Grands donateurs - Association Française des Fundraisers
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AVRIL 2011 Dossier Grands donateurs : comment atteindre le sommet de la pyramide ? Place aux débutants Le tableau de bord de la collecte pour les nuls Out of the box La confiance en mutation NUMÉRO 26 Editorial Actualités 4 5 De la richesse et des dons... Actualités du fundraising Grande actu « PIGS » : qui a peur de la grande méchante crise ? 6 Campagne du moment Ne désarmez pas, donnez ! Preuve de maturité ? Il reste difficile, encore aujourd’hui, de qualifier la réaction – ou plutôt l’absence de réaction – des ONG françaises suite au « séisme-tsunami-catastrophe nucléaire » qui a secoué le Japon en mars… Et qui, en déplaçant l’archipel de 2,4 mètres, changera peut-être à jamais la face du monde. 8 Polémique Fonds dédiés, intention du donateur, ce qui a changé avec le rapport tsunami Dossier Aux premières heures du séisme, pas une association d’urgence française ne relayait la catastrophe sur son site Internet. Alors qu’au même moment, des millions d’Américains mettaient la main à la poche pour venir en aide au peuple japonais, il faudra attendre des jours pour que le Secours Populaire, puis la CroixRouge française, fassent leurs premiers appels aux dons. « On ne donne pas aux riches ! », semblaient dire à l’unisson les associations et les média, ayant sans doute encore en mémoire la polémique cuisante sur le trop-plein d’argent collecté pour le tsunami de 2004 (notre rubrique « Polémique du moment », p.8 revient sur cette affaire, sept ans plus tard). Reste qu’à trop mettre en avant le fameux PIB nippon, ils en oublièrent que le don n’est pas qu’une question d’argent, comme le rappelle notre chère « Donatrice Mystère » (p. 20-21)… 10 Grands donateurs : comment atteindre le sommet de la pyramide ? Côté pratique 15 Place aux débutants Le tableau de bord de la collecte pour les nuls Horizons 16 Pas une question d’argent, le don ? Interrogés, les fundraisers en charge des stratégies grands donateurs ne seraient probablement pas du même avis… Dans notre dossier (p. 10 à 14), les meilleurs spécialistes du secteur révèlent leurs secrets pour gravir la fameuse pyramide des donateurs, jusqu’au sacro-saint « graal » : le grand donateur. Où l’on apprend, une fois encore, que seule une relation véritablement humaine pourra faire la différence. Et assurer aux associations caritatives, encore jeunes en ce domaine, des revenus pérennes… En ces temps de crise économique et de crise de confiance (voir notre rubrique « Out of the box », p. 17), ce n’est décidément pas du luxe ! Out of box La confiance en mutation 18 Côté recherches « L’orientation marché » tue t-elle à petit feu le projet associatif ? Opinions 20 La Donatrice Mystère ... donner ou ne pas donner au Japon ? Impression : Advence People 22 Le Comité de Rédaction Bruno Dardelet : militant fraternel Répertoire 23 Prestataires Publication trimestrielle éditée par l’Association Française des Fundraisers, association à but non lucratif enregistrée au JO du 15 mai 1996, dont le siège social se trouve 6 rue de Londres, 75009 Paris. Tél. : 01 43 73 34 65 Fax : 01 43 49 68 77 Site internet : www.fundraisers.fr - E-mail : [email protected] Abonnement (4 numéros) : 75 € TTC - ISSN : 1952-7284 Directeur de la publication : Nadia Roberge - Rédactrice en chef : Yaële Aferiat - Rédactrice en chef adjointe : Pauline Graulle - Secrétariat de rédaction : Pauline Graulle, Aurélie Perreten, Alexandra Maillet - Conseiller spécial de la rédaction : Jean-Marie Destrée - Comité de Rédaction : Yaële Aferiat, Alexandre Ayad, Perrine Daubas, Philippe Doazan, Eric Dutertre, Pauline Graulle, Aude Hayot, Claire Heuzé, Sophie Le Maire, Marie-Eve L’Huillier, Aurélie Perreten, Christine Quentin, Sophie Rieunier, Noémie Wiroth - Dossier : Pauline Graulle - Illustration de Une : \Excel, Audrey Derbaise - Direction Artistique : Maxyma, Antoine Tavares > Merci à nos partenaires Excel & Maxyma pour leur soutien à Fundraizine Vous n’êtes pas membre de l’AFF ? vous souhaitez recevoir Fundraizine ? Pour vous abonner, rendez-vous sur www.fundraisers.fr Agenda Actualités Journée de formation « Partenariat entreprises » 21 avril 2011 - Paris - COMPLET / 8 novembre 2011 Journée de formation Revue du web Vous avez dit OpenData ? « Le fundraising pour le secteur confessionnel » 26 avril 2011 - Paris Petit-déjeuner fundraising « Réseaux sociaux et e-fundraising » 28 avril 2011 - Paris - COMPLET Assemblée générale de l’AFF 5 mai 2011 - Paris Journée de formation « Démarche multicanal en marketing direct » 12 mai 2011 - Paris Journée de formation « Les différents étapes d’une campagne de développement et les clés vers la réussite » 17 mai 2011 - Paris Petit-déjeuner « Fonds de dotation » 19 mai 2011 - Paris Journée de formation « Améliorez vos écrits de collecte » 26 mai 2011 - Paris Petit-déjeuner « Présentation de la Fondation pour l’université de Lyon » 27 mai 2011 - Lyon Petit-déjeuner Secteur culturel Juin 2011 - Paris 10e séminaire de la collecte de fonds 28,29 et 30 juin 2011 FIAP Jean Monnet 30 rue Cabanis – 75014 Paris Présentation du référentiel des métiers du fundraising de l’APEC / AFF 15 septembre 2011 - Paris Petit-déjeuner Secteur culturel « Etude de cas : mécénat » 22 septembre 2011 - Paris Pour plus d’informations et adhérer en ligne : www.fundraisers.fr 4 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 © www.morguefile.com N é du projet « grassroots » porté par plusieurs fondations américaines, l’OpenData connait un essor mondial rapide ces derniers mois. Son principe est simple : Demander aux organisations publiques, gouvernements, collectivités locales, associations… de mettre à disposition en licence libre l’ensemble des jeux de données nonnominatives dont elles disposent. Les gouvernements américains et anglais ont déjà donné accès à des quantités prodigieuses d’informations, tout comme la Banque Mondiale et les organisations de lutte contre le Sida (International Aid Transparency Initiative), tandis qu’en France ce sont des villes comme Rennes ou Paris, qui ouvrent la voie. Comme on pouvait s’y attendre, l’incontournable Google a proposé des outils de recherches et de visualisation graphique et géographique de toutes ces données via son service Public Data Explorer. Dans les années à venir, il est plus que probable que le mouvement OpenData impacte l’ensemble du secteur associatif en promouvant la mise à disposition libre et transparente de données sur les actions réalisées et les aspects financiers ; reléguant le C.E.R. à un exercice de communication financière. L’initiative anglaise Open Charities est en cela très intéressante, car le site regroupe des informations légales provenant de différentes sources sur près de 400 000 organisations caritatives et les rend gratuitement accessibles à tous : particuliers, entreprises, sites internet souhaitant les reproduire ou les utiliser… L’OpenData vise l’exhaustivité. L’initiative anglaise Open Charities regroupe des informations issues de 400 000 organisations ! Mais l’OpenData est aussi une formidable opportunité pour l’ensemble des organisations de se positionner comme des référents sur leurs domaines d’intervention (aide internationale, recherche médicale, défense de l’environnement...) en ouvrant à tous les données qu’elles produisent quotidiennement. À terme, cela pourrait devenir un bon outil pour démontrer l’impact des dons et convaincre le donateur, avec un bémol toutefois : trop d’information tue parfois l’information et sa lisibilité... n A. A. Sources : http://donnees.banquemondiale.org/ http://www.google.com/publicdata/home http://www.aidtransparency.net/ http://opencharities.org/ Actualités Grande Actu « PIGS » : qui a peur de la grande méchante crise ? La crise de la dette s’est rapidement étendue à ceux que l’on désigne sous le noms de « PIGS » : Portugal, Irlande, Grèce et Espagne. Entre la réduction des concours publics liée aux politiques d’austérité et la précarisation croissante des citoyens bénéficiaires ou donateurs, comment résiste la collecte de fonds ? T ous dans la même panade économique…mais inégaux en matière de culture de solidarité et d’organisation du secteur. À en croire le World Giving Index (indicateur global de toutes les formes de solidarité, don d’argent, bénévolat et aide directe), les « PIGS » (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne) qui subissent de plein fouet la crise, montrent en revanche de fortes disparités en matière de culture du don. Championne d’Europe et 3e mondiale en matière de solidarité – après l’Australie et la Nouvelle-Zélande – avec 70 à 89 % de donateurs, l’Irlande semble mieux armée que la Grèce, lanterne rouge avec seulement 8 % de donateurs en argent – un score qui la place au 147e rang mondial. L’Espagne partage avec la France le 91e rang mondial, et le Portugal, avec 15 % de donateurs en argent, est 129e. Si en Irlande et en Espagne le secteur est structuré, ce n’est donc pas le cas en Grèce ou au Portugal. D’où le fait qu’il est « très difficile d’obtenir des données chiffrées sur l’impact de la crise en matière de collecte de fonds dans ces pays », explique Eleni Papaconstantinou, avocate et correspondante en Grèce de l’EAPG (European Association for Philanthropy and Giving). En Irlande par contre, une étude réalisée par Mc Kinsey auprès de 80 associations (sur les 2 000 que compte le pays) met en évidence une baisse annuelle de 4,8 % des revenus globaux des organisations depuis 2008, et de 12,9 % pour la collecte pure. L’étude réalisée met en évidence une réduction de 40 % de la collecte dans le secteur de l’éducation, suivi par les secteurs de l’aide internationale et de la santé, tandis que les actions sociales voient elles leurs ressources croître de 5 % (entre 2008 et 2009, le taux de chômage a doublé), en cohérence avec la médiatisation de l’impact social de la crise. En Espagne, alors que Caritas Espagne annonce une multiplication par deux de la demande sociale, la fin des dotations accordées par les caisses d’épargne est annoncée sur le site web de l’association espagnole de fundraising. Sur le même site, le compte-rendu d’une rencontre de 40 professionnels révèle qu’un transfert du mécénat d’entreprise vers une aide non monétaire a eu lieu : mécénat de compétences et prestations pro bono. En Grèce, où la culture du don d’argent reste peu développée dans le grand public, la diminution annoncée des subventions et des dons majeurs suscite l’inquiétude. D’après les échanges qu’elle a eus avec les professionnels du secteur, Eleni Papaconstantinou, estime que « l’impact est considérable ». Alors que conseiller aux fundraisers dans ce contexte ? Le blog portugais Portugal-fundraising.blogspot.com cite le consultant britannique Ken Burnett, et insiste sur l’importance des fondamentaux pour faire face à la crise : écoutez vos donateurs, établissez et enrichissez le dialogue. En Grèce, où les réticences au don d’argent restent fortes, l’accent est mis sur la transparence comme levier de la confiance. Comme le dit Mary O Kennedy de Fundraising Ireland, « l’idée principale est que les organisations doivent se recentrer sur le donateur et ce qu’il attend de la relation… Par ailleurs, plus les organisations ont une stratégie claire et des sources de financement diversifiées (don régulier, mailing, don communautaire, donateurs majeurs, mécénat et legs), plus elles seront résistantes ». Dernier conseil de l’association irlandaise : « Surtout, continuer à investir. Les organisations qui n’investissent pas maintenant et ne s’engagent pas dans la relation avec leurs donateurs risquent fort de se retrouver sur le carreau quand l’économie redémarrera ! » En Espagne, on comptait recruter 300 000 donateurs par prélèvement en face à face en 2010, et ce succès se confirme grâce notamment aux accords passés dans le cadre de l’association espagnole de fundraising. En Grèce, Emily Kern du WWF, interviewée en août 2010 par Athens News, déclarait qu’une augmentation de 13 % des dons de particuliers viendrait compenser les pertes anticipées au niveau des grands donateurs. Une note d’espoir certes, et un plaidoyer pour la professionnalisation du secteur confirmé par les faits ! n C. H. Sources : World Giving Index : http://www.cafonline.org/, Site de l’association irlandaise de fundraising ; www.fundraisingireland.ie, Site de l’association espagnole de fundraising : www.aefundraising.org. Remerciements particuliers à Mary O Kennedy pour son soutien et l’abondante documentation qu’elle a bien voulu partager. Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 5 La campagne du moment © www.morguefile.com Actualités « Ne désarmez pas, donnez ! » En cette période de Carême, la campagne du moment est indiscutablement celle du Denier de l’Eglise. Ou pourquoi les diocèses ne savent plus à quel saint se vouer pour mobiliser leurs ouailles… L’ Eglise catholique française serait en crise… Le sujet ici n’est pas d’évoquer ni de débattre de la baisse de la pratique religieuse, ni des vocations, mais bien de fundraising. Le Denier de l’Eglise, autrefois appelé Denier du Culte, est la principale ressource de l’Eglise et, lui aussi, connaît la crise. En effet, la plupart des diocèses déplorent un nombre de donateurs en baisse, s’inquiètent de leur vieillissement et de leur non-renouvellement. C’est pourquoi des campagnes audacieuses ont fleuri ces dernières années, qui reflètent une volonté d’ouverture et de communication assez inhabituelles… n A l’encontre des idées reçues L’Eglise souffre en effet d’un manque de visibilité et de connaissance de ses besoins et de ses ressources financières. Beaucoup, même parmi les catholiques pratiquants, pensent encore aujourd’hui 6 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 que l’Eglise est riche, voire très riche, qu’elle est soutenue par le Vatican, bref qu’elle n’a pas besoin d’argent… Il était donc nécessaire d’exprimer clairement la nécessité du don, et de la communiquer au plus grand nombre. D’où les campagnes d’affichage, de presse ou de radio qui sont venues compléter les traditionnels mailings et autres appels à don paroissiaux. Jusque-là, rien de révolutionnaire… n Une communication disruptive En revanche, ce qui en a étonné (choqué ?) plus d’un, ce sont les messages que certains diocèses ont choisi de délivrer. Peut-être avezvous croisé les affiches très colorées aux faux airs de réclames discount, des diocèses bretons l’année dernière ? « Ici tout est gratuit », « L’Eglise est riche » ou encore « L’Eglise ne vous demande rien » : des slogans misant sur l’humour et le second degré pour interpeller les passants. Si on comprend le choix de la rupture créative, on reste cependant sur sa faim quant à l’expression du besoin puisque rien n’en est dit. Reste que la campagne a beaucoup fait parler, et que chaque article a permis d’aborder le problème plus en profondeur. Autre lieu, autre choix : toujours en 2010 mais à Nancy, le diocèse a réalisé une campagne véritablement impertinente « Jésus crise, donnez que diable ! ». Un graphisme épuré pour laisser toute sa place à cette accroche choc, en noir et rouge (sic). Cette année, le diocèse poursuit sur sa lancée avec une affiche d’apparence plus douce, mais où une croix fait figure d’arme à feu, d’où jaillissent les valeurs de l’Eglise : « Ne désarmez pas, donnez »… d’accord, ne tirez pas, je sors mon chéquier ! S’il est vrai que ce n’est pas en répétant les mêmes choses qu’on peut espérer un résultat différent, on s’interroge tout de même sur l’efficacité Actualités La campagne du moment de ces campagnes, plus précisément sur leur capacité à faire progresser la collecte de dons. Ont-elles permis de recruter de nouveaux donateurs, de rajeunir la cible ? Et quel a été leur impact sur les donateurs traditionnels qui pourvoient aujourd’hui à l’essentiel du Denier ? n La tentation Internet Difficile d’exprimer les besoins et la nécessité de donner sur une simple affiche 4x3… Mais grâce à Internet, les diocèses ont trouvé un espace d’expression pour développer leur argumentation. Et quel meilleur moyen que la vidéo pour faire passer un message ? Une publicité « générique » est ainsi diffusée notamment sur la chaîne KTO de Dailymotion, où de vrais donateurs témoignent de leur engagement. La mise en scène est simple, réaliste et même si les « acteurs d’un jour » manquent un peu de naturel, on ne peut que saluer l’initiative. Malheureusement, la vidéo n’a été vue que 2 000 fois… Les Deniers de l’Eglise investissent le web. Dans le Var, le diocèse de FréjusToulon a frappé très fort cette année en lançant « Question pour la mission », un vrai/faux jeu télévisé animé par « Justin Lepère », où les questions réponses permettent d’illustrer très concrètement les besoins de l’Eglise et la nécessité de donner. Cette saga en 6 épisodes complète sur le web la campagne d’affichage intitulée « Le premier sera le denier ». Malgré un réel potentiel viral, cette parodie n’a eu, elle aussi, que peu de spectateurs, chaque épisode affichant à peine une centaine de visionnages. Notre coup de cœur du moment va à la vidéo du diocèse de Saint Etienne, dont nous saluons d’emblée la prestation de l’Evêque et de l’économe. La vidéo commence par un message sur fond noir « AVERTISSEMENT ce message officiel n’est pas un gag c’est très sérieux ». Le ton est donné. Avec un grand sérieux et un naturel hallucinant, Monseigneur Lebrun et son économe lancent un appel à la générosité pour collecter « 200 000 litres de fuel pour chauffer les paroisses », « 700 tonnes de pierre et de béton » ou carrément pour « accueillir un prêtre chez vous pendant trois ans ». Le spot se termine par « sinon, il y a le Denier de l’Eglise ». Drôle, sincère, touchant, ce spot fait mouche, et a connu son petit succès sur la toile avec plus de 22 000 visionnages. En conclusion de ce petit panorama des campagnes innovantes du Denier 2011, et au-delà des polémiques que certaines ont pu susciter, nous ne pouvons que saluer ces En 2010 : campagne « choc » de l’Eglise catholique en Meurthe et Moselle... volontés d’ouverture et de modernisation, reflets sans doute d’un plus large mouvement de fond de l’Eglise catholique française. Gageons que le mouvement se poursuivra dans les années à venir, sans perdre de vue les fondamentaux du fundraising que sont l’expression du besoin (à quoi va servir mon don ?) et l’implication du donateur (en quoi cela me concerne t-il, moi ?). Et vous, qu’en pensez-vous ? n M. E. L. Sources : Diocèse de St Etienne : http://www.dailymotion.com/video/xgpcsu _ce-message-officiel-nyest-pas-ungag_webcam#from=embed Diocèse de Fréjus Toulon : http://www.diocese-frejus-toulon.com/LeDenier-sera-le-premier.html Campagne générique : http://www.dailymotion.com/video/xguf05 _pourquoi-donner-a-l-eglise-y_webcam Bonus Lipdubs : Lipdub de l’Aumônerie des étudiants de Rennes : http://www.dailymotion.com/video/xgydor_lipdub-des-aumoneries-catholiquesde-rennes_webcam Lipdub de l’Aumônerie des étudiants de Brest : http://www.youtube.com/watch?v=IUwYTLFWxXU Lipdub « Devenez un bâtisseur de monastère » : http://www.youtube.com/watch?v=T3OJH7 CKiJ8 ... qui continue dans sa lancée en 2011 ! Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 7 La polémique du moment © www.morguefile.com Actualités Fonds dédiés, intention du donateur, ce qui a changé avec le rapport tsunami S atisfecit général. C’est le bilan que dresse la Cour des Comptes après avoir contrôlé pour la seconde fois les associations humanitaires bénéficiaires de l’afflux massif des dons du tsunami. Les 32 associations ont laissé seulement 9 % des fonds inemployés à la date du 31 décembre 2008 alors que deux ans plus tôt seule la moitié des 356 millions d’euros collectés était engagée sur le terrain. Mises à part quelques réserves, la Cour a conclu que les dons avaient bien servi à gérer l’urgence et la reconstruction dans la zone Sud-Est asiatique : des comptes séparés ont été tenus de manière à tracer ces dons affectés, et les donateurs ont été 8 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 consultés sur une éventuelle réaffectation des fonds. Les contrôleurs ont fait le déplacement en Asie pour constater les difficultés concrètes, politiques (corruption, guerre civile), économiques (inflation des prix des matériaux) ou techniques (faiblesse de certains partenaires locaux) auxquelles se sont confrontées les associations, expliquant le faible rythme des projets et donc des dépenses. De ce tableau rose, quelques ONG ressortent égratignées. Les critiques les plus fréquentes ? Trop de frais de siège, un non-respect des limites géographiques, et une sous-information des donateurs quant à la réaffectation. Dans sa conclusion le rapporteur déclare : « Sur une pé- riode finalement assez courte (20042008), et au regard des standards de qualité qu’elle s’est imposée, avoir su dépenser à bon escient une somme aussi importante que les 87 913 000 € constatés par la Cour est, pour la Croix-Rouge française, un résultat plus qu’honorable en termes d’efficacité. » Mais pour l’ONG qui a le plus bénéficié des médias (122 millions d’euros), il n’est aujourd’hui pas question d’aller plus loin dans les commentaires. À France Générosités, on se félicite du rapport autant que des très minimes retombées presse, une dépêche AFP reprise de-ci de-là, pas de télé, pas de radio. « Nous n’avons pas La polémique du moment jugé que les retombées presse étaient préjudiciables au secteur, mais si cela avait été le cas, nous étions prêts à monter au créneau. » explique Gwenaëlle Dufour, Directrice juridique et fiscale de France Générosités, justifiant ainsi l’absence de communiqué de presse de France Générosités à l’occasion de la sortie du rapport. Il n’y a pas de polémique, il est maintenant l’heure de tourner la page. Et d’aborder les nouvelles crises humanitaires, riches des enseignements du tsunami. Et en premier lieu, Haïti. Pour autant la préparation du rapport a été plus qu’une simple formalité. France Générosités a travaillé de longues heures avec la Cour des Comptes comme avec les associations pour construire des argumentaires et formuler des positions communes sur les points sensibles, comme l’affectation d’une partie des dons aux frais de collecte, le respect de la volonté des donateurs et la durée d’utilisation des fonds. Pour la Cour qui, rappelons-le, contrôle la conformité de l’emploi des fonds à l’intention des donateurs, ce rapport aura été l’occasion de définir les bonnes pratiques à suivre. Sur la réaffectation : désormais, les appels à dons seront assortis d’une mention d’information. « Aujourd’hui toutes les structures ont pris l’initiative de dire aux donateurs que sauf indication contraire, il y aura une réaffectation possible du don. » explique Gwenaëlle Dufour. « Il est maintenant l’heure de tourner la page. Et d’aborder les nouvelles crises humanitaires, riche des enseignements du tsunami. » Sur le suivi des fonds ensuite. Il doit faire l’objet d’un suivi à part et être affecté exclusivement aux missions sociales décrites dans l’appel – revenus de placements inclus. © www.zoom-cinema.fr Actualités La Cour a conclu que les dons avaient bien servi à gérer l’urgence et la reconstruction dans la zone Sud-Est asiatique. Mais ce qui semble si limpide sur le papier est-il adapté à la pratique des professionnels de l’humanitaire ? Si certaines réponses écrites contenues dans le rapport pointent les difficultés, les associations hésitent encore à en faire état dans leur communication. Marie-Carmen Carles, directrice de la collecte au Secours catholique, dont la structure est la seule à avoir diffusé un communiqué de presse suite au rapport, évoque le chemin parcouru. « À deux reprises nous avons contacté les donateurs, pour les interroger sur la possibilité de réaffecter une petite partie des dons soit à un des pays touchés par le tsunami mais sur un enjeu de développement, soit à un autre pays sur une situation d’urgence – Le Darfour. Ils pouvaient aussi maintenir leur don aux victimes du tsunami. Ils n’ont été qu’une centaine dans cette troisième catégorie, c’était une infime partie et comme 30 millions d’euros avaient déjà été dépensés ça n’a pas posé de difficulté. Le tsunami était une catastrophe d’une telle ampleur que cela a amené partout de nouvelles manières d’agir et nous avons tous appris des choses, ONG, donateurs, et Cour des Comptes. Il y a un avant et un après tsunami. Lors du tremblement de terre en Haïti, les donateurs avaient mûri. Ils comprenaient plus clairement qu’au-delà de l’urgence, il existe des enjeux aussi importants de post-urgence et de réhabilitation qui sont du long terme. A tel point que lorsque le choléra s’est propagé, certains de nos donateurs nous ont contactés pour nous dire : “ on espère que vous utilisez bien les dons pour ça ! “ Et pourtant au sens strict, au vu des critères appliqués par la Cour des Comptes pour évaluer le périmètre du tsunami, on sait que cela pourrait aussi bien constituer une cause annexe. Mais au fond ce que le donateur veut avant tout c’est que les fonds soient utiles. Notre travail consiste donc à répondre aux vœux des deux, nos donateurs aussi bien que la Cour des Comptes. En ce qui concerne le choléra, nous nous tournons vers notre Conseil d’administration pour savoir s’il autorise la réaffectation et informons nos donateurs de la même manière que nous l’avons fait pour le tsunami. L’important est d’ouvrir un dialogue avec la Cour des Comptes pour qu’il n’y ait pas de décalage entre ce qu’ils pensent qui est bon et ce que nous, spécialistes de l’humanitaire, expérimentons sur le terrain. C’est tout à fait possible. » n A. H. Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 9 Grands donateurs : © www.morguefile.com Dossier Grands donateurs : Comment atteindre le sommet de la pyramide ? L e classement 2011 du magazine américain Forbes est formel : non seulement, la planète compte de plus en plus de personnes immensément riches (le magazine dénombre 1 210 milliardaires dans le monde, soit 214 de plus qu’en 2010). Mais les riches sont aussi de plus en plus riches. Et, à moins d’un séisme économique peu probable, leur fortune devrait encore s’accroître, proportionnellement, hélas, à l’explosion de la pauvreté. A l’avenir, la collecte de fonds devra donc compter avec ces grandes fortunes qu’il faudra transformer en grands philanthropes. D’ores et déjà, dans les pays anglo-saxons, les ultrariches reversent en moyenne 30 % 10 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 © www.illustrations.fr S’inspirant des pratiques du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, les associations caritatives se tournent de plus en plus nombreuses vers le public « grands donateurs ». Et elles ont raison, puisque la philanthropie est en pleine expansion en France. Mais comment se faire connaître auprès des « grands dos » ? Comment les intéresser à votre cause ? Et les garder auprès de vous pour de nombreuses années ? Fundraizine vous livre quelques pistes… de leur fortune au secteur non-profit. Mais en France, la culture philanthropique est encore timide. Pourtant, contrairement aux idées reçues, l’Hexagone, qui regroupe 9 % des millionnaires de la planète, se place au 3e rang mondial des pays hébergeant le plus de millionnaires. Autre signe qu’une philanthropie « à la française » peut voir le jour, les récentes réussites du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche : grâce à leurs « campagnes majeures », de grandes écoles comme HEC ou Polytechnique (pour ne citer que les plus célèbres) sont parvenues à lever plusieurs dizaines de millions d’euros auprès de leurs anciens élèves. Enfin, l’arsenal juridique mis en place par le gouvernement, de la fiscalité pour les « dons ISF » (voir encadré) à la création des fonds de dotation, est un ultime coup de pouce au développement des très grands dons. Comment atteindre le sommet de la pyramide ? Dans ce contexte favorable, et tandis que le secteur caritatif part en quête de nouvelles sources de financement pour répondre à l’augmentation des besoins, les associations et ONG qui avaient jusqu’alors privilégié le marketing direct se tournent aujourd’hui elles aussi vers les grands donateurs. « Nous sommes dans une période charnière, estime Sarah HuismanCoridian, directrice conseil « Major donors » à l’agence Optimus-Philanthrôpia. Les personnes fortunées sont de plus en plus en demande d’une action philanthropique rationalisée, ce qui contraint le secteur caritatif à entrer dans un autre discours, plus construit et plus contrôlé, pour séduire ces donateurs ». n Un travail de détective Mais avant toute chose, encore fautil approcher le grand donateur potentiel… Première règle d’or : ne jamais s’autocensurer. Même si, on s’en doute, l’option « je-prendsmon-bâton-de-pèlerin-pour-allervoir-les-grands-patrons-du-CAC40déjà-sursollicités » se soldera très probablement par un échec cuisant… En réalité, les possibilités qui s’offrent au fundraiser sont restreintes : soit passer sa base de données au peigne fin, soit partir à la chasse de personnalités publiques qui auront montré un fort intérêt pour la cause défendue par l’association. Le fundraiser peut encore tenter de convaincre le PDG de sa structure d’ouvrir son carnet d’adresses… Quoi qu’il en soit, un vrai travail de détective est nécessaire en amont de toute démarche. Cas d’école : la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP). Cette institution qui, paradoxalement, est une fondation RUP née de la volonté de grands mécènes, s’est lancée dans une stratégie grands donateurs sans même une base de données à jour de ses anciens élèves ! « On partait de rien. On a été chercher des archives dans les caves, et on a commencé à classer », explique Mathilde Le Roy, responsable mécénat de la CIUP. Il faudra plus de 15 jours pour répertorier environ 50 000 noms. Puis, croiser cette liste © www.morguefile.com Dossier avec le « who’s who » des chefs d’entreprise les plus connus. Au final, sont retenus quelque 50 prospects auxquels est envoyé un mailing signé de la main du directeur général de la CIUP. « Ecoute, transparence, humanité… Il s’agit de créer une relation sur-mesure et d’exception. » Un an et demi plus tard, ce travail de fourmi commence enfin à payer : aujourd’hui, un comité de campagne est sur pieds, et un don de plus d’un million d’euros a été promis par l’un des descendants des fondateurs de la Cité Universitaire. « Il a fallu renouer la confiance, explique Mathilde Le Roy, car cette personne n’avait pas eu de nouvelles de la CIUP depuis 30 ans ! ». Mais la leçon a été retenue : une sensibilisation au don est en cours auprès des élèves actuels de la CIUP qui seront – qui sait ? – les grands donateurs de demain ! n Créer une relation « V.I.P » La deuxième règle d’or de la stratégie « grands dos » est de soigner sa relation au donateur. Car si le grand donateur a droit au circuit habituel réservé à n’importe quel donateur (sensibilisation, sollicitation, remerciement, fidélisation, etc.), il est aussi en droit d’obtenir un traitement particulier : « Certains veulent rester dans l’ombre, et n’exigent rien en échange de leurs dons, rapporte Claire Dognin, responsable Philanthropie à la direction de la relation Bienfaiteurs à Apprentis d’Auteuil. Mais en général, les grands donateurs attendent une information plus détaillée sur les projets soutenus grâce à leur don ». Normal : on ne met pas des milliers d’euros sur la table sans s’être assuré d’un minimum de reconnaissance. Dès lors, « il faut beaucoup plus travailler le relationnel avec un grand donateur qu’avec un donateur “lambda”, souligne Sarah HuismanCoridian, d’Optimus-Philanthrôpia. Dans un premier temps, le grand donateur doit faire connaissance avec l’institution, et vice-versa. Cette connaissance mutuelle est un préalable indispensable, l’institution devant connaître le donateur pour comprendre son intérêt dans la cause ». Ecoute, transparence, humanité… Il s’agit de créer une relation sur-mesure et d’exception, au même titre que leur don est à la fois démesuré et exceptionnel. « Pour cela, il faut investir un minimum en temps humain afin de rencontrer ces personnes une, deux, trois fois, avec le risque que cela n’aboutisse pas, poursuit Sarah Huisman-Coridian. La cible grands donateurs s’envisage dans une perspective Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 11 Dossier Grands donateurs : de moyen terme, les résultats ne sont pas immédiats, mais quand ils arrivent, on s’aperçoit que c’est une stratégie très rentable ». Le B.A.Ba de cette stratégie : des rencontres en face-à-face, la mise en place d’une ligne téléphonique dédiée, l’envoi d’informations spécifiques et haut de gamme, comme par exemple le magazine Sens et Finances de la Fondation d’Auteuil qui cible à la fois les donateurs ISF, les très grands donateurs, et les gestionnaires de patrimoine, et qui affiche l’objectif louable de « faire avancer la philanthropie en France ». n Parler le même langage… Exemple intéressant de cette communication spécifique envers ses « grands dos » : la campagne « Révolution cancer 2010-2013 » menée par l’Institut Gustave Roussy (IGR). Sur la base d’un « briefing » préalable réalisé avec quelques entrepreneurs de renom, l’IGR a bâti sa campagne sur un discours « qui parle » à la cinquantaine de chefs d’entreprise composant le « Club des donateurs ». Sur le fond, de la pédagogie haut niveau : un objectif financier chiffré (10 millions d’euros au total), des projets précis et chiffrés à soutenir (ex. : la description des essais thérapeutiques qui seront financés), des bilans d’étape sur l’impact de l’action des donateurs (ex. : achat de matériel pour diagnosti- quer les tumeurs)... Sur la forme, un vocabulaire choisi : le grand donateur est un « actionnaire » de la révolution cancer, même si « l’indicateur n’est pas le cours de l’action, mais le nombre de malades » qui bénéficieront des dons. « Être actionnaire, c’est un retour sur investissement sous une forme nouvelle, précisent les documents de communication. Les dons sauvent et/ou prolongent des vies, créent une rupture dans la prise en charge du cancer, changent les pratiques des cancérologues, génèrent des publications, des brevets… » Mais l’IGR a aussi réussi à faire du « Club des donateurs » une vraie communauté, un peu à l’image des Cercles d’Amis, fréquents dans le secteur du mécénat culturel. « On n’avait matériellement pas la Suppression de l’ISF : quel impact sur les grands dons ? L’implication des dirigeants, qui doivent impérativement se ménager des espaces dédiés dans leurs emplois du temps chargés, est également primordiale. « La direction générale doit être associée dès le premier rendez-vous, insiste Claire Dognin, d’Apprentis d’Auteuil. La démarche doit être portée, incarnée, par la direction et pas uniquement par le service collecte. Pour s’engager de manière significative, quelqu’un de fortuné un interlocuteur souvent de haut niveau - doit être en lien direct avec quelqu’un qui lui ressemble ». Tout l’art du fundraiser sera d’assurer la préparation et le suivi des dossiers afin d’aider sa direction à ce que les heures qu’elle consacre à ces donateurs (potentiels ou actifs dans le cadre de la fidélisation) ne soient pas du temps perdu. 12 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 © www.morguefile.com Sens & Finances - Le journal des nouveaux philanthropes Si pour l’instant, le gouvernement doit régler le casse-tête d’une modification de l’ISF, il y a fort à parier qu’il disparaîtra bel et bien avant les élections présidentielles de 2012… Un coup dur pour les fondations (et les associations qui avaient créé leur fondation dans l’idée d’accueillir les dons ISF) : elles craignent une fuite de ces précieux donateurs qui pouvaient, depuis 2008, défiscaliser leurs dons à hauteur de 75 %, dans la limite de 50 000 euros de dons. Une fiscalité qui aurait séduit, en France 250 à 300 000 donateurs ISF. Mais quel impact aurait la suppression de l’ISF, et avec lui les avantages fiscaux sur les dons, sur le public des grands donateurs ? « Il y aura surtout un impact sur les middle donors, estime Jean-Marie Destrée, à la Fondation Caritas. L’immense majorité des grands et très grands donateurs défiscalisent autrement et d’ailleurs, les réductions fiscales ne sont pas du tout le moteur de leurs dons ». Bref, pas de quoi s’inquiéter outre-mesure pour la cible « grands do ». D’autant que « l’ISF a surtout permis d’entrer dans une relation plus ciblée avec les donateurs, estime Sarah Huisman-Coridian. Il faudra trouver d’autres manières de communiquer avec le donateur ». Par exemple, « rappeler explicitement aux donateurs que leur soutien est vital, quel que soit le vecteur qu’ils utilisent », estime Claire Dognin, à la fondation Apprentis d’Auteuil. Gageons qu’ils recevront le message cinq sur cinq… Comment atteindre le sommet de la pyramide ? possibilité en interne d’organiser des rencontres individuelles, explique Emmanuelle Le Roy, responsable des dons et des partenariats de l’IGR, du coup, on a eu l’idée d’organiser des rencontres collectives régulières entre donateurs ». Et les grands donateurs adorent ! Au point que ceux-ci mettent désormais la main à la pâte. Comme Luc Besson qui a prêté son restaurant pour un dîner italien, ou Virgin Music qui a offert une très chic soirée sur les ChampsElysées. Une preuve, au passage, que des grands donateurs impliqués ne donnent pas seulement leur argent, mais aussi leurs contacts, leurs idées, et leurs talents… n Elargir son offre de projets © www.morguefile.com (les fondations ad hoc) Mais pour laisser libre cours à leur implication, rendez-leur une grande liberté d’action. Plus la palette de vos projets sera étendue, plus les modalités d’investissement seront diverses, et plus les « grands dos » trouveront leur bonheur. « A la fondation Apprentis d’Auteuil, nous avons la possibilité de proposer des projets multiples et très variés autour de l’enfance, explique Claire Dognin. Nous proposons aussi la création de fondations abritées, qui offrent une grande liberté aux donateursfondateurs. Et cela fonctionne bien : pour l’instant, nous abritons cinq fondations, et nous sentons un intérêt grandissant pour cette forme d’engagement ». Les associations caritatives l’ont compris : depuis quelques années, certaines ont mis en place des structures ad hoc pour satisfaire les envies des grands donateurs. Exemple au Secours catholique qui a créé, il y a trois ans, la Fondation Caritas France. « Lors d’un déjeuner, en 2007, un grand donateur prospect, ancien chef d’entreprise qui venait juste de vendre sa société, m’a dit : “je vous admire mais je ne vous ferai pas un gros chèque car je ne trouverai pas ma place dans votre association que je trouve trop grande et complexe” », se souvient Jean-Marie Destrée, délégué général adjoint de Caritas. Confirmant une intuition du département mécénat du Secours catholique, cette proposition est alors débattue en équipe, portée au comité de direction, au CA, et finalement devant l’Assemblée Générale de mai 2009 qui décide de la création d’une fondation abritante : la Fondation Caritas France. Elle permettra à de grands donateurs de créer leur propre fondation sous égide. « Outre le fait qu’elle permet la réduction fiscalité ISF, la structure “fondation” est perçue plus haut de gamme, plus qualitative que la forme “association”, analyse Jean-Marie Destrée. On est un peu dans la logique “banque d’affaire” versus “banque de détail” ». Et ça marche : en un an et demi, 5 millions d’euros ont été collectés grâce aux 10 fondations sous égide de la Fondation Caritas. À noter toutefois : les fondations doivent toujours rester très en lien avec la cause, mais aussi avec l’association à laquelle elles sont adossées. Ainsi, la Fondation Caritas est complètement connectée avec le Secours catholique : « Il y a des échanges permanents, notamment sur le marketing direct, indique JeanMarie Destrée, nous sommes dans les mêmes bureaux, nos partageons nos fichiers… Nous prenons bien garde de ne pas cannibaliser la collecte du Secours catholique ». © www.illustrations.fr Dossier n Ne pas se laisser vampiriser Certes, le grand donateur doit pouvoir évoluer dans un vaste terrain de jeu au sein de votre association. Mais gare au sentiment de toute puissance ! Souvenez-vous du vieil adage, « qui paie est maître », et réfléchissez bien aux limites que vous vous/leur donnez. « La fondation abritée permet de cantonner les donateurs dans un domaine bien précis : du coup, ils ont moins de velléités de s’immiscer dans le cœur de l’institution, et nous risquons moins une perte d’indépendance », rapporte Daniel Bruneau, directeur de la recherche de fonds et de la communication aux Petits Frères des Pauvres, Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 13 Grands donateurs : © www.morguefile.com Dossier qui en 2003, a transformé sa fondation (créée en 1977 pour gérer l’immobilier détenu par l’association) en fondation abritante pour les 14 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 grands donateurs. L’essentiel est en tout cas de poser clairement les questions qui fâchent en interne. Les grands donateurs doivent-ils intégrer les instances dirigeantes de votre structure ? Et dans quelle mesure ? Doivent-ils donner leur avis sur les programmes d’action qu’ils financent ? Sur la manière de distribuer les dons ? « Avant toute chose, il faut se mettre d’accord sur ce que l’on n’est pas prêt à proposer ou accepter. Et se demander : quel sens aurait ce type d’implication ? », précise Claire Dognin. Autant de questions d’une brûlante actualité car les « philantrepreneurs » commencent à frapper à la porte. Cette nouvelle génération de grands donateurs veut non seulement mesurer (si possible quantitativement) l’impact de son action, mais aussi imposer au tiers secteur non-marchand les techniques du secteur marchand. Un dialogue équilibré entre ces deux mondes reste donc à inventer pour préparer l’avenir. n P. G. Place aux débutants Le tableau de bord de la collecte pour les nuls © www.illustrations.fr Côté pratique Le début d’année, est l’occasion pour les fundraiseurs d’analyser leurs résultats de collecte pour l’année passée et de fixer des objectifs pour l’année qui vient. Un exercice primordial. Le tableau de bord doit permettre d’analyser deux éléments : l’évolution de la base de données et celle des dons. Cette double analyse passe par la mise en place d’indicateurs. « La difficulté réside dans le choix de ceux-ci, qui diffèrent d’une association à l’autre », ajoute Anne-Marie Sacco, directrice de la collecte de fonds à Vaincre la Mucoviscidose. Voici quelques points basiques pour mettre en place les vôtres. n Connaître sa base de données « Le B.a Ba, c’est la RFM : récence, fréquence, montant », indique AnneMarie Sacco. La RFM permet d’établir un score et de décider quels segments travailler. Le principe est simple : plus les donateurs sont récents, plus ils donnent, plus souvent ils donnent et meilleurs ils sont ! De manière un peu caricaturale, c’est sur ceux-là que la pression doit être la plus forte. « Mais le véritable enjeu de notre métier est qualitatif. Il s’agit d’éviter la sollicitation à tort, celle qui est trop éloignée du potentiel de don du donateur ou qui ne respecterait pas sa volonté affichée ». L’attrition est le deuxième indicateur fondamental. Il permet de fixer ses objectifs : je perds x % de donateurs chaque année, je veux développer ma collecte de x %, je dois donc recruter x donateurs. On pourra affiner ces éléments d’analyse en calculant le taux d’activité du fichier, ou encore le taux de fidélité : le nombre de donateurs de l’année N qui ont donné en N-1. Ce taux permet d’apprécier la confiance que vous portent vos donateurs. Et d’adapter le plan de sollicitation en conséquence. « Tout l’enjeu d’un plan de développement est d’arriver à équilibrer les investissements en prospection et ceux en fidélisationréactivation. En prospectant de manière trop agressive, on fait chuter ce taux. Je suis pour une progression durable, douce et régulière des résultats nets », conclut Anne-Marie Sacco. n Analyser ses actions de collecte D’autres indicateurs permettent en revanche d’apprécier l’efficacité des actions de collecte : le taux de retour, le retour sur investissement, ou encore la life time value (cf. encadré). Ces indicateurs permettent de mieux orienter les campagnes et de définir des objectifs. Il est intéressant de les affiner en les calculant sur différents segments de votre fichier (les plus de 60 ans, les adhérents…). Comme le rappelle Benoit Duchier, responsable de la collecte chez Médecins du Monde, « il faut lire ces indicateurs selon ses objectifs : pour sa BDD, on considèrera avant tout le taux de retour. Les objectifs financiers s’apprécient en fonction de la marge, ou du ROI. La segmentation du fichier permettra de jouer sur le ROI, tandis que le contenu du message impactera davantage le taux de retour ». Pour finir, on s’essaiera à calculer la life time value d’un donateur : à quoi bon investir des sommes importantes sur l’acquisition d’un donateur si on ne le fidélise pas ? n Pe. D. Evolution du fichier Suivi des campagnes RFM : Méthode d'analyse de la qualité d'un donateur selon trois critères. La récence : date du dernier don ; la fréquence : périodicité moyenne des dons sur la période considérée ; le montant: montant des dons réalisés par ce donateur sur la période étudiée. Taux d’attrition : Calcul de la perte de donateurs entre un instant t et un instant t+1. Taux de fidélité : Rapport entre le nombre de donateurs ayant fait un don en année N-1 et en année N, et le nombre total de donateurs. Taux de retour : Calcul en pourcentage du rapport entre le nombre de remontées, et le nombre total de sollicitations. Marge : Différence entre le don moyen et le coût unitaire. Retour sur investissement : mesure les dons collectés par rapport à un investissement. Il permet de mesurer le degré de rendement d’une campagne de collecte. Life time value : valeur d'un donateur estimée sur la base de son comportement sur une longue période (sa « durée de vie ») : coût de l’acquisition et des opérations de fidélisation, rapportés aux montants collectés. Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 15 Out of the box ! © Fotolia Horizons La confiance en mutation D'avril à décembre 2010, un groupe de travail réuni par la Fing1 et la Fondation Télécom2 a exploré les « Nouvelles approches de la confiance numérique ». Les résultats de ces ateliers, auditions d'entrepreneurs et de chercheurs, manifestations publiques et échanges en ligne ont été présentés en février 20113. Ils interpellent le fundraising à plus d’un titre. D’abord parce qu’ils brossent les perspectives du développement de l’e-relation client-entreprise et que ce domaine intéresse de plus en plus d’organisations non profit. Ensuite parce qu’ils posent des questions clefs qui sont au cœur de la relation donateurs : Comment se définit la confiance ? Quels en sont les mécanismes ? Pourquoi eston entré aujourd’hui dans une crise de confiance ? Quelles sont les perspectives pour en sortir et créer les nouveaux contrats de confiance? Et, pour une fois qu’une fondation d’ingénieurs s’intéresse à autre chose qu’à développer uniquement ses chaires, ses bourses et ses relations industrielles pour aborder de vraies interrogations d’intérêt général dignes de son statut de fondation, nous n’allions pas bouder notre plaisir. n Vous avez dit confiance ? Faire confiance à quelqu’un c’est lui confier quelque chose en pariant sur son comportement coopératif. C’est accepter de prendre un risque en s’en remettant à un autre que l’on juge compétent et bien intentionné visà-vis de nous. Le symbole de la confiance, c'est la poignée de mains : je ne demande pas de preuve, pas d'écrit, je m'en remets à toi et j'escompte que tu te sentiras engagé par ce risque que je prends unilatéralement. Cet engagement se fonde, non sur une certitude juridique ou technique, mais sur la réputation de l'autre, la communauté de valeurs, la familia- 16 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 rité, l'historique d'une relation… Dans nos sociétés complexes, où nous sommes de plus en plus interdépendants avec une multitude d’autres individus, entreprises, institutions et dispositifs techniques, la confiance est une condition essentielle pour décider, agir, investir …ou s’engager dans le soutien d’une cause. Comme le résume la sociologue Dominique Schnapper4 : « Nous dépendons plus que jamais étroitement des autres – de ceux qui maîtrisent la technique de nos ordinateurs et de notre déclaration fiscale, de ceux qui peuvent préciser nos droits à obtenir des aides ou des subventions, de ceux qui ont un avis fondé sur l'évolution du climat et sur le destin de la planète… Chacun est de fait condamné à faire confiance à la compétence des autres. Et l'on peut dire qu'en ce sens, jamais la confiance n'a autant été au fondement de l'ordre social, national et international. » n La confiance en crise ? Or aujourd’hui la confiance est en crise. Crise de défiance à l’égard des référents traditionnels de nos sociétés (institutions, médias, experts, science, ainsi que certaines catégories d’entreprises) mais aussi crise de la relation entre les individus et Out of the box ! des organisations surinformées, suréquipées en outils décisionnels, surprotégées et de plus en plus dématérialisées et éloignées de la relation humaine directe. Cette tendance entre en conflit frontal avec l'aspiration des individus à l'autonomie et à l'individualisation car, comme le dit encore Dominique Schnapper : « Les individus démocratiques, qui entendent exercer leur pleine autonomie intellectuelle et juger de tout par eux-mêmes, ne savent plus à qui faire confiance. Ils jugent que leur opinion vaut ce que vaut celle de tous les autres. » Cette crise n’est pas radicale mais elle se traduit par des postures bien réelles qui ont émergées ces dernières années : une perte massive de fidélité, un désengagement, voire un certain cynisme vis-à-vis des marques, des partis ou des employeurs. Puisque ces organisations ne méritent pas notre confiance, nous la leur retirerons à la première occasion, dès que nous trouverons mieux ailleurs, et entre temps nous nous engagerons a minima. De nombreuses études récentes montrent ainsi que les gens n'ont majoritairement plus confiance dans le marketing et la publicité. Tendance passagère ou signe annonciateur de la fin d’un monde ? L’avenir nous le dira, mais l’alarme est aujourd’hui bel et bien sonnée par les spécialistes de la relation client n Une confiance en mutation Plus qu’une véritable crise nous assistons, en fait, à une mutation de la relation de confiance. Elle traduit un profond désir de confiance qui, ne trouvant plus à s’exprimer par les canaux habituels, se saisit d’autres mécanismes, les invente ou les améliore en chemin. On voit ainsi apparaitre de nouvelles sources de références (associations et ONG mais aussi amis et collègues, autres internautes, grands patrons, sites web, …) et le fort développement des échanges et des évaluations de pairs à pairs. Désormais, les clients, les usagers, les donateurs ne sont plus seuls face aux organisations. En interagissant avec de multiples sources et interlocuteurs, ils se for- gent un avis d'une manière de plus en plus indépendante, de moins en moins maîtrisable. Les organisations font ainsi face à un monde bruyant, bavard, où l'on discute publiquement d'elles dans une multitude de lieux plus ou moins interconnectés. Tout y passe : leurs produits, leur modèle économique, leur relation clients, leur éthique, leur réponse à des crises, etc. : toute initiative est décortiquée, toute communication analysée voire détournée, beaucoup de secrets plus ou moins secrets dévoilés... © www.morguefile.com Horizons n L’émergence de nouvelles pistes de confiance Cette mutation de la relation de confiance ouvre un certain nombre de perspectives nouvelles particulièrement pertinentes pour le fundraising : • établir et nourrir la relation entre les individus et les organisations en travaillant sur la confiance en la compétence et la bienveillance de l'autre. Les organisations doivent réapprendre à faire confiance à leurs donateurs comme à leurs collaborateurs. Cela exige des transformations profondes des systèmes de décision, de contrôle, d’interaction, de gestion du risque... et du management. • s’ouvrir à une forme de transparence raisonnée5 pour permettre aux individus de comprendre les ressorts des organisations, ce qui les anime, leur place dans la société, les raisons de leurs décisions… • nourrir la confiance par des échanges bilatéraux et le partage de l’information et de la décision. Plus que des reportings et des reçus fiscaux, les donateurs attendent surtout du respect, de la reconnaissance et du savoir qui les aide à conduire leur vie. Les organisations doivent être apprenantes et faire grandir leurs donateurs en les outillant en information, en moyens d’analyse et en compétences. • considérer le développement des espaces de confiance entre pairs comme une chance pour la confiance. Les organisations doivent inventer les moyens de travailler avec ces nouveaux espaces, les aider à se développer, à s’étendre et s’appuyer sur ces échanges directs entre donateurs ou sympathisants. • revaloriser toutes les fonctions relationnelles y compris celles qui sont rarement prises en compte (accueil téléphonique ou physique, gestion des réclamations…). Le « management de la confiance » doit devenir une fonction stratégique qui doit avoir sa place au plus haut niveau de l’organisation. Très peu d’organismes du secteur non profit sont aujourd’hui prêts pour affronter ces tendances émergentes. Et pourtant, c’est en faisant résolument le choix de la confiance, du partage d’informations et de l’échange horizontal avec ses donateurs et ses collaborateurs qu’ils pourront se différencier et assurer la pérennité de leur mission sociale. n Ph. D. 1 Fing (Fondation internet nouvelle génération) : http://fing.org/ 2 Fondation Telecom : www.fondation-telecom.org/ 3 Rapport téléchargeable sur : http://doc.openfing.org/CONFIANCE/Confi anceNumerique_SyntheseFinale_Fevrier20 11.pdf 4 in "En qui pouvons-nous avoir confiance ?", Le Monde, 22 juillet 2010 5 Nous aurons l’occasion de revenir sur les vertus et écueils de la transparence dans un prochain article de Out of the box Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 17 Côté recherches © www.morguefile.com Horizons « L’orientation marché » tue t-elle à petit feu le projet associatif ? Pour deux chercheurs québécois, les techniques marketing du fundraising font entrer le don dans un système économique à l’opposé des valeurs de la générosité. Qui se retrouve au final dénaturée. «C ôté recherches » s’attaque cette fois-ci à un ouvrage collectif intitulé Don et pratiques caritatives (à paraître en avril 2011). Préfacé par Odon Vallet, cet ouvrage rassemble les contributions de 15 chercheurs de différentes universités (Brest, Genève, Lille, Ljubjana, Montréal, Paris, etc.). Ces chercheurs se sont rassemblés autour d’un observatoire du don hébergé par HEC Genève : l’OIDC (Observatoire International Don et Consommation). Les chapitres s’articulent autour du concept de don pris au sens large : don de la vie, don à ses proches en termes de cadeaux, don préconisé par la religion, histoire du fundraising, analyse du comportement d’achats d’objets dans des magasins 18 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 caritatifs, analyse du comportement de legs… Parmi l’ensemble de ces réflexions, celle de Jonathan Duchêne et de Jean-Sébastien Marcoux (HEC Montréal) sur une analyse critique et réflexive du don charitable, nous semble particulièrement intéressante pour les fundraisers. Ces deux chercheurs posent la question suivante : « Quelles sont les conséquences du marketing du don ? » et « comment l’orientation marché porte-t-elle atteinte à l’idéal de la charité ? ». Pour ces auteurs, l’utilisation des techniques marketing inclut automatiquement que les associations adoptent une « orientation marché ». Celle-ci suppose « l’adhésion aux principes, aux normes et aux idéaux capitalistes qui fondent l’économie néolibérale et qui s’opposent largement à l’économie du don ». Pour eux, une association a une « orientation marché » lorsqu’elle : • se soucie en priorité de l’avis de ses donateurs, • utilise des outils d’études de marché et de segmentation, • choisit ses missions en fonction des désirs des donateurs, • utilise la publicité, les relations publiques, le marketing direct, le mécénat et toutes les techniques de communication du monde marchand. À partir d’une analyse des pratiques des organisations à but non lucratif (OBNL) américaines et d’articles de presse, ces deux auteurs affirment Horizons Côté recherches que « l’orientation marché » des OBNL pose de graves problèmes à ces structures. Ces problèmes peuvent être classés en plusieurs catégories : 1. La défaite de l’institution au profit des donateurs Les associations américaines comparent les grands donateurs à des consommateurs. Ceci est très dangereux car les consommateurs attendent un service ou un produit en échange de leur argent. Ici, le donateur ne devrait pas avoir à espérer des bénéfices personnels en échange de son don. Dans le même ordre d’idée, les philanthropes ne doivent pas se comporter comme des actionnaires : les actionnaires attendent un retour sur leur investissement et on constate le même type de comportement chez les nouveaux philanthropes (espoir d’économies d’impôts, prestige d’être philanthrope, solutions rapides aux problèmes sociaux attendues). Ceci risque fortement de détourner l’organisation charitable de sa mission originelle. 2. La mise à l’écart des bénéficiaires Une orientation marché excessive peut mettre à l’écart les bénéficiaires du don. Étant donné que l’association ne peut pas faire face à l’ensemble des besoins des bénéficiaires, elle ne fait pas d’efforts particuliers pour analyser leurs besoins principaux. Elle se contente alors de dépenser tout ce qu’elle a perçu en se disant qu’ainsi, elle ne peut pas être accusée de ne pas faire attention aux bénéficiaires. 3. La perte de vue de l’intérêt collectif Dans une logique de performance, les associations peuvent sélectionner des causes où il est facile de collecter au détriment des autres causes. Dès lors, ces associations auront de bons ratios de « dépenses de collecte / fonds collectés », et seront favorisées dans le discours des médias à destination des donateurs. 4. La différence entre association et entreprise s’atténue : le cas de Pallotta Teamworks La différence entre les structures caritatives qui cherchent à gagner le plus et les entreprises qui se positionnent en RSE s’atténue de plus en plus, rendant le paysage de la générosité assez opaque au donateur. D’ailleurs, cette frontière assez ténue entre structure non-marchande et marchande a posé un grave problème au Etats-Unis au travers du cas de l’entreprise sociale « Pallotta Teamworks ». Duchêne et Marcoux reviennent sur ce passage très instructif de l’histoire du fundraising américain. En 1993, Dan Pallotta a fondé une compagnie spécialisée dans la gestion d’activités de collecte de fonds pour différents organismes de charité luttant, entre autre, contre les maladies graves comme le Sida et le cancer du sein. L’entreprise a connu un succès économique important puisqu’entre 1994 et 2002, Pallotta Teamworks a amassé 556 millions de dollars en dons charitables (de ce montant, 305 millions de dollars ont été remis aux organismes de charité visés). L’entreprise organisait des événements de collecte de fonds à l’aide de milliers de bénévoles qu’elle arrivait à motiver au travers d’exploits sportifs et organisait également des galas de prestige dont l’entrée coûtait entre 1000 et 10 000 dollars. Au fil des ans, la compagnie s’est attirée de très nombreuses critiques au sein de l’opinion publique américaine. Ces critiques portaient notamment sur les ratios entre les montants dépensés et les fonds collectés. La société étant ouvertement à but lucratif, elle versait à ses salariés des salaires plus que compétitifs. Pallotta Teamworks a dû fermer le 23 août 2002. Pallotta a publié en 2008 un ouvrage intitulé « Uncharitable : how restraints on nonprofits undermine their potential » où il défend l’idée qu’il est illogique que le milieu associatif se prive des savoir-faire du monde marchand et capitaliste pour rester dans des démarches où l’amateurisme règne. De fait, il dénonce l’idée selon laquelle il faudrait que les ratios de collecte soient d’un rapport de 20 / 80 alors que la démarche de Pallotta a permis de collecter des sommes que les associations en question n’avaient jamais pu collecter. Selon Duchêne et Marcoux, cette étude de cas montre qu’il est essentiel que la structure associative garde « l’idéal du don », gratuit, transparent et sans contrepartie. Le fait d’avoir des ratios de collecte très élevés s’oppose à cet idéal et rappelle une nouvelle fois que, pour le grand public, « la fin ne justifie pas les moyens ». Les deux auteurs concluent que pour éviter les dérives d’une orientation marché négative, il faudrait que l’organisation s’assure de l’insertion des bénéficiaires dans les organes décisionnels de l’ONG. « Enfin, nous soutenons qu’il devient essentiel, si ce n’est urgent, de privilégier une véritable orientation sociétale, de cesser de traiter les donateurs comme des clients, les causes comme des variables stratégiques et les OBNL comme des concurrents ». n S. R. Pour en savoir plus : Duchêne Jonathan et Marcoux Jean-Sébastien (2011), Le marketing du don charitable : analyse critique et réflexive, in « Don et Pratiques caritatives », Bergadàa M., Le Gall – Ely M. et Urien B. (coordinateurs), De Boeck (ed. ), p.99 – 112. Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 19 Opinions La donatrice mystère La Donatrice Mystère... donner ou ne pas donner au Japon ? Le récent triple drame qui a touché le Japon vient révéler un phénomène nouveau qui n’a cessé de s’amplifier durant la dernière décennie : l’irrépressible envie de donner des donateurs soumis au bombardement quotidien d’actualités liées à de grandes catastrophes. La nouvelle puissance des médias, de la TV, de l’image, de la vidéo, de l’internet a créé une mise en scène hyper-anxiogène du 11 Septembre, du tsunami asiatique, de l’ouragan Katrina, du séisme en Haïti, et de la dernière tragédie au Japon… L’immédiateté d’une information brute, vécue en continu, sans recul, à la façon d’une télé-réalité produit un véritable choc des valeurs individuelles couplé à une forme de stress collectif. Ces phénomènes interrogent les associations tant dans la relation au donateur et à l’appel de fonds, que dans la capacité d’action et la nécessité de communiquer… Une fois encore, La Donatrice Mystère et ses amies apportent un éclairage sur leur vécu de simples donatrices… La Donatrice Mystère : Alors Madeleine, tu ne nous as pas raconté la fin de ton voyage organisé à New York… Madeleine : For-mi-dable ! A un détail près qui est venu un peu gâcher la fin de mon séjour : la catastrophe au Japon. Pendant une semaine, je n’ai entendu parler que de ça, partout, dans la rue, à la TV, dans les journaux… on aurait cru que la fin du monde, c’était à New York ! 20 secouristes... des vrais héros... mais aussi tous ces gens sinistrés… d’un calme ! Ça arriverait en France, ce serait autrement la panique ! Henriette : C’est quand même terrible ce qui leur est arrivé. Trois catastrophes coup sur coup : le séisme, puis le tsunami, puis la catastrophe nucléaire… Après la bombe d’Hiroshima, il fallait qu’un nouveau drame nucléaire leur tombe dessus ! Et ces images à la TV… terribles ! Ça me rappelait les images des tours qui se sont écroulées à New York, ou du tsunami en Asie en 2004. Madeleine : Pour en revenir aux Américains : le séisme a eu lieu, je me souviens, un vendredi matin. Et bien dès le vendredi soir, la CroixRouge américaine lançait une publicité à la télé pour demander de l’aide. Le samedi, d’autres organisations se mobilisaient. Même dans la rue, des bénévoles récoltaient de l’argent. Je ne comprends pas bien l’anglais, mais le guide du séjour expliquait que les entreprises lançaient des collectes et que quantité de stars américaines faisaient des dons et appelaient à soutenir le Japon… Mais il parait que le plus gros s’est fait sur internet. Ils ont récolté plus de 100 millions de dollars dès la première semaine ! La Donatrice Mystère : Oui, les vagues déferlantes… On a dû les voir 100 fois, mais le plus terrible pour moi, c’était les images de la centrale avec les explosions, les fumées, les secouristes… et l’attente de la catastrophe ultime chaque jour. Comme disait mon petit fils : « C’est aussi stressant qu’un feuilleton américain » ! Et ces Japonais... admirables, dignes… que ce soit les Raoul (24 ans, le neveu de la Donatrice Mystère) : Oui, on est très loin de la France… Trois jours après l’événement : silence ! On a vu les images à la télévision, comme partout dans le monde… Mais rien. Les médias, les entreprises mais surtout les associations n’ont pas bougé. Très vite on s’est concentrés très égoïstement sur le débat de « notre nucléaire, le plus sûr du monde » en Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 oubliant qu’un drame se jouait à l’autre bout de la planète. Au bout d’une semaine, avec un gros retard à l’allumage, le Secours Populaire, puis la Croix-Rouge française ont commencé à bouger. Puis, timidement, du bout des lèvres, quelques autres… Mais on est très loin de la mobilisation pour Haïti. Sidérant ! La Donatrice Mystère : Tu as raison Raoul, j’ai été presque choquée de ne recevoir aucun mailing. D’habitude, je suis très vite interpellée, parfois même au téléphone, par les associations… Tous les soirs, je regardais la télévision et j’étais désolée de ne pouvoir rien faire, pas même un don. Henriette : Oui, mais le Japon n’est pas Haïti ou l’Asie… c’est un pays riche… plus riche que la France… Ils doivent avoir assez d’argent pour se venir en aide tous seuls. Je comprends bien que les associations françaises n’aient pas lancé d’appel à la générosité ! La Donatrice Mystère : Je ne suis pas d’accord Henriette. Un don ce n’est pas que de l’argent, c’est aussi montrer son soutien, sa miséricorde, pour prendre un terme religieux. Et puis si le Japon est riche, il ne doit pas manquer non plus, comme nous Opinions La donatrice mystère en France, de personnes pauvres. Sans compter les 600 000 personnes réfugiées qui ont tout perdu… comme Médecins du Monde étaient allées sur place pour aider. Il n’y avait pas de danger nucléaire. moment… Sans compter que la situation ici en France n’est pas terrible non plus. Raoul : Habituellement je ne suis pas très « donateur » dans l’âme… Mais là, je me sentais trop mal de ne rien faire, alors j’ai fait un don sur le web, directement à une ONG japonaise. Et pour revenir à nos associations françaises, je ne comprends pas bien pourquoi les ONG anglaises, américaines, néerlandaises, espagnoles, etc., se sont mobilisées et pas les françaises. Madeleine : C’est vrai que je suis un peu déçue. C’est dommage que les associations ne nous disent rien. Elle nous écrivent bien pour nous demander de l’argent quand elles en ont besoin… Elles pourraient dépenser 1 ou 2 euros pour me dire pourquoi elles n’interviennent pas. Avec tout ce que je leur donne, ça me paraît la moindre des choses ! Raoul : Oui, mais dans une période où on n’a plus confiance dans les institutions et les hommes politiques, c’est dommage que les associations ne soient pas non plus à la hauteur. Henriette : C’est peut-être à cause des radiations… Je comprends que les volontaires n’aient pas envie de partir avec un risque nucléaire au dessus de la tête, dans l’eau, l’air, la nourriture… c’est dangereux tout de même. Souvenez-vous, lors du tremblement de terre de Kobé en 1995, des associations françaises La Donatrice Mystère : Je ne les blâme pas… elles ont tant à faire. Le monde va tellement mal. Souvenezvous, la catastrophe au Japon s’est déclenchée à la même période que la guerre contre Kadhafi et les révolutions en Afrique du Nord… et puis tout le reste en Afrique, la Côte d’Ivoire, etc.… Elles ne doivent plus savoir où donner de la tête en ce Henriette : Oui, alors je voulais vous raconter ma dernière semaine à New York… Les tests et propos de la DONATRICE MYSTÈRE ne représentent aucune vérité scientifique, mais le simple constat d’un donateur « lambda » en contact avec nos organisations. Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 21 People Portrait Militant fraternel © DR Bruno Dardelet porte en lui l’énergie des hommes qui ont un destin à accomplir. A 68 ans, il vient de hisser au rang de Grande Cause Nationale 2011 la lutte contre la solitude, un mal qu’il combat depuis huit ans à la présidence de la Société Saint Vincent de Paul… Sans doute, la plus belle réussite de sa carrière. «J e milite parce je crois que lorsque l’on est actif dans un secteur, et que l’on y croit, on participe, peu ou prou, à un aménagement du monde ». Bruno Dardelet puise son souffle dans l’action militante depuis qu’il est en âge d’être acteur de sa vie. Militant charitable, militant patronal, militant politique, tout à la fois parfois et dans tous les cas, militant avant toute chose. Agir pour être utile aux autres et à soi-même est une seconde nature. « J’ai été formé dans une école catholique avec des prêtres qui m’ont encouragé à être utile dans un certain nombre de choses. J’y ai trouvé mon plein épanouissement et cela m’a donné envie d’être ce que je suis devenu ». Né en 1942, à Grenoble, dans une famille d’imprimeurs-graveurs, il rejoint l’entreprise familiale à 19 ans et y applique les valeurs qui lui ont été transmises « notamment au niveau de la richesse que l’on peut retirer des hommes dans leur travail, de celle que l’on peut leur apporter et de quelques disciplines morales que l’on essaie d’appliquer à soi-même et aux autres ». PDG à 32 ans, il deviendra patron-syndicaliste-mili- 22 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 tant, « hyper engagé » pour lutter contre l’inertie de son métier. Mais rien n’y fera : c’est à lui que reviendra la blessure de déposer le bilan de l’entreprise familiale pilier pour l’assainir avant de la revendre. Dans le même temps, il donnera corps à son engagement politique en qualités de conseiller municipal, adjoint au maire chargé de la solidarité, et organisera les premières collectes d’envergure (papiers, vêtements...) au profit des plus nécessiteux de la ville. Les élections coïncident avec les difficultés de son imprimerie. Le maire ne renouvellera pas son premier mandat – « en politique, on ne prend pas de risque…». Qu’à cela ne tienne, « les copains » savent ses talents de communicant et son sens de l’innovation. Ils le sollicitent pour stopper l’effilochage régulier du denier de l’Eglise du diocèse de Grenoble. Il avait à l’époque déjà participé à un colloque sur le fundraising des organisations chrétiennes et protestantes anglosaxonnes : « Je me suis un peu inspiré de ces Américains pour la première campagne que j’ai faite ». Il apporte alors modernité de forme et messages percutants aux mailings de sollicitation des églises. C’est le carton plein. 35 autres diocèses feront appel à lui dans toute la France, puis un ensemble d’organisations d’obédiences diverses. C’est ainsi qu’il entrera en contact avec la Société Saint Vincent de Paul dont il assume l’animation, par tous les vents, depuis plus de 20 ans… De cette époque, il garde un sens aigu du fundraising et de la nécessité d’y allouer des moyens. Il avoue être parfois en décalage avec les nouvelles techniques de collecte et demeure un fervent défenseur du papier. Il lui semble aussi qu’il y a des perspectives à retrouver dans les relations avec la presse. « Je pense qu’il faut absolument repartir à la conquête de la presse. Composer avec les journalistes de tous média – radio, TV, web… Facebook ne suffit pas. Les appels de fonds par Internet ne sont pas aussi vivaces que ce qui était espéré ». « J’ai été formé dans une école catholique, cela m’a encouragé à être utile. J’y ai trouvé mon plein épanouissement et cela m’a donné envie d’être ce que je suis devenu. » Il se réjouit du regain d’image qu’apportent les communications sur la Grande Cause Nationale à la Société Saint Vincent de Paul, ainsi qu’au collectif des 26 autres partenaires. Il est heureux aussi car ses militantismes politiques et charitables se rejoignent enfin dans leur plein éclat. « Pas de solitude dans une France fraternelle », sont des mots qu’il a pesés. Ils résument, mieux que tout autre, l’ensemble des combats de sa vie de passion. Bruno Dardelet dit désormais souhaiter se reposer et profiter de ses petits enfants. Il sait cependant qu’aujourd’hui, tout cela n’est que paroles en l’air. Question de nature. Au final, des regrets ? Peut-être. Un destin, surtout. n C. Q. Répertoire Prestataires n Agences conseils en fundraising n Internet n Télémarketing Collectes de fonds Choisissez l’efficacité maxyma n Bases de Données www.maxyma.com Tél : 01 44 51 57 85 Vous voulez publier votre annonce ? 01 43 73 34 65 Fundraizine | 26 | AVRIL 2011 23