Rapport FASILD SEDAN - Intégration et lutte contre les

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Rapport FASILD SEDAN - Intégration et lutte contre les
RAPPORT RELATIF AU
DIAGNOSTIC « LUTTE CONTRE LES
DISCRIMINATIONS ETHNIQUES ET RACIALES
A SEDAN (08)
»
Mai 2005
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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TABLE DES MATIERES
RAPPEL DE L’ETUDE DIAGNOSTIC _________________________________________________ 6
RAPPELS METHODOLOGIQUES ____________________________________________________ 7
Première partie : Les perceptions et les constats des acteurs locaux ________________ 10
A - LES ACTEURS DE PROXIMITE AVEC LES JEUNES __________________________________ 10
1. Les structures destinées aux jeunes à Sedan______________________________________ 10
2. Les difficultés observées pour les jeunes_________________________________________ 11
3. La réalité et l’image des « quartiers » ___________________________________________ 12
4. Les discriminations observées _________________________________________________ 14
5. Les actions mises en place auprès des jeunes pour favoriser leur insertion ____________ 15
B – LES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE DE L’EDUCATION ET DE LA FORMATION _____ 17
1. Dès le collège, il peut exister un fatalisme des jeunes_______________________________ 17
2. La recherche de stage en lycée professionnel révèle des discriminations ethniques ______ 17
3. Les stages du GRETA sont l’occasion de constater des discriminations sexistes ________ 19
C – LE POINT DE VUE DES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI_____________________________ 20
1. Les dispositifs existants afin de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes ________________ 20
2. Les difficultés d’accès à l’emploi des jeunes ______________________________________ 22
3. Les types de discrimination à l’embauche décrites par les intermédiaires _____________ 24
4. La place des discriminations ethniques et raciales_________________________________ 25
5. La position délicate des intermédiaires de l’emploi ________________________________ 27
D- LE POINT DE VUE DES ACTEURS DE L’EMPLOI ____________________________________ 29
1. Le discours recueilli souligne une vision plutôt négative des « jeunes ». _______________ 29
2. Le cas d’un secteur en plein essor : une sélection importante, peu de place aux jeunes issus
de l’immigration ______________________________________________________________ 31
3. La situation particulière de l’intérim ___________________________________________ 33
E - L’ACCES AU LOGEMENT _____________________________________________________ 37
1. Les obstacles pour l’accès au logement des jeunes. ________________________________ 37
2. La réponse au soupçon de discrimination dans l’attribution du logement est l’explication
économique. __________________________________________________________________ 38
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Deuxième partie : Analyse des entretiens avec les jeunes _________________________ 40
A – PRESENTATION SYNTHETIQUE DES RESULTATS __________________________________ 40
1. La « discrimination » est un sujet qui n’est pas bien identifié par les jeunes rencontrés. _ 40
2. Dans la recherche d’emploi, les discriminations sont surtout révélées lors de l’embauche. 41
3. Face à cette situation, les jeunes rencontrés ne souhaitent pas dénoncer ces différences de
traitement. ___________________________________________________________________ 41
B – LA DISCRIMINATION ET LE « RACISME » VECU ET RESSENTI PAR LES JEUNES A SEDAN :
ELEMENTS GENERAUX _________________________________________________________ 43
1. La « discrimination » n’est pas un sujet évocateur pour tous les jeunes rencontrés ____ 43
2. C’est davantage le « racisme » qui est ressenti et mis en avant. ______________________ 44
3. Les jeunes rencontrés expliquent ces différences de traitement par un amalgame opéré par
les acteurs. ___________________________________________________________________ 48
4. Le logement, un secteur vu comme discriminant, sans que les jeunes ne soient concernés 52
C – LE PARCOURS SCOLAIRE : LA MISE EN PLACE D’UNE DIFFERENCIATION ______________ 53
1. Le racisme décrit précédemment est ressenti au cours de la scolarité _________________ 53
2. La différenciation passe surtout par le choix de l’orientation _______________________ 54
D – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES ________________________ 57
1. Le parcours du jeune chercheur d’emploi : les ressources mobilisées_________________ 57
2. Les techniques de recherche d’emploi___________________________________________ 64
E – LES OBSTACLES « OBJECTIFS » DANS L’ACCES A L’EMPLOI ________________________ 67
1. Le contexte difficile de l’emploi sur le bassin sedanais _____________________________ 67
2. La langue et la situation migratoire, deux conditions difficilement contournables pour les
primo arrivants _______________________________________________________________ 67
3. La mobilité est pour les jeunes rencontrés une contrainte forte______________________ 68
3. Le manque d’expérience et de formation, arguments de refus des employeurs _________ 69
4. Etre femme, être mère, deux freins potentiels à l’embauche ________________________ 70
5. L’adresse, un facteur supposé discriminant ______________________________________ 71
F – LA PLACE DES DISCRIMINATIONS ETHNIQUES ET RACIALES DANS L’ACCES A L’EMPLOI _ 72
1. L’aspect visible des discriminations ethniques à l’embauche ________________________ 72
2. Dans la majorité des cas, les discriminations ne peuvent être que supposées. __________ 74
3. Les différences de traitement vécues dans le travail _______________________________ 76
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G – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES ________________________ 78
1. A court terme : accepter la fatalité ou se battre ? _________________________________ 78
2. A plus long terme : trouver des voies alternatives pour contourner la situation ________ 81
Troisième partie : Les constats et propositions émanant des groupes de travail _______ 83
A – INFORMER ET COMMUNIQUER SUR LES DISCRIMINATIONS _________________________ 83
1. Constat : un aveuglement généralisé face aux discriminations existantes ______________ 83
2. Une nécessité : aller contre ce fatalisme _________________________________________ 84
3. Propositions d’actions formulées par les acteurs __________________________________ 85
B – ACCOMPAGNER LES EMPLOYEURS ET LES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI DANS LA LUTTE
CONTRE LES DISCRIMINATIONS __________________________________________________ 87
1. Constat : l’accompagnement des employeurs sur ces discriminations s’avère délicat ____ 87
2. Une nécessité : un accompagnement de proximité, une argumentation individualisée ___ 87
3. Les pistes d’action proposées par les acteurs _____________________________________ 88
C – DES PROPOSITIONS A METTRE EN LIEN AVEC LES ORIENTATIONS DU CONTRAT DE VILLE 89
1. La lutte contre les discriminations est un enjeu transversal du Contrat de Ville ________ 89
2. Un plan local de lutte contre les discriminations __________________________________ 91
Quatrième partie : Le plan d’action proposé aux acteurs locaux ___________________ 92
1. L’affichage d’une volonté politique_____________________________________________ 92
2. La mise en place d’un Comité de suivi. __________________________________________ 93
3. Le travail sur les représentations menant aux discriminations ______________________ 93
4. L’accompagnement des entreprises_____________________________________________ 93
5. Le travail auprès de l’Education Nationale ______________________________________ 94
6. L’accompagnement des jeunes_________________________________________________ 94
ANNEXES ______________________________________________________________ 95
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Introduction
RAPPEL DE L’ETUDE DIAGNOSTIC
Le document présenté constitue le rapport d’étude consacré à la lutte contre les
discriminations ethniques et raciales à Sedan. Le diagnostic commandé par le FASILD doit
permettre de répondre à 4 hypothèses pouvant fonder la difficulté d’investir davantage
l’action publique au service de la lutte contre les discriminations :
-
l'existence d'une responsabilité des différents acteurs, notamment publics, dans la
coproduction de discriminations,
-
le constat d'écarts entre la nécessité d'agir imposée par la loi et la mobilisation de
chacun à le faire,
-
la représentation que le jeune né de parents étrangers doit faire ses preuves et donner
des gages permanents de sa légitimité "à être là", et inversement l’intériorisation de ce
facteur par les jeunes eux-mêmes les conduit à adopter une posture de mise en échec,
-
la confusion constante entre causes et conséquences du phénomène, engendrant un
risque de banalisation, un fatalisme voire une production de violences (symboliques et
physiques) dans les pratiques professionnelles.
L’étude et l’analyse des éléments recueillis par le biais des méthodes d’enquêtes proposées
devaient in fine permettre de mettre en évidence les interactions des représentations,
stéréotypes et modes opératoires croisés des trois types d'acteurs (jeunes / acteurs
économiques / acteurs « institutionnels »), avec un éclairage sur les processus et les modes de
constructions, mais également de répondre à ces cinq grands questionnement de fonds :
-
Pourquoi les publics immigrés ou issus de l'immigration sont-ils fréquemment
considérés comme étant responsables de leurs propres difficultés?
-
En quoi leur rapport à la langue, leurs pratiques sociales, culturelles… produiraient un
sentiment d'interférence avec des étalons normatifs?
-
Quelles sont les conséquences de ces dysfonctionnements sur leur propre construction
identitaire, sur leur rapport à l'autre, sur leurs stratégies d'inclusion… ?
-
En quoi la tendance à des explications et des approches ethnicisées de ces phénomènes
a-t-elle pour effet de les renforcer?
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Au-delà du diagnostic, la méthode proposée, combinant entretiens individuels et travaux de
groupes a permis de déboucher sur l’élaboration de propositions concrètes en termes de
développement de stratégies d’action partagées à mettre en œuvre en matière :
-
d'action publique, notamment dans le cadre du contrat de ville et de la CODAC,
-
de soutien aux associations dans leurs stratégies de changement vers des pratiques
adaptées,
-
de sensibilisation et mobilisation des milieux économiques.
RAPPELS METHODOLOGIQUES
La méthode utilisée pour mener à bien le diagnostic se veut à la fois comparative,
compréhensive, cumulative (données), situationnelle, stratégique et opérationnelle. C’est
pourquoi nous procédons selon trois modalités d’enquêtes distinctes :
Une série d’entretiens semi-directifs individuels auprès de 33 acteurs locaux.
Les entretiens ont permis de souligner la difficulté à faire parler des
« discriminations ».
Il apparaît délicat de parler de discriminations, phénomène à la fois visible et invisible. Il est
possible de parler d’exemples où la discrimination est supposée, sans pouvoir généraliser.
Un premier constat permet de souligner que le phénomène des discriminations est perçu et
intégré par la majorité des acteurs : elles existent, disent-ils. Encore faut-il savoir comment
elles se construisent, et à l’égard de qui elles s’exercent.
Une nuance doit toutefois être apportée : si les discriminations apparaissent évidentes aux
jeunes, aux acteurs de proximité, aux intermédiaires de l’emploi, leur réalité est moins
soulignée par les employeurs, ou les bailleurs interrogés.
Il ressort par ailleurs des premiers entretiens avec les jeunes :
- le ressentiment d’une « atmosphère de racisme et de discriminations »
- la confusion, également opérée par les acteurs, entre le racisme et la discrimination. Le
mot « racisme » apparaît plus clair et plus évident à tous pour parler de discrimination
raciale.
L’analyse se devait donc de distinguer les faits et le discours qui les entoure.
De ce fait, l’analyse ci dessous présente :
- des faits, des pratiques, présentées par les acteurs
- des discours, relevant davantage de représentations que de pratiques concrètes.
On s’efforcera ici de comprendre notamment la construction des images du « jeune », « jeune
de quartier », « jeune issu de l’immigration », cela à partir du discours des acteurs.
Les images modélisent en effet les représentations, qui entraînent une attitude discriminante.
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Une série d’entretiens (individuels) auprès des jeunes habitant à Sedan (étrangers
et immigrés et notamment des femmes) suivant la méthode des itinéraires.
L’analyse qui suit a été faite à partir de 21 entretiens semi directifs avec des jeunes de Sedan.
Les jeunes rencontrés ont été contactés par le biais des structures (PAIO, Centres Sociaux,
MJC, club de prévention) sur la base du volontariat. Un tableau présentant les jeunes
rencontrés se trouve en annexe.
La méthode retenue ici est une analyse qualitative :
-
les jeunes rencontrés ont été choisis non pour une représentativité de la jeunesse
sedanaise mais pour la diversité de leurs situations : par leur âge (17 à 27 ans), leur
situation professionnelle (en formation, en recherche, salariés), leur lieu de résidence,
leur origine ou celle de leurs parents.
-
Il s’agit non pas de généraliser à partir d’un si petit nombre d’entretiens, mais de
comprendre les parcours, les ressources et les choix afin de repérer des stratégies
dans les témoignages.
-
Ces stratégies peuvent être reliées aux caractéristiques des jeunes qui y ont recours
(âge, sexe, diplôme…), ce qui permet d’élaborer des hypothèses et d’établir des
typologies. Celles-ci ne pourront toutefois pas être généralisées ni quantifiées.
La grille d’analyse retenue vise à distinguer, par le biais d’une analyse discursive :
-
ce qui est ressenti (les représentations), de ce qui est effectivement vécu (les
pratiques).
-
les notions de « discrimination » et celles qui lui sont associées comme le racisme, la
stigmatisation, la différenciation. On s’attachera à comprendre ce que signifie la
« discrimination » pour les jeunes rencontrés.
-
ce qui relève de discriminations ethniques et raciales, et les autres types d’obstacles
dans l’accès aux droits, à l’emploi.
Le cheminement de cette analyse se déroule comme suit :
-
Un cadre général présente le contenu et la construction des « discriminations » vécues
par les jeunes à Sedan ;
-
Le parcours d’insertion professionnelle des jeunes, de l’école à l’emploi, est retracé,
avec le souci de comprendre quelles ressources et informations ils mobilisent, à
quelles difficultés générales ils sont confrontés, et quelle est la place des
discriminations ethniques et raciales ;
-
Les stratégies de réponse des jeunes rencontrés face à cette situation sont présentées.
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La mise en œuvre de 2 groupes de travail de diagnostic partagé « thématique »
dont les thèmes ont été débattus lors de la réunion du comité de pilotage du 14
mars 2005.
Deux groupes de travail ont été réunis à l’occasion de deux réunions chacun.
Les thèmes retenus en étaient :
1. Informer et communiquer sur les discriminations
2. Accompagner les employeurs et les intermédiaires de l’emploi dans la lutte contre les
discriminations
Malgré un nombre restreint de participants, ces groupes ont permis :
-
de préciser les constats dégagés de l’étude,
-
d’échanger sur les expériences menées par les différentes structures,
-
de proposer des pistes d’action.
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Première partie : Les perceptions et les constats des acteurs locaux
A - LES ACTEURS DE PROXIMITE AVEC LES JEUNES
Les discriminations : une problématique affichée dans le Contrat de ville.
Il s’agit d’un enjeu transversal, sans que des actions spécifiques ne soient – pour autant mises en place.
Les seules actions vraiment spécifiques sont les suivantes :
-
les femmes relais, qui sont vraiment orientées vers les femmes
le soutien à la semaine d’éducation contre le racisme, au Centre Social Torcy Cité.
Toutefois, par des actions citées ci après, le Contrat de Ville soutient la valorisation des
quartiers et l’échange interculturel.
1. Les structures destinées aux jeunes à Sedan
Le Centre Social Le Lac
Sur les 1000 usagers à la semaine, le public jeune vient le soir, pour Internet (19h à 24h) ; les
12-26 ans viennent aussi pour les activités de football en salle.
L’ACPSO (Association du Club de Prévention de Sedan Ouest)
L’ACPSO est présente dans le quartier de Torcy cités. Le club de prévention accueille et
accompagne des jeunes, monte des projets avec eux.
Le Centre social Torcy-cités
Le centre social de Torcy cités accompagne également des activités avec les jeunes du
quartier (ex. camps d’été, local billard et ping pong)
Le Service de Prévention - médiation
Le public du Service de prévention, ce sont les 13-25 ans qui ne fréquentent pas les autres
structures localisées. Ce sont des jeunes en situation de difficulté, en situation potentielle de
délinquance. D’abord, il leur est fourni de l’occupationnel, avant de les orienter vers des
projets. Des chantiers ont ainsi été mis en place, une déclinaison du dispositif Contrat de ville.
La MJC Calonne (Maison des Jeunes et de la Culture)
Le public de la MJC est très diversifié : il vient de tout Sedan et même de l’extérieur de la
ville. Il y a toutefois peu de personnes d’origine étrangère dans le public.
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2. Les difficultés observées pour les jeunes
Une émancipation difficile par rapport au quartier et à la famille
Les acteurs décrivent une « fuite des cerveaux » au début des études, qui se solde toutefois par
le retour dans le quartier lorsque les études ne marchent pas.
Cette « fuite » se fait depuis les quartiers de Torcy-cités et de la ZUP, vers des villes
universitaires comme Reims, Nancy, Lille.
« Dès qu’ils ont le bac, ils partent. C’est encore plus flagrant pour les filles, les études
permettent de fuir du quartier, et cela permet aussi des réussites formidables. Ils ne
veulent pas travailler sur le quartier, ne veulent plus entendre parler du quartier où ils
ont grandi. Il faut qu’ils se débrouillent. » (CS Lac)
« Les jeunes qui partent faire un an d’études à Reims, c’est surtout pour
l’émancipation. Ils reviennent l’année suivante, après avoir échoué à la fac, n’étant
pas encadrés. Il s’agit pour eux de fuir la ville, le quartier. Ils n’ont pas la même
représentation des quartiers de Reims, de Lille.
A Torcy-cités, la spécificité ce sont les jeunes étudiants boursiers : c’est la bourse qui
leur permet de partir. Mais à 90% elle est mal utilisée par les jeunes du quartier. Ils
ont le droit à la bourse pendant 3 ans, mais les statistiques montrent que beaucoup
arrêtent au bout de la première année. » (ACPSO)
De ce fait, les exemples de réussite ne sont plus sur place, dans les quartiers.
« Ceux qui s’en sortent partent de la ZUP, ils n’ont donc pas valeur d’exemple. Il
faudrait donc trouver des éléments de valorisation pour cette population. Ils donnent
d’eux une représentation particulière, parce qu’ils manquent apparemment de moyens
de positiver. » (CS Lac)
Les exemples de réussites sont donc souvent les mêmes, anciens (à Torcy-cité, un ingénieur
en aéronautique et un professeur d’université).
Les plus âgés ne sont pas intégrés socialement ni professionnellement
Des jeunes de 30-35 ans continuent à fréquenter le foyer du centre social de Torcy. Ils sont en
intérim, ou bien ont des emplois saisonniers, comme les vendanges. Beaucoup disent « on va
aller dans le Sud » pour être saisonniers.
Les jeunes demandent un logement tard, mais certains enfants reviennent dans la famille après
être partis. La plupart habitent chez leurs parents.
La situation des filles est décrite comme ambivalente.
Leur réussite scolaire est en effet observée et valorisée par les acteurs :
« Plus de filles accèdent au bac que les garçons. Les filles réussissent mieux aussi
leurs études après le bac : elles arrivent à Bac+5 ou en maîtrise. » (ACPSO)
« Les filles s’accrochent plus que les garçons » (CS Lac)
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Mais la pression familiale est vue comme plus importante sur les filles.
« Les Turcs présents ici sont essentiellement d’origine rurale. Il y a une forte pression
familiale sur les filles. Pour les emmener en camp ou en sortie, il faut batailler dur.
Les grands frères et les petits frères ont leur mot à dire, les sœurs sont mises en
situation négative. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de rébellion de ces filles-là. »
(ACPSO)
Cette contrainte est toutefois décrite comme stimulante, expliquant en partie la plus grande
réussite des filles.
« Les filles s’en sortent, alors, parce qu’elles ont des doubles chaînes. Les jeunes filles
partent à Reims. Elles ne veulent pas vivre la même vie que leur mère. Pour réussir et
s’émanciper, il faut donc aller en dehors de Sedan. » (CS Lac)
« Les filles ont plus de facilité, une fille ça passe mieux. Un garçon est vu comme plus
impulsif, une fille, comme plus calme et plus sérieux selon les employeurs. Il est plus
difficile de faire de la vente, par exemple, pour un garçon ; beaucoup de filles, en
revanche, sont caissières. »
3. La réalité et l’image des « quartiers »
Les acteurs soulignent l’existence d’une image des quartiers (ZUP et Torcy-cité) très
différente de la réalité.
Le quartier de Torcy-cités souffre d’une image qui ne reflète pas la réalité.
Il existe un mythe attaché au quartier, c’est « Chicago », surnom donné dans les années 1970.
Pourtant, de l’intérieur, le quartier est décrit comme un village. Les gens se connaissent, de ce
fait il existe des tensions mais aussi de fortes solidarités.
Beaucoup d’origines sont représentées, et cela constitue une vraie richesse, qui se manifestent
lors de fêtes interculturelles, où la musique et la cuisine sont des occasions d’échanges.
La ZUP a des dimensions plus grandes. La ZUP n’est pas un quartier mais elle est
décrite le plus souvent comme composée de trois quartiers :
-
la « ZUP blanche » (tours Solitaire et Diamant) héberge une population de type
ouvrier ;
-
la « ZUP grise » (tours Saphir et Rubis), où le pourcentage de chômeurs et de
personnes en difficulté économique est plus important ;
-
la « ZUP noire » (bâtiment turquoise) où les habitants sont en très grande difficulté, et
dont les familles tentent de s’extraire. C’est donc là que les familles nouvellement
arrivées sont installées, parce que c’est là que les appartements sont libres. Il y a donc
une forme de discrimination au logement, de la part des bailleurs. Même si les
bailleurs regardent avant tout la situation professionnelle des locataires.
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La mixité n’existe donc plus vraiment, ce sont avant tout des populations fragiles qui sont
concentrées là. C’est déjà un ghetto, les gens veulent plutôt avoir un logement près du stade.
Autour de la ZUP l’imaginaire se forme, avec les faits divers, les statistiques de la
délinquance active ou passive.
Des rivalités communautaires peuvent s’exprimer.
Il existe également un racisme entre Algériens et Kabyles. Des rivalités s’expriment, pas
méchantes, mais répétées. Le discours entendu est parfois « de toutes façons on sait mieux
faire qu’eux », ou bien « je ne viens pas s’il y a untel ». Toutefois, ce genre de racisme
s’exprime beaucoup moins au niveau des jeunes.
A la ZUP, une forme de regroupement communautaire est observable, avec des jeunes qui se
regroupent selon des différences de religion, de couleur de peau, ce qui renforce le sentiment
de discrimination.
Les jeunes se servent de cette image pour se construire une identité
A la ZUP, les jeunes se rassemblent et peuvent être arrogants, en disant « on est opprimés, on
ne veut pas courber l’échine ». Par ailleurs, comme les jeunes du quartier ont une image
négative, cela alimente les fantasmes, sur les trafics de drogue. Parmi ces jeunes, ceux issus
de l’immigration maghrébine sont visibles. Avant on entendait « c’est la bande de la ZUP »,
désormais on entend « c’est les jeunes arabes de la ZUP ».
Les jeunes utilisent cette image, quand ils vont quelque part, ils disent « ZUP en force ! ». Ils
revendiquent cette appartenance.
Cela peut créer une fracture entre les jeunes et les adultes. Les médiateurs observent que
quand ils sont appelés, les gens cataloguent rapidement les jeunes comme de la racaille.
Les jeunes se créent une image eux-mêmes
Au delà de l’appartenance à un quartier, l’expression par un style vestimentaire est vue
comme une marque d’identité.
« Ces jeunes fonctionnent énormément sur l’image. Certains ont pu être exclus,
n’étant pas branchés, n’ayant pas le jogging de marque. Pourtant, ils perçoivent ce
style comme un frein pour entrer dans un endroit. Face à un employeur, l’un d’eux se
demandait s’il fallait enlever les boucles d’oreille. » (MJC)
« Leurs vêtements, c’est leur carte de visite. Les casquettes, les bonnets, ça en rajoute
à leur image. Mais c’est aussi un moyen de se reconnaître et se différencier. Une fois,
face à un groupe qui avait ces vêtements, ils ont réagi en disant « regarde les lascars,
ils se sont déguisés ! Ils ne sont pas de notre milieu. Ils jouent à être des petits
délinquants ». (CS Torcy-cités)
Il faut souligner que cette image est fortement intégrée par les acteurs et intermédiaires
de l’emploi : la casquette, le jogging, sont autant de marqueurs cités comme étant liés à
une attitude désinvolte, un problème de comportement.
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4. Les discriminations observées
Au service prévention médiation de la ville, beaucoup de jeunes sont au chômage,
intérimaires chez Citroën ; le reste, ce sont des demandeurs d’emploi, qui viennent et utilisent
Internet.
Mais ils ne parlent pas beaucoup des discriminations.
Les discriminations observées résultent du cumul de plusieurs étiquettes.
« L’image du quartier joue négativement à l’embauche. Un jeune a déjà été refusé
dans une formation parce qu’il venait du quartier. Un autre n’a pas été embauché sur
Charleville par Radio Ménages Services alors que l’ANPE lui avait dit oui. Les
entreprises en face du quartier n’embauchent pas de jeunes du quartier, rarement.
L’image des « jeunes de quartier » gêne notamment certains enseignants. Les
professeurs sont très gênés, quand les jeunes gardent leur blouson et leur casquette.La
discrimination raciale se combine aux deux précédentes étiquettes. » (CS Torcy).
« Certaines agences d’intérim ne veulent plus de jeunes, d’origine maghrébine, du
quartier. Il y a eu auparavant 7-8 jeunes adultes du quartier, en intérim qui ont mis le
bordel. De ce fait les jeunes avaient tagué l’agence le lendemain. C’était sans doute
une erreur de condenser tous ces jeunes, de les laisser en groupe, parce qu’ils
continuaient leurs habitudes. Le problème après c’est que ça créé des amalgames
« tous les jeunes du quartier sont comme ça ». » (ACPSO)
Cela peut engendrer une autodévalorisation, voire un fatalisme.
« Il existe également un fatalisme « on est jeunes, on est du quartier, on est arabes, on
n’y arrivera pas ». » Moi, je leur réponds « si tu es motivé, si tu es sérieux, tu
trouveras du boulot ». (CS Torcy)
« Le fait d’être maghrébin est vécu comme une charge, le discours est très négatif,
comme si les jeunes s’enfermaient dans un suicide social. » (CS Lac)
Il faut souligner par ailleurs un décalage réel entre les attentes des jeunes et la réalité des
services fournis par les structures d’accompagnement à l’emploi. Se voir donner rendez-vous
pour 15 jours après est décourageant pour le jeune, il n’est pas dans la même temporalité.
Ces discriminations se manifestent dans plusieurs domaines. Elles prennent parfois
des formes subtiles (discrimination indirecte).
« Au quotidien il y a beaucoup de petits obstacles, de petites pressions sur ces jeunes.
L’un d’entre eux n’a pas réussi à avoir au téléphone l’heure d’un rendez-vous, qu’il
avait oubliée. Ou bien, au Leclerc, on leur demande systématiquement ce qu’il y a
dans leur sac. » (CS Torcy)
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L’accès aux loisirs (sports, discothèques, mais aussi vacances) est un domaine où existent des
discriminations, même en dehors de Sedan par rapport à ces jeunes de quartiers.
« Dans l’accès au sport, il existe également une discrimination institutionnelle, mais
très déguisée. A la piscine de Sedan, ils refusent des jeunes du quartier. Le maître
nageur prend en effet l’attitude de l’adulte autoritaire, ce qui sonne comme une
provocation. Alors la piscine a interdit les slips de bain et les bonnets, ce qui est
rédhibitoire pour les jeunes du quartier. » (CS Lac)
« Au niveau des loisirs, les discothèques et les campings sont les lieux où s’exerce la
discrimination. Selon les patrons de discothèque « c’est toujours eux qui foutent la
merde ». » (CS Torcy)
Les vacances et les séjours des centres de loisir ont été l’occasion de vivre des
discriminations. L’ACPSO a emmené des jeunes en vacances, ils ont rencontré des
difficultés pour entrer dans certains lieux, comme Center Parc ou le lac Béron. Le discours
tenu est « vous venez de Sedan, vous ne rentrez pas ». Cela vient de quelques actes d’un petit
groupe, qui ont nui à la réputation des autres.
Le majeur problème reste d’apporter la preuve et de porter plainte.
Toutefois, les acteurs soulignent les limites supposées du dépôt de plainte pour les jeunes :
pas efficace et pouvant entraîner la facilité.
« Il n’existe pas de discrimination concrètement prouvable. Porter plainte à la police
ne se fait pas vraiment : les jeunes n’y croient pas. Et il reste difficile de prouver ce
genre de choses. » (Service Prévention Médiation)
« Les jeunes ne sont pas à côté de la plaque, ils savent qu’ils peuvent attaquer, qu’ils
ont des droits. Mais en matière de discrimination les choses ne se disent pas aussi
clairement. Il s’agit aussi de ne pas tomber dans le discours « elle est raciste », qui
excuse tout. Il ne faut pas oublier qu’il y a aussi un cumul de handicaps. Il y a aussi
des exemples qui montrent que quand on se bouge, ça marche. » (MJC)
5. Les actions mises en place auprès des jeunes pour favoriser leur insertion
Le service prévention- médiation a mis en place des chantiers permettant aux jeunes
d’avoir un petit pécule pour des projets. Cela s’inscrit dans le cadre du contrat de ville.
Le centre social Torcy cités a entrepris des actions visant à l’insertion professionnelle
des jeunes.
- Le centre a soutenu la formation d’une cinquantaine d’animateurs depuis 4 ans.
- Un projet de parrainage a été déposé.
Les jeunes sont en effet hors des circuits d’accompagnement. L’idée est qu’il y ait un parrain
pour un jeune, qui puisse lui proposer son réseau et l’accompagner pendant un an, avec un
suivi une fois par semaine.
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A la MJC, depuis 2001, un projet Jeunes 13-20 ans propose un accompagnement un
peu plus individualisé.
Il s’agit d’un projet sur les cultures urbaines, avec du chant, de la danse, de l’écriture. Les
participants sont de quartiers et de cultures différents. L’image du hip hop est faussée à Sedan.
Une mère a refusé que son fils continue parce qu’il y avait trop de « drôles ». Une fresque en
graphe a été faite afin de se rapprocher du public, de manière à intégrer les jeunes dans la
culture urbaine.
Les participants sont fortement motivés et impliqués dans leur projet, qui permet de les ouvrir
à d’autres réalités, au théâtre, à l’expression scénique, à l’écriture, tout en valorisant leur
culture.
Au centre social Le Lac, des jeunes sont embauchés en CES pour faire de l’animation
et de l’accompagnement scolaire.
Ces premiers éléments soulignent la construction de la stigmatisation
puis de la discrimination par le cumul des étiquettes négatives
(jeune, de quartier, issu de l’immigration). La discrimination raciale
ou ethnique est une partie de cette construction.
La discrimination évoquée ne touche pas que le domaine
professionnel, mais aussi les loisirs.
Les acteurs sont conscients des discriminations existantes, les tests
sont pratiqués couramment ; mais il y a peu de moyens de les
dénoncer, ce qui semble créer un défaitisme. Un axe de travail
pourrait être la mise en place d’un dispositif de veille, avec les
acteurs de proximité, sur les discriminations vécues.
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16
B – LES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE DE L’EDUCATION ET DE LA FORMATION
Au niveau du système éducatif, les acteurs rencontrés perçoivent des discriminations dès la
recherche de stage, mais aussi une vision fataliste des jeunes de leur avenir.
1. Dès le collège, il peut exister un fatalisme des jeunes
Les collèges de Sedan sont différenciés :
-
-
le collège Nassau, sur les hauteurs
le collège Turenne, en centre ville, est très demandé, mais il est en baisse d’effectifs –
il n’y a pas beaucoup de jeunes en centre ville, ou alors il y a une très forte fuite vers
le privé
le collège Fresnois et le collège du Lac, des quartiers qui ont une mauvaise image.
Les dérogations pour éviter le collège Fresnois sont désormais refusées.
Le public du collège Fresnois se sent destiné à des études courtes
Le public du collège Fresnois vient à 40% du quartier de Torcy-cités, et à 60% de Donchery
et de l’extérieur de Sedan.
En fin de 4e, on observe une fuite d’effectif vers des maisons rurales et familiales. D’autres
vont en 3e préparatoire aux voies professionnelles.
De ce fait, sur 79 élèves en 4e en 2005, il en est prévu 60 en 3e à la rentrée.
En général, sur 90 élèves en 6e, 50 arrivent en 3e.
Après la 3e une majorité des élèves va en Lycée Professionnel.
En 2004, sur 75 élèves de 3e, 26 vont en section Scientifique générale, aucun en littéraire.
Beaucoup ont intégré l’idée qu’ils ne feront pas d’études, ils se disent « de toutes façons j’irai
en lycée professionnel ».
Au collège Fresnois, une rencontre est organisée entre les proviseurs des lycées possibles et
les parents, afin de les informer. Mais certains parents ne parlant pas le français, les enfants
servent d’intermédiaires et disent ce qu’ils veulent.
2. La recherche de stage en lycée professionnel révèle des discriminations ethniques
Le LEP Jean Baptiste Clément dispense des formations dans 3 cadres différents :
- le lycée professionnel, dans le cadre scolaire
- le Centre de Formation des Apprentis, dans le cadre de contrats de travail
- le GRETA pour les adultes, en formation continue.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
17
Il y a deux pôles de formations :
Les élèves sont en grande majorité des garçons
-
-
automobile, c'est-à-dire mécanique, carrosserie, peinture, magasinage des pièces
détachées ;
industriel, c'est-à-dire maintenance, productique, électrotechnique, chaudronnerie.
97% de garçons
630 élèves de lycée
environ 100 au Centre de Formation des Apprentis
une cinquantaine d’adultes.
De 15 à 21 ans.
Originaires de tous les quartiers de Sedan et même de l’ensemble du département.
Il est rare d’avoir des primo-arrivants ; quand un jeune arrive sans savoir parler le
français, il est réorienté vers le CIO pour aller voir sur Charleville, dans des filières de
réinsertion en formation professionnelle.
Les jeunes issus de l’immigration sont surtout d’origine maghrébine, quelques-uns
sont originaires de Turquie.
La recherche de stage souligne des problèmes de discriminations.
La recherche de stage incombe au jeune et à sa famille, cela fait partie des exercices
pédagogiques. Or, au terme de l’échéance de recherche de stage, il reste des jeunes n’ayant
rien trouvé ; 3 sur 4 sont des jeunes d’origine maghrébine.
De même, il faut noter que dans l’effectif du Centre de Formation des Apprentis – pour lequel
il faut trouver un employeur, un contrat de travail – il n’y a aucun jeune d’origine
maghrébine.
La discrimination reste du domaine du non dit, mais elle apparaît comme une réalité.
Certaines entreprises disent à un jeune issu de l’immigration ne pas prendre de stagiaires ;
mais quand Dupont se présente le lendemain, elle en prend.
Cela entraîne un discours de mobilisation des jeunes concernés :
« J’aborde aussi le problème avec les jeunes d’origine maghrébine : « vous vous
devez d’être beaucoup plus à cheval sur la ponctualité », d’ailleurs je ne manque
jamais une occasion de le dire. S’ils veulent s’en sortir, il faut qu’ils mettent
davantage encore le pied à l’étrier ; une fois qu’ils sortent de l’entreprise, alors celleci a un autre regard. »
L’équipe du LEP vise alors à mettre en relation les entreprises et les jeunes
-
-
Le LEP pousse un peu les entreprises à prendre des stagiaires de toutes les origines,
cela permet d’infléchir leurs représentations sur les jeunes, afin de leur montrer qu’ils
sont volontaires.
Un forum est organisé avec les élèves de terminale, pour faire le lien avec les agences
d’intérim, principale voie d’insertion professionnelle.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
18
La question des discriminations ne doit pas faire oublier d’autres facteurs
impliquant la difficulté à trouver un stage :
-
une situation sociale parfois difficile, notamment pour les familles issues de
l’immigration. Un dossier de demande de fonds social sur deux concerne un jeune issu
de l’immigration, alors que la proportion de ces jeunes n’est pas de 50% dans le lycée.
-
Pour la plupart des stages, les jeunes trouvent par leur réseau relationnel, leurs
parents. Or les parents des jeunes d’origine maghrébine sont dans le bâtiment ou
l’industrie, secteurs que les jeunes rejettent complètement. Les élèves n’ont pas envie
de faire comme leurs parents, ce qui se traduit par une surreprésentation des jeunes
d’origine maghrébine dans les formations du secteur tertiaire. De même, le secteur de
l’automobile n’est pas attractif pour les jeunes, les payes ne sont pas valorisantes.
3. Les stages du GRETA sont l’occasion de constater des discriminations sexistes
Le GRETA des Ardennes est une structure départementale, au profit de tous les publics :
salariés d’entreprise, handicapés, demandeurs d’emploi.
Le public jeunes du GRETA se répartit de la façon suivante :
-
les moins de 26 ans sont orientés par la PAIO. La part des 16 à 21 ans augmente, les
22-25 sont plus faiblement représentés.
50% de femmes.
C’est au stagiaire de trouver son stage, afin qu’il soit confronté à la difficulté. S’il n’a pas de
stage, il perd sa rémunération. Il est toutefois arrivé au GRETA de placer des stagiaires. Tous
les stagiaires trouvent, quelque soit leur nom, leur origine.
Le problème des discriminations ethniques n’est pas observé au GRETA.
La difficulté générale à trouver des stages est décrite comme provenant de plusieurs facteurs :
-
une forte proportion de personne avec des problèmes sociaux ;
des jeunes qui, lorsqu’on leur trouve un stage, sont mis face à leurs responsabilités
qu’ils n’assument pas. Ils ont compris le fonctionnement, et se comportent de manière
très libérale, se montrent laxistes.
Ainsi, un jeune d’origine maghrébine voulait faire de la soudure. Il avait un talent fou. Il s’est
« pris la tête » avec un prof, parce qu’il n’acceptait pas d’être dirigé. Il y a des limites à ne pas
franchir.
Certains jeunes partent de leurs stages, prennent des arrêts maladies et ne donnent pas de
nouvelles. Mais dès lors qu’ils sont menacés d’une sortie de leur situation, alors ils se
reprennent.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
19
Une forte discrimination est repérée par rapport aux femmes.
Dans l’industrie, le discours reste « on ne veut pas de femmes ».
Les prétextes avancés sont par exemple « on n’est pas équipés en matière de vestiaires ». Il y
a beaucoup de craintes aussi de la gent masculine de voir les femmes prendre le pouvoir. Les
femmes sont en effet perçues comme plus rapides, plus habiles. Elles peuvent faire ce que les
hommes font : elles n’ont pas de problème de dextérité pour passer le permis cariste.
C – LE POINT DE VUE DES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI
Le contexte sedanais de l’emploi
Le contexte économique sedanais est décrit par les acteurs comme une des causes majeures de
la situation des discriminations. Les employeurs peuvent se permettre de faire leur choix afin
de minimiser leurs risques à l’embauche.
L’intérim reste un gros pourvoyeur d’offres. Sur le département, 7 Déclarations uniques à
l’embauche sur 10 se font en intérim. Cela permet de tester la motivation de l’employé,
pendant 8 mois parfois, ce qui peut déboucher sur un CDD voire un CDI.
1. Les dispositifs existants afin de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes
La PAIO
La PAIO est chargée d’accompagner les jeunes de 16 à 25 ans, qui sont sortis du système
scolaire, et de les mener à l’insertion professionnelle.
Le public suivi est très important :
- 1000 jeunes par an sont accueillis,
- la moitié sont des garçons, la moitié des filles,
- les niveaux de formation sont surtout V et IV,
- le territoire est l’arrondissement de Sedan, soit 79 communes et 79 000 habitants.
Le public immigré ou issu de l’immigration à la PAIO est constitué de jeunes d’Afrique
subsaharienne en situation illégale, mais aussi massivement des Turcs, de jeunes Algériens,
Marocains, Roumains, un Russe.
Le PLIE
Le public du PLIE n’est pas prioritairement les jeunes. Le PLIE propose un accompagnement
avec un référent unique, qui travaille sur la réinsertion sociale et professionnelle. Il arrive
donc que des référents mettent en relation des demandeurs d’emploi avec des employeurs.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
20
Objectif Emploi
A Objectif Emploi, les moins de 30 ans représentent 21% du public suivi en 2004, sur 235
personnes.
Les personnes suivies se répartissent également entre le centre ville, le Lac et Torcy-cités
(37%, 32% et 26%) ; 11% sont étrangers et 65% ont un niveau VI (sans doute 25% sont
illettrés).
L’ANPE
Pour les jeunes, l’ANPE travaille en lien avec la PAIO. Les jeunes sont convoqués s’ils ne
suivent pas les rendez vous.
163 jeunes demandeurs de catégorie 1 ont moins de 25 ans au 31 décembre 2004, sur 3400 en
tout.
Les formations à la MJC
A la MJC, la formation de remise à niveau du projet professionnel concerne 12 à 14 jeunes,
pendant 4 mois. Il s’agit de préconiser une formation, après avoir formalisé le projet.
L’accompagnement dure 4 mois, avec 30h en tout, dont 5 semaines de formation.
Le public concerné a quitté l’école, de manière générale, même si certains ont fait un bac pro.
Ils font des stages de 5 semaines en alternance.
Ardennes Insertion, entreprise d’insertion
30 jeunes sont concernés, de 18 à 30 ans.
Ce sont surtout des jeunes sans qualification, avec quelques soucis de comportement. Une
sélection draconienne est opérée, puisqu’Ardennes Insertion n’est pas une association sociale
mais une entreprise d’insertion à l’activité économique.
Il s’agit en fait d’une éducation au monde du travail, c'est-à-dire aux aspects professionnels,
de réglementation, juridiques, mais aussi de comportement, de savoir-être.
Le contrat est de 550 heures à temps complet, ce qui donne une évolution positive sur un an.
Il comprend un pôle de formation théorique, sur le code du travail, le règlement intérieur, le
devenir salarié / devenir employeur, les aspects de la vie quotidienne (hygiène, sécurité), la
mobilité. Il s’agit de les amener tout doucement à faire ce qu’ils n’ont pas eu, les faire avancer
à pas de souris.
Le Comité de Bassin d’Emploi
Au delà de son rôle premier de cerner les besoins de formation, le Comité du Bassin d’Emploi
vise également à mettre en relation l’Education Nationale et les professionnels. Des
professionnels interviennent en classe pour expliquer leur cursus. Cela permet aux jeunes de
savoir comment ça se passe en entreprise, de connaître aussi les exigences de ce secteur. Cela
permet de changer les représentations de l’usine que peuvent avoir les jeunes, de montrer
qu’un ingénieur n’est pas forcément d’un milieu sur favorisé.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
21
Les contrats destinés aux jeunes
Le bassin d’emploi de Sedan (3 cantons) compte un quart des contrats spécifiques destinés
aux jeunes dans le département.
2004
Contrat Jeune en entreprise
Dont :
Hommes
Femmes
Contrat d’apprentissage
Dont :
Hommes
Femmes
16-20 ans
Contrat de qualification
Dont :
Hommes
Femmes
CDD
CDI
Bassin d’emploi de Sedan
%
Nb
25.5
187
dont :
143
76.5
44
23.5
18.5
161
dont :
118
73.3
43
26.7
147
91.3
4
2
2
3
1
17.4
dont :
50
50
75
25
Total Ardennes
%
Nb
100
733
870
100
23
100
Dans les contrats d’apprentissage, environ la moitié ne vont pas à terme. Les employeurs
cherchent plutôt des jeunes de 16 ans, les plus de 20 ans étant vus comme ayant déjà des
travers.
2. Les difficultés d’accès à l’emploi des jeunes
Les acteurs de l’emploi décrivent une situation difficile pour l’embauche des jeunes. Plusieurs
facteurs sont cités comme des obstacles à l’accès à l’emploi.
Le comportement est cité comme cause première de la distance à l’emploi des jeunes.
Le comportement recouvre l’idée de ponctualité, tout d’abord, qui est décrite comme pouvant
être liée à l’absence d’expérience, ou au manque d’exemple familial.
« Au niveau des jeunes, le non travail existe. Se réveiller le matin pour aller travailler,
prévenir en cas d’absence, sont des réflexes qui ne sont pas naturels. Leur priorités ne
sont pas celles de quelqu'un qui a travaillé. Pour certains, c’est la 3e génération de
demandeurs d’emploi. Il y a donc une mentalité qu’il est difficile de faire évoluer.
Cela pose des problèmes pour le suivi : un jeune peut être une heure en retard, sans
prévenir. Ils ne s’imaginent pas quelles conséquences peut avoir une heure de retard.
Face à leur employeur, ils ne comprennent pas. Il y a donc un décalage énorme face à
un employeur, ils ne savent pas comment se comporter face à lui. Ils n’acceptent pas
qu’il puisse leur faire des remarques. » (PLIE)
Le comportement désigne aussi le fait de savoir se présenter de façon conforme aux
normes de l’entreprise. Cela passe notamment par un aspect vestimentaire, sur lequel les
intermédiaires travaillent.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
22
« De même, au niveau des tenues vestimentaires, il est difficile de leur faire retirer
leur casquette : « je ne la retire pas, je suis mal coiffé ». Ils sont dans leur monde. »
(PLIE)
« A l’ANPE, une sensibilisation est donc faite, sur le comportement : pour la
présentation, il est expliqué aux demandeurs « soit vous êtes dans le système, soit vous
ne vous rendez pas compte que votre tenue vestimentaire vous nuit ». S’ils arrivent
devant l’employeur, il faut qu’ils sachent se tenir. Il faut également savoir qu’on ne
fume pas, on respecte la vie et l’image de l’entreprise, on porte la veste de l’entreprise
– ce qu’un jeune a du mal à concevoir. » (ANPE)
« Il existe un écart, qui se manifeste par des problèmes de présentation, notamment :
il n’est pas question de discrimination quand déjà un jeune entre dans un bureau avec
sa casquette et de la nonchalance. La réduction de cet écart se fait par exemple par
les ateliers de théâtre proposés par la MJC afin d’aider les gens à être acteurs de leur
vie, et à travailler leur présentation. » (DDTEFP)
Cette question du comportement peut être vue comme une cause importante de
discrimination, bien plus même que l’origine ethnique.
« Qui on discrimine ? Pas tellement le jeune « de couleur », s’il a un comportement
adapté ; mais ceux qui ne sont pas pris, ce sont des jeunes qui ne sont pas socialisés,
avec des difficultés de comportement. Certains se réfugient derrière un pseudoracisme. Mais ce sont ceux qui sont hors norme, peu intégrables. Les conseillers ont
l’occasion de mesurer cela : en formation, il faut avoir un comportement adapté,
parce qu’il existe un règlement intérieur. Alors le jeune à qui on dit tous les jours « il
faut arrêter d’avoir ce comportement », il claque la porte. » (PAIO)
Les attentes peu réalistes du jeune sont également citées comme un obstacle à
l’emploi.
La distance à l’emploi du jeune est expliquée par la méconnaissance du monde de l’entreprise,
et le décalage entre les attentes du jeune et la réalité. Il y a une attitude de fierté et un désir de
liberté par rapport à un monde jugé aliénant.
« Les CDI signés entre un patron et un jeune de 16 à 25 ans, avec un niveau de bac
maximum, enregistrent un taux de rupture très important. La durée maximale est d’un
an et demi. Cela révèle un décalage entre ce que le monde de l’entreprise demande et
ce que le jeune vit. Il y a un décalage entre la réalité du marché de l’emploi et les
représentations que les jeunes s’en font, jeunes qui n’acceptent pas de travailler pour
rien. » (DDTEFP)
« Ils n’ont pas non plus envie de reproduire ce que les parents ont vécu. Ils gardent la
tête libre, disent « l’esclavage, c’est pas pour nous ». Souvent, ils ont l’expérience du
stage, où ils se sentent exploités. Ils pensent que les employeurs sont tous des
profiteurs. Eux, fonctionnent sur de l’affect, pas sur du travail, ni sur un produit. Ils
prennent les choses pour eux « s’il dit ça, c’est parce qu’il ne m’aime pas ». Ils vivent
sur des impulsions, comme ça. Ça leur est dû, tout devrait être normal. Ils ne font pas
d’efforts particuliers. Peut être que nous, services d’insertion, sommes responsables
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
23
de tout ça, à trop vouloir les aider, cela créé un décalage avec la rentabilité, la
productivité. » (PLIE)
L’image de « jeune de quartier », liée à la délinquance, vient s’ajouter à ces
obstacles.
Les intermédiaires soulignent l’existence de cette image ; ils la relaient, soit en la vérifiant
auprès de leurs usagers, soit en la combattant.
« Il y a une étiquette de délinquance, de crameurs de voiture sur les jeunes de
quartier.
Contre ces discours, je ne peux que pousser un coup de gueule, mais je ne peux rien
faire. En revanche, en tant que conseiller, je ne vais pas être coulant sur certains
comportements. Je vais lui dire, au jeune, quand ça ne va pas, et s’il me traite de
raciste, tant pis. » (PAIO)
« Les employeurs regardent aussi l’adresse. Il faut dire qu’au niveau du quartier, ils
ont leurs propres règles, qui ne sont pas applicables dans le monde du travail. »
(PLIE)
Toutefois, les intermédiaires de l’emploi observent également un effort d’adaptation de jeunes
qu’ils reçoivent afin de dépasser cette distance : les jeunes « jouent le jeu ».
3. Les types de discrimination à l’embauche décrites par les intermédiaires
Dans un contexte de forte tension sur le marché de l’emploi, les sources de
discrimination peuvent être multiples, selon les intermédiaires de l’emploi.
Ainsi, certains statuts sont décrits comme étant stigmatisants :
« Le fait de toucher le RMI, ou encore le fait d’avoir eu des emplois aidés signifie
qu’on n’a jamais travaillé dans l’emploi marchand. D’autres éléments sont
discriminants, comme des stages sur le CV marqués PAI ou RAF, qui sont catalogués
par l’employeur comme n’ayant servi à rien. Alors le conseil est donné aux gens de ne
pas mentionner le type de contrat sur le CV, sous peine d’être catalogué comme
fainéant. De même qu’il est conseillé à un jeune sans expérience de ne pas marquer
« stage » mais « mission ». (PLIE)
La sélection se fait également selon la mobilité du jeune, et le fait d’avoir le permis
devient discriminant.
« Pour une personne mobile, l’emploi se trouve à Charleville et en Belgique (Ferrero,
L’Oréal). Mais il s’agit surtout de postes sous qualifiés, avec des contrats saisonniers,
dans l’hôtellerie notamment (agent d’entretien, femme de chambre). Pour Ferrero il
existe un ramassage des salariés ; pour la fonte ardennaise, à Viviers-Aucourt,
également. Dans certains secteurs, comme l’aide à domicile, c’est le véhicule qui est
discriminant. Le critère fondamental reste la mobilité. » (54% des personnes suivies
par Objectif Emploi n’ont pas le permis de conduire). De ce fait, un projet existe
actuellement autour de la mobilité : ceux qui ont le permis peuvent louer une voiture
ou même en acquérir une afin de pouvoir être mobile sur tout le bassin d’emploi, sans
grever le budget familial. Pour cela, une association a été créée, l’AMIE (Association
de Mobilisation pour l’Insertion par l’Emploi).
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
24
Les femmes sont décrites comme particulièrement exposées à des discriminations
sexistes.
Elles sont à la fois orientées vers des secteurs bien précis, et peu admises dans le secteur
industriel.
« Les discriminations sexistes existent. Les femmes sont plus orientées vers des métiers
moins payants, vers des métiers non qualifiés. Le sexisme est important. Un motif
avancé est qu’il est difficile d’intégrer 1 femme dans une usine de 500 hommes. Mais
ce ne sont sûrement pas les salariés qui demandent à ce qu’il n’y ait pas de femmes.
Le prétexte de « nous n’avons pas de vestiaire pour les femmes » ne tient pas non
plus. » (ANPE)
De ce fait, plusieurs acteurs estiment que la discrimination raciale est à la marge, elle est
englobée dans d’autres problèmes discriminatoires.
4. La place des discriminations ethniques et raciales
Les immigrés font face à d’importants obstacles à l’emploi.
-
la barrière linguistique, pour ceux qui ont du mal à s’exprimer, à comprendre, surtout
pour les personnes qui arrivent en France depuis peu.
Pour contrer cela, 3AFI et les centres sociaux se sont mobilisés.
-
Le manque de reconnaissance des diplômes étrangers en France. Un électricien formé
en Algérie peut se retrouver dans le ménage ou le bâtiment.
-
L’image négative de certains métiers joue également.
-
La nationalité française, nécessaire pour passer des concours de la fonction publique.
-
La mobilité, autant matérielle que psychologique – et cela est vrai pour l’ensemble du
public. Les transports en commun jusqu’à Charleville sont développés, mais certains
ne veulent pas bouger. Une location de mobylettes a ainsi été organisée.
-
la différence culturelle : il est difficile de travailler avec une jeune fille maghrébine, ou
musulmane, en tant qu’homme. Le foulard peut par ailleurs poser problème à
l’entreprise.
Ainsi, pour l’orientation vers les services à la personne et l’intégration sur des postes de
travail, il est délicat de choisir des nouveaux arrivants, ce type de public à la marge. Il est
apparaît difficile de répondre à ces problèmes lorsqu’ils se superposent.
Les intermédiaires constatent des difficultés spécifiques à l’emploi des jeunes issus de
l’immigration.
Au PLIE, il est observé que les personnes d’origine maghrébine sont plus en difficulté que
ceux des pays de l’Union Européenne. Mais c’est encore plus difficile pour quelqu'un
originaire de Somalie, ou un Kurde.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
25
Un nom à consonance étrangère peut entraîner des réticences chez l’employeur, ou bien des
représentations : certains partent par exemple de l’idée que les Turcs sont en situation
irrégulière.
« Nous aidons parfois dans les démarches de recherche de stage. Mais on se présente
comme des permanents d’une association de quartier, pas comme éducateurs. Les
employeurs disent « oui, pourquoi pas ». Mais dès que l’identité des jeunes est
donnée, alors ils disent « attendez, on vous rappelle », ou « le poste est déjà pris ». »
(ACPSO)
A cela s’ajoute un ensemble de représentations négatives sur la religion.
« Le 11 septembre a fait du tort : il y a une discrimination car la religion et l’origine
sont regardés de travers. » (PAIO)
Cette discrimination est décrite comme différenciée selon les secteurs d’activité.
Les secteurs décrits comme les moins discriminants sont ceux où la main d’œuvre qualifiée
est rare.
« La discrimination n’est pas repérable dans les secteurs où il y a besoin de main
d’œuvre, comme à la Fonderie, ou dans le bâtiment. Le manque de main d’œuvre fait
que les gens volontaires ont leur place. Parfois la discrimination est inversée :
certains travaux de bâtiment sont tellement durs que les employeurs disent avoir des
Français qui ne veulent plus travailler, alors ils demandent des étrangers. Certains
disent même « on va chercher des employés dans les pays de l’Est ». » (Objectif
Emploi).
Dans le secteur industriel, ou dans le commerce, en contact avec des clients, la
discrimination est toutefois décrite comme réelle. Le secteur en développement de l’aide à
domicile est perçu comme particulièrement sélectif.
« Dans le domaine de l’aide à domicile, il n’est pas non plus très facile de faire entrer
des gens d’origine étrangère, pour être assistante de vie, par exemple. L’aide à
domicile renforce la sélection par la voiture et la mobilité, mais c’est aussi et surtout
un métier perçu comme féminin. Il existe dans ce domaine beaucoup de préjugés. »
(PAIO)
Ce secteur est pourtant vu comme un moyen intéressant de faire évoluer les mentalités.
« Une idée serait de passer par les associations de services à la personne, permettant
de changer les attitudes et les perceptions. Les employeurs sont en effet gros
consommateurs de services. » (PAIO).
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
26
5. La position délicate des intermédiaires de l’emploi
Cette situation discriminatoire observée est toutefois difficile à avérer.
Parmi les jeunes, cela créé des rumeurs, mais aussi une autolimitation, voire un
défaitisme.
« Les difficultés pour les jeunes issus de l’immigration sont assez connues, les bruits
courent. Un mieux est observé, cela peut être parce qu’il y a une réelle évolution, mais
aussi parce que les jeunes le disent moins. » (PAIO)
« Une jeune est venue un jour en disant « Vous avez vu comment je m’appelle, je ne
suis pas blonde aux yeux bleus, qu’est-ce que vous pouvez faire pour moi ? ». » (MJC)
Pourtant, les cas avérés sont très peu nombreux, selon les comptes des structures. Ainsi, à la
MJC, un cas a été recensé en deux ans, sur 30 jeunes. Une stagiaire reprochait à un employeur
qui la refusait : « ça ne vous plaît pas parce que le nom n’est pas le bon ». L’employeur a mal
réagi. Mais il s’agit d’un cas sur deux ans, donc sur 30 jeunes.
Les intermédiaires de l’emploi se trouvent alors dans un dilemme.
Ils ont en effet des demandes informelles d’employeurs qui leur font comprendre leurs
attentes. Ils peuvent aussi anticiper ces attentes, et de ce fait conseiller aux jeunes de ne pas
envoyer leur candidature, ce qui revient à créer une discrimination systémique, c'est-à-dire
relayée par le système.
« Les employeurs ne transmettent pas de demande discriminante. Mais par des
conversations informelles, les entrepreneurs font part de leurs attentes. Et on ne va
pas envoyer des jeunes d’origine maghrébine, dans des lieux où il y a des problèmes,
ils pourraient être en danger. Dans les petites entreprises, il existe un esprit
conservateur. » (PAIO)
« Souvent, dans l’industrie, c’est un peu plus ouvert, que le secteur de l’accueil, le
service public, la vente. Parfois on leur déconseille, on leur explique que s’ils envoient
leur CV là il va être balancé. » (MJC)
Par ailleurs, les intermédiaires doivent faire face à des demandes discriminantes des
entreprises, qui les placent dans une alternative problématique.
« La discrimination, on l’observe au quotidien. Chaque jour, on appelle les sociétés
intérimaires. Quand on connaît l’entreprise qui demande, on sait qui on va leur
envoyer : plutôt un homme ou une femme, plutôt tel âge. Certains refusent des
RMIstes. On connaît suffisamment les entreprises pour savoir si un nom d’origine
maghrébine passe ou pas, parce qu’on sait quelles entreprises disent « attention c’est
une offre BBR (Bleu Blanc Rouge), je ne veux pas de nom maghrébin ». Cela pose
question, car à la fois on cautionne en répondant à la demande, à la fois on peut se
griller auprès d’une entreprise si on ne répond pas. » (Objectif Emploi)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
27
Le choix de relayer ces offres s’appuie sur l’objectif de faire évoluer petit à petit
l’employeur, même si une telle évolution ne peut être que limitée.
« Cela est également arrivé une fois : une entreprise réclamant un BBR n’avait trouvé
personne avec la formation adéquate. On lui a fait comprendre que son attitude était
problématique car un de nos demandeurs étrangers avait cette formation. Il a alors
changé d’avis, en précisant que ce n’était qu’un exception. » (Objectif Emploi)
Cette difficulté des intermédiaires de l’emploi souligne l’absence de moyens
d’information ou de lutte contre les discriminations.
Il n’y a pas de rappel du cadre légal selon lequel un employeur qui dépose une offre a des
devoirs. Il n’y a pas, sur le territoire, d’association ni de recours permettant de s’informer ou
de discuter du caractère discriminant ou non d’une offre. Stop Racisme est décrit comme
n’ayant plus de militant à Sedan ; la Maison de la Justice et du Droit n’a jamais été contactée
à ce sujet, et ne connaît aucun dispositif existant.
Des formations sont instaurées, comme à l’ANPE. Une formation sur les discriminations et
l’éthique de l’ANPE est actuellement mise en place. L’ANPE est en effet en situation
d’intermédiation. Dans le recueil des offres, les agents se doivent de refuser quand l’offre a un
aspect discriminant, ce qui n’est pas le cas des agences d’intérim. Il faut également savoir
argumenter face à une situation potentiellement discriminante. Ce que peut faire l’agent de
l’ANPE, c’est alerter l’employeur que le salaire proposé ne correspond pas au marché du
travail, ou que les compétences qu’il demande sont trop importantes.
Un axe de travail se dégage sur l’accompagnement des intermédiaires de
l’emploi, publics et privés (intérim) sur la question des discriminations :
comment faire face à une demande discriminante, comment faire respecter
la loi.
Un autre axe se confirme sur la question des moyens de détection et de
dénonciation des discriminations.
La Maison de la Justice et du Droit, outil du contrat de ville, pourrait être un
relais dans un schéma de veille sur les discriminations.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
28
D- LE POINT DE VUE DES ACTEURS DE L’EMPLOI
Nous devons souligner ici les difficultés que nous avons eu à entrer en contact avec les
employeurs et les nombreux refus que ces derniers nous ont opposé. Nous nous sommes
heurté au même refus dans le cadre des groupes de travail.
1. Le discours recueilli souligne une vision plutôt négative des « jeunes ».
Le comportement des jeunes est vu comme source de problèmes. Les jeunes sont décrits
comme n’étant pas motivés, mais plutôt « cocoonés », dans une attitude de consommation :
« La plupart n’ont pas de moyen de se loger personnel, ils sont chez papa-maman. Il y
en a, j’en suis sûr, qui ne bougent pas du quartier, qui ne veulent surtout pas
déménager. Les stagiaires de niveau élevé ne sont pas très motivés. Sur 12 ans, seuls 4
ou 5 stagiaires sont sortis du lot. Sinon, ils s’en foutent ! leurs stages sont déjà payés,
avec de bons salaires. A la dernière embauche, on a embauché un assistant de
direction. Il y a eu 7-8 personnes en période d’essai avant de trouver la bonne
personne. »
« Les difficultés pour les jeunes, sont le manque de motivation et le manque
d’assiduité. Certains jeunes n’ont pas vu leur père travailler, et le taux de chômage
important peut expliquer ces manques. Certains s’en vont au bout de deux jours, ils se
mettent à l’arrêt sous de faux prétextes. Mais c’est une minorité, qui fait pâtir le reste.
Il y a aussi des jeunes courageux, qui font beaucoup de missions ponctuelles, sur
quelques jours. » (Vedior Bis)
« Je trouve que la situation des jeunes s’aggrave. Les jeunes apparaissent de moins en
moins qualifiés, de moins en moins motivés, de plus en plus en demande de droits, les
devoirs venant ensuite. (…) Le non professionnalisme, l’absentéisme, c’est
inacceptable, de même que les problèmes de comportement. Le « c’est d’jà bon »,
c'est-à-dire c’est suffisant. Le jeune doit savoir se tenir à carreau pour rester dans
l’entreprise. Là j’ai mis deux personnes en entreprise extérieure. Un matin elles ne se
sont pas présentées. L’employeur avait tout prévu pour qu’elles viennent, mais elles
n’ont pas prévenu. Tout ça est à corriger ! » (Ardennes Insertion)
« Selon les employeurs, une partie de la jeunesse a également un problème
comportemental : il faut expliquer les règles hiérarchiques, de la ponctualité, le
respect du matériel. Ce discours ne s’entend pas partout mais ressort de diverses
manières, accompagnés d’une nuance « il y en a des bons aussi ».
Ces
représentations s’appuient sur des expériences d’accueil de stagiaires. Certains
employeurs sont déçus, estiment que les jeunes n’ont pas d’engagement moral, lorsque
des jeunes, formés par leurs soins au permis poids lourds, s’en vont chez le concurrent
au bout de 6 mois. » (CBE)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
29
Cette attitude présumée des jeunes est en décalage avec les exigences de l’employeur.
Cela est particulièrement flagrant dans le secteur de l’hôtellerie qui implique une charge de
travail particulièrement importante. De ce fait, l’employeur attend de ses salariés une bonne
assiduité. Or il est déçu et trompé par plusieurs de ses salariées.
« Une de mes femmes de chambre partait à 14h30 en prétextant qu’elle était en
formation alors qu’en réalité elle devait partir à 16h. Les stagiaires, pendant les
périodes de soldes, trouvent toujours des excuses pour ne pas venir. » (Un hôtelier)
La motivation est alors le critère premier à l’embauche
Afin de réduire les risques de mauvaise surprise, les employeurs insistent non pas sur les
diplômes, mais un bon relationnel et une forte motivation. Cette motivation est citée à de
multiples reprises par les employeurs et intermédiaires de l’emploi comme le critère central de
l’embauche.
« Le critère déterminant ce n’est pas le diplôme mais le feeling. Pour l’adjoint, on a
essayé avec ce candidat qui était motivé, même s’il était moins bardé de diplômes que
d’autres. Il n’a jamais d’absence, il fait ses heures, il s’investit. Pendant l’entretien,
on discute avec des gens, on voit si les idées collent. Moi je n’ai jamais été pour les
gros diplômes.
Le travail hôtelier, c’est du terrain. Alors je préfère quelqu'un qui a un CAP sur 3 ans
à quelqu'un chargé en théorie et qui s’y croit. Même pour un adjoint de direction je
souhaite qu’il travaille un peu dans la salle, qu’on perde un peu de temps pour qu’il
comprenne. » (Un hôtelier)
Les indicateurs de la motivation sont dans la « présentation »
Pour mesurer la motivation, l’employeur doit alors se fier à la présentation de la personne, que
ce soit au téléphone (voix, langage, accent) ou à l’entretien (vêtement, attitude).
« Quand ils se présentent en casquette – survêtement, ça ne passe pas, ou avec le
chewing gum. Ça va à la rigueur pour la cuisine, mais moi je tiens à ce que le
cuisinier vienne aussi saluer les clients dans la salle. Mais en survêtement, baskett,
pour un poste de sous-directeur, je ne prends pas. Je veux bien qu’ils ne sachent pas
comment faire, mais en même temps ils viennent sans grande conviction. On sent que
ce sont les parents qui ont poussé derrière. » (Un hôtelier)
« Ce qui pose problème dans la présentation des jeunes, c’est qu’ils ont tendance à
être décontractés. » (Vedior Bis)
Une différence peut être soulignée par l’employeur dans la présentation entre les garçons et
les filles, celles-ci étant vues comme plus avenantes.
« En secrétariat, il n’est pas difficile de trouver des candidates. La motivation est
réelle, il y a peu de défections. La présentation ne pose pas de problème non plus. »
(Vedior Bis)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
30
Un jeune issu de l’immigration peut alors être associé à un accent, ou un décalage culturel,
qui gêne cette présentation.
« Il y a des jeunes qui appellent, qui disent « c’est quoi ça, assistant de direction ? »
(accent jeune). A l’intonation, je comprends qu’il ne connaît pas, et puis je peux
reconnaître que c’est un arabe ou un français. Mais quand on décrit le poste, il n’y a
plus personne. Ce qui compte, c’est le langage, la façon de parler, la façon de se
tenir. » (Un hôtelier)
« Il n’y a pas de différences entre les jeunes issus de l’immigration et les autres. Tout
dépend de la motivation de la personne. Il faut que la personne applique la culture du
pays. Une fois un jeune est parti de son stage, il avait des difficultés à supporter une
supérieure féminine. » (Ardennes Insertion)
Dans l’hôtellerie, le regard des clients sur un salarié issu de l’immigration peut également
poser problème, mais n’est pas vu comme un argument discriminant à l’embauche.
« J’avais une serveuse d’origine indienne, elle a travaillé 3-4 mois chez nous.
Certains clients d’avaient jamais vu d’indienne dans les Ardennes. Alors il y avait des
regards interrogateurs, ce n’était pas évident pour elle. Je ne pense pas que ça peut
nous faire perdre des clients, même si des fois il y a des gens bêtes. » (Un hôtelier)
2. Le cas d’un secteur en plein essor : une sélection importante, peu de place aux jeunes
issus de l’immigration
Le secteur de l’aide à domicile est en plein essor.
Sur les Ardennes, deux structures se partagent la majorité du marché : l’ADAPA (Association
Départementale d’Aide aux Personnes Agées) et l’ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural).
Mutualité Ardennes est une petite structure à côté, qui observe néanmoins une forte
progression de l’activité :
-
en 2001, cela représentait 18 000 heures sur l’année ;
En 2004, elle représente 115 000 heures, soit une progression de 800% en 3 ans.
En 2003 Sedan représentait 5807 heures soit 6,3% du département (85 000 h). Les communes
alentour comptent aussi un volume important d’heures.
Aujourd’hui 192 personnes sont employées par Mutualités Ardennes, le plus souvent en
temps partiel.
-
Ce sont uniquement des femmes ; parmi elles 10 seulement ont moins de 25 ans.
La moyenne d’âge des salariées est environ de 35 ans.
Peu d’entre elles sont issues de l’immigration
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
31
Le secteur de l’aide à domicile recouvre des réalités différentes :
-
une activité « famille » dans laquelle interviennent les TISF (Techniciennes
d’Insertion Sociale et Familiale), auprès de familles en difficulté sociale ou de santé.
Pour cette activité, la formation et la qualification sont fixées ;
-
une activité « personnes âgées » dans laquelle des travailleurs à domicile sont
proposés aux personnes âgées par Mutualité Ardennes. Ce secteur est en plein essor,
ce qui ne veut pas dire qu’il est ouvert à tous : s’occuper de personnes âgées nécessite
une expérience, un sens du contact et du relationnel.
Les personnes embauchées passent à travers une « double sélection ».
Mutualités Ardennes opère une première sélection en anticipant les attentes des personnes
âgées ; elles soumettent ensuite leur choix à ces personnes, qui décident in fine.
« Pour être capables d’intervenir auprès d’une personne âgée, il faut être simple, être
capable d’instaurer une relation de confiance. Nous, en tant que recruteurs, nous
induisons beaucoup de choses de ces exigences. Ainsi, un jeune reçu il y a peu portait
des piercings, des cheveux longs. Ce look ne passerait pas avec des personnes
âgées ! » (Mutualité Ardennes)
Les personnes âgées, elles, préfèrent des femmes, surtout, et pas trop jeunes, pour avoir des
choses à échanger.
La place des femmes issues de l’immigration y est restreinte.
Elles sont d’origine maghrébine, russe, d’Afrique subsaharienne. L’intégration de ces femmes
auprès des personnes âgées se passe sans trop de difficultés.
« Au début on craignait des réactions de la part des personnes âgées. Et puis une
dame très noire a commencé à travailler, ça s’est bien passé. Aujourd’hui, il y a
encore quelques personnes qui peuvent demander à ne pas avoir d’étrangers ».
(Mutualité Ardennes)
Toutefois, cela permet aussi de faire évoluer des mentalités
« Un couple a eu une réticence en voyant arriver chez eux une personne d’origine
maghrébine. Ils ne l’ont pas formulée, mais finalement ils se sont dit agréablement
surpris et ont été très contents d’elle ». (Mutualité Ardennes)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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3. La situation particulière de l’intérim
14 agences d’intérim sont localisées à Sedan, dont une partie représente des structures
nationales (Manpower, Adecco, Vedior Bis, Crit, Adia…).
Les entreprises d’intérim se retrouvent entre les demandes des clients et les attentes des
candidats.
Les entreprises clientes sont surtout celles du secteur industriel (80% de l’activité
chez Vedior Bis, contre 5 à 10% dans le BTP, et 5 à 10% dans le tertiaire).
Dans l’industrie, une partie des demandes (20 à 30%) concerne des qualifications de bon
niveau, des soudeurs, des électriciens nécessitant ou pas de l’expérience. Les entreprises
fixent des niveaux avec au minimum Bac ou Bac+2, avec de l’expérience. Pour le reste, ce
sont des qualifications simples, juste des travailleurs sans niveau exceptionnel de formation.
Ce sont des postes faciles en termes d’accessibilité et de mise en route, mais difficiles
physiquement.
Le client fixe ses exigences, que l’agence peut faire évoluer, en suggérant par exemple un bac
pro quand le client demande un Bac+2.
Du côté du candidat, une attention est portée à sa mobilité, sa situation familiale.
Le gros souci sur le Sedanais c’est le faible nombre de personnes qualifiées. Il y a une
quinzaine de postes pour lesquels l’agence ne trouve pas de candidats, dans la chaudronnerie,
des carrossiers, des peintres, dans le secteur industriel.
Les entreprises ne se donnent pas les moyens de prendre des jeunes motivés pour les former,
car ils sont pressés par les clients qui réduisent leurs délais.
Il y a peu de filles parmi les candidats, et elles cherchent surtout en secrétariat.
Certains jeunes se montrent parfois agressifs, ne comprenant pas pourquoi ils n’obtiennent pas
de réponse. C’est le signe d’un manque d’accompagnement du jeune, d’un manque
d’informations.
Les deux entreprises de travail temporaire rencontrées font partie d’un réseau
national, tenants d’une politique engagée contre les discriminations.
Il existe un code de déontologie chez Vedior Bis, qui exige de ne juger que sur les
compétences, le diplôme. Il n’y a pas de discrimination « BBR ». Mais les clients n’ont jamais
dit, directement ou non, « je ne veux pas d’étrangers ».
Dans la vallée de la Meuse, un cas de discrimination a été recensé.
Chez Adia, cela fait 2 ans qu’un projet de lutte contre les discriminations est mis en place. Au
sein du service de Ressources humaines intérimaires, un service psychologique a mis en place
le projet Latitudes, une enquête auprès des clients et des usagers.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
33
A la Direction Champagne Ardennes, ce projet se décline en plusieurs phases :
-
un travail en interne, dans un premier temps, pour accompagner les agents dans leur
pratiques : leurs gestes, leurs postures (éviter l’agression) et dans leurs discours (« on
ne répond plus à des demandes discriminantes », quelles qu’elles soient (sexe, âge,
origine, quartier…).
Ce qui est observable au niveau régional et local c’est qu’effectivement on entend de moins
en moins de demandes discriminantes.
Si un client dit « je ne veux pas de (femme, arabe, vieux) » alors le cadre de l’intervention
d’Adia lui est reprécisé.
-
depuis 2-3 mois l’envoi des candidatures aux clients se fait de façon totalement
anonyme : il est simplement envoyé un fax avec les compétences et expériences de la
personne. Aucune mention n’est faite de son âge, sexe, nom, adresse.
-
Dans une deuxième étape, un débat va être organisé sur la lutte contre les
discriminations, animé par un psychologue, avec des clients et des agents. Cette phase
n’a pas encore débuté en Champagne Ardennes, mais le premier département à
commencer, ce sont les Ardennes, un maximum d’invitations ont été envoyées. Dans
les autres régions, les premiers débats montrent que ça percute, ça interpelle, ça
culpabilise.
En agence, l’application de ce programme reste toutefois délicate pour le personnel d’accueil :
ils sont à la fois investis par conviction dans le projet et en contact avec des jeunes parfois
agressifs.
Les résultats ne sont pas visibles immédiatement, il y a une évolution à avoir dans l’attitude
des employeurs.
Toutefois, la position des petites agences d’intérim peut être très différente.
Le marché de l’intérim est diversifié. Les agences rattachées à des entreprises d’envergure
nationale sont suffisamment développées pour se permettre de refuser les demandes d’un
client. Mais les agences plus petites, locales, ne le peuvent pas : elles sont dépendantes de
leurs clients, si elles n’ont que 20-30 intérimaires. Donc les entreprises trouveront toujours,
avec ce genre d’agences, quelqu'un pour répondre à leur demande discriminante. Il faut donc
que les entreprises soient directement sensibilisées. Dans les petites agences, la loi contre les
discriminations n’est peut être pas si connue que ça.
Cette situation souligne l’intérêt d’une action concertée avec toutes
les agences d’intérim locales, au moins pour leur fournir une
information sur les cadres légaux contre les discriminations.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
34
La forte présence de l’intérim à Sedan entraîne une autre forme de discrimination, à
l’intérieur des entreprises cette fois-ci.
Les intérimaires peuvent être stigmatisés et mis à l’écart ; l’origine étrangère est alors décrit
comme un facteur aggravant.
« Il reste que après l’embauche, si vous êtes maghrébin, il est difficile de vous faire
des amis, une fois sur la chaîne de production. Parce qu’en tant qu’intérimaire, déjà,
vous n’avez pas la cote. » (PAIO)
« Les intérimaires restent parfois longtemps, jusqu’à 12 ans dans cette situation. Les
entreprises en profitent, les intérimaires représentent jusqu’à un tiers des effectifs.
Cela créé également des conflits sociaux dans les ateliers d’usinage : quand 25
intérimaires sont ensemble, en sachant que seuls 5 vont rester, ils ont tendance à se
marcher dessus. Leur objectif reste d’avoir un CDD puis un CDI, alors ils
développent un comportement individualiste. » (Syndicat)
4. La création d’entreprise par les jeunes issus de l’immigration
De façon générale, la création d’entreprise peut être un moyen de répondre aux
difficultés d’emploi.
Ce qui amène à la création d’entreprise, c’est le désir de créer son propre emploi, et d’acquérir
une indépendance. Le projet peut se faire en réponse à une situation professionnelle souvent
précaire. Toutefois, ce n’est pas un choix par dépit : il existe une vraie envie de créer son
entreprise.
« Ainsi, dans la ZUP, on aide des gens de la communauté maghrébine dont on sent
qu’ils en ont envie. » (CCI)
Les entreprises créées ont une pérennité de 50 à 60% au bout de 3 ans, qui monte à 80 voire
90% si elles bénéficient d’un suivi accompagné.
Les entreprises créées sont le plus souvent de très petites entreprises (à 90%), qui ne créent
pas d’emplois.
Deux programmes permettent le soutien des projets de créations, notamment de jeunes :
-
-
EDEN est une avance remboursable de l’Etat de 6096 euros, dont les moins de 26 ans
peuvent bénéficier. Le gestionnaire local en est l’ADIE qui compte 2 conseillers à
Charleville-Mézières.
Envol est un dispositif régional destiné aux demandeurs d’emploi, qui permet un suivi
du projet sur 3 ans.
Les créateurs issus de l’immigration présentent des particularités.
Leurs projets concernent particulièrement le commerce de détail :
-
les commerces d’alimentation et la restauration
l’équipement de la personne (habillement, maroquinerie), parfois en commerce
ambulant.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
35
Les créateurs turcs visent souvent le volet restauration, dans 9 cas sur 10.
La majorité du public créateur a entre 30 et 40 ans. Mais les créateurs issus de l’immigration
sont souvent plus jeunes, entre 20 et 30 ans.
Les créateurs immigrés ou issus de l’immigration sont majoritairement d’origine maghrébine.
Les créateurs issus de l’immigration peuvent être confrontés à des discriminations.
Ces entrepreneurs sont décrits comme ne rencontrant pas de difficultés spécifiques.
L’accompagnement se fait de façon indifférenciée, quelque soit l’origine de la personne. Les
aides financières et d’accompagnement sont mobilisables pour l’ensemble du public.
« Le fait qu’un dossier de création soit refusé ne dépend pas de l’origine du porteur de
projet mais de son profil et de son projet lui-même. Certains peuvent toutefois le vivre
comme une discrimination. » (CCI)
Toutefois la création d’une activité économique oblige à se confronter à des réalités parfois
discriminantes.
« Il peut arriver que les créateurs issus de l’immigration rencontrent des difficultés
liées à l’origine, que l’on connaît tous. Par exemple, certains propriétaires peuvent
refuser la location de leurs locaux pour en faire un local commercial. » (CCI)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
36
E - L’ACCES AU LOGEMENT
Les acteurs rencontrés décrivent pour certains une forme de ghettoïsation délibérée de la part
des bailleurs sociaux, visant à regrouper dans les mêmes escaliers les familles d’origine
immigrée.
« Lors de la recherche de logement, les immigrés ou issus de l’immigration sont mis
au même endroit. Plus les logements sont neufs, plus ils sont habités par des gens
d’origine européenne. » (SPM)
Les deux bailleurs sont présents dans toute la ville, mais surtout à la ZUP pour Espace Habitat
(EH, 800 logements) et fortement à Torcy-cité et à la ZUP pour l’OPAC.
1. Les obstacles pour l’accès au logement des jeunes.
Les bailleurs citent avant tout les ressources comme obstacles dans l’accès au
logement.
L’offre de logements est en effet réelle, surtout avec l’OPAH.
« Le seul obstacle pour l’accès au logement des jeunes, c’est celui des ressources, qui
sont peu stables. Si le jeune est au RMI ou en mission d’intérim, c’est difficile. Et
quand bien même le jeune est par bonheur en CDI, on lui demande des garants ; or si
ses parents sont sans emploi cela devient difficile. Le seul obstacle que je vois, c’est
au niveau des ressources. » (OPAC)
« Le principal problème des demandes de logement reçues, c’est l’aspect financier. Si
on attribue un logement alors que quelques mois après on sait que les locataires ne
pourront pas le payer et devront être délogés, c’est là qu’on pourra être traités de
racistes. Ceux qui ne travaillent pas ne peuvent pas être orientés n’importe où : il faut
un immeuble où il y ait peu de charges. Ce sont donc les ressources qui vont
conditionner le choix du logement. » (EH)
Mais les jeunes issus de l’immigration sont décrits comme « souvent meilleurs payeurs que
les autres, ils ont plus de respect » (EH).
L’attribution d’un logement se soumet également à d’autres stratégies plus subtiles, où
rentrent en compte les images des jeunes, potentiellement bruyants. La taille, le prix, la
composition du voisinage, sont autant d’éléments importants pour l’attribution du logement.
« Des précautions sont prises pour répondre à la demande des jeunes. Les troubles de
jouissance sont les plus difficiles à traiter, aussi, plus que les dettes locatives. Les
problèmes de drogue sont ingérables au niveau des locataires. Forts des expériences
passés, on fait donc attention parce qu’un mauvais placement peut ramener la pègre,
et dynamiter une entrée. Systématiquement, une enquête est donc menée, une enquête
de voisinage : se rendre au domicile des gens permet de se rendre compte. L’objectif
est de jouer la carte de la mixité. Il faut arriver à un dosage savant en fonction de la
conception des bâtiments. Si la cage est surtout composée de F5 avec quelques F2, on
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
37
fait attention à ne pas mettre des jeunes qui vont mettre le tintamarre toute la nuit. On
essaie que ce soit harmonieux, de mettre des gens qui vont ensemble. Dans une cage
où il y a surtout des personnes âgées, on ne va pas mettre un jeune. Il faut aussi avoir
les moyens de mixer : dans la tour Saphir, il y a des F1, F2, F3, donc il ne peut pas y
avoir de grandes familles, sans grands logements. Ailleurs, les logements vont du F2
au F6. La majorité sont des F3, F4. » (EH)
Les demandes d’appartement concernent surtout le centre ville
« Le problème c’est que tout le monde veut être en centre ville, pas dans la ZUP. La
plupart des jeunes demandent le centre ville, mais nous sommes plus présents sur la
ZUP et l’avenue de la Marne, moins sur le centre. Les petits logements sont surtout
sur la ZUP. » (OPAC)
« Les jeunes veulent se sauver de la ZUP, même ceux qui sont issus de la ZUP. Alors
on explique qu’il y n’y a pas d’autres possibilités du fait de leurs ressources, et que
c’est là, pour un premier endroit. Nous, on prend le temps d’expliquer, alors c’est rare
qu’on nous accuse ensuite. Notre rôle, c’est de communiquer avec les gens. Mais eux
ils veulent s’en échapper, socialement. C’est logique, c’est un cursus, un désir
d’ascension sociale. Leur rêve, c’est d’avoir un petit appartement en centre ville, ou
un pavillon. » (EH)
2. La réponse au soupçon de discrimination dans l’attribution du logement est
l’explication économique.
« La population est différente entre les quartiers parce qu’en centre ville, les réhabilitations
font que toutes les charges incombent au locataire. Il faut donc faire davantage attention pour
les attributions. En plus les emprunts réalisés ne sont pas les mêmes, ce qui se répercute sur
les loyers. Comme ce sont de vieux immeubles, les charges de chauffage sont également
multipliées. D’ailleurs en centre ville, il y a aussi des gens issus de l’immigration. Mais ils
sont parfois obligés de revenir à la ZUP, parce que les charges sont trop importantes. » (EH)
Cela permet de renvoyer le problème du côté de l’emploi :
« La seule solution à ce problème, c’est l’emploi, après tout s’estompe. » (EH)
Des dispositifs spéciaux existent pour les jeunes
« Quand les gens ont besoin d’un accompagnement au logement, alors des structures
existent : le foyer l’Espérance, Travail Partage, Encre. Des contrats sont aussi signés avec
l’UDAF pour les jeunes 18-25 ans. L’UDAF loue des logements pour y mettre des jeunes. Le
problème se pose surtout pour les jeunes de 22-25 ans, qui n’ont pas encore le RMI mais sont
par exemple en Contrat de Qualification. Se pose le problème des ressources, des impayés. »
(EH)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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La demande de logements des jeunes issus de l’immigration est faible.
« Les jeunes de nationalité étrangère ou d’origine étrangère sont gérés au même titre
que les autres. Mais il y a très peu de jeunes issus de l’immigration qui demandent. Ce
sont des jeunes sans emploi, beaucoup sont encore au foyer, c’est lié au manque de
ressources. On se rend compte que les plus de 30 ans sont encore au domicile familial,
ils sont revenus du fait de leur manque de ressources. Les enquêtes sur l’occupation
sociale des années précédentes montrent qu’il y a plus de jeunes qui restent au foyer
familial. » (OPAC)
La question de l’accès au logement semble donc ne pas concerner les
16-25 ans.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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Deuxième partie : Analyse des entretiens avec les jeunes
A – PRESENTATION SYNTHETIQUE DES RESULTATS
1. La « discrimination » est un sujet qui n’est pas bien identifié par les jeunes
rencontrés.
Les jeunes rencontrés ne déclarent pas tous se sentir victimes de discriminations :
- 10 d’entre eux estiment avoir vécu une situation « discriminante » (surtout les garçons,
de tous niveaux de formation) ;
- d’autres disent se poser la question, du fait d’une différence de traitement ressentie,
sans oser utiliser ce mot ;
- d’autres encore disent ne pas s’être posé la question (surtout des filles, et des
nouveaux arrivants) ;
- tous parlent plus largement de « racisme » de la part des employeurs mais aussi dans
la vie de tous les jours, dans les commerces, dans la rue.
Ils expliquent ce racisme par des amalgames opérés par les commerçants et les
employeurs, entre :
- les jeunes habitants des quartiers du Lac et de Torcy-cités, vus comme des
délinquants,
- les immigrés, et les personnes issues de l’immigration, perçus comme un ensemble
indifférencié (« arabes, musulmans »).
A partir de leur nom, leur adresse, leur apparence, les jeunes rencontrés se
voient ainsi apposer une étiquette dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.
Eux-mêmes valorisent au contraire la diversité culturelle de leur quartier, de
leur ville, ce qui souligne notamment l’effet positif des actions du contrat de
ville visant à changer l’image des quartiers de Sedan.
Ainsi, la distinction entre racisme et discrimination n’est pas opérée par les jeunes
rencontrés.
-
Cela est à relier à l’existence de moyens d’éducation contre le racisme existant
localement (débats en classe, semaine contre le racisme).
La communication sur les discriminations apparaît moins identifiée par les jeunes,
malgré des affiches dans les structures, informant sur le 114.
Il résulte de ce fait un découragement pour lutter contre les discriminations : à
quoi bon s’attaquer au « racisme », vu comme diffus et très répandu ?
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
40
2. Dans la recherche d’emploi, les discriminations sont surtout révélées lors de
l’embauche.
Le système scolaire et l’orientation ne sont pas ressentis comme des étapes où s’opèrent
les discriminations ethniques et raciales. La difficulté à s’orienter provient soit d’un
problème de niveau scolaire, soit d’un déficit d’information : il s’agit d’un processus de
différenciation davantage sociale que liée à l’origine.
Le recours aux structures intermédiaires de l’emploi (avant tout la PAIO) est assez
systématique.
-
-
Le passage par les centres sociaux ou la MJC constitue une première étape : les jeunes
y trouvent une aide concrète dans leurs démarches (rédaction de CV, informations,
orientation vers le service public de l’emploi) voire des formations et des offres
d’emploi (CES, BAFA).
A l’ANPE et à la PAIO, les jeunes déclarent ne pas toujours trouver des réponses à
leurs attentes : ces structures se voient reprocher de ne pas répondre assez vite aux
demandes d’emploi et de formation, et de ne pas être adaptés aux plus qualifiés.
Cela n’est toutefois pas spécifique aux jeunes issus de l’immigration : si
certains soupçonnent ces structures d’être « racistes », du fait de leurs attentes
déçues, les jeunes non issus de l’immigration leur font les mêmes reproches.
C’est face aux employeurs que le sentiment d’être discriminés peut apparaître.
-
-
-
les jeunes rencontrés soulignent l’existence d’obstacles réels, communs à tous les
demandeurs d’emploi : le contexte économique local, le manque de mobilité, la
discrimination sexiste. Cela leur fait relativiser l’idée d’une discrimination ethnique et
raciale.
La discrimination est constatée lors des tests informels opérés par les jeunes
(candidature faite avec un ami ayant le même profil).
La discrimination est soupçonnée lorsque les candidatures ne reçoivent pas de
réponses, ou des réponses jugées non pertinentes. Alors, le racisme ambiant amène
certains jeunes issus de l’immigration à penser que leur nom ou leur apparence a été
un obstacle à leur embauche.
Les discriminations se manifestent encore dans l’emploi même, par une différence de
traitement entre salariés.
3. Face à cette situation, les jeunes rencontrés ne souhaitent pas dénoncer ces différences
de traitement.
Les témoignages soulignent un manque de confiance dans l’efficacité d’une telle
action.
-
les jeunes ne sauraient pas à qui s’adresser pour en parler.
ils n’ont pas d’exemples de plaintes ayant abouti positivement.
Certains ne souhaitent pas non plus faire de vagues en engageant des démarches.
Puisqu’ils constatent un racisme ambiant, il leur semble difficile de s’y attaquer et de
faire changer les choses visiblement.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
41
Cela engendre des réactions opposées.
-
-
le fatalisme et le désespoir prévaut chez des jeunes cherchant depuis longtemps un
emploi : ils se sentent seuls et exclus des normes de la réussite.
Pour fuir ce fatalisme, l’envie de Sedan partir est forte : partir là où « il y a moins de
racisme », plus d’emploi, et où l’image des quartiers est moins prégnante. Cette envie
n’est toutefois pas toujours concrétisée, du fait des obstacles (financiers, familiaux) à
la mobilité.
L’envie de se battre « deux fois plus » et de faire ses preuves se retrouve davantage
chez des jeunes diplômés : il s’agit de ne pas se placer en victimes mais de s’orienter
aussi vers des secteurs moins discriminants.
Ces constats soulignent la nécessité d’une action d’information sur la notion
précise de discrimination, afin de qualifier les faits qui en relèvent
effectivement et de la distinguer du racisme.
L’absence de dénonciation des situations discriminantes côtoie
paradoxalement les rumeurs et les tests informels avérant les pratiques des
employeurs.
Une action de révélation des cas semble nécessaire :
• pour faire prendre conscience que la situation est connue et
préoccupe les acteurs locaux,
• pour montrer que les discriminations ne sont pas une fatalité
et se combattent,
• pour stopper d’éventuelles utilisations abusives du terme,
montrant les employeurs comme des « fachos ».
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
42
B – LA DISCRIMINATION ET LE « RACISME » VECU ET RESSENTI PAR LES JEUNES A SEDAN :
ELEMENTS GENERAUX
1. La « discrimination » n’est pas un sujet évocateur pour tous les jeunes rencontrés
Le premier constat qu’il importe de souligner est que le mot de « discrimination » ne suscite
pas toujours de réaction parmi les jeunes rencontrés. Plusieurs raisons expliquent ce constat.
1.1. Le mot n’est pas toujours connu ni défini.
Cela apparaît notamment pour les jeunes primo arrivants qui ne maîtrisent pas encore la
langue française.
Le mot de discrimination je ne connaissais pas. J’ai demandé au Centre Social ce que
ça voulait dire. (Karima)
1.2. Certains estiment n’en avoir jamais fait l’expérience directe.
Ils déclarent d’ailleurs ne pas se poser la question. Cela est particulièrement flagrant chez les
jeunes filles rencontrées.
Moi j’ai la nationalité française. Mais j’ai jamais calculé qu’on pouvait me refuser à
cause de mon nom. Parce qu’à la ville ils m’ont pris comme animatrice au mois de
décembre, donc ça va. (Nedjma)
Dans ma recherche d’emploi, j’ai fait beaucoup de courriers, de candidatures, j’ai
participé à des entretiens. Mais je n’ai jamais ressenti de racisme, pas à mon égard.
Moi, je suis issue de l’immigration maghrébine. Peut être que j’ai eu des doutes,
parfois, avec du recul j’ai eu des entretiens d’embauche bizarres. (Latifa)
1.3. Le mot de « discrimination », ethnique ou raciale, est peu évoqué.
A l’embauche, n’ayant aucune preuve de la raison de sa non sélection, le jeune n’ose pas
toujours utiliser le mot de « discrimination ». Ce cas, qui sera détaillé ultérieurement, a été
largement rencontré. Il entraîne un fort sentiment de différence par rapport aux autres, et
d’injustice.
Moi je n’en peux plus : j’ai de l’expérience et pourtant je ne trouve rien du tout. Je ne
dis pas que c’est de la discrimination, mais ils font leur choix, c’est tout. (Mourad)
Quand j’étais au centre de formation en Bac Pro compta, il y avait deux blanches qui
avaient écrit à PSA à la ZUP. Elles ont eu une réponse positive, et moi j’ai reçu un
courrier disant qu’ils ne prenaient pas de stagiaires. Dans ces cas là on se sent
minable. On a l’impression d’être des animaux, de ne pas être humain. (Mehdi)
Il importe de souligner que l’affirmation et l’emploi du mot « discrimination » a été beaucoup
plus fort chez les jeunes hommes rencontrés (7 s’en estiment victimes) que chez les jeunes
femmes (3 seulement).
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
43
Il est intéressant de rapprocher ce constat de celui effectué dans une autre étude, portant sur
les jeunes du 19E arrondissement de Paris. Dans ce cas-là, les jeunes rencontrés déclarent que
« les discriminations, ça existe, mais je n’en ai pas vécu directement » (14 cas sur 21). Le mot
« discrimination » est identifié, reconnu, et lié à un discours général dénonçant une
stigmatisation du quartier et de l’origine. Pourtant, peu estiment en avoir été victimes.
A l’inverse, le discours des jeunes de Sedan souligne qu’ils se sentent victimes d’une
différence de traitement, sans forcément la nommer : ils le mettent sous le terme de
« racisme ».
1.4. Le mot « discrimination » est employé alors dans les cas très reconnus.
Les jeunes emploient ce mot soit lors de cas flagrants de différence de traitement selon des
critères d’origine (à l’entrée des boîtes de nuit par exemple), soit en référence à ce que les
médias en montrent. Les reportages télé servent ainsi à appuyer l’argumentation des jeunes
sur leur expérience personnelle.
J’ai vu un reportage, dans les agences d’intérim il y a un code pour les Français, un
code pour les Musulmans. (Souad)
J’avais vu un reportage à la télé, une femme avec beaucoup de diplômes, d’origine
algérienne. Elle était au chômage. Eh bien le ministre lui a trouvé un travail. Il y avait
un débat, quand j’ai vu ça j’ai eu envie de vider mon cœur. (Houaria)
C’est connu que dans l’intérim il y a des discriminations. J’ai vu Zone interdite, où ils
montraient que dans les dossiers il y a une case où l’employeur marque s’il préfère les
Français ou des gens de toutes origines. (Sylvain)
J’ai vu un reportage une fois sur M6 où la meuf, une rebeu, elle était obligée de
changer de couleurs de cheveux. C’est une mentalité qui ne date pas d’aujourd’hui.
Mais c’est le sentiment qu’on ne nous donne pas notre chance. (Jalil)
2. C’est davantage le « racisme » qui est ressenti et mis en avant.
2.1 Les entretiens soulignent une forte confusion entre le « racisme » et la discrimination
ethnique ou raciale.
Les deux mots sont employés indistinctement par les jeunes rencontrés. Ce racisme passe par
la violence, physique et verbale.
Pour moi, la discrimination, c’est la violence, ce sont des mots vulgaires. Le racisme,
ça provoque beaucoup de choses. Ça provoque la bagarre. Maintenant, on ne devrait
plus entendre ça, ce n’est pas normal. (Nedjma)
Souvent on entend « c’est encore les Arabes, c’est encore les bougnoules ». Pour
moi, ça c’est de la discrimination. Des fois, entre nous aussi, on se dit « sale
bougnoule », mais c’est pour rire dans la classe, on délire, mais ça ne va pas plus
loin. (Souad)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
44
De ce fait, la discrimination à l’embauche se jauge au degré de « racisme » de l’employeur,
c'est-à-dire de façon visible à l’apparence des employés.
Chez Carrefour et Cora, sur Charleville, ils ne sont pas racistes, parce qu’il y a des
mélanges : il y a des Françaises, des Portugaises, des Algériennes. (Rachida)
Chez Leclerc il n’y a jamais une caissière arabe. Alors que chez Carrefour, Cora, il
n’y a que ça ! Du coup la rumeur c’est que le patron du Leclerc c’est un facho.
(Souad)
Ce racisme, basé sur l’apparence, est ressenti comme particulièrement fort dans la région, en
comparaison à d’autres. Le Nord et les Ardennes sont alors opposés au « Sud » mais aussi à la
région parisienne, lieux décrits comme moins imprégnés de racisme.
Je pense qu’il y a des régions plus touchées par le racisme que d’autres. Dans le Sud,
là bas, les peaux mates, ça passe. Ici, dès que t’es bronzé, c’est la fin du monde.
(Sylvain)
2.2 Ce racisme est observé et subi dans beaucoup de domaines de la vie quotidienne locale.
•
Des remarques racistes, parfois des injures, dans la rue ou le voisinage, sont
l’expression la plus visible de ce racisme ambiant décrit par les jeunes. L’insulte de
« bougnoule » est la plus fréquemment citée.
Une fois, on se promenait avec des copines, et il y a une femme qui regardait la vitrine
et qui a dit « il n’y a que les arabes qui prennent ça, les bougnoules ils prennent
tout ». Elle nous a vu ensuite et elle a dit « c’est pas pour vous que je dis ça ». Alors
j’ai dit « je suis quand même Algérienne ! ». Franchement, ça fait chaud ! ça me met
en colère ! ça me donne envie de les claquer, ces gens. Mais je ne peux pas, je ne veux
pas rentrer dans la violence. (Nedjma)
Et puis dans certains bars, dans les petites villes, comme à Floing, à Balan, à
Bazeilles, ils sont plus racistes. Une fois, un soir, une voiture s’est arrêtée, ils m’ont
proposé de monter, et comme je voulais pas, ils m’ont dit « sale bougnoule ».
(Rachida)
Une fois, une petite voiture sans permis s’était garée sur deux places. Alors j’ai dit à
la personne « c’est pas malin ». Elle m’a répondu « retourne dans ton pays ». A la
rigueur je pourrais faire abstraction de ce genre de choses, mais là ça m’a énervé.
(Mehdi)
Avant j’ai habité dans un autre quartier, à côté du Leclerc. Là bas il y a beaucoup de
racisme. J’avais mis de la musique raï. Ma voisine d’en dessous est montée, elle m’a
dit « on ne met pas de musique algérienne ici ! ». J’ai dit, « je suis chez moi, je fais ce
que je veux ». Le gardien m’a dit après que ces gens sont racistes. C’est dur, parce
que des personnes comme ça vous ne savez pas quoi leur dire. (Houaria)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
45
•
Dans les commerces, ce racisme ressenti se manifeste par une plus grande
méfiance à l’égard des jeunes issus de l’immigration, ou des jeunes en groupe.
Nous, quand on va au Shopi, ils nous suivent, ils croient qu’on va voler. Autant qu’ils
fassent nos courses tout seul ! Une fois on s’est pris la tête avec le responsable. Il a dit
« vous avez volé des bouteilles de whisky ! ». Moi, je ne comprends pas. Pourtant les
vigiles c’est des arabes. (Souad)
Dans les magasins en ville, ils nous surveillent et parfois même ils nous interdisent de
rentrer. Dans les magasins de sport par exemple. En disant « vous êtes 4, vous ne
rentrez pas ». (Bryan)
Certaines jeunes filles citent par ailleurs des manifestations de racisme qu’elles observent par
rapport à leur mère. Le voile, ou la difficulté à s’exprimer, sont autant d’obstacles entraînant
une différence de traitement dans les commerces ou les administrations.
Même ma mère, elle porte le foulard, elle rencontre plein de problèmes. Elle se
débrouille. Mais à la Mairie par exemple on lui dit « je ne comprends pas ce que vous
dites ». A la banque, pareil, la dame elle n’a pas de patience pour écouter ma mère. Et
puis sur le marché de Sedan, il y a beaucoup de femmes arabes, elles parlent
beaucoup. Alors des gens disent « ah là là, ils font chier ces arabes ». (Souad)
Le racisme, oui, j’en vois. Je connais 2-3 personnes qui restent loin de toi. Ils
regardent les étrangers à l’envers. Je les ai vus, dans les bureaux, par rapport aux
gens avec un voile. (Gülcan)
•
Le cas le plus flagrant est celui de l’entrée en boîte de nuit, pour laquelle le mot
de discrimination peut être plus facilement utilisé.
Le week end dernier, j’étais en Belgique, j’ai fait 3 heures de route avec des copains.
Tout ça pour entendre « non, c’est une soirée privée », « vous n’êtes pas un habitué »,
« il faut une carte de membre », alors que les autres n’ont pas ça. C’est pareil, dans
des bars, quand on veut aller boire un coup, on nous dit « non, vous ne rentrez pas ».
Voilà, on ressent des tensions, c’est des petites lapidations verbales ». C’est subtil,
mais comme on dit ça atteint la susceptibilité. (Aziz)
Dans les boîtes c’est mythique. C’est interdit aux arabes ! c’est sûr à 100% ! ça m’est
déjà arrivé. On me dit « c’est une soirée privée, tu ne rentres pas ». Une fois j’étais
avec une meuf, j’ai pas pu rentrer. Depuis, j’y retourne plus, je ne parle plus. Sur le
coup j’ai la haine. Mais je n’oserais pas porter plainte. (Mourad)
Bien sûr, tout jeune a vécu ça. Même, avant d’y aller, on se prépare à savoir ce qu’on
va faire si on n’est pas pris. (Karim)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
46
•
Ce racisme est également ressenti dans le rapport aux institutions, telles que la
police ou la justice. Elle passe par une différence de traitement dans les paroles et les
contrôles effectués.
La police, pour moi des fois c’est des racistes. Parce qu’il y a des gens qui sont
délinquants, mais il y a aussi des enfants qui sont pris pour rien du tout. Alors j’ai
l’impression qu’il y a une différence de traitement. Aussi, une fois, le juge m’a parlé
mal, comme à un chien. Alors j’ai mal répondu. Mais comme j’ai répondu au juge ça a
tout mis à l’envers. Maintenant, je reste calme, avec mes gamines. Ensuite l’assistante
sociale a dit que je n’étais pas une mauvaise mère. Et le procureur m’a mieux parlé.
(Linda)
•
Le racisme évoqué par les jeunes rencontrés n’est pas uniforme. Il est décrit
comme étant « partagé » (un racisme venant aussi des jeunes issus de l’immigration).
Parce que ça va dans les deux sens. Je connais aussi beaucoup de jeunes qui sont anti
français, qui disent « tu vois ce que nos familles ont subi ! ». (Jalil)
Le racisme peut être également inter communautaire. Les tensions entre Kabyles et Algériens
sont ainsi citées.
Il n’y a pas que la discrimination entre les Français et les Arabes. Il y a aussi entre les
Algériennes et les Algériennes kabyles. Entre elles, elles s’insultent ! il y a aussi de la
discrimination arabes – arabes. Alors que franchement on est tous les mêmes. (Souad)
La distinction entre racisme et discrimination n’est pas opérée par les jeunes rencontrés. Ce
qui prévaut, c’est l’idée de « racisme » : cela est à relier à l’existence de moyens d’éducation
contre le racisme existant localement (débats en classe, semaine contre le racisme). La
communication sur les discriminations apparaît moins identifiée par les jeunes, malgré des
affiches dans les structures, informant sur le 114.
Il résulte de ce fait un découragement pour lutter contre les discriminations : comment lutter
contre un « racisme », vu comme diffus et très répandu ?
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
47
3. Les jeunes rencontrés expliquent ces différences de traitement par un amalgame
opéré par les acteurs.
Dans les entretiens, il apparaît que les jeunes ne sont pas dupes d’un racisme épidermique,
uniquement fondé sur la couleur de la peau. Ils évoquent la construction de l’image du jeune
de quartier, issu de l’immigration, par le cumul de plusieurs éléments.
3.1. Lorsqu’il vient d’un quartier, le jeune se sent perçu comme appartenant à un ensemble
dangereux, porteur de délinquance.
•
Dans la scolarité, ou dans le monde du travail, les jeunes rencontrés ont l’occasion de
mesurer combien leur quartier d’origine peut être perçu de façon négative.
Les ouvriers me demandent d’où je viens. Quand ils entendent ZUP, alors c’est
comme s’ils avaient peur. (Bryan)
Dans mes stages, quand je disais que je venais de Torcy mes collègues me disaient
« ça c’est un quartier chaud ! », « il y a beaucoup de voitures cramées » ou encore
« c’est pas nous qui irons habiter là bas ». Moi, mon quartier, je le vois calme. On
s’habitue à tout, au bruit. Des fois ma mère me dit « je vais déménager pour aller
dans un quartier plus calme » mais moi je dis « non, on est bien ici ». (Nedjma)
Quand j’étais au lycée, on me disait « tu n’as pas peur d’être toute seule dans ton
quartier », et puis on ne venait pas m’agresser. Pourtant j’étais une fille ! Moi, j’ai
grandi avec des jeunes du quartier, des Marocains, des Algériens, des Turcs. En fait
c’est l’image que les gens se font qui est fausse. Les gens à force de parler, ils se
montent la tête sur la ZUP et l’Avenue de la Marne. En fait moi je n’ai jamais eu de
souci. C’est vrai qu’il y a 20 ans, la ZUP c’était calme, agréable à vivre. Maintenant
c’est le bordel, c’est délabré, c’est sale. Parce que ce sont des gens qui n’ont pas
beaucoup d’argent. Après on dit « c’est un quartier de fous ». (Nathalie)
Mais à la ZUP, c’est vu comme New York. Il y a des gens, on leur dit « ZUP », ils ne
veulent pas en entendre parler. C’est pareil, dans les embauches, quand ils voient le
quartier, et le mot ZUP, ils se font des idées. Ils le font ressentir sans le dire,
indirectement. Ils tournent autour du truc, sans dire vraiment ce qu’ils pensent. Même
quand j’étais en stage à Rethel, ils savaient que je venais d’un « quartier », ils
demandaient « ça se passe comment, il n’y a pas trop de problèmes ». C’est les gens
de l’extérieur. (Amélie)
Si le quartier – ici principalement Le Lac et Torcy – est lié à l’idée de délinquance, cela peut
entraîner une différence de traitement. Deux collégiens se voient ainsi renvoyer cette image
dans leur vie quotidienne.
J’ai un prof de maths, il m’a dit direct une fois « ça sert à rien de faire ton caïd. C’est
pas parce que t’habites à l’avenue[de la Marne] que tu dois faire ça ». Direct ! Il a
une image de celui qui vient d’un quartier. (Abdel)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
48
Quand on se promène, dès que les gens savent qu’on vient de ce quartier, ils appellent
les flics. Ils se disent qu’on vient pour mettre le bordel. (Mehmet)
Cette image négative semble attisée par des marqueurs, cités par les jeunes eux-mêmes
(garçons et filles), comme les habits ou la casquette. Il apparaît dans les témoignages suivants
que ces garçons en jouent, ils savent qu’ils peuvent susciter la crainte en adoptant ces codes
vestimentaires. Il faut toutefois souligner que ces jeunes garçons sont les plus jeunes
rencontrés ; les autres n’ont pas déclaré tenir à ces types de vêtements.
La façon dont on s’habille, les gens disent « c’est une racaille ». Les mères de nos
copines disent « sors pas avec lui ». Après dans le journal on voit des jeunes qui font
des choses, des bagarres. (Bryan)
Il y a des discriminations par rapport à la façon de s’habiller. On ne ressemble pas à
ce que les autres ils veulent. Ils se sentent mal. (Claus)
Ces différents éléments permettent d’expliquer que les différences de traitement ressenties
par les jeunes ne s’appuient pas seulement sur une origine ethnique. Le fait d’avoir
certains marqueurs, tels que l’adresse, les vêtements, la voiture, entraîne une discrimination
ou, du moins, une méfiance des institutions comme la police ou les douanes.
La police, ou la douane, des fois ils nous arrêtent, ils croient qu’on a de la dope dans
la voiture. Une fois un policier nous avait dit « vous êtes du 08, vous êtes allés vous
fournir en Hollande ! ». Voilà, dès qu’on est jeunes, en Golf 4 ou Golf 3, on fait du
trafic. Encore, quand on est un mec et deux filles ça va, mais que des mecs, avec des
casquettes, c’est pas la peine. (Sylvain)
Une fois en allant en boîte, on est allées avec un ami, et puis le mec nous arrête et
nous demande « d’où vous venez ? Je peux voir une pièce d’identité ? Vous êtes
refoulés ». Parce que la veille il y avait eu des histoires, alors ils faisaient tolérance
zéro avec les gens de Sedan. Encore on serait venus en bande, mais là on était 3 !
C’était en Belgique. (Amélie)
•
L’amalgame est rapidement établi entre ces quartiers vus comme sensibles, la
délinquance et les habitants d’origine étrangère. Les personnes extérieures au
quartier n’opèrent pas de distinction, ce qui est ressenti de façon injuste par les jeunes.
Je ne me suis pas posée la question de la discrimination dans le travail, mais ailleurs,
oui. Parce que quand un étranger brûle une voiture ou fait une connerie, tout le
monde prend. Alors qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac ! Certains
français aussi cherchent les problèmes. Dans le quartier [de Torcy-cités], les voitures
brûlées, c’est pas que les arabes. Mais ils deviennent tous racistes, ils disent « c’est
encore un arabe qui a brûlé une voiture ». Ils nous mettent tous dans le même sac,
alors qu’il y a des bons et des mauvais. (Rachida)
Et puis dès qu’il se passe un truc, les gens disent « c’est les arabes ». Pourtant, ces
jeunes ils ne font rien de mal. Si la ville leur prêtait des salles, ils ne feraient pas tout
ça. Moi, j’ai déjà vu une petite vieille qui se faisait agresser. C’était par des arabes.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
49
Mais bon, il y a aussi des Français qui font des trucs comme ça. Ils deviennent comme
des Arabes, dans leur langage, leur façon de marcher. (Souad)
Il faut dire que certains du quartier[de Torcy-cités] montrent une mauvaise image.
Alors ils le prennent pour tout le monde, même si t’as pas fait de conneries. (Thomas)
•
Cela ne correspond pourtant pas à l’image que les jeunes ont de leur propre quartier.
Pour eux, l’image du quartier est au contraire liée à des aspects positifs de la
diversité culturelle.
Ici [dans le quartier du Lac], il y a de tout : des Français, des Musulmans, des
Sénégalais, des Turcs, des Kabyles. C’est bien. Moi, j’aime bien quand je vois chez les
enfants un petit Français avec un petit Sénégalais qui l’aide à mettre ses baskets. C’est
bien si plus tard c’est pareil. Là, mon frère il est avec une Française, ça se passe bien
avec ses parents aussi. C’est beau, ça ! (Souad)
Dans le quartier [de Torcy-cités], il n’y a pas de racisme, on est tous mélangés. On ne
va pas non plus marcher dans leur jeu de racisme. Il n’y a pas de personnes plus
françaises, il y a des Kabyles, des Français. (Rachida)
La mixité culturelle est vécue comme un atout, une richesse. L’image de la vie dans le
quartier est positive, elle prend en compte la solidarité, l’interconnaissance, les structures
d’animation et d’activités existantes.
Certains, du quartier de Torcy-cités, soulignent toutefois un sentiment d’abandon du quartier
par les pouvoirs publics, voire d’exclusion.
Il y a une discrimination entre le centre ville et la périphérie. Il faut une demi heure de
marche pour aller en centre ville. Il n’y a pas de bus, alors on a plutôt l’habitude de
faire du stop. (Jalil, Torcy-cités)
Les jeunes dans le quartier, ils n’ont rien à faire, ils vont rester seuls dehors et se
débrouiller avec les moyens du bord. Et puis le quartier est délaissé, ça devient un
bidonville. (Mehdi, Torcy-cités)
3.2 Ainsi se construit une image négative autour de « l’étranger », et plus spécialement de
« l’arabe », selon les jeunes.
Cette image sous tend le racisme évoqué précédemment. Elle est ressentie comme injuste par
les jeunes rencontrés.
•
Les jeunes nés en France, de nationalité française, expriment l’injustice de se voir
confondus avec les générations précédentes, et vus comme étant toujours
étrangers.
Le racisme, c’est surtout quand on est d’origine algérienne ou marocaine. Même
italienne ! Pour certaines personnes, on est toujours des étrangers. Alors ils ne
veulent pas te prendre pour un travail parce que tu es d’origine algérienne. Ou pour
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
50
un appartement. Mais moi pour l’instant je n’ai jamais eu ce genre de problème.
(Houaria)
Parce que dans la génération de mes parents, les ¾ sont analphabètes. Alors les gens
généralisent. Ils ont tellement eu l’habitude. (Jalil)
C’est peut être la guerre d’Algérie qui fait ça. En plus ce qu’ils ne savent pas, c’est
que mon grand père, il travaillait pour un entrepreneur français, il s’est pris deux
balles dans la tête ! Mais mon père, il est né en France, il est vachement ouvert. Il a
fait en sorte qu’on soit bien éduqués. Mais les gens ne cherchent pas à comprendre.
(Sylvain)
Le nom de famille peut alors être ressenti comme un stigmate de cette appartenance, qui
apparaît comme un handicap.
Mon père est marié à une Française. Alors mon problème c’est que j’ai un nom de
famille arabe, et un prénom français. C’est mal vu je pense. Quand j’étais jeune je me
faisais traiter de sale Français ou de sale arabe, j’étais tiraillé entre deux mondes.
(Sylvain)
•
L’absence de distinction entre « Arabes » et « Kabyles » peut être ressentie
comme une vexation.
Une fois quelqu'un m’a dit « sale Arabe », je lui ai répondu « insulte moi
correctement, je suis Kabyle. » (Jalil)
•
L’amalgame entre Arabes, Musulmans, et terroristes est encore cité. Attisé par les
médias, il est vécu de près par un des jeunes, qui se voit caricaturé en Ben Laden.
Si les gens en nous voyant ont une crainte, ça pose problème, surtout que les médias
n’aident pas à décrisper les gens. Les médias confondent tout, l’Islam, le 11
septembre, ça créé la peur, la méconnaissance qui fait que les gens ont peur. Alors il
faut du dialogue, de la médiation, mais ça prend du temps. (Latifa)
Il y a sûrement un amalgame entre Arabes et Musulmans. Les arabes sont vus comme
des musulmans, qui sont vus comme des terroristes. Moi, on m’a déjà fait des blagues,
on a gribouillé ma photo avec une barbe de Ben Laden. (Sylvain)
J’ai travaillé dans un bar en Belgique. J’ai subi les discussions « les arabes ceci, les
arabes cela ». Le soir du 11 septembre, c’était tous les clichés « tous ces arabes, c’est
des terroristes. Alors ce soir là je ne l’oublierai jamais. On était plusieurs à travailler,
mais je ne me sentais pas bien. (Mourad)
Depuis le 11 septembre les gens se disent « derrière chaque arabe il y a peut être un
terroriste ». Et puis pour les arabes c’est pareil, ils se disent que derrière chaque
Français il y a un anti terroriste. (Jalil)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
51
•
Il est intéressant de souligner un paradoxe : certains jeunes condamnent cette image
de « l’Arabe », vu comme un étranger distinct des « Français ». Pourtant, dans
leur discours, ils reprennent ces appellations.
Plusieurs parlent des « Arabes, Algériens, Marocains », pour désigner des jeunes issus de
l’immigration possédant la nationalité française, afin de les distinguer des « Français »,
définis par leur couleur de peau. D’autres encore utilisent indistinctement les termes de
« Musulmans » et « d’Arabes ».
•
Echapper à ces images, à ces amalgames, apparaît comme nécessaire pour l’insertion
professionnelle. Toutefois, quatre des jeunes hommes rencontrés ont souligné leur
agacement à être considérés comme des « exceptions qui confirment la règle »,
comme si leur insertion ne faisait que renforcer les stéréotypes existants.
Ce qui me tue c’est quand les gens disent « je t’aime bien, toi, mais tu n’es pas comme
les autres ». On a toujours l’impression de devoir prouver quelque chose, quoi, je ne
sais pas. (Jalil)
4. Le logement, un secteur vu comme discriminant, sans que les jeunes ne soient
concernés
4.1 Quelques-uns des jeunes rencontrés ont évoqué le cas des discriminations dans l’accès
au logement.
Selon eux, ce sont toujours les mêmes quartiers qui sont désignés par les bailleurs pour
l’attribution d’un logement à une personne immigrée ou issue de l’immigration.
Moi, je n’ai jamais eu de problème ou de difficulté autre. Sauf liée au logement.
Quand j’ai eu un poste à Reims, il a fallu que je cherche un logement. J’ai demandé
un quartier précis à l’OPAC de Reims. Mais j’ai été mise d’office dans le quartier de
la Croix Rouge. Donc là je pense qu’il y a des choses à améliorer. (Latifa)
Dans le logement, il y a des discriminations. Mais nous on n’est pas encore confrontés
à ça. Si on demandait on nous dirigerait vers l’OPAC, pour avoir des cages à lapin. A
Reims, on nous dirigerait vers la Croix rouge. J’ai des copains, pourtant, qui ont des
appart en centre ville. (Karim)
4.2 Les jeunes rencontrés estiment toutefois ne pas encore être concernés par ce type de
questions.
Peu d’entre eux ont pris leur indépendance de chez leurs parents.
Le logement, je n’en cherche pas. Je quitterai la maison quand je serai mariée. Moi, il
faut que je prévienne une semaine à l’avance quand je veux sortir, pas mon frère.
(Souad)
J’habite toujours chez mes parents, j’espère pouvoir leur offrir une maison un jour.
(Jalil)
Je chercherai un appart plus facilement quand j’aurai un CDI. (Mourad)
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C – LE PARCOURS SCOLAIRE : LA MISE EN PLACE D’UNE DIFFERENCIATION
Les jeunes rencontrés font peu mention de cas de discrimination dans leur scolarité ni dans
leur orientation. Ils n’utilisent pas ce terme mais soulignent toutefois les problèmes d’accès à
l’information qui influent sur la réussite ou l’échec de leur choix d’orientation.
1. Le racisme décrit précédemment est ressenti au cours de la scolarité
1.1. Certains jeunes évoquent une différence de traitement dans les cours.
Certains professeurs sont décrits comme étant « racistes » car accordant un traitement
défavorable au jeune issu de l’immigration, sur la base de préjugés raciaux.
La discrimination, en fait, c’est plus du racisme que j’ai vécu. Dans la scolarité, j’ai
eu des profs comme ça. En cours de commerce, j’étais tout le temps au fond de la
classe mais je ne parlais pas. Mais mon prof m’accusait un peu, alors moi j’ai tapé
sur ma table et j’ai dit « vous verrez qui parlera ». Il y avait aussi la question des
toilettes. Dans notre classe on n’était pas beaucoup d’étrangers. Le reste c’était des
Français. Ils demandaient tout le temps pour aller aux toilettes. Moi, je prévoyais
toujours pour y aller avant les cours. Mais une fois j’ai demandé, la prof a refusé !
alors j’y suis allée quand même. (Rachida)
Quand j’étais à l’école, dès qu’il y avait une connerie de faite, c’était de ma faute,
c’est moi qui étais puni. Alors que j’ai toujours fait en sorte d’être le premier de la
classe. J’avais un prof raciste au lycée, qui m’avait dit « arrête de répondre, de toutes
façons tes parents c’est des sauvages ». (Sylvain)
J’ai déjà entendu des profs dire des trucs sur des élèves. En fait ils font comme s’ils
n’étaient pas racistes mais ils le sont. (Mehmet)
1.2. Ce « racisme » observé se transforme en discrimination ressentie lors de l’orientation.
Deux jeunes disent avoir rencontré des obstacles dans le choix de leur lycée ou de leur filière,
du fait de leur mauvaise relation à un professeur ou de leur nom : le même mécanisme
discriminant se retrouverait à l’entrée d’un lycée, comme à l’entrée d’une entreprise.
Les profs, pour l’orientation, si tu viens de l’avenue [de la Marne] ou que t’es
étranger, ils font tout pour pas que tu aies ce que tu veux. Un jour le proviseur a dit à
un élève « de toutes façons je ferai tout pour que vous ne soyez pas accepté là où vous
demandez. » Abdel
Une fois j’ai appelé un lycée où on m’a dit qu’il restait une place pour le Bac Pro
comptabilité. On m’a demandé mon nom, et puis après on m’a dit qu’il n’y avait plus
de place. A partir de là j’ai ressenti qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas.
(Mehdi)
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Ce discours s’est peu retrouvé dans les entretiens. Il est en davantage ressorti une difficulté à
choisir une orientation scolaire et professionnelle, difficulté non spécifique aux jeunes issus
de l’immigration.
2. La différenciation passe surtout par le choix de l’orientation
2.1Certains témoignages soulignent le peu d’information dont a disposé le jeune pour
prendre sa décision.
•
Même s’ils cherchent des renseignements, auprès de leurs professeurs ou de personnes
extérieures, certains jeunes s’aperçoivent a posteriori que leur choix s’avère peu
judicieux.
Vers 14-15 ans, je savais que c’était le milieu éducatif qui m’intéressait. Que ce soit
éducateur spécialisé, la PJJ… Tout ce qui était dans le champ social, je voulais
travailler là dedans. J’ai eu un bac ES, ensuite j’ai fait un DEUG de droit. Je n’avais
pas d’envie particulière. Mais dans un forum j’ai rencontré quelqu'un qui travaillait
dans le social et qui avait fait du droit, parce que ça donne une bonne culture
générale. Alors moi, naïve, je me suis dit « je vais faire la même chose ». Or ce n’était
pas vraiment ça. J’ai entendu parler d’une formation en sciences sociales, une licence
professionnelle. Mais j’ai dû passer d’abord un DE en sciences sociales et de
l’éducation à Reims. Donc voilà, j’ai été mal informée. En tant qu’étudiante, je ne
connaissais pas cette formation. J’aurais pu faire tout ça plus rapidement. (Latifa)
Après le collège, on m’a proposé de continuer en blanchisserie, j’ai accepté. J’ai fait
un CAP. Ensuite les profs nous ont dit de faire des dossiers pour des BEP, pour
continuer en blanchisserie. On nous a dit qu’on pouvait essayer de faire d’autres
dossiers, mais qu’en même temps il n’y avait pas beaucoup d’autres possibilités.
Enfin, comme il n’y a pas de BEP blanchisserie, il fallait faire Bioservices à
Charleville. (Nedjma)
•
Pour restreindre les risques de se tromper, certains s’en remettent alors à des
éléments pas toujours fiables : des filières déjà expérimentées par des proches, ou
des mots auxquelles ils attachent une représentation erronée.
Je suis allée au lycée du Château, pour faire de la compta, et après j’ai fait avec les
moyens du bord. J’avais choisi la compta, parce que ma sœur avait fait ça. Ça ne me
branchait pas plus que ça, mais à 16 ans je ne pouvais pas me permettre d’arrêter les
cours. Finalement, ça ne m’a pas plu. (Nathalie)
Après mon BEPC, j’ai voulu changer d’orientation. Les profs nous ont donné une
brochure « équipement, technique, énergie ». Moi je me suis dit que c’était des bons
mots, c’est ma mère qui allait être contente ! je pensais que c’était pour travailler à la
DDE ! En fait on ne nous avait pas dit, c’était pour être plombier, chauffagiste.
Comme c’était pressant de s’inscrire pour avoir de la place dans le lycée, j’ai fait ça à
la va vite. (Aziz)
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2.2. Plusieurs jeunes estiment par ailleurs n’avoir pas vraiment pu choisir leur orientation.
•
Les souhaits de filière ne sont pas toujours réalisés, du fait d’un manque de place ou
de problème de niveau. De ce fait, le rêve de départ du jeune s’éloigne, et avec la
motivation pour la scolarité.
Quand j’étais petite, je voulais être prof d’EPS. J’avais des problèmes avec le
français, les matières générales. Je ne suis pas allée en lycée général, on m’a refusé
ma demande. Alors je suis allée en lycée professionnel, j’ai fait deux années de
commerce, distribution, magasinage en BEP. Même là je faisais tout le temps des
demandes pour aller en lycée général, mais ça ne marchait pas. (Rachida)
Quand j’étais petite mon rêve c’était d’être secrétaire. Mais j’ai fait une terminale
dans la filière Bio Services. En 3e mes vœux d’orientation, c’était en premier, la vente,
en 2e, le secrétariat, en 3e, les Bioservices. Ils m’ont mis en 3e vœu. C’est dommage
parce que j’aimais bien le secrétariat, les outils informatiques. Alors en terminale je
voulais être en filière secrétariat, mais pour ça il fallait que je redouble. Alors j’ai
arrêté ma terminale, je me suis mariée. (Houaria)
•
Il en ressort un sentiment d’être désavantagés dans les choix, toutefois nullement
relié à une impression de discrimination liée à l’origine. Ce sentiment s’est surtout
retrouvé dans le discours des garçons rencontrés.
J’ai fait un BEP comptabilité. J’avais demandé à être en vente, mais il n’y avait plus
de place. (Mourad)
C’est au lycée général que ça a commencé à partir en cacahuète pour moi. C’était
l’âge bête. Au bout de ma première seconde, on m’a dit « t’es gentil, tu vas trouver
une orientation ». (Jalil)
Il y a des profs qui empêchent d’aller en général. Alors nous on prend ce qui reste.
(Farid)
Il peut alors résulter de ces choix par défaut un désintérêt par rapport à la filière choisie, et
une démission de la formation, une sortie sans diplôme. Ainsi Jalil et Sylvain justifient-ils
leur arrêt de formation dans des secteurs physiquement difficiles.
J’ai fait un DUT industriel, on m’a conseillé de faire un Bac+3. Et puis au fur et à
mesure je me suis rendu compte que ça ne m’intéressait pas. Il fallait se lever le matin
pour aller à l’usine, et chaque matin je sais ce que je vais faire dans la journée. Quitte
à gagner le SMIC, autant ne pas se faire chier ! (Sylvain)
Je faisais un BT d’encadrement de chantier. Moi, j’avais du mal à me concentrer sur
un seul objectif. Je me suis rendu compte que ça ne m’intéressait pas. Alors on arrête
l’école, et bienvenue dans le monde du travail. (Jalil)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
55
•
Un déficit d’information peut également amener le jeune dans un secteur où il lui sera
difficile de travailler.
Ainsi, la non prise en compte des origines ou appartenances culturelles peut entraîner au final
un problème d’insertion dans un emploi. Pour Nedjma, les interdits alimentaires liés à la
religion l’amènent à réviser ses intentions de travailler dans les bioservices. Elle déclare
n’avoir pas eu de sensibilisation à ce fait par ses professeurs. Désormais elle cherche une
formation dans l’animation et les services aux personnes.
A la PAIO, quand j’y suis allé, on m’a conseillé de ne pas chercher dans les
bioservices. Mon conseiller m’a dit « ça ne sert à rien de travailler dans une branche
où tu ne peux pas goûter ça et ça », si je ne peux pas goûter de porc. Parce qu’il faut
tout goûter. Ça, ils ne nous en avaient pas parlé au lycée. Alors il m’a dit « tu
réfléchis à ça ». C’est vrai, quand j’étais en stage à Pierre Bell, j’était obligée de
goûter. (Nedjma)
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D – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES
1. Le parcours du jeune chercheur d’emploi : les ressources mobilisées
1.1. La recherche par prospection directe, pour les débutants
Il apparaît dans les entretiens que la recherche d’emploi passe souvent par une première phase
de prospection directe, sans passer par une structure intermédiaire de l’emploi. Il s’agit de se
présenter directement à l’employeur pour lui déposer la candidature.
•
Cette technique est particulièrement utilisée pour les stages ou les petits jobs, mais
aussi par les nouveaux arrivants : il s’agit de repérer directement l’environnement de
l’entreprise, d’économiser des timbres, de tenter de faire ses preuves à l’oral, et
d’avoir une réponse rapide.
Ensuite, pour chercher, j’ai cherché des adresses. Pour les trouver, c’est pas dur, tu
peux les trouver partout. Une fois je suis allée dans les commerces, je suis entrée
dedans, c’est tout. (Gülcan)
Pour chercher un stage, j’y étais allée un mercredi. Il n’y avait que ce magasin
d’ouvert dans les rues. Et puis j’ai vu marqué « couture » sur la devanture alors j’y
suis allée. Au début j’étais timide, mais au fur et à mesure j’ai laissé ma timidité
ailleurs. (Karima)
A l’ANPE, de toutes façons, il y a une dizaine d’offres par jour, mais avec les timbres,
les enveloppes ça fait cher. Et sur 70 candidatures j’ai dû avoir 5 à 10 réponses.
(Rachida)
•
La prospection reste toutefois coûteuse en temps et en énergie. Elle restreint par
ailleurs le champ géographique de la recherche, ce qui est peu gênant pour un stage
mais pénalisant pour un emploi.
Pour chercher mes stages de BEP, je me présentais directement à l’entreprise.
J’expliquais que je devais faire 3 semaines de stage, et je demandais s’ils prenaient
des stagiaires. J’ai essayé dans les commerces de Sedan et puis à Charleville
Mézières, mais après c’est une question de transport. (Rachida)
Au début pour les stages j’y allais directement, je me présentais en disant « bonjour,
je suis lycéen, je cherche un stage ». Mais souvent il n’y a pas de place. Alors je
regarde les entreprises de Sedan sur le Net, et puis j’envoie des CV et lettres de
motivation. (Farid)
De ce fait, le recours à la prospection reste temporaire ; certains peuvent y revenir lorsque la
recherche avec les structures est infructueuse.
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1.2 Le recours aux structures intermédiaires de l’emploi
•
Les premières structures sollicitées pour la recherche d’emploi ou de stage sont les
structures de proximité : centres sociaux, clubs de prévention, qui ont l’avantage
de la visibilité et d’une relation de confiance entre les animateurs et les jeunes.
Ces structures apparaissent comme des lieux ressources à la fois pour obtenir des conseils et
des méthodes, et pour directement trouver des contrats dans l’animation par exemple.
Après je me suis renseignée auprès d’une animatrice du centre social, pour m’occuper
de gosses, parce que j’aime bien ça, m’occuper des gosses. Mais elle m’a dit que je ne
pouvais pas faire de CES. Après je me suis renseignée auprès de M. Lemoine, il m’a
dit qu’il fallait aussi avoir droit à un CES, et moi je n’avais pas droit. (Nedjma)
On m’a aidé à faire mon CV, c’est mon éducateur du quartier, de l’ACPSO qui m’a
aidé. Il m’aide à rechercher des stages, des emplois, pour rédiger mes lettres de
motivation, passer des coups de téléphone, faire des photocopies. C’est eux qui m’ont
dit comment présenter une lettre de motivation. Dans mon CV, en premier je mets la
scolarité, en deuxième ma formation, mon expérience, et puis le reste je le mets à part.
(Rachida)
J’ai vu un conseiller à l’ANPE, il m’a dit « tu vas faire un CV, et le ramener ». C’était
obligé. Alors l’animatrice m’a fait un CV, on a marqué les stages que j’ai faits. Et
puis le mois où j’ai travaillé dans ce commerce. Parce que quand tu fais ton CV
normalement tu marques tout dedans. (Gülcan)
Ces structures sont des lieux stratégiques, en particulier pour les primo arrivants, puisqu’elles
sont aussi et surtout des points d’orientation vers les intermédiaires de l’emploi. Cela pose
problème pour les jeunes résidant dans le centre ville, comme Linda, qui connaît de nom ces
différents centres mais ne les fréquente pas. Elle même aura connu la PAIO par son ami.
Quand je suis arrivée à Sedan, c’était comme si j’étais dans le désert. Petit à petit, j’ai
connu 2-3 personnes à Sedan. Puis dans le foyer, il y a une quarantaine de personnes,
que je connaissais. Mais je ne rencontrais pas beaucoup de gens. Maintenant mon
copain travaille dans les Centres sociaux et à la MJC, mais je ne suis jamais entrée
dans ces endroits là. Il y a plein de gens qui m’ont dit « pourquoi tu ne vas pas là
bas ? ». Mais je ne connaissais pas, comme la PAIO, c’est mon copain qui m’a dit
« viens, on va aller voir le conseiller ». Avant, je ne connaissais pas. (Linda)
•
La PAIO apparaît alors la structure référente et incontournable pour les jeunes.
Tous les jeunes rencontrés s’y sont rendus au moins une fois, mis à part les deux résidant hors
de Sedan et les trois encore en formation.
Ils y vont orientés par leurs éducateurs, par des proches, par le CIO (Centre d’Information et
d’Orientation) ou encore par l’ANPE.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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Les attentes des jeunes qui s’y rendent sont variées et parfois démesurées.
Pour ce primo arrivant, il s’agit de répondre à un besoin financier.
La PAIO, j’ai connu ça par mon ex. Sa mère travaillait derrière. Comme j’avais un
problème pour payer EDF, je suis venu ici. (Blaise)
Pour ce jeune, d’avoir des informations sur la création d’entreprise.
Moi, si je vais à la PAIO, c’est que j’ai besoin d’aide dans mon projet d’entreprise. Et
la première chose qu’ils font, c’est m’expliquer que ça ne va pas être facile. (Jalil)
Pour d’autres, il s’agit de trouver une formation ou un emploi, sans avoir forcément de
demande précise.
Je suis allée à la PAIO. J’avais connu par l’ANPE, et par le CIO. J’avais un
correspondant là bas. Je lui ai dit le travail que je voulais faire, il a essayé de me
trouver un travail. Des fois, pendant 6 mois, je n’ai plus de nouvelles. Pour le
moment, je n’ai rien, pas de formation, pas de stage. J’attendais qu’il me trouve un
travail fixe, un métier qui me plaît. (Houaria)
Je suis venue à la PAIO et j’ai dit « il faut que vous me cherchiez quelque chose pour
m’occuper, n’importe quoi ». (Linda)
Du fait de ces attentes peu cadrées et très fortes, les jeunes expriment leur déception face
au temps pris par les démarches. Certains en viennent même à soupçonner un traitement
différencié des demandes, selon le niveau de formation voire selon l’origine.
A la PAIO, j’ai fait des tests pour passer un Bac Pro logistique. J’ai attendu trois
mois, tout ça pour qu’elle me dise « non, laissez tomber ». Vraiment, à l’ANPE, à la
PAIO, ils ne font rien. (Amélie)
A la PAIO, c’est des clowns. Ils devaient m’inscrire dans une formation Bac+3, mais
c’était des belles promesses ! Ils préfèrent s’occuper de jeunes qui n’ont pas de
diplôme. Moi, j’ai fait des études, ils ne vont pas me filer une formation Bac+2.
(Sylvain)
La conseillère de la PAIO devait m’inscrire au GRETA de Reims, en Bac Pro Service
Accueil. Mais elle ne l’a pas fait. Toujours je suis allée à la PAIO, mais elle ne m’a
jamais rappelée, elle ne peut jamais me recevoir. Alors je suis allée voir le Maire, je
lui avais fait un courrier, pour demander pourquoi les autres étaient prioritaires. Une
fille que je connais, qui est nulle de chez nulle, aujourd’hui elle est en bac pro
commerce ! Alors la conseillère s’est fait taper sur les doigts. Franchement ça lui
coûte rien de faire mon inscription ! et moi j’attends comme une conne ! Du coup elle
m’a mis dans une formation pour se débarrasser de moi. Je ne sais pas si c’est à la
tête du client. J’arrive pas à comprendre.(Souad)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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•
L’ANPE est moins fréquentée par les jeunes rencontrés.
Les attentes à l’égard de cette structure sont également importants, et du même fait les
déceptions aussi.
Certains ont pu trouver un emploi grâce à l’ANPE : Gülcan décrit la démarche comme
ayant été très simple.
Aujourd’hui je travaille en CES. Je fais le ménage, je nettoie tout. A la MJC, à l’école
maternelle, au centre social. J’ai eu ce contrat par l’ANPE. Là bas, tu demandes pour
un CES, et s’il y en a, tu rentres et tu le fais. (Gülcan)
Plusieurs témoignages évoquent toutefois un manque d’adaptation de l’ANPE aux
réalités de la recherche d’emploi et aux individus. Cela passe par des conseils inappropriés,
des offres périmées et une gestion perçue comme étant trop anonyme.
J’ai un conseiller à l’ANPE, mais c’est comme si c’était une perte de temps. On tourne
toujours en rond. Il faut se lever, aller à chaque rendez-vous, pour au final rien du
tout. Par exemple l’offre qu’on m’a envoyée de l’ANPE, c’est un CES de maçon. Mais
si j’avais voulu faire de la maçonnerie, j’aurais fait ça ! (Mehdi)
Une fois à l’ANPE un employé à l’accueil m’a dit que c’était bon, et puis ils m’ont
radiée ! ils auraient pu m’écrire une lettre ! Vraiment, on n’est qu’un numéro pour
eux. (Amélie)
Une fois j’avais rendez-vous à l’ANPE. J’y vais, et puis la femme en face de moi me
propose un emploi précis, me sort une feuille pour une boîte à Charleville. Alors j’y
suis allée avec mon dossier, mais l’offre n’était plus bonne. J’avais fait un trajet dans
le vent ! j’ai pété les plombs ! Je m’étais dit « si c’est l’ANPE qui m’envoie, c’est que
c’est bon ! ». (Nathalie)
Je vais sur le site de l’ANPE, jamais à l’agence. Parce que les personnes qui me
suivent, ils s’en foutent. Il y a que des vieux, ils me disent « c’est bizarre, vous avez un
bac+2, vous ne trouvez pas ! ». Je lui parle, il ne comprend rien. Alors pour ne pas
perdre de temps, je vais sur le site, comme ça on sait tout de suite ! (Sylvain)
De ce fait, l’ANPE peut être perçue comme un centre de ressources avant tout, que ce
soit sur Internet, comme Sylvain l’évoque, ou dans les locaux.
Je vais à l’ANPE deux fois par semaine. Je n’ai pas de conseiller précis, je regarde
les offres. Quand je demande à un conseiller pour savoir ce qu’ils ont à me proposer,
ils disent qu’il n’y a rien pour le moment. Alors je regarde, seule, dans les classeurs.
Je recherche ce que je pourrais faire. Je fais mes recherches en solitaire. Il n’y a
personne pour nous aider. (Houaria)
La sévérité des jugements prononcés par les jeunes est à mettre en relation avec une
inscription dans le temps différenciée entre les jeunes et les structures. En effet, si trouver
un emploi relève d’une urgence pour le jeune, la prise en compte de sa demande par les
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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intermédiaires de l’emploi nécessite du temps, notamment du fait des multiples autres
demandes.
A l’ANPE, ils m’ont proposé quelque chose dans la cuisine. J’ai dit oui, ce sera bien,
mieux que rien. Mais je n’ai jamais eu de réponse, depuis longtemps. La dernière fois,
c’était avant la naissance de ma fille, il y a un an. Ça me prend la tête, moi j’ai déposé
un dossier, et je n’ai pas eu de réponse ! (Linda)
•
Objectif Emploi n’est cité que par une jeune femme, qui y va sur le conseil de ses
parents. Elle estime d’ailleurs y avoir acquis des conseils utiles, comme dans les autres
lieux.
L’ANPE, Objectif Emploi et la PAIO, surtout, je trouve qu’ils expliquent bien. A
Objectif Emploi, on m’a expliqué comment il faut envoyer des lettres. Ça aide à
avancer. (Nedjma)
1.3. Le réseau de relations, une ressource fondamentale mobilisée par les jeunes
•
La famille apparaît comme un lieu d’information important.
Le réseau familial permet de connaître les structures et les personnes importantes dans la
recherche d’emploi. Parents, cousins, frères et sœurs sont utiles à la recherche de toute
information.
La PAIO je l’avais connu par l’école. A l’école ils nous ont emmenés à la PAIO pour
voir ce qu’ils faisaient. L’ANPE, c’est mes parents qui m’ont dit d’y aller. Objectif
Emploi, c’est différent de l’ANPE, mais c’est aussi mes parents qui m’ont dit d’y aller.
Mes parents m’avaient aussi parlé de Monsieur Lemoine, ils le connaissent. Et puis
l’animatrice du centre social, c’est ma tante qui la connaissait. (Nedjma)
Surtout, les membres de la famille sont autant de personnes ressources pour informer sur
une place à prendre dans leur entreprise, pour prospecter dans leur secteur d’activité, ou
pour transmettre un poste directement.
J’ai travaillé à Charleville, parce que ma sœur avait travaillé là bas. Ils avaient
besoin de quelqu'un, alors ils m’ont rappelée. (Gülcan)
Maintenant, ce que je trouve, c’est aussi par le piston. Par un cousin, une copine, mon
père, c’est par rapport à ça. Moi, je connais des personnes, mais qui ne travaillent
pas dans le même domaine. Je traîne avec des personnes plus âgées que moi, qui ont
jusqu’à 30, 35 ans. (Rachida)
Dans la recherche de boulot, mon frère m’a aidé. Il a essayé de me mettre dans la
restauration en Belgique, mais la Belgique ça me faisait peur. J’ai fait aussi des
gardes d’enfants chez une copine de ma belle sœur. Quand on n’a rien, on est obligés
de tout accepter. (Souad)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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Les témoignages font par ailleurs ressortir le rôle confortant des parents vis à vis des
jeunes en recherche d’emploi. Aucun des jeunes rencontrés n’évoque de pression de leur
part. Au contraire, par un soutien financier et matériel, la famille apparaît comme une
ressource fondamentale pour les jeunes – notamment les jeunes femmes.
Mes parents m’ont toujours dit de suivre la branche qui me plaît. « Si tu aimes bien ce
travail tu choisis cette branche et tu essayes d’y rester. Faut que tu avances dans la
vie ! ». (Nedjma)
Mes frères et sœurs ils travaillent, eux ils peuvent se débrouiller plus que moi. C’est
normal, ils sont arrivés plus jeunes, c’est tout. Ma sœur, elle fait ses lettres, elle se
débrouille.
Mes parents ils ne demandent rien du tout, ils sont contents. Ils ne disent rien, je n’ai
rien entendu d’eux. Même quand j’ai arrêté l’école, ils n’ont rien dit. J’ai une famille
qui ne me serre pas. On est libres. (Gülcan)
Mes parents, ça leur faisait de la peine la période où je ne faisais rien. Ils m’ont
toujours aidée, donné des encouragements, je les remercie. Ils m’ont toujours donné
de l’argent, parce qu’ils voyaient que j’étais motivée. Ils m’ont payé des vacances
même. (Souad)
Cela peut d’ailleurs entraîner un sentiment de honte de la part du jeune, du fait de sa
dépendance vis à vis de la cellule familiale.
Des fois j’ai honte par rapport à mes parents, de rester chez eux. (Mehdi)
•
Les relations et le « piston »
La recherche d’emploi passe aussi pour les jeunes rencontrés par une mobilisation de leurs
ressources relationnelles, au delà de la famille. Il est apparu dans les témoignages l’idée
ancrée que « tout marche par piston ».
Voilà, le peu de gens que je connais qui trouvent un boulot, c’est comme ça, ils
trouvent en connaissant les gens. (Amélie)
Je ne trouvais pas de stage, alors j’ai fait appel à l’ACPSO. Ils avaient des relations
avec certains patrons. Ils ont travaillé déjà avec des cabinets comptables. Alors ces
gens là ont bien voulu me prendre, ça s’est bien passé. (Mehdi)
De ce fait, les jeunes rencontrés, en particulier les plus âgés, soulignent l’importance de
cultiver leur réseau de relations. Une appartenance associative, une activité, la lecture d’un
journal : tout est prétexte à agrandir son cercle. Pour Jalil, c’est même vital, sinon cela créérait
une différenciation de plus dans la recherche d’emploi.
Tout marche par piston et nous on n’en a pas. (Mehdi)
Le piston ça joue, et moi je n’en ai pas. Si, je connais le député, par le hip hop.
(Sylvain)
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J’ai été médiatrice avant. Parce que j’allais à un local à la piscine, pour passer le
temps. Et puis les médiateurs sont arrivés, on a discuté un peu. Au final je pouvais
postuler pour travailler avec eux, et ils m’ont pris. J’étais heureuse ! Vraiment, je leur
ai dit merci, directement ! (Nathalie)
Les connaissances c’est le plus utile. Alors il faut faire la démarche de s’ouvrir, ne
pas rester dans le quartier. Le monde ne s’arrête pas aux portes de l’Avenue. (Jalil)
J’ai vu une association, dans le journal, l’Ardennais, dans un article, ils font juste des
tricots. Je vais essayer de les appeler pour voir si je peux coudre des robes avec eux,
s’ils ont des modèles, des tissus. Je vais voir si elle peut me prendre au moins un mois.
(Karima)
Ce qui m’a été le plus utile, c’est toutes mes expériences en tant que bénévole.
J’appartiens à une association. Alors, comme on monte des projets, j’ai su me faire un
réseau, et j’ai des informations que d’autres personnes n’ont pas. Quand on mène des
projets dans l’association on passe par le contrat de ville. Alors j’ai pu savoir bien
avant qu’il y avait un poste vacant. Je fais partie d’un collectif algérien, et puis de la
Ligue des Droits de l’Homme. Moi, je suis originaire du Maroc, mais suite au séisme
en Algérie, un collectif s’est mobilisé. On est venus me demander. Comme c’est une
association apolitique et qu’elle travaille sur l’humanitaire, j’ai dit OK. (Latifa)
1.4. Le recours à l’intérim est plus fréquent chez les garçons.
Autres lieux ressources pour la recherche d’emploi, les agences d’intérim sont visitées par les
jeunes rencontrés, de façon assez systématique. L’intérim est en effet perçu comme plus
direct, plus réactif que le service public de l’emploi. Il permet de trouver des emplois
alimentaires, sans engagement temporel. Cela implique aussi de la part du jeune une assiduité
téléphonique ou physique auprès des agences.
J’ai fait de l’intérim pour boucher les trous, entre les contrats. (Aziz)
J’ai fait du porte à porte dans les boîtes d’intérim. Mais on m’a dit que ça ne servait à
rien. A chaque fois je n’avais pas de réponse. La femme disait « il y a beaucoup de
personnes, vous n’êtes pas le seul. On ne vous promet rien, on fera de notre mieux. »
L’intérim c’est plus facile pour ça, on a les réponses négatives tout de suite. Alors moi
j’y vais, je les relance, pour qu’ils voient que ce mec est toujours là. (Thomas)
Je cherche par les boîtes d’intérim. Je les appelle le lundi, le mercredi, le vendredi, ils
me disent « c’est calme, rappelez ». C’est Adecco Mouzon, Adecco Charleville. Je
demande, quelque soit le secteur, parce que j’ai besoin de travailler. (Mourad)
Toutefois, les secteurs visés par les filles rencontrées sont moins concernés par les offres en
intérim.
J’avais trouvé une boîte d’intérim à Sedan où ils proposent de servir à boire pendant
le foot, tu fais des remplacements. Mais là ils ont juste pris mon CV, et c’est tout. S’ils
me trouvent un métier, ils me contactent, mais pour l’instant ils ne m’ont pas appelée.
Je n’ai eu aucune réponse. (Nedjma)
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Dans les agences d’intérim il n’y a presque rien dans le secteur de l’accueil et du
commerce. Eux, c’est plus le bâtiment, et moi je n’ai rien à faire là dedans. Je suis
allée voir chez Manpower, Supplay, Vedior Bis, Adecco, TT. Je les ai toutes faites ! je
me suis présentée directement dans les boîtes d’intérim, pour faire du service ou de
l’accueil, mais ça n’a rien donné. (Souad)
2. Les techniques de recherche d’emploi
2.1. Mettre en avant les gages d’un savoir faire
Pour les jeunes rencontrés, il importe dans leurs candidatures de donner des preuves de leur
savoir faire. Toutefois, leur âge fait que leur expérience professionnelle est limitée.
•
Pour les primo arrivants, l’expérience à l’étranger est mise en avant. Ainsi, au
lieu de l’expliquer, Karima démontre son savoir faire en couture en le mettant en
œuvre directement.
Quand j’ai fait mon stage, je savais faire des choses que la patronne ne savait pas
faire. En stage, j’ai tout fait ! Il y a même une stagiaire de CAP, qui m’a donné une
veste à faire, pour une cliente, parce qu’arrivée aux manches elle ne savait plus faire.
Si elle ne sait pas faire ça, elle n’est pas couturière ! Alors j’ai demandé à ma
patronne si je pouvais le faire. Même elle, elle avait fait beaucoup de plis. Alors que
moi je connais le secret des tailleurs pour faire les emmanchures. (Karima)
•
L’expérience – et la formation - acquise en tant qu’animateur ou animatrice est
également une ressource mise en avant par certains jeunes rencontrés.
J’ai passé le BAFA, c’était un coup de chance. Il y a 4 ans j’arrivais de Carignan et
j’ai habité Avenue de la Marne. Au centre social j’ai vu une affiche pour passer le
BAFA, alors je me suis présentée au bureau. Un mois plus tard je passais le BAFA.
J’ai fait mon stage pratique au centre de loisir de la ville de Sedan. Rien que d’avoir
vécu le BAFA c’est un atout. (Souad)
Ce que je mets en avant, c’est mes expériences dans l’animation. Et puis mes hobbys,
le foot. Mais je mets aussi toutes mes expériences professionnelles. (Aziz)
2.2. La valorisation du savoir être : se présenter selon les codes en vigueur
Pour contrer l’image dévalorisée et inexacte qu’ils se voient accoler, les jeunes rencontrés
portent attention à leur présentation, leur langage.
•
Certaines filles, désireuses de travailler dans l’accueil, mettent en avant par écrit leurs
qualités relationnelles et personnelles.
Dans la lettre de motivation, je parlais de mon cursus, je mettais en avant mon cursus
et mon désir de m’épanouir en tant qu’individu dans la société . Un des directeurs m’a
appelé parce qu’il avait été touché par ce que je disais, c’était sincère. Ce qui a
compté c’est ma sincérité et mon désir de m’insérer. (Latifa)
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Dans mon CV je mets mes expériences dans l’accueil, l’animation, la vente. Et puis je
mets que je suis souriante, aimable, tout ce qu’il faut pour être hôtesse d’accueil.
(Souad)
J’ai appris à rédiger mon CV et ma lettre de motivation en formation. Je mets en
avant que je suis souriante, aimable, disponible, et honnête, c’est important pour moi.
(Houaria)
Ce qui peut desservir cette image positive est banni de cette première prise de contact. Le fait
de ne pas mettre sa photo, pour Rachida, tient au désir de ne pas être jugée sur un cliché. Mais
il ne s’agit pas de transformer sa personnalité pour répondre à l’employeur.
Sur le CV, je ne mets jamais de photo. Il y a des gens qui disent que j’ai un regard
agressif, froid. Mais moi, je suis comme ça, j’ai le regard de mon père. Alors je vais
rester comme ça, tu m’acceptes telle que je suis. Bon, la photo, s’ils me la demandent,
je l’envoie. Et ils demandent souvent. (Rachida)
•
Lors des entretiens, la présentation est soignée sans être forcée
Certains jeunes rencontrés expliquent porter attention à leur tenue vestimentaire pour les
entretiens d’embauche, ou les démarches de prospection auprès des employeurs. Les
marqueurs trop visibles et trop symboliques, comme la casquette, sont laissés de côté.
Pour Mourad, il s’agit de se plier aux normes, sans pour autant les comprendre.
Pour postuler, je mets un costar, j’enlève mes bijoux, je fais des efforts. Mais bon, si je
mets une casquette, c’est peut être que je suis mal coiffé ! Casquette et survêtement ça
va être mal vu. Mais une casquette ça reste une casquette ! (Mourad)
Cela n’implique toutefois pas de se transformer totalement, pour Rachida et Nathalie. Il s’agit
de rester soi même, tout en montrant un respect des règles établies.
Bien sûr, quelqu'un qui arrive avec une casquette au bureau, la moindre des choses
c’est de l’enlever. Il faut montrer la politesse, c’est une marque de respect. Pour les
entretiens, je me mets présentable. Je sais comment me présenter, mais ce qui est
important, c’est d’être à l’aise, c’est ce qu’on m’a dit. Alors je peux y aller en baskets
et jean. (Rachida)
Pour les entretiens, je m’habille comme toute l’année. Peut être que je vais faire un
petit effort, mais je ne vais pas dans le détail, sinon ça fait un truc qui ne va pas. Je
veux rester comme je suis. (Nathalie)
La présentation passe également par le langage. Les jeunes rencontrés en ont conscience,
surtout les plus âgés. Les expériences associatives et d’animation permettent de modifier
les habitudes langagières jugées grossières. Pour Rachida, le BAFA a été décisif. Elle est
donc prête à faire un effort d’adaptation face à l’employeur – si lui-même en fait un aussi.
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Moi aussi, j’étais vulgaire, et puis c’est l’animation qui m’a changée. Il ne fallait pas
dire d’insultes devant les enfants. C’est grâce à l’animation que j’ai pu changer le
vocabulaire. J’ai passé mon BAFA, l’AFPS. J’ai fait de l’aide aux devoirs, de
l’accompagnement de scolarité. C’est vrai qu’on a un langage de quartier, ils disent
que c’est un langage vulgaire. Mais bon, c’est le quartier qui nous a fait comme ça.
C’est pas nos parents qui ont choisi d’être dans ce quartier. Mais c’est pas parce
qu’on parle d’une certaine façon qu’on est comme ci, comme ça : ils doivent essayer,
et juger. (Rachida)
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E – LES OBSTACLES « OBJECTIFS » DANS L’ACCES A L’EMPLOI
1. Le contexte difficile de l’emploi sur le bassin sedanais
Il importe de souligner que la recherche d’emploi ici analysée prend place dans un contexte
économique particulièrement défavorable. En 1999, le taux de chômage sur la commune était
de 26% ; le taux de chômage des 15-25 ans de 45%. En 2004, le taux de chômage a baissé,
mais reste important à 19,2%.
Par ailleurs, les emplois proposés le sont dans des secteurs défavorisant certaines catégories,
comme les femmes (dans l’industrie) ou les diplômés.
1.1. Les jeunes rencontrés ont conscience de cette donnée.
Ils acceptent de ce fait d’entendre des employeurs leur dire qu’ils ne prennent pas de salariés
ni de stagiaires. Ils relativisent alors leur constat sur la « discrimination », qui n’est pas
perçue ici comme l’obstacle premier à l’embauche.
Mais pour certaines entreprises, c’est pas de la discrimination, c’est parce qu’ils sont
complets. Et puis, je n’ai pas trop insisté non plus dans les entreprises. (Rachida)
Quand j’ai eu des réponses négatives, c’est parce qu’ils n’avaient pas besoin de
personnel dans l’immédiat. Je n’ai pas trouvé de discrimination. Pour Pronuptia, je
ne pense pas ce que c’est de la discrimination. (Karima)
1.2. Cela entraîne également l’acceptation d’une différence de traitement entre les salariés
et les intérimaires.
Le jeune n’a pas le choix de voir ses droits bafoués dans son travail, s’il veut y rester.
Une fois j’étais intérimaire. Un embauché m’a dit « tu ne prends pas ta pause, tu
restes là ». J’étais seul dans le secteur. Je n’avais pas envie de lui répondre, ni d’être
viré. Parce qu’un embauché est directement en contact avec le chef d’équipe.
(Mourad)
2. La langue et la situation migratoire, deux conditions difficilement contournables pour
les primo arrivants
2.1 Obtenir un permis de travail est la première nécessité pour accéder à l’emploi.
Pour Blaise, c’est tout simplement le premier obstacle à son embauche.
Si je pouvais il y a plein de boulots qui m’attendent. Ce n’est pas le travail qui me
manque, c’est le droit de travailler. C’est ça qui bloque. J’ai une carte de séjour
provisoire qui ne me le permet pas. Il y a même un patron de salle de sport qui veut
m’embaucher comme entraîneur de boxe, il s’est renseigné, il a demandé une
dérogation à la direction du travail, mais je n’ai pas eu le droit. (Blaise)
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2.2 Apprendre la langue française est décrit par les jeunes primo arrivants comme une
condition sine qua non pour trouver un emploi.
Lever cet obstacle passe par la nécessité de sortir, rencontrer du monde, « s’intégrer », ce qui
n’est pas forcément facile en milieu non francophone.
En vérité il faut maîtriser la langue, sinon on ne peut rien faire. Il faut écrire sans faire
de fautes, écrire des phrases. Avant je faisais beaucoup de fautes, plus maintenant.
C’est ça aussi, l’intégration. Le point positif, c’est que je parle bien français, grâce à
l’alphabétisation. Grâce à mon prof, et puis au Centre social de Torcy, ça aide. Ce qui
m’a le plus aidé c’est de parler aux gens. Parce qu’à la maison, je ne parle que le
kabyle. Donc, en période de stage, il faut que je parle. (Karima)
3. La mobilité est pour les jeunes rencontrés une contrainte forte
Sur les 21 jeunes rencontrés, 7 (6 filles) mentionnent la non détention du permis de conduire
comme un obstacle réel à leur recherche d’emploi.
3.1 Ne pas avoir de permis ni de véhicule entraîne en effet une dépendance
La dépendance s’exerce vis à vis des transports en commun, ou d’une autre personne (père,
frère) lorsque le lieu de travail est éloigné de toute desserte de transport en commun.
Le permis de conduire, ça me manque. Je vais le passer. Parce que ça me coince : dès
que tu fais une demande, et que tu n’as pas le permis, tu ne peux pas bouger. Il faut sans
arrêt demander à quelqu'un de t’emmener. C’est dur. Déjà quand on est arrivé en
France, c’est dur pour nous, avec les trains, les bus, surtout quand on habitait à
Donchery. (Gülcan)
Ce qui me manque le plus, c’est un véhicule. Certes il y a des trains, mais le problème
c’est le grèves. Et puis les trains ne desservent pas certains endroits. (Rachida)
Je cherche sur Charleville aussi. Mais ailleurs, je ne peux pas, je n’ai pas de voiture.
J’aimerais passer le permis. Mais il faut parler le français correctement, pour passer le
permis. (Karima)
Moi je n’ai pas le permis, parce qu’il faut déjà que je paye mon appartement. Mais si
j’avais le permis, je ne serais plus là. Je serais capable de travailler à 300, 400 km.
(Thomas)
3.2 Plusieurs des jeunes rencontrés se sont ainsi vus refuser des postes à cause de ce
manque de mobilité.
La non détention du permis peut être rédhibitoire pour travailler en Belgique, à Charleville ou
dans les communes proches, mais aussi pour travailler sur des horaires décalés.
On avait fait un dossier pour Ferrero, en Belgique. Moi, je n’ai pas le permis. Ma
copine qui a le permis a été prise. En fait il faut arriver à mentir, au bout d’un moment
c’est tentant de mentir sur un CV, pour de petites choses. Je disais que mon permis était
en cours. (Nathalie)
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C’est toujours le permis qui me recale. Chez Naf Naf ils voulaient me faire un contrat de
6 mois, mais j’étais bloquée. Donc il faut que je sois indépendante, parce que mon père
ne peut pas toujours venir me chercher. (Souad)
J’ai travaillé aussi dans un commerce de gros de produits pharmaceutiques à
Charleville. J’étais en formation. Le directeur m’a dit que je travaillais bien. J’avais un
contrat d’un mois, et ensuite ils voulaient faire un contrat d’embauche. Ils m’ont
demandé si j’avais le permis. Parce qu’il faut être mobile. Le travail terminait à 11h, et
il n’y a plus de train à cette heure là. Pourtant, j’étais motivée, l’équipe était bien, il y
avait une bonne ambiance, avec des personnes plus âgées. Pendant le stage, ils me
faisaient partir à 9 heures le soir. Mais là comme je n’avais pas le permis je ne pouvais
pas rester jusqu’à 22 heures, alors je n’ai pas pu signer le contrat. (Houaria)
La dernière fois une agence d’intérim m’a appelé pour aller à un poste en urgence.
Mais je n’avais pas de moyen de locomotion. Je me demande s’ils n’hésitent pas à
rappeler la personne dans ces cas là. J’aurais pu y travailler si les horaires avaient
convenu, parce qu’il y a des bus. Mais là c’était pour travailler de nuit. Alors j’ai laissé
passer. (Thomas)
3. Le manque d’expérience et de formation, arguments de refus des employeurs
3.1 Ce qui apparaît pénalisant, pour certains des jeunes rencontrés, c’est leur manque
d’expérience professionnelle.
Ils ne peuvent se reconnaître dans les exigences avancées par les employeurs dans leurs offres
d’emploi.
Mais pour le commerce, on m’a dit que je n’étais pas assez diplômée, que j’avais peu
d’expérience. Les stages sont pas considérés comme une expérience. J’ai fait tous les
magasins de Sedan et Charleville Mézières. (Rachida)
Le plus difficile, c’est que j’ai de l’expérience, mais pas de diplôme à part le BAFA et
le BEPC. Et c’est le diplôme qui est important. (Aziz)
Sinon, je vais sur les bornes à l’ANPE, je tape le code ROM du métier. Et souvent il y
a un problème au niveau des études : ils demandent un niveau bac minimum, et
souvent 2-3 ans d’expérience. Moi j’ai envie de leur dire « Comment voulez-vous
qu’on ait de l’expérience si vous ne nous laissez pas travailler un peu ». (Rachida)
Ils en demandent beaucoup. Ils demandent d’avoir un bac+3 ou 5 ans d’expérience,
c’est pas possible à 23 ans ! Pour avoir de l’expérience, il faut nous en donner la
chance. Si on ne laisse pas les jeunes avoir leur expérience… (Nathalie)
Ce qui me manque pour ça, c’est l’expérience. J’aimerais trouver un emploi où ils
demandent juste d’avoir des notions d’informatique, où les débutants sont acceptés.
(Houaria)
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3.2 La formation peut également être pénalisante : le manque de diplôme est un obstacle à
l’embauche, mais aussi, selon Sylvain, un diplôme trop élevé, qui fait peur à l’employeur.
Quand on est trop intelligent et malin, on n’est pas bien vu. Mes études, c’est un
handicap pour moi. Parce que si j’ai trop de diplômes, ils ne vont pas me faire
rentrer, parce qu’ils ne veulent pas que je fasse des trucs trop intelligents. Surtout
dans le département des Ardennes, où il y a surtout des fontes, des forges. (Sylvain)
4. Etre femme, être mère, deux freins potentiels à l’embauche
4.1 La différence entre garçons et filles dans l’accès à l’emploi n’apparaît pas comme étant
flagrante
•
Parmi les jeunes rencontrés, 5 filles sur 10 sont salariées ou en CES, et 1 seul garçon
est en CES, deux sont en formation. Loin de vouloir établir des proportions à partir de
ces chiffres, on peut toutefois souligner le fait que les CES correspondent davantage à
l’image établie de l’emploi féminin (ménage, garde d’enfant). Plus précaires
également, ces contrats ne correspondent pas aux formations des garçons rencontrés.
•
Il apparaît dans le discours que chacun voit l’autre avantagé : certaines filles estiment
que les garçons trouvent plus facilement, et réciproquement.
Il y a aussi des garçons en difficulté, ce n’est pas plus difficile pour une fille. (Nedjma)
Pour les femmes, c’est plus dur de trouver un emploi, je trouve. Quand tu cherche un
emploi, normalement tu vas travailler dans l’usine, mais c’est trop dur. C’est pas
comme un mec, il prend tout ! Nous, on n’a pas de force. (Gülcan)
Les garçons se disent qu’ils ont plus de difficultés à trouver que les filles. Je ne sais
pas pourquoi, c’est une idée que j’ai entendue. (Latifa)
Mes sœurs, elles ont pas de problème, ça passe mieux pour une fille. Elles sont bien
vues. (Sylvain)
4.2 Les filles, refoulées de l’industrie
•
Dans le bassin d’emploi sedanais, les offres concernent en partie des emplois
industriels. Or les filles en semblent écartées assez facilement par les employeurs,
comme en témoigne Rachida : elle ne peut pas être la seule embauché –e.
J’avais postulé en 2003 pour être aide magasinier, dans les pièces auto. A l’entretien, ils
m’ont dit « ce n’est pas que je ne veux pas vous prendre, mais je ne peux pas. Vous êtes
une femme, et il n’y a que des hommes dans l’entreprise». Pourtant, c’est pas compliqué
de ranger des pièces dans des cases ! Mais là, comme il y a peu de femmes dans la
mécanique, ils ont dit que ça posait un problème que je sois la seule femme. (Rachida)
Cette discrimination sexiste se retrouve dans les agences d’intérim : la pénibilité du
travail justifie qu’il ne soit pas proposé aux femmes. De ce fait, les emplois qui leur sont
réservés sont restreints et, selon Nathalie, très sexués.
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A chaque fois dans les agences d’intérim, on me dit « non vous êtes une femme ». Ils
n’ont jamais rien eu pour moi. J’ai même demandé s’il y avait des ménages ! Dans les
boîtes d’intérim non plus, ils disent « vous êtes une femme, il n’y a rien pour vous ».
Ou alors si, au stade. Mais faire serveuse en mini jupe, ce n’est pas pour moi.
(Nathalie)
Au début je me suis dit « je dois avoir une sale gueule ». Il doit y avoir un problème
quelque part, ils ne veulent pas de moi. Mais ils disent « c’est dur, on recrute plus des
hommes pour ce travail ». Alors au bout d’un moment c’est lassant ! Chez General
Motors, Vistéon, Citroën. (Nathalie)
•
Les filles peuvent d’ailleurs s’auto-exclure de ces emplois industriels, ne se
sentant pas capables de les assumer physiquement.
Je trouve que les garçons ça se passe mieux pour eux, ils trouvent plus de travail que
les filles. Peut-être qu’il y a plus besoin dans la maçonnerie. Et puis par l’intérim, ils
rentrent facilement. C’est souvent du travail en usine. J’ai vu des annonces, de
l’extérieur, ça ne m’a pas donné envie de m’inscrire : c’est pour les garçons, pour
travailler dans les fonderies, les usines. Moi je ne serais pas capable d’y travailler.
(Houaria)
4.3 Avoir des enfants ne facilite pas l’employabilité
Pour les jeunes mères, l’accès à l’emploi apparaît comme plus compliqué. Elles ne peuvent
tout d’abord pas se plier à tous les horaires, comme l’explique Gülcan.
Une fois quelqu'un m’a proposé de travailler dans un kebab à Charleville. Mais je suis
tombée enceinte. C’est plus pareil, une fois que tu as des enfants. Il aurait fallu que je
travaille de 5h à 13h, ce n’était pas possible avec mes enfants. Si je n’avais pas eu
d’enfants, ça m’était égal. (Linda)
Elles sont également confrontées aux représentations des employeurs les considérant comme
moins flexibles, ce qui n’est pas la réalité, selon Amélie : des solutions existent à la garde
d’enfants.
Le fait d’avoir un enfant, je ne le marque plus sur mon CV. Parce qu’ils me
demandaient « comment vous faites ? ». Alors qu’il y a les nounous, les crèches !
(Amélie)
5. L’adresse, un facteur supposé discriminant
L’image des quartiers « sensibles » de Sedan, décrite précédemment, est citée par certains
jeunes comme n’aidant pas non plus à leur embauche. Issus de l’Avenue de la Marne, de la
rue Berlioz, ou d’immeubles du quartier du Lac, certains soupçonnent ces adresses de les
desservir, du fait des représentations liées à ces quartiers.
Le quartier, je pense que ça ne doit pas être ça. Ce serait ridicule s’ils pensaient que
si on vient d’un quartier, on est des voyous. Mais c’est vrai que quand je travaillais les
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ouvriers me disaient « tu viens de là bas, c’est un quartier de merde ! ». Parce
qu’avant c’était une zone dangereuse, le problème vient de là. Mais on n’est pas tous
pareils. Moi je leur ai dit que si ça craignait ce quartier, je serais déjà à l’hôpital.
Mais ils prennent les gens pour des diables ! Alors peut être que les patrons, dans ce
qu’ils pensent… Des fois je me suis demandé si c’est parce que je viens de ce quartier
que j’ai des soucis. Ça m’a traversé la tête, surtout quand tous mes collègues m’ont
posé des questions sur mon quartier. Ils disent « on a vu sur le journal, qu’il y avait
des voitures brûlées, comment ça se fait ? Du coup ils ont peur de nous. » (Thomas)
L’adresse je pense c’est surtout ça qui joue. Sedan, c’est pas New York, c’est une
petite ville. Alors les commerçants, quand ils voient l’adresse du quartier, ils ne
prennent pas. Alors qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac, il ne faut
pas mettre des bâtons dans les roues des gens. (Rachida)
F – LA PLACE DES DISCRIMINATIONS ETHNIQUES ET RACIALES DANS L’ACCES A L’EMPLOI
1. L’aspect visible des discriminations ethniques à l’embauche
La difficulté des discriminations ethniques tient à ce qu’elles opèrent da façon cachée,
« subtile » selon les mots d’Aziz précédemment cités. Pour avérer une différence de
traitement ressentie lors de l’embauche, les jeunes rencontrés mettent au point des méthodes
de révélation des discriminations. Le test et les comparaisons permettent de montrer le résultat
de la sélection par les employeurs, et de déduire les critères de cette sélection.
1.1. Les tests informels opérés par les jeunes soulignent les discriminations directes
Parmi les jeunes rencontrés, plusieurs ont eu l’occasion d’effectuer des tests spontanés lors de
leur recherche d’emploi ou de stage. Ce moyen permet d’apporter une réponse rapide à un
doute sur le refus d’une candidature : la sanction est immédiate. Le seul critère variant entre
les deux candidatures étant identifié par les jeunes comme celui de l’origine ethnique, c’est à
cause de cela que le profil n’a pas été retenu.
•
Les tests cités peuvent se faire en direct ou par téléphone et courrier. Certains ont lieu
de façon directe, « sur le terrain », dans les commerces en particulier.
Moi, quand j’étais à l’école, j’avais demandé un stage scolaire, chez Leclerc. On m’a
dit « on ne prend pas de stagiaire ». J’ai envoyé une copine, de ma classe, une
Française, a essayé, ils l’ont prise. J’avais essayé chez Leclerc, Aldi, Lidl. Mas chez
Leclerc, le directeur était raciste, c’était négatif. D’ailleurs ça a toujours pas changé,
aux caisses il n’y a pas d’arabes. C’est rare qu’il y ait des personnes étrangères qui
travaillent là bas. A part les vigiles, mais eux ils sont recrutés par une autre
entreprise. (Rachida)
Au magasin Flash, je rentrais, ils disaient qu’ils ne prenaient personne. 5 minutes
après, une copine, Française, elle passait et on lui disait OK. (Souad)
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•
Ce genre de technique a pour effet de souligner la violence symbolique effective de
la discrimination : l’inégalité est flagrante. De ce fait, elle créé un abattement et un
découragement chez certains jeunes. Cela peut alors entraîner une autolimitation dans
les recherches d’emploi, voire un arrêt de celles-ci.
Une fois, j’ai envoyé un CV à Mac Do, avec une copine. On a la même formation. La
lettre de motivation, c’était la même. Quand ils ont vu mon nom… ma copine elle a été
rappelée. Alors moi j’étais déçue. A partir de là j’ai arrêté de cherché ! Parce que
j’avais tout sinon : ils cherchaient des jeunes, de moins de 25 ans. Ils avaient mis une
annonce dans les boîtes aux lettres. J’ai déjà travaillé comme hôtesse de caisse.
J’aurais pu être capable ! (Houaria)
En préqualif, il fallait trouver un stage. On était un groupe de 20 jeunes, dont 4-5 avec
des noms d’origine étrangère. Par exemple Brahim et Youssouf appellent pour un
stage dans la même boîte, où on leur dit qu’on ne prend pas de stagiaire. Ensuite
Nicolas et Stéphane rappellent, et ça marche. Alors, humainement, ça coupe les deux
jambes. Ça démotive ! (Karim)
1.2. La comparaison avec des profils similaires révèle l’inégalité des chances.
De façon moins directe, la comparaison avec des jeunes de même âge et de même profil
qu’eux permet aux jeunes rencontrés de souligner en creux ce qui leur manque pour
« réussir ». C’est ici surtout Mehdi qui effectue cette comparaison.
Quand je cherchais un stage pour le BEP, c’était majoritairement des filles avec moi.
Elles n’étaient pas d’origine maghrébine. J’ai envoyé 60 lettres, sans rien trouver.
J’étais le seul de la section à ne pas trouver de stage. (Mehdi)
Vraiment, on se moque de nous ! Je connais des jeunes Français, à 22 ans ils sont
embauchés, à 26 ans ils sont directeurs adjoints. C’est ça le problème. Si j’avais un
autre nom… (Mehdi)
1.3. La discrimination ethnique peut aussi être avérée par une connaissance des exigences
des employeurs concernant l’origine ethnique des ses employés.
Les cas cités par les jeunes se trouvent dans le domaine de la vente et de l’industrie.
J’ai une copine qui a fait un stage chez Leclerc. On lui a demandé de changer de nom,
de s’appeler Marie, alors qu’elle s’appelle Rachida. Moi ça m’aurait fait chier.
(Souad)
Dans le social, mon origine n’a jamais trop posé de problème. Mais dans l’industrie,
si. Dans les agences d’intérim, les gens me disaient « l’employeur a dit qu’il ne
voulait pas de maghrébins ». (Aziz)
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2. Dans la majorité des cas, les discriminations ne peuvent être que supposées.
2.1 L’absence de réponse aux candidatures entraîne des soupçons
Lorsque, malgré l’énergie déployée à contacter les employeurs et à déposer des candidatures,
aucun retour n’est enregistré, alors le jeune commence à se demander pourquoi il n’est pas
accepté. Or, du fait du racisme ambiant ressenti par les jeunes, la question d’un refus à
cause d’un nom ou d’une apparence se pose rapidement. Le jeune en vient à soupçonner
l’existence de discrimination, sans avoir de preuve tangible. Ce soupçon est renforcé lorsque
son nom lui est demandé une deuxième fois.
Il y a eu du racisme, on ne va pas dire non. Par exemple, il y a deux offres de l’ANPE
pour les quelles j’ai envoyé mon CV avec ma photo, et je n’ai jamais eu de réponse.
C’était pour être vendeuse dans le prêt à porter. Je n’ai pas pu les rappeler, ils
n’avaient pas mis le numéro de téléphone. (Houaria)
Ça ne sert à rien, tous les endroits où j’ai appelé, les coups de fil pour savoir. Je n’ai
pas eu de réponse ! ou alors « on a déjà des stagiaires ». Peut être que c’est parce que
je suis d’origine étrangère. Par exemple, une fois, il y a quelqu'un qui m’a dit « de
toutes façons tu n’es pas française ». Alors j’ai montré que mes papiers sont les
mêmes que lui. (Linda)
J’ai répondu à une offre pour être tailleur de pierre. Mon profil correspondait bien,
j’étais le premier à répondre. Et puis ma candidature a été refusée, je ne sais pas
pourquoi. J’espère que ce n’est pas par rapport à mon nom. (Jalil)
Supplay, une boîte d’intérim, un jour ils m’ont appelé pour avoir mon CV, à jour. Ils
m’ont dit qu’ils me donneraient une réponse avant le 26 décembre, et j’attends
toujours. Une autre fois, chez Triangle, ils cherchaient des Bac+2 sans expérience, ils
nous ont dit oui. Et puis ensuite ils m’ont rappelé en disant « on a fait une faute de
frappe, vous vous appelez comment ? ». Et finalement ce n’était pas bon. (Sylvain)
2.2 Des réponses jugées injustifiées sont qualifiées d’hypocrites
Pourtant, même lorsque les employeurs répondent, leur justification du refus de l’embauche
n’est parfois pas assez convaincante pour le candidat. Leurs arguments sont jugés hypocrites
parce qu’inédits ou inattendus par le jeune. Ce dernier estime alors qu’ils cachent autre chose,
surtout lorsqu’il se compare avec d’autres amis, de même profil embauchés avec moins de
problèmes.
L’employeur regarde mon nom de famille. Et je ne trouve rien. Soit on me dit que je
n’ai pas d’expérience, soit je suis trop qualifié. C’est de l’hypocrisie totale ! Moi, mes
seuls amis qui ont trouvé du boulot, c’est des Français. (Sylvain)
J’avais fait Shopi, Flash, mais elle avait déjà pris un stagiaire. Chez Cora, je
demandais à être hôtesse d’accueil. Ils m’on renvoyé un courrier pour me dire que
j’avais une expérience trop élevée pour eux. C’était une réponse à la quelle je ne
m’attendais vraiment pas. Et puis quand on me dit non, ça y est, je me pose des
questions. (Houaria)
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Les entreprises trouvent des excuses bidon, « on n’a besoin de personne pour
l’instant, tout est complet ». Pourtant ce qu’elles doivent savoir c’est qu’en nous
prenant en contrat de qualif elles ont des avantages. (Mehdi)
2.3 Des cas de discrimination positive peuvent également être soupçonnés
Du fait de ce contexte délicat de l’emploi, les cas où les jeunes sont embauchés peuvent aussi
faire naître des soupçons sur les raisons de l’embauche. Or, le jeune peut avoir l’impression
de n’avoir pas été choisi pour ses compétences, mais pour son appartenance culturelle
supposée.
•
Le soupçon porte sur des cas où l’employeur s’intéresse à l’origine supposée du
candidat plus qu’à ses compétences. C’est dans l’éducation que l’origine maghrébine
est vue comme un atout pour l’embauche.
J’ai travaillé pendant 5 ans comme aide éducatrice dans un lycée professionnel. Lors
de mon entretien d’embauche à l’Inspection d’Académie, il y avait l’Inspecteur
d’Académie, le proviseur du lycée. Et la question qui est venue c’est « qu’est-ce que
vous pensez du voile ? ». Je ne pense pas qu’ils l’aient posé aux autres personnes, des
Français de bien Français. On joue de l’origine des personnes ! J’ai eu l’impression
que ce n’est pas mes compétences qui jouaient mais le fait que je sois issue de
l’immigration. Parce qu’il s’agissait d’un établissement où il y avait beaucoup de
jeunes issus de l’immigration. Alors ils se sont dit « ça va être la grande sœur ». Alors
que moi, je pense que c’était plutôt un double handicap. (Latifa)
J’ai envoyé des CV avec photos, j’ai fait beaucoup de candidatures spontanées et j’ai
répondu à des offres de l’ANPE. Le seul poste que j’ai trouvé, c’est emploi jeune dans
l’Education Nationale. Ils ont dû penser « il va les tenir, les jeunes », avec le nom que
j’ai ! Voilà je trouve que dans le social ou le commerce. Ce qui m’a été utile,
finalement, c’est mon nom de famille, pour me faire respecter comme aide éducateur.
(Sylvain)
•
Dans d’autres cas, c’est l’appartenance supposée à une même « culture » ou origine
qui est vu comme expliquant l’embauche. Le jeune se dit qu’il est pris, non parce
qu’il est compétent, mais par solidarité « communautaire ».
Mon frère il a bossé à Maxi Toys. Il a été pris car la directrice c’est une musulmane.
(Souad)
J’ai été vendeur à Maxi Toys. J’ai vu une annonce pour le poste, c’était vendeur
conseil. Là bas il n’y a que des rebeu ! (Sylvain)
J’ai fait un stage à Maxi Toys. Je m’étais fait recaler à plein d’endroits, ils disaient
qu’ils avaient du monde, que c’était blindé. Et puis je suis allé demander à Maxi Toys.
En fait c’est un rebeu qui tenait ça. Je me suis senti bien, j’ai rencontré les gens.
Finalement je n’ai pas pu accepter. (Mourad)
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•
De ce fait, les jeunes estiment se retrouver cantonnés, par leur identité, à des
secteurs d’emploi particuliers. L’éducation et l’animation sont particulièrement
cités ; le bâtiment est également perçu comme « réservé » aux personnes issues de
l’immigration, suite au travail effectif de la génération précédente dans ce secteur.
Moi, je voudrais travailler dans le domaine de l’éducation spécialisée, j’adore ce
genre de public. Mais on me propose à chaque fois de travailler avec des jeunes en
difficulté, avec les jeunes délinquants. En fait on nous propose en grande majorité des
postes de « grand frère », pour les jeunes des cités. Surtout, parce que dans ma promo
ce ne sont que des filles, à 80%, donc elles trouvent vite des stages dans des trucs pour
handicapés, ou avec des personnes âgées. (Karim)
Le genre de boulot qu’on m’a donné c’est un CES dans un chantier mobile, pour faire
de la peinture et de la maçonnerie. A croire que c’était adapté à ma couleur, que
j’étais fait pour ça. (Mehdi)
2.4 Ce sont parfois les intermédiaires de l’emploi eux-mêmes qui peuvent transmettre aux
jeunes des avertissements sur des situations discriminantes à l’embauche – ce qui créé une
discrimination « systémique ».
La discrimination est dite « systémique » lorsqu’elle est pratiquée et relayée par un ensemble
d’acteurs. Ici, ce sont les professeurs, les intermédiaires de l’emploi, les agences d’intérim qui
peuvent relayer les exigences sélectives des employeurs, avec l’intention d’aider le jeune à ne
pas voir ses candidatures refusées.
Pour moi, ça c’est de la discrimination. Alors je l’ai dit à ma prof, et elle m’a dit que
de toutes façons je n’étais pas la seule. Les profs nous disaient « n’allez pas chez
Jacqueline Riu ni chez Okaïdi ». Et puis il y avait un élève qui restait dans la réserve,
chez Joué Club. (Souad)
3. Les différences de traitement vécues dans le travail
3.1. Lorsqu’il faut faire ses preuves plus que les autres
Certains jeunes ont l’impression d’être soumis à un test de la part de leur employeur, qui
cherche à savoir quelle confiance accorder à son stagiaire ou son salarié. Ce test peut passer
par un rythme de travail particulièrement intense, de petits pièges pour s’assurer de la
concentration ou de l’honnêteté du jeune dans son travail. Les exemples suivants soulignent
que c’est avant tout le jeune lui-même qui interprète cela comme un test. Il sent qu’il doit
faire ses preuves.
Pendant le stage, il y avait une bonne ambiance. Il fallait être toujours à l’heure. Mais
nous on était toujours à l’heure, on s’était habitués à se mettre en équipes. D’ailleurs
quand on était en cantine à Pierre Bell, le chef nous a fait un test. Moi et ma copine,
on travaillait, on était côte à côte, et puis il nous parlait. Nous on ne s’est pas arrêté,
on a continué à travailler ! (Nedjma)
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Je devais faire 8 semaines de stage, alors je suis allée directement chez Naf Naf. Elle
m’a dit OK. Elle m’a même rappelée ensuite pour y travailler 2 semaines à Noël. Elle
avait confiance, je faisais du bon travail. Pourtant il y avait eu un vol, une jeune arabe
comme moi qui avait volé une carte bancaire. Alors elle m’a testée, et puis elle m’a
rappelée. Mais ça c’est bien passé. Je faisais l’ouverture, la fermeture, je comptais la
caisse. Elle me faisait confiance, j’aimais bien. Alors qu’il y avait une Française à qui
elle n’avait jamais fait confiance. (Souad)
C’est sûr la boîte d’intérim ils m’ont testé. J’ai travaillé aux 3/8, et puis ils m’ont
arrêté, en disant qu’il n’y avait plus de travail. Finalement ils ne m’ont pas rappelé.
(Mourad)
3.2. Quand il faut subir des brimades ou des soupçons de la part des collègues
Certains jeunes expliquent par ailleurs devoir faire face dans leur travail à des préjugés
racistes de la part de leurs collègues ou supérieurs.
•
Les soupçons de vols ou d’erreur semblent plus facilement portés sur le jeune issu de
l’immigration.
Avant dans le commerce où je travaillais, les autres disaient au patron « elle a fait
ça », alors que moi je n’avais rien fait, rien dit. Là bas aussi, ils étaient racistes. Alors
j’ai dit à la patronne « toi, je ne t’aime pas, et tu ne m’aimes pas ». Moi, je parle
directement comme ça. (Gülcan)
Avec mes collègues, à Carrefour, à Prisunic, à Leader Price ça allait. Il y avait juste
une personne raciste, et elle ne le montrait pas mais ça se voyait. C’était à cause
d’une personne étrangère avec laquelle ça s’était mal passé, du coup ils mettaient tout
le monde dans le même sac. Un jour le directeur était venu me voir en disant « t’as
pas touché aux paquets de bonbons ? » Parce que quelqu'un avait laissé traîner des
bonbons dans la réserve, il m’a accusé moi. Alors que c’était quelqu'un d’autre.
(Rachida)
•
Aziz explique, lui, avoir subi une forme de harcèlement moral, raciste, de la part d’un
de ses collègues, qui a entraîné sa démission.
Dans un de mes boulots en intérim, je me prenais la tête avec un embauché. Il essayait
de me vexer en me disant « j’ai vu des arabes qui ont fait ci et ça ». Il faisait ça devant
les autres. Et puis il me disait « fais ceci, fais cela ». J’en avais assez de travailler
dans une ambiance comme ça. Alors un jour où je devais partir avec lui à 5heures du
matin, je n’y suis pas allé. J’ai tout arrêté. (Aziz)
•
Ce traitement différencié passe également, selon le témoignage de Souad, par un non
respect, supposé intentionnel, des pratiques religieuses telles que le ramadan.
J’ai fait un stage de 2 semaines à la Halle aux Chaussures, c’était pendant le
Ramadan. Il fallait casser le ramadan à 6 heures. Au début le patron me faisait
travailler justement à 6 heures. Et puis il y a eu un nouveau patron, qui était génial.
(Souad)
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3.3. Quand le faciès suffit à être renvoyé sans raison
Le stade le plus abouti de cette différence de traitement est donné par l’expérience d’Aziz.
Intérimaire, il est renvoyé sans préavis et surtout sans explication plausible. Il n’a même pas
l’occasion de faire ses preuves.
Le pire que j’ai vu, c’est quand j’étais déjà dans une entreprise. On faisait des
installations électriques. Un jour le patron est venu, il m’a vu. Il est allé voir le
responsable de l’agence, il lui a dit « il faut le virer ». Alors le responsable m’a dit « tu
ne reviens pas cet après midi, tu as mis des cendres sur la tête du directeur ». Et puis il
est parti. Même dans l’agence d’intérim ils rigolaient quand je leur ai raconté ! (Aziz)
G – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES
1. A court terme : accepter la fatalité ou se battre ?
1.1. Les jeunes rencontrés n’envisagent pas de dénoncer la situation en justice
•
Comme cela a déjà été évoqué, la notion même de « discrimination » n’est pas
toujours clairement distinguée. Même si des tests informels sont effectués, la situation
reste de l’ordre du non-dit officiellement.
Cela se retrouve d’ailleurs dans le discours des parents, qui refusent d’admettre l’existence de
différence de traitement selon le nom et l’origine.
Ma mère elle le prend mal quand j’évoque le sujet. Elle considère qu’on n’est pas des
Arabes. On est Français. Alors quand je lui dis que c’est à cause de mon nom de
famille arabe que je ne trouve pas, elle le prend mal. (Sylvain)
Dans la famille, on me dit « ne fais pas le con, on n’est pas chez nous ». On est
Français et Algériens à la fois. (Jalil)
•
Il importe alors de ne pas faire de vagues : il y a ce manque de légitimité lié à cette
idée qu’« on n’est pas chez nous », et que les discriminations ou le racisme en général
ne sont pas spécifiques aux personnes issues de l’immigration.
Je ne veux pas porter plainte. Parce qu’il n’y a pas que nous qui sommes touchées. Il
n’y a pas que les Français qui sont racistes ! J’ai une amie algérienne qui connaissait
un gars qui votait pour Le Pen. Il y a aussi des juifs qui votent ça. (Souad)
•
Il importe également de ne pas rentrer dans le jeu du discriminant, en faisant
recours à la violence – même symbolique.
Tomber dans la violence, ce serait facile. Il ne faut pas jouer au jeu de l’autre. Sinon
on tombe dans le cliché de la violence. (Jalil)
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•
De ce fait, les jeunes rencontrés n’envisagent pas de porter plainte : ils n’en
voient d’ailleurs pas l’utilité, l’efficacité.
Les témoignages suivants soulignent un manque de confiance dans l’institution. Même si
dénoncer les discriminations est possible, cela n’est pas vu comme ayant un effet sur les
règles de l’embauche ou de l’entrée en boîte. Le manque d’exemples de plaintes ayant abouti
efficacement entraîne aussi ce manque de confiance.
Il y a des lois qui répriment, certes, mais ils ont beau faire des tests, réprimander
sévèrement, ça ne changera pas les règles, et on aura toujours ces réponses là.
(Mehdi)
Si je suis refoulé en boîte, je ne m’attarde pas, je tourne les talons. Ou bien je dis « La
prochaine fois je préviens SOS Racisme ». (Aziz)
On a peur de porter plainte, parce qu’on n’a pas assez d’exemples. Si un copain me
dit qu’il a porté plainte et qu’il a gagné son procès, donc des sous, ça me donnera
envie de le faire. (Jalil)
Il est intéressant de souligner que ce sont ici les jeunes hommes qui parlent de l’éventualité de
porter plainte ; chez les jeunes filles, qui reconnaissent encore moins l’idée de discrimination,
le recours judiciaire n’est pas évoqué. Certaines regrettent toutefois l’absence de groupes de
discussion sur ce thème – et apprécient d’autant plus de participer à l’entretien.
Il n’y a pas d’association pour faire des débats, réunir des personnes ici. Je n’en ai
pas entendu parler au Centre social. (Houaria)
1.2. Le chômage et le vécu des discriminations entraîne alors une attitude fataliste.
•
L’absence de réponses, de suivi personnalisé, de perspective d’embauche entraîne le
découragement. Rien ne sert plus de continuer les démarches. L’absence de
perspective empêche tout espoir.
Ce qui m’énerve le plus, c’est le fait de ne pas savoir. Je préfère qu’on me dise
franchement pourquoi je ne suis pas prise, sans me le dire méchamment, pour savoir.
Une fois on s’est déplacées dans une entreprise, loin, alors on a demandé si on
pouvait avoir une réponse, même négative. Ils nous ont dit « ne vous inquiétez pas,
vous aurez une réponse ». Et moi j’attends toujours ! Pourquoi on ne nous donne pas
de réponse ? Il ne faut pas se demander pourquoi le chômage augmente ! ça entraîne
une chose, un cercle vicieux, surtout pour les jeunes. (Amélie)
Chaque fois je me dis que si je travaille ça changera toute ma vie, même au niveau
moral. Je me suis dit « je vais bosser » et puis ça fait deux ans et demi que je cherche.
J’en ai pris un coup moralement et physiquement. J’ai peu d’espoir qu’on me donne
quelque chose. Je n’ai même plus envie d’espérer. Je vis au jour le jour. Ça va peutêtre nous pousser à faire des conneries, on va se rebeller. Moi, je ne suis pas violente,
je ne suis pas une délinquante. Mais ce qui me révolte le plus, c’est toutes ces
démarches faites de bon cœur. Je deviens pessimiste, alors qu’avant je voyais la vie en
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rose. Depuis deux ans, ce n’est même plus une vie. J’ai un petit frère, alors ça
m’oblige à garder le rythme, mais ce n’est pas mon fils ! (Nathalie)
J’ai eu un entretien avec l’adjoint au maire. Je lui ai expliqué que je cherchais un
emploi dans l’accueil, et le secrétariat. Il m’a dit qu’il essaierait de trouver. Mais
après je n’ai plus eu de réponse. Alors voilà, après on se démotive, on se décourage.
C’est difficile. On ne nous aide pas. (Houaria)
•
Pour certains, la situation de chômage dure trop longtemps pour être supportable. Elle
donne au jeune l’impression d’être exclu de tout cadre classique de réussite.
J’en ai assez, de rester comme ça sans rien faire. Toute la journée, rester dans la
maison, rester toute seule. Un jour ou l’autre je vais tomber dingue. Je n’ai personne
à qui parler, et puis je n’ai pas beaucoup d’amis à Sedan. Il y a des gens que je n’ai
pas envie de connaître, qui sont dans la drogue, l’alcool. (Linda)
Des fois je me dis dans 10 ans, qu’est-ce que je vais faire ? Il n’y a rien de stable.
C’est sans doute Sedan qui fait ça. Les entreprises ferment. (Nathalie)
Quand j’étais petit je pensais que c’était quelque chose de banal d’avoir un travail, un
costume cravate, une femme, des enfants. Maintenant j’ai l’impression que c’est
utopique. (Mehdi)
Cette attitude défaitiste voire désespérée se retrouve ici chez des jeunes qui cherchent un
emploi depuis au moins un an, et ne disposent pas de diplôme, ce qui ne facilite pas leur
insertion.
•
Le sentiment d’exclusion peut être accentué par un sentiment d’injustice par
rapport aux personnes repérées par les jeunes comme procédant à des trafics,
donc disposant de sommes importantes pour vivre. Cela ne donne pas envie de
travailler, puisque d’autres gagnent plus en trafiquant qu’en travaillant. Cet aspect n’a
toutefois été évoqué que par deux enquêtés.
Et puis on rêve ! si je vois quelqu'un qui ne bosse pas et qui a un Lacoste, alors je
serais choquée. C’est un coup à monter tout le monde les uns contre les autres. Parce
que ça m’est déjà arrivé de voir certains ou certaines qui ont une voiture, moi je me
dis que je n’ai pas envie de travailler parce que de toutes façons je ne gagnerai pas
assez. Mais on a plus d’avantages à travailler. Alors que bon, quand tu fais du
business, tu gagnes. Il y a une injustice quelque part. Mais c’est de l’argent facile, ils
n’ont pas le choix. (Amélie)
1.3. A contrario, la situation peut être vue aussi comme un véritable challenge.
Cette réaction se retrouve chez Latifa, qui travaille et qui est titulaire d’un diplôme Bac+2.
Elle s’appuie sur les enseignements de ses études pour affirmer que les discriminations
existantes doivent amener à se battre deux fois plus. Pour les jeunes issus de l’immigration,
il ne s’agit pas de se placer en victime en invoquant le racisme pour excuser un échec, mais
au contraire d’accepter de se battre, de faire doublement ses preuves. Son discours est
quasiment d’ordre politique.
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Je le vois comme un challenge. J’ai un double mérite de réussir, parce que j’aurais
pu arrêter, en ayant l’impression de me battre contre des moulins à vent. C’est sans
doute la formation universitaire qui donne cette aptitude à se battre, et puis les cours
sur Bourdieu en sciences de l’éducation. Parce que j’ai vu que si on prend tous les
critères : des jeunes, issus de l’immigration, dont les parents sont au RMI – mon père
est menuisier – alors on a tous les handicaps ! Mais dès le départ on peut s’en sortir.
Ce n’est pas une excuse, il faut savoir se prendre en main. Mais c’est pas en
larmoyant qu’on va y arriver ! OK on est dans une période pas évidente, mais il faut
s’accrocher ! L’insertion ne sera pas facile, mais c’est à nous d’y travailler. (Latifa)
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que ce discours est produit par l’une des seules
enquêtées qui n’ait pas grandi à Sedan même.
2. A plus long terme : trouver des voies alternatives pour contourner la situation
2.1 Partir vers d’autres villes ou régions est la principale stratégie citée pour résoudre la
situation
•
Partir, c’est avant tout quitter Sedan et un contexte économique défavorable – surtout
aux filles, du fait de la forte présence des industries.
Aujourd’hui j’essaie de changer d’orientation. Mais il n’y a pas de travail dans cette ville.
Toutes les offres qui existent ici, déjà il y en a peu, et puis c’est dans d’autres villes des
Ardennes. Il y en a dans l’industrie, mais on ne va pas non plus s’engager dans
l’industrie ! Les offres dans le commerce, c’est pas non plus sur Sedan, c’est aussi en
dehors des Ardennes. Alors j’hésite à changer de département ou à faire une autre
formation. Je ne sais pas où je pourrais aller. Reims, oui et non, parce qu’il y a beaucoup
plus d’habitants. (Rachida)
•
Partir, c’est également vouloir changer de cadre mais aussi de contexte et de relations.
Il s’agit d’aller dans un lieu où les stigmatisations liées aux quartiers ne sont plus de
mise.
A Lille, on enlève l’étiquette du quartier. Parce que l’Avenue de La Marne, c’est
connu même jusqu’à Reims. (Jalil)
J’espère me tailler de Sedan. Je ne pourrais pas rester à Sedan. J’en ai marre de voir
toujours les mêmes têtes. Mon oncle loue un appartement à Nantes, c’est bien, je peux
trouver une bonne place là-bas. (Mourad)
Il s’agit, surtout, de s’inscrire dans un cadre local où le racisme et les discriminations sont
perçus comme étant moins prégnant. Sont favorisées les destinations de Paris, Reims, du Sud
de la France.
Moi, je ne vois pas ma vie ici. Si on reste ici, on ne verra rien du tout, il n’y a rien du
tout ici. Il y a plus de racisme dans le Nord que dans le Sud. Il y a 80% de racistes là
haut, dans le Nord Pas de Calais ! Il y a une seule ville où il y a moins de racistes,
c’est à Nantes. Alors voilà, au contraire, je serais contente de partir. Ma sœur est
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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dans le Sud, à Lyon. Alors j’ai cherché là bas. J’ai cherché dans le commerce, j’ai eu
que des réponses négatives, sauf à Saint Priest, hors de Lyon. (Rachida)
A Paris, là où j’ai travaillé, il y avait une secrétaire d’origine juive, un agent technique
qui était noir, un chef de service d’origine italienne, un directeur d’origine normande,
un éducateur d’origine espagnole. Pendant les repas c’était super. Chacun apportait
son petit grain de sel. Mais ici le mélange est moins facile. Alors que pour la fête de
l’Aïd, par exemple, j’ai ramené des petits gâteaux. Ça a suscité des questions, des
discussions. Voilà, c’est le métissage culturel. (Mehdi)
•
Il faut toutefois souligner que cela reste de l’ordre du discours. Certains des jeunes
rencontrés ont déjà trouvé un poste dans une autre ville, mais d’autres obstacles sont
intervenus sur leur mobilité, comme le prix du logement ailleurs, les attaches
familiales à Sedan. Cela apparaît particulièrement vrai pour les jeunes femmes.
Une fois j’ai trouvé un travail sur Paris, dans une pharmacie, pour ranger des
médicaments et aller faire des commandes. Le problème c’était l’hébergement. A
Paris t’as plus de chances de trouver un travail, mais l’appartement est plus dur à
trouver. Tu payes un 9m2 390 euros ! alors ça fait cher si tu gagnes 1000 euros ! Et
puis tout est cher, le café est cher… Là bas c’est la capitale, ça n’a rien à voir. A Lyon
aussi, il y avait un problème de logement. Il fallait un garant, ils ne prennent pas
n’importe qui. (Rachida)
Moi je serais prête à partir, à changer de monde, de gens. Ici il n’y a rien. Bien sûr,
pour m’aventurer plus loin, ça me fait un peu peur, surtout de débarquer toute seule.
Etant une fille je ne m’aventurerais pas toute seule. (Amélie)
2.2 Monter son entreprise est un projet peu évoqué par les jeunes rencontrés
Deux jeunes ont fait part de ce projet de créer leur propre activité. Chacun déclare s’appuyer
sur un talent artistique ou technique à développer – couture et graphe. Les deux établissent ce
projet sur du long terme, souhaitant tout d’abord développer leurs réseaux, leur expérience et
leur information sur un tel montage.
Dans 5 ans, je me vois dans mon propre atelier. Prochainement je voudrais faire une
formation en stylisme – modélisme, pour avoir un grand diplôme et après devenir
riche ! Pour l’instant je ne sais pas comment je vais faire pour monter mon atelier. Je
voudrais acheter une machine pour faire les finitions, mais je préfère encore acheter
une surjeteuse. Alors il faut que je travaille un peu chez une couturière, pour avoir des
fonds. Et puis je préfère avoir de l’expérience, parce qu’en France et en Algérie ce
n’est pas pareil. J’ai aussi fait une affiche avec tous les vêtements que je fais, quand
j’étais à la MJC, avec le prix et tout. Pour l’instant ça ne me donne pas de travail
mais bon. Ma tante m’a déjà commandé une robe kabyle pour elle. Je peux avoir
beaucoup de clients, grâce au bouch- à-oreille. (Karima)
Moi, j’ai un projet. Je voudrais me lancer, je sens que j’ai un potentiel. Et puis dans
l’urgence, je pourrai me retrouver dans les chantiers. Je voudrais créer des T shirts
personnalisés, que je revendrais. Alors je voudrais m’armer de tout ce qu’il faut pour
la création d’une entreprise. (Jalil)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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Troisième partie : Les constats et propositions émanant des groupes
de travail
Deux groupes de travail ont été réunis à l’occasion de deux réunions chacun. Les thèmes de
travail ont été retenus collégialement, lors d’une réunion du comité de pilotage de l’étude :
1. Informer et communiquer sur les discriminations
2. Accompagner les employeurs et les intermédiaires de l’emploi dans la lutte contre les
discriminations
Malgré un nombre parfois restreint de participants, ces groupes ont permis
-
de préciser les constats dégagés de l’étude,
d’échanger sur les expériences menées par les différentes structures,
de proposer des pistes d’action.
A – INFORMER ET COMMUNIQUER SUR LES DISCRIMINATIONS
1. Constat : un aveuglement généralisé face aux discriminations existantes
Au niveau des employeurs
- Les exigences discriminantes des employeurs restent dans le non dit.
o Pour justifier un refus, ils trouvent toujours des stratégies de contournement.
o Ils peuvent ainsi prétexter la nécessité de se plier aux exigences de leurs
clients, ce qui créé une discrimination systémique, soit une discrimination
entretenue par le système.
-
Les employeurs veulent des jeunes déjà qualifiés, compétents, avec des valeurs de
travail. Ils ont peur que ces jeunes « grillent » l’entreprise. Si un essai n’est pas
concluant, alors ils peuvent généraliser.
Pourtant au LEP lorsqu’une entreprise est sollicitée pour prendre un jeune,
l’expérience est positive et fait évoluer certaines idées toutes faites.
-
Il peut y avoir un discours ambivalent des entreprises : ainsi, PSA a signé au niveau
national une Charte de la diversité. Mais lors du renouvellement des intérimaires, ils
n’ont pas retenu les jeunes issus de l’immigration.
Dans ce genre de cas, il faudrait pouvoir interpeller soit l’entreprise, en
soulignant le problème que posent ces pratiques, et en rappelant la loi,
soit les services publics.
C’est sans doute ici la confusion entre racisme et discrimination qui
amène à ce déni, alors qu’il s’agit de deux choses différentes (le
racisme étant plus généralisant que la discrimination).
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
83
Au niveau des institutions
- De même, il y a un désir de ne pas voir, de la part des institutions : à l’AEFTI, on
observe que dans une réunion de la COPEC (Commission pour la Promotion de
l’Egalité des Chances et de la Citoyenneté) il est refusé que les chefs d’établissement
fassent une étude sur la difficulté de leurs jeunes élèves issus de l’immigration à
trouver des stages en entreprise. « Tout va bien », dit-on.
- Le même discours est observé chez les bailleurs HLM, qui opèrent pourtant une
concentration des locataires issus de l’immigration aux mêmes adresses.
- Les dépôts de plainte peinent également à trouver des relais dans le champ
institutionnel : même au niveau de la justice, peu de dossiers sont pris en compte.
Au niveau des organismes de formation
Dans les organismes de formation les demandes de formation en commerce, accueil
peuvent être réorientées, lorsqu’elles viennent de personnes issues de l’immigration.
Les organismes ont en effet des contraintes de placement de leurs bénéficiaires en fin
de cursus : ils maximisent ainsi leurs chances d’avoir des résultats.
Au niveau des jeunes et des parents
Un fatalisme s’est instauré, du fait d’une banalisation : jeunes, animateurs, parents,
enseignants, considèrent que cette situation est normale. Ainsi, les jeunes et les
familles du collège Fresnois s’orientent assez systématiquement vers le LEP JB
Clément : c’est normal, ancré dans les mentalités. Les parents font confiance, ils ne
s’intéressent pas toujours à la scolarité des jeunes, et gardent l’idée que tout est
prédéterminé.
A l’AEFTI on observe également ce manque de connaissance du bassin d’emploi.
Au LEP il est observé que certains jeunes se complaisent aussi dans ce fatalisme.
2. Une nécessité : aller contre ce fatalisme
Il apparaît fondamental de faire prendre conscience du phénomène aux acteurs locaux
de l’emploi, entreprises et intermédiaires privés et publics.
Il importe également de montrer aux jeunes des possibilités de « s’en sortir »
- Pour accéder à leurs droits
- Pour accéder à l’emploi.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
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3. Propositions d’actions formulées par les acteurs
Repérer les cas de discriminations.
-
L’objectif est de concrétiser et officialiser le constat.
o Les exemples de fiches de signalement dans les sites pilote du programme
ESPERE sont une base d’inspiration.
-
Cet outil doit tenir compte des difficultés à caractériser une discrimination et à
constituer des preuves :
o exemple : au téléphone, un employeur qui se rétracte après avoir entendu le
nom des jeunes voulant se présenter (exemple concret vécu par des jeunes
voulant participer aux vendanges)
o à l’oral, certains employeurs peuvent néanmoins affirmer qu’ils ne veulent
« pas d’arabes ».
o l’AEFTI avait mené un tel repérage à l’aide d’un logiciel, Girafe, permettant
de repérer les entreprises, les personnes qui y ont fait un stage (compétences,
rapport de stage), et la traduction de ces stages en emploi à plus ou moins long
terme.
-
Quelle serait la suite donnée à ces constats ? Il faut tenir compte de la difficulté à
poursuivre une action en justice
o peu de magistrats vont permettre des poursuites pénales
o les cas qui aboutissent sont ceux soutenus par des associations (par des
conseils voire des financements).
=> L’idée serait de privilégier des médiations entre demandeurs et employeurs.
o Il s’agit d’être positifs dans la démarche, et de ne pas en rester au « tout
dénonciation » !
o Une association de médiation pénale peut être la solution.
-
Quel serait le référent, le coordonnateur d’un tel outil ? Les associations sont dans une
situation délicate, dépendantes de fonds publics et parfois reconnues comme peu
légitimes pour interpeller les entreprises.
=> Une telle action nécessite un soutien politique et institutionnel fort et cohérent.
La lutte contre les discriminations nécessite l’affichage d’une volonté politique et
institutionnelle, pour lui donner une crédibilité :
o Un soutien par la COPEC
o Une action inscrite dans les orientations et les actions de la politique de la
ville.
o A partir de cette volonté politique, les acteurs de proximité avec les jeunes et
les intermédiaires de l’emploi sont mobilisables pour effectuer ces
signalements.
Mettre au clair acteurs et jeunes sur « les discriminations »
L’objectif de cette action est d’éviter un abus du terme « discriminations ». Il s’agit
d’expliciter la définition de cette notion et de débattre des situations vécues.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
85
-
Il s’agit d’expliciter la notion de discriminations au public.
o A l’AEFTI, un film a ainsi été montré aux bénéficiaires des formations,
présentant des scènes de la vie quotidienne et demandant si elles relevaient de
discriminations.
-
Il s’agit ensuite de libérer la parole, de susciter le débat parmi les jeunes.
o Le public a-t-il rencontré de telles situations ? A partir des réponses, une
distinction entre ce qui relève de la discrimination et les autres cas est à
effectuer.
o Un recueil de témoignages peut alors être opéré.
-
Un éventail de réponses peut alors être proposé au public, (conseils et informations sur
les droits).
Les participants soulignent également la nécessité de communiquer de façon positive. Il
importe de valoriser l’apport de l’immigration dans le pays sedanais.
L’ACPSO participe actuellement à un projet avec le FASILD sur le grand Est, travaillant sur
la mémoire, notamment des personnes d’origine algérienne ou marocaine.
Un accompagnement privilégié des jeunes
Un travail avec les jeunes semble également important à mener.
-
Le constat est fait d’un écart d’attentes entre les jeunes et les entreprises.
o Les jeunes issus de quartiers sensibles sont habitués à un mode de
communication agressif, un rapport de force quotidien ;
o Ils n’ont pas d’idée précise de ce qu’est l’entreprise, de ce qu’est l’intérim, et
de ses exigences : « tout leur est dû » ;
o Une enquête statistique a été menée par Adia à Douai, recueillant les attentes
des jeunes et celle des employeurs : elle a permis de révéler le décalage.
-
Un intermédiaire semble nécessaire :
o Afin d’opérer une médiation entre ces deux mondes, et permettre une écoute
partagée entre les deux.
o Afin de promouvoir auprès de ces jeunes une image positive du service
public de l’emploi.
o Afin de procéder à une réelle information sur l’intérim, où les agences
viendraient expliquer leur rôle.
-
Selon les participants, une telle structure accompagnant ces jeunes, spécialisée sur
l’emploi et les discriminations, n’existe pas sur Sedan.
o une structure temporaire, sur un an, serait nécessaire pour « casser l’image »
des structures existantes (PAIO, ANPE, centres sociaux) et surtout montrer
qu’elle est là pour eux, pour les accompagner.
o le public ciblé serait spécifique : ceux qui ne sont pas touchés par les autres
structures (cf. dans le quartier du Lac).
o Cette structure permettrait de remettre ces jeunes à l’écart dans des rails de
l’insertion : vers l’intérim, les structures existantes, la formation – afin de
combler les manques de personnel formé.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
86
B – ACCOMPAGNER
LES EMPLOYEURS ET LES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI DANS LA
LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
1. Constat : l’accompagnement des employeurs sur ces discriminations s’avère délicat
Tout d’abord, la « discrimination ethnique et raciale » est difficile à spécifier et à
prouver.
- Les demandes qui parviennent des employeurs ne sont pas ouvertement discriminantes
dès lors qu’elles sont écrites : sinon, ils seraient en infraction au regard de la loi.
- Les éventuelles remarques discriminantes sont faites à l’oral, surtout en ce qui
concerne l’origine du candidat recherché.
- Il n’y a pas dans l’entreprise une personne qui soit identifiable comme responsable de
l’embauche : il existe une irresponsabilité collective. On n’a jamais en face de soi la
personne qui formule la demande discriminante, les filtres de la sélection sont
nombreux.
Alors, « tout le monde est complice » : tout le monde sait, sans agir.
- Il existe beaucoup d’autres types de discriminations.
Se pose donc la question : pourquoi travailler sur cette discrimination en
particulier ?
Il n’est pas question de faire de la « discrimination positive ». Dans les chantiers
d’insertion mis en place par la ville, il y a environ 25% de personnes issues de
l’immigration, comme dans le reste de la ville. On ne peut pas admettre qu’il y ait une
discrimination en sens inverse, favorisant l’accès aux dispositifs publics ou à la
fonction publique pour les personnes issues de l’immigration.
2. Une nécessité : un accompagnement de proximité, une argumentation individualisée
C’est actuellement par la persuasion individuelle auprès des employeurs que les
acteurs agissent.
- Face à un employeur formulant des exigences discriminantes c’est l’argumentation
économique qui est employée : pour augmenter sa rentabilité économique, mieux vaut
pour l’employeur choisir vraiment selon les compétences et non selon l’origine du
candidat, afin d’embaucher quelqu'un d’effectivement compétent pour l’entreprise.
- Pour contrer les refus des employeurs, il faut argumenter sur le CV de la personne,
mettre en avant les compétences. Mais cela n’est possible que parce qu’il existe une
bonne connaissance de l’entreprise, de ses critères de recrutement – et de la personne
qu’on recommande.
- Cette relation de dialogue et de persuasion reste difficile face aux agences d’intérim :
elles ont pour objectif de conserver leurs marchés, et ne peuvent se permettre de
refuser des demandes. Par ailleurs les acteurs du Service public de l’emploi sont
dépendants des agences d’intérim, ils sont en demande d’offres d’emploi de leur part.
En effet 90% des postes de l’industrie passent par l’intérim.
Il n’existe donc pas de solution globale, mais une démarche individuelle de
persuasion à mener face aux interlocuteurs.
Cela souligne le fort besoin de formation des intermédiaires de l’emploi
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
87
L’expérience menée par la direction régionale d’ADIA en termes de lutte contre les
discriminations est intéressante.
-
un travail est opéré en interne avec les chargés de recrutement sur le savoir-être, les
attitudes à avoir
o face à des employeurs discriminants (arguments)
o ou des demandeurs agressifs (gestes, comportements).
-
une formation est proposée aux clients (DRH, interlocuteurs) sur deux jours :
o une journée avec une psychologue du travail pour informer sur les aspects
psychologiques et légaux des discriminations,
o une journée de débats et jeux de rôles pour savoir comment réagir.
-
l’envoi à l’employeur de fiches anonymes récapitulant les compétences et
l’expérience de l’intérimaire, en rapport avec le poste proposé.
o Les entreprises clientes depuis longtemps ont parfois des difficultés à accepter
ce fonctionnement.
o Le client fait rarement suivre cette fiche d’un entretien lorsqu’il s’agit de
postes sans haute qualification.
o Les résultats de cette action sont positifs nationalement : une étude de M.
Amadieu a montré que les discriminations étaient moins fortes, un an après le
début de cette action.
o Il n’y a pas de « fuite » observée des entreprises clientes. Adia affiche ses
convictions, les employeurs suivent. C’était finalement un cliché que de penser
que les clients pouvaient se désintéresser d’une telle démarche.
3. Les pistes d’action proposées par les acteurs
Proposition de formation des acteurs du Service Public de l’Emploi
Il existe un groupe local du SPE sur Sedan, regroupant les différents acteurs.
- Il serait intéressant de diffuser l’information dans ce groupe sur l’étude et ses résultats,
dans un premier temps.
- Une offre de formation pourrait y être proposée, afin de fournir à ces structures
intermédiaires de l’emploi des argumentaires dans la lutte contre les discriminations.
Information et soutien aux entreprises, à moyen terme
L’expérience du CBE montre qu’il est difficile de mobiliser les employeurs sur le bassin
sedanais, et de trouver des interlocuteurs dans l’entreprise.
-
Le MEDEF apparaît comme peu investi par les entrepreneurs locaux.
-
Les syndicats mènent peu d’actions collectives, en dehors des entreprises.
o Le problème reste que dans les PME (et TPE) il existe peu d’acteurs
syndicaux.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
88
-
-
Il n’existe pas vraiment de club d’entreprise, ou bien de façon informelle.
o Le CBE essaie d’organiser des rencontres par secteur d’activité, afin d’être à
l’écoute des entreprises. Cela reste toutefois à l’état d’ébauche.
Il est observé beaucoup d’individualisme au niveau des entrepreneurs.
o Le Groupe d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification a peiné à
organiser des emplois en temps partagé entre plusieurs entreprises. La peur de
la concurrence peut expliquer cela.
Toutefois, l’action auprès des grandes entreprises peut être pertinente.
- Les TPE ou PME familiales peuvent être plus difficiles à sensibiliser sur ce thème
des discriminations, du fait de leurs habitudes familiales de recrutement.
- Les grandes entreprises ont en leur sein des interlocuteurs venant d’autres régions ou
bassins d’emploi, et qui « tournent ».
o Si une structure extérieure est présente pour les accompagner dans le
changement d’habitudes de recrutement, alors ils seront partants.
o C’est ce qui a été observé dans les actions aidant à l’embauche de travailleurs
handicapés.
Proposer une charte avec les entreprises
-
Il s’agit d’engager une « démarche qualité » autre que seulement économique
o les entreprises ont tout à y gagner.
-
La clause insérée dans le code des marchés publics de la ville de Charleville
Mézières est à ce titre exemplaire. Elle ne vise pas à instaurer des quotas mais à
inclure d’autres indicateurs de la compétitivité et de la performance.
C – DES PROPOSITIONS A METTRE EN LIEN AVEC LES ORIENTATIONS DU CONTRAT DE VILLE
Les différentes propositions émises dans le cadre des groupes de travail thématiques sont de
facto à mettre en lien avec les orientations du Contrat de Ville de Sedan.
1. La lutte contre les discriminations est un enjeu transversal du Contrat de Ville
Le contrat de ville de Sedan (2000-2006), dont le FASILD est signataire, comporte 5
grands objectifs stratégiques :
-
insertion par l’économique et accès à l’emploi ;
-
sécurité, prévention, justice et citoyenneté ;
-
action éducative, culture, jeunesse,
-
action sociale, santé, famille ;
-
gestion urbain de proximité, habitat, projets urbains.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
89
Trois approches transversales apparaissent également :
- l’implication des habitants dans les actions et projets, avec une attention particulière
portée aux populations immigrées « pour trouver les voies de leur participation
active ».
- « l’intégration des populations immigrées » ;
- l’évaluation.
Parmi les cinq grands objectifs stratégiques, trois sont particulièrement en lien avec la
question des discriminations.
Insertion par l’économique et accès à l’emploi
Objectif : mieux repérer et accompagner les publics les plus à l’écart du dispositif.
Moyens : développement de structures support d’insertion (entreprise d’insertion) et d’un
lieu ressource mettant en lien les besoins des habitants et les réponses présentes.
Lien avec la lutte contre les discriminations :
En complémentarité avec le PLIE, et en lien avec le tissu économique, le contrat de ville
stipule qu’« une attention particulière sera accordée au fait de conduire une sensibilisation
sur les questions de discrimination dans l’accès aux stages et au travail ».
Cela se traduit notamment,
- lors du repérage des publics « les plus éloignés du travail », par une attention
particulière portée aux publics issus de l’immigration ;
- dans les actions de socialisation et d’insertion, par l’inscription de la formation
linguistique dans les parcours d’insertion.
Sécurité, prévention, justice et citoyenneté
Objectif : mener des actions mieux ciblées sur les situations d’insécurité.
Moyens : création de la « Maison de la Justice et du Droit », visant notamment à favoriser
l’aide aux victimes et à « développer le traitement pénal sous forme de mesures
alternatives aux poursuites » (ex. rappel à la loi).
Lien avec la lutte contre les discriminations (envers les jeunes) :
Un des axes est de « diversifier les réponses aux questions des jeunes », en les rendant
acteurs sans le placer en situation d’assistanat.
Il s’agit notamment de « s’efforcer de mettre l’accent autant sur les droits que sur les
devoirs liés à la vie citoyenne ».
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
90
Action éducative, culture, jeunesse
Objectif : promouvoir la mixité sociale et l’unité du territoire.
Moyens : facilitation de l’accès aux équipements socioculturels et sportifs, développement
de l’offre dans ces secteurs
Lien avec la lutte contre les discriminations (spatiales, liées au quartier) :
Sont privilégiés les actions ou dispositifs permettant des échanges, des rencontres et des
coopérations entre jeunes de quartiers différents, afin d’éviter l’exclusion, les préjugés et
la fragmentation de la ville.
Les actions financées par le FASILD dans le cadre du Contrat de Ville
Dans ce cadre, le FASILD a programmé en 2004 les financements suivants :
•
Pour l’insertion sociale et professionnelle : des actions d’alphabétisation et
socialisation (CS Torcy-cités)
•
Pour la politique jeunesse : les ateliers Hip Hop de la MJC
•
Pour la lutte contre les discriminations, l’action « jouons avec nos différences contre
les discriminations » au Centre social Torcy-cités.
•
Pour le soutien associatif : l’action des Femmes relais 08.
2. Un plan local de lutte contre les discriminations
Malgré cette transversalité, il reste difficile de percevoir une stratégie sur le territoire.
Pourtant les actions proposées par les acteurs soulignent la nécessité d’afficher une
volonté politique forte au niveau local sur cette question.
Un projet global de lutte contre les discriminations à Sedan pourrait donc être formulé
visiblement par la ville (s’inspirant du guide pratique « Lutter contre les discriminations
raciales sur le marché du travail », vol.2, sept. 2000, DIV, DPM, DGEFP, FAS).
L’objectif général en serait « promouvoir l’égal accès à l’emploi des jeunes de
Sedan », articulé en objectifs stratégiques, suivant les propositions formulées :
Informer chacun des droits et des devoirs dans l’accès à l’emploi
Accompagner les acteurs économiques dans l’accueil de la diversité
culturelle et générationnelle
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
91
Quatrième partie : Le plan d’action proposé aux acteurs locaux
Le plan d’action proposé a été conçu lors d’une réunion intermédiaire avec les représentants
du FASILD Champagne-Ardenne et plusieurs acteurs locaux. Cette réunion s’est tenue le 28
avril 2005 en mairie de Sedan.
Les préconisations émanant des groupes de travail ont été complétées et amendées puis
organisées selon 6 axes, constituant un véritable plan d’action découlant du diagnostic de la
situation locale.
-
Elles s’appuient sur les ressources locales.
Elles s’articulent avec les actions déjà existantes aux niveaux départemental, régional
et national.
Un axe transversal de ce plan d’action est l’insertion des jeunes femmes, et la lutte contre les
discriminations à leur égard.
1. L’affichage d’une volonté politique
La volonté politique passe par l’engagement politique à tous les niveaux :
L’Etat
Les élus
Les associations
Elle peut se décliner en différentes actions :
un travail de communication sur la notion de discrimination
o Une campagne d’affichage sur ce thème a ainsi été réalisée à Lille.
o L’objectif est de montrer que la ville et les acteurs locaux s’engagent sur ce
thème.
Une clause dans les appels d’offre pour les marchés publics dans le cadre de
l’ANRU.
o Cette clause doit s’inspirer de la Charte nationale d’insertion établie dans le
même cadre.
Un avenant au Contrat de Ville faisant apparaître un axe spécifique sur la
« lutte contre les discriminations ».
o Cela permettrait aux associations de proposer des actions avec cet objectif
clairement affiché, ce qui n’est pour l’instant que rarement le cas.
o Un échange avec les élus sur cet avenant doit avoir lieu avant le prochain
comité de pilotage.
L’établissement d’un « Plan Local de Lutte contre les Discriminations »
o Il s’agit d’une mesure du Conseil Interministériel à l’Intégration.
o Ce plan est prévu pour concerner les discriminations ethniques et raciales à
tout âge.
o Il doit faire l’objet d’une demande de labellisation par les élus auprès de la
DIV et du FASILD.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
92
Ces mesures locales doivent s’inscrire dans les dispositifs existant à d’autres
échelons :
o Au niveau départemental : la COPEC, Commission pour la Promotion de
l’Egalité des Chances et de la Citoyenneté (ex-CODAC)
o Au niveau régional : le PRIPI, Plan Régional pour l’Intégration des
Populations Immigrées
o Au niveau Régional : la CRILD, Commission Régionale pour l’Intégration et
la Lutte contre les Discriminations
o Au niveau national, la HALDE, Haute Autorité pour la Lutte contre les
Discriminations et l’Egalité.
2. La mise en place d’un Comité de suivi.
Un comité de suivi doit se mettre en place
Afin de mettre en œuvre ce plan d’action ;
Afin de rassembler toutes ces informations et de constituer une base de données, un
répertoire permettant aux acteurs d’avoir accès à des informations uniformes et
actualisées ;
Afin de devenir, éventuellement, un comité de pilotage du Plan local de lutte contre
les discriminations.
3. Le travail sur les représentations menant aux discriminations
Il importe de communiquer sur des parcours réussis, sur des actions réussies.
Les médias, autant la presse que les médias audiovisuels, doivent être mobilisés.
Des actions existent déjà :
Au niveau national, le FASILD soutient des spots diffusés sur FR3
En Champagne Ardenne, Radio Primitive a ainsi diffusé des émissions retraçant des
parcours de vie de migrants.
Des supports vidéo existent, notamment des longs métrages, existent, qui peuvent
être utilisés lors de projections thématiques.
4. L’accompagnement des entreprises
Ce travail avec les employeurs étant délicat, il peut être envisagé de prendre chaque
entreprise l’une après l’autre, afin de viser la proximité et l’efficacité.
Plusieurs types d’action sont à envisager.
Une Charte locale avec les employeurs
o ADIA et Adecco sont des acteurs très impliqués, à associer
o Une Charte de la diversité a été signée avec plusieurs entreprises au niveau
national, il importe de s’appuyer dessus, notamment dans le cas de PSA.
Des formations proposées aux acteurs, syndicats, intermédiaires de l’emploi,
employeurs
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
93
o Le FASILD propose ainsi des formations à partir de 12 personnes sur un site.
o Il est prévu dans le PRIPI que les acteurs départementaux du service de
l’emploi participent à ces formations.
La structuration des réseaux de parrainage, intégrant une clause sur la lutte
contre les discriminations.
Un travail spécifique avec la Chambre des Métiers,
o dans la lignée de l’accord cadre national signé entre l’Association Permanente
des Chambres des Métiers, la Direction des Populations et Migrations, et le
FASILD.
o A articuler avec le PLIE, dont la Chambre des Métiers est partenaire.
5. Le travail auprès de l’Education Nationale
Un travail est à envisager pour savoir comment intervenir dans l’orientation des jeunes.
Le CASNAV, le CIO, sont des acteurs impliqués dans cette réflexion.
Il existe un accord cadre national avec l’Education Nationale sur l’orientation. Des
actions pertinentes ont déjà été mises en place.
A Sedan, un travail de repérage de ce qui existe au niveau départemental et régional est
à faire, afin de voir ce qui peut être réalisé localement.
Des colloques sont ainsi organisés au niveau régional, faisant intervenir des
chercheurs sur le domaine scolaire. Les derniers colloques avaient pour thème :
o La relation des parents immigrés à l’école
o L’ethnicisation à l’école
6. L’accompagnement des jeunes
Il s’agit d’éviter des postures de mise en échec, et de favoriser les attitudes
positives.
Au delà des débats sur les discriminations, il doit être envisagé des actions de
valorisation des jeunes concernés.
Par exemple par du théâtre-forum, à destination des employeurs.
Avec la présence d’intervenants extérieurs, comme les membres du Conseil
Départemental de la Jeunesse.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
94
ANNEXES
1. Lexique des termes relatifs à l’intégration et aux discriminations,
2. Cadrage statistique
3. Guides d’entretien spécialement élaboré pour le diagnostic,
4. Liste des personnes rencontrées à la faveur des entretiens et des groupes
de travail.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
95
ANNEXE 1 : LEXIQUE
IMMIGRE / FRANÇAIS / ETRANGER
Est de nationalité française toute personne née en France d’un parent né en
France, ou toute personne née d’un parent français.
Est étrangère toute personne qui n’est pas française, qui ne répond donc pas à ces
conditions.
Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration, un immigré est une
personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Certains immigrés ont pu
devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se
confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement,
certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est
permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient
français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui
définit l'origine géographique d'un immigré. (source : INSEE)
Une personne issue de l’immigration (ou d’origine étrangère) est née de parents ou
de grands parents ayant immigré en France. (source : INED)
DISCRIMINATION
La discrimination est une différence arbitraire de traitement pratiquée aux dépens
d’une personne ou d’un groupe de personnes, une violation du principe fondamental d'égalité.
La discrimination raciale consiste donc à traiter de manière défavorable une personne
ou un groupe de personnes en raison de leur origine réelle ou supposée, leur appartenance ou
non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une “race”, leur apparence
physique, ou bien encore leur patronyme. (source : site alterites.org)
La discrimination à l’emploi est une attitude par laquelle un employeur, lors
d’opérations d’embauche, exprime de manière explicite ou implicite, éventuellement par sous
entendus, au moyen de mots de tous les jours ou de codes, à un candidat ou à un tiers
médiateur, une volonté de sélection en fonction d’une appartenance culturelle réelle ou
supposée, ou de caractères phénotypiques (la couleur), éléments éventuellement renforcés
par le lieu d’habitat ; un tiers médiateur peut avoir une attitude similaire lorsqu’il retransmet à
d’autres ces critères et/ou réalise une sélection en fonction de ces critères. (définition donnée
par le FAS, 1999)
La discrimination directe est une sélection opérée volontairement entre des candidats
en raison de leur origine réelle ou supposée. Elle peut être apparente ou dissimulée
(invocation d’autres explications).
La discrimination indirecte se produit lors de l’application d’une règle apparemment
neutre qui entraîne un désavantage particulier pour des personnes d’une origine donnée.
(source : site alterites.org)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
96
RACISME
Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles ou
imaginaires, afin de justifier de privilèges ou d’agression d’une victime par un accusateur.
(Albert Memmi)
Il se distingue de la discrimination par son caractère généralisant.
INTEGRATION
L’intégration consiste à susciter la participation active à la société toute entière
de l’ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol en
acceptant sans arrière pensée que subsistent des spécificités notamment culturelles, mais en
mettant l’accent sur les ressemblances et les convergences dans l’égalité des droits et des
devoirs, afin d’assurer la cohésion de notre tissu social. (source : Haut Conseil à
l’Intégration, 1991).
Il faut distinguer l’intégration (choix et participation de nouveaux membres à la
communauté nationale) de l’assimilation (qui souligne l’unité de cette communauté, par
l’alignement sur les normes du pays) et de l’insertion (conditions d’accueil de l’étranger avec
le maintien de particularismes d’origine) (Jacqueline Costa-Lacoux, De l’immigré au citoyen,
1989).
L’intégration n’est toutefois pas une voie moyenne entre les 2, mais un processus
spécifique permettant de prendre en compte les différences sans les nier ni les exalter afin de
permettre à chacun de vivre dans cette société dont il a accepté les règles et devient un
élément constituant. (source : HCI, 1991).
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
97
ANNEXE 2 : CADRAGE STATISTIQUE
Une problématique difficile à quantifier
La notion de « discrimination » est multiforme et complexe. Appliquée à la population
immigrée et issue de l’immigration, elle apparaît très difficile à cerner statistiquement. En
effet :
-
le statut d’immigré correspond à une définition reprenant des critères croisés, de lieu
de naissance, de résidence et de nationalité. Selon la définition adoptée par le Haut
Conseil à l'Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et
résidant en France. Les personnes nées françaises à l'étranger et vivant en France ne
sont donc pas comptabilisées. À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir français,
les autres restant étrangers.
Les populations étrangères et immigrées ne se confondent pas totalement : un immigré
n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en
France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente : un
individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par
acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit
l'origine géographique d'un immigré.
-
les « personnes issues de l’immigration » (nées d’un parent immigré) n’apparaissent
pas dans les données de l’INSEE.
Les entrées choisies
Pour ces raisons, ce cadrage statistique ne peut rester qu’indicatif et doit être manié avec
précaution.
Après des éléments généraux sur la population, trois entrées ont été privilégiées :
-
la situation de l’emploi et du chômage (données INSEE et ANPE) pour l’ensemble de
la population ;
-
la situation des 15-24 ans par rapport à l’emploi ;
-
la situation des étrangers (critère de nationalité) par rapport à l’emploi.
Ces trois entrées s’appliquent sur la région, le département et la commune de Sedan. Certaines
données sont également disponibles pour les ZUS de Torcy et du Lac.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
98
Commentaire des données
Une commune ouvrière
La proportion d’ouvriers dans la population active est nettement plus forte à Sedan (deux
fois plus importante qu’au niveau régional : 38,5 contre 18,3% des actifs), et ce au
détriment des employés et des professions intermédiaires.
Les secteurs dans lesquels ces ouvriers sont actifs sont l’industrie et plus nettement encore le
tertiaire.
Par ailleurs, la population est moins diplômée que la moyenne régionale (25,0% sans
diplôme contre 20,3% au niveau régional ; 17,2% de niveau égal ou supérieur au bac, contre
20,5%).
Une population active particulièrement touchée par le chômage
Le taux de chômage dans la commune est deux fois plus élevé que dans la région (26,1
contre 13,4% en 1999) ; cela est encore plus flagrant dans les ZUS, de Torcy - Cité
notamment (52% de chômage) ; dans la ZUS du Lac, le chômage de longue durée est
sensiblement plus répandu (61% des demandeurs d’emploi contre 55% au niveau régional).
Par ailleurs, la part du travail précaire ou instable (intérim, emplois aidés) est plus
importante à Sedan, notamment dans les ZUS, que dans le reste du département.
Les catégories de population les plus exposées au chômage
Le sexe, l’âge, la formation apparaissent comme des facteurs aggravants du chômage.
Les femmes connaissent un taux de chômage de 8 points plus élevé à Sedan que celui des
hommes, et 2 fois supérieur à la moyenne régionale (30,5% contre 13,4%). Dans la ZUS de
Torcy, ce taux est trois fois supérieur à l’indice régional (58%).
Les 15-24 ans sont près de deux fois plus nombreux à être touchés à Sedan que dans la
région (45% contre 28,7%), et ce taux atteint 61% dans la ZUS du Lac.
Il apparaît également que les ouvriers (OQ, OS) sont surreprésentés parmi les
demandeurs d’emploi (49% des demandeurs en 2002, alors qu’ils représentaient 38% de la
population en 1999). Cette surreprésentation est encore plus flagrante pour les employés (45%
des demandeurs, 6,9% de la population).
Il en va de même pour les personnes détenant un CAP ou un BEP (47% des demandeurs
d’emploi en 2002, 23,7% de la population en 1999).
Emploi et chômage des populations étrangères
Concernant la population étrangère hors UE, elle est principalement d’origine algérienne
à Sedan (38% des étrangers).
Les chiffres montrent que cette population est presque deux fois plus touchée que la moyenne
par le chômage : le taux de chômage des étrangers à Sedan est de 45% contre 26% pour
l’ensemble des Sedanais.
Ces chiffres restent toutefois indicatifs : ils concernent les étrangers, et ne valent pas pour les
populations immigrées.
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
99
DONNEES GENERALES (INSEE 1999)
Territoire concerné
Population
Répartition par nationalité
Français par acquisition
Etrangers
Dont :
Espagnols
Italiens
Portugais
Autres UE
Algériens
Marocains
Tunisiens
Turcs
Autres étrangers
Immigrés
Part des 15-24 ans
Parmi les 15-24 ans :
Français par acquisition
Etrangers
Immigrés
Niveau de diplôme
Etudes en cours
Aucun diplôme
CEP
BEPC
CAP BEP
Bac brevet professionnel
Bac+2
Diplômes supérieurs
Total
Champagne Ardennes
1342202
39599
50642
Ardennes
290124
4,4%
6,5%
18,8%
7,2%
17,7%
19,1%
1,8%
8,8%
14,8%
20547
412
1356
1088
1953
3375
2194
99
1257
572
3,3%
11,0%
8,8%
15,8%
27,4%
17,8%
0,8%
10,2%
4,6%
2,75% 54
5,18% 226
12
169
84
76
405
136
4
140
38
1198
181966
5466
4656
13,5% 37229
3,0%
2,5%
2,2%
2,7%
11,2%
20,3%
18,2%
6,7%
22,9%
9,4%
6,2%
4,9%
100%
23810
51896
44508
17704
53281
21394
13192
8649
234434
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
5,8%
10,1%
22,1%
18,9%
7,5%
22,7%
9,1%
5,6%
3,7%
100%
13,9%
59
86
58
123648
223021
199859
73731
252163
103556
68014
53561
1097553
1,1%
15,9%
7,9%
7,1%
38,0%
12,8%
0,3%
13,1%
3,6%
12,8% 2853
810
1019
1652
4267
2655
1137
3891
1420
800
614
16436
ZUS Torcy - Cité
1683
3,0% 567
4,2% 1064
2,9% 8843
3,8% 12306
2265
3288
9521
3979
8975
9696
923
4462
7533
Commune de Sedan
2,0%
3,0%
2,0%
10,0%
25,9%
16,1%
6,9%
23,7%
8,6%
4,9%
3,7%
100%
100
ZUS du Lac
4554
3,2% 136
13,4% 304
2,9%
6,7%
DONNEES SUR L’EMPLOI (INSEE 1999)
Territoire concerné
Population active
Champagne Ardennes
Commune de Sedan
ZUS Torcy - Cité
ZUS du Lac
Ardennes
602 963
124 431
8918
567
1953
54,9%
53,1%
55%
47,3%
56,2%
Taux d’activité
62,9%
47,4%
Taux d’activité masculine
Taux d’activité féminine
Conditions d’emploi
Apprenti sous contrat
Emplois aidés
Stagiaires rémunérés
CDD
Intérim
CDI
CSP des actifs
Agriculteurs
Artisans, commerçants
Cadres, prof. intellect.
Prof. intermédiaires
Employés
Ouvriers
Retraités
Autres inactifs
Total
Secteurs d’activité
économique
Agriculture
Industrie
Construction
Tertiaire
Total
62,6%
44,0%
63,6%
45,8%
6621
12887
4180
37881
10656
291438
1,8%
3,5%
1,1%
10,4%
2,9%
80,1%
1235
3438
757
6570
3285
53731
1,8%
4,9%
1,1%
9,5%
4,7%
77,8%
62,0
407
99
574
313
4596
1,0%
6,7%
1,6%
9,5%
5,2%
76,0%
25059
31837
37352
114781
170408
200427
240943
265912
1096719
2,2%
2,9%
3,4%
10,4%
15,5%
18,3%
21,9%
24,2%
100%
2953
4538
5143
12541
7073
37496
26395
18032
114171
2,6%
3,9%
4,5%
10,9%
6,2%
32,8%
23,1%
15,8%
100%
20
257
308
728
504
2986
1564
1392
7759
0,2%
3,3%
3,9%
9,3%
6,5%
38,5%
20,1%
17,9%
100%
38302
117600
28799
334699
519400
7,3%
22,6%
5,5%
64,4%
100%
5363
27208
5880
64545
102996
5,2%
26,4%
5,7%
62,6%
100%
47
1890
275
4359
6571
0,7%
28,8%
4,2%
69,0%
100%
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
59,3%
34,0%
3
35
14
28
11
164
101
1,2%
13,7%
5,5%
11,0%
4,3%
64,3%
67,3%
46,9
11
141
21
149
88
797
0,9%
11,7%
1,7%
12,3%
7,3%
66,0%
DONNEES SUR LE CHOMAGE (INSEE 1999)
Territoire concerné
Taux de chômage
Taux chômage des hommes
Taux de chômage des femmes
Part des chômeurs de
longue durée
Champagne Ardennes
13,4%
10,9%
Ardennes
16,6%
55,1%
Commune de Sedan
ZUS Torcy - Cité
ZUS du Lac
16,8%
13,1%
26,1%
22,6%
52,0%
48,9%
36,5%
29,8%
21,9%
52,8%
30,5%
57,9%
58,0%
56,6%
44,3%
61,8%
DONNEES SUR LES DEMANDEURS D’EMPLOI EN FIN DE MOIS (DEFM, ANPE 2002)
Territoire concerné
Champagne Ardennes
Ardennes
Commune de Sedan
ZUS Torcy - Cité
ZUS du Lac
Total des DEFM cat.1
Part des DEFM de moins de
25 ans
1535
394
147
25,7% 48
477
32,7% 127
26,7%
Nationalité des DEFM
Français
étrangers
1426
109
92,9% 130
7,1% 17
88,4% 423
11,6% 55
88,6%
11,4%
745
684
91
49,0% 98
45,0% 45
6,0% s
66,6% 249
30,6% 214
s 18
52,2%
44,8%
3,8%
357
136
716
206
104
23,5%
9,0%
47,1%
13,6%
6,8%
33,3%
10,9%
46,9%
6,8%
s
27,4%
10,2%
45,3%
11,8%
5,3%
Qualification des DEFM
Manœuvres, OS, OQ
Employés
Techniciens, cadres
Niveau de formation des
DEFM
VI (avt collège)
V bis (CEP, SES)
V
IV
I, II, III
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
49
16
69
10
s
102
130
48
214
56
25
DONNEES SUR L’EMPLOI DES 15-24 ANS (INSEE 1999)
Territoire concerné
Champagne Ardennes
56759
Ardennes
Commune de Sedan
12311
1065
ZUS Torcy - Cité
103
ZUS du Lac
302
Actifs 15-24 ans
28,7%
Taux de chômage des 15-24
ans
CSP des 15-24 ans
Agriculteurs
Artisans, comm.
Cadres, prof intellect.
Prof intermédiaires
Employés
Ouvriers
Retraités
Autres inactifs
Total
371
793
664
6207
18480
22410
0
132992
181917
0,2%
4,3%
0,3%
3,4%
10,1%
12,3%
0
73,1%
100%
35,9%
48
103
37
512
854
4387
0
13680
19621
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
0,2%
0,5%
0,1%
2,6%
4,3%
22,3%
0
69,7%
100%
45,0%
4
16
0
42
55
343
0
994
1454
0,2%
1,1%
0
2,9%
3,8%
23,5%
0
68,3%
100%
103
52,6%
62,1%
ANNEXE 2 : LES GUIDES D’ENTRETIENS
NB : Les guides présentés sont les guides « initiaux », ils ont été adaptés au fur-et-à-mesure
des entretiens menés.
Le guide d’entretien des intermédiaires de l’emploi
1. PRESENTATION
GENERALE
Pourriez-vous vous présenter brièvement ?
- Votre entreprise, votre poste, vos partenaires internes
2. ITINERAIRE DE
Pourriez-vous me décrire les grandes lignes de votre action avec les
L’ACTION JEUNES
jeunes ?
Objectifs
- Quelles sont les priorités de votre action ? comment sont-elles
définies ?
- Quelles prestations s’adressent surtout aux jeunes ?
Public cible
- Avec quelles jeunes travaillez-vous ? (age, sexe, origine, quartier)
- Comment décririez-vous leurs caractéristiques ? (phénotypiques,
linguistiques, sociales, niveau de formation, expérience
professionnelle, situation familiale et de logement)
- Avec lesquelles ne travaillez-vous pas ? par choix, par contrainte ?
- Quelles difficultés rencontrent-ils principalement dans leur
recherche d’emploi ? Quelles sont leurs difficultés annexes qui
influent sur cette recherche (famille, logement, finances…) ?
- Quelles sont leurs principales attentes ?
- Comment arrivent-ils à vous ? qui les a orientés vers vous ?
Accompagnement
Jeunes issus de
l’immigration
- A quelle fréquence ont lieu vos rencontres ? pouvez-vous avoir un
suivi des jeunes rencontrés ?
- Quelles informations vous aident le plus à orienter le jeune ?
- Quels types d’informations pouvez-vous leur donner : offres,
formations, contacts, conseils sur le CV / pour des entretiens…
- A votre connaissance, les jeunes issus de l’immigration rencontrentils des difficultés particulières ? lesquelles ? pourquoi ?
- Quelles spécificités présentent-ils selon vous ? (formation,
relationnel, attitudes, motivation, langage)
- Ciblent-ils des secteurs / des types de contrats en particulier ?
- Leur donnez-vous des conseils particuliers ?
- Vers quel type d’offres / de secteurs les orientez-vous ?
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
104
3. MISE EN
RELATION JEUNES/
EMPLOYEURS
Comment faites-vous le lien entre les jeunes et les employeurs ?
Relation aux
employeurs
- Quels contacts avez-vous, par ailleurs, avec quels employeurs ?
- Quels types d’offre pour les jeunes vous adressent-ils (CDD, stages,
intérim, contrats de qualification)
- De quelles exigences spécifiques vous font-ils part ? Etes-vous en
mesure d’y répondre ?
- Quels sont les critères les plus importants qu’ils font ressortir ?
(sexe, âge, diplôme, mobilité…)
- Qu’attendent-ils d’un jeune embauché ?
en termes d’attitude, de relations aux collègues, de contacts avec les
clients, de travail pratiqué, de compétences, de désir d’évolution.
Sélection des
candidatures
transmises
- Quand vous mettez en lien une offre et une demande, à quoi faitesvous le plus attention ? (formation, compétences, exigences)
- Quels types de candidatures recevez-vous ? (profils : diplôme, sexe,
âge, lieu de domicile, origine)
- Que regardez-vous en premier dans une candidature, un CV ?
- Quels moyens avez-vous pour évaluer la candidature d’un jeune ?
(stages, 1ères expériences, diplôme, autres)
Evaluation
- Avez-vous déjà eu des retours négatifs des employeurs sur les
jeunes que vous leur aviez adressés ?
- Cela a-t-il influé sur votre façon d’opérer les recrutements suivants
avec ce même employeur ? Comment ?
- Quelles difficultés rencontrez-vous dans ces mises en relation?
- Quels sont les manques que vous identifiez (documents, contacts)
4. EVOLUTION
Depuis votre arrivée dans cette fonction, quelles évolutions
avez-vous constaté au niveau des jeunes accompagnés ?
- Quelles évolutions avez-vous constaté pour les candidats issus de
l’immigration ? (formation, postes demandés, mobilité, situation
familiale et de logement…)
- Les postes demandés correspondent-ils aux niveaux de formation ?
- En quoi leur situation demeure-t-elle spécifique par rapport aux
autres candidats ?
- Quelles évolutions avez-vous constaté du côté des employeurs
et de leurs exigences ?
- Quelles seraient d’après vous les pistes d’évolution pour la
formation/ le recrutement des personnes issues de
l’immigration ?
- Avez-vous été témoin ou à l’initiative d’actions qui vous ont
paru intéressantes ?
Souhaitez-vous ajouter un commentaire particulier, ou aborder un
nouvel aspect du sujet ?
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
105
Le guide d’entretien des employeurs
1.
PRESENTATION
GENERALE
2. PRATIQUES DE
RECRUTEMENT
Offre
Pourriez-vous vous présenter brièvement ?
- Votre entreprise, votre poste, vos partenaires internes
- Votre parcours, votre formation
Pourriez-vous me décrire la façon dont se passe un recrutement ?
- Racontez moi le dernier recrutement réalisé
- Qui participe à la rédaction de l’offre ?
- Quels sont les critères les plus importants que vous faites ressortir ?
(sexe, âge, diplôme, mobilité…)
Diffusion
- A qui faites vous suivre cette offre ?
- Avez-vous des relais privilégiés ? Lesquels ? quelles consignes leur
donnez-vous sur les candidatures à vous transmettre ?
Candidats
- Quels types de candidatures recevez-vous ? (profils : diplôme, sexe,
âge, lieu de domicile, origine) par quel intermédiaire ?
- Que regardez-vous en premier dans une candidature, un CV ?
- Quels moyens avez-vous pour évaluer la candidature d’un jeune ?
(stages, 1ères expériences, diplôme, autres)
- Comment se passe l’entretien ? avec qui ?
- Qu’est-ce qui fait la différence dans un entretien ? (aisance orale,
compétence, …)
Attentes
3. RELATION
AUX JEUNES
ISSUS DE
L’IMMIGRATION
Relation réelle
- Qu’attendez-vous d’un jeune embauché ?
en termes d’attitude, de relations aux collègues, de contacts avec les
clients, de travail pratiqué, de compétences, de désir d’évolution.
Aujourd’hui, qui sont vos salariés ?
- Quels sont leurs profils ?
A propos des jeunes, plus précisément :
- A quels types de contrats avez-vous le plus souvent recours : CDD,
CDI, Intérim, contrats de qualification, stages…
- Y a-t-il (eu) parmi vos salariés des jeunes issus de l’immigration ? Si
non, sauriez-vous dire pour quelles raisons (croisement avec d’autres
facteurs : formation, mobilité, etc.…)
- Les avez-vous gardés ? en moyenne combien de temps ? pour quelles
raisons sont-ils partis ou vous en êtes-vous séparés ?
- Constatez-vous une différence entre les jeunes immigrés et les
autres jeunes? (attitude, relationnel, aisance, formation, évolution)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
106
3. RELATION
AUX JEUNES
ISSUS DE
L’IMMIGRATION
(Suite)
Y a-t-il, à votre connaissance, des difficultés particulières pour
l’embauche des jeunes issus de l’immigration ?
- Lesquelles, pour quelles raisons ?
- Quelles sont les formations où ces jeunes sont surreprésentés ?
- Comment peuvent-ils s’informer sur les formations / les offres
d’emploi : structures, brochures ?
- Est-ce particulier à votre secteur d’activité, à votre entreprise ?
Représentations
Qu’est-ce qui différencie selon vous les jeunes issus de l’immigration des
autres ?
la formation de base et/ou professionnelle la motivation, le comportement,
le « faciès », le langage (style de langage, non maîtrisé…)
Quelles évolutions avez-vous constaté dans les candidatures
reçues ? dans le public issu de l’immigration ?
1- Quelles seraient d’après vous les pistes d’amélioration ?
4. EVOLUTION
2- Avez-vous été témoin ou à l’initiative d’actions qui vous ont
paru intéressantes ?
-
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
107
Le guide d’entretien des professionnels du logement
1.
PRESENTATION
GENERALE
Pourriez-vous vous présenter brièvement ?
- Votre organisme, votre poste, vos partenaires internes
2. PRATIQUES DE
SELECTION
Pourriez-vous me décrire la façon dont se passe une demande de
premier logement par des jeunes ?
Nature des
demandes
- Avez-vous des demandes de jeunes (moins de 25 ans) pour des
logements indépendants ? (chiffres ?)
- Y a-t-il (eu) parmi vos locataires / bénéficiaires des jeunes issus de
l’immigration ?
- Quelle est leur situation familiale (célibataires, couples, enfants),
professionnelle (étudiants, en recherche, salariés) ?
- Quel est le facteur déclencheur de leurs demandes (1er emploi,
naissance…) ?
- De quel type sont leurs demandes (montants des loyers, quartiers,
taille) ?
- Comment décririez vous les principales difficultés de ces jeunes dans
l’accès à un logement ?
Traitement des
demandes
- Comment ces demandes vous parviennent-elles ?
- Face à ces candidatures reçues, comment les orientez-vous (quartiers,
résidences…) ? en fonction de quels critères ?
- Avec quels partenaires travaillez-vous pour les orienter ?
- Quels
renseignements
prenez-vous
avant
de
les
orienter (renseignements auprès des autres bailleurs sur la famille) ?
- Dans quels délais les demandes des jeunes trouvent-elles une
réponse ?
Après
l’installation
- Avez-vous des difficultés de communication avec ces jeunes ?
lesquelles ?
- Avez-vous eu de mauvaises expériences avec ces jeunes ? (voisinage,
impayés)
- Recevez-vous des doléances d’autres locataires ? Lesquelles ?
comment y répondez-vous ?
- Les avez-vous gardés ? en moyenne combien de temps ? pour quelles
raisons sont-ils partis ou vous en êtes-vous séparés ?
- Constatez-vous une différence entre les jeunes immigrés et les
autres jeunes? (attitude, langage, relations de voisinage, évolution
dans les cycles de vie)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
108
3. EVALUATION
GENERALE
Difficultés
particulières
Evolutions
Manques et
pistes
Y a-t-il, à votre connaissance, des difficultés particulières pour
l’accès au logement des jeunes issus de l’immigration ?
- Lesquelles, pour quelles raisons ?
- Quels sont les quartiers / résidences où ces jeunes sont
surreprésentés ?
- Comment peuvent-ils s’informer sur les attributions de logement :
structures, brochures ?
Quelles évolutions avez-vous constaté dans les demandes des
jeunes issus de l’immigration ?
Quels sont les manques en termes de structures / de logements /
d’aide pour ces jeunes ?
- Quelles seraient d’après vous les pistes d’amélioration pour répondre
à leurs attentes ?
- Avez-vous été témoin ou à l’initiative d’actions qui vous ont paru
intéressantes ?
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
109
Annexe n°4 : Liste des personnes rencontrées
NOM
Fonction
VILLE
INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI ET REPRESENTANTS DES INSTITUTIONS
M. Pichon
Sous Préfet
Etat
Mme Turckiewicz
Mission Générale d’Insertion
Education Nationale
M. Petitjean
Elu chargé de l’insertion
professionnelle
Municipalité de Sedan
M. Rigo
Adjoint au maire sécurité
Ville de Sedan
Mme Satabin
CdM Contrat de Ville
Ville de Sedan
M. Talbi
Services prévention médiation Ville de Sedan
M. Michel
Directeur
ANPE
Mme Vauchel
Coordinatrice Emploi
Formation
DDTEFP
Mme Deville et son équipe
Directrice
PAIO
M. Chavonnet
Directeur
GRETA
M. Discri
Proviseur
LEP JB Clément
Mme Vignault
Principale
Collège Fresnois
M. Biston
Directeur
MJC
Mme Pinto
Programme jeunes
MJC
Mme Garant
Prog Insertion professionnelle MJC
M. Diancourt
Directeur
Centre social Torcy cité
M. Lemoine
Directeur
Centre social Le Lac
M. D’Agostini
Educateur
ACPSO
M. Joosten
Educateur
ACPSO
Mme Grosdemange
Directrice
PLIE - ADASIE
Mme Nowak
Mme Ferron
Chargée des relations avec les
PLIE - ADASIE
entreprises
Chargée des relations avec les
PLIE - ADASIE
entreprises
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
110
NOM
Fonction
VILLE
INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI (Suite)
Mme Horellou
Directeur
Objectif Emploi
Mme Joffrin et son équipe
Directrice
Femmes relais
Mme Marotteau
Directrice adjointe
OPAC
M. Pizzutti
Chef d’antenne
Espace Habitat
M. Leplang
Directeur d’agence
Intérim - Védior bis
Mme Amar
Directrice adjointe régionale
Intérim - Adia
M. Raviart
Chargé du suivi des créateurs
d’entreprise
CCI
Mme Billaudel
Directrice
Ardennes Insertion
M. Lamboley
Gérant
Hôtel Restaurant Le Relais
M. Paroielle
Responsable
Mutualité Ardennes (service
d’aide à domicile)
LES BAILLEURS SOCIAUX
LES EMPLOYEURS
Mme Didier
Comité du Bassin d’Emploi
LES EMPLOYEURS ET INTERMEDIAIRES N’AYANT PU ETRE RENCONTRES
M. Taviaux
DRH - Akers
M. Chef
Directeur Arcomat
M. Lagrue
Spartech Polycom
Mme Moricelle
Manpower
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
2 entretiens annulés
Contact relancé
Contacté le 9 février : Dit ne
pas embaucher, pas de jeunes,
ne voit pas ce qu’il aurait à
dire.
Contacté le 9 février : Son
assistant ne me le passe pas :
restructuration actuelle, usine
qui s’agrandit, pas le temps.
Contactée le 25 janvier : très
prise en ce moment…
111
Tableau présentant les jeunes rencontrés
Pseudonyme
Amélie
Age
23
Aziz
25
Blaise
Bryan
Claus
Farid
Gülcan
Houaria
Jalil
Quartier
Le Lac
Nationalité
Française
Montermet Français (d’origine
algérienne)
23
Centre
Congolais (arrivé
Ville
depuis 3 ans)
17
Le Lac
Français
17
Le Lac
Français
18
Le Lac
Français (d’origine
algérienne)
27
TorcyTurque
3 eft
cités
20
Le Lac
Française (d’origine
mariée
algérienne)
24
TorcyFrançais (d’origine
cités
algérienne)
Karim
26
Karima
25
TorcyAlgérienne (arrivée
mariée cités
depuis 1 an)
24
Charleville Française (d’origine
marocaine)
25
Centre
Algérienne (arrivée
2 eft
ville
depuis 3 ans)
25
TorcyFrançais (d’origine
cités
algérienne)
22
Le Lac
Français (d’origine
algérienne)
21
Le Lac
Française
1 eft
20
TorcyFrançaise (d’origine
cités
algérienne)
24
TorcyFrançaise (d’origine
cités
algérienne)
21
Le Lac
Française (d’origine
marocaine)
23
Balan
Français (grand-père
algérien)
26
TorcyFrançais
cités
13
TorcyFrançais (d’origine
cités
turque)
14
Français (d’origine
algérienne)
Latifa
Linda
Mehdi
Mourad
Nathalie
Nedjma
Rachida
Souad
Sylvain
Thomas
Mehmet
Abdel
Torcycités
Français (d’origine
algérienne)
FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan
Diplôme
Sans diplôme,
niveau BEP
BEPC
Situation prof
En recherche
d’emploi
CES
Sans
En recherche
Bac Pro méca
Sans
BEP
En formation
En recherche
En formation
Sans
CES
BEPC
CES
BEP
construction
topographique
Bac ES,
diplôme travail
social
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