesquels tout est permis.
(Transmis par IGA SOS Racisme, Soleure)
---------------------------------------------------------LE TRISTE SORT DES REQUÉRANTS D’ASILE DÉBOUTÉS
Le récit hallucinant de John, un NEM africain
Le mercredi 7 septembre 2005, aux alentours de 20h00, John s’est fait arrêter dans la rue à
Dulliken, dans le canton de Soleure, Suisse alémanique, par deux policiers en uniforme alors
qu’il se rendait chez un ami et qu’il n’a opposé aucune résistance.
Ces deux hommes m’ont interpellé et ils m’ont demandé où j’allais à quoi j’ai répondu que je me rendais chez
un ami. Ils voulaient me contrôler, je leur ai dit « Ok, no problem », qu’ils pouvaient me contrôler. Ils ont
trouvé mon natel Nokia que je m’étais acheté 7 jours auparavant et mon porte-monnaie qui contenait 20.-. Je
leur ai donné la quittance du téléphone portable, pour prouver que je l’avais bel et bien payé mais rien à faire,
ils ont gardé l’argent et mon téléphone portable.
Puis ils m’ont dit que je devais aller passer la nuit à la prison de Olten parce que je séjourne illégalement en
Suisse. J’aurais voulu savoir leurs noms mais ils n’avaient pas la plaquette avec leur identité sur leur uniforme,
du coup je ne sais pas à qui j’ai eu à faire. Ils m’ont donc mis dans la voiture et emmené en prison. La nuit s’est
déroulée plus ou moins normalement.
Le matin suivant, donc le jeudi 8 septembre, à 11h00, la police de la prison m’a mis dans la voiture direction, le
juge de Soleure. Le juge a statué sur mon cas en me disant que j’étais là (en Suisse) illégalement et que je
devais par conséquent payer une amende de 160.- sans quoi je risquais deux mois de prison. Après cela, la
police de la prison m’a remis dans la voiture et m’a ramené à la prison de Olten, il était environ 12h30.
Arrivé là-bas, de retour dans ma cellule, j’ai appelé à l’aide de l’interphone en demandant du secours. Je ne me
sentais pas bien. Je le leur ai dis en leur spécifiant que j’avais besoin de médicaments, je me sentais fiévreux.
« Bitte » j’ai dit, « I am sick, I need médecine ». Par trois fois j’ai demandé de l’aide, et aucune fois ils n’ont
daigné me répondre. A ma quatrième tentative, je leur ai demandé d’appeler la police pour moi. Et cette fois-ci
une réponse… Un homme de la prison a ouvert la porte et ils sont entrés à trois. Ils m’ont demandé pourquoi je
les dérangeais, ‘tu ferais mieux de rentrer chez toi, ici ce n’est pas chez toi’. Je leur ai répété que, s’il vous plaît,
j’étais malade et que j’avais besoin de soin, qu’il fallait appeler un médecin. Et là, pendant environ une dizaine
de minutes, ils m’ont frappé (les trois hommes que je n’avais pas encore vu). Lorsqu’ils se sont arrêtés, ils
m’ont emmené dans une autre pièce à l’étage, sans eau et sans toilettes. A ce moment-là, il était environ 13h00.
Ils m’ont laissé dans cette pièce, avec l’avant-bras en sang et la douleur des coups, jusqu’à 17h00. Je ne
pouvais rien faire, je suis resté là, j’ai enlevé une partie de mes habits, j’avais chaud à cause de la fièvre, et je
me suis allongé sur mes vêtements (il y avait quand même un lit à disposition dans la chambre).
A 17h00, deux des hommes qui m’ont frappé ont ouvert la porte et m’ont ordonné de sortir. Je suis donc sorti et
descendu. Là ils m’ont rendu mon porte-monnaie mais pas mon portable (la police avait certainement du le
garder) et mon billet de 20.- coupé en deux. Je leur ai demandé pourquoi je n’avais qu’une moitié de billet, ils
m’ont répondu que la police l’avait découpé et gardé la moitié pour elle.
Je suis parti de la prison, avec ma moitié de billet en poche, direction le commissariat de Olten, j’y suis arrivé
autour de 17h30. Là, j’ai demandé à parler au chef, qui est venu. Je lui ai montré mon argent et mon avant-bras
qui saignait. Je lui ai expliqué la situation, ce qui s’était passé avec la police ainsi qu’avec les gens de la prison
qui m’avaient frappé. Le chef de la police m’a répondu qu’il ne me croyait pas, je lui ai dis d’appeler la prison
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puisqu’il ne me croyait pas. Il m’a redis qu’il ne me croyait pas, je lui ai donc donné mon nom afin qu’il
appelle la prison pour savoir ce qui s’était passé. Ne me croyant toujours pas, je suis parti chez un ami. Le
lendemain je suis allé au bureau de l’asile à 13h30 afin de prendre rendez-vous avec un médecin, pour la fièvre
et pour mes blessures, mais la personne qui m’a répondu m’a dis que tout le monde était pour le moment en
pause et que je devrais repasser à 14h00. Ne pouvant être là, je n’ai pu avoir mon rendez-vous que le 15
septembre 2005.
(Reccueilli et transmis par IGA SOS Racisme, Soleure)
PS. : Nous avons pu voir la moitié du billet de 20 Frs que les policiers avaient remis à John.
TÉMOIGNAGES - 2006
NOIRS = ÊTRES SANS DROITS
« J’ai été injustement dépossédée de mon fils par mon mari
suisse, avec l’aide de la police et des services sociaux »
Mme H.-N., d’origine camerounaise, fait partie de ces nombreuses femmes étrangères du Sud
qui, à l’occasion de problèmes suivis d’une séparation de leurs maris suisses, se retrouvent
parfois dépossédées de leurs droits les plus élémentaires du jour au lendemain. Elle nous
raconte son témoignage poignant.
Les faits
Nous sommes vendredi 4 novembre 2005, 6h45 lorsque mon mari frappe à notre porte (mon fils de 4 ans et
moi). Il veut s’entretenir avec moi au sujet du formulaire de la garde d’enfant (Kinderbetreuung Formular) sur
lequel sa sœur aînée devait signer la veille mais qu’elle a refusé de signer.
Je me lève, enfile un dessus de pyjama et me retrouve dans la salle à manger où nous parlons. Sa sœur, après
qu’il lui ait passé un coup de fil demande que j’aille la retrouver à l’aéroport à 9 heures car elle est en partance
pour l’Italie. Il se propose de me donner 20 Frs pour le transport. Je n’ai pas de demi-tarif. Sur le corridor, j’en
profite pour lui demander également 20 Frs pour la ration journalière de notre fils de quatre ans, Marc. Le frigo
est complètement vide. Il refuse et se propose de faire les courses le lendemain. N’ayant pas d’argent, je me
place devant la porte et lui dis qu’il ne sortira pas tant que je n’ai pas quelque chose pour nourrir mon enfant.
Quand je lui dis que j’irai raconter tout ce que nous subissons à la dame du service social, à la commune, il
devient furieux et menace d’appeler la police pour harcèlement. Il entre dans le bureau de la maison et appelle
alors la police, mettant ainsi sa menace à exécution.
Pendant qu’il téléphone, je vais vite dans ma chambre et prends la convention de rapatriement qu’il a rédigée ;
je la glisse dans la poche de ma jaquette suspendue dans le couloir. Dans ladite convention, M. Heller me
demandait de renoncer à notre mariage et de rentrer dans mon pays avec mon fils. Il me remettrait 30 000 Frs
pour que nous puissions y vivre le restant de nos jours. Il m’avait remis ce papier que j’ai refusé de signer. Je
comptais le montrer aux policiers et leur dire son intention.
Quand la police arrive sur injonction de mon mari
A 7h10, la police sonne à l’immeuble. Marc, mon fils descend et leur ouvre la porte. J’entends aussi les portes
des voisins qui s’ouvrent, car curieux de voir des policiers dans l’immeuble à cette heure de la journée. Je suis
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dans ma chambre quand j’entends M. H. saluer et s’entretenir avec une voix féminine. Ils vont au salon. Je me
rends compte que mes vêtements sont dans ma douche. Je quitte ma chambre pour ma douche. La porte
d’entrée est grande ouverte. Je la referme et soudain, c’est un coup de pied qui repousse la porte vers moi. Puis
je vois une jeune femme en tenue civile qui dit : « police » en montrant un badge enfilé au cou. Elle me pousse
violemment vers l’extérieur et referme la porte, me laissant presque nue dans le corridor. Je n’en reviens pas. Je
sonne et appelle mon fils afin qu’il puisse m’ouvrir. Je l’entends pleurer. Quelqu’un désactive la sonnerie qui
ne répond plus. Il fait froid et je commence à grelotter. Je frappe à la porte tout en suppliant M. H. d’ouvrir, il
fait froid. Aucun signe. Après environ 6 longues minutes, la femme policière ouvre la porte. Je lui demande
« qu’est-ce que ça veut dire ?». Elle répond « Ich verstehe kein Wort » (je ne comprends aucun mot de ce que
vous dites). Je demande « was heisst das ?» (Cela veut dire quoi?) Elle me répond avec un hochement
d’épaule : « ich muss Ihnen Nichts sagen » (je n’ai rien à vous dire).
Je veux entrer dans mon appartement, elle se place devant la porte et m’interdit l’entrée. Puis elle me dit que
«ab jetzt haben Sie keinen Zutritt mehr in dieser Wohnung » (dès aujourd’hui, vous ne mettrez plus les pieds
dans cette maison). Elle sort de sa poche arrière une paire de menottes. Elle dit qu’elle doit m’arrêter. Je lui
demande de me présenter le mandat d’arrêt. Elle hoche les épaules et se jette sur moi. Je m’accroche au poignet
de la porte d’en face. J’appelle mon fils qui ne cesse de pleurer à l’intérieur. Puis, cette policière se sert de son
pistolet pour me frapper violemment sur l’épaule droite. Mon bras droit, affaibli par ce coup cède. Elle me
menotte les mains avec une violence inouïe qui laissera des marques encore visibles aujourd’hui.
Sa collègue qui se trouve encore au salon avec Marc (mon fils) et M. H. est appelée en renfort pour décrocher
ma main gauche du poignet de la porte. Les deux femmes me malmènent, mon fils est devant la porte et pleure,
impuissant devant ce spectacle désolant. Je suis finalement menottée les deux mains jointes dans le dos. M. H.
est prié d’habiller le petit pour qu’ensemble nous allions au poste de Dietikon. Moi, j’ai froid car toujours dans
ma tenue de chambre (dessus de pyjama). J’entends des sirènes, puis je vois arriver quatre policiers. Ils n’ont
rien du tout à faire et retournent dans leur voiture pour attendre que nous montions. M. H. sort avec mon fils et
nous nous dirigeons à Dietikon où je suis directement enfermée dans une cellule.
Directement enfermée dans une cellule
A 10h30, la porte de ma cellule s’ouvre, la policière qui m’a menottée me dit que M. H. m’a apporté des
vêtements et 25,50 Frs pour le « Mittagessen » (le déjeuner). Une demi-heure plus tard, lorsqu’elle ouvre la
porte de ma cellule à nouveau, je lui dis que j’ai froid, c’est alors qu’elle me permet de mettre mes vêtements
en sa présence et de passer à l’interrogatoire. A la fin, elle imprime le protocole écrit en allemand et me
demande de signer. Je demande une relecture. Le protocole est tout le contraire de mes dires. Après moult
corrections, le résultat reste le même et je refuse d’apposer ma signature. Une autre policière signe à ma place
et je ne suis pas d’accord. A 14 heures, la porte de la cellule s’ouvre encore. Je suis menottée, jetée dans une
fourgonnette et conduite au centre de détention de Caserne, cellule 431. Samedi 5 novembre, je suis conduite à
Horgen chez M. Keel, le procureur qui me demande de dire simplement « oui, j’ai menacé avec cette fourchette
de cuisine » tout en me brandissant une fourchette et qu’ainsi je serai relâchée. Je refuse. Je retourne à la prison.
Après le prononcé du divorce : interdiction de voir mon fils
A mon insu le 7 novembre, M. H. introduit une demande de divorce ainsi que pour la garde de mon fils qu’il
m’accuse de maltraiter. Le 8 novembre 2005, le divorce est prononcé. On lui accorde comme
« superprovisorische Massnahme » la garde à 100% de l’enfant, comme seul utilisateur de l’appartement, le
mobilier lui appartient désormais (c’est moi qui l’ai acheté), aucun contact n’est permis (ni téléphonique, ni par
courrier, ni physique) avec mon fils.
Arrêtée le 4 novembre à 7h30, je suis libérée le 24 novembre 2005 à 14 heures 15 minutes. Quel ne fut mon
désarroi lorsque, ayant entendu ma libération, je suis informée en ce 24 novembre 2005 de tous les interdits qui
pèsent sur moi. Je suis désorientée. Je me rends au FIZ (Frauen Informationszentrum= Centre d’information
féminine) sur conseil de mon avocat Mumenthaler d’alors. Je suis mise en contact avec Mme Marti, l’avocate
actuelle. Faute de temps et voulant s’enquérir du dossier, l’avocate demande que la date du 8 décembre prévue
pour le procès soit reportée. Le tribunal la reporte au 5 janvier 2006.
Entretemps je vais au service social de ma commune où je demande à être assistée. Ils sont déjà informés de
mon problème. Une nouvelle dérogation me permet de voir mon fils sporadiquement. J’ai pu le voir les 18, 26
décembre, les 14 et 21 janvier, de 10h à 18h. Le 5 janvier, la juge dit qu’elle ne peut prendre de décision car
elle doute sérieusement que le petit Marc ait été maltraité. Elle m’autorise en attendant de le voir tous les
samedis de 10h à 19h.
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Je me sens utilisée et trahie, mon cœur saigne de l’absence de mon fils.
(P.H.-N, Dietikon/ZH, novembre 2006)
Commentaire : Comment cette dame, dont le témoignage nous est parvenu récemment, a pu passer quatre semaines en
prison sans avoir été entendue ? Est-il vraiment possible que Mme H.-N. soit celle qui harcèlerait et brutaliserait son
mari ? M. H. pèse environ 88 kg avec une taille de 1.70 m. Sa femme : 1,60 m et 64 kg. C’est cette dame qui est sensée
l’avoir battu ! Pourtant Mme H.-N. nous a montré une radio qu’elle a faite une fois pour avoir été brutalisée par son mari.
TÉMOIGNAGES - 2007
JUSTICE INJUSTE
Racisme ordinaire dans un tribunal de Bex, sans les victimes
Le témoignage ci-dessous est tiré du bimensuel SolidaritéS (Bimensuel socialiste, féministe,
écologiste, N° 105, 28.03.2007, http://www.solidarites.ch/journal/d/article/2874). Paru sous le
titre « Le racisme ordinaire sous la loupe: Bex, une étude de cas », sous la plume de Karl
Grunberg, secrétaire général d’ACOR SOS Racisme, il apporte un autre éclairage que celui
que la police et certains médias ont communiqué. Après des slogans « Nègres go home »
qu’un élu local UDC, André Corboz, garagiste, a recouvert la ville de Bex, dans le canton de
Vaud, la nuit du 10 mai 2005, une émeute avait éclaté la même nuit, mené par des requérants
d’asile et provoquant l’intervention de la police.
Comme l’indique le journal Le Temps (18.04.2007), sur la base des rapports d'audition que
ses journalistes se sont procurés, le rôle de la police cantonale (dirigée par un camarade de
parti du provocateur Corboz, M. Eric Lehmann) a été plus qu’ambigüs : « Les agents de police
ont aperçu à plusieurs reprises André Corboz «muni de son pot de peinture», alors qu'ils
avaient déjà pu lire une de ses inscriptions. Ils l'ont également entendu invectiver deux
ressortissants africains qu'il avait interpellés d'un: «Rentrez chez vous sales Nègres». Plus
tard, recroisant le garagiste, la police a pu constater, toujours selon les rapports, que
«l'intérieur de ses mains était maculé de sang, ce qui, dans le contexte vécu, pouvait laisser
craindre qu'une personne avait été blessée, peut-être même gravement». A aucun moment le
garagiste n'a été arrêté ».
SOS Racisme a pris la défense des Africains qui, ayant mené une manifestation contre les
slogans racistes de Corboz, se sont retrouvés devant les tribunaux pour avoir dû affronter
une police qui, par contre, n’a pas empêché M. Corboz de peindre son racisme sur les murs
de la ville. Pour Karl Grunberg, c’est un scandale : « des Noirs, dont l'indignation n'a pas été
prise en considération, se retrouvent en jugement pour émeute».
Petite ville, centre de requérants d’asile, trafic de drogue… les ingrédients sont bons et leur usage immodéré
tentant. A tout seigneur tout honneur, il faut reconnaître les efforts du Matin pour informer ses lecteurs-trices en
formatant leurs émotions. Complétons le décor: vingt ans de politique gouvernementale qui a présenté les
réfugié-e-s comme un problème plutôt que de combattre les guerres et les misères qui les arrachaient aux leurs.
Le 15 mai 1991, le Conseil fédéral avait d’ailleurs donné le ton: la Suisse doit se fermer «aux ressortissants des
pays qui n’ont pas les idées européennes (au sens large)».
L’euphémisme est crasse, le message limpide: la politique d’immigration doit être une politique raciale. Les
réfugié-e-s dépourvus d’idées européennes bénéficieraient-ils seuls, parmi tous les étrangers au Vieux
Continent, d’un droit au séjour? Les immigrés non-européens, privés par leur seule origine même de la
possibilité de solliciter une autorisations de séjour, sont quant à eux réduits au sort de «sans-papiers»: attrapés,
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ils se voient reprocher le délit…d’avoir été discriminés!
L’étiquette d’une délinquance ethnique collée aux populations indésirables facilitera leur exclusion.
L’accréditation de l’image du «Noir trafiquant de drogue» n’a pas peu contribué en effet au succès de la LEtr et
de la LAsi. On connaît la suite: ces lois contre les étranger-e-s et les réfugié-e-s ont été adoptées le 24
septembre 2006.
10 mai 2005, une étrange soirée
Saisie par un témoin des inscriptions racistes multipliées par André Corboz, élu local, alors radical, ACOR SOS
Racisme dénonce l’infraction à la justice et se porte partie civile.
Le procès d’André Corboz, élu local UDC au printemps 2006, s’est tenu le 15 février 2007. La justice a
reconnu son délit et l’a condamné. ACOR SOS Racisme s’étant vu refuser le statut de partie civile, a recouru
contre ce jugement. Coquetterie? Dogmatisme psychorigide? Bien sûr que non. Faute d’avoir été écoutée,
ACOR n’a pas pu faire entendre la voix des victimes. L’examen de l’étrange soirée du 10 mai a été ignoré.
Un enjeu important : le droit de manifester contre le racisme est en cause
Le 19 avril 2007, quatre Noirs, présents à Bex ce soir-là, passeront en jugement, accusés d’avoir mené une
émeute: ils ont subi les «Nègres go home», longuement peints autour du foyer de la FAREAS qui hébergeait
trois d’entre eux. Le quatrième, un NEM, n’y avait donc même pas accès. Le commandement de la police
vaudoise a communiqué que, mardi 10 mai 2005, en début de soirée, une altercation avait éclaté entre un
Vaudois de 44 ans et des ressortissant-e-s africains en ville. Selon ses propres déclarations, excédé par le
comportement de certains requérants d’asile s’adonnant au trafic de produits stupéfiants devant son domicile, il
a fait des inscriptions à caractère raciste sur les murs de la ville, visant les requérant-e-s d’asile et la FAREAS.
Commerçant tout d’une pièce, André Corboz aurait pété les plombs. Sa version, «le shérif de Bex» l’a ressassée
deux ans durant et s’est fait réélire au conseil communal, début 2006, pour animer la campagne UDC pour la
fermeture du centre FAREAS, qui l’a emporté en novembre 2006. Il l’a répétée devant la cour et les médias.
Elle ne résiste cependant pas à l’examen des faits. C’est troublant. Tout au long de la soirée du 10 mai 2005,
André Corboz a peint ses slogans racistes au vu et au su de tous ceux-celles qui l’ont croisé, et de la police, à
plusieurs reprises, sans avoir été interrompu. Les Noirs découvraient ses messages au fur et à mesure de leur
confection, s’en alarmaient, tentaient de les effacer, sollicitaient l’intervention de la police pour faire cesser ce
scandale et n’obtenaient rien. En fin de soirée seulement, ils décidaient de manifester leur indignation, se
faisaient violemment refouler par un barrage de police. Quelques manifestants ont été arrêtés. Ils seront
désignés comme meneurs.
Savons-nous mieux que la police et Le Matin ce qui s’est passé à Bex le 10 mai 2005 au soir?
Oui. Nous disposons d’une solide source d’information: le dossier de l’instruction de la provocation d’André
Corboz qu’a établi le juge d’instruction. Pétage de plomb dû à un trafic de drogue? En début de soirée, le 10
mai 2005, André Corboz a agressé deux Noirs auxquels il a reproché un trafic de drogue. Ils avaient été
contrôlés par la police qui avait établi que tel n’était pas le cas.
Altercation entre André Corboz et des ressortissants africains? André Corboz a délibérément agressé plusieurs
Noirs. La police est parvenue à soustraire l’un d’entre eux à sa violence pour le reconduire au centre FAREAS.
Un autre Noir a été si violemment battu par André Corboz, que ses mains sont couvertes de son sang. La police
ne le retrouve pas mais craint qu’il ne soit gravement blessé. Dès 20 heures, la police est informée qu’André
Corboz couvre les murs d’inscriptions racistes. Plusieurs agents le voient. Ils demandent des renforts… pour
faire face aux Noirs. Personne ne semble avoir songé à arrêter le peintre provocateur. Les rapports font état de
Bellerins qui l’auraient vu faire et l’auraient encouragé.
Le pompon
Vers 22 h 20, les policiers partent à la recherche d’André Corboz ... pour le protéger d’une manifestation qui
viendrait à sa rencontre. Toutes les huit plaintes qu’ont signées les propriétaires des murs souillés indiquent un
délit commis simultanément en une demi-heure, à partir de 22 h 30 et jusqu’à 23 h. Les policiers, après avoir
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pour le moins cafouillé une soirée entière, auraient identifié les meneurs d’une manifestation qui se serait
produite avant la cause qui l’aurait suscitée?
Il n’est pas dans notre pouvoir de comprendre les raisons qui ont empêché les dizaines de policiers mobilisés
depuis Yverdon de mettre un terme à la propagande haineuse d’André Corboz. Alors même que les Noirs le
leur demandaient, alors même qu’ils pouvaient voir la sympathie de Bellerins pour Corboz et donc avoir la
preuve qu’incitant à la haine raciale, il la suscitait effectivement.
En revanche, il est dans notre pouvoir de manifester contre le racisme, à notre tour, le 17 avril 2007 à Lausanne
pour affirmer que les inculpés de Bex ne doivent pas être sanctionnés pour avoir manifesté hier, comme nous le
faisons librement aujourd’hui.
Karl Grünberg (ACOR SOS Racisme)
---------------------------------------------------------CONTRÔLES POLICIERS
« Etre Noir est-il un délit en Suisse ? »
« Comment peut-on vivre, dans un pays respectueux des droits de l'homme, les mêmes
évènements que l'on vit dans un pays conduit par un régime sanguinaire ? », « les lois
suisses seraient-elles fondées sur la couleur de la peau ou encore sur l'origine ? », « les
contrôles policiers seraient-ils aveugles et uniquement pour les Noirs ? » Ces questions et
d’autres ont fait vaciller certaines certitudes d’un jeune Africain, requérant d’asile, à propos
de l’image qu’il avait de la Suisse …
Le 31 juillet 2007, j'ai quitté la maison vers 11h25 pour faire mes achats dans un magasin sri lankais situé sur
l'autre rive du fleuve Aar, dans la ville d'Olten. J'y fais habituellement mes courses. Je faisais le trajet à pied. Le
chemin le plus court est celui qui passe par la gare, je l'ai par conséquent emprunté. Arrivé à l'entrée Est de la
gare, j'ai pris l'escalier pour descendre et je me suis dirigé vers la sortie. A à peine une cinquantaine de mètres,
j'ai vu deux hommes prendre ma direction en sens inverse. J'ai continué à avancer et au moment de les
dépasser, l'un d'eux s'est arrêté devant moi et l'autre s'est mis de côté pour me coincer.
Contrôlé à la gare
Le premier faisait environ 1m 70; le second environ 1m 85. Le plus petit m'a dit: « Polizei, contrôle » et m'a
montré son badge. Je leur ai donc tendu mon permis N. Celui qui était à côté de moi commença par téléphoner,
quand au second, il me demanda de lui donner le petit sac que je portais en bandoulière. Je le lui donnai. Il
exigea ensuite mon natel. Je lui obéis. Constatant que ce dernier était verrouillé (mon portable se verrouille
automatiquement), il me le tendit et m'ordonna de le déverrouiller. Ne comprenant plus rien, je lui ai demandé
les raisons d'une telle manoeuvre ? Je jugeais mon portable personnel et à usage personnel.
Sans aucune explication, des menottes
Sans me répondre, il s'est acharné à fouiller mon petit sac et mon porte-monnaie. Le premier était toujours au
téléphone. Après qu'ils aient terminé la fouille des différents objets et sans logiquement avoir rien trouvé
d'illicite, je leur ai demandé ce qu'ils me reprochaient au juste, car j'estime me comporter en citoyen togolais
honnête depuis mon arrivée ici en Suisse. En réponse à ma question, le plus grand des policiers m'intima l'ordre
d'enlever mes mains des poches et de me tourner la face contre le mur. Surpris et ne comprenant toujours rien,
je lui ai demandé: pourquoi faire ? Sans rien dire, il a commencé par me bousculer et m'a fouillé de haut au bas.
Alors qu'il n'avait rien trouvé, il a pris les menottes et me les a passées brutalement aux mains dans le dos.
Pas de réponse aux questions
Hors de moi-même et me sentant humilié devant une foule si grande qui me prenait peut-être pour « l'autre noir
dealer, terroriste et voleur », je lui ai demandé : « Que veut dire tout ceci ? Et pourquoi ? » Le plus petit
policier m'intima alors l'ordre de fermer ma bouche. « Pourquoi dois-je fermer ma bouche, quand vous
m'humiliez pour rien ? », ai-je immédiatement rétorqué ? Le second qui m'avait mis les menottes, a commencé
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par me pousser violemment dans le dos en me disant d'avancer. Surpris, je lui ai demandé: « Où m'amenezvous » ? « Au poste », répondirent-ils.
Une humiliation sans borne
Le policier continua de me pousser sauvagement sur une distance de presque huit mètres jusqu'à la voiture de
police, comme un criminel ou un terroriste recherché de longue date. Et ce, malgré le fait que je le priais de me
laisser marcher par moi-même. Mains au dos et menottes aux poignets, je subissais cette brutalité, de sorte que
ces dernières m'ont serré davantage et causé des enflures aux poignets et des douleurs atroces. Le
poignet gauche m'a fait mal toute la soirée. La scène se passait toujours devant des passants curieux. Jamais
de la vie, je ne me suis senti aussi humilié, ridiculisé.
Embarqué au poste de police
Ils me firent monter dans la voiture. Arrivés sur le parking du poste de police, il y avait un groupe de policiers
(dix environ). Mes deux tortionnaires sont descendus et ont commencé par discuter avec les autres. Celui qui
était assis à côté de moi m'a ouvert la portière et a continué à me pousser, comme il le faisait dès le début. A
l'entrée du poste de police, allaient et venaient aussi quelques-uns de leurs supérieurs, qui m'ont vu sans rien
dire. Une fois rentrés, ils m'ont conduit dans une pièce située dans un souterrain. Nous avons été rejoints par un
autre policier, membre du groupe qui était sur le parking. Il parlait français. Je tiens à rappeler que le policier
qui m'a mis les menottes, nourrissait depuis la gare une folle et incompréhensible colère contre moi. Il était
tellement furieux, qu'il a enlevé la chaise en plastique que son collègue, qui servait d'interprète, m'avait tendue
pour que je puisse m'asseoir.
Une incompréhension totale
J'avais alors les menottes aux mains, quand celui qui parlait français me demanda ma version des faits. Dépassé
et ne réalisant pas vraiment ce qui m'arrivait, je suis resté bouche bée. Pendant tout ce temps, mon sac, mon
porte-monnaie et mon natel étaient à leur disposition. Comme je ne répondais pas, il m'a enlevé les menottes.
C'est alors que j'ai retrouvé un peu la parole et que je lui ai relaté les faits.
Une fouille complète
À peine mon récit terminé, il me demanda d'enlever mon t-shirt, mon pantalon et mes chaussures. J'ai
obtempéré malgré moi. Alors qu'il ne me restait que mon slip sur le corps, le même homme m'ordonna de
l'enlever. J'ai refusé, car c'est un acte abominable passible d'exclusion dans ma culture Ewé. Il me menaça. Vu
la manière barbare avec laquelle les policiers me traitaient, j'ai eu peur pour ma vie. Je me suis alors plié à leur
exigence. Tous les deux avec leur torche, ont scruté mon anus. Pourquoi ? Eux seuls peuvent le dire.
« C'est comme ça en Suisse! »
Après leur forfaiture, ils m'ont demandé de remettre mes habits. Ils m'ont remis aussi tout ce qu'ils m'avaient
pris. J'ai trouvé bizarre que ce soit après toute cette barbarie incompréhensible, que l'un des policiers m'a posé
la question de savoir ce que je cherchais en ville. Je suis moi-même surpris de lui avoir répondu y être venu
faire des achats. N'ai-je pas le droit de venir dans la ville d'Olten ? Probablement satisfaits de leur acte salissant,
ils me remirent le porte-monnaie, le sac, le natel et le permis, sans me faire signer aucun procès-verbal. A la fin,
j'ai reposé la même question au policier qui parlait français: « Que me reprochez-vous au juste » ? Voici sa
réponse: « C'est comme ça en Suisse. C'est la Suisse ».
Kossi Sessi Ganyo Kodzo
N.B. – Ce témoignage qui nous a été transmis par le témoin est paru dans revue d’information et d’analyse critique sur la
problématique du droit d’asile et sur l’accueil des réfugiés en Suisse, Vivre Ensemble n° 114, septembre 2007.
---------------------------------------------------------MÉMORANDUM SUR LE RACISME ANTI-NOIR EN SUISSE
La Diaspora africaine s’affronte à Blocher
Le 5 novembre, des représentants des organisations de la Diaspora africaine en Suisse ont
été reçu à leur demande par M. Christoph Blocher, ministre de la Justice et de la Police et par
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ailleurs leader de l’UDC, parti populiste, raciste et xénophobe. A cette occasion, ils lui ont fait
part de leurs griefs dans le Mémorandum ci-dessous auquel le CRAN, membre de la
délégation, a beaucoup contribué.
Monsieur le Conseiller fédéral,
Permettez-nous d’abord, au nom des associations, organisations et communautés de la Diaspora africaine en
Suisse que nous représentons ici, de vous remercier pour cette audience que vous avez bien voulu nous
accorder en ce jour, à notre demande. Il s’agit là d’une première et nous espérons vivement que ce ne sera pas
la dernière fois qu’un Conseiller fédéral daigne recevoir une délégation de la Diaspora africaine en Suisse.
A l’image des communautés que nous représentons ici, les membres de notre délégation sont des hommes et
des femmes ressortissants de divers pays africains ou des citoyens suisses ayant une origine africaine. Vivant en
Suisse alémanique, en Suisse romande ou au Tessin, ils représentent également des domaines de compétences
variés : les droits de l’homme, les finances, l’éducation, les nouvelles technologies, le social, etc. Tous sont
engagés depuis plusieurs années dans la société civile et certains dans la politique suisse.
Pourquoi ce Mémorandum ?
L’objet de ce Mémorandum est de vous exposer, à partir de certains propos qui vous ont été attribués dans la
presse, un aperçu sur la migration d’origine africaine en Suisse, en lien notamment avec la problématique de la
sécurité, selon vos vœux, avant de vous faire part de quelques demandes de nos communautés à votre endroit.
Au nombre des questions liées à la migration et à la sécurité auxquelles sont confrontés les migrants africains
en Suisse, celle de leur image et du respect de leur dignité n’est pas la moindre. Elle est au cœur des raisons qui
nous ont amené à solliciter la présente audience.
En effet, en date du 15 octobre 2006, le journal le plus populaire de Suisse romande, Le Matin Dimanche,
publié à Lausanne, a rendu publics dans un article les propos suivants :
-
Les Africains seraient « paresseux »
Ils seraient seuls « responsables de leur situation »
« Il ne vaut pas la peine d'investir de l'argent sur le continent africain »
« Il n'y a pas là-bas de culture correspondante, même chez les Africains qui ont été formés en Suisse » …
Vous conviendrez avec nous que de tels propos, nonobstant la personne qui les tiendrait, revêtent un double
sens profondément offensant par leur répercussion dans l’ensemble de la presse suisse et même internationale :
-
Elles offensent la dignité humaine des Africains et des personnes d’origine africaine (y compris des
Suisses) vivant en Suisse et hors de Suisse ;
-
Elles portent atteinte à l’honneur des pays africains engagés avec la Suisse dans des rapports de
coopération empreints de respect mutuel et bénéfiques à toutes les parties
Or, ces propos extrêmement graves vous ont été imputés dans ce journal le plus populaire de Suisse par un
autre homme politique, à savoir M. Andreas Gross, député et président de la Commission des Institutions
politiques (CIP) du Conseil national (le Parlement suisse) devant laquelle vous vous exprimiez, le 15 septembre
de la même année.
Le 16 octobre, votre département a publié un démenti. Celui-ci se limitait à déclarer que les propos qui vous
étaient imputés étaient « dénués de tout fondement ». Toutefois, la personne incriminée, à savoir M. Andreas
Gross, n’a ni apporté de démenti à ses allégations ni fait l’objet de poursuites pour calomnie ou diffamation.
Aucune action n’a été engagée non plus contre le journal ayant rendu publics les propos offensants.
Notre intention n’est pas d’ouvrir ici de polémique à cet égard. Nous aimerions toutefois rappeler combien ces
propos parus dans la presse ont profondément blessé la dignité des personnes d’origine africaine en Suisse et
dans le monde. Ils ont également revêtu les caractères suivants, d’une importance grave :
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-
Portés sur la place publique, ces propos ont pu sonner dans beaucoup d’oreilles comme un message
banalisant la stigmatisation des personnes d’origine africaine, à un moment où tous les indicateurs notent
une forte recrudescence du racisme anti-Noir en Suisse, notamment au sein des institutions publiques ;
-
Ce message devient incitateur lorsque les propos incriminés sont imputés à une des plus hautes autorités
du pays et que le démenti adressé par la suite à la presse n’a pas eu le même impact puissant dans
l’opinion publique.
Les enjeux de la migration et de la sécurité ne se limitent pas au problème de l’image et du respect de la dignité
des Africains en Suisse. Un état des lieux non exhaustif permet de mettre en exergue l’apport africain à la
Suisse et de démontrer que les problèmes auxquels font face les migrants africains sont multiples et non moins
graves.
A propos des migrants d’origine africaine en Suisse
L’Afrique et ses migrants donnent certes aujourd’hui l’image d’un continent et d’un peuple démunis et dont le
salut se trouverait au Nord. Cette image teintée de misérabilisme est en partie réelle. Mais elle ne prend en
compte ni le poids de l’histoire, ni la part de responsabilités des pays du Nord, encore moins les potentialités et
ressources que possède toujours l’Afrique.
Car, historiquement, l’Afrique a beaucoup apporté au monde. Il n’y a pas eu que les savoirs et les
connaissances fort utiles transmis par la civilisation égyptienne des Pharaons Noirs. L’exploitation esclavagiste
qui a fondé la prospérité actuelle de l’Amérique et de l’Europe a beaucoup bénéficié de l’apport en main
d’œuvre et en techniques diverses apportées par les esclaves Noirs d’Afrique. Le pillage et les travaux forcés
coloniaux, accompagnés d’une mission « civilisatrice » niant l’essence des individus et destinée à déstructurer
le système des valeurs, ont achevé de réduire les chances de développement de l’Afrique.
La Déclaration de Durban, issue de la Conférence mondiale contre le racisme, en 2001, à laquelle la Suisse a
souscrit, l’a bien établi :
« Nous reconnaissons que la population d’ascendance africaine est depuis des siècles victime du racisme, de la
discrimination raciale et de l’esclavage, et qu’elle s’est vue privée par l’histoire d’un grand nombre de ses
droits ». Surtout, « les effets économiques, sociaux et culturels néfastes du racisme (…) ont contribué de
manière importante au sous-développement des pays en développement et, en particulier, de l’Afrique ».
La Suisse n’est pas restée à l’écart de tous ces mouvements de pillage et d’enrichissement qui ont ruiné
l’Afrique. Même si en tant qu’Etat, et en dehors de la période de l’apartheid en Afrique du Sud, la Suisse n’a
participé ni à la traite négrière ni à la colonisation, ses ressortissants et surtout ses banques et ses entreprises y
ont pris une grande part active. De plus en plus d’historiens suisses mettent à jour des faits accablants à ce
sujet, à l’exemple de Hans Fässler, dans son brillant ouvrage Reise in Schwarz-Weiss: Schweizer Ortstermine in
Sachen Sklaverei (Zürich 2005, Rotpunktverlag). Toutefois, l’apport africain à la Suisse s’est effectué de
manière encore plus significative sur le sol helvétique.
Saint Maurice : 1er migrant Noir et sauveur de Suisses
La présence des migrants africains en Suisse ne date pas d’aujourd’hui. Elle a même laissé dans l’histoire du
pays des traces fort appréciables. Le passage d’Hannibal au 3ème siècle av. J-C. en Valais, ou celui des Maures
en Valais et dans les Grisons plus tard, vers le 13ème siècle, offrent encore aujourd’hui des vestiges visibles.
Au 3ème siècle, Saint Maurice, originaire de Nubie et à la tête d’une troupe nubienne dans l’armée romaine, a
préféré périr avec ses hommes plutôt que d’exterminer des Helvètes sur ordre de Rome. Partageant la même foi
chrétienne que ces populations, Maurice l’Africain deviendra plus tard le Saint patron de la Suisse. Et la ville
de Saint Maurice, en Valais, est chaque année un haut lieu de pèlerinage mondial.
Apports Noirs contemporains à la Suisse
Outre le sacrifice suprême consenti par Saint Maurice et ses hommes, les Africains ont toujours beaucoup
apporté à la Suisse. Jusqu’à la 10ème révision de l’AVS en 1997, et parce que beaucoup de pays africains
n’avaient pas d’accord de réciprocité avec la Suisse, les Africains abandonnaient plus de 20 millions de francs
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en moyenne chaque année au titre de cotisations sociales non remboursées, selon des données recueillies de la
Caisse fédérale de compensation. En ce qui concerne les requérants d’asile en particulier, une enquête de la
revue Bilanz a démontré il y a quelques années combien la Suisse en tire profit plus qu’il ne lui en coûte
financièrement.
De même profitent essentiellement à la Suisse, les apports financiers frauduleusement réalisés par des
dictateurs et autres criminels en col blanc africains, par la grâce du secret bancaire helvétique. Tshombé (leader
congolais), Selassié (empereur éthiopien) Mobutu (dictateur congolais), Moussa Traoré (dictateur malien),
Abacha (dictateur nigérian) et bien d’autres encore ont déposé en Suisse - et continuent à le faire - des milliards
de dollars dont une infime partie a été à peine identifiée et rétrocédée aux populations africaines ainsi lésées
avec la complicité des banques suisses. Si on y ajoute l’uranium de Centrafrique sous Bokassa, ou les bénéfices
odieux des sociétés suisses sous l’Apartheid, on se trouve devant des sommes colossales qui rendent nécessaire
un livre blanc sur les transferts financiers, non seulement de la Suisse vers l’Afrique (aide au développement),
mais aussi de l’Afrique vers la Suisse.
Enfin, les Africains en Suisse ne sont pas que des requérants d’asile et des dealers comme la presse et certains
partis politiques tendent à le faire passer auprès de l’opinion publique. Ils sont présents dans tous les secteurs de
l’activité économique, sociale et politique. Des banques aux hôpitaux et écoles, en passant par les
administrations et les exécutifs et législatifs dans tout le pays, les minorités Noires participent pleinement et
avantageusement à la construction de la nation suisse. C’est pourquoi, l’élection au parlement suisse du premier
député Noir a sans nul doute constitué le fait le plus marquant des dernières élections fédérales.
Migrants africains et sécurité en Suisse
Les Noirs en Suisse sont-ils un facteur d’insécurité ?
Si au 19ème siècle et surtout au début du 20ème siècle, des journaux de l’époque font mention de la présence
africaine en Suisse, cette présence ne pose aucun problème ni à l’Etat ni à la population suisse. Parmi les
facteurs d’insécurité autant sociale qu’économique, il n’est question de Noirs. L’arrivée croissante et très
visible de requérants d’asile d’Afrique subsaharienne, à partir des années 1980, va changer toute la donne, de
par l’équation « Noir = réfugié = menace » qui va en résulter. Cette équation devenue « Noir = requérant
d’asile = dealer = menace » a culminé à des degrés sans précédent, à travers les campagnes électorales de
certains partis politiques afin de susciter les peurs les plus irrationnelles dans la population.
Pourtant, le nombre de la population Noire ou en provenance d’Afrique subsaharienne est insignifiante (65
092 individus en 2004) par rapport aussi bien à la population étrangère (env. 4 % du total) qu’à la population
totale de la Suisse (0,8 %). A titre indicatif, 17 602 Suisses ont été recensés en 2005 sur le continent africain.
Les ressortissants d’Afrique subsaharienne sont-ils, à l’instar d’autres étrangers des « immigrés délinquants »
en puissance, comme tend à vouloir l’affirmer les statistiques sur la « criminalité étrangère » ? Par ce concept la
police fédérale cherche en effet à ériger artificiellement l’immigré au rang d’une véritable menace pour la
sécurité intérieure de la Suisse. Cette amplification de la criminalité étrangère s’appuie également sur la
manipulation des statistiques de police. On se limite souvent à présenter le chiffre total des crimes et délits
commis par des étrangers dans une période donnée, sans préciser qu’une grande partie de ces délits consiste en
des infractions liées à l’état même de l’immigration clandestine, telles que l’entrée et/ou le séjour irréguliers,
faux et usage de faux, etc. D’ailleurs, même lorsqu’ils procèdent à une présentation plus détaillée de ces
statistiques, ces chiffres alimentent l’image de « l’immigré délinquant » en ne retenant que les crimes et délits
où les étrangers sont surreprésentés. En outre, les statistiques policières ne fournissent pas d’informations sur la
récidive et ne précisent pas que le nombre d’infractions attribuées à des étrangers ne renvoie pas forcément à
autant d’auteurs. Ces manipulations à la fois policières et politiciennes sont dommageables à l’image des
étrangers sur le plan non seulement éthique mais également moral et social.
En réalité, cette stigmatisation sert à détourner des vrais problèmes. Et d’abord de la vraie insécurité : les
statistiques montrent que deux tiers des homicides ont lieu en famille. Mais la propagande de certains partis ne
les utilise pas. De la même manière elle laisse de côté tous les délits liés à la consommation de la drogue. Or
l’article 19 de la Loi fédérale sur les stupéfiants criminalise aussi bien les vendeurs (présentés comme quasiexclusivement Noirs) que les consommateurs. L’ONU a classé parmi les 10 premières villes consommatrices
de cocaïne, trois villes suisses (St-Moritz, Zurich et Berne). Si la police les poursuivait, les chiffres des
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statistiques pourraient exploseraient peu au sein de ces jeunes Noirs pourchassés quotidiennement.
Par ailleurs, la diabolisation des étrangers et des Noirs en particulier détourne de l’insécurité dans laquelle
vivent les Noirs eux-mêmes.
Les Noirs en Suisse vivent dans une insécurité omniprésente !
Si les Noirs vivant en Suisse sont en majorité très loin de représenter un danger pour les populations locales, ils
sont par contre en très grande majorité à se sentir de moins en moins en sécurité en Suisse.
La première forme d’insécurité provient de la perception d’être indésirable, suspecté envahisseur dès l’entrée
sur le territoire suisse, voire dès la porte des chancelleries des ambassades suisses en Afrique, et constamment
par la suite, durant tout son séjour. Que l’on soit étudiant, diplomate, fonctionnaire international, délégué à une
conférence, employé d’une multinationale ou requérant d’asile, la confrontation à une administration publique
fait souvent surgir ce sentiment qui n’est certes pas exclusif aux Noirs. Mais leur grande visibilité ainsi que
l’image de leur continent, telle que véhiculée dans les médias, tendent à focaliser sur eux ce phénomène de rejet
de l’étranger.
Les personnes d’origine africaine vivent dans une insécurité également entretenue par des politiciens et des
médias qui n’hésitent pas à les jeter en pâture à une population en quête de boucs émissaires. La confusion
entre migrants et requérants d’asile, sciemment entretenue dans les esprits, tend à renforcer ce rejet autant que
la stigmatisation qui l’accompagne. Discours politiques, campagnes d’affichage et articles de presse l’ont
suffisamment démontré, à l’occasion des votations de 2006 sur la nouvelle Loi sur les étrangers et lors de la
dernière révision du droit d’asile. La dernière campagne d’affichage de votre propre parti, l’UDC, contre la
criminalité étrangère, entretient une très grave confusion entre migrants et criminels étrangers, et en particulier
entre migrants Noirs et criminels Noirs.
La dernière forme d’insécurité qu’éprouvent les migrants d’origine africaine en Suisse est canalisée par les
deux premières. Perçus comme d’indésirables « moutons noirs » envahissant et violant un espace suisse réservé
aux seuls « moutons blancs », ils se retrouvent illégitimement fondés à faire reconnaître les droits les plus
fondamentaux et à faire respecter la dignité la plus élémentaire. Déshabillages et fouilles au corps en pleine rue
et au faciès, étranglements, insultes racistes et autres mauvais traitements sont régulièrement dénoncés par les
rapports de l’Observatoire du racisme anti-Noir en Suisse mis en place par le Carrefour de réflexion et d’action
contre le racisme anti-Noir (CRAN) autant que par ceux d’Amnesty International, du Rapporteur spécial de
l’ONU sur le racisme, de l’ECRI (European Commission on Racism and Intolerance), de la Commission
fédérale contre le racisme, etc.
Les atteintes aux droits et à la dignité des Noirs par les forces de l’ordre sont en effet quasi-quotidiennes. Leur
caractère répété, systématique, généralisé et ciblé sur les personnes de “race“ Noire ne peut être dû au seul
hasard, ni à des dérapages isolés d’agents abusant de leurs fonctions et n’agissant pas selon des consignes
venant d’en haut. La forte médiatisation d’une lutte certes nécessaire contre des trafiquants de drogue mais
dirigée ostensiblement vers les seuls revendeurs Noirs, finit par assimiler tous les Noirs en Suisse à ce fléau.
Ainsi désignés, les Noirs deviennent en effet une menace à éradiquer, sinon à contenir par tous les moyens.
Les agissements des forces de l’ordre, dans tous les cantons, traumatisent particulièrement de nombreux jeunes
Noirs ainsi criminalisés d’office sur la base de leur seul faciès. Des cas les ciblant abondent. Brutalisés, ils se
voient en plus infliger de fortes amendes pour « opposition aux actes de l’autorité », ou des contre-procès
lorsqu’ils se hasardent à porter plainte. Les jeunes Suisses d’origine africaine, en particulier, se sentent à la fois
insécurisés et niés dans leur identité suisse, alors qu’ils sont prêts à la défendre l’arme à la main, puisqu’ils sont
astreints au même service militaire que tous les jeunes du pays.
En conclusion
De tout ce qui précède, il ressort nettement que l’adéquation entre les comportements policiers anti-Noirs, les
pratiques administratives anti-Noires de certaines communes, cantons ou services fédéraux (y compris les
services de visas dans les pays africains), les discours anti-Noirs de certains partis dominant l’échiquier
politique et les tendances principalement anti-Noires que trace sans équivoque les derniers dispositifs législatifs
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contre les Etrangers (Noirs avant tout, dans l’opinion publique, par leur visibilité) nous font penser qu’il y a une
politique, un discours et des actes anti-Noirs à l’échelle de tout l’Etat Suisse.
Nos demandes
Nous, membres du Collectif des Organisations de la diaspora africaine en Suisse, vous adressons
solennellement les cinq demandes suivantes :
1) En ce qui concerne les propos anti-Africains qui vous ont été attribués dans la presse :
Les Suisses et les migrants d’origine africaine, autant que des Africaines et Africains par-delà le monde, ont
besoin d’être rassurés et apaisés.
Le Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse vous demande de leur adresser un
message politique largement diffusé et suffisamment clair et fort, afin de lever toute ambiguïté et toute
équivoque sur ces propos qui ont profondément blessé leur dignité humaine !
2) En ce qui concerne le respect des personnes d’origine africaine, de leurs droits et de leur dignité :
Il nous semble impératif de maintenir et même de renforcer le dispositif pénal antiraciste mis en place par le
peuple afin de faire barrage à une liberté d’expression dommageable à la dignité ou à la mémoire de
certaines populations.
Le Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse vous demande de mettre tout en œuvre
pour que la reforme de l’art.261 bis du Code pénal que vous avez mis en chantier débouche sur un dispositif
plus sévère, renforcé notamment par l’instauration d’une autorité indépendante en mesure de recevoir les
plaintes des victimes d’atteintes discriminatoires ou racistes croissantes.
3) En ce qui concerne la sécurité des personnes d’origine africaine :
A l’instar des Suisses, les personnes d’origine africaine aspirent à vivre dans la tranquillité, le respect et la
sécurité d’un Etat de droit, sans être constamment criminalisées sur la base de leur faciès, pointées du doigt
et rejetées dans l’exclusion, du fait notamment de certains discours et campagnes politiques.
Le Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse vous prie, de par vos hautes
responsabilités, d’être le garant de la sécurité des personnes d’origine étrangères en Suisse. Il vous
demande donc instamment d’user de toute votre influence et de toutes vos prérogatives pour produire une
impulsion suffisamment forte auprès des administrations et polices cantonales ou municipales pour que
cessent les tracasseries et autres mauvais traitements quotidiens dirigés en toute impunité contre les
étrangers et en particulier contre les personnes d’origine africaine.
4) En ce qui concerne la cohabitation entre autochtones et communautés africaines :
Plutôt que de créer continuellement la peur chez le Suisse autochtone, l’énergie des forces politiques devrait
être dirigée vers la promotion d’un meilleur vivre ensemble au sein de la diversité des populations de la
Suisse d’aujourd’hui, afin de construire un nouveau multiculturalisme ouvert à d’autres origines culturelles
qu’européennes.
Le Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse vous demande de tout mettre en œuvre
pour favoriser et promouvoir des rapports apaisés entre Suisses et personnes d’origine africaine, dans le
respect réciproque des particularités de chacun. Notre Collectif vous demande plus particulièrement de
vous faire notre avocat auprès de la classe politique suisse et notamment auprès des instances de votre
propre parti afin que cesse la démagogie systématique anti-étrangers en général et anti-Noirs en
particulier, et afin que la Charte européenne sur les discours politiques puisse devenir une réalité dans le
paysage politique suisse aussi.
5) En ce qui concerne la contribution des migrants africains à la Suisse :
Au sein des communautés africaines des compétences et des capacités d’action existent. Elles peuvent
contribuer à développer des approches communes face à des questions d’intérêt commun telles que les flux
migratoires, la coopération au développement, la sécurité, l’emploi, etc.
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Le Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse vous demande d’initier, en collaboration
avec vos collègues au gouvernement, un cadre de consultation et d’échanges entre gouvernants et
représentants des communautés étrangères dans leur globalité ou selon leur spécificité culturelle,
géographique ou autre.
6) En ce qui concerne la contribution de la Suisse au développement de l’Afrique :
Certes, l’aide au développement ne relève pas de votre domaine de compétences. Mais à plusieurs reprises,
vous avez émis des critiques sur le bien-fondé de cette aide.
Le Collectif des organisations de la Diaspora africaine en Suisse vous demande d’user de votre influence au
sein du gouvernement et du parlement pour que soit publié un Livre blanc sur les transferts financiers
multiformes de la Suisse vers l’Afrique (aides humanitaire et au développement) et de l’Afrique vers la
Suisse (bénéfices des sociétés travaillant en Afrique ou avec l’Afrique, fonds publics détournés par les
dirigeants, etc.), depuis 1960.
Nous souhaitons très vivement pouvoir obtenir des réponses aussi précises et explicites possible à ces
demandes concrètes.
En vous remerciant de toute l’attention que vous apporterez à ce Mémorandum, nous vous prions de recevoir,
Monsieur le Conseiller fédéral, l’expression de nos sentiments distingués.
Le Collectif des Organisations de la Diaspora africaine en Suisse
Genève, 5 novembre 2007
Copie à :
- Ambassadeurs (tous) des pays africains en Suisse, à Berne et à Genève
- Haut-Commissaire de l’ONU pour les Droits de l’Homme, à Genève
- Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, à Genève
- Presse
Liste des Organisations de la Diaspora africaine qui adhèrent au Mémorandum :
-
Association Culturelle Kasaï (ACK), Lausanne
Association Panafricaine pour l’Art (APA), Genève
Convergences-Groupe de réflexion sur la RDC, Genève
Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir (CRAN), Berne
Centre africain de recherches & de formation en management (CARFMAN), Vevey
Comunità africana del Ticino (CAT), Lugano
Diaspora africaine pour la Société de l'Information (DAPSI), Genève
Forum Africa, Vevey
Groupe de réflexion et d'analyse sur le Zaïre-Congo (GRAZ-CONGO), Genève
Maison de la Culture Africaine, Genève
Traditions et Médecine, Genève
Rassismus Deutschschweiz, Zurich
Regards Africains, Genève
Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO-Diaspora), Genève (Palais des Nations)
Sankofa, Plattform für Menschen Afrikanischen Erbes, Zurich
Symposium malien sur les sciences appliquées, Radio Africa, Basel
Yaakaare-Réseau eurafricain pour le développement intégré, les droits de l'Homme (REDHRIC), Genève
---------------------------------------------------------RENCONTRE AVEC BLOCHER – COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE LA DIASPORA AFRICAINE
Ce que se sont dits M. Blocher et la délégation africaine
A la suite de sa rencontre avec le Conseiller fédéral Christoph Blocher, la délégation de la
Diaspora africaine a rendu public le communiqué ci-dessous, le 7 novembre 2007.
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Le lundi 5 novembre dernier, M. Christophe Blocher, Conseiller fédéral en charge du département de Justice et
Police, a reçu une délégation composée d’une dizaine de représentants d’organisations de la Diaspora africaine
en Suisse au Palais fédéral, à Berne.
En effet, c’est à la suite des propos insultants sur les Africains et l’Afrique, attribués à M. Blocher, par le
journal Le Matin Dimanche du 15 octobre 2006, que la demande lui avait été adressée. Ces propos
extrêmement graves avaient profondément offensé la dignité humaine des Africains et des personnes d’origine
africaine vivant en Suisse et hors de Suisse. Ils ont également porté atteinte à l’honneur des Etats africains
engagés avec la Suisse dans des liens de coopération.
M. Christoph Blocher en personne a accueilli la délégation, entouré de 4 de ses plus proches collaborateurs, les
responsables de l’ODM (Office fédéral des Migrations) et de FedPol (Office fédéral de la Police).
Le Collectif des Organisations de la Diaspora Africaine en Suisse se félicite de l’accueil qui lui a été réservé
par M. Christoph Blocher, une première dans les annales du Palais fédéral. Cette réunion de plus de trois
heures, a été consacrée à un échange, en toute franchise, sur les problèmes que rencontrent les personnes
d’origine africaine en Suisse.
La séance a été ouverte par des exposés des collaborateurs du Conseiller fédéral sur les questions de sécurité
comme le trafic de drogues, la migration, la question des réfugiés, l’aide au retour des requérants d’asile
déboutés et le terrorisme international.
La délégation du Collectif a d’abord adressé à M. Blocher un Mémorandum exhaustif donnant un aperçu sur la
migration d’origine africaine en Suisse et des problèmes qu’elle affronte, en lien notamment avec la question de
la sécurité et de l’intégration. Une série de demandes très concrètes y étaient également formulées et pour
lesquelles la délégation attend des réponses précises et explicites, une fois que le Conseiller fédéral aura pris
connaissance du document.
Au cours de l’échange qui a suivi, M. Blocher a entrepris de répondre aux questions que les membres de la
délégation ont soulevées dans leurs interventions. En particulier les questions portant sur les points suivants :
Propos désobligeants envers l’Afrique et les Africains, traités notamment de « paresseux » :
M. Blocher a nié avoir tenu ces propos et même y avoir pensé. De son point de vue, les Africains, loin
d’être des paresseux, seraient plutôt des bourreaux du travail. Il a toutefois précisé que chaque peuple
travaille à sa manière.
Contrôles au faciès et violences policières visant spécifiquement les Noirs :
M. Blocher a souligné plusieurs fois qu’il ne pouvait tolérer des tels agissements s’ils pouvaient s’avérer
exacts. Il a encouragé la délégation à lui fournir des cas précis et bien étayés en vue de diligenter des
enquêtes auprès des polices cantonales concernées. Les responsables de la FedPol présents ont été priés de
suivre ces cas.
Multiplication de cas de violences racistes ou de morts suspectes d’Africains sommairement instruits et
classés sans suite trop rapidement par des tribunaux cantonaux, comme à Genève :
M. Blocher a estimé intolérables des tels cas. Car, toute personne devrait bénéficier en Suisse de la même
protection, sans discrimination, en particulier de la part des institutions. Il s’est engagé à se renseigner, si
des cas précis pouvaient lui être soumis, par exemple celui de la mort suspecte de la jeune Guinéenne,
récemment à Genève.
Affiches xénophobes et racistes de l’UDC pendant la campagne électorale :
M. Blocher n’y a vu aucune expression de xénophobie ou de racisme. Il a rappelé le but poursuivi par ces
affiches : avoir plus de sécurité en se débarrassant des criminels étrangers représentés sur les affiches par
un mouton noir qui, selon une expression suisse, signifie également la brebis galeuse au sein de la société.
Il a toutefois éludé la question à savoir pourquoi les criminels suisses, également brebis galeuses dans la
société, figuraient forcément sur les affiches parmi les moutons blancs plutôt.
Discrimination à l’emploi et chômage élevé des Noirs (selon les chiffres fournis par le responsable de
l’ODM, alors que le taux d’activité est de 70% pour les Africains et 91,5% pour les Suisses, les taux du
chômage ne sont plus dans la même proportion : 21% d’Africains sont chômeurs, contre 8% de l’ensemble
des étrangers et 2,1% de Suisses) :
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M. Blocher a admis que cette situation pouvait être due aux discriminations. Il n’en a pas moins insisté sur
la nécessité de formation (notamment pour les jeunes immigrés) et d’apprentissage de la langue (en
particulier pour les parents), à la fois comme facteur d’intégration et comme élément pouvant faciliter
l’obtention d’un emploi.
Lutte discriminatoire contre le trafic de drogues. Cette lutte est très ferme contre les vendeurs africains,
mais quasi inexistante contre les acheteurs consommateurs suisses, alors que la loi contre les stupéfiants
(article 19) punit de la même manière vendeurs et consommateurs :
M. Blocher a mis en avant une dépénalisation dont jouiraient les consommateurs de drogue, sans
différencier les drogues douces et dures (comme la cocaïne : trois villes suisses figurent parmi les Top 10
de la consommation mondiale).
Renforcement de la norme antiraciste (article 261 bis du Code pénal suisse) :
M. Blocher a affirmé son opposition à toute forme de racisme et de discrimination sur le territoire suisse et
s’est engagé à ne jamais faire abroger l’art. 261 bis. Toutefois, le renforcement demandé par la délégation
ne lui semble pas la meilleure façon de combattre le racisme. Car, à son avis, cet article a plutôt attisé le
racisme en portant atteinte à la liberté d’expression et doit donc être reformé. A cet égard, il a réitéré ses
critiques contre M. Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme.
Minarets musulmans et tolérance religieuse :
M. Blocher s’est prononcé pour la tolérance religieuse. Il a toutefois indiqué qu’il comprenait les membres
de l’UDC qui sont à l’origine de l’initiative contre les minarets, dans la mesure où ils y voient un symbole
de pouvoir qui va s’ériger en Suisse.
Traitements humiliants, déshonorants et dégradants à l’égard des Africains dans les ambassades et
consulats suisses en Afrique Noire :
M. Blocher a fait part de son étonnement devant cette réalité. Il a promis de saisir à ce sujet le Département
fédéral compétent.
Par ailleurs, les propositions ci-dessous ont été adressées à M. Blocher, en plus de celles du Mémorandum :
Proposition de renforcer le dialogue amorcé, de participer à une manifestation ou une activité futures
organisées par la Diaspora africaine :
M. Blocher est prêt à entrer en matière, selon ses disponibilités.
Proposition de convoquer en Suisse une conférence mondiale sur les réfugiés :
M. Blocher a accueilli avec beaucoup d’intérêt cette proposition. Toutefois, il a fait part de ses réticences
quant aux résultats d’une telle conférence.
Proposition d’institutionnaliser les rencontres Diaspora africaine - Conseil fédéral :
M. Blocher y a été particulièrement sensible. Il a promis d’œuvrer dans ce sens, en associant à cette
démarche ses collègues du Conseil fédéral.
Les membres de la délégation formulent l’espoir que les promesses faites par M. Blocher seront tenues. Ils
espèrent en particulier que rapidement devienne réalité la demande formulée dans le Mémorandum et visant à
faire doter l’ensemble des partis politiques d’un instrument semblable à la Charte européenne contre les
discours racistes. Une telle innovation pourrait déboucher sur la mise en place de comités éthiques au sein des
partis, spécialement à l’UDC. Car ce parti ne peut continuer impunément, dans ses discours et affiches, à
blesser la dignité et la sensibilité des populations étrangères.
Nous attendons donc désormais, de M. Blocher, des actes en cohérence avec ses paroles.
Délégation du Collectif des Organisations de la Diaspora africaine en Suisse*,
Genève, le 7 novembre 2007
Pape Ndiaye Diouf (Genève, Diaspora africaine pour la société de l’information)
Maurice Katala (Genève)
Glenda Loebell-Ryan (Zurich, SOS Rassismus)
Martin Wa Mavula Maluza (Genève, Comité international pour le respect de la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples)
Daniel Gandi (Vevey, Carfman - Centre africain de recherches & de formation en Management)
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Martin Sigam (Genève, Association panafricaine pour l’Art)
Hervé Keto Mavakala (Locarno, Communita africana del Ticino)
Johannes Chris Salah (Bienne, CRAN/Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir)
Mohomoudou Houssouba (Bâle, Radio Africa)
Mutombo Kanyana (Genève, Regards Africains)
TÉMOIGNAGES - 2008
ACHARNEMENT POLICIER
Jeune Soudanais harcelé à St-Gall
Monsieur O.B., 24 ans d’origine Soudanaise, est venu au bureau du CRAN ce samedi 14 juin
2008 à 11h30 pour nous faire part de ce qui lui est arrivé à la gare de St. Gallen et les
conséquences désastreuses sur son état de santé général et sa vie quotidienne.
Les faits remontent au 3 février 2004, à 22h30, à la gare de St. Gallen. A la sortie des toilettes, O.B. est
interpelé par trois policiers en civil, qui lui demandent ses papiers. O.B. s’exécute. L’un des policiers lui
demande de quel pays vient-il. O.B. répond : du Soudan. Le policier lui demande, pourquoi il est inscrit origine
«inconnu» sur ses papiers ? O.B. répond que c’est Bern BFF qui a écrit cela, ce n’est pas lui. L’un des policiers
lui dit alors : « Je hais les Noirs. Ils doivent quitter ce pays. C’est notre pays». Sur ce, les policiers lui retirent
son téléphone mobile et lui demandent de les suivre au poste se trouvant dans les locaux de la gare même. L’un
des policiers lui dit : « Demain nous vous amènerons à Bern et de là vous serez renvoyé dans votre pays ».
Arrivé au poste de police, l’un des policiers lui demande de se déshabiller. O.B. s’exécute mais garde son slip.
Le policier lui ordonne de l’enlever aussi. O.B. réagit et lui dit : « Je suis musulman, ma religion m’interdit
cela ». Le policier est venu lui-même lui enlever son slip par la force, et ensuite l’a plaqué contre le mur (avec
face au mur) en lui demandant de lever ses bras. Le policier enfile des gants en plastic. O.B. lui dit : « Si vous
voulez m’inspecter, cela devrait être fait par un médecin». Le policier lui ordonne de se courber. O.B. lui
demande: « Vous voulez quoi avec moi ? ». Le policier lui répond : « je ne couche pas avec les Noirs, mais
seulement avec les Suisses ».
O.B. a fini par craquer et s’est mis à pleurer, à hurler, s’est retourné et à poussé une table. A ce moment là,
deux policiers le maîtrisent, lui menottent les mains derrière son dos et le plaquent (nu) contre le sol. O.B. leur
demande : « Où sont les droits de l’homme ? ». L’un des policiers lui dit de se taire. O.B. lui
répond : « Comment puis-je me taire avec ce que vous me faites subir et que vous voulez me tuer ? ». L’un des
policiers répond « non ! » et en même temps coince le cou de O.B. entre ses chaussures. O.B. se débat pour
libérer son cou et se cogne la tête contre le mur. Comme il a saigné énormément, un des policiers a pris sa
chemise et lui fait un bandage. O.B. voit arriver trois autres policiers et il a perdu connaissance. Il ne reprendra
connaissance que le jour suivant vers 4h30 du matin aux urgences de l’hôpital cantonal de St. Gallen. A 6h30
du matin, il a quitté les services d’urgence de l’hôpital sans autre forme de procès.
Suite au rapport de la police, la situation de O.B. s’est encore empirée : alors que l’affaire est portée devant les
tribunaux, O.B. reçoit une décision lui demandant de quitter la Suisse. O.B. réside et travaille en Suisse depuis
5 ans. O.B. pourtant bien intégré, se voit refuser tout permis de séjour et doit quitter la Suisse.
Trois mois plus tard, O.B. rencontre les mêmes policiers en civil dans une autre gare, et qui lui redemandent ses
papiers. L’un des policiers qui lui avait coincé le cou avec ses souliers lui dit sur un ton sarcastique : « On s’est
déjà vu ! Je suis quelqu’un de bien, n’est-ce pas?». Les policiers rendent ensuite à O.B. ses papiers et
s’éloignent en riant.
(Témoignage recueilli par le CRAN, à Bienne, le 30 Juin 2008)
Ce témoignage a soulevé plusieurs questions que le CRAN a posé à la Police saint-galloise, notamment :
-
O.B. a.t-il été contrôlé parce qu’il a commis une infraction à la gare de St. Gallen ou tout simplement
parce qu’il a la peau noire et qu’il se trouvait dans un lieu public?
Page 138
-
Le traitement subi par O.B. de la part des agents de la police de St-Gall est-il normal, c’est-à-dire est-il
conforme au respect des droits de l’Homme et aux règles déontologiques de cette police ?
Si les faits relatés s’avèrent exacts, il est évident qu’ils n’honorent pas la police de Saint-Gall et qu’ils
entraînent des sanctions à l’endroit des policiers incriminés. Le CRAN a par conséquent demandé l’ouverture
d’une enquête administrative et de lu faire part des conclusions de cette enquête.
FORMATION POLICIÈRE
« Les compétences culturelles des policiers doivent être
renforcées »
L’incompétence interculturelle d’une police évoluant constamment dans des contextes
d’interculturalité devient un nonsens tragique pour toute personne qui se penche sur la
question. Une banale intervention policière - autre que sur la scène de la drogue - peut le
réveler. Parfois douloureusement, comme dans l’exemple ci-dessous.
Situation:
Sortie loisirs organisée avec un groupe de personnes de l'association où je travaille. Ballade en montagne... Une
personne du groupe tombe. L'helicoptère de Air-Glacier est appelé ... La personne est évacuée à l'hôpital.
Faits :
Sur ce, arrive un policier de la police cantonal pour venir faire son constat de la situation. L'animatrice
responsable de la sortie répond aux questions. Le policier doit ensuite prendre des renseignements tels que nom
de l'association, etc. ainsi que le nom de l'animatrice. Cette dernière a un nom italien. Le policier s'embrouille
avec le nom, le prénom, l'orthographe, etc. Il se justifie par le fait que le jour même il a dû faire un constat avec
des Africains, alors les noms « Kakara, Kuru, quoi » ... Maintenant il ne sait plus écrire ...
Ma réaction :
Je suis d'abord partie sans lui toucher la main. Ensuite, j'ai dû revenir pour lui demander le numéro de
téléphone de l'hôpital. J'en ai profité pour lui dire que je ne lui avais pas dit « Au revoir », car il a dit quelque
chose qui m'a fait mal au ventre...
Sa réaction :
« Ah bon, mais dites-moi, qu'est-ce que j'ai dit... euh, vous êtes étrangère? »
« Non, je ne suis pas étrangère, mais le père de mon fils est Africain, et quand je vous entends parler de la
sorte et que je me dis que c'est ce que risque d'entendre mon fils dans 15 ou 20 ans, je peux vous dire que, oui
ça fait mal au ventre ».
Alors là, il s'est confondu en excuses, que ce n'était pas destiné contre moi, blabla, etc. (il me tutoyait jusque
là, et tout d'un coup il s'est mis à me vousoyer...)
J'ai fini par lui dire que je trouvais dramatique que la police cantonale valaisanne ne soit pas mieux sensibilisée
sur les problématiques de la migration.
(A.T., Sion, Valais - email du 3.08.2008)
---------------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES (SUITE)
Page 139
Traitements humiliants et abus d’autorité à Bienne ?
En date du 8 décembre 2008, Monsieur E.L.K., habitant Orvin, commune du Jura bernois, a
adressé aux responsables de la Police de Bienne une lettre avec copie au CRAN. Une énième
dénonciation de pratiques policières très spécieuses.
Madame, Monsieur,
Je me permets de venir vous relater les faits suivants dont j’ai été l’objet.
Le mercredi 3 décembre 2008 aux environs de 21 heures j’ai été interpellé par deux agents de police à la gare
de Bienne. J’étais dans une cabine téléphonique en train de téléphoner lorsqu’un agent m’a signifié
d’interrompre ma communication et de sortir de la cabine. Très surpris mais j’ai obtempéré.
Puis, l’un des agents de police m’a demandé de décliner ma personnalité (contrôle des pièces d’identité). Je leur
ai montré mon livret d’étrangers (Permis B) et autres papiers, notamment ma carte bancaire. Après vérification
de mes documents d’identité, les agents m’ont demandé de les suivre au poste de police (Police cantonale, rue
de l’Hôpital) pour un contrôle plus approfondi. A notre arrivée au poste de police, les agents m’ont fait savoir
qu’ils allaient effectuer un contrôle sur ma personne (un contrôle corporel). J’ai refusé en leur demandant si le
contrôle d’identité effectué précédemment à la gare n’était pas suffisant. Face à leur détermination de me
contrôler et devant mon refus, le ton était monté d’un cran.
C’est ainsi qu’un agent m’a fait savoir que si je refusais, ils allaient user de la force pour atteindre leur but. Ils
ont d’ailleurs crié sur moi, me traitant de bon à rien, etc. Les menaces des agents de police proférées contre ma
personne ont finalement eu raison de moi. J’ai donc abdiqué pour ne pas me faire brutaliser comme promis. Je
me suis déshabillé. Je me suis mis nu dans une petite salle visiblement très sale qui comprenait un lit. Les
agents m’ont demandé d’adopter différentes positions afin de mieux m’observer. Le contrôle n’ayant rien
donné, les agents de police ont par la suite relevé mes empruntes digitales. Dans l’attente du résultat du
contrôle des empruntes, j’ai été de nouveau enfermé dans la petite salle pendant plus d’une vingtaine de
minutes.
Après donc ces minutes d’attente, les agents sont venus m’annoncer que le contrôle s’était révélé négatif, puis
ils m’ont fait savoir qu’ils m’ont confondu avec une autre personne qui me ressemblait et qui partageait le
même nom de famille que moi ; cependant, les prénoms étaient différents. Sur ces entrefaites, les agents m’ont
remis mes documents d’identité et m’ont invité à partir. Je leur ai demandé qu’après avoir contrôlé mes pièces
d’identité à la gare de Bienne, s’ils ne pouvaient pas se rendre à l’évidence que je n’étais pas la personne qu’ils
recherchaient. Ma question est restée sans réponse.
Pas besoin de vous dire que je me suis senti blessé dans mon amour propre. J’ai été troublé et j’ai passé une
nuit blanche. Je pense que la police ou certains agents de police abusent de leur autorité.
L’idée poursuivie à travers ce courrier est de savoir si, ces deux agents de police qui m’ont exposé à ces
traitements humiliants et dégradants n’ont pas outrepassé leur droit.
Dans l’attente d’une réponse, je vous prie Madame, Monsieur, de bien vouloir recevoir mes salutations
distinguées.
E.L.K.
CC : Commission fédérale contre le racisme (CFR), Berne; Unité de lutte contre le racisme, Office du Haut-Commissariat
de l’ONU pour les droits de l'Homme, Genève; Rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines du racisme,
Genève; Secrétariat de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Strasbourg; ONG actives dans
la défense de la dignité et des droits humains; ONG et associations africaines; Presse nationale et internationale
représentée en Suisse
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TÉMOIGNAGES - 2009
VIOLENCES POLICIÈRES ET ABUS D’AUTORITÉ
Ricardo Lumengo dénonce la Police bernoise, au nom de la
communauté africaine
A la suite des descentes policières dans deux boutiques africaines de Berne le samedi 15 mai
2009, descentes justifiées par la recherche de drogue et accompagnées de brutalités et de
scènes d’humiliation, une manifestation avait été plannifiée pour le 22 mai 2009, dans la
capitale suisse. Elle n’a pu se tenir. Ricardo Lumengo, seul Noir du Parlement fédéral, devait
y prononcer un discours. Nous avons pu obtenir ce texte que nous publions ci-dessous.
Mesdames et Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Le vendredi 15 mai, la police a effectué simultanément des perquisitions dans deux boutiques africaines à
Berne. La communauté africaine de Berne se réunit aujourd’hui à cette occasion pour manifester sa
désapprobation contre des agissements arbitraires et disproportionnés de la part de la police cantonale dans la
ville de Berne.
Ce qui s’est passé le vendredi n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Depuis longtemps les
Africains Noirs de Berne souffrent de préjugés négatifs relayés par la police. Pour la police, tout Africain est
un criminel et un vendeur de drogue. C’est pourquoi ces Africains ne méritent aucun traitement équitable et
respectueux.
Ce jour-là, la police a mené une perquisition simultanée dans deux magasins et lieux de rencontre des Africains
dans la ville de Berne, dans le but d’arrêter des individus suspectés de vente de drogue. Dans les deux
établissements, personne n’a été trouvée avec de la drogue. Après une perquisition au domicile d’une personne
interpellée, la police y a trouvé 1,4 kilo de drogue. Par ailleurs, des appareils portables, probablement
abandonnés par un client, ont été retrouvés dans l’un des magasins.
Nous sommes d’accord que les autorités utilisent tous les moyens pour combattre le trafic de drogue et nous le
souhaitons du reste. Par ailleurs, les membres de la communauté africaine de Berne acceptent également le fait
qu’il leur soit exigé, en tant qu’immigrés, le respect de l’ordre juridique et des us et coutumes de la Suisse.
Mais en contrepartie les Africains exigent également qu’ils soient traités avec égalité et respectés comme tous
les autres habitants.
En effet si la police est à la recherche d’un suspect dans un endroit précis, il n’y a pas de raison de traiter toutes
les personnes qui se trouvent dans cet endroit de façon inhumaine ou comme des animaux. Dans l’un des
magasins africains, il s’y trouvait 21 personnes, toutes ont été déshabillées, couchées par terre, et ont eu les
yeux bandés avant d’être transportées au poste de la police. Cependant, il s’agit d’un magasin souvent utilisé
comme lieu de rencontre par les Africains. La pluspart des gens qui y vont sont en général des personnes bien
intégrées en Suisse et ayant acquis la nationalité suisse. Elles travaillent dans des usines, sont chauffeurs de
taxi, etc. Ce sont aussi des pères de famille. Une telle humiliation est inadmissible et devrait cesser.
Les Africains de Berne demandent donc :
-
à être traités comme tous les autres habitants, dans le cadre du respect des droits fondamentaux des
individus et selon une procédure équitable ;
-
que la recherche des suspects se fasse sur la base de critères objectifs dignes d’une police d’un pays
démocratique et non sur des préjugés motivés par des attitudes racistes.
(Berne, 22.05.2009)
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MORTS SUSPECTES EN MAINS POLICIÈRES
Etranges similitudes à Genève entre deux morts guinéennes
non élucidées
B.D. est un Guinéen habitant Genève. Il a été témoin de certains événements en lien avec les
circonstances de la mort de deux Guinéennes survenue à Genève à des périodes différentes.
Ces deux morts n’ont jamais été élucidées. Leur caractère raciste ayant été mis en avant par
le CRAN, il a jugé utile de nous saisir.
Je vous écris suite à la réception de votre communiqué de presse10 portant sur les agressions racistes et autres
meurtres non élucidés.
J'habitais à l'époque au 26 avenue du mail où c'était déroulé la mort suspecte d'une Guinéenne. Pourquoi me
suis-je permis de vous écrire? C’est qu’il y a des ressemblances troublantes entre le cas évoqué ci-dessus et la
mort de Mme S. aux Charmilles.
Je me rappelle qu'au 26 avenue du Mail, les policiers s'étaient présentés devant ma porte vers 6h du matin car
étant voisin du garçon guinéen qui avait hébergé la défunte guinéenne. Suite aux bruits des policiers, j'ai ouvert
ma porte pour avoir une idée de ce qui se tramait dans le couloir. C'est ce moment qu'ils ont saisi pour me
demander si je connais une fille blonde - selon les informations reçues plus tard d'un Guinéen, c'est sa
compatriote morte qui avait cette coiffure, donc lors de son signalement - qui habiterait dans une des chambres
du couloir. J'ai répondu par la négative. Quelques minutes après ils se sont dirigés vers les étages supérieurs - si
je ne m'abuse la fille habitait le 3ième ou 4ième étage - grâce à l'appel de son numéro mobile qui les a permis de se
diriger vers sa chambre. Cette chambre lui avait été remise par son compatriote qui l'avait loué à son nom car
elle n'avait pas de papiers en règle pour résider en Suisse.
Après le départ des policiers vers les étages supérieurs, j'ai interpellé un de mes voisins guinéens qui se
dirigeait vers les toilettes. Ce dernier me fait savoir que la fille lui a demandé de lui venir en aide car les
policiers sont en train de taper sur sa porte et qu'elle a très peur.
Après cet entretien je me suis recouché avant d'être réveillé par le gyrophare de l'ambulance. Il faisait un peu
sombre et je n'arrivais pas à bien identifier la personne inerte sous ma fenêtre. Je me dirigeai vers les Guinéens
pour leur demander de venir voir si ce n’est pas leur voisin albanais qui était mort en voulant échapper aux
policiers. A ma grande surprise le premier Guinéen à me suivre dans ma chambre et à regarder par la fenêtre
me confirma que c'est la fille guinéenne que les policiers cherchaient. La clarté aidant, j'ai pu l'identifier portant
un pantalon, un soutien-gorge et sans chaussure avec la tête noyée dans une mare de sang. Ce Guinéen, qui
avait loué et mis cette chambre à la disposition de la fille, paniqua et quitta la maison.
C'est vers 9h que d'autres policiers se sont présentés pour mener une "enquête". Ils nous ont fait sortir de nos
chambres et nous ont posé des questions qui ne tenaient pas vraiment la route. Comme par exemple, SI ON A
ENTENDU DU BRUIT VERS 3H DU MATIN PARCE QU'IL PARAIT QUE LA FILLE SE DISPUITAIT
AVEC SON PETIT AMI.
Ce que je ne comprends pas dans ce problème, c'est comment les policiers ont eu ces informations et pourquoi
celles-ci étaient hors sujet? Pourquoi leurs collègues ne leur ont pas présenté le déroulement de l'affaire qui a
débuté vers 6h du matin et non à 3h du matin?
Le même jour, vers 10h du matin, je me suis rendu aux bureaux du journal GHI pour contacter un journaliste
afin qu'il mène une enquête plus sérieuse. Mais on me fît savoir qu'il est sorti. Dans l'après-midi j'ai contacté le
chargé des faits divers du journal Le Matin. Après lui avoir fait un compte rendu, en mettant l'accent sur le
comportement des policiers, le journaliste du Matin me demanda si la fille avait des papiers valables. Je lui
répondis que je n’en savais rien. Il commença à me tympaniser avec un discours digne d'un militant de l'UDC
sur le fait que ces personnes viennent habiter en Suisse sans papier valable, etc.
10
Il s’agit du Communiqué de presse du 27.08.2007 émanant du Collectif des organisations de la Diaspora africaine en
Suisse - auquel le CRAN a activement participé - à la suite de l’agression de trois Africains par des Skinheads à Genève et
d’une nouvelle mort africaine suspecte dans la même ville, la nuit du 24 au 25 août, après celle, non élucidée non plus,
d’une Rwandaise le 31 mai dernier, toujours à Genève
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Après s’être rendu au 28 Avenue du Mail et après contact d’une responsable de la police, le journaliste fit de
l’évènement un compte rendu de quelques lignes en mettant en évidence que le bâtiment est occupé par des
requérants d’asile. Chose qui n’est pas fondée car dans cet immeuble il y avait beaucoup d’ouvriers portugais,
quelques Suisses et des étudiants africains. Il n’y avait qu’une chambre qui était occupée par un requérant
d’asile au rez-de-chaussée. Juste pour dire qu’un article sur la mort de cette Africaine n’était pas si accrocheur
pour faire grimper la vente d’un journal comme l’aurait été l’arrestation d’un Africain ayant commis un viol, un
vol ou un meurtre.
En revenant sur l’actualité et avec la présence d’autant de similitudes entre les cas des deux Guinéennes mortes
à Genève, il me semble intéressant de voir si les policiers (ou l’un des policiers) qui étaient intervenus au 26
Avenue du mail ne sont pas les mêmes qui se seraient présentés aux Charmilles dans le cas de Mme S.
Mais aussi d’essayer de comprendre pourquoi le meurtre d’un Africain est toujours estampillé «DOSSIER
CLASSÉ» seulement en quelques jours pour ne pas dire en quelques heures.
Bien de choses à vous et bonne continuation dans votre lutte pour la protection et le respect de la dignité et des
droits des Africains.
(B.D., Genève, octobre 2009)
---------------------------------------------------------------VIOLENCES POLICIÈRES ET ABUS D’AUTORITÉ DANS LE TRAIN
« J’ai été débarqué dans une gare de campagne pour avoir
refusé de m’excuser devant des policiers provocateurs »
Ce témoignage nous a été transmis par P.T., un jeune Camerounais qui préparait son Master
en audiovisuel à l’époque des faits, une nuit atroce vécue lors d’un voyage en train, de
Genève au Tessin, pour un colloque.
De cette nuit du 11 au 12 Novembre 2009, voici en bref le résumé du calvaire que j'ai subi à Arth-Goldau, non
loin de Zürich, en Suisse.
Mercredi 12 Novembre 2009, je prends le train de 18h 14 à la gare Cornavin à Genève pour me rendre à
Lugano afin de prendre part avec mon école à un symposium organisé par le “Swiss Design Network“.
Après avoir changé de train à Zürich, je passe la gare de Zug et le train se dirige vers la gare de Arth-Goldau,
lorsque je sens la silhouette d'un homme qui marche dans le couloir du train et se dirige vers moi. Puisqu'il est
habillé en civil, j'imagine que c'est un quelconque passager. A l'instant, je suis en train d'écouter des sons de
mon dernier film sur mon ordinateur portable Apple lorsque l'homme en question, sans me dire bonjour, ni sans
se présenter fait apparaitre un portefeuille ouvert à 15 centimètres environ de mon visage. Surpris, je lève le
visage pour essayer de décrypter le contenu du portefeuille. Je vois un morceau de métal. Est-ce un chérif
américain, un agent de sécurité, un policier? Finalement je pense que c'est un policier en civil et j'en conclus
qu'il procède à un « Routine Kontrolle », comme diraient des policiers allemands. Le « policier » me demande
de décliner mon identité. Je lui tends ma carte d'étudiant.
Le « policier » : votre carte d'étudiant, ce n'est pas un permis de séjour!
Moi : Monsieur, mon permis de séjour est échu au 30 septembre 2009, j'ai déposé une demande de
renouvellement auprès de l'office cantonal de la population de Genève et je suis en attente de la réponse.
Chaque année je dois répéter l'opération autour de la période de rentrée universitaire.
Le « policier » se met quelques minutes en retrait, fait un téléphone et me remet ma carte d'étudiant. Il me
regarde un moment.
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Le « policier » : Vous êtes illégal!
Moi : Monsieur, comment pouvez-vous dire qu'une personne qui étudie en Suisse depuis 3 ans, en situation
régulière est illégale? Ca n'a pas de sens! Monsieur, je vous rappelle que vous avez été impoli avec moi. Jusqu'à
présent je ne sais toujours pas qui vous êtes. Vous êtes venu demander mes papiers sans vous présenter, sans
me dire bonjour, jusqu'à présent je ne sais pas qui vous êtes.
Le « policier » devient furieux, quitte le couloir et se place juste devant moi dans le compartiment où je suis
assis. Il se baisse vers moi et me regarde droit dans les yeux.
Le « policier » : Quand je vais au Cameroun les policiers ne sont pas gentils avec moi et c'est à peine si ils ne
me mettent pas un pistolet sur la tempe.
Moi : Monsieur, je ne suis pas responsable de la police du Cameroun et je suis désolé pour vous si vous avez eu
des problèmes avec la police au Cameroun, mais ça ne me regarde pas.
Le « policier » : En plus, ceux qui causent le plus de problèmes en Suisse ce sont les étrangers et en particulier
les Noirs.
Moi : Monsieur, je ne vois pas de rapport avec moi et plus encore avec les circonstances actuelles. Je suis
étudiant et je n'ai rien à me reprocher par rapport à ma vie en Suisse. Je ne demande qu'à vivre en paix. Et je me
demande bien d'où vous tenez ces informations!
Le « policier » : Ce sont les statistiques qui le disent et si vous lisiez la presse vous en seriez informés.
Nous avons ensuite échangé vaguement sur la question des étrangers en Suisse. Puis deux personnes se sont
rajoutées à nous, à savoir un jeune homme et une jeune femme de la trentaine. Sans se présenter, ils se sont
mêlés à la discussion. Je commençais à me sentir dans l'insécurité. L'idée m'est venue de proposer au « jeune
homme », puisqu'il savait lire le français, de traduire pour le « policier » une lettre de l'office cantonal de la
population de Genève que je portais dans mon sac. La lettre de L'office cantonal de la population de Genève
note en somme que ma demande de permis de séjour a reçu un avis favorable de Genève et qu'elle sera soumise
à l'Office des Migrations à Berne...La fameuse lettre n’a pas empêché les trois hommes de chercher des poux
dans la paille. N'ayant rien trouvé de compromettant, ils se sont mis à partir dans mon dos. Je me suis exclamé
en disant : « Fuck! ».
Les trois hommes qui se trouvaient déjà à la sortie du couloir sont revenus vers moi, en m'accusant de leur
avoir dit « Fuck you! », ce que j'avais rejeté et que je rejette. Ils m'ont sommés de leur demander des excuses
au risque de représailles. J'ai refusé systématiquement de demander des excuses en déplorant leur acharnement
irraisonné. Les trois hommes se sont acharnés sur moi, ils m'ont mis des menottes, ont ramassés mes affaires et
m'ont amené jusqu'à la porte du train où j'ai refusé une fois de plus leur demande d'excuses.
A la gare suivante, ils m'ont fait descendre de force du train et m'ont amenés dans un bureau à la gare de ArthGoldau où ils m'ont enlevés les menottes avant de me sommer une fois de plus de leur demander des excuses.
Malgré mon refus, ils ont insisté en me promettant de faire un procès verbal contre moi si je n'obtempérai pas et
surtout de d'influencer négativement l'obtention de mon permis de séjour. J'ai demandé si je pouvais téléphoner,
ils ont répondu défavorablement et se sont pressés de me rappeler mes “droits “: « vous avez le droit de garder
le silence »... J'ai pensé que je jouais à l'instant dans une série policière américaine. Par ailleurs, leur collègue
femme s'affairait à fouiller mes affaires et paraissait sérieusement excitée.
Je devenais de plus en plus choqué, je me suis assis par terre, j'ai commencé à pleurer et à ressasser toutes les
déboires de ma vie en Europe. J'ai pensé que j'ai un pays, que je suis un être humain et que j'ai des droits et que
je suis dans "un pays qui mets en avant les droits humains“. J'ai failli demander des excuses à ces hommes qui
me persécutaient juste dans le but de gagner ma “liberté“, mais j'ai réalisé que leur demander des excuses serait
céder à la lâcheté, perdre ma dignité. Le plus jeune des trois s'est approché de moi et m'a invité à signer un
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document qui avait été préparé par son collègue le plus âgé. Le document portait mon nom, j'ai refusé de signer
malgré leur insistance.
Les trois hommes se sont pressés subitement de m'intimer de quitter leur bureau. Je leur ai répondu qu'on ne
traite pas les gens de la sorte et que je ne sortirai que si ils me promettent de me trouver un moyen de continuer
mon voyage à Lugano ou bien si ils me trouvaient une chambre pour dormir. Dans le cas contraire, je me verrai
obligé de passer la nuit dans leur bureau. Ils ont essayé de me jeter de force dehors, je me suis accroché à une
table. Face à leur incapacité à m'enlever de la table, ils m'ont pulvérisé du poivre dans les yeux et sur la tête
sans m'avertir.
Le poivre dans mes yeux a provoqué une douleur indescriptible et m'a rendu aveugle pendant des dizaines de
minutes. Je suis devenu comme un chien enragé et je hurlais sans arrêt. Quant à mes adversaires, ils n'avaient
qu'une seule envie, me jeter dans la nature. Plus je hurlais et me battais contre eux, plus ils me pulvérisaient du
poivre dans les yeux et sur la tête. Je balançais des coups de poings dans tous les sens sans et je mordais toute
main qui me touchait et que je réussissais à saisir.
La douleur du poivre a fini par m'anéantir et je me suis écroulé par terre. Ils m'ont mis des menottes et m'ont
jetés dans la prison d'à côté. J'y suis resté enfermé pendant plus de 30 minutes. Je criais, hurlais et pleurais sans
cesse. En dépit des menottes, de la douleur atroce et de mon aveuglément, j'ai pu sortir mon téléphone de ma
poche et appeler quelques proches, ce à l'insu de mes bourreaux qui venaient toutes les cinq minutes me guetter
à travers l'oeil de bœuf. Et qui avaient sans doute oublié de me le confisquer. Mes yeux se sont ouverts ...
Plus tard, la police est venue me chercher et m'a conduit à pied et menotté au poste de police le plus proche où
j'ai été fouillé et « mis à poil ».Les policiers m'ont fait des tests (drogue, alcool).Ils ont pris mes empreintes
digitales. J'ai néanmoins eu droit de passer quelques coups de fil. Ensuite, ils m'ont permis de me laver la
figure, ce qui ne m'a pas aidé, car ma douleur due au poivre s'est aggravée et j'ai encore pleuré, crié et hurlé.
Une fois de plus j'étais aveugle. A ce moment, le médecin est arrivé, je ne voyais plus rien, il m'a posé quelques
questions et m'a mis quelques gouttes dans les yeux, question d'atténuer le mal et de me permettre d'ouvrir les
yeux et de ne plus perturber la tranquillité du poste de police. Ils m'ont fait attendre dans la prison, m'ont
ensuite fait signer l'inventaire de mes affaires établi par eux-mêmes et deux policiers m'ont accompagné tard
dans la nuit à la prison de Biberbrugg où j'ai passé la nuit de mercredi 11 novembre à jeudi 12, dans une pièce
froide, bétonnée, avec des “chiottes“ à même le sol.
Parmi les deux policiers qui m'ont accompagné menotté à la prison de Biberbrugg, dans un car de police, l'un
d’eux m'a semblé différent. Il m'a raconté qu'il avait travaillé au Cameroun pendant trois mois à l'aéroport et
nous avons échangé nos points de vue sur des questions liées aux mouvements des peuples de par le monde.
Nous discutions en français et en allemand et il m'a aussi interrogé sur le contenu de ma filière d'étude.
Le lendemain, on m'a réveillé et on m'a conduit menotté dans un bureau. Le fonctionnaire qui m'y a reçu a pris
les empreintes digitales de mes dix doigts et de mes paumes de main. Il a pris mes mensurations, ma photo (de
face et de profil),la couleur de mes yeux, mon ADN et j'en passe...Il m'a raccompagné menotté jusqu'à la porte
de l'ascenseur automatique en me souhaitant bonne chance et me disant qu'il serait un jour ravi de voir mes
films à la télévision. Vers 14h on m'a amené dans le bureau d'un policier aidé par une traductrice, qui était
chargé prendre ma déposition. J'ai signé ma déposition et le policier m'a rassuré que mon permis de séjour ne
souffrirait d'aucune menace. Selon lui l'alibi retenu contre moi est celui d'avoir agressé des “officiels“, des
douaniers. Il ajouté que l'un de mes agresseurs s'était rendu à l'hôpital. Au final, il m'a dit que j'allais être libéré
dans quelques minutes et que j'allais recevoir une lettre dans un avenir proche...Vers 16h on m'a libéré et j'ai pu
me rendre à Lugano pour suivre la deuxième journée du symposium malgré mon moral au point mort...
(P.T., Genève, 18.07.2011)
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TÉMOIGNAGES - 2010
VIOLENCES POLICIÈRES ET ABUS D’AUTORITÉ
« Comment j’ai été arrêté, violenté, puis envoyé en prison pour
avoir oublié mes papiers un 31 décembre »
Un ressortissant congolais nous a adressé un courrier daté du 12 septembre 2010 dans lequel
il revient sur une mésaventure atroce qui lui est arrivé le jeudi 31 décembre 2009. Parti se
dégourdir un peu les jambes et en profiter pour aller brièvement rendre visite à un vieux
parent habitant non loin de chez lui, à Genève, il a fini en prison ! Ce témoignage a fait
également l’objet d’un article du journal Le Courrier de Genève.
Ce jour là, il ne faisait pas assez froid pour que tombe la neige. Une température supportable qui ne m'a pas
nécessité un lourd accoutrement. Ni montre, ni pièce d'identité d'ailleurs, surtout par peur de les perdre. Il était
environ 20h00 quand je quittais la demeure de ma compagne enceinte et mes deux enfants en bas âge, route des
Acacias. Je regrette beaucoup d'être quasiment parti sans dire au revoir à ma petite famille. Car pour moi il ne
s'agissait que d'un aller retour rapide; histoire de m'aérer un peu.
De la tête au pied, j'étais vêtu d'un bonnet, d'une écharpe à rayure multicolore, d'un sweatshirt noir à capuche
sous lequel j'avais mis un léger pull et un tee shirt. Je portais également une paire de gants noirs, bien
évidemment un jogging, des baskets et je marchais à pas cadencés afin de ne pas tomber en hypothermie, tel un
sportif. Je me dirigeais vers la gare Cornavin. Arrivé au niveau de l'arrêt du tram Stand, je décidais finalement
d'aller quand même passer un bonjour à mon vieux parent habitant Quai du Seujet qui faut-il bien le rappeler,
était seul ce soir là. Ma compagnie, fut-elle brève, lui aurait certainement fait chaud au coeur. Habituellement
lorsque je vais le voir, je passe toujours devant la Place des Volontaires car géométriquement parlant et en toute
logique, c'est la droite sinon le chemin le plus court pour se rendre jusqu'à chez lui. Et à chaque fois que je
passe là pour le voir, je n'ai jamais de problème. Sauf ce soir là du 31 décembre 2009 où je fus interpelé pour
un contrôle d'identité par un couple non autrement identifié que par ses menottes et ses matraques. Ce dernier
arrivait au niveau du banc perpendiculaire à l'entrée de l'Usine, près de la fontaine lorsque tout bonnement je
les rejoignais suite à cet interpellation.
Nous sommes aux environs de 20h10. Ce qui m'avait frappé; c'est qu'à peine venu à leur rencontre que ces
« agents » m'avaient déjà encerclé et mis dos au banc. Ce comportement avait suscité en moi d'emblée le doute.
A qui avais-je finalement affaire? A de véritables inspecteurs ou à des imposteurs? Pourquoi ne m'avaient-ils
pas d'abord présenté leurs cartes de police? Autant de questions qui m'ont poussé à être méfiant quant à la
raison de leur interpellation pour autant que ce soit de véritables policiers en civils. Nonobstant ce grave
manquement, j'ai néanmoins fait preuve de bonne foi et de coopération en leur expliquant que je n'avais pas
mes documents sur moi compte tenu de ma tenue sportive. Par contre j'étais absolument prêt et disposé à les
emmener jusqu'aux Acacias afin qu'ils puissent faire leur travail de vérification d'identité. Cependant bien que
ma proposition fut des plus collaboratrices, les deux « agents » en civil refusèrent catégoriquement tout
compromis et l'agent féminine se trouvant à ma droite m'ordonna tout simplement de me mettre tout d'abord les
menottes, ensuite de m'emmener au commissariat et enfin une fois sur place, de me prendre mes empreintes
digitales; tel un criminel. Et c'est là que les choses ont commencé à mal tourner pour moi d'autant plus qu'ils
avaient déjà formé un cercle autour de moi. En effet je ne comprenais pas pourquoi je subirais un traitement si
dégradant par des inconnus car jusqu'à là, je n'avais aucune preuve de leur identité réelle.
Comment s'appelaient-ils, quelles étaient leurs matricules? J'ai déjà comme bon nombre de citoyens été
contrôlé mais cette manière de faire dépassait tout mon entendement et surtout me paraissait extraordinairement
suspecte et inquiétante. Et il a du s'écouler facilement trois bonnes minutes durant lesquelles j'ai désespérément
tenté de les moraliser. Il est cependant vrai qu'un oubli de ses documents d'identité constitue une faute car « nul
n'est censé ignorer la loi ». Au pire l'interpelé paye une amende pécuniaire, entre 15 et 20 francs. Au mieux on
lui exige de venir présenter ses documents au poste de police si cette dernière ne l'accompagne pas elle même
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chez elle afin de vérifier. Mais que des hommes de « loi » en armes en viennent à menotter un citoyen pour
une prise d'empreintes sans preuve aucune d'une quelconque culpabilité, du fait de cet oubli constitue dès lors
un « abus de pouvoir » qui est également condamnable par le constituant. Cependant devant tant de
connaissances de mes droits et de la loi face à une telle situation de contrôle d'identité pour l'avoir déjà vécu,
les deux agents en civils ont du se sentir insultés dans leur ego, dans leur intelligence car aussitôt, ils ont adopté
une attitude beaucoup moins communicative. En effet, sans même attendre que je finisse de m'exprimer,
préparant déjà ses menottes, l'inspecteur qui se trouvait à ma gauche, suggéra à sa collègue féminine qu'on me
menotta et qu'on m'emmena directement au poste de police sans aucune autre forme de procès.
Dès lors, apeuré par tant de propos et d'entreprises dignes de la Gestapo, je fis un pas en arrière; ce qui m'accula
derrière ce banc publique perpendiculaire à l'entrée de l'Usine, près de la fontaine d'eau. M'encerclant de
gauche à droite ; l'homme puis la femme tentèrent par la force de me saisir les mains avec des coups de griffes
au passage sur la main gauche. En me débattant, l'inspecteur est tombé. Mais aussitôt un troisième plus grand
de taille a accouru pour les épauler en attrapant et en tirant de toutes ses forces les deux extrémités de mon
écharpe. Je subissais de facto une strangulation. Tandis que je tentais de libérer ma gorge de l'étranglement,
l'inspecteur à terre, en colère, revint à la charge avec sa collègue féminine en me plaquant brutalement le ventre
contre le dos du banc afin de me menotter; ce qui me restreignit tout mouvement respiratoire des poumons. Je
fus quasiment plié en deux. Face à une telle violence, une telle barbarie, je sentis mes yeux sortir de leurs
orbites et se révulser. Alors que je commençais sérieusement à manquer d'oxygène telle la force déployée
contre ma personne fut démesurée, mon corps se mit à convulser. Puis dans cet élan de convulsion, je me
débattais encore et encore en agitant les pieds dans tous les sens pour provoquer un appel d'air et en essayant de
libérer mes mains. Pendant ce temps, j'entendais au loin la voix de l'agent féminine m'ordonnant de me laisser
faire, de me laisser menotter; ce qui était le dernier de mes soucis en pareille circonstance. Car comment peut
on en tout bons sens se laisser menotter alors que de l'autre côté vous subissez une strangulation franche? Et
d'une voix des plus étreintes, je leur répondais: « vous_m'é_tran_glez ». Mais rien à faire, au contraire plus je
tentais de libérer ma gorge avec ma main droite, plus ces agents redoublaient de férocité sur l'autre main et la
gorge. Tandis que je suffoquais, ma langue puis une mousse blanche se mit à sortir de ma bouche.
Dans le désarroi le plus total, réalisant que j'étais au bord d'une asphyxie mortelle et que je commençais à
perdre connaissance, je réussis à redresser mon torse et comme dans un dernier effort et souffle de survie, je
criais : « Au secours... Au secours... ». J'étais vraiment à l'agonie quand soudain, sans doute gênés par tant
d'appels à l'aide, tant de bruit, la curiosité du voisinage et quelques passants, les trois « personnes » relâchèrent
leur pression sur moi, ce qui me permit de reprendre mon souffle et de réaliser que je venais en cet instant
précis de ma vie, de côtoyer la mort suite à un contrôle d'identité sauvage. Ne serais-je pas sportif, sans doute et
certainement à l'heure où je couche ces mots plein de mauvais souvenirs, que la police ne saurait comment
consoler mes deux enfants en bas âge et ma compagne à terme de sa grossesse. Sans doute ni elle ni notre petite
fille n'auraient supporté ni survécu à un tel trauma. Dix bonnes minutes ont du s'écouler quand la tension est
redescendue d'un niveau. Tandis qu'affaibli par tant d'agressions injustifiées, les trois « personnes » réussirent à
me menotter les deux mains et à me diriger rapidement dans leur véhicule tels des voleurs, tels des assassins
sous le regard impassible et perplexe de quelques passants. (…)
Malheureusement ce que je redoutais le plus, s'est confirmé sous mes propres yeux. Là bas, au poste de police,
telle ne fut pas ma surprise lorsque je me retrouvais avec un panel de trois jeunes Noirs d'origines différentes,
d'une trentaine d'années, interpellés ce soir là pour des raisons que je ne tiens pas du tout à savoir. En effet
quand je pense à la raison pour laquelle ces agents en civils m'ont personnellement violenté, brutalisé, on est
tout à fait en droit légitime d'être méfiant et surtout douteux quant à leur motif d'interpellation. Pour ma part, ce
fut incontestablement un délit de faciès. Et le jeune noir qui portait le numéro 3 à côté de moi, en avait aussi
fait les frais de cette barbarie; il avait la chaire de la pommette droite à vif. Aujourd'hui encore, je suis hanté par
cette horrible image.
A la fin de cette séance photos qui avait duré au maximum 5 minutes, les agents décidèrent de relâcher les trois
autres interpellés mais de me garder à vue car ils n'appréciaient pas que mon éloquence, ma connaissance
suscite autant de révolte auprès de mes congénères. Effectivement à ma présence et du fait que je condamnais
ouvertement sans peur aucune ces méthodes d'interpellation, ces jeunes gens démunis avaient comme par
enchantement retrouvé la parole. Leurs langues s'étaient tout d'un coup déliées et à leur tour, ils avaient pu
enfin exprimer leur mécontentement. Il y en avait même un qui s'était mis à parler dans ma langue maternelle,
le Lingala, mais d'une manière un peu boiteuse. Et je me souviens que juste avant leur départ, on avait
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cyniquement rit des méthodes d'outre-tombe de ces agents de police; ce qui avait passablement soulagée notre
douleur commune face à nos bourreaux.
Resté seul avec les policiers dans leurs locaux au sous sol, j'avais été enfermé, menottes au poignets dans une
cellule dans laquelle, il y avait un banc et une table. Elle se situait au bout d'un couloir à gauche en sortant de la
salle des photos. Là bas, j'avais attendu près de 30 minutes avant de recevoir ma première visite. Un temps
durant lequel j'avais véritablement déprimé et pleuré à tue tête. Plus j'avançais dans le temps en détention
arbitraire, plus je devenais dépressif. Puis juste avant que le médecin arrive, l'agent qui conduisait le véhicule
était venu m'enlever les menottes. Il s'agissait d'un médecin équipé d'un tensiomètre et d'un bloc note qui venait
me consulter pour un diagnostic vital. A ce moment des faits, je n'avais aucun hématome et bien entendu le
médecin n'avait pu constater grand chose du fait aussi de ma couleur de peau car l'incident était encore frais.
J'avais juste pu lui relater les faits en lui indiquant les zones de contusion au niveau du cou du fait de
l'étranglement avec l'écharpe et des côtes du fait de la pression au moment du me menotter contre le banc.
Néanmoins, déjà psychologiquement, j'étais profondément perturbé et il en avait pris note.
Une fois parti, l'inspecteur qui m'avait menotté était venu environ 5 minutes après me faire une fouille
corporelle en me déshabillant complètement. Puis il m'avait demandé d'enlever mes baskets à lacets, le lacet de
mon jogging, mon écharpe pour des raisons de sécurité m'avait il répondu; des fois que je tenterais de me
suicider. Mais je me demandais cependant pourquoi tenterais je de m'ôter la vie alors que j'étais censé être
coupable? Encore une fois de plus, je me suis senti humilié et abusé et cela confirmait manifestement le
comportement contradictoire de ces agents et je devenais de plus en plus dépressif, limite hystérique tout seul
dans cette cellule, sans raison. Ma mésaventure avec la police n'était point l'idée que je me faisais de la Suisse
et d'un « État de droit ».
Après coup, il devait être entre 21h30 et 22h00 lorsque j'ai commencé à être questionné par intermittence par
l'agent qui conduisait le véhicule lors de ma violente interpellation. Ces va et vient me donnaient de faux
espoirs, ce qui terriblement m'angoissait. Lorsqu'il était rentré une fois pour me questionner, il fumait
calmement sa cigarette m'envoyant toute sa fumée sur le visage et cela me rendait très mal à l'aise. Tout au long
de ma détention, je n'avais même pas eu droit à un verre d'eau. A ce moment des faits, compte tenu des
circonstances atténuantes qui m'ont brutalisées et traumatisées, déjà que j'étais épuisé par ce violent contrôle
d'identité, mon estomac à son tour commençait à crier famine. Effectivement ce soir là, ces agents s'étaient plus
affairés à me charger juridiquement qu'à m'apporter un minimum d'assistance morale ou même un peu de
nourriture. Ils ne m'ont même pas permis d'avertir ma compagne d'ailleurs. Par contre, bien que j'avais contesté
verbalement les accusations à mon encontre comme celle « du coup de coude donné au plexus de l'inspecteur
qui m'avait menotté » et «injures raciales», j'avais malheureusement du signer trois feuilles constituant un
dossier mensonger daté 01 janvier 2010. En effet, on était déjà le lendemain et je redoutais à nouveau un
comportement agressif de ces agents face à une nouvelle contestation de ma part d'autant qu'ils m'accusaient
déjà de leur faire rater leur réveillon avec leur famille respective. J'avais qu'une envie, celle de sortir de là au
plus vite, le plus rapidement possible car ce lieux sentait la mort dans l'âme et dans la chaire. J'avais juste envie
d'aller retrouver les miens parce qu'ils commençaient cruellement et énormément à me manquer. Aussi je
pensais à tel point ils pouvaient être inquiets de ne pas m'avoir vu rentrer ce soir là.
Après m'avoir fait signer ces vrais faux documents, j'avais été averti de ma comparution devant le commissaire
aux environs de 10h00 du matin puis à nouveau enfermé dans une cellule numérotée 4 au rez-de-chaussée dans
l'enfoncement de la salle où l'on m'avait prélevées mes empreintes à mon arrivée au commissariat. J'avais
pleuré tout le temps de mon enfermement, à chaudes larmes afin que justice soit rendue car cela dépassait outre
mesure mon entendement. Puis très tôt le matin ce matin du 01 janvier, aux alentours de 08h00, croyant qu'il
était déjà 10h00 et que je devais voir le commissaire, on me fit comprendre qu'on devait auparavant me
prélever d'autres empreintes. C'est alors qu'on m'avait dirigé dans une salle annexe au rez-de-chaussée où l'on
m'avait prélevées cette fois-ci les empreintes de toute la surface de mes deux paumes en plus d'une empreinte
salivaire à l'aide de deux tiges de coton. Sans oublier qu'on m'avait à nouveau pris des photos dans cette salle.
Cependant face à mon étonnement, on m'avait répondu que de nos jours même pour des « petits délits » comme
la (fraude), on vous faisait subir un tel traitement. Une fois ce traitement plutôt digne d'un criminel fini, environ
5 minutes après, on me renferma à nouveau dans la même cellule 4.
Humilié, je me lamentais à nouveau, je déplorais ces agissements illégaux, dégradants. Mais sous le
traumatisme, je ne réalisais pas encore que ces agents avaient déjà déposé une plainte pénale à mon encontre
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afin de couvrir leur bavure faute de preuves justifiant ma persécution et ma détention arbitraire. Ainsi ce n'était
que face au commissaire que j'avais saisi la gravité de mon problème. Effectivement, il m'avait été annoncé en
cette heure de notre rencontre sur le coup de 10h00; que les agents avaient déposé une plainte pénale contre
moi pour « coups et blessures et outrages racistes à agents » et que par conséquent, je devais comparaître
devant un juge. Malgré cette annonce affligeante je m'étais à nouveau efforcé d'expliquer les mêmes faits au
commissaire en lui précisant bien que les agents en civils ne m'avaient en premier lieu point présentées leurs
cartes de police et qu'ils avaient en second lieu refusé catégoriquement de m'accompagner aux Acacias afin que
je leur présentasse mon identité. Sous cette précision, le commissaire m'avait paru interloqué. Puis il m'avait dit
d'une voix plutôt rassurante que la juge devrait normalement me libérer en ce 1er janvier 2010 après
comparution devant cette dernière. Une fois notre entretien terminé, environ 10 minutes après, j'ai été à
nouveau remis dans la même cellule 4 avant d'être transporté aux environs de midi dans un fourgon au tribunal
à la vieille ville aux alentours de midi. Arrivé au tribunal où j'avais pu enfin me ravitailler pour la première fois
depuis mon arrestation arbitraire de la veille, j'avais de nouveau été enfermé dans une cellule avec deux
codétenus. Et ce n'était qu'en fin d'après midi aux alentours de 17h00 que je comparaissais devant la juge.
Malheureusement pour moi, c'est selon, la juge n'ayant aucune preuve matérielle prouvant mon inculpation, elle
m'a sorti une histoire ancienne (dispute avec ma compagne) qui n'avait résulté par ailleurs en aucune
condamnation judiciaire, accompagnée de quelques infractions mineures (fraude dans le tram) pour mettre sur
la balance. Et étrangement, elle ne s'est prépondérement basée que sur cela pour me condamner. Face à autant
de charges contre ma personne, j'ai refusé à mon tour de signer sa condamnation car tous ces faits précédents
n'avaient aucun lien direct avec mon interpellation sauvage de ce 31 décembre 2009 qui elle manquait
cruellement de preuves matérielles et surtout était infondée. Devant mon refus, elle décidait dès lors de me faire
incarcérer à la prison de Champ-Dollon. Désemparé, déçu à nouveau devant un tel jugement arbitraire, je la
suppliais cependant d'avertir ma compagne arrivant à terme de sa grossesse au numéro de la maison qu'elle
avait bien voulu noter et joindre à mon dossier. Et je ne pouvais désormais plus contester car la juge
d'instruction était la dernière personne à qui je pouvais prouver mon innocence et dénoncer la bavure.
Malheureusement, force est de constater qu'elle a été celle qui avait fait pencher la balance du côté de mes
oppresseurs. Les coupables étaient devenus victimes et la victime était devenue coupable. Voilà comment
j'avais analysé cette décision « de justice ». J'ai été par conséquent, suite à ce jugement arbitraire, incarcéré ce
vendredi 1er janvier 2010 aux alentours de 19h00 à la prison de Champ-Dollon, cellule 261. Et c'est dans cette
prison que mes douleurs physiques ont commencé à faire surface.
Dès le premier soir de mon arrivée, j'avais été aussitôt consulté par un médecin qui m'avait remis des antiinflammatoires pour ces douleurs au coup et aux côtes. Ce médecin m'avait même proposé avec mon
consentement, après avoir écouté attentivement mon histoire, de la transmettre au Commissariat de Carl Vogt
afin que de telles bavures ne se reproduisent plus à l'avenir. Sa proposition étant fort moralisatrice, je n'avais
pas sourcillé une seule seconde avant de donner mon accord. Cette première nuit du 01 janvier 2010 en prison,
loin des miens, s'était vraiment mal passée. C'était pire qu'une torture physique. Je venais de connaître à mon
insu pour la première fois de ma vie, la privation de mon droit de circuler et la privation de mon devoir de papa
à protéger les miens. J'avais énormément cauchemardé. Et je ne pouvais même pas dormir du coté droit tant la
souffrance était grande; ce qui m'avait poussé à reprendre contact avec un autre médecin le lendemain matin.
Ce samedi 2 décembre, suite à mon appel, j'avais pu voir la doctoresse Kramer qui voulait me prescrire
également des somnifères. Mais redoutant fort de rentrer dans un cycle infernal de dépendance, j'avais préféré
au mieux prendre des anti-inflammatoires (Doliprane). Mon histoire, mon traumatisme et surtout la raison de
mon interpellation avaient tellement touché la sensibilité de la doctoresse qu'elle m'avait remise une carte de
visite du CIMPV (Consultation Interdisciplinaire de Médecine et de Prévention de la Violence) afin que je
puisse être aidé psychologiquement à me sortir de cette violence policière dont j'avais été l’objet. (..) Le lundi 4
janvier, j'avais eu l'opportunité de voir à nouveau un médecin parce que les douleurs aux zones de contusion ne
partaient pas alors que j'ingurgitais médicaments sur médicaments. J'avais exigé à ce qu'on me fasse une
radiographie des côtes au cas où la cassure de ces dernières serait la cause de mes douleurs mais la doctoresse
n'avait pas jugé nécessaire. En lieu et place, elle m'avait remise une bande adhésive médicale et quelques
comprimés de différentes couleurs à base d'extraits de plantes pour m'aider à dormir. Mais le sommeil venait
toujours très tardivement et les douleurs ne baissaient pas vraiment d'intensité. Durant mon court séjour
injustifié à la prison de Champ Dollon, je n'avais fait que manger quand la nourriture était bonne et dormir tant
je souffrais.
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En somme, quatre jours et demi durant, je n'ai eu de nouvelles d'aucun membre de ma famille. Puis subitement
j'ai été libéré le lundi 4 janvier 2010 sur le coup de 14h00 sans aucune audience que j'aurais voulu publique.
Arrivé à la maison, à ma très grande surprise et déception, ma compagne ne savait pas du tout où j'étais parti
ces quatre jours et demi non plus. Et je réalisais tristement que la juge n'avait pas pris la peine d'avertir mes
proches mais plutôt avait-elle pris allègrement la peine de me condamner et de me faire enfermer sans cause
valable. L'incompréhension totale. Un manquement qui mérite des explications. J'aurais pu disparaître, nul ne
l'aurait su. Ma compagne aurait pu accoucher prématurément, personne ne l'aurait indemnisé.
Résultat des courses, j'ai personnellement suspendu beaucoup d'activités, notamment mes recherches d'emplois,
pour suivre ma réhabilitation psychologique. Je me pose alors finalement deux questions : Y'a-t-il un même
Etat de droit pour tout le monde? Et qu'est-ce qui a motivé cette désinvolture, ce non-respect des règles de la
part de la police en ce qui me concernait?
(G.O.M., Genève, 12 septembre 2010)
« ROUTINIER » CONTRÔLE AU FACIÈS EN DÉBARQUANT DU TRAIN
« Vivant en France depuis mon enfance, je n’ai jamais été traité
de manière aussi humiliante »
G-M. G. est un jeune parisien. Venue rendre visite à une amie connue en France, il se
fait aussitôt accosté en gare de Lausanne, sortant du train, par un agent. Début d’un
calvaire des plus humiliants. Voici son récit.
C’est un contrôle « de routine » qui a été pratiqué à mon encontre le vendredi 19 novembre 2010 vers 20h en
gare de Lausanne.
Descendu du train en provenance de Paris-Gare de Lyon, pour venir rendre visite à mon amie, domiciliée à
Lausanne et de nationalité suisse, j'ai eu la surprise d'être interpelé par un officier en tenue de Garde-frontière,
en compagnie de son chien et qui s’est aussitôt dirigé vers moi dès qu’il m’a aperçu. De toute évidence, j'étais
attendu! Pour quel motif m'attendait-on ? Telle a été ma première question.
Interrogé sur le quai bondé de monde, sur notamment le motif et la durée de mon séjour en Suisse, le chien s'est
mis à renifler mon bagage en plein public. A ce moment-là, je me suis senti vraiment humilié par les
circonstances, ne comprenant pas les raisons de cette interpellation, très inhabituelle et choquante pour moi.
Ensuite, en compagnie de mon amie survenue entretemps, j’ai été enfin escorté jusqu'au bureau de la
Gendarmerie vaudoise sur le quai 1 de la gare, afin d'y subir la suite de ce contrôle « de routine » toujours
inexpliqué. Là, il m'a été demandé de vider toutes mes poches, de même que le contenu de mes téléphones
portables, mon portefeuille et chaque petit papier dedans, ainsi que le contenu filmographique de mon appareil
photo. Le motif de cette intrusion majeure restera toujours aussi inexplicable.
Sont venues ensuite les questions humiliantes et insultantes (« c'est vous sur la photo? » en scannant ma pièce
d'identité), ainsi que des commentaires désobligeants sur la nature de mon éponge de toilette, la prise de mes
empreintes digitales. Le sac à main de mon amie a subi le même sort (fouille approfondie).
Nous avons plusieurs fois demandé la raison de ce contrôle, et avons chaque fois reçu la même réponse
évasive et évidemment non explicative: « c'est la routine »...
Pourtant j'ai eu la nette impression d’avoir été interpelé à partir d’indications très précises sur mon apparence.
Soit mon jeans n'avait pas la bonne forme, soit mon nez a été jugé de travers. Ou peut-être s'agissait-il
simplement de ma couleur de peau (noire), motif de ce soi-disant « contrôle routinier » qui n’a été en réalité
qu’un contrôle au faciès, ni plus ni moins, jusqu’à preuve du contraire. Je n'ai vu personne d'autre être contrôlé
sur le quai au sortir du train à part moi. Ou alors, si mon interpellation est réellement « de routine », ceci est
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extrêmement grave. Car cela signifierait que contrôler un Noir relève de la « routine » ! J’étais effectivement le
seul Noir du groupe.
Je me suis senti profondément humilié, atteint dans ma dignité et dans mon intégrité morale. Car, je me suis
senti traité comme un criminel coupable de sa seule apparence. Vivant en France depuis mon enfance, je n'ai
jamais été ni interpelé ni traité de pareille manière.
(G-M. G. .22 novembre 2010)
TÉMOIGNAGES - 2011
ABUS D’AUTORITÉ DANS UN CENTRE DE REQUÉRANTS
« Nous demandons le simple respect »
Un groupe de requérants d’asile d’origine africaine nous a écrit pour nous faire part des
insupportables abus d’autorité d’une responsable d’un centre d’hébergement de requérants
d’asile à Hägglingen, en Argovie. La lettre qu’ils nous ont adressée avait également pour
destinataires les institutions suivantes : Migrationsamt Kanton Aarau (Aarau), Kantonaler
Sozialdienst, Sektion Asylbewerberbetreuung (Aarau), Département Volkswirtschaft und
Inneres Kantonspolizei (Wohlen), Office Fédéral des Migrations (Bern-Wabern).
Mesdames, Messieurs,
Nous requérants d’asile et particulièrement de la Communauté Noire, résidant à Hägglingen (Canton
d’Argovie), Zentrumstrasse 7, venons très respectueusement attirer votre attention sur des comportements et
propos, on ne peut plus, humiliants, déshonorants voire racistes dont nous sommes victimes, venant de la part
de Madame J.E., responsable du centre d’asile de Hägglingen.
En effet, depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, Madame J.E. ne cesse de proférer des propos
calomnieux et racistes tels que :
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« Rentrez chez vous en Afrique »
« On n’est pas ici en Afrique, on est en Suisse »
« Les Noirs sont des vendeurs de drogues »
« Les habitants de Hägglingen ne veulent pas voir de Noirs »
« Vous êtes bien logés ici alors qu’en Afrique vous viviez dans des cases » , etc pour ne citer que ceux là.
Ces propos que nous trouvons odieux et scandaleux, et qui visent à humilier, à dénigrer et à stigmatiser une
communauté donnée, sont indignes et inacceptables. Pire, Madame J.E. outrepasse ses prérogatives et se
comporte envers nous comme une esclavagiste au mépris de toute considération des droits garantis par la
Constitution fédérale Suisse et toutes les lois y afférentes. Elle n’hésite même pas à recourir au chantage en
violation de nos droits élémentaires que la Confédération nous reconnaît en dépit de notre situation de
requérants d’asile.
Nous Protestons donc contre cette attitude injuste et non respectueuse des Droits de l’Homme et de la
légendaire hospitalité Suisse.
Notre situation de requérants d’asile ne fait aucunement de nous des sous-hommes encore moins des hommes
sans dignité et cela n’autorise en aucun cas Madame J.E. à avoir de tels comportements vis-à-vis de nous. Par
conséquence, nous exigeons qu’elle nous respecte en tant qu’être humain.
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Par cette démarche, nous entendons interpeler les autorités compétentes afin que cessent immédiatement de la
part de Madame J.E. :
-­‐ Ces propos malveillants et racistes à l’encontre de la Communauté noire
-­‐ Ces insultes calomnieuses et rétrogrades d’un autre âge
-­‐ Cette humiliation et stigmatisation des Africains
Nous envisageons mener une série d’actions dans le cas où nous venons à ne constater aucun changement de la
part de Madame J.E.
Tout en espérant que nos inquiétudes retiendront votre attention, nous vous prions, Mesdames, Messieurs, de
recevoir nos meilleures salutations.
Signataires
La Communauté Noire
(26 Janvier 2011)
ABUS D’AUTORITÉ, ARRESTATION, INCARCÉRATION ARBITRAIRE ET HUMILIATIONS
Le remake de « Il ne fait pas bon être Noir en Suisse »
Togolais et journaliste de profession, K.L. était demandeur d’asile en Suisse en 2011. Interné
au centre d’accueil d’Aarburg, dans le canton d’Argovie, en Suisse alémanique. il nous fait
part de son expérience traumatisante avec la police et la justice suisses.
Ayant lu certains articles sur le racisme anti-Noir en Suisse sur le site de www.asile.ch (dont je vous envoie
copies), j’avais pensé que les mentalités et le comportement des policiers en Suisse dénoncés par M. Doudou
Diène, rapporteur spécial pour l'ONU sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance,
n’étaient plus d’actualité. Mais la récente mésaventure que j’ai vécue il y a quelques jours, me laisse penser
qu’il y a un vide juridique et une passivité qui laissent la porte ouverte à tous les abus contre les étrangers en
général et les noirs en particulier en Suisse.
Je me nomme L.K., journaliste de profession, né le 26 novembre 1974 au Togo, un beau pays de l’Afrique de
l’Ouest que le clan Gnassingbé au pouvoir a transformé en République bananière où toutes les atrocités sont
légion. Je suis donc de nationalité togolaise et je vis depuis le 9 Février 2011 dans le centre d’asile d’Aarburg.
Le mercredi 11 mai 2011, quand je me suis réveillé, il n’y avait aucun signe qui pouvait me laisser penser que
ce jour allait être le pire cauchemar de ma vie en Suisse en tant que requérant d’asile. Ce jour-là j’ai été torturé
physiquement, psychologiquement et humilié, ma dignité d’être humain bafouée, exactement comme les
événements qui m’ont poussé à fuir le Togo, mon pays d’origine. Tout comme ce qui s’est passé au Togo et qui
a précipité mon exil, je ne trouve point de réponse au comportement des policiers qui m’ont avili à Olten dans
le Canton de Soleure. Après moult démarches pour comprendre ce qui m’est arrivé, j’ai fini par conclure que
pour les policiers qui m’ont traumatisé le mercredi 11 mai 2011, mon histoire est celle d’un requérant d’asile
noir dont le seul crime, le délit de faciès, est une évidence de la présomption de ma culpabilité.
Culpabilité de quoi ? Je ne le saurai peut-être jamais. Cependant il est important que mon histoire ne reste pas
celle d’un requérant d’asile anonyme mais celle d’un être humain qui a demandé protection contre toutes sortes
d’abus, d’où quelles viennent. La raconter permettra certainement un jour où l’autre de confronter devant la
justice ceux qui ont osé violer la Constitution fédérale Suisse qui stipule que la dignité humaine doit être
protégée et est garantie à chacun la prise en considération de sa qualité d'être humain.
Voici mon histoire. Comme tous les mercredis, après avoir reçu les 70 fr d’aide sociale, je me rends, le
mercredi 11 mai 2011, au supermarché Denner d’Aarburg pour les provisions de la semaine. Sur place je
constate que le magasin était presque vide. Les employées présentes, qui vidaient les locaux m’annoncent que,
pour des raisons de réfection, le supermarché allait fermer du 12 au 20 mai. Je ressors ne sachant pas où aller
faire mes achats. C’est alors que je décide sur un coup de tête d’aller dans la ville d’Aarau ; il était près de 14
heures 30 minutes. Arrivé là, j’achète mes produits au supermarché Denner et je me rends ensuite dans un
supermarché turc à Buchs où j’ai l’habitude d’acheter des cuisses de poulet. J’y achète un sachet et, mes
courses ainsi terminées, je prends le chemin de retour vers Aarburg. A la gare d’Aarau, je prends le train de 17
heures 29 minutes, direction Olten. Arrivé à Olten, je me précipite vers l’arrêt du bus N°2, direction Aarburg où
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je vis. Je me tenais à l’arrêt de bus comme tous ceux qui étaient là pour le prendre quand un monsieur en tenue
civile surgit subitement et me présente sa carte de police en me demandant, en anglais, d’ouvrir ma bouche.
J’étais là à peine 2 minutes. Ce qui m’a fait sourire dans un premier temps (car c’est la première fois depuis que
je suis en Suisse « 2 ans et 4 mois » de subir ce type de contrôle). Il était 18 heures moins. J’ai néanmoins
exécuté, tout en signifiant au monsieur que je ne fais pas ce genre de choses.
On en était là quand son second aussi en tenue civile nous a rejoints. Ils demandent à me fouiller. Je dépose
alors sur un banc à côté, mon sac à dos qui contenait les provisions achetées. Ils me demandent de vider toutes
mes poches, ce que j’ai fait sans hésiter et sans la moindre résistance. L’un d’eux me fouille ensuite sans rien
trouver. Il se dirige vers le sac l’ouvre et sors quelques articles et dit : « c’est bon ». Je referme le sac. C’est
alors qu’ils me demandent ma carte (Ausweis en allemand). Je leur explique que je l’avais oubliée à la maison
et que j’avais néanmoins ma carte d’abonnement demi-tarif des CFF que je leur remets. Ils me demandent mon
nom que je leur donne tandis qu’ils regardent sur la carte d’abonnement demi-tarif. Ensuite l’un deux, le
premier à m’interpeler, appelle (où je ne sais) ; après quoi il m’annonce que mon nom est inconnu du service
qu’il a appelé. Il me demande où j’habite et le type de permis que j’ai. Je lui réponds que j’habite Aarburg et
que j’ai le permis N. Ils me disent alors, qu’étant donné qu’ils n’arrivent pas à m’identifier et que ma photo sur
la carte d’abonnement demi-tarif CFF est sombre, ils vont devoir m’emmener à leur poste pour procéder à mon
identification par la prise d’empreintes. Sans résistance, je pars avec eux sans savoir qu’en lieu et place d’un
poste de police, ils me conduisaient en réalité plutôt en prison. Ils me menottent devant une foule de curieux
comme s’ils m’avaient pris en flagrant délit, en train de commettre un crime. Je ne comprenais pas pour qu’elle
raison pour un simple contrôle d’identité j’étais logé à la même enseigne que les criminels, alors même que je
n’opposais aucune résistance et que je présentais aucun risque de fuite, puisque ne me reprochant absolument
RIEN.
Au moment d’aller vers leur voiture, je remarque un de leurs collègues qui venait aussi avec un autre noir
menotté. Comme j’étais menotté, l’un d’eux a porté mon sac. Arrivés près de leur voiture, je leur demande s’ils
peuvent desserrer un peu les menottes car celles-ci étaient trop serrées et que j’avais mal. Mes mots n’étaient
que des paroles vaines, celles d’un criminel noir qu’ils venaient d’arrêter. Et pourtant, il me semble qu’il existe
des règles précises de traitement des criminels lors de leurs arrestations ! C’est d’ailleurs pourquoi la
Confédération investi énormément dans la formation des aspirants policiers et l’acquisition de ces règles. A
croire que ces investissements sont nuls ! C’est une autre histoire !
Nous montons alors à bord d’une voiture banalisée des policiers pour prendre la direction de la prison d’Olten
au lieu du poste de police précédemment annoncé. Il s’agit de Untersuchungsgefängnis Olten ou encore la
Prison d’Olten à Rötzmattweg 133, 4600 Olten/SO. Je ne le saurai que le lendemain par un gardien de prison.
A la prison d’Olten les policiers sonnent et s’annoncent à l’entrée. On nous ouvre et nous rentrons dans ce qui
semble être une antichambre. Le monsieur qui nous a laissé renter se trouvait derrière une vitrine. Les policiers
enlèvent leurs armes qu’ils font passer au monsieur, qui nous ouvre ensuite la porte pour accéder à l’intérieur.
Une fois dedans, ils font entrer en premier l’autre noir qu’ils ont aussi arrêté, dans une chambre juste en face de
là où nous étions, tandis qu’on me fait asseoir avec les mains menottées sur une chaise. Ils font déshabiller
celui-ci, puisqu’à chaque fois, on faisait passer son vêtement enlevé dans un scanner en face de moi. Une fois
fini avec celui-ci, ils m’ôtent les menottes et me demandent d’entrer à mon tour dans la même chambre.
Celui qui allait me fouiller enfile ses gants et me demande d’enlever mes vêtements un à un qu’il faisait passer
à chaque fois au scanner. J’ai donc enlevé mes vêtements jusqu’au slip à la demande du policier. Pour finir il
me demande de me baisser pour voir l’intérieur de mon anus. Une humiliation et un avilissement de ma
personne !
Après ce calvaire de quelques minutes qui m’ont semblé une éternité, il me demande de me rhabiller. Les
policiers me conduisent ensuite dans la salle de prise d’empreintes, allument les ordinateurs et me demandent
d’attendre un moment. Après quoi, ils prennent les empreintes de mes deux pouces, me font monter à l’étage et
m’enferment dans une petite cellule en me disant que dans 10 minutes tout sera fini et que je pourrai partir. Je
reste là près de 30 minutes et l’un d’eux revient me dire que les empreintes n’ont rien donné. Simple
coïncidence ou le fait d’un hasard ? Est-il que, tout comme l’appel pour identifier mon nom n’a rien donné, la
prise de mes empreintes aussi n’a rien révélé sur moi. Tout de même surprenant !
Alors il me sort de la cellule pour une seconde prise d’empreintes. Comme la première fois les empreintes de
mes deux pouces ont étés scannées. Il me retourne dans la cellule en me disant que pour cette fois-ci je n’avais
que pour 3 minutes d’attente. Celui qui m’a accompagné m’a alors demandé mon adresse que j’ai donnée et
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même ajouté le numéro de mon permis N de la Suisse et celui du canton d’Argovie. Il me dit ensuite que si
j’avais mon permis N, il n’y aurait pas de problème. Je lui demande alors s’il n’y avait pas la possibilité qu’ils
me conduisent, au centre de requérants d’asile où je loge, pour prendre le permis en question. Il me répond que
c’est une possibilité en effet mais qu’ils ne font pas malheureusement.
Comme pour les autres fois j’ai attendu, un peu plus désemparé et perdu, ne sachant pas vraiment ce qui se
tramait. Au bout d’un certain, ils viennent finalement avec une pile de feuilles en m’annonçant que sur une, il y
avait la liste de mes objets et que le reste des feuilles est une interdiction de circuler dans la ville d’Olten et
dans tout le canton de Solothurn, ceci, en rapport avec le problème de drogue auquel le canton est confronté,
tout en me précisant que ce n’est pas une décision venant d’eux (la police) mais plutôt une décision du canton.
Sans pour autant me dire si les recherches sur mon identité ont finalement donné quelque chose ou toujours pas.
Ils me demandent ensuite de signer les papiers. Je leur réponds que je les respecte et qu’ils font peut-être leur
boulot, mais qu’étant donné que je ne comprends pas le sens de tout ce qui se passe, que je suis désolé de ne
pas pouvoir signer ces papiers. Le policier qui avait les papiers en mains me dit qu’il va mentionner sur la
feuille que j’ai refusé de signer. Il m’annonce ensuite que je vais être incarcéré en prison pour un jour et que le
lendemain, ils me conduiront à l’immigration et que j’aurai les copies des feuilles qu’il tenait. J’ai alors
demandé si je pouvais appeler quelqu’un pour l’informer que je suis entre les mains de la police, ils m’ont dit
NON ! C’est ainsi que j’ai été enfermé sans connaitre le mobile réel de mon incarcération, sans savoir ce qu’on
me reprochait.
Je suis donc rentré dans la cellule où ils m’ont conduit, sans mot dire espérant connaître la vérité à ma sortie.
J’ai passé une longue nuit cauchemardesque avec pleins d’idées noires dans la tête. Des questions tournoyaient
dans ma tête ; combien de temps allais-je rester là, allait-on m’éliminer secrètement, fallait-il que je me suicide
face à cette injustice,…etc. Autant de questions et d’idées noires qui m’ont tourmenté toute cette sinistre nuit.
Le lendemain, c’est-à-dire le jeudi 12 mai, c’est avec beaucoup de doute que je m’attendais à être conduit à
l’immigration. L’attente sera très longue. Finalement un gardien de prison vient ouvrir la cellule et m’appelle
de sortir. Il me dit de porter mon pantalon qu’on m’avait demandé d’enlever avant d’être enfermé. Ce que j’ai
fait. Il me demande ensuite de prendre mes effets qu’ils gardaient, et de signer le papier portant la liste de mes
objets pour confirmer la récupération de ceux-ci, et de partir ensuite.
J’avoue que j’étais encore plus déboussolé que la veille. J’ai refusé une fois encore de signer tout en demandant
le sens de tout ce cirque. Le gardien insiste que je signe sinon qu’il allait me remettre dans la cellule. J’étais
aussi intransigeant, insistant de savoir pourquoi on m’a enfermé. Il me laisse finalement entendre qu’il n’en
savait rien et qu’il fallait chercher l’explication du côté de la police, parce que c’est elle qui m’a fait enfermer et
que eux ils ne sont que des employés de la prison. J’ai continué à refuser de signer. Il demande finalement
l’intervention d’une dame qui travaille aussi là-bas et qui m’a persuadé de signer. Ce que j’ai enfin fait. En
quittant les lieux, j’ai demandé au monsieur où je me trouvais, et c’est là qu’il m’apprend que c’est le
Untersuchungsgefängnis Olten, c’est-à-dire la prison d’Olten.
Je suis donc sorti, en regardant à ma montre, il était 11heures 45minutes. Je décide d’aller à la police d’Olten
pour tenter de trouver une explication à mon emprisonnement arbitraire et voir pour quelle raison je n’ai plus
été conduit à l’immigration. J’appelle d’abord mon cousin pour lui narrer tout ce que j’ai subi et lui annonce
que j’avais l’intention d’aller à la police. Il salue l’initiative et m’encourage à le faire. Je me rends donc à la
police. Une dame me reçoit à l’information. Je lui raconte mon périple tout en sortant de mon sac à dos les
produits que j’avais achetés le jour de mon arrestation arbitraire pour les lui montrer. Je précise que les cuisses
de poulets étant restées longtemps enfermés dans le sac, étaient complètement décongelées et ruisselantes de
sang.
Après avoir raconté ma mésaventure, elle me laisse quelques minutes et revient ensuite me dire que ce qui s’est
passé est NORMAL parce qu’il y a parfois des vendeurs de drogue qui trainent dans les environs de la gare
d’Olten. Intérieurement je me suis dit pourquoi ne pas donc déplacer l’arrêt de bus de ce lieu, comme ça, on ne
sera pas embêté de cette façon. Je pars de la police sans avoir reçu une réponse convaincante des traitements
que j’ai subis. Je rentre au centre où je raconte l’histoire à mon assistante sociale tout en lui montrant les
cuisses de poulets dans un état piteux. Après avoir déploré cet état de choses elle m’a laissé entendre quelque
chose que je ne savais pas et que je préfère taire ici.
A propos de l’interdiction de circuler dans la ville d’Olten et le canton de Solothurn, lorsque les policiers m’ont
annoncé cela, j’ai pensé que c’est à cause de mon permis N, étant donné que même de simples agents de
sécurité privée surgissent dans des centres pour requérants d’asile et distribuent à tour de bras des interdictions
Page 154
de fréquenter certains lieux. C’est une autre histoire dont j’en sais trop, puisqu’on tente de nous faire croire que
les requérants d’asile avec permis N ont des droits très limités, même devant l’universalité des Droits de
l’Homme.
Le mardi 17 mai après-midi, accompagné de mon cousin, je suis retourné à la police d’Olten afin de chercher
des explications à l’arrestation et l’incarcération arbitraire dont j’ai été victime. Sur place, un Policier qui nous
a reçu et entrepris de vérifier cette histoire à partir de mon Permis N que je lui ai remis, est revenu nous dire
qu’il a bien vu dans l’ordinateur que mon interpellation est enregistrée dans le système sans autre commentaire
et qu’il fallait qu’on se tourne vers la police cantonale pour avoir des explications car ceux qui m’ont arrêté et
incarcérés sont de cette police. A la question de savoir où se trouve la Police Cantonale de Soleure, il nous
répond que c’est là où j’ai été enfermé. Nous nous rendons donc à Untersuchungsgefängnis Olten ou encore la
Prison d’Olten à Rötzmattweg 133, 4600 Olten/SO. Là on nous répond par interphone interposé que la Police
Cantonale ne s’y trouve pas et qu’il fallait qu’on aille chercher l’adresse en ville d’Olten. En chemin, mon
cousin lance la recherche du numéro de la Police Cantonale de Soleure sur son natel. Après explication du
motif de son appel à la dame qui répondait, cette dernière lui dit de s’adresser plutôt à la Police d’Olten pour
avoir des explications. Une façon de nous faire balader !
Jusqu’à ce jour où j’écris ces lignes, j’ignore de quoi m’a-t-on accusé pour me mettre arbitrairement en prison
doublé d’une interdiction de circuler à Olten et dans le canton de Soleure. Je ne sais non plus ce que les
policiers ont mentionné dans leur rapport pour justifier cette arrestation et cette incarcération arbitraires. Après
analyses, je suis parvenu à la conclusion que ce n’est ni parce que je n’avais pas mon Permis N sur moi, ni
parce que je suis requérant d’asile, mais simplement parce que j’ai eu tort d’avoir la peau différente de celle des
autres qui attendaient au même arrêt de bus que moi.
Autant de questions continuent de hanter mon esprit doublé du traumatisme que j’ai subi et, bien que je
continue de chercher à comprendre, je ne trouverai peut-être pas de réponses. Peut-être la justice pourrait
m’aider.
Face à cet état de fait je décide de porter plainte contre la police d’Olten et particulièrement les policiers qui
m’ont fait subir ces traitements, dont j’ignore les identités mais que je peux identifier si je les vois. Je m’en
remets donc à la justice pour qu’elle me redonne ma dignité.
(LK, Aarburg, le 18 mai 2011)
---------------------------------------------------------------ASILE ET RACISME
« Parce que Noir, vous êtes refoulé de partout » …
Y.D., ressortissant ivoirien, nous a écrit en octobre 2011 pour nous faire part de son
expérience de requérant d’asile Noir en Suisse, interné dans un centre à Davos.
J’ai l’honneur de bien vouloir faire partager avec votre auguste institution anti-Raciste, la réalité sociopsychologique des requérants d’Asile en Suisse en général et des Noirs en particulier.
Par ailleurs, il sied de vous faire gré de ma situation particulière et celle de mon canton d’attribution, le canton
des Grisons dont le chef-lieu est Coire.
Parce que Noir, vous êtes tout simplement interdits des bars, des restaurants, des hôtels.
Parce que Noir, vous vous êtes confondu à un trafiquant de drogue
Parce que Noir, des regards et des mots rappellent les souvenirs des années 1930 aux Etats-Unis et de
l’Apartheid en Afrique du Sud.
Parce que requérant d’asile, tu travailles dans les champs de vigne pour 15 Frs l’heure.
Parce que requérant d’asile, vous dormez à six dans une chambre avec une armoire.
Alors, la brutalité policière, la forme la plus humiliante est non descriptible.
Par conséquent si nous avons quitté nos pays, tel la Côte d’Ivoire, parce que partisan de l’ex président Laurent
Gbagbo à cause des tortures physiques et morales, nous les retrouvons ici en Suisse. Or, selon la Déclaration
Page 155
universelle des droits de l’homme en son article 14, les conditions psychiques insupportables et le racisme sont
des causes fondamentales pour quitter son pays vers un autre respectueux des droits de l’homme.
Aujourd’hui, Dublin II devient une foire à l’injustice car on est contraint en Suisse à une vie insupportable,
précisément pour nous dans le canton des Grisons.
Le problème c’est le silence coupable des organisations internationales face è ce problème.
Je vous donne la copie d’une de mes lettres écrites à toutes les organisations et O.N.G internationales pour la
défense du droit et du droit des requérants d’asile en pièce jointe. (…)
(Y.D., lettre du 12.09.2011)
NB : Au cours d’une fouille policière, si jamais vous avez 10 Frs ou 200 Frs sur vous, ou un habit neuf, la
police les emporte.
TÉMOIGNAGES - 2012
POLICIERS RIPOUX AVEC LES REQUÉRANTS D’ASILE
Extorsion de biens matériels et financiers par la Police ?
G.O.M., a déjà été victime les pratiques racistes de la police genevoise (voir sous 2010). Il
dénonce cette fois des agissements assez troubles, proches de « ripoux » (filcs pourris).
En prenant le tram aujourd'hui, je me suis entretenu avec un de nos jeunes Kamit11 sans documents
administratifs, sans revenu conséquent et qui a pour habitude de travailler aux alentours du centre culturel
"l'Usine" pour subsister à sa vie. Ce jeune Kamit m'expliquait qu'il venait de se faire extorquer son téléphone et
son argent par la police. Une des indications qu'il m'a révélée de la police ripou incriminée dans cette affaire
était d'origine portugaise.
Le pire est qu'apparemment il s'agit d'une mauvaise habitude courante perpétrée par la police de Carouge et de
Genève.
Je pense qu'il serait intéressant de questionner ces jeunes Kamits sur ce qu'on peut qualifier « d'abus de pouvoir
aggravé d'une extorsion de biens matériels et financiers à l'encontre de notre population ».
J'ai été beaucoup peiné par cette situation douloureuse qui vient enfoncer un peu plus notre jeune population.
Alors voyons ce qu'on peut faire pour aider ces jeunes Kamit afin que cesse cette nouvelle forme de
ségrégation...
(G.O.M., email du 16 août 2012)
----------------------------------------------------------------
11
« Kamit » ou « Kemit », c’est comme cela que s’appellent beaucoup de Noirs, surtout jeunes, par référemce à leurs
ancêtres de l’ancienne Egypte des Pharaons qui s’appelaient ainsi, « ceux à la peau couleur charbon » qui a donné
également la déformation biblique « Cham »
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APRÈS DES HARCÈLEMENTS RACISTES
« J’ai été licencié abusivement » …
Employé dans une entreprise de machines-outils de Bulle, qui l’a licencié, Monsieur R.A. nous
a fait part, en vue d’une conciliation, du conflit qui l’oppose à cette société. Il est convaincu
qu’il a été licencié abusivement.
RA a été en effet licencié en mai 2012. C’est en octobre 2007 qu’il y a été engagé. Auparavant, il avait d’abord
travaillé dans la même entreprise, de juin à septembre 2007, au titre d’une mission temporaire de JOB-ONE
(Bulle). Et c’est après avoir pleinement donné satisfaction qu’il a pu bénéficier d’un contrat fixe.
Pour RA, son licenciement est motivé par le harcèlement psychologique raciste qu’il a subi de la part de son
chef direct, M. J.B., et tel qu’il ressort des éléments d’appréciation suivants :
-­‐
Dès le moment où M. JB est devenu son chef direct, six mois auparavant, ce dernier n’a cessé de
l’humilier et de lui donner le sentiment d'être moins qu'un être humain qui n'a droit à rien. M. RA était le
seul Noir dans l’entreprise, placé sous les ordres de M. JB. Il a aussi été le seul à être victime d’un tel
harcèlement.
-­‐
Trois mois à peine après son arrivée, M. JB a fait rétrograder M. RA de sa position de Warehouse
Manager, sous prétexte que celui-ci ne fonctionne pas bien. Ceci a entraîné non seulement une réduction
de salaire conséquente, mais a également porté une atteinte à sa dignité, étant donné que M. RA entendait
pour la première fois une telle appréciation négative de ses compétences. Son chef précédent, dans la
même entreprise, lui avait pourtant établi un Certificat de travail intermédiaire mettant en exergue ses
compétences. M. RA en sera très déprimé, n’arrivant plus à bien dormir la nuit.
-­‐
A quatre reprises au moins, M. JB a tenu des propos ouvertement racistes à l’encontre de M. RA,
notamment : « Tous les Africains font tous le trafic de drogues. (…) Vous ne travaillez que dans le but de
dissimuler. (…) Je vais vous faire travailler si dur, puis, après votre couleur va changer en blanc ».
-­‐
Le 16 mai 2012, M. RA a pris l’initiative de venir se plaindre auprès de la Direction de harcèlement
psychologique raciste de la part de M. JB. Mais celle-ci n’a pas daigné diligenter l’enquête qui s’imposait
après la plainte pour harcèlement raciste formulée par RA à contre son chef
-­‐
Le 21 mai 2012, à la suite de sa plainte, RA a été convoqué, « (…) suite à notre conversation de ce jour,
nous vous confirmons la résiliation de votre contrat de travail. ». Pourtant, RA n’a fait l’objet d’aucune
évaluation formelle de ses compétences qui pourrait justifier son licenciement. Aucune faute grave ne lui
est reprochée non plus. Bien au contraire, l’évaluation de son ancien chef ainsi que les témoignages de ses
anciens collègues iraient plutôt dans un sens qui ne correspond pas du tout aux allégations de l’entreprise
-­‐
A l’évidence, aucune raison ne lui étant signifiée, M. RA a le fort sentiment qu’il y a un lien de cause à
effet entre sa plainte pour harcèlement psychologique raciste et son licenciement.
S’adressant à l’entreprise, le CRAN va engager celle-ci à rechercher un arrangement avec RA puisqu’on était
en présence d’un cas flagrant de licenciement abusif, après harcèlement psychologique à caractère raciste. Dans
sa réponse, l’entreprise niera les faits relevant du racisme et s’entêtera à ne pas accepter une solution
conciliatrice.
RA a retrouvé plus tard un autre travail dans la région.
(communiqué au CRAN, juillet-septembre 2012)
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TÉMOIGNAGES - 2013
AU COURS D’UNE FORMATION
« Les Noirs puent … à cause de la nourriture qu’ils mangent ! »
Mais tout se terminera avec des excuses
Très indigné, Monsieur J.M. nous a communiqué un incident survenu dans le cadre d’un
cours qu’il suivait en février 2013 au sein d’une ONG biennoise sur « la communication
verbale et non verbale : les règles d’or du bénévolat ». Dans une lettre avec copie au CRAN et
à la CFR, il a aussitôt dénoncé les propos inadmissibles qu’il a entendus au comité de l’ONG.
En effet, lors d’un cours où l’enseignante, également directrice de l’ONG, Mme V.E., a donné comme exemple
de communication non-verbale le mot « odeur ». Et de prendre pour exemple : « Dans le cadre des cours
d'ecriture et de langue que je donne à des personnes migrantes, j'ai constaté que les Noirs degagent des
odeurs ».
Un participant la prend au mot et dit : « Oui ils ont beau se laver 15 minutes après ils puent ».
Loin de le recadrer Mme VE rajoute : « c'est dû à ce qu'ils mangent ».
Pour JM, il s’agit d’une situation rabaissante devant les autres. « Oui, je me suis senti victimisé devant les
autres au point que j’ai renoncé à suivre ces cours ou de coopérer avec une teIle association ».
Il écrit alors à la direction et demande de mettre un terme à cela. « Dans le cas contraire j'aurais recours à la
voie judiciaire pour ces propos rabaissants portant atteinte à ma dignité humaine afin que justice soit rendue».
Ayant pris connaissance de la lettre de JM, Mme VE lui écrit aussitôt :
« (…) Je regrette beaucoup que vous vous sentiez victimisé devant les autres. Je peux très bien comprendre que
vous vous sentiez rabaissé, de ce que vous aviez compris de mon exposé. Mais je n'avais pas du tout l'intention
d'accuser ou d’humilier n'importe qui. (…) Excusez- moi de cet impair.
J'essaye de vous expliquer ce que j'ai voulu vraiment dire au groupe : L'odeur fait aussi partie de la
communication non verbale. Mais souvent on n'en est pas conscient. Les êtres humains de provenances
différentes ont des odeurs différentes. Comme exemple j’ai parlé du service écriture, une prestation de notre
ONG qui est utilisé par beaucoup de personnes migrantes (plus que 80%) de tous les continents, et pas
seulement des Noirs. Pendant l’ouverture de ce service il y a des odeurs différentes du quotidien chez nous. Je
ne parlais pas de « puanteur» ou de « puer ». L'odeur individuelle d'une personne peut être agréable pour les
uns et désagréable pour les autres. C'est un sentiment très individuel. Mais cela n'a rien à faire avec la couleur
des personnes. J'ai fait un deuxième exemple: l'odeur spécifique dans les homes pour des personnes âgées sans
vouloir dégrader les personnes âgées.
Vous écrivez qu'un des participants a dit que les Noirs « puent ». Il me faut vous avouer que je n’ai pas entendu
ou compris cela. J'ai compris, que l'odeur des autres n'était pas une « faute» à eux, mais l'odeur naturelle
d'eux. Pour moi il y a une grande différence entre «odeur» et «puanteur».
Alors j'ai répondu que peut-être les odeurs différentes de nous tous ont aussi quelque chose à faire avec notre
nourriture et nos épices. Peut-être j'ai mal compris, peut-être il y avait des reproches dans cette épisode.
Malheureusement je ne les ai pas senties. J'aurais sûrement réagi, si j'avais senti que cette remarque aurait pu
être blessante.
Je me demande, comment je peux réparer mon erreur. Volontiers je m'excuse devant le groupe du cours en
essayant d'expliquer ce qui s'est passé, si cela vous sert. Je souhaite de tout mon coeur que vous continuez le
cours. Nous avons besoin de personnes comme vous, des personnes de toutes les cultures qui sont prêtes de
s'engager comme bénévoles n'importe où dans notre société.
Je vous prie monsieur d'accepter mes excuses et je vous demande encore une fois pardon »
Page 158
N.B. - Dans sa réponse à JM, avec copie au CRAN et à la CFR également, le Comité ira également dans
le même sens :
« Nous pouvons comprendre que vous vous sentez vexé par des propos discriminatoires. Toutefois, nous
savons que Mme VE est une personne très engagée dans le domaine de la migration, et nous sommes
covaincus qu’elle n’a pas exprimé ces propos ces propos consciemment et intentionnellement. Vous
comprenez que la formulation d'une conférence dans une langue "étrangère" (le français dans ce cas) est
particulièrement difficile.
De toute manière, nous nous excusons officiellement de cet événement. Nous en avons parlé à Mme VE, et
nous lui avons recommandé vivement de choisir à l'avenir des exemples qui ne suscitent AUCUN
malentendu lors de ses conférences.
Elle tiendra compte davantage des éventuelles observations de la part des participants aux cours et y
répondra de manière plus nette, le cas échéant.
Encore une fois, nous vous prions, Monsieur, d'accepter nos excuses ».
(Rapport établi par le CRAN, sur la base du témoignage et données fournis par JM, mars 2013)
---------------------------------------------------------------MESURES DE RÉTORSION POLICIÈRE ET GARANTIE D’IMPUNITÉ DES ABUS
« J’ai osé dénoncer une maltraitance policière sur un Noir. Cela
m’a coûté très cher »
Nous avons tenu à reproduire ci-dessous une série de très éclairants témoignages
reccueuillis par le journal La Liberté de Fribourg. Ils portent sur trois cas, à Lausanne, où des
témoins de maltraitances policières injustifiées à leurs yeux se sont retrouvés tancés par les
policiers avant de recevoir des amendes très salées pour « obstruction au travail des forces
de l’ordre sur la voie publique ». Des amendes qui ont pour fonction non seulement de
décourager un quelconque recours auprès des tribunaux qui imposent des frais de procédure
tout autant élevés, mais surtout à couper l’envie à tout citoyen indigné du sale « travail » de
sa police à exprimer toute velléité. A se demander vraiment si, pour la police, tout respect de
l’Etat de droit face à un Noir est d’office écarté, sans aucune justification ni pertinence.
Des témoins d’abus de la police reçoivent des amendes salées
Lausanne - Observer une intervention de la police ou prendre la parole lorsqu’on la juge exagérée? Ca peut
coûter cher. Trois personnes racontent.
Témoins d’actes violents ou humiliants de la police municipale, plusieurs Lausannois ont été amnedés pour
« trouble à l’ordre public » ou « entrave à l’action d’un fonctionnaire de la police ». Leur tort? Avoir observé
la scène de trop ou être intervenu oralement. Certains tentent de contester ces contraventions devant la justice,
par principe et sans grand espoir. Mais la plupart renoncent en raison des frais de procédure élevés.
Il y a un an, Sabrina Martinez, une étudiante de 25 ans, attendait son bus vers 18h30 à l’arrêt Boston, près de
Chauderon. De là, elle voit trois policiers sommer deux hommes Noirs de quitter le petit parc derrière la
station. Elle observe la scène, avant que l’un des hommes ne rejoigne l’arrêt de bus, suivi par un policier.
« Subitement, le policier lui a arraché ses écouteurs, les a jetés par terre et les a piétinés, raconte la jeune
femme. Puis il a plaqué l’homme contre l’abribus, lui tapant la tête à plusieurs reprises contre la vitre ».
« Arrêtez de frapper »
Choquée, Sabrina demande de « cesser cette violence », invoquant la présence d’enfants. Rejoint par ses
collègues, le policier lui réclame une pièce d’identité. Elle s’exécute mais refuse de donner son adresse
lorsqu’on lui explique qu’elle sera amendée. « Je n’avais rien fait d’autre que demander d’arrêter de frapper
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un homme n’opposant aucune résistance ». Face à ce refus, c’est elle qui se retrouve « plaquée contre le
mur ». Finalement, on la lâche lorsqu’elle souligne la présence de témoins.
Six mois plus tard – les premiers courriers ne lui seront jamais parvenus à cause d’un déménagement -, la
jeune femme est accusée de trouble à l’ordre public et de refus de donner son identité : 300 francs d’amende,
plus les frais. Extrait du rapport de police : « Alors que nous terminions le contrôle d’un individu africain,
nous avons été pris à partie par une femme (…). L’intéressée s’est mise à vociférer et nous disant : « (…) Vous
êtes des racistes » ». Sabrina conteste ces propos et fait recours, avant de renoncer à cause des coûts de
procédure de 700 francs. Trop cher pour elle.
« Le policier lui demandait de « fermer sa guele petit con » en le plaquant contre le mur » (Floriane)
Pour les mêmes raisons, Floriane (prénom d’emprunt), 21 ans, a aussi renoncé à faire opposition devant la
justice. Le 6 juin dernier, elle assiste à un contrôle dans une petite rue du centre. « C’était un jeune homme
Noir qui ne parlait pas français et répétait en anglais qu’il venait de se faire contrôler 100 mètres plus loin et
qu’il n’avait rien sur lui, raconte-t-elle. Le policier, en réponse, lui demandait de « fermer sa gueule, petit
con » en le plaquant contre un mur ».
Postée à quelques mètres, Floriane décide de traduire les propos du jeune homme à destination du policier, qui
ne comprenait visiblement pas. « Il m’a dit de disposer et j’ai réculé ». Insuffisant, visiblement, puisque le
policier appelle des renforts pour prendre son identité. Résultat : une amende de 250 francs pour entrave à
l’action de la police. Son audience devant la Commission de police, fin août, n’y changera rien, sauf l’ajout de
50 francs de frais à payer. Elle renonce à aller plus loin, faute de moyens.
Des droits « bafoués »
Enseignant de 60 ans, Laurent Matthey, lui, n’a pas l’intention de lâcher le morceau, même s’il sait ses
chances de succès infimes. Il a fait recours au Tribunal de police récemment. Le 27 avril 2013, il assiste par
hasard à une interpellation, rue Pépinet, alors qu’il rentre chez lui avec sa femme vers 0h30. Le couple
s’arrête à proximité d’un homme de couleur menotté, maintenu par un policier.
« Toutes les affaires de ce «marchand de drogue» étaient étalées sur le trottoir, jusqu’à sa brosse à dents »,
expose-t-il. Les observateurs questionnent le policier sur ce traitement jugé «dégradant». En retour, on leur
demande crûment de quitter les lieux. Le couple s’éloigne mais continue d’observer la scène, alors qu’un
second policier vient prendre leur identité. Au final, ils reçoivent une contravention de 250 francs chacun, pour
trouble à l’ordre public et entrave au travail de la police.
Après le passage en Commission de police, l’amende est réduite à 140 francs, plus 50 francs de frais. Mais
Laurent Matthey décide de faire recours. « C’est une question de principe, estime-t-il. Je me sens bafoué dans
mes droits de citoyens ».
(Sophie Dupont et Mario Togni, La Liberté 7.12.2013)
TÉMOIGNAGES - 2014
MOBBING COLLECTIF DANS UN NOUVEAU SERVICE
« J’ai été poussé psychologiquement à démissionner »
Cet universitaire africain, juriste de formation, est arrivé en Suisse au début des années 1990.
Après avoir compléter son cursus à l’ex-Institut universitaire d’Etudes du Développement, il
va travailler Employé dans une entreprise de machines-outils de Bulle, qui l’a licencié,
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Monsieur R.A. nous a fait part, en vue d’une conciliation, du conflit qui l’oppose à cette
société. Il est convaincu qu’il a été licencié abusivement.
C’est en novembre 2011 que j’ai débarqué dans mon nouveau service. Je venais de passer quatre ans dans un
autre département, avec un contrat d’auxiliaire., J’ai été cette fois recruté dans le cadre d'un contrat à durée
indéterminé, en qualité de Chef de section, avec un contrat d’engagement (reçu le 22 décembre 2011) qui ne
débutera cependant que le 1er janvier 2012. Mais, dès le 10 décembre 2011, je vais être soumis à des contrôlesinspections de mes prestations. Si ces contrôles sont souvent menés par mon supérieur hiérarchique, des
collaborateurs placés pourtant sous mes ordres sont également chargés par ce dernier d'en effectuer. Le premier
entretien portant sur mes 3 mois d’essai n’interviendra toutefois que le 29 mai 2012, soit cinq mois après le
début de mon contrat, violant ainsi la loi en la matière. Le 15 octobre 2012, mon chef prendra la décision de
rompre ma collaboration après une série d'actes de mobbing.
a) Mobbing de la part de mes collaborateurs
Force est de constater que dès ma prise de fonction, ma présence dans le service n’était pas du goût de mes
collaborateurs placés sous mes ordres ni de mon chef. Sous l’effet de leurs agissements, une machine de
mobbing va se mettre en branle, notamment par un pouvoir d’évaluation de mes prestations que mon chef
accordera à ces collaborateurs. Avec l’accord du chef, ils vont me soumetre à des tests, ou encore tenir des
réunions à mon sujet, avec rapport adressé au chef. Ils n’hésitaient pas à faire contamment des critiques et
remarques dévalorisantes qui portaient atteinte à ma dignité, etc. J’ai pourtant évité tout conflit tout au long de
mon service, cherchant à tisser avec eux des liens sans tensions. En vain,
b) Mobbing de la part de mon chef hiérarchique
Outre le fait de me rabaisser et de m’humilier constamment devant mes collaborateurs, notamment avec le
pouvoir de m’évaluer qu’il leur accordait, mon chef n’a pas cessé personnellement de me harceler, notamment
par les propos dégradants suivants :
-­‐
-­‐
-­‐
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-­‐
« vous êtes lent dans l'exécution de vos tâches »,
« vous ne connaissez rien de cette tâche » (qui ne figurait aucunement dans mon cahier de charge),
« vous réfléchissez trop »
« vous êtes trop qualifié pour une telle tâche »
« vous n'êtes pas formé pour ce poste » ; etc.
En avril 2012, mon chef m’annonce que je ne pourrai plus diriger mon service, car il ne peut pas êtr à l’aise ni
avec moi, ni vis-à-vis de mes collaborateurs. Il va dès lors me forcer psychologiquement et me proposer
formellement de démissionner de mon poste. C'est ainsi que je me suis retrouvé à mon corps défendant au
chômage, depuis le 1er janvier 2013. Mes allocations fédérales ayant été épuisées, je me retrouve contre mon
gré, à l’Hospice général et donc à l’assistanat : ce qui constitue pour moi, une nouvelle forme d’humiliation.
Il est avéré qu'au regard de leurs remarques à mon encontre, mes collaborateurs et ma hiérarchie ont tenu à
m’écarter de mon poste, parce qu'ils ne me toléraient pas, sur la seule base de mon aspect extérieur et de la
couleur de ma peau en particulier. Il s’agit d’une pure discrimination raciale. Aucune faute professionnelle ne
m'a été reprochée comme telle. Mon chef en a d'ailleurs fait allusion dans un courriel dont je dispose une copie.
Il s'agit donc d'un licenciement abusif. Les effets néfastes du mobbing sur ma santé psychologique et sur mon
moral sont déjà présents et j'en souffre quotidiennement. Je considère pour ma part que la contrainte à la
démission dont j'ai été l'objet constitue une violation de la loi sur le travail et surtout sur fond de racisme. Nous
sommes dans un Etat de droit et chacun doit se défendre devant une décision arbitraire. Cela étant, il n’est pas
exclu que je puisse saisir une juridiction compétente pour qu’elle me rende un avis sur la conformité de mon
éviction arbitraire.
Mon souhait consiste à obtenir ma réhabilitation et/ou mon reclassement dans un autre service de l’Etat. Bien
qualifié avec une solide expérience professionnelle, je souhaite continuer de servir cette République et Canton
qui m’a tant donné. Mon poste n'a toujours pas été repourvu par une candidature externe. J'ai été simplement
remplacé par un de mes anciens collaborateurs qui étaient sous mes ordres.
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Je fonde beaucoup d’espoir dans le Directeur général que j’ai saisi. Il avait promis de me faciliter l'obtention
d'un emploi à des conditions à convenir. Un certain nombre de postes à l'Etat sont régulièrement mis au
concours au cours durant l'année. Mais plusieurs mois se sont écoulés. Malgré mes nombreuses postulations à
l'Etat, je n'ai à ce jour reçu aucune nouvelle favorable ni de la part du directeur ni par mes différentes
candidatures à l’Etat. J’espère qu'une solution juste me sera proposée. Mon statut actuel de chômeur de longue
durée et maintenant en fin de droit depuis le 15 janvier 2014 est plus dure à vivre et à supporter.
En revanche, je viens de terminer un stage de requalification dans le cadre du Programme d'emploi temporaire
dans un autre département de l’Etat. Et mon stage s'est très bien déroulé.
KS (mars 2014)
N.B. – Ce cas continue à être suivi par le CRAN, même si depuis plusieurs mois nous n’avons plus de
nouvelles de notre ami. Nous avons pu l’assister pour sa correspondance dans le cadre de cette affaire.
Le CRAN a écarté dès le départ une intervention plus musclé afin de ne pas comptomettre ses chances de
voir encore l’Etat lui trouver une autre solution.
---------------------------------------------------------------PUB RACISTE DE LA MIGROS
« Non, mon ourson ne deviendra pas blanc! »
Max Lob est un jeune écrivain camerounais vivant en Suisse et qui monte, au bénéfice de
plusieurs prix déjà12. Il tient également un blog, «Les cahiers bantous», où il publie
régulièrement des nouvelles Via une lettre ouverte rédigée sous la forme d’une courte
nouvelle, l’écrivain Max Lobe interpelle la Migros sur une publicité raciste. Il apporte ici sa
propre dénonciation de cette publicité qui a fait également l’objet d’un communiqué du CRAN
(voir 2e partie de ce Rapport, sous 2014)
Chère Migros,
Je n’aurais jamais accepté la demande de ma soeur ce matin si je savais ce qui m’attendait là, juste à la porte
d’entrée de mon immeuble. D’ailleurs comment est-il possible que ma soeur n’ait pas vu cette aberration en
arrivant chez moi? Peut-être parce que le jour ne s’était pas encore levé? Peut-être parce que dans son
empressement de me laisser son gamin, elle n’y a pas prêté attention?
Elle m’a appelé très tôt ce matin pour me supplier de bien vouloir accompagner mon neveu chez son dentiste.
Après des tergiversations, j’ai capitulé. Amène-moi le gosse avant de filer au travail, je lui ai dit. A peine une
demi-heure après, l’enfant était déjà là, les yeux encore froissés par un sommeil volé. Il tient un pouce dans sa
bouche et son sempiternel Pipou, son doudou brun sous le bras. Je lui fais prendre rapidement une douche et
son déjeuner. Nous voilà partis! Arrivés au rez-de-chaussée, Kris me dit: attends, on a oublié Pipou.
Hors de l’immeuble, une affiche publicitaire nous salue. C’est ta pub pour détergent, chère Migros. On y voit
un ourson brun - frère germain de Pipou - dont la partie submergée est manifestement blanchie par le produit
qui porte le sensationnel nom de Total. Le slogan? «Change à nouveau les ours bruns en ours blancs». Le ton
est donné. Kris rigole en montrant la l’affiche du doigt: tonton, tonton, regarde, c’est Pipou là-bas? L’affiche ne
me fait absolument pas rire.
Tiens, tiens, mais que s’est-il donc passé dans la tête de ton équipe de marketing, très chère Migros? Mais
qu’ont-ils donc mangé pour descendre si bas en proposant une affiche franchement si peu avenante? Elle me
fait tout de suite penser à une affiche américaine des années 50, Chlorinol Soda Bleaching. On y voyait alors
deux gamins Noirs et un autre Noir plutôt très blanchi. Slogan: «Nous utiliserons Chlorinol pour devenir des
Nègres blancs». Ce n’est pas tout. Ton coup raté, chère Migros, me fait également penser au savon Fairy Soap,
toujours dans les années 50. Et là, ça allait plus loin dans le nauséabond. On pouvait voir une enfant blonde au
12
Max Lobè a déjà publié notamment deux romans, 36 Rue de Berne (Ed. Zoé, 2013) et L’Enfant du miracle (Ed. des
sauvages, 2011)
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teint laiteux, cheveux blonds, jolie robe rayée et bien chaussée, demandant à une enfant noire vêtue de haillons,
pas chaussée et la mine aussi blême que curieuse: «Pourquoi ta maman ne t’a-t-elle donc pas lavée avec du
Fairy Soap?».
Mais à quel jeu joues-tu, Migros? Tu nous avais habitués à bien mieux, me poussant ainsi à entrer dans les
rouages de la consommation au point de me prendre, une Cumulus Card! Oui j’ai une carte Cumulus! C’est ta
pub de la petite poule qui va pondre ses oeufs directement dans un magasin près de chez elle qui m’en avait
convaincu.
Kris et moi nous approchons du panneau publicitaire. Là, il me demande pourquoi ce Pipou-là perd sa couleur.
Voilà la question qui tue.
Mon sourire est figé. Mon neveu n’aura pas de réponse. Aiuto!
Que raconter à un gamin noir d’à peine cinq ans face à une telle affiche? Dois-je lui dire que l’ourson est
blanchi parce qu’il est sale alors que je sais que son Pipou à lui, quoiqu’il soit brun, est toujours bien entretenu
et propre? Dois-je lui dire que l’ourson est blanchi parce que la couleur brune ou noire est une couleur de saleté
et que la couleur blanche est une couleur de propreté? Mais oui! Bien sûr! Le noir est synonyme de saleté et de
mal, alors que le blanc est la couleur par excellence de la propreté et même de la sainteté. Mais a-t-on besoin de
toi, Migros, pour nous le rappeler?
Cher Monsieur ou Chère Madame Marketing de la Migros, pourquoi n’avez-vous pas pris un ourson blanc et
sale ou tacheté de feutres et de couleurs? Cela aurait bien pu montrer la puissance détergente de votre produit.
Pensez-vous qu’on ait besoin de tomber si bas dans la provocation pour vendre du savon? Cher Monsieur ou
Chère Madame Marketing de la Migros, pourquoi avez-vous choisi de blanchir un ourson brun? Dois-je dire à
mon neveu qu’être brun comme moi, comme lui ou comme son Pipou, c’est mauvais? Dois-je le dire qu’il est
urgent que nous nous rendions à la Migros acheter du détergent Total pour nous laver de nos impuretés? Nous
blanchir? Chère Migros, pourquoi acceptes-tu, toi - on peut se tutoyer, n’est-ce pas? - de tomber dans le piège
d’une forme aussi primaire que vexante du racisme?
(Max Lobé, 5.11.2014)
---------------------------------------------------------------VOISINAGE POLICIER
« J’habite les Pâquis, scène de la drogue et du délit de faciès »
Monsieur M.S. vit dans le quartier des Pâquis, considéré comme un des hauts lieux du
commerce de la drogue à Genève. A deux reprises au moins, il a été confronté à son corps
défendant, en compagnie de sa fille métisse, à la dure réalité de cette scène de la drogue où
les délits de faciès de la part de la police sont constants, avec leurs lots d’humiliation. M.S.
nous a fait part de son infortune.
En novembre 2014, j'allais à la Migros des Cignes, prês de la gare Cornavin et qui se trouve à quelques 200
mètres de chez moi. Il était 17h environ. J'étais avec ma fille de 3 ans que je tenais dans mes bras. J'ai croisé
une voiture de police à la hauteur de la Migros, sur la rue de Monthoux. J'étais vraiment prêt à pénétrer dans le
complexe commercial. Juste à l'entrée, les deux policiers que je venais de croiser dans leur voiture, m’avaient
rattrapé avec ma fille. Ils m’intiment l’ordre de m'arrêter et me demandent mes documents d’identité. Outré par
le fait d'avoir été poursuivi (ils étaient arrivés en courant), j'ai tout simplement essayé de leur faire comprendre
que j'habite dans le quartier et que je venais faire mes courses. J’ai aussi ajouté qu'un contrôle n'était pas justifié
surtout en présence de ma fille. Un des deux policiers m'a rétorqué que je n'avais rien à leur dire et que je
devais m'exécuter. J'ai donc refusé de donner mes documents. Le policier me demanda alors mes nom, prènom
et date de naissance. Il fit ensuite un coup de fil pour procéder à des vérifications. Pendant ce temps, son
collègue me demanda ce que je faisais comme travail, etc... J'ai aussi dit que cela m'a l'air d'un contrôle au
faciès basé sur des a priori inacceptables.
En effet, d'après leur attitude, ils donnaient l’impression qu’ils m’avaient reconnu et ciblé, car j'emprunte
souvent cette rue. Ils ont sans doute pensé que j'étais l'archétype du dealer, d’autant plus que jetais habillé en
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jogging et qu’ils doivent m’avoir vu assez souvent dans la rue avec ma fille. Je soupçonne qu'ils ont pensé à
tort que j’étais un dealer. Je fais le lien car ils ont vraiment insisté pour savoir ce que je faisais comme boulot
dans ma vie. Cette curiosité devait certainement être due au fait qu'ils avaient l'habitude de me voir dans la rue
Seulement, ils ont omis le fait qu’un Noir puisse être simplement un habitant normal de ce quartier et non un
dealer. Je leur ai fait cette observation. Ils m'ont rétorqué qu'ils ne se fiaient pas aux apparences, mais qu'au
contraire, ils avaient déjà eu à contrôler des gens d'apparence assez correcte avec un bébé ou un enfant dans les
bras et qui en réalité cachaient de la drogue dans la poussette du bébé ou dans les habits de l'enfant. Je leur ai
dit que je connais la chanson.
D’autant que ce n’est pas la première fois.
La première fois, c'était durant l'été 2013. J'étais au parc, vers le lac, avec ma fille encore une fois de plus.
J'étais assis tranquillement sur un banc. Non loin de là, ma fille était en train de jouer avec un ami africain.
Deux agents de police en voiture se sont garés sur le bas côté de l’avenue principale longeant le lac et se sont
dirrigés directement vers moi. Le parc était bondé de monde, apparemment des touristes. Après m’avoir salué,
les policiers m'ont demandé mes papiers. Je me suis exécuté non sans avoir demandé de me donner les raisons
de ce contrôle, et pourquoi j'ai été ciblé pour être seul dans cette foule à être contrôlé. Ils m'ont dit que je me
trouvais dans un quartier où se pratique le trafic de drogue et de surcroît, ce trafic est fait par mes
"congénaires". Je leur ai dit de faire leur travail, mais que je trouvais leur contrôle inapproprié, car je suis avec
ma fille et je n'ai rien fait qui puisse susciter un contrôle. Bref, j'ai dit toute mon amertume. Ils m'ont dit que je
devrais être content et rassuré pour ma fille pour le travail qu'ils font. Paradixalement, ils n’ont pas jugé utile de
contrôler les papiers du copain africain, sans doute parce qu’il était en train de jouer avec mon enfant..
La prochaine fois, je suis prêt à y laisser peut-être ma vie mais je ne permettrai plus de tels actes de contôle
devant ma fille. Cela dit, je fais tout pour éviter la rue de Monthoux, où officient quelques dealers, afin d’éviter
l'humiliation garantie !!! …
(Genève, décembre 2014)
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CHAPITRE 4
OBSERVATIONS GÉNÉRALES
Les observations générales suivantes sont tirées de l’analyse de cette première partie du rapport.
Le défi particulier des violences policières
L
e présent Rapport sur le racisme anti-Noir en Suisse, 2000-2014, construit principalement sur la base
des faits relevés dans les médias ou relatés par plusieurs témoignages, accorde une place de choix aux
violences policières. Celles-ci représentent en effet la manifestation la plus médiatisée du racisme antiNoir. Du reste, le premier fait relaté dans ce rapport l’illustre bien. Il porte sur une violence policière survenue
mi-janvier à Lausanne. Tout un symbole. D’autant que le journal (Le Temps, 16.01.2002) qui le relate n’hésite
pas à dénoncer l’incitation au racisme anti-Noir induit par le discours des autorités qui, à travers l’opération de
la police, tentaient « de faire croire à l’équation “Noir=dealer“». Plusieurs faits similaires, allant dans le
même sens, marquent également l’actualité du racisme anti-Noir en Suisse, années après années.
La création d’un Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse est tombée à point nommé. Les communautés
Noires de Suisse vivent plus que jamais dans un climat délétère qui fait focaliser sur elles, par leur visibilité,
une stigmatisation renforçant peurs et préjugés au sein de la population. Ceci a été aisément observable à
travers la répression des «dealers ouest-africains» transformée en criminalisation de communautés entières à
cause de leur épiderme et qui a sonné comme un défi à la toute nouvelle organisation antiraciste.
La forte médiatisation d’une lutte, certes nécessaire, contre des trafiquants de drogue, mais dirigée
ostensiblement sur les seuls revendeurs Noirs, a fini par assimiler à ce fléau tous les Noirs présents en Suisse,
en particulier les jeunes. Ainsi reconnus, les Noirs sont devenus effectivement un fléau à éradiquer, sinon à
contenir par tous les moyens. A travers des noms comme Strada, Alpha ou Delta à Lausanne, Boule de neige à
Bienne, NERO à Berne, etc. toutes les opérations de police lancées dans les grandes villes de Suisse n’ont visé
que les seuls dealers Noirs, exhibés et fustigés avec ostentation aussi bien par les polices que par certains
médias et de nombreux responsables politiques. Le phénomène complexe et multidimensionnel du trafic de
drogues en Suisse s’est ainsi trouvé réduit aux quelques dealers Noirs, pourtant maillon le plus faible, mais le
plus visible, d’une chaîne complexe.
Les dérapages policiers, avec interpellations au faciès, insultes, brutalités, fouilles anales sur la place publique
et autres humiliations gratuites n’ont pas manqué. Quasi-quotidiens, leur caractère répété, systématique,
généralisé à tous les cantons et ciblé sur les personnes de “race“ Noire ne peut être dû au seul hasard, ni à des
intentions isolées d’agents de l’ordre abusant de leurs fonctions, sans consignes venant d’en haut. Les
nombreux échos parvenus au CRAN autant que ses propres enquêtes sur le terrain sont accablants. Du reste, il
se dégage une adéquation saisissante entre les comportements policiers anti-Noirs, les pratiques administratives
anti-Noires de certaines communes, cantons ou services fédéraux (y compris les services de visas dans les pays
africains), les discours anti-Noirs de certains partis dominant l’échiquier politique et les tendances en définitive
anti-Noires que vont tracer sans équivoque les nouvelles lois sur l’asile et sur les étrangers (qui, par leur
visibilité, sont avant tout Noirs auprès de l’opinion publique). Cette adéquation laisse supposer qu’il y a une
politique anti-Noire à l’échelle de tout l’Etat Suisse et à tous les niveaux de son administration.
Page 165
Accablants aveux policiers
Depuis quelques années, grâce à son Observatoire du racisme anti-Noir en Suisse, le CRAN ne cesse d’attirer
régulièrement l’attention de l’opinion publique ainsi que des autorités cantonales et fédérales sur les brutalités
policières ciblées sur les personnes d’origine africaine, dans tout le pays. A la suite du CRAN, d’autres
organisations antiracistes ainsi que des observateurs européens (ex. ECRI, European Commission on Racism
and Intolerance) et internationaux (ex. le Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme) ont également dénoncé
ces pratiques indignes d’un état de droit. Malgré certains rapports pointus de la section suisse d’Amnesty
International, outre les nombreux communiqués du CRAN, la quasi totalité des autorités suisses n’a cessé et ne
cesse d’ignorer les multiples abus, au sein de leurs polices, à l’encontre des Noirs, à savoir :
-
Contrôles d’identité ciblés exclusivement sur les Noirs,
-
Dérapages verbaux, sous forme d’insultes ou sarcasmes à caractère raciste,
-
Dérapages physiques, sous forme de brutalités contre des personnes souvent plaquées au sol, quasi
étranglées (parce que suspectées de cacher la cocaïne dans la bouche) et menottées,
-
Fouilles au corps allant jusqu’au déshabillage avec fouille anale dans l’espace public ...
Toujours nié ou minimisé, ce faisceau de signes alarmants incompatibles avec les règles les plus élémentaires
de déontologie, et maintes fois dénoncés, vient enfin d’être confirmé par des révélations de policiers ou expoliciers lausannois. Leurs sidérants témoignages ont été recueillis par Le Matin Dimanche (30.9.2007),
quelques jours après la publication d’un rapport interne accablant sur la police lausannoise. On y affirme des
« passages à tabac dirigés spécifiquement contre les Africains », des insultes racistes et grossières du genre
« Enculé de nègre, rentre chez toi », des actions de nettoyage ethnique avec « déplacements » d’Africains hors
de la ville, ou encore des « ratonnades » menées en scandant des « On va chasser le Black ! ». Surtout, la
« perversité » de certains policiers est mise à nue : « Les Blacks se faisaient tabasser alors qu’ils n’avaient pas
de drogue sur eux et qu’ils possédaient des papiers en règle. Les rapports d’intervention faisaient état
d’agressivité du suspect pour justifier les hématomes » …
Il ne s’agit pas là de cas isolés. Ni des cas se limitant à la seule police lausannoise. Dans toute la Suisse, les
violences policières gratuites contre les Noirs sont légions, impunies et couvertes par l’assourdissant silence de
la classe politique dans son ensemble, voire stimulées par la haineuse verve anti-étrangers de certains partis
gouvernementaux, dont le plus important du pays, l’Union démocratique du centre (UDC) avec son leader
l’industriel multimillionnaire Christoph Blocher, Conseiller fédéral de 2003 à 2007. Les personnes d’origine
Noire ne se sont jamais senties aussi peu en sécurité et si peu respectées dans leur dignité.
Les répercussions d’une telle politique sont particulièrement désastreuses pour les citoyens suisses d’origine
africaine, spécialement les jeunes. Souvent nés ou ayant grandi en Suisse et possédant la nationalité suisse, ils
ne sont pas qu’insécurisés de plus en plus par les pratiques policières dirigées sans discernement sur les
personnes d’origine africaine. Ils se sentent niés dans leur identité suisse et exclus d’une société qu’ils sont
pourtant prêts à défendre l’arme à la main, puisqu’ils sont astreints au même service militaire comme tous les
jeunes du pays. Bien respectés dans leur belle tenue de recrue, mais pourchassés comme de vulgaires
délinquants dès qu’ils ont quitté leur protection vestimentaire. Déjà en manque de repères, ces jeunes sont
profondément atteints dans leur chair et leur identité brouillonne par ces pratiques ainsi que par les campagnes
médiatiques et politiques qui accompagnent celles-ci. Les affiches du Mouton noir de l’UDC, placardées sur
leur chemin d’école, ont profondément traumatisé de nombreux petits citoyens suisses d’origine africaine, ainsi
visiblement et violemment exclus de l’espace national.
Le Premier ministre britannique Sir Winston Churchill se plaisait à dire que « la qualité d’une nation civilisée
se mesure à la manière dont sa police utilise la force pour appliquer la loi ». Dans la Suisse du XXIème siècle,
engagée dans une post-modernité qui sera encore plus marquée par la diversité culturelle, ces propos restent
d’actualité. L’impunité ou l’indifférence qui accompagne les actes de racisme institutionnel à l’encontre des
ressortissants africains et autres sont incompatibles avec l’état de droit et les valeurs de tolérance. Il convient de
tout mettre en oeuvre pour dénoncer ces actes, les faire sanctionner et développer auprès des autorités
politiques surtout un plaidoyer en faveur d’un état de droit sans discrimination.
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Fossé entre Suisse alémanique et Suisse romande ?
Face au même phénomène de racisme anti-Noir toute la Suisse réagit-elle de la même manière? Certes, en
2006, au lendemain de la votation du 24 septembre sur le énième durcissement des lois sur l’asile et sur les
étrangers, sous l’impulsion du ministre de la justice et police Christoph Blocher, appartenant à un parti
ouvertement xénophobe, la Suisse allemande ou alémanique et la Suisse romande, qui ont toutes voté dans le
même sens, en faveur du durcissement de ces lois, vont vivre un peu différemment ce succès collectif.
En Suisse romande, le journal Le Courrier (7.10.2006) fera état de l’exemple d’un quartier de Genève entré
symboliquement en résistance, à peine connus les résultats de la votation. Les habitants des 14 et 16 chemin des
Ouches, à Carouge, étendront en effet une large banderole sur laquelle on pouvait lire : « Etrangers toujours
bienvenus. Résistons aux lois xénophobes ». D’autres actions seront également agendées afin de « refuser la
blochérisation de la Suisse ».
En Suisse allemande, un micro-trottoir réalisé à Zürich par le journal Blick (13.10.2006) donnera une idée de la
manière dont certaines personnes traduiront ces résultats : « Avant ces votations, les gens n'osaient pas
exprimer publiquement leur xénophobie. Mais maintenant ils se sentent plus forts, parce que 70% de la
population pense comme eux » (une femme originaire du Cameroun); « La peur est beaucoup plus grande chez
nos clients depuis la votation. Beaucoup de Noirs n'osent plus sortir de leur maison » (Glenda Loebell-Ryan de
l'organisation SOS Racisme, et métisse CH-Afrique du Sud); « Depuis deux semaines, j'ai moins de clients. Les
gens me disent souvent : je n'entre pas dans la voiture d'un étranger » (un conducteur de taxi turc) …
Toutefois, il ne s’agit que de différences d’approches. Sans trop généraliser, on peut dire que les Suisses
romands ont plutôt tendance à exprimer un racisme suggéré, très politiquement correct, tandis que les Suisses
alémaniques manifestent souvent brutalement cette même haine de l’étranger. Ainsi, si à Bex un élu a osé
badigeonner les murs de la ville avec des messages racistes (« Nègres go home ») en réaction contre la présence
de quelques dealers dans la ville, un tel acte est plutôt rare chez un politique romand et en Suisse romande en
général. C’est surtout en Suisse alémanique que, par exemple, les faits suivants ont lieu :
-
des élus, en particulier ceux de la mouvance UDC, arrivent à aller publiquement en croisade contre une
« africanisation » de Zürich (affiche électorale du parti des Démocrates Suisses),
-
un ministre fédéral, Christoph Blocher, leader de l’UDC, n’hésite pas à déclarer parler des Africains
comme des « personnes paresseuses, à abandonner à eux-mêmes »,
-
un autre ministre, cantonal cette fois, M. Hans-Jürg Käser, ministre bernois en charge de la Police,
n’hésite pas non plus à fustiger des « petits nègres » attirés par « l’Eldorado » suisse;
-
sans compter la violente campagne d’affichage sur le mouton noir chassé du pré suisse par d’autres
moutons, eux blancs.
Du reste, les campagnes d’affichage violemment xénophobes et racistes sont quasi exclusivement le fait de
l’UDC, pourtant premier parti de Suisse, dominé par les Suisses allemands et qui est même bien représenté au
sein des Suisses de l’extérieur, notamment en Afrique du Sud , à l’époque du système haineux d’apartheid13 …
Le présent Rapport sur le racisme anti-Noir de l’Observatoire du CRAN le reflète bien. Il n’existe donc pas de
fossé profond qui se manifesterait de manière récurrente à chaque expression d’opinion - à travers les votations
par exemple - entre Suisses allemands et Suisses latins. Seule la manière d’exprimer leur commun racisme antiNoir comporte un clivage.
Des faits de racisme marquants mais relativement lacunaires
Les faits liés à l’actualité du racisme anti-Noir en Suisse et relatés dans le présent Rapport sont extraits
essentiellement des coupures de presse. D’autres proviennent des témoignages qui parviennent au CRAN à
travers une enquête ou de la propre initiative des victimes.
Les faits récoltés dans la presse sont des actes, évènements ou situations marquants ou significatifs pour le
racisme anti-Noir dans toute sa dimension, incluant les actes de discrimination raciale, de xénophobie ou
13
L’UDC a en effet animé une section en Afrique du Sud du temps de l’Apartheid, dirigée par l’ancien conseiller national
UDC Ulrich Schlüer, défenseur du système haineux de l’apartheid [source : journal Le Temps, jeudi 4 mars 1999]
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d’intolérance qui peuvent y être associés. Ils ne consistent pas toujours en actes délictueux de racisme. Le
racisme étant du point de vue de la victime un univers qui n’est pas rempli seulement d’actes agressifs ou
stigmatisants portés contre elle, le CRAN a tenu à avoir ici une approche globale. Outre ces actes agressifs ou
stigmatisants directs (ex. agressions verbales ou discrimination à l’emploi ou au logement visant
spécifiquement des Noirs), dont certains peuvent tomber sous le coup de la loi lorsque posés publiquement,
d’autres peuvent y participer de manière indirecte (ex. mêmes actes visant les étrangers en général) ou
collatérale (ex. une opération policière ciblant des dealers devient criminalisation ou stigmatisation des Noirs).
Divers faits liés au suivi ou en réaction à un acte raciste ou au racisme en général relèvent aussi de cette
actualité du racisme. Ils peuvent se manifester notamment sur les plans judiciaire (ex. classement d’une plainte
par le procureur), de la société civile (ex. réactions de citoyens dans la rue, courrier des lecteurs d’un journal),
de la classe politique (ex. réaction d’un élu), ou encore quant à la vie à l’intérieur des communautés africaines,
potentiellement victimes de racisme, ou de la société en général (ex. un regroupement associatif ou une
manifestation à but antiraciste, l’organisation d’un débat sur le racisme, etc.). Ces faits peuvent avoir une
connotation certes négative pour les victimes, mais aussi positive (ex. nomination d’un Noir à un poste de haute
responsabilité ou dans un domaine, telle la banque ou le milieu académique, où il est rare d’en trouver).
En ce qui concerne le nombre des faits marquants du racisme anti-Noir en Suisse, et tels que tirés des médias
par l’Observatoire du CRAN, ils se repartissent comme suit, quantitativement, selon les années (2002-2014) :
FAITS MARQUANTS DU RACISME ANTI-NOIR RÉPERTORIÉS PAR LE CRAN (TOTAL : 415) :
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Sur l’ensemble des 13 années couvertes par le seul monitoring des faits marquants en lien avec le racisme antiNoir en Suisse, 415 ont pu ainsi être récoltés. Cela représente 32 faits en moyenne par année, soit entre deux et
trois faits relatés chaque mois dans les médias depuis 2002.
D’une manière générale, ces chiffres très inégaux ne sont évidemment pas représentatifs de l’état du racisme
anti-Noir en Suisse. Il est en effet très difficile de tirer une telle conclusion dans la mesure où la recolte des
données ne s’est jamais faite avec la même régularité, ni rigueur d’une année à l’autre. Le travail de notre
Observatoire s’effectue en effet sur une base de bénévolat, dans un cadre des plus précaires, sans aucun moyen
(bureau, télphone, permanence, abonnement à des journaux, etc.), durant toutes les années d’existence du
CRAN. Du reste, si les deux premières années (2002 et 2003) correspondent à la meilleure moisson de
données, c’est aussi parce qu’elles représentent les deux seules années où le SLR a daigné attribuer des moyens
financiers un peu plus conséquents au projet d’Observatoire du CRAN. Celui-ci devait ensuite voler de ses
propres ailes.
Femmes Noires préservées?
Une constatation majeure sur ces faits liés au racisme concerne le fait que les actes de discrimination aussi bien
relatés dans les médias ou qui nous arrivent sous forme de témoignages, semblent concerner plus les hommes,
en général jeunes, que les femmes. Bien que celles-ci soient moins nombreuses que les hommes, leur nombre
s’est accru au fil des années, au regard des chiffres de l’Office de la Statistique. La répartition entre hommes et
femmes tend, dans l’ensemble, quasiment à s’équilibrer, même si elle varie encore considérablement selon les
régions d’origine. Dans certaines communautés, par exemple camerounaise, elles seraient même plus
nombreuses que les hommes. En fait, on n’est pas moins raciste en Suisse envers les femmes qu’envers les
hommes. Certes, en se référant aux manifestations les plus anciennes de racisme, tel le racisme colonial qui
imprègne encore aujourd’hui les comportements Noirs-Blancs, force est de constater que la haine raciste a
souvent opposé deux mâles, le mâle occidental d’une part, se voulant dominant, supérieur, et le mâle africain
d’autre part, vaincu et maintenu dans une position de dominé, d’inférieur. Du reste, les défis coloniaux ont
quasiment exclu les femmes (européennes et africaines) des espaces de collaboration comme de confrontation
coloniales. Par ailleurs, la dimension sexuelle du racisme a contribué à renforcer cette haine raciste du mâle
occidental à l’égard du mâle africain perçu tantôt comme un rival (face à la femme africaine), tantôt comme
une redoutable menace (face à la femme européenne). Il n’en demeure pas moins qu’une telle animosité ne peut
être totalement absente, évacuée, lorsque les deux mâles se rencontrent sur un trottoir genevois, dans le même
rapport de forces inégal, avec tous les ressentiments de part et d’autre.
En fait, comme dans l’environnement colonial, iI s’agit d’opportunités, moindres face aux femmes,
marginalisées dans le rapport de forces Blanc-Noir, et bien amples face aux hommes, auxquels l’homme Blanc
est le plus confronté. La focalisation sur les hommes épouse dès lors, dans les faits de racisme relevés dans ce
Rapport, les mêmes contours que les formes les plus récurrentes de racisme anti-Noir en Suisse. Les délits de
faciès, plus fréquents et qui ont beaucoup plus cours dans l’espace publique, et souvent en lien avec une scène
de la drogue quasi exclusivement animée par des jeunes gens, auront ainsi tendance à viser beaucoup plus ces
derniers que toute autre personne Noire.
Une autre constatation majeure à propos des faits racistes est le paradoxe d’une démarche prenant appui sur la
modalité du cadre de rencontre homme Blanc-homme Noir, à savoir le délit de faciès favorisé par la présence
de la scène de la drogue. Or, cette scène semble être animée majoritairement par de jeunes gens ressortissants
des pays d’Afrique de l’Ouest. Cette caractéristique devrait impacter sur la focalisation des personnes victimes
de ce délit. Les faits montrent au contraire que l’impact va au-delà du spectre des nationalités ouest-africaines.
Des Suisses, Noirs ou métis d’origine africaine, comme des ressortissants de n’importe quel autre pays se
retrouvent dans le viseur du délit de faciès indépendamment de leurs origines, dès le moment qu’ils sont Noirs
et relativement jeunes.
Par ailleurs, les quelques données recueillies ici proviennent majoritairement de la Suisse romande. Cela n’est
pas non plus représentatif du visage du racisme anti-Noir en Suisse. Cette situation n’est que la conséquence du
très peu de moyens à notre disposition. Lesquels ne nous permettent d’accès relativement faciles qu’aux seules
sources d’information de Suisse romande ou de langue française. Les apports internes du CRAN en provenance
de la Suisse alémanique et obtenus également à partir des moyens personnels, n’ont pas toujours été
suffisamment constants et substantiels. Ces handicaps ne nous ont pas ainsi permis de recueillir autant de
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données que possible dans les régions alémaniques. Ils ont pesé lourd sur la sous-représentation des régions
alémaniques proportionnellement à leur importance démographique et à leur poids social. D’autant que ces
régions, en raison de ces facteurs sont plus productives de faits de racisme. Toutefois, les lacunes de notre
monitoring ont été relativement atténuées par l’accessibilité de sites bilingues de certaines institutions ou
organisations antiracistes (CFR, SLR, GRA, etc.), malgré la modicité de leurs données quant au racisme antiNoir spécifiquement.
Un Monitoring et un suivi des témoignages relativement défaillants
L’enquête qui ouvre ce Rapport participe également à cette compensation de données lacunaires sur le racisme
anti-Noir en Suisse. Menée par le CRAN entre 2000 et 2003, elle livre également plusieurs indications sur les
faits liés au racisme anti-Noir dans le pays. Certes, les données recueillies datent un peu aujourd’hui. Elles n’en
demeurent pas moins toujours actuelles, notamment quant aux violences policières anti-Noires. Elles
permettent ainsi d’éclairer une situation qui n’a pas beaucoup évolué depuis. Du reste, une nouvelle enquête de
grande envergure va être menée par le CRAN en prévision des Secondes Assises du Racisme anti-Noir d’avril
2015. Ses résultats seront d’un grand apport à la fois scientifique et pratique, et constitueront un complément
important au présent Rapport.
Par ailleurs, l’actualité du racisme anti-Noir en Suisse est également souvent ponctuée par les propres
contributions des premiers concernés, les victimes. Les témoignages que nous avons recueillis au fil des années
sont une expression à la fois vivante et convaincante des drames infligés à une catégorie de personnes par une
idéologie annihilante. Toutefois, ici aussi, le manque de moyens à notre disposition ne nous a pas permis
d’effectuer un monitoring plus large, à l’échelle de toute la Suisse. Les manifestations de racisme anti-Noir
révèlent en effet un grand besoin d’écoute et éventuellement de plaidoyer (advocacy). Il est évident qu’une
demande d’écoute et d’intervention adressée par une victime depuis St-Gall au Secrétaire général, à Genève,
risque fort de ne pas être honorée en raison du manque de moyens adéquats entre les mains de ce dernier.
Pas de Success Stories, et des faits loin d’être exhaustifs
On dénombrera très peu de Success Stories dans le présent Rapport. Les actes de racisme anti-Noir relatés ici
connaissent très peu d’issues heureuses ou tout simplement satisfaisantes. Les faits portés devant les tribunaux
sont parmi ceux qui sont le plus classés sans suite. Il arrive même souvent que les procureurs ne daignent même
pas accuser réception des dénonciations qui leur sont adressées, comme le CRAN l’a déjà expérimenté nombre
de fois. A Genève, le procureur a même été jusqu’à braver un Conseiller fédéral qui lui avait adressé une
importante et déterminante pièce à conviction dans un cas de racisme à un guichet postal, préférant classer
l’affaire. Curieusement, les très rares affaires portées en justice et gagnées par les victimes sont majoritairement
situées dans le canton de Vaud. L’implication personnelle et très militante de quelques avocats locaux (ex. Me
Michel Dolivo ou Me Tafelmacher) n’y est pas étrangère, autant que l’action sans relâche menée par ACOR
SOS Racisme, du moins à l’époque où elle bénéficiait de financements.
Ce peu de success stories contribue certainement à nourrir les sentiments d’impuissance et la passiveté des
victimes face aux actes de racisme. Le phénomène contribue sans doute aussi à renforcer le sentiment
d’impunité au sein de la police autant que le peu d’intérêt porté au racisme anti-Noir en particulier par les
médias et les hommes politiques. On a vu ainsi une chaine publique de télévision (la RTS), s’associer avec un
corps de l’Etat (la police lausannoise) pour une action en direction des dealers sans aucune distance crittique de
cette chaine, malgré des échos sur les mauvais traitements policiers. On est en effet rarement critiqué lorsqu’on
s’en prend aux Noirs. La success story est ainsi souvent du côté des Perpetrators que des victimes. Il s’agit là
d’une caractéristique non moins négligeable des faits reportés dans ce Rapport.
Page 170
DEUXIÈME PARTIE
ACTUALITÉ DE
L’ACTION DU CRAN
ACTIONS DIVERSES ET
PRISES DE POSITION
Page 171
CHAPITRE 1
ACTIONS DIVERSES ET MAJEURES
DU CRAN
Depuis sa création, le CRAN n’a cessé de mener de nombreuses actions sur le terrain de la lutte
contre le racisme anti-Noir. Très peu répercutées, notamment dans les médias, ces actions sont très
peu connues du public. En outre, la perte à deux reprises, par le secrétaire général, de son
ordinateur portable, n’a pas aidé à la préservation des documents du CRAN comme de sa mémoire.
C’est la raison pour laquelle les actions qui suivent sont très loin de refléter l’ensemble de ce qui a
été mené par le CRAN toutes ces dernières années.
Il existe également des disparités entre les années, les premières étant bien plus pourvues que les
suivantes. Cela est surtout dû, outre les raisons déjà évoquées sur la perte de données, à un
essoufflement constaté au fur et à mesure que les activités se concentrent sur moins de personnes
du comité. Le manque de moyens auxquels a été vite confronté le CRAN afin de pouvoir réaliser sa
mission et atteindre ses objectifs a beaucoup pesé sur le volume d’actions à mener. Celles-ci se sont
ainsi malheureusement réduites à la production de communiqués de presse et autres déclarations
publiques, comme l’atteste plus loin le second chapitre, dont les coûts de production sont moindres.
ACTIONS DU CRAN - 2002
Actions au sein des communautés Noires
-
Aide à la mise en place d’une structure Noire :
Le CG a aidé à mettre en place à Zürich, en juillet 2002, l’association Eltern Forum Multi-Color. Celle-ci réunit les
parents (biologiques et adoptifs) d’enfants Noirs.
-
Rencontres avec des organisations du terrain :
Le 31 août 2002, le CRAN a partagé avec le RCOA (Rassemblement des communautés africaines de Bienne) et
l’association CASA (Centre Alliance Suisses-Africains) de Berne une réunion de travail incluant l’association suisse
Brennpunkt Welt sur les techniques de sensibilisation au racisme.
Page 172
Le 7 septembre 2002, le CRAN a participé aux manifestations “Rencontre entre Africains et Amis de l’Afrique“
organisées à Berne par l’Association culturelle des Africains de Suisse (ACAS), incluant des conférences, de la
gastronomie, etc.
-
Reprise de l’enquête sur le racisme anti-Noir en Suisse :
Depuis octobre 2002, afin de recueillir le plus de témoignages sur le racisme anti-Noir, l’enquête organisée en mai-juin
2000 par le GRAN (Groupe de Réflexion et d’Action contre le Racisme anti-Noir) est étendue à autant de membres des
communautés Noires de Suisse. Le dépouillement et les résultats seront rendus publics avant la fin de l’année.
-
Visite de lieux d’accueils de requérants d’asile et de prisons :
Les 29 et 30 décembre 2002, des membres du CG se sont rendus dans un centre pour requérants d’asile où résidait un
Nigérian victime de brutalités policières, à sa sortie d’hôpital. (voir aussi sous Actions extérieures).
Des visites de prisons et d’autres centres de requérants sont prévues, dans le but d’entrer en contact avec une
population Noire qui vit de manière très isolée.
Synergies avec des organisations suisses
Actions collectives :
-
Mise en place, en mars 2002, avec l’Association romande contre le Racisme (ACOR) SOS Racisme, la Ligue contre le
Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), et d’autres organisations de Suisse romande, d’une série de rencontres ayant
pour objectif d'examiner comment étendre, sur la base des premières expériences menées en Valais par la LICRA,
l'utilisation de courts-métrages sur le racisme auprès d'établissements scolaires du secondaire et du secondaire
supérieur. Malheureusement, après la rencontre avortée du 20 avril 2002, cette expérience n’a pas connu de suite.
-
Le 31 août 2002, le CRAN a répondu à l’invitation de l’organisation suisse Brennpunkt Welt pour discuter avec
d’autres associations africaines (RCOA; CASA) des outils de sensibilisation au racisme mis au point par cette
organisation. D’autres rencontres devront se tenir ultérieurement afin de consolider cette collaboration naissante.
-
Participation à une plate-forme anti-UDC mise en place en octobre 2002 en Suisse alémanique par plusieurs
organisations syndicales et de lutte pour les droits des étrangers, afin de faire campagne contre l’initiative UDC contre
le droit d’asile.
Dans ce cadre, le CRAN a participé avec les autres organisations de la plate-forme, à la conférence de presse commune
du 24 octobre 2002 à Zürich, et à la manifestation du 26 octobre dans la même ville.
-
Début, en novembre 2002, d’un travail d’élaboration d’un projet commun de sensibilisation au racisme dans les
maisons de quartier de Zürich, avec l’organisation Gemeinschaft Zenter.
Collaborations-participations :
Il s’agit de participations à des manifestations organisées dans un cadre suisse et auxquelles le CRAN a collaboré en y
apportant sa contribution par un exposé en général sur le racisme anti-Noir en Suisse et sur le rôle du CRAN, ainsi que par
une participation au débat.
-
Participation du CRAN à la Journée consacrée aux Droits de l’Homme et au racisme, à Genève, le 10 décembre 2002.
-
Participation à la rencontre de Noël contre l’exclusion et pour l’intégration, à Aarau.
-
Participation du CRAN à deux rencontres organisées en novembre et décembre par le Forum pour l’intégration des
Migrants (FIMM), basé à Berne. La première rencontre réunissait les associations africaines de Suisse avec les
responsables du FIM, la seconde consistait en une assemblée générale.
Relations avec les autorités et autres responsables :
-
Octroi au CRAN, par le SLR, d’un subside de CHF 20’000, afin de mettre en place son Observatoire sur le racisme
anti-Noir en Suisse.
-
Echange de lettres, en septembre 2002, avec les autorités de Buchs (Buchser Gemeinderat), après leur refus en mai
2002 d’accueillir des requérants d’asile Noirs sur leur commune
-
Lettre au Secrétaire général du Département fédéral de l’Intérieur (en charge des questions sur le racisme) portant à sa
connaissance la Déclaration citée ci-dessus.
-
Mise en place en novembre 2002 d’une collaboration avec la Commission fédérale contre le racisme (CFR) et l’Institut
d’Etudes Sociales (IES) de Genève, pour une importante étude sur le racisme anti-Noir en Suisse. Le CRAN, en la
personne de Carmel FRÖLICHER-STINES plus spécifiquement, Vice-Présidente, a été chargé des aspects
Page 173
conceptuels, organisationnels et opérationnels. L’IES a été chargé de la supervision scientifique. La CFR finance et
pilote le projet.
Publications :
-
Racisme anti-Noir, numéro spécial de la revue Regards Africains (Genève), été-automne 2002. Ce volumineux numéro
a été réalisé et produit avec la collaboration du CRAN et le soutien financier du Service de lutte contre le racisme
(SLR). Il contient notamment un reportage complet « Spécial Durban » sur les enjeux Noirs à la Conférence mondiale
sur le racisme (août-septembre 2001)
ACTIONS DU CRAN - 2003
Actions au sein des communautés Noires
-
Rencontres de sensibilisation au sein des communautés noires de Suisse :
Le 4 janvier 2003, à Genève, Conférence sur “Racisme & Intégration“, en association avec Regards Africains, à la
veille des premières Assises de l’Intégration organisées par l’Etat de Genève.
D’autres conférences de même type sont déjà prévues à Bienne, Berne et Zürich, toujours en collaboration avec des
organisations Noires locales. Le CG attend du reste d’autres propositions émanant d’organisations implantées dans
d’autres villes.
-
Ouverture d’un Forum de discussion :
Afin de pouvoir rester à l’écoute et favoriser l’échange avec et au sein des communautés Noires de Suisse, le CG a
lancé fin janvier 2003 une liste de discussion qui est très animée et qui rencontre aujourd’hui beaucoup de succès.
Son adresse est la suivante : "forum-cran" <[email protected]>
Pour s’y inscrire (ou se désinscrire) automatiquement, il suffit juste d’envoyer un email sans autre message à ces
adresses différentes :
- Pour s’inscrire : [email protected]
- Pour se désinscrire : [email protected]
Synergies avec des organisations suisses
Collaborations-participations :
Il s’agit de participations à des manifestations organisées dans un cadre suisse et auxquelles le CRAN a collaboré en y
apportant sa contribution par un exposé en général sur le racisme anti-Noir en Suisse et sur le rôle du CRAN, ainsi que par
une participation au débat.
-
Participation du CRAN aux deux journées organisées par le SLR en vue de sensibiliser à la lutte contre le racisme et au
financement des projets allant dans ce sens, le 14 janvier (à Olten, pour la Suisse alémanique) et le 15 janvier 2003 (à
Yverdon, pour la Suisse romande).
-
Participation le 20 février, à Vevey, à la Conférence-débat organisée par l’Association contre l’Exclusion, sur le thème
“Le racisme, de l’écoute à la prévention“.
-
C’est sous le titre « Trafic de drogue : les Africains accusent les policiers de porter préjudiceà la communauté Noire
de Suisse » qu’une soirée-débat a été organisé à Bienne, le 19 septembre par le Rassemblement des Communautés
Africaines (RCOA) en collaboration avec le centre de consultation pour la jeunesse et les parents, Drop-in. une soiréedébat dans la ville de Bienne dans le canton de Berne. Le débat qui avait pour thème , drogue, prévention et répression
avait réuni autour d‚une table deux représentants de la police (un représentant de la police cantonale bernoise et le
commandant de la police de Bienne), trois représentants du Carrefour de Réflexion et d’Action contre le Racisme AntiNoir (CRAN), la conseillère de ville Mme Félicienne Villoz et présidente de la RCOA, la directrice d’un centre de
requérants d’asile à Bienne, le directeur de Drop-in et Monsieur Luterbacher, journaliste qui dirigeait le débat. Plus
d’une cinquantaine de personnes ont assisté et participé à la soirée.
Relations avec les autorités et autres responsables :
Page 174
-
Contacts en janvier 2003 avec la CFR concernant le cas d’un requérant d’asile victime de brutalités policières l’ayant
conduit à l’hôpital, dans le canton de Lucerne.
-
Contacts en février 2003 avec la Commission fédérale contre le racisme (CFR) concernant le cas d’une Africaine
victime d’un traitement abusif à la douane de Bardonnex (GE).
Contacts avec les institutions internationales :
Le CRAN a rencontré une délégation de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), basée à
Strasbourg, est venue en Suisse en février 2003 pour son rapport périodique sur la lutte contre le racisme en Suisse.
C’était la première fois qu’ECRI rencontrait une organisation active spécifiquement sur le racisme anti-Noir. Les
membres de la délégation ont été extrémement sensibles aux activités du CRAN et à la situation des Noirs en Suisse,
en ce qui concerne le racisme.
-
Publications :
-
Rapport sur l’Actuatlité du racisme anti-Noir en Suisse, 2002-2003.
ACTIONS DU CRAN - 2004
Actions au sein des communautés Noires
-
Le CRAN a suivi un certain nombre d’affaires qui lui ont été soumises par les victimes ou d’autres personnes,
souvent pour des violences policières. Nous avons particulièrement suivi Monsieur Boris H.. de Lausanne ( policice)
Synergies avec des organisations suisses
-
Atelier « Stratégies de lutte contre le racisme anti-Noir », à Bienne, 29.09.2004
Animé par le CRAN en partenariat avec Regards Africains (Genève), dans le cadre des manifestations « Ensemble
pour la Paix », afin de mieux combattre les préjugés et favoriser une culture de paix dans la société suisse.
-
Colloque „Être Noir en Suisse - Entre Racisme et Intégration“, 30.10.2004, à la Paulus Akademie, Zürich
Colloque ouvert aux Personnes migrantes et aux Suisses
Co-organisé par le CRAN et la Paulus Akademie Zürich
Avec la participation des associations suivantes : Communauté Africaine du Tessin, Femmes Arc-en-ciel Bienne,
FIMM Schweiz Forum für die Integration von MigrantInnen, Forum gegen Rassismus, Regards Africains,
Afrikabern, Sankofa Plattform für Menschen Afrikanischen Erbes, Solidarité sans frontières , Treffpunkt Schwarze
Frauen Zürich, Women of Black Heritage
-
Le CRAN a organisé à Bienne et Zürich des séances de projection suivie de débat du film « Noirs dans les camps
nazis » de Serge Bilé, journaliste franco-ivoirien sur la chaine France Ô, aux Antilles, en présence du réalisateur.
Cette action a été menée en synergie avec l’Association des Jeunes d’origine africaine qui avait invité le réalisateur
avec son film à Genève
Publications :
-
Vos Droits face à la Police! Renforcement des capacités juridiques des Noirs,.édition française, Berne, mars 2004, 50
pages. Produit avec le soutien financier du SLR
Page 175
ACTIONS DU CRAN - 2005
Actions au sein des communautés Noires
-
Le CRAN a suivi un certain nombre d’affaires qui lui ont été soumises par les victimes ou d’autres personnes, souvent
pour des violences policières. Nous avons particulièrement suivi …
-
Publications :
-
Etre Noir en Suisse, étude menée par la présidente du CRAN, Carmel Fröhlischer-Stines, avec une autre membre du
CRAN, Kelechi, sous l’égide de la Commission Fédérale de lutte contre le Racisme (CFR) et dont la presse, dans sa
globalité en a donné large écho en début d’année 2005
-
Rapport sur l’Actuatlité du racisme anti-Noir en Suisse, 2004-2005 (rapport intermédiaire).
ACTIONS DU CRAN - 2006
Synergies avec des organisations suisses
Actions synergiques :
-
Organisation de la 1re Conférence européenne sur le racisme anti-Noir en Europe, 17-18 mars 2006, à Genève
(Conseil oeucuménique des Eglises), en présence d’un grand public, de délégations de plusieurs pays européens
(Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne, France, Italie, Russie, Suède, etc.) et des personnalités suivantes :
-
M. Lilian Thuram, star de football, engagé dans la lutte anti-raciste
M. Doudou Diene, Rapporteur spécial de l’ONU pour les questions de racisme
Mme Marilia Schüler, Centre œcuménique des Eglises
M. Nchama Melchor, Président du Conseil municipal de Grand Saconnex
M. Laurent Moutinot, Conseiller d’Etat, Genève
Mme Nathalie Prouvez, Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD)
Mme Claudia Lam, Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance (ECRI)
M. Pierre Sob, Haut Commissariat aux Droits de l’Homme
M. Meinrad Studer, Direction du Développement et de la Coopération (DDC)
Mme Boël Sambuc, Vice-présidente de la Commission fédérale contre le Racisme (CFR)
M. Francis Matthey, Président, Commission fédérale des Etrangers
Une Déclaration de Genève sur le racisme anti-Noir en Europe a été adoptée
-
Réunions avec NCBI, Mouvement pour la Dignité des Noirs et LICRA pour l’organisation commune d’une
manifestation sur le racisme anti-Noir en Suisse. Malheureusement les préparatifs seront interrompus en raison du
véto opposé par la LICRA à la proposition du CRAN d’une intervention à effectuer par son ex-Secrétaire général,
Mutombo Kanyana, aujourd’hui en charge du Programme de lutte contre le racisme et la discrimination à l’UNESCO,
à Paris. Il est reproché à ce dernier des propos jugés antisémites par le comité de la LICRA, mais qui n’ont pas
convainu le comité du CRAN, lors de sa rencontre avec le président de la LICRA et de M. Mutombo, à Lausanne.
-
Participation aux préparatifs et à la Rencontre avec M. Blocher, à BE, le 5 novembre 2006, à la suite des propos jugés
diffamatoires par les communautés africaines de Suisse et tenus par ce dernier (voir Communiqué de presse du 17
octobre 2006)
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ACTIONS DU CRAN - 2007
-
Participation à Berne à plusieurs rencontres avec d’autres organisations et ayant débouché sur la mise en place le 9
février d’un Observatoire du droit d’asile en Suisse
-
Participation au Parcours culturel 2, organisé à Bienne par le Musée Schwab. Organisation de manifestations « Autour
du Baobab » (séminaires, soirées-palabres sur l’Afrique et la présence africaine en Suisse), entre janvier-juin 2007
-
Participation à « Swissblack », expo photos organisée par NCBI à Zug
-
Ouverture d’une représentation CRAN à Sion, avec Anne Tornay, membre du comité élargi du CRAN
-
Rencontre à Berne avec les représentants d’Amnesty et de la Police de BE autour de la question des interpellations au
faciès et des brutalités policières
-
Participation du CRAN à la Merche silencieuse et blanche organisée par la Communauté rwandaise le 30 juin, pour
honorer la mort de l’étudiante rwandaise, Ange Mugeni, assassinée dans un train en gare de Genève le 31 mai
-
Le CRAN signe le 27 août avec plusieurs associations, sous l’égide du Collectif des organisations de la Diaspora
africaine en Suisse, un communiqué de presse commun, « Emotion, inquiétude et colère dans la communauté
africaine », à la suite de l’agression de trois Africains par des Skinheads à Genève, dans la nuit du 8 au 9 août, venant
après la mort suspecte d’une étudiante Noire trouvée étranglée dans un train en gare de Genève, le 31 mai.
-
Le CRAN a participé le 5 novembre, au Palais fédéral à Berne, à une rencontre avec M. Christophe Blocher,
Conseiller fédéral en charge du département de Justice et Police, qui recevait la délégation d’une dizaine de
représentants d’organisations de la Diaspora africaine en Suisse. Cette rencontre demandée par ces derniers fait suite
aux propos insultants sur les Africains et l’Afrique, attribués à M. Blocher, par le journal Le Matin Dimanche du 15
octobre 2006. Un long Mémorandum a été remis au ministre..
ACTIONS DU CRAN - 2008
Actions au sein des communautés Noires
-
Le CRAN a suivi un certain nombre d’affaires qui lui ont été soumises par les victimes ou d’autres personnes, souvent
pour des violences policières. Nous avons particulièrement suivi Monsieur Elisée L.K.. de Bienne.
Action en justice :
-
Le CRAN demande au Procureur genevois Daniel Zapelli d’ouvrir une enquête pour violation de l’article 261 bis du
Code Pénal suisse, contre Messieurs Pascal BERNHEIM (auteur de la revue de Genève), Michel ZENDALI
(animateur de l’émission de la TSR « tard pour bar ») et Gilles PASCHE (chef du département de l’information et
magazines à la TSR), après des propos racistes et déshumanisants à l’encontre des Noirs entendus sur la chaîne
publique. Parlant de l’humoriste Dieudonné et en rapport avec la couleur noire de sa peau, M.Bernheim avait déclaré :
« Il n’est pas futé parce que c’est un Nègre », dans l’émission animée par M. Zendali, sous la responsabilité de M.
Pasche.
Aucune suite du Procureur.
Contacts avec les institutions internationales :
-
Le CRAN a rencontré une délégation de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI),
basée à Strasbourg, s'est rendue en Suisse en septembre 2008 pour son rapport périodique sur la lutte contre le
racisme en Suisse
-
Rencontre avec une délégation de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), à Berne,
15.9.2008, sur l’état du racisme anti-Noir en Suisse et de la lutte menée contre ce féau du point de vue de
l’engagement de l’Etat, en vue d’un Rapport périodique sur la Suisse à intervenir par la suite.
Publications :
-
Racisme anti-Noir. Actes de la 1re Conférence sur le racisme anti-Noir (Genève, 17-18 mars 2006), 2008, 292 pages.
Produit avec le soutien financier du SLR
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ACTIONS DU CRAN - 2009
-
Plusieurs actions ont été menées en faveur de quelques personnes qui se sont présentées au CRAN, notamment à GE,
dans les locaux de l’UPAF.
-
Bientôt sous l’impulsion du BIE, lancement d’un centre d’écoute avec une coalition d’associations antiracistes.
-
Participation au Forum des ONG à la Conférence sur l’examen du Suivi du Plan d’action de Durban, à Genève, en
collaboration notamment avec l’Université populaire africaine (UPAF) qui a associé le CRAN à l’organisation de
certaines manifestations.
-
Le CG du CRAN a été généralement, dans le cadre de ses activités et du travail de synergie avec les institutions et les
organisations soeurs, invité à plusieurs autres rencontres ou manifestations.
ACTIONS DU CRAN - 2010
-
Participation à la Semaine d’actions contre le racisme à Genève, organisée par l’UPAF (Université populaire
africaine), 15-20 mars, à Genève
-
Participation du CRAN à la manifestation contre la mort d’un Nigérian lors de son expulsion de la Suisse (Berne,
27.03.2010) : manifestation de protestation « PLUS JAMAIS CA! »
-
Liquidation du bureau loué par le CRAN depuis 2008 à Bienne dans des anciens locaux de la Poste-Gare. Payé par
les contributions des membres du comité, le coût était de plus en plus onéreux.
ACTIONS DU CRAN - 2011
Actions au sein des communautés Noires
-
Le CRAN a suivi un certain nombre d’affaires qui lui ont été soumises par les victimes ou d’autres personnes, souvent
à propos des violences policières. Nous avons particulièrement suivi Monsieur Lembo K. de Berne.
Actions synergiques :
-
Faisant suite à une rencontre à Neuchâtel, le 9 juillet, à l’occasion du débat organisé par Coopéraxion (Berne) sur le
Millénaire de la Ville de Neuchâtel et ses omissions, le CRAN offre son partenariat à l’historien Hans Fässler et à son
groupe, pour la réalisation d’une exposition itinérante en Suisse sur la figure scientifique et raciste qu’est le
glaciologue neuchâtelois Louis Agassiz. Comme partenaire, le CRAN est prêt à s’associer notamment aux recherches
de fonds nécessaires pour réaliser ce projet. Celui-ci est en effet d’une grande utilité pédagogique ainsi que pour la
sensibilisation sur le racisme et sur les facettes peu connues de certaines figures historiques suisses.
Hans Fässler et son groupe initient déjà une action « Démonter Louis Agassiz », visant à débaptiser le glacier
Agassizhorn, dans le canton de BE.
-
Participation à la Semaine d’actions contre le racisme à Genève, organisée par l’UPAF (Université populaire africaine),
14-21 mars.
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-
Le SG a représenté le CRAN à Berlin comme observateur lors d’un procès contre la police. Un Guinéen, Jallow Ba, a
été calciné dans sa cellule il y a quelques années ; suite à cela, les policiers avaient été innocentés. En appel, le
jugement a été cassé. Un nouveau procès a été lancé.
ACTIONS DU CRAN - 2012
Relations avec les autorités et autres responsables :
-
Le CRAN a participé à une rencontre qui s’est déroulée au siège de la Police lausannoise, le 16 avril 2012, de 10h à
12h env., à l’invitation de quelques uns de ses cadres et à l’instigation des autorités politiques (Mme De Quatro, en
charge de la Police) qui avaient été interpellées dans le Communiqué du CRAN. La délégation du CRAN était
composée de AL et MK. Les discussions ont été modérées par le Major Pillot. Si la Police a mis l’accent sur le
caractère excessif pour elle du Communiqué, le CRAN a insisté sur le respect des droits humains et de la dignité des
personnes arrêtées autant que sur le caractère inégal d’une lutte contre la drogue qui ne se focalise, avec force
médiatisation, sur les seuls vendeurs, Noirs en général, et jamais sur les acheteurs-consommateurs tout autant punis par
la loi. Outre les clarifications apportées de part et d’autre, notamment par le Délégué à l’éthique, l’adjudant Patrice
Boillat, la rencontre a débouché sur la mise en place d’un contact permanent, à travers le capitaine Christian Pannatier
chef de la division proximité de la police de Lausanne.
Actions synergiques :
-
Depuis le 1er janvier, un nouveau membre du CRAN occupe le siège de notre organisation au sein de la Commission
fédérale contre le racisme. Il s’agit de Céleste Ugochukwu, qui remplace Carmel Fröhlischer-Stines
-
Inauguration à Grindewald (Heimatmuseum), le 29 juin, d’une exposition (jullet-septembre 2012) sur le glaciologue
raciste Louis Agassiz réalisée par l’historien Hans Fässler et son groupe, en partenariat avec le CRAN, représenté au
vernissage par son SG.
-
Un atelier de sensibilisation au racisme anti-Noir a été animé par le CRAN le 31 mars 2012 à Bienne, dans le cadre des
activités de l’association SwissMinors destinées aux jeunes.
ACTIONS DU CRAN - 2013
Aide aux victimes, notamment aux personnes suivantes :
-
J-M.T., en butte à des tracasseries administratives et des actions néfastes de la part des services sociaux qui
menaceraient sa famille (3 enfants avec une Suissesse menacés de placement en institution) ; malgré une bonne
formation, difficulté à trouver du travail. Il se sent surtout psychologiquement persécutés. Etc. Plusieurs rencontresont
dû être agendées, à Genève. Conseils pratiques prodigués.
Prise en charge et suivi par Mutombo Kanyana
Synergies avec d’autres organisations
-
Participation à la Semaine de lutte contre le racisme, organisée par l’UPAF à Genève. Des membres du comité sont
intervenus dans des conférences-débats;
-
Sensibilisation et Education (Fribourg, 22.03.2013): dans le cadre de la Journée internationale pour la prévention du
racisme, le CRAN a été invité à une conférence-débat sur le thème « Apprendre à connaître l’histoire de l’autre pour
mettre fin à l’indifférence », par l’ONG CORPUS (Corps de Réflexion et de Planification pour l’Unité Sociale). Ce
travail de sensibilisation a été très apprécié. L’ONG CORPUS fait un travail de terrain focalisé sur l’encadrement de la
jeunesse.
-
Représentation du CRAN à Paris, Bruxelles (à l’Union Européenne, du 13 au 17 mai, à l’invitation du député Vert
européen Jean-Jacob Bicek, natif de la Guadeloupe), Nantes par son SG dans le cadre des actions menées pour la
Mémoire Noire et les Réparations;
Page 179
-
Participation du CRAN comme membre actif au Centre d'écoute à Genève (opérationnel depuis 2013). A rappeler que
ce Centre d'écoute est géré par un Collectif d’associations antiracistes (ACOR SOS Racisme, LICRA, CICAD, LSDH,
outre le CRAN qui en assure la présidence à travers son SG depuis la création du Centre en 2011);
Relations avec les institutions :
-
Le CRAN a rencontré une délégation de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) est venue
en Suisse du 21 au 25 octobre 2013, pour son rapport périodique sur la lutte contre le racisme en Suisse
ACTIONS DU CRAN - 2014
Synergies avec d’autres organisations
-
Participation à la Semaine de lutte contre le racisme, organisée par l’UPAF à Genève. Des membres du comité
sont intervenus dans des conférences-débats;
-
Participation à la publication et à la rédaction du TANGRAM (bulletin de la CFR), dont le thème du dossier
spécial portait sur le racisme anti-Noir.
-
Participation en septembre 2014 à la Pétition contre Ebola (laboratoires en Afrique)
-
Prévention et Dialogue (Fribourg, 01.10.2014): Participation du CRAN à une rencontre avec la police de
proximité organisée par l’ONG Corpus de Fribourg, à l’occasion des 10 ans de l’Espace Interculturel Passerelles,
dans les locaux de l’Espace Passerelles à Beauregard 32. Cette rencontre fait suite aux plaintes récurrentes des
jeunes Noirs, de certains quartiers de Fribourg, de subir des contrôles et fouilles quotidiens injustifiés de la part de
la police de proximité alors que leurs amis blancs ne le sont jamais.
-
Lancement d’une campagne de boycott des magasins Migros, à la suite du refus des dirigeants de retirer leur
publicité consacrée à la lessive Total, à connotation raciste, et à présenter des excuses aux communautés Noires
-
Participation à la Semaine d’actions contre le racisme à Genève, organisée par l’UPAF (Université populaire
africaine), 14-27 mars, à Genève
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CHAPITRE 2
PRISES DE POSITION
DU CRAN
COMMUNIQUÉS DE PRESSE
DÉCLARATIONS PUBLIQUES
LETTRES OUVERTES
APPELS
MÉMORANDUMS
PLAINTES DÉPOSÉES DEVANT LA JUSTICE
ETC.
Un certain nombre d’actes racistes ou de discrimination ont été signalés au CRAN. D’autres nous ont
été communiqués volontairement par des organisations partenaires (ex. IGA-SOS Racisme, active
dans le canton de Soleure). Parfois, ils sont tirés de certaines publications (ex. le journal Voix d’Exils,
créé par des instituions actives dans le domaine de l’asile et animé principalement par des réfugiés).
PRISES DE POSITION - 2002
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 25.3.2002
Naissance d’une Organisation Noire contre le Racisme anti-Noir
Ces dernières années, on note en Suisse une recrudescence d’actes et de manifestations racistes dirigés contre les Noirs en
particulier. En novembre 1999, des spectateurs ont lancé des insultes contre les joueurs Noirs du Hockey Club de Bienne,
lors d’un match en Thurgovie. En mars 2000, un orphelin angolais était chassé d’un collège vaudois à la suite d’une
démarche raciste des parents d’élèves. En juin 2000, des „Blacks“ et des „bronzés“ étaient refoulés sans ménagement
d’une discothèque genevoise. En août 2000, à St-Gall, une agression raciste de plusieurs Skinheads était dirigée contre des
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Africains, suivie d’une véritable bataille rangée. En janvier 2001, un Nigérian s’est vu refusé une bière avec un ami au
buffet de la gare de Lucerne. Plus récemment, au mois de février dernier, la dernière Opération Alpha montée avec une
médiatisation impressionnante par la Police lausannoise contre des dealers africains exclusivement, a donné l’impression
d’un nettoyage ethnique de certains quartiers de Lausanne, tout en jetant en pâture à l’opinion publique les Noirs de
Suisse, ainsi stigmatisés et criminalisés d’office par leur faciès...
C’est à la fois pour combattre ce racisme souvent occulté ou méconnu dans sa spécificité et encourager la co-intégration
entre Suisses et personnes d’ascendance négro-africaine que vient d’être constitué le Carrefour de Réflexion et d’Action
contre le Racisme anti-Noir (CRAN), samedi dernier 23 mars, à Berne.
Le but poursuivi est aussi d’impliquer pleinement les communautés Noires dans la lutte contre le racisme, après qu’elles se
soient exprimées elles-mêmes dans ce sens. La décision de créer une organisation propres aux Noirs est en effet ressorti de
l’enquête réalisée en mai-juin 2000 au sein de ces communautés par le Groupe de Réflexion et d’Action contre le racisme
anti-Noir (GRAN), créé en mars 2000, ainsi que des Assises qui ont suivi en juin de la même année, en collaboration avec
la Commission fédérale contre le Racisme. Pour mieux faire face au racisme qui les frappe, une grande majorité de Noirs
préfère voir leurs propres représentants parler en leur nom.
Avant de mettre un plan d’action consistant préparé par le GRAN, le CRAN va d’abord à mettre en place d’un Bureau
appelé à devenir également un Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse dont une des tâches sera de recueillir et
diffuser des informations, notamment par la publication d’un Rapport annuel sur l’état du racisme anti-Noir en Suisse. Les
conseils aux victimes, la médiation en cas de conflit, des programmes de formation, d’éducation et de sensibilisation,
notamment dans les écoles, feront également partie des activités à mener par le CRAN. Des antennes régionales et
cantonales complèteront son organisation générale.
Le CRAN compte par ailleurs développer des synergies avec les organisations militant déjà contre le racisme et pour la
défense de la dignité et des droits humains. Elle va également continuer la collaboration entamée par le GRAN avec la
CFR. Une collaboration qui s’est encore une fois concrétisée dernièrement lors de l’organisation, le 20 mars dernier, à
Berne, de la Conférence nationale sur le racisme dont le thème cette année a porté sur le racisme anti-Noir. Quant au
nouveau Service de lutte contre le Racisme, il sera sollicité pour doter le CRAN de moyens qui puissent lui permettre de
mener une lutte qui s’inscrit dans la durée.
Nous vous remercions d’apporter à ce Communiqué de presse toute l’attention possible.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 3.10.2002
Contre l’initiative de l’UDC sur l’asile !
Le CRAN déplore et s’inquiète de l’initiative que le parti Union Démocratique du Centre (UDC) a lancé
vendredi dernier 27 septembre 2002. Il met en garde contre la dérive raciste qu’induit cette initiative qui
va focaliser l’attention des citoyennes et citoyens suisses sur les plus visibles et - en ce moment - les
plus diabolisés, les requérants d’asile Noirs venant d’Afrique.
Le 27 septembre dernier, l’UDC a lancé sa campagne en faveur de l’initiative « contre les abus dans le droit d’asile ».
Soumise à votation le 24 novembre prochain, cette initiative propose un certain nombre de mesures incompatibles avec un
droit d’asile dans un pays civilisé. Elle exige notamment que tout requérant d’asile ayant transité par un pays tiers dit
« sûr » soit renvoyé illico dans ce dernier pays. A un moment où de nombreux Suisses sont excédés par la vue de jeunes
Noirs oisifs traînant dans les gares, l’initiative demande également de réduire encore davantage l’accès des requérants
d’asile au marché du travail ainsi qu’aux prestations sociales et aux soins médicaux. Elle va jusqu’à proposer de
sanctionner les compagnies d’aviation qui desserviraient la Suisse sans avoir procédé elles-mêmes à un premier tri, en
s’érigeant en police - informelle ou déguisée - chargée du contrôle de l’immigration, avec tous les risques de dérapage.
Globalement, l’initiative prétend dénoncer « les milliards que coûteraient les abus dans le droit d’asile », en occultant ce
que rapportent à la Suisse les requérants d’asile sur les plans non seulement financier, mais aussi économique, social,
culturel...
A l’issue de sa réunion régulière tenue le 29 septembre, le conseil de direction du Carrefour de Réflexion et d’Action
contre le Racisme Anti-Noir (CRAN), qui préside aux activités de l’Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse, a tenu à
faire la déclaration suivante :
1.
Le CRAN approuve et salue tout effort allant dans le sens d’une amélioration de l’actuelle législation sur l’asile,
laquelle est loin de satisfaire tant les requérants d’asile que leurs hôtes suisses ;
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2.
Le CRAN n’en dénonce pas moins le caractère anti-asile de l’initiative de l’UDC, laquelle décrète la fin de facto de la
séculaire tradition humanitaire et d’accueil de la Suisse;
3.
Le CRAN dénonce la dérive raciste d’une initiative lancée dans un climat de diabolisation et de lynchage quasi
quotidien, dans la presse, de jeunes requérants d’asile Noirs accusés d’être tous des dealers de drogues, situation qui,
du reste, a fait ainsi de tout jeune Noir vivant en Suisse un individu criminalisé d’office par son faciès ;
4.
Le CRAN s’inquiète pour les communautés Noires de Suisse qui, dans un tel climat, et à leur corps défendant, vont
focaliser sur elles, par leur visibilité, toute la stigmatisation des requérants d’asile Noirs que ne manquera pas
d’exacerber la campagne menant à la votation, le 24 novembre ;
5.
Le CRAN rend particulièrement attentives les autorités fédérales qui préparent elles-mêmes une nouvelle loi sur
l’asile, incluant comme l’UDC le principe de l’Etat tiers sûr avec, certes, quelques nuances, au respect sans équivoque
de la tradition humanitaire et d’accueil de la Suisse;
6.
Le CRAN invite le Conseil fédéral de prendre toutes les mesures susceptibles de renforcer et d’améliorer :
-
l’occupation et l’insertion sociale des requérants, en particulier les jeunes, ne pouvant trouver un emploi sur le
marché suisse du travail ;
l’intégration sociale des communautés Noires de Suisse qui manquent cruellement des lieux de rencontre à elles,
conviviaux et ouverts sur la ville ;
l’image des Etrangers en général et des requérants d’asile en particulier dans l’opinion publique, notamment par
une étude complète, sérieuse et sans complaisance, quant à tous les bénéfices (financiers, économiques, culturels,
sociaux, moraux…) que la Suisse recueille, le CRAN étant prêt à collaborer à une telle étude ;
7.
Le CRAN rappelle à l’opinion publique que, durant plusieurs décennies, jusqu’à l’abrogation du principe de
réciprocité entre Etats par la dernière révision de l’AVS, les Africains, et en particulier les requérants d’asile déboutés
au bout d’un séjour de plusieurs années - et de travail - en Suisse, abandonnaient à eux seuls chaque année plus de 25
millions de francs suisses en moyenne, versés au titre de contributions à l’AVS, selon les propres estimations de la
Caisse fédérale de compensation (cfr Regards Africains No 11, 1988; L’Hebdo, 21.7.1988) ;
8.
Le CRAN invite les populations Noires de Suisse à faire preuve de dignité et de retenue lors des dérapages,
notamment verbaux, qui ne manqueront pas de les viser durant la campagne de l’UDC, et à dénoncer sans tarder
auprès de notre Secrétariat toute atteinte dont elles seraient l’objet.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 30.11.2002
Rejet de l’Initiative de l’UDC sur l’Asile
L’initiative que le parti Union Démocratique du Centre (UDC) a lancée le 27 septembre 2002 et qui a été
soumise à la votation populaire le 24 novembre dernier a été rejetée par 50,1% des citoyens. A cette
occasion, le CRAN (Carrefour de Réflexion et d’Action contre le Racisme Anti-Noir/Observatoire du
Racisme anti-Noir en Suisse) tient à faire la déclaration suivante :
1.
Le CRAN se félicite de l’échec de cette initiative qu’il a lui-même appelée à rejeter et félicite plus particulièrement
toutes les forces vives de la société civile qui, en Suisse alémanique, en Suisse romande et au Tessin, ont beaucoup
œuvré à cet échec d’une manière plus déterminante.
2.
Le CRAN s’inquiète néanmoins du score considérable recueilli par l’initiative, en particulier en Suisse alémanique.
Ce score risque en effet d’être décodé par le Conseil fédéral comme un signal fort qui lui serait adressé pour
maintenir, voire renforcer les mesures contre l’asile prévues dans son propre projet et très proches de l’initiative
rejetée.
3.
Le CRAN s’inquiète encore davantage de la minimisation, voire de l’occultation du facteur raciste par l’ensemble de
la classe politique et des médias, dans leur lecture des 49,9% des voix qui se sont exprimées en faveur de l’initiative.
4.
Le CRAN rappelle à ce sujet la dérive raciste de la campagne qui a précédé la votation. Marquée par une diabolisation
et un lynchage médiatique quasi quotidien et sans précédent des Noirs de Suisse, en particulier les jeunes, assimilés
par leur visibilité aux quelques dealers Noirs qui s’illustrent sur une scène de la drogue réduite par les médias à ses
seuls acteurs Noirs, cette campagne a contribué à faire de la votation un vote largement anti-Noir.
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5.
Le CRAN appelle le Conseil fédéral à redoubler d’efforts dans la lutte contre les manifestations multiformes du
racisme anti-Noir en Suisse et à prendre, à titre préventif, toutes les mesures susceptibles de renforcer et d’améliorer :
-
-
l’occupation et l’insertion sociale des requérants d’asile, en particulier Noirs et jeunes, interdits d’emploi durant
leurs premiers mois en Suisse et proies faciles des mafias de la drogue autant que des mafias de l’administration
(fédérale, cantonale, communale) qui abusent aussi de l’asile en utilisant le désœuvrement de ces requérants dans
le but de les diaboliser dans l’opinion publique, en vue de bénéfices politiques inavoués ;
l’intégration sociale des différentes communautés Noires de Suisse qui manquent cruellement de lieux de
rencontre (autres que les gares), conviviaux, ouverts sur la ville ;
l’image des Etrangers en général et des requérants d’asile en particulier dans l’opinion publique, notamment par
une étude complète, sérieuse et sans complaisance, sur l’ensemble des bénéfices (financiers, économiques,
culturels, sociaux, moraux…) que la Suisse et les Suisses retirent de leur présence et qui restent amplement
occultés ou sous-évaluées, le CRAN étant prêt à collaborer à une telle étude quant à la présence Noire.
PRISES DE POSITION - 2003
DÉCLARATION DU CRAN - JANVIER 2003
Le Service fédéral de lutte contre le racisme (SLR) et les
enjeux de la lutte contre le racisme anti-Noir
Les personnes d’origine africaine sont depuis plusieurs mois particulièrement exposées au racisme en Suisse. Personnel
politique, administrations cantonale et communale, polices, médias et opinion publique semblent conjuguer leurs efforts
pour fustiger la présence africaine du point de vue de sa visibilité, avant toute autre considération. Face à ce tir croisé, la
lutte contre les discriminations frappant les Noirs en Suisse devraient être prioritaire, sinon être mieux prise en compte
que par le passé.
Les communautés Noires de Suisse ont elles-mêmes entrepris de s’organiser dans ce sens depuis deux ans. Un Groupe de
Réflexion et d’action contre le Racisme anti-Noir (GRAN) a d’abord été créé en juin 2000, au sein du Forum contre le
Racisme (FCR). Outre sa participation au processus de la Conférence de Durban sur le racisme, le GRAN a organisé les
premières assises des communautés Noires de Suisse contre le racisme (juin 2001), précédées d’une enquête sur le
racisme anti-Noir. Soutenu par la Commission fédérale contre le Racisme (CFR), il a été également associé par cette
dernière à l’organisation de la Journée nationale contre le racisme, consacrée en 2002 au racisme anti-Noir. En mars 2002,
le GRAN a cédé la place à une organisation à part entière, le CRAN (Carrefour de Réflexion et d’Action contre le
Racisme anti-Noir), Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse.
Qu’en est-il de l’implication du Service de lutte contre le racisme (SLR), mis en place en 2001 par la Confédération pour
gérer le Fonds des projets contre le racisme et dont la durée est de cinq ans (2001-2005) ? Face aux enjeux de la lutte
contre le racisme anti-Noir en particulier, dont l’ampleur mérite un intérêt plus soutenu, le SLR semble adopter une
attitude plus que surprenante, voire inquiétante.
Le SLR favorise-t-il l’Empowerment des Communautés Victimes ?
La lutte contre le racisme ne peut ignorer l’apport des communautés victimes. La CFR avait ainsi tracé la voie avec le
GRAN en particulier, comme on l’a vu. Elle a continué avec le CRAN, à qui elle a confié la majeure partie d’une étude
sur le racisme anti-Noir en Suisse, dans le prolongement de l’enquête de 2001. Le SLR semble plutôt se placer dans une
autre logique.
Avantage aux grandes organisations. Dans sa publication Domino de décembre 2002, le SLR met l’accent sur le fait
que le racisme est un phénomène basé sur le pouvoir et que des projets contre le racisme doivent tenir compte de ces
relations de pouvoirs. Quoi de plus logique que de remettre la balance du pouvoir au milieu ? Une des priorités fixées au
SLR est alors d’encourager l’empowerment des communautés victimes, à savoir leur capacité à pouvoir se prendre en
charge pour lutter contre le racisme et proposer elles-mêmes des projets dans ce sens. Mais curieusement le SLR tend à
dissuader les “petits“ postulants émanant des populations-cibles et dont l’amateurisme dans le domaine des projets n’est
pas assez pris en compte pour justifier un coaching digne de ce nom. Surtout, les exigences formelles ont pour effet de
favoriser les grandes organisations ainsi que des services publics (!), guère antiracistes dans leur but social, mais dotées
d’un personnel mieux rodé dans le domaine des projets et qui, malgré d’importants fonds recueillis d’autres sources,
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raflent les financements du SLR au détriment d’associations de victimes. Rien de particulier n’est fait pour susciter,
encourager ou promouvoir par le SLR des initiatives de la part de ces dernières.
Projets essentiels écartés. En 2002, sur 119 projets reçus par le SLR, cinq ont pu émaner des communautés Noires. De
ces rares projets Noirs, trois ont été retenus : Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse (du CRAN), numéro spécial
sur le racisme anti-Noir et sur Durban (de la revue Regards Africains avec le CRAN), festival musical à Zürich (de Africa
Freedom). Deux n’ont pas été retenus : formation sur la sensibilisation au racisme anti-Noir (de Regards Africains, en
association avec le CRAN) et l’African School against discrimination in Switzerland (de l’Afro-Dialectics Network
Geneva). Le projet de formation en particulier reposait sur une expérience des séminaires interculturels accumulée depuis
dix ans par Regards Africains. Bien que dirigé spécialement en direction des institutions (centres pour requérants, police,
administrations communales, etc.) qui s’illustrent ces derniers mois par des mesures visant les Noirs, il a été écarté. Le
SLR semble ne pas prendre la mesure de ses responsabilités.
Le SLR est-il enfermé dans des Logiques Bureaucratiques ?
La lutte contre le racisme ne peut reposer sur les seuls critères de projets propres en ordre. Le traitement des dossiers que
reçoit le SLR semble verrouillé dans des logiques bureaucratiques peu en phase avec la connaissance des réalités du
terrain, de ses acteurs et de ses enjeux.
Formalisme tatillon. Déjà, le formulaire de demande est établi dans un langage passablement hermétique. Il se doit
surtout d’être rempli si scrupuleusement que la moindre entorse à ce formalisme tatillon peut valoir aussitôt rejet de la
demande. Ainsi, dans le cas spécifique du projet de formation de Regards Africains avec le CRAN, il est demandé aux
promoteurs de produire préalablement une liste d’institutions désireuses de bénéficier de cette formation. Comme si on
pouvait demander aux organisateurs d’un spectacle de théâtre ou de musique contre le racisme de fournir préalablement
une liste de leur clientèle. Or, la recherche de cette clientèle représente un des postes (relations publiques) du projet. Mais
en plus, le SLR montre son incapacité à identifier une priorité (besoin de formation) et d’y consacrer derechef les moyens
nécessaires.
Incohérences. Ainsi, alors que les projets 2003 ont été placés sous le signe du suivi de la Conférence de Durban sur le
racisme, le SLR vient d’écarter un nouveau et pertinent projet en faveur des communautés Noires. Celui-ci porte en effet
sur l’édition en allemand du numéro spécial de la revue Regards Africains consacré justement au Racisme anti-Noir ainsi
qu’à la Conférence de Durban et de ses enjeux Noirs. Les raisons du rejet sont d’une grande légèreté : non prise en compte
par le numéro de la «réalité suisse-alémanique» (comme si l’édition française a mis en avant la réalité romande), absence
de collaboration avec une « organisation suisse-alémanique en mesure de garantir un effet multiplicateur ainsi qu’un
travail de sensibilisation conséquent» (comme si le CRAN, associé au projet, en est incapable). Surtout, il est reproché au
projet ceci : «Deux ans après la Conférence mondiale de Durban, on serait en mesure d’attendre d’une parution sur cette
thématique un contenu plus actuel, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du programme d’action»… Non
seulement, ce suivi de Durban n’a commencé nulle part en Suisse, en tout cas pas en ce qui concerne le racisme anti-Noir,
ni d’un point de vue formel, car le programme d’action suggéré par la Conférence Mondiale n’a pas encore été adapté au
niveau national suisse. En plus, Regards Africains est le seul organe de presse dans toute la Suisse à avoir à ce jour délivré
sur Durban une information substantielle que même Tangram, revue publiée pourtant par la CFR, n’a toujours pas
proposée. Or, comment des projets “Durban“ peuvent-ils être élaborés et proposés, en particulier en faveur des
communautés Noires de Suisse alémanique, sans l’information que peut apporter justement une édition allemande du
numéro spécial ?
Le SLR a-t-il un Comportement Raciste ?
La lutte contre le racisme n’a pas à être politiquement correcte. Ceci explique sans doute cela.
En effet, avant de faire rejeter par le département de l’Intérieur le projet d’édition allemande du numéro spécial, le SLR
avait tenu à signifier aux promoteurs d’autres raisons, celles-là politiques et véritables : « la banalisation de
l’antisémitisme dans une publication financée par le Fonds est inacceptable tant d’un point de vue éthique que politique ».
Une mise en garde leur avait été adressée avant l’octroi du subside.
Cet «antisémitisme» repose uniquement sur ce court argumentaire : «En choisissant des titres polémiques (par ex. Duel
entre victimes : Juifs vs. Noirs…, Un leadership judéocentré. Sinon rien! … Le mot juif ne peut être prononcé par
quelqu’un qui ne l’est pas…), en recourant à des citations allant dans ce sens»…
Lecture en surface, unilatérale et abusive. La liberté de ton fait partie intégrante de la liberté d’expression dans tout
pays dit démocratique. Et d’autant plus que si la publication s’affiche bien en évidence sur sa couverture comme ayant
une «vision plurielle, pointue et sans complaisance», on ne peut s’attendre à une expression politiquement correcte de
Regards Africains. En outre une accusation aussi grave que celle d’«antisémitisme» ne saurait reposer sur la seule lecture
du titre d’un article, sans aller au-delà, vers son contenu. Celui-ci, à ce jour, et à notre connaissance, n’a été remis en
question par aucune des organisations ou personnes présentes notamment à Strasbourg, ni même par celles (juives) qui
sont citées et qui s’en sont pris à leurs collègues Noirs. La lecture unilatérale du SLR constitue un abus de pouvoir
d’autant plus aggravé qu’il n’a été motivé à ce jour par aucune plainte - pénale ou autre - des milieux juifs, mieux fondés à
réagir contre toute banalisation de l’antisémitisme. La LICRA, qui a reçu formellement ce numéro, est restée silencieuse.
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Lecture ethnocentriste. Cette approche des questions Juifs-Noirs évoquées dans le numéro spécial se construit sur les
mêmes fondations que l’idéologie raciste : de la même manière cette idéologie distingue des races supérieures et des races
inférieures, de même l’antiracisme ethnocentré du SLR, comme de beaucoup d’activistes européens, distinguent des
racismes supérieurs, dont l’antisémitisme est le modèle le plus récurrent, et des racismes inférieurs à l’exemple du racisme
anti-Noir. Ainsi, à l’heure où, depuis le 11 septembre 2001, l’islamophobie monte en puissance dans le monde, y compris
en Suisse, comme le révèle l’affaire Ramadan à Genève, le SLR autant que son autorité de tutelle, la secrétaire générale
du département de l’Intérieur Claudia Kaufmann n’ont rien trouvé à redire, par deux fois, sur d’autres titres du numéro
pouvant aussi banaliser l’islamophobie, selon la même lecture en surface : L’Islam et les Africains : l’autre (raciste)
mission civilisatrice… “Frères“ arabes, ces autres racistes oubliés à Durban… Il s’agit là d’une discrimination raciste
flagrante.
Lecture négationniste. La prise en compte des Noirs, de leur dignité et de leurs souffrances exprimées dans la
publication de Regards Africains est totalement absente des préoccupations du SLR. A aucun moment, celui-ci ne
souligne l’apport considérable de ce numéro spécial, le premier du genre à explorer aussi profondément le racisme antiNoir et à y apporter un éclairage aussi pointu, tant pour sa connaissance que pour sa sensibilisation. Cette expression
fondamentale et propre d’une communauté victime, comme y exhortent les résolutions de Durban, se trouve totalement
niée par la seule et exclusive reconnaissance de l’«antisémitisme» auquel est réduite cette publication de 92 pages, dont
moins de dix sont incriminées par le SLR. Même une simple petite allusion à la dignité des Noirs face à une histoire
réhabilitée et projetée autant dans le présent que dans l’avenir leur est refusée. Pourtant ils ont salué unanimement cette
publication de référence et de première importance.
En définitive, le comportement du SLR dépasse la simple désinvolture d’une bureaucratie travaillant, apparemment, avant
tout pour des “causes majeures“ et sans aucune considération pour les “causes mineures“. Le CRAN, qui représente
formellement les communautés Noires de Suisse dans leur lutte pour leur dignité, estime que ce comportement blesse
profondément celle-ci. A ce titre, il constitue une violation flagrante de l’art. 261 bis. Dans le chef d’un “Service de lutte
contre le racisme“, une telle violation est extrêmement grave.
Pour la mise en place d’un Comité d’Experts chargé de l’Examen des Projets
Face à tous ces problèmes auxquels sont du reste confrontés d’autres projets émanant d’autres communautés, le CRAN
propose que le SLR puisse se consacrer à la seule étude formellement administrative des dossiers présentés en vue de
financement. Leur examen sur le fond devrait être confié à un comité d’experts constitué de personnes ayant une
connaissance et/ou une pratique du terrain, choisies sur une base non ethnocentriste, comme cela se fait déjà pour les
projets dans le domaine de la formation. Les organisations antiracistes les plus représentatives, le FCR, la CFR ainsi que
des chercheurs devraient être associés à la mise en place d’un tel comité. La lutte contre le racisme, dans les limites des
moyens mis à disposition par la Confédération, a d’urgence besoin de cette restructuration pour avoir des chances de
laisser des traces visibles au terme, bientôt, du Fonds de projets contre le racisme.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 28.02.2003
MORT D’UN NIGÉRIAN, REQUÉRANT D’ASILE :
Le CRAN réclame une enquête plus approfondie
Le mercredi 12 février est mort un requérant d’asile originaire du Nigéria. Selon la police, les causes de
cette mort survenue dans le centre pour requérants Thurof à Oberbüren, dans le canton de Saint-Gall,
seraient dues à une surdose dans la consommation de drogues. Le rapport de la police précise
également que le jeune Nigérian était malade. Deux jours auparavant, le lundi 10 février, un médecin
consulté par lui aurait diagnostiqué une «varicelle bénigne». Toutefois, selon l’organisation Augenauf
qui s’est rendue sur place après l’annonce de la mort, des pensionnaires du centre auraient fait état
d’une absence de soins «adéquats» qui auraient dû être apportés au Nigérian.
Faisceau de facteurs divers et troublants
Il convient également de signaler que cette mort intervient dans un contexte dominé à la fois par la confusion entretenue
autour du trinôme “Dealers-Requérants d’asile-Africains Noirs“, qui semble être devenu l’identité de toute une population
vivant en Suisse, ainsi que par des velléités de restrictions de plus en plus drastiques liées au droit d’asile, notamment en
matière de droit au travail et aux soins.
Face à ce faisceau de facteurs divers et troublants, le CRAN (Carrefour de Réflexion et d’Action contre le Racisme antiNoir), Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse, estime qu’en l’état, les explications officielles données à ce jour pour
expliquer la mort du requérant d’asile ne présentent pas toutes les garanties nécessaires de vraisemblance.
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Le CRAN invite donc les autorités cantonales de Saint-Gall à prendre le plus rapidement possible les décisions qui
s’imposent, notamment l’ouverture une enquête plus approfondie et la plus transparente possible, ayant pour buts de :
•
•
•
faire toute la lumière sur les circonstances et les causes de la mort du requérant d’asile nigérian;
déterminer toutes les responsabilités quant aux facteurs ayant conduit à cette mort; et
sanctionner sévèrement ces responsabilités.
Le CRAN invite également les autorités cantonales saint-galloises d’accorder un grand intérêt aux formations que propose
l’Association Regards Africains et ses séminaires interculturels. Ces formations peuvent en effet aider le personnel policier
et celui des centres d’accueil des requérants d’asile à améliorer leur approche et leur compréhension des personnes
d’origine africaine.
Noirs en Suisse : de plus en plus stigmatisés, brimés, indésirables…
Par ailleurs, d’une manière générale, le CRAN tient à attirer l’attention tant des autorités politiques que de l’opinion
publique et des médias de Suisse sur les réalités suivantes :
•
Les communautés Noires de Suisse, d’une manière générale, vivent depuis plusieurs mois dans un climat délétère qui
fait focaliser sur elles, par leur visibilité, une stigmatisation au sein de la population suisse comme de certaines
institutions, notamment policières (aux postes de frontières, les vexations contre les Noirs se multiplient, comme les a
subies récemment, près de Genève, une Africaine dont le cas a été porté à la connaissance de la Commission fédérale
contre le Racisme/CFR).
•
Les requérants d’asile d’origine africaine, selon les échos qui nous parviennent et à travers nos propres enquêtes, sont
soumis de plus en plus à des brimades et maltraitances de la part aussi bien des institutions qui les hébergent que des
forces de l’ordre (dans un autre cas porté également à la connaissance de la CFR et non médiatisée non plus, des
brutalités policières ont conduit à une hospitalisation relativement longue du requérant d’asile).
•
Les populations d’origine africaine, en particulier les jeunes, se sentent de plus en plus insécurisées. Elles sont
criminalisées d’office par le faciès, victimes de contrôles policiers exclusifs et intempestifs, pointées du doigt par
l’opinion publique, voire jugées indésirables dans certaines communes (ex. à Morchwill, près de Zürich).
Dès lors, conformément aux engagements pris par la Suisse en 2001 à la Conférence mondiale de Durban autant que par
son adhésion à la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, le CRAN appelle
énergiquement les responsables politiques du pays à prendre toutes les mesures pour empêcher tout ce qui fait le lit et
perpétue, dans une société dite civilisée, le racisme, la discrimination et l’intolérance contre particulièrement une
population meurtrie par l’Histoire et à l’égard de laquelle il devient de plus en plus naturel de ne reconnaître aucun droit ni
aucune dignité d’Homme.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 10.10.2002
ELECTIONS DU 19 OCTOBRE
Contre la Banalisation du Racisme !
Le CRAN déplore et s’inquiète des dérapages verbaux que l’on constate durant cette
campagne pour les élections fédérales du 19 octobre prochain, en particulier sur les affiches
du parti Union Démocratique du Centre (UDC). Il lance une mise en garde contre la
banalisation du racisme qu’induit une telle forme de campagne, avec sa dérive raciste.
Cette campagne électorale intervient dans un climat délétère, de stigmatisation et de peur pour les communautés africaines
en particulier. Dans toutes les villes suisses, sous pretexte de la lutte contre le trafic de drogue, beaucoup de Noirs se
trouvent systématiquement arrêtés par la police pour contrôle d’identité et fouilles, le plus souvent avec brutalité, dans le
non-respect total de leur dignité. Ces opérations traumatisent particulièrement de nombreux jeunes, assimilés à des dealers
et ainsi criminalisés d’office par leur seul faciès. Ces cas sont abondants et sont communiqués régulièrement au CRAN.
La forte médiatisation qui accompagne cette lutte certes nécessaire contre des trafiquants de drogue mais dirigée
ostensiblement sur les seuls revendeurs Noirs, finit par assimiler tous les Noirs présents en Suisse à ce fléau. Aujourd’hui,
la criminalité étrangère, dans l’opinion publique, c’est avant tout le trafic de drogue et ses acteurs visibles : les dealers
Noirs. Ce sont eux et ceux qui leur ressemblent qui se trouvent fustigés par les affiches racoleuses de certains partis, tels
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l’UDC, qui dénoncent la “criminalité étrangère“. Ainsi reconnus, ces Noirs deviennent effectivement un fléau à éradiquer,
sinon à contenir par tous les moyens.
A l’issue de sa réunion régulière tenue le 29 septembre, le conseil de direction du Carrefour de Réflexion et d’Action
contre le Racisme Anti-Noir (CRAN), qui préside aux activités de l’Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse, a tenu à
faire la déclaration suivante :
1.
Le CRAN approuve et salue tout effort allant dans le sens d’une amélioration de l’actuelle législation sur l’asile,
laquelle est loin de satisfaire tant les requérants d’asile que leurs hôtes suisses ;
2.
Le CRAN n’en dénonce pas moins le caractère anti-asile de l’initiative de l’UDC, laquelle décrète la fin de facto de la
séculaire tradition humanitaire et d’accueil de la Suisse ;
3.
Le CRAN dénonce la dérive raciste d’une initiative lancée dans un climat de diabolisation et de lynchage médiatique
quasi quotidien de jeunes requérants d’asile Noirs accusés d’être tous des dealers (vendeurs de drogues), accusation
qui, du reste, a fait ainsi de tout jeune Noir vivant en Suisse un individu criminalisé d’office par son faciès ;
4.
Le CRAN s’inquiète pour les communautés Noires de Suisse qui, dans un tel climat, et à leur corps défendant, vont
focaliser sur elles, par leur visibilité, toute la stigmatisation des requérants d’asile Noirs que ne manquera pas
d’exacerber la campagne menant à la votation, le 24 novembre ;
5.
Le CRAN rend particulièrement attentives les autorités fédérales, qui préparent elles-mêmes une nouvelle loi sur
l’asile, incluant comme l’UDC le principe de l’Etat tiers sûr avec, certes, quelques nuances, au respect sans équivoque
de la tradition humanitaire et d’accueil de la Suisse ;
6.
Le CRAN invite le Conseil fédéral de prendre toutes les mesures susceptibles de renforcer et d’améliorer :
-
l’occupation et l’insertion sociale des requérants, en particulier les jeunes, ne pouvant trouver un emploi sur le
marché suisse du travail ;
l’intégration sociale des communautés Noires de Suisse qui manquent cruellement des lieux de rencontre à elles,
conviviaux et ouverts sur la ville ;
l’image des Etrangers en général et des requérants d’asile en particulier dans l’opinion publique, notamment par
une étude complète, sérieuse et sans complaisance, quant à tous les bénéfices (financiers, économiques, culturels,
sociaux, moraux…) que la Suisse recueille, le CRAN étant prêt à collaborer à une telle étude ;
7.
Le CRAN rappelle à l’opinion publique que, durant plusieurs décennies, jusqu’à l’abrogation du principe de
réciprocité entre Etats par la dernière révision de l’AVS, les Africains, et en particulier les requérants d’asile déboutés
au bout d’un séjour de plusieurs années - et de travail - en Suisse, abandonnaient à eux seuls chaque année plus de 25
millions de francs suisses en moyenne, versés au titre de contributions à l’AVS, selon les propres estimations de la
Caisse fédérale de compensation (cfr. Regards Africains No 11, 1988; L’Hebdo, 21.7.1988) ;
8.
Le CRAN invite les populations Noires de Suisse à faire preuve de dignité et de retenue lors des dérapages,
notamment verbales, qui ne manqueront pas de les viser durant la campagne de l’UDC, et à dénoncer sans tarder
auprès de notre Secrétariat toute atteinte dont elles seraient l’objet.
LETTRE OUVERTE COLLECTIVE - 19.09.2003
NOIR-E-S ET RACISME EN SUISSE
Au Président de la Confédération
Monsieur le Président de la Confédération,
Le 22 avril dernier, à Winterthur, un couple Noir avec son bébé, a été violemment pris à partie en pleine rue par des
policiers cherchant à contrôler leur identité et à les fouiller sur tout le corps, allant jusqu’à projeter et maintenir au sol
parents et bébé, uniquement parce que lesdits policiers étaient à la recherche de cartes de crédit volés. Le 26 mars, dans la
même ville, c’est un requérant d’asile allant tranquillement à un entraînement de football non loin du Centre Grüze où il
est hébergé, qui se fait violemment accosté par deux policiers en civil ayant à peine montré leur carte, roué de coups,
projeté à terre et fouillé comme un criminel, avant d’être laissé avec plusieurs contusions. L’affaire Diboma, dont la presse
a fait déjà écho concernant un jeune camerounais brutalisé par la police dans la Langstrasse à Zürich pour avoir
simplement demandé aux policiers de lui remettre ses pièces qu’ils avaient jetées sur le trottoir lors d’une fouille
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humiliante, est devant les juges. Des cas de policiers qui portent plainte pour contrecarrer toute action en justice des
victimes noires sont monnaie courante.
Le mercredi 12 février est mort un requérant d’asile originaire du Nigéria, dans le centre pour requérants Thurof à
Oberbüren, dans le canton de Saint-Gall. Malgré un faisceau d’éléments discordants, voire contradictoires, le rapport de
police établi à cet effet a conclu de manière péremptoire et avec une désinvolture totale à un décès par overdose de
drogues. Une autopsie réalisée peu après à la demande de sa famille a plutôt conclu à un décès dû à une rubéole non traitée
malgré des terribles souffrances dont avait fait état la victime. Le 24 janvier 2003, une ancienne diplomate africaine perdue
sur l’autoroute de contournement de Plan-les-Ouates (GE) et débouchant à la douane de Bardonnex (GE), a été victime
pendant trois heures d’un traitement abusif et humiliant, subissant sarcasmes et allant jusqu’à se faire déshabiller, pour la
seule raison de ne pas disposer sur sa voiture de la nouvelle vignette autoroutière. L’année dernière, les polices genevoises
et lausannoises ont lancé des opérations fortement médiatisées visant spécifiquement des Noirs, en particulier des jeunes,
assimilés par la seule couleur de leur peau noire aux quelques dealers Ouest-africains opérant dans certains endroits
publics. Des jeunes Noirs se sont donc trouvés systématiquement arrêtés pour contrôle d’identité et fouilles, le plus
souvent le corps plaqué au sol ou quasi-étranglés pour les empêcher qu’ils n’avalent de pastilles de drogue supposées être
stockées dans leur bouche pour la revente. Ces opérations continuent de traumatiser particulièrement de nombreux jeunes
Noirs ainsi criminalisés d’office par leur seul faciès. Ces cas sont abondants où des Noirs qui sont brutalisés, se voient
infliger des contraventions allant de 350 à 400 francs pour « injures aux policiers ».
Souvent nés ou ayant grandi en Suisse et possédant la nationalité suisse pour certains, ils se sentent de plus en plus
insécurisés, niés dans leur identité suisse et exclus d’une société qu’ils sont pourtant prêts à défendre l’arme à la main,
puisqu’ils sont astreints au même service militaire comme tous les jeunes du pays. De tout cela, il ressort nettement que,
depuis plusieurs mois, nous ne cessons de noter une augmentation alarmante des violences et abus de pouvoirs commis en
toute impunité par des policiers, avec en particulier des comportements racistes particulièrement inadmissibles dans un
Etat moderne.
Les nombreux échos qui nous parviennent autant que nos propres enquêtes sur le terrain sont accablants. Les
communautés Noires de Suisse vivent constamment dans un climat délétère qui fait focaliser sur elles, par leur visibilité,
une stigmatisation renforçant peurs et préjugés au sein de la population. La forte médiatisation d’une lutte certes nécessaire
contre des trafiquants de drogue mais dirigée ostensiblement aux seuls revendeurs Noirs, finit par assimiler tous les Noirs
présents en Suisse à ce fléau. Ainsi reconnus, ces Noirs deviennent effectivement un fléau à éradiquer, sinon à contenir par
tous les moyens. Les quelques faits relatés plus haut sont en effet quasi-quotidiens. Leur caractère répété, systématique,
généralisé et ciblé sur les personnes de “race“ Noire ne peut être dû au seul hasard, ni à des dérapages isolés d’agents
abusant de leurs fonctions et n’agissant pas selon des consignes venant d’en haut. L’adéquation entre les comportements
policiers anti-Noirs, les pratiques administratives anti-Noires de certaines communes, cantons ou services fédéraux (y
compris les services de visas dans les pays africains), les discours anti-Noirs de certains partis dominant l’échiquier
politique et les tendances principalement anti-Noires que trace sans équivoque la nouvelle Loi sur les Etrangers (Noirs
avant tout, dans l’opinion publique, par leur visibilité) en étude aux Chambres, nous fait penser qu’il y a une politique antiNoire à l’échelle de tout l’Etat Suisse.
Le CRAN (Carrefour de Réflexion et d’Action contre le Racisme anti-Noir) est une organisation créée en mars 2002 par
les communautés Noires de Suisse, à la suite d’assises tenues en 2001, suivies d’une assemblée constituante. Son rôle
consiste notamment à servir d’Observatoire des phénomènes racistes dirigés contre les Noirs en Suisse. Sous les auspices
de la Commission fédérale contre le racisme, des experts membres du CRAN sont en train de mener une grande étude sur
le racisme anti-Noir en Suisse. Des enquêtes sont également menées régulièrement sur le terrain, auprès des communautés
Noires, dans le cadre de l’Observatoire. En janvier devra paraître notre premier Rapport annuel sur le racisme anti-Noir et
l’intégration des Africains en Suisse. Aussi, au nom des communautés Noires de Suisse, le CRAN et les associations
africaines co-signataires de la présente lettre vous lancent-ils un vibrant appel de détresse afin que cessent le racisme, la
xénophobie, les discriminations et toutes les formes d’intolérance qui s’exercent contre les Noir-e-s de Suisse.
De manière plus concrète, nous vous adressons les requêtes suivantes :
•
que le Conseil fédéral ainsi que toutes les autorités du pays veillent à ce que la dignité humaine puisse concerner tous
les citoyens, qu'ils disposent ou non d'un titre de séjour valable, qu’ils aient une couleur de peau blanche ou noire;
•
que tous actes, actions ou mesures de la police, sur tout le territoire de la Suisse, ne portent pas atteinte à la dignité
humaine des Noir-e-s et qu’il soit mis fin immédiatement aux contrôles de police au faciès;
•
qu’une limitation très stricte, tenant compte de la dignité humaine des Noir-e-s soit apportée à l'usage des fouilles
corporelles et des menottes, dans le cadre d’une véritable législation sur la police, et qu’une Charte de droits et devoirs
soit systématiquement remise aux nouveaux arrivants;
•
qu’en cas de soupçon de violences, les policiers soient immédiatement suspendus en attendant une enquête appropriée
et que, d’une manière générale, un Ombudsman soit mis en place afin de servir d’organe de recours contre les abus
racistes ou discriminatoires des agents de l’Etat;
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•
qu’aucune expression de racisme, de xénophobie ou de discrimination ne soit tolérée de la part des agents de l’Etat et
que ces derniers bénéficient de formations systématiques contre le racisme anti-Noir et d’une sensibilisation à une
approche et à une meilleure prise en compte de personnes porteuses de blessures encore béantes d’une histoire
négrière et coloniale toujours présente;
•
que la lutte nécessaire contre le trafic de drogues soit menée en amont comme en aval sans privilégier aux yeux de
l’opinion publique un seul des segments, à fortiori lorsqu’une connotation raciale, ethnique ou religieuse reste
possible;
•
enfin, que la nouvelle Loi sur les Etrangers soit purement et simplement retirée et remplacée par un autre texte plus
conforme aux traditions humanitaires séculaires et non discriminatoires d’une Suisse plurielle.
Conformément aux engagements pris par la Suisse en 2001 à la Conférence mondiale de Durban autant que par son
adhésion à la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, le CRAN et ses cosignataires appellent énergiquement le Conseil fédéral et tous les responsables politiques du pays à mettre tout en oeuvre
pour empêcher tout ce qui fait le lit et perpétue, dans une société moderne et démocratique, le racisme, la discrimination et
l’intolérance contre une population particulièrement meurtrie par l’Histoire et qui n’aspire qu’à une chose : être tout
simplement reconnue dans sa dignité et ses droits humains.
Avec l’espoir que vous porterez une attention particulière à cette situation des communautés noires vivant en Suisse, nous
vous prions de recevoir, Monsieur le Président, nos sentiments les plus distingués.
Associations et organisations co-signataires :
Coordination des Associations africaines de Suisse; Convergences Groupe de réflexion sur la RDC, ; Regards Africains,;
Associations et organisations soutenant la lutte pour la dignité des Noirs ; RCOA, Rassemblement des Communautés Africaines de
Bienne; Amitiés sans frontière; Solidarité sans frontière; Coordination des Africains de la Suisse Alémanique (CASA) ; Association
Camerounaise de Zürich ; Centre de l’Alliance Suisse-Afrique (CASA); Association Culturelle des Africains en Suisse (ACAS);
Women of Blac Heritage; Eltern Verein Multi-Color
Copie pour information à :
Conseillers fédéraux, Commission fédérale contre le racisme, Présidence des Conseils d’Etat cantonaux, ambassades et missions
diplomatiques de pays africains ou ayant une forte population d’origine africaine, médias.
RÉPONSE À LETTRE OUVERTE - 23.10.2003
Réponse du Président de la Confédération à la Lettre du CRAN
Madame, Monsieur,
Je vous remercie de votre courrier cité en marge me faisant part de votre vive inquiétude dace au racisme anti-Noir
perceptible dans notre pays.
Face à votre inquiétude, j’aimerais en premier lieu rappeler que le Conseil fédéral s’est toujours soucié d’affirmer son
engagement contre toute forme de racisme. Pour concrétiser cette volonté politique, le Conseil fédéral a mis sur pied des
organes spécialisés pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Cette volonté politique s’exprime aussi
par le souci de mettre sur pied un dispositif cohérent sur le plan institutionnel : la Commission fédérale contre le racisme,
créée en 1995, agit en tant que commission extraparlementaire indépendante ; le Service de lutte contre le racisme, créé en
2001, base son action en tant qu’organe administratif de la Confédération. Je suis certain que vous partagez avec moi la
conviction que le travail accompli par ces deux instances constitue une contribution très importante pour sensibiliser nos
concitoyens sur ces problématiques difficiles.
Vous le savez aussi bien que moi : la lutte contre le racisme se mène sur plusieurs fronts et constitue une tâche commune
des pouvoirs publics et de la société civile. Dans cette perspective, j’ai pris très au sérieux vos propositions et vous fais
part de ma position.
Dans notre système fédéraliste, la répartition des tâches entre Confédération et Cantons régit entre autres thèmes
importants celui de la sécurité. D’après l’art. 57 de la Constitution fédérale, la Confédération et les Cantons assument les
tâches de sécurité du pays et de protection de la population dans le cadre de leurs responsabilités. En ce qui concerne la
responsabilité de la police, elle incombe pleinement aux cantons. De ce fait, les cantons sont responsables de la sécurité
publique et de la manière dont ils accomplissent cette tâche.Les cantons sont effectivement responsables en ce qui
concerne l’organisation de leur police, ainsi que du contrôle des mesures disciplinaires. Cela implique que les événements
en lien avec les domaines spécifiques de la police (p. ex. comportement de la police dans des cas concrets, établissement
des priorités dans la lutte contre le trafic de drogue) relèvent de la compétence cantonale. Pour les cas concrets que vous
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mentionnez, je dois vous renvoyer auprès des autorités cantonales pour de plus amples renseignements et leur faire part de
vos prises de position.
Indépendamment de questions de partage des tâches entre Confédération et Cantons, votre inquiétude met en évidence le
thème du comportement de la police. Les instruments juridiques constituent aussi une aide pour la police pour accomplir
leurs tâches difficiles de manière non discriminatoire et faire valoir sur le terrain que les lois sont valables pour tous,
indépendamment de la couleur de peau. Comme l’explicitent certaines lois cantonales, les autorités de la police ne doivent
évidemment pas baser leur travail sur des critères de couleur de peau. Pour prévenir d’éventuels comportements
discriminatoires, des cours de sensibilisation consacrés à la lutte contre la xénophobie et à l’éthique sont suivis pendant la
formation de base ou en formation continue par les professionnels de la police. Comme pour toute profession, il va de soi
que des fautes professionnelles ne sont pas exclues. Cependant, de tels actes conduisent à des enquêtes et à des sanctions
disciplinaires. C’est pourquoi, il est important que les victimes de comportements discriminatoires portent leur témoignage
auprès des autorités cantonales compétentes.
Cependant, je ne peux partager en aucune manière votre point de vue selon lequel le projet de loi fédérale sur les étrangers
serait dirigé tendanciellement contre la population noire. A contrario, le projet de loi présenté par le Conseil fédéral part de
l’idée fondamentale que, depuis toujours, la population résidante de nationalité étrangère contribue fortement à la
prospérité de notre pays et qu’elle constitue aussi une richesse culturelle pour notre société. La situation des étrangers
séjournant légalement et durablement en Suisse se trouve améliorée par rapport au droit actuellement en vigueur dans la
mesure où les difficultés qu’ils rencontrent notamment lors d’un changement de profession, d’emploi ou de canton de
domicile sont atténuées. Par ailleurs, le projet de loi énonce les objectifs majeurs de l’intégration des étrangers. Ces
derniers doivent pouvoir participer sur un pied d’égalité à la vie économique, sociale et culturelle. La coexistence des
populations suisse et étrangère doit reposer sur des valeurs fondamentales communes, les principes de l’Etat de droit ainsi
que le respect et la tolérance mutuels.
Je tiens à rappeler que l’art. 8 de la Constitution fédérale met en exergue le principe de l’égalité de traitement pour tous les
citoyens. Ce principe de non discrimination est évidemment essentiel pour garantir la cohésion sociale. A contrario, le
racisme nie les valeurs fondamentales démocratiques. C’est pourquoi, il est de notre devoir de prendre ce phénomène très
au sérieux et de le combattre aussi bien au niveau préventif que sur le plan de la répression. Au niveau fédéral, pour ce qui
relève de nos domaines de compétence, nous sommes très attentifs à ce que les instruments soient en adéquation avec les
besoins. C’est dans cette perspective que sont menés les travaux concernant la nouvelle loi fédérale instituant des mesures
contre le racisme, le hooliganisme et la propagande raciste.
Dans le but de concrétiser son engagement dans la lutte contre le racisme sur le registre de la prévention, le Conseil fédéral
a créé jusqu’en 2005 le Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits de l’Homme pour soutenir des initiatives
dans ces domaines. C’est ainsi que de nombreux projets, dont votre Observatoire du Racisme anti-Noir en Suisse, ont pu
bénéficier d’un soutien financier conséquent. Conscients de l’importance de tels projets pour la société suisse dans son
ensemble, il va de soi que nous examinerons les possibilités de continuer à soutenir les initiatives des organisations actives
dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme après la durée d’existence du Fonds fixée à 2005, et dans la mesure des
moyens à disposition.
Je tiens à vous assurer de ma reconnaissance pour l’engagement de votre association dans la problématique difficile et
vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.
Pascal Couchepin,
Président de la Confédération
LETTRE OUVERTE / DÉCLARATION COLLECTIVE - 1ER.11.2003
CONTRE LA BANALISATION DES PRÉJUGÉS RACIAUX :
Des organisations Noires demandent l’arrêt immédiat d’une
campagne «antiraciste» raciste
Des organisations issues des communautés Noires de Suisse sont indignées par le contenu de la campagne
antiraciste lancée par une organisation suisse-alémanique, avec le soutien de Berne, et appellent à son arrêt
immédiat. En particulier en ce qui concerne les affiches et spots publicitaires illustrant les Noirs.
Au cours du mois d’octobre, le GRA (Fondation contre le racisme et l’antisémitisme) a lancé dans plusieurs villes de
Suisse une importante campagne publicitaire antiraciste. D’un coût d’un million de francs, elle a été financée à hauteur de
200 000 francs par le Fonds de Projets contre le racisme et les droits de l’Homme que gère le Service de lutte contre le
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racisme (SLR). Réalisée avec l’agence de publicité Wirz Werbung, cette campagne a pour but de s’attaquer et de se jouer
des préjugés raciaux au moyen d’affiches et de spots.
Sont ainsi montés en épingle, avec des messages en forme de questions-réponses, un Juif, une Thaïlandaise, un Kosovar,
une Turque, un Noir... Surdimensionnée, l’image est ce qui frappe et qui reste en mémoire. L’affiche et le spot
représentant un Noir montre, sur un fond de végétation et de grappes de bananes, un personnage sorti droit des affiches
publicitaires coloniales “Y’a bon Banania“ de triste mémoire. Quant au message ainsi contextualisé, à la question, en très
gros caractères, «Que font les Noirs à midi avec leur femme», il est répondu, en caractères minuscules : «Ils mangent
comme tout le monde» !
Selon le SLR, le GRA lui a «assuré avoir reçu le feu vert des différentes organisations de minorités». Mais, ni le CRAN
(Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir), Observatoire du racisme anti-Noir en Suisse, ni aucune
autre organisation issue des communautés Noires n’ont été consultés, après vérification du CRAN.
Réunies autour du CRAN, des organisations issues des communautés Noires de Suisse approuvent et saluent certes tous
les efforts et actions visant la lutte contre le racisme dans le pays, en particulier dans le climat délétère actuel. Ils partagent
ainsi les objectifs poursuivis par les promoteurs de la campagne et par l’organisme public qui l’a soutenue. Toutefois, dans
la mesure où toute campagne antiraciste se doit de respecter la dignité des populations-cibles, les signataires du présent
Communiqué/Déclaration tiennent à faire part de leur indignation, de leur condamnation et aussi de leurs propositions :
Indignation
-
Les soussignés sont non seulement indignés par le fait qu’une fois encore, comme en 1995 (campagne de la
Commission fédérale contre le racisme) l’opinion d’organisations issues des communautés Noires n’est pas prise
en compte avant le lancement d’une campagne aussi importante et touchant autant à leur personne.
Ils sont également consternés de voir banalisées avec désinvolture des représentations faisant fi de la dignité des
Noirs et des souffrances traumatiques qu’ils endurent depuis des siècles. Cette campagne que les promoteurs ont
voulu «délibérément choquante et déstabilisante» a avant tout choqué et déstabilisé les Noirs de Suisse, en
particulier les jeunes.
Condamnation
-
Les soussignés dénoncent la dérive raciste des messages de cette campagne se voulant antiraciste et condamnent
fermement celle-ci.
Ils demandent aux promoteurs ainsi qu’au Département fédéral de l’Intérieur (autorité de tutelle du SLR)
d’interrompre celle-ci immédiatement sur toute l’étendue du territoire suisse. Ou, au moins, d’en retirer tout aussi
immédiatement les affiches et spots sur les Noirs. En outre, des excuses devraient être présentées formellement
par le GRA et le SLR aux communautés Noires de Suisse, profondément blessées dans leur dignité par cette
campagne.
Propositions
-
Les soussignés proposent qu’à l’avenir les organisations Noires ayant pour objet la lutte contre le racisme en
Suisse soient formellement consultées pour toute campagne pouvant concerner les populations Noires du pays.
Ils réitèrent dans ce sens la proposition formulée par le CRAN l’année dernière, en raison d’autres dérapages dans
une Déclaration publique (adressée notamment au Secrétaire général du département fédéral de l’Intérieur), pour
la mise en place d’une commission spéciale (qui comprendrait aussi des représentants des milieux antiracistes)
chargée d’examiner le contenu des projets soumis au SLR. Cette proposition était restée lettre morte.
Organisations signataires :
CRAN (Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir) - Observatoire du racisme anti-Noir en Suisse, Berne; Sankofa
- Plattform für Menschen Afrikanischen Erbes, Zürich; Centre de l’Alliance Suisse-Afrique (CASA), Berne ; Afrikabern - Groupe de
Femmes africaines de Berne, Berne ; Interact Consulting - Aide et Médiation interculturelles, Berne ; Nigerian Association of
Switzerland, Berne ; Forum pour l’intégration des Migrants (FIM) Section Afrique, Berne ; Rassemblement des Communautés
africaines de Bienne (RCOA), Bienne ; Dosanet Organisation, Biel ; Women of Black Heritage, Zürich ; Treffpunkt Schwarzer
Frauen, Zürich ; Association des Camerounais de Zürich, (ACAM), Zürich ; Coordination des Africains en Suisse alémanique
(CASA), Zürich ; Amicale des Bassa en Suisse, Zürich ; Association des Ivoiriens de Zürich (AIZ), Zürich ; Association africaine de
Suisse centrale, Lucerne ; Amicale Congo-Suisse, Lucerne ; Centre culturel africain de Lugano ; Fondation internationale pour la
Paix et lDéveloppement en Afrique, Lugano ; Centre africain d’Etudes stratégiques, Lugano ; Kissoro Association des Centrafricains
en Suisse, Fribourg ; Heritage Association, Lausanne ; Coordination des Associations africaines de Suisse (CAAS), Genève ;
Association des Jeunes d’origine africaine (AJOA), Genève ; Association des Femmes d’origine africaine (AFOA-AWAD), Genève ;
Yaakaare - REDHRIC (Réseau eurafricain pour le développement intégré, les droits de l’Homme et les relations interculturelles),
Genève ; Convergence - Groupe de réflexion sur la RDC, Genève ; Traditions et Médecine, Genève ; Africa Tomorrow, Genève ;
Groupe de réflexion et d’analyse sur le Zaïre (GRAZ), Genève ; Culture Solidarité Afroindigène, Genève ; Comité International pour
le Respect et l'Application de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CIRAC), Genève ; Espoir Plus Tiers-Monde,
Genève ; Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme/Suisse (RADDHO), Genève ; Regards Africains, Genève
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PRISES DE POSITION - 2004
LETTRE OUVERTE - 11.03.2003
A la Police de Zürich, suite à la violence inouïe de 4 Policiers sur un Noir,
près de la Gare
(N.B. - Lettre adressée par la présidente du CRAN, qui avait été témoin de la scène)
Madame Fix*,
Il n’y a pas encore très longtemps de cela le CRAN vous rencontrait pour discuter de la violence policière dans la ville de
Zurich. Nous avions pensé qu’après cette discussion, la violence des policiers à Zurich allait connaître un répit et que les
droits des minorités, Noires en particulier, allaient être respecté. Après ce qu’il m’est arrivé de vivre aujourd’hui, je puis
dire que depuis notre rencontre du 12 février dernier, aucune avancée n’est perceptible. De quoi s’agit-il ?
Le 11 mars dernier vers 13 heures 35, je suis dans le bus 31 venant de l’arrêt Central en direction de la gare. Je deviens
malgré moi un témoin impuissant d’une violence de trois policiers sur un Noir sur le pont sur la Limmat entre Central et la
grande gare. Le jeune Noir était étalé de tout son long sur le trottoir, le ventre contre le sol. Deux policiers étaient
agenouillés sur son dos, visiblement pour l’immobiliser, le tenant fermement au cou. Ils tournaient sa tête de gauche à
droite tout en l’étranglant. Le troisième policier ouvrait sa bouche et y mettait un objet pointu qui semblait être un stylo.
Les autres le fouillaient partout. Scandalisée par la scène, je descends au prochain arrêt et retourne sur le pont pour
m’entretenir avec ces policiers. Ils étaient déjà partis avec la victime.
Les passants que je rencontre non loin de là sont tout aussi choqués par ce qu’ils venaient de voir. Ils me racontent que
quelques passants voulaient défendre le Noir qui n’avait absolument rien fait, mais les policiers les ont tenus en respect en
leur disant que c’était un « Kügeli-Neger » (un nègre vendeur de boulette de cocaïne). Trois des témoins dont j’ai relevé
les adresses sont même prêts à venir témoigner car ce jeune n’aurait absolument rien fait pour subir un tel sort. Ils
m’indiquent que la fourgonnette transportant la victime s’est dirigée vers vos locaux au Bahnhofquai 3.
Je suis convaincue que vous allez vous informer pour connaître les identités des mis en cause et chercher à savoir les
raisons d’une violence aussi dégradante, humiliante. Madame Fix, pendant combien de temps doit-on encore assister à ces
traitements dont les Noirs sont régulièrement victime dans le notre ville ? Ces policiers qui agissent en toute impunité le
font-ils sur ordre de la hierarchie ? Ont-ils reçu des ordres précis pour étrangler, déshabiller, humilier la population noire
de Zurich de la sorte ? Ce jeune homme possédait-il vraiment la drogue ou était-il encore un des Noirs qui, à cause de la
couleur de peau étaient tout de suite soupçonné d’être dealer ?
Tout en espérant que des recherches internes seront entreprises pour que ce cas ne passe pas sous silence, ce qui grandirait
notre police, je vous prie d’agréer mes respectueuses salutations.
*Attachée de presse de la police de Zurich
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 23.3.2004
Manifestation à Berne contre les violences policières à l’égard des Noirs,
le 26 Mars 2004
Ces dernières années, aux postes de douanes ou de police, dans la rue, les gares, les Noirs sont de plus
en plus victimes d’actes émanant de la police et peu respectueux de leurs droits et de leur dignité.
Depuis 2002 en particulier, se sont multipliées dans tous les cantons des opérations de police fortement
médiatisées et dirigées contre des dealers, présentés comme essentiellement Noirs. Cette dérive raciste
s’est ainsi retrouvée dans les dénominations mêmes de certaines de ces opérations, comme NERO à
Berne, boule de neige à Bienne ou Alpha à Lausanne.
Le caractère discriminatoire flagrant de l’ensemble de ces opérations policières se traduit quotidiennement par des actes
délibérés dirigés contre les Noirs et occasionnant des dérapages inadmissibles. Contrôles abusifs, humiliants et
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s’accompagnant souvent de violences ne se comptent plus. Deux enquêtes du CRAN, consacrés aux expériences racistes des
Noirs en Suisse, montrent une augmentation alarmante de violences policières contre les Noirs entre 2000 et 2003. La ligne
verte antiraciste de ACOR SOS Racisme enregistre également un nombre toujours plus grand de plaintes de Noirs victimes
de ces violences.
Le dernier rapport du Conseil de l’Europe, rédigé par sa Commission contre le racisme et l’intolérance (ECRI,
http://www.coe.int/T/F/Droits_de_l'Homme/Ecri/), s’est fait l’écho de nos préoccupations, même si le Conseil fédéral y
minimise nos reproches qu’il juge «dénués de substance, ne reposant sur aucune donnée fondée». Le rapport annuel que
notre Observatoire s’apprête à publier de son côté apportera un éclairage à la fois concret et pointu sur la réalité aujourd’hui
du racisme anti-Noir en Suisse, notamment quant aux violences policières.
Le trafic de drogues en Suisse, notamment quant à l’importation, entre les mains de gros dealers, n’est pas le seul fait de
Noirs. La police dispose d'un corps spécialisé dans la lutte contre ce trafic. Pourtant la partie la plus médiatisée de son
travail, dirigée vers l’opinion publique, consiste à réprimer les petits dealers dans la rue. Et, parce que, selon ses chiffres,
«les dealers Noirs représentent 99,9% des trafiquants de cocaïne» et que «tous les Noirs se ressemblent», ces derniers sont
devenus des dealers en puissance
Ainsi stigmatisés, étant facilement identifiés par leur visibilité, les Noirs de Suisse, en particulier les jeunes, dont un nombre
plus grand fait son service militaire, sont devenus une cible permanente très exposée.. Les dérapages tout azimut que
produisent la criminalisation par le faciès d’une partie, même minoritaire, de la population suisse, sont inacceptables et
doivent cesser.
Ces opérations s’inscrivent-elles dans une logique politique, depuis que les autorités fédérales ont décidé de faire passer une
nouvelle Loi sur les étrangers (Letr) qui, notamment, considère comme inassimilables les ressortissants non-européens?
Face à cette situation alarmante, et faisant suite à la journée nationale contre racisme placée cette année sous le signe de la
dénonciation des violences policières par les organisations antiracistes et de défense des droits de l’Homme, le CRAN a
décidé d’organiser une manifestation à Berne, le 26 mars, à 10h00, de la Aaberggasse au Waisenhausplatz. A cette occasion,
un Mémorandum sera remis à M. Christoph Blocher, conseiller fédéral chargé de la police. La manifestation est soutenue
par plusieurs organisations (voir verso).
Organisations qui soutiennent la manifestation :
Forum contre le Racisme; Association des Camerounais de la Suisse Alémanique ; ACOR/SOS Racisme ; CASA ; RCOA; Sankofa;
Women of Black Heritage; Amicale Congo-Suisse; Citoyens du Monde; Regards Africains; Fédération des Congolais de l’Etranger;
Solidarité sans frontières; Augenauf; etc.
COMMUNIQUE DE PRESSE - 14.06.2004
REQUÉRANTS D’ASILE FRAPPÉS PAR LA NON-ENTRÉE EN MATIÈRE :
Le CRAN dénonce des graves atteintes à la Dignité humaine et le chaos
social généré
Les «mesures d’allègement», touchant les requérants d’asile ayant reçu de la Confédération une «Non-Entrée en Matière»
sur leur demande d’asile, sont entrées en vigueur le 1er avril 2004. Retroactives, elles touchent environ 8000 personnes,
sans parler des requérants qui continuent d’arriver dans les centres d’enregistrement. Toutes ces personnes frappées par la
Non-entrée en matière sont aussitôt considérées comme étant en situation de séjour illégal. La majorité de ces personnes
sont d’origine africaine, étant les plus frappées (90 % des cas) par les nouvelles mesures.
Depuis la mise en place de ces mesures, le CRAN a fait le constat suivant :
-
Des personnes se retrouvent à la rue du jour au lendemain, sans assistance, sans assurance, sans subsistance. Même
celles qui travaillaient et gagnaient honnêtement leur vie, sans dépendre de l’assistance, se retrouvent sans travail,
leurs patrons étant sommés de les licencier, aussitôt connue la mesure les frappant.
-
L’énergie de ces personnes est désormais accaparée par la recherche quotidienne d’un toit, de quelques aides (souvent
réservées aux personnes «collaborantes», celles qui acceptent de partir). A l’instar de plusieurs organisations pouvant
apporter une assistance aux requérants, le CRAN n’arrête pas de recevoir des appels au secours de ces personnes
souvent mal informées sur leur sort.
-
Confrontées à des conditions de vie en dessous du minimum vital, voire inhumaines (ex. dans le canton de Berne, où
les autorités le font exprès «pour qu’ils partent»), beaucoup de ces personnes sont brisées, angoissées, désemparées,
complètement désorientées et ne sachant pas quoi faire pour s’en sortir.
Page 194
-
Atteintes dans leur dignité et dans la reconnaissance de leurs besoins fondamentaux, elles tentent certes de réagir
dignement à la nouvelle situation. Mais, expressément mises en situation de devenir des illégaux, plusieurs de ces
personnes sont tentées par la délinquance. Comment vont-elles vivre toutes ces personnes qui ne peuvent pas être
renvoyées? Doivent-elles vivre dans la rue, tomber dans la mendicité, voler, se suicider ?
-
Le chaos social qui s’annonce semble laisser les autorités de marbre. Celles-ci savent pourtant que beaucoup de ces
personnes ne pourront pas être renvoyées, même pas sous contrainte. Cependant, les mesures devront leur être
appliquées, dès que « l’Entrée en force » (EF) est signifiée. Peut-être est-ce le but recherché ? Le renforcement de
l’image négative des requérants dans la population afin de mieux faire passer toutes ces dispositions législatives (Loi
sur les Etrangers, Loi sur l’asile) en train d’être débattues au parlement et visant exclusivement les non-européens ?
Au vu de cette situation à la fois alarmante, inquiétante et révoltante,
Le CRAN dénonce ces graves atteintes délibérées et institutionnalisées à la dignité humaine, en violation avec la
Constitution dans l'unique but de satisfaire les tendances xénophobes de certains partis et hommes politiques, résolus à
vider le droit d’asile de toute sa substance, et de vouloir faire peur aux futurs requérants d’asile tentés de venir frapper à la
porte de la Suisse.
Le CRAN s’inquiète du chaos social rampant que les autorités sont en train de créer tout aussi délibérément et dont elles
semblent ne pas encore mesurer ni l’ampleur ni toutes les répercussions à venir.
Le CRAN prie les autorités de rechercher à tout prix les solutions garantissant le respect de la dignité humaine autant que
des besoins fondamentaux, conformément aux standards en vigueur en Suisse. En particulier, les personnes au bénéfice
d’un emploi (souvent délaissé par les Suisses) ne devraient pas être mises du jour au lendemain au chômage et réduites à
l’assistance, ayant perdu leur autonomie.
Le CRAN appelle les autorités ainsi que toutes les personnalités du monde politique, économique, culturelle ou religieux,
profondément attachées au respect de la personne quelque soit sa provenance, sa religion ou sa “race“, à mettre tout en
oeuvre, concrètement, pour que la tradition humanitaire de la Suisse ne soit balayée définitivement par une nouvelle
tradition de xénophobie et de racisme, en dépit du très regrettable précédent de l’affaire des réfugiés juifs fuyant
l’Allemagne nazie.
Le CRAN appelle à l’unité d’action de toutes les organisations luttant pour un droit d’asile à visage humain et, pour cela,
propose la convocation d’états généraux sur l’asile et la situation des migrants en Suisse, au regard des dernières
évolutions.
LETTRE OUVERTE - 28.07.2004
A MME MICHELINE SPOERRI,
CONSEILLÈRE D’ETAT À GENÈVE, CHARGÉE DE LA POLICE
Pour le Respect sans discrimination des Droits de l’Homme, dans la
Genève internationale
Madame la Conseillère d’Etat,
Dans son édition du 2 juillet 2004, le quotidien La Tribune de Genève a révélé un cas de contrôle policier suivi d’une
fouille corporelle allant jusqu’au déshabillage avec fouille anale. Ces faits survenus le 30 juin 2004 se sont passés sur les
quais de Genève, c’est-à-dire en public. Les victimes de cette incroyable humiliation étaient deux jeunes Noirs, ainsi
contrôlés et fouillés parce que fortement soupçonnés d’être des dealers de drogue. La police n’a pourtant trouvé sur eux
aucun indice qui ait pu confirmer le moindre de leurs soupçons. Un citoyen suisse choqué, qui avait assisté à toute la scène
et qui s’était vu répondre par les deux gendarmes «Monsieur, c’est une scène à laquelle il va falloir vous y habituer», a
aussitôt alerté la presse.
Dans son édition du 7 juillet, le même quotidien a fait état d’une enquête révélant au moins six autres fouilles aussi
humiliantes dont ont été victimes d’autres Noirs sur les quais des Eaux-Vives. Le cas du 30 juin ne semble donc pas isolé.
Dans son édition du 8 juillet, le quotidien Le Matin, reprenant ces dernières révélations, a lui-même révélé que le
déshabillage public et la fouille anale opérés par deux gendarmes n’avaient pas suscité que de forts remous. Une enquête et
une interpellation auraient été diligentées.
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Malgré tous ces remous, une semaine plus tard, deux de vos agents de l’ordre ont été surpris en train de procéder au même
déshabillage public et à la même fouille intime sur un jeune Noir, sur une place du centre-ville, en plein après-midi. Une
lettre (avec copie au CRAN) vous a été adressée à ce sujet par Mme Amelia Suarez-Mbolela, également choquée et
révoltée, le 17 juillet dernier.
Depuis quelques années, on note une détérioration graduelle dans le respect de la dignité et des droits des Noirs par les
agents de police dans toute la Suisse en général et à Genève en particulier. En font état des rapports aussi bien du Conseil
de l’Europe (Rapport ECRI 2003 sur la Suisse) que de la Commission fédérale suisse contre le racisme, sans compter les
cris d’alarme lancés régulièrement par des organisations antiracistes ou de défense des droits de l’Homme.
Certes, le phénomène anti-Noir ne se limite pas qu’à cette détérioration de la dignité et des droits des Noirs auprès de la
police. On note également une recrudescence d’actes de racisme, de xénophobie, de discrimination ou de simple
intolérance dirigés contre les Noirs au sein de la société suisse. On note surtout une absence de réponse politique
vigoureuse face à ce phénomène. L’agression perpétrée près de Berne par quatre Suisses contre deux jeunes Noirs,
requérants d’asile, filmés pendant qu’ils étaient tabassés et qui avait valu à l’un d’eux un long séjour à l’hôpital n’a suscité
aucune indignation ni aucune condamnation de la part de la classe politique, toute tendance confondue. On est très loin des
réactions politiques, jusqu’au sommet de l’Etat, que provoque en France le moindre acte antisémite réel ou non corroboré,
comme on l’a vu récemment.
Le CRAN (Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir), organisation créée démocratiquement en 2002
par, notamment, plusieurs membres des communautés Noires de Suisse, afin de défendre la dignité et les droits des Noirs
ainsi que pour effectuer, comme Observatoire, le monitoring des faits relevant du racisme anti-Noir, vous fait part :
•
de son indignation la plus forte devant les atteintes graves, délibérées et répétées portées à la dignité et aux droits des
Noirs par vos agents, sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue;
•
de sa condamnation sans appel de ces actes qui violent, non seulement la Constitution et plusieurs engagements
internationaux de la Suisse, mais aussi les droits de l’Homme les plus élémentaires dans une ville, siège international
des droits de l’Homme;
•
de sa profonde inquiétude devant les dérives de la police genevoise qui, à lire la lettre de la dame ainsi que les propos
rapportés par le témoin du quai des Eaux-Vives, semble suivre des consignes reçues de ses supérieurs, vous même en
l’occurrence, puisqu’un de vos agents vous cite.
Le CRAN vous prie donc :
•
de mettre fin immédiatement à une politique de répression de la criminalité, certes légitime et nécessaire, mais qui
viole systématiquement la dignité et les droits des Noirs tout en les humiliant de la manière la plus abjecte;
•
d’ouvrir une enquête et d’engager des procédures disciplinaires à l’encontre des agents qui se sont livrés à ces
violations au cas où celles-ci ne relèveraient pas de consignes de votre part, ainsi qu’à l’encontre de tout agent qui
pourrait à l’avenir commettre ces violations inadmissibles dans un pays civilisé et un état de droit;
•
d’engager aussitôt, avec la collaboration du CRAN (qui possède un projet) si vous le désirez, un programme de
formation continue qui puisse doter la police genevoise de notions de respect de la dignité des Noirs ainsi qu’à leur
identité, s’agissant de personnes meurtries dont l’histoire est déjà suffisamment remplie d’humiliations et de
violations de leur dignité et de leurs droits.
Enfin, le CRAN vous demande solennellement de présenter des excuses publiques aux communautés Noires de Genève et
de Suisse, profondément blessées dans leur dignité et leur honneur par les agissements innommables et traumatisants (pour
les jeunes en particulier) de vos agents.
Nous osons espérer que vous saurez arrêter la dangereuse dérive policière qui se dessine dans la Genève internationale,
patrie d’Henri Dunant et berceau de l’engagement international de la Suisse pour les droits de l’Homme.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir, Madame la Conseillère d’Etat, l’expression de nos
sentiments distingués.
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APPEL COLLECTIF - 18.8.2004
Pour le respect de la Dignité et des Droits des Noirs,
dans la Genève internationale
Dans la Genève internationale, patrie d’Henri Dunant et siège international des droits de l’Homme, la
police se livre depuis plus de deux ans à de multiples humiliations publiques des Noirs. Forfaits
impunis, un autre vient de s’y ajouter, l’atteinte à la Mémoire des Noirs, celle de leur esclavage.
En effet, au nom de la lutte contre le trafic de drogue, on assiste déjà aux atteintes suivantes :
- Contrôles d’identité ciblés exclusivement sur les Noirs,
- Dérapages verbaux, sous forme d’insultes ou sarcasmes à caractère raciste,
- Dérapages physiques, sous forme de brutalités contre des personnes souvent plaquées au sol, quasi étranglées
(suspectées de cacher la cocaïne dans la bouche) et menottées,
- Fouilles au corps allant même, toujours en public, jusqu’au déshabillage avec fouille anale, comme l’a relaté la presse
locale début juillet 2004.
Malgré la consternation et l’indignation soulevées parfois dans l’opinion publique par cette dernière pratique en
particulier. Malgré une plainte pénale déposée contre la police à ce sujet. Malgré une lettre ouverte envoyée fin juillet par
le CRAN à la Conseillère d’Etat en charge de la police, Mme Micheline Spoerri. Malgré tout ce faisceau de signes
alarmants, aucune mesure et encore moins aucune sanction ne sont venues contenir cette dérive policière de violation
systématique et discriminatoire de la dignité et des droits des Noirs. Plus grave : après les atteintes à la personne, vient de
suivre l’offense à la Mémoire.
Une nouvelle limite a été en effet franchie le vendredi 13 août dernier, vers 16h15, place Cornavin. Des policiers voulant
enterrer la vie de célibat d’un collègue n’ont pas trouvé mieux que de pasticher les scènes atroces qui suivaient
l’arrestation des esclaves Noirs fugitifs, aux Amériques : après avoir colorié et déguisé (avec une perruque afro) en négro
ce collègue, deux policiers en service et en uniforme se sont livrés à un simulacre d’arrestation de dealer, avec plaquage au
sol et menottes, avant de lui nouer la taille avec une grosse corde attachée à leur voiture de fonction, gyrophare allumé, et
de le tirer ainsi derrière eux sur une centaine de mètres, jusqu’au poste de la gare Cornavin. Où le trio a sans doute sablé le
champagne avec d’autres collègues, le scénario ayant été mis au point à plusieurs. La seule réaction du chef de la police,
M. Urs Rechsteiner, contacté le jour même par le quotidien La Tribune de Genève, a été d’ouvrir une enquête
«administrative» pour «utilisation du matériel à des fins privées». Aucune action n’a été envisagée contre cette offense
inqualifiable à la dignité et à la Mémoire des Noirs et de l’Humanité. Rappelons que cet acte intervient en cette année de
commémoration du bicentenaire d’Haïti, première république Noire à se libérer du joug de l’esclavage.
Page 197
Certes, Genève n’est pas un cas isolé. Comme vient de l’établir méthodiquement le tout récent Rapport de l’Observatoire
du CRAN sur «l’Actualité du racisme anti-Noir en Suisse», les personnes d’origine Noire se sentent de plus en plus
insécurisées et peu respectées dans leur dignité. Dans toute la Suisse, les violences policières en particulier sont légions,
impunies et couvertes par l’assourdissant silence de la classe politique dans son ensemble. Dans la Genève internationale,
une telle situation est encore plus inadmissible.
Dès lors, au vu de la minimisation et de la négation de tout respect dû à l’Homme Noir dans sa dignité, ses droits et sa
Mémoire; et à l’initiative du CRAN, organisation Noire créée pour défendre cette dignité, ces droits et cette Mémoire,
Nous, Associations et Personnes issues des communautés Noires de Genève et de Suisse, avec à nos côtés d’autres
organisations et personnes indignées et inquiètes aussi par les dérives policières à Genève, adressons l’Appel suivant :
-
Nous invitons le Conseil d’Etat à condamner de la manière la plus ferme et la plus claire l’acte ignominieux pour la
Mémoire Noire posé par ses agents de police.
-
Nous invitons le Conseil d’Etat de veiller à ce que les sanctions les plus appropriées soient prises contre l’ensemble
des policiers qui se sont rendus coupables de cet acte aussi offensant, ignoble et indigne d’agents d’un Etat de droit et
d’une nation civilisée
-
Nous invitons le Conseil d’Etat de procéder instamment à une évaluation ainsi qu’à une réadaptation des programmes
de formation de la police en matière de droits de l’Homme, en y associant des formateurs issus des communautés
Noires notamment.
-
Nous invitons le Conseil d’Etat à présenter solennellement des excuses publiques aux communautés Noires de Genève
et du reste de la Suisse, profondément blessées dans leur dignité et leur Mémoire, et d’engager un dialogue constructif
avec des représentants de ces communautés.
Enfin, nous appelons à la démission immédiate de la Conseillère d’Etat, Micheline Spoerri, et du chef de la police, M. Urs
Rechsteiner, qui ont laissé régner longtemps un laxisme intolérable en ne prenant aucune mesure contre les violations
répétées de la dignité et des droits des Noirs par leurs agents de l’ordre, violations plusieurs fois dénoncées par les
organisations antiracistes et de défense des droits de l’Homme (Commission fédérale contre le racisme, ACOR/SOS
Racisme, LICRA, Amnesty International/Suisse, outre le CRAN).
Organisations et personnes co-signataires :
AMARO Denise, Représentante étrangère à la Commission cantonale consultative sur l’intégration, Genève ; AMERY René-Claude,
Etudiant, Genève ; AMITIE SANS FRONTIERES, Berne ; ASSOCIATION CULTURELLE DES AFRICAINS DE SUISSE (ACAS),
Berne ; ASSOCIATION PANAFRICAINE POUR L'ART (APA) Genève ; BA Tafsir Mamour, Genève ; BA Thierno, Genève ; BADER
Miriam, Etudiante, Genève ; BAGALWA Mapatano, Chargé de recherches, Genève ; BALDE Lamine, Etudiant, Genève ; BALDET
Oumar, Socio-Economiste, Genève ; BARRIC Ibrahim, Employé dans la restauration, Genève ; BÄRTSCHI Katrin, Bern ; BECK
Kadima Muriel, Juriste, Bienne ; BETSCHART Madeleine, Archéologue, Directrice du Musée Schwab, Bienne ; BICKEL Irène,
Artiste, Bienne ; BINGIOBA Pepime, Employé dans la restauration, Genève ; BLOCH Flora, Ménagère, Genève ; BOILLOD Sylvie,
Restaurateure, Neuchâtel ; BOTCHEY Kojo, Ingénieur en construction mécanique, Berne ; BOTWEY Randford, Informaticien,
Zürich ; BOVARD Alain, Juriste, Berne ; CALAME Claude, Directeur de l’Ecole de Hautes Etudes en Sciences sociales (Paris) et
Professeur honoraire à l’Université de Lausanne ; CENTRE ALLIANCE SUISSE-AFRIQUE (CASA), Berne ; CONVERGENGES Groupe de réflexion sur le Congo-Zaïre, Genève ; COX Dorothy, Productrice et auteur-compositeur-interprète, Genève ; CRAC,
Genève ; Dr DE COULON Nicolas, Psychiatre et Psychanalyste, Montreux-Clarens ; DIA Anne, Secrétaire à l'Université de Genève,
Genève ; DIALLO Ibrahima, Médecin, Genève ; DIBOMA Diboma Francis, Géomètre, Zürich ; DIOUF Pape, Enseignant IUED,
Genève ; DODUNA Rima, Economiste, Berne ; ECUYER Oswald, Employé de presse, Genève ; EGGER Michel, Coordinateur
d'ONG, Pully ; EKLU-NATEY Raphaël, Biologiste, Genève ; FOLLY Richard, Employé dans la restauration, Genève, Genève ;
GAIBROIS Claudine, Bâle ; GASA Alain, Employé dans la restauration, Genève ; GEIDIL Guillaume, Enseignant, Genève ; GRAF
Denise, Juriste, Chaumont/VD ; HADJI Amadou, EPFL, Lausanne ; HAUTLE Antonio, Directeur de Fastenopfer, Lucerne ;; HAURI
Christian, Ingénieur en environnement EPFL, Genève-Bernex ; HOMBA Paulin, Etudiant, Genève ; KANE Cissé, Géographe,
Genève ; KATSHELEWA Ibrahim, Représentant étranger à la Commission cantonale consultative sur l’intégration, Genève ;
KISSORO - Association des Centrafricains de Suisse, Lausanne ; KITI Remy, Sans emploi, Aargau ; KRANCHI Margrit, Hôtellerie,
Grenchen ; LANGE-EYRE Valérie, Conseillère en communication, Aigle ; LEUENBERGER Peter, Ethnologue, FCR (Forum contre le
Racisme), Berne ; LOEMBE André, Dr. Ing. EPFL, Düdingen, ; LOULENDO Joseph,Restaurateur, Berne ; LY Mamadou, Ingénieur
polytech.Dipl.EPFL, Ecublens (VD) ; KAMWA Eric, Etudiant, Genève ; MATALAH Benjamin, Météorologue, Genève ; MATAR Seck,
Etudiant, Genève ; MAISON DE LA CULTURE AFRICAINE TRADITIONS ET MEDECINE, Genève ; MERS (Menschenrechte
Schweiz - Association suisse pour les droits de la personne), Bern ; MESSAUBA Robert, Employé dans la restauration, Genève ;
MIEZI Domingos, Employé dans la restauration, Genève ; MONTANO Guillermo, Pédagogue, Carouge-Genève ; MOUCHET Louis,
Cinéaste, Genève ; NAKI Innocent, Journaliste et Ecrivain, Soleure ; NDAH Mattais, Employé service nettoyage, Genève ; OBERSON
Sonia, Aide infirmière, Genève ; OGOCHI Emeriole, Enseignant, Lausanne ; OKITO Armando, Physicien, Membre FIMM (Forum
pour l’intégration des Migrants et Migrantes), Berne ; OKSALAMPI Anja, Service social de l’Université, Genève ; OTZ FRIEDLI
Antoinette, Parti socialiste, Lyss/BE ; OUEDA Martin, Employé dans la restauration, Genève ; PANZO Samuel, Sans emploi, Berne ;
RACCUIA Raphaël, Musicien, membre d’ATTAC-Suisse ; RANAIVOSON Henri, Juriste, Genève ; RASSEMBLEMENT DES
COMMUNAUTES ET ORGANISATIONS AFRICAINES (RCOA), Bienne ; REGARDS AFRICAINS, Genève ; RIDORE
Charles, Secrétaire romand d'Action de Carême, Lausanne ; RUTSCHMANN Gabriela, Enseignante, Burgdorf ; SAMBA Mariama,
Etudiante, Genève ; SAMOURA Djély, Président de l'Académie Africaine pour la Paix, Genève ; SANOU Ibrahim, Musicien,
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Lausanne ; SCHOLER Martine - Co-Projektleiterin HEKS (Hilfswerk der Evangelischen Kirchen Schweiz) PERSPEKTIVE, Bern ;
SCHÖNI Céline, Assistante Université de Lausanne, Lausanne ; SCILIPOTI Mathilde Emma, Coiffeuse, Genève ; SENESES Charles,
Médecin, Zollikofen ; SINGENBERGER Ursula, Géographe, Berne ; SNOECKX Sophie, Infirmière de santé, Lausanne ;
SOLIDARITE SANS FRONTIERE, Berne ; STEINER Julien, Journaliste, Bienne ; STEINER Yves, Genève ; SUTTER Anna,
Présidente de PROBAM (Association pour promouvoir une reconnaissance professionnelle dans le domaine de l’asile et de la
migration), Bienne ; TABOUBI Zou, Sage-femme, Lausanne ; TAFELMACHER Christophe, Avocat, Lausanne ; TCHOKOU Rubestin,
Artiste, Genève ; TIPPENHAUER Carl, Président d’ADELCA (Association pour le développement durable des pays de l'Amérique
latine et des Caraibes), Genève ; TOLD Michaela, Economiste en développement, Genève ; TOURE Claude, Etudiant, Genève ;
TOUSSAINT Kacou, Employé dans la restauration, Genève ; TRAORE Yacouba, Sans profession, Genève ; UGOCHUKWU Celeste,
Juriste, Bienne ; VILLOZ-MUAMBA Félicienne, Conseillère municipale, Bienne ; VULLIOUD Christian, Conseiller municipal, Le
Chenit (Vaud) ; WOMEN OF BLACK HERITAGE, Zürich ; YAAKAARE-R.E.D.H.R.I.C. (Réseau eurafricain pour le développement
intégré, les droits de l’Homme et les relations interculturelles), Genève ; YERE Henri-Michel, Doctorant Université de Bâle ; ZARE
Halidou, Sans profession, Genève ; ZELADA Victor, Economiste, Genève
LETTRE OUVERTE - 30.12.2004
Au Commandant de la Police cantonale du Valais
Monsieur le Commandant,
Le 13 décembre dernier, nous avons été alertés par le Centre Suisses Immigrés (CSI) du Haut-Valais suite à l’humiliation
dont a été victime M. Kissimba lors du Festival open Air de Gampel. En effet selon cette organisation et d’après les
coupures de journaux qui nous sont parvenues, ce requérant d’origine congolaise a été pris à partie, déshabillé et humilié
en public par trois de vos agents, certainement à la recherche de dealers.
Lors de ce contrôle, M. Kissimba a été dépouillé de tous ses effets personnels, de son argent
(1980.-) et de son téléphone portable, objets qui n’ont fait l’objet ni d’une quittance, ni d’une mise sous scellée encore
moins d’une restitution à leur propriétaire !
Selon les informations dont nous disposons, vos agents ne sont malheureusement pas à leur premier dérapage.
Nous sommes indignés par le caractère discriminatoire flagrant de l’ensemble de ces opérations policières se traduisant par
des actes délibérés dirigés contre les Noirs. Les contrôles abusifs, humiliants et s’accompagnant souvent de violences ne se
comptent plus. Deux enquêtes du CRAN, consacrés aux expériences racistes des Noirs en Suisse, montrent une
augmentation alarmante de violences policières contre les Noirs entre 2000 et 2004. La ligne verte antiraciste de ACOR
SOS Racisme enregistre également un nombre toujours plus grand de plaintes de Noirs victimes de ces violences
policières.
Par ailleurs, permettez-nous de vous signaler que le dernier rapport du Conseil de l’Europe, rédigé par sa Commission
contre le racisme et l’intolérance (ECRI), s’est fait l’écho de nos préoccupations. Nous avions pensé que ces
interpellations récurrentes d’ECRI, (car c’était la troisième du genre, sans compter celles d’Amnesty International),
allaient estomper ces velléités d’un autre âge d’une police suisse qui se veut pourtant exemplaire et à l’écoute de sa
population multiraciale.
Malheureusement, force est de constater que ces cris d’alarme n’émeuvent pas la hiérarchie policière. Car à chaque fois
qu’une plainte est déposée contre des agents qui ternissent ainsi l’image de toute une corporation, au lieu d’être guidé par
la recherche de la vérité, on cherche toujours à justifier l’inacceptable dans le cadre d’une enquête administrative interne,
en des termes on ne peut plus méprisants du genre : « les renseignements très précis nous autorisent à conclure que nos
collaborateurs et collaboratrices ont rempli leur mission, de manière proportionnée, conformément à la législation
applicable, dans le strict respect de la dignité de la personne ».
Monsieur le Commandant, pouvez-vous nous dire aussi que le déshabillage public des personnes sur lesquelles ne pèse
aucun soupçon si ce n’est le fait d’être Noires, fasse partie du « strict respect de la dignité de la personne »? Les
populations Noires de votre canton et celles de la Suisse en général vivent constamment dans un climat délétère qui fait
focaliser sur elles, par leur visibilité, une stigmatisation renforçant peurs et préjugés au sein de la population suisse. Le
caractère répété, systématique, généralisé et ciblé des contrôles de votre police ne peut être dû au seul hasard, ni à des
dérapages isolés d’agents abusant de leurs fonctions.
C’est pourquoi nous vous prions de prendre des mesures répondant aux demandes suivantes :
-
que les actes, actions ou mesures de votre police, ne portent atteinte à la dignité humaine des Noir-e-s et qu’il soit mis
fin dans votre canton aux contrôles de police au faciès;
-
qu’une limitation très stricte, tenant compte de la dignité humaine des Noir-e-s et du principe de proportionnalité soit
apportée à l'usage des fouilles corporelles et des menottes;
Page 199
-
que les objets confisqués ne puissent l’être que comme pièces à convictions et qu’ils puissent systématiquement faire
l’objet d’une quittance précisant dans le détail les objets confisqués, sinon qu’ils soient restitués totalement à la
personne interpellée, une fois celle-ci libérée ;
-
qu’en cas de soupçon de violences ou d’atteinte grave aux droits et à la dignité des personnes Noires interpellées, les
policiers soient immédiatement suspendus en attendant une enquête appropriée,
-
qu’aucune manifestation de racisme, de xénophobie ou de discrimination ne soit tolérée au sein de votre police et que
vos agents bénéficient de formations systématiques en matière de respect des droits et de la dignité de toute personne
humaine en général et contre le racisme anti-Noir en particulier;
-
que la lutte nécessaire que vous menez, certes difficilement, contre le trafic de drogues soit menée en amont comme
en aval, sans privilégier aux yeux de l’opinion publique le seul segment à connotation raciale ou ethnique qui fait
stigmatiser toute une communauté déjà accablée par les blessures encore béantes de l’histoire coloniale.
En vous remerciant vivement de l’attention particulière que vous porterez à notre requête, nous vous prions de recevoir,
Monsieur le Commandant, nos sentiments les plus distingués.
PRISES DE POSITION - 2005
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 14.05.05
Le CRAN condamne les dérives racistes du Conseiller communal de Bex
Les jeunes requérants Noirs du centre Fareas de Bex dans le canton de Vaud sont victimes d’insultes et provocations
racistes de la part du Conseiller communal M. André Corboz, comme le rapporte la plupart des quotidiens du 12 mai,
informations qui ont été confirmées au CRAN sur place.
Le CRAN - Carrefour de Réflexion et d’Actions contre le Racisme Anti-Noir - est profondément choqué par le
comportement d’un responsable politique sensé prôner la modération pour garantir la paix, la dignité et le respect de tous,
et qui se livre publiquement à l’incitation à la haine envers la population Noire de Suisse.
Le CRAN s’insurge contre tout acte et toute propagande susceptibles d’exacerber les préjugés racistes et l’hostilité du
public envers une partie de la population, mettant en danger ainsi la paix.
Le CRAN s’insurge contre les actes irresponsables de M. André Corboz, Conseiller communal, un responsable qui recourt
à des graffitis racistes « Nègre go home » (inscrit à la peinture blanche sur un pan mural entier) pour diffamer la
communauté Noire et portant atteinte à la dignité humaine.
Qu’on se souvienne, il y a quelques jours, l’Occident tout entier célébrait le 60ème anniversaire de la fin du Nazisme (2ème
guerre mondiale) où les méfaits de la haine étaient unanimement condamnés avec un appel à plus de vigilance. Quelle
leçon avons-nous tiré des conséquences de la haine contre les Juifs ?
La multiplication des manifestations racistes et discriminatoires à l’égard de la population Noire de Suisse prend une
ampleur très inquiétante et préoccupante. La lutte contre le trafic de stupéfiants et autres activités illégales est un combat
que Noirs et Blancs doivent mener ensemble et ne devrait pas se traduire par une incitation à la haine ou une
discrimination à l’encontre de la population Noire de Suisse, se basant uniquement sur la couleur de leur peau. Cet
amalgame et la haine créée de toute pièce produit des effets extrêmement négatifs et graves sur la vie quotidienne des
Noirs résidant en Suisse.
Au moment où la politique suisse de ces derniers mois se focalise sur les votations du 5 juin, où les étrangers et plus
particulièrement des membres de la communauté Noire font l’objet malgré eux d’une campagne aux allures xénophobes et
racistes des partisans du NON;
Au moment où, depuis le 1er avril 2004, des centaines de requérants d’asile subsahariens sont devenus des laissés-pourcompte, jetés dans la rue sans le moindre soutien et créant ainsi au sein de la population suisse une aversion sans nom,
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Les propos racistes du conseiller communal de Bex viennent corroborer ce que le CRAN n’a cessé de dénoncer depuis des
années, à savoir la perception négative et les tracasseries de tout ordre dont sont victimes les Noirs en Suisse.
C’est pourquoi,
Le CRAN condamne avec la dernière énergie les propos racistes de M. André Corboz, et exige de ce dernier des excuses
publiques. Il regrette en outre la réaction des jeunes Noirs qu’il impute d’une part aux provocations racistes de l’élu local
et d’autre part à l’intervention musclée des policiers faisant des blessés graves parmi ces jeunes.
Le CRAN attire l’attention des responsables politiques sur des dérives racistes dont leurs collègues se rendent
coupables à chaque fois que des votations approchent et leur demande de s’en démarquer en condamnant de la manière la
plus ferme, des propos portant atteinte à la dignité humaine.
Le CRAN invite les autorités, ainsi que toutes les personnalités du monde politique, économique, culturel et religieux,
profondément attachées au respect de la dignité humaine quelque soit la personne, son origine, la couleur de sa peau et sa
religion, à mettre tout en oeuvre, concrètement, pour que la tradition humanitaire de la Suisse ne fasse pas place
définitivement à la xénophobie et au racisme.
COMMUNIQUE DE PRESSE - 18.07.2005
Le CRAN s’inquiète du vent de xénophobie et de
racisme anti-Noir en Suisse
La focalisation actuelle de la politique Suisse sur le projet de Loi sur les Etrangers (Letr) et le
durcissement de la Loi sur l’Asile (Lasi) inquiètent les populations Noires de Suisse. Les raisons qui
justifient ce durcissement sont malheureusement très souvent la diabolisation des Etrangers, en
particulier ceux venant de l’Afrique subsaharienne qui se caractérisent par la couleur foncée de leur
peau. Et pourtant la majorité des Noirs vivant en Suisse sont loin d’être des dealers. Malheureusement
cette politique de bouc-émissarisation de la tranche la plus faible de la société suisse a fini par
convaincre certains Suisses que tout Noir est un vendeur de drogue potentiel. Le résultat est que tous
les Noirs qu’ils soient Suisses ou étrangers vivent dans un climat de suspicion permanent, devenant
ainsi victimes d’une aversion sans nom. Les faits suivants suffisent pour s’en convaincre.
Des actes de racisme anti-Noir flagrants et en augmentation
En 2004, une infirmière Noire dépose une demande d’embauche dans un home pour personnes âgées à Gottaz près de
Morges (VD). La directrice du Home refuse d’embaucher la Suissesse au teint foncée non pas, comme on l’aurait pensé,
pour incompétence mais plutôt parce qu’elle est Noire.
En septembre 2004, un jeune Noir, requérant d’asile, est pris à partie par trois jeunes Suisses à Olten, dans le canton
d’Argovie. Ces derniers, après avoir roué de coup leur victime, s’apprêtaient à le jeter par-dessus le pont. N’eût été la
vigilance d’un automobiliste passant par là, on aurait certainement repêché son cadavre plus tard dans l’Aare.
En mai 2005, un conseiller municipal traitait en toute impunité tous les Noirs de « Nègres go home » sans que cela
n’émeuve la classe politique dans sa globalité face à ce racisme anti-Noir flagrant.
En juin 2005 à Zurich, un barman refuse l’entrée de son bar à un Noir sous prétexte que « les vendeurs de drogue » ne
sont pas les bienvenus dans son local.
Une violence policière contre les Noirs toujours présente
Fin août 2004, deux policiers genevois abandonnent un Noir en pleine nature, loin de tout, car ils le soupçonnent de vendre
la drogue. Un mois auparavant, d’autres policiers du même cantons s’étaient adonnés à une scène dégradante et raciste
pour les Noirs : L’un de ces policiers, pour mettre fin à sa vie de garçon, n’avait pas trouvé autre chose que de peindre son
visage en noir, se faire ligoter et tirer à l’arrière d’une voiture de police jusqu’au poste de police le plus proche, rappelant
ainsi le sort des esclaves Noirs fugitifs aux Amériques. Les Noirs blessés dans leur dignité et leur Mémoire ont demandé
en vain les excuses publiques des autorités responsables de la police genevoise.
Le 17 janvier 2005, un jeune Noir requérant d’asile est arrêté à la gare de Berne par deux policiers. Sans même demander
ses pièces d’identité, il est étranglé par ces derniers à la recherche d’hypothétiques drogues.
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Février 2005 à Zurich, des policiers entrent dans un tram et font descendre tous les Noirs pour « nécessité de contrôle ». A
la question de ces derniers de savoir pourquoi ce sont les seuls Noirs qui doivent être contrôlés de la sorte, les policiers
leur répondent que ce n’est pas à eux de poser les questions.
Fin avril 2005 toujours à Zürich, un Noir d’origine ivoirienne passe toute une nuit au cachot pour avoir discuté avec un
Suisse Blanc à la gare. Les policiers ont soupçonné le Noir de vendre la drogue au Blanc. Ce dernier n’a jamais été
inquiété. Après la nuit à la Kriminalpolizei sur la base de simples soupçons, le Noir s’est en plus vu signifier une
interdiction de séjour dans tout le centre de Zurich.
Jusqu’en avril 2005, un jeune Noir frappé de « Non-entrée en matière » est arrêté sept fois par les policiers de Bâle et à
chaque fois envoyé en prison parce que sans statut légal en Suisse. Traumatisé, il vit aujourd’hui replié sur lui-même.
Ce jeune n’est pas le seul dans une telle situation. Ils sont des milliers à se retrouver aujourd’hui à la rue, sans assistance,
sans assurance, sans subsistance. Même ceux qui travaillaient et gagnaient honnêtement leur vie, sans dépendre de
l’assistance, se retrouvent sans travail, leurs patrons étant sommés de les licencier, aussitôt connue la mesure les frappant.
L’énergie de ces personnes est désormais accaparée par la recherche quotidienne d’un toit, de quelques aides (souvent
réservées aux personnes «collaborantes», celles qui acceptent de partir). A l’instar de plusieurs organisations pouvant
apporter une assistance aux requérants, le CRAN n’arrête pas de recevoir des appels au secours de ces personnes, des
Africains pour la plupart, souvent mal informées sur leur sort. Confrontées à des conditions de vie en dessous du minimum
vital, voire inhumaines, beaucoup de ces personnes sont brisées, angoissées, désemparées, complètement désorientées et
ne savent pas quoi faire pour s’en sortir. Atteintes dans leur dignité et dans la reconnaissance de leurs besoins
fondamentaux, elles tentent certes de réagir dignement à cette situation. Mais, expressément mises en situation de devenir
des illégaux, plusieurs de ces personnes sont tentées par la délinquance. Comment vont-elles vivre toutes ces personnes
qui ne peuvent pas être renvoyées? Doivent-elles vivre dans la rue, tomber dans la mendicité, voler, se suicider ?
Le CRAN tire la sonnette d’alarme
Le CRAN dénonce ces graves atteintes délibérées et institutionnalisées à la dignité humaine, en violation avec la
Constitution, dans l'unique but de satisfaire les tendances xénophobes de certains partis et hommes politiques, résolus à
vider le droit d’asile de toute sa substance, et de vouloir faire peur aux futurs requérants d’asile tentés de venir frapper à la
porte de la Suisse.
Le CRAN s’inquiète du chaos social rampant que les autorités sont en train de créer tout aussi délibérément et dont elles
semblent ne pas encore mesurer ni l’ampleur ni toutes les répercussions à venir.
Le CRAN prie les autorités de rechercher à tout prix les solutions garantissant le respect de la dignité humaine autant que
des besoins fondamentaux, conformément aux standards en vigueur en Suisse. Les durcissements de la Letr et de la Lasi
sont une atteinte flagrante aux droits de la personne et rien ne saurait les justifier à l’heure actuelle.
Le CRAN invite les autorités ainsi que toutes les personnalités du monde politique, économique, culturelle ou religieux,
profondément attachées au respect de la personne quelque soit sa provenance, sa religion ou sa “race“, à mettre tout en
oeuvre, concrètement, pour que la tradition humanitaire de la Suisse ne soit balayée définitivement par une nouvelle
tradition de xénophobie et de racisme.
Le CRAN appelle enfin à l’unité d’action de toutes les organisations luttant pour un droit d’asile à visage humain et, pour
cela, propose la convocation d’états généraux sur l’asile et la situation des migrants en Suisse au regard des dernières
évolutions.
PLAINTE AUPRÈS DU CONSEIL SUISSE DE LA PRESSE - 4.11.2005
ARTICLES DIFFAMATOIRES CONTRE LES NOIRS
Plainte contre les journaux « 20 Minuten » et « Freiburger Nachrichten »
Monsieur le Secrétaire général,
Le vendredi 21 octobre 2005, des journaux du canton de Berne ont publié une information émanant certainement de la
police, faisant état de 33 dealers arrêtés dans la première quinzaine du mois d’octobre. Toutefois, là où le journal Bund se
contente de dire que 33 dealers ont été arrêtés et déférés devant la justice, le quotidien gratuit 20 Minuten se sent dans
l’obligation d’être plus exact et mentionne que les 33 personnes arrêtées sont constituées de 2 Suisses, 2 Vietnamiens, 1
Italien et 28 Noir-Africains.
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Discrimination
Vous l’aurez constaté, parmi les dealers appréhendés, il y a des Suisses, des Vietnamiens, un Italien et des Noirs. Si dans
les trois premiers cas, on nomme le lieu de provenance des personnes mises en cause, force est de constater que dans le
dernier cas, on se réfère à la couleur de la peau des 28 personnes restantes pour les identifier. On serait tenté de se
demander pourquoi les 5 premières personnes ne seraient pas aussi Noires, à moins que nous pensions qu’un Noir ne peut
être Suisse, Italien, etc. Nous nous demandons ce que l’on cherche à faire savoir au lecteur en lui donnant de telles
informations. Car, ce faisant, ce n’est pas le Nigérian, l’Ivoirien ou le Guinéen dealer qui est visé mais plutôt tous ceux qui
ont la peau foncée, qu’ils soient Européens, Suisses, Américains, etc.
Aussi, nous estimons que la directive suivante de la Déclaration des devoirs du Conseil suisse de la presse a été enfreinte.
Chapitre 8 de la « Déclaration des devoirs » :
« Respecter la dignité humaine ; le/la journaliste doit éviter toute allusion, par le texte, l’image et le son à l’appartenance
ethnique ou nationale d’une personne » ….
Directive 8.2. Interdiction des discriminations :
« Lorsqu’une information porte sur un délit, des indications touchant l’appartenance ethnique, la religion (….) peuvent
être admises pour autant qu’elles soient nécessaires à la compréhension du récit. La mention de la nationalité ne devrait
faire l’objet d’aucune forme de discrimination : lorsqu’elle n’est pas systématique (et donc appliquée aux ressortissants
nationaux), elle doit répondre aux mêmes conditions restrictives que les autres indications. Une attention particulière sera
accordée au fait que ces indications peuvent renforcer les préjugés contre des minorités. »
Alors que les autres personnes interpellées sont décrites par rapport à leur nationalité, les personnes d’origine africaine le
sont par la couleur de leur peau.
L’association quasi-systématique, dans certains milieux, (la police notamment) de la couleur de la peau au trafic de drogue
renforce les préjugés à l’égard des personnes d’origine africaines. Si nous sommes heureux de constater que de plus en
plus de journalistes comprennent ces préoccupations, nous sommes inquiets de voir certains médias donner large écho à
des présomptions xénophobes ou racistes.
Dans son édition du 3 novembre dernier, le journal Freiburger Nachrichten relate le procès d’un jeune dealer de la même
manière, en écrivant : der 30-jährige Schwarzafrikaner. Cette pratique semble donc se répandre.
Aussi, nous demandons au Conseil suisse de la presse de bien vouloir examiner cette plainte et de lui donner les suites
qu’elle requiert. Nous sommes à votre disposition pour toute information complémentaire et vous prions de recevoir,
Monsieur le Secrétaire général, nos meilleures salutations.
COMMUNIQUE DE PRESSE - 31.10.2005
RAPPORT SUR LES RELATIONS SUISSE-AFRIQUE DU SUD :
Le CRAN dénonce une politique discriminatoire du
Conseil fédéral
Le 27 octobre dernier, le professeur Georg Kreis a rendu public le rapport final sur le Programme national de recherche
consacré aux relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud à l’ère de l’apartheid. Connu sous le nom de PNR 42, ce
programme s’est clôturé sur un constat d’échec de la plupart des observateurs avisés, en particulier le groupe de recherche
Suisse-Afrique du Sud. Le rapport final fait ainsi état des restrictions massives déployées par le Conseil fédéral qui a aussi
fait censuré les résultats. De l’avis du groupe de recherche, cette censure avait pour objectif d’éviter la publication des
faits mettant en cause les banques et entreprises, la Banque nationale, le SECO, le Département fédéral des finances et le
Conseil fédéral lui-même. Certaines données brûlantes n’auraient pu ainsi être établies que parce qu’il a été possible de
consulter les documents y relatifs dans les archives sud-africaines.
Le PNR 42 a été lancé en 2000 par le Conseil fédéral à la suite d’une initiative parlementaire de la Conseillère nationale
St. Galloise Pia Hollenstein (parti des Verts), en vue de faire la lumière sur les relations Suisse-Afrique du Sud à l’époque
de l’apartheid.
A titre de référence, signalons que dans le sillage de l’affaire des fonds juifs en déshérence, le Conseil fédéral instituait en
décembre 1996, après décision de l’assemblée fédérale, la Commission indépendante d’experts « Suisse-Seconde Guerre
mondiale » (CIE), dite Commission Bergier, afin de clarifier des questions d’ordre économique et financier en rapport
avec le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale. Les deux projets ont pour point commun le comportement
des milieux économiques suisses et de la Suisse officielle sur une période récente.
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En comparant la politique appliquée par les autorités suisses face à ces deux démarches, on ne peut manquer de déceler
une attitude discriminatoire flagrante. Celle-ci n’a pas seulement consisté dès le départ à minimiser les souffrances des
victimes de l’apartheid et, donc, le rôle de la Suisse à l’égard du régime de l’apartheid, puisque, au lieu d’une véritable
commission d’enquête, c’est un programme de recherche de moindre envergure qui sera mis en place, du reste sous la
pression de l’opinion publique. D’autres attitudes discriminatoires vont marquer également ce programme, notamment :
•
La participation de chercheurs sud-africains a été exclue d’emblée par le Conseil fédéral, lequel avait pourtant
veillé à une composition de la Commission Bergier incluant des chercheurs israéliens ou juifs.
•
En avril 2003, le même Conseil fédéral a mis en place un embargo partiel dans l’accès aux archives, dans le but
de protéger des entreprises suisses ayant eu des relations d’affaires avec l’Afrique du Sud. Aucune entrave
majeure n’a été signalée dans l’élaboration du Rapport Bergier.
•
Aucune session publique du PNR n’a été prévue pour la présentation des résultats de la recherche, le 27 octobre
dernier,contrairement à la présentation du Rapport Bergier, le 22 mars 2002.
Au vu de toutes ces considérations, le CRAN demande instamment au Conseil fédéral de respecter ses propres
engagements, à savoir de mettre en œuvre le PNR tel qu’il l’a initialement ordonné, sans censure aucune et en veillant à
une participation significative de chercheurs sud-africains indépendants.
Pour le CRAN, les relations Suisse-Afrique du Sud posent le problème de la restitution de la Mémoire. Il s’agit bien de la
Mémoire du peuple suisse. Celui-ci doit savoir son histoire afin d’assumer pleinement ses responsabilités et modifier son
regard sur les autres : la misère africaine qui débarque en Suisse a été une formidable source de profits colossaux pour
l’économie et le peuple suisse. Il s’agit aussi de Mémoire des victimes à qui il faut rendre justice par devoir de
responsabilité. Cette responsabilité a une éthique , à savoir que la Suisse se doit de rendre justice aux victimes de ses
relations coupables avec des régimes honnis sans aucune discrimination, notamment celle qui pourrait être basée sur une
hiérarchie de victimes.
Enfin, le CRAN appelle le Conseil fédéral à poser un geste fort, en adéquation avec les conclusions d’un rapport mieux
éthiquement élaboré sur les relations Suisse-Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Il l’invite vivement à oeuvrer en
faveur de l’annulation sans conditions des dettes de l’apartheid auprès d’institutions suisses et à prendre les mesures qui
s’imposent afin que les banques et entreprises nationales qui ont profité de l’apartheid et l’ont soutenu versent des
réparations pour l’injustice et les dommages occasionnés aux populations Noires d’Afrique du Sud.
PRISES DE POSITION - 2006
COMMUNIQUE DE PRESSE - 19.03.2006
1RE CONFÉRENCE EUROPÉENNE SUR LE RACISME ANTI-NOIR, ORGANISÉE PAR LE CRAN
Lilian Thuram ouvre une rencontre historique européenne
Sous le Haut Patronage de la Commission fédérale de lutte contre le Racisme, le CRAN a tenu les 17 et 18 mars 2006 la
Première Conférence Européenne sur le Racisme anti-Noir. Venus de plus de 14 pays européens, sociologues,
philosophes, politologues et militants d’organisations luttant contre le racisme se sont réunis pour mettre en commun leurs
expériences afin d’unifier leurs efforts pour combattre le racisme anti-Noir qui sévit dans toute l’Europe. De nombreuses
personnalités telles que Lilian Thuram, star de football, Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes
contemporaines de racisme mais aussi Anne-Catherine Menetrey-Savary, conseillère nationale, Laurent Moutinot,
conseiller d’Etat genevois et Francis Matthey, président de la Commission fédérale des Etrangers ont apporté leur pierre à
l’édifice ainsi que leurs encouragements.
Lilian Thuram a dénoncé les insultes racistes exprimées entre autres par des cris de singe dont sont victimes les joueurs de
football Noirs lors de multiples matchs de football. Il a insisté sur l’importance de l’éducation dans le combat contre le
racisme : « lorsque j’entends les gens me raconter ces problèmes en Italie, j’ai de la compassion pour eux car je crois
qu’ils ne connaissent pas leur histoire. Les jeunes Noirs doivent connaître leur histoire afin de sortir de la prison
idéologique dans laquelle on les a mis. Quand nous nous respecterons nous-mêmes, nous pourrons aussi exiger des autres
qu’ils nous respectent. A ce titre, cette conférence est le début de quelque chose de très important ».
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Connaître l’histoire de la communauté Noire, c’est ce à quoi plusieurs intervenants se sont employés lors de la conférence.
En effet, de nombreuses pages de l’histoire Noire restent inconnues voir niées à ce jour, comme l’a démontré Pierrette
Fofana-Herzberger, universitaire allemande a notamment mis à jour des pages parmi les plus sombres de l’histoire
allemande. Son exposé a été illustré par un film poignant sur le génocide occulté des Héreros en Namibie, emprisonnés
dans de véritables camps de concentration par l’armée allemande entre 1905 et 1908. Louis Sala-Molins auteur notamment
de l’ouvrage « Le code noir » a établi les liens entre les origines du racisme anti-Noir et les trois religions dites du Livre.
Anne-Catherine Menetrey a analysé la présence du racisme anti-Noir en Suisse à travers trois moments de l’histoire
suisse : le temps de l’esclavage et des colonies, les relations de la Suisse avec l’Allemagne nazie et surtout avec l’Afrique
du Sud pendant l’apartheid et l’élaboration des nouvelles lois sur l’asile et les étrangers.
Doudou Diène a dénoncé la recrudescence d’actes racistes ainsi que la banalisation intellectuelle du racisme qui frappent
actuellement toute l’Europe. Il a insisté sur le danger que représente la légitimation intellectuelle du racisme. Pour le
rapporteur spécial de l’ONU, la construction intellectuelle qu’est le racisme anti-Noir reste profondément imprégnée dans
l’inconscient collectif occidental. Il a insisté sur la nécessité de briser le silence quant à l’idéologie raciste d’hier et
d’aujourd’hui, il a aussi souligné l’importance de mener la lutte anti-raciste non seulement sur le terrain des marqueurs
sociaux (logement, emploi, etc.) et de réinscrire plus positivement l’image du Noir dans l’histoire de l’humanité.
C’est dans cet esprit que les participants à la conférence ont pris des résolutions comprenant tant des stratégies de
networking, de lobbying que des actions dans tous les domaines de la société : politique, économique, social. Ces
engagements visent non seulement à changer l’image des Noirs dans les sociétés européennes notamment celle véhiculée
dans la plupart des médias, mais aussi à lutter pour briser cette invisibilité lorsqu’il s’agit du respect de la dignité des
Noirs, minorité très visible dans la stigmatisation et les discriminations. S’inscrivant dans le cadre du suivi de la
Conférence internationale de Durban sur le racisme et les discriminations de 2001, la Déclaration de clôture de la
conférence (en attaché) exhorte ainsi les autorités politiques et toutes institutions qui sont parties prenante à prendre les
mesures nécessaires pour éradiquer le fléau que constitue le racisme anti-Noir.
PLAINTE AUPRÈS DU CONSEIL SUISSE DE LA PRESSE - 31.10.2006
1RE CONFÉRENCE EUROPÉENNE SUR LE RACISME ANTI-NOIR (SUITE)
Comment un journal suisse fabrique l’ « antisémitisme » de Dieudonné, à
partir d’une intervention de l’humoriste sur les Noirs
Le CRAN n’a pas hésité à porter plainte. Auprès de l’organe de surveillance de la presse en Suisse.
C’en était trop. Non seulement, aucun journal, à l’exception du Courrier, n’a cru bon de faire le
déplacement pour cette première historique, en plus ils n’ont daigné parler de cette conférence (à
laquelle ont participé des personnalités comme le footballeur Lilian Thuram, le président du
gouvernement genevois ou le Rapporteur de l’ONU sur le racisme, M. Doudou Diène), que pour ne
dévoiler que la seule présence du sulfureux Dieudonné, à qui on a flanqué un fictif discours
« antisémite » et « haineux » à souhait. Manque de pot. Le CRAN avait tout enregistré. Rien de déplacé
n’avait été dit. Plainte du CRAN auprès du Conseil suisse de la Presse. Qui n’a pas condamné !
Madame, Monsieur,
Dans son édition du 26 mars 2006, le Matin Dimanche a publié un article sur la première Conférence européenne sur le
racisme anti-noir qui s’est déroulée à Genève les 17 et 18 mars. Cette conférence s’est tenue sous le Haut Patronage de la
Commission fédérale de lutte contre le Racisme. Venus de plus de 14 pays, de nombreux intellectuels et militants
d’organisations luttant contre le racisme se sont réunis pour mettre en commun leurs expériences. Des personnalités telles
que Lilian Thuram, star de football, Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme
mais aussi Anne-Catherine Menetrey-Savary, conseillère nationale, Laurent Moutinot, conseiller d’Etat genevois et
Francis Matthey, président de la Commission fédérale des Etrangers ont participé à la conférence.
De passage à Genève pour un spectacle, Dieudonné a aussi pris la parole pendant quelques minutes au cours desquelles il a
exprimé les difficultés de la lutte contre le racisme anti-noir en particulier en France.
Tous les médias romands ont été informés de la conférence au préalable. Seul le Courrier a annoncé la conférence et s’y
est rendu pour interviewer Doudou Diène. Nous avons été extrêmement surpris de découvrir 8 jours après la fin de la
conférence dans les colonnes du Matin un compte rendu de l’intervention de Dieudonné qualifiant les propos de
l’humoriste, entre autres, d’appels à la haine, d’antisémitisme… Le journaliste du Matin, Michel Jeanneret n’a pas assisté
à la conférence, ni a fortiori, au discours de Dieudonné. Ce qu’il en relate, qu’il s’agisse de ses propres mots ou de ceux
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qu’il attribue à Anne-Catherine Menetrey ou Boël Sambuc est mensonger et nous estimons que plusieurs directives du
Conseil de la presse ont été enfreintes de manière flagrante, comme il est démontré ci-après.
→ Chiffre 1 de la « Déclaration des devoirs » :
Rechercher la vérité, en raison du droit qu’a le public de la connaître et quelles qu’en puissent être les conséquences pour
lui-même.
Directive 1.1. Recherche de la vérité :
« La recherche de la vérité est le fondement de l’acte d’informer. Elle suppose la prise en compte des données disponibles
et accessibles, le respect de l’intégrité des documents (textes, sons et images), la vérification, la rectification » ;
Les premières lignes de l’article sont les suivantes : « Propos antisémites, appel à la haine, démagogie : les termes fusent
au sein du public qui a assisté le 17 mars dernier à un discours tenu à Genève par le « comique » Dieudonné. Le candidat
à la présidentielle française a profité d’un passage en Suisse pour s’inviter au Carrefour de réflexion et d’action contre le
racisme antinoir (CRAN), organisé dans la cité de Calvin. Jugée tendancieuse, sa prestation a créé un gros malaise parmi
les invités.»
La transcription du discours de Dieudonné ainsi que le CD de la Conférence dont il s’agit montrent que le discours de
Dieudonné ne correspond pas à ce que le journaliste décrit.
Les paroles prononcées par Dieudonné ne peuvent être assimilées à des « propos antisémites, à un appel à la haine, de la
démagogie ». De plus, le malaise qu’il attribue au public est tout aussi mensonger.
Le journaliste décrit le CRAN (Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir) comme étant l’événement
alors qu’il s’agit de l’association organisatrice et que le nom de la manifestation était « Première conférence européenne
sur le racisme anti-Noir ». Il n’a pas jugé utile de se renseigner sur le nom de la manifestation dont il prétend faire un
compte rendu ainsi que sur les organisateurs.
Nous estimons donc que les lignes reportées ci-dessus témoignent de l’absence de travail de vérification qu’aurait du faire
le journaliste et que la vérité n’a pas été recherchée ; la directive 1.1. a été enfreinte.
→ Chiffre 2 de la « Déclaration des devoirs » :
Défendre la liberté d’information et les droits qu’elle implique, la liberté du commentaire et de la critique, l’indépendance
et la dignité de la profession.
Directive 2.3. Distinction entre l’information et les appréciations :
Le journaliste veille à rendre perceptible par le public la distinction entre l’information proprement dite-soit l’énoncé des
faits- et les appréciations relevant du commentaire ou de la critique.
LES TÉMOIGNAGES DE L’ARTICLE (extraits) :
« En substance, il a prétendu que le racisme antinoir est plus grave que la Shoah, résume choquée, l’écologiste vaudoise,
Anne-Catherine Menetrey. Une fois son discours terminé, il est allé serrer des mains au fond de la salle, sans prêter
aucune attention aux discours des orateurs qui l’ont suivi. » ….
« Même s’il ne l’a pas dit en ces termes, Dieudonné a laissé entendre que c’est la faute des Juifs si le racisme antinoir
n’est pas suffisamment reconnu. » sont les mots mis dans la bouche de Boël Sambuc par Michel Jeanneret.
L’enregistrement des propos de Dieudonné montre que ces deux assertions sont fausses et il y a ici confusion entre
information et appréciation. Les témoignages attribués à Mmes Ménetrey et Sambuc traduisent en effet une opinion (la
leur ? celle du journaliste ? celle d’autres personnes à l’égard de Dieudonné en général ?) et non la réalité des paroles
prononcées. De plus, si Dieudonné est allé au fond de la salle, c’est parce que Monsieur Michelloni, secrétaire général du
Forum pour l’intégration des Migrantes et Migrants (FIMM) et président de séance, a annoncé la pause café à la suite de
l’intervention de Dieudonné.
Nous estimons que la directive 2.3. a été enfreinte.
→ Chiffre 3 de la « Déclaration des devoirs » :
Ne publier que des informations, les documents, les images et les sons dont l’origine est connue de lui/d’elle ; ne pas
supprimer des informations ou des éléments d’information essentiels ; ne dénaturer aucun texte, document, image et son,
ni l’opinion d’autrui ; donner très précisément comme telles les nouvelles non confirmées ; signaler les montages
photographiques et sonores.
Directive 3.1. Traitement des sources :
L’acte premier de la diligence journalistique consiste à s’assurer de l’origine d’une information et de son authenticité. La
mention de la source est en principe souhaitable dans l’intérêt du public ; sous réserve d’un intérêt prépondérant au
respect secret de la source, elle doit être mentionnée chaque fois qu’elle constitue un élément important de l’information.
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Les lignes de l’article reportées ci-dessus et l’analyse que nous en avons faite montre que le journaliste ne s’est pas assuré
de l’origine de l’information et de son authenticité. Il a présenté des appréciations ou témoignages comme étant des faits
objectifs.
Le traitement des sources manque en effet singulièrement de déontologie dans cet article. A plusieurs reprises, le
journaliste écrit comme s’il avait assisté à la conférence. A la suite du témoignage d’André Loembe, M. Jeanneret écrit :
Le lendemain, l’organisateur de la conférence a pourtant justifié publiquement la présence du comique.
De même que les premières lignes de l’article, cette phrase laisse entendre que le journaliste était présent à la conférence.
Il n’est pas fait mention d’une source d’information extérieure. Pourtant la légende accompagnant la photo de Dieudonné
est ambiguë :
« En substance, le « comique » français aurait laissé entendre que c’est la faute des Juifs si le racisme antinoir n’est pas
suffisamment reconnu ».
L’utilisation du conditionnel indique ici que le journaliste n’était pas présent à la conférence. Le traitement des sources ne
respecte pas la déontologie minimale et nous estimons que la directive 3.1. a été enfreinte.
→ Chiffre 5 de la « Déclaration des devoirs »
Rectifier toute information publiée qui se révèle matériellement inexacte
Directive 5.1. Devoir de rectification
Le devoir de rectification est mis en œuvre spontanément par le journaliste ; il participe de la recherche de la vérité.
L’inexactitude matérielle concerne les aspects factuels et non les jugements portés sur les faits avérés.
Suite à la publication de cet article, le 28 mars, notre secrétaire général, Gérôme Tokpa a pris contact avec la rédaction du
Matin afin d’exposer les nombreuses erreurs contenues dans l’article et d’obtenir un rectificatif ou un droit de réponse.
Cela lui a été refusé. Le 31 mars, nous avons cependant envoyé un communiqué de presse (en annexe) mais il n’en a été
fait aucune mention. La directive 5.1. concernant le devoir de rectification a aussi été enfreinte.
Cet article du Matin Dimanche porte gravement atteinte au travail effectué par le CRAN depuis plus de cinq ans et à son
image. Il laisse penser que le CRAN tolèrerait des propos antisémites ou s’engagerait dans ce que l’on nomme aujourd’hui
« la compétition victimaire » pour défendre sa cause. Ceci est absurde et va à l’encontre des valeurs qui fondent le CRAN
ainsi que nous l’avons rappelé dans le communiqué du 31 mars ci-joint.
Sans avoir assisté à la conférence et en l’absence de tout support ou source d’information objectifs, le journaliste n’a pas
hésité à communiquer des opinions comme étant des faits avérés et a induit le lecteur en erreur.
Nous sommes à votre disposition pour toute information complémentaire et vous prions de recevoir, Madame,
Monsieur, nos meilleures salutations.
Annexes :
-
article du Matin du 26.03.2006.
retranscription écrite du discours de Dieudonné
CD de la conférence
Communiqué de presse du 31.03.2006.
N.B. – Dans sa réponse datée du 13 novembre 2006, le Conseil suisse de la presse rejete purement et simplement la
plainte du CRAN sur le seul motif que le journaliste a effectivement cherché l’information mais n’y a pas eu accès.
En clair : le fait pour le journaliste de chercher l’information, sans parvenir à l’obtenir dans son intégralité
l’autorisait à qualifier d’ « antisémites » les propos de Dieudonné.
Pourtant, dans sa Prise de position, le CSP indique que « la question de savoir si ces propos (prononcés par
Dieudonné) justifient l’accusation d’antisémitisme peut rester ouverte ». En outre, sa Directive 2.3 sur la
« Distinction entre l’information et les appréciations » est très claire : « Le journaliste veille à rendre perceptible par le
public la distinction entre l’information proprement dite-soit l’énoncé des faits- et les appréciations relevant du
commentaire ou de la critique ». Cette enfreinte majeure et flagrante à ses propres règles a été balayée du revers de
la main par un CSP plus enclin apparemment à faire triompher des accusations très graves non fondées qu’à sévir
contre un journaliste fautif qui est allé jusqu’à faire son titre d’article avec des accusations très graves qu’il n’a
même pas jugé nécessaire ni de vérifier, sinon de préciser qu’elles venaient de tiers, lui-même n’ayant pas été
présent à la Conférence du CRAN.
Questionnant à nouveau le CSP, dans sa lettre du 21 décembre 2006, sur le sens à donner à sa prise de position au
regard de tout ce qui accable le journaliste du Matin, le CRAN n’a plus reçu de réponse.
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COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 26.09.2006
APRES LA VICTOIRE DU 2XOUI AUX LOIS SUR LES ÉTRANGERS ET SUR L’ASILE :
Suisse de 1938 = Suisse de 2006 ?
En 1938, les autorités suisses, encouragées par une volonté populaire implicite prenaient la décision de rendre certaines
populations indésirables aux frontières de la Suisse. Ces populations étaient reconnaissables par le “J” frappé dans leurs
passeports. Repoussées, plusieurs finiront dans les camps de la mort nazis. Cette page sombre de l’histoire de la Suisse, en
dépit du mea culpa officiel intervenu formellement en 1998, est en train de se réécrire à nouveau.
En cette année 2006, de nouvelles autorités suisses ont encouragé une volonté populaire pour explicitement approuver leur
décision de rendre indésirables aux frontières et dans le pays de nouvelles populations à la recherche d’un asile ou
désireuses de répondre aux besoins du marché du travail suisse. Ces populations n’ont pas le “J” dans leurs papiers. Celuici est remplacé aujourd’hui par le “Cercle 2”, qui les exclut de toute entrée et reconnaissance légale pour des raisons de
préférence ethnique en faveur des populations du “Cercle 1”,.
La Loi sur les étrangers (Letr) et la Loi sur l’asile (LASI) viennent en effet d’être acceptées par le peuple souverain à une
majorité qui ne laisse aucune ambiguïté sur les sentiments profonds aussi bien des initiateurs que des partisans de ces deux
lois. Enièmes révisions législatives, elles ne régleront rien. Ni contre des abus trop amplifiés quant à leur impact réel. Ni
pour une régulation des flux migratoires dans le sens d’une « immigration choisie », concept à la mode au sein des classes
dirigeantes européennes tentées par le populisme. Elles n’auront de résultat réel que psychologique et éphémère au sein de
la population. Celle-ci, chauffée à blanc par certains médias et des thèses populistes faisant triompher la diabolisation et
l’exclusion de l’Autre, s’est visiblement réjouie de ces tours de vis et autres violations de sa tradition humanitaire, des
engagements internationaux du pays et même de sa Loi fondamentale ainsi effectués par son gouvernement in corpore et
la grande majorité de ses responsables politiques.
Le CRAN prend acte de ce retour formel du racisme d’Etat, consacré par la volonté du peuple souverain.
Le CRAN n’en condamne pas moins avec la plus grande vigueur cette dérive à la fois étatique et populaire dénoncée, à
l’intérieur comme à l’extérieur du pays, par toutes les personnalités et organisations soucieuses du respect des droits de
l’homme, de la dignité humaine et de la diversité culturelle au sein des nations.
Le CRAN appelle toutes ces personnalités, organisations et simples citoyens vivant en Suisse à redoubler de vigilance et
de d’efforts pour dénoncer et combattre toutes les atteintes aux droits, à la dignité et au respect de la diversité qui vont
désormais ponctuer la vie politique ainsi que les pratiques administratives face aux migrants.
Le CRAN appelle enfin l’ensemble des responsables politiques à se ressaisir et à faire preuve à la fois de lucidité, de
cohérence, de courage, bref de vision, et donner des signes forts d’une volonté d’engager résolument le pays dans la voie
de la construction d’une société post-moderne émergeante, ancrée non seulement dans une mondialisation triomphante à
l’extérieur, mais aussi dans une diversité culturelle non excluante à l’intérieur.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 17.10.2006
APRÈS SES DÉCLARATIONS SUR LES « AFRICAINS PARESSEUX »
M. Blocher devrait démissionner et le Conseil fédéral s’excuser !
Qui l’arrêtera ? Jusqu’où doit-il aller pour qu’un coup d’arrêt puisse être apporté à une dérive de plus
en plus fascisante et ultra-raciste ?
Après les caricatures sur les musulmans ainsi que des multiples allusions racistes et xénophobes sur les affiches ou dans
des déclarations des dirigeants de son parti, l’Union démocratique du Centre (UDC),
Après avoir jeté dans la rue, sans aucun respect minimal de leur dignité, des milliers de NEM (requérants d’asile tombant
sous le coup de l’ordonnance de Non Entrée en Matière du 1er avril 2004) en grande majorité Noirs, une fois arrivé au
pouvoir, à la tête de son département,
Après avoir porté à bout de bras des « Lois Blocher » jugées racistes et xénophobes par tous les défenseurs des droits de
l’Homme, extérieurs et intérieurs, dont la Commission fédérale contre le racisme (CFR), violant ainsi le devoir de réserve
auquel est soumis tout Conseiller Fédéral lors des votations,
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Après avoir déclaré et répété à l’envi son intention de faire abroger une norme raciste votée par le peuple mais qui lui
donne des « maux de ventre » en soutenant le négationnisme du génocide arménien…
M. Christoph Blocher, ministre de la justice et de la police dans le gouvernement fédéral, a fait monter d’un cran de plus,
le délire verbal que lui occasionnent ses « maux de ventre » devant tout ce qui représente la diversité culturelle, la
tolérance, le respect de l’Autre.
En effet, selon le journal Le Matin Dimanche du 15 octobre dernier, M. Blöcher a été invité le 14 septembre à s'exprimer
sur les thèmes de la politique des étrangers et de l'asile par les 25 membres de la Commission des Institutions Politiques
(CIP) du Conseil national (Parlement suisse). Se fondant sur un procès-verbal en sa possession, le journal a fait état de
« propos limpides » et « sans appel » du Conseiller Fédéral sur les Africains :
-
Les Africains sont « paresseux »
Ils sont « responsables de leur situation »
« Il ne vaut pas la peine d'investir de l'argent sur le continent africain »
« J'ai quelques expériences personnelles, étant donné que j'ai construit deux usines en Afrique il y a vingt ans.
Après deux ans, on ne pouvait même plus pénétrer à l'intérieur. Il n'y a là-bas pas de culture correspondante,
même chez les Africains qui ont été formés en Suisse »…
Interviewé par le même journal, M. Andreas Gross, président de la CIP, a confirmé ces propos qu’il a qualifiés lui-même
de « choquants » et « indignes de la part d'un ministre ». Il a également confié que ce « discours reprenant des thèses
racistes » ont choqué plusieurs membres de la Commission. Certes, le département de M. Blöcher a publié un démenti ce
lundi, en fin de journée. Toutefois, les allégations avancées à la fois par un journal (sur la base d’un procès-verbal en sa
possession) et par une personnalité politique (président de séance et qui n’a pas contesté le contenu du procès-verbal) sont
à prendre très au sérieux, vu leur extrême gravité.
Au vu de ce qui précède, le CRAN tient à faire la déclaration suivante :
1.
Le CRAN fait part de son indignation et de sa condamnation sans appel des propos inacceptables et inexcusables
tenus par le Conseiller Fédéral Christoph Blocher aussi bien quant à l’abrogation de la norme raciste que pour ses
injures racistes envers les Africains.
2.
Le CRAN appelle le Conseil Fédéral à désavouer publiquement leur collègue et à se désolidariser des propos aussi
bien injurieux à l’égard des Africains ou remettant en question la norme raciste. Le Conseil fédéral devrait plus
particulièrement présenter formellement des excuses aux Africains ainsi insultés par un de ses membres.
3.
Le CRAN invite les représentants des Etats africains en Suisse, en particulier l’ambassadeur de l’Afrique du Sud
(pays qui, il y a encore une dizaine d’années, avait sa population Noire vivant dans le déni de tout droit et de toute
dignité sur la base des représentations racistes de la minorité Blanche), à condamner vigoureusement les dérives
racistes d’un membre du gouvernement suisse.
4.
Le CRAN appelle à la démission immédiate de M. Blocher dont les dérives fascisantes et ultra-racistes ne font plus
de doute et dont le maintien au gouvernement constitue dès lors un danger récurrent pour l’Etat de droit et une honte
pour l’image de la Suisse.
5.
Le CRAN invite toutes les forces vives du pays, profondément attachées au respect de la diversité, des droits et de la
dignité de toute personne quelque soit ses origines ou sa « race », à faire front à l’intolérance et au racisme rampants
en train de se développer à la faveur des incitations répétées d’un membre du gouvernement.
Communiqué à envoyer à (outre à la presse) :
Ambassadeurs des pays africains en Suisse, Rapporteur de l’ONU sur le racisme, Haute-Commissaire de l’ONU pour les droits humains
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 22.11.2006
RÉVISION LÉGISLATIVE EN PERSPECTIVE
NON, à la légalisation du racisme !!!
Depuis quelques années, la politique est prise en otage en Suisse par l’Union Démocratique du Centre
(UDC) et les autres partis semblent être pris dans une sorte de paralysie, sous prétexte qu’aller contre
ce parti serait le renforcer davantage, alors que celui-ci ne cesse de progresser, ayant la voie libre.
Depuis quelques semaines, les minorités vivant en Suisse sont l’objet d’attaques verbales incessantes
et injustifiées, sont constamment stigmatisées dans les médias par la direction de ce parti, avec à sa
tête le Conseiller Fédéral en charge de la Justice et Police, M. Blocher, qui est le vrai initiateur de ce
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climat xénophobe et malsain que rien ne semble aujourd’hui stopper. Ainsi après avoir insulté le 14
septembre dernier les Africains qui ne seraient que des paresseux et dont la culture serait inapte aux
affaires, après avoir mis en cause le génocide arménien et affirmé en Turquie le mercredi 4 octobre
2006 à propos de l’article 261bis du code pénal que « cet article me fait mal au ventre », le parti de M.
Blocher lui vient en rescousse et demande de non seulement abroger la norme pénale antiraciste, mais
aussi de supprimer la Commission Fédérale de lutte contre la Racisme (CFR). Pis, l’UDC exige le retrait
de la Suisse de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale. C’était le 15 novembre dernier lors d’une conférence de presse de ce parti.
Il faut peut-être rappeler à ceux qui confondent la liberté d’expression et le droit d’insulter, de denier leur dignité et leurs
droits au respect à ceux qui ne leur ressemblent pas que la norme pénale a été soumise à votation le 25 septembre 1994 et
acceptée par le peuple suisse avec une majorité claire (54.7%), avant d’entrer en vigueur le 1er janvier 1995. Que dit cet
article ?
-
Celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de
personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse,
-
Celui qui, publiquement, aura propagé une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique les
membres d’une race, d’une ethnie ou d’une religion,
-
Celui qui, dans le même dessein, aura organisé ou encouragé des actions de propagande ou y aura pris part;
-
Celui qui aura publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre
manière, abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de
personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la même raison,
niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité;
-
Celui qui aura refusé à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale,
ethnique ou religieuse, une prestation destinée à l’usage public,
sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.
L’UDC veut supprimer cet article de loi car il réduirait « (…) la liberté d'opinion et de discussion ».
On sait comment la liberté d’expression, telle que la définit l’UDC, a donné libre voie à l’Allemagne nazie.
En outre, si le vœu de l’UDC est un code pénal « clair et précis », ce qui, d’après elle, n’est pas le cas avec l’art 261bis
CP, l’on se demande alors pourquoi, au lieu de demander le renforcement de celui-ci, son amélioration, elle cherche à
l’abroger purement et simplement.
Le CRAN tient à rappeler que l’exception suisse a toujours été le respect et la reconnaissance du droit des minorités vivant
sur le sol helvétique. C’est cela sa tradition humanitaire. Abroger la norme antiraciste à l’heure où les actes racistes qui se
multiplient en Suisse inquiètent la plupart des Suisses, équivaudrait à un recul sans précédent et exposerait impunément
tous ceux qui sont de culture différente à des actes racistes et discriminatoires de toutes sortes.
La liberté d’expression, c’est aussi le respect de la liberté des minorités et il appartient à l’Etat de veiller, par des lois, à ce
que celle-ci soit garantie et protégée. Elle a toujours été limitée juridiquement, notamment par la pénalisation de la
calomnie et de la diffamation. Pourquoi ces derniers délits continueraient à être pénalisés lorsqu’ils visent un individu et
non plus quand ils viseront des communautés d’individus considérées sur des bases raciales ?
Quant à demander la suppression de la Commission Fédérale de lutte contre le Racisme (CFR), sous prétexte que sa
composition dérangerait, voici une totale aberration. Car, ici aussi, tous les observateurs nationaux et internationaux, actifs
dans le domaine des droits de l’Homme, ne cessent d’appeler à son renforcement comme à celui de la norme antiraciste.
Le CRAN s’inquiète des prises de position populiste de l’UDC qui fait feu de tout bois dans sa chasse à l’électorat.
Créer continuellement la peur chez le Suisse autochtone au lieu de promouvoir un meilleur vivre ensemble entre les
populations suisses est une politique de courte vue, sans lendemain dont la Confédération n’a aucunement besoin.
Le CRAN en appelle à toutes les forces vives suisses pour faire front à ces dérives extrémistes à répétition et d’y mettre un
clair et net coup d’arrêt, en renforçant au contraire plutôt qu’en réduisant à néant le dispositif antiraciste mis en place.
Pourquoi donc les vues extrémistes et rétrogrades d’un parti doivent-elles s’imposer à toute la Nation, en dépit des
engagements internationaux et éthiques ?
Faut-il vraiment tourner le dos à une Suisse moderne, multiculturelle et de la tolérance mutuelle, et retourner aux
archaïsmes ressuscitant des vieux démons enterrés ?
Doit-on laisser la Suisse glisser insidieusement et lâchement vers l’Allemagne des années 30 et tolérer la montée
inexorable des Néonazis ?
Ensemble, osons dire NON à la légalisation rampante du racisme !
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PRISES DE POSITION - 2007
COMMUNIQUÉ - 13.06.2007
APRÈS LE DÉCÈS D’UNE NOIRE DANS UN TGV À L’ARRÊT, EN GARE DE GENÈVE
Le CRAN dénonce les relents de racisme et de discrimination
C’est au petit matin du 31 mai dernier, en gare de Genève, qu’un nettoyeur a découvert le corps ensanglanté d’une jeune
Noire dans les toilettes d’un TGV arrivé la veille de Nice via Lyon. Un ou plusieurs coups d’un couteau retrouvé dans une
poubelle lui avaient été portés, la vidant de son sang toute la nuît. Les secours arrivés aussitôt après n’ont pu la réanimer.
Si, dans un premier temps, le mystère a plané sur l’identité de la jeune Noire, la police allait divulguer celle-ci quatre jours
plus tard. Il s’agissait d’une étudiante rwandaise de 23 ans, Ange Mugeni. Habitant Lyon, elle était venue assister à la
messe de requiem célébrée à Bulle en l’honneur de son oncle. Nièce de M. André Ntashamaje. Ce dernier, décédé le 19
mai, a été le premier Noir à présider un Conseil municipal suisse (à Bulle) et à entrer dans un parlement cantonal
(Fribourg), sous les couleurs du Parti socialiste.
Depuis la découverte du corps d’Ange Mugeni, des relents de racisme et de discrimination flottent aussi bien sur les
spéculations quant aux raisons du décès, telles que colportés dans la presse, que sur la manière dont est traitée l’affaire par
les autorités judiciaires. Le CRAN entend dénoncer ce traitement différentié à l’endroit des divers acteurs en présence.
A l’encontre des médias
Le CRAN dénonce la stigmatisation « jeune femme Noire = prostituée » dont a été victime dans la presse celle qui était
déjà victime (d’un meurtre). Dès le lendemain de la découverte du corps, le quotidien La Tribune de Genève (1.6.2007)
n’a pas hésité à orienter ses nombreux lecteurs dans cette voie : « Dans les milieux informés, il se murmure qu'il pourrait
s'agir d'une prostituée occasionnelle agressée par un client ». Ces insinuations ainsi proférées ont été complaisamment
reprises par le reste de la presse suisse qui évoquera désormais à ce sujet « une rumeur colportée par un média local »...
Le CRAN annonce qu’il saisira le Conseil suisse de la presse pour ce manquement grave aux règles élémentaires de la
déontologie, dans la mesure où le journal, pour stigmatiser la victime, s’est uniquement basé sur de mystérieux « milieux
informés » (lesquels ? la police, les milieux africains ou le milieu de la prostitution ?).
Le CRAN dénonce également ce réflexe à la minimisation de la violence frappant les Noirs et maintes fois constaté
notamment à propos des très fréquents mauvais traitements infligés par la police aux Noirs en situation irrégulière ou
soupçonnés d’être des dealers (cfr les rapports annuels de l’Observatoire du CRAN). Alors que la victime appartient à l’un
des plus importants groupes cibles affectés par le racisme, la discrimination et la violence qui peut l’accompagner, il est
déplorable de constater les médias privilégier la thèse du suicide, comme autre alternative aux raisons de la mort de la
jeune Noire, sans une seule fois évoquer l’éventualité d’un crime raciste.
A l’encontre des autorités judiciaires
Le CRAN tient à faire part de son indignation devant la désinvolture avec laquelle la juge chargée de l’instruction traite
l’affaire. Ainsi, son appel à témoins qui aurait dû intervenir aussitôt le jour même, tant le mystère était complet quant à
cette mort, n’a été lancé que quatre jours après la découverte du corps de la jeune Rwandaise. Ce peu d’empressement à
diligenter l’instruction de cette affaire révèle un traitement discriminatoire qui ne peut s’expliquer que par le peu de
considération donné aux Noirs, notamment sur le plan judiciaire, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une « prostituée » Noire.
Le CRAN dénonce par ailleurs l’inaction des autorités judiciaires françaises qui n’ont pas annoncé à ce jour s’être saisies
de l’affaire, le meurtre de Ange Mugeni étant intervenu sur un territoire également français, à savoir le TGV de la SNCF.
A l’encontre des autorités ferroviaires
Le CRAN demande à ce qu’une enquête administrative soit menée et des sanctions à la fois conséquentes et exemplaires
prises par les autorités ferroviaires à l’endroit des fautifs, étant donné que tout train arrivé en gare finale est soumis à une
inspection avant que les portes ne soient définitivement bloquées pour la nuît. Ayant décédé seulement le matin, au
moment où les secours l’amenaient à l’hôpital, Ange Mugeni aurait pu être encore sauvée si les employés ferroviaires
chargés d’effectuer cette inspection avaient fait leur travail.
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Une multiple victime
Le CRAN constate que et déplore combien Ange Mugeni a été une multiple victime :
-
Victime de la violence de son agresseur
Victime des mobiles éventuellement racistes de cet agresseur
Victime de la stigmatisation raciste des médias qui ont d’emblée évoqué au sujet de cette jeune fille de bonne
famille et étudiante modèle des activités de « prostituée »
Victime de la minimisation d’un crime également présenté comme un éventuel « suicide »
Victime des négligences coupables du personnel ferroviaire
Victime du peu d’intérêt accordé à son cas par les autorités judiciaires aussi bien suisses (genevoises) que
françaises, dans les premiers jours de sa mort.
Le CRAN tient à exprimer ici ses plus profonds regrets à la suite de cette mort ayant frappé Mlle Ange Mugeni de façon
aussi accablante, loin des siens et dans des conditions atroces, et à adresser ses condoléances à sa famille et à ses proches.
Le CRAN s’engage à veiller à ce que sa mémoire ne soit souillée impunément et à ce que toute la lumière soit apportée sur
le crime odieux dont elle a été victime.
Le CRAN profite enfin de cette occasion pour saluer la mémoire de son oncle, M. André Ntashamaje, devenu une
référence pour de nombreux Africains désireux de participer à tous les niveaux aux destinées de leur société d’accueil, un
homme qui, par ses efforts pour accéder à des hautes fonctions politiques, a su également démontrer le potentiel que
recèlent les communautés d’origine africaine lorsque prévaut à leur égard une intégration inclusive et non exclusive au
sein de la société suisse.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 8 MAI 2007
COMMÉMORATION
Au-delà du « savant séducteur »,
Louis AGASSIZ était aussi un raciste anti-Noir
Depuis le 05 mai 2007 et ce jusqu’au 5 juillet 2007, une série de manifestations sont prévues à Genève,
Neuchâtel et Fribourg pour, non seulement faire la promotion d’une biographie de M. Louis Agassiz
(1807-1873) parue aux éditions de l’Aire, mais aussi et surtout pour marquer le bicentenaire de la
naissance de l’éminence grise vaudoise. A côté de l’image exaltante du savant suisse et son amour
pour la nature, Louis AGASSIZ avait aussi un penchant raciste. Le devoir de mémoire auquel
l’Université de Neuchâtel se livre, à travers son professeur d’histoire M. Marc-Antoine Kaeser, ne
devrait pas oublier le racisme anti-Noir du savant.
Il est vrai, M. Louis Agassiz peut bien faire la fierté des Helvètes, tant il a consacré sa vie à la compréhension de la nature.
N’est-il pas le père de la théorie des ères glacières ? On le disait même grand pédagogue, l’un des premiers qui privilégia
le travail de terrain aux grandes théories.
Toutefois, cela ne l’empêcha pas de développer, comme bon nombre de ses pairs, le polygénisme, ce racisme idéologique
qui veut que les « races » humaines procèdent d’espèces biologiques différentes en comparaison avec le monogénisme. Si
cette dernière théorie fait l’apologie de la dégradation dans le temps de la « race » blanche pour atteindre une certaine
« dégénérescence », cause des différences physiques (le Noir étant le plus atteint par cette dégénérescence selon le
naturaliste français Buffon), la théorie du polygénisme dont Louis Agassiz était l’un des tenants, rejetait carrément le Noir
de la chaîne humaine.
L’idée première propagée par celui-ci était que « ces êtres horribles » ne manifestaient des prétentions égalitaires avec les
Blancs, considérés comme la référence raciale.
Ces Noirs « hideux »
La répulsion qu’avait Louis Agassiz pour les Noirs se manifestera lorsqu’il quitte sa Suisse natale à 39 ans pour aller
poursuivre ses recherches aux USA, dans la célèbre Université d’Havard qui vient d’ailleurs elle aussi de fêter en grande
pompe le bicentenaire de la naissance du savant. Vraisemblablement, c’est aux USA qu’il rencontre les premiers Noirs.
C’est de là-bas qu’il adresse un courrier à sa mère restée en Suisse en des termes qui ne font l’ombre d’aucun doute sur
son racisme anti-Noir . En voici un extrait, tel que livré dans Le Mal-Mesure de l’homme du paléontologue Stephen JayGould (1941-2002), qui a aussi enseigné à Harvard:
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« C’est à Philadelphie que je me suis retrouvé pour la première fois en contact prolongé avec des Noirs ; tous les
domestiques de mon hôtel étaient des hommes de couleur. Je peux à peine vous exprimer la pénible impression que j’ai
éprouvée, d’autant que le sentiment qu’ils me donnèrent est contraire à toutes nos idées sur la confraternité du genre
humain et sur l’origine unique de notre espèce. (…) Leur sort m’inspira de la compassion à l’idée qu’il s’agissait
véritablement des hommes. En voyant leurs visages noirs avec leurs lèvres épaisses et leurs dents grimaçantes, la laine sur
leur tête, leurs genoux fléchis, leurs mains allongées, leurs grands ongles courbes et surtout la couleur livide de leurs
paumes, je ne pouvais détacher mes yeux de leurs visages afin de leur dire de s'éloigner. Et lorsqu'ils avançaient cette
main hideuse vers mon assiette pour me servir, j'aurais souhaité partir et manger un morceau de pain ailleurs, plutôt que
de dîner avec un tel service. Quel malheur pour la race blanche d'avoir, dans certains pays, lié si étroitement son
existence à celle des Noirs ! Que Dieu nous préserve d'un tel contact ! »
La théorie polygéniste de Louis Agassiz s’exprime clairement lorsque parlant des « races », il affirme : « elles n'ont pas pu
naître sous la forme d'individus uniques, mais ont dû être créées dans cette harmonie numérique qui est caractéristique de
chaque espèce ; les hommes ont dû apparaître en nations, tout comme les abeilles sont apparues en essaims. (…) J'ai de
tout temps estimé que l'égalité sociale ne pouvait être mise en oeuvre. C'est une impossibilité naturelle qui découle du
caractère même de la race noire »
Après de tels écrits, on ne peut affirmer, comme le font les organisateurs du bicentenaire de la naissance du savant sur le
site http://www2.unine.ch/Jahia/site/presse/cache/offonce/pid/19532 , qu’il fut un « séducteur » qui donna de la recherche
« une image exaltante, où la science contribue à la célébration de la Création ». A moins que dans leur entendement, la
célébration de la Création exclue les Noirs. Pour un devoir de mémoire, il aurait fallu ne pas taire cette page hideuse du
parcours du savant.
Cette occultation manifeste n’honore pas l’Université de Neuchâtel ainsi que tous les officiants à la célébration du
bicentenaire de la naissance de M. Louis Agassiz.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 28.06.2007
POLLUTION ET IMPUNITÉ AU SUD
Le respect de la vie des enfants Noirs n’est pas le souci de
l’Université de Zürich !!
Accusée par le Nigéria d’avoir tué des enfants par des expérimentations cliniques frauduleuses, la
multinationale américaine Pfizer et ses millions sont accueillis à bras ouverts par l’Université de
Zürich, loin de toute considération éthique.
Selon les agences de presse, l'Université de Zurich a conclu le 6 juin dernier un accord de coopération avec la
multinationale Pfizer. Le géant pharmaceutique américain s’est proposé de lui verser 6 millions de dollars (7,4 millions de
francs) durant les cinq prochaines années pour des projets de recherche dans le secteur de la médecine cardiovasculaire.
Cependant, au moment où le Conseil de l'Université de Zürich donnait son accord à cette collaboration, Pfizer vient de se
voir traîner par le Nigéria devant les tribunaux pour des expérimentations menées en 1996 sur des centaines d’enfants de
Kano, au Nigéria, touchés par une épidémie de méningite. Encore aujourd’hui, des ONG humanitaires continuent à
critiquer les pratiques peu éthiques de Pfizer, à l’exemple de Médecins sans frontières, par la bouche de son président,
Jean-Hervé Bradol, présent sur place à l’Hôpital de Kano, en 1996 : « Nous luttions contre une double épidémie de choléra
et de méningite. Et, à notre grande surprise, les équipes de Pfizer ne sont pas venues donner un coup de main. Elles ont au
contraire ralenti notre effort en accaparant les ressources qui nous étaient nécessaires pour lutter contre cette double
épidémie. Nos équipes n'ont pas bien supporté, et des tensions se sont produites à l'hôpital » (Le Monde, 8.6.2007).
Menées à l’insu des familles, en dehors de tout protocole approuvé par un comité d’éthique nigérian, les expérimentations
de Pfizer ont causé plusieurs décès ainsi que de graves lésions. A l’époque, des milliers de personnes descendirent dans la
rue pour réclamer une enquête officielle à un gouvernement nigérian corrompu. Une trentaine de familles nigérianes
portèrent plainte devant les tribunaux américains, sans succès. Les pratiques présumées criminelles de Pfizer furent
qualifiées de « racisme médical » par le magazine Regards Africains publié à Genève, dans son No Eté 2002. Aujourd’hui,
prenant ses responsabilités, l’Etat nigérian réclame 7 milliards de dommages et intérêts pour les familles éprouvées. Le
procès intenté conjointement avec l’Etat de Kano, le plus grand du Nigéria, devrait s’ouvrir ce 26 juin à Kano.
Attachée profondément au respect de la vie et à la défense de la dignité de toute personne Noire, notre organisation tient à
faire la déclaration suivante :
Le CRAN exprime son indignation la plus vive devant la désinvolture et la complaisance affichée par les autorités
académiques en accueillant comme partenaire scientifique et sponsor à la fois une entreprise qui risque de se voir bientôt
condamnée pour pratiques criminelles dans les pays paupérisés du Tiers Monde. Au moment de la signature de l’accord,
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ces autorités académiques ne pouvaient pas être dans l’ignorance de la présomption de criminalité qui plane sur les
pratiques médicales sujettes à caution de Pfizer ;
Le CRAN dénonce l’accord contre nature intervenu entre une Université de Zürich, institution guidée avant tout par le
respect des règles éthiques, et une multinationale pharmaceutique qui, pour s’assurer les plus gros profits, pourrait ne pas
hésiter à se livrer à des pratiques contraires à ces règles éthiques, lors de la phase d’expérimentation clinique des
recherches à mener par l’Université ;
Le CRAN se félicité du courage de l’Etat nigérian qui a décidé de poursuivre en justice une multinationale soupçonnée de
manquements graves aux règles éthiques élémentaires, une première sur un continent Noir considéré comme une poubelle
et un champ d’expérimentation médicale, voire bactériologique, pour les pays du Nord et leurs laboratoires de recherche.
Notre organisation invite les gouvernements de tous les pays africains à résolument soutenir le Nigéria dans sa croisade
judiciaire afin de pouvoir remporter cette bataille qui est tout un symbole pour la lutte en faveur du respect de la vie
d’enfants africains ;
Le CRAN en appelle au Conseil fédéral et aux autorités cantonales zurichoises, autorités de tutelle de l’Université de
Zürich, de mettre tout en œuvre pour empêcher l’application d’un accord sans garantie de respect de la vie, et pour éviter
que, d’une manière générale, les établissements publics de recherche ne deviennent en amont, et à la solde de
multinationales, des agents possibles de propagation de la mort au sein de populations défavorisées de la planète, souvent
paupérisées par l’action de ces mêmes multinationales.
Le CRAN appelle enfin les organisations et toutes les personnes attachées au respect de la vie et de la dignité de toute
personne, et en particulier de tout enfant, sans considération de ses origines raciales, ethniques ou religieuses, à faire
pression sur les autorités académiques de l’Université de Zürich afin qu’elles reviennent sur un partenariat à haut risque,
ne présentant pas toutes les garanties de respect des règles éthiques face à des populations vulnérables.
COMMUNIQUÉ - 14.07.2007
NOUVELLE CAMPAGNE CHOC D’AFFICHAGE DE L’UDC
Moutons blancs contre moutons noirs = Blancs contre Noirs ?
Non à la guerre raciale rampante !
Face à la surenchère xénophobe et raciste de
l’UDC, la réaction claire et ferme, de la société
civile, des hommes et femmes politiques ainsi
que des partis gouvernementaux se fait
désespérément attendre. Malgré des attaques
racistes et xénophobes répétées, systématiques
et toujours plus virulentes contre les Noirs, les
musulmans,
les
étrangers,
le
génocide
arménien, la norme pénale antiraciste, la
Convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale,
l’UDC et ses dirigeants sont sur le point de
franchir le pas d’appel à la guerre raciale.
Rien ne semble aujourd’hui arrêter cette
machine xénophobe et foncièrement raciste de
l’UDC qui n’a de cesse de faire de la haine
raciale, du rejet de l’autre son cheval de bataille
dans toutes les initiatives et autres campagnes
électorales.
Résultat : les agressions racistes reprennent de
plus belle ; il y a même mort d’hommes. Et
pourtant l’UDC continue de mettre à mal la
diversité culturelle suisse au vu et su de tous.
Jusqu’où ira ce parti avant qu’un coup d’arrêt ne
soit donné enfin à cette dérive nauséabonde et
indigne d’un pays civilisé et d’un Etat de droit?
L’
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UDC s’apprête en effet à lancer, dès le mois
d’août prochain, sur tout le territoire suisse, une
nouvelle campagne d’affichage contre la
criminalité étrangère. Si le but déclaré est de récolter des signatures en faveur de son initiative visant l’exclusion des
criminels étrangers, des visées politiciennes ne sont pas absentes. « Nous voulons gagner 100 000 électeurs
supplémentaires et obtenir 30 % des suffrages », a avoué le président du parti, Ueli Maurer, à la question de savoir s’il
s’agissait plutôt d’« une offensive marketing en somme » (Le Matin Dimanche, 8.7.2007).
Pour atteindre ces objectifs, l’UDC n’a pas hésité à utiliser pour son affiche dévoilée par Le Matin Dimanche une des
images les plus explicites en termes de stigmatisation, d’intolérance et d’exclusion : bien plantés sur leurs pattes, dans un
espace aux couleurs de la Suisse, trois moutons blancs broutent, et hors de cet espace se trouve un mouton noir. Le slogan
qui accompagne cette affiche est « Pour plus de sécurité ». Il est également indiqué : « Mein Zuhause-Unsere Schweiz »/
«ma maison-notre Suisse !» Cette nouvelle incitation à la haine raciale s’inscrit dans la continuité d’une production
d’affiches irresponsables, toujours plus outrancières et qui ne voient jamais se dresser contre elles une force politique
importante. Elle suggère au moins deux lectures :
L’affiche est discriminatoire et fallacieuse :
Alors que le mouton noir qui représente les criminels étrangers est stigmatisé puis exclu, les criminels suisses restent
assimilés à des moutons blancs. Non stigmatisés, ils peuvent se mêler sans problème au reste du groupe national. Il en
résulte une discrimination entre criminels. Les uns (les Suisses) se retrouvent blanchis et participent même à « créer la
sécurité » en chassant les étrangers avec le reste de la population. Ces derniers deviennent doublement criminels pour
l’UDC, en commettant un deuxième crime par l’insécurité qu’ils créent en demeurant sur un sol qu’ils ne sont plus
légitimés à habiter ! Etre étranger devient-il systématiquement criminalisant et discriminatoire ?
L’affiche est raciste et dangereuse :
Elle reproduit, selon la perspective des minorités Noires présentes sur le sol suisse, un tableau et une dynamique qui
s’affirment de plus en plus comme une réalité. Constamment pointés du doigt et minorité la plus exposée au racisme et à la
violence raciste, selon des observateurs dignes de foi (ECRI/UE, HCHR/ONU, Amnesty International/Suisse), les Noirs
résidant en Suisse ne manqueront pas de s’identifier au mouton noir indésirable dans un pays en majorité Blanc. L’UDC
véhicule ainsi une image génératrice de haine raciale en créant un amalgame entre la couleur de la peau noire et
l’insécurité en Suisse. Devant cette exclusion absolue, la minorité de Suisses Noirs en particulier est-elle encore fondée à
se considérer pleinement suisse ? Le multiculturalisme suisse ne doit-il se décliner que sur le mode de la blancheur
phénotypique ?
Au vu de ce qui précède,
1. Le CRAN fait part de sa consternation et de son inquiétude devant ce retour rampant, dans une quasi indifférence, du
racisme triomphant et gargarisant des années qui ont marqué la montée et l’instauration du nazisme en Allemagne ;
2. Le CRAN condamne avec force une campagne qui appelle à la guerre raciale en encourageant la haine et le rejet de tous
ceux qui ne correspondent pas au profil helvétique selon la doxa de l’UDC en passe de guider le destin national suisse ;
3. Le CRAN se réserve le droit, dès le lancement de la campagne d’affichage, de saisir la justice pour violation flagrante
de l’article 261 bis du Code pénal que le conseiller fédéral Christoph Blocher, représentant l’UDC au gouvernement, a
entrepris de « reformer », avec l’accord de ses collègues et de la quasi totalité de la classe politique, afin de libérer une
liberté d’expression étouffée par cette norme antiraciste et que son parti saura utiliser dans ses campagnes futures et
invariablement xénophobes et racistes ;
4. Le CRAN appelle le Conseil fédéral ainsi que toutes les forces politiques tournées vers une Suisse moderne, à la fois
état de droit et du respect des minorités et de la diversité culturelle, à poser un acte fort de distance marquante envers des
provocations populistes en voie de devenir une dérive collective, nationale, selon l’accablant adage « qui ne dit mot
consent » ;
5. Le CRAN invite les représentants d’Etats africains en Suisse à sortir de leur léthargie face aux attaques que subissent les
personnes d’origine africaine en Suisse et à dénoncer vigoureusement le peu d’efforts de la Suisse officielle à prendre
résolument les mesures que tous les observateurs des droits de l’Homme ne cessent de recommander en faveur des Noirs,
conformément à ses engagements internationaux ;
6. Le CRAN invite toutes les forces vives du pays, profondément attachées au respect des minorités, de leurs droits et de
leur dignité à se mobiliser davantage pour faire front à l’intolérance, au racisme, à la discrimination et à l’exclusion en
train de triompher sous la houlette d’une UDC insolente et narguant une société civile trop émiettée.
Communiqué envoyé à :
Presse nationale et internationale représentée en Suisse ; service de presse du Palais fédéral ; Commission fédérale contre le racisme
(CFR) ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse ; M. Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU ;M. Doudou Diène,
Rapporteur spécial de l’ONU pour le racisme ; Hautcommissariat de l’ONU pour les droits humains ; ONG actives dans la défense de la
dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines ; Amnesty International ; Conseil des Eglises suisses
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COMMUNIQUÉ - 4.10.2007
APRÈS LES RÉVÉLATIONS SUR LA POLICE LAUSANNOISE
L’acharnement sur les Noirs doit cesser dans les Polices suisses
D
epuis quelques années, le Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir (CRAN), Observatoire
du racisme anti-Noir en Suisse, ne cesse d’attirer régulièrement l’attention de l’opinion publique ainsi que des
autorités cantonales et fédérales sur les brutalités policières ciblées sur les personnes d’origine africaine, dans
tout le pays. A la suite du CRAN, d’autres organisations antiracistes ainsi que des observateurs européens (ex.
ECRI, European Committee on Racism and Intolerance) et internationaux (ex. le Rapporteur spécial de l’ONU sur le
racisme) ont également dénoncé ces pratiques indignes d’un état de droit. Malgré le dernier rapport particulièrement
pointu de la section suisse d’Amnesty International autant que ceux encore plus explicites publiés annuellement par
l’Observatoire du CRAN, la quasi totalité des autorités suisses n’a cessé et ne cesse d’ignorer les multiples abus, au sein de
leurs polices, dans l’espace public, à l’encontre des Noirs, à savoir :
-
Contrôles d’identité ciblés exclusivement sur les Noirs,
Dérapages verbaux, sous forme d’insultes ou sarcasmes à caractère raciste,
Dérapages physiques, sous forme de brutalités contre des personnes souvent plaquées au sol, quasi étranglées (parce
que suspectées de cacher la cocaïne dans la bouche) et menottées,
Fouilles au corps allant jusqu’au déshabillage avec fouille anale, même en public ...
Toujours nié ou minimisé, ce faisceau de signes alarmants incompatibles avec les règles les plus élémentaires de
déontologie, et maintes fois dénoncés, vient enfin d’être confirmé par des révélations de policiers ou ex-policiers
lausannois. Leurs sidérants témoignages ont été recueillis par Le Matin Dimanche (30.9.2007), quelques jours après la
publication d’un rapport interne accablant sur la police lausannoise. On y affirme des « passages à tabac dirigés
spécifiquement contre les Africains », des insultes racistes et grossières du genre « Enculé de nègre, rentre chez toi », des
actions de nettoyage ethnique avec « déplacements » d’Africains hors de la ville, ou encore des « ratonnades » menées en
scandant des « On va chasser le Black ! ». Surtout, la « perversité » de certains policiers est mise à nue : « Les Blacks se
faisaient tabasser alors qu’ils n’avaient pas de drogue sur eux et qu’ils possédaient des papiers en règle. Les rapports
d’intervention faisaient état d’agressivité du suspect pour justifier les hématomes » …
Il ne s’agit pas là de cas isolés. Ni des cas se limitant à la seule police lausannoise. Dans toute la Suisse, les violences
policières gratuites contre les Noirs sont légions, impunies et couvertes par l’assourdissant silence de la classe politique
dans son ensemble, voire stimulées par la haineuse verve anti-étrangers du parti du Conseiller fédéral en charge de la
police. Les personnes d’origine Noire ne se sont jamais senties aussi insécurisées et si peu respectées dans leur dignité
qu’aujourd’hui.
Au vu de la situation ainsi clarifiée, le CRAN tient à faire part de la déclaration suivante :
-
Le CRAN invite la police de Lausanne ainsi que le reste des polices municipales et cantonales de Suisse de diligenter
des audits internes sérieux afin de prévenir, dénoncer et sanctionner de la manière la plus appropriée toute dérive
policière visant à porter atteinte à la dignité, aux droits et à l’intégrité physique des Noirs interpellés.
-
Le CRAN invite la police de Lausanne ainsi que le reste des polices municipales et cantonales de Suisse de procéder
instamment à une évaluation ainsi qu’à une réadaptation des programmes de formation de la police en matière de droits
de l’Homme de manière à y associer étroitement des formateurs issus des communautés Noires.
-
Le CRAN invite la police de Lausanne en particulier à condamner de la manière la plus ferme et la plus claire tous les
actes ignominieux commis ces dernières années par ses agents de police.
-
Le CRAN invite enfin le Chef de la police lausannoise à présenter solennellement des excuses publiques aux
communautés Noires de Suisse en général et à celles de Lausanne en particulier, pour toutes les violences, insultes
racistes et humiliations infligées intentionnellement par ses agents à plusieurs membres de ces communautés et restées
impunies.
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COMMUNIQUÉ - 1ER NOVEMBRE 2007
APRÈS LES DERNIÈRES ÉLECTIONS FÉDÉRALES
Le CRAN se félicite des résultats réalisés par les
candidats Noirs
L
es dernières élections fédérales se sont certes terminées sur la victoire annoncée de l’Union démocratique du
centre (UDC). Ce parti qui bénéficiait des moyens financiers colossaux, sans précédent dans l’histoire de la
Suisse, avait mené l’essentiel de sa campagne sur des thèmes xénophobes et racistes. Il a su exploiter ainsi les
peurs et inquiétudes qu’il a suscitées chez les citoyens suisses.
Le CRAN renouvelle ici ses propres inquiétudes et relaie également celles de l’ensemble des communautés Noires de
Suisse, face à la montée en puissance des forces xénophobes et racistes dans le pays.
Cependant, le CRAN a de quoi se réjouir du véritable événement provoqué par les élections fédérales. Celles-ci ont en
effet fait entrer pour la première fois, au parlement fédéral, le premier député Noir. Avec 43 447 voix en sa faveur, M.
Ricardo Lumengo, 45 ans, figure parmi les trois élus socialistes (26 candidats au total) du canton de Berne. D’origine
angolaise et arrivé en Suisse comme requérant d’asile, M. Lumengo siégeait déjà au conseil communal de Bienne et au
parlement du canton de Berne.
Quant aux autres candidats Noirs, beaucoup ont également réussi des scores impressionnants, à l’exemple de :
-
M. Andrew Katumba (Ouganda), 36 ans, Conseiller communal en Ville de Zurich, 11 ème de la liste de 34 candidats du
Parti Socialiste, canton de Zürich, avec 78 118 voix
Mme Félicienne Lusamba Villoz (RDC), 51 ans, Conseillère communale à Bienne, 5ème de la liste des 26 candidats
Verts du canton de Berne, avec 31 587 voix
M. Alpha Dramé (Guinée-Conakry), 44 ans, Conseiller communal à Genève, 4ème de la liste des 8 candidats Verts du
canton de Genève, avec 17 072 voix
M. Karl-Alex Ridoré (Haïti), 35 ans, 3ème de la liste des 7 candidats du Parti Socialiste du canton de Fribourg, avec 16
661voix
M. Mandu dos Santos Pinto (Angola), 33 ans, 2ème de la liste des 17 candidats Verts Secondas/MigrationListe (jeunes
immigrés de la seconde génération) du canton de Zürich, avec 5 334 voix
Mme Nathalie Fellrath-Owanga (Gabon), 37 ans, députée au parlement cantonal, 4ème de la liste des 5 candidates
Femmes du Parti Socialiste du canton de Neuchâtel, avec 4 946 voix
M. Serge Sagbo (Bénin), 39 ans, 7ème de la liste des 18 candidats PDC «Génération 20-40» du canton de Vaud, avec
1989 voix
Ces scores sans précédent dans les élections fédérales interviennent dans un climat délétère et un contexte marqué par
l’affiche de l’UDC montrant un mouton noir chassé d’un pâturage suisse par des moutons blancs, et parfois par des
attaques les plus odieuses, comme dans le cas de M. Lumengo. Ils prennent encore plus d’importance lorsqu’on sait que le
corps électoral Noir, selon nos estimations, ne dépasse pas les 20 000 électeurs.
Le CRAN adresse ses vives et chaleureuses félicitations aux candidats Noirs. Disposant de moyens fort modestes, ils ont
su mener une campagne électorale dynamique et convaincante, notamment à l’occasion d’un message commun lancé à
Berne, le 20 septembre dernier.
Le CRAN voit à travers cette présence Noire grandissante sur la scène politique, en dépit des forts courants d’intolérance
qui traversent le pays, un renforcement de l’engagement citoyen des Suisses Noirs de prendre une part active à la vie de
leur pays.
Le CRAN se félicite également et salue le signal extrêmement fort envoyé par une frange de la population suisse qui a su
résister aux appels des sirènes de l’exclusion raciale et qui n’a pas hésité à démontrer que, Blancs ou Noirs, les Suisses ne
sont pas des moutons de Panurge.
Le CRAN invite enfin l’ensemble des citoyens suisses de continuer, lors des prochaines échéances électorales, à traduire
également la diversité en matière politique par un vote inclusif en faveur de l’arc-en-ciel suisse.
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COMMUNIQUE DE PRESSE - 16.12.2007
CHANGEMENT AU CONSEIL FÉDÉRAL
Le CRAN se félicite du coup d’arrêt donné au racisme d’Etat rampant
incarné par M. Blocher
L
e 12 décembre dernier, le Parlement suisse a refusé de renouveler sa confiance au Conseiller fédéral (ou ministre)
Christoph Blocher, chef du Département de Justice et Police. Devant cette décision historique, le CRAN tient à
faire la déclaration suivante :
Le CRAN se félicite du départ du gouvernement d’un homme, M. Christoph Blocher, adversaire de la lutte contre le
racisme et qui était opposé ouvertement à la norme pénale antiraciste (art. 261 bis) et au maintien de la Commission
fédérale contre le racisme.
Le CRAN salue, à travers l’éviction de M. Christoph Blocher, un coup d’arrêt bienvenu porté à la dérive raciste et
xénophobe que ce Conseiller fédéral et son parti imprimaient à la politique et à l’Etat suisses, comme l’a encore une fois
démontré le CRAN dans son dernier communiqué dénonçant une campagne gouvernementale visant à réduire
l’accessibilité de la Suisse aux émigrants africains exclusivement.
Le CRAN rend hommage aux forces politiques qui, en provoquant le changement intervenu, ont aussi créé les conditions
d’un rétablissement de l’image de la Suisse, pays de plus en plus identifié par certains médias étrangers à travers sa dérive
xénophobe et raciste.
Le CRAN invite ainsi le nouveau Conseil fédéral à prendre toutes les initiatives et toutes les mesures pour relancer et
renforcer la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, afin de favoriser le mieux vivre ensemble entre Suisses
et étrangers, entre Blancs et Noirs.
Pour information à :
Presse suisse et internationale (en Suisse), Conseil fédéral (Berne), Commission fédérale contre le racisme (Berne), Haut-Commissariat
de l’ONU pour les droits de l’Homme (Genève), Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme (Genève), Commission européenne sur le
racisme et l’intolérance (ECRI, Strasbourg), Délégation de l’Union Africaine (Genève), Ambassades et missions diplomatiques
africaines (Suisse), Organisations de la société civile
PRISES DE POSITION - 2008
COMMUNIQUE DE PRESSE - 8 JANVIER 2008
CAMPAGNE D’AFFICHES DU SECO
Le CRAN dénonce un amalgame raciste délibéré,
de la part d’un organisme d’Etat !
Le reflux momentané de la rhétorique UDC du paysage médiatique helvétique avait laissé supposer un
répit pour les organisations antiracistes sur ce front politique. Ce répit n’aura été que de courte durée.
Comme si une nouvelle culture médiatique avait pris racine profondément au sein des structures
politiques du pays, sous la houlette des concepteurs publicitaires de l’UDC, des institutions de l’Etat
semblent avoir choisi d’adopter la même politique de communication que ce parti. Une politique
aucunement attachée au respect de la sensibilité de certaines minorités présentes sur le sol suisse, en
l’occurrence les communautés Noires.
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Après le département fédéral de Justice et police qui, sous Christoph Blocher, a lancé en novembre dernier, dans les pays
africains exclusivement, une campagne de films publicitaires visant à réduire l’augmentation de la population Noire en
Suisse du fait de nouvelles arrivées, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a aussi choisi la stigmatisation des Noirs.
En effet, à l’occasion d’une campagne visant à sensibiliser le public contre le travail illégal, cet organisme étatique a fait
publier plusieurs affiches, dont une concentre et amalgame des préjugés racistes : « L’argent au noir sent mauvais. Pas de
travail au noir. Tout le monde y gagne » En voulant traduire une préoccupation certes légitime, cette campagne n’en surfe
pas moins sur l’ambiguïté d’un jeu de mots laissant évoquer l’odeur des Noirs (selon un cliché raciste, « le Noir pue »),
leur inaptitude au travail (selon un autre cliché, « le Noir est paresseux ») et tout le bien qu’on peut tirer à s’y prémunir.
Garant de la paix sociale et du respect sans exclusive de la dignité humaine au sein de la société, l’Etat est tenu d’observer
des règles, une expression dénuées de toute ambiguïté quant à ce respect. Quelque soient les intentions du SECO dans
cette campagne, cet organisme étatique ne peut adresser à l’opinion publique un message perçu par une partie de cette
opinion, aussi minoritaire soit-elle, comme blessant sa sensibilité.
De ce qui précède,
Le CRAN fait part de sa consternation et de son indignation devant cette nouvelle illustration d’un racisme d’Etat rampant.
Il invite les autorités fédérales dans leur ensemble et en particulier celles exerçant la tutelle sur le SECO, à apporter un
coup d’arrêt significatif à cette dérive.
Le CRAN condamne avec force une campagne qui porte gravement atteinte à la dignité humaine et à l’image des Noirs
vivant en Suisse.
Le CRAN se joint à SOS Racisme, dont il salue la pertinente prise de position à l’égard du SECO, pour demander le retrait
immédiat de ces affiches qui, dans le contexte actuel encore marqué par les affiches UDC contre les moutons noirs, ne
peuvent que contribuer à blesser profondément, encore une fois, la sensibilité des personnes Noires.
Le CRAN, face à la multiplication de dérapages racistes ou xénophobes par des concepteurs de campagnes de
sensibilisation (à but politique, social ou humanitaire), concepteurs peu outillés en compétences interculturelles en
particulier en ce qui concerne la communication interculturelle, propose à toute organisation ou entreprise intéressées ses
services, sous forme de séminaires ou de consulting dans l’examen ponctuel de messages publicitaires impliquant ou
pouvant concerner les communautés étrangères.
Le CRAN se propose également de lancer cette année un projet visant à recenser toutes les expressions-pièges qui, dans
les langues françaises et allemandes, véhiculent et entretiennent de manière sous-jacente et non moins blessante le racisme
anti-Noir dans le langage. Dans ce cadre, le CRAN proposera aussi des alternatives ayant déjà cours dans les deux langues.
Le CRAN invite enfin toutes les forces vives du pays, profondément attachées au respect des minorités et de leur dignité,
en particulier au sein des communautés Noires, à continuer à rester vigilants et à se mobiliser pour faire front et dénoncer
toute expression et toute manifestation d’intolérance, de racisme, de discrimination ou d’exclusion au sein d’une Suisse
multiculturelle tournée vers l’inclusion et le respect de l’Autre.
Communiqué envoyé à :
Presse nationale et internationale représentée (en Suisse), Service de presse du Palais fédéral, Commission fédérale contre le racisme
(CFR), SECO, Secrétariat d’Etat à l’économie, Ambassadeurs des pays africains en Suisse, M. Kofi Annan, ancien secrétaire général
de l’ONU et président de la Fondation pour l’Environnement, Rapporteur spécial de l’ONU pour le racisme, Haute-Commissaire de
l’ONU pour les droits de l’Homme, ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains, ONG et associations africaines
COMMUNIQUE DE PRESSE – 30 JUIN 2008
ELECTION DU PREMIER PRÉFET NOIR DE SUISSE
Le CRAN se félicite de l’émergence croissante de femmes et d’hommes
politiques Noirs !
Le 22 juin dernier, près de 60 % des électeurs du district de la Sarine, dans le Canton de Fribourg, ont
élu M. Carl-Alex Ridoré au poste de Préfet. Agé de 36 ans, docteur en droit et président du Parti
socialiste local, Carl-Alex Ridoré est d’origine haïtienne, fils de Charles Ridoré, qui dirigea l’Oeuvre
d’entraide Action de Carême et aujourd’hui à la retraite. Son élection s’inscrit dans l’émergence
croissante de femmes et d’hommes politiques Noirs en Suisse et révèle des facettes encourageantes.
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Le CRAN salue avant tout la très brillante élection de M. Carl-Alex Ridoré au poste de Préfet de la Sarine. Il lui adresse
ses vives félicitations et lui souhaite encore plus de succès dans sa très prometteuse carrière politique.
Le CRAN se réjouit, après l’élection du seul député Noir, Ricardo Lumengo, au Parlement fédéral ou celle de conseillers
municipaux dans plusieurs villes du pays (Bienne, Genève, Neuchâtel, Vevey, Zürich...), des perspectives que ces élus
ouvrent au sein des communautés Noires, en contribuant à offrir des modèles positifs d’intégration pour les jeunes.
Le CRAN porte un grand intérêt à cette arrivée sur la scène politique suisse d’un nombre croissant de personnes
d’origine africaine, car elle témoigne d’une volonté de s’intégrer pleinement à la société suisse, de partager son destin et
d’y assumer toutes les responsabilités.
Le CRAN note avec satisfaction l’ouverture dont peuvent faire preuve les citoyens suisses qui, malgré des campagnes
xénophobes et racistes de certains partis politiques sont prêts à ouvrir l’espace politique aux personnes d’origine
africaine qui font leurs premiers pas en politique.
Le CRAN saisit l’opportunité présente pour renouveler son appel envers les Suisses d’origine africaine en particulier et
au reste des électeurs suisses en général pour qu’ils n’hésitent jamais à apporter leur soutien aux femmes et aux hommes
politiques compétents d’origine africaine et briguant des suffrages, afin de continuer à traduire dans les sphères
politiques cette marque de modernité qu’est une Suisse multiculturelle, tournée vers l’inclusion et la participation de tous
ses citoyens.
Communiqué envoyé à :
Presse nationale et internationale représentée en Suisse, Ambassadeurs des pays africains en Suisse, ONG actives dans la défense de
la dignité et des droits humains, ONG et associations africaines
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 5.11.2008
APRÈS LE SUCCÈS D’OBAMA AUX ETATS-UNIS
Yes We Can … Nous aussi en Suisse !
ème
Président des Etats-Unis avait
Barack Hussein Obama a gagné son pari fou. Elu avec panache, le 44
également le soutien du monde entier. Car, cet Américain d’origine africaine représente un symbole
multidimensionnel pour son pays comme pour le reste du monde, en particulier pour l’Afrique et toutes les
personnes d’origine africaine.
Cet événement n’est pas sans rappeler, dans une moindre mesure sans doute, des « premières » que nous
avons connues ces derniers mois au plan politique, ici en Suisse : premier Noir député au Parlement fédéral,
Ricardo Lumengo ; le premier Noir préfet de Suisse, Carl-Alex Ridoré …
Le CRAN ne peut donc que se féliciter du succès phénoménal et symbolique d’Obama. Notre organisation
saisit cette occasion pour exprimer les souhaits suivants :
-
Le CRAN émet le vœux de voir le bouleversement fondamental des mentalités intervenu aux Etats-Unis, à travers
ce choix électoral novateur, faire sentir son onde de choc jusque sur le Vieux Continent européen, notamment en
Suisse, et plus particulièrement au sein de l’ensemble du monde politique, afin d’accepter le Noir comme un
individu égal à tout autre et, en plus, capable de tous les apports bénéfiques au pays ;
-
Le CRAN souhaite que la Suisse puisse aussi faire sienne cette leçon d’ouverture d’esprit, loin de l’idéologie de
haine raciale que l’UDC essaie de propager depuis quelques années et qui malheureusement sert de plus en plus
de vision ou de référence à beaucoup d’acteurs politiques à travers le pays, afin de favoriser le développement
d’une société d’inclusion, de tolérance mutuelle active, de diversité culturelle ;
-
Le CRAN exhorte les Suisses qui se sont enflammés majoritairement pour Obama à manifester la même ferveur
et le même intérêt lorsque d’autres personnes d’origine africaine, en Suisse, investissent les bastions politiques au
plan communal, cantonal ou fédéral, afin que la société pluriculturelle en formation puisse se refléter à ces
niveaux aussi ;
-
Enfin, le CRAN invite les communautés Noires de Suisse, en particulier les jeunes, à s’inspirer de l’exemple de
Obama pour investir encore davantage le champ politique et exercer de manière effective les droits politiques
attachés à leur statut, aussi bien au niveau communal, cantonal que fédéral. Il appelle à une prise de conscience à
la fois individuelle et collective, afin de participer pleinement, sans complexe, aux processus de changements.
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COMMUNIQUE DE PRESSE - 05 DÉCEMBRE 2008
APRÈS LE DÉRAPAGE RACISTE SUR LA TSR PAR PASCAL BERNHEIM
Le CRAN demande des excuses de la TSR et propose des formations de
sensibilisation au racisme anti-Noir
Le 27 novembre dernier, lors de l'émission «Tard pour bar», animé sur la TSR par M. Michel Zendali, un invité, Pascal
Bernheim, n'a pas hésité à tenir des propos racistes. Il a ainsi déclaré, à propos du comique franco-camerounais
Dieudonné, que celui-ci n'est pas futé parce que c'est un «Nègre»! Par la suite, en présentant ses excuses sur internet, il a
voulu se défendre d'être raciste en justifiant que «c'était juste un gag à deux balles...». Etonnamment l'animateur, qui
n'avait curieusement pas réagi sur le moment, ni jugé nécessaire de supprimer ces propos insultants dans une émission
préenregistrée, a tenté de les minimiser, et Il est allé également dans le même sens, en estimant que «Bernheim a juste
voulu faire un trait d'humour». Tant il est vrai que l’humour a toujours été utilisé pour véhiculer de façon insidieuse des
idéologies racistes, pour stigmatiser les Noirs.
-
Le CRAN considère les propos tenus par M. Pascal Bernheim comme un dérapage offensant manifestement raciste et
non comme un «gag à deux balles», ni comme un «un trait d'humour». Il s'agit d'une insulte, non pas seulement
envers Dieudonné, mais davantage envers les Noirs en général.
-
Le CRAN s'élève énergiquement contre cette banalisation et cette minimisation, voire une négation du racisme antiNoir, tant il est indéniable que les réactions auraient été différentes si M. Bernheim avait estimé que, par exemple, le
comique franco-israélien Elie Semoun n'était pas futé parce que «Juif»!
-
Le CRAN demande instamment au Procureur de la république et canton de Genève de poursuivre d'office, comme l'y
oblige la loi (art. 261 bis), cette incitation au racisme qui associe de manière délibérée l’intelligence d’un individu à
une appartenance «raciale», sur une chaîne de télévision publique regardée par des millions de téléspectateurs.
-
Le CRAN invite également, aussi bien la direction de la TSR que l’animateur de cette émission, Michel Zendali en
personne, à présenter publiquement des excuses aux communautés Noires de Suisse qui se sont senties insultées et
blessées dans leur dignité par les propos tenus sur un espace public dont ils ont la responsabilité pour le bien commun
de tous les habitants de Suisse.
-
Le CRAN trouve regrettable que, un mois à peine après l'élection à la présidence de la première puissance mondiale
de M. Barack Obama, dont l'intelligence a été fort soulignée parmi d'autres qualités, on puisse réduire les Noirs à des
êtres sans intelligence. La nécessité d'une éducation antiraciste s'avère plus que jamais nécessaire et importante.
-
Le CRAN invite à cet égard les responsables de la TSR et d'autres médias à s'intéresser, pour leur personnel, à l'offre
de formation continue assurée notamment par l'Université populaire africaine de Genève en collaboration avec le
CRAN, en matière de sensibilisation au racisme anti-Noir.
Communiqué envoyé à :
Direction de la TSR ; Procureur de la République et Canton de Genève ; Conseil d'Etat à Genève ; Service de presse du Palais fédéral
Commission fédérale contre le racisme (CFR) ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse ; Unité de lutte contre le racisme, Office du
Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l'Homme, Genève (OHCDH) ; Rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme ;
Secrétariat de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Strasbourg ; ONG actives dans la défense de la
dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines ; Presse nationale et internationale représentée en Suisse
COMMUNIQUE DE PRESSE - 25 DÉCEMBRE 2008
PARUTION DU DERNIER LIVRE DE JEAN ZIEGLER
Le CRAN s’insurge contre la « haine de l’Occident » attribuée aux
Africains et dénonce le « Prix littéraire des droits de l’Homme » décerné !
Ancien rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation et auteur de plusieurs ouvrages
dénonçant l’exploitation éhontée dont ils font l’objet, M. Jean Ziegler vient de publier un livre intitulé La
haine de l’Occident (Albin Michel). Pour les « qualités de forme et de fond de l'ouvrage », cet homme
Page 221
engagé « au service des peuples les plus exploités du monde », a reçu le 10 décembre à Paris le Prix
littéraire des droits de l’Homme, décerné par l’organisation NDH (Nouveaux droits de l’Homme).
C
ertes, par la démarche de l’auteur, le livre se veut un vibrant plaidoyer en faveur de la « mémoire blessée et
humiliée » des peuples du Sud et contre celle « dominatrice » et « arrogante » de l’Occident. Il dénonce à juste
titre le refus de l’Occident d’accorder l’attention nécessaire aux revendications des peuples à qui ils ont confisqué
leur liberté et humanité. L’intention est donc des plus nobles et louables, lorsqu’il s’agit, pour Jean Ziegler,
d’inviter l’Occident à réfléchir sur la nécessité de créer les conditions du dialogue et de la construction d’une société
humaine planétaire réconciliée.
Il n’empêche que, par ses prémisses et la substance des considérations mises en avant, le livre est un véritable procès
d’intention fait aux peuples africains en particulier. Ainsi, leurs revendications et leurs luttes historiques légitimes pour la
simple justice deviennent autant d’expressions de « haine de l’Occident », notamment lors de la Conférence mondiale
contre le racisme organisée par l’ONU à Durban (Afrique du Sud), en 2001, et à laquelle plusieurs ONG participèrent.
Comme en témoigne l’extrait ci-dessous :
« Durban fut un échec total.
« Dès le premier jour, la haine de l’Occident éclata.
« Au nom de la coalition des ONG africaines, Alioune Tine attaqua : « Nous exigeons que l’esclavage et le colonialisme
soient reconnus comme un double holocauste et crime contre l’humanité. Nous exigeons réparation de la part de
l’Occident pour le pillage des matières premières, le déplacement forcé des populations, les traitements inhumains et la
pauvreté actuelle de l’Afrique, fruit de cette histoire de crimes et de spoliations » (pp. 70-71)…
Pourtant, dans la Déclaration finale de Durban, et en des termes tout aussi durs, la communauté internationale à l’unisson
(à l’exception des Etats-Unis et d’Israël) a exprimé la même volonté de justice, en accordant pour la première fois la
pleine reconnaissance historique à au moins une des tragédies des peuples Noirs longtemps minimisées, en ces termes :
« Nous reconnaissons que l’esclavage et la traite des esclaves, en particulier la traite transatlantique, ont été des
tragédies effroyables dans l’histoire de l’humanité, en raison non seulement de leur barbarie odieuse, mais encore de leur
ampleur, de leur caractère organisé et tout spécialement de la négation de l’essence des victimes; nous reconnaissons
également que l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité et qu’il aurait toujours dû en
être ainsi, en particulier la traite transatlantique, et sont l’une des principales sources et manifestations du racisme, de la
discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée(…) »
Par ailleurs, pour appuyer sa thèse, M. Ziegler n’hésite pas à se référer à l’expression de la colère dénonciatrice d’écrivains
Noirs aussi respectables que Wole Soyinka (Prix Nobel de littérature) et, surtout, de feu Aimé Césaire, transformés
implicitement en chantres de la « haine de l’Occident ».
Face à cette intolérable œuvre de stigmatisation, le CRAN, organisation engagée depuis 2002 dans la lutte pour la dignité,
le respect et les droits humains des Noirs, tient à faire la déclaration suivante :
• Le CRAN condamne énergiquement le détournement très grave et inacceptable, par M. Ziegler, des sentiments qui ont
animé et qui continuent d’animer les Africains dans leurs nobles aspirations et luttes pour la justice, l'égalité et la
dignité. Aspirations et luttes qui sont universelles.
• Le CRAN dénonce en particulier la stigmatisation des hauts faits de l’histoire récente des Noirs ainsi que la négation
de la parole des victimes dans leur lutte légitime, notamment lorsque M Ziegler réduit explicitement les justes
revendications des ONG africaines à Durban à l’expression non rationnelle et violente d’une « haine de l’Occident ».
• Le CRAN estime également que, en cherchant à apposer le sceau de cette émotionnelle « haine de l’Occident » sur les
aspirations historiques et légitimes des peuples Africains, M. Ziegler les blesse profondément dans leur mémoire,
surtout lorsqu’on pense aux illustres résistants à l’oppression occidentale, tels Toussaint Louverture, Chaka Zulu,
Samory Touré, Kwame Nkrumah, Lumumba, Malcolm X, Sankara ou Mandela. Qui, jusqu’à preuve du contraire, n’ont
jamais été motivés par la haine, que celle-ci soit « raisonnée » ou « irraisonnée ».
• Le CRAN exprime particulièrement sa perplexité devant le silence assourdissant de M. Ziegler (qui a préféré illustrer
sa thèse par le cas sans relief du Nigéria) sur la leçon historique, démonstration africaine d’anti-« haine de
l’Occident », donnée au monde par le peuple Noir sud-africain. Bien que spolié de sa terre ancestrale et de ses
richesses, devenu sur sa terre un étranger soumis à une autorisation pour tout déplacement, ses droits et sa dignité
bafoués constamment par un système haineux d’apartheid d’essence occidentale et bien soutenu par plusieurs Etats
occidentaux, ce peuple a su engager de sa propre initiative, sans haine, la reconstruction d’une société réconciliée, en
mettant fin à l’odieux système. Car, la culture de la haine n’est pas d’essence africaine !
Page 222
• Le CRAN considère que, la haine appelant la haine, ce livre est une véritable incitation insidieuse à la haine raciale.
A ce titre, il inquiète le CRAN, en particulier au moment où l’UDC revient au gouvernement fédéral. Ce parti
xénophobe qui avait diffusé dans toute la Suisse des affiches haineuses sur un mouton noir peut à la première occasion
raviver ce climat de haine raciale qu’il aime entretenir. Le livre de Jean Ziegler pourrait y contribuer en renforçant
les ressorts de cette haine qu’il va légitimer. Du reste, lorsqu’un individu entend qu’un autre a la haine contre lui,
cela n’encourage chez lui ces opportunités de dialogue que M. Ziegler appelle pourtant de ses voeux dans son livre et
auxquelles le CRAN reste également très attaché.
• Le CRAN invite en conséquence M. Jean Ziegler à daigner,
1) Présenter formellement ses excuses aux communautés Noires qui, à travers le monde, et une fois surmontée leur
incrédulité, se sentent profondément blessées dans leur mémoire et dans leur dignité, et qui éprouvent également
comme une trahison le fait de réduire les porte-paroles de leur sentiment d’injustice (Aimé Césaire, Wole
Soyinka) en écrivains haineux ;
2) Retirer partout dans le monde l’édition actuelle des rayons des librairies, pour la remplacer par une nouvelle
édition purgée de ses références à l’Afrique. Incitation à la haine raciale, ce livre concourt à détruire l’énorme
capital de sympathie et d’admiration que beaucoup d’Africains aimeraient continuer à préserver à l’éndroit de
M. Ziegler;
3) Effectuer un grand geste envers les Communautés Noires et les peuples Africains en remettant volontairement le
Prix littéraire des droits de l’Homme qui lui a été décerné pour un livre aussi offensant et ainsi entaché.
4) Rechercher le dialogue avec les organisations militantes issues des peuples dont il prend si volontiers la défense,
notamment à l’occasion de la publication d’ouvrages les concernant. Du reste, le CRAN reste disposé à tout
débat public avec M. Jean Ziegler sur les points controversés de son livre, en particulier quant aux aspects
réducteurs et offensants de celui-ci. Il ne manquera pas de prendre des initiatives à cet égard.
Communiqué de presse envoyé à :
M. Jean Ziegler, Genève ; M. Wole Soyinka, écrivain, Abuja (Nigéria) ; M. Alioune Tine, porte-parole à Durban de la Coalition des
ONG africaines, Président de la RADDHO, Dakar ; ONG Nouveaux Droits de l’Homme (NDH), Paris ; Editions Albin Michel,
Paris ; Presse nationale et internationale représentée en Suisse ; Presse africaine ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse ;
Commission fédérale contre le racisme (CFR), Berne ; Office du Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l'Homme
(OHCDH), Genève ; Rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines du racisme, OHCDH, Genève ; Secrétariat de la
Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Strasbourg ; ONG actives dans la défense de la dignité et des
droits humains ; ONG et associations africaines
PRISES DE POSITION - 2009
COMMUNIQUE DE PRESSE - 12 MARS 2009
Appel à la Vigilance !
Le CRAN a été contacté par plusieurs personnes qui ont reçu ces derniers temps des messages emails et/ou des lettres à
propos d’une enquête. Ce courrier a pour but, notamment, de :
•
•
•
établir une liste des organisations de migrants et les personnes clés originaires de pays d’Afrique subsaharienne en
Suisse
déterminer dans quels domaines elles sont actives
examiner dans quelle mesure et à quelles conditions une collaboration entre ces organisations ou personnes clés et les
autorités suisses est envisageable dans les domaines de l’intégration, du retour volontaire et de la coopération au
développement.
Le CRAN constate et relève dans la procédure utilisée et les buts affichés par les promoteurs de l’enquête les faits
suivants, en particulier :
-
Une défiance à l’égard de l’expertise africaine en Suisse
Page 223
Pour s’adresser aux Noirs on fait appel à un intermédiaire, qui deviendra le porte parole des organisations et
personnes, Noirs, vivant en Suisse. Les personnes visées par cette étude sont traitées comme des objets, alors qu’ils
sont les premiers concernés et qu’ils peuvent jouer un rôle dynamique aux stades de la conception comme de la
réalisation. Or nombreux sont les experts* au sein des organisations et populations visées par cette étude. Ces
experts, souvent suisses (mais d’origine africaine) et à qui on refuse ainsi reconnaissance et valorisation sont relégués
au second plan condamnés à être supervisés par des experts bon teint.
-
Un exclusion rampante de l’immigration Noire
Il existe un certain amalgame dans les buts affichés de « coopération au développement » et de « conditions (…) du
retour volontaire ». Or il s’agit d’une enquête avant tout mandatée par des autorités fédérales qui s’illustrent depuis
quelques temps par une exclusion à peine subtile de l’immigration Noire, telle que l’a illustré les campagnes
publicitaires dans des pays africains contre l’immigration Noire et dénoncées par le CRAN (communiqué de presse
du 30.11.2007). Dans la mesure où toutes les populations migrantes de Suisse ne sont pas soumises à la même
enquête, ces « conditions (…) du retour volontaire » apparaissent bien comme une étape dans la mise en place de la
fameuse « immigration choisie », en visant exclusivement les personnes originaires des pays d’Afrique Noire.
Tenant compte de ce qui précède le CRAN dénonce avec vigueur ces pratiques anti-Noires qui n’ont plus à subsister à
l’ère d’Obama et formule les recommandations suivantes à votre intention :
-
s’abstenir d’apporter son concours à une étude «scientifique» dont les paramètres restent flous et dont toutes les
conséquences qui en seront tirées échapperont totalement aux concernés.
-
rester très réservés et vigilants quant aux sollicitations individuelles qui ne manqueront pas de s’exercer afin de
contourner tout obstacle à l’enquête sans en modifier les finalités qui vont à l’encontre des ressortissants
subsahariens.
Communiqué de presse envoyé à :
Toutes les personnes et associations qui se sont adressées au CRAN ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ;
ONG et Associations africaines en Suisse
* Un groupe d'intellectuels africains s'est spécialisé sur les questions de migration et d'intégration au sein de REFORMAF (Réseau de
formation et de recherches sur les migrations africaines), de Regards Africains (avant la mise en place de la toute récente Université
populaire africaine/UPAF dont elle est l’émanation), etc. A citer particulièrement la haïtienne Carmel Fröhlicher-Stines, auteure d’une
Etude sur les Noirs en Suisse. Une vie entre Intégration et Discrimination, ouvrage de grande référence
COMMUNIQUE DE PRESSE - 04 JUIN 2009
RACISME POLICIER
Le CRAN dénonce les pratiques peu policées de la police
bernoise à l’encontre des Noirs
Trop c’est trop. Jusqu’où ira l’irrésistible dérive anti-Noire des polices cantonales en Suisse?
Jusqu’où ira leur harcèlement ciblant les Noirs, à longueur de journée, dans l’espace public?
F
ace à ses échecs dans la lutte contre la petite criminalité liée au commerce de la drogue en Suisse, les polices
cantonales ne connaissent plus les limites dans l’accomplissement de leur tâche. Si ce travail est certes ardu,
frustrant, face à un phénomène récurrent, il n’en demeure pas moins que, dans un Etat de droit, une police digne de
ce nom devrait toujours effectuer celui-ci de manière policée, dans le respect de la personne humaine. Ce principe
déontologique élémentaire semble être devenu la dernière des préoccupations dès qu’il s’agit des Noirs. Comme vient de le
démontrer encore une fois la police cantonale de Berne, déjà épinglée dans d’autres pratiques anti-Noires.
En effet, selon plusieurs sources (presse, témoignages), en date du 15 mai dernier, la police a débarqué dans un magasin
africain du quartier Morillon à Berne, bloquant toutes les issues avant d’arrêter sans discernement tous ceux qui s’y
trouvaient, clients et gérant compris. Même des passants, mais seulement Noirs, se trouvant à proximité du magasin, à
l’arrêt du bus proche, seront arrêtés, sous le soupçon qu’elles avaient sans doute été auparavant aussi dans le magasin et en
étaient sorties. Selon la presse, 27 personnes, uniquement Noires, ont été ainsi arrêtées. Une méthode qui rappelle
étrangement les méthodes de maltraitance des Noirs au temps de l’Apartheid en Afrique du Sud. La police les a menottées,
bandé leurs yeux avec un tissus noir et obligées à se coucher par terre, avant de les emmener au poste pour y être fouillées,
y compris par des fouilles dans leurs parties intimes. Selon la police, le bandage des yeux aurait obéi « au principe de
précaution pour éviter que les gens arrêtés communiquent entre eux avec les yeux » (20 Minuten, 25.5.2009). Seul un
client du magasin sera trouvé en possession de drogue.
Page 224
Aussitôt l’affaire connue, une vague d’indignation a gagné toutes les communautés africaines. Une manifestation de
protestation organisée spontanément a réuni près d’une centaine de personnes à Berne, le 28 mai dernier, devant les locaux
de la police cantonale.
Au regard de l’extrême gravité des faits incriminés, le CRAN tient à faire la déclaration suivante :
•
Le CRAN rappelle avant tout son attachement au respect de la loi et condamne toute violation de celle-ci ainsi
que toute forme de criminalité qui se développerait au sein de la population, quelque soient les communautés d’où
elle provient. Sa répression ne peut qu’être soutenue.
•
Le CRAN exprime toutefois sa vive indignation devant cette énième criminalisation par le faciès accomplie par
la police cantonale bernoise de manière aussi flagrante, aussi massive, aussi humiliante et aussi déshumanisante,
dans la ville capitale d’un Etat de droit. En stigmatisant toute une communauté, elle renforce les préjugés, tout en
mettant en péril la cohésion sociale.
•
Le CRAN dénonce en particulier avec fermeté la méthode de bandage des yeux appliquée ici à des innocentes
victimes d’une rafle et qui n’est pas sans rappeler le traitement inhumain appliqué aux prisonniers de
Guantánamo, comme si ces Noirs ainsi arrêtés étaient suspectés de terrorisme.
A cet égard, le CRAN dénonce également la discrimination instaurée en pratique institutionnelle à l’encontre des
Noirs par toutes les polices du pays, plus promptes à sévir contre les vendeurs, et toujours outrageusement, sans
poursuivre les centaines de milliers de consommateurs, comme les y oblige l’article 19 de la Loi fédérale sur les
Stupéfiants.
•
Le CRAN déplore encore une fois l’absence d’indignation de la part des plus hauts responsables du pays et des
partis politiques, face à un tel traitement disproportionné et déshumanisant à l’encontre des Noirs, sans
discernement et sans aucun respect de leur personne.
•
Le CRAN invite l’ensemble des gouvernements africains et l’Union Africaine en particulier, à travers leurs
représentants accrédités en Suisse, à rompre leur silence devant les traitements humiliants continuellement
infligés par les polices du pays à leurs ressortissants africains ou à leurs descendants, du seul fait de leur couleur
de peau ou de leurs origines, et à élever la protestation la plus véhémente auprès des autorités suisses.
•
Le CRAN invite aussi bien les autorités cantonales que fédérales à prendre toutes les mesures adéquates pour
préserver dans les cantons et le pays une police policée, notamment par le biais d’un renforcement qualitatif de la
formation, spécialement pour une meilleure approche des Noirs. A cet égard, la nouvelle Université populaire
africaine en Suisse, inaugurée à Genève en février dernier, serait à même de contribuer à cette formation
spécifique.
•
Le CRAN s’associe à toutes celles et tous ceux qui ont condamné les agissements de la police cantonale bernoise.
Il invite toute la société civile, en particulier les associations africaines, à rester vigilante et à redoubler d’effort
pour dénoncer les violations des droits fondamentaux et de la dignité des Noirs en particulier, et à exiger une
égalité de traitement et le respect . Le CRAN envisage à cet égard d’initier une démarche auprès des autorités
fédérales et cantonales en vue d’une rencontre avec des représentants des communautés africaines de Suisse
Copie à :
Presse suisse et internationale ; Conseil fédéral, à Berne ; Commission fédérale contre le racisme, à Berne ; Haut-Commissariat de
l’ONU pour les droits de l’Homme, à Genève ; Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, à Genève ; Commission européenne sur
le racisme et l’intolérance (ECRI), Strasbourg ; Délégation de l’Union Africaine, à Genève : Ambassades et missions diplomatiques
africaines, en Suisse ; Organisations et associations de la société civile
COMMUNIQUE DE PRESSE - 10 AOÛT 2009
RACISME DANS UN SERVICE PUBLIC
Le CRAN appelle à des sanctions exemplaires et à des excuses de la
poste, face aux actes de racisme à la poste de Châtelaine, à Genève
Page 225
A
deux reprises au moins, au mois de juin et de juillet de cette année, une jeune Suissesse d’origine africaine,
a été agressée verbalement avec ses deux bébés jumeaux métis par un couple d’employés de la poste de
Châtelaine, à Genève. Les propos, tenus en l’absence de tout acte de la jeune femme pouvant être assimilé
à de la provocation, sont sans ambages : « Sale négresse ! » … « Foutez le camp, on ne veut pas de nègre ni
d’enfants nègres dans la poste » … « Si vous rentrez dans la poste, je vous renvoie dans les champs de coton » …
Des témoins étaient présents. Une fois n’est pas coutume, la jeune femme a pris un avocat et a porté plainte.
L’affaire est en cours. Par ailleurs, la Poste qui compte ouvrir « une sorte d’enquête », selon sa porte-parole,
Nathalie Salamin, n’envisage d’éventuelles mesures qu’une fois connues les décisions de justice. Entre-temps,
l’une des personnes incriminées auraient donné sa démission et l’autre déplacée dans un autre bureau de poste.
C’est la presse (Tribune de Genève, 28.7.2009 et 10.8.2009) qui s’est fait l’écho de cette affaire qui a jeté beaucoup
d’émois dans les communautés africaines notamment. Des jeunes Suisses d’origine africaine, constitués en
collectif, ont ainsi lancé, à partir de samedi dernier 8 août 2009, une série d’actions pour manifester leur
indignation.
Au regard de l’extrême gravité des faits incriminés, le CRAN tient à faire la déclaration suivante :
•
Le CRAN rappelle avant tout son profond attachement au respect de la dignité humaine de toute personne, tel
que le recommande notamment la Constitution fédérale suisse ainsi que divers textes internationaux auxquels la
Suisse a souscrit, et condamne toute violation de cette disposition fondamentale, quelque soit la personne qui est
victime.
•
Le CRAN exprime par conséquent sa vive indignation devant les actes répétés de violence verbale raciste de la
part de certains employés de services publiques et de l’administration fédérale, dans le cadre de leurs fonctions
et sur leur lieu de travail. Il apporte un soutien particulier et sa solidarité à la jeune maman victime, dans sa
plainte contre la Poste.
•
Le CRAN invite les responsables de la Poste, en particulier le conseiller fédéral Moritz Leuenberger, ministre
de tutelle de cette entreprise publique fédérale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’enquête
interne mise en place soit diligentée et puisse aboutir à des sanctions les plus sévères, indépendamment de toute
décision de justice et en y apportant toute la publicité nécessaire à son caractère d’exemplarité. Les responsables
de la Poste devraient faire une déclaration publique à cet effet et présenter leurs excuses à la dame stigmatisée et
blessée dans sa dignité.
•
Le CRAN déplore encore une fois l’absence d’indignation de la part des plus hauts responsables du canton
comme du pays, face à des actes récurrents qui insultent la dignité des Noirs en général. Les termes « Sale
nègre » ou « Sale négresse » résonnent en effet trop douloureusement dans les profondeurs de l’histoire de la
férocité et de la barbarie à l’encontre des Noirs.
•
Le CRAN invite l’ensemble des représentants diplomatiques accrédités en Suisse et à Genève en particulier, à
exprimer leur indignation devant un traitement qui aurait pu les prendre aussi pour cible, du seul fait de la
couleur de leur peau, et à élever une protestation véhémente auprès des plus hauts responsables du pays.
•
Le CRAN s’associe à toutes celles et tous ceux qui ont manifesté leur réprobation des agissements des deux
buralistes de Châtelaine. Il salue en particulier le courage des jeunes Suisses d’origine africaine qui, au sein du
« Collectif Afro-Swiss », ont décidé de mener à cet égard des actions de dénonciation et de sensibilisation avec
le soutien du CRAN.
Copie pour information à :
M. Moritz Leuenberger, Conseiller fédéral en charge du département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la
communication ; Directeurs de la Poste, Berne et Genève ; Procureur de la République et canton de Genève ; Commission
fédérale contre le racisme, à Berne ; Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’Homme, à Genève ; Rapporteur spécial
de l’ONU sur le racisme, à Genève ; Commission européenne sur le racisme et l’intolérance (ECRI), Strasbourg ; Délégation de
l’Union Africaine, à Genève ; Ambassades et missions diplomatiques africaines, en Suisse ; Organisations et associations de la
société civile ; Presse suisse et internationale
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PRISES DE POSITION - 2010
MÉMORANDUM - 27 MARS 2010
APPEL DU CRAN
Le racisme anti-Noir s'enracine-t-il dans les moeurs policières, politiques
et judiciaires suisses ?
L
e récent décès d’un jeune requérant d’asile nigérian à l’aéroport de Zürich a remis à jour les méthodes et la culture
institutionnelle des policiers suisses à l’encontre des ressortissants africains. Il ne s’agit pas d’un cas isolé.
Plusieurs faits, la plupart passés inaperçus, contribuent à donner de la Suisse l'image d'un pays dont les structures
non seulement policières, mais aussi politiques et judiciaires sont gangrenées par le racisme, en particulier anti-Noir.
Nous n’en citerons que quatre.
1. Les victimes Noires de la police ne se comptent plus en Suisse
Le 17 mars dernier, à l'aéroport de Zürich, un jeune Nigérian de 29 ans a en effet trouvé la mort dans des conditions
troubles. Il s'apprêtait à être embarqué dans un des ces nombreux "vols spéciaux" qu'organise la Suisse pour tous les
déboutés de son "droit d'asile". Prévu pour rapatrier - avec l'accord et la collaboration des autorités nigérianes, faut-il le
souligner - une quinzaine de ces déboutés, le vol a été suspendu après que l'ambassade du Nigéria ait signifié son refus de
continuer sa collaboration (et non après une décision "humanitaire" de l'Office fédéral de migration/ODM, comme celui-ci
a essayé de l'accréditer). Ces "vols spéciaux" suisses se déroulent avec des "traitements spéciaux" particulièrement
inhumains (usage de bâillons ou de drogues, corps ligotés ou entravés, souvent sans boire ni manger durant tout le vol,
etc.). En 2009 on en a compté près d’une cinquantaine.
Depuis 2001, au moins une dizaine d’Africains (requérants d'asile ou non) sont morts entre les mains de la police, soit à la
suite d’une simple interpellation, soit en détention, soit à l'occasion des "vols spéciaux", selon notre Observatoire du
racisme anti-Noir en Suisse14. Rien que pour les déboutés nigérians, il s'agirait du 7ème mort, d’après des sources
nigérianes. Aucune autre communauté à l’exception des Africains n'a payé un aussi lourd tribut pour la conquête du "droit
d'asile" suisse. Cette politique d’exclusion vise en particulier les Africains qui sont les plus déboutés. Il n'en demeure pas
moins que les traitements humiliants spéciaux mis en place par les autorités administratives avec l'aval des politiques ne
sont inhumains que parce qu'ils concernent majoritairement des êtres (en particulier des adolescents et des jeunes) sans
défense aucune et dont la dignité et les droits sont rarement respectés par les agents de l'Etat. De nombreux communiqués
du CRAN l'attestent.
14
Outre le Nigérian mort le 17 mars dernier à l’aéroport de Zürich, l’Observatoire du CRAN peut également faire état des
cas suivants :
Le Nigérian Samson Chukwu, 27 ans, mort par étouffement le 1er mai 2001, au Centre de refoulement de Granges,
en Valais, lors d’une tentative de renvoi très musclé;
Le 12 février 2003, est mort un requérant d’asile originaire du Nigéria, laissé plusieurs jours sans soins, selon des
témoins, au centre pour requérants Thurof à Oberbüren, dans le canton de Saint-Gall. La police justifiera cette mort
à une « surdose dans la consommation de drogues » ...
Le 1er septembre 2004, alors qu’il était emprisonné depuis sept jours, un adolescent requérant d’asile nigérian de 17
ans, incarcéré à la suite d’une rafle de la police dans un centre de requérants d’asile à Lugano, se serait pendu au
moyen d’un drap, aux barreaux de sa cellule, dans la prison de district de Bellinzone.
Le 25 août 2007, Mariame Souaré, une Guinéenne de 25 ans, est retrouvée morte au pied de son immeuble, à
Genève. Les policiers, qui avaient fait irruption à 3 h du matin dans son appartement, sans mandat d’arrêt ni de
perquisition, prétendent que la jeune femme se serait jetée à leur arrivée de son balcon, au 4ème étage. Ses proches
le contestent : le corps ne présente aucune trace d’écrasement au sol.
Le 16 mars 2008, un Sierra-Leonais de 26 ans, frappé de Non-Entrée en matière, est mort dans les locaux de la
Gendarmerie du Sentier, à Yverdon, dans le canton de Vaud, où il était détenu après avoir été interpellé dans la rue.
« L'hypothèse la plus vraisemblable est une intoxication médicamenteuse ou de drogue », selon la police …
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(Photo tirée de La Liberté, 3.2.2010)
2. A Lausanne, la police promène les requérants, menottés et chaînes aux pieds, comme à
Guantanamo, ou sous l'esclavage
Malgré le très accablant rapport d’Amnesty International, « Police, justice et droits humains », publié en juin 2007 et
fustigeant en particulier le racisme anti-Noir ambiant, ce sont le mépris total et la destruction des vies humaines qui sont à
l’ordre jour. Des très nombreux cas de violations de droits humains continuent à se produire et à rester impunis. La police
vaudoise, dont les excès défraient la chronique régulièrement, vient d’en donner un odieux exemple dénoncé en février
dernier par des députés de gauche du canton.
Photos à l’appui (voir ci-joint), ces derniers ont rendu public une pratique en cours au sein de la police vaudoise.
Dégradante, inhumaine et contraire à la Convention européenne des droits de l'homme (art. 3), elle n’est jamais appliquée
même aux pires criminels. Elle consiste à faire se déplacer les requérants d’asile déboutés, emprisonnés et convoqués
devant les tribunaux, menottes aux poignets et chaînes aux pieds, parfois en les faisant parcourir toute une rue, en pleine
ville de Lausanne ! Ces images rappellent celles des "terroristes" de Guantanamo ou - encore mieux - le souvenir de la
condition de maltraitance d’esclaves Noirs les pieds enchaînés. Pourtant, le seul et unique crime de ces Noirs enchaînés
n’est que d'avoir cru en la tradition humanitaire de la Suisse, pays habritant les institutions internationales garantes du
respect des Droits de l’homme. Interpellé, le gouvernement vaudois a promis une réponse dans trois mois. Nous
l’attendons!
Ainsi on assiste à une escalade inquiétante des références aux symboles oppresseurs non pour des raisons de sécurité mais
pour humilier ceux dont on ne veut de la présence en Suisse, comme ce fut le cas dans un passé très récent avec le
marquage à l'étoile jaune. Il est fort à parier que l’on aille un jour jusqu’à coudre une étoile avec une inscription « NEM »
sur les habits de ces requérants déboutés, afin de mieux les identifier et jeter sur eux l’opprobre de la rue.
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3. A Zürich, un parti politique
accuse les Noirs de souiller
la ville par leur présence
« Halte à l'africanisation de
Zürich » ! Comme le montre
l’affiche ci-contre, c'est avec ce
slogan que le parti des Démocrates
Suisses, un frère - et parfois allié idéologique du parti populiste et
xénophobe UDC (auteur de
l’affiche sur le mouton noir) s’est
présenté aux élections municipales
qui se sont déroulés dans cette
ville le 7 mars dernier (voir photo
ci-haut). Ce parti qui compte
quelques
députés
élus
au
Parlement
fédéral
et
dont
l’implantation est plus forte à
Zürich s’est ainsi donné comme
programme politique de laver cette
« ville de Blancs » (sic) de la
souillure causée par la présence
croissante d’Africains.
Cherchant à préserver plutôt la
liberté d’expression que la dignité
blessée de leurs concitoyens
contribuables d’origine africaine,
les magistrats de la plus grande
ville du pays ont laissé placarder sur les murs de la ville cette peur et cette expression de la haine des Noirs. Cela n’a
occasionné ni débat public, ni condamnation par des hommes et femmes politiques de la ville. Le procureur du Canton de
Zürich n’a pas non plus jugé utile de poursuivre d’office ce flagrant appel à la haine raciale.
4. A Genève, le Procureur viole impunément le droit face aux victimes Noires de racisme, en cachant
au passage des éléments de preuve fournis par un Conseiller fédéral !
C’est une petite organisation antiraciste, récemment créée à Genève par des jeunes Suisses d’origine africaine
principalement, le Collectif Afro-Swiss, qui vient de jeter ce gros pavé dans la marre. Dans une Lettre ouverte datée du 11
mars 2010, il surprend le Procureur genevois, responsable du Ministère public, en flagrant délit de déni de racisme, en
violation de l’art. 261 bis du Code pénal suisse autant que des règles élémentaires de procédure pénale.
Une affaire de racisme anti-Noir dans un bureau de poste genevois, en été 2009, a entraîné le dépôt d’une plainte de la
victime auprès du Procureur. Celui-ci « égarera » le dossier deux fois. La plainte sera classée purement et simplement pour
« défaut de preuves » et absence d’ « opportunité ». Entre-temps, à l’instigation du Collectif Afro-Swiss qui s’est constitué
à cette occasion, une enquête interne diligentée par le Conseiller fédéral Moritz Leuenberger en personne, autorité de
tutelle de la Poste, conclut à la réalité des faits racistes de la part des employés de la poste et des sanctions sévères
(résiliation des contrats de travail) prises. Dans sa lettre au Collectif, le Conseiller fédéral va jusqu’à accuser à mots à
peine couverts le Ministère public genevois d’avoir manqué à ses obligations : « Tous les procès-verbaux des
interrogatoires ainsi qu'une lettre d'excuse à I'attention de la cliente concernée ont été remis au ministère public genevois
compétent. (…) Apparemment le ministère public n'a jamais transmis cette lettre à la c1iente ». En plus, la décision de
classement de l’affaire a été prise alors que des éléments de preuve accablants avaient été transmis par la Poste.
Dès lors, on peut se demander si une telle décision de classement n’est pas systématiquement et arbitrairement appliquée
par le Procureur à l’égard de toute affaire de racisme incriminant des agents de l’Etat. Plusieurs affaires dénoncées
notamment par le CRAN ont ainsi été régulièrement classées à Genève. Surtout, une telle violation du droit par celui-là
même qui est constitutionnellement chargé de veiller à son application autant qu’à la défense des intérêts de la société, ne
soulève aucun remous dans la République et Canton de Genève. A ce jour, malgré des articles dans la presse, il n’a été
enregistré aucune déclaration officielle d’un-e responsable politique. Les Noirs ne le méritent pas apparemment.
L’Appel du CRAN
•
Le CRAN en appelle avant tout à un sursaut de l’ensemble de la classe politique du pays afin d’arrêter la gangrène
du racisme, en particulier anti-Noir, et de son corollaire, l’arbitraire, le déni du droit et d’humanité, qui gagnent
plusieurs institutions de l’Etat.
Page 229
Le CRAN déplore à cet égard l’absence quasi générale d’indignation de la part des plus hauts responsables du
pays et des partis politiques, donnant ainsi l’impression de cautionner le déni du droit et de la dignité à l’endroit
des Noirs.
A l'heure où, à la suite des affiches de l'UDC sur le mouton noir, de l'Affaire Hannibal Kadhafi ou du vote sur
les minarets, la Suisse est de plus en plus identifiée dans le monde comme un pays intolérant, voire raciste, c’est
contribuer à renforcer cette image que de laisser prendre place la banalisation du racisme ainsi que l’impunité de
ceux qui perpètrent ces actes.
•
Le CRAN appelle particulièrement les autorités politiques et policières responsables à mettre un terme aux
traitements dégradants et inhumains qui deviennent systématiques et une culture institutionnelle face spécialement
aux personnes appréhendées qui auraient la malchance d’être ressortissantes d’Etats africains, notamment à
l’occasion des « vols spéciaux » de rejet.
Sir Winston Churchill se plaisait à dire que « la qualité d’une nation civilisée se mesure à la manière dont sa
police utilise la force pour appliquer la loi ». Dans la Suisse du XXIème siècle, engagée dans une post-modernité
marquée par la diversité, ces propos restent d’actualité.
•
Le CRAN appelle également l’ensemble des représentants en Suisse des gouvernements africains et de l’Union
Africaine en particulier, à cesser de cautionner par leur silence et leur passivité les traitements humiliants
continuellement infligés par les polices et autres institutions du pays à leurs ressortissants totalement sans défense et
jetés ainsi en pâture, et à user de tous les moyens à leur disposition pour élever les protestations les plus véhémentes
auprès des autorités suisses et faire pression sur elles pour un traitement indifférencié à l’égard des résidents et
citoyens d’origine africaine en Suisse.
•
Le CRAN appelle enfin l’ensemble des forces vives du pays, y compris les médias, à rester vigilantes et à redoubler
d’effort pour dénoncer les violations des droits fondamentaux et de la dignité humaine, en particulier à l’endroit des
Noirs, et exiger constamment une égalité de traitement et de respect qui a du mal à s’ancrer dans la culture
institutionnelle suisse.
Mémorandum envoyé à :
Présidente de la Confédération ; Président du Parlement fédéral ; Exécutifs et Parlements cantonaux ; Commission fédérale contre le
racisme (CFR) ; Procureurs de la république de Genève ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse ; Haut Commissariat de l'ONU
pour les Droits de l’homme ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale) ; ECRI (European Council on
Racism and Intolerance, Strasbourg) ; Presse nationale et internationale représentée en Suisse ; ONG actives dans la défense de la
dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines
N.B. – Interpellée par le CRAN, Mme Eveline Widmer-Schlumpf, ministre de la Police, a « déploré l’évenement
tragique qui s’est produit à l’aéroport de Zürich », dans sa réponse du 19 avril 2010. Elle a également promis :
« Si les investigations devaient révéler que les mesures de contrainte appliquées à cette personne détenue en vue
de son renvoi ont entrainé sa mort, l’Office fédéral des migrations et les cantons prendront toutes les mesures
appropriées pour éviter que de tels cas se reproduisent »
COMMUNIQUE DE PRESSE - 24 AVRIL 2010
XÉNOPHOBIE D’ETAT
Après des nouvelles déclarations du directeur de l’ODM sur les Nigérians,
le CRAN réclame sa démission et le gel de la coopération entre les
gouvernements africains et l’ODM
L
e dimanche 11 avril dernier, dans une interview à l’hebdomadaire dominical alémanique NZZ Am Sonntag, M.
Alard du Bois-Reymond, directeur récemment nommé de l’Office fédéral des Migrations (ODM), tenu des propos
très choquants et méprisants, à la suite du décès d’un jeune Nigérian de 29 ans, le 17 mars 2010, à l’aéroport de
Zürich, dans des circonstances épouvantables et inhumaines :
-
« 99,5% des quelque 1800 demandes d'asile en provenance du Nigeria enregistrés en 2009 n'ont pas la moindre
chance d'aboutir »
«Ces personnes ne viennent pas ici en tant que réfugiés mais pour faire des affaires illégales ».
« Une grande partie de ces demandeurs d’asile sont actifs dans la petite criminalité ou le trafic de drogue ».
«Le problème avec les Nigérians est réel et ne doit pas être tabouisé»
Page 230
C’est ce message rassurant que M. Alard du Bois-Reymond délivre depuis comme réponse aux multiples interrogations
qui se posent toujours sur les conditions de décès du jeune Nigérian entre les mains des agents de l’ODM. Car, malgré la
vague de réprobation soulevée par ces paroles, le chef de l’ODM les a réitérées le dimanche 18 avril dernier, à la
Télévision Suisse-Romande. Il a tenu en outre à affirmer à cette occasion que sa Cheffe, Mme Evelyne Widmer-Schlumpf,
ministre fédérale en charge de Justice et Police, approuvait ses déclarations et qu’il ne regrettait pas leur caractère
humiliant et stigmatisant.
Pour le CRAN, les propos de M. Alard du Bois-Reymond soulèvent les observations suivantes :
-
Comme pour faire diversion, et alors que le cadavre du jeune Nigérian mort est encore dans ses mains et que les
responsabilités restent à établir, le chef de l’ODM blesse avec insistance la sensibilité de sa famille autant que de
l’ensemble des Nigérians, en se gargarisant d’accusations péremptoires réduisant le défunt et ses semblables à des
vulgaires criminels.
-
Pour M. Alard du Bois-Reymond, la présomption d’innocence, principe juridique universel inscrit dans le Code
pénal suisse, n’existe pas pour les Nigérians. Sans démontrer que les 99,5% des 1800 demandes d'asile du Nigéria
(pays qui compte 150 millions d’habitants) émanent toutes des délinquants avérés, le chef de l’ODM le décrète avec
un a priori certain.
-
M. du Bois-Reymond démontre ainsi dans ses propos récurrents que l’application du droit d’asile suisse, en ce qui
concerne les Nigérians, repose avant tout sur des a prioris. Lesquels, ne reposant sur aucun fait délictuel collectif
avéré, ne peuvent que relever de la xénophobie, c’est-à-dire une pure aversion contre une population donnée, les
Nigérians, des Africains.
-
S’agissant d’un haut responsable fédéral, on est devant une véritable xénophobie d’Etat, puisque tout le dispositif
administratif de l’ODM, piloté par son chef, ne peut qu’être guidé par ce principe directeur. Et ceci, au mépris de
nos lois, de la Convention de Genève de 1951 sur le principe de non-refoulement ratifiée par notre pays.
-
Cette xénophobie d’Etat s’exerce systématiquement sur les ressortissants africains et pas seulement nigérians. Les
taux d’octroi de l’asile à leur égard dépassent très rarement le 1% en général. Cette situation discriminatoire est en
violation flagrante de l’article 8 de la Constitution sur l’égalité.
-
Les propos de M. du bois Reymond cherchent également à masquer la violation de l’Accord de rapatriement conclu
avec le Nigéria en 2003, en particulier son article XX.1 sur les garanties liées aux droits de l’homme. Il stipule
notamment que ces derniers « ne doivent subir ni la force, ni la torture, ni de traitement cruel, inhumain ou
dégradant ». Or la Suisse a toujours violé ces dispositions, comme en témoignent d’autres morts ou témoignages
récurrents.
Devant ce qui précède,
Le CRAN dénonce avec indignation l’abjection des propos blessants du chef de l’ODM. Ces manœuvres dilatoires sont
d’autant plus abjects qu’ils ont pour conséquence - ou objectif - de minimiser la mort du jeune Nigérian - en mettant en
avant sa prétendue dangerosité - ainsi que les accusations pesant sur l’ODM.
Le CRAN condamne la xénophobie érigée en principe directeur au sein de l’ODM et revendiquée par son chef au nom du
refus des « tabous ». Le CRAN rappelle à cet égard aux autorités fédérales que la Suisse a signé la Déclaration de Durban
contre le racisme, la xénophobie, la discrimination et l’intolérance qui y est associée, et qu’elle a inscrit le principe de nondiscrimination dans la Constitution fédérale (art. 8).
Le CRAN en appelle, devant le risque lourd de partialité des autorités fédérales mises en cause dans la mort du jeune
Nigérian et tel que le démontre le chef de l’ODM, soutenu par son ministre de tutelle, à la mise en place d’une commission
d’enquête indépendante, seule en mesure de mieux établir les responsabilités et de faire châtier les éventuels meurtriers.
Le CRAN demande également des excuses officielles des Autorités suisses ainsi que la démission avec effet immédiat du
directeur de l’ODM. Celui-ci ne peut continuer à exercer de si hautes responsabilités en violant la Constitution en
permanence et en instaurant un arbitraire incompatible avec un Etat de droit.
Le CRAN en appelle aux autorités nigérianes et aux gouvernements africains en général de geler leur coopération avec un
ODM qui viole copieusement et systématiquement les droits humains des rapatriés.
Le CRAN continue d’insister auprès des responsables africains afin qu’ils fassent également pression sur le
gouvernement suisse pour que s’installe dans le pays une culture institutionnelle respectant de manière effective la dignité
des Africains vivant en Suisse.
Communiqué envoyé pour information à :
Page 231
Présidente de la Confédération; Conseillère fédérale chargée de Justice et Police; Directeur de l’Office des Migrations (ODM);
Ambassadeur du Nigéria à Berne; Ambassadeurs des autres pays africains en Suisse; Directeur général de l’Organisation
internationale pour les Migrations (OIM); CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale); CFR
(Commission fédérale contre le racisme); Office du Haut Commissaire de l'ONU pour les Droits de l’homme; ECRI (European Council
on Racism and Intolerance, Strasbourg); Presse nationale et internationale représentée en Suisse; ONG actives dans la défense de la
dignité et des droits humains; ONG et associations africaines
COMMUNIQUE DE PRESSE - 16 AOÛT 2010
CONSULTATION POPULAIRE DE L’UDC :
Le CRAN dénonce un système totalitaire anti-étrangers que met
progressivement en place l'UDC, parti gouvernemental, avec
l’estampille «Qualité suisse»
E
n matière de campagnes politiques, les actions d’éclat de l'UDC (Union démocratique du Centre), premier parti de
Suisse grâce à sa très soutenue mono-production de boucs-émissaires étrangers, est des plus éloquents depuis près
d’une décennie :
-
En 2004, lors de la votation sur les naturalisations facilitées, à son initiative, l'UDC exprime son opposition par des
affiches montrant des mains de rapaces se saisissant avidement de passeports suisses. Horrifiée, l'ONU dépêchera en
Suisse un de ses Rapporteurs spéciaux pour documenter sur la réalité des pratiques politiques racistes de ce tout récent
membre (adhésion en 2002).
-
En 2007, la campagne électorale fédérale donne l'occasion à l'UDC de surfer à nouveau sur les thèmes xénophobes et
racistes avec une éclatante affiche montrant trois moutons blancs chassant un mouton noir d'un pré aux couleurs de la
Suisse. L'audace de cette affiche est telle que des quatre coins du monde, les médias pointent leurs projecteurs sur cette
véritable pièce de collection très répugnante que s'arrachent surtout multiples partis néonazis à travers le monde.
-
En 2009, une affiche manifestement islamophobe, illustrant des minarets sous la forme d’obus, aboutit au succès d’une
initiative populaire inscrivant dans la Constitution l’interdiction de construire des minarets en Suisse. La vague
d’indignation mondiale amène notamment le Conseil de l’Europe, dont la Suisse est membre, à inviter notre pays à
abroger cette interdiction discriminatoire pour les communautés musulmanes.
Par ailleurs, dans cette Suisse qui se veut « propre en ordre », les déjections saisonnières de l’UDC font parfois se pincer le
nez quelques représentants de la classe politique. « Nauséabond ! », a lâché la ministre fédérale des Affaires étrangères,
Mme Micheline Calmy-Rey. « Fascisme ! », s’est écrié M. Patrice Mugny, ministre de la culture à Genève. Mais, en
général, un silence assourdissant des responsables politiques accompagne l’émanation de ces effluves pourtant toxiques
pour la démocratie et l’Etat de droit.
Aujourd’hui, l’UDC va encore plus loin. Dans la perspective des prochaines votations (sur la criminalité étrangère, en
septembre 2010) et échéances électorales (élections fédérales de 2011), ce parti ressort sa lourde batterie
obsessionnellement dirigée contre les étrangers et fixe déjà l’enjeu central du débat politique national d’ici à l’année
prochaine.
A la veille de la Fête nationale (1er août), l'UDC a fait parvenir aux 4 millions de ménages suisses une copieuse publication
de 24 pages. Présentées pêle-mêle, des données et images erronées ou détournées de leur sens stigmatisent, diabolisent et
clouent au pilori les étrangers. D’éloquents titres de chapitre (« Combien d’étrangers et quel genre d’étrangers voulonsnous ? », « Jusqu’où tolérer la présence de l’Islam ? », « Voulons-nous compromettre l’avenir de nos enfants ? », etc.)
convergent vers des mesures que l’UDC invite à soutenir : résiliation de l’accord de libre circulation des personnes (signé
avec l’Union européenne et accepté par le peuple suisse), déclaration de loyauté des immigrants, naturalisation à l’essai,
renvoi systématique des étrangers criminels, etc.
Au vu de ce qui précède,
Le CRAN condamne avec vigueur la vaste « consultation populaire » de l’UDC visant à faire partager à l’ensemble de la
population suisse sa vision xénophobe et à les entraîner dans un système totalitaire anti-Etrangers.
Le CRAN dénonce en particulier les amalgames, les omissions et autres inexactitudes contenus dans cette consultation et
générés pour créer de toutes pièces la peur de «l’autre», des étrangers. En accréditant ainsi l’idée qu’un criminel suisse
serait moins dangereux qu’un criminel non-suisse, l’UDC ne répond qu’au sentiment d’insécurité et non au problème de la
Page 232
criminalité. Plutôt que de rassurer, ce parti préfère allumer et entretenir le feu de la haine et de l’exclusion de « l’autre »
par la stigmatisation et la discrimination.
Le CRAN déplore cette déviation insistante de l’identité suisse par un parti qui estampille ses productions anti-Etrangers
par un label dit « Qualité suisse ». L’UDC donne ainsi au monde extérieur l’image d’une identité suisse jusqu’ici inscrite
dans la diversité culturelle, par l’inclusion et le respect de toutes ses minorités, et qui dérive désormais, en ce XXIe siècle
naissant, vers l’intolérance des minorités culturelles.
Le CRAN reste très préoccupé par le climat d’insécurité et le mal de vivre dans lequel le discours sécuritaire xénophobe
de l’UDC finit par enfermer les étrangers, en particulier les minorités d’origine africaine qui composent aussi la nation
suisse. Par leur évidente visibilité, ces minorités sentent constamment pointées sur eux un doigt accusateur à travers les
illustrations stigmatisantes et généralisantes que l’UDC, donne régulièrement en pâture à l’opinion publique. Les délits de
faciès qui frappent régulièrement les Noirs, notamment beaucoup de jeunes, se trouvent ainsi stimulés ou renforcés auprès
des agents de l’ordre.
Le CRAN attire l’attention du reste de la classe politique sur la dangerosité pour la paix et la cohésion sociales du
discours haineux d’un parti pourtant gouvernemental et tenu à être plus responsable. Notre organisation en appelle à
l’adoption et au respect des principes déontologiques contenus dans la Charte européenne contre les discours racistes en
politique. Le vice-président francophone de l’UDC, M. Yvan Perrin, affirme en effet obstinément : « Nous irons aussi loin
que la loi nous le permet ». La loi seule - très imparfaite du reste - ne devrait pas être l’unique limite aux dérives d’un
électoralisme xénophobe.
Le CRAN appelle toutes les forces vives du pays, attachées à un Etat de droit respectueux de ses minorités, à s’unir et à
s’opposer à la toute-puissance d’un populisme qui tétanise souvent la classe politique par sa capacité financière et son
absence de toute éthique face à l’altérité. Nous nous devons d’arrêter ensemble cette négation récurrente des valeurs
fondamentales suisses, glissement inexorable vers un totalitarisme anti-Etrangers aux lendemains terrifiants.
Communiqué envoyé à :
Mme la Présidente de la Confédération helvétique ; Mmes les Présidentes du Parlement suisse (Conseil des Etats et Conseil
national) ; Chefs des partis politiques ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse ; Haut Commissariat de l'ONU pour les Droits de
l’homme ; Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) ; Commission fédérale contre le racisme (CFR)
European Council on Racism and Intolerance, Strasbourg (ECRI); Presse nationale et internationale représentée en Suisse; ONG
actives dans la défense de la dignité et des droits humains; ONG et associations africaines.
LETTRE OUVERTE - 8 NOVEMBRE 2010
AU CHEF DE LA POLICE CANTONALE À BERNE
Tirs policiers sur un jeune Noir à Bienne
Monsieur le Commandant Stephan Blättler,
Le 15 octobre dernier, dans le cadre de ses investigations, suite à l’assassinat d’une prostituée brésilienne à Bienne, une
semaine auparavant, la police cantonale a voulu y contrôler un jeune Noir. Ayant déjà fait l’objet d’un contrôle policier le
même jour, avant d’être relâché, ce dernier n’a pas obtempéré et a préféré prendre la fuite. La scène se déroulait en plein
centre ville, à une heure d’affluence (17h25). Afin de l’arrêter, le policier a aussitôt dégainé son arme et tiré sur le jeune
fuyard, l’atteignant à une jambe. Ce dernier a été ensuite maîtrisé et transporté à l’hôpital. Fort heureusement ses jours ne
sont pas en danger. Le lendemain, dans des conditions moins sanglantes, la police procédait à l’arrestation d’un autre jeune
Noir, également suspecté du même homicide. Néanmoins, le jeune blessé ne sera pas relâché par la police au motif qu’il
faisait l’objet d’une procédure pénale pour brigandage qualifié, viol et contrainte sexuelle, en dépit du fait qu’après sa
première interpellation il avait été relâché.
De ce qui précède,
• Le CRAN condamne fermement l’usage disproportionné de son arme à feu par le policier ayant pris pour cible ce jeune
Noir sans arme, inoffensif. Ni les antécédents judiciaires de ce dernier, ni son flagrant délit de fuite ne justifiaient des tirs
qui, du reste, auraient pu faire des victimes collatérales dans la rue.
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• Le CRAN condamne d’autant plus cet acte injustifiable que celui-ci rappelle des temps qu’on croyait révolus,
l’époque où, impunément, des Blancs pouvaient prendre pour cible des esclaves Noirs en fuite - ou pour s’amuser sans hésiter à tirer sur eux comme sur des lapins. Cette Mémoire commune et la profonde douleur historique
meurtrissant les personnes d’origine Noire devraient être mieux prises en compte dans les pratiques professionnelles
policières.
• Le CRAN déplore que la police, devant une bavure aussi flagrante, n’ait pas reconnu logiquement ce fait, préférant
mettre en avant des justifications (délits antérieurs du jeune Noir) en totale inadéquation avec ce qu’il conviendrait de
qualifier de « tentative d’homicide involontaire ».
• Le CRAN constate, une fois encore, que dès que des policiers sont aux prises avec des Noirs, toute règle, même la
plus élémentaire, n’est plus de mise. Ils peuvent tout se permettre. Sans doute parce qu’aucune personnalité politique,
suisse ou africaine, ne se manifeste en général pour défendre les droits et la dignité des Noirs en Suisse.
En conclusion, le CRAN vous adresse la requête suivante :
• Le CRAN aimerait voir accélérer l‘enquête que vous avez diligentée à l’encontre du policier et être tenu informé de
ses résultats. Nous aimerions pouvoir comprendre les réelles motivations du policier tireur non menacé et être fixés sur
les mesures prises afin que pareille mise en danger de la vie d’autrui ne puisse se reproduire. Le CRAN se réserve sur
la suite à donner aux résultats de cette enquête.
• Le CRAN, tout en encourageant la police dans son travail quotidien de rétablissement de l’ordre et contre le crime,
attire votre attention sur l’impératif du respect des droits et de la dignité de la personne humaine, en particulier
lorsqu’il s’agit de Noirs. Vous n’êtes pas sans savoir que ces derniers constituent la catégorie de la population allogène
la plus exposée aux violences et brimades policières. Ceci, dans toute la Suisse et en particulier à Bienne ou à Berne,
comme nous avons eu déjà à le signaler à plusieurs reprises dans des communiqués notamment.
Dans le passé, les autorités policières biennoises avaient engagé des discussions avec le CRAN en vue d’une
collaboration active. Un projet de formation continue avait même été proposé par le CRAN. Mais les autorités n’y ont
plus donné de suite. Nous souhaitons voir reprendre cette collaboration pouvant apporter de la valeur ajoutée au travail
de la police.
Tout en restant à votre disposition, nous vous prions de recevoir nos meilleures salutations.
Copie pour information à :
Conseiller d’Etat en charge de la police, Canton de Berne ; Maire de Bienne ; Commission fédérale contre le racisme
(CFR, Berne) ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse ; Haut Commissariat de l'ONU pour les Droits de l’homme
(Genève) ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale, Genève) ; ECRI (Commission
européenne sur le racisme et l’intolérance, Strasbourg) ; Presse nationale et internationale représentée en Suisse ; ONG
actives dans la défense de la dignité et des droits humains en Suisse ; ONG et associations africaines en Suisse
N.B. – Dans sa réponse du 26 novembre 2010, le commandant indique : « Le meurtre d'une prostituée à Bienne
ainsi que toutes les actions de la police relatives à cette enquête font partie intégrante d'une procédure pénale du
juge d'instruction en cours. Au vu des faits qui précèdent, la police cantonale n’est pas autorisée à prendre position
à ce sujet. Le CRAN peut faire une demande auprès du juge d'instruction afin d'obtenir des renseignements.
Cependant, il est à relever que le CRAN n'obtiendra pas d'informations importantes relatives à la procédure
pénale, étant donné qu'il n'entre pas en compte en qualité de partie à l'enquête ».
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 6 DÉCEMBRE 2010
INITIATIVE SUR LE RENVOI DES CRIMINELS ÉTRANGERS
Le CRAN dénonce la „Swiss Qualität“ labélisant les obsessions antiétrangers de l’UDC
L
e 28 novembre dernier, une énième initiative ouvertement discriminatoire et anti-étrangers a été adoptée par le
peuple suisse souverain, par 54 % (48% en Suisse romande) des voix. Emanant du parti xénophobe et raciste,
l’Union démocratique du centre (UDC), et intitulé « Pour le renvoi des étrangers criminels », ce texte vise à
créer une « justice d‘exception» pour les étrangers et à l’inscrire dans la Constitution. Comme toujours, ce sont ces
étrangers qui vivent dans notre pays, y travaillent, y payent des impôts, contribuant ainsi à sa prospérité, qui se
retrouvent stigmatisés, servant de bouc émissaires à des frustrations infondées.
Rappelons, à ce sujet, les propos de M. Olivier Guéniat, chef de la police de sûreté de Neuchâtel et expert en
criminologie (Le Courrier, 17.5.2010), sur la base des statistiques des infractions commises en Suisse : «L’initiative
pour le renvoi des étrangers criminels, n’aura aucune influence sur la criminalité » Excluant toute corrélation entre
nationalité et criminalité, il a ajouté : « (…) l’utilisation du terme « étrangers » pour analyser la criminalité donne
l’illusion qu’ils forment un tout indissociable alors qu’il existe plusieurs catégories... ». En outre, l’impact de la
précarité et de l’exclusion socio-économique sur la criminalité a été occulté, et les avis d’autres experts, y compris
ceux de la Commission fédérale des questions migratoires, totalement ignorés.
Après les votations précédentes sur les Lois sur les étrangers (Letr) et sur l’asile (Lasi), le 24 septembre 2006, ou celle
sur l’inscription de l’interdiction des minarets dans la Constitution (29.11.2009), la stigmatisation des étrangers
s’enracine dans l’ordre juridique suisse, jusqu’à devenir aux yeux du monde entier un trait helvète de plus en plus
marquant. Cette situation pose de sérieux problèmes à la fois d’image de la Suisse, de respect de la dignité des
étrangers vivant en Suisse et des valeurs fondamentales garanties par la Constitution et déniées aujourd’hui.
Au vu de ce qui précède,
•
Le CRAN est profondément préoccupé par la déliquescence de notre état de droit démocratique vers laquelle
nous mène triomphalement l’UDC crée de plus en plus, grâce à son label „Swiss Qualität“ bien en vue sur ses
affiches, une insoutenable équation, à l’étranger surtout : « Haine de l’étranger = UDC. UDC = Qualité suisse.
Suisse = Haine de l’étranger ». L’Etat totalitaire UDC serait-il déjà né ?
•
Le CRAN déplore que le Conseil fédéral et le Parlement, tous garants de notre Constitution fédérale et dont le
rôle est aussi de promouvoir l‘esprit de justice et de tolérance qui y est enraciné, n’aient pas jugé utile de rejeter
un texte contraire à cet esprit et d’aucun apport au problème de la criminalité en général, préférant suivre un parti
xénophobe dans son obsession anti-étrangers.
•
Le CRAN s’inquiète de voir se multiplier des telles initiatives qui, de plus en plus, ne sont plus utilisées pour
renforcer notre état de droit, mais sont plutôt lancées, le plus souvent par le même parti politique ou ses affidés,
pour tenter de légaliser par la voie des urnes, des pratiques discriminatoires d’un autre âge. Par la création d’une
« justice d’exception » et de double peine visant les seuls étrangers ayant commis les mêmes crimes qu’un
Suisse, ces pratiques entraînent notre état de droit dans une irrépressible dérive totalitaire.
•
Le CRAN se félicite du rejet de l’initiative par les cantons romands (moins le Valais) ainsi que par le démicanton Bâle-Ville. Il appelle la population suisse dans toute sa diversité à ne pas se laisser gagner par la peur de
l’autre ni par le discours haineux distillés par l’UDC et les encourage à continuer à marquer leur attachement aux
valeurs fondamentales de justice et de respect de la diversité et de la dignité humaine inscrites dans la
Constitution voulue par leurs ancêtres.
En se laissant tétaniser par des peurs créées de toutes pièces par l’UDC, ils ne font que fournir à ce parti
sponsorisé par les plus grandes fortunes de Suisse, ce qui lui permet d’influer ailleurs, dans des enjeux bien plus
lucratifs et peu portés sur la place publique.
Communiqué envoyé à :
Autorités fédérales ; Exécutif des partis politiques ; Commission fédérale contre le racisme (CFR) ; Ambassadeurs des pays
africains en Suisse ; Haut Commissariat de l'ONU pour les Droits de l’homme ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de
la discrimination raciale) ; ECRI (European Council on Racism and Intolerance, Strasbourg) ; Presse nationale et internationale
représentée en Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines
235
PRISES DE POSITION - 2011
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 4 JANVIER 2011
CRISE IVOIRIENNE : RECONNAISSANCE DE L’UNE DES PARTIES EN CONFLIT
PAR LA SUISSE
Le CRAN invite les autorités fédérales à appliquer la neutralité et
dénonce un suivisme qui ne respecte pas la dignité africaine
L
a crise post-électorale ivoirienne, provoquée par des résultats proclamant deux présidents pour un siège, vient
de connaître un dénouement résiduel, en Suisse. Le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE),
dirigé par la présidente de la Confédération pour 2011, Mme Micheline Calmy-Rey, a officiellement choisi
son camp le 29 décembre dernier : « Comme une grande partie de la communauté internationale, la Suisse reconnaît
la victoire électorale d'Alassane Ouattara certifiée par l'ONU ».
Sans vouloir apporter de soutien à l’une ou l’autre partie au conflit, la décision de la Suisse appelle les observations et
interrogations suivantes :
1. Par sa décision, la Suisse viole ses propres principes sacrés de neutralité
La Suisse neutre s’aligne. Sur un autre alignement.
La situation post-électorale en Côte d’Ivoire est à la fois très confuse et très explosive, deux caractéristiques qui
poussent en général la Suisse à ne faire preuve ni de précipitation ni de parti-pris. Or, alors que la situation est
loin de se décanter et que tout peut basculer d’un moment à l’autre, les autorités suisses décident de choisir entre
les deux camps en présence. Auraient-elles entre les mains, après leur propre enquête, des preuves matérielles
irréfutables corroborant les éléments matériels ayant permis la certification de l’ONU ? Le DFAE a plutôt suivi
un parti-pris « international ».
En effet, après la certification accordée aux résultats « provisoires » par la Commission électorale indépendante
(CEI) et proclamant M. Ouattara vainqueur, le représentant de l’ONU n’a plus voulu reconnaître les résultats
« définitifs » du Conseil constitutionnel reconnaissant M. Gbagbo vainqueur. Raison invoquée : cet organe serait
« contrôlé par M. Gbagbo ». Le DFAE adhère à cette interprétation en sachant pourtant que la même suspicion
pèse sur la CEI. Celle-ci était présidée par un partisan officiel de M. Ouattara ; elle était composée aux 2/3 de
membres de l’opposition ; en outre, en raison de désaccords internes, ses résultats n’ont pas été proclamés en
territoire neutre (ex. siège de l’ONU à Abidjan), mais au QG de M. Ouattara, en présence des artisans de la
reconnaissance « internationale » de ce dernier : les représentants de l’ONU, de la France, des USA, des médias
étrangers ; etc. etc. Comment le DFAE arrive-t-il à ne déceler les indices de hold-up électoral que d’un
côté ?
La Suisse préfère renforcer le camp en faveur de l’usage prioritaire de la force.
En s’alignant sur la « communauté internationale », la Suisse fait un choix qui ne vise ni à apaiser ni à concilier
ceux qui se font face. Elle contribue plutôt à jeter l’huile sur le feu et à raidir les positions. Comment un pays
traditionnellement attaché au principe de neutralité peut-il oeuvrer en premier lieu pour l’usage de la force là où,
selon les principes universels, celle-ci devrait être le dernier recours ?
Pour mémoire, rappelons qu’au Soudan, face aux deux parties en conflit (rébellion du Sud-Soudan contre le
pouvoir de Khartoum), la même Suisse ne s’était engagée que dans le camp de la pacification. Grâce à ses bons
offices, les frères ennemis vont signer en 2002 l’inespéré et historique accord de cessez-le-feu du Bürgenstock
(Nidwald), après 21 ans de guerre. Loin du suivisme actuel, la Suisse ouvrira alors la voie à l’entrée en scène de
l’ONU qui organise le 9 janvier prochain un référendum sur l’indépendance du Sud-Soudan Pourquoi alors la
Suisse refuse-t-elle aujourd’hui d’envisager prioritairement un rôle analogue en Côte d’Ivoire ?
236
2. Par sa décision, la Suisse ne respecte pas les Africains
Lorsqu’on respecte un peuple, on respecte ses institutions.
En 2009, le Tribunal fédéral, instance suprême suisse, a rejeté les accusations de discrimination raciale portées
contre la campagne d’affiches islamophobes lancée en Valais en 2007 par le parti xénophobe et raciste UDC.
Cette décision a été un blanc-seing pour ce parti. De nouvelles productions racistes ont suivi, heurtant les
consciences à travers la Suisse et le monde : affiches sur le mouton noir, sur les minarets, etc. L’actuelle
présidente de la Confédération les avait même jugées « nauséabondes ». Comment la Suisse aurait-elle réagi si, à
la suite de cette décision souveraine et sans appel, un Etat du Moyen-Orient avait jugé que, par sa décision, le
Tribunal fédéral suisse n’était pas une cour de justice fiable ? Tout le monde sait comment la Suisse a réagi face
à la mise en cause de ses institutions judiciaires par la Libye dans l’affaire du fils Kadhafi confronté à la justice
genevoise ?
Comment alors cette même Suisse attachée au respect de ses institutions peut-elle dénier le même respect
au Conseil constitutionnel ivoirien mis en place par un Etat souverain comme elle et aussi critiquables soient
ses décisions ? D’autant que cet organe, avec sa composition « pro-Gbagbo », n’a jamais été contesté dans sa
légitimité durant tout le processus électoral, ni par la partie adverse, ni par la « communauté internationale ».
Enfin, lorsqu’on respecte un peuple on respecte sa Mémoire.
Pour les Africains conscients, 2010 a été, avec la commémoration des 50 ans des « indépendances africaines »,
une année de recueillement, de réflexion. Ils ont pu mesurer combien la souveraineté restait une frontière à
conquérir. Les actions et postures de type colonial et blessant leur dignité demeurent dominants, même si certains
chefs d’Etat africains tragiquement ubuesques les avalisent. Un récent reportage de France 2 sur la
« Françafrique » l’a encore démontré. Ce réseau criminel politico-mafieux est, de l’avis de tous les analystes, au
cœur de la crise ivoirienne. Il cherche à perpétuer en Afrique Noire exclusivement le permanent paradigme
raciste d’une Afrique infériorisée qu’il faut continuer à infantiliser, en imposant ou en adoubant ses chefs, afin de
mieux exploiter et piller ses ressources.
Ces ingérences humiliantes et mortifères ont eu cours durant ces 50 années d’« indépendance-sanssouveraineté ». Elles atteignent aujourd’hui, avec la crise ivoirienne un paroxysme insoutenable. Pour les
Africains résolus à tourner définitivement cette fois la page du (néo)colonialisme et du racisme anti-Noir qui lui
est associé, elles sont ressenties comme un couteau qu’on remue dans une plaie béante. Ou comme une agression
à laquelle il convient de répondre. Les autorités fédérales sont-elles conscientes des enjeux de dignité
africaine qui se profilent derrière la crise ivoirienne et qui vont désormais marquer en premier les relations
extérieures des Etats africains, notamment face à l’Occident ? Ces enjeux réactivent aujourd’hui les courants
panafricanistes à travers le monde entier contre ce qui est considéré comme une recolonisation de l’Afrique.
C’est cette seule et unique raison qui a amené des « jeunes leaders » de plusieurs pays africains à aller exprimer
leur soutien à M. Gbagbo, après le colloque qui les avait réunis à Cotonou (Bénin), du 18 au 20 décembre 2010,
autour de la « Promotion de la solidarité des jeunes leaders africains face aux défis de la souveraineté ».
Au vu de ce qui précède,
Le CRAN condamne avec la plus grande véhémence la décision suisse de reconnaître l’une des parties du conflit
ivoiro-ivoirien. Cette décision n’est pas fondée. Et la Suisse n’a pas à suivre une « communauté internationale » qui a
largement démontré sa duplicité ainsi que ses visées bellicistes au mépris de l’opposition unanime des Ivoiriens à une
guerre imposée de l’extérieur et à coup sûr catastrophique.
Le CRAN dénonce le traitement discriminatoire infligé à une des parties en Côte d’Ivoire, à un pays qui n’est pas
unique dans ce monde où les contestations post-électorales sont de plus en plus légion (pas seulement en Afrique) et
ne sont pas toujours suivies de mesures aussi coercitives, à un continent qui continue d’être placé sous tutelle comme à
l’époque des colonies. La Suisse ne devrait pas s’inscrire dans une dynamique dont les ressorts politiques ne font pas
partie de son histoire avec l’Afrique.
Le CRAN invite la présidente de la Confédération, cheffe du département des Affaires étrangères, à œuvrer à
redéfinir ses relations avec les Etats africains à l’aune du défi de la montée en puissance de nouveaux acteurs
économiques majeurs (Chine, Inde, Brésil, etc.) et de l’arrivée progressive sur la scène politique africaine de leaders
décomplexés. Ces relations pouvant servir demain de modèle aux autres Etats occidentaux devraient avant tout
respecter la dignité des Africains, leurs droits inaliénables et les institutions qu’ils se sont choisies.
Le CRAN appelle par conséquent le Conseil fédéral à revenir sur sa décision de reconnaître une des parties au conflit
en Côte d’Ivoire. Face au potentiel hautement explosif sur le terrain, le Conseil fédéral devrait plutôt revenir à ses
fondamentaux et mettre tout en œuvre, comme pour le Sud-Soudan, pour proposer ses bons offices, sinon renforcer les
dynamiques allant dans ce sens. L’Afrique lui en serait reconnaissante.
237
Le CRAN exprime toute sa sympathie et sa solidarité envers le peuple ivoirien confronté à nouveau à des épreuves
mettant en danger son avenir en tant que nation unie, libre et maître de son destin. Il lui apporte tout son soutien pour
relever ce défi majeur dont dépendent à la fois son futur et celui du reste de l’Afrique.
Le CRAN tient à préciser qu’il ne soutient ici aucune des parties ivoiriennes en conflit. Sa démarche est motivée par
le seul souci de voir, d’une part, la Côte d’Ivoire prise en otage connaître un meilleur destin, et, d’autre part, la Suisse
neutre s’engager dans une voie privilégiant les aspirations - ivoiriennes, africaines et même suisses - à une issue
pacifique et au respect de l’Autre.
Communiqué envoyé à :
Présidente de la Confédération ; Autorités fédérales ; Représentants des partis politiques
Commission fédérale contre le racisme (CFR) ; Ambassadeurs des pays africains et non-africains en Suisse ; Haut Commissariat
de l'ONU pour les Droits de l’homme ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale) ; ECRI
(European Council on Racism and Intolerance, Strasbourg) ; Presse nationale et internationale représentée en Suisse ; ONG
actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG, associations et personnalités africaines
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 23 MAI 2011
APRÈS AVOIR LANCÉ LE SEUL APPEL DE SOUTIEN EN SA FAVEUR
Le CRAN se félicite de l’acquittement de M. Ricardo Lumengo
Premier et seul parlementaire suisse d’origine africaine à Berne
J
uriste bénévole dans un centre pour l’intégration des étrangers, à Bienne (canton de Berne), ex-membre du Parti
socialiste suisse (PSS) et premier élu africain au Parlement fédéral, M. Ricardo LUMENGO, d’origine angolaise,
vient d’être « blanchi » par la Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne, auprès de laquelle il avait
interjeté appel de sa condamnation par le Tribunal pénal de Bienne, le 11 novembre 2010, pour « fraude électorale ».
BREF RAPPEL DES FAITS
En 2006, durant la campagne pour les élections au parlement cantonal bernois, le candidat LUMENGO rencontre
dans sa ville de Bienne des personnes dans la rue, les bistrots et parfois à leur domicile. Il s’agit le plus souvent d’amis
ou de connaissances. Naturalisés de fraiche date, certains le questionnent sur la manière de remplir leurs obligations
civiques de vote. Il les invite parfois à son bureau de consultation. Où, grâce à des spécimens de bulletin de vote
servant de modèles, il peut leur donner une explication plus concrète. Des personnes sont ainsi reparties avec le
bulletin ayant servi d’exemple pour les explications, afin de pouvoir bien remplir le bulletin de vote. Mais, chacune de
ces personnes gardait son libre choix au moment de remplir et de poster son bulletin ou d’aller le glisser dans l’urne au
local de vote.
Malgré les explications données, 44 personnes ont sans doute voulu faire plus simple. Elles ont préféré glisser dans
l’enveloppe les "bulletins-exemples" que M. LUMENGO avait remplis et qui portaient son nom. Toutefois, à
l’exception de 2 bulletins validés, les 42 restants seront exclus du comptage parce que déclarés invalides pour vice de
forme.
C’est seulement en 2008, deux ans après, que ces accusations sont portées contre M. LUMENGO, à la suite de sa
victoire aux élections fédérales de 2007. Elu avec 11 000 voix d’avance sur son poursuivant, il est soupçonné d’avoir
rempli lui-même 47 bulletins. Mais l’enquête graphologique le disculpe. Les soupçons se portent alors sur le vieux
dépouillement de 2006 concernant son élection au parlement cantonal qu’il venait pourtant de quitter pour le
parlement fédéral.
Si le socialiste LUMENGO a toujours reconnu avoir commis une erreur d’appréciation sur les personnes qu’il a voulu
aider en 2006, il ne s’est jamais considéré comme ayant commis de délit intentionnellement. Mais, bien que présumé
innocent, après avoir interjeté appel, ses camarades du PSS vont sans ménagement le pousser à quitter le parti.
En novembre 2010, au regard des amalgames racistes sur ses origines, et le lynchage médiatique renforcé par la
position de son parti, le CRAN a lancé un Appel pétitionnaire pour soutenir M. LUMENGO, en dénonçant notamment
une sévérité sans précédent dans les traditions aussi bien judiciaires et politiques du pays, à propos de fraude électorale
238
(ex. en 1994 le député Christoph Blocher s’était approprié frauduleusement un vote au Parlement fédéral sans suites
judiciaires).
Le 18 mai dernier, le jugement en appel de M. LUMENGO se soldait par son acquittement.
RÉSOLUTION
•
Le CRAN se félicite de la décision de la Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne, après la
brillante défense de M. LUMENGO par son avocat et salue la hauteur des juges qui n’ont pas cédé à une certaine
pression médiatique et politique indécente allant dans le sens de la condamnation.
•
Le CRAN dénonce à cet égard, encore une fois, l’attitude du Parti socialiste suisse qui s’est empressé de
condamner sans appel M. LUMENGO, un de ses membres, encore présumé innocent. En le considérant
désormais comme un pestiféré devant quitter le parti, le PSS s’était certes mis ainsi en phase avec la campagne
raciste menée par le parti xénophobe UDC lors de la votation sur la criminalité étrangère. Il a également
volontairement refusé à un de ses membres, à la position emblématique sur l’échiquier politique, cette
présomption d’innocence qui a permis à un PS français, par exemple, de faire bloc autour de l’un des leurs, M.
Dominique STRAUSS-KHAN, en dépit de très lourdes charges d’agression sexuelle, tentative de viol et
séquestration pesant contre lui.
•
Le CRAN, est d’autant plus heureux de cette décision que c’est au contraire un acte civique qui a été interprété
comme un acte délictueux et que des circonstances atténuantes sont devenues des circonstances aggravantes au
point que le PSS l’a aussitôt banni. Premier parlementaire d’origine africaine, M. LUMENGO ne deviendra donc
pas, à son corps défendant, l’incarnation du symbole du premier parlementaire suisse condamné pour fraude
électorale.
•
Le CRAN se félicite également du signal fort envoyé par les juges. Ce signal sonne à la fois comme un désaveu
et un appel à la réserve imposée par le respect de la dignité et le devoir d’équité en direction de toutes les forces,
notamment politiques, promptes à stigmatiser l’étranger sans fondement réel, pour des motifs électoralistes et/ou
racistes.
•
Le CRAN tient à réaffirmer son total soutien à M. LUMENGO et l’encourage à poursuivre, au Palais fédéral,
l’accomplissement d’un travail parlementaire qui contribue à la bonne marche de la vie politique suisse et qui est
apprécié par ses collègues.
•
Le CRAN appelle toutes les forces vives du canton - hommes/femmes politiques, militant-e-s et organisations de
la société civile ainsi que toutes personnes attachées à la promotion de la diversité en politique, en particulier ses
électeurs - à renouveler leur confiance à M. LUMENGO réhabilité, symbole national de l’intégration, de la
reconnaissance et de la promotion de la diversité, notamment lors des élections fédérales qui s’approchent.
Communiqué envoyé à :
Cour suprême du canton de Berne ; Commission fédérale contre le racisme (CFR) ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse
Haut Commissariat de l'ONU pour les Droits de l’homme ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination
raciale) ; ECRI (European Council on Racism and Intolerance, Strasbourg) ; Presse nationale et internationale représentée en
Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines
239
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 8 JUILLET 2011
MILLÉNAIRE DE LA VILLE DE NEUCHÂTEL
Le CRAN dénonce les omissions historiques dans les célébrations de
la ville de Neuchâtel
D
epuis le début de l’année, la Ville de Neuchâtel commémore ses mille ans d’histoire. A cette occasion,
notamment, un imposant ouvrage a été publié par la Ville, Neuchâtel 1011-2011 mille ans, mille questions,
mille et une réponses (éditions Attinger Hauterive). Son auteur, l’historien Jean-Pierre Jelmini, y dévoile à la
fois son amour et sa connaissance pointue de la ville.
Toutefois, l’évocation de certaines figures historiques ayant laissé une profonde empreinte sur la ville
souffre de graves omissions, notamment dans les cas suivants :
-
Introduisant les deux notables célèbres, à qui on doit les meilleurs bâtiments de la ville, Pierre-Alexandre
DuPeyrou (1729-1794) et David de Pury (1709-1786), M. Jelmini se limite à l’évocation de la querelle soulevée
par ceux qui leur ont reproché leur fortune amassée grâce au travail des esclaves Noirs de Guyane, sans éclairer
davantage sur cette face peu connue de deux grands citoyens et bienfaiteurs de la ville de Neuchâtel qui furent
effectivement des grands négriers, c’est-à-dire des criminels contre l’humanité, selon la nouvelle qualification du
commerce et de l’esclavage des Noirs, et comme l’ont démontré des travaux scientifiques d’historiens suisses,
tels Hans Fässler (Une Suisse esclavagiste, Duboiris, 2007) et Bouda Etemad (avec Thomas David et Janick
Schaufelbuehl, La Suisse et l’esclavage des Noirs, Antipodes, 2005).
-
Le cas du naturaliste Louis Agassiz (1807-1873) est plus grave. M. Jelmini met certes en valeur les qualités
scientifiques de cet ancien professeur de l’Université de Neuchâtel, spécialiste des glaciers et dont la renommée
dépasse largement les frontières de la Suisse. Il oublie toutefois de citer une période également féconde de sa vie,
son séjour aux Etats-Unis. Où, horrifié par la vue des Noirs, il entreprend de démontrer combien cette « race »
spécifique est inférieure, avant d’être le premier à préconiser entre Blancs et Noirs un système d’apartheid. Une
pétition lancée par M. Hans Fässler, « Démonter Louis Agassiz », cherche depuis 2006 à faire débaptiser
l’Agassizhorn, un sommet dans le canton de Berne.
Poser un acte historique symbolique
Au vu de ce qui précède,
Le CRAN salue la célébration des mille ans de la ville de Neuchâtel et rend un vibrant hommage à tous ceux et toutes
celles qui, autochtones et immigré-e-s, ont contribué à l’édification et au renom de cette ville aujourd’hui millénaire.
Le CRAN, tout en félicitant M. Jean-Pierre Jelmini pour le monumental travail accompli pour sa ville, déplore son
attitude complaisante à l’égard de personnalités neuchâteloises ayant contribué à la construction de l’idéologie du
racisme et en particulier du racisme anti-Noir, ou qui se sont adonné à un très lucratif mais vil commerce.
Le CRAN tient à affirmer sa volonté de n’ouvrir ici ni procès ni polémique à propos de ces figures de proue de
l’histoire neuchâteloise. Le procès a déjà eu lieu et son verdict est sans appel. La Conférence mondiale contre le
racisme (Durban, 2001) et sa Déclaration universelle ont posé des marqueurs et des grilles de lecture. En qualifiant
notamment la traite négrière et l’esclavage de « crime contre l’humanité », la Déclaration de Durban a aussi précisé
« qu’il aurait toujours dû en être ainsi », même à l’époque où MM De Pury, DuPeyrou et Agassiz déniaient tout droit
et toute dignité aux Noirs.
Le CRAN invite par conséquent Neuchâtel, ville qui affiche par ailleurs l’empreinte raciste la moins marquante de
Suisse, en raison d’une politique volontariste d’ouverture aux étrangers, à saisir l’occasion de cette commémoration
pour poser un acte historique symbolique de reconnaissance, à savoir reconnaitre officiellement que certains de ses fils
célèbres ont contribué à faire rayonner dans le monde la négation de la dignité et des droits humains et que la ville
continue de s’enorgueillir des éléments les plus visibles de leur héritage multiforme.
Communiqué envoyé à :
Autorités municipales et cantonales neuchâteloises ; Commission fédérale contre le racisme (CFR) ; Ambassadeurs des pays
africains en Suisse ; Haut Commissariat de l'ONU pour les Droits de l’homme ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la
240
discrimination raciale) ; ECRI (European Council on Racism and Intolerance, Strasbourg) ; Presse nationale et internationale
représentée en Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines ;
Sponsors de l’ouvrage « Neuchâtel 1011-2011 mille ans, mille questions, mille et une réponses »
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 14 JUILLET 2011
RACISME POLICIER STRUCTUREL
Après les violences contre un jeune requérant d'asile nigérian à l'aéroport de Zürich
Le CRAN dénonce une Police dressée pour casser du «Noir»
15
Les brutalités et maltraitances
policières récurrentes envers les
Noirs en Suisse ne se comptent
plus et deviennent même banales.
Ils sont légions, les récits ou faits
rapportés dans la presse ou
auprès
du
CRAN
sur
l’interpellation au faciès de Noirs
par des policiers en civil et suivie
de
fouilles
corporelles
dégradantes (jusque dans l’anus,
parfois en public). Egalement
systématiques,
les
violences
accompagnant le renvoi de
requérants d’asile africains lors
de « vols spéciaux ». En mars
2010,
un
requérant
d’asile
débouté, Joseph Chiakwa avec
les deux mains et les deux pieds
entravés, et sur le point d’être
renvoyé au Nigéria avait trouvé la
mort à l’aéroport de Zurich, suite à
des traitements inhumains et des brutalités policières .
15
Depuis 2001, outre des milliers de victimes de coups et blessures, souvent non déclarés, au moins une dizaine
d’Africains (requérants d'asile ou non) sont morts entre les mains de la police en Suisse, soit à la suite d’une
interpellation, soit en détention, soit à l'occasion des "vols spéciaux" de refoulement, selon notre Observatoire du
racisme anti-Noir en Suisse. Aucune autre communauté en dehors des Africains ne paie un tel tribut de sang et
d'indignités pour sa présence sur sol suisse. Illustration dans les cas suivants :
- Le Nigérian Samson Chukwu, 27 ans, meurt par étouffement le 1er mai 2001, au Centre de refoulement de
Granges, en Valais, lors d’une tentative de renvoi très musclée.
- Le 12 février 2003 meurt un requérant d’asile originaire du Nigéria, laissé plusieurs jours sans soins, selon des
témoins, au centre pour requérants Thurhof à Oberbüren, dans le canton de Saint-Gall. La police justifiera cette
mort à une « surdose dans la consommation de drogues » ...
- Le 1er septembre 2004, alors qu’il était emprisonné depuis sept jours, un requérant d’asile nigérian de 17 ans,
incarcéré à la suite d’une rafle de la police dans un centre de requérants d’asile à Lugano, est retrouvé pendu au
moyen d’un drap aux barreaux de sa cellule, dans la prison de district de Bellinzone.
- Le 25 août 2007, Mariame Souaré, une Guinéenne de 25 ans, est retrouvée morte au pied de son immeuble, à
Genève. Les policiers, qui avaient fait irruption à 3 h du matin dans son appartement, sans mandat d’arrêt ni de
perquisition, prétendent que la jeune femme se serait jetée à leur arrivée de son balcon, au 4ème étage. Ses
proches le contestent : le corps ne présente aucune trace d’écrasement au sol.
- Le 16 mars 2008, un Sierra-Leonais de 26 ans, frappé de Non-Entrée en matière, meurt dans les locaux de la
Gendarmerie du Sentier, à Yverdon, dans le canton de Vaud, où il était détenu après avoir été interpellé dans la
rue. Pour la police vaudoise, « l'hypothèse la plus vraisemblable est une intoxication médicamenteuse ou de
drogue » …
- Le 17 mars 2010, à l’aéroport de Zürich, un jeune Nigérian trouve la mort dans des conditions restées troubles,
avant son refoulement vers le Nigéria, pendant que les policiers de l'ODM (Office des Migrations) essayaient de
le maîtriser au sol, menotté et entravé aux pieds…
241
L
e 7 juillet dernier, sur le même aéroport, et à l'occasion du renvoi de 19 requérants d’asile vers le Nigéria, un
jeune Nigérian de 19 ans a failli trouver la mort dans des conditions similaires. Emmené menotté et des
entraves aux pieds (voir photos ci-jointes) par 8 policiers pour être embarqué dans un des ces nombreux "vols
spéciaux" qu'organise l'Office fédéral des migrations (ODM) pour certains déboutés du "droit d'asile", il a été soumis à
un tabassage en règle et une tentative d’étouffement avec un policier sur lui après l’avoir plaqué au sol sans défense,
pour avoir voulu résister (voir photos ci-jointes). Repris après une nouvelle convention signée récemment avec les
autorités nigérianes, ces "vols spéciaux" suisses continuent à se dérouler apparemment avec toujours les mêmes
"traitements spéciaux" dégradants et particulièrement inhumains à l’encontre des Africains dont le seul crime est
d’avoir demandé l’asile à la Suisse. Et d'être Noirs.
De ce qui précède,
Le CRAN exprime sa profonde inquiétude devant la persistance des mêmes pratiques policières. Le vol du 07 juillet
est le premier affrété par l'ODM pour le Nigéria depuis le drame de mars 2010. Malgré quelques mesures prises (ex.
présence d’un médiateur issu de la société civile lors du refoulement), rien ne change. Le problème, c’est la police, et
non la procédure. Ces énièmes violences policières ne font que mettre à jour à nouveau les méthodes et la culture
institutionnelles de policiers qui semblent dressés pour casser du Noir avec l'impunité garantie. Le CRAN rappelle à
cet égard ces propos toujours actuels de Sir Winston Churchill : « la qualité d’une nation civilisée se mesure à la
manière dont sa police utilise la force pour appliquer la loi ». Le linguiste néerlandais Teun A. Van Dijk complète,
dans le dernier numéro de Tangram, publication de la Commission fédérale contre le racisme (CFR) : « Le racisme
d’une institution est à la mesure de celui de ses membres, et surtout de ses membres dirigeants » (« Le racisme des
élites », in Tangram 27, 6/2011)
Le CRAN dénonce la coupable passivité des responsables politiques qui ne font rien tant qu’il s’agit de Noirs.
Victimes faciles à sacrifier sur l’autel érigé sur les places publiques des villes suisses par les partis xénophobes et
racistes, l’arbitraire, le déni du droit et la violence les guettent dès qu'ils sont confrontés à une police du pays. Le
Rapport 2010 de la CFR souligne l’ampleur de cette focalisation.
Déplorant l’absence générale d’indignation de la part des plus hauts responsables et des partis politiques du pays, ce
qui donne l’impression d'encourager ces récurrentes violences policières anti-Noirs, le CRAN en appelle à un sursaut
de leur part pour que soit mise en place au moins une commission d’enquête indépendante sur les dernières brutalités
policières à l'aéroport de Zurich, pour qu’enfin soit mis fin à l’impunité.
Le CRAN en appelle aux autorités nigérianes et aux gouvernements africains en général de cesser de cautionner
par leur silence et leur indifférence les traitements humiliants régulièrement infligés par les polices et autres
institutions suisses à leurs ressortissants, et de geler leur coopération avec un ODM qui persiste dans les violations
systématiques des droits humains des refoulés. Il insiste également auprès des responsables africains, en particulier
l’Union Africaine, sur la nécessité de faire pression sur la Suisse pour qu'elle s'engage réellement dans la promotion du
respect de la dignité et des droits des ressortissants africains vivant en Suisse.
Le CRAN réitère ses propositions pour collaborer, avec une expertise Noire, à tout programme visant à améliorer la
formation des fonctionnaires de l'ODM comme des agents des polices et administrations du pays et à combattre
véritablement le racisme anti-Noir structurel qui gangrène ces institutions.
Communiqué envoyé à :
Présidence de la Confédération ; Présidences du Parlement fédéral ; Chefs cantonaux de la police
Ambassadeurs des pays africains en Suisse ; Commission fédérale contre le racisme (CFR) ; Haut-Commissariat de l’ONU pour les
droits de l’Homme ; Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme ; Commission de l'ONU pour l'élimination du racisme et de la
discrimination (CERD) ; Commission européenne sur le racisme et l’intolérance ; Presse nationale et internationale représentée en
Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines
242
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 24 AOÛT 2011
PETITION CONTRE L’ONU, APRÈS LA CÔTE D’IVOIRE, LA LIBYE
« L’ONU des Puissants : Out of Africa ! »
Contre les ingérences extérieures et pour le respect de la Dignité et de la souveraineté africaines
L
ors de sa dernière assemblée, en avril de cette année, coïncidant avec la mise en place en Côte d’Ivoire d’un
nouveau pouvoir totalement soumis aux intérêts des ennemis de la dignité et de la souveraineté de l’Afrique,
le CRAN avait décidé de réfléchir sur une pétition à proposer aux Africains et à tous ceux qui se sentent
solidaires de leur aspiration à être respectés. Les derniers événements survenus en Libye viennent à point
nommé pour dénoncer de la manière la plus conséquente l’instrumentalisation d’une organisation, l’ONU, créée pour
garantir la paix, dans le respect du droit international, en une machine de guerre visant à défendre les objectifs
stratégiques de ceux qui la dominent, quitte à sous-traiter ses nouvelles initiatives à l’organisation militaire la plus
puissante et la plus guerrière du monde, l’OTAN. Au moment où les Africains sortent d’un bilan mortifère de 50 ans
d’indépendance sans souveraineté, ces initiatives sonnent à la fois comme une provocation jubilatoire et une
affirmation arrogante d’une volonté de recolonisation, ainsi que de déni de dignité et de souveraineté africaines.
En quittant l’ONU, les 56 Etats africains ne s’opposeraient pas seulement à sa dérive anti-africaine récolonisatrice, ils
se créent une opportunité historique de s’approprier et remodeler leur destin. Ils peuvent redessiner, avec les Etats qui
y sont favorables, de nouveaux paramètres pour des relations internationales privilégiant avant tout le respect de la
dignité africaine et de la souveraineté de ses Etats. En valorisant mieux son potentiel économique, elle gagne les
moyens concrets de ce respect. Aujourd´hui l’Occident ne se moque plus des Chinois toujours communistes devenus
leurs créanciers.
Quelque soit le prix à payer, l’Afrique cessera également d’offrir sur un plateau d’argent à ses agresseurs, maîtres de
l’ONU, les outils de la démolition de sa dignité et de sa souveraineté. Les agressions et les assassinats contre des
dirigeants peu soumis ne cesseront pas. La prospérité en péril de l’Occident va encore multiplier la répression féroce
par tous les moyens de toute velléité d’indépendance, afin de créer, sauvegarder ou renforcer des positions
économiques privilégiées. Au moins, l’Afrique n’aura plus à y prêter le flan en donnant sa caution objective par sa
présence.
Comme l’a dit Lumumba, artisan et héros de l’émancipation africaine, assassiné il y 50 ans par les mêmes qui
assassinent aujourd’hui la dignité et la souveraineté africaines, l’histoire de l’Afrique n’a pas à être écrite à
Washington, Londres, Paris ou New York, avec foison de mensonges révisionnistes. C’est aux Africains eux-mêmes
d’écrire dignement et sans ingérence extérieure leur histoire propre, y compris celle de leur cheminement
démocratique !
Devant l’affront subi en Côte d’Ivoire et celui en cours en Libye, l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki s’est inscrit
dans la même vision. Il a appelé tous les Africains à « défendre leurs intérêts face à l’Occident » et à « manifester
massivement leur refus des ingérences extérieures et leur droit à décider de leur avenir ». Il y va de la survie de
l’Afrique.
En lançant la présente pétition, http://www.petitions24.net/onu_des_puissants__out_of_africa, et défendant les idéaux
de dignité africaine inscrits dans ses statuts, le CRAN, dans son rôle d’acteur majeur au sein de la société civile
africaine*, invite les Africains en particulier à manifester par ce biais ce refus des ingérences extérieures et ce droit à
décider de leur avenir. Au moins comme un premier pas pour ne pas laisser aux générations futures une Afrique sans
dignité, sans souveraineté. Sinon, pour ouvrir un impératif débat sur le bien-fondé d’une présence africaine au sein
d’une organisation n’ayant pour l’Afrique d’autre perspective que soumission, humiliations, recolonisation.
Communiqué envoyé à :
Ambassadeurs des pays africains et non-africains en Suisse ; Autorités fédérales suisses ; Haut Commissariat de l'ONU pour les
Droits de l’homme, Genève ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale), Genève ; Presse
nationale et internationale en Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG, associations et
personnalités africaines ; Toute personne africaine ou non africaine partageant les aspirations à la dignité et à la souveraineté
de l’Afrique
* Créé en 2002 à Berne (Suisse), le CRAN (Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir) n’est pas à confondre
avec le CRAN-Conseil représentatif des Associations Noires, créé en 2005 en France. Le CRAN.ch a notamment organisé, en 2006,
à Genève, la première et unique Conférence européenne contre le racisme anti-Noir.
243
COMMUNIQUE DE PRESSE - 20 DÉCEMBRE 2011
RACISME POLICIER À LAUSANNE
Le CRAN dénonce les délits de faciès anti-Noirs et la banalisation des
fouilles anales en public par la police
Photo (Le Matin, 28.11.11, http://www.lematin.ch/actu/suisse/operation-coup-de-poing-antidealers-2011-11-28) : Ces faits sont passés
inaperçus. A l’exemple du premier, des jeunes Noirs soupçonnés d’être des dealers et interpellés dans la rue par la police
lausannoise, sont alignés comme des bestiaux face contre mur, avant de se voir intimer l’ordre de baisser leur pantalon pour être
fouillés jusque dans l’anus. Cette scène surréaliste s’est passée dernièrement à une heure de grande affluence (19h) au centre de
Lausanne, dans un passage de la place Chauderon vidé de ses nombreux passants, invisibles sur le cliché, mais amassés en
badauds juste à côté, selon le reportage d’un journaliste convié à cette « valeureuse » démonstration policière mortifiante.
E
xhibée dans Le Matin, journal le plus lu de Suisse romande, cette image n’a révolté aucun responsable
politique, à droite comme à gauche. Dans un système civilisé, le chef de la police aurait été forcé de
démissionner. Mais on n’est pas dans un système civilisé. Du moins pas quand il s’agit du respect de la dignité
des Noirs. Dans la déontologie policière, le respect de la personne figure sans doute. Mais en est exclu le respect du
« Nègre », comme on se plaît à les nommer à dessein.
En 2004, le CRAN avait dénoncé d’identiques mauvais traitements commis par la police genevoise. Le laxisme à cet
égard des autorités, dans une ville internationale comme Genève, avait même amené le CRAN à demander la
démission de Mme Micheline Spoerri, responsable de la police à l’époque. Cela valut à notre organisation les pires
sarcasmes de tous les côtés. Ni démission, ni excuses, ni condamnation officielles ne furent notées. Comme sous
244
l’esclavage, aux Amériques, la violation de la dignité d’un « Nègre » continue d’être un fait anodin, banal sous les
latitudes suisses.
Certes, en 2009, à Berne, les clients et gérant Noirs d’une boutique afro du centre ville furent un peu mieux traités.
Arrêtés uniquement pour leur faciès, avec d’autres Noirs passant par ce quartier entièrement bouclé, ils furent juste
menottés, les yeux bandés avec un tissu noir et obligés à se coucher par terre de longues minutes, avant d’être
embarqués au poste de police. C’est là, à l’abri des regards des badauds, que les 27 Noirs arrêtés furent soumis au
sport favori des policiers suisses : baisse du pantalon et fouille anale des « Nègres ». Avec un maigre résultat : une
seule personne fut reconnue « dealer », ayant été trouvée en possession de drogue (20 Minuten, 25.5.2009)...
Dealers « protégés » par le puissant lobby des consommateurs ?
A Lausanne également, les démonstrations de force de la police semblent donner les mêmes maigres résultats. Menée
depuis mi-novembre, l’Opération Octopus a tenu à associer le 28 novembre journalistes et photographes. Il fallait
frapper les esprits, comme réponse au ras-le-bol des commerçants et des habitants du centre-ville face à l’expansion du
marché de la drogue, selon le journal Le Matin (28.11.2011). La frustration devant les maigres résultats obtenus serait
accentuée par un sentiment d’impuissance face à une législation pénale inadaptée, comme l’exprime dans l’éditorial le
rédacteur en chef adjoint : « Arrêté un jour, le criminel, souvent sans papiers, se retrouvera le lendemain sur le même
trottoir pour y vendre sa saleté. (…) Bref, de quoi décourager le plus valeureux des policiers »
Pourtant, si la Suisse peut renforcer régulièrement son dispositif légal contre le « droit d’asile », comment sa
législation reste-t-elle paralysée face à la répression des dealers ? Ces Noirs présumés montrés comme des dealers
exclusifs seraient-ils en secret protégés par un puissant et informel lobby (celui des consommateurs ?), dans la Berne
fédérale, contre toute velléité de durcissement de la loi ?
Les « valeureux » policiers s’inscrivent-ils aussi dans cette lâcheté ? Plus prompts à chercher à tirer une vaine gloriole
dans des opérations très médiatisées dirigées contre les petits dealers Noirs, ils osent rarement s’en prendre de la même
manière aux gros trafiquants de drogue. Surtout, aucune opération Octopus, Alpha ou Figaro (à Genève) n’est jamais
menée contre les consommateurs, pourtant facilement localisables et punissables des mêmes peines que les dealers par
la Loi sur les stupéfiants (art.18).
La Street-Parade de Zürich est chaque année l’occasion d’une forte consommation de drogue : 63 000 lignes de coke
en deux jours en 2011, soit une progression de près de 10% par rapport à 2010, selon Le Matin (18.8.2011). L’analyse
des eaux usées montre que, non seulement les villes suisses sont parmi les plus cocaïnomanes du monde, mais qu’en
plus le pic grimpe fort en été lors des festivals (Swissinfo, 7.7.2010). Dans les milieux huppés, des plateaux de coke
circuleraient lors de parties …
Au vu de ce qui précède,
•
Le CRAN rappelle avant tout son attachement à l’Etat de droit et au respect rigoureux de la loi. Il condamne
par conséquent toute forme de criminalité qui se développerait notamment au sein de n’importe quelle
communauté. La répression de cette criminalité ne peut qu’être soutenue.
•
Le CRAN exprime toutefois sa très vive indignation devant cette énième criminalisation par le faciès
accomplie par une police suisse de manière aussi flagrante, aussi humiliante et aussi déshumanisante, par le
truchement d’une « Opération Octopus » médiatisée à dessein afin d’offrir des boucs-émissaires faciles face à
son impuissance à juguler le marché de la drogue. Le CRAN dénonce la démagogie de ces opérations antidrogue dont le seul haut fait consiste à sacrifier la dignité des Noirs sur l’autel du populisme des responsables
politiques.
•
Le CRAN dénonce en particulier l’application différenciée et asymétrique de la Loi sur les stupéfiants par les
polices suisses. Ces dernières ciblent rarement avec autant de détermination et de visibilité les consommateurs
en général suisses et Blancs. Ce qui contribue à stigmatiser les communautés Noires, à renforcer les préjugés,
tout en mettant en péril la cohésion sociale.
Le CRAN déplore encore une fois l’absence d’indignation de la part des plus hauts responsables du pays et des
partis politiques, face aux traitements déshumanisants répétés, de la part de la police lausannoise en particulier
et visant exclusivement les Noirs. Nous rappelons encore une fois ces propos toujours actuels de Sir Winston
Churchill : « la qualité d’une nation civilisée se mesure à la manière dont sa police utilise la force pour
appliquer la loi ».
Le CRAN rappelle également que des structures de formation actives au sein des communautés africaines,
telles l’Université populaire africaine de Genève ou le Service de médiation du Conseil de la Diaspora africaine
de Suisse, sont prêtes à aider les polices du pays à développer les compétences interculturelles des responsables
et agents de l’ordre.
•
245
•
Le CRAN invite enfin l’ensemble des gouvernements africains et l’Union Africaine en particulier, à travers
leurs représentants accrédités en Suisse, à rompre leur silence devant les traitements déshumanisants
continuellement infligés par les polices suisses à leurs ressortissants africains ou à leurs descendants, du seul
fait de leur couleur de peau ou de leurs origines, et à élever les protestations les plus véhémentes auprès des
autorités suisses.
Communiqué envoyé à
Présidence de la Confédération ; Présidences du Parlement fédéral ; Chefs cantonaux de la police ; Ambassadeurs des pays
africains en Suisse ; Commission fédérale contre le racisme (CFR), Berne ; Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de
l’Homme ; Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme ; Commission de l'ONU pour l'élimination du racisme et de la
discrimination (CERD) ; Commission européenne sur le racisme et l’intolérance (ECRI), Strasbourg ; Presse nationale et
internationale en Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines
PRISES DE POSITION - 2012
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 24 FÉVRIER 2012
ACHARNEMENT JUDICIAIRE CONTRE L’ANCIEN PARLEMENTAIRE NOIR
Le CRAN se félicite du définitif acquittement de M. Ricardo Lumengo
A
la veille des dernières élections fédérales, le procureur bernois en charge du dossier a déposé un recours
contre l'acquittement prononcé le 18 mai 2011 à Berne en deuxième instance après une condamnation pour
« fraude électorale » intervenue en novembre 2010. Juriste bénévole dans un centre pour l’intégration des
étrangers, à Bienne (canton de Berne), et premier élu africain au Parlement fédéral, de 2007 à 2011, M. Ricardo
LUMENGO, d’origine angolaise, a entretemps perdu les élections. Il vient d’être « blanchi » à nouveau. Le Tribunal
fédéral (Cour suprême) vient de rejeter le recours du procureur bernois, confirmant ainsi l’acquittement définitif.
RAPPEL DES FAITS
En 2006, lors de sa la campagne pour les élections au parlement cantonal bernois, le candidat LUMENGO rencontre
dans sa ville de Bienne des personnes dans la rue, les bistrots et parfois à leur domicile. Il s’agit le plus souvent d’amis
ou de connaissances. Certains, naturalisés de fraiche date, le questionnent sur la manière de remplir leurs obligations
civiques de vote. Il les invite parfois à son bureau de consultation où, grâce à des spécimens de bulletin de vote servant
de modèles, il peut leur donner une explication plus concrète. Des personnes sont ainsi reparties avec des bulletins
ayant servi d’exemple.
Sans doute par ignorance ou pour faire plus simple, 44 de ces personnes ont préféré glisser dans l’enveloppe les
spécimens de bulletin ayant servi d’exemples,, remplis par M. LUMENGO. Ces bulletins, à l’exception de deux,
seront néanmoins exclus du comptage pour vice de forme.
Toutefois, c’est seulement en 2008, c’est-à-dire deux ans après les élections cantonales, et à la suite de sa victoire aux
élections fédérales de 2007, que des accusations sont portées contre M. LUMENGO,. Elu avec 11 000 voix d’avance
sur son co-listier, il est alors soupçonné d’avoir rempli lui-même 47 bulletins. Mais l’enquête graphologique le
disculpe. Les soupçons se portent alors sur le dépouillement de 2006 qui concernait son élection au parlement cantonal
qu’il venait de quitter après son succès fédéral.
Plaidant toujours sa bonne foi, une erreur d’appréciation sur ceux qu’il voulait aider, M. LUMENGO a été condamné
en première instance, le 11 novembre 2010, pour une supposée « fraude électorale ». Bien que présumé innocent après
avoir interjeté appel, les sections cantonale et suisse de son parti, le Parti socialiste (PS) réclament aussitôt sa
démission du parlement et, devant son refus, le forçant à quitter le parti. Au regard des amalgames racistes faits autour
de ses origines et de la couleur foncée de sa peau et du lynchage médiatique renforcé par le rejet de son parti, le
CRAN lance un Appel pétitionnaire solidement argumenté afin de le soutenir.
Avec raison. Le 18 mai 2011, le jugement en appel se solde par son acquittement. Mais, en octobre, à la veille des
élections fédérales auxquelles M. LUMENGO est candidat, M. Michel-André FELS, procureur du canton de Berne
246
annonce aussitôt l’introduction d’un recours contre cet acquittement auprès du Tribunal fédéral, autorité judiciaire
suprême du pays. C’est ce recours qui lui a été fatal (échec aux dernières élections fédérales) qui vient d’être rejeté, le
10 février dernier. M. LUMENGO est ainsi définitivement lavé de l’accusation de « fraude électorale ».
RÉSOLUTION
•
Le CRAN se félicite de la décision du Tribunal fédéral acquittant définitivement M. LUMENGO et adresse à ce
dernier ses chaleureuses félicitations pour sa persévérance dans sa volonté à démontrer son innocence.
•
Le CRAN salue la hauteur des juges fédéraux qui n’ont pas cédé à la stigmatisation ambiante des étrangers, en
particulier des Noirs. Leur décision est un signal fort qui sonne à la fois comme un désaveu et un appel en
direction de toutes les forces, notamment politiques, promptes à stigmatiser l’étranger pour des motifs
électoralistes et/ou racistes.
•
Le CRAN est d’autant plus heureux que cette décision réhabilite un acte très civique jugé délictueux par
certains, et des circonstances atténuantes devenues des circonstances aggravantes, au point que le Parti socialiste
suisse s’est empressé de rejeter ce camarade un peu trop noirci.
•
Le CRAN dénonce à cet égard, encore une fois, l’attitude du Parti socialiste suisse qui, à travers ses
responsables, a contribué à la stigmatisation et au rejet politique de M. LUMENGO, candidat malheureux aux
dernières élections fédérales.
•
Le CRAN tient à réaffirmer son total soutien à M. LUMENGO et l’encourage à poursuivre sa carrière politique
en dépit de tous les obstacles qui continueront à se dresser sur son chemin vers de plus hautes responsabilités
dans son pays, la Suisse.
•
Le CRAN appelle toutes les forces vives du pays, attachées à la promotion de la diversité en politique, à
renouveler et renforcer leur confiance en M. LUMENGO, symbole national de l’intégration, de la reconnaissance
et de la promotion de la diversité, définitivement réhabilité.
Communiqué envoyé à :
M. Ricardo LUMENGO ; Partis politiques suisses ; Commission fédérale contre le racisme (CFR) ; Ambassadeurs des pays
africains en Suisse ; Haut Commissariat de l'ONU pour les Droits de l’homme ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de
la discrimination raciale) ; ECRI (European Council on Racism and Intolerance, Strasbourg) ; Presse nationale et internationale
représentée en Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG et associations africaines
PÉTITION - 26 AVRIL 2012
http://www.petitions24.net/appel_a_la_demission_immediate_de_la_ministre_suedoise
APRÈS LA SCÈNE D’EXCISION ET DE CANNIBALISME SYMBOLIQUES SUR UNE
AFRICAINE REPRÉSENTÉE EN GÂTEAU AU CHOCOLAT
Appel à la démission de la ministre suédoise
L
a scène (voir http://www.youtube.com/watch?v=eivcagwvbQk&feature=related) pourrait se passer de tout
commentaire. Elle a eu lieu le 15 avril dernier, lors du 75e anniversaire de l'Organisation nationale des artistes
suédois à Stockolm. Devant un énorme gâteau en chocolat représentant de manière grotesque et dégradante
une femme Noire, les invités, dont la ministre suédoise de la Culture, Mme Lena Adelsohn Liljeroth, se
relaient pour se servir. Sauf que tous taillent dans la partie des organes génitaux de la femme-gâteau. Les cris de
douleur qui sortent de sa bouche, à chaque coup de couteau, sont émises par l’artiste ayant réalisé l’œuvre, Makode Aj
Linde, un métis afro-suédois, qui a prêté sa tête grimée à la femme-gâteau. La ministre va jusqu’à alimenter
l’ « excisée ». Cette mise en scène macabre et cannibale est suivie des rires de l’assistance et des flashs d’appareils
photos, dans une joyeuse ambiance festive.
Parce que cette scène atroce, cruelle, gratuite, hors du temps blesse profondément la dignité humaine et plus
particulièrement celle des femmes et des femmes africaines en l’occurrence;
Parce que Mme Liljeroth justifie cette monstrueuse mise en scène comme ayant eu pour objectif de « défier l'image
traditionnelle du racisme, de la violence et de l'oppression par la provocation ». La « liberté artistique » ou le « droit
à la provocation » ne peuvent défier l’humanité meurtrie et la dignité des femmes, d’êtres humains ;
247
Parce que, sous prétexte de participer à une opération visant également à rendre hommage aux Africaines excisées,
Mme la ministre excise une deuxième fois ces femmes, avec en outre une délectation et une désinvolture non
dissimulées ;
Parce que la pratique de l’excision, qui a certes
relativement disparu en Europe, en Asie et dans
plusieurs pays africains, n’a jamais été éradiquée
en s’amusant à cannibaliser la douleur des
victimes ;
Parce que cette banalisation des meurtrissures et
de la violence faite aux femmes, qui rappellent
celles infligées au 19e siècle en Europe à la
«Venus Noire», Sarah Baartman, avec le même
cynisme, est une offense inacceptable portée à
toutes celles qui en souffrent dans leur chair ;
Parce que, même si cette horrifiante réalisation
est l’oeuvre iconoclaste d’un artiste afro-suédois,
Makode Aj Linde, cela ne dispensait pas la
ministre d’un devoir de retenue et de
responsabilité digne de sa fonction, devant
l’évidente dérive raciste et sexiste ;
Parce que, après l’acte honteux, voire criminel, qu’elle
a posé et auquel elle continue à donner des justifications
déniant aux victimes tout respect de leur douleur, cette
ministre ne fait plus honneur à son gouvernement et ne
devrait plus y avoir sa place. Pour beaucoup d’ONG en
Afrique et dans le monde, l’excision est un crime contre
l’humanité qui ne saurait servir de matière à
plaisanterie ;
Parce qu’il n’est pas sûr que l’argumentation de la
ministre serait valable devant une réalisation similaire
jugée antisémite par les organisations juives parce que
portrayant une victime de la Shoah transformée en un
gâteau aspergé de volute de gaz avant d’être
joyeusement consommé ;
Pour toutes ces raisons notamment,
Nous, Signataires de la présente Pétition initiée par l’Observatoire du racisme anti-Noir du CRAN (Carrefour de
réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir, Berne, Suisse)*, en solidarité avec les associations africaines de
Suède et toutes les personnes qui, dans le monde, sont également choquées par ces images,
Appelons à la démission immédiate de la ministre de la Culture de Suède, Mme Lena Adelsohn Liljeroth, en dépit
des excuses qu’elle a déjà présentées, ainsi qu’à une déclaration du chef du gouvernement suédois désavouant la
participation de la ministre à une action raciste et sexiste.
Nous appelons également l’artiste afro-suédois Makode Aj Linde à présenter des excuses publiques et à s’engager à
ne plus utiliser sa « liberté artistique » et son « droit à la provocation » pour des opérations racistes offensant les siens
et l’être humain en général.
Signons la pétition :
http://www.petitions24.net/appel_a_la_demission_immediate_de_la_ministre_suedoise
Pétition publiée sur internet et envoyée à :
Ambassadeur de Suède en Suisse ; Ambassadeurs des pays africains et non-africains en Suisse ; Haut Commissariat de l'ONU
pour les Droits de l’homme, Genève ; CERD (Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale), Genève ; Presse
nationale et internationale représentée en Suisse ; ONG actives dans la défense de la dignité et des droits humains ; ONG,
associations et personnalités africaines ; Toute personne partageant les aspirations à la dignité humaine des femmes africaines
248
COMMUNIQUE DE PRESSE - 8 JUIN 2012
APPELS À DES POGROMS ANTI-NOIRS EN ISRAËL :
Le Likoud, parti au pouvoir, revisite la martyrologie juive face aux
migrants Noirs
P
arti politique au pouvoir en Israël, le Likoud, ne s’embarrasse pas de scrupules face au respect de la dignité,
voire des droits des migrants Noirs. Majoritairement venus d’Erythrée et du Sud-Soudan, ces migrants sont
environ 60 000, concentrés dans le Sud de Tel-Aviv et fort stigmatisés.
Certes, c’est l’Etat d’Israël qui a encouragé l’immigration africaine en accordant le même droit au retour (reconnu à
tout Juif dans le monde) à plus de 100 000 Juifs Noirs d’Ethiopie. Entre 1980 et 1990, un pont aérien gigantesque les
emmènera en Israël. En 1996, l’un d’eux, Addisu Messele, est élu député à la Knesset. Depuis 2009, c’est Shlomo
Molla, du parti Kadima, qui représente les Noirs à la Knesset.
En dépit de ces évolutions, la présence de populations Noires a réveillé les vieux démons racistes. En 1996, le
scandale des dons de sang faits par les Éthiopiens mais détruits discrètement et systématiquement par les services de
santé, par présomption de SIDA envers eux, mettra dans la rue des milliers de Noirs en colère. En 2005, rebelote ! Des
maires refusent l’implantation de Juifs Noirs dans leurs communes afin de ne pas dépasser un « seuil de tolérance » et
par crainte d’une baisse du niveau scolaire et d’une hausse de la délinquance (Haaretz, 9.4.2005). Par ailleurs, depuis
la vague de requérants d’asile africains, en 2006-2007, Israël refuse d’accorder le statut de réfugié aux Africains et
leur dénie tout droit de travailler.
Dans le courant du mois de mai, une affaire de viol imputé à un migrant a mis le feu aux poudres. Les violentes
manifestations qui ont suivi à Tel Aviv et dans d’autres villes (Eilat, Bnei Brak, Sderot, Ashdod, Ashkelon) n’ont pas
montré que des foules en furie et des slogans haineux. Chasse à l’homme, lynchages, commerces tenus par des Noirs
incendiés… Beaucoup de Noirs, y compris des Israéliens Noirs (environ 400 000), ont cru vivre leur Nuit de cristal.
Des hommes politiques en vue, en particulier ceux du Likoud, étaient avec les manifestants, rivalisant d’outrances
verbales tout autant haineuses. Les propos tenus par ces responsables politiques poussaient en des mots à peine voilés
à de véritables pogroms anti-Noirs :
- Benyamin Netanyahu (Premier ministre, chef du Likoud) : «Le phénomène de l'infiltration illégale à partir de
l'Afrique est extrêmement grave et menace les fondements de la société israélienne, la sécurité nationale et
l'identité nationale» (Jeune Afrique, 25.5.2012)
- Eli Yishai (ministre de l’Intérieur) : « Les migrants africains qui ne quittent pas volontairement le territoire
israélien seront jetés en prison avant d’être expulsés » (Jerusalem Post, 20.5.2012)
- Danny Danon (président du Likoud mondial, député et président de la commission Immigration-IntégrationDiasporas à la Knesset), négocie la déportation vers l’Australie des migrants africains qu’il considère comme « une
menace claire à l’identité juive de l’Etat » (Jerusalem Post, 30.6.2011)
- Miri Regev (députée Likoud) les considère comme un « cancer dans notre corps » (Le Temps, 25.5.2012)
Dans la nuit du 3 au 4 juin, un immeuble du centre de Jérusalem a été incendié, « un acte criminel visant les migrants
africains qui dormaient à cet endroit » (Radio France Internationale/RFI, 4.6.2012). Le jour même, une directive du
ministre de l’Intérieur était entrée en vigueur, prévoyant jusqu'à trois ans d’emprisonnement pour « immigration
clandestine ». Des actes conséquents ont déjà commencé à être posés : construction d’un mur clôture de sécurité de
plus de 200 km à sa frontière sud (avec l'Egypte), par où passeraient les « infiltrés » africains ; création d’un vaste
camp de concentration en mesure de contenir 12.000 migrants, selon l'ONG israélienne Physicians for Human Rights
(RFI, 25.5.2012). D’autres ONG antiracistes ont organisé des contre-manifestations face aux dernières flambées
xénophobes et racistes …
Au vu de ce qui précède,
Le CRAN condamne avec vigueur la campagne xénophobe et raciste menée actuellement en Israël par des hauts
responsables politiques. Cette campagne a une très forte charge symbolique et une résonance qui ne peuvent laisser
indifférent un mouvement comme le CRAN, dont la lutte pour la dignité des Noirs s’inscrit dans la perspective
historique tracée par la Conférence mondiale de Durban contre le racisme, en 2001.
Le CRAN reste très préoccupé par les incitations à des pogroms anti-Noirs dont font état ces responsables politiques
et confrontant deux peuples proches par leur martyrologie respective. Dans cette perspective, la promotion d’une
249
politique migratoire, même la plus restrictive, ne devrait s’accompagner d’appels à un tel déni de sa propre Mémoire
face à l’autre, par éthique de responsabilité. A cet égard le CRAN constate l’absence totale de responsabilité politique
lorsque, par leurs propos stigmatisant des migrants repérés au faciès, ils blessent et mettent également en danger la
composante Noire de la population israélienne.
Le CRAN fait enfin l’amer constat de l’absence de condamnation des autorités israélienes incitant à la haine contre
des Africains de la part aussi bien des gouvernements africains, de l’Union Africaine, encore moins des
gouvernements occidentaux dont la défense des droits de l’Homme reste à géométrie très variable.
Le CRAN se félicite néanmoins et salue l’action des mouvements antiracistes israéliens qui continuent d’organiser
des contre-manifestations et d’autres actions en faveur des migrants africains ostracisés.
Communiqué envoyé à:
Présidence de la Confédération helvétique ; Présidences du Parlement suisse ; Ambassade d’Israël en Suisse et mission diplomatique
auprès de l’ONU à Genève ; Ambassadeurs des pays africains en Suisse ; Haut Commissariat et Conseil de l'ONU pour les Droits de
l’homme, Genève ; Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), Genève ; Groupe de travail des Experts
indépendants de l’ONU sur les Afro-descendants, Genève ; Commission fédérale contre le racisme (CFR), Genève ; European Council
on Racism & Intolerance (ECRI), Strasbourg; Presse nationale et internationale représentée en Suisse ; Chefs des partis politiques
suisses ; ONG de défense de la dignité et des droits humains ; Associations africaines
COMMUNIQUE DE PRESSE - 8 JUIN 2012
ETHIQUE EN POLITIQUE :
Quand l’UDC vole et détourne de son sens une image choc afin de
stigmatiser à tout prix les migrants Noirs
A
yant pour cible les requérants d’asile africains, dont une petite minorité se livre à la vente de la drogue dans
la rue, l’UDC vient de demander la création de camps d’internement, un « Goulag » pour Le Courrier
(4.6.2012). Mi-mai, ce parti populiste avait fait plus fort.
En Valais, l’UDC voit arriver des envahisseurs Noirs traversant le Sahara et ayant mis le cap sur Conthey
250
Le propriétaire du cliché, le photographe français, Roberto Neumiller, dénonce : « Ce que l'UDC a fait là, c’est juste
du vol, une pratique de voyous! Je n'ai reçu aucune demande de leur part pour utiliser dans un tract politique une de
mes photos (…) Ce qui me dérange aussi, c'est que le sens que l’UDC lui donne est à l'opposé de la réalité! Il ne s'agit
pas de gens qui fuient l'Afrique pour venir en Europe, mais, au contraire, de travailleurs migrants qui rentrent chez
eux et qui voyagent du Nord au Sud ! (…) Après une période de travail en Libye et après avoir été payés en argent
local non échangeable en francs CFA, ils achètent avec leurs économies des tas de marchandises (…). Ils les vendront
ensuite au pays... Ce sont donc de «riches» marchands et pas de pauvres demandeurs d'asile ! » (20 Minutes,
15.5.2012)
Malgré cela, cette utilisation abusive d’images pour stigmatiser toute une communauté n’a soulevé aucune indignation
majeure dans le landerneau politique. Pourtant, même s’il reste le premier parti politique du pays, l’UDC ne cesse
d

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