marque et usage

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marque et usage
 MARQUE ET USAGE : RIEN NE SERT DE DEPOSER,
ENCORE FAUT-IL EXPLOITER VOTRE MARQUE !
Paris, le 8 mars 2013
LES PREUVES DE L’USAGE ADMISES EN DROIT
FRANÇAIS, COMMUNAUTAIRE ET AMERICAIN
Par Esther DUPAIN,
Caroline HUGUET-BRAUN
Conseils en Propriété Industrielle
Et Evelyne ROUX
Associée, Responsable du Département Marques & Modèles
Que ce soit pour justifier de son droit ou pour obtenir l’enregistrement d’une marque, il
est toujours nécessaire de pouvoir présenter des preuves d’usage de sa marque. Finalités
différentes, mais impératif sans appel…Titulaires, à vos archives !
En France et au niveau communautaire, la preuve d’un tel usage sera indispensable en cas
d’action (action en annulation, opposition, action en contrefaçon…), car l’acquisition du
droit, lui, se fait par le dépôt. Par contre, aux Etats-Unis, ces preuves seront nécessaires à
l’enregistrement et au maintien en vigueur de la marque.
Ainsi, il s’avère essentiel de connaître les éléments de preuve admissibles selon les
systèmes, afin de pouvoir les recueillir et d’être en mesure de les présenter lorsque le
besoin se présente.
1 } I – Sur le plan français et communautaire
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A - Un usage effectif et sérieux pendant 5 ans
Selon l’article 15 du Règlement du Conseil relatif à la Marque Communautaire n°40/94 et
l’article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle :
« Le propriétaire d’une marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage
effectif et sérieux, pour les produits et services désignés, pendant une
période ininterrompue de cinq ans à compter de l’enregistrement, encourt la
déchéance de ses droits ». (Article L.714-5 CPI).
Il s’agit notamment d’un moyen classique de défense, que le défendeur d’une action en
contrefaçon ou opposition peut soulever.
L’impératif, pour le titulaire de droit, va donc être de pouvoir démontrer, par tout moyen,
un usage sérieux (ce qui ne veut pas dire public) de la dénomination invoquée à titre de
marque, c’est-à-dire comme indication d’origine des produits et services concernés
permettant de les distinguer de ceux de ses concurrents, et non pas un usage symbolique,
ayant pour seul objet le maintien des droits crées par la marque.
A titre préliminaire, nous pouvons d’ores et déjà mentionner que devant l’INPI, le niveau
d’exigence est relativement limité, l’INPI n’étant pas juge de la déchéance.
Au contraire, l’OHMI et les tribunaux exigent de plus en plus de preuves.
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B – Quelles preuves ?
Les preuves les plus pertinentes seront donc celles datées, faisant apparaître la marque et
identifiant clairement les produits et/ou services auxquels elle se rattache.
Il est donc utile de rappeler que l’appréciation de cet usage se fait au regard des produits
et services désignés.
Les preuves doivent ainsi comprendre des « indications sur le lieu, la durée,
l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les
produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’action est
fondée ».
2 Ces preuves peuvent être constituées, à titre d’exemple, par les éléments suivants, faisant
apparaître clairement la marque :
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Des catalogues,
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Sondages : toujours plus appréciés lorsqu’ils proviennent
d’Instituts indépendantes (nous consulter afin de connaître
comment optimiser ce type de preuve),
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Publicité (ne suffira pas à elle seule).
Des factures,
Des emballages,
Des étiquettes,
Des barèmes de prix,
Des photographies,
Des annonces dans les journaux,
Des déclarations écrits sur l’honneur ou solennelles,
Des relevés médiamétrie créditant d’une certaine audience,
Des preuves de l’exploitation du nom de domaine rattaché à
la marque,
Des débuts d’exploitation ?
Un début d’exploitation sérieux de la marque pourra être considéré comme pouvant faire échec à
une demande en déchéance.
Les éléments suivants ont déjà été acceptés comme suffisants pour démontrer un tel début
d’exploitation :
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Des pourparlers avec des revendeurs,
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L’impression d’un catalogue ;
Des courriers divers attestant de l’exploitation sérieuse,
L’impression d’étiquettes, accompagnée de publicité à la
radio,
L’envoi de factures,
L’établissement de tarifs et attestations de Clients,
Démarches administratives,
Commande importante d’emballages pour les produits avec la
marque apposée dessus.
Ainsi, il est important d’avoir à l’esprit que ces preuves peuvent être constituées dès les
premiers instants de toute activité.
3 ~
Importance de l’usage
Nous relevons néanmoins une grande sévérité lorsque les actes d’usage sont trop isolés :
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Des livraisons de quantités dérisoires de produits à la clientèle,
Publicités sporadiques et non suivies d’effet,
Etablissement de rares factures,
Seule conclusion de contrats de licence
Néanmoins, les instances françaises et communautaires ne déterminent pas de seuil quantitatif
pour savoir s’il y a eu, ou pas, un usage sérieux de la marque, ce qui leur permet de conserver
une large marge d’appréciation, variant notablement selon les produits et le contexte.
o
Principe d’interdépendance
Le caractère sérieux de l’usage de la marque doit faire l’objet d’une appréciation globale en
tenant compte de tous les facteurs pertinents. Cette appréciation implique une certaine
interdépendance entre les facteurs pris en compte.
Ainsi, un faible volume de produits commercialisés peut être compensé par une forte intensité
ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement, à ne pas
oublier !
o
Il est également important de savoir que :
•
En raison du principe de territorialité, toute exploitation de la marque à
l’étranger (pour les marques françaises) ou dehors de la Communauté (pour
les marques communautaires) ne sera pas prise en compte par les Juges et
Examinateurs. (Voir CA Paris, 20 janvier 2006). L’avantage de la marque
communautaire est que son exploitation dans un des pays européens suffira
à prouver l’usage sérieux.
•
L’article L. 714-5 al 2, c) assimile à l’exploitation « l’apposition de la
marque sur des produits ou leur conditionnement, exclusivement en vue de
l’exploitation ». Ainsi, le seul point de contact avec la France se résumant à
la fabrication sera suffisant.
•
Des actes d’usage effectués par un tiers autorisé (par exemple un licencié)
permettront d’échapper à la déchéance de la marque concernée (article L.
714-5 al 2, a)) (CA Paris, 18 février 2005, Lidl Stiftung and Co).
Les Juges et Examinateurs vont donc utiliser un faisceau d’indices afin de déterminer s’il y
a eu, ou pas, un usage sérieux de la marque concernée. Le seuil minimum semble être le
contact, à terme (certain et non hypothétique) des produits et services avec la clientèle.
4 Il faut donc rassembler des éléments de qualité, en quantité.
~
Le point sur les « familles de marques » et le l’usage d’une
marque sous une forme modifiée.
Une marque utilisée depuis des années peut évoluer dans le temps (changement de
politique commerciale du titulaire ou encore volonté de lui donner un « coup de jeune »).
Afin que les droits du titulaire sur la première marque ne soient pas déchus, l’article L7145 b) du CPI ainsi que l’article 15-2 a) du RMC prévoient qu’est assimilé à un usage sérieux,
l’usage d’une marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif.
L’interprétation de ces articles a posé des difficultés ces dernières années dans les cas où
les différentes formes modifiées étaient également enregistrées à titre de marque.
En effet, la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans sa décision dite « Bainbridge »
(CJUE 13 septembre 2007) a jugé que l’usage de la marque verbale enregistrée « The
bridge » ne peut être regardé comme l’exploitation de la marque enregistrée semifigurative « The Bridge », l’article 15-2 a) du RMC ne permettant pas « d’étendre, par la
preuve de son usage, la protection dont bénéficie une marque enregistrée à une autre
marque enregistrée dont l’usage n’a pas été démontré, au motif que cette dernière ne
serait qu’une légère variante de la première ».
Les juridictions françaises notamment ont fini par appliquer cette jurisprudence d’une manière
générale dans les cas où la marque initiale et la marque modifiée étaient enregistrées.
La Cour de Justice de l’Union Européenne vient d’apporter une précision par l’arrêt du 25
octobre 2012 « Rintisch » : la décision « Bainbridge » est un cas particulier à savoir qu’elle ne
s’applique que pour des familles de marque.
Ainsi, les preuves d’usage d’une marque enregistrée valent pour la marque enregistrée
constituée de sa forme modifiée (sans que cela n’altère son caractère distinctif) et
réciproquement.
Toutefois, dans le cas de nombreuses marques apparentées, déclinées autour d’un dénominateur
commun (dites famille de marque), il est très probable que les preuves d’usage de l’une ne soit
pas valable pour l’autre.
Reste à savoir ce qu'on entend par "famille de marques" ?
5 } II – Aux Etats-Unis
Dans les pays anglo-saxons, l’usage dans la vie des affaires est un mode d’acquisition du droit
(Australie, Canada, Etats-Unis, GB, Hong-Kong, Inde, Irlande, NZ…) et doit être prouvé
régulièrement pour son maintien.
L’examen des preuves aux Etats-Unis est très sévère et nous recensons des résultats souvent
décevants pour les titulaires.
Les moyens de preuves admis aux Etats-Unis ne seront pas les mêmes en fonction de la nature de
la marque concernée, ainsi :
o Pour les marques de produits, il sera impératif de présenter des preuves matérielles de
l’usage de la marque sur les produits visés, il pourra s’agir :
o
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Du produit lui-même,
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Des photos montrant la marque sur les produits vendus.
Des étiquettes, packagings,
Des notices d’usage contenant le produit et la marque,
Des présentoirs,
Des catalogues, à condition qu’ils fassent bien apparaître la
marque ainsi que les produits (ou photos des produits) qui y
sont rattachés. Ce catalogue doit contenir suffisamment
d’indices pour pouvoir identifier l’entreprise demandeur
(numéro de téléphone ou adresse email).
Moyens de preuves déjà refusés : attention, pas de factures !
Pour que les preuves récoltées et conservées soient des plus pertinentes, nous vous signalons des
exemples de preuves déjà refusés aux Etats-Unis : publicités, factures, bons de commande,
extraits de sites Internet, brochures.
Nous pouvons donc constater que des preuves admises en France, telles que des factures, seront
refusées aux Etats-Unis et que des moyens de preuves admis aux Etats-Unis pour des marques de
produits ne le seront pas pour des marques de service.
o
Pour les marques de service, les preuves devront faire apparaître la marque (sous la forme
et l’orthographe conformes à l’enregistrement demandé), ainsi qu’une description des
services.
6 Par exemple :
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Campagnes de publicité,
Labels faisant figurer la marque attachée aux produits,
Sites Internet (si bien identifiés).
Pour une meilleure stratégie, voici également quelques exemples de preuves refusées :
factures, extraits de sites Internet, publicités sans rapport avec les services, des preuves
faisant apparaître un signe annoté, ou un logo ajouté.
Ainsi, il est impératif de se constituer un large éventail de preuves aux Etats-Unis
également, non seulement pour obtenir un droit mais également pour son maintien car, un
non-usage de la marque pendant 3 ans, crée une présomption d’abandon de la marque.
En outre, un enregistrement obtenu pour des produits et services pour lesquels il n’y a
aucun usage ni aucune intention d’usage peut être invalidé dans sa totalité.
Il est donc fortement recommandé d’utiliser la marque telle que demandée et enregistrée
pour tous les produits ou services, et de la distinguer, dans toute communication, du texte
d’accompagnement. Il est par exemple préférable de faire figurer la marque en gras, en
lettres capitales ou encore en italiques, associée au signe « ® » si la marque est
enregistrée ou « TM » si la marque ne l’est pas encore.
Attention aux déclarations à fournir aux USA pour déposer ou
maintenir une marque !
La juridiction américaine n’hésite pas en effet à invalider une marque dans sa totalité, alors
même qu’elle est exploitée pour une partie des produits et services, considérant que le
déposant a commis une fraude dans la déclaration qu’il a remplie au moment du dépôt de la
marque (arrêt MEDINOL Ltd contre NEURO VASX Inc TTAB 2003).
Un arrêt plus récent du 13 mai 2009, ZANELLA contre NORDSTROM, examine si le déposant, qui
après un dépôt assez large, en limite ensuite son libellé, avait l’intention en cela de tromper
l’Office et a admis dans ce cas qu’il n’y avait pas eu fraude. Dans un arrêt antérieur du 8 avril
2009 portant sur un dépôt fondé sur l’intention d’usage, le TTAB a au contraire considéré que le
déposant n’avait pas eu l’intention réelle d’utiliser sa marque aux Etats-Unis au moment de son
dépôt (arrêt HONDA MOTOR Co. Ltd v. Winkelmann, Opposition N° 91170552). Cela dénote qu’en
cas d’opposition ou de conflit, chaque déclaration est analysée avec soin en fonction du cas
d’espèce et peut entraîner la perte des droits en cas d’inadéquation avec la réalité.
7 Aussi pour éviter tout débat sur ce point lorsque vous devrez invoquer vos marques
aux Etats-Unis, nous vous invitons à ne désigner dans vos demandes de marques
américaines que les produits et services pour lesquels vous avez un usage réel ou une
intention réelle de les utiliser.
} III - Canada
Le débat vient de rebondir au Canada. Dans ce pays, comme aux Etats-Unis, il convient
d’indiquer dès le dépôt si la marque repose sur une intention d’usage au Canada (1), un
usage dans ce pays (2), ou encore un enregistrement de marque dans le pays d’origine du
déposant et un usage dans n’importe quel autre pays (3).
Si le Déposant n’a aucun usage et pas de projet précis au Canada, il était possible d’après
les
directives
de
l’Office
canadien,
de
compléter
le
dépôt
en
mentionnant
l’enregistrement dans le pays d’origine et un usage ailleurs jusqu’au moment de la
publication de la demande canadienne, mais il n’était pas précisé si l’usage de la marque
devait avoir lieu avant la date de dépôt au Canada. Un arrêt vient d’être rendu au Canada
dans l’affaire The Thymes LLC v Reitmans Canada Limited, 2013 FC 127, dans lequel la
Cour mentionne que la marque doit être utilisée (quel que soit le pays) au moment du
dépôt de la marque au Canada. Il est possible qu’un pourvoi soit formulé contre cet arrêt
qui n’explicite pas de façon suffisamment claire si l’usage est requis au moment du dépôt
de la demande ou du dépôt de la déclaration d’usage.
En tout état de cause, cet arrêt est susceptible de remettre en cause la validité des
enregistrements canadiens qui auraient été faits sur cette base alors que l’usage n’avait
pas encore démarré dans quelque pays que ce soit.
Nous sommes par conséquent à votre disposition pour examiner avec vous les bases
invoquées ou à invoquer lors de vos dépôts de marque au Canada.
8 Chers titulaires, il est donc temps de commencer à constituer ou perfectionner de solides
dossiers retraçant les principaux actes d’exploitation de vos marques : actes matériels non
équivoques démontrant votre volonté d’exploiter réellement votre marque.
Nous pouvons vous aider à trier et conserver vos preuves d’usage, ainsi que vous informer
sur leur pertinence…n’hésitez pas à nous contacter !!!
Esther DUPAIN ([email protected])
Conseil en Propriété Industrielle
Caroline HUGUET-BRAUN ([email protected])
Conseil en Propriété Industrielle
Evelyne ROUX ([email protected])
Associée
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A propos de REGIMBEAU :
REGIMBEAU, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne depuis plus de 80 ans les entreprises et les
porteurs de projets des secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la défense de leurs
innovations (brevets, marques, dessins et modèles). Huit associés animent une équipe de 200 personnes,
dont les compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la propriété industrielle: veille
technologique, contrats de licence, audit de portefeuilles de PI, négociations dans le cadre de partenariat,
acquisition des droits, contentieux. L’expertise de REGIMBEAU (présent à Paris, Rennes, Lyon, Grenoble,
Montpellier, Toulouse, Caen et Munich) permet de répondre à des logiques stratégiques internationales,
tout en préservant des relations personnalisées de très haute qualité avec ses clients.
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