RACINES175 - septembre07 XP7
Transcription
RACINES175 - septembre07 XP7
Par (Source : La ville de La Roche-sur-Yon) Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Yvelise Richard Vos so uven irs fo tre is des b als d ’autre "Le p'tit bal du samedi soir où le cœur plein d'espoir dansent les midinettes…“ Ça, c'est pour la chanson ! Parce dans les années d'après-guerre, le petit bal, c'était plutôt le dimanche après-midi qu'il avait lieu. Qu'il s'agisse du bal du Préveil ou celui des pompiers, il attirait souvent la jeunesse de la commune, voire du canton. Vous nous racontez ? Au bal du Paradis "La salle de bal, à Legé, s'appelait Le Paradis. Tout un programme ! C'était une petite salle privée pouvant accueillir entre cinquante et cent personnes. Il y avait un petit orchestre, enfin deux musiciens, un accordéon et un saxo. On s'y rendait en groupe, en bande de quatre à cinq filles ou garçons. Moi, de mon village, j'y venais en mobylette, quasiment tous les dimanches après-midi. De leur côté, mes sœurs y allaient aussi. Mes parents ne les empêchaient pas. Ça durait de 14 h à 19 h environ. Et parfois, ça se prolongeait chez un copain ou chez une copine. C'était la distraction de la semaine. Mais on y pensait plusieurs jours avant et après. Quand une fille nous plaisait, on essayait de la rattraper le dimanche d'après. C'était un lieu où les filles et les garçons pouvaient se retrouver sans avoir les parents sur le dos. Il y eut d'ailleurs des mariages après de nombreuses rencontres faites au bal ! Dans ces bals, on dansait la java, la samba, le tango, la valse. Et le paso doble et les marches. Ce qui était simple. Au Paradis, la salle était carrelée. Mais les danseurs faisaient avec. Plus RACINES 48 tard, quand le Paradis a cessé cette animation, j'ai fréquenté le parquet Chaillou à Legé, qui descendait de Nantes, des Sorinières. Les gens venaient de plus loin aussi. Après je suis allé au bal de Belleville-sur-Vie, où il y avait une petite salle. J'y avais d'ailleurs trouvé une copine. Plus tard, c'est au bal de mariage d'un cousin que j'ai rencontré ma femme. Elle, elle n'allait pas au bal dans son coin de Bocage : c'était mal vu chez elle de courir danser." Armand, originaire de Legé septembre 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine À l'école des Conches, Lucienne et René racontent... “On organisait entre deux et trois bals par an : un juste après Noël, un pour Mardi Gras et un pour la fête de la remise des prix en fin d'année.” Lucienne et René Algré, 87 ans tous les deux, se souviennent avec nostalgie des bals de l'école publique des Conches, qu'ils ont proposés des années durant. Le couple d'instituteurs est resté 25 ans (de 1950 à 1975) dans ce petit village de Longeville-surMer, non loin de La Tranche-sur-Mer. Lucienne avait la classe des plus jeunes, René celle des plus grands. "Le régent" et "la dame", comme les appelaient les habitants du village lors de leur arrivée, ont enseigné à des générations d'enfants des Conches. Et ont laissé leurs empreintes ! “Les bals, organisés par l'amicale laïque, servaient à financer les fournitures scolaires. Les parents payaient l'entrée du bal, quelques verres à la buvette… Mais c'était surtout l'occasion pour les villageois de se retrouver entre eux. Il y avait une certaine ambiance, surtout avec les changements de cavaliers !” Si le bal du Mardi Gras, qui succédait au défilé de chars décorés et l'élection des “reines des Conches” jouées, en réalité par des hommes - attirait des gens de l'extérieur, la grande fête de l'année, c'était le jour de la remise de prix. “Pour cette fête, fin juin, les parents et les enfants s'habillaient bien, avec des costumes et des robes neufs. C'était une vraie fierté. Dans l'aprèsmidi, un spectacle de danse effectué par les enfants était orchestré par Lucienne” Pendant ces bals, qui avaient lieu au début dans l'école (“on poussait les pupitres, on enlevait les cloisons mobiles des classes”), Lucienne apprenait à danser aux grands élèves de son mari, filles ou garçons. Plus tard, une colonie de vacances bâtira une salle aux Conches, avec un sol en ciment, elle servira pour les bals de l’école : “pour RACINES Louis Roy de La Jonchère. Avec son accordéon et en compagnie de Louis Cossard au saxo. Deux musiciens suffisaient à mettre de l'ambiance. (Source : Le chant de la pierre, Chauché au XXe siècle) (Source : La ville de La Roche sur Yon) Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous que les chaussures glissent mieux, on mettait de la paraffine râpée dessus.” Le répertoire des petits orchestres (un accordéon et un saxophone) était varié : “des valses et des javas bien sûr. Mais les musiciens connaissaient les habitudes et les mentalités des gens des petits villages : ils ajoutaient des danses anciennes, comme le quadrille par exemple. Car il y avait beaucoup d'anciens qui venaient dans nos bals, c'était très familial.” Parmi les souvenirs marquants des enseignants, celui d'un bal au début des années 1950, pendant lequel René animait la soirée, au moment où à La Roche-sur-Yon, Lucienne donnait le jour à leur fille. “Lorsque nous sommes partis des Conches en 1975, personne n'a repris les bals. C'est dommage !” regrettent de concert Lucienne et René. Y. R. 49 septembre 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous “Les parents surveillaient de loin...” "A ntan peut vous paraître un peu exagéré pour qualifier une époque moins que centenaire. Mais tous ceux qui l’ont vécue seront d’accord pour convenir qu’en quelques décennies, tout a bien plus changé qu’en un siècle précédent. Les fêtes de villages figuraient parmi les événements les plus importants de l’année. Selon les régions, c’était l’assemblée, la balade ou la frairie. Elles s’étalaient à date fixe, du premier dimanche de mai au dernier dimanche de septembre. C’était l’occasion de rencontres familiales et amicales. On ne se voyait qu’à l’occasion des fêtes de fin d’année et de la balade. On se retrouvait autour d’une table pour un repas que nous qualifierions aujourd’hui de "pantagruélique."(1) Le départ à la fête Après le repas, les jeunes demandaient souvent l’autorisation de “partir devant” ce qui leur était accordé après un chapelet de Pendant la guerre J'ai encore en mémoire ces petits bals d'autrefois qui s'improvisaient en général le dimanche après-midi et qui rassemblaient le voisinage. C'était pendant la guerre, entre 1940 et 1945, époque où tout rassemblement était interdit. Malgré tout, il fallait bien se divertir un peu. Pour cela, pas besoin d'invitation personnelle. C'était toujours le téléphone arabe qui fonctionnait, autrement dit, le bouche-à-oreille. Quant au chef d'orchestre, c'était un gars du coin avec son accordéon diatonique, s'il vous plaît ! Je me souviens que le rassemblement n'était pas très loin de chez moi, au lieu-dit la Croisée des recommandations : “Tenez-vous bien… Ne vous faites pas remarquer… Attention à votre réputation…“ De l’avoir tant entendu, nous connaissions par cœur ; mais nos mères auraient eu mauvaise conscience de ne pas nous l’avoir redit ! La polka des dames En route pour l’assemblée, la balade ou la frairie ! Dans un pré toujours le même - un forain offrait une ou deux tours de loterie où on gagnait une pièce de vaisselle en porcelaine déclassée, un vase et divers bibelots. On pouvait acheter des bonbons, de la réglisse, des cacahuètes. Parfois, un stand de tir à la carabine, un jeu de massacre avec une dizaine de boîtes à éliminer et l’incontournable jeu de boules et de quilles. Et enfin, il y avait le Bal ! Sur un parquet, avec trois musiciens, puis plus tard, avec un pick-up. La jeunesse s’y retrouvait, s’y observait, s’y rencontrait et s’y amusait. Le jour, c’était décontracté - si l’on peut dire. Les parents surveil- Brandes, aujourd'hui bien goudronnée, mais à l'époque en herbe et terre battue. Pas de parquet à cirer ! Quant à la parité, elle tournait bien sûr à l'avantage des femmes, car nombre de maris étaient prisonniers. Dans les danses, il y avait la valse, le tango, le quadrille, la maraîchine. Pour le bistro, c'était un papi qui venait avec son barricot de noha, cépage aujourd'hui prohibé, et qu'on appelait aussi le vin qui rend fou. La soirée terminée, chacun retournait vaquer à ses occupations, en se disant à dimanche prochain. Maurice (Le Fenouiller) RACINES 50 laient de loin. Mais si, par chance, les filles revenaient le soir, c’était dûment escortées de leur mère à moins qu’un frère aîné ou une sœur (mariés) ne se soit vu confier la garde des plus jeunes, assises bien sagement sur les bancs qui entouraient la piste. Les filles attendaient qu’un "cavalier" vienne les inviter. Si cela tardait trop, elles se risquaient à danser entre filles - ne serait-ce que pour montrer, qu’elles aussi savaient danser et s’amuser. De temps en temps, on annonçait une "polka des dames". Le cœur palpitant, il fallait se risquer à aller inviter celui que vous convoitiez, désiriez ! Mais quelle déconvenue, si, une autre, plus hardie ou plus pressée était arrivée avant vous ! Il y avait aussi la ronde du tapis, la danse du balai où l'on changeait de cavalier. Autrement, on dansait la java, le paso doble, le tango, la valse, la polka. L'adieu aux musiciens Après la guerre, l’arrivée du swing a été cause d’une petite révolution. Les mères en ont attrapé des sueurs froides. - “Quoi ! Cette danse de sauvages ! Et que je ne te voie pas sauter en l’air comme une dévergondée !” Il a fallu composer ! Peu à peu, les choses se sont arrangées. Dans les communes qui possédaient une salle des fêtes, il y avait de temps en temps un bal le dimanche soir avec le pick-up et une vingtaine de disques. On dansait dans une franche camaraderie. Pas question de lumières tamisées - oh non ! - et la buvette en bout de la piste servait surtout des panachés, de la limonade et de la bière. Par principe, les filles du patronage ne venaient pas au bal pendant le carême et l’avent. Ma grand-mère m’a raconté qu’au début du siècle, il était fré- septembre 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Dans les bals ou dans les salles privées, comme ici au Casino des Sports, aux Sables-d'Olonne : belles toilettes et costumes élégants sont de sortie. En 1954, lors du Gala Doudou : Doudou et sa partenaire, Micheline Marsac. quent que l’hiver, dans un village, on organise un bal à la veillée dans la salle commune d’une ferme. Oh ! Un bal entre voisins sur la terre battue ou sur le pavé. Comme orchestre, un accordéon et une clarinette ou un violon. Les hommes jouaient de routine. Tout le monde dansait, jeunes et plus âgés, en sabots pour la plupart, les souliers étant réservés aux dimanches. Les quadrilles et les bourrées n’avaient pas de secrets pour eux. Ainsi, ils pouvaient faire bonne figure au bal de l’assemblée ou pour des noces. Mai 1968 a opéré une coupure brutale dans ces rites anciens. Premièrement, les mères ont été priées de rester à la maison. La musique et les chansons ont, elles aussi bien changé. Mais, comme le balancier de la pendule, on tombe d’un extrême à l’autre. Les bals commencent à présent le vendredi soir à l’heure où ils se terminaient pour nous. Le lundi, il fallait être en forme pour la lessive ou le travail des champs. Travail qu’on accomplissait en chantonnant ou sifflant les airs de la veille et en rêvant du prochain bal. Tous comptes faits, je me demande si nous n’étions pas plus heureux que les jeunes d’aujourd’hui !" Éliane Siteau, 77 ans (Gournay-Loize, Deux-Sèvres) (1) La veille, on avait remis le four à pain en service, et cuit force rôtis, volailles, tartes et gâteaux… au grand dam de ceux, qui, pour raison de deuil (très sévère) étaient exclus de ces festivités. RACINES 51 septembre 2007 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine