Rapport FASILD SEDAN - Intégration et lutte contre les
Transcription
Rapport FASILD SEDAN - Intégration et lutte contre les
RAPPORT RELATIF AU DIAGNOSTIC « LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ETHNIQUES ET RACIALES A SEDAN (08) » Mai 2005 FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 1 TABLE DES MATIERES RAPPEL DE L’ETUDE DIAGNOSTIC _________________________________________________ 6 RAPPELS METHODOLOGIQUES ____________________________________________________ 7 Première partie : Les perceptions et les constats des acteurs locaux ________________ 10 A - LES ACTEURS DE PROXIMITE AVEC LES JEUNES __________________________________ 10 1. Les structures destinées aux jeunes à Sedan______________________________________ 10 2. Les difficultés observées pour les jeunes_________________________________________ 11 3. La réalité et l’image des « quartiers » ___________________________________________ 12 4. Les discriminations observées _________________________________________________ 14 5. Les actions mises en place auprès des jeunes pour favoriser leur insertion ____________ 15 B – LES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE DE L’EDUCATION ET DE LA FORMATION _____ 17 1. Dès le collège, il peut exister un fatalisme des jeunes_______________________________ 17 2. La recherche de stage en lycée professionnel révèle des discriminations ethniques ______ 17 3. Les stages du GRETA sont l’occasion de constater des discriminations sexistes ________ 19 C – LE POINT DE VUE DES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI_____________________________ 20 1. Les dispositifs existants afin de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes ________________ 20 2. Les difficultés d’accès à l’emploi des jeunes ______________________________________ 22 3. Les types de discrimination à l’embauche décrites par les intermédiaires _____________ 24 4. La place des discriminations ethniques et raciales_________________________________ 25 5. La position délicate des intermédiaires de l’emploi ________________________________ 27 D- LE POINT DE VUE DES ACTEURS DE L’EMPLOI ____________________________________ 29 1. Le discours recueilli souligne une vision plutôt négative des « jeunes ». _______________ 29 2. Le cas d’un secteur en plein essor : une sélection importante, peu de place aux jeunes issus de l’immigration ______________________________________________________________ 31 3. La situation particulière de l’intérim ___________________________________________ 33 E - L’ACCES AU LOGEMENT _____________________________________________________ 37 1. Les obstacles pour l’accès au logement des jeunes. ________________________________ 37 2. La réponse au soupçon de discrimination dans l’attribution du logement est l’explication économique. __________________________________________________________________ 38 FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 2 Deuxième partie : Analyse des entretiens avec les jeunes _________________________ 40 A – PRESENTATION SYNTHETIQUE DES RESULTATS __________________________________ 40 1. La « discrimination » est un sujet qui n’est pas bien identifié par les jeunes rencontrés. _ 40 2. Dans la recherche d’emploi, les discriminations sont surtout révélées lors de l’embauche. 41 3. Face à cette situation, les jeunes rencontrés ne souhaitent pas dénoncer ces différences de traitement. ___________________________________________________________________ 41 B – LA DISCRIMINATION ET LE « RACISME » VECU ET RESSENTI PAR LES JEUNES A SEDAN : ELEMENTS GENERAUX _________________________________________________________ 43 1. La « discrimination » n’est pas un sujet évocateur pour tous les jeunes rencontrés ____ 43 2. C’est davantage le « racisme » qui est ressenti et mis en avant. ______________________ 44 3. Les jeunes rencontrés expliquent ces différences de traitement par un amalgame opéré par les acteurs. ___________________________________________________________________ 48 4. Le logement, un secteur vu comme discriminant, sans que les jeunes ne soient concernés 52 C – LE PARCOURS SCOLAIRE : LA MISE EN PLACE D’UNE DIFFERENCIATION ______________ 53 1. Le racisme décrit précédemment est ressenti au cours de la scolarité _________________ 53 2. La différenciation passe surtout par le choix de l’orientation _______________________ 54 D – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES ________________________ 57 1. Le parcours du jeune chercheur d’emploi : les ressources mobilisées_________________ 57 2. Les techniques de recherche d’emploi___________________________________________ 64 E – LES OBSTACLES « OBJECTIFS » DANS L’ACCES A L’EMPLOI ________________________ 67 1. Le contexte difficile de l’emploi sur le bassin sedanais _____________________________ 67 2. La langue et la situation migratoire, deux conditions difficilement contournables pour les primo arrivants _______________________________________________________________ 67 3. La mobilité est pour les jeunes rencontrés une contrainte forte______________________ 68 3. Le manque d’expérience et de formation, arguments de refus des employeurs _________ 69 4. Etre femme, être mère, deux freins potentiels à l’embauche ________________________ 70 5. L’adresse, un facteur supposé discriminant ______________________________________ 71 F – LA PLACE DES DISCRIMINATIONS ETHNIQUES ET RACIALES DANS L’ACCES A L’EMPLOI _ 72 1. L’aspect visible des discriminations ethniques à l’embauche ________________________ 72 2. Dans la majorité des cas, les discriminations ne peuvent être que supposées. __________ 74 3. Les différences de traitement vécues dans le travail _______________________________ 76 FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 3 G – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES ________________________ 78 1. A court terme : accepter la fatalité ou se battre ? _________________________________ 78 2. A plus long terme : trouver des voies alternatives pour contourner la situation ________ 81 Troisième partie : Les constats et propositions émanant des groupes de travail _______ 83 A – INFORMER ET COMMUNIQUER SUR LES DISCRIMINATIONS _________________________ 83 1. Constat : un aveuglement généralisé face aux discriminations existantes ______________ 83 2. Une nécessité : aller contre ce fatalisme _________________________________________ 84 3. Propositions d’actions formulées par les acteurs __________________________________ 85 B – ACCOMPAGNER LES EMPLOYEURS ET LES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI DANS LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS __________________________________________________ 87 1. Constat : l’accompagnement des employeurs sur ces discriminations s’avère délicat ____ 87 2. Une nécessité : un accompagnement de proximité, une argumentation individualisée ___ 87 3. Les pistes d’action proposées par les acteurs _____________________________________ 88 C – DES PROPOSITIONS A METTRE EN LIEN AVEC LES ORIENTATIONS DU CONTRAT DE VILLE 89 1. La lutte contre les discriminations est un enjeu transversal du Contrat de Ville ________ 89 2. Un plan local de lutte contre les discriminations __________________________________ 91 Quatrième partie : Le plan d’action proposé aux acteurs locaux ___________________ 92 1. L’affichage d’une volonté politique_____________________________________________ 92 2. La mise en place d’un Comité de suivi. __________________________________________ 93 3. Le travail sur les représentations menant aux discriminations ______________________ 93 4. L’accompagnement des entreprises_____________________________________________ 93 5. Le travail auprès de l’Education Nationale ______________________________________ 94 6. L’accompagnement des jeunes_________________________________________________ 94 ANNEXES ______________________________________________________________ 95 FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 4 FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 5 Introduction RAPPEL DE L’ETUDE DIAGNOSTIC Le document présenté constitue le rapport d’étude consacré à la lutte contre les discriminations ethniques et raciales à Sedan. Le diagnostic commandé par le FASILD doit permettre de répondre à 4 hypothèses pouvant fonder la difficulté d’investir davantage l’action publique au service de la lutte contre les discriminations : - l'existence d'une responsabilité des différents acteurs, notamment publics, dans la coproduction de discriminations, - le constat d'écarts entre la nécessité d'agir imposée par la loi et la mobilisation de chacun à le faire, - la représentation que le jeune né de parents étrangers doit faire ses preuves et donner des gages permanents de sa légitimité "à être là", et inversement l’intériorisation de ce facteur par les jeunes eux-mêmes les conduit à adopter une posture de mise en échec, - la confusion constante entre causes et conséquences du phénomène, engendrant un risque de banalisation, un fatalisme voire une production de violences (symboliques et physiques) dans les pratiques professionnelles. L’étude et l’analyse des éléments recueillis par le biais des méthodes d’enquêtes proposées devaient in fine permettre de mettre en évidence les interactions des représentations, stéréotypes et modes opératoires croisés des trois types d'acteurs (jeunes / acteurs économiques / acteurs « institutionnels »), avec un éclairage sur les processus et les modes de constructions, mais également de répondre à ces cinq grands questionnement de fonds : - Pourquoi les publics immigrés ou issus de l'immigration sont-ils fréquemment considérés comme étant responsables de leurs propres difficultés? - En quoi leur rapport à la langue, leurs pratiques sociales, culturelles… produiraient un sentiment d'interférence avec des étalons normatifs? - Quelles sont les conséquences de ces dysfonctionnements sur leur propre construction identitaire, sur leur rapport à l'autre, sur leurs stratégies d'inclusion… ? - En quoi la tendance à des explications et des approches ethnicisées de ces phénomènes a-t-elle pour effet de les renforcer? FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 6 Au-delà du diagnostic, la méthode proposée, combinant entretiens individuels et travaux de groupes a permis de déboucher sur l’élaboration de propositions concrètes en termes de développement de stratégies d’action partagées à mettre en œuvre en matière : - d'action publique, notamment dans le cadre du contrat de ville et de la CODAC, - de soutien aux associations dans leurs stratégies de changement vers des pratiques adaptées, - de sensibilisation et mobilisation des milieux économiques. RAPPELS METHODOLOGIQUES La méthode utilisée pour mener à bien le diagnostic se veut à la fois comparative, compréhensive, cumulative (données), situationnelle, stratégique et opérationnelle. C’est pourquoi nous procédons selon trois modalités d’enquêtes distinctes : Une série d’entretiens semi-directifs individuels auprès de 33 acteurs locaux. Les entretiens ont permis de souligner la difficulté à faire parler des « discriminations ». Il apparaît délicat de parler de discriminations, phénomène à la fois visible et invisible. Il est possible de parler d’exemples où la discrimination est supposée, sans pouvoir généraliser. Un premier constat permet de souligner que le phénomène des discriminations est perçu et intégré par la majorité des acteurs : elles existent, disent-ils. Encore faut-il savoir comment elles se construisent, et à l’égard de qui elles s’exercent. Une nuance doit toutefois être apportée : si les discriminations apparaissent évidentes aux jeunes, aux acteurs de proximité, aux intermédiaires de l’emploi, leur réalité est moins soulignée par les employeurs, ou les bailleurs interrogés. Il ressort par ailleurs des premiers entretiens avec les jeunes : - le ressentiment d’une « atmosphère de racisme et de discriminations » - la confusion, également opérée par les acteurs, entre le racisme et la discrimination. Le mot « racisme » apparaît plus clair et plus évident à tous pour parler de discrimination raciale. L’analyse se devait donc de distinguer les faits et le discours qui les entoure. De ce fait, l’analyse ci dessous présente : - des faits, des pratiques, présentées par les acteurs - des discours, relevant davantage de représentations que de pratiques concrètes. On s’efforcera ici de comprendre notamment la construction des images du « jeune », « jeune de quartier », « jeune issu de l’immigration », cela à partir du discours des acteurs. Les images modélisent en effet les représentations, qui entraînent une attitude discriminante. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 7 Une série d’entretiens (individuels) auprès des jeunes habitant à Sedan (étrangers et immigrés et notamment des femmes) suivant la méthode des itinéraires. L’analyse qui suit a été faite à partir de 21 entretiens semi directifs avec des jeunes de Sedan. Les jeunes rencontrés ont été contactés par le biais des structures (PAIO, Centres Sociaux, MJC, club de prévention) sur la base du volontariat. Un tableau présentant les jeunes rencontrés se trouve en annexe. La méthode retenue ici est une analyse qualitative : - les jeunes rencontrés ont été choisis non pour une représentativité de la jeunesse sedanaise mais pour la diversité de leurs situations : par leur âge (17 à 27 ans), leur situation professionnelle (en formation, en recherche, salariés), leur lieu de résidence, leur origine ou celle de leurs parents. - Il s’agit non pas de généraliser à partir d’un si petit nombre d’entretiens, mais de comprendre les parcours, les ressources et les choix afin de repérer des stratégies dans les témoignages. - Ces stratégies peuvent être reliées aux caractéristiques des jeunes qui y ont recours (âge, sexe, diplôme…), ce qui permet d’élaborer des hypothèses et d’établir des typologies. Celles-ci ne pourront toutefois pas être généralisées ni quantifiées. La grille d’analyse retenue vise à distinguer, par le biais d’une analyse discursive : - ce qui est ressenti (les représentations), de ce qui est effectivement vécu (les pratiques). - les notions de « discrimination » et celles qui lui sont associées comme le racisme, la stigmatisation, la différenciation. On s’attachera à comprendre ce que signifie la « discrimination » pour les jeunes rencontrés. - ce qui relève de discriminations ethniques et raciales, et les autres types d’obstacles dans l’accès aux droits, à l’emploi. Le cheminement de cette analyse se déroule comme suit : - Un cadre général présente le contenu et la construction des « discriminations » vécues par les jeunes à Sedan ; - Le parcours d’insertion professionnelle des jeunes, de l’école à l’emploi, est retracé, avec le souci de comprendre quelles ressources et informations ils mobilisent, à quelles difficultés générales ils sont confrontés, et quelle est la place des discriminations ethniques et raciales ; - Les stratégies de réponse des jeunes rencontrés face à cette situation sont présentées. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 8 La mise en œuvre de 2 groupes de travail de diagnostic partagé « thématique » dont les thèmes ont été débattus lors de la réunion du comité de pilotage du 14 mars 2005. Deux groupes de travail ont été réunis à l’occasion de deux réunions chacun. Les thèmes retenus en étaient : 1. Informer et communiquer sur les discriminations 2. Accompagner les employeurs et les intermédiaires de l’emploi dans la lutte contre les discriminations Malgré un nombre restreint de participants, ces groupes ont permis : - de préciser les constats dégagés de l’étude, - d’échanger sur les expériences menées par les différentes structures, - de proposer des pistes d’action. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 9 Première partie : Les perceptions et les constats des acteurs locaux A - LES ACTEURS DE PROXIMITE AVEC LES JEUNES Les discriminations : une problématique affichée dans le Contrat de ville. Il s’agit d’un enjeu transversal, sans que des actions spécifiques ne soient – pour autant mises en place. Les seules actions vraiment spécifiques sont les suivantes : - les femmes relais, qui sont vraiment orientées vers les femmes le soutien à la semaine d’éducation contre le racisme, au Centre Social Torcy Cité. Toutefois, par des actions citées ci après, le Contrat de Ville soutient la valorisation des quartiers et l’échange interculturel. 1. Les structures destinées aux jeunes à Sedan Le Centre Social Le Lac Sur les 1000 usagers à la semaine, le public jeune vient le soir, pour Internet (19h à 24h) ; les 12-26 ans viennent aussi pour les activités de football en salle. L’ACPSO (Association du Club de Prévention de Sedan Ouest) L’ACPSO est présente dans le quartier de Torcy cités. Le club de prévention accueille et accompagne des jeunes, monte des projets avec eux. Le Centre social Torcy-cités Le centre social de Torcy cités accompagne également des activités avec les jeunes du quartier (ex. camps d’été, local billard et ping pong) Le Service de Prévention - médiation Le public du Service de prévention, ce sont les 13-25 ans qui ne fréquentent pas les autres structures localisées. Ce sont des jeunes en situation de difficulté, en situation potentielle de délinquance. D’abord, il leur est fourni de l’occupationnel, avant de les orienter vers des projets. Des chantiers ont ainsi été mis en place, une déclinaison du dispositif Contrat de ville. La MJC Calonne (Maison des Jeunes et de la Culture) Le public de la MJC est très diversifié : il vient de tout Sedan et même de l’extérieur de la ville. Il y a toutefois peu de personnes d’origine étrangère dans le public. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 10 2. Les difficultés observées pour les jeunes Une émancipation difficile par rapport au quartier et à la famille Les acteurs décrivent une « fuite des cerveaux » au début des études, qui se solde toutefois par le retour dans le quartier lorsque les études ne marchent pas. Cette « fuite » se fait depuis les quartiers de Torcy-cités et de la ZUP, vers des villes universitaires comme Reims, Nancy, Lille. « Dès qu’ils ont le bac, ils partent. C’est encore plus flagrant pour les filles, les études permettent de fuir du quartier, et cela permet aussi des réussites formidables. Ils ne veulent pas travailler sur le quartier, ne veulent plus entendre parler du quartier où ils ont grandi. Il faut qu’ils se débrouillent. » (CS Lac) « Les jeunes qui partent faire un an d’études à Reims, c’est surtout pour l’émancipation. Ils reviennent l’année suivante, après avoir échoué à la fac, n’étant pas encadrés. Il s’agit pour eux de fuir la ville, le quartier. Ils n’ont pas la même représentation des quartiers de Reims, de Lille. A Torcy-cités, la spécificité ce sont les jeunes étudiants boursiers : c’est la bourse qui leur permet de partir. Mais à 90% elle est mal utilisée par les jeunes du quartier. Ils ont le droit à la bourse pendant 3 ans, mais les statistiques montrent que beaucoup arrêtent au bout de la première année. » (ACPSO) De ce fait, les exemples de réussite ne sont plus sur place, dans les quartiers. « Ceux qui s’en sortent partent de la ZUP, ils n’ont donc pas valeur d’exemple. Il faudrait donc trouver des éléments de valorisation pour cette population. Ils donnent d’eux une représentation particulière, parce qu’ils manquent apparemment de moyens de positiver. » (CS Lac) Les exemples de réussites sont donc souvent les mêmes, anciens (à Torcy-cité, un ingénieur en aéronautique et un professeur d’université). Les plus âgés ne sont pas intégrés socialement ni professionnellement Des jeunes de 30-35 ans continuent à fréquenter le foyer du centre social de Torcy. Ils sont en intérim, ou bien ont des emplois saisonniers, comme les vendanges. Beaucoup disent « on va aller dans le Sud » pour être saisonniers. Les jeunes demandent un logement tard, mais certains enfants reviennent dans la famille après être partis. La plupart habitent chez leurs parents. La situation des filles est décrite comme ambivalente. Leur réussite scolaire est en effet observée et valorisée par les acteurs : « Plus de filles accèdent au bac que les garçons. Les filles réussissent mieux aussi leurs études après le bac : elles arrivent à Bac+5 ou en maîtrise. » (ACPSO) « Les filles s’accrochent plus que les garçons » (CS Lac) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 11 Mais la pression familiale est vue comme plus importante sur les filles. « Les Turcs présents ici sont essentiellement d’origine rurale. Il y a une forte pression familiale sur les filles. Pour les emmener en camp ou en sortie, il faut batailler dur. Les grands frères et les petits frères ont leur mot à dire, les sœurs sont mises en situation négative. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de rébellion de ces filles-là. » (ACPSO) Cette contrainte est toutefois décrite comme stimulante, expliquant en partie la plus grande réussite des filles. « Les filles s’en sortent, alors, parce qu’elles ont des doubles chaînes. Les jeunes filles partent à Reims. Elles ne veulent pas vivre la même vie que leur mère. Pour réussir et s’émanciper, il faut donc aller en dehors de Sedan. » (CS Lac) « Les filles ont plus de facilité, une fille ça passe mieux. Un garçon est vu comme plus impulsif, une fille, comme plus calme et plus sérieux selon les employeurs. Il est plus difficile de faire de la vente, par exemple, pour un garçon ; beaucoup de filles, en revanche, sont caissières. » 3. La réalité et l’image des « quartiers » Les acteurs soulignent l’existence d’une image des quartiers (ZUP et Torcy-cité) très différente de la réalité. Le quartier de Torcy-cités souffre d’une image qui ne reflète pas la réalité. Il existe un mythe attaché au quartier, c’est « Chicago », surnom donné dans les années 1970. Pourtant, de l’intérieur, le quartier est décrit comme un village. Les gens se connaissent, de ce fait il existe des tensions mais aussi de fortes solidarités. Beaucoup d’origines sont représentées, et cela constitue une vraie richesse, qui se manifestent lors de fêtes interculturelles, où la musique et la cuisine sont des occasions d’échanges. La ZUP a des dimensions plus grandes. La ZUP n’est pas un quartier mais elle est décrite le plus souvent comme composée de trois quartiers : - la « ZUP blanche » (tours Solitaire et Diamant) héberge une population de type ouvrier ; - la « ZUP grise » (tours Saphir et Rubis), où le pourcentage de chômeurs et de personnes en difficulté économique est plus important ; - la « ZUP noire » (bâtiment turquoise) où les habitants sont en très grande difficulté, et dont les familles tentent de s’extraire. C’est donc là que les familles nouvellement arrivées sont installées, parce que c’est là que les appartements sont libres. Il y a donc une forme de discrimination au logement, de la part des bailleurs. Même si les bailleurs regardent avant tout la situation professionnelle des locataires. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 12 La mixité n’existe donc plus vraiment, ce sont avant tout des populations fragiles qui sont concentrées là. C’est déjà un ghetto, les gens veulent plutôt avoir un logement près du stade. Autour de la ZUP l’imaginaire se forme, avec les faits divers, les statistiques de la délinquance active ou passive. Des rivalités communautaires peuvent s’exprimer. Il existe également un racisme entre Algériens et Kabyles. Des rivalités s’expriment, pas méchantes, mais répétées. Le discours entendu est parfois « de toutes façons on sait mieux faire qu’eux », ou bien « je ne viens pas s’il y a untel ». Toutefois, ce genre de racisme s’exprime beaucoup moins au niveau des jeunes. A la ZUP, une forme de regroupement communautaire est observable, avec des jeunes qui se regroupent selon des différences de religion, de couleur de peau, ce qui renforce le sentiment de discrimination. Les jeunes se servent de cette image pour se construire une identité A la ZUP, les jeunes se rassemblent et peuvent être arrogants, en disant « on est opprimés, on ne veut pas courber l’échine ». Par ailleurs, comme les jeunes du quartier ont une image négative, cela alimente les fantasmes, sur les trafics de drogue. Parmi ces jeunes, ceux issus de l’immigration maghrébine sont visibles. Avant on entendait « c’est la bande de la ZUP », désormais on entend « c’est les jeunes arabes de la ZUP ». Les jeunes utilisent cette image, quand ils vont quelque part, ils disent « ZUP en force ! ». Ils revendiquent cette appartenance. Cela peut créer une fracture entre les jeunes et les adultes. Les médiateurs observent que quand ils sont appelés, les gens cataloguent rapidement les jeunes comme de la racaille. Les jeunes se créent une image eux-mêmes Au delà de l’appartenance à un quartier, l’expression par un style vestimentaire est vue comme une marque d’identité. « Ces jeunes fonctionnent énormément sur l’image. Certains ont pu être exclus, n’étant pas branchés, n’ayant pas le jogging de marque. Pourtant, ils perçoivent ce style comme un frein pour entrer dans un endroit. Face à un employeur, l’un d’eux se demandait s’il fallait enlever les boucles d’oreille. » (MJC) « Leurs vêtements, c’est leur carte de visite. Les casquettes, les bonnets, ça en rajoute à leur image. Mais c’est aussi un moyen de se reconnaître et se différencier. Une fois, face à un groupe qui avait ces vêtements, ils ont réagi en disant « regarde les lascars, ils se sont déguisés ! Ils ne sont pas de notre milieu. Ils jouent à être des petits délinquants ». (CS Torcy-cités) Il faut souligner que cette image est fortement intégrée par les acteurs et intermédiaires de l’emploi : la casquette, le jogging, sont autant de marqueurs cités comme étant liés à une attitude désinvolte, un problème de comportement. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 13 4. Les discriminations observées Au service prévention médiation de la ville, beaucoup de jeunes sont au chômage, intérimaires chez Citroën ; le reste, ce sont des demandeurs d’emploi, qui viennent et utilisent Internet. Mais ils ne parlent pas beaucoup des discriminations. Les discriminations observées résultent du cumul de plusieurs étiquettes. « L’image du quartier joue négativement à l’embauche. Un jeune a déjà été refusé dans une formation parce qu’il venait du quartier. Un autre n’a pas été embauché sur Charleville par Radio Ménages Services alors que l’ANPE lui avait dit oui. Les entreprises en face du quartier n’embauchent pas de jeunes du quartier, rarement. L’image des « jeunes de quartier » gêne notamment certains enseignants. Les professeurs sont très gênés, quand les jeunes gardent leur blouson et leur casquette.La discrimination raciale se combine aux deux précédentes étiquettes. » (CS Torcy). « Certaines agences d’intérim ne veulent plus de jeunes, d’origine maghrébine, du quartier. Il y a eu auparavant 7-8 jeunes adultes du quartier, en intérim qui ont mis le bordel. De ce fait les jeunes avaient tagué l’agence le lendemain. C’était sans doute une erreur de condenser tous ces jeunes, de les laisser en groupe, parce qu’ils continuaient leurs habitudes. Le problème après c’est que ça créé des amalgames « tous les jeunes du quartier sont comme ça ». » (ACPSO) Cela peut engendrer une autodévalorisation, voire un fatalisme. « Il existe également un fatalisme « on est jeunes, on est du quartier, on est arabes, on n’y arrivera pas ». » Moi, je leur réponds « si tu es motivé, si tu es sérieux, tu trouveras du boulot ». (CS Torcy) « Le fait d’être maghrébin est vécu comme une charge, le discours est très négatif, comme si les jeunes s’enfermaient dans un suicide social. » (CS Lac) Il faut souligner par ailleurs un décalage réel entre les attentes des jeunes et la réalité des services fournis par les structures d’accompagnement à l’emploi. Se voir donner rendez-vous pour 15 jours après est décourageant pour le jeune, il n’est pas dans la même temporalité. Ces discriminations se manifestent dans plusieurs domaines. Elles prennent parfois des formes subtiles (discrimination indirecte). « Au quotidien il y a beaucoup de petits obstacles, de petites pressions sur ces jeunes. L’un d’entre eux n’a pas réussi à avoir au téléphone l’heure d’un rendez-vous, qu’il avait oubliée. Ou bien, au Leclerc, on leur demande systématiquement ce qu’il y a dans leur sac. » (CS Torcy) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 14 L’accès aux loisirs (sports, discothèques, mais aussi vacances) est un domaine où existent des discriminations, même en dehors de Sedan par rapport à ces jeunes de quartiers. « Dans l’accès au sport, il existe également une discrimination institutionnelle, mais très déguisée. A la piscine de Sedan, ils refusent des jeunes du quartier. Le maître nageur prend en effet l’attitude de l’adulte autoritaire, ce qui sonne comme une provocation. Alors la piscine a interdit les slips de bain et les bonnets, ce qui est rédhibitoire pour les jeunes du quartier. » (CS Lac) « Au niveau des loisirs, les discothèques et les campings sont les lieux où s’exerce la discrimination. Selon les patrons de discothèque « c’est toujours eux qui foutent la merde ». » (CS Torcy) Les vacances et les séjours des centres de loisir ont été l’occasion de vivre des discriminations. L’ACPSO a emmené des jeunes en vacances, ils ont rencontré des difficultés pour entrer dans certains lieux, comme Center Parc ou le lac Béron. Le discours tenu est « vous venez de Sedan, vous ne rentrez pas ». Cela vient de quelques actes d’un petit groupe, qui ont nui à la réputation des autres. Le majeur problème reste d’apporter la preuve et de porter plainte. Toutefois, les acteurs soulignent les limites supposées du dépôt de plainte pour les jeunes : pas efficace et pouvant entraîner la facilité. « Il n’existe pas de discrimination concrètement prouvable. Porter plainte à la police ne se fait pas vraiment : les jeunes n’y croient pas. Et il reste difficile de prouver ce genre de choses. » (Service Prévention Médiation) « Les jeunes ne sont pas à côté de la plaque, ils savent qu’ils peuvent attaquer, qu’ils ont des droits. Mais en matière de discrimination les choses ne se disent pas aussi clairement. Il s’agit aussi de ne pas tomber dans le discours « elle est raciste », qui excuse tout. Il ne faut pas oublier qu’il y a aussi un cumul de handicaps. Il y a aussi des exemples qui montrent que quand on se bouge, ça marche. » (MJC) 5. Les actions mises en place auprès des jeunes pour favoriser leur insertion Le service prévention- médiation a mis en place des chantiers permettant aux jeunes d’avoir un petit pécule pour des projets. Cela s’inscrit dans le cadre du contrat de ville. Le centre social Torcy cités a entrepris des actions visant à l’insertion professionnelle des jeunes. - Le centre a soutenu la formation d’une cinquantaine d’animateurs depuis 4 ans. - Un projet de parrainage a été déposé. Les jeunes sont en effet hors des circuits d’accompagnement. L’idée est qu’il y ait un parrain pour un jeune, qui puisse lui proposer son réseau et l’accompagner pendant un an, avec un suivi une fois par semaine. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 15 A la MJC, depuis 2001, un projet Jeunes 13-20 ans propose un accompagnement un peu plus individualisé. Il s’agit d’un projet sur les cultures urbaines, avec du chant, de la danse, de l’écriture. Les participants sont de quartiers et de cultures différents. L’image du hip hop est faussée à Sedan. Une mère a refusé que son fils continue parce qu’il y avait trop de « drôles ». Une fresque en graphe a été faite afin de se rapprocher du public, de manière à intégrer les jeunes dans la culture urbaine. Les participants sont fortement motivés et impliqués dans leur projet, qui permet de les ouvrir à d’autres réalités, au théâtre, à l’expression scénique, à l’écriture, tout en valorisant leur culture. Au centre social Le Lac, des jeunes sont embauchés en CES pour faire de l’animation et de l’accompagnement scolaire. Ces premiers éléments soulignent la construction de la stigmatisation puis de la discrimination par le cumul des étiquettes négatives (jeune, de quartier, issu de l’immigration). La discrimination raciale ou ethnique est une partie de cette construction. La discrimination évoquée ne touche pas que le domaine professionnel, mais aussi les loisirs. Les acteurs sont conscients des discriminations existantes, les tests sont pratiqués couramment ; mais il y a peu de moyens de les dénoncer, ce qui semble créer un défaitisme. Un axe de travail pourrait être la mise en place d’un dispositif de veille, avec les acteurs de proximité, sur les discriminations vécues. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 16 B – LES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE DE L’EDUCATION ET DE LA FORMATION Au niveau du système éducatif, les acteurs rencontrés perçoivent des discriminations dès la recherche de stage, mais aussi une vision fataliste des jeunes de leur avenir. 1. Dès le collège, il peut exister un fatalisme des jeunes Les collèges de Sedan sont différenciés : - - le collège Nassau, sur les hauteurs le collège Turenne, en centre ville, est très demandé, mais il est en baisse d’effectifs – il n’y a pas beaucoup de jeunes en centre ville, ou alors il y a une très forte fuite vers le privé le collège Fresnois et le collège du Lac, des quartiers qui ont une mauvaise image. Les dérogations pour éviter le collège Fresnois sont désormais refusées. Le public du collège Fresnois se sent destiné à des études courtes Le public du collège Fresnois vient à 40% du quartier de Torcy-cités, et à 60% de Donchery et de l’extérieur de Sedan. En fin de 4e, on observe une fuite d’effectif vers des maisons rurales et familiales. D’autres vont en 3e préparatoire aux voies professionnelles. De ce fait, sur 79 élèves en 4e en 2005, il en est prévu 60 en 3e à la rentrée. En général, sur 90 élèves en 6e, 50 arrivent en 3e. Après la 3e une majorité des élèves va en Lycée Professionnel. En 2004, sur 75 élèves de 3e, 26 vont en section Scientifique générale, aucun en littéraire. Beaucoup ont intégré l’idée qu’ils ne feront pas d’études, ils se disent « de toutes façons j’irai en lycée professionnel ». Au collège Fresnois, une rencontre est organisée entre les proviseurs des lycées possibles et les parents, afin de les informer. Mais certains parents ne parlant pas le français, les enfants servent d’intermédiaires et disent ce qu’ils veulent. 2. La recherche de stage en lycée professionnel révèle des discriminations ethniques Le LEP Jean Baptiste Clément dispense des formations dans 3 cadres différents : - le lycée professionnel, dans le cadre scolaire - le Centre de Formation des Apprentis, dans le cadre de contrats de travail - le GRETA pour les adultes, en formation continue. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 17 Il y a deux pôles de formations : Les élèves sont en grande majorité des garçons - - automobile, c'est-à-dire mécanique, carrosserie, peinture, magasinage des pièces détachées ; industriel, c'est-à-dire maintenance, productique, électrotechnique, chaudronnerie. 97% de garçons 630 élèves de lycée environ 100 au Centre de Formation des Apprentis une cinquantaine d’adultes. De 15 à 21 ans. Originaires de tous les quartiers de Sedan et même de l’ensemble du département. Il est rare d’avoir des primo-arrivants ; quand un jeune arrive sans savoir parler le français, il est réorienté vers le CIO pour aller voir sur Charleville, dans des filières de réinsertion en formation professionnelle. Les jeunes issus de l’immigration sont surtout d’origine maghrébine, quelques-uns sont originaires de Turquie. La recherche de stage souligne des problèmes de discriminations. La recherche de stage incombe au jeune et à sa famille, cela fait partie des exercices pédagogiques. Or, au terme de l’échéance de recherche de stage, il reste des jeunes n’ayant rien trouvé ; 3 sur 4 sont des jeunes d’origine maghrébine. De même, il faut noter que dans l’effectif du Centre de Formation des Apprentis – pour lequel il faut trouver un employeur, un contrat de travail – il n’y a aucun jeune d’origine maghrébine. La discrimination reste du domaine du non dit, mais elle apparaît comme une réalité. Certaines entreprises disent à un jeune issu de l’immigration ne pas prendre de stagiaires ; mais quand Dupont se présente le lendemain, elle en prend. Cela entraîne un discours de mobilisation des jeunes concernés : « J’aborde aussi le problème avec les jeunes d’origine maghrébine : « vous vous devez d’être beaucoup plus à cheval sur la ponctualité », d’ailleurs je ne manque jamais une occasion de le dire. S’ils veulent s’en sortir, il faut qu’ils mettent davantage encore le pied à l’étrier ; une fois qu’ils sortent de l’entreprise, alors celleci a un autre regard. » L’équipe du LEP vise alors à mettre en relation les entreprises et les jeunes - - Le LEP pousse un peu les entreprises à prendre des stagiaires de toutes les origines, cela permet d’infléchir leurs représentations sur les jeunes, afin de leur montrer qu’ils sont volontaires. Un forum est organisé avec les élèves de terminale, pour faire le lien avec les agences d’intérim, principale voie d’insertion professionnelle. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 18 La question des discriminations ne doit pas faire oublier d’autres facteurs impliquant la difficulté à trouver un stage : - une situation sociale parfois difficile, notamment pour les familles issues de l’immigration. Un dossier de demande de fonds social sur deux concerne un jeune issu de l’immigration, alors que la proportion de ces jeunes n’est pas de 50% dans le lycée. - Pour la plupart des stages, les jeunes trouvent par leur réseau relationnel, leurs parents. Or les parents des jeunes d’origine maghrébine sont dans le bâtiment ou l’industrie, secteurs que les jeunes rejettent complètement. Les élèves n’ont pas envie de faire comme leurs parents, ce qui se traduit par une surreprésentation des jeunes d’origine maghrébine dans les formations du secteur tertiaire. De même, le secteur de l’automobile n’est pas attractif pour les jeunes, les payes ne sont pas valorisantes. 3. Les stages du GRETA sont l’occasion de constater des discriminations sexistes Le GRETA des Ardennes est une structure départementale, au profit de tous les publics : salariés d’entreprise, handicapés, demandeurs d’emploi. Le public jeunes du GRETA se répartit de la façon suivante : - les moins de 26 ans sont orientés par la PAIO. La part des 16 à 21 ans augmente, les 22-25 sont plus faiblement représentés. 50% de femmes. C’est au stagiaire de trouver son stage, afin qu’il soit confronté à la difficulté. S’il n’a pas de stage, il perd sa rémunération. Il est toutefois arrivé au GRETA de placer des stagiaires. Tous les stagiaires trouvent, quelque soit leur nom, leur origine. Le problème des discriminations ethniques n’est pas observé au GRETA. La difficulté générale à trouver des stages est décrite comme provenant de plusieurs facteurs : - une forte proportion de personne avec des problèmes sociaux ; des jeunes qui, lorsqu’on leur trouve un stage, sont mis face à leurs responsabilités qu’ils n’assument pas. Ils ont compris le fonctionnement, et se comportent de manière très libérale, se montrent laxistes. Ainsi, un jeune d’origine maghrébine voulait faire de la soudure. Il avait un talent fou. Il s’est « pris la tête » avec un prof, parce qu’il n’acceptait pas d’être dirigé. Il y a des limites à ne pas franchir. Certains jeunes partent de leurs stages, prennent des arrêts maladies et ne donnent pas de nouvelles. Mais dès lors qu’ils sont menacés d’une sortie de leur situation, alors ils se reprennent. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 19 Une forte discrimination est repérée par rapport aux femmes. Dans l’industrie, le discours reste « on ne veut pas de femmes ». Les prétextes avancés sont par exemple « on n’est pas équipés en matière de vestiaires ». Il y a beaucoup de craintes aussi de la gent masculine de voir les femmes prendre le pouvoir. Les femmes sont en effet perçues comme plus rapides, plus habiles. Elles peuvent faire ce que les hommes font : elles n’ont pas de problème de dextérité pour passer le permis cariste. C – LE POINT DE VUE DES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI Le contexte sedanais de l’emploi Le contexte économique sedanais est décrit par les acteurs comme une des causes majeures de la situation des discriminations. Les employeurs peuvent se permettre de faire leur choix afin de minimiser leurs risques à l’embauche. L’intérim reste un gros pourvoyeur d’offres. Sur le département, 7 Déclarations uniques à l’embauche sur 10 se font en intérim. Cela permet de tester la motivation de l’employé, pendant 8 mois parfois, ce qui peut déboucher sur un CDD voire un CDI. 1. Les dispositifs existants afin de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes La PAIO La PAIO est chargée d’accompagner les jeunes de 16 à 25 ans, qui sont sortis du système scolaire, et de les mener à l’insertion professionnelle. Le public suivi est très important : - 1000 jeunes par an sont accueillis, - la moitié sont des garçons, la moitié des filles, - les niveaux de formation sont surtout V et IV, - le territoire est l’arrondissement de Sedan, soit 79 communes et 79 000 habitants. Le public immigré ou issu de l’immigration à la PAIO est constitué de jeunes d’Afrique subsaharienne en situation illégale, mais aussi massivement des Turcs, de jeunes Algériens, Marocains, Roumains, un Russe. Le PLIE Le public du PLIE n’est pas prioritairement les jeunes. Le PLIE propose un accompagnement avec un référent unique, qui travaille sur la réinsertion sociale et professionnelle. Il arrive donc que des référents mettent en relation des demandeurs d’emploi avec des employeurs. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 20 Objectif Emploi A Objectif Emploi, les moins de 30 ans représentent 21% du public suivi en 2004, sur 235 personnes. Les personnes suivies se répartissent également entre le centre ville, le Lac et Torcy-cités (37%, 32% et 26%) ; 11% sont étrangers et 65% ont un niveau VI (sans doute 25% sont illettrés). L’ANPE Pour les jeunes, l’ANPE travaille en lien avec la PAIO. Les jeunes sont convoqués s’ils ne suivent pas les rendez vous. 163 jeunes demandeurs de catégorie 1 ont moins de 25 ans au 31 décembre 2004, sur 3400 en tout. Les formations à la MJC A la MJC, la formation de remise à niveau du projet professionnel concerne 12 à 14 jeunes, pendant 4 mois. Il s’agit de préconiser une formation, après avoir formalisé le projet. L’accompagnement dure 4 mois, avec 30h en tout, dont 5 semaines de formation. Le public concerné a quitté l’école, de manière générale, même si certains ont fait un bac pro. Ils font des stages de 5 semaines en alternance. Ardennes Insertion, entreprise d’insertion 30 jeunes sont concernés, de 18 à 30 ans. Ce sont surtout des jeunes sans qualification, avec quelques soucis de comportement. Une sélection draconienne est opérée, puisqu’Ardennes Insertion n’est pas une association sociale mais une entreprise d’insertion à l’activité économique. Il s’agit en fait d’une éducation au monde du travail, c'est-à-dire aux aspects professionnels, de réglementation, juridiques, mais aussi de comportement, de savoir-être. Le contrat est de 550 heures à temps complet, ce qui donne une évolution positive sur un an. Il comprend un pôle de formation théorique, sur le code du travail, le règlement intérieur, le devenir salarié / devenir employeur, les aspects de la vie quotidienne (hygiène, sécurité), la mobilité. Il s’agit de les amener tout doucement à faire ce qu’ils n’ont pas eu, les faire avancer à pas de souris. Le Comité de Bassin d’Emploi Au delà de son rôle premier de cerner les besoins de formation, le Comité du Bassin d’Emploi vise également à mettre en relation l’Education Nationale et les professionnels. Des professionnels interviennent en classe pour expliquer leur cursus. Cela permet aux jeunes de savoir comment ça se passe en entreprise, de connaître aussi les exigences de ce secteur. Cela permet de changer les représentations de l’usine que peuvent avoir les jeunes, de montrer qu’un ingénieur n’est pas forcément d’un milieu sur favorisé. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 21 Les contrats destinés aux jeunes Le bassin d’emploi de Sedan (3 cantons) compte un quart des contrats spécifiques destinés aux jeunes dans le département. 2004 Contrat Jeune en entreprise Dont : Hommes Femmes Contrat d’apprentissage Dont : Hommes Femmes 16-20 ans Contrat de qualification Dont : Hommes Femmes CDD CDI Bassin d’emploi de Sedan % Nb 25.5 187 dont : 143 76.5 44 23.5 18.5 161 dont : 118 73.3 43 26.7 147 91.3 4 2 2 3 1 17.4 dont : 50 50 75 25 Total Ardennes % Nb 100 733 870 100 23 100 Dans les contrats d’apprentissage, environ la moitié ne vont pas à terme. Les employeurs cherchent plutôt des jeunes de 16 ans, les plus de 20 ans étant vus comme ayant déjà des travers. 2. Les difficultés d’accès à l’emploi des jeunes Les acteurs de l’emploi décrivent une situation difficile pour l’embauche des jeunes. Plusieurs facteurs sont cités comme des obstacles à l’accès à l’emploi. Le comportement est cité comme cause première de la distance à l’emploi des jeunes. Le comportement recouvre l’idée de ponctualité, tout d’abord, qui est décrite comme pouvant être liée à l’absence d’expérience, ou au manque d’exemple familial. « Au niveau des jeunes, le non travail existe. Se réveiller le matin pour aller travailler, prévenir en cas d’absence, sont des réflexes qui ne sont pas naturels. Leur priorités ne sont pas celles de quelqu'un qui a travaillé. Pour certains, c’est la 3e génération de demandeurs d’emploi. Il y a donc une mentalité qu’il est difficile de faire évoluer. Cela pose des problèmes pour le suivi : un jeune peut être une heure en retard, sans prévenir. Ils ne s’imaginent pas quelles conséquences peut avoir une heure de retard. Face à leur employeur, ils ne comprennent pas. Il y a donc un décalage énorme face à un employeur, ils ne savent pas comment se comporter face à lui. Ils n’acceptent pas qu’il puisse leur faire des remarques. » (PLIE) Le comportement désigne aussi le fait de savoir se présenter de façon conforme aux normes de l’entreprise. Cela passe notamment par un aspect vestimentaire, sur lequel les intermédiaires travaillent. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 22 « De même, au niveau des tenues vestimentaires, il est difficile de leur faire retirer leur casquette : « je ne la retire pas, je suis mal coiffé ». Ils sont dans leur monde. » (PLIE) « A l’ANPE, une sensibilisation est donc faite, sur le comportement : pour la présentation, il est expliqué aux demandeurs « soit vous êtes dans le système, soit vous ne vous rendez pas compte que votre tenue vestimentaire vous nuit ». S’ils arrivent devant l’employeur, il faut qu’ils sachent se tenir. Il faut également savoir qu’on ne fume pas, on respecte la vie et l’image de l’entreprise, on porte la veste de l’entreprise – ce qu’un jeune a du mal à concevoir. » (ANPE) « Il existe un écart, qui se manifeste par des problèmes de présentation, notamment : il n’est pas question de discrimination quand déjà un jeune entre dans un bureau avec sa casquette et de la nonchalance. La réduction de cet écart se fait par exemple par les ateliers de théâtre proposés par la MJC afin d’aider les gens à être acteurs de leur vie, et à travailler leur présentation. » (DDTEFP) Cette question du comportement peut être vue comme une cause importante de discrimination, bien plus même que l’origine ethnique. « Qui on discrimine ? Pas tellement le jeune « de couleur », s’il a un comportement adapté ; mais ceux qui ne sont pas pris, ce sont des jeunes qui ne sont pas socialisés, avec des difficultés de comportement. Certains se réfugient derrière un pseudoracisme. Mais ce sont ceux qui sont hors norme, peu intégrables. Les conseillers ont l’occasion de mesurer cela : en formation, il faut avoir un comportement adapté, parce qu’il existe un règlement intérieur. Alors le jeune à qui on dit tous les jours « il faut arrêter d’avoir ce comportement », il claque la porte. » (PAIO) Les attentes peu réalistes du jeune sont également citées comme un obstacle à l’emploi. La distance à l’emploi du jeune est expliquée par la méconnaissance du monde de l’entreprise, et le décalage entre les attentes du jeune et la réalité. Il y a une attitude de fierté et un désir de liberté par rapport à un monde jugé aliénant. « Les CDI signés entre un patron et un jeune de 16 à 25 ans, avec un niveau de bac maximum, enregistrent un taux de rupture très important. La durée maximale est d’un an et demi. Cela révèle un décalage entre ce que le monde de l’entreprise demande et ce que le jeune vit. Il y a un décalage entre la réalité du marché de l’emploi et les représentations que les jeunes s’en font, jeunes qui n’acceptent pas de travailler pour rien. » (DDTEFP) « Ils n’ont pas non plus envie de reproduire ce que les parents ont vécu. Ils gardent la tête libre, disent « l’esclavage, c’est pas pour nous ». Souvent, ils ont l’expérience du stage, où ils se sentent exploités. Ils pensent que les employeurs sont tous des profiteurs. Eux, fonctionnent sur de l’affect, pas sur du travail, ni sur un produit. Ils prennent les choses pour eux « s’il dit ça, c’est parce qu’il ne m’aime pas ». Ils vivent sur des impulsions, comme ça. Ça leur est dû, tout devrait être normal. Ils ne font pas d’efforts particuliers. Peut être que nous, services d’insertion, sommes responsables FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 23 de tout ça, à trop vouloir les aider, cela créé un décalage avec la rentabilité, la productivité. » (PLIE) L’image de « jeune de quartier », liée à la délinquance, vient s’ajouter à ces obstacles. Les intermédiaires soulignent l’existence de cette image ; ils la relaient, soit en la vérifiant auprès de leurs usagers, soit en la combattant. « Il y a une étiquette de délinquance, de crameurs de voiture sur les jeunes de quartier. Contre ces discours, je ne peux que pousser un coup de gueule, mais je ne peux rien faire. En revanche, en tant que conseiller, je ne vais pas être coulant sur certains comportements. Je vais lui dire, au jeune, quand ça ne va pas, et s’il me traite de raciste, tant pis. » (PAIO) « Les employeurs regardent aussi l’adresse. Il faut dire qu’au niveau du quartier, ils ont leurs propres règles, qui ne sont pas applicables dans le monde du travail. » (PLIE) Toutefois, les intermédiaires de l’emploi observent également un effort d’adaptation de jeunes qu’ils reçoivent afin de dépasser cette distance : les jeunes « jouent le jeu ». 3. Les types de discrimination à l’embauche décrites par les intermédiaires Dans un contexte de forte tension sur le marché de l’emploi, les sources de discrimination peuvent être multiples, selon les intermédiaires de l’emploi. Ainsi, certains statuts sont décrits comme étant stigmatisants : « Le fait de toucher le RMI, ou encore le fait d’avoir eu des emplois aidés signifie qu’on n’a jamais travaillé dans l’emploi marchand. D’autres éléments sont discriminants, comme des stages sur le CV marqués PAI ou RAF, qui sont catalogués par l’employeur comme n’ayant servi à rien. Alors le conseil est donné aux gens de ne pas mentionner le type de contrat sur le CV, sous peine d’être catalogué comme fainéant. De même qu’il est conseillé à un jeune sans expérience de ne pas marquer « stage » mais « mission ». (PLIE) La sélection se fait également selon la mobilité du jeune, et le fait d’avoir le permis devient discriminant. « Pour une personne mobile, l’emploi se trouve à Charleville et en Belgique (Ferrero, L’Oréal). Mais il s’agit surtout de postes sous qualifiés, avec des contrats saisonniers, dans l’hôtellerie notamment (agent d’entretien, femme de chambre). Pour Ferrero il existe un ramassage des salariés ; pour la fonte ardennaise, à Viviers-Aucourt, également. Dans certains secteurs, comme l’aide à domicile, c’est le véhicule qui est discriminant. Le critère fondamental reste la mobilité. » (54% des personnes suivies par Objectif Emploi n’ont pas le permis de conduire). De ce fait, un projet existe actuellement autour de la mobilité : ceux qui ont le permis peuvent louer une voiture ou même en acquérir une afin de pouvoir être mobile sur tout le bassin d’emploi, sans grever le budget familial. Pour cela, une association a été créée, l’AMIE (Association de Mobilisation pour l’Insertion par l’Emploi). FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 24 Les femmes sont décrites comme particulièrement exposées à des discriminations sexistes. Elles sont à la fois orientées vers des secteurs bien précis, et peu admises dans le secteur industriel. « Les discriminations sexistes existent. Les femmes sont plus orientées vers des métiers moins payants, vers des métiers non qualifiés. Le sexisme est important. Un motif avancé est qu’il est difficile d’intégrer 1 femme dans une usine de 500 hommes. Mais ce ne sont sûrement pas les salariés qui demandent à ce qu’il n’y ait pas de femmes. Le prétexte de « nous n’avons pas de vestiaire pour les femmes » ne tient pas non plus. » (ANPE) De ce fait, plusieurs acteurs estiment que la discrimination raciale est à la marge, elle est englobée dans d’autres problèmes discriminatoires. 4. La place des discriminations ethniques et raciales Les immigrés font face à d’importants obstacles à l’emploi. - la barrière linguistique, pour ceux qui ont du mal à s’exprimer, à comprendre, surtout pour les personnes qui arrivent en France depuis peu. Pour contrer cela, 3AFI et les centres sociaux se sont mobilisés. - Le manque de reconnaissance des diplômes étrangers en France. Un électricien formé en Algérie peut se retrouver dans le ménage ou le bâtiment. - L’image négative de certains métiers joue également. - La nationalité française, nécessaire pour passer des concours de la fonction publique. - La mobilité, autant matérielle que psychologique – et cela est vrai pour l’ensemble du public. Les transports en commun jusqu’à Charleville sont développés, mais certains ne veulent pas bouger. Une location de mobylettes a ainsi été organisée. - la différence culturelle : il est difficile de travailler avec une jeune fille maghrébine, ou musulmane, en tant qu’homme. Le foulard peut par ailleurs poser problème à l’entreprise. Ainsi, pour l’orientation vers les services à la personne et l’intégration sur des postes de travail, il est délicat de choisir des nouveaux arrivants, ce type de public à la marge. Il est apparaît difficile de répondre à ces problèmes lorsqu’ils se superposent. Les intermédiaires constatent des difficultés spécifiques à l’emploi des jeunes issus de l’immigration. Au PLIE, il est observé que les personnes d’origine maghrébine sont plus en difficulté que ceux des pays de l’Union Européenne. Mais c’est encore plus difficile pour quelqu'un originaire de Somalie, ou un Kurde. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 25 Un nom à consonance étrangère peut entraîner des réticences chez l’employeur, ou bien des représentations : certains partent par exemple de l’idée que les Turcs sont en situation irrégulière. « Nous aidons parfois dans les démarches de recherche de stage. Mais on se présente comme des permanents d’une association de quartier, pas comme éducateurs. Les employeurs disent « oui, pourquoi pas ». Mais dès que l’identité des jeunes est donnée, alors ils disent « attendez, on vous rappelle », ou « le poste est déjà pris ». » (ACPSO) A cela s’ajoute un ensemble de représentations négatives sur la religion. « Le 11 septembre a fait du tort : il y a une discrimination car la religion et l’origine sont regardés de travers. » (PAIO) Cette discrimination est décrite comme différenciée selon les secteurs d’activité. Les secteurs décrits comme les moins discriminants sont ceux où la main d’œuvre qualifiée est rare. « La discrimination n’est pas repérable dans les secteurs où il y a besoin de main d’œuvre, comme à la Fonderie, ou dans le bâtiment. Le manque de main d’œuvre fait que les gens volontaires ont leur place. Parfois la discrimination est inversée : certains travaux de bâtiment sont tellement durs que les employeurs disent avoir des Français qui ne veulent plus travailler, alors ils demandent des étrangers. Certains disent même « on va chercher des employés dans les pays de l’Est ». » (Objectif Emploi). Dans le secteur industriel, ou dans le commerce, en contact avec des clients, la discrimination est toutefois décrite comme réelle. Le secteur en développement de l’aide à domicile est perçu comme particulièrement sélectif. « Dans le domaine de l’aide à domicile, il n’est pas non plus très facile de faire entrer des gens d’origine étrangère, pour être assistante de vie, par exemple. L’aide à domicile renforce la sélection par la voiture et la mobilité, mais c’est aussi et surtout un métier perçu comme féminin. Il existe dans ce domaine beaucoup de préjugés. » (PAIO) Ce secteur est pourtant vu comme un moyen intéressant de faire évoluer les mentalités. « Une idée serait de passer par les associations de services à la personne, permettant de changer les attitudes et les perceptions. Les employeurs sont en effet gros consommateurs de services. » (PAIO). FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 26 5. La position délicate des intermédiaires de l’emploi Cette situation discriminatoire observée est toutefois difficile à avérer. Parmi les jeunes, cela créé des rumeurs, mais aussi une autolimitation, voire un défaitisme. « Les difficultés pour les jeunes issus de l’immigration sont assez connues, les bruits courent. Un mieux est observé, cela peut être parce qu’il y a une réelle évolution, mais aussi parce que les jeunes le disent moins. » (PAIO) « Une jeune est venue un jour en disant « Vous avez vu comment je m’appelle, je ne suis pas blonde aux yeux bleus, qu’est-ce que vous pouvez faire pour moi ? ». » (MJC) Pourtant, les cas avérés sont très peu nombreux, selon les comptes des structures. Ainsi, à la MJC, un cas a été recensé en deux ans, sur 30 jeunes. Une stagiaire reprochait à un employeur qui la refusait : « ça ne vous plaît pas parce que le nom n’est pas le bon ». L’employeur a mal réagi. Mais il s’agit d’un cas sur deux ans, donc sur 30 jeunes. Les intermédiaires de l’emploi se trouvent alors dans un dilemme. Ils ont en effet des demandes informelles d’employeurs qui leur font comprendre leurs attentes. Ils peuvent aussi anticiper ces attentes, et de ce fait conseiller aux jeunes de ne pas envoyer leur candidature, ce qui revient à créer une discrimination systémique, c'est-à-dire relayée par le système. « Les employeurs ne transmettent pas de demande discriminante. Mais par des conversations informelles, les entrepreneurs font part de leurs attentes. Et on ne va pas envoyer des jeunes d’origine maghrébine, dans des lieux où il y a des problèmes, ils pourraient être en danger. Dans les petites entreprises, il existe un esprit conservateur. » (PAIO) « Souvent, dans l’industrie, c’est un peu plus ouvert, que le secteur de l’accueil, le service public, la vente. Parfois on leur déconseille, on leur explique que s’ils envoient leur CV là il va être balancé. » (MJC) Par ailleurs, les intermédiaires doivent faire face à des demandes discriminantes des entreprises, qui les placent dans une alternative problématique. « La discrimination, on l’observe au quotidien. Chaque jour, on appelle les sociétés intérimaires. Quand on connaît l’entreprise qui demande, on sait qui on va leur envoyer : plutôt un homme ou une femme, plutôt tel âge. Certains refusent des RMIstes. On connaît suffisamment les entreprises pour savoir si un nom d’origine maghrébine passe ou pas, parce qu’on sait quelles entreprises disent « attention c’est une offre BBR (Bleu Blanc Rouge), je ne veux pas de nom maghrébin ». Cela pose question, car à la fois on cautionne en répondant à la demande, à la fois on peut se griller auprès d’une entreprise si on ne répond pas. » (Objectif Emploi) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 27 Le choix de relayer ces offres s’appuie sur l’objectif de faire évoluer petit à petit l’employeur, même si une telle évolution ne peut être que limitée. « Cela est également arrivé une fois : une entreprise réclamant un BBR n’avait trouvé personne avec la formation adéquate. On lui a fait comprendre que son attitude était problématique car un de nos demandeurs étrangers avait cette formation. Il a alors changé d’avis, en précisant que ce n’était qu’un exception. » (Objectif Emploi) Cette difficulté des intermédiaires de l’emploi souligne l’absence de moyens d’information ou de lutte contre les discriminations. Il n’y a pas de rappel du cadre légal selon lequel un employeur qui dépose une offre a des devoirs. Il n’y a pas, sur le territoire, d’association ni de recours permettant de s’informer ou de discuter du caractère discriminant ou non d’une offre. Stop Racisme est décrit comme n’ayant plus de militant à Sedan ; la Maison de la Justice et du Droit n’a jamais été contactée à ce sujet, et ne connaît aucun dispositif existant. Des formations sont instaurées, comme à l’ANPE. Une formation sur les discriminations et l’éthique de l’ANPE est actuellement mise en place. L’ANPE est en effet en situation d’intermédiation. Dans le recueil des offres, les agents se doivent de refuser quand l’offre a un aspect discriminant, ce qui n’est pas le cas des agences d’intérim. Il faut également savoir argumenter face à une situation potentiellement discriminante. Ce que peut faire l’agent de l’ANPE, c’est alerter l’employeur que le salaire proposé ne correspond pas au marché du travail, ou que les compétences qu’il demande sont trop importantes. Un axe de travail se dégage sur l’accompagnement des intermédiaires de l’emploi, publics et privés (intérim) sur la question des discriminations : comment faire face à une demande discriminante, comment faire respecter la loi. Un autre axe se confirme sur la question des moyens de détection et de dénonciation des discriminations. La Maison de la Justice et du Droit, outil du contrat de ville, pourrait être un relais dans un schéma de veille sur les discriminations. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 28 D- LE POINT DE VUE DES ACTEURS DE L’EMPLOI Nous devons souligner ici les difficultés que nous avons eu à entrer en contact avec les employeurs et les nombreux refus que ces derniers nous ont opposé. Nous nous sommes heurté au même refus dans le cadre des groupes de travail. 1. Le discours recueilli souligne une vision plutôt négative des « jeunes ». Le comportement des jeunes est vu comme source de problèmes. Les jeunes sont décrits comme n’étant pas motivés, mais plutôt « cocoonés », dans une attitude de consommation : « La plupart n’ont pas de moyen de se loger personnel, ils sont chez papa-maman. Il y en a, j’en suis sûr, qui ne bougent pas du quartier, qui ne veulent surtout pas déménager. Les stagiaires de niveau élevé ne sont pas très motivés. Sur 12 ans, seuls 4 ou 5 stagiaires sont sortis du lot. Sinon, ils s’en foutent ! leurs stages sont déjà payés, avec de bons salaires. A la dernière embauche, on a embauché un assistant de direction. Il y a eu 7-8 personnes en période d’essai avant de trouver la bonne personne. » « Les difficultés pour les jeunes, sont le manque de motivation et le manque d’assiduité. Certains jeunes n’ont pas vu leur père travailler, et le taux de chômage important peut expliquer ces manques. Certains s’en vont au bout de deux jours, ils se mettent à l’arrêt sous de faux prétextes. Mais c’est une minorité, qui fait pâtir le reste. Il y a aussi des jeunes courageux, qui font beaucoup de missions ponctuelles, sur quelques jours. » (Vedior Bis) « Je trouve que la situation des jeunes s’aggrave. Les jeunes apparaissent de moins en moins qualifiés, de moins en moins motivés, de plus en plus en demande de droits, les devoirs venant ensuite. (…) Le non professionnalisme, l’absentéisme, c’est inacceptable, de même que les problèmes de comportement. Le « c’est d’jà bon », c'est-à-dire c’est suffisant. Le jeune doit savoir se tenir à carreau pour rester dans l’entreprise. Là j’ai mis deux personnes en entreprise extérieure. Un matin elles ne se sont pas présentées. L’employeur avait tout prévu pour qu’elles viennent, mais elles n’ont pas prévenu. Tout ça est à corriger ! » (Ardennes Insertion) « Selon les employeurs, une partie de la jeunesse a également un problème comportemental : il faut expliquer les règles hiérarchiques, de la ponctualité, le respect du matériel. Ce discours ne s’entend pas partout mais ressort de diverses manières, accompagnés d’une nuance « il y en a des bons aussi ». Ces représentations s’appuient sur des expériences d’accueil de stagiaires. Certains employeurs sont déçus, estiment que les jeunes n’ont pas d’engagement moral, lorsque des jeunes, formés par leurs soins au permis poids lourds, s’en vont chez le concurrent au bout de 6 mois. » (CBE) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 29 Cette attitude présumée des jeunes est en décalage avec les exigences de l’employeur. Cela est particulièrement flagrant dans le secteur de l’hôtellerie qui implique une charge de travail particulièrement importante. De ce fait, l’employeur attend de ses salariés une bonne assiduité. Or il est déçu et trompé par plusieurs de ses salariées. « Une de mes femmes de chambre partait à 14h30 en prétextant qu’elle était en formation alors qu’en réalité elle devait partir à 16h. Les stagiaires, pendant les périodes de soldes, trouvent toujours des excuses pour ne pas venir. » (Un hôtelier) La motivation est alors le critère premier à l’embauche Afin de réduire les risques de mauvaise surprise, les employeurs insistent non pas sur les diplômes, mais un bon relationnel et une forte motivation. Cette motivation est citée à de multiples reprises par les employeurs et intermédiaires de l’emploi comme le critère central de l’embauche. « Le critère déterminant ce n’est pas le diplôme mais le feeling. Pour l’adjoint, on a essayé avec ce candidat qui était motivé, même s’il était moins bardé de diplômes que d’autres. Il n’a jamais d’absence, il fait ses heures, il s’investit. Pendant l’entretien, on discute avec des gens, on voit si les idées collent. Moi je n’ai jamais été pour les gros diplômes. Le travail hôtelier, c’est du terrain. Alors je préfère quelqu'un qui a un CAP sur 3 ans à quelqu'un chargé en théorie et qui s’y croit. Même pour un adjoint de direction je souhaite qu’il travaille un peu dans la salle, qu’on perde un peu de temps pour qu’il comprenne. » (Un hôtelier) Les indicateurs de la motivation sont dans la « présentation » Pour mesurer la motivation, l’employeur doit alors se fier à la présentation de la personne, que ce soit au téléphone (voix, langage, accent) ou à l’entretien (vêtement, attitude). « Quand ils se présentent en casquette – survêtement, ça ne passe pas, ou avec le chewing gum. Ça va à la rigueur pour la cuisine, mais moi je tiens à ce que le cuisinier vienne aussi saluer les clients dans la salle. Mais en survêtement, baskett, pour un poste de sous-directeur, je ne prends pas. Je veux bien qu’ils ne sachent pas comment faire, mais en même temps ils viennent sans grande conviction. On sent que ce sont les parents qui ont poussé derrière. » (Un hôtelier) « Ce qui pose problème dans la présentation des jeunes, c’est qu’ils ont tendance à être décontractés. » (Vedior Bis) Une différence peut être soulignée par l’employeur dans la présentation entre les garçons et les filles, celles-ci étant vues comme plus avenantes. « En secrétariat, il n’est pas difficile de trouver des candidates. La motivation est réelle, il y a peu de défections. La présentation ne pose pas de problème non plus. » (Vedior Bis) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 30 Un jeune issu de l’immigration peut alors être associé à un accent, ou un décalage culturel, qui gêne cette présentation. « Il y a des jeunes qui appellent, qui disent « c’est quoi ça, assistant de direction ? » (accent jeune). A l’intonation, je comprends qu’il ne connaît pas, et puis je peux reconnaître que c’est un arabe ou un français. Mais quand on décrit le poste, il n’y a plus personne. Ce qui compte, c’est le langage, la façon de parler, la façon de se tenir. » (Un hôtelier) « Il n’y a pas de différences entre les jeunes issus de l’immigration et les autres. Tout dépend de la motivation de la personne. Il faut que la personne applique la culture du pays. Une fois un jeune est parti de son stage, il avait des difficultés à supporter une supérieure féminine. » (Ardennes Insertion) Dans l’hôtellerie, le regard des clients sur un salarié issu de l’immigration peut également poser problème, mais n’est pas vu comme un argument discriminant à l’embauche. « J’avais une serveuse d’origine indienne, elle a travaillé 3-4 mois chez nous. Certains clients d’avaient jamais vu d’indienne dans les Ardennes. Alors il y avait des regards interrogateurs, ce n’était pas évident pour elle. Je ne pense pas que ça peut nous faire perdre des clients, même si des fois il y a des gens bêtes. » (Un hôtelier) 2. Le cas d’un secteur en plein essor : une sélection importante, peu de place aux jeunes issus de l’immigration Le secteur de l’aide à domicile est en plein essor. Sur les Ardennes, deux structures se partagent la majorité du marché : l’ADAPA (Association Départementale d’Aide aux Personnes Agées) et l’ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural). Mutualité Ardennes est une petite structure à côté, qui observe néanmoins une forte progression de l’activité : - en 2001, cela représentait 18 000 heures sur l’année ; En 2004, elle représente 115 000 heures, soit une progression de 800% en 3 ans. En 2003 Sedan représentait 5807 heures soit 6,3% du département (85 000 h). Les communes alentour comptent aussi un volume important d’heures. Aujourd’hui 192 personnes sont employées par Mutualités Ardennes, le plus souvent en temps partiel. - Ce sont uniquement des femmes ; parmi elles 10 seulement ont moins de 25 ans. La moyenne d’âge des salariées est environ de 35 ans. Peu d’entre elles sont issues de l’immigration FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 31 Le secteur de l’aide à domicile recouvre des réalités différentes : - une activité « famille » dans laquelle interviennent les TISF (Techniciennes d’Insertion Sociale et Familiale), auprès de familles en difficulté sociale ou de santé. Pour cette activité, la formation et la qualification sont fixées ; - une activité « personnes âgées » dans laquelle des travailleurs à domicile sont proposés aux personnes âgées par Mutualité Ardennes. Ce secteur est en plein essor, ce qui ne veut pas dire qu’il est ouvert à tous : s’occuper de personnes âgées nécessite une expérience, un sens du contact et du relationnel. Les personnes embauchées passent à travers une « double sélection ». Mutualités Ardennes opère une première sélection en anticipant les attentes des personnes âgées ; elles soumettent ensuite leur choix à ces personnes, qui décident in fine. « Pour être capables d’intervenir auprès d’une personne âgée, il faut être simple, être capable d’instaurer une relation de confiance. Nous, en tant que recruteurs, nous induisons beaucoup de choses de ces exigences. Ainsi, un jeune reçu il y a peu portait des piercings, des cheveux longs. Ce look ne passerait pas avec des personnes âgées ! » (Mutualité Ardennes) Les personnes âgées, elles, préfèrent des femmes, surtout, et pas trop jeunes, pour avoir des choses à échanger. La place des femmes issues de l’immigration y est restreinte. Elles sont d’origine maghrébine, russe, d’Afrique subsaharienne. L’intégration de ces femmes auprès des personnes âgées se passe sans trop de difficultés. « Au début on craignait des réactions de la part des personnes âgées. Et puis une dame très noire a commencé à travailler, ça s’est bien passé. Aujourd’hui, il y a encore quelques personnes qui peuvent demander à ne pas avoir d’étrangers ». (Mutualité Ardennes) Toutefois, cela permet aussi de faire évoluer des mentalités « Un couple a eu une réticence en voyant arriver chez eux une personne d’origine maghrébine. Ils ne l’ont pas formulée, mais finalement ils se sont dit agréablement surpris et ont été très contents d’elle ». (Mutualité Ardennes) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 32 3. La situation particulière de l’intérim 14 agences d’intérim sont localisées à Sedan, dont une partie représente des structures nationales (Manpower, Adecco, Vedior Bis, Crit, Adia…). Les entreprises d’intérim se retrouvent entre les demandes des clients et les attentes des candidats. Les entreprises clientes sont surtout celles du secteur industriel (80% de l’activité chez Vedior Bis, contre 5 à 10% dans le BTP, et 5 à 10% dans le tertiaire). Dans l’industrie, une partie des demandes (20 à 30%) concerne des qualifications de bon niveau, des soudeurs, des électriciens nécessitant ou pas de l’expérience. Les entreprises fixent des niveaux avec au minimum Bac ou Bac+2, avec de l’expérience. Pour le reste, ce sont des qualifications simples, juste des travailleurs sans niveau exceptionnel de formation. Ce sont des postes faciles en termes d’accessibilité et de mise en route, mais difficiles physiquement. Le client fixe ses exigences, que l’agence peut faire évoluer, en suggérant par exemple un bac pro quand le client demande un Bac+2. Du côté du candidat, une attention est portée à sa mobilité, sa situation familiale. Le gros souci sur le Sedanais c’est le faible nombre de personnes qualifiées. Il y a une quinzaine de postes pour lesquels l’agence ne trouve pas de candidats, dans la chaudronnerie, des carrossiers, des peintres, dans le secteur industriel. Les entreprises ne se donnent pas les moyens de prendre des jeunes motivés pour les former, car ils sont pressés par les clients qui réduisent leurs délais. Il y a peu de filles parmi les candidats, et elles cherchent surtout en secrétariat. Certains jeunes se montrent parfois agressifs, ne comprenant pas pourquoi ils n’obtiennent pas de réponse. C’est le signe d’un manque d’accompagnement du jeune, d’un manque d’informations. Les deux entreprises de travail temporaire rencontrées font partie d’un réseau national, tenants d’une politique engagée contre les discriminations. Il existe un code de déontologie chez Vedior Bis, qui exige de ne juger que sur les compétences, le diplôme. Il n’y a pas de discrimination « BBR ». Mais les clients n’ont jamais dit, directement ou non, « je ne veux pas d’étrangers ». Dans la vallée de la Meuse, un cas de discrimination a été recensé. Chez Adia, cela fait 2 ans qu’un projet de lutte contre les discriminations est mis en place. Au sein du service de Ressources humaines intérimaires, un service psychologique a mis en place le projet Latitudes, une enquête auprès des clients et des usagers. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 33 A la Direction Champagne Ardennes, ce projet se décline en plusieurs phases : - un travail en interne, dans un premier temps, pour accompagner les agents dans leur pratiques : leurs gestes, leurs postures (éviter l’agression) et dans leurs discours (« on ne répond plus à des demandes discriminantes », quelles qu’elles soient (sexe, âge, origine, quartier…). Ce qui est observable au niveau régional et local c’est qu’effectivement on entend de moins en moins de demandes discriminantes. Si un client dit « je ne veux pas de (femme, arabe, vieux) » alors le cadre de l’intervention d’Adia lui est reprécisé. - depuis 2-3 mois l’envoi des candidatures aux clients se fait de façon totalement anonyme : il est simplement envoyé un fax avec les compétences et expériences de la personne. Aucune mention n’est faite de son âge, sexe, nom, adresse. - Dans une deuxième étape, un débat va être organisé sur la lutte contre les discriminations, animé par un psychologue, avec des clients et des agents. Cette phase n’a pas encore débuté en Champagne Ardennes, mais le premier département à commencer, ce sont les Ardennes, un maximum d’invitations ont été envoyées. Dans les autres régions, les premiers débats montrent que ça percute, ça interpelle, ça culpabilise. En agence, l’application de ce programme reste toutefois délicate pour le personnel d’accueil : ils sont à la fois investis par conviction dans le projet et en contact avec des jeunes parfois agressifs. Les résultats ne sont pas visibles immédiatement, il y a une évolution à avoir dans l’attitude des employeurs. Toutefois, la position des petites agences d’intérim peut être très différente. Le marché de l’intérim est diversifié. Les agences rattachées à des entreprises d’envergure nationale sont suffisamment développées pour se permettre de refuser les demandes d’un client. Mais les agences plus petites, locales, ne le peuvent pas : elles sont dépendantes de leurs clients, si elles n’ont que 20-30 intérimaires. Donc les entreprises trouveront toujours, avec ce genre d’agences, quelqu'un pour répondre à leur demande discriminante. Il faut donc que les entreprises soient directement sensibilisées. Dans les petites agences, la loi contre les discriminations n’est peut être pas si connue que ça. Cette situation souligne l’intérêt d’une action concertée avec toutes les agences d’intérim locales, au moins pour leur fournir une information sur les cadres légaux contre les discriminations. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 34 La forte présence de l’intérim à Sedan entraîne une autre forme de discrimination, à l’intérieur des entreprises cette fois-ci. Les intérimaires peuvent être stigmatisés et mis à l’écart ; l’origine étrangère est alors décrit comme un facteur aggravant. « Il reste que après l’embauche, si vous êtes maghrébin, il est difficile de vous faire des amis, une fois sur la chaîne de production. Parce qu’en tant qu’intérimaire, déjà, vous n’avez pas la cote. » (PAIO) « Les intérimaires restent parfois longtemps, jusqu’à 12 ans dans cette situation. Les entreprises en profitent, les intérimaires représentent jusqu’à un tiers des effectifs. Cela créé également des conflits sociaux dans les ateliers d’usinage : quand 25 intérimaires sont ensemble, en sachant que seuls 5 vont rester, ils ont tendance à se marcher dessus. Leur objectif reste d’avoir un CDD puis un CDI, alors ils développent un comportement individualiste. » (Syndicat) 4. La création d’entreprise par les jeunes issus de l’immigration De façon générale, la création d’entreprise peut être un moyen de répondre aux difficultés d’emploi. Ce qui amène à la création d’entreprise, c’est le désir de créer son propre emploi, et d’acquérir une indépendance. Le projet peut se faire en réponse à une situation professionnelle souvent précaire. Toutefois, ce n’est pas un choix par dépit : il existe une vraie envie de créer son entreprise. « Ainsi, dans la ZUP, on aide des gens de la communauté maghrébine dont on sent qu’ils en ont envie. » (CCI) Les entreprises créées ont une pérennité de 50 à 60% au bout de 3 ans, qui monte à 80 voire 90% si elles bénéficient d’un suivi accompagné. Les entreprises créées sont le plus souvent de très petites entreprises (à 90%), qui ne créent pas d’emplois. Deux programmes permettent le soutien des projets de créations, notamment de jeunes : - - EDEN est une avance remboursable de l’Etat de 6096 euros, dont les moins de 26 ans peuvent bénéficier. Le gestionnaire local en est l’ADIE qui compte 2 conseillers à Charleville-Mézières. Envol est un dispositif régional destiné aux demandeurs d’emploi, qui permet un suivi du projet sur 3 ans. Les créateurs issus de l’immigration présentent des particularités. Leurs projets concernent particulièrement le commerce de détail : - les commerces d’alimentation et la restauration l’équipement de la personne (habillement, maroquinerie), parfois en commerce ambulant. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 35 Les créateurs turcs visent souvent le volet restauration, dans 9 cas sur 10. La majorité du public créateur a entre 30 et 40 ans. Mais les créateurs issus de l’immigration sont souvent plus jeunes, entre 20 et 30 ans. Les créateurs immigrés ou issus de l’immigration sont majoritairement d’origine maghrébine. Les créateurs issus de l’immigration peuvent être confrontés à des discriminations. Ces entrepreneurs sont décrits comme ne rencontrant pas de difficultés spécifiques. L’accompagnement se fait de façon indifférenciée, quelque soit l’origine de la personne. Les aides financières et d’accompagnement sont mobilisables pour l’ensemble du public. « Le fait qu’un dossier de création soit refusé ne dépend pas de l’origine du porteur de projet mais de son profil et de son projet lui-même. Certains peuvent toutefois le vivre comme une discrimination. » (CCI) Toutefois la création d’une activité économique oblige à se confronter à des réalités parfois discriminantes. « Il peut arriver que les créateurs issus de l’immigration rencontrent des difficultés liées à l’origine, que l’on connaît tous. Par exemple, certains propriétaires peuvent refuser la location de leurs locaux pour en faire un local commercial. » (CCI) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 36 E - L’ACCES AU LOGEMENT Les acteurs rencontrés décrivent pour certains une forme de ghettoïsation délibérée de la part des bailleurs sociaux, visant à regrouper dans les mêmes escaliers les familles d’origine immigrée. « Lors de la recherche de logement, les immigrés ou issus de l’immigration sont mis au même endroit. Plus les logements sont neufs, plus ils sont habités par des gens d’origine européenne. » (SPM) Les deux bailleurs sont présents dans toute la ville, mais surtout à la ZUP pour Espace Habitat (EH, 800 logements) et fortement à Torcy-cité et à la ZUP pour l’OPAC. 1. Les obstacles pour l’accès au logement des jeunes. Les bailleurs citent avant tout les ressources comme obstacles dans l’accès au logement. L’offre de logements est en effet réelle, surtout avec l’OPAH. « Le seul obstacle pour l’accès au logement des jeunes, c’est celui des ressources, qui sont peu stables. Si le jeune est au RMI ou en mission d’intérim, c’est difficile. Et quand bien même le jeune est par bonheur en CDI, on lui demande des garants ; or si ses parents sont sans emploi cela devient difficile. Le seul obstacle que je vois, c’est au niveau des ressources. » (OPAC) « Le principal problème des demandes de logement reçues, c’est l’aspect financier. Si on attribue un logement alors que quelques mois après on sait que les locataires ne pourront pas le payer et devront être délogés, c’est là qu’on pourra être traités de racistes. Ceux qui ne travaillent pas ne peuvent pas être orientés n’importe où : il faut un immeuble où il y ait peu de charges. Ce sont donc les ressources qui vont conditionner le choix du logement. » (EH) Mais les jeunes issus de l’immigration sont décrits comme « souvent meilleurs payeurs que les autres, ils ont plus de respect » (EH). L’attribution d’un logement se soumet également à d’autres stratégies plus subtiles, où rentrent en compte les images des jeunes, potentiellement bruyants. La taille, le prix, la composition du voisinage, sont autant d’éléments importants pour l’attribution du logement. « Des précautions sont prises pour répondre à la demande des jeunes. Les troubles de jouissance sont les plus difficiles à traiter, aussi, plus que les dettes locatives. Les problèmes de drogue sont ingérables au niveau des locataires. Forts des expériences passés, on fait donc attention parce qu’un mauvais placement peut ramener la pègre, et dynamiter une entrée. Systématiquement, une enquête est donc menée, une enquête de voisinage : se rendre au domicile des gens permet de se rendre compte. L’objectif est de jouer la carte de la mixité. Il faut arriver à un dosage savant en fonction de la conception des bâtiments. Si la cage est surtout composée de F5 avec quelques F2, on FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 37 fait attention à ne pas mettre des jeunes qui vont mettre le tintamarre toute la nuit. On essaie que ce soit harmonieux, de mettre des gens qui vont ensemble. Dans une cage où il y a surtout des personnes âgées, on ne va pas mettre un jeune. Il faut aussi avoir les moyens de mixer : dans la tour Saphir, il y a des F1, F2, F3, donc il ne peut pas y avoir de grandes familles, sans grands logements. Ailleurs, les logements vont du F2 au F6. La majorité sont des F3, F4. » (EH) Les demandes d’appartement concernent surtout le centre ville « Le problème c’est que tout le monde veut être en centre ville, pas dans la ZUP. La plupart des jeunes demandent le centre ville, mais nous sommes plus présents sur la ZUP et l’avenue de la Marne, moins sur le centre. Les petits logements sont surtout sur la ZUP. » (OPAC) « Les jeunes veulent se sauver de la ZUP, même ceux qui sont issus de la ZUP. Alors on explique qu’il y n’y a pas d’autres possibilités du fait de leurs ressources, et que c’est là, pour un premier endroit. Nous, on prend le temps d’expliquer, alors c’est rare qu’on nous accuse ensuite. Notre rôle, c’est de communiquer avec les gens. Mais eux ils veulent s’en échapper, socialement. C’est logique, c’est un cursus, un désir d’ascension sociale. Leur rêve, c’est d’avoir un petit appartement en centre ville, ou un pavillon. » (EH) 2. La réponse au soupçon de discrimination dans l’attribution du logement est l’explication économique. « La population est différente entre les quartiers parce qu’en centre ville, les réhabilitations font que toutes les charges incombent au locataire. Il faut donc faire davantage attention pour les attributions. En plus les emprunts réalisés ne sont pas les mêmes, ce qui se répercute sur les loyers. Comme ce sont de vieux immeubles, les charges de chauffage sont également multipliées. D’ailleurs en centre ville, il y a aussi des gens issus de l’immigration. Mais ils sont parfois obligés de revenir à la ZUP, parce que les charges sont trop importantes. » (EH) Cela permet de renvoyer le problème du côté de l’emploi : « La seule solution à ce problème, c’est l’emploi, après tout s’estompe. » (EH) Des dispositifs spéciaux existent pour les jeunes « Quand les gens ont besoin d’un accompagnement au logement, alors des structures existent : le foyer l’Espérance, Travail Partage, Encre. Des contrats sont aussi signés avec l’UDAF pour les jeunes 18-25 ans. L’UDAF loue des logements pour y mettre des jeunes. Le problème se pose surtout pour les jeunes de 22-25 ans, qui n’ont pas encore le RMI mais sont par exemple en Contrat de Qualification. Se pose le problème des ressources, des impayés. » (EH) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 38 La demande de logements des jeunes issus de l’immigration est faible. « Les jeunes de nationalité étrangère ou d’origine étrangère sont gérés au même titre que les autres. Mais il y a très peu de jeunes issus de l’immigration qui demandent. Ce sont des jeunes sans emploi, beaucoup sont encore au foyer, c’est lié au manque de ressources. On se rend compte que les plus de 30 ans sont encore au domicile familial, ils sont revenus du fait de leur manque de ressources. Les enquêtes sur l’occupation sociale des années précédentes montrent qu’il y a plus de jeunes qui restent au foyer familial. » (OPAC) La question de l’accès au logement semble donc ne pas concerner les 16-25 ans. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 39 Deuxième partie : Analyse des entretiens avec les jeunes A – PRESENTATION SYNTHETIQUE DES RESULTATS 1. La « discrimination » est un sujet qui n’est pas bien identifié par les jeunes rencontrés. Les jeunes rencontrés ne déclarent pas tous se sentir victimes de discriminations : - 10 d’entre eux estiment avoir vécu une situation « discriminante » (surtout les garçons, de tous niveaux de formation) ; - d’autres disent se poser la question, du fait d’une différence de traitement ressentie, sans oser utiliser ce mot ; - d’autres encore disent ne pas s’être posé la question (surtout des filles, et des nouveaux arrivants) ; - tous parlent plus largement de « racisme » de la part des employeurs mais aussi dans la vie de tous les jours, dans les commerces, dans la rue. Ils expliquent ce racisme par des amalgames opérés par les commerçants et les employeurs, entre : - les jeunes habitants des quartiers du Lac et de Torcy-cités, vus comme des délinquants, - les immigrés, et les personnes issues de l’immigration, perçus comme un ensemble indifférencié (« arabes, musulmans »). A partir de leur nom, leur adresse, leur apparence, les jeunes rencontrés se voient ainsi apposer une étiquette dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Eux-mêmes valorisent au contraire la diversité culturelle de leur quartier, de leur ville, ce qui souligne notamment l’effet positif des actions du contrat de ville visant à changer l’image des quartiers de Sedan. Ainsi, la distinction entre racisme et discrimination n’est pas opérée par les jeunes rencontrés. - Cela est à relier à l’existence de moyens d’éducation contre le racisme existant localement (débats en classe, semaine contre le racisme). La communication sur les discriminations apparaît moins identifiée par les jeunes, malgré des affiches dans les structures, informant sur le 114. Il résulte de ce fait un découragement pour lutter contre les discriminations : à quoi bon s’attaquer au « racisme », vu comme diffus et très répandu ? FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 40 2. Dans la recherche d’emploi, les discriminations sont surtout révélées lors de l’embauche. Le système scolaire et l’orientation ne sont pas ressentis comme des étapes où s’opèrent les discriminations ethniques et raciales. La difficulté à s’orienter provient soit d’un problème de niveau scolaire, soit d’un déficit d’information : il s’agit d’un processus de différenciation davantage sociale que liée à l’origine. Le recours aux structures intermédiaires de l’emploi (avant tout la PAIO) est assez systématique. - - Le passage par les centres sociaux ou la MJC constitue une première étape : les jeunes y trouvent une aide concrète dans leurs démarches (rédaction de CV, informations, orientation vers le service public de l’emploi) voire des formations et des offres d’emploi (CES, BAFA). A l’ANPE et à la PAIO, les jeunes déclarent ne pas toujours trouver des réponses à leurs attentes : ces structures se voient reprocher de ne pas répondre assez vite aux demandes d’emploi et de formation, et de ne pas être adaptés aux plus qualifiés. Cela n’est toutefois pas spécifique aux jeunes issus de l’immigration : si certains soupçonnent ces structures d’être « racistes », du fait de leurs attentes déçues, les jeunes non issus de l’immigration leur font les mêmes reproches. C’est face aux employeurs que le sentiment d’être discriminés peut apparaître. - - - les jeunes rencontrés soulignent l’existence d’obstacles réels, communs à tous les demandeurs d’emploi : le contexte économique local, le manque de mobilité, la discrimination sexiste. Cela leur fait relativiser l’idée d’une discrimination ethnique et raciale. La discrimination est constatée lors des tests informels opérés par les jeunes (candidature faite avec un ami ayant le même profil). La discrimination est soupçonnée lorsque les candidatures ne reçoivent pas de réponses, ou des réponses jugées non pertinentes. Alors, le racisme ambiant amène certains jeunes issus de l’immigration à penser que leur nom ou leur apparence a été un obstacle à leur embauche. Les discriminations se manifestent encore dans l’emploi même, par une différence de traitement entre salariés. 3. Face à cette situation, les jeunes rencontrés ne souhaitent pas dénoncer ces différences de traitement. Les témoignages soulignent un manque de confiance dans l’efficacité d’une telle action. - les jeunes ne sauraient pas à qui s’adresser pour en parler. ils n’ont pas d’exemples de plaintes ayant abouti positivement. Certains ne souhaitent pas non plus faire de vagues en engageant des démarches. Puisqu’ils constatent un racisme ambiant, il leur semble difficile de s’y attaquer et de faire changer les choses visiblement. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 41 Cela engendre des réactions opposées. - - le fatalisme et le désespoir prévaut chez des jeunes cherchant depuis longtemps un emploi : ils se sentent seuls et exclus des normes de la réussite. Pour fuir ce fatalisme, l’envie de Sedan partir est forte : partir là où « il y a moins de racisme », plus d’emploi, et où l’image des quartiers est moins prégnante. Cette envie n’est toutefois pas toujours concrétisée, du fait des obstacles (financiers, familiaux) à la mobilité. L’envie de se battre « deux fois plus » et de faire ses preuves se retrouve davantage chez des jeunes diplômés : il s’agit de ne pas se placer en victimes mais de s’orienter aussi vers des secteurs moins discriminants. Ces constats soulignent la nécessité d’une action d’information sur la notion précise de discrimination, afin de qualifier les faits qui en relèvent effectivement et de la distinguer du racisme. L’absence de dénonciation des situations discriminantes côtoie paradoxalement les rumeurs et les tests informels avérant les pratiques des employeurs. Une action de révélation des cas semble nécessaire : • pour faire prendre conscience que la situation est connue et préoccupe les acteurs locaux, • pour montrer que les discriminations ne sont pas une fatalité et se combattent, • pour stopper d’éventuelles utilisations abusives du terme, montrant les employeurs comme des « fachos ». FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 42 B – LA DISCRIMINATION ET LE « RACISME » VECU ET RESSENTI PAR LES JEUNES A SEDAN : ELEMENTS GENERAUX 1. La « discrimination » n’est pas un sujet évocateur pour tous les jeunes rencontrés Le premier constat qu’il importe de souligner est que le mot de « discrimination » ne suscite pas toujours de réaction parmi les jeunes rencontrés. Plusieurs raisons expliquent ce constat. 1.1. Le mot n’est pas toujours connu ni défini. Cela apparaît notamment pour les jeunes primo arrivants qui ne maîtrisent pas encore la langue française. Le mot de discrimination je ne connaissais pas. J’ai demandé au Centre Social ce que ça voulait dire. (Karima) 1.2. Certains estiment n’en avoir jamais fait l’expérience directe. Ils déclarent d’ailleurs ne pas se poser la question. Cela est particulièrement flagrant chez les jeunes filles rencontrées. Moi j’ai la nationalité française. Mais j’ai jamais calculé qu’on pouvait me refuser à cause de mon nom. Parce qu’à la ville ils m’ont pris comme animatrice au mois de décembre, donc ça va. (Nedjma) Dans ma recherche d’emploi, j’ai fait beaucoup de courriers, de candidatures, j’ai participé à des entretiens. Mais je n’ai jamais ressenti de racisme, pas à mon égard. Moi, je suis issue de l’immigration maghrébine. Peut être que j’ai eu des doutes, parfois, avec du recul j’ai eu des entretiens d’embauche bizarres. (Latifa) 1.3. Le mot de « discrimination », ethnique ou raciale, est peu évoqué. A l’embauche, n’ayant aucune preuve de la raison de sa non sélection, le jeune n’ose pas toujours utiliser le mot de « discrimination ». Ce cas, qui sera détaillé ultérieurement, a été largement rencontré. Il entraîne un fort sentiment de différence par rapport aux autres, et d’injustice. Moi je n’en peux plus : j’ai de l’expérience et pourtant je ne trouve rien du tout. Je ne dis pas que c’est de la discrimination, mais ils font leur choix, c’est tout. (Mourad) Quand j’étais au centre de formation en Bac Pro compta, il y avait deux blanches qui avaient écrit à PSA à la ZUP. Elles ont eu une réponse positive, et moi j’ai reçu un courrier disant qu’ils ne prenaient pas de stagiaires. Dans ces cas là on se sent minable. On a l’impression d’être des animaux, de ne pas être humain. (Mehdi) Il importe de souligner que l’affirmation et l’emploi du mot « discrimination » a été beaucoup plus fort chez les jeunes hommes rencontrés (7 s’en estiment victimes) que chez les jeunes femmes (3 seulement). FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 43 Il est intéressant de rapprocher ce constat de celui effectué dans une autre étude, portant sur les jeunes du 19E arrondissement de Paris. Dans ce cas-là, les jeunes rencontrés déclarent que « les discriminations, ça existe, mais je n’en ai pas vécu directement » (14 cas sur 21). Le mot « discrimination » est identifié, reconnu, et lié à un discours général dénonçant une stigmatisation du quartier et de l’origine. Pourtant, peu estiment en avoir été victimes. A l’inverse, le discours des jeunes de Sedan souligne qu’ils se sentent victimes d’une différence de traitement, sans forcément la nommer : ils le mettent sous le terme de « racisme ». 1.4. Le mot « discrimination » est employé alors dans les cas très reconnus. Les jeunes emploient ce mot soit lors de cas flagrants de différence de traitement selon des critères d’origine (à l’entrée des boîtes de nuit par exemple), soit en référence à ce que les médias en montrent. Les reportages télé servent ainsi à appuyer l’argumentation des jeunes sur leur expérience personnelle. J’ai vu un reportage, dans les agences d’intérim il y a un code pour les Français, un code pour les Musulmans. (Souad) J’avais vu un reportage à la télé, une femme avec beaucoup de diplômes, d’origine algérienne. Elle était au chômage. Eh bien le ministre lui a trouvé un travail. Il y avait un débat, quand j’ai vu ça j’ai eu envie de vider mon cœur. (Houaria) C’est connu que dans l’intérim il y a des discriminations. J’ai vu Zone interdite, où ils montraient que dans les dossiers il y a une case où l’employeur marque s’il préfère les Français ou des gens de toutes origines. (Sylvain) J’ai vu un reportage une fois sur M6 où la meuf, une rebeu, elle était obligée de changer de couleurs de cheveux. C’est une mentalité qui ne date pas d’aujourd’hui. Mais c’est le sentiment qu’on ne nous donne pas notre chance. (Jalil) 2. C’est davantage le « racisme » qui est ressenti et mis en avant. 2.1 Les entretiens soulignent une forte confusion entre le « racisme » et la discrimination ethnique ou raciale. Les deux mots sont employés indistinctement par les jeunes rencontrés. Ce racisme passe par la violence, physique et verbale. Pour moi, la discrimination, c’est la violence, ce sont des mots vulgaires. Le racisme, ça provoque beaucoup de choses. Ça provoque la bagarre. Maintenant, on ne devrait plus entendre ça, ce n’est pas normal. (Nedjma) Souvent on entend « c’est encore les Arabes, c’est encore les bougnoules ». Pour moi, ça c’est de la discrimination. Des fois, entre nous aussi, on se dit « sale bougnoule », mais c’est pour rire dans la classe, on délire, mais ça ne va pas plus loin. (Souad) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 44 De ce fait, la discrimination à l’embauche se jauge au degré de « racisme » de l’employeur, c'est-à-dire de façon visible à l’apparence des employés. Chez Carrefour et Cora, sur Charleville, ils ne sont pas racistes, parce qu’il y a des mélanges : il y a des Françaises, des Portugaises, des Algériennes. (Rachida) Chez Leclerc il n’y a jamais une caissière arabe. Alors que chez Carrefour, Cora, il n’y a que ça ! Du coup la rumeur c’est que le patron du Leclerc c’est un facho. (Souad) Ce racisme, basé sur l’apparence, est ressenti comme particulièrement fort dans la région, en comparaison à d’autres. Le Nord et les Ardennes sont alors opposés au « Sud » mais aussi à la région parisienne, lieux décrits comme moins imprégnés de racisme. Je pense qu’il y a des régions plus touchées par le racisme que d’autres. Dans le Sud, là bas, les peaux mates, ça passe. Ici, dès que t’es bronzé, c’est la fin du monde. (Sylvain) 2.2 Ce racisme est observé et subi dans beaucoup de domaines de la vie quotidienne locale. • Des remarques racistes, parfois des injures, dans la rue ou le voisinage, sont l’expression la plus visible de ce racisme ambiant décrit par les jeunes. L’insulte de « bougnoule » est la plus fréquemment citée. Une fois, on se promenait avec des copines, et il y a une femme qui regardait la vitrine et qui a dit « il n’y a que les arabes qui prennent ça, les bougnoules ils prennent tout ». Elle nous a vu ensuite et elle a dit « c’est pas pour vous que je dis ça ». Alors j’ai dit « je suis quand même Algérienne ! ». Franchement, ça fait chaud ! ça me met en colère ! ça me donne envie de les claquer, ces gens. Mais je ne peux pas, je ne veux pas rentrer dans la violence. (Nedjma) Et puis dans certains bars, dans les petites villes, comme à Floing, à Balan, à Bazeilles, ils sont plus racistes. Une fois, un soir, une voiture s’est arrêtée, ils m’ont proposé de monter, et comme je voulais pas, ils m’ont dit « sale bougnoule ». (Rachida) Une fois, une petite voiture sans permis s’était garée sur deux places. Alors j’ai dit à la personne « c’est pas malin ». Elle m’a répondu « retourne dans ton pays ». A la rigueur je pourrais faire abstraction de ce genre de choses, mais là ça m’a énervé. (Mehdi) Avant j’ai habité dans un autre quartier, à côté du Leclerc. Là bas il y a beaucoup de racisme. J’avais mis de la musique raï. Ma voisine d’en dessous est montée, elle m’a dit « on ne met pas de musique algérienne ici ! ». J’ai dit, « je suis chez moi, je fais ce que je veux ». Le gardien m’a dit après que ces gens sont racistes. C’est dur, parce que des personnes comme ça vous ne savez pas quoi leur dire. (Houaria) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 45 • Dans les commerces, ce racisme ressenti se manifeste par une plus grande méfiance à l’égard des jeunes issus de l’immigration, ou des jeunes en groupe. Nous, quand on va au Shopi, ils nous suivent, ils croient qu’on va voler. Autant qu’ils fassent nos courses tout seul ! Une fois on s’est pris la tête avec le responsable. Il a dit « vous avez volé des bouteilles de whisky ! ». Moi, je ne comprends pas. Pourtant les vigiles c’est des arabes. (Souad) Dans les magasins en ville, ils nous surveillent et parfois même ils nous interdisent de rentrer. Dans les magasins de sport par exemple. En disant « vous êtes 4, vous ne rentrez pas ». (Bryan) Certaines jeunes filles citent par ailleurs des manifestations de racisme qu’elles observent par rapport à leur mère. Le voile, ou la difficulté à s’exprimer, sont autant d’obstacles entraînant une différence de traitement dans les commerces ou les administrations. Même ma mère, elle porte le foulard, elle rencontre plein de problèmes. Elle se débrouille. Mais à la Mairie par exemple on lui dit « je ne comprends pas ce que vous dites ». A la banque, pareil, la dame elle n’a pas de patience pour écouter ma mère. Et puis sur le marché de Sedan, il y a beaucoup de femmes arabes, elles parlent beaucoup. Alors des gens disent « ah là là, ils font chier ces arabes ». (Souad) Le racisme, oui, j’en vois. Je connais 2-3 personnes qui restent loin de toi. Ils regardent les étrangers à l’envers. Je les ai vus, dans les bureaux, par rapport aux gens avec un voile. (Gülcan) • Le cas le plus flagrant est celui de l’entrée en boîte de nuit, pour laquelle le mot de discrimination peut être plus facilement utilisé. Le week end dernier, j’étais en Belgique, j’ai fait 3 heures de route avec des copains. Tout ça pour entendre « non, c’est une soirée privée », « vous n’êtes pas un habitué », « il faut une carte de membre », alors que les autres n’ont pas ça. C’est pareil, dans des bars, quand on veut aller boire un coup, on nous dit « non, vous ne rentrez pas ». Voilà, on ressent des tensions, c’est des petites lapidations verbales ». C’est subtil, mais comme on dit ça atteint la susceptibilité. (Aziz) Dans les boîtes c’est mythique. C’est interdit aux arabes ! c’est sûr à 100% ! ça m’est déjà arrivé. On me dit « c’est une soirée privée, tu ne rentres pas ». Une fois j’étais avec une meuf, j’ai pas pu rentrer. Depuis, j’y retourne plus, je ne parle plus. Sur le coup j’ai la haine. Mais je n’oserais pas porter plainte. (Mourad) Bien sûr, tout jeune a vécu ça. Même, avant d’y aller, on se prépare à savoir ce qu’on va faire si on n’est pas pris. (Karim) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 46 • Ce racisme est également ressenti dans le rapport aux institutions, telles que la police ou la justice. Elle passe par une différence de traitement dans les paroles et les contrôles effectués. La police, pour moi des fois c’est des racistes. Parce qu’il y a des gens qui sont délinquants, mais il y a aussi des enfants qui sont pris pour rien du tout. Alors j’ai l’impression qu’il y a une différence de traitement. Aussi, une fois, le juge m’a parlé mal, comme à un chien. Alors j’ai mal répondu. Mais comme j’ai répondu au juge ça a tout mis à l’envers. Maintenant, je reste calme, avec mes gamines. Ensuite l’assistante sociale a dit que je n’étais pas une mauvaise mère. Et le procureur m’a mieux parlé. (Linda) • Le racisme évoqué par les jeunes rencontrés n’est pas uniforme. Il est décrit comme étant « partagé » (un racisme venant aussi des jeunes issus de l’immigration). Parce que ça va dans les deux sens. Je connais aussi beaucoup de jeunes qui sont anti français, qui disent « tu vois ce que nos familles ont subi ! ». (Jalil) Le racisme peut être également inter communautaire. Les tensions entre Kabyles et Algériens sont ainsi citées. Il n’y a pas que la discrimination entre les Français et les Arabes. Il y a aussi entre les Algériennes et les Algériennes kabyles. Entre elles, elles s’insultent ! il y a aussi de la discrimination arabes – arabes. Alors que franchement on est tous les mêmes. (Souad) La distinction entre racisme et discrimination n’est pas opérée par les jeunes rencontrés. Ce qui prévaut, c’est l’idée de « racisme » : cela est à relier à l’existence de moyens d’éducation contre le racisme existant localement (débats en classe, semaine contre le racisme). La communication sur les discriminations apparaît moins identifiée par les jeunes, malgré des affiches dans les structures, informant sur le 114. Il résulte de ce fait un découragement pour lutter contre les discriminations : comment lutter contre un « racisme », vu comme diffus et très répandu ? FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 47 3. Les jeunes rencontrés expliquent ces différences de traitement par un amalgame opéré par les acteurs. Dans les entretiens, il apparaît que les jeunes ne sont pas dupes d’un racisme épidermique, uniquement fondé sur la couleur de la peau. Ils évoquent la construction de l’image du jeune de quartier, issu de l’immigration, par le cumul de plusieurs éléments. 3.1. Lorsqu’il vient d’un quartier, le jeune se sent perçu comme appartenant à un ensemble dangereux, porteur de délinquance. • Dans la scolarité, ou dans le monde du travail, les jeunes rencontrés ont l’occasion de mesurer combien leur quartier d’origine peut être perçu de façon négative. Les ouvriers me demandent d’où je viens. Quand ils entendent ZUP, alors c’est comme s’ils avaient peur. (Bryan) Dans mes stages, quand je disais que je venais de Torcy mes collègues me disaient « ça c’est un quartier chaud ! », « il y a beaucoup de voitures cramées » ou encore « c’est pas nous qui irons habiter là bas ». Moi, mon quartier, je le vois calme. On s’habitue à tout, au bruit. Des fois ma mère me dit « je vais déménager pour aller dans un quartier plus calme » mais moi je dis « non, on est bien ici ». (Nedjma) Quand j’étais au lycée, on me disait « tu n’as pas peur d’être toute seule dans ton quartier », et puis on ne venait pas m’agresser. Pourtant j’étais une fille ! Moi, j’ai grandi avec des jeunes du quartier, des Marocains, des Algériens, des Turcs. En fait c’est l’image que les gens se font qui est fausse. Les gens à force de parler, ils se montent la tête sur la ZUP et l’Avenue de la Marne. En fait moi je n’ai jamais eu de souci. C’est vrai qu’il y a 20 ans, la ZUP c’était calme, agréable à vivre. Maintenant c’est le bordel, c’est délabré, c’est sale. Parce que ce sont des gens qui n’ont pas beaucoup d’argent. Après on dit « c’est un quartier de fous ». (Nathalie) Mais à la ZUP, c’est vu comme New York. Il y a des gens, on leur dit « ZUP », ils ne veulent pas en entendre parler. C’est pareil, dans les embauches, quand ils voient le quartier, et le mot ZUP, ils se font des idées. Ils le font ressentir sans le dire, indirectement. Ils tournent autour du truc, sans dire vraiment ce qu’ils pensent. Même quand j’étais en stage à Rethel, ils savaient que je venais d’un « quartier », ils demandaient « ça se passe comment, il n’y a pas trop de problèmes ». C’est les gens de l’extérieur. (Amélie) Si le quartier – ici principalement Le Lac et Torcy – est lié à l’idée de délinquance, cela peut entraîner une différence de traitement. Deux collégiens se voient ainsi renvoyer cette image dans leur vie quotidienne. J’ai un prof de maths, il m’a dit direct une fois « ça sert à rien de faire ton caïd. C’est pas parce que t’habites à l’avenue[de la Marne] que tu dois faire ça ». Direct ! Il a une image de celui qui vient d’un quartier. (Abdel) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 48 Quand on se promène, dès que les gens savent qu’on vient de ce quartier, ils appellent les flics. Ils se disent qu’on vient pour mettre le bordel. (Mehmet) Cette image négative semble attisée par des marqueurs, cités par les jeunes eux-mêmes (garçons et filles), comme les habits ou la casquette. Il apparaît dans les témoignages suivants que ces garçons en jouent, ils savent qu’ils peuvent susciter la crainte en adoptant ces codes vestimentaires. Il faut toutefois souligner que ces jeunes garçons sont les plus jeunes rencontrés ; les autres n’ont pas déclaré tenir à ces types de vêtements. La façon dont on s’habille, les gens disent « c’est une racaille ». Les mères de nos copines disent « sors pas avec lui ». Après dans le journal on voit des jeunes qui font des choses, des bagarres. (Bryan) Il y a des discriminations par rapport à la façon de s’habiller. On ne ressemble pas à ce que les autres ils veulent. Ils se sentent mal. (Claus) Ces différents éléments permettent d’expliquer que les différences de traitement ressenties par les jeunes ne s’appuient pas seulement sur une origine ethnique. Le fait d’avoir certains marqueurs, tels que l’adresse, les vêtements, la voiture, entraîne une discrimination ou, du moins, une méfiance des institutions comme la police ou les douanes. La police, ou la douane, des fois ils nous arrêtent, ils croient qu’on a de la dope dans la voiture. Une fois un policier nous avait dit « vous êtes du 08, vous êtes allés vous fournir en Hollande ! ». Voilà, dès qu’on est jeunes, en Golf 4 ou Golf 3, on fait du trafic. Encore, quand on est un mec et deux filles ça va, mais que des mecs, avec des casquettes, c’est pas la peine. (Sylvain) Une fois en allant en boîte, on est allées avec un ami, et puis le mec nous arrête et nous demande « d’où vous venez ? Je peux voir une pièce d’identité ? Vous êtes refoulés ». Parce que la veille il y avait eu des histoires, alors ils faisaient tolérance zéro avec les gens de Sedan. Encore on serait venus en bande, mais là on était 3 ! C’était en Belgique. (Amélie) • L’amalgame est rapidement établi entre ces quartiers vus comme sensibles, la délinquance et les habitants d’origine étrangère. Les personnes extérieures au quartier n’opèrent pas de distinction, ce qui est ressenti de façon injuste par les jeunes. Je ne me suis pas posée la question de la discrimination dans le travail, mais ailleurs, oui. Parce que quand un étranger brûle une voiture ou fait une connerie, tout le monde prend. Alors qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac ! Certains français aussi cherchent les problèmes. Dans le quartier [de Torcy-cités], les voitures brûlées, c’est pas que les arabes. Mais ils deviennent tous racistes, ils disent « c’est encore un arabe qui a brûlé une voiture ». Ils nous mettent tous dans le même sac, alors qu’il y a des bons et des mauvais. (Rachida) Et puis dès qu’il se passe un truc, les gens disent « c’est les arabes ». Pourtant, ces jeunes ils ne font rien de mal. Si la ville leur prêtait des salles, ils ne feraient pas tout ça. Moi, j’ai déjà vu une petite vieille qui se faisait agresser. C’était par des arabes. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 49 Mais bon, il y a aussi des Français qui font des trucs comme ça. Ils deviennent comme des Arabes, dans leur langage, leur façon de marcher. (Souad) Il faut dire que certains du quartier[de Torcy-cités] montrent une mauvaise image. Alors ils le prennent pour tout le monde, même si t’as pas fait de conneries. (Thomas) • Cela ne correspond pourtant pas à l’image que les jeunes ont de leur propre quartier. Pour eux, l’image du quartier est au contraire liée à des aspects positifs de la diversité culturelle. Ici [dans le quartier du Lac], il y a de tout : des Français, des Musulmans, des Sénégalais, des Turcs, des Kabyles. C’est bien. Moi, j’aime bien quand je vois chez les enfants un petit Français avec un petit Sénégalais qui l’aide à mettre ses baskets. C’est bien si plus tard c’est pareil. Là, mon frère il est avec une Française, ça se passe bien avec ses parents aussi. C’est beau, ça ! (Souad) Dans le quartier [de Torcy-cités], il n’y a pas de racisme, on est tous mélangés. On ne va pas non plus marcher dans leur jeu de racisme. Il n’y a pas de personnes plus françaises, il y a des Kabyles, des Français. (Rachida) La mixité culturelle est vécue comme un atout, une richesse. L’image de la vie dans le quartier est positive, elle prend en compte la solidarité, l’interconnaissance, les structures d’animation et d’activités existantes. Certains, du quartier de Torcy-cités, soulignent toutefois un sentiment d’abandon du quartier par les pouvoirs publics, voire d’exclusion. Il y a une discrimination entre le centre ville et la périphérie. Il faut une demi heure de marche pour aller en centre ville. Il n’y a pas de bus, alors on a plutôt l’habitude de faire du stop. (Jalil, Torcy-cités) Les jeunes dans le quartier, ils n’ont rien à faire, ils vont rester seuls dehors et se débrouiller avec les moyens du bord. Et puis le quartier est délaissé, ça devient un bidonville. (Mehdi, Torcy-cités) 3.2 Ainsi se construit une image négative autour de « l’étranger », et plus spécialement de « l’arabe », selon les jeunes. Cette image sous tend le racisme évoqué précédemment. Elle est ressentie comme injuste par les jeunes rencontrés. • Les jeunes nés en France, de nationalité française, expriment l’injustice de se voir confondus avec les générations précédentes, et vus comme étant toujours étrangers. Le racisme, c’est surtout quand on est d’origine algérienne ou marocaine. Même italienne ! Pour certaines personnes, on est toujours des étrangers. Alors ils ne veulent pas te prendre pour un travail parce que tu es d’origine algérienne. Ou pour FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 50 un appartement. Mais moi pour l’instant je n’ai jamais eu ce genre de problème. (Houaria) Parce que dans la génération de mes parents, les ¾ sont analphabètes. Alors les gens généralisent. Ils ont tellement eu l’habitude. (Jalil) C’est peut être la guerre d’Algérie qui fait ça. En plus ce qu’ils ne savent pas, c’est que mon grand père, il travaillait pour un entrepreneur français, il s’est pris deux balles dans la tête ! Mais mon père, il est né en France, il est vachement ouvert. Il a fait en sorte qu’on soit bien éduqués. Mais les gens ne cherchent pas à comprendre. (Sylvain) Le nom de famille peut alors être ressenti comme un stigmate de cette appartenance, qui apparaît comme un handicap. Mon père est marié à une Française. Alors mon problème c’est que j’ai un nom de famille arabe, et un prénom français. C’est mal vu je pense. Quand j’étais jeune je me faisais traiter de sale Français ou de sale arabe, j’étais tiraillé entre deux mondes. (Sylvain) • L’absence de distinction entre « Arabes » et « Kabyles » peut être ressentie comme une vexation. Une fois quelqu'un m’a dit « sale Arabe », je lui ai répondu « insulte moi correctement, je suis Kabyle. » (Jalil) • L’amalgame entre Arabes, Musulmans, et terroristes est encore cité. Attisé par les médias, il est vécu de près par un des jeunes, qui se voit caricaturé en Ben Laden. Si les gens en nous voyant ont une crainte, ça pose problème, surtout que les médias n’aident pas à décrisper les gens. Les médias confondent tout, l’Islam, le 11 septembre, ça créé la peur, la méconnaissance qui fait que les gens ont peur. Alors il faut du dialogue, de la médiation, mais ça prend du temps. (Latifa) Il y a sûrement un amalgame entre Arabes et Musulmans. Les arabes sont vus comme des musulmans, qui sont vus comme des terroristes. Moi, on m’a déjà fait des blagues, on a gribouillé ma photo avec une barbe de Ben Laden. (Sylvain) J’ai travaillé dans un bar en Belgique. J’ai subi les discussions « les arabes ceci, les arabes cela ». Le soir du 11 septembre, c’était tous les clichés « tous ces arabes, c’est des terroristes. Alors ce soir là je ne l’oublierai jamais. On était plusieurs à travailler, mais je ne me sentais pas bien. (Mourad) Depuis le 11 septembre les gens se disent « derrière chaque arabe il y a peut être un terroriste ». Et puis pour les arabes c’est pareil, ils se disent que derrière chaque Français il y a un anti terroriste. (Jalil) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 51 • Il est intéressant de souligner un paradoxe : certains jeunes condamnent cette image de « l’Arabe », vu comme un étranger distinct des « Français ». Pourtant, dans leur discours, ils reprennent ces appellations. Plusieurs parlent des « Arabes, Algériens, Marocains », pour désigner des jeunes issus de l’immigration possédant la nationalité française, afin de les distinguer des « Français », définis par leur couleur de peau. D’autres encore utilisent indistinctement les termes de « Musulmans » et « d’Arabes ». • Echapper à ces images, à ces amalgames, apparaît comme nécessaire pour l’insertion professionnelle. Toutefois, quatre des jeunes hommes rencontrés ont souligné leur agacement à être considérés comme des « exceptions qui confirment la règle », comme si leur insertion ne faisait que renforcer les stéréotypes existants. Ce qui me tue c’est quand les gens disent « je t’aime bien, toi, mais tu n’es pas comme les autres ». On a toujours l’impression de devoir prouver quelque chose, quoi, je ne sais pas. (Jalil) 4. Le logement, un secteur vu comme discriminant, sans que les jeunes ne soient concernés 4.1 Quelques-uns des jeunes rencontrés ont évoqué le cas des discriminations dans l’accès au logement. Selon eux, ce sont toujours les mêmes quartiers qui sont désignés par les bailleurs pour l’attribution d’un logement à une personne immigrée ou issue de l’immigration. Moi, je n’ai jamais eu de problème ou de difficulté autre. Sauf liée au logement. Quand j’ai eu un poste à Reims, il a fallu que je cherche un logement. J’ai demandé un quartier précis à l’OPAC de Reims. Mais j’ai été mise d’office dans le quartier de la Croix Rouge. Donc là je pense qu’il y a des choses à améliorer. (Latifa) Dans le logement, il y a des discriminations. Mais nous on n’est pas encore confrontés à ça. Si on demandait on nous dirigerait vers l’OPAC, pour avoir des cages à lapin. A Reims, on nous dirigerait vers la Croix rouge. J’ai des copains, pourtant, qui ont des appart en centre ville. (Karim) 4.2 Les jeunes rencontrés estiment toutefois ne pas encore être concernés par ce type de questions. Peu d’entre eux ont pris leur indépendance de chez leurs parents. Le logement, je n’en cherche pas. Je quitterai la maison quand je serai mariée. Moi, il faut que je prévienne une semaine à l’avance quand je veux sortir, pas mon frère. (Souad) J’habite toujours chez mes parents, j’espère pouvoir leur offrir une maison un jour. (Jalil) Je chercherai un appart plus facilement quand j’aurai un CDI. (Mourad) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 52 C – LE PARCOURS SCOLAIRE : LA MISE EN PLACE D’UNE DIFFERENCIATION Les jeunes rencontrés font peu mention de cas de discrimination dans leur scolarité ni dans leur orientation. Ils n’utilisent pas ce terme mais soulignent toutefois les problèmes d’accès à l’information qui influent sur la réussite ou l’échec de leur choix d’orientation. 1. Le racisme décrit précédemment est ressenti au cours de la scolarité 1.1. Certains jeunes évoquent une différence de traitement dans les cours. Certains professeurs sont décrits comme étant « racistes » car accordant un traitement défavorable au jeune issu de l’immigration, sur la base de préjugés raciaux. La discrimination, en fait, c’est plus du racisme que j’ai vécu. Dans la scolarité, j’ai eu des profs comme ça. En cours de commerce, j’étais tout le temps au fond de la classe mais je ne parlais pas. Mais mon prof m’accusait un peu, alors moi j’ai tapé sur ma table et j’ai dit « vous verrez qui parlera ». Il y avait aussi la question des toilettes. Dans notre classe on n’était pas beaucoup d’étrangers. Le reste c’était des Français. Ils demandaient tout le temps pour aller aux toilettes. Moi, je prévoyais toujours pour y aller avant les cours. Mais une fois j’ai demandé, la prof a refusé ! alors j’y suis allée quand même. (Rachida) Quand j’étais à l’école, dès qu’il y avait une connerie de faite, c’était de ma faute, c’est moi qui étais puni. Alors que j’ai toujours fait en sorte d’être le premier de la classe. J’avais un prof raciste au lycée, qui m’avait dit « arrête de répondre, de toutes façons tes parents c’est des sauvages ». (Sylvain) J’ai déjà entendu des profs dire des trucs sur des élèves. En fait ils font comme s’ils n’étaient pas racistes mais ils le sont. (Mehmet) 1.2. Ce « racisme » observé se transforme en discrimination ressentie lors de l’orientation. Deux jeunes disent avoir rencontré des obstacles dans le choix de leur lycée ou de leur filière, du fait de leur mauvaise relation à un professeur ou de leur nom : le même mécanisme discriminant se retrouverait à l’entrée d’un lycée, comme à l’entrée d’une entreprise. Les profs, pour l’orientation, si tu viens de l’avenue [de la Marne] ou que t’es étranger, ils font tout pour pas que tu aies ce que tu veux. Un jour le proviseur a dit à un élève « de toutes façons je ferai tout pour que vous ne soyez pas accepté là où vous demandez. » Abdel Une fois j’ai appelé un lycée où on m’a dit qu’il restait une place pour le Bac Pro comptabilité. On m’a demandé mon nom, et puis après on m’a dit qu’il n’y avait plus de place. A partir de là j’ai ressenti qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. (Mehdi) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 53 Ce discours s’est peu retrouvé dans les entretiens. Il est en davantage ressorti une difficulté à choisir une orientation scolaire et professionnelle, difficulté non spécifique aux jeunes issus de l’immigration. 2. La différenciation passe surtout par le choix de l’orientation 2.1Certains témoignages soulignent le peu d’information dont a disposé le jeune pour prendre sa décision. • Même s’ils cherchent des renseignements, auprès de leurs professeurs ou de personnes extérieures, certains jeunes s’aperçoivent a posteriori que leur choix s’avère peu judicieux. Vers 14-15 ans, je savais que c’était le milieu éducatif qui m’intéressait. Que ce soit éducateur spécialisé, la PJJ… Tout ce qui était dans le champ social, je voulais travailler là dedans. J’ai eu un bac ES, ensuite j’ai fait un DEUG de droit. Je n’avais pas d’envie particulière. Mais dans un forum j’ai rencontré quelqu'un qui travaillait dans le social et qui avait fait du droit, parce que ça donne une bonne culture générale. Alors moi, naïve, je me suis dit « je vais faire la même chose ». Or ce n’était pas vraiment ça. J’ai entendu parler d’une formation en sciences sociales, une licence professionnelle. Mais j’ai dû passer d’abord un DE en sciences sociales et de l’éducation à Reims. Donc voilà, j’ai été mal informée. En tant qu’étudiante, je ne connaissais pas cette formation. J’aurais pu faire tout ça plus rapidement. (Latifa) Après le collège, on m’a proposé de continuer en blanchisserie, j’ai accepté. J’ai fait un CAP. Ensuite les profs nous ont dit de faire des dossiers pour des BEP, pour continuer en blanchisserie. On nous a dit qu’on pouvait essayer de faire d’autres dossiers, mais qu’en même temps il n’y avait pas beaucoup d’autres possibilités. Enfin, comme il n’y a pas de BEP blanchisserie, il fallait faire Bioservices à Charleville. (Nedjma) • Pour restreindre les risques de se tromper, certains s’en remettent alors à des éléments pas toujours fiables : des filières déjà expérimentées par des proches, ou des mots auxquelles ils attachent une représentation erronée. Je suis allée au lycée du Château, pour faire de la compta, et après j’ai fait avec les moyens du bord. J’avais choisi la compta, parce que ma sœur avait fait ça. Ça ne me branchait pas plus que ça, mais à 16 ans je ne pouvais pas me permettre d’arrêter les cours. Finalement, ça ne m’a pas plu. (Nathalie) Après mon BEPC, j’ai voulu changer d’orientation. Les profs nous ont donné une brochure « équipement, technique, énergie ». Moi je me suis dit que c’était des bons mots, c’est ma mère qui allait être contente ! je pensais que c’était pour travailler à la DDE ! En fait on ne nous avait pas dit, c’était pour être plombier, chauffagiste. Comme c’était pressant de s’inscrire pour avoir de la place dans le lycée, j’ai fait ça à la va vite. (Aziz) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 54 2.2. Plusieurs jeunes estiment par ailleurs n’avoir pas vraiment pu choisir leur orientation. • Les souhaits de filière ne sont pas toujours réalisés, du fait d’un manque de place ou de problème de niveau. De ce fait, le rêve de départ du jeune s’éloigne, et avec la motivation pour la scolarité. Quand j’étais petite, je voulais être prof d’EPS. J’avais des problèmes avec le français, les matières générales. Je ne suis pas allée en lycée général, on m’a refusé ma demande. Alors je suis allée en lycée professionnel, j’ai fait deux années de commerce, distribution, magasinage en BEP. Même là je faisais tout le temps des demandes pour aller en lycée général, mais ça ne marchait pas. (Rachida) Quand j’étais petite mon rêve c’était d’être secrétaire. Mais j’ai fait une terminale dans la filière Bio Services. En 3e mes vœux d’orientation, c’était en premier, la vente, en 2e, le secrétariat, en 3e, les Bioservices. Ils m’ont mis en 3e vœu. C’est dommage parce que j’aimais bien le secrétariat, les outils informatiques. Alors en terminale je voulais être en filière secrétariat, mais pour ça il fallait que je redouble. Alors j’ai arrêté ma terminale, je me suis mariée. (Houaria) • Il en ressort un sentiment d’être désavantagés dans les choix, toutefois nullement relié à une impression de discrimination liée à l’origine. Ce sentiment s’est surtout retrouvé dans le discours des garçons rencontrés. J’ai fait un BEP comptabilité. J’avais demandé à être en vente, mais il n’y avait plus de place. (Mourad) C’est au lycée général que ça a commencé à partir en cacahuète pour moi. C’était l’âge bête. Au bout de ma première seconde, on m’a dit « t’es gentil, tu vas trouver une orientation ». (Jalil) Il y a des profs qui empêchent d’aller en général. Alors nous on prend ce qui reste. (Farid) Il peut alors résulter de ces choix par défaut un désintérêt par rapport à la filière choisie, et une démission de la formation, une sortie sans diplôme. Ainsi Jalil et Sylvain justifient-ils leur arrêt de formation dans des secteurs physiquement difficiles. J’ai fait un DUT industriel, on m’a conseillé de faire un Bac+3. Et puis au fur et à mesure je me suis rendu compte que ça ne m’intéressait pas. Il fallait se lever le matin pour aller à l’usine, et chaque matin je sais ce que je vais faire dans la journée. Quitte à gagner le SMIC, autant ne pas se faire chier ! (Sylvain) Je faisais un BT d’encadrement de chantier. Moi, j’avais du mal à me concentrer sur un seul objectif. Je me suis rendu compte que ça ne m’intéressait pas. Alors on arrête l’école, et bienvenue dans le monde du travail. (Jalil) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 55 • Un déficit d’information peut également amener le jeune dans un secteur où il lui sera difficile de travailler. Ainsi, la non prise en compte des origines ou appartenances culturelles peut entraîner au final un problème d’insertion dans un emploi. Pour Nedjma, les interdits alimentaires liés à la religion l’amènent à réviser ses intentions de travailler dans les bioservices. Elle déclare n’avoir pas eu de sensibilisation à ce fait par ses professeurs. Désormais elle cherche une formation dans l’animation et les services aux personnes. A la PAIO, quand j’y suis allé, on m’a conseillé de ne pas chercher dans les bioservices. Mon conseiller m’a dit « ça ne sert à rien de travailler dans une branche où tu ne peux pas goûter ça et ça », si je ne peux pas goûter de porc. Parce qu’il faut tout goûter. Ça, ils ne nous en avaient pas parlé au lycée. Alors il m’a dit « tu réfléchis à ça ». C’est vrai, quand j’étais en stage à Pierre Bell, j’était obligée de goûter. (Nedjma) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 56 D – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES 1. Le parcours du jeune chercheur d’emploi : les ressources mobilisées 1.1. La recherche par prospection directe, pour les débutants Il apparaît dans les entretiens que la recherche d’emploi passe souvent par une première phase de prospection directe, sans passer par une structure intermédiaire de l’emploi. Il s’agit de se présenter directement à l’employeur pour lui déposer la candidature. • Cette technique est particulièrement utilisée pour les stages ou les petits jobs, mais aussi par les nouveaux arrivants : il s’agit de repérer directement l’environnement de l’entreprise, d’économiser des timbres, de tenter de faire ses preuves à l’oral, et d’avoir une réponse rapide. Ensuite, pour chercher, j’ai cherché des adresses. Pour les trouver, c’est pas dur, tu peux les trouver partout. Une fois je suis allée dans les commerces, je suis entrée dedans, c’est tout. (Gülcan) Pour chercher un stage, j’y étais allée un mercredi. Il n’y avait que ce magasin d’ouvert dans les rues. Et puis j’ai vu marqué « couture » sur la devanture alors j’y suis allée. Au début j’étais timide, mais au fur et à mesure j’ai laissé ma timidité ailleurs. (Karima) A l’ANPE, de toutes façons, il y a une dizaine d’offres par jour, mais avec les timbres, les enveloppes ça fait cher. Et sur 70 candidatures j’ai dû avoir 5 à 10 réponses. (Rachida) • La prospection reste toutefois coûteuse en temps et en énergie. Elle restreint par ailleurs le champ géographique de la recherche, ce qui est peu gênant pour un stage mais pénalisant pour un emploi. Pour chercher mes stages de BEP, je me présentais directement à l’entreprise. J’expliquais que je devais faire 3 semaines de stage, et je demandais s’ils prenaient des stagiaires. J’ai essayé dans les commerces de Sedan et puis à Charleville Mézières, mais après c’est une question de transport. (Rachida) Au début pour les stages j’y allais directement, je me présentais en disant « bonjour, je suis lycéen, je cherche un stage ». Mais souvent il n’y a pas de place. Alors je regarde les entreprises de Sedan sur le Net, et puis j’envoie des CV et lettres de motivation. (Farid) De ce fait, le recours à la prospection reste temporaire ; certains peuvent y revenir lorsque la recherche avec les structures est infructueuse. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 57 1.2 Le recours aux structures intermédiaires de l’emploi • Les premières structures sollicitées pour la recherche d’emploi ou de stage sont les structures de proximité : centres sociaux, clubs de prévention, qui ont l’avantage de la visibilité et d’une relation de confiance entre les animateurs et les jeunes. Ces structures apparaissent comme des lieux ressources à la fois pour obtenir des conseils et des méthodes, et pour directement trouver des contrats dans l’animation par exemple. Après je me suis renseignée auprès d’une animatrice du centre social, pour m’occuper de gosses, parce que j’aime bien ça, m’occuper des gosses. Mais elle m’a dit que je ne pouvais pas faire de CES. Après je me suis renseignée auprès de M. Lemoine, il m’a dit qu’il fallait aussi avoir droit à un CES, et moi je n’avais pas droit. (Nedjma) On m’a aidé à faire mon CV, c’est mon éducateur du quartier, de l’ACPSO qui m’a aidé. Il m’aide à rechercher des stages, des emplois, pour rédiger mes lettres de motivation, passer des coups de téléphone, faire des photocopies. C’est eux qui m’ont dit comment présenter une lettre de motivation. Dans mon CV, en premier je mets la scolarité, en deuxième ma formation, mon expérience, et puis le reste je le mets à part. (Rachida) J’ai vu un conseiller à l’ANPE, il m’a dit « tu vas faire un CV, et le ramener ». C’était obligé. Alors l’animatrice m’a fait un CV, on a marqué les stages que j’ai faits. Et puis le mois où j’ai travaillé dans ce commerce. Parce que quand tu fais ton CV normalement tu marques tout dedans. (Gülcan) Ces structures sont des lieux stratégiques, en particulier pour les primo arrivants, puisqu’elles sont aussi et surtout des points d’orientation vers les intermédiaires de l’emploi. Cela pose problème pour les jeunes résidant dans le centre ville, comme Linda, qui connaît de nom ces différents centres mais ne les fréquente pas. Elle même aura connu la PAIO par son ami. Quand je suis arrivée à Sedan, c’était comme si j’étais dans le désert. Petit à petit, j’ai connu 2-3 personnes à Sedan. Puis dans le foyer, il y a une quarantaine de personnes, que je connaissais. Mais je ne rencontrais pas beaucoup de gens. Maintenant mon copain travaille dans les Centres sociaux et à la MJC, mais je ne suis jamais entrée dans ces endroits là. Il y a plein de gens qui m’ont dit « pourquoi tu ne vas pas là bas ? ». Mais je ne connaissais pas, comme la PAIO, c’est mon copain qui m’a dit « viens, on va aller voir le conseiller ». Avant, je ne connaissais pas. (Linda) • La PAIO apparaît alors la structure référente et incontournable pour les jeunes. Tous les jeunes rencontrés s’y sont rendus au moins une fois, mis à part les deux résidant hors de Sedan et les trois encore en formation. Ils y vont orientés par leurs éducateurs, par des proches, par le CIO (Centre d’Information et d’Orientation) ou encore par l’ANPE. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 58 Les attentes des jeunes qui s’y rendent sont variées et parfois démesurées. Pour ce primo arrivant, il s’agit de répondre à un besoin financier. La PAIO, j’ai connu ça par mon ex. Sa mère travaillait derrière. Comme j’avais un problème pour payer EDF, je suis venu ici. (Blaise) Pour ce jeune, d’avoir des informations sur la création d’entreprise. Moi, si je vais à la PAIO, c’est que j’ai besoin d’aide dans mon projet d’entreprise. Et la première chose qu’ils font, c’est m’expliquer que ça ne va pas être facile. (Jalil) Pour d’autres, il s’agit de trouver une formation ou un emploi, sans avoir forcément de demande précise. Je suis allée à la PAIO. J’avais connu par l’ANPE, et par le CIO. J’avais un correspondant là bas. Je lui ai dit le travail que je voulais faire, il a essayé de me trouver un travail. Des fois, pendant 6 mois, je n’ai plus de nouvelles. Pour le moment, je n’ai rien, pas de formation, pas de stage. J’attendais qu’il me trouve un travail fixe, un métier qui me plaît. (Houaria) Je suis venue à la PAIO et j’ai dit « il faut que vous me cherchiez quelque chose pour m’occuper, n’importe quoi ». (Linda) Du fait de ces attentes peu cadrées et très fortes, les jeunes expriment leur déception face au temps pris par les démarches. Certains en viennent même à soupçonner un traitement différencié des demandes, selon le niveau de formation voire selon l’origine. A la PAIO, j’ai fait des tests pour passer un Bac Pro logistique. J’ai attendu trois mois, tout ça pour qu’elle me dise « non, laissez tomber ». Vraiment, à l’ANPE, à la PAIO, ils ne font rien. (Amélie) A la PAIO, c’est des clowns. Ils devaient m’inscrire dans une formation Bac+3, mais c’était des belles promesses ! Ils préfèrent s’occuper de jeunes qui n’ont pas de diplôme. Moi, j’ai fait des études, ils ne vont pas me filer une formation Bac+2. (Sylvain) La conseillère de la PAIO devait m’inscrire au GRETA de Reims, en Bac Pro Service Accueil. Mais elle ne l’a pas fait. Toujours je suis allée à la PAIO, mais elle ne m’a jamais rappelée, elle ne peut jamais me recevoir. Alors je suis allée voir le Maire, je lui avais fait un courrier, pour demander pourquoi les autres étaient prioritaires. Une fille que je connais, qui est nulle de chez nulle, aujourd’hui elle est en bac pro commerce ! Alors la conseillère s’est fait taper sur les doigts. Franchement ça lui coûte rien de faire mon inscription ! et moi j’attends comme une conne ! Du coup elle m’a mis dans une formation pour se débarrasser de moi. Je ne sais pas si c’est à la tête du client. J’arrive pas à comprendre.(Souad) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 59 • L’ANPE est moins fréquentée par les jeunes rencontrés. Les attentes à l’égard de cette structure sont également importants, et du même fait les déceptions aussi. Certains ont pu trouver un emploi grâce à l’ANPE : Gülcan décrit la démarche comme ayant été très simple. Aujourd’hui je travaille en CES. Je fais le ménage, je nettoie tout. A la MJC, à l’école maternelle, au centre social. J’ai eu ce contrat par l’ANPE. Là bas, tu demandes pour un CES, et s’il y en a, tu rentres et tu le fais. (Gülcan) Plusieurs témoignages évoquent toutefois un manque d’adaptation de l’ANPE aux réalités de la recherche d’emploi et aux individus. Cela passe par des conseils inappropriés, des offres périmées et une gestion perçue comme étant trop anonyme. J’ai un conseiller à l’ANPE, mais c’est comme si c’était une perte de temps. On tourne toujours en rond. Il faut se lever, aller à chaque rendez-vous, pour au final rien du tout. Par exemple l’offre qu’on m’a envoyée de l’ANPE, c’est un CES de maçon. Mais si j’avais voulu faire de la maçonnerie, j’aurais fait ça ! (Mehdi) Une fois à l’ANPE un employé à l’accueil m’a dit que c’était bon, et puis ils m’ont radiée ! ils auraient pu m’écrire une lettre ! Vraiment, on n’est qu’un numéro pour eux. (Amélie) Une fois j’avais rendez-vous à l’ANPE. J’y vais, et puis la femme en face de moi me propose un emploi précis, me sort une feuille pour une boîte à Charleville. Alors j’y suis allée avec mon dossier, mais l’offre n’était plus bonne. J’avais fait un trajet dans le vent ! j’ai pété les plombs ! Je m’étais dit « si c’est l’ANPE qui m’envoie, c’est que c’est bon ! ». (Nathalie) Je vais sur le site de l’ANPE, jamais à l’agence. Parce que les personnes qui me suivent, ils s’en foutent. Il y a que des vieux, ils me disent « c’est bizarre, vous avez un bac+2, vous ne trouvez pas ! ». Je lui parle, il ne comprend rien. Alors pour ne pas perdre de temps, je vais sur le site, comme ça on sait tout de suite ! (Sylvain) De ce fait, l’ANPE peut être perçue comme un centre de ressources avant tout, que ce soit sur Internet, comme Sylvain l’évoque, ou dans les locaux. Je vais à l’ANPE deux fois par semaine. Je n’ai pas de conseiller précis, je regarde les offres. Quand je demande à un conseiller pour savoir ce qu’ils ont à me proposer, ils disent qu’il n’y a rien pour le moment. Alors je regarde, seule, dans les classeurs. Je recherche ce que je pourrais faire. Je fais mes recherches en solitaire. Il n’y a personne pour nous aider. (Houaria) La sévérité des jugements prononcés par les jeunes est à mettre en relation avec une inscription dans le temps différenciée entre les jeunes et les structures. En effet, si trouver un emploi relève d’une urgence pour le jeune, la prise en compte de sa demande par les FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 60 intermédiaires de l’emploi nécessite du temps, notamment du fait des multiples autres demandes. A l’ANPE, ils m’ont proposé quelque chose dans la cuisine. J’ai dit oui, ce sera bien, mieux que rien. Mais je n’ai jamais eu de réponse, depuis longtemps. La dernière fois, c’était avant la naissance de ma fille, il y a un an. Ça me prend la tête, moi j’ai déposé un dossier, et je n’ai pas eu de réponse ! (Linda) • Objectif Emploi n’est cité que par une jeune femme, qui y va sur le conseil de ses parents. Elle estime d’ailleurs y avoir acquis des conseils utiles, comme dans les autres lieux. L’ANPE, Objectif Emploi et la PAIO, surtout, je trouve qu’ils expliquent bien. A Objectif Emploi, on m’a expliqué comment il faut envoyer des lettres. Ça aide à avancer. (Nedjma) 1.3. Le réseau de relations, une ressource fondamentale mobilisée par les jeunes • La famille apparaît comme un lieu d’information important. Le réseau familial permet de connaître les structures et les personnes importantes dans la recherche d’emploi. Parents, cousins, frères et sœurs sont utiles à la recherche de toute information. La PAIO je l’avais connu par l’école. A l’école ils nous ont emmenés à la PAIO pour voir ce qu’ils faisaient. L’ANPE, c’est mes parents qui m’ont dit d’y aller. Objectif Emploi, c’est différent de l’ANPE, mais c’est aussi mes parents qui m’ont dit d’y aller. Mes parents m’avaient aussi parlé de Monsieur Lemoine, ils le connaissent. Et puis l’animatrice du centre social, c’est ma tante qui la connaissait. (Nedjma) Surtout, les membres de la famille sont autant de personnes ressources pour informer sur une place à prendre dans leur entreprise, pour prospecter dans leur secteur d’activité, ou pour transmettre un poste directement. J’ai travaillé à Charleville, parce que ma sœur avait travaillé là bas. Ils avaient besoin de quelqu'un, alors ils m’ont rappelée. (Gülcan) Maintenant, ce que je trouve, c’est aussi par le piston. Par un cousin, une copine, mon père, c’est par rapport à ça. Moi, je connais des personnes, mais qui ne travaillent pas dans le même domaine. Je traîne avec des personnes plus âgées que moi, qui ont jusqu’à 30, 35 ans. (Rachida) Dans la recherche de boulot, mon frère m’a aidé. Il a essayé de me mettre dans la restauration en Belgique, mais la Belgique ça me faisait peur. J’ai fait aussi des gardes d’enfants chez une copine de ma belle sœur. Quand on n’a rien, on est obligés de tout accepter. (Souad) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 61 Les témoignages font par ailleurs ressortir le rôle confortant des parents vis à vis des jeunes en recherche d’emploi. Aucun des jeunes rencontrés n’évoque de pression de leur part. Au contraire, par un soutien financier et matériel, la famille apparaît comme une ressource fondamentale pour les jeunes – notamment les jeunes femmes. Mes parents m’ont toujours dit de suivre la branche qui me plaît. « Si tu aimes bien ce travail tu choisis cette branche et tu essayes d’y rester. Faut que tu avances dans la vie ! ». (Nedjma) Mes frères et sœurs ils travaillent, eux ils peuvent se débrouiller plus que moi. C’est normal, ils sont arrivés plus jeunes, c’est tout. Ma sœur, elle fait ses lettres, elle se débrouille. Mes parents ils ne demandent rien du tout, ils sont contents. Ils ne disent rien, je n’ai rien entendu d’eux. Même quand j’ai arrêté l’école, ils n’ont rien dit. J’ai une famille qui ne me serre pas. On est libres. (Gülcan) Mes parents, ça leur faisait de la peine la période où je ne faisais rien. Ils m’ont toujours aidée, donné des encouragements, je les remercie. Ils m’ont toujours donné de l’argent, parce qu’ils voyaient que j’étais motivée. Ils m’ont payé des vacances même. (Souad) Cela peut d’ailleurs entraîner un sentiment de honte de la part du jeune, du fait de sa dépendance vis à vis de la cellule familiale. Des fois j’ai honte par rapport à mes parents, de rester chez eux. (Mehdi) • Les relations et le « piston » La recherche d’emploi passe aussi pour les jeunes rencontrés par une mobilisation de leurs ressources relationnelles, au delà de la famille. Il est apparu dans les témoignages l’idée ancrée que « tout marche par piston ». Voilà, le peu de gens que je connais qui trouvent un boulot, c’est comme ça, ils trouvent en connaissant les gens. (Amélie) Je ne trouvais pas de stage, alors j’ai fait appel à l’ACPSO. Ils avaient des relations avec certains patrons. Ils ont travaillé déjà avec des cabinets comptables. Alors ces gens là ont bien voulu me prendre, ça s’est bien passé. (Mehdi) De ce fait, les jeunes rencontrés, en particulier les plus âgés, soulignent l’importance de cultiver leur réseau de relations. Une appartenance associative, une activité, la lecture d’un journal : tout est prétexte à agrandir son cercle. Pour Jalil, c’est même vital, sinon cela créérait une différenciation de plus dans la recherche d’emploi. Tout marche par piston et nous on n’en a pas. (Mehdi) Le piston ça joue, et moi je n’en ai pas. Si, je connais le député, par le hip hop. (Sylvain) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 62 J’ai été médiatrice avant. Parce que j’allais à un local à la piscine, pour passer le temps. Et puis les médiateurs sont arrivés, on a discuté un peu. Au final je pouvais postuler pour travailler avec eux, et ils m’ont pris. J’étais heureuse ! Vraiment, je leur ai dit merci, directement ! (Nathalie) Les connaissances c’est le plus utile. Alors il faut faire la démarche de s’ouvrir, ne pas rester dans le quartier. Le monde ne s’arrête pas aux portes de l’Avenue. (Jalil) J’ai vu une association, dans le journal, l’Ardennais, dans un article, ils font juste des tricots. Je vais essayer de les appeler pour voir si je peux coudre des robes avec eux, s’ils ont des modèles, des tissus. Je vais voir si elle peut me prendre au moins un mois. (Karima) Ce qui m’a été le plus utile, c’est toutes mes expériences en tant que bénévole. J’appartiens à une association. Alors, comme on monte des projets, j’ai su me faire un réseau, et j’ai des informations que d’autres personnes n’ont pas. Quand on mène des projets dans l’association on passe par le contrat de ville. Alors j’ai pu savoir bien avant qu’il y avait un poste vacant. Je fais partie d’un collectif algérien, et puis de la Ligue des Droits de l’Homme. Moi, je suis originaire du Maroc, mais suite au séisme en Algérie, un collectif s’est mobilisé. On est venus me demander. Comme c’est une association apolitique et qu’elle travaille sur l’humanitaire, j’ai dit OK. (Latifa) 1.4. Le recours à l’intérim est plus fréquent chez les garçons. Autres lieux ressources pour la recherche d’emploi, les agences d’intérim sont visitées par les jeunes rencontrés, de façon assez systématique. L’intérim est en effet perçu comme plus direct, plus réactif que le service public de l’emploi. Il permet de trouver des emplois alimentaires, sans engagement temporel. Cela implique aussi de la part du jeune une assiduité téléphonique ou physique auprès des agences. J’ai fait de l’intérim pour boucher les trous, entre les contrats. (Aziz) J’ai fait du porte à porte dans les boîtes d’intérim. Mais on m’a dit que ça ne servait à rien. A chaque fois je n’avais pas de réponse. La femme disait « il y a beaucoup de personnes, vous n’êtes pas le seul. On ne vous promet rien, on fera de notre mieux. » L’intérim c’est plus facile pour ça, on a les réponses négatives tout de suite. Alors moi j’y vais, je les relance, pour qu’ils voient que ce mec est toujours là. (Thomas) Je cherche par les boîtes d’intérim. Je les appelle le lundi, le mercredi, le vendredi, ils me disent « c’est calme, rappelez ». C’est Adecco Mouzon, Adecco Charleville. Je demande, quelque soit le secteur, parce que j’ai besoin de travailler. (Mourad) Toutefois, les secteurs visés par les filles rencontrées sont moins concernés par les offres en intérim. J’avais trouvé une boîte d’intérim à Sedan où ils proposent de servir à boire pendant le foot, tu fais des remplacements. Mais là ils ont juste pris mon CV, et c’est tout. S’ils me trouvent un métier, ils me contactent, mais pour l’instant ils ne m’ont pas appelée. Je n’ai eu aucune réponse. (Nedjma) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 63 Dans les agences d’intérim il n’y a presque rien dans le secteur de l’accueil et du commerce. Eux, c’est plus le bâtiment, et moi je n’ai rien à faire là dedans. Je suis allée voir chez Manpower, Supplay, Vedior Bis, Adecco, TT. Je les ai toutes faites ! je me suis présentée directement dans les boîtes d’intérim, pour faire du service ou de l’accueil, mais ça n’a rien donné. (Souad) 2. Les techniques de recherche d’emploi 2.1. Mettre en avant les gages d’un savoir faire Pour les jeunes rencontrés, il importe dans leurs candidatures de donner des preuves de leur savoir faire. Toutefois, leur âge fait que leur expérience professionnelle est limitée. • Pour les primo arrivants, l’expérience à l’étranger est mise en avant. Ainsi, au lieu de l’expliquer, Karima démontre son savoir faire en couture en le mettant en œuvre directement. Quand j’ai fait mon stage, je savais faire des choses que la patronne ne savait pas faire. En stage, j’ai tout fait ! Il y a même une stagiaire de CAP, qui m’a donné une veste à faire, pour une cliente, parce qu’arrivée aux manches elle ne savait plus faire. Si elle ne sait pas faire ça, elle n’est pas couturière ! Alors j’ai demandé à ma patronne si je pouvais le faire. Même elle, elle avait fait beaucoup de plis. Alors que moi je connais le secret des tailleurs pour faire les emmanchures. (Karima) • L’expérience – et la formation - acquise en tant qu’animateur ou animatrice est également une ressource mise en avant par certains jeunes rencontrés. J’ai passé le BAFA, c’était un coup de chance. Il y a 4 ans j’arrivais de Carignan et j’ai habité Avenue de la Marne. Au centre social j’ai vu une affiche pour passer le BAFA, alors je me suis présentée au bureau. Un mois plus tard je passais le BAFA. J’ai fait mon stage pratique au centre de loisir de la ville de Sedan. Rien que d’avoir vécu le BAFA c’est un atout. (Souad) Ce que je mets en avant, c’est mes expériences dans l’animation. Et puis mes hobbys, le foot. Mais je mets aussi toutes mes expériences professionnelles. (Aziz) 2.2. La valorisation du savoir être : se présenter selon les codes en vigueur Pour contrer l’image dévalorisée et inexacte qu’ils se voient accoler, les jeunes rencontrés portent attention à leur présentation, leur langage. • Certaines filles, désireuses de travailler dans l’accueil, mettent en avant par écrit leurs qualités relationnelles et personnelles. Dans la lettre de motivation, je parlais de mon cursus, je mettais en avant mon cursus et mon désir de m’épanouir en tant qu’individu dans la société . Un des directeurs m’a appelé parce qu’il avait été touché par ce que je disais, c’était sincère. Ce qui a compté c’est ma sincérité et mon désir de m’insérer. (Latifa) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 64 Dans mon CV je mets mes expériences dans l’accueil, l’animation, la vente. Et puis je mets que je suis souriante, aimable, tout ce qu’il faut pour être hôtesse d’accueil. (Souad) J’ai appris à rédiger mon CV et ma lettre de motivation en formation. Je mets en avant que je suis souriante, aimable, disponible, et honnête, c’est important pour moi. (Houaria) Ce qui peut desservir cette image positive est banni de cette première prise de contact. Le fait de ne pas mettre sa photo, pour Rachida, tient au désir de ne pas être jugée sur un cliché. Mais il ne s’agit pas de transformer sa personnalité pour répondre à l’employeur. Sur le CV, je ne mets jamais de photo. Il y a des gens qui disent que j’ai un regard agressif, froid. Mais moi, je suis comme ça, j’ai le regard de mon père. Alors je vais rester comme ça, tu m’acceptes telle que je suis. Bon, la photo, s’ils me la demandent, je l’envoie. Et ils demandent souvent. (Rachida) • Lors des entretiens, la présentation est soignée sans être forcée Certains jeunes rencontrés expliquent porter attention à leur tenue vestimentaire pour les entretiens d’embauche, ou les démarches de prospection auprès des employeurs. Les marqueurs trop visibles et trop symboliques, comme la casquette, sont laissés de côté. Pour Mourad, il s’agit de se plier aux normes, sans pour autant les comprendre. Pour postuler, je mets un costar, j’enlève mes bijoux, je fais des efforts. Mais bon, si je mets une casquette, c’est peut être que je suis mal coiffé ! Casquette et survêtement ça va être mal vu. Mais une casquette ça reste une casquette ! (Mourad) Cela n’implique toutefois pas de se transformer totalement, pour Rachida et Nathalie. Il s’agit de rester soi même, tout en montrant un respect des règles établies. Bien sûr, quelqu'un qui arrive avec une casquette au bureau, la moindre des choses c’est de l’enlever. Il faut montrer la politesse, c’est une marque de respect. Pour les entretiens, je me mets présentable. Je sais comment me présenter, mais ce qui est important, c’est d’être à l’aise, c’est ce qu’on m’a dit. Alors je peux y aller en baskets et jean. (Rachida) Pour les entretiens, je m’habille comme toute l’année. Peut être que je vais faire un petit effort, mais je ne vais pas dans le détail, sinon ça fait un truc qui ne va pas. Je veux rester comme je suis. (Nathalie) La présentation passe également par le langage. Les jeunes rencontrés en ont conscience, surtout les plus âgés. Les expériences associatives et d’animation permettent de modifier les habitudes langagières jugées grossières. Pour Rachida, le BAFA a été décisif. Elle est donc prête à faire un effort d’adaptation face à l’employeur – si lui-même en fait un aussi. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 65 Moi aussi, j’étais vulgaire, et puis c’est l’animation qui m’a changée. Il ne fallait pas dire d’insultes devant les enfants. C’est grâce à l’animation que j’ai pu changer le vocabulaire. J’ai passé mon BAFA, l’AFPS. J’ai fait de l’aide aux devoirs, de l’accompagnement de scolarité. C’est vrai qu’on a un langage de quartier, ils disent que c’est un langage vulgaire. Mais bon, c’est le quartier qui nous a fait comme ça. C’est pas nos parents qui ont choisi d’être dans ce quartier. Mais c’est pas parce qu’on parle d’une certaine façon qu’on est comme ci, comme ça : ils doivent essayer, et juger. (Rachida) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 66 E – LES OBSTACLES « OBJECTIFS » DANS L’ACCES A L’EMPLOI 1. Le contexte difficile de l’emploi sur le bassin sedanais Il importe de souligner que la recherche d’emploi ici analysée prend place dans un contexte économique particulièrement défavorable. En 1999, le taux de chômage sur la commune était de 26% ; le taux de chômage des 15-25 ans de 45%. En 2004, le taux de chômage a baissé, mais reste important à 19,2%. Par ailleurs, les emplois proposés le sont dans des secteurs défavorisant certaines catégories, comme les femmes (dans l’industrie) ou les diplômés. 1.1. Les jeunes rencontrés ont conscience de cette donnée. Ils acceptent de ce fait d’entendre des employeurs leur dire qu’ils ne prennent pas de salariés ni de stagiaires. Ils relativisent alors leur constat sur la « discrimination », qui n’est pas perçue ici comme l’obstacle premier à l’embauche. Mais pour certaines entreprises, c’est pas de la discrimination, c’est parce qu’ils sont complets. Et puis, je n’ai pas trop insisté non plus dans les entreprises. (Rachida) Quand j’ai eu des réponses négatives, c’est parce qu’ils n’avaient pas besoin de personnel dans l’immédiat. Je n’ai pas trouvé de discrimination. Pour Pronuptia, je ne pense pas ce que c’est de la discrimination. (Karima) 1.2. Cela entraîne également l’acceptation d’une différence de traitement entre les salariés et les intérimaires. Le jeune n’a pas le choix de voir ses droits bafoués dans son travail, s’il veut y rester. Une fois j’étais intérimaire. Un embauché m’a dit « tu ne prends pas ta pause, tu restes là ». J’étais seul dans le secteur. Je n’avais pas envie de lui répondre, ni d’être viré. Parce qu’un embauché est directement en contact avec le chef d’équipe. (Mourad) 2. La langue et la situation migratoire, deux conditions difficilement contournables pour les primo arrivants 2.1 Obtenir un permis de travail est la première nécessité pour accéder à l’emploi. Pour Blaise, c’est tout simplement le premier obstacle à son embauche. Si je pouvais il y a plein de boulots qui m’attendent. Ce n’est pas le travail qui me manque, c’est le droit de travailler. C’est ça qui bloque. J’ai une carte de séjour provisoire qui ne me le permet pas. Il y a même un patron de salle de sport qui veut m’embaucher comme entraîneur de boxe, il s’est renseigné, il a demandé une dérogation à la direction du travail, mais je n’ai pas eu le droit. (Blaise) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 67 2.2 Apprendre la langue française est décrit par les jeunes primo arrivants comme une condition sine qua non pour trouver un emploi. Lever cet obstacle passe par la nécessité de sortir, rencontrer du monde, « s’intégrer », ce qui n’est pas forcément facile en milieu non francophone. En vérité il faut maîtriser la langue, sinon on ne peut rien faire. Il faut écrire sans faire de fautes, écrire des phrases. Avant je faisais beaucoup de fautes, plus maintenant. C’est ça aussi, l’intégration. Le point positif, c’est que je parle bien français, grâce à l’alphabétisation. Grâce à mon prof, et puis au Centre social de Torcy, ça aide. Ce qui m’a le plus aidé c’est de parler aux gens. Parce qu’à la maison, je ne parle que le kabyle. Donc, en période de stage, il faut que je parle. (Karima) 3. La mobilité est pour les jeunes rencontrés une contrainte forte Sur les 21 jeunes rencontrés, 7 (6 filles) mentionnent la non détention du permis de conduire comme un obstacle réel à leur recherche d’emploi. 3.1 Ne pas avoir de permis ni de véhicule entraîne en effet une dépendance La dépendance s’exerce vis à vis des transports en commun, ou d’une autre personne (père, frère) lorsque le lieu de travail est éloigné de toute desserte de transport en commun. Le permis de conduire, ça me manque. Je vais le passer. Parce que ça me coince : dès que tu fais une demande, et que tu n’as pas le permis, tu ne peux pas bouger. Il faut sans arrêt demander à quelqu'un de t’emmener. C’est dur. Déjà quand on est arrivé en France, c’est dur pour nous, avec les trains, les bus, surtout quand on habitait à Donchery. (Gülcan) Ce qui me manque le plus, c’est un véhicule. Certes il y a des trains, mais le problème c’est le grèves. Et puis les trains ne desservent pas certains endroits. (Rachida) Je cherche sur Charleville aussi. Mais ailleurs, je ne peux pas, je n’ai pas de voiture. J’aimerais passer le permis. Mais il faut parler le français correctement, pour passer le permis. (Karima) Moi je n’ai pas le permis, parce qu’il faut déjà que je paye mon appartement. Mais si j’avais le permis, je ne serais plus là. Je serais capable de travailler à 300, 400 km. (Thomas) 3.2 Plusieurs des jeunes rencontrés se sont ainsi vus refuser des postes à cause de ce manque de mobilité. La non détention du permis peut être rédhibitoire pour travailler en Belgique, à Charleville ou dans les communes proches, mais aussi pour travailler sur des horaires décalés. On avait fait un dossier pour Ferrero, en Belgique. Moi, je n’ai pas le permis. Ma copine qui a le permis a été prise. En fait il faut arriver à mentir, au bout d’un moment c’est tentant de mentir sur un CV, pour de petites choses. Je disais que mon permis était en cours. (Nathalie) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 68 C’est toujours le permis qui me recale. Chez Naf Naf ils voulaient me faire un contrat de 6 mois, mais j’étais bloquée. Donc il faut que je sois indépendante, parce que mon père ne peut pas toujours venir me chercher. (Souad) J’ai travaillé aussi dans un commerce de gros de produits pharmaceutiques à Charleville. J’étais en formation. Le directeur m’a dit que je travaillais bien. J’avais un contrat d’un mois, et ensuite ils voulaient faire un contrat d’embauche. Ils m’ont demandé si j’avais le permis. Parce qu’il faut être mobile. Le travail terminait à 11h, et il n’y a plus de train à cette heure là. Pourtant, j’étais motivée, l’équipe était bien, il y avait une bonne ambiance, avec des personnes plus âgées. Pendant le stage, ils me faisaient partir à 9 heures le soir. Mais là comme je n’avais pas le permis je ne pouvais pas rester jusqu’à 22 heures, alors je n’ai pas pu signer le contrat. (Houaria) La dernière fois une agence d’intérim m’a appelé pour aller à un poste en urgence. Mais je n’avais pas de moyen de locomotion. Je me demande s’ils n’hésitent pas à rappeler la personne dans ces cas là. J’aurais pu y travailler si les horaires avaient convenu, parce qu’il y a des bus. Mais là c’était pour travailler de nuit. Alors j’ai laissé passer. (Thomas) 3. Le manque d’expérience et de formation, arguments de refus des employeurs 3.1 Ce qui apparaît pénalisant, pour certains des jeunes rencontrés, c’est leur manque d’expérience professionnelle. Ils ne peuvent se reconnaître dans les exigences avancées par les employeurs dans leurs offres d’emploi. Mais pour le commerce, on m’a dit que je n’étais pas assez diplômée, que j’avais peu d’expérience. Les stages sont pas considérés comme une expérience. J’ai fait tous les magasins de Sedan et Charleville Mézières. (Rachida) Le plus difficile, c’est que j’ai de l’expérience, mais pas de diplôme à part le BAFA et le BEPC. Et c’est le diplôme qui est important. (Aziz) Sinon, je vais sur les bornes à l’ANPE, je tape le code ROM du métier. Et souvent il y a un problème au niveau des études : ils demandent un niveau bac minimum, et souvent 2-3 ans d’expérience. Moi j’ai envie de leur dire « Comment voulez-vous qu’on ait de l’expérience si vous ne nous laissez pas travailler un peu ». (Rachida) Ils en demandent beaucoup. Ils demandent d’avoir un bac+3 ou 5 ans d’expérience, c’est pas possible à 23 ans ! Pour avoir de l’expérience, il faut nous en donner la chance. Si on ne laisse pas les jeunes avoir leur expérience… (Nathalie) Ce qui me manque pour ça, c’est l’expérience. J’aimerais trouver un emploi où ils demandent juste d’avoir des notions d’informatique, où les débutants sont acceptés. (Houaria) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 69 3.2 La formation peut également être pénalisante : le manque de diplôme est un obstacle à l’embauche, mais aussi, selon Sylvain, un diplôme trop élevé, qui fait peur à l’employeur. Quand on est trop intelligent et malin, on n’est pas bien vu. Mes études, c’est un handicap pour moi. Parce que si j’ai trop de diplômes, ils ne vont pas me faire rentrer, parce qu’ils ne veulent pas que je fasse des trucs trop intelligents. Surtout dans le département des Ardennes, où il y a surtout des fontes, des forges. (Sylvain) 4. Etre femme, être mère, deux freins potentiels à l’embauche 4.1 La différence entre garçons et filles dans l’accès à l’emploi n’apparaît pas comme étant flagrante • Parmi les jeunes rencontrés, 5 filles sur 10 sont salariées ou en CES, et 1 seul garçon est en CES, deux sont en formation. Loin de vouloir établir des proportions à partir de ces chiffres, on peut toutefois souligner le fait que les CES correspondent davantage à l’image établie de l’emploi féminin (ménage, garde d’enfant). Plus précaires également, ces contrats ne correspondent pas aux formations des garçons rencontrés. • Il apparaît dans le discours que chacun voit l’autre avantagé : certaines filles estiment que les garçons trouvent plus facilement, et réciproquement. Il y a aussi des garçons en difficulté, ce n’est pas plus difficile pour une fille. (Nedjma) Pour les femmes, c’est plus dur de trouver un emploi, je trouve. Quand tu cherche un emploi, normalement tu vas travailler dans l’usine, mais c’est trop dur. C’est pas comme un mec, il prend tout ! Nous, on n’a pas de force. (Gülcan) Les garçons se disent qu’ils ont plus de difficultés à trouver que les filles. Je ne sais pas pourquoi, c’est une idée que j’ai entendue. (Latifa) Mes sœurs, elles ont pas de problème, ça passe mieux pour une fille. Elles sont bien vues. (Sylvain) 4.2 Les filles, refoulées de l’industrie • Dans le bassin d’emploi sedanais, les offres concernent en partie des emplois industriels. Or les filles en semblent écartées assez facilement par les employeurs, comme en témoigne Rachida : elle ne peut pas être la seule embauché –e. J’avais postulé en 2003 pour être aide magasinier, dans les pièces auto. A l’entretien, ils m’ont dit « ce n’est pas que je ne veux pas vous prendre, mais je ne peux pas. Vous êtes une femme, et il n’y a que des hommes dans l’entreprise». Pourtant, c’est pas compliqué de ranger des pièces dans des cases ! Mais là, comme il y a peu de femmes dans la mécanique, ils ont dit que ça posait un problème que je sois la seule femme. (Rachida) Cette discrimination sexiste se retrouve dans les agences d’intérim : la pénibilité du travail justifie qu’il ne soit pas proposé aux femmes. De ce fait, les emplois qui leur sont réservés sont restreints et, selon Nathalie, très sexués. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 70 A chaque fois dans les agences d’intérim, on me dit « non vous êtes une femme ». Ils n’ont jamais rien eu pour moi. J’ai même demandé s’il y avait des ménages ! Dans les boîtes d’intérim non plus, ils disent « vous êtes une femme, il n’y a rien pour vous ». Ou alors si, au stade. Mais faire serveuse en mini jupe, ce n’est pas pour moi. (Nathalie) Au début je me suis dit « je dois avoir une sale gueule ». Il doit y avoir un problème quelque part, ils ne veulent pas de moi. Mais ils disent « c’est dur, on recrute plus des hommes pour ce travail ». Alors au bout d’un moment c’est lassant ! Chez General Motors, Vistéon, Citroën. (Nathalie) • Les filles peuvent d’ailleurs s’auto-exclure de ces emplois industriels, ne se sentant pas capables de les assumer physiquement. Je trouve que les garçons ça se passe mieux pour eux, ils trouvent plus de travail que les filles. Peut-être qu’il y a plus besoin dans la maçonnerie. Et puis par l’intérim, ils rentrent facilement. C’est souvent du travail en usine. J’ai vu des annonces, de l’extérieur, ça ne m’a pas donné envie de m’inscrire : c’est pour les garçons, pour travailler dans les fonderies, les usines. Moi je ne serais pas capable d’y travailler. (Houaria) 4.3 Avoir des enfants ne facilite pas l’employabilité Pour les jeunes mères, l’accès à l’emploi apparaît comme plus compliqué. Elles ne peuvent tout d’abord pas se plier à tous les horaires, comme l’explique Gülcan. Une fois quelqu'un m’a proposé de travailler dans un kebab à Charleville. Mais je suis tombée enceinte. C’est plus pareil, une fois que tu as des enfants. Il aurait fallu que je travaille de 5h à 13h, ce n’était pas possible avec mes enfants. Si je n’avais pas eu d’enfants, ça m’était égal. (Linda) Elles sont également confrontées aux représentations des employeurs les considérant comme moins flexibles, ce qui n’est pas la réalité, selon Amélie : des solutions existent à la garde d’enfants. Le fait d’avoir un enfant, je ne le marque plus sur mon CV. Parce qu’ils me demandaient « comment vous faites ? ». Alors qu’il y a les nounous, les crèches ! (Amélie) 5. L’adresse, un facteur supposé discriminant L’image des quartiers « sensibles » de Sedan, décrite précédemment, est citée par certains jeunes comme n’aidant pas non plus à leur embauche. Issus de l’Avenue de la Marne, de la rue Berlioz, ou d’immeubles du quartier du Lac, certains soupçonnent ces adresses de les desservir, du fait des représentations liées à ces quartiers. Le quartier, je pense que ça ne doit pas être ça. Ce serait ridicule s’ils pensaient que si on vient d’un quartier, on est des voyous. Mais c’est vrai que quand je travaillais les FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 71 ouvriers me disaient « tu viens de là bas, c’est un quartier de merde ! ». Parce qu’avant c’était une zone dangereuse, le problème vient de là. Mais on n’est pas tous pareils. Moi je leur ai dit que si ça craignait ce quartier, je serais déjà à l’hôpital. Mais ils prennent les gens pour des diables ! Alors peut être que les patrons, dans ce qu’ils pensent… Des fois je me suis demandé si c’est parce que je viens de ce quartier que j’ai des soucis. Ça m’a traversé la tête, surtout quand tous mes collègues m’ont posé des questions sur mon quartier. Ils disent « on a vu sur le journal, qu’il y avait des voitures brûlées, comment ça se fait ? Du coup ils ont peur de nous. » (Thomas) L’adresse je pense c’est surtout ça qui joue. Sedan, c’est pas New York, c’est une petite ville. Alors les commerçants, quand ils voient l’adresse du quartier, ils ne prennent pas. Alors qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac, il ne faut pas mettre des bâtons dans les roues des gens. (Rachida) F – LA PLACE DES DISCRIMINATIONS ETHNIQUES ET RACIALES DANS L’ACCES A L’EMPLOI 1. L’aspect visible des discriminations ethniques à l’embauche La difficulté des discriminations ethniques tient à ce qu’elles opèrent da façon cachée, « subtile » selon les mots d’Aziz précédemment cités. Pour avérer une différence de traitement ressentie lors de l’embauche, les jeunes rencontrés mettent au point des méthodes de révélation des discriminations. Le test et les comparaisons permettent de montrer le résultat de la sélection par les employeurs, et de déduire les critères de cette sélection. 1.1. Les tests informels opérés par les jeunes soulignent les discriminations directes Parmi les jeunes rencontrés, plusieurs ont eu l’occasion d’effectuer des tests spontanés lors de leur recherche d’emploi ou de stage. Ce moyen permet d’apporter une réponse rapide à un doute sur le refus d’une candidature : la sanction est immédiate. Le seul critère variant entre les deux candidatures étant identifié par les jeunes comme celui de l’origine ethnique, c’est à cause de cela que le profil n’a pas été retenu. • Les tests cités peuvent se faire en direct ou par téléphone et courrier. Certains ont lieu de façon directe, « sur le terrain », dans les commerces en particulier. Moi, quand j’étais à l’école, j’avais demandé un stage scolaire, chez Leclerc. On m’a dit « on ne prend pas de stagiaire ». J’ai envoyé une copine, de ma classe, une Française, a essayé, ils l’ont prise. J’avais essayé chez Leclerc, Aldi, Lidl. Mas chez Leclerc, le directeur était raciste, c’était négatif. D’ailleurs ça a toujours pas changé, aux caisses il n’y a pas d’arabes. C’est rare qu’il y ait des personnes étrangères qui travaillent là bas. A part les vigiles, mais eux ils sont recrutés par une autre entreprise. (Rachida) Au magasin Flash, je rentrais, ils disaient qu’ils ne prenaient personne. 5 minutes après, une copine, Française, elle passait et on lui disait OK. (Souad) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 72 • Ce genre de technique a pour effet de souligner la violence symbolique effective de la discrimination : l’inégalité est flagrante. De ce fait, elle créé un abattement et un découragement chez certains jeunes. Cela peut alors entraîner une autolimitation dans les recherches d’emploi, voire un arrêt de celles-ci. Une fois, j’ai envoyé un CV à Mac Do, avec une copine. On a la même formation. La lettre de motivation, c’était la même. Quand ils ont vu mon nom… ma copine elle a été rappelée. Alors moi j’étais déçue. A partir de là j’ai arrêté de cherché ! Parce que j’avais tout sinon : ils cherchaient des jeunes, de moins de 25 ans. Ils avaient mis une annonce dans les boîtes aux lettres. J’ai déjà travaillé comme hôtesse de caisse. J’aurais pu être capable ! (Houaria) En préqualif, il fallait trouver un stage. On était un groupe de 20 jeunes, dont 4-5 avec des noms d’origine étrangère. Par exemple Brahim et Youssouf appellent pour un stage dans la même boîte, où on leur dit qu’on ne prend pas de stagiaire. Ensuite Nicolas et Stéphane rappellent, et ça marche. Alors, humainement, ça coupe les deux jambes. Ça démotive ! (Karim) 1.2. La comparaison avec des profils similaires révèle l’inégalité des chances. De façon moins directe, la comparaison avec des jeunes de même âge et de même profil qu’eux permet aux jeunes rencontrés de souligner en creux ce qui leur manque pour « réussir ». C’est ici surtout Mehdi qui effectue cette comparaison. Quand je cherchais un stage pour le BEP, c’était majoritairement des filles avec moi. Elles n’étaient pas d’origine maghrébine. J’ai envoyé 60 lettres, sans rien trouver. J’étais le seul de la section à ne pas trouver de stage. (Mehdi) Vraiment, on se moque de nous ! Je connais des jeunes Français, à 22 ans ils sont embauchés, à 26 ans ils sont directeurs adjoints. C’est ça le problème. Si j’avais un autre nom… (Mehdi) 1.3. La discrimination ethnique peut aussi être avérée par une connaissance des exigences des employeurs concernant l’origine ethnique des ses employés. Les cas cités par les jeunes se trouvent dans le domaine de la vente et de l’industrie. J’ai une copine qui a fait un stage chez Leclerc. On lui a demandé de changer de nom, de s’appeler Marie, alors qu’elle s’appelle Rachida. Moi ça m’aurait fait chier. (Souad) Dans le social, mon origine n’a jamais trop posé de problème. Mais dans l’industrie, si. Dans les agences d’intérim, les gens me disaient « l’employeur a dit qu’il ne voulait pas de maghrébins ». (Aziz) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 73 2. Dans la majorité des cas, les discriminations ne peuvent être que supposées. 2.1 L’absence de réponse aux candidatures entraîne des soupçons Lorsque, malgré l’énergie déployée à contacter les employeurs et à déposer des candidatures, aucun retour n’est enregistré, alors le jeune commence à se demander pourquoi il n’est pas accepté. Or, du fait du racisme ambiant ressenti par les jeunes, la question d’un refus à cause d’un nom ou d’une apparence se pose rapidement. Le jeune en vient à soupçonner l’existence de discrimination, sans avoir de preuve tangible. Ce soupçon est renforcé lorsque son nom lui est demandé une deuxième fois. Il y a eu du racisme, on ne va pas dire non. Par exemple, il y a deux offres de l’ANPE pour les quelles j’ai envoyé mon CV avec ma photo, et je n’ai jamais eu de réponse. C’était pour être vendeuse dans le prêt à porter. Je n’ai pas pu les rappeler, ils n’avaient pas mis le numéro de téléphone. (Houaria) Ça ne sert à rien, tous les endroits où j’ai appelé, les coups de fil pour savoir. Je n’ai pas eu de réponse ! ou alors « on a déjà des stagiaires ». Peut être que c’est parce que je suis d’origine étrangère. Par exemple, une fois, il y a quelqu'un qui m’a dit « de toutes façons tu n’es pas française ». Alors j’ai montré que mes papiers sont les mêmes que lui. (Linda) J’ai répondu à une offre pour être tailleur de pierre. Mon profil correspondait bien, j’étais le premier à répondre. Et puis ma candidature a été refusée, je ne sais pas pourquoi. J’espère que ce n’est pas par rapport à mon nom. (Jalil) Supplay, une boîte d’intérim, un jour ils m’ont appelé pour avoir mon CV, à jour. Ils m’ont dit qu’ils me donneraient une réponse avant le 26 décembre, et j’attends toujours. Une autre fois, chez Triangle, ils cherchaient des Bac+2 sans expérience, ils nous ont dit oui. Et puis ensuite ils m’ont rappelé en disant « on a fait une faute de frappe, vous vous appelez comment ? ». Et finalement ce n’était pas bon. (Sylvain) 2.2 Des réponses jugées injustifiées sont qualifiées d’hypocrites Pourtant, même lorsque les employeurs répondent, leur justification du refus de l’embauche n’est parfois pas assez convaincante pour le candidat. Leurs arguments sont jugés hypocrites parce qu’inédits ou inattendus par le jeune. Ce dernier estime alors qu’ils cachent autre chose, surtout lorsqu’il se compare avec d’autres amis, de même profil embauchés avec moins de problèmes. L’employeur regarde mon nom de famille. Et je ne trouve rien. Soit on me dit que je n’ai pas d’expérience, soit je suis trop qualifié. C’est de l’hypocrisie totale ! Moi, mes seuls amis qui ont trouvé du boulot, c’est des Français. (Sylvain) J’avais fait Shopi, Flash, mais elle avait déjà pris un stagiaire. Chez Cora, je demandais à être hôtesse d’accueil. Ils m’on renvoyé un courrier pour me dire que j’avais une expérience trop élevée pour eux. C’était une réponse à la quelle je ne m’attendais vraiment pas. Et puis quand on me dit non, ça y est, je me pose des questions. (Houaria) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 74 Les entreprises trouvent des excuses bidon, « on n’a besoin de personne pour l’instant, tout est complet ». Pourtant ce qu’elles doivent savoir c’est qu’en nous prenant en contrat de qualif elles ont des avantages. (Mehdi) 2.3 Des cas de discrimination positive peuvent également être soupçonnés Du fait de ce contexte délicat de l’emploi, les cas où les jeunes sont embauchés peuvent aussi faire naître des soupçons sur les raisons de l’embauche. Or, le jeune peut avoir l’impression de n’avoir pas été choisi pour ses compétences, mais pour son appartenance culturelle supposée. • Le soupçon porte sur des cas où l’employeur s’intéresse à l’origine supposée du candidat plus qu’à ses compétences. C’est dans l’éducation que l’origine maghrébine est vue comme un atout pour l’embauche. J’ai travaillé pendant 5 ans comme aide éducatrice dans un lycée professionnel. Lors de mon entretien d’embauche à l’Inspection d’Académie, il y avait l’Inspecteur d’Académie, le proviseur du lycée. Et la question qui est venue c’est « qu’est-ce que vous pensez du voile ? ». Je ne pense pas qu’ils l’aient posé aux autres personnes, des Français de bien Français. On joue de l’origine des personnes ! J’ai eu l’impression que ce n’est pas mes compétences qui jouaient mais le fait que je sois issue de l’immigration. Parce qu’il s’agissait d’un établissement où il y avait beaucoup de jeunes issus de l’immigration. Alors ils se sont dit « ça va être la grande sœur ». Alors que moi, je pense que c’était plutôt un double handicap. (Latifa) J’ai envoyé des CV avec photos, j’ai fait beaucoup de candidatures spontanées et j’ai répondu à des offres de l’ANPE. Le seul poste que j’ai trouvé, c’est emploi jeune dans l’Education Nationale. Ils ont dû penser « il va les tenir, les jeunes », avec le nom que j’ai ! Voilà je trouve que dans le social ou le commerce. Ce qui m’a été utile, finalement, c’est mon nom de famille, pour me faire respecter comme aide éducateur. (Sylvain) • Dans d’autres cas, c’est l’appartenance supposée à une même « culture » ou origine qui est vu comme expliquant l’embauche. Le jeune se dit qu’il est pris, non parce qu’il est compétent, mais par solidarité « communautaire ». Mon frère il a bossé à Maxi Toys. Il a été pris car la directrice c’est une musulmane. (Souad) J’ai été vendeur à Maxi Toys. J’ai vu une annonce pour le poste, c’était vendeur conseil. Là bas il n’y a que des rebeu ! (Sylvain) J’ai fait un stage à Maxi Toys. Je m’étais fait recaler à plein d’endroits, ils disaient qu’ils avaient du monde, que c’était blindé. Et puis je suis allé demander à Maxi Toys. En fait c’est un rebeu qui tenait ça. Je me suis senti bien, j’ai rencontré les gens. Finalement je n’ai pas pu accepter. (Mourad) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 75 • De ce fait, les jeunes estiment se retrouver cantonnés, par leur identité, à des secteurs d’emploi particuliers. L’éducation et l’animation sont particulièrement cités ; le bâtiment est également perçu comme « réservé » aux personnes issues de l’immigration, suite au travail effectif de la génération précédente dans ce secteur. Moi, je voudrais travailler dans le domaine de l’éducation spécialisée, j’adore ce genre de public. Mais on me propose à chaque fois de travailler avec des jeunes en difficulté, avec les jeunes délinquants. En fait on nous propose en grande majorité des postes de « grand frère », pour les jeunes des cités. Surtout, parce que dans ma promo ce ne sont que des filles, à 80%, donc elles trouvent vite des stages dans des trucs pour handicapés, ou avec des personnes âgées. (Karim) Le genre de boulot qu’on m’a donné c’est un CES dans un chantier mobile, pour faire de la peinture et de la maçonnerie. A croire que c’était adapté à ma couleur, que j’étais fait pour ça. (Mehdi) 2.4 Ce sont parfois les intermédiaires de l’emploi eux-mêmes qui peuvent transmettre aux jeunes des avertissements sur des situations discriminantes à l’embauche – ce qui créé une discrimination « systémique ». La discrimination est dite « systémique » lorsqu’elle est pratiquée et relayée par un ensemble d’acteurs. Ici, ce sont les professeurs, les intermédiaires de l’emploi, les agences d’intérim qui peuvent relayer les exigences sélectives des employeurs, avec l’intention d’aider le jeune à ne pas voir ses candidatures refusées. Pour moi, ça c’est de la discrimination. Alors je l’ai dit à ma prof, et elle m’a dit que de toutes façons je n’étais pas la seule. Les profs nous disaient « n’allez pas chez Jacqueline Riu ni chez Okaïdi ». Et puis il y avait un élève qui restait dans la réserve, chez Joué Club. (Souad) 3. Les différences de traitement vécues dans le travail 3.1. Lorsqu’il faut faire ses preuves plus que les autres Certains jeunes ont l’impression d’être soumis à un test de la part de leur employeur, qui cherche à savoir quelle confiance accorder à son stagiaire ou son salarié. Ce test peut passer par un rythme de travail particulièrement intense, de petits pièges pour s’assurer de la concentration ou de l’honnêteté du jeune dans son travail. Les exemples suivants soulignent que c’est avant tout le jeune lui-même qui interprète cela comme un test. Il sent qu’il doit faire ses preuves. Pendant le stage, il y avait une bonne ambiance. Il fallait être toujours à l’heure. Mais nous on était toujours à l’heure, on s’était habitués à se mettre en équipes. D’ailleurs quand on était en cantine à Pierre Bell, le chef nous a fait un test. Moi et ma copine, on travaillait, on était côte à côte, et puis il nous parlait. Nous on ne s’est pas arrêté, on a continué à travailler ! (Nedjma) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 76 Je devais faire 8 semaines de stage, alors je suis allée directement chez Naf Naf. Elle m’a dit OK. Elle m’a même rappelée ensuite pour y travailler 2 semaines à Noël. Elle avait confiance, je faisais du bon travail. Pourtant il y avait eu un vol, une jeune arabe comme moi qui avait volé une carte bancaire. Alors elle m’a testée, et puis elle m’a rappelée. Mais ça c’est bien passé. Je faisais l’ouverture, la fermeture, je comptais la caisse. Elle me faisait confiance, j’aimais bien. Alors qu’il y avait une Française à qui elle n’avait jamais fait confiance. (Souad) C’est sûr la boîte d’intérim ils m’ont testé. J’ai travaillé aux 3/8, et puis ils m’ont arrêté, en disant qu’il n’y avait plus de travail. Finalement ils ne m’ont pas rappelé. (Mourad) 3.2. Quand il faut subir des brimades ou des soupçons de la part des collègues Certains jeunes expliquent par ailleurs devoir faire face dans leur travail à des préjugés racistes de la part de leurs collègues ou supérieurs. • Les soupçons de vols ou d’erreur semblent plus facilement portés sur le jeune issu de l’immigration. Avant dans le commerce où je travaillais, les autres disaient au patron « elle a fait ça », alors que moi je n’avais rien fait, rien dit. Là bas aussi, ils étaient racistes. Alors j’ai dit à la patronne « toi, je ne t’aime pas, et tu ne m’aimes pas ». Moi, je parle directement comme ça. (Gülcan) Avec mes collègues, à Carrefour, à Prisunic, à Leader Price ça allait. Il y avait juste une personne raciste, et elle ne le montrait pas mais ça se voyait. C’était à cause d’une personne étrangère avec laquelle ça s’était mal passé, du coup ils mettaient tout le monde dans le même sac. Un jour le directeur était venu me voir en disant « t’as pas touché aux paquets de bonbons ? » Parce que quelqu'un avait laissé traîner des bonbons dans la réserve, il m’a accusé moi. Alors que c’était quelqu'un d’autre. (Rachida) • Aziz explique, lui, avoir subi une forme de harcèlement moral, raciste, de la part d’un de ses collègues, qui a entraîné sa démission. Dans un de mes boulots en intérim, je me prenais la tête avec un embauché. Il essayait de me vexer en me disant « j’ai vu des arabes qui ont fait ci et ça ». Il faisait ça devant les autres. Et puis il me disait « fais ceci, fais cela ». J’en avais assez de travailler dans une ambiance comme ça. Alors un jour où je devais partir avec lui à 5heures du matin, je n’y suis pas allé. J’ai tout arrêté. (Aziz) • Ce traitement différencié passe également, selon le témoignage de Souad, par un non respect, supposé intentionnel, des pratiques religieuses telles que le ramadan. J’ai fait un stage de 2 semaines à la Halle aux Chaussures, c’était pendant le Ramadan. Il fallait casser le ramadan à 6 heures. Au début le patron me faisait travailler justement à 6 heures. Et puis il y a eu un nouveau patron, qui était génial. (Souad) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 77 3.3. Quand le faciès suffit à être renvoyé sans raison Le stade le plus abouti de cette différence de traitement est donné par l’expérience d’Aziz. Intérimaire, il est renvoyé sans préavis et surtout sans explication plausible. Il n’a même pas l’occasion de faire ses preuves. Le pire que j’ai vu, c’est quand j’étais déjà dans une entreprise. On faisait des installations électriques. Un jour le patron est venu, il m’a vu. Il est allé voir le responsable de l’agence, il lui a dit « il faut le virer ». Alors le responsable m’a dit « tu ne reviens pas cet après midi, tu as mis des cendres sur la tête du directeur ». Et puis il est parti. Même dans l’agence d’intérim ils rigolaient quand je leur ai raconté ! (Aziz) G – LA RECHERCHE D’EMPLOI : TECHNIQUES ET RESSOURCES 1. A court terme : accepter la fatalité ou se battre ? 1.1. Les jeunes rencontrés n’envisagent pas de dénoncer la situation en justice • Comme cela a déjà été évoqué, la notion même de « discrimination » n’est pas toujours clairement distinguée. Même si des tests informels sont effectués, la situation reste de l’ordre du non-dit officiellement. Cela se retrouve d’ailleurs dans le discours des parents, qui refusent d’admettre l’existence de différence de traitement selon le nom et l’origine. Ma mère elle le prend mal quand j’évoque le sujet. Elle considère qu’on n’est pas des Arabes. On est Français. Alors quand je lui dis que c’est à cause de mon nom de famille arabe que je ne trouve pas, elle le prend mal. (Sylvain) Dans la famille, on me dit « ne fais pas le con, on n’est pas chez nous ». On est Français et Algériens à la fois. (Jalil) • Il importe alors de ne pas faire de vagues : il y a ce manque de légitimité lié à cette idée qu’« on n’est pas chez nous », et que les discriminations ou le racisme en général ne sont pas spécifiques aux personnes issues de l’immigration. Je ne veux pas porter plainte. Parce qu’il n’y a pas que nous qui sommes touchées. Il n’y a pas que les Français qui sont racistes ! J’ai une amie algérienne qui connaissait un gars qui votait pour Le Pen. Il y a aussi des juifs qui votent ça. (Souad) • Il importe également de ne pas rentrer dans le jeu du discriminant, en faisant recours à la violence – même symbolique. Tomber dans la violence, ce serait facile. Il ne faut pas jouer au jeu de l’autre. Sinon on tombe dans le cliché de la violence. (Jalil) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 78 • De ce fait, les jeunes rencontrés n’envisagent pas de porter plainte : ils n’en voient d’ailleurs pas l’utilité, l’efficacité. Les témoignages suivants soulignent un manque de confiance dans l’institution. Même si dénoncer les discriminations est possible, cela n’est pas vu comme ayant un effet sur les règles de l’embauche ou de l’entrée en boîte. Le manque d’exemples de plaintes ayant abouti efficacement entraîne aussi ce manque de confiance. Il y a des lois qui répriment, certes, mais ils ont beau faire des tests, réprimander sévèrement, ça ne changera pas les règles, et on aura toujours ces réponses là. (Mehdi) Si je suis refoulé en boîte, je ne m’attarde pas, je tourne les talons. Ou bien je dis « La prochaine fois je préviens SOS Racisme ». (Aziz) On a peur de porter plainte, parce qu’on n’a pas assez d’exemples. Si un copain me dit qu’il a porté plainte et qu’il a gagné son procès, donc des sous, ça me donnera envie de le faire. (Jalil) Il est intéressant de souligner que ce sont ici les jeunes hommes qui parlent de l’éventualité de porter plainte ; chez les jeunes filles, qui reconnaissent encore moins l’idée de discrimination, le recours judiciaire n’est pas évoqué. Certaines regrettent toutefois l’absence de groupes de discussion sur ce thème – et apprécient d’autant plus de participer à l’entretien. Il n’y a pas d’association pour faire des débats, réunir des personnes ici. Je n’en ai pas entendu parler au Centre social. (Houaria) 1.2. Le chômage et le vécu des discriminations entraîne alors une attitude fataliste. • L’absence de réponses, de suivi personnalisé, de perspective d’embauche entraîne le découragement. Rien ne sert plus de continuer les démarches. L’absence de perspective empêche tout espoir. Ce qui m’énerve le plus, c’est le fait de ne pas savoir. Je préfère qu’on me dise franchement pourquoi je ne suis pas prise, sans me le dire méchamment, pour savoir. Une fois on s’est déplacées dans une entreprise, loin, alors on a demandé si on pouvait avoir une réponse, même négative. Ils nous ont dit « ne vous inquiétez pas, vous aurez une réponse ». Et moi j’attends toujours ! Pourquoi on ne nous donne pas de réponse ? Il ne faut pas se demander pourquoi le chômage augmente ! ça entraîne une chose, un cercle vicieux, surtout pour les jeunes. (Amélie) Chaque fois je me dis que si je travaille ça changera toute ma vie, même au niveau moral. Je me suis dit « je vais bosser » et puis ça fait deux ans et demi que je cherche. J’en ai pris un coup moralement et physiquement. J’ai peu d’espoir qu’on me donne quelque chose. Je n’ai même plus envie d’espérer. Je vis au jour le jour. Ça va peutêtre nous pousser à faire des conneries, on va se rebeller. Moi, je ne suis pas violente, je ne suis pas une délinquante. Mais ce qui me révolte le plus, c’est toutes ces démarches faites de bon cœur. Je deviens pessimiste, alors qu’avant je voyais la vie en FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 79 rose. Depuis deux ans, ce n’est même plus une vie. J’ai un petit frère, alors ça m’oblige à garder le rythme, mais ce n’est pas mon fils ! (Nathalie) J’ai eu un entretien avec l’adjoint au maire. Je lui ai expliqué que je cherchais un emploi dans l’accueil, et le secrétariat. Il m’a dit qu’il essaierait de trouver. Mais après je n’ai plus eu de réponse. Alors voilà, après on se démotive, on se décourage. C’est difficile. On ne nous aide pas. (Houaria) • Pour certains, la situation de chômage dure trop longtemps pour être supportable. Elle donne au jeune l’impression d’être exclu de tout cadre classique de réussite. J’en ai assez, de rester comme ça sans rien faire. Toute la journée, rester dans la maison, rester toute seule. Un jour ou l’autre je vais tomber dingue. Je n’ai personne à qui parler, et puis je n’ai pas beaucoup d’amis à Sedan. Il y a des gens que je n’ai pas envie de connaître, qui sont dans la drogue, l’alcool. (Linda) Des fois je me dis dans 10 ans, qu’est-ce que je vais faire ? Il n’y a rien de stable. C’est sans doute Sedan qui fait ça. Les entreprises ferment. (Nathalie) Quand j’étais petit je pensais que c’était quelque chose de banal d’avoir un travail, un costume cravate, une femme, des enfants. Maintenant j’ai l’impression que c’est utopique. (Mehdi) Cette attitude défaitiste voire désespérée se retrouve ici chez des jeunes qui cherchent un emploi depuis au moins un an, et ne disposent pas de diplôme, ce qui ne facilite pas leur insertion. • Le sentiment d’exclusion peut être accentué par un sentiment d’injustice par rapport aux personnes repérées par les jeunes comme procédant à des trafics, donc disposant de sommes importantes pour vivre. Cela ne donne pas envie de travailler, puisque d’autres gagnent plus en trafiquant qu’en travaillant. Cet aspect n’a toutefois été évoqué que par deux enquêtés. Et puis on rêve ! si je vois quelqu'un qui ne bosse pas et qui a un Lacoste, alors je serais choquée. C’est un coup à monter tout le monde les uns contre les autres. Parce que ça m’est déjà arrivé de voir certains ou certaines qui ont une voiture, moi je me dis que je n’ai pas envie de travailler parce que de toutes façons je ne gagnerai pas assez. Mais on a plus d’avantages à travailler. Alors que bon, quand tu fais du business, tu gagnes. Il y a une injustice quelque part. Mais c’est de l’argent facile, ils n’ont pas le choix. (Amélie) 1.3. A contrario, la situation peut être vue aussi comme un véritable challenge. Cette réaction se retrouve chez Latifa, qui travaille et qui est titulaire d’un diplôme Bac+2. Elle s’appuie sur les enseignements de ses études pour affirmer que les discriminations existantes doivent amener à se battre deux fois plus. Pour les jeunes issus de l’immigration, il ne s’agit pas de se placer en victime en invoquant le racisme pour excuser un échec, mais au contraire d’accepter de se battre, de faire doublement ses preuves. Son discours est quasiment d’ordre politique. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 80 Je le vois comme un challenge. J’ai un double mérite de réussir, parce que j’aurais pu arrêter, en ayant l’impression de me battre contre des moulins à vent. C’est sans doute la formation universitaire qui donne cette aptitude à se battre, et puis les cours sur Bourdieu en sciences de l’éducation. Parce que j’ai vu que si on prend tous les critères : des jeunes, issus de l’immigration, dont les parents sont au RMI – mon père est menuisier – alors on a tous les handicaps ! Mais dès le départ on peut s’en sortir. Ce n’est pas une excuse, il faut savoir se prendre en main. Mais c’est pas en larmoyant qu’on va y arriver ! OK on est dans une période pas évidente, mais il faut s’accrocher ! L’insertion ne sera pas facile, mais c’est à nous d’y travailler. (Latifa) Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que ce discours est produit par l’une des seules enquêtées qui n’ait pas grandi à Sedan même. 2. A plus long terme : trouver des voies alternatives pour contourner la situation 2.1 Partir vers d’autres villes ou régions est la principale stratégie citée pour résoudre la situation • Partir, c’est avant tout quitter Sedan et un contexte économique défavorable – surtout aux filles, du fait de la forte présence des industries. Aujourd’hui j’essaie de changer d’orientation. Mais il n’y a pas de travail dans cette ville. Toutes les offres qui existent ici, déjà il y en a peu, et puis c’est dans d’autres villes des Ardennes. Il y en a dans l’industrie, mais on ne va pas non plus s’engager dans l’industrie ! Les offres dans le commerce, c’est pas non plus sur Sedan, c’est aussi en dehors des Ardennes. Alors j’hésite à changer de département ou à faire une autre formation. Je ne sais pas où je pourrais aller. Reims, oui et non, parce qu’il y a beaucoup plus d’habitants. (Rachida) • Partir, c’est également vouloir changer de cadre mais aussi de contexte et de relations. Il s’agit d’aller dans un lieu où les stigmatisations liées aux quartiers ne sont plus de mise. A Lille, on enlève l’étiquette du quartier. Parce que l’Avenue de La Marne, c’est connu même jusqu’à Reims. (Jalil) J’espère me tailler de Sedan. Je ne pourrais pas rester à Sedan. J’en ai marre de voir toujours les mêmes têtes. Mon oncle loue un appartement à Nantes, c’est bien, je peux trouver une bonne place là-bas. (Mourad) Il s’agit, surtout, de s’inscrire dans un cadre local où le racisme et les discriminations sont perçus comme étant moins prégnant. Sont favorisées les destinations de Paris, Reims, du Sud de la France. Moi, je ne vois pas ma vie ici. Si on reste ici, on ne verra rien du tout, il n’y a rien du tout ici. Il y a plus de racisme dans le Nord que dans le Sud. Il y a 80% de racistes là haut, dans le Nord Pas de Calais ! Il y a une seule ville où il y a moins de racistes, c’est à Nantes. Alors voilà, au contraire, je serais contente de partir. Ma sœur est FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 81 dans le Sud, à Lyon. Alors j’ai cherché là bas. J’ai cherché dans le commerce, j’ai eu que des réponses négatives, sauf à Saint Priest, hors de Lyon. (Rachida) A Paris, là où j’ai travaillé, il y avait une secrétaire d’origine juive, un agent technique qui était noir, un chef de service d’origine italienne, un directeur d’origine normande, un éducateur d’origine espagnole. Pendant les repas c’était super. Chacun apportait son petit grain de sel. Mais ici le mélange est moins facile. Alors que pour la fête de l’Aïd, par exemple, j’ai ramené des petits gâteaux. Ça a suscité des questions, des discussions. Voilà, c’est le métissage culturel. (Mehdi) • Il faut toutefois souligner que cela reste de l’ordre du discours. Certains des jeunes rencontrés ont déjà trouvé un poste dans une autre ville, mais d’autres obstacles sont intervenus sur leur mobilité, comme le prix du logement ailleurs, les attaches familiales à Sedan. Cela apparaît particulièrement vrai pour les jeunes femmes. Une fois j’ai trouvé un travail sur Paris, dans une pharmacie, pour ranger des médicaments et aller faire des commandes. Le problème c’était l’hébergement. A Paris t’as plus de chances de trouver un travail, mais l’appartement est plus dur à trouver. Tu payes un 9m2 390 euros ! alors ça fait cher si tu gagnes 1000 euros ! Et puis tout est cher, le café est cher… Là bas c’est la capitale, ça n’a rien à voir. A Lyon aussi, il y avait un problème de logement. Il fallait un garant, ils ne prennent pas n’importe qui. (Rachida) Moi je serais prête à partir, à changer de monde, de gens. Ici il n’y a rien. Bien sûr, pour m’aventurer plus loin, ça me fait un peu peur, surtout de débarquer toute seule. Etant une fille je ne m’aventurerais pas toute seule. (Amélie) 2.2 Monter son entreprise est un projet peu évoqué par les jeunes rencontrés Deux jeunes ont fait part de ce projet de créer leur propre activité. Chacun déclare s’appuyer sur un talent artistique ou technique à développer – couture et graphe. Les deux établissent ce projet sur du long terme, souhaitant tout d’abord développer leurs réseaux, leur expérience et leur information sur un tel montage. Dans 5 ans, je me vois dans mon propre atelier. Prochainement je voudrais faire une formation en stylisme – modélisme, pour avoir un grand diplôme et après devenir riche ! Pour l’instant je ne sais pas comment je vais faire pour monter mon atelier. Je voudrais acheter une machine pour faire les finitions, mais je préfère encore acheter une surjeteuse. Alors il faut que je travaille un peu chez une couturière, pour avoir des fonds. Et puis je préfère avoir de l’expérience, parce qu’en France et en Algérie ce n’est pas pareil. J’ai aussi fait une affiche avec tous les vêtements que je fais, quand j’étais à la MJC, avec le prix et tout. Pour l’instant ça ne me donne pas de travail mais bon. Ma tante m’a déjà commandé une robe kabyle pour elle. Je peux avoir beaucoup de clients, grâce au bouch- à-oreille. (Karima) Moi, j’ai un projet. Je voudrais me lancer, je sens que j’ai un potentiel. Et puis dans l’urgence, je pourrai me retrouver dans les chantiers. Je voudrais créer des T shirts personnalisés, que je revendrais. Alors je voudrais m’armer de tout ce qu’il faut pour la création d’une entreprise. (Jalil) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 82 Troisième partie : Les constats et propositions émanant des groupes de travail Deux groupes de travail ont été réunis à l’occasion de deux réunions chacun. Les thèmes de travail ont été retenus collégialement, lors d’une réunion du comité de pilotage de l’étude : 1. Informer et communiquer sur les discriminations 2. Accompagner les employeurs et les intermédiaires de l’emploi dans la lutte contre les discriminations Malgré un nombre parfois restreint de participants, ces groupes ont permis - de préciser les constats dégagés de l’étude, d’échanger sur les expériences menées par les différentes structures, de proposer des pistes d’action. A – INFORMER ET COMMUNIQUER SUR LES DISCRIMINATIONS 1. Constat : un aveuglement généralisé face aux discriminations existantes Au niveau des employeurs - Les exigences discriminantes des employeurs restent dans le non dit. o Pour justifier un refus, ils trouvent toujours des stratégies de contournement. o Ils peuvent ainsi prétexter la nécessité de se plier aux exigences de leurs clients, ce qui créé une discrimination systémique, soit une discrimination entretenue par le système. - Les employeurs veulent des jeunes déjà qualifiés, compétents, avec des valeurs de travail. Ils ont peur que ces jeunes « grillent » l’entreprise. Si un essai n’est pas concluant, alors ils peuvent généraliser. Pourtant au LEP lorsqu’une entreprise est sollicitée pour prendre un jeune, l’expérience est positive et fait évoluer certaines idées toutes faites. - Il peut y avoir un discours ambivalent des entreprises : ainsi, PSA a signé au niveau national une Charte de la diversité. Mais lors du renouvellement des intérimaires, ils n’ont pas retenu les jeunes issus de l’immigration. Dans ce genre de cas, il faudrait pouvoir interpeller soit l’entreprise, en soulignant le problème que posent ces pratiques, et en rappelant la loi, soit les services publics. C’est sans doute ici la confusion entre racisme et discrimination qui amène à ce déni, alors qu’il s’agit de deux choses différentes (le racisme étant plus généralisant que la discrimination). FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 83 Au niveau des institutions - De même, il y a un désir de ne pas voir, de la part des institutions : à l’AEFTI, on observe que dans une réunion de la COPEC (Commission pour la Promotion de l’Egalité des Chances et de la Citoyenneté) il est refusé que les chefs d’établissement fassent une étude sur la difficulté de leurs jeunes élèves issus de l’immigration à trouver des stages en entreprise. « Tout va bien », dit-on. - Le même discours est observé chez les bailleurs HLM, qui opèrent pourtant une concentration des locataires issus de l’immigration aux mêmes adresses. - Les dépôts de plainte peinent également à trouver des relais dans le champ institutionnel : même au niveau de la justice, peu de dossiers sont pris en compte. Au niveau des organismes de formation Dans les organismes de formation les demandes de formation en commerce, accueil peuvent être réorientées, lorsqu’elles viennent de personnes issues de l’immigration. Les organismes ont en effet des contraintes de placement de leurs bénéficiaires en fin de cursus : ils maximisent ainsi leurs chances d’avoir des résultats. Au niveau des jeunes et des parents Un fatalisme s’est instauré, du fait d’une banalisation : jeunes, animateurs, parents, enseignants, considèrent que cette situation est normale. Ainsi, les jeunes et les familles du collège Fresnois s’orientent assez systématiquement vers le LEP JB Clément : c’est normal, ancré dans les mentalités. Les parents font confiance, ils ne s’intéressent pas toujours à la scolarité des jeunes, et gardent l’idée que tout est prédéterminé. A l’AEFTI on observe également ce manque de connaissance du bassin d’emploi. Au LEP il est observé que certains jeunes se complaisent aussi dans ce fatalisme. 2. Une nécessité : aller contre ce fatalisme Il apparaît fondamental de faire prendre conscience du phénomène aux acteurs locaux de l’emploi, entreprises et intermédiaires privés et publics. Il importe également de montrer aux jeunes des possibilités de « s’en sortir » - Pour accéder à leurs droits - Pour accéder à l’emploi. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 84 3. Propositions d’actions formulées par les acteurs Repérer les cas de discriminations. - L’objectif est de concrétiser et officialiser le constat. o Les exemples de fiches de signalement dans les sites pilote du programme ESPERE sont une base d’inspiration. - Cet outil doit tenir compte des difficultés à caractériser une discrimination et à constituer des preuves : o exemple : au téléphone, un employeur qui se rétracte après avoir entendu le nom des jeunes voulant se présenter (exemple concret vécu par des jeunes voulant participer aux vendanges) o à l’oral, certains employeurs peuvent néanmoins affirmer qu’ils ne veulent « pas d’arabes ». o l’AEFTI avait mené un tel repérage à l’aide d’un logiciel, Girafe, permettant de repérer les entreprises, les personnes qui y ont fait un stage (compétences, rapport de stage), et la traduction de ces stages en emploi à plus ou moins long terme. - Quelle serait la suite donnée à ces constats ? Il faut tenir compte de la difficulté à poursuivre une action en justice o peu de magistrats vont permettre des poursuites pénales o les cas qui aboutissent sont ceux soutenus par des associations (par des conseils voire des financements). => L’idée serait de privilégier des médiations entre demandeurs et employeurs. o Il s’agit d’être positifs dans la démarche, et de ne pas en rester au « tout dénonciation » ! o Une association de médiation pénale peut être la solution. - Quel serait le référent, le coordonnateur d’un tel outil ? Les associations sont dans une situation délicate, dépendantes de fonds publics et parfois reconnues comme peu légitimes pour interpeller les entreprises. => Une telle action nécessite un soutien politique et institutionnel fort et cohérent. La lutte contre les discriminations nécessite l’affichage d’une volonté politique et institutionnelle, pour lui donner une crédibilité : o Un soutien par la COPEC o Une action inscrite dans les orientations et les actions de la politique de la ville. o A partir de cette volonté politique, les acteurs de proximité avec les jeunes et les intermédiaires de l’emploi sont mobilisables pour effectuer ces signalements. Mettre au clair acteurs et jeunes sur « les discriminations » L’objectif de cette action est d’éviter un abus du terme « discriminations ». Il s’agit d’expliciter la définition de cette notion et de débattre des situations vécues. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 85 - Il s’agit d’expliciter la notion de discriminations au public. o A l’AEFTI, un film a ainsi été montré aux bénéficiaires des formations, présentant des scènes de la vie quotidienne et demandant si elles relevaient de discriminations. - Il s’agit ensuite de libérer la parole, de susciter le débat parmi les jeunes. o Le public a-t-il rencontré de telles situations ? A partir des réponses, une distinction entre ce qui relève de la discrimination et les autres cas est à effectuer. o Un recueil de témoignages peut alors être opéré. - Un éventail de réponses peut alors être proposé au public, (conseils et informations sur les droits). Les participants soulignent également la nécessité de communiquer de façon positive. Il importe de valoriser l’apport de l’immigration dans le pays sedanais. L’ACPSO participe actuellement à un projet avec le FASILD sur le grand Est, travaillant sur la mémoire, notamment des personnes d’origine algérienne ou marocaine. Un accompagnement privilégié des jeunes Un travail avec les jeunes semble également important à mener. - Le constat est fait d’un écart d’attentes entre les jeunes et les entreprises. o Les jeunes issus de quartiers sensibles sont habitués à un mode de communication agressif, un rapport de force quotidien ; o Ils n’ont pas d’idée précise de ce qu’est l’entreprise, de ce qu’est l’intérim, et de ses exigences : « tout leur est dû » ; o Une enquête statistique a été menée par Adia à Douai, recueillant les attentes des jeunes et celle des employeurs : elle a permis de révéler le décalage. - Un intermédiaire semble nécessaire : o Afin d’opérer une médiation entre ces deux mondes, et permettre une écoute partagée entre les deux. o Afin de promouvoir auprès de ces jeunes une image positive du service public de l’emploi. o Afin de procéder à une réelle information sur l’intérim, où les agences viendraient expliquer leur rôle. - Selon les participants, une telle structure accompagnant ces jeunes, spécialisée sur l’emploi et les discriminations, n’existe pas sur Sedan. o une structure temporaire, sur un an, serait nécessaire pour « casser l’image » des structures existantes (PAIO, ANPE, centres sociaux) et surtout montrer qu’elle est là pour eux, pour les accompagner. o le public ciblé serait spécifique : ceux qui ne sont pas touchés par les autres structures (cf. dans le quartier du Lac). o Cette structure permettrait de remettre ces jeunes à l’écart dans des rails de l’insertion : vers l’intérim, les structures existantes, la formation – afin de combler les manques de personnel formé. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 86 B – ACCOMPAGNER LES EMPLOYEURS ET LES INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI DANS LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 1. Constat : l’accompagnement des employeurs sur ces discriminations s’avère délicat Tout d’abord, la « discrimination ethnique et raciale » est difficile à spécifier et à prouver. - Les demandes qui parviennent des employeurs ne sont pas ouvertement discriminantes dès lors qu’elles sont écrites : sinon, ils seraient en infraction au regard de la loi. - Les éventuelles remarques discriminantes sont faites à l’oral, surtout en ce qui concerne l’origine du candidat recherché. - Il n’y a pas dans l’entreprise une personne qui soit identifiable comme responsable de l’embauche : il existe une irresponsabilité collective. On n’a jamais en face de soi la personne qui formule la demande discriminante, les filtres de la sélection sont nombreux. Alors, « tout le monde est complice » : tout le monde sait, sans agir. - Il existe beaucoup d’autres types de discriminations. Se pose donc la question : pourquoi travailler sur cette discrimination en particulier ? Il n’est pas question de faire de la « discrimination positive ». Dans les chantiers d’insertion mis en place par la ville, il y a environ 25% de personnes issues de l’immigration, comme dans le reste de la ville. On ne peut pas admettre qu’il y ait une discrimination en sens inverse, favorisant l’accès aux dispositifs publics ou à la fonction publique pour les personnes issues de l’immigration. 2. Une nécessité : un accompagnement de proximité, une argumentation individualisée C’est actuellement par la persuasion individuelle auprès des employeurs que les acteurs agissent. - Face à un employeur formulant des exigences discriminantes c’est l’argumentation économique qui est employée : pour augmenter sa rentabilité économique, mieux vaut pour l’employeur choisir vraiment selon les compétences et non selon l’origine du candidat, afin d’embaucher quelqu'un d’effectivement compétent pour l’entreprise. - Pour contrer les refus des employeurs, il faut argumenter sur le CV de la personne, mettre en avant les compétences. Mais cela n’est possible que parce qu’il existe une bonne connaissance de l’entreprise, de ses critères de recrutement – et de la personne qu’on recommande. - Cette relation de dialogue et de persuasion reste difficile face aux agences d’intérim : elles ont pour objectif de conserver leurs marchés, et ne peuvent se permettre de refuser des demandes. Par ailleurs les acteurs du Service public de l’emploi sont dépendants des agences d’intérim, ils sont en demande d’offres d’emploi de leur part. En effet 90% des postes de l’industrie passent par l’intérim. Il n’existe donc pas de solution globale, mais une démarche individuelle de persuasion à mener face aux interlocuteurs. Cela souligne le fort besoin de formation des intermédiaires de l’emploi FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 87 L’expérience menée par la direction régionale d’ADIA en termes de lutte contre les discriminations est intéressante. - un travail est opéré en interne avec les chargés de recrutement sur le savoir-être, les attitudes à avoir o face à des employeurs discriminants (arguments) o ou des demandeurs agressifs (gestes, comportements). - une formation est proposée aux clients (DRH, interlocuteurs) sur deux jours : o une journée avec une psychologue du travail pour informer sur les aspects psychologiques et légaux des discriminations, o une journée de débats et jeux de rôles pour savoir comment réagir. - l’envoi à l’employeur de fiches anonymes récapitulant les compétences et l’expérience de l’intérimaire, en rapport avec le poste proposé. o Les entreprises clientes depuis longtemps ont parfois des difficultés à accepter ce fonctionnement. o Le client fait rarement suivre cette fiche d’un entretien lorsqu’il s’agit de postes sans haute qualification. o Les résultats de cette action sont positifs nationalement : une étude de M. Amadieu a montré que les discriminations étaient moins fortes, un an après le début de cette action. o Il n’y a pas de « fuite » observée des entreprises clientes. Adia affiche ses convictions, les employeurs suivent. C’était finalement un cliché que de penser que les clients pouvaient se désintéresser d’une telle démarche. 3. Les pistes d’action proposées par les acteurs Proposition de formation des acteurs du Service Public de l’Emploi Il existe un groupe local du SPE sur Sedan, regroupant les différents acteurs. - Il serait intéressant de diffuser l’information dans ce groupe sur l’étude et ses résultats, dans un premier temps. - Une offre de formation pourrait y être proposée, afin de fournir à ces structures intermédiaires de l’emploi des argumentaires dans la lutte contre les discriminations. Information et soutien aux entreprises, à moyen terme L’expérience du CBE montre qu’il est difficile de mobiliser les employeurs sur le bassin sedanais, et de trouver des interlocuteurs dans l’entreprise. - Le MEDEF apparaît comme peu investi par les entrepreneurs locaux. - Les syndicats mènent peu d’actions collectives, en dehors des entreprises. o Le problème reste que dans les PME (et TPE) il existe peu d’acteurs syndicaux. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 88 - - Il n’existe pas vraiment de club d’entreprise, ou bien de façon informelle. o Le CBE essaie d’organiser des rencontres par secteur d’activité, afin d’être à l’écoute des entreprises. Cela reste toutefois à l’état d’ébauche. Il est observé beaucoup d’individualisme au niveau des entrepreneurs. o Le Groupe d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification a peiné à organiser des emplois en temps partagé entre plusieurs entreprises. La peur de la concurrence peut expliquer cela. Toutefois, l’action auprès des grandes entreprises peut être pertinente. - Les TPE ou PME familiales peuvent être plus difficiles à sensibiliser sur ce thème des discriminations, du fait de leurs habitudes familiales de recrutement. - Les grandes entreprises ont en leur sein des interlocuteurs venant d’autres régions ou bassins d’emploi, et qui « tournent ». o Si une structure extérieure est présente pour les accompagner dans le changement d’habitudes de recrutement, alors ils seront partants. o C’est ce qui a été observé dans les actions aidant à l’embauche de travailleurs handicapés. Proposer une charte avec les entreprises - Il s’agit d’engager une « démarche qualité » autre que seulement économique o les entreprises ont tout à y gagner. - La clause insérée dans le code des marchés publics de la ville de Charleville Mézières est à ce titre exemplaire. Elle ne vise pas à instaurer des quotas mais à inclure d’autres indicateurs de la compétitivité et de la performance. C – DES PROPOSITIONS A METTRE EN LIEN AVEC LES ORIENTATIONS DU CONTRAT DE VILLE Les différentes propositions émises dans le cadre des groupes de travail thématiques sont de facto à mettre en lien avec les orientations du Contrat de Ville de Sedan. 1. La lutte contre les discriminations est un enjeu transversal du Contrat de Ville Le contrat de ville de Sedan (2000-2006), dont le FASILD est signataire, comporte 5 grands objectifs stratégiques : - insertion par l’économique et accès à l’emploi ; - sécurité, prévention, justice et citoyenneté ; - action éducative, culture, jeunesse, - action sociale, santé, famille ; - gestion urbain de proximité, habitat, projets urbains. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 89 Trois approches transversales apparaissent également : - l’implication des habitants dans les actions et projets, avec une attention particulière portée aux populations immigrées « pour trouver les voies de leur participation active ». - « l’intégration des populations immigrées » ; - l’évaluation. Parmi les cinq grands objectifs stratégiques, trois sont particulièrement en lien avec la question des discriminations. Insertion par l’économique et accès à l’emploi Objectif : mieux repérer et accompagner les publics les plus à l’écart du dispositif. Moyens : développement de structures support d’insertion (entreprise d’insertion) et d’un lieu ressource mettant en lien les besoins des habitants et les réponses présentes. Lien avec la lutte contre les discriminations : En complémentarité avec le PLIE, et en lien avec le tissu économique, le contrat de ville stipule qu’« une attention particulière sera accordée au fait de conduire une sensibilisation sur les questions de discrimination dans l’accès aux stages et au travail ». Cela se traduit notamment, - lors du repérage des publics « les plus éloignés du travail », par une attention particulière portée aux publics issus de l’immigration ; - dans les actions de socialisation et d’insertion, par l’inscription de la formation linguistique dans les parcours d’insertion. Sécurité, prévention, justice et citoyenneté Objectif : mener des actions mieux ciblées sur les situations d’insécurité. Moyens : création de la « Maison de la Justice et du Droit », visant notamment à favoriser l’aide aux victimes et à « développer le traitement pénal sous forme de mesures alternatives aux poursuites » (ex. rappel à la loi). Lien avec la lutte contre les discriminations (envers les jeunes) : Un des axes est de « diversifier les réponses aux questions des jeunes », en les rendant acteurs sans le placer en situation d’assistanat. Il s’agit notamment de « s’efforcer de mettre l’accent autant sur les droits que sur les devoirs liés à la vie citoyenne ». FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 90 Action éducative, culture, jeunesse Objectif : promouvoir la mixité sociale et l’unité du territoire. Moyens : facilitation de l’accès aux équipements socioculturels et sportifs, développement de l’offre dans ces secteurs Lien avec la lutte contre les discriminations (spatiales, liées au quartier) : Sont privilégiés les actions ou dispositifs permettant des échanges, des rencontres et des coopérations entre jeunes de quartiers différents, afin d’éviter l’exclusion, les préjugés et la fragmentation de la ville. Les actions financées par le FASILD dans le cadre du Contrat de Ville Dans ce cadre, le FASILD a programmé en 2004 les financements suivants : • Pour l’insertion sociale et professionnelle : des actions d’alphabétisation et socialisation (CS Torcy-cités) • Pour la politique jeunesse : les ateliers Hip Hop de la MJC • Pour la lutte contre les discriminations, l’action « jouons avec nos différences contre les discriminations » au Centre social Torcy-cités. • Pour le soutien associatif : l’action des Femmes relais 08. 2. Un plan local de lutte contre les discriminations Malgré cette transversalité, il reste difficile de percevoir une stratégie sur le territoire. Pourtant les actions proposées par les acteurs soulignent la nécessité d’afficher une volonté politique forte au niveau local sur cette question. Un projet global de lutte contre les discriminations à Sedan pourrait donc être formulé visiblement par la ville (s’inspirant du guide pratique « Lutter contre les discriminations raciales sur le marché du travail », vol.2, sept. 2000, DIV, DPM, DGEFP, FAS). L’objectif général en serait « promouvoir l’égal accès à l’emploi des jeunes de Sedan », articulé en objectifs stratégiques, suivant les propositions formulées : Informer chacun des droits et des devoirs dans l’accès à l’emploi Accompagner les acteurs économiques dans l’accueil de la diversité culturelle et générationnelle FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 91 Quatrième partie : Le plan d’action proposé aux acteurs locaux Le plan d’action proposé a été conçu lors d’une réunion intermédiaire avec les représentants du FASILD Champagne-Ardenne et plusieurs acteurs locaux. Cette réunion s’est tenue le 28 avril 2005 en mairie de Sedan. Les préconisations émanant des groupes de travail ont été complétées et amendées puis organisées selon 6 axes, constituant un véritable plan d’action découlant du diagnostic de la situation locale. - Elles s’appuient sur les ressources locales. Elles s’articulent avec les actions déjà existantes aux niveaux départemental, régional et national. Un axe transversal de ce plan d’action est l’insertion des jeunes femmes, et la lutte contre les discriminations à leur égard. 1. L’affichage d’une volonté politique La volonté politique passe par l’engagement politique à tous les niveaux : L’Etat Les élus Les associations Elle peut se décliner en différentes actions : un travail de communication sur la notion de discrimination o Une campagne d’affichage sur ce thème a ainsi été réalisée à Lille. o L’objectif est de montrer que la ville et les acteurs locaux s’engagent sur ce thème. Une clause dans les appels d’offre pour les marchés publics dans le cadre de l’ANRU. o Cette clause doit s’inspirer de la Charte nationale d’insertion établie dans le même cadre. Un avenant au Contrat de Ville faisant apparaître un axe spécifique sur la « lutte contre les discriminations ». o Cela permettrait aux associations de proposer des actions avec cet objectif clairement affiché, ce qui n’est pour l’instant que rarement le cas. o Un échange avec les élus sur cet avenant doit avoir lieu avant le prochain comité de pilotage. L’établissement d’un « Plan Local de Lutte contre les Discriminations » o Il s’agit d’une mesure du Conseil Interministériel à l’Intégration. o Ce plan est prévu pour concerner les discriminations ethniques et raciales à tout âge. o Il doit faire l’objet d’une demande de labellisation par les élus auprès de la DIV et du FASILD. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 92 Ces mesures locales doivent s’inscrire dans les dispositifs existant à d’autres échelons : o Au niveau départemental : la COPEC, Commission pour la Promotion de l’Egalité des Chances et de la Citoyenneté (ex-CODAC) o Au niveau régional : le PRIPI, Plan Régional pour l’Intégration des Populations Immigrées o Au niveau Régional : la CRILD, Commission Régionale pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations o Au niveau national, la HALDE, Haute Autorité pour la Lutte contre les Discriminations et l’Egalité. 2. La mise en place d’un Comité de suivi. Un comité de suivi doit se mettre en place Afin de mettre en œuvre ce plan d’action ; Afin de rassembler toutes ces informations et de constituer une base de données, un répertoire permettant aux acteurs d’avoir accès à des informations uniformes et actualisées ; Afin de devenir, éventuellement, un comité de pilotage du Plan local de lutte contre les discriminations. 3. Le travail sur les représentations menant aux discriminations Il importe de communiquer sur des parcours réussis, sur des actions réussies. Les médias, autant la presse que les médias audiovisuels, doivent être mobilisés. Des actions existent déjà : Au niveau national, le FASILD soutient des spots diffusés sur FR3 En Champagne Ardenne, Radio Primitive a ainsi diffusé des émissions retraçant des parcours de vie de migrants. Des supports vidéo existent, notamment des longs métrages, existent, qui peuvent être utilisés lors de projections thématiques. 4. L’accompagnement des entreprises Ce travail avec les employeurs étant délicat, il peut être envisagé de prendre chaque entreprise l’une après l’autre, afin de viser la proximité et l’efficacité. Plusieurs types d’action sont à envisager. Une Charte locale avec les employeurs o ADIA et Adecco sont des acteurs très impliqués, à associer o Une Charte de la diversité a été signée avec plusieurs entreprises au niveau national, il importe de s’appuyer dessus, notamment dans le cas de PSA. Des formations proposées aux acteurs, syndicats, intermédiaires de l’emploi, employeurs FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 93 o Le FASILD propose ainsi des formations à partir de 12 personnes sur un site. o Il est prévu dans le PRIPI que les acteurs départementaux du service de l’emploi participent à ces formations. La structuration des réseaux de parrainage, intégrant une clause sur la lutte contre les discriminations. Un travail spécifique avec la Chambre des Métiers, o dans la lignée de l’accord cadre national signé entre l’Association Permanente des Chambres des Métiers, la Direction des Populations et Migrations, et le FASILD. o A articuler avec le PLIE, dont la Chambre des Métiers est partenaire. 5. Le travail auprès de l’Education Nationale Un travail est à envisager pour savoir comment intervenir dans l’orientation des jeunes. Le CASNAV, le CIO, sont des acteurs impliqués dans cette réflexion. Il existe un accord cadre national avec l’Education Nationale sur l’orientation. Des actions pertinentes ont déjà été mises en place. A Sedan, un travail de repérage de ce qui existe au niveau départemental et régional est à faire, afin de voir ce qui peut être réalisé localement. Des colloques sont ainsi organisés au niveau régional, faisant intervenir des chercheurs sur le domaine scolaire. Les derniers colloques avaient pour thème : o La relation des parents immigrés à l’école o L’ethnicisation à l’école 6. L’accompagnement des jeunes Il s’agit d’éviter des postures de mise en échec, et de favoriser les attitudes positives. Au delà des débats sur les discriminations, il doit être envisagé des actions de valorisation des jeunes concernés. Par exemple par du théâtre-forum, à destination des employeurs. Avec la présence d’intervenants extérieurs, comme les membres du Conseil Départemental de la Jeunesse. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 94 ANNEXES 1. Lexique des termes relatifs à l’intégration et aux discriminations, 2. Cadrage statistique 3. Guides d’entretien spécialement élaboré pour le diagnostic, 4. Liste des personnes rencontrées à la faveur des entretiens et des groupes de travail. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 95 ANNEXE 1 : LEXIQUE IMMIGRE / FRANÇAIS / ETRANGER Est de nationalité française toute personne née en France d’un parent né en France, ou toute personne née d’un parent français. Est étrangère toute personne qui n’est pas française, qui ne répond donc pas à ces conditions. Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré. (source : INSEE) Une personne issue de l’immigration (ou d’origine étrangère) est née de parents ou de grands parents ayant immigré en France. (source : INED) DISCRIMINATION La discrimination est une différence arbitraire de traitement pratiquée aux dépens d’une personne ou d’un groupe de personnes, une violation du principe fondamental d'égalité. La discrimination raciale consiste donc à traiter de manière défavorable une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine réelle ou supposée, leur appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une “race”, leur apparence physique, ou bien encore leur patronyme. (source : site alterites.org) La discrimination à l’emploi est une attitude par laquelle un employeur, lors d’opérations d’embauche, exprime de manière explicite ou implicite, éventuellement par sous entendus, au moyen de mots de tous les jours ou de codes, à un candidat ou à un tiers médiateur, une volonté de sélection en fonction d’une appartenance culturelle réelle ou supposée, ou de caractères phénotypiques (la couleur), éléments éventuellement renforcés par le lieu d’habitat ; un tiers médiateur peut avoir une attitude similaire lorsqu’il retransmet à d’autres ces critères et/ou réalise une sélection en fonction de ces critères. (définition donnée par le FAS, 1999) La discrimination directe est une sélection opérée volontairement entre des candidats en raison de leur origine réelle ou supposée. Elle peut être apparente ou dissimulée (invocation d’autres explications). La discrimination indirecte se produit lors de l’application d’une règle apparemment neutre qui entraîne un désavantage particulier pour des personnes d’une origine donnée. (source : site alterites.org) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 96 RACISME Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles ou imaginaires, afin de justifier de privilèges ou d’agression d’une victime par un accusateur. (Albert Memmi) Il se distingue de la discrimination par son caractère généralisant. INTEGRATION L’intégration consiste à susciter la participation active à la société toute entière de l’ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol en acceptant sans arrière pensée que subsistent des spécificités notamment culturelles, mais en mettant l’accent sur les ressemblances et les convergences dans l’égalité des droits et des devoirs, afin d’assurer la cohésion de notre tissu social. (source : Haut Conseil à l’Intégration, 1991). Il faut distinguer l’intégration (choix et participation de nouveaux membres à la communauté nationale) de l’assimilation (qui souligne l’unité de cette communauté, par l’alignement sur les normes du pays) et de l’insertion (conditions d’accueil de l’étranger avec le maintien de particularismes d’origine) (Jacqueline Costa-Lacoux, De l’immigré au citoyen, 1989). L’intégration n’est toutefois pas une voie moyenne entre les 2, mais un processus spécifique permettant de prendre en compte les différences sans les nier ni les exalter afin de permettre à chacun de vivre dans cette société dont il a accepté les règles et devient un élément constituant. (source : HCI, 1991). FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 97 ANNEXE 2 : CADRAGE STATISTIQUE Une problématique difficile à quantifier La notion de « discrimination » est multiforme et complexe. Appliquée à la population immigrée et issue de l’immigration, elle apparaît très difficile à cerner statistiquement. En effet : - le statut d’immigré correspond à une définition reprenant des critères croisés, de lieu de naissance, de résidence et de nationalité. Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l'étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangères et immigrées ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré. - les « personnes issues de l’immigration » (nées d’un parent immigré) n’apparaissent pas dans les données de l’INSEE. Les entrées choisies Pour ces raisons, ce cadrage statistique ne peut rester qu’indicatif et doit être manié avec précaution. Après des éléments généraux sur la population, trois entrées ont été privilégiées : - la situation de l’emploi et du chômage (données INSEE et ANPE) pour l’ensemble de la population ; - la situation des 15-24 ans par rapport à l’emploi ; - la situation des étrangers (critère de nationalité) par rapport à l’emploi. Ces trois entrées s’appliquent sur la région, le département et la commune de Sedan. Certaines données sont également disponibles pour les ZUS de Torcy et du Lac. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 98 Commentaire des données Une commune ouvrière La proportion d’ouvriers dans la population active est nettement plus forte à Sedan (deux fois plus importante qu’au niveau régional : 38,5 contre 18,3% des actifs), et ce au détriment des employés et des professions intermédiaires. Les secteurs dans lesquels ces ouvriers sont actifs sont l’industrie et plus nettement encore le tertiaire. Par ailleurs, la population est moins diplômée que la moyenne régionale (25,0% sans diplôme contre 20,3% au niveau régional ; 17,2% de niveau égal ou supérieur au bac, contre 20,5%). Une population active particulièrement touchée par le chômage Le taux de chômage dans la commune est deux fois plus élevé que dans la région (26,1 contre 13,4% en 1999) ; cela est encore plus flagrant dans les ZUS, de Torcy - Cité notamment (52% de chômage) ; dans la ZUS du Lac, le chômage de longue durée est sensiblement plus répandu (61% des demandeurs d’emploi contre 55% au niveau régional). Par ailleurs, la part du travail précaire ou instable (intérim, emplois aidés) est plus importante à Sedan, notamment dans les ZUS, que dans le reste du département. Les catégories de population les plus exposées au chômage Le sexe, l’âge, la formation apparaissent comme des facteurs aggravants du chômage. Les femmes connaissent un taux de chômage de 8 points plus élevé à Sedan que celui des hommes, et 2 fois supérieur à la moyenne régionale (30,5% contre 13,4%). Dans la ZUS de Torcy, ce taux est trois fois supérieur à l’indice régional (58%). Les 15-24 ans sont près de deux fois plus nombreux à être touchés à Sedan que dans la région (45% contre 28,7%), et ce taux atteint 61% dans la ZUS du Lac. Il apparaît également que les ouvriers (OQ, OS) sont surreprésentés parmi les demandeurs d’emploi (49% des demandeurs en 2002, alors qu’ils représentaient 38% de la population en 1999). Cette surreprésentation est encore plus flagrante pour les employés (45% des demandeurs, 6,9% de la population). Il en va de même pour les personnes détenant un CAP ou un BEP (47% des demandeurs d’emploi en 2002, 23,7% de la population en 1999). Emploi et chômage des populations étrangères Concernant la population étrangère hors UE, elle est principalement d’origine algérienne à Sedan (38% des étrangers). Les chiffres montrent que cette population est presque deux fois plus touchée que la moyenne par le chômage : le taux de chômage des étrangers à Sedan est de 45% contre 26% pour l’ensemble des Sedanais. Ces chiffres restent toutefois indicatifs : ils concernent les étrangers, et ne valent pas pour les populations immigrées. FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 99 DONNEES GENERALES (INSEE 1999) Territoire concerné Population Répartition par nationalité Français par acquisition Etrangers Dont : Espagnols Italiens Portugais Autres UE Algériens Marocains Tunisiens Turcs Autres étrangers Immigrés Part des 15-24 ans Parmi les 15-24 ans : Français par acquisition Etrangers Immigrés Niveau de diplôme Etudes en cours Aucun diplôme CEP BEPC CAP BEP Bac brevet professionnel Bac+2 Diplômes supérieurs Total Champagne Ardennes 1342202 39599 50642 Ardennes 290124 4,4% 6,5% 18,8% 7,2% 17,7% 19,1% 1,8% 8,8% 14,8% 20547 412 1356 1088 1953 3375 2194 99 1257 572 3,3% 11,0% 8,8% 15,8% 27,4% 17,8% 0,8% 10,2% 4,6% 2,75% 54 5,18% 226 12 169 84 76 405 136 4 140 38 1198 181966 5466 4656 13,5% 37229 3,0% 2,5% 2,2% 2,7% 11,2% 20,3% 18,2% 6,7% 22,9% 9,4% 6,2% 4,9% 100% 23810 51896 44508 17704 53281 21394 13192 8649 234434 FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 5,8% 10,1% 22,1% 18,9% 7,5% 22,7% 9,1% 5,6% 3,7% 100% 13,9% 59 86 58 123648 223021 199859 73731 252163 103556 68014 53561 1097553 1,1% 15,9% 7,9% 7,1% 38,0% 12,8% 0,3% 13,1% 3,6% 12,8% 2853 810 1019 1652 4267 2655 1137 3891 1420 800 614 16436 ZUS Torcy - Cité 1683 3,0% 567 4,2% 1064 2,9% 8843 3,8% 12306 2265 3288 9521 3979 8975 9696 923 4462 7533 Commune de Sedan 2,0% 3,0% 2,0% 10,0% 25,9% 16,1% 6,9% 23,7% 8,6% 4,9% 3,7% 100% 100 ZUS du Lac 4554 3,2% 136 13,4% 304 2,9% 6,7% DONNEES SUR L’EMPLOI (INSEE 1999) Territoire concerné Population active Champagne Ardennes Commune de Sedan ZUS Torcy - Cité ZUS du Lac Ardennes 602 963 124 431 8918 567 1953 54,9% 53,1% 55% 47,3% 56,2% Taux d’activité 62,9% 47,4% Taux d’activité masculine Taux d’activité féminine Conditions d’emploi Apprenti sous contrat Emplois aidés Stagiaires rémunérés CDD Intérim CDI CSP des actifs Agriculteurs Artisans, commerçants Cadres, prof. intellect. Prof. intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Autres inactifs Total Secteurs d’activité économique Agriculture Industrie Construction Tertiaire Total 62,6% 44,0% 63,6% 45,8% 6621 12887 4180 37881 10656 291438 1,8% 3,5% 1,1% 10,4% 2,9% 80,1% 1235 3438 757 6570 3285 53731 1,8% 4,9% 1,1% 9,5% 4,7% 77,8% 62,0 407 99 574 313 4596 1,0% 6,7% 1,6% 9,5% 5,2% 76,0% 25059 31837 37352 114781 170408 200427 240943 265912 1096719 2,2% 2,9% 3,4% 10,4% 15,5% 18,3% 21,9% 24,2% 100% 2953 4538 5143 12541 7073 37496 26395 18032 114171 2,6% 3,9% 4,5% 10,9% 6,2% 32,8% 23,1% 15,8% 100% 20 257 308 728 504 2986 1564 1392 7759 0,2% 3,3% 3,9% 9,3% 6,5% 38,5% 20,1% 17,9% 100% 38302 117600 28799 334699 519400 7,3% 22,6% 5,5% 64,4% 100% 5363 27208 5880 64545 102996 5,2% 26,4% 5,7% 62,6% 100% 47 1890 275 4359 6571 0,7% 28,8% 4,2% 69,0% 100% FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 59,3% 34,0% 3 35 14 28 11 164 101 1,2% 13,7% 5,5% 11,0% 4,3% 64,3% 67,3% 46,9 11 141 21 149 88 797 0,9% 11,7% 1,7% 12,3% 7,3% 66,0% DONNEES SUR LE CHOMAGE (INSEE 1999) Territoire concerné Taux de chômage Taux chômage des hommes Taux de chômage des femmes Part des chômeurs de longue durée Champagne Ardennes 13,4% 10,9% Ardennes 16,6% 55,1% Commune de Sedan ZUS Torcy - Cité ZUS du Lac 16,8% 13,1% 26,1% 22,6% 52,0% 48,9% 36,5% 29,8% 21,9% 52,8% 30,5% 57,9% 58,0% 56,6% 44,3% 61,8% DONNEES SUR LES DEMANDEURS D’EMPLOI EN FIN DE MOIS (DEFM, ANPE 2002) Territoire concerné Champagne Ardennes Ardennes Commune de Sedan ZUS Torcy - Cité ZUS du Lac Total des DEFM cat.1 Part des DEFM de moins de 25 ans 1535 394 147 25,7% 48 477 32,7% 127 26,7% Nationalité des DEFM Français étrangers 1426 109 92,9% 130 7,1% 17 88,4% 423 11,6% 55 88,6% 11,4% 745 684 91 49,0% 98 45,0% 45 6,0% s 66,6% 249 30,6% 214 s 18 52,2% 44,8% 3,8% 357 136 716 206 104 23,5% 9,0% 47,1% 13,6% 6,8% 33,3% 10,9% 46,9% 6,8% s 27,4% 10,2% 45,3% 11,8% 5,3% Qualification des DEFM Manœuvres, OS, OQ Employés Techniciens, cadres Niveau de formation des DEFM VI (avt collège) V bis (CEP, SES) V IV I, II, III FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 49 16 69 10 s 102 130 48 214 56 25 DONNEES SUR L’EMPLOI DES 15-24 ANS (INSEE 1999) Territoire concerné Champagne Ardennes 56759 Ardennes Commune de Sedan 12311 1065 ZUS Torcy - Cité 103 ZUS du Lac 302 Actifs 15-24 ans 28,7% Taux de chômage des 15-24 ans CSP des 15-24 ans Agriculteurs Artisans, comm. Cadres, prof intellect. Prof intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Autres inactifs Total 371 793 664 6207 18480 22410 0 132992 181917 0,2% 4,3% 0,3% 3,4% 10,1% 12,3% 0 73,1% 100% 35,9% 48 103 37 512 854 4387 0 13680 19621 FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 0,2% 0,5% 0,1% 2,6% 4,3% 22,3% 0 69,7% 100% 45,0% 4 16 0 42 55 343 0 994 1454 0,2% 1,1% 0 2,9% 3,8% 23,5% 0 68,3% 100% 103 52,6% 62,1% ANNEXE 2 : LES GUIDES D’ENTRETIENS NB : Les guides présentés sont les guides « initiaux », ils ont été adaptés au fur-et-à-mesure des entretiens menés. Le guide d’entretien des intermédiaires de l’emploi 1. PRESENTATION GENERALE Pourriez-vous vous présenter brièvement ? - Votre entreprise, votre poste, vos partenaires internes 2. ITINERAIRE DE Pourriez-vous me décrire les grandes lignes de votre action avec les L’ACTION JEUNES jeunes ? Objectifs - Quelles sont les priorités de votre action ? comment sont-elles définies ? - Quelles prestations s’adressent surtout aux jeunes ? Public cible - Avec quelles jeunes travaillez-vous ? (age, sexe, origine, quartier) - Comment décririez-vous leurs caractéristiques ? (phénotypiques, linguistiques, sociales, niveau de formation, expérience professionnelle, situation familiale et de logement) - Avec lesquelles ne travaillez-vous pas ? par choix, par contrainte ? - Quelles difficultés rencontrent-ils principalement dans leur recherche d’emploi ? Quelles sont leurs difficultés annexes qui influent sur cette recherche (famille, logement, finances…) ? - Quelles sont leurs principales attentes ? - Comment arrivent-ils à vous ? qui les a orientés vers vous ? Accompagnement Jeunes issus de l’immigration - A quelle fréquence ont lieu vos rencontres ? pouvez-vous avoir un suivi des jeunes rencontrés ? - Quelles informations vous aident le plus à orienter le jeune ? - Quels types d’informations pouvez-vous leur donner : offres, formations, contacts, conseils sur le CV / pour des entretiens… - A votre connaissance, les jeunes issus de l’immigration rencontrentils des difficultés particulières ? lesquelles ? pourquoi ? - Quelles spécificités présentent-ils selon vous ? (formation, relationnel, attitudes, motivation, langage) - Ciblent-ils des secteurs / des types de contrats en particulier ? - Leur donnez-vous des conseils particuliers ? - Vers quel type d’offres / de secteurs les orientez-vous ? FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 104 3. MISE EN RELATION JEUNES/ EMPLOYEURS Comment faites-vous le lien entre les jeunes et les employeurs ? Relation aux employeurs - Quels contacts avez-vous, par ailleurs, avec quels employeurs ? - Quels types d’offre pour les jeunes vous adressent-ils (CDD, stages, intérim, contrats de qualification) - De quelles exigences spécifiques vous font-ils part ? Etes-vous en mesure d’y répondre ? - Quels sont les critères les plus importants qu’ils font ressortir ? (sexe, âge, diplôme, mobilité…) - Qu’attendent-ils d’un jeune embauché ? en termes d’attitude, de relations aux collègues, de contacts avec les clients, de travail pratiqué, de compétences, de désir d’évolution. Sélection des candidatures transmises - Quand vous mettez en lien une offre et une demande, à quoi faitesvous le plus attention ? (formation, compétences, exigences) - Quels types de candidatures recevez-vous ? (profils : diplôme, sexe, âge, lieu de domicile, origine) - Que regardez-vous en premier dans une candidature, un CV ? - Quels moyens avez-vous pour évaluer la candidature d’un jeune ? (stages, 1ères expériences, diplôme, autres) Evaluation - Avez-vous déjà eu des retours négatifs des employeurs sur les jeunes que vous leur aviez adressés ? - Cela a-t-il influé sur votre façon d’opérer les recrutements suivants avec ce même employeur ? Comment ? - Quelles difficultés rencontrez-vous dans ces mises en relation? - Quels sont les manques que vous identifiez (documents, contacts) 4. EVOLUTION Depuis votre arrivée dans cette fonction, quelles évolutions avez-vous constaté au niveau des jeunes accompagnés ? - Quelles évolutions avez-vous constaté pour les candidats issus de l’immigration ? (formation, postes demandés, mobilité, situation familiale et de logement…) - Les postes demandés correspondent-ils aux niveaux de formation ? - En quoi leur situation demeure-t-elle spécifique par rapport aux autres candidats ? - Quelles évolutions avez-vous constaté du côté des employeurs et de leurs exigences ? - Quelles seraient d’après vous les pistes d’évolution pour la formation/ le recrutement des personnes issues de l’immigration ? - Avez-vous été témoin ou à l’initiative d’actions qui vous ont paru intéressantes ? Souhaitez-vous ajouter un commentaire particulier, ou aborder un nouvel aspect du sujet ? FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 105 Le guide d’entretien des employeurs 1. PRESENTATION GENERALE 2. PRATIQUES DE RECRUTEMENT Offre Pourriez-vous vous présenter brièvement ? - Votre entreprise, votre poste, vos partenaires internes - Votre parcours, votre formation Pourriez-vous me décrire la façon dont se passe un recrutement ? - Racontez moi le dernier recrutement réalisé - Qui participe à la rédaction de l’offre ? - Quels sont les critères les plus importants que vous faites ressortir ? (sexe, âge, diplôme, mobilité…) Diffusion - A qui faites vous suivre cette offre ? - Avez-vous des relais privilégiés ? Lesquels ? quelles consignes leur donnez-vous sur les candidatures à vous transmettre ? Candidats - Quels types de candidatures recevez-vous ? (profils : diplôme, sexe, âge, lieu de domicile, origine) par quel intermédiaire ? - Que regardez-vous en premier dans une candidature, un CV ? - Quels moyens avez-vous pour évaluer la candidature d’un jeune ? (stages, 1ères expériences, diplôme, autres) - Comment se passe l’entretien ? avec qui ? - Qu’est-ce qui fait la différence dans un entretien ? (aisance orale, compétence, …) Attentes 3. RELATION AUX JEUNES ISSUS DE L’IMMIGRATION Relation réelle - Qu’attendez-vous d’un jeune embauché ? en termes d’attitude, de relations aux collègues, de contacts avec les clients, de travail pratiqué, de compétences, de désir d’évolution. Aujourd’hui, qui sont vos salariés ? - Quels sont leurs profils ? A propos des jeunes, plus précisément : - A quels types de contrats avez-vous le plus souvent recours : CDD, CDI, Intérim, contrats de qualification, stages… - Y a-t-il (eu) parmi vos salariés des jeunes issus de l’immigration ? Si non, sauriez-vous dire pour quelles raisons (croisement avec d’autres facteurs : formation, mobilité, etc.…) - Les avez-vous gardés ? en moyenne combien de temps ? pour quelles raisons sont-ils partis ou vous en êtes-vous séparés ? - Constatez-vous une différence entre les jeunes immigrés et les autres jeunes? (attitude, relationnel, aisance, formation, évolution) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 106 3. RELATION AUX JEUNES ISSUS DE L’IMMIGRATION (Suite) Y a-t-il, à votre connaissance, des difficultés particulières pour l’embauche des jeunes issus de l’immigration ? - Lesquelles, pour quelles raisons ? - Quelles sont les formations où ces jeunes sont surreprésentés ? - Comment peuvent-ils s’informer sur les formations / les offres d’emploi : structures, brochures ? - Est-ce particulier à votre secteur d’activité, à votre entreprise ? Représentations Qu’est-ce qui différencie selon vous les jeunes issus de l’immigration des autres ? la formation de base et/ou professionnelle la motivation, le comportement, le « faciès », le langage (style de langage, non maîtrisé…) Quelles évolutions avez-vous constaté dans les candidatures reçues ? dans le public issu de l’immigration ? 1- Quelles seraient d’après vous les pistes d’amélioration ? 4. EVOLUTION 2- Avez-vous été témoin ou à l’initiative d’actions qui vous ont paru intéressantes ? - FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 107 Le guide d’entretien des professionnels du logement 1. PRESENTATION GENERALE Pourriez-vous vous présenter brièvement ? - Votre organisme, votre poste, vos partenaires internes 2. PRATIQUES DE SELECTION Pourriez-vous me décrire la façon dont se passe une demande de premier logement par des jeunes ? Nature des demandes - Avez-vous des demandes de jeunes (moins de 25 ans) pour des logements indépendants ? (chiffres ?) - Y a-t-il (eu) parmi vos locataires / bénéficiaires des jeunes issus de l’immigration ? - Quelle est leur situation familiale (célibataires, couples, enfants), professionnelle (étudiants, en recherche, salariés) ? - Quel est le facteur déclencheur de leurs demandes (1er emploi, naissance…) ? - De quel type sont leurs demandes (montants des loyers, quartiers, taille) ? - Comment décririez vous les principales difficultés de ces jeunes dans l’accès à un logement ? Traitement des demandes - Comment ces demandes vous parviennent-elles ? - Face à ces candidatures reçues, comment les orientez-vous (quartiers, résidences…) ? en fonction de quels critères ? - Avec quels partenaires travaillez-vous pour les orienter ? - Quels renseignements prenez-vous avant de les orienter (renseignements auprès des autres bailleurs sur la famille) ? - Dans quels délais les demandes des jeunes trouvent-elles une réponse ? Après l’installation - Avez-vous des difficultés de communication avec ces jeunes ? lesquelles ? - Avez-vous eu de mauvaises expériences avec ces jeunes ? (voisinage, impayés) - Recevez-vous des doléances d’autres locataires ? Lesquelles ? comment y répondez-vous ? - Les avez-vous gardés ? en moyenne combien de temps ? pour quelles raisons sont-ils partis ou vous en êtes-vous séparés ? - Constatez-vous une différence entre les jeunes immigrés et les autres jeunes? (attitude, langage, relations de voisinage, évolution dans les cycles de vie) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 108 3. EVALUATION GENERALE Difficultés particulières Evolutions Manques et pistes Y a-t-il, à votre connaissance, des difficultés particulières pour l’accès au logement des jeunes issus de l’immigration ? - Lesquelles, pour quelles raisons ? - Quels sont les quartiers / résidences où ces jeunes sont surreprésentés ? - Comment peuvent-ils s’informer sur les attributions de logement : structures, brochures ? Quelles évolutions avez-vous constaté dans les demandes des jeunes issus de l’immigration ? Quels sont les manques en termes de structures / de logements / d’aide pour ces jeunes ? - Quelles seraient d’après vous les pistes d’amélioration pour répondre à leurs attentes ? - Avez-vous été témoin ou à l’initiative d’actions qui vous ont paru intéressantes ? FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 109 Annexe n°4 : Liste des personnes rencontrées NOM Fonction VILLE INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI ET REPRESENTANTS DES INSTITUTIONS M. Pichon Sous Préfet Etat Mme Turckiewicz Mission Générale d’Insertion Education Nationale M. Petitjean Elu chargé de l’insertion professionnelle Municipalité de Sedan M. Rigo Adjoint au maire sécurité Ville de Sedan Mme Satabin CdM Contrat de Ville Ville de Sedan M. Talbi Services prévention médiation Ville de Sedan M. Michel Directeur ANPE Mme Vauchel Coordinatrice Emploi Formation DDTEFP Mme Deville et son équipe Directrice PAIO M. Chavonnet Directeur GRETA M. Discri Proviseur LEP JB Clément Mme Vignault Principale Collège Fresnois M. Biston Directeur MJC Mme Pinto Programme jeunes MJC Mme Garant Prog Insertion professionnelle MJC M. Diancourt Directeur Centre social Torcy cité M. Lemoine Directeur Centre social Le Lac M. D’Agostini Educateur ACPSO M. Joosten Educateur ACPSO Mme Grosdemange Directrice PLIE - ADASIE Mme Nowak Mme Ferron Chargée des relations avec les PLIE - ADASIE entreprises Chargée des relations avec les PLIE - ADASIE entreprises FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 110 NOM Fonction VILLE INTERMEDIAIRES DE L’EMPLOI (Suite) Mme Horellou Directeur Objectif Emploi Mme Joffrin et son équipe Directrice Femmes relais Mme Marotteau Directrice adjointe OPAC M. Pizzutti Chef d’antenne Espace Habitat M. Leplang Directeur d’agence Intérim - Védior bis Mme Amar Directrice adjointe régionale Intérim - Adia M. Raviart Chargé du suivi des créateurs d’entreprise CCI Mme Billaudel Directrice Ardennes Insertion M. Lamboley Gérant Hôtel Restaurant Le Relais M. Paroielle Responsable Mutualité Ardennes (service d’aide à domicile) LES BAILLEURS SOCIAUX LES EMPLOYEURS Mme Didier Comité du Bassin d’Emploi LES EMPLOYEURS ET INTERMEDIAIRES N’AYANT PU ETRE RENCONTRES M. Taviaux DRH - Akers M. Chef Directeur Arcomat M. Lagrue Spartech Polycom Mme Moricelle Manpower FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan 2 entretiens annulés Contact relancé Contacté le 9 février : Dit ne pas embaucher, pas de jeunes, ne voit pas ce qu’il aurait à dire. Contacté le 9 février : Son assistant ne me le passe pas : restructuration actuelle, usine qui s’agrandit, pas le temps. Contactée le 25 janvier : très prise en ce moment… 111 Tableau présentant les jeunes rencontrés Pseudonyme Amélie Age 23 Aziz 25 Blaise Bryan Claus Farid Gülcan Houaria Jalil Quartier Le Lac Nationalité Française Montermet Français (d’origine algérienne) 23 Centre Congolais (arrivé Ville depuis 3 ans) 17 Le Lac Français 17 Le Lac Français 18 Le Lac Français (d’origine algérienne) 27 TorcyTurque 3 eft cités 20 Le Lac Française (d’origine mariée algérienne) 24 TorcyFrançais (d’origine cités algérienne) Karim 26 Karima 25 TorcyAlgérienne (arrivée mariée cités depuis 1 an) 24 Charleville Française (d’origine marocaine) 25 Centre Algérienne (arrivée 2 eft ville depuis 3 ans) 25 TorcyFrançais (d’origine cités algérienne) 22 Le Lac Français (d’origine algérienne) 21 Le Lac Française 1 eft 20 TorcyFrançaise (d’origine cités algérienne) 24 TorcyFrançaise (d’origine cités algérienne) 21 Le Lac Française (d’origine marocaine) 23 Balan Français (grand-père algérien) 26 TorcyFrançais cités 13 TorcyFrançais (d’origine cités turque) 14 Français (d’origine algérienne) Latifa Linda Mehdi Mourad Nathalie Nedjma Rachida Souad Sylvain Thomas Mehmet Abdel Torcycités Français (d’origine algérienne) FASILD – CERF – Diagnostic discriminations Sedan Diplôme Sans diplôme, niveau BEP BEPC Situation prof En recherche d’emploi CES Sans En recherche Bac Pro méca Sans BEP En formation En recherche En formation Sans CES BEPC CES BEP construction topographique Bac ES, diplôme travail social Sans En recherche d’emploi Licence professionnelle Sans En recherche d’emploi En recherche d’emploi Salariée En recherche d’emploi Bac pro En recherche comptabilité d’emploi Sans diplôme, En recherche niveau BEP d’emploi BEP Couture En recherche d’emploi CAP – BEP bio CES services BEP commerce En recherche d’emploi BEP – CAP CES vente Bac+2 DUT En recherche d’emploi Sans diplôme En recherche d’emploi Collégiens 5e 4e 112