La sécurité des grands événements sportifs

Transcription

La sécurité des grands événements sportifs
CHEMI
Centre des Hautes études du Ministère de l’Intérieur
&
Journées d’Études
de Réflexion
2012
2013
ACTES
La sécurité
des grands événements sportifs
16
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
La photo de classe de la Journée
« La sécurité des grands événements sportifs »
1.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Michel BART
La gestion de l’ordre public lors de grands événements :
un des fondamentaux du métier préfectoral
M. le Préfet Michel BART, secrétaire général du ministère de l’intérieur, a ouvert
la Journée d’Études et de Réflexion consacrée à la sécurité des grands événements
sportifs au siège de la Ligue de football professionnel en adressant ses remerciements à
M. Frédéric THIRIEZ, président de la ligue de football professionnel et à M. le Préfet
Jean-Pierre HUGUES, délégué général de la ligue.
Il a souhaité saluer particulièrement le Préfet Jacques LAMBERT, éminent
spécialiste de l’organisation des grands événements sportifs en France et président du comité de
pilotage de l’UEFA Euro 2016.
Intervenants
M. le Préfet Michel BART, Mme Anastassia TSOUKALA, M. Patrick LACLÉMENCE,
M. le Préfet Jacques LAMBERT, M. Pascal GARIBIAN, M. le Préfet Hubert WEIGEL,
M. le Préfet Jean-Louis FIAMENGHI, M. le Conseiller d’État Laurent TOUVET, M. Antoine BOUTONNET
Préfet référent
M. Jean-Pierre HUGUES, Directeur général de la Ligue de Football Professionnel
Préfets participants
Fatiha BENATSOU, Jean-Paul BONNETAIN, François BURDEYRON,
Jean-Pierre CAZENAVE-LACROUTS, François-Xavier CECCALDI, Christian CHOCQUET,
Pascal LELARGE, Raphaël LE MÉHAUTÉ, Christophe MIRMAND, Pierre N’GAHANE,
Éric PILLOTON, Marcel RENOUF, Rémi THUAU
CHEMI
Jean-Martin JASPERS, Directeur
Olivier MORTET, Directeur de la formation, Philippe REUL, Directeur des relations extérieures
Thierry FERRÉ, auditeur de la 2e pomotion, Corentin de MONTMARIN, chargé d’études
24 février 2012
La thématique de cette journée obéit à quatre raisons majeures :
• La gestion de l’ordre public lors de grands événements est un des fondamentaux du métier
préfectoral ;
• La doctrine et la façon d’aborder ces grands événements sportifs évoluent en permanence :
l’événement dramatique survenu en février 2010, en marge de la rencontre Paris-Saint-Germain/
Olympique de Marseille, lors d’un incident d’avant match à proximité du Parc des Princes, a
provoqué une prise de conscience plus globale en France sur la sécurité des matchs de football. Des
progrès substantiels ont été accomplis par la mobilisation concomitante des parlementaires
et des autorités gouvernementales, par une approche renouvelée de l’ordre public sur ce
type de manifestations, et par une montée en puissance considérable de l’arsenal juridique
offert. Le travail accompli avec le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du
ministère de l’intérieur, M. Laurent TOUVET, a abouti à la prise de décisions extrêmement fortes
avec l’aval du Conseil constitutionnel pour renforcer les attributions des préfets en matière de
libertés publiques ;
• Des situations problématiques ont certes évolué positivement, mais depuis 2012 le ministère
de l’intérieur a communiqué sur de nouveaux frémissements en matière de supportérisme
violent. Avec quatre à cinq clubs de la ligue 1 posant des problèmes de sécurité, le phénomène
réapparaît avec une dimension identitaire ;
• La perspective de l’Euro 2016 en France témoigne que l’organisation de la sécurité des grands
événements sportifs est un atout dont notre pays dispose, en particulier en termes de valorisation
du « savoir-faire policier ».
Prenant comme fondement que l’organisation
administrative du pays concerné facilite le pouvoir de
la puissance publique, l’organisation et la sécurité d’un
événement sportif est plus aisée en France qui compte
dans son système administratif une autorité centrale,
le Préfet. La question est plus complexe dans d’autres
pays où une multiplicité d’acteurs est l’interlocuteur de
l’organisateur.
MM. les Préfets Jacques LAMBERT et Michel BART
entourant M. Jean-Pierre HUGUES
Cette « marque de fabrique » positive des forces
de sécurité et des autorités préfectorales est particulièrement mise en exergue dans les dossiers de
candidatures de notre pays pour l’accueil d’événements planétaires (Jeux olympiques, compétitions
internationales…). Cette Journée d’Études et de Réflexion contribue à favoriser la compétitivité de notre
pays dans l’organisation de grands événements sportifs.
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Anastassia TSOUKALA
Le phénomène du hooliganisme et
de la violence en Europe
Criminologue et juriste de formation, Mme Anastassia TSOUKALA est
l’auteur d’un ouvrage spécialisé sur le hooliganisme en Europe.
Clairement identifiables au cœur des textes communautaires qui
règlementent la question à partir de la deuxième moitié des années 1990, cinq
niveaux d’influences superposées et corrélées se trouvent aussi à l’origine d’une
convergence croissante, tant conceptuelle qu’opérationnelle, des politiques
nationales des pays européens pour lutter contre le hooliganisme. Ces
dernières s’inscrivent actuellement dans deux tendances.
La première, dominante depuis les années 1990 et applicable dans la
gestion du hooliganisme au quotidien et lors de tournois internationaux, s’inspire
notamment de la logique anticipatoire des stratégies de gestion du risque et
de la logique fusionnelle de la définition des menaces de sécurité ; de nature
impersonnelle, elle vise à minimiser, voire écarter le facteur humain de la gestion du phénomène.
La deuxième tendance, émergente depuis 2000 et appliquée à l’occasion de tournois internationaux,
obéit à ces mêmes logiques impersonnelles pendant les phases préparatoires des tournois mais, sur le
terrain, elle accorde plus d’importance au facteur humain dans la gestion des supporters.
Sécurité
1.
Des politiques de contrôle impersonnelles
La gestion du risque
Dès l’entrée en vigueur de la Convention européenne de 1985, la gestion policière du hooliganisme
s’est de plus en plus appuyée sur un dispositif de contrôle qui a essentiellement reproduit le schéma
directeur d’un modèle de contrôle du crime basé sur le principe proactif de la gestion actuarielle du
risque.
La gestion d’un risque virtuel, lié à un comportement de groupe, ne pouvant qu’être impersonnelle
et anticipatoire, l’appareil de contrôle social s’appuie de plus en plus sur la mise en place des mesures de
prévention situationnelle et d’un ensemble de dispositifs de contrôle et de surveillance des individus
suspects, l’efficacité opérationnelle desquels requiert la collaboration d’un grand nombre d’acteursproducteurs de sécurité relevant de la sphère publique et/ou privée (élus locaux, dirigeants sportifs,
responsables de sécurité des clubs, stadiers…).
Par conséquent, le renforcement constant de la coopération policière internationale, souhaité par
la Convention européenne précitée, l’UEFA, les instances communautaires, et les agences de sécurité des
pays européens, se structure, d’une part, autour de l’implication de nouveaux acteurs dans le processus
de protection de la sécurité, et, d’autre part, autour de la collecte, analyse et échange de renseignements.
Établies au niveau communautaire, suite à la création de points nationaux d’information sur le
hooliganisme (en 2002), et érigées en pivot des politiques de contrôle du hooliganisme, la collecte et analyse
des renseignements ont, certes, permis d’affiner le travail policier mais, en même temps, leur ampleur et
expansion croissante aux dépens d’autres modes d’agir ont incontestablement facilité la banalisation d’un
vaste contrôle de la déviance.
En l’absence de définition juridique du hooliganisme, la définition du « supporter à risque »
qui sert de cadre de référence aux processus de profilage reste forcément vague et, en dépit de son
apparente scientificité, hautement subjective, renforçant de la sorte le pouvoir discrétionnaire des agents
de renseignements.
2
La tension ainsi créée entre gestion pragmatique d’un phénomène social et mise en péril des
libertés publiques des individus concernés acquiert des dimensions plus amples suite à la mise en place
dans nombre de pays européens, tels que la France, la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et (à certains égards)
le Royaume-Uni, d’un système de sanctions qui contourne le judiciaire au profit de l’exécutif. Il s’agit
de l’imposition d’interdictions administratives de stade, en l’absence de toute condamnation pour des
actes de hooliganisme, sur la base de renseignements.
Qu’elles soient de portée nationale ou internationale, ces interdictions de stade, qui impliquent
l’enregistrement des données personnelles des individus concernés dans des fichiers de police, entraînent
d’importantes restrictions à la liberté de circulation inversant la base même du fonctionnement des
systèmes juridiques européens puisque, en ciblant des personnes dites à risque, elles produisent des effets en
se basant sur la suspicion plutôt que la preuve – ce qui, à son tour, soulève la question de leur compatibilité
avec le principe de la présomption d’innocence, et les principes de la légalité et de la proportionnalité des
peines.
La définition de la menace
Les stratégies de gestion du risque n’auraient probablement pas pu prendre leur ampleur actuelle
au sein des dispositifs de contrôle du hooliganisme si elles n’avaient pas été inscrites dans un schéma
définitionnel des menaces de sécurité post-bipolaires, qui a imposé la perte progressive de leur contour
spécifique suite à leur intégration dans un continuum de sécurité, tant conceptuel qu’opérationnel.
Axé sur leur dimension potentiellement menaçante plutôt que sur leur nature juridique ou leur degré de
gravité, ce continuum couvre des comportements aussi hétérogènes que le terrorisme, le crime organisé,
l’immigration clandestine et le hooliganisme. Une fois ainsi rapprochés, ces comportements se trouvent
découpés de leur contexte générateur, qu’il soit socio-économique, culturel ou politique, pour être gérés de
manière « neutre » en tant que sources de problèmes à maîtriser.
Cette exclusion de toute quête de causalité fait dépendre l’efficacité du contrôle social d’une
logique purement gestionnaire. Les agences de sécurité publique s’appuient, alors, de plus en plus sur le
réconfort de la certitude offerte par la technologie appliquée à des dispositifs de contrôle et de surveillance
sophistiqués et sur la transposition des méthodes et pratiques d’un champ d’action policier à un autre,
comme si la réussite de leur mission n’était in fine que le résultat d’un judicieux choix d’outils.
En concordance avec les principes impersonnels de la gestion
proactive du risque, cette mise à l’écart des spécificités des
comportements à contrôler au nom d’une meilleure efficacité
gestionnaire ne peut que renforcer la mise en place de dispositifs
de contrôle des personnes à distance, fréquemment attentatoires aux
libertés publiques.
Ces politiques de contrôle du hooliganisme se sont avérées
insuffisantes à plusieurs égards. D’abord, leur mise en œuvre, en
dehors de toute prise en considération des spécificités de la population à
contrôler, a largement contribué à l’aggravation du phénomène.
Lutter contre les seuls symptômes sans vouloir traiter aussi les causes de cette violence a, alors,
entraîné le déplacement spatio-temporel des incidents puisque les supporters ne modifiaient pas leur
comportement mais cherchaient à agir loin du regard des agents de contrôle social - dans un premier
temps, en dehors des stades mais pendant le jour du match (avant, pendant ou après celui-ci) et, dans
un deuxième temps, dans un cadre totalement dissocié du contexte sportif (sous la forme actuelle des
fights).
Par conséquent, ce qui était initialement relativement facile, car
bien limité dans le temps et l’espace, se transforme progressivement
en une opération de maintien de l’ordre de plus en plus difficile (car
étendue dans le temps et l’espace), aux résultats aléatoires et aux coûts
grandissants.
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Lutter contre les seuls symptômes du hooliganisme a aussi entraîné l’escalade et la radicalisation
des comportements puisque, les motifs des acteurs restant par ailleurs intacts, le renforcement du contrôle
a obligé ceux-ci à avoir recours aux armes blanches ou à d’autres objets susceptibles de servir d’arme afin
d’obtenir le résultat souhaité dans un minimum de temps.
La banalisation d’un climat d’escalade et de radicalisation a, en outre, formellement écarté
toute approche alternative, potentiellement axée sur des acteurs sociaux autres que les agents de sécurité,
ou même sur les supporters, en tant qu’acteurs capables de développer des
mécanismes d’autorégulation ou capables de s’ériger en interlocuteurs valables
aux yeux des preneurs de décisions.
Lutter contre les seuls symptômes du hooliganisme a, enfin, focalisé les
politiques de contrôle sur le seul objectif de la protection de l’ordre public
aux dépens de la protection de l’ordre démocratique – le racisme ne devenant
un problème majeur que dans les années 2000, alors que l’homophobie continue,
elle, à ne pas faire partie des « vrais » problèmes du monde du football.
2.
La réintroduction du facteur humain comme politique alternative
Face aux logiques d’action policière précitées, diffusées en Europe sous l’impulsion des experts
notamment britanniques et allemands, s’est esquissé un autre mode de gestion du hooliganisme, qui
rompt avec la dimension impersonnelle de la gestion proactive du risque sur le terrain afin de réintroduire
le facteur humain au niveau des interactions de face-à-face entre forces de l’ordre et supporters.
Mise en place pour la première fois lors de l’Euro 2000, sous le terme de gestion policière « amicale
mais ferme », cette approche est le résultat du constat que les incidents de violence sont rarement
prémédités lors de tournois internationaux.
Le plus souvent, ils sont déclenchés par des facteurs émotionnels ou des défaillances
organisationnelles (lenteur des contrôles, absence de confort, manque d’informations pratiques,
infrastructures défaillantes, etc.), qui influent sur le comportement d’un public a priori pacifique et
respectueux de la loi, mais très réactif à toute forme de manque de respect à son égard.
Partant du principe que la création d’une ambiance positive inciterait ce public à se comporter de
manière non violente, cette nouvelle approche s’est structurée autour de la convivialité et de la faible
visibilité des forces de l’ordre dans l’espace public.
L’absence d’incidents dans les tournois internationaux où a été appliquée cette nouvelle politique
(Euro 2000 et Euro 2004) semble confirmer l’idée que la protection de la sécurité lors de tournois internationaux
est, en grande partie, indépendante des dispositifs de contrôle et de surveillance des supporters.
Relevant in fine du bon sens, cette approche rejette la logique de confrontation, vis-à-vis d’un public
perçu comme hostile et source de problèmes, au profit d’une certaine ouverture vers le public à contrôler.
Il convient, toutefois, de souligner que cette ouverture, en rupture apparente avec les modes d’action
proactifs, n’est possible que dans la mesure où elle s’appuie justement sur ces mêmes modes d’action.
En fait, elle se base sur une distinction préalable du public à contrôler entre fauteurs de trouble,
connus et potentiels, et spectateurs ordinaires.
Si ces derniers peuvent désormais bénéficier d’un accueil amical et convivial, et d’un seuil de
tolérance (fixé d’avance) relativement élevé en cas d’accomplissement de délits mineurs, c’est parce que
les premiers font l’objet d’une surveillance accrue, souvent cristallisée sur des interdictions civiles de
stade. De ce point de vue, il serait peut-être plus pertinent de considérer ce modèle comme mode de
gestion des foules plutôt que du hooliganisme.
Ces remarques ne devraient pourtant pas occulter la double importance de cette approche. D’une
part, ce mode de faire la police pendant les tournois internationaux s’est avéré très efficace à deux
reprises, ce qui nous permet de supposer que son applicabilité est généralisable. D’autre part, les valeurs
qu’il véhicule sont très importantes symboliquement tant pour les agents de police, en tant que
cadre d’action idéalement structuré autour du respect du citoyen, que pour le public, en tant que facteur
d’amélioration de ses relations avec les représentants des forces de l’ordre.
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3.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Patrick LACLÉMENCE
Événementiel : entre mémoire et oubli
Pour M. Patrick LACLÉMENCE, conseiller recherche du CHEMI, les grands événements sportifs
sont au cœur d’une réflexion sur ces moments de passion qui font partie intégrante de la vie sociale et de la
société avec quatre phases de réflexion pour aborder cette problématique.
1re phase de réflexion : les mutations du hooliganisme depuis cinquante ans
Le hooliganisme prend ses racines dans les années 50 en Angleterre aux limites de la communauté
de quartier. Les laissés-pour-compte rejoignent les virages des stades à la recherche d’un territoire
d’identification entre le « nous et eux ». Les violences de cette période sont à attribuer à cette frange de la
population. Ces teddys boys, encore nommés « Roothleeges », font face à ceux qui consomment le sport
comme un bien de loisir.
La télévision, avec l’évolution de la retransmission et
de la couleur ainsi que le début des compétitions européennes
des années 60, offre à des groupes extérieurs au stade, la
possibilité d’exister autrement. Cette phase marque le passage
d’une violence relative à une logique communautaire, à
une violence ritualisée, exercée sous une forme identitaire.
Les tribunes et les abords deviennent peu à peu des territoires
d’identification pour cet « hooligan ».
Alors que les groupes hard rock et les skinheads semblent Supporters de Leipzig descendant sur le terrain
avant un match en 1990
en perte de vitesse, c’est dans les années 80 que les extrémistes
s’intéressent à la scène offerte. La Coupe du Monde de 1982 en
Espagne leur fournit un scénario idéal. En pleine guerre des Malouines entre l’Argentine et la GrandeBretagne, les nationalistes vont imposer un nouveau cap au hooliganisme.
La prise de conscience est brutale dans le stade du Heysel en mai 1985. Cette tragédie marque un
tournant et une nouvelle mutation. Outre que l’Europe se prive d’un « combat » communautaire en livrant
à la vindicte populaire le seul hooligan anglais, au cours des années postHeysel, la politique sécuritaire en Angleterre repousse les plus violents
dans l’anonymat. Et c’est ainsi que succède aux skinheads un individu qui
ressemble étrangement à ce « Dr Jekyll », qui sait être « Mister Hyde ». Peu à
peu s’installe une lutte contre l’ennemi public numéro 1. Or, au fil du temps,
le public du stade est pris en otage. Mausolée à ciel ouvert pour 89 victimes,
Hillsborough devient le 15 avril 1989 l’aboutissement tragique de cet
engrenage.
Après ces deux tragédies, les autorités rééquilibrent l’approche
sécurité/sûreté. La première phase permet d’identifier l’individu dans la
foule avec la vidéo-surveillance et les mesures anti-hooligans aux portes des
stades ; la seconde, la suppression des grilles s’impose avec la mise en
place du « stadier ».
Mémorial de Hillborough
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Le service de sécurité surveille
les possibles débordements dans la tribune
La France, peu touchée par ce phénomène,
découvre, au lendemain du Heysel, le visage du
hooligan français. Le 4 juin 1985, lors d’un match
PSG/Toulouse, un groupe1 se fait remarquer par
une banderole « comme au Heysel »2.
Seule représentation du hooliganisme anglais, le
Kop Boulogne marque une étape que ne connaîtront
pas les autres clubs français en raison de l’éviction
des équipes anglaises des championnats et coupes
européennes. À partir de 1985-86, le modèle est
emprunté aux supporters italiens, les « ultras ».
2e phase de réflexion : les foules et les masses3
L’ambiance des foules est rythmée par les émotions, les pulsions et les sensations. La foule peut
être à l’état pur, artificielle, événementielle, pulsionnelle, structurée, intuitives, etc.
Pour « l’identité mentale élémentaire », les chercheurs définissent plus facilement la structure de cette
foule et la cohésion qui la conduit. La foule à l’état pur se caractérise par ce corps à corps qui a tout d’une
foule mais sans aucune identité. Le meilleur exemple en est les foules des rues, des gares, des métros où les
individus sont regroupés dans un flux permanent sans être en relation les uns avec les autres. Ces anonymes
sont dans un même espace au même moment sans un regard pour l’autre !
Et pourtant, le moindre acte, incident ou autre perturbation suffit à créer ce lien « mental
élémentaire » qui coagule les individus en une entité communautaire puissante et fragile. Cette communauté
de circonstance, temporelle et passionnelle, n’a pas de passé, ni de futur, mais juste un présent instantané,
voire instinctif. Soumis aux moindres soubresauts, c’est sans aucun doute le rassemblement de circonstance
le plus délicat à aborder et à maîtriser par la raison.
À l’autre bout de la chaîne, se trouvent les foules identitaires, dont l’élément mental élémentaire est
structuré sous la forme d’une architecture hiérarchisée. L’exemple type est la foule militaire. Sur la base
d’une histoire communautaire renforcée par des liens segmentaires très forts, ce genre de regroupements
peut être soumis aux environnements très dégradés. C’est d’ailleurs l’objectif poursuivi ; en face du désordre
le plus extrême, l’État instaure l’organisation unitaire des états-majors, des cabinets et cellules de crise, etc.
et prépare des planifications ! La faiblesse de ces structures ordonnées, c’est l’architecture hiérarchique qui
devient, dans certaines circonstances ou lors de conflits, l’objectif à atteindre pour fragiliser l’ensemble !
Pour les foules sportives et notamment celles des stades, en rassemblant sur quatre kilomètres
carrés la population d’une ville, les émotions collectives sont rythmées par un scénario qui se joue au
centre du terrain. Dans cette enceinte, tous les spectateurs se renvoient leur propre image.
Le stade rassemble des communautés qui se fêtent tout en s’opposant. La suggestion collective est à
son maximum, voire sous forme d’hypnose, comme le propose Freud, et chaque tribune devient le miroir
de l’autre.
Aux abords des stades, deux phases sont à distinguer : une foule avant les caisses et après, le cycle
de la répartition identitaire en masses dans les tribunes. La gestion est double pour les responsables
1. Ce groupe nationaliste, expulsé de son local du 7e arrondissement, s’est déjà fait remarquer lors d’un match France/
Angleterre en 1984 au Parc des Princes pour se battre avec les hooligans anglais.
2. Intrigué, un reporter de Canal+ rejoint la tribune Boulogne où se situe ce petit groupe et les interpelle sur ce slogan. En
direct, ces quelques énergumènes vont déverser une propagande xénophobe et revendiquer leur appartenance aux actions
extrêmes. Malheureusement, l’équipe parisienne, qui partage le stade avec l’équipe nationale, récupère ces individus sur les
tribunes du Parc des Princes.
3. Depuis la thèse, j’ai continué à proposer divers travaux sur ce sujet.
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
de l’ordre public. Dans un premier temps, le regroupement aux portes des stades se coagule sous la
forme de foule compacte où l’individu s’agrège à une concentration devant les portes. Le passage aux
caisses est alors déterminant puisqu’il permet de ré-individualiser socialement le porteur de billet.
Après les tourniquets, chacun regagne sa place dans la tribune indiquée. Selon une répartition sociale
choisie « tribune d’honneur, présidentielle et les virages », les masses sont distribuées. Bien entendu, la
suite des événements dans le stade est soumise aux pulsions les plus extrêmes d’un scénario que l’on veut
précisément haletant et passionné.
3e phase de réflexion : Être et supporter
Au-delà du rôle social, le football et son stade sont sans doute l’un des moments et le lieu où la
société civile se retrouve. L’identité collective prend corps, les peuples vivent exceptionnellement un
instant de communion. Le stade est devenu un élément central de notre civilisation industrielle liée au
mouvement. Pendant un instant, la société s’arrête pour regarder sa puissance, s’identifier collectivement,
vivre un moment exceptionnel de rassemblement marquant l’histoire et renforçant le lien identitaire.
Les spectacles sportifs sont devenus, au
fil du temps et avec les enjeux, des identificateurs
puissants. De calendriers de coupes en classements
de championnats, les victoires et les défaites ont écrit
l’agenda et renforcé l’appartenance à un groupe
en entretenant la mémoire collective. Avec l’ère
industrielle, le temps du match et l’espace, le stade,
ont pris une place prépondérante pour le spectateur,
devenu supporter de sa propre identité. Victoires,
rivalités, compétitions, l’événement est devenu le
symbole de la civilisation d’alternance. Il instaure un
rendez-vous permettant de s’installer dans une identité
de substitution.
Les matchs de foot constituent un indireteur
communautaire très puissant
Cette identité se déplace de la société civile au stade et du stade à la société civile. Le supporter
est alors un consommateur, un électeur, un acteur de la vie sociale sous influence...
4e phase de réflexion : le jeu et les enjeux
Emblèmes les plus marquants d’une socialisation de circonstance, de coupe en championnat, les
rencontres de football assurent un calendrier. Pour s’affirmer, ces agendas sont entrecoupés d’étapes, de
résultats, de victoires et de défaites. Ils ont un début et une fin, un avant et un après. Ainsi, à l’extinction
des projecteurs, le supporter continue à exister, à revendiquer son identité, à entrevoir le prochain match.
Cette continuité lui assure un lien très fort avec le groupe.
C’est sur ce dédoublement entre le jeu et les enjeux que le hooliganisme prend ses racines. À
plusieurs reprises, nous avons pu relever les échanges des journaux du lendemain. S’arrachant les coupures,
les uns démontrent aux autres leurs actions. Relançant les rivalités en troquant les trophées et photographies,
les acteurs maintiennent leur présence en attendant la prochaine rencontre.
À l’inverse du ballon ovale du rugby, difficilement maîtrisable, le ballon rond est le jouet d’un joueur
qui démontre sa virtuosité. Facile à lire, le football permet à chaque joueur de devenir le porteur d’espoir,
le représentant à qui on s’identifie, et plus il est remarquable, plus il est adulé. En quelque sorte un Héraut
qui représente une communauté aux sentiments exacerbés pour son action.
Par contre, au rugby, le ballon tant convoité est protégé, voire invisible et caché dans la mêlée par
l’homme, le pack, l’équipe ! Dans ces conditions, aucun Héraut, le joueur est le maillon d’un ensemble, d’un
tout !
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Se projetant dans l’avenir, quatre thématiques cristallisent les défis du XXIe siècle :
• la marginalisation des hooligans en « Black bloc»,
• des réseaux sociaux et surenchères des identités collectives,
• l’identité virtuelle et violences,
• la morale du jeu et enjeux.
Dans une ville caractérisée par l’anonymat et l’indifférence, être d’Amsterdam, Paris, Rome ou Berlin,
devient une apparence identitaire aux yeux de tous dans le stade. L’espace de communion exacerbe alors
un sentiment collectif. L’instant, vécu en même temps, s’inscrit dans l’histoire de la communauté. L’espace
(le stade) et le temps (le match) marquent suffisamment les esprits pour que ce moment commun s’inscrive
dans la conscience collective.
Les rendez-vous sportifs communautaires des XXe et XXIe siècles sont devenus l’emblème le plus
marquant de cette socialisation de circonstance qui se joue dans le rythme de la globalisation et sous
l’emprise de la mondialisation.
4.
1.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
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Jacques LAMBERT
La sécurité d’un événement sportif
de niveau mondial : l’EURO 2016
Éminent spécialiste de l’organisation des grands événements sportifs, le
Préfet Jacques LAMBERT, ancien directeur général du comité d’organisation de
la coupe du monde 1998 et de la Fédération française de football (FFF) de 2005
à 2010, préside le comité de pilotage de l’UEFA Euro 2016, ainsi que la société
organisatrice Euro 2016 SAS.
La sécurité des grands événements sportifs : principes et enjeux sécuritaires
Le plan de sécurité de l’Euro 2016 est en phase de construction. Le « savoir-faire » des services de
sécurité de l’État français en ce domaine est reconnu.
a.La sécurité des grands événements sportifs : un enjeu financier, opérationnel
et d’image
Dans une approche historique, le Préfet Jacques LAMBERT a souligné l’explosion extraordinaire
des coûts de la sécurité lors des grands événements sportifs (coût de la sécurité des JO de Londres en 2012
multiplié par 25 par rapport aux JO de Barcelone il y a 20 ans).
Cette croissance exponentielle résulte de la diversification de la menace, de la croissance des
exigences sécuritaires, de la sophistication des moyens, de la pression médiatique et politique.
La charge financière de la sécurité de l’Euro 2016 sera beaucoup moins élevée. Elle sera partagée entre
l’organisateur, responsable de la sécurité privée à l’intérieur des sites officiels, et l’État, responsable de la
sécurité publique. L’ensemble des dépenses d’organisation sera assuré par l’UEFA, qui contrôle les revenus
émanant de la commercialisation de l’événement (droits TV, sponsoring, etc.).
Pour le pays d’accueil, trouver l’équilibre entre la sécurité optimale et la convivialité est primordial.
Le pays ne peut pas s’arrêter de vivre à l’occasion d’une compétition sportive mondiale. Par ailleurs, il est
nécessaire d’asseoir la légitimité sociale de l’événement en le rendant accessible et supportable par les
populations locales.
b.La sécurité des grands évènements sportifs : une co-production entre
l’organisateur et la puissance publique
Les préfets attentifs lors des conférences d’analyse des nouvelles méthodologies
de gestion des foules et pour la sécurité des grands événements
L’organisateur est un donneur d’ordre, mais cela n’est pas dépourvu d’ambigüité. Le cahier des
charges de la candidature fixe des normes pour la sécurité à l’intérieur des stades et des sites officiels, mais
c’est toujours, en définitive, l’État du pays-hôte qui, compte tenu de sa compétence régalienne en matière
d’ordre public, donne la tonalité du dispositif global de sécurité.
L’organisateur est responsable de la sécurité privée à l’intérieur des sites de la compétition, c’està-dire dans les stades, les camps de base des équipes participantes, les sites d’entraînement, les hôtels
officiels et le centre international des médias.
En matière de sécurité, la responsabilité d’organisateur incombe à la fédération-hôte (la Fédération
Française de Football pour 2016). Celle-ci bénéficiera des retours d’expérience que l’UEFA réalise tous les
quatre ans avec l’organisation de l’Euro et tous les ans avec celle de la Champions League.
De son côté, l’État apporte à l’organisateur les garanties de sûreté et d’ordre public nécessaires au
bon déroulement de l’événement. Son domaine d’action et d’intervention est constitué de la collecte du
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
renseignement, du maintien de l’ordre public, de l’anti-terrorisme, de la police aux frontières et des
plans de secours.
Les spectateurs des tournois internationaux ont un profil social et sociologique moins risqué
que celui des supporters de clubs des championnats nationaux. Parmi les spectateurs étrangers, des
distinctions peuvent être opérées selon la politique commerciale retenue pour la vente des billets.
Certains viennent pour la journée assister à un match, profitant des facilités de déplacement au sein de
l’Europe. À l’inverse, d’autres viennent en famille ou entre amis pour passer huit à dix jours sur place et ils
profitent de l’occasion pour faire du tourisme dans le pays organisateur.
Des acteurs différents interviennent selon que la structure de l’État-hôte est centralisée ou fédérale.
En France, le ministère de l’intérieur et les préfets sont les interlocuteurs naturels. La fonction régalienne se
manifeste par la réquisition possible de moyens exceptionnels (armée, justice). Le législateur a mis en place,
au fil des années, un arsenal législatif ad hoc pour faire face aux contraintes spécifiques de ces compétitions
internationales.
Pour l’Euro 2016, le système d’organisation français, centralisé avec pour chaque site de
compétition un interlocuteur local unique, le Préfet, est un atout qui rassure les instances internationales
du football.
c. Un cadre européen de plus en plus développé et à l’influence croissante
L’environnement supranational interfère, via l’influence croissante des concepts européens en
matière de sécurité. L’Union Européenne et le Conseil de l’Europe ont produit un nombre important de
textes (conventions, résolutions, directives, décisions, etc.) pour promouvoir la sécurité des rencontres
sportives, créant un état d’esprit qui se diffuse progressivement dans les services de sécurité des pays
européens et dans les instances sportives.
Au plan juridique, un socle de textes est à mentionner, à savoir :
• la convention européenne du Conseil de l’Europe sur la violence des
spectateurs (23 juillet 1985),
• la décision du Conseil de l’UE concernant la sécurité des matchs de
football revêtant une dimension internationale (25 avril 2002),
• les résolutions successives du Conseil de l’UE depuis 2001 concernant
l’adoption d’un manuel pour la mise en place d’une coopération policière.
De plus, les échanges et les coopérations entre les Etats membres
ont permis d’élaborer un corps de doctrine et des normes coordonnées
sur le continent, qui prennent progressivement la forme d’un corpus
juridique européen. Il existe actuellement un programme de travail 20112013 de l’UE visant à réduire au minimum les risques pour la sécurité
lors d’évènements sportifs.
Michel PLATINI,
président de l’ UEFA
Cette influence s’est accentuée depuis 2007 grâce au dialogue
accru qui s’est instauré entre les instances européennes (Commission
et Conseil de l’Europe) et l’UEFA, à l’instigation de son président de
celle-ci, Michel Platini.
La doctrine ainsi dégagée en matière sécuritaire impacte progressivement le contenu du cahier des
charges de l’UEFA.
d.Une question-clé : le point d’équilibre entre sécurité optimale de l’événement et
préservation de son caractère convivial En vue de l’EURO 2016, situer le point d’équilibre entre la sécurité optimale de l’événement
et sa nécessaire convivialité sera un point essentiel et un enjeu d’image pour la France. L’organisateur et
l’État auront à trancher.
La Coupe du monde 1998 n’a connu que deux matchs à incidents sur un total de 64 matches.
Les violences se sont produites à l’extérieur des stades, sans lien direct avec le match proprement dit. Cela
s’est vérifié lors des incidents à Marseille entre supporters anglais et jeunes des quartiers nord ou avec les
très graves blessures infligées à un gendarme mobile par un groupe de skinheads allemands à Lens. Pour
l’avenir, personne n’est à l’abri d’un incident, mais le risque est maîtrisable.
e.Un projet intégré de sûreté et de sécurité structurera l’action conjointe des
pouvoirs publics et de l’organisateur.
Ce projet a déjà fait l’objet d’un important travail conjoint entre le Ministère de l’Intérieur et la
Fédération Français de Football pour l’élaboration du dossier de candidature de la France. La construction
du dispositif opérationnel proprement dit débutera en 2013.
Le projet s’appuie sur l’identification et l’évaluation de douze risques principaux, qui seront actualisés
régulièrement jusqu’en 2016.
Le dispositif de sûreté-sécurité reposera sur les sept piliers suivants :
• la prévention des actes terroristes,
• la sécurité des sites et des groupes sensibles,
• l’accueil des supporters,
• la sécurité dans les stades,
• la sécurité des fan zones,
• la sécurité dans les transports,
• la vigilance sanitaire et le dispositif de santé-secours.
L’émergence et le succès croissant des fan zones depuis la Coupe du Monde 2006 en Allemagne
(retransmission publique gratuite sur grand écran des matches au bénéfice des supporters sans billet et de la
population des villes-hôtes) créent une obligation de sécurité nouvelle. Elle induit la gestion simultanée de
l’ordre public sur deux sites différents à l’intérieur d’une même ville, pour des populations rassemblées de
plusieurs dizaines de milliers de personnes.
La structure de commandement sera centralisée, hiérarchisée, symétrique et compacte, avec
une chaîne courte. Son articulation entre la puissance publique et l’organisateur s’effectuera en miroir.
Le Ministère de l’Intérieur est au sommet de la chaîne, puis chaque échelon de responsabilité publique
trouve un interlocuteur privé de niveau équivalent dans l’équipe d’organisation, en déclinant le processus du
plan national au plan local.
2.
L’organisation de l’Euro 2016 en France : quelques données générales
a.Les objectifs
Les compétitions internationales attirent des spectateurs spécifiques, en général peu violents. L’Euro
est une compétition qui draine plus un public de spectateurs que de supporters.
La candidature de la France à l’accueil de l’Euro 2016 est portée par trois objectifs :
• donner un objectif sportif à l’équipe de France et un objectif fédérateur au football français,
• déclencher un plan national de modernisation des infrastructures sportives françaises, à l’instar
de ce que les Allemands ont réalisé pour la Coupe du Monde 2006,
• optimiser pour la France les retombées extra-sportives (économiques, commerciales, touristiques,
etc.) de l’événement.
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Compte tenu des règles de distribution de la billetterie appliquées par l’UEFA, l’Euro implique la
venue d’un public étranger estimé à environ 40 % des spectateurs.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
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b. L’Euro 2016 enclenche une dynamique de rénovation profonde des infrastructures
L’Euro 2016 est une compétition de grande importance, qualifiable de petite Coupe du Monde. Elle
donnera lieu à 51 matches, répartis sur 30 jours de compétition. L’accueil de la compétition mobilise
dix villes-hôtes parmi les plus importantes de France.
5.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Pascal GARIBIAN
La commission de discipline de la LFP et la
sécurité des grands événements sportifs
M. Pascal GARIBIAN, président de la commission de discipline de la Ligue
de football professionnel (LFP) et ancien arbitre international, a exposé aux préfets
la politique et la jurisprudence de la commission menées depuis qu’il dirige cette
instance en janvier 2009.
1.
Composition et compétences de la commission de discipline
La commission de discpline est un acteur de la lutte contre la violence dans
les stades et à ce titre, son rôle est primordial au sein de la ligue qui affiche une
volonté de fermeté et un objectif clair : mettre hors d’état de nuire des individus
qui ne sont plus des supporters mais des délinquants des stades. Les personnes qui usent d’engins
pyrotechniques et autres violences ne seront plus admis dans les stades.
Se réunissant de façon hebdomadaire, la commission de discipline est nommée pour quatre ans par le
conseil d’administration de la LFP. Elle compte douze membres bénévoles, inamovibles et indépendants
issus de tous horizons dont trois représentants des arbitres, joueurs et entraîneurs.
Sa compétence lui permet de statuer sur :
• tous les faits disciplinaires commis par tous les acteurs (joueurs, entraîneurs, dirigeants) d’un
match professionnel,
• la responsabilité des clubs Ligue 1 et Ligue 2 lors d’incidents avant, pendant ou après un match,
• les violations des règlements de la LFP et de la charte de l’éthique.
L’Euro constitue un événement économique de grande ampleur : 2,5 millions de spectateurs, dont
1 million de spectateurs venant de l’étranger.
La candidature a permis de mettre au jour la volonté d’un grand nombre de villes et de clubs de
rénover leurs infrastructures en profondeur. Malgré l’organisation de la Coupe du Monde de 1998, la France
a pris du retard dans la modernisation de son parc de grandes infrastructures sportives : depuis 1945, soit
en près de 70 ans, la France n’a construit que trois stades de plus de 30 000 places : Parc des
Princes, Stade de la Beaujoire à Nantes, Stade de France.
Pour 2016, quatre stades entièrement neufs doivent être construits à Lille, Lyon,
Bordeaux et Nice. Cinq autres feront l’objet de travaux importants de modernisation. Un
seul, le Stade de France, est aujourd’hui aux normes des grandes compétitions européennes.
c. Des coûts de construction élevés, mais partagés avec le privé dans
une stratégie de rentabilité à long terme
Le coût total des aménagements et constructions est de 1,7 milliard d’euros, dont les deux tiers
pour les stades neufs.
2.
La violence dans les stades : le temps des constats en trois actes
Lors du renouvellement de la commission en janvier 2009, le constat dans son acte 1 est imparable
et préoccupant avec la nette augmentation des engins pyrotechniques utilisés par des supporters lors des
matchs officiels :
• au plan statistique, 1 700 engins pyrotechniques ont été dénombrés lors de la saison 2007-2008
pour passer à près de 2400 en 2008-2009,
• une analyse plus fine montrait que deux clubs totalisaient plus de 50 % des engins jetés ou
allumés et même 80 % des engins comptabilisés concernaient cinq clubs.
Les investissements ne sont pas le seul fait de la puissance publique. L’État apporte aux collectivités
territoriales qui portent les projets une aide financière globale de 168 millions d’euros, soit 10 % de
l’investissement total. 62 % des apports proviennent de financements privés, à travers les montages de
PPP (partenariat public-privé) ou de BEA (bail emphytéotique administratif) choisis par les collectivités
territoriales propriétaires des stades ; pour sa part, le nouveau stade de Lyon doit faire l’objet d’un financement
entièrement privé par le club de l’Olympique Lyonnais.
L’ambition est aussi que les stades deviennent des infrastructures multimodales et non plus
uniquement sportives. Il y a un changement de nature et de pratique sociologique des stades. Ces
perspectives d’utilisation impliquent, dès la construction, la conception d’un business model spécifique.
12
Centre de contrôle et de sécurité dans un stade
13
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Ce phénomène montrait une situation alarmante pour les instances du football français et l’image
de ce dernier avec :
• la propagation du phénomène par mimétisme et contagion,
• la radicalisation des supporters ultras utilisant ce procédé en amont des matchs comme
chantage sur les clubs,
• l’apparition d’un sentiment d’impunité avec des sanctions importantes infligées à cette époque
aux clubs uniquement lors de faits graves, comme suite à la blessure à la main d’un pompier,
• la dangerosité croissante des engins utilisés.
L’acte 2 du constat mettait en lumière des mesures et des discours en contradiction, en particulier
côté clubs professionnels. Ces derniers adoptaient une attitude protéiforme et variable selon le type de
public (dirigeants, supporters, commission de discipline). Le discours officiel de fermeté sur les dérives
violentes du supportérisme laissait place à une posture réelle plus souple incluant la négociation avec les
ultras. Le verdict du moment était sans ambiguïté : un bilan d’échec collectif pour les acteurs du
football.
Enfin, dans un acte 3, le constat montrait que
l’action de l’État n’était pas assez ajustée à la situation.
La gestion du phénomène par les pouvoirs publics
privilégiait l’ordre public.
Le laxisme de certains clubs s’en trouvait de
fait encouragé par une « forme de désintérêt des
autorités », voire parfois une forme d’indifférence. Ainsi
la justice se montrait plutôt insensible aux infractions
liées aux manifestations sportives. Signe révélateur
Les « supras » de la tribune d’Auteuil au Parc des Princes ultime, les interdictions administratives de stades
étaient avant 2009 trop rares et inadaptées.
3.
Le temps du renouveau pour convaincre et agir efficacement
La Ligue et son président, soutenant la commission de discipline, fondaient ce renouveau au plan
préventif comme répressif.
S’agissant de la prévention, une décision du Conseil d’État de 2007 venait justement réaffirmer que
les clubs sont responsables au regard de la loi comme des règlements. Le cas du PSG se situait dans le
non dit, complété d’un usage partisan de la presse. La commission sanctionnait de plus en plus sévèrement
au regard de la répétition des infractions commises par les supporters parisiens.
La procédure menée par la commission de discipline prévoit une écoute systématique des clubs et
une étude de leur défense. Le code du sport sert ainsi de base pour les faits les plus graves. Quand il y
a risque de huits-clos pour un ou plusieurs matchs, l’affaire est mise en instruction écrite et contradictoire
avec le recours à un rapporteur indépendant. La commission est saisie sur rapport d’un officiel de match
et si l’auto saisine est autorisée par les règlements, elle ne s’inscrit pas dans la jurisprudence actuelle.
L’obligation de résultat est rappelée aux clubs à chaque séance de la commission de discipline.
Son rôle est aussi de convaincre et encourager les clubs avec une implication nécessaire des agents de
sécurité. Son président mène en ce sens une action pédagogique de terrain en rencontrant les clubs et
les pouvoirs publics.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
De son côté, la commission applique en toute
indépendance l’ensemble du panel des sanctions
prévues par l’annexe 2 des règlements généraux
de la FFF. À titre d’exemple, le recours à cet arsenal
juridique a permis de sanctionner de matches à huis
clos les clubs les plus récidivistes, jusqu’à l’annonce de
retrait de points pour le club du PSG si les incidents
perduraient au Parc des Princes.
L’impact de cette politique sans concession
Les fumigènes sont un problème réccurent
est fort, mais selon M. Pascal GARIBIAN, la
pour les services de sécurité
commission de discipline agit avec discernement et
rigueur, apportant aussi son soutien aux clubs qui
affrontent courageusement la violence de leurs supporters. Le changement des mentalités enregistré s’est
accompagné de la disparition des zones de non droit dans les stades.
Le relâchement n’est pas de mise car les engins pyrotechniques deviennent plus difficiles à
détecter. Les ultras se sont adaptés en utilisant depuis 2011 moins de feux de Bengale, mais plus de
pétards, petits mais très dangereux.
La lutte contre les supporters radicaux incontrôlables devient ainsi une réalité tangible. Les
plaintes contre personnes dénommées sont encouragées, devenant même un réflexe. L’identification des
auteurs de l’utilisation des EP ou de violences commises dans le stade est en 2012 une volonté partagée par
la majorité des directeurs des opérations de sécurité.
L’action des pouvoirs publics est aussi notable par les instructions données, les modifications
législatives, les circulaires du ministère de l’intérieur et de la Chancellerie :
• la création de la division nationale de lutte contre le hooliganisme complétée des avancées de
la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure LOPSI II,
• elle entraîne une multiplication par deux des sanctions, créations de nouvelles incriminations
comme l’introduction interdite d’engins pyrotechniques dans un stade,
• les pouvoirs publics et les acteurs du football, clubs y compris, par l’adoption de mesures de
coercitions contre des groupes de supporters, agissent de concert pour la sécurité !
Le bilan pour la saison 2010/2011 de cette nouvelle politique est encourageant mais fragile et à
consolider durablement. Une baisse significative et continue se fait ressentir depuis la saison 2008/2009
en ce qui concerne l’utilisation des engins pyrotechniques dans les stades de Ligue 1 et de Ligue 2 :
Saison
LIGUE 1
Faits – Variation en %
2008/2009
2 356
790
2009/2010
1 776 (-40 %)
459 (-70 %)
2010/2011
933 (-90 %)
113 (-300 %)
S’agissant de la nouvelle politique de sanction, l’évaluation des responsabilités s’appuie tout d’abord
sur l’étude des moyens mis en œuvre et de la réactivité des directeurs des opérations de sécurité et des
clubs à identifier et poursuivre devant la justice les « ultras », devenus délinquants.
14
LIGUE 2
Faits – Variation en %
15
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
En corollaire, les sanctions ont été en proportion de la gravité et du nombre d’incidents. Pour
la saison 2009/2010, le montant des amendes infligées était de 475 000 € en L1 et 284 000 € en L2. En
complément, trois huis-clos fermes, cinq huis-clos avec sursis et une suspension de terrain ont été prononcés.
6.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Hubert WEIGEL
Le pilotage préfectoral de la sécurité
lors de grands événements sportifs
M. Hubert WEIGEL, Préfet délégué pour la sécurité et la défense auprès du Préfet de la région
Aquitaine, Préfet de la Gironde, a présenté le rôle central de l’autorité préfectorale lors du pilotage
opérationnel des grands événements sportifs, avant d’évoquer l’organisation sécuritaire du sommet du
G20 qui s’est tenu en novembre 2011 à Cannes.
Les services de police procédant à des arrestations
en marge d’ événements
Lors de la saison 2010/2011, il y a eu 122 amendes fermes pour un total de 361 000 € et 91 dossiers
classés. Les clubs les plus sanctionnés sont Nice en Ligue 1 et Ajaccio en Ligue 2. Pour les matchs à huisclos, deux clubs de Ligue 1 ont été sanctionnés d’un match à huis-clos avec sursis. Le club ayant utilisé le
plus grand nombre d’engins pyrotechniques au cours de la saison 2010/2011 est Montpellier avec 140.
Par contre, la saison 2011/2012 s’avère plus difficile. À l’issue des 23 premières journées, plus de
800 engins pyrotechniques avaient été recensés ; la tendance se situant à la hausse sur la base de la saison
2009/2010. Quatre clubs de Ligue 1 totalisent les deux tiers des engins projetés : Saint-Étienne,
Bordeaux, Montpellier et Nice. Ils ont aussi été l’objet de sanction en proportion, à savoir deux matches à
huis-clos dont un ferme pour Saint-Étienne et un huis-clos partiel à Nice. Le club de Bastia a été lourdement
sanctionné avec la suspension du terrain à titre conservatoire pour
des violences répétées, un match joué à Créteil et trois matches de
suspension avec sursis.
M. Pascal GARIBIAN a clos son propos en rappelant que la
fermeté choisie restera la ligne de conduite de la commission. Vu
son expérience professionnelle et son statut d’ancien arbitre de haut
niveau, le laxisme ou l’aveuglement ne sauraient être de mise, encore
moins l’existence de zones de non droit dans les enceintes sportives
Le « carton rouge »
où les supporters ont d’autres modes d’expression que la violence pour
encourager leur équipe favorite. La ligue de football professionnelle, par sa commission de discipline,
est avec les autorités un acteur incontournable pour lutter contre les délinquants des stades.
1.
Le Préfet, un acteur au cœur du pilotage opérationnel des grands événements sportifs
Le pilotage opérationnel des grands événements sportifs nécessite une gestion élargie et
transversale de la sécurité, avec un rôle clé des préfets ainsi que des directeurs départementaux de la
sécurité publique et des commandants de groupement de la gendarmerie nationale.
a.La gestion transversale de la sécurité en amont de l’événement sportif
Dans le prolongement du propos du Préfet Jacques LAMBERT, M. Hubert WEIGEL a précisé que le
travail partenarial en matière de sécurité de l’événement sportif considéré doit s’opérer impérativement
en amont, car les moyens publics sont plus contingentés pour encadrer des matches à risques.
L’État a le devoir d’adapter, de rénover et de renouveler les pratiques opérationnelles pour être
plus efficient, ou autrement dit « faire mieux avec autant, voire moins ». Le préfet s’appuie pour cela
sur l’expérience professionnelle des policiers et gendarmes. Il est bien évidemment amené à solliciter les
principaux autres responsables, en particulier ceux des clubs, ce qui est encore récent dans les pratiques.
La transmission d’un message du préfet sur la stratégie de sécurité commune à toutes les forces
et acteurs par rapport aux risques d’un événement est essentielle pour entraîner l’adhésion des
partenaires, même si celle-ci doit parfois être forcée.
Un autre pan de la stratégie doit être aussi mieux intégré :
l’apport de la sécurité civile à travers les interventions des sapeurspompiers et des effectifs de la Croix-Rouge. Elle permettra de
garantir et d’apporter le secours et le soutien aux diverses catégories
de population et de foule impliqués dans l’événement.
La préparation des matches à risque rend indispensable
l’invitation des responsables de clubs aux réunions des autorités publiques. Ces réunions de coordination,
en particulier celles qui ont un caractère stratégique, sont
présidées par le préfet de façon à pouvoir adresser un message
pédagogique vers certaines catégories de supporters.
Il est utile de cibler en particulier les « tifos », dont la
coutume est de déployer une grande banderole en tribune
peu de temps avant le début du match. Cet instant clé d’un
événement sportif est aussi un moment propice pour l’allumage
d’engins pyrotechniques, multipliant les risques d’incendies en
tribunes.
M. Pascal GARIBIAN
partageant son savoir
avec les préfets
L’association de l’autorité judiciaire, dont la culture n’est
Tifos lors d’un match Marseille- Le Mans
pas forcément imprégnée du football, est aussi un facteur clé
pour arriver à sensibiliser les décideurs sur l’importance de sanction en cas d’incidents pour garantir l’ordre
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
public. Le préfet peut avoir un rôle pour porter à la connaissance de l’autorité judiciaire les informations et
données stratégiques dont il dispose.
PC tactiques pour exécution. Le PCO disposait d’une retransmission d’image vidéo prise par l’hélicoptère
de la gendarmerie nationale et permettait au chef du dispositif de prendre des décisions avec une information
actualisée.
Cette approche transversale doit également prendre en compte l’impératif de renseignement et les
mesures préliminaires, par exemple les restrictions en matière de vente d’alcool dans les épiceries et débit
de boissons. Le maire a aussi un rôle important à jouer : il est également essentiel que le message soit
coordonné avec celui de l’État.
b.Le plan d’action sécuritaire et son phasage par rapport au match
Ce phasage s’adresse en premier aux services de police et de gendarmerie pour qu’ils se trouvent
dans les meilleures dispositions pour assurer leur mission. Le préfet, par sa présence, apporte un plus
en « créant la dynamique nécessaire » à la mobilisation des effectifs locaux, en n’oubliant jamais la
légitimation des patrons de police vis-à-vis des directeurs de stade et les directeurs de clubs.
La présence de l’autorité administrative lors de l’événement à risque est primordiale. Son
positionnement doit être au poste de commandement opérationnel (PCO) dont la place est variable en
fonction des stades qui peuvent être plus ou moins bien dotés en la matière. À travers sa position, l’autorité
administrative doit, au besoin, communiquer avec l’autorité judiciaire pour la meilleure prise en compte
possible des éléments procéduraux relevés par les unités opérationnelles à la suite d’infractions à la
loi.
Les sections d’intervention rapide (SIR) de la division nationale de lutte contre le hooliganisme
jouent un rôle important. L’autorité préfectorale peut ainsi gérer simultanément des événements en
périphérie lointaine et le match lui-même.
La gestion de la fin de l’événement doit aussi se réaliser en fonction d’un phasage élaboré au
préalable, selon les étapes suivantes :
• Phase 1 : le départ des sportifs et de leur encadrement,
• Phase 2 : le départ des supporters, qui présente un risque pour éviter les mélanges de flux,
• Phase 3 : préserver l’infrastructure, en laissant au besoin des moyens de sécurité selon le
déroulement du match et de ses suites éventuelles.
L’autorité préfectorale se situait au PCO à une seule exception près, lors d’une manifestation à Nice
ou sa présence au PC tactique était devenue stratégique pour assurer une liaison optimale avec le maire de
la ville, M. Christian ESTROSI et son équipe municipale.
Sur le plan opérationnel, le dispositif général de sécurité s’étalait sur toute la côte méditerranéenne
avec quatre points majeurs focalisant l’attention des autorités :
• Nice et le Cap d’Agde où un dispositif particulier était destiné à gérer les manifestations des
altermondialistes et l’attitude des élus locaux sensibles à la préservation de l’image de leur ville
en cas de violences, voire de scène de pillage,
• L’aéroport de Nice,
• La préservation d’une route stratégique, l’autoroute A8, l’itinéraire de secours étant davantage
fait pour rassurer,
• La ville de Cannes, dernier point où se déroule le sommet en présence des délégations.
Pour le site de Cannes, trois zones avaient été constituées : la zone de sécurité absolue à l’intérieur
de laquelle les chefs d’État se trouvaient, la zone de sécurité renforcée et la zone de sécurité.
Sur l’événement du G20 de Cannes, la qualité et le rôle des services de renseignements, via la
Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et la sous-direction de l’information générale (SDIG)
de la sécurité publique, sont à mettre en exergue. Leur apport a été essentiel puisque leur travail a permis de
réguler très en amont l’ordre public sur ce type d’événement à retentissement mondial en neutralisant
un début de manifestation, comme cela a été le cas avec des partisans de la cause tibétaine tentant une
action à proximité de l’hôtel des délégations.
La démarche pédagogique peut être formalisée par le préfet dans un espace-temps situé peu après le
match pour faire un retour d’expérience et évaluer les marges de progressions avec les responsables des
forces de sécurité qui ont participé à l’événement.
M. le Préfet Hubert WEIGEL a rappelé que le pilotage de la sécurité des événements sportifs est
une moyen idéal pour l’État de réaffirmer sa place, alors que certains dirigeants de clubs et d’association,
n’assument pas entièrement leur rôle et leur responsabilité.
2.
Un autre regard sur le pilotage préfectoral de grands événements : le sommet économique
du G20 à Cannes en 2011
Désigné par le directeur de cabinet du ministre, M. le Préfet Hubert WEIGEL a été en appui du
Préfet des Alpes-Maritimes pour préparer et gérer le sommet du G20 qui s’est tenu à Cannes les 3 et
4 novembre 2011.
Sommet du G20 à Cannes
Depuis un an une cellule dirigée par un administrateur civil et comprenant un gendarme, un
policier et un militaire réserviste en charge de l’aspect sécurité civile avait déjà bien entamé le travail
de réflexion transversal et de gestion opérationnelle concernant le sommet du G20. L’interrogation était
de savoir d’où pourraient venir les difficultés opérationnelles avec les entités et partenaires de l’État.
Pour cet événement, l’organisation du commandement pouvait servir de référence puisque le poste
de commandement opérationnel (PCO) élaborait et définissait la stratégie puis les ordres relayés aux
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19
7.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Jean-Louis FIAMENGHI
Le pilotage opérationnel de la sécurité par
la Préfecture de Police
M. le Préfet Jean-Louis FIAMENGHI, directeur de cabinet du Préfet de Police,
présente la stratégie opérationnelle appliquée à Paris dans l’année 2010 pour
rétablir avec force et fulgurance une situation sécuritaire devenue préoccupante lors
des matchs du Paris-Saint-Germain à domicile.
1.
Le supportérisme parisien en 2010, une situation hautement instable
Lors des premiers mois de l’année 2010, le constat était net : la violence
à l’extérieur du Parc des Princes était croissante avec la multiplication des
incidents amplifiés par la consommation d’alcool et l’usage de produits
stupéfiants et des difficultés récurrentes à contrôler à chaque match une foule à
risque de 1 000 à 1 500 supporters épris de boissons.
Durant 2 mois en fin de saison 2009-2010, les observations de terrain faisait
apparaître que le dispositif policier demeurait trop statique, défensif, face à des groupes de supporters
violents, vindicatifs, n’hésitant plus à provoquer les forces de l’ordre avec un ascendant psychologique
certain. Il apparaissait clairement que les autorités publiques devaient inverser cet élément psychologique.
Les blocs de supporters potentiellement violents concentrés dans les tribunes d’Auteuil et de
Boulogne avaient fait émerger une logique de territoire. Les forces de polices, positionnées à l’extérieur
de l’enceinte et sans contact avec les tribunes, avaient de fait peu de maîtrise sur le comportement de ces
groupes. Les interpellations possibles ne pouvaient que s’inscrire dans un contexte judiciaire, exercice
aux limites hélas connues et que les forces de maintien de l’ordre ne peuvent maîtriser. D’autres
modes d’action devaient être étudiés.
2.
Le redressement spectaculaire à l’orée de la saison 2010-11
À l’issue de cette phase et en vue de la saison à 2010-11, un virage stratégique sur l’approche sécuritaire
des matches du Paris Saint-Germain (PSG) était décidé pour éclater les blocs de supporters violents
des deux tribunes considérées. Deux axes majeurs sont venus incarner cette stratégie élaborée en étroit
partenariat avec la direction du PSG : la mise en place d’un système aléatoire de vente de billets et un
discours de fermeté.
Sous la férule de M. Michel BART, directeur de cabinet du ministre de
l’intérieur et du Préfet de police Michel GAUDIN, un travail préparatoire d’analyse
et de négociation était entamé avec les parties prenantes (la Préfecture de police,
le club, etc.) pour connaître et identifier les forces et faiblesses des dispositifs.
Une communication a été réalisée pour afficher clairement et à l’avance
les intentions des autorités de l’État à l’égard des groupes de supporters ciblés.
Ce travail en amont a été mené avec M. Robin LEPROUX un mois avant la reprise officielle des matchs de
Ligue 1.
Fort de 300 à 600 agents, l’important service de sécurité privé du Paris-Saint-Germain a été
associé à cette nouvelle politique pour travailler en partenariat à travers une série de réunions destinées
à contribuer à l’élaboration du nouveau dispositif de sécurité. L’action du service de sécurité privé est
primordiale à l’intérieur.
20
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Sur la base de renseignements fournis par la direction du renseignement de la Préfecture de police,
alertant les autorités sur des projets d’actions, une importante opération était décidée lors du match PSG/
Saint-Étienne.
La direction de la police générale proposait un cadre juridique d’interpellation pris sur la base
d’un arrêté d’urgence de courte durée en cas d’événements graves. Un PV type était réalisé et distribué
aux procéduriers de l’antenne STADE.
Cet arrêté évitait la procédure contradictoire et avait comme avantage énorme de devenir exécutoire
dés sa notification.
Comme espéré la tactique retenue par la Préfecture de police a parfaitement fonctionné puisque, dès
le premier match à domicile du PSG pour la saison 2010-2011, une opération spectaculaire et hors
norme conduisait à l’interpellation préventive de 400 à 450 personnes rassemblées et violentes. Des
cars de transfert avaient été dédiés pour le transport des interpellés et la notification des arrêtés.
M. Jean-Louis FIAMENGHI a souligné qu’aucun des arrêtés pris en urgence ne fut contesté à
l’exception de certains devenus contradictoires.
3.
Les facteurs clés de la nouvelle approche stratégique
La réussite de cette action, pouvant être analysée par certains comme « un coup de bluff », fut
d’interpeller préventivement les groupes de supporters régentant les tribunes Boulogne et Auteuil,
avant qu’ils ne progressent et affrontent les forces de sécurité sur les barrages.
Cette action a permis d’éloigner pendant 45 jours l’ensemble des interpellés et provoqué surprise et
stupéfaction.
Cette approche stratégique nouvelle nécessitait pour le préfet d’être au cœur et au contact du
dispositif de sécurité, conçu comme un dispositif de gestion de crise. Depuis le briefing de l’ensemble
des forces l’après-midi du match puis pendant le match, M. JeanLouis FIAMENGHI a pu expliquer les enjeux et donner des directives
précises pour le commandement des forces permettant des prises de
décision directes.
Cette opération d’envergure, inédite dans son approche et dans sa
réalisation, a pu paraître risquée sur le plan du droit mais la situation l’exigeait.
Son succès a conforté les décideurs publics dans leur choix
Le préfet de police a pu démontrer la détermination de l’État face à
la provocation de quelques dizaines de supporters violents.
Ce succès a permis de reconfigurer le dispositif d’ordre public lors
des
matchs
du Paris-Saint-Germain pour le rendre plus mobile, réactif et
M. Bernard BOUCAULT est
le nouveau préfet de police
évolutif en fonction des matches. Avant les matches, une partie du dispositif
nommé en 2012
occupe l’espace pendant que les effectifs en civils notamment grâce aux
caméras vidéo observent très en amont les regroupements des groupes à risques qui sont immédiatement
« encagés » dés leurs tentatives de provocation.
À ce jour, depuis maintenant deux ans et suite au décès de Yann LORENCE, la situation est apaisée
et le nombre de forces employées a diminué de plus d’un tiers.
21
8.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Antoine BOUTONNET
L’apport opérationnel de la Division
Nationale de Lutte contre le Hooliganisme
Face à la radicalisation observée du comportement des supporters à la fin du championnat de football
professionnel 2008-2009, le ministre de l’intérieur a souhaité mettre en place une structure de lutte contre
le hooliganisme et les violences péri-sportives. L’objectif est de passer d’une logique d’ordre public à
une logique d’interpellation afin de neutraliser les « pseudos supporters » qui commettent de multiples
infractions dans et aux abords des stades. En octobre 2009, la Division Nationale de Lutte contre le
Hooliganisme dirigée par le commissaire de police Antoine BOUTONNET a été créée au sein de la
Direction Centrale de la Sécurité Publique.
1.
3.
Compte tenu de la transversalité de son action, qui va de la sphère du renseignement jusqu’à celle
de l’ordre public, la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme est rattachée au Directeur
Central Adjoint de la Sécurité Publique.
Les Sections d’Intervention Rapide (SIR) Produits de la DNLH, les Sections d’Intervention Rapide sont destinées à prévenir les éventuels
incidents survenant à l’intérieur des stades à l’occasion des rencontres de football et à en interpeller les
auteurs si nécessaire. L’action des SIR caractérisée par une présence dissuasive dans les stades s’intègre
dans les dispositifs d’ordre public prévus dans les stades et
ne se substitue pas à celle de l’organisateur.
La coopération au delà de nos frontières
L’action de lutte contre le hooliganisme dépasse nos frontières. Une structure opérationnelle
d’analyse et de renseignement de rayonnement européen, les Points Nationaux d’Information Football,
permet l’échange du renseignement opérationnel « ex ante » et l’analyse « ex post » des phénomènes
de violences péri-sportives. La coopération internationale policière en matière de violence à l’occasion
des matchs de football a initialement été formalisée dans un manuel de coopération du 6 décembre 2001,
« Handbook », puis normée par une directive européenne d’avril 2002 (2002/348/JAI).
Les grands principes de la coopération internationale sont les suivants :
• un point d’entrée et de sortie unique de renseignements liés aux déplacements de supporters
à l’occasion d’une rencontre de football ou d’un événement majeur de portée internationale :
les Points Nationaux d’Information Football (PNIF). Il est intégré à la Division Nationale de
Lutte contre le Hooliganisme,
• des échanges d’éléments opérationnels entre les différents PNIF,
• la mise en place d’une coopération effective entre les États, par l’envoi de policiers spécialisés,
« spotteurs », dans la détection de groupes à risque,
• des échanges d’informations à caractère personnel entre les États à l’occasion d’un événement
majeur,
• l’alimentation d’une base de données dédiée à l’information opérationnelle entre les PNIF et
hébergée au sein du PNIF des Pays-Bas,
• l’analyse de l’évolution du hooliganisme en Europe au sein d’un « think tank ».
Les trois missions de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme
Les missions sont de trois ordres :
• mieux coordonner les capacités de renseignement avec les acteurs responsables de la sécurité
sur le terrain,
• mieux identifier les cas individuels à risque, afin de pouvoir les interpeller et les sanctionner,
non seulement sur le plan administratif, mais aussi sur le plan judiciaire,
• apporter aux préfets un appui renforcé en termes d’organisation des dispositifs d’ordre public
et d’identifications.
2.
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
4.
Point de situation à la première moitié de la saison 2011-2012 du championnat de football
professionnel
L’action intensive menée ces deux dernières années dans le cadre de la lutte contre le hooliganisme et
les violences péri-sportives porte ses fruits, notamment dans la stratégie d’interpellation, systématisée et
substituée progressivement à celle du Maintien de l’Ordre stricto sensu.
Le nombre d’interpellations dans et aux abords des stades a augmenté de 17 % entre 2010 et
2011. 474 personnes ont été interpellées lors de la 25e journée de championnat professionnel : 408 en ligue 1
(216 dans le stade et 192 aux abords), 67 en ligue 2 (52 dans le stade et 15 aux abords).
Vêtus d’une tenue sportive, les policiers composant
cette unité sont clairement identifiés par un flocage « police
nationale ». Capables d’intervenir dans toutes les zones à
l’intérieur du stade (pelouse, coursives, pénétrantes, tribunes...),
les SIR participent à l’identification des supporters à risque
et à celle des fauteurs de troubles en cas d’incidents, grâce
MM. Hubert WEIGEL et Antoine BOUTONNET
notamment aux moyens vidéo dont les effectifs sont dotés.
En 2012, 318 policiers sont habilités et formés pour agir au sein des 14 Sections d’Intervention
Rapide actuellement opérationnelles (douze en ligue 1 et deux en ligue 2). Elles réalisent près de 50 % des
interpellations dans l’ensemble des stades de ligue 1 et de ligue 2.
Motifs des interpellations lors de la 25e journée de L1 et lors de la 18e de L2 de la saison 2011-2012
22
23
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
5.
Les mesures administratives sont renforcées
L’arsenal législatif a été renforcé par la loi du 2 mars 2010, dite « loi sur les bandes », et surtout
par la LOPPSI 2 du 14 mars 2011. L’autorité préfectorale dispose maintenant d’outils plus efficaces et
permettant la prise de décisions graduées.
Les mesures d’interdictions administratives de stade ont augmenté de manière significative.
Complexes et inadaptées avant 2009, les motivations permettant à l’autorité préfectorale de prendre des
arrêtés d’interdiction administrative de stade ont été revues par le législateur pour plus d’efficacité.
En 2012, 401 personnes font l’objet d’une mesure d’interdiction administrative de stade : 274 d’entre
elles sont administratives (IAS) et 127 judiciaires (IJS).
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
• L’association « Butte Paillade 91 » a été suspendue d’activité pour une durée de quatre mois
par le décret du Premier ministre en date du 31 janvier 2011. Cette décision a fait suite à la saisine
de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations
sportives par le ministre de l’intérieur, consécutive à des actes répétés de dégradations de biens et
de violences sur des personnes. Le Conseil d’État a rejeté le 12 avril 2011 recours en annulation
déposé par cette association le 9 mars 2011 ;
• Dans son arrêt du 7 mars 2011, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a
définitivement dissout l’association « Boulogne Boys ». Cette association avait été dissoute
par décret du Premier ministre le 17 avril 2008, après le déploiement d’une banderole injurieuse
le 29 mars 2008, lors de la finale de la coupe de la ligue opposant le PSG au RC LENS au stade de
France : « Pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenue chez les ch’tis ». Le club de supporters
avait déposé un recours en annulation auprès du Conseil d’État qui l’a rejeté le 25 juillet 2008.
• Le Conseil d’État avait également été saisie d’un recours en annulation pour le décret du
28 avril 2010 concernant la dissolution de la « Brigade Sud de Nice ». Ce recours avait été
rejeté par décision du 1er juin 2011.
La collaboration étroite entre les instances du football - la Ligue de Football Professionnel, les clubs
- et les services de l’État, les nouvelles mesures législatives introduites par la LOPPSI 2 du 14 mars 2011
et la mise en œuvre du triptyque « identification - interpellation - sanction » constituent les trois axes
essentiels de la lutte contre le hooliganisme et les violences péri-sportives. Ce modèle, mis en place en
2010 et observé avec attention par nos voisins européens, donne déjà des résultats significatifs, qui ne seront
consolidés qu’en maintenant l’action engagée.
Mesures d’interdictions administratives et judiciaires de stade à la 25e journée de championnat
Pour les interdictions de déplacement de supporters, le ministre de l’intérieur a pris un arrêté
interdisant le déplacement de supporters parisiens à Marseille, pour le match communément appelé
« Classico », opposant l’équipe de l’Olympique de Marseille à celle du Paris Saint-Germain, du samedi
26 novembre 2011. Le ministre a également pris un arrêté du même type pour interdire cette fois le
déplacement de supporters marseillais à Paris, pour le match retour du samedi 7 avril 2012. En parallèle,
le Préfet de police et le Préfet des Bouches-du-Rhône ont également édicté des arrêtés interdisant l’accès
de supporters « visiteurs » ou de personnes se déclarant comme tels, dans et aux abords des stades
concernés.
Banderole injurieuse affichée par l’association «Boulogne Boys»
lors d’un match Paris- Lens
Il n’y a pas eu de mesures administratives prises à l’encontre de groupes de supporters en première
moitié de saison 2011-2012. En revanche, durant les deux dernières saisons, sept structures de ce type ont
été dissoutes et une suspendue d’activité pendant quatre mois.
L’ensemble des associations et groupements de fait ont été débouté de leurs recours en annulation
après s’être adressé à la juridiction administrative concernée. Sur la sphère contentieuse, l’année 2011 a
été riche en enseignements, comme en témoignent les trois décisions suivantes :
24
25
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
9.
Jean-Pierre HUGUES & Laurent TOUVET
Le préfet, clé de voute de la sécurité
des grands événements sportifs
M. Jean-Pierre HUGUES, Préfet référent de cette journée consacrée à la
sécurité des grands événements sportifs, a animé le brainstorming destiné à
identifier les bonnes pratiques et points clés pour conseiller l’autorité préfectorale.
Dans la perspective de l’EURO 2016 en France, les préfets ont dégagés une série
de réflexions sur le pilotage sécuritaire de ce type de manifestations.
Ballon de l’Euro 2012
1.
M. Jean-Pierre HUGUES, actuellement directeur général de la LFP, a félicité les
représentants de l’État pour leur engagement dans la lutte contre le hooliganisme,
ainsi que les mesures prises depuis 2009, en faisant un parallèle avec le retournement
de tendance constaté en matière de lutte contre l’insécurité routière.
L’apport des sanctions administratives et les incidences judiciaires
M. Laurent TOUVET, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, a souligné l’efficacité
des nouvelles sanctions administratives offertes aux autorités, l’interdiction de stade et la dissolution
ou la suspension d’activité des associations ou des groupements de fait de supporters.
En raison de l’exigence de protéger les libertés publiques et eu égard aux risques de recours contentieux
introduits contre ces mesures, la constitution du dossier doit respecter une grande rigueur juridique.
Notamment, il convient de veiller à la matérialité des faits reprochés et à leur imputabilité à l’association
ou au groupement de fait. Des éléments tels que les attributs vestimentaires, le déploiement d’une banderole
ou des traces de peinture dans le local de l’association peuvent constituer des indices permettant d’établir
un lien entre les individus et l’association incriminée.
Seuls les faits limitativement énumérés par l’article L. 332-18 du code du sport permettent d’engager
une procédure de dissolution ou de suspension d’activité : il faut des actes répétés ou un acte d’une
particulière gravité et qui sont constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou
d’incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation
sexuelle, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou
une religion déterminée. La simple tentative ne suffit pas, ni l’utilisation de fumigènes s’ils n’ont pas
entraîné de dégradations de biens.
Les pièces transmises par l’autorité préfectorale doivent être le plus précises possibles et il est conseillé,
à cet égard, de fournir tout élément utile tel que des rapports circonstanciés, plutôt que des synthèses.
Celles-ci ne peuvent être pertinentes que si elles sont suffisamment détaillées et précises.
M. Laurent TOUVET a rappelé que les mesures adoptées s’appuient sur le risque encouru en raison
de précédents récents. Or, du fait de l’efficacité du mécanisme, les derniers faits graves constatés s’avèrent
relativement anciens, d’où peut être des difficultés potentielles à l’avenir pour construire des dossiers
pertinents en l’absence de faits nouveaux.
M. le Préfet Michel BART a souligné l’augmentation des mesures de police administrative prises
avec des décisions favorables du juge administratif ; sept dissolutions ayant été prononcées en 2010.
26
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
M. le Préfet Jean-Paul BONNETAIN a relevé la question du contentieux indemnitaire régi par le
principe de la responsabilité sans faute de l’État, avec une indemnisation par l’État, si l’organisateur n’est
pas assuré.
M. Jean-Pierre HUGUES a observé que suite aux décisions prises par la ligue de football professionnel
(prononcé de huit clos par exemple), le juge judiciaire et le juge administratif confortaient le plus souvent
les mesures de régulations ou de sanctions adoptées par les autorités sportives. Ce constat est également
vrai dans les cas et territoires sensibles comme Marseille et Bastia.
2.
L’utilisation renforcée des pouvoirs de police générale du Préfet
M. Michel BART, secrétaire général du Ministère de l’intérieur, rappelle l’importance de l’utilisation
des pouvoirs de police administrative du Préfet pour la sécurité des évènements sportifs à risque. Un
dialogue efficace entre les préfectures et la direction des libertés publiques est nécessaire.
M. le Préfet Christophe MIRMAND a évoqué
la nature juridique de l’enceinte dans laquelle se
déroule l’évènement et l’impact éventuel sur le
pouvoir des Préfets, citant le cas du futur stade de
Lyon qui sera sous statut de droit privé. Le champ du
Code des sports reste tout de même large pour prendre
en compte cette spécificité
M. le Préfet Pascal LELARGE observe que le
renforcement des mesures restrictives en matière
de vente d’alcool est un levier d’action majeur.
L’État a parfaitement amélioré son approche.
Nouveau Stade de Lyon
M. le Préfet Raphaël LE MÉHAUTÉ a relevé
l’importance de l’argumentation juridique
préalable d’une mesure de police pour éviter son invalidation par le juge administratif. La motivation
étayée, détaillée et proportionnée de la décision préfectorale, est primordiale à cet égard et tient
évidemment compte de la menace générée par l’évènement et sa nature.
M. le Préfet Éric PILLOTON a souligné la nécessité de réduire les risques d’incident, à l’image
pénalisante pour les villes accueillant de grands évènements. Le triplement des zones à sécuriser (le stade
et ses abords, le « fan zone » et l’hyper centre ville) lors d’un match international nécessite créativité
et imagination dans un contexte de ressources contingentées (limitation des forces mobiles attribuées).
Quelques pistes peuvent être explorées comme le recours plus massif aux réservistes et le recours de
ressources de sécurité privée avec en corollaire un débat de fond.
3.
Le recours ciblé à la prévention situationnelle et l’apport des bonnes pratiques
M. le Préfet Jean-Pierre CAZENAVE-LACROUTS a suggéré de profiter en termes de prévention
situationnelle de la fenêtre de tir qui va s’offrir avec la construction ou la rénovation de stades en vue de
l’Euro 2016. M. le Préfet Pascal LELARGE a insisté sur l’utilisation optimale de la vidéosurveillance, et
la nécessité d’accompagner les élus et services techniques des collectivités lors de l’installation de matériel
de ce type dans et à l’extérieur des stades concernés par l’Euro 2016.
Mme la Préfète Fatiha BENATSOU et M. le Préfet Marcel RENOUF ont insisté sur l’apport du
renseignement en amont de l’évènement et le recours approprié aux outils de communication. En vue de
l’Euro 2016, une formation spécifique des équipes préfectorales en charge des sites serait opportune.
27
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
M. le Préfet Pierre N’GAHANE a proposé la rédaction d’un guide de bonnes pratiques pour
l’organisation et la sécurité des grands évènements. L’idéal serait que cet outil puisse capitaliser l’expérience
acquise et se construire en étroite liaison avec les forces de l’ordre et le mouvement sportif.
Annexe
En clôturant la journée de réflexion, M. le secrétaire général a tout d’abord salué l’action de la ligue
de football professionnel et son président M. Frédéric THIRIEZ. Il a insisté sur trois éléments clés pour
assurer efficacement la sécurité des grands évènements sportifs :
• une mobilisation coordonnée et concomitante des acteurs publics et privés concernés avec
une approche transversale de l’ordre public et les apports de tout l’arsenal juridique à mobiliser
avec discernement,
• un positionnement clair et très impliqué du Préfet, avec l’appui opérationnel des
directeurs de cabinet et directeurs départementaux de sécurité et un apport en conseil
de l’administration centrale. Le corps préfectoral a aussi à faire preuve d’inventivité pour
maximiser la coordination et la mobilisation des acteurs.
• la liaison entre deux types d’évènements rythmant le football : le championnat national et
l’Euro 2016. La France a intérêt à ne pas avoir d’incident majeur sur les matchs nationaux d’ici
l’Euro 2016, car toute faiblesse rejaillirait sur la préparation de cet évènement international à
fort enjeux stratégiques. Éviter les incidents d’ici 2016 est un devoir collectif pour les autorités
publiques et les acteurs du football.
Jean- Pierre HUGUES
Préfet référent
Directeur général
de la Ligue de Football Professionnel
Jean-Martin JASPERS
Directeur du CHEMI
Principales circulaires du ministère de l’intérieur concernant l’action de police et
de sécurité dans le cadre des grands événements sportifs.
1. Circulaire du 1er juillet 2010 concernant la lutte contre les violences à l’occasion des
manifestations sportives. NOR IOCK1016332J
La circulaire rappelle les outils et structures créés pour répondre aux exigences particulières du
maintien de l’ordre autour des événements sportifs:
« De nouveaux outils opérationnels et juridiques ont été mis en place, avec la création de la
division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) et des sections d’intervention rapide, et avec
la loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes
chargées d’une mission de service public qui a renforcé l’efficacité des mesures d’interdiction administrative
de stade. »
Le fondement de l’action de police lors de grands évènements sportifs repose sur le triptyque
« identification – interpellation - sanction ».
La circulaire rappelle pour finir les trois principes d’action pour garantir la sécurité des événements
sportifs. Le premier consiste à « conforter l’approche opérationnelle », le deuxième, à « renforcer les
relations avec les clubs » et le troisième à « utiliser différentes mesure de police administrative mises
en oeuvre en 2009 et 2010 ».
2. Circulaire d’application de la LOPPSI en ce qui concerne les pouvoirs de police
administrative du 28 mars 2011. NOR IOCD1108864C
• Interdictions administratives de stade
« Alors que la durée des interdictions administratives était de 3 mois lors de sa création en 2006
et qu’elle a été portée à 6 mois par la loi du 2 mars 2010, la LOPPSI porte cette durée maximale à douze
mois (2° de l’article 64). En cas de réitération de faits analogues dans les trois ans qui suivent une précédente
interdiction administrative, une nouvelle interdiction administrative peut être prononcée pour une durée
fixée à 12 mois par la loi du 2 mars 2010; la LOPPSI la porte à 24 mois ( 2° de l’article 64). »
• Obligation de pointage
« La LOPPSI (1° de l’article 62) modifie la rédaction de l’article L.332-11 pour que le juge judiciaire ait
l’obligation d’assortir les interdictions judiciaires qu’il prononce de cette même obligation de pointage,
destinée à assurer le caractère effectif de la sanction pénale.
En outre, la LOPPSI dispose (1° de l’article 62 et 3° de l’article 64) que tant la décision judiciaire que
l’arrêté administratif d’interdiction de stade peuvent prévoir que l’obligation de pointage vaut aussi au
moment de certaines manifestations sportives se déroulant sur le territoire d’un État étranger. »
• Communication de la liste des personnes interdites de stade
« La LOPPSI associe désormais les clubs sportifs et les fédérations au respect des interdictions de
stade. Tant les décisions judiciaires (article 63) que les décisions administratives (4° de l’article 64) seront
désormais systématiquement communiquées aux fédérations sportives et aux clubs sportifs concernés. La
communication aux associations de supporters reste une simple faculté, dont vous apprécierez l’opportunité
selon le degré de fiabilité et de responsabilité de ces associations.
En outre, l’identité des personnes interdites de stade (...) peut désormais être communiquée aussi aux
autorités d’un pays étranger lorsque celui-ci accueille une manifestation sportive à laquelle participe une
équipe française. »
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Annexe
La journée du CHEMI sur la sécurité
des grands événements sportifs en images
• Restriction à la liberté d’aller et venir de certains supporters
« L’article 61 permet aux préfets – et à Paris au préfet de police – de restreindre la liberté d’aller
et venir de personnes se prévalant de la qualité de supporter ou se comportant comme tels et dont la
présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public. »
« L’article 60 permet au ministre de l’Intérieur d’interdire le déplacement individuel ou collectif de
personne se prévalant de la qualité de supporters ou se comportant comme tels et dont la présence est
susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public. »
• Dissolution ou suspension d’associations de supporters
La dissolution est possible depuis la loi du 23 janvier 2006.
« La suspension d’association de supporters obéit à la même logique, mais pour des faits moins graves.
Elle a été introduite par la loi du 2 mars 2010 (...). A l’instar de ce qui existe déjà pour les associations
dissoutes, la LOPPSI (article 65) pénalise le fait d’organiser les activités d’une association suspendue
d’activité ou de participer à ces activités. »
• Fouilles réalisées par les agents de sécurité privée et certains agents de la ville de Paris
« L’article 95 abaisse à 300 personnes (au lieu de 1500 auparavant) le seuil à partir duquel un
rassemblement justifie la réalisation des contrôles mentionnés à l’article 3-2 [de la loi du 12 juillet 1983] »
« Cet article permet en outre aux agents de la ville de Paris chargés d’un service de police d’inspecter et,
le cas échéant, de fouiller les bagages à main dans les conditions prévues par l’article 3-2 de la loi du 12
juillet 1983. »
La salle du Conseil d’administration de la Ligue de Football Professionnel qui accueille habituellement les
présidents de Clubs a abrité les travaux de réflexion du groupe préfectoral consacrés
à la sécurité des grands événements sportifs
Les Préfets lors du déjeuner débat présidé par le Secrétaire Général du ministère de l’intérieur
30
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Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
La sécurité des grands événements sportifs
Journées d’Études et de Réflexion Actes 16
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Préfet
Aparté avec M. le Préfet Hubert WEIGEL, ancien directeur central des CRS et
responsable de la sécurité du G20 de Cannes
M. Rémi THUAU, Président Directeur Général de CIVIPOL et
M. Jean-Paul BONNETAIN, Préfet de l’Yonne
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MM. les préfets Hubert WEIGEL et Michel BART, entourant
M.Antoine BOUTONNET et M. Jean-Pierre HUGUES
M. le Conseiller d’État Laurent TOUVET, M. le Préfet Jean-Pierre CAZENAVE-LACROUTS et
Mme Fatiha BENATSOU, Préfète déléguée pour l’égalité des chances auprès du Préfet du
Val-d’Oise
ERT,
LAMB
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pilotage
M. Ja
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Préside l’EURO 2016
de
M. Raphaël LE MÉHAUTÉ,
Préfet délégué pour l’égalité
des chances à la Préfecture des
Bouches-du-Rhône
M. Pierre N’GAHANE,
Préfet des Ardennes
32
MM. les Préfets Jean-Paul BONNETAIN, Pascal LELARGE, Marcel RENOUF et
Christian CHOCQUET
33
M. Jean-Louis FIAMENGHI,
Préfet, Directeur de cabinet du
Préfet de Police
Fort de Charenton 94706 MAISONS-ALFORT
Place Beauvau 75800 PARIS Cedex 08
 01 49 27 49 27
 01 57 44 08 19

www.chemi.fr
CHEMI
Les « Actes » produits par les groupes d’études
du CHEMI
“
Depuis février 2010, le CHEMI a accueilli 17 groupes de préfets, généraux de gendarmerie
et inspecteurs ou contrôleurs généraux de police pour des journées d’études et de réflexion.
Ils ont réalisé des «Actes» pour partager leurs savoirs professionnels échangés lors de ces
rencontres.
Jean-Martin JASPERS
Directeur du CHEMI
”
Journées d’Études et de Réflexion • ACTES 16 • Septembre 2012
PAO : Marie-Géraldine
REUL & Elizabeth GRAVILLON • Crédit
Photos : CHEMI, DICOM • Ressources documentaires : Corentin de
MONTMARIN • Ont collaboré : M. Michel BART, M. Jean- Pierre Hugues,
Mme Anastassia Tsoukala, M. Jacques Lambert, M. Pascal Garibian,
M. Hubert Wegel, M. Jean- Louis Fiamenghi, M. Antoine Boutonnet,
M. Laurent Touvet • Marque CHEMI • Septembre 2012 • Reproduction
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