Très chers supporters - CROS Provence

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Très chers supporters - CROS Provence
L'ENQUÊTE
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VENDREDI 26 ET SAMEDI 27 FÉVRIER 2010 LES ECHOS
LE PARIS SAINT-GERMAIN REÇOIT L’OLYMPIQUE DE MARSEILLE DIMANCHE SOIR
Très chers supporters
A mi-saison, le constat est sans appel : les incidents provoqués par les supporters du championnat de Ligue 1
se multiplient. Les pouvoirs publics s’inquiètent de la hausse exponentielle des moyens de sécurité déployés.
Et les instances du football de l’impact sur l’économie des clubs.
Augmentation de la facture sécurité
Comme pour mieux souligner les limites
de leurs efforts, les pouvoirs publics envisagent aujourd’hui de relever le prix facturé aux clubs pour la mise à disposition
des forces de l’ordre positionnées au plus
près des stades (celles qui sont dans les
rues adjacentes relèvent de la mission d’ordre public de l’Etat). Il est question d’augmenter le coût horaire moyen facturé,
aujourd’hui de 12 euros (soit moins que
celui d’un stadier, les employés des clubs
encadrant les tribunes, qui est de
20 euros). « Le Figaro » a évoqué le chiffre
de 35 euros. « Pour le dernier OM-PSG, le
coût des forces de l’ordre a été de
60.000 euros, moins que celui du cocktail
organisé par les dirigeants de l’OM », s’offusque un proche du ministre…
Les clubs vont donc voir la facture de la
sécurité augmenter. Elle est pourtant déjà
salée. Selon les estimations de la LFP et de
l’Union des clubs professionnels de football (UCPF), qui a lancé une étude plus
DAVE WINTER / ICON SPORT
L
e match retour se jouera-t-il
aussi sur le terrain de la violence ? Dimanche soir, la
rencontre PSG-OM ne se limitera pas à une banale opposition entre le 12e et le
5e de la Ligue 1. Un « clasico », nom donné par les médias aux oppositions entre les deux clubs emblématiques du championnat de France, est
toujours l’objet d’une confrontation spectaculaire entre les fans les plus radicaux de
chacune des équipes. Une confrontation
qui va souvent au-delà d’une simple surenchère de chants, cris et autres « tifosi »
qui animent les tribunes. Le match aller,
fin octobre, reste de triste mémoire. Quelques heures avant sa tenue au stade Vélodrome, la Ligue de football professionnel
(LFP) l’annule pour cause d’épidémie de
grippe A parmi les joueurs parisiens. Aussitôt, plusieurs groupes de supporters parisiens, disséminés entre le Vieux Port et la
gare Saint-Charles, affrontent leurs homologues marseillais à coups de barres de fer
et de cailloux. Le chaos s’instaure rapidement en plusieurs points de la ville. Bilan :
un blessé sérieux renversé par une voiture,
une dizaine de blessés légers, autant d’interpellations et un proche de la direction
de l’Olympique de Marseille qui prédit
dans « Le Parisien » : « Je suis très inquiet
pour le match retour. Je ne sais pas quelle
sécurité on pourra garantir. »
Mais, paradoxalement, pour les dirigeants du football français comme pour les
responsables de l’ordre public, le prochain
épisode du mauvais feuilleton joué depuis
les années 1980 entre les ultras des deux
clubs n’est pas la seule source de préoccupation. La violence des supporters de football se généralise en France. Elle pèse à la
fois sur l’opinion publique (73 % des Français la soulignent, selon un sondage Ipsos),
les nerfs des politiques et l’économie du
« foot business ». Les statistiques établies à
la mi-saison 2009-2010 conjointement par
l’Observatoire de la sécurité de la Ligue et
la Direction nationale de lutte contre le
hooliganisme sont éloquentes. Le nombre
d’incidents provoqués par des supporters a
augmenté en Ligue 1 de 36,3 % par rapport
à 2008-2009. Et de 21 % en Ligue 2. « Ce qui
nous préoccupe, indique-t-on dans l’entourage de Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur, c’est la dilution des incidents. Auparavant, on craignait un PSG-OM.
Aujourd’hui, on voit des problèmes autour
d’un Grenoble-Saint-Etienne [avec 320 sièges arrachés, NDLR], d’un Montpellier-Nice,
et même en Ligue 2. Nous sommes
aujourd’hui à une moyenne de 12 unités
mobilisées à chaque journée de championnat. » Quelque 1.000 CRS ou gendarmes
mobiles, mais plus encore lors des rendezvous à risques : 12 compagnies encadreront dimanche le seul PSG-OM. « Nous
sommes au plafond », affirme-t-on au ministère, où l’on préférerait « voir ce personnel utilisé pour les autres missions de sécurité ou de protection des citoyens »… Pour la
première moitié de la saison en cours, la
LFP chiffre à 26 % la hausse des effectifs
publics autour des stades.
Supporters du PSG au Parc des Princes. Le nombre d’incidents provoqués par des supporters a augmenté en Ligue 1 de 36,3 % par rapport à 2008-2009, et de 21 % en Ligue 2.
Le coût de la violence
5 millions d’euros pour le PSG. Depuis
le début de la saison 2009-2010 du
championnat de France de football, les
incidents provoqués par les fans les plus
violents ont augmenté de 36 %. Et le
phénomène, autrefois circonscrit aux
grandes affiches, dont les duels
PSG-OM, s’étend à tout le territoire. Du
coup, l’Etat positionne de plus en plus
de CRS et de gendarmes mobiles aux
abords des stades... et menace d’augmenter le coût des prestations facturées
aux clubs. Selon les estimations, les
équipes professionnelles de football dépensent entre 20 et 25 millions d’euros
par an pour la sécurité des spectateurs,
soit l’équivalent, ou presque, de leur
pertes cumulées en 2008-2009. La facture serait de 5 à 6 millions pour le seul
PSG, lui-même en déficit. Plus grave, les
insultes, échauffourées et autres fumigènes n’encouragent pas les marques à
sponsoriser le football, pourtant sport le
plus populaire, et repoussent le nouveau public dont les clubs auront besoin
pour remplir les stades en passe d’être
agrandis à l’horizon 2016.
précise sur le sujet, les forces de sécurité
coûtent environ 5 à 6 millions d’euros aux
40 équipes pros de l’Hexagone. Et sur ce
total, selon d’autres sources, la note du
PSG, qui concentre les incidents, s’élèverait à 1,5 million. Si l’on ajoute les autres
dépenses de sécurité, dont le salaire de
stadiers, on arriverait à une enveloppe de
5 à 6 millions annuels. Soit 5 % à 6 % du
chiffre d’affaires et autant que le déficit du
dernier exercice. Tout compris, CRS, stadiers, vidéosurveillance, PC sécurité,
pompiers, médecins et assurances, la facture globale de la sécurité pour le football
professionnel français avoisinerait 20 à
25 millions d’euros par an. Soit, là encore,
à quelques millions près, l’équivalent des
pertes cumulées de la saison 2008-2009.
Consensus politico-sportif
Mais l’impact de la violence des supporters
sur l’économie des clubs ne se résume pas
à l’addition des ressources engagées pour
assurer une – relative – tranquillité lors des
matchs. « La violence a un coût direct, celui
de la sécurité, mais elle a aussi un coût
indirect. La multiplication des incidents ternit notre image. Cela peut avoir un effet
repoussoir sur d’autres catégories de public
et cela a un impact sur notre sponsoring,
certaines marques ne souhaitant pas être
associées à ces phénomènes », affirme Philippe Diallo, directeur de l’UCPF. On
trouve peut-être là l’explication au fait que,
selon l’institut Sport + Markt, hormis Lyon,
et peut-être Marseille, aucun club français
ne trouve un sponsor principal à plus de
3,5 millions d’euros annuels, alors que la
moyenne est de 6 millions en Allemagne.
« Le CAC 40 contourne le football », regrette
un autre dirigeant. On note aussi depuis
août une baisse de 3 % du taux de remplissage des stades français. Une tendance inquiétante alors que l’on attend une douzaine de nouveaux stades pour l’Euro 2016.
Autant dire qu’un consensus politicosportif s’est construit autour du renforcement des mesures de répression. Il a déjà
été procédé à 276 interpellations cette saison en Ligue 1 et en Ligue 2. Au total,
151 interdictions administratives de stade
ont été prononcées, qui s’ajoutent aux
140 interdictions judiciaires en cours.
Grâce à la loi Lopsi 2 qui vient d’être
examinée par le Parlement, les pouvoirs
publics veulent aller plus loin. « Certaines
interdictions judiciaires ne sont pas assorties d’obligation de pointage dans les commissariats durant les matchs et pour les
interdictions administratives, il faut prouver la récidive, ce qui est compliqué »,
dit-on au ministère de l’Intérieur. La nouvelle loi permettra de frapper plus vite, dès
le premier incident. Par ailleurs, des nouvelles sections d’intervention rapides vont
être créées. Objectif : sortir des tribunes les
supporters les plus violents dont le nombre total est estimé à 500. A l’évidence, la
France franchit une étape supplémentaire
dans l’arsenal de lutte contre le hooliganisme, après les premières grandes mesures initiées en 1995 avec la loi Pasqua :
installation de la vidéosurveillance, de
portiques, création des stadiers.
En réalité, certaines idées reçues sont
battues en brèche. Un ancien salarié du
PSG se souvient : « En 1991, lors de la
reprise du club par le PSG, il n’y avait que
20.000 spectateurs au Parc. Il s’agissait de
doper la fréquentation en animant les tribunes. Le “Kop of Boulogne” existait déjà.
Nous avons créé celui d’Auteuil en donnant
gratuitement des cartes d’abonnement à
des étudiants de Dauphine. Et ça a marché. » Cette époque, où l’on considérait
que des fans bruyants, sinon agressifs, déstabilisaient l’équipe adverse et créait une
atmosphère excitante pour le reste du public, est en passe d’être révolue. De nombreux présidents de club rechignent encore à cette évolution, estimant que le
public « normal », « ne met pas d’ambiance ». Et, pour beaucoup, la violence
dans le foot n’est que le reflet de la société.
Mais les dangers de partenariats trop
étroits sont de plus en plus souvent dénoncés. « De plus en plus de supporters se
retournent contre leurs joueurs et leurs dirigeants », note Philippe Diallo. Les menaces ne manquent pas. En avril 2008, sur les
murs du Camp des Loges, le centre d’entraînement du PSG, alors menacé de relé-
gation, on pouvait lire le graffiti suivant :
« Si le PSG descend, on vous descend » ! En
novembre dernier, les Supras d’Auteuils
– l’association même créée par Canal+ –
ont reproché à Colony Capital, le propriétaire du club, de ne pas assez investir :
« Nous n’hésiterons pas, s’il le faut, à nous
en prendre aux intérêts périphériques de
Colony Capital », écrivaient-ils dans un
communiqué relayé par l’AFP.
Participation à la gouvernance des clubs
Pour beaucoup d’ultras, les supporters
sont les vrais propriétaires des clubs, les
actionnaires en place étant considérés « de
passage ». Au premier Congrès national
des supporters de football, organisé fin
janvier à l’initiative de Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux Sports, les associations ont
revendiqué une participation à la gouvernance des clubs. Un modèle expérimenté
de fait à Marseille où, dans les années
1990, Bernard Tapie a concédé à 9 groupes
de supporters la vente de 28.000 places au
Vélodrome. Un système incontrôlable qui
fait l’objet de nombreuses plaintes sur la
tarification de prestations annexes, certains supporters parlant aussi de la revente
d’entrées match par match au prix fort par
le « prêt » de cartes d’abonnement récupérées dès la sortie. Un découplage interdit.
Certaines places pour des matchs à l’extérieur seraient aussi revendues 6 fois plus
cher que leur prix d’achat. Bien sûr, un
tissu de galéjades… Quoiqu’il en soit, certaines associations affichent des attributs
de petites entreprises : sièges sociaux, bus
pour le transport. Les Winners occupent,
par exemple, les 600 mètres carrés refaits à
neuf à la Belle de Mai. Mais ce système
sera remis en cause lors de l’agrandissement à 80.000 places du stade Vélodrome.
Flairant le danger, les clubs de supporters
commencent à exiger de la direction de
l’OM des conventions en bonne et due
forme… « Des aides aux animations ou aux
déplacements, d’accord. Mais il ne faut pas
franchir la ligne jaune qui sépare le partenariat de la cogestion », résume un président de club.
PHILIPPE BERTRAND ET PASCAL POGAM

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