Prévention et traitement des infections oculaires bactériennes

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Prévention et traitement des infections oculaires bactériennes
Y. Guex-Crosier. Infections oculaires bactériennes chez la personne âgée
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Prévention et traitement des infections oculaires bactériennes chez
la personne âgée
Dr Yan Guex-Crosier - Hôpital ophtalmique Jules Gonin, Lausanne
Mots clefs : dacryocystite, blépharite, kératite, panophtalmie, rosacée oculaire, vitrectomie.
1.
Introduction et rappel anatomique
L’œil est une structure hautement spécialisée, composée de tissus transparents délicats tels
que la cornée, le cristallin et le corps vitré (fig 1). Les capacités optiques de la cornée et du
cristallin permettent de focaliser les images sur la rétine, dont les signaux sont transmis au
cerveau grâce au nerf optique. Les annexes oculaires sont composées des paupières, de la
conjonctive et des glandes lacrymales. Elles permettent de maintenir un taux d’humidité
constant, nécessaire à l’intégrité de la cornée. Lors de la formation de l’embryon, à la fin du
premier mois, les deux vésicules ophtalmiques s’invaginent à partir de la vésicule
prosencéphalique. L’épithélium sus-jacent s’épaissit pour former la cornée et le cristallin.
Comme le cerveau, l’œil est séparé de la circulation sanguine par une barrière imperméable
à la plupart des médicaments. Pour l’œil, il s’agit de la barrière hémato-oculaire. Cette
séparation de l’œil du reste du corps rend les infections oculaires particulièrement difficiles à
traiter.
La personne âgée est particulièrement sujette aux infections oculaires d’origine bactérienne,
en raison de la baisse physiologique de l’immunité (Mech. Aging Dev. 2002; 123: 955-62),
de la diminution de production des larmes, des atteintes des annexes oculaires (entropion,
ectropion de la paupière) et d’une compliance médicamenteuse souvent réduite. La
présence d’une polyarthrite rhumatoïde ou d’un diabète est souvent un facteur de mauvais
pronostic (la déformation des doigts lors de rhumatisme empêche l’administration de
collyres).
C’est également chez la personne âgée que se produisent les endophtalmies
bactériennes exogènes résultant de la prolifération intraoculaire de bactéries,
introduites lors de chirurgie intraoculaire (opération de la cataracte ou du glaucome).
Elles représentent une menace extrême pour la vue par perte de la transparence des
tissus ou destruction de la rétine. En raison de l’urgence thérapeutique et des
caractéristiques anatomiques de l’œil, les ophtalmologues ont dû développer leurs
propres stratégies pour lutter contre les infections. Le traitement doit être instauré
avant même que le germe ait pu être identifié. Les antibiotiques utilisés doivent couvrir
simultanément les germes à Gram positif et à Gram négatif. Cependant, l’incidence de
ces maladies reste rare et les infections localisées à l’œil ; le risque de développement
de résistance bactérienne est donc peu probable.
Les affections bactériennes de la personne âgée comprennent les blépharites,
associées ou non à un syndrome de l’œil sec, les conjonctivites, les kératites, les
panophtalmies et les dacryocystites.
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2.
2
Les mécanismes de défense de l’œil
Dès la naissance, les paupières et les conjonctives sont progressivement colonisées par des
bactéries. La flore résidente offre une excellente protection contre les pathogènes (Am. J.
Ophthalmol. 1991; 112: 2s-9s). Elle est constituée en majeure partie de Staphylococcus
epidermidis, mais aussi des espèces de plus grande virulence, comme le Staphylococcus
aureus, le Streptococcus pneumoniae et le Pseudomonas aeruginosa ou le Neisseria
meningitidis (Tableau 1) (Book of External Diseases of the Eye, 3rd edition, 1987: 131).
Les larmes jouent un rôle très important dans la protection de la cornée. Elles contiennent de
nombreuses enzymes telles que le lysozyme, la lactoferrine, la bétalysine, les
orosomucoïdes et la séruloplasmine. Certaines de ces enzymes, comme la lactoferrine, ont
des propriétés antibactériennes reconnues (Surv. Ophtalmol. 1997; 42: 233-46). L’intégrité
de l’épithélium cornéen est essentielle pour empêcher la survenue d’une infection cornéenne
(ou kératite).
La plupart des pathogènes ne peuvent pas pénétrer à travers un épithélium cornéen sain.
Les lésions de la cornée sont le plus souvent provoquées par un traumatisme (corps
étranger). Chez la personne âgée, une atteinte des paupières telle que l’entropion
(retournement de la paupière vers l’intérieur de l’œil) peut provoquer des lésions par
frottement des cils sur la cornée. Au contraire, une éversion de la paupière (ectropion) va
entraîner une évaporation excessive des larmes. Une mauvaise occlusion des paupières
entraîne des lésions de la cornée. Ces atteintes cornéennes sont de multiples portes
d’entrée pour les germes cutanés habituellement non pathogènes comme les
Staphylococcus epidermidis.
Il n’y a pas de vaisseaux lymphatiques dans le globe oculaire. Par contre, un réseau
lymphatique draine les paupières, la conjonctive et les glandes lacrymales vers les trois
groupes de ganglions pré-auriculaires, parotidiens et sous-maxillaires. Les follicules
limbiques sont présents autour du limbe (espace situé à la jonction de la cornée avec la
conjonctive). De nombreuses cellules lymphoïdes de type B ou T appartenant aux Mucosal
associated lymphoïd tissues (MALT) sont présentes à cet endroit.
La cornée est un tissu avasculaire. Lors d’une lésion cornéenne, il a été démontré que la
production d’interleukine-8 au site de la lésion permettait la migration des polynucléaires vers
la cornée. La sécrétion d’interleukine-8 participe également à la formation de néo-vaisseaux
partant du limbe vers le centre de la cornée lors d’infection chronique sévère (Am. J. Pathol.
1991; 139: 977-88). Ces néo-vaisseaux peuvent s’associer à des zones de cicatrices (taies
cornéennes opaques).
3.
Les prélèvements bactériologiques de l’œil
Les prélèvements bactériologiques oculaires sont particulièrement délicats en raison du peu
de matériel disponible. Un abcès cornéen n’est souvent constitué que de quelques
millimètres cube. La flore bactérienne de la conjonctive et des paupières peut également
contaminer les prélèvements. Les techniques de prélèvement sont résumées dans la
brochure CUMITECH 13 A (1994) : Laboratory diagnosis of ocular infection.
Les prélèvements sont effectués par ensemencement direct des plaques après frottis
de la conjonctive de l’œil droit puis de l’œil gauche (une plaque Agar, une plaque chocolat
Agar et une plaque Sabouraud) au moyen d’un bâtonnet stérile humidifié au préalable avec
du NaCl 0.9%. La même plaque sert également à ensemencer les paupières en dessinant
un « R » pour l’œil droit et un « L » pour l’œil gauche (fig. 2). Trois plaques et un milieu BHI
sont également utilisés pour isoler les germes de la cornée, avec triangles stériles. Le
prélèvement est effectué à la lampe à fente. L’ablation de l’épithélium sur les zones d’abcès
cornéen permet une meilleure pénétration des antibiotiques.
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Notre étude a montré que la mise en culture dans un milieu BHI permettait de mieux
isoler le germe qu’avec l’utilisation de plaques. Cela peut s’expliquer par le fait que le bout
du triangle servant au prélèvement est coupé dans un milieu liquide, permettant ainsi une
croissance optimale des germes. Malheureusement, il n’existe pas de méthode permettant
de connaître la résistance ou la sensibilité des germes pour l’ophtalmologie. Les critères de
résistance sont ceux du NCCLA et font référence aux taux plasmatiques des antibiotiques et
non à la concentration des antibiotiques dans la cornée.
4.
Les blépharites
La blépharite correspond à une infection des paupières. Elle est très fréquente chez la
personne âgée et résulte le plus souvent d’une dysfonction des glandes de Meibomius.
Chaque paupière comporte 15 à 25 glandes de Meibomius, dirigées du haut vers le bas,
avec un orifice sur le bord libre de la paupière. Ces glandes sécrètent un mucus abondant
qui participe à la formation du film lacrymal. Le bord des paupières est colonisé par de
multiples bactéries, principalement des Staphylococcus aureus, des Staphylococcus
epidermidis, rarement des bactéries à Gram négatif (Cornea 1991; 10: 50-53).
La blépharite staphylococcique est caractérisée par la présence de croûtes sur le
bord libre de la paupière, une perte des cils, qui se décolorent, et une hyperhémie
conjonctivale chronique. Sur la cornée peuvent apparaître des lésions fluo-positives (qui se
colorent à la fluorescéine). Cette atteinte peut coexister avec une rosacée oculaire ou une
dermatite atopique. Le traitement de la blépharite nécessite un nettoyage biquotidien des
paupières à l’eau tiède pour enlever les sécrétions et les excès de lipides produits par les
glandes de Meibomius. Ce nettoyage mécanique doit être associé à une application
biquotidienne dans le cul-de-sac conjonctival soit d’un gel à base d’acide fucidique
(Fucithalmic gel®), soit d’une pommade antibiotique à base de fluoroquinolone (Floxal
pommade ®), de chloramphenicol (Spersanicol® pommade) ou d’un autre antibiotique effice
contre le Staphylococcus aureus.
4.1
La rosacée oculaire (dysfonction méibomienne)
La rosacée est une affection oculo-dermique caractérisée par des télangiectasies du visage,
un érythème en rush et des lésions papuleuses. Elle est associée à une dysfonction des
glandes de Meibomius, responsable d’un film lacrymal de mauvaise qualité. Cette affection
est ancienne, puisque le peintre florentin Ghirlandaio a représenté un homme atteint de
rosacée oculaire dans son tableau Le Vieil homme et son petit-fils, conservé au musée du
Louvre. Shakespeare, dans sa description de Bardolphe (The Life of King Henry the Fifth) a
également décrit cette atteinte dans sa forme avancée, associée au rhinophyma.
Cette affection commence en général chez l’adulte entre 40 et 60 ans. Elle touche
principalement les Européens à peau pâle et plus de 10 % de la population générale. Le
diagnostic clinique se fait par la présence de télangiectasies (dilatation des vaisseaux de la
face), d’érythème subit du visage et du cou, de papules et de pustules sur la face. Seuls
quelques rares patients arrivent au stade avancé de la maladie avec un rhinophyma.
Lors de manifestations oculaires dans les formes mineures, le patient se plaint de
larmoiement et de brûlures, et l’on constate à l’examen la présence d’une blépharite ou
d’une discrète injection conjonctivale. Au stade avancé de la maladie, les complications
surviennent avec l’apparition de chalazions récidivants, d’épisclérite, voire même de sclérite.
La flore bactérienne est composée principalement de Staphylococcus epidermidis, de
Propionibacterium acnes et Corynebacterium ou de Staphylococcus aureus (Ophthalmology
1997; 104: 1863-7).
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Les lipases bactériennes libèrent des acides gras à partir du cholestérol produit par
les glandes de Meibomius. La blépharite dans la rosacée oculaire favorise bien évidemment
le risque d’infection oculaire (endophtalmie) lors de chirurgie de la cataracte.
Bien que l’étiologie de cette maladie soit mal connue, on suspecte qu’il s’agisse d’une
maladie de la sécrétion des glandes de Meibomius, avec une augmentation de la
température de fusion des lipides induisant une augmentation de la viscosité des sécrétions.
Il se produit alors une stase dans les glandes, qui se vident le matin avec production d’un
mucus abondant.
Le traitement de cette atteinte consiste en un nettoyage des paupières avec des
compresses tièdes (permettant la fusion des lipides, qui s’écoulent mieux en phase liquide)
et un nettoyage mécanique du bord des paupières. L’application d’acide fucidique en gel
(Fucithalmic gel®) permet également de limiter la prolifération bactérienne composée
principalement de Staphylococcus aureus. Dans certaines formes avancées, un traitement
anti-inflammatoire est nécessaire, avec l’utilisation de stéroïdes topiques. Une
antibiothérapie systémique de doxycycline à raison de 100 mg/jour pour une période de 2-3
mois est également préconisée par certains auteurs en raison de l’inhibition des
métalloprotéinases (mais non en raison de leur effet antibactérien).
4.2
Le syndrome de sécheresse oculaire dans la blépharite chronique
La sécrétion lacrymale diminue chez la personne âgée en raison d’une involution des
glandes lacrymales. Le syndrome de sécheresse oculaire est très fréquent chez la personne
âgée. Lors d’un syndrome de Sjögren, cette atteinte est encore plus marquée. Le diagnostic
peut être posé lorsque le test de Schirmer est inférieur à 5 mm et qu’il y a présence
d’anticorps anti-nucléaires SS-A et SS-B.
La sécheresse oculaire produit des ulcérations récidivantes de la cornée, qui sont
une porte d’entrée pour les infections bactériennes de la cornée. Ces kératites récidivantes
aboutissent souvent à une perforation oculaire. Les sécheresses oculaires sévères doivent
faire suspecter un syndrome de Sjögren ou une polyarthrite rhumatoïde et doivent
impérativement être traitées par l’administration fréquente de collyres lubrifiants. Malgré la
viscosité plus marquée des médicaments à base de méthylcellulose ou d’acide hyaluronique,
qui ont un effet prolongé, il est nécessaire d’administrer ces médicaments une fois par heure
lors de pathologie sévère. Dépister les sécheresses oculaires et surveiller l’administration de
collyres permet d’empêcher la survenue de kératites bactériennes chroniques récidivantes,
dont le pronostic est la perte du globe oculaire (perforations répétées), cela malgré un
traitement par greffe de cornée (British J. Ophthalmol. 2001 ; 85: 842-7).
5.
Les kératites bactériennes
Chez les sujets jeunes, les kératites bactériennes à Gram négatif sont fréquentes chez les
porteurs de lentilles de contact. Le port prolongé augmente de 15 à 20 fois le risque de
survenue d’une kératite bactérienne (New Engl. J. of Medicine 1989; 321: 773-8).
Depuis que les techniques chirurgicales ont permis la mise en place d’un cristallin
artificiel, les lentilles de contact sont peu utilisées chez la personne âgée ; leur manipulation
est souvent difficile et l’utilisation des produits d’entretien contraignante.
L’âge avancé favorise l’apparition de kératite bactérienne récidivante, pouvant
conduire à la formation d’une taie cornéenne ou d’une perforation cornéenne, voire la perte
du globe oculaire (British J. Ophthalmol. 1985: 842-7). Ce phénomène s’explique
probablement par l’apparition de pathologies concomitantes telles que l’entropion,
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l’ectropion, la présence d’un syndrome sec, d’un syndrome de Sjögren ou d’une polyarthrite
rhumatoïde sévère qui prédispose à une telle affection.
Le traitement classique des kératites bactériennes associe l’utilisation de Kefzol®
(céfazoline 50 mg/ml) et de Garamycin® renforcée (gentamicine 9 mg/ml), donnés toutes les
15 minutes durant les 2 premières heures puis à raison de 1 goutte/heure durant les 24
heures suivantes. Cette bithérapie permet de couvrir les Gram positifs et les Gram négatifs.
Une plus grande pénétration des antibiotiques a pu être observée après ablation de
l’épithélium cornéen (désépithélisation). Une étude récente montre que l’utilisation d’une
fluoroquinolone en monothérapie peut être aussi efficace dans la plupart des cas, à
l’exception des patients atteints d’une kératite secondaire au Streptococcus pneumoniae
(British J. Ophthalmol. 2001 ; 85: 842-7). Les fluoroquinolones ont une bonne efficacité
contre la plupart des bactéries isolées lors de kératites (fig. 3a et 3b).
6.
L’endophtalmie bactérienne aiguë et chronique
L’endophtalmie exogène correspond à une infection de l’œil survenant après une
intervention chirurgicale ou un traumatisme. Lors de la chirurgie de la cataracte, son
incidence se situe entre 0.07 et 0.13 % (Surv. Ophthalmol. 1998; 43: 193-224,
Ophthalmology 1998; 105: 1004-10). Les germes cutanés des annexes de l’œil
(Staphylococcus epidermidis, Staphylococcus aureus et Propionibacterium acnes) ont été
mis en cause (Am. J. Ophthal. 1996; 122: 1-17). La culture effectuée lors du prélèment par
vitrectomie permet d’isoler le germe en cause dans plus de 60 % des cas. Les germes
retrouvés sont répertoriés dans le Tableau 2. Bien qu’aucune étude n’ait pu le démontrer, il
semble logique qu’un traitement de la blépharite chronique puisse entraîner une diminution
des germes des paupières et diminuer ainsi le risque de contamination intraoculaire lors de
chirurgie. Certains opérateurs ont également proposé de couper les cils avant la chirurgie
(contrairement aux sourcils, les cils repoussent à la vitesse d’environ 1 mm par mois).
Certains auteurs proposent l’administration prophylactique de collyres de fluoroquinolones
en monothérapie dans les trois jours précédant l’intervention (Ophthalmology 2002 ; 109:
2036-41). Une telle pratique risque d’aumenter le risque de résistance bactérienne aux
fluoroquinolones, qui sont actuellement utilisées en première ligne pour le traitement de la
panophtalmie.
Les patients décrivent une douleur post-opératoire associée à une photophobie, et
l’œil présente une rougeur modérée à intense avec des cellules en chambre antérieure,
parfois même un hypopion, ainsi qu’un fort Tyndall (le rayon lumineux de la lampe à fente est
réfléchi par les protéines en chambre antérieure ; ce phénomène, nommé effet Tyndall, est
scoré de façon semi-quantitative de 0+ à 4+). Cette affection gravissime peut entraîner la
perte du globe oculaire. La présence de Staphylococcus aureus ou de Streptococcus
pneumoniae est de mauvais pronostic. Les principaux facteurs de risque de l’endophtalmie
sont le diabète (Ophthalmology 1991; 98: 227-38), une rupture capsulaire avec issue de vitré
(Ophthalmology 1991; 98: 1761-8) et l’implantation secondaire d’une lentille intra-oculaire
(Ophthalmology 1991; 98: 227-38). Les bactéries à Gram positif constituent plus de 90 %
des cas de cultures positives lors d’endophtalmie bactérienne (Ophthalmology 1983; 90:
692-8 ; Am. J. Ophtal. 1996; 122: 1-17). Dans la plupart des cas, la flore du patient semble
être la source principale de l’infection (Ophthalmology 1991; 98: 639-49).
Lors d’intervention ophtalmologique, la peau est désinfectée à la Bétadine aqueuse à
1% et une goutte de Bétadine aqueuse à 5% est administrée dans l’œil. Le recouvrement
minutieux des cils par le champ opératoire est également une mesure simple. Cependant, en
dépit d’une asepsie stricte et d’une désinfection appropriée de la conjonctive, une
contamination de l’humeur aqueuse peut toujours se produire durant la chirurgie
(Ophthalmology 1991; 98: 1769-75).
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Toute infection post-opératoire exige une prise en charge agressive (Surv. Ophthal.
1998; 43: 193-224) associant l’administration topique de collyres antibiotiques (cefazoline 50
mg/ml associée à une fluoroquinolone) et l’administration intra-vitréenne de vancomycine 1
mg et amikacine 400 µg (Arch. Ophthalmol. 1995; 113: 1353-4). Cette injection est effectuée
après la vitrectomie diagnostique à 4 mm du limbe par la pars plana pour isoler le germe en
cause. Le dosage de l’amikacine doit se faire avec une grande précision puisque cet
antibiotique est toxique pour la rétine lors d’injection de plus de 400 µg. Bien que l’utilisation
systémique d’antibiotiques soit contestée (Arch. Ophthalmol. 1995; 113: 1479-96), des
études récentes ont montré chez l’animal, lors d’endophtalmie expérimentale à
Staphylococcus aureus, une réponse efficace de la sparfloxacine, de la pefloxacine et de
l’imipenem (JID 1995; 172: 1312-6 ; Ophthalmology 1999; 106: 1869-77).
Les panophtalmies chroniques (caractérisées par une inflammation post-opératoire
évoluant à bas bruit) sont par contre causées par le Propionibacterium acnes. Une
vitrectomie est alors nécessaire, avec injection intraoculaire d’antibiotiques (Ophthalmology
1999; 106: 2395-401).
7.
La dacryocystite aiguë
La dacryocystite aiguë correspond à une inflammation du sac lacrymal d’origine bactérienne
(British J. Ophthalmol. 1997; 1: 37-40). Elle est due à une obstruction du canal lacrymo-nasal
avec, par la suite, une surinfection. Elle se manifeste par une douleur, une rougeur et une
tuméfaction à l’angle interne de la paupière inférieure. Souvent, des dacryolithiases se
forment également et produisent cette obstruction. Les tumeurs sont une cause rare de
dacryocystite. Les germes le plus fréquemment rencontrés sont les staphylococcus, les
streptococcus ainsi que les diphtéroïdes.
La thérapie classique comprend un traitement d’amoxicilline et d’acide clavulanique 2
x 1 g/jour par voie orale, associés à des AINS. Si le patient est fébrile, un traitement
intraveineux d’amoxicilline et d’acide clavulanique (3 x 2,2 g i.v.) est alors préconisé. Une
incision chirurgicale du sac lacrymal est indiquée lorsque l’infection est collectée et le sac
sous tension. Un sondage des voies lacrymales est absolument contre-indiqué. Une
intervention de dacryocystorhinostomie est effectuée une fois l’abcès refroidi. La
complication majeure est la cellulite orbitaire, qui se produit lorsque l’infection se propage audelà du septum.
8.
Conclusion
Les infections bactériennes sont des complications fréquemment rencontrées en
ophtalmologie. Les symptômes sont souvent minimisés par les patients, entraînant une
consultation tardive en milieu spécialisé. Une infection banale peut évoluer rapidement vers
une perforation oculaire. Une rougeur oculaire persistant plus de 2 à 3 jours devrait
amener tout patient âgé à consulter afin d’instaurer un traitement adéquat. Une bonne
hygiène des paupières en cas de blépharite devrait empêcher la survenue de panophtalmie
lors d’intervention de la cataracte.
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Figure 1 - Anatomie oculaire et glossaire
choroïde
corps ciliaire
iris
cornée
cristallin
hypopion
vitré
Choroïde :
Couche vasculaire située sous la sclère et irriguant la rétine.
Cornée :
Lentille transparente située dans le prolongement de la sclère.
Corps ciliaire :
Organe intraoculaire permettant la production d’humeur aqueuse.
Cristallin :
Lentille intraoculaire constituée d’un sac capsulaire dont le contenu est
vidé pour placer une lentille intraoculaire lors de la chirurgie de la
cataracte.
Effet Tyndall :
Lorsque que la barrière hémato-aqueuse est rompue, il se produit une
accumulation de protéines dans l’humeur aqueuse. Le rayon de lumière
de la lampe à fente est alors visible grâce à diffraction de la lumière par
les protéines en suspension. Un effet Tyndall est scoré de façon semiquantitative de 0+ à 4+.
Glandes de Meibomius : Glandes situées dans les paupières, qui s’abouchent à la base
des cils sur le bord libre des paupières et participent à la sécrétion des
lipides du film lacrymal.
Iris :
Muscle permettant l’ouverture de la pupille.
Kératite :
Infection de la cornée (origine bactérienne, virale, fongique, parasitaire ou
immunologique).
Macula :
Partie de la rétine où se situent le plus grand nombre de photorécepteurs.
Le bon fonctionnement de la macula permet de distinguer les petits
détails. Cette fonction est essentielle pour la lecture.
Panophtalmie :
Infection de l’œil secondaire à la pénétration intraoculaire de bactéries.
Vitré (ou corps vitré) : Substance gélatineuse remplissant la cavité derrière le cristallin.
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Figure 2 - Méthode pour ensemencer les plaques (MOS)
Conjonctive
droite
R
Bord palpébral
droit
Conjonctive
gauche
L
Bord palpébral
gauche
Légende figure 2 :
Selon les recommandations CUMITECH, trois plaques, Agar, chocolat et Sabouraud, sont
ensemencées. Chaque plaque est ensemencée par la conjonctive de l’œil droit, la paupière
droite, la conjonctive de l’œil gauche et le bord palpébral gauche. Cette technique permet de
connaître le profil microbiologique de la flore palpébrale et conjonctivale.
Un jeux de trois plaques est également ensemencé lors de prélèvement bactérien de la
cornée. Le bout de l’éponge du triangle, utilisé pour les prélèvements bactériens de la
cornée, est coupé dans la bouteille de BHI pour culture. Un prélèvement peut également être
effectué sur lame pour examen direct.
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Figures 3a et 3b - Kératites bactériennes et résistance aux collyres antibiotiques
Resistance to antibiotics in gram +
(total isolates n = 73 gram + and gram -)
Sensitive
Intermediate
Resistan t
Fucidic ac id
T obramyc in
Ofloxac in
Norfloxac in
Cip rofloxac in
Lomefloxac in
Poly myx in B
Ne omyc in
Gentamyc in
Chloramphenic ol
Ce fazo lin
Bacitrac in
0%
20%
40 %
60%
80%
10 0%
Resistance to antibiotics in gram –
(total isolates n = 73 gram + and gram -)
S e n s itiv e
In te rm e d ia te
Re s is ta n t
Fu cidic acid
T ob ramycin
O floxacin
N o rfloxacin
C ipro floxacin
L ome floxacin
Po lymyxin B
N eo mycin
G en tamycin
C h lo ramp he nicol
C e faz olin
B acitracin
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Légende figures 3a et 3b :
Profil des résistances bactériennes aux collyres disponibles sur le marché. Les souches
isolées lors de kératites bactériennes à Lausanne ont été testées par le test de diffusion de
disques antibiotiques.
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Tableau 1 - Flore bactérienne du sujet sain
Staphylococcus
- Epidermidis
65 – 80 %
- Aureus
15 – 35 %
Diphtheroids (Corynebacterium) 20 – 50 %
Streptococcus
- Pneumoniae
2–8%
- Autres (alpha-hémolytiques)
2–4%
- Strept. (béta-hémolytiques)
<1%
Divers
- Bacillus species
- Proteus
- Escherichia Coli
- Haemophilus
- Nesseria Catarrhalis
Absence de croissance
<2%
15 – 40 %
Rem total de plus de 100 % car plus d’un organisme peut croître chez le même individu.
Tableau 2 - Germes isolés lors de panophtalmies aiguës
selon Ocular infection and Immunity JS Pepose, GN Holland et KR Wilhelmus Mosby 1996 p 1305)
Gram positifs 76% des germes
Staphylococcus coagulase négatif 50 % des gram positifs
Staphylococcus aureus 20%
Streptococcus
Gram négatifs 16%
Mycose 8%
Principalement Candida albicans
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