Notes de travail, n°10 - Céreq - Centre d`études et de recherches sur

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Notes de travail, n°10 - Céreq - Centre d`études et de recherches sur
Cra Céreq de Nantes – Pierre CAM
Pierre Cam
Les professions de l’intermédiation commerciale1
Métiers masculins ou/et féminins
A la différence d’autres catégories professionnelles, les intermédiaires du commerce et
de la vente forment au niveau de la relation formation-emploi un champ assez homogène qui
correspond au niveau de la formation à la 15ème CPC (Techniques de commercialisation) et au
niveau des emplois en partie au poste 46 pour la PCS2. Après avoir été longtemps plus ou
moins dévalorisées, les professions de l’intermédiation commerciale et en particulier les
métiers de la représentation sont depuis une vingtaine d’années revues à la hausse dans un
contexte où les valeurs liées au « marché » sont elles-mêmes plébiscitées.
Ainsi il est devenu habituel dans la littérature sociologique aussi bien qu’économique
de lier la croissance des métiers dits de l’intermédiation commerciale à l’extension des
marchés et à la diversification croissante des biens et des services. On dit ou on écrit ici ou là
que, pour les cinq années à venir, il y aura 50% de nouveaux produits et que 50000 postes de
commerciaux seront créés tous les ans. Ces chiffres ne valent que pour l’avenir et ne peuvent
guère donner lieu à vérification. Mais, ils reflètent une sorte de tendance générale à voir dans
les professions de l’intermédiation commerciale les métiers de l’avenir.
L’analyse statistique semble d’ailleurs confirmer cette vision. Si l’on s’en réfère aux
chiffres publiés par la DARES3 à partir des données de l’enquête Emploi (INSEE), la famille
professionnelle des « métiers de la production industrielle » qui occupe 3 750 400 personnes
aurait perdu toutes catégories sociales confondues plus 584 800 emplois entre 1983 et 1998 –
soit une variation de –14% - alors que les métiers du commerce et de la vente qui représentent
2 157 000 emplois en auraient gagné 227 200 sur la même période (+11%). Parmi, les
emplois qui ont le plus progressé dans la vente, les intermédiaires du commerce occupent une
place importante.
1
S’agissant des données statistiques, on s’est appuyé dans ce papier sur les jeunes qui étaient en emploi au 1er
mars 1997. Après avoir comparé pour la population étudiée les variations dans le temps à chaque 1er mars et
n’ayant noté aucune différence significative entre les différentes distributions, on a choisi de travailler
essentiellement sur ces données.
2
On a souhaité dans ce travail rester aussi proche que possible de la relation théorique entre emploi et formation.
Au niveau des emplois occupés, on a retenu les catégories socioprofessionnelles référencées par le cahier de
l’ONISEP sur les métiers du « Commerce et de la Vente » (cahier n°17) et correspondant au niveau 3 de
formation. Cela concerne les rubriques 4621 à 4629 de la PCS et la catégorie 4651. On a exclu la catégorie 4623
qui n’a pas été jugée représentative au niveau de l’enquête « génération 92 ». En mars 1997, il y avait 955
jeunes (non pondérés) en emploi dans ces catégories.
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Renouveau des professions commerciales et féminisation de la catégorie
La nette progression des métiers du commerce et de la vente durant quinze ans s’est
accompagnée d’un certain nombre de transformations au niveau des intermédiaires du
commerce. De nouveaux métiers sont apparus dans l’intermédiation commerciale comme
ceux liés aux « centres d’appel »4. Ces métiers récents (télé-vendeurs, télé-enquêteurs,
techniciens hot-line, télé-opérateurs, etc.) disséminés dans nombre de secteurs représentaient
en 1997 près de 70 000 emplois et devraient selon les prévisions se développer durant la
prochaine décennie. D’autres métiers ont dans le même temps décliné comme les chefs de
petite surface de vente qui ont perdu 24000 emplois alors que se développaient parallèlement
les maîtrises des magasins et intermédiaires du commerce (+ 28 000 emplois).
Concernant les professions regroupées sous l’appellation générique de
« représentants » par la PCS, elles ont connu pour la plupart une hausse de leurs effectifs sur
la période allant de 1982 à 1997. Si l’ensemble de la famille professionnelle des représentants
a progressé durant cette période de 35%, elle a cependant perdu entre 1994 et 1997 près de
18000 emplois. C’est la catégorie des représentants en biens de consommation auprès des
entreprises qui est en grande partie responsable de ce déficit. Cette catégorie enregistre en
effet durant ces quinze années des variations spectaculaires et difficilement interprétables –
croissance de +88% entre 1982 et 1990 puis décroissance de –59% entre 1990 et 1997.
Tableau 1 Evolution des professions des intermédiaires du commerce
1982
Catégories socioprofessionnelles
chef de petite surface de vente
53684
maîtrise de l'exploitation(vente)
28512
représentants en biens d'équipement, intermédiaires, inter-industrie 88096
représentants en biens de consommation auprès des entreprises
65056
représentants en services auprès d'entreprises ou de professionnels
69520
représentants auprès de particuliers
81360
acheteurs non-cadres
13940
professions intermédiaires commerciales(sauf représentants)
14852
total
415020
1990
40669
42961
112484
122608
71553
124652
17148
30992
563067
1997 Evolution Evolution
totale femmes
29691
-45%
-42%
56579
+98% +143%
139293
+58% +145%
49843
-23%
+20%
63361
-9%
+74%
158473
+95% +174%
24118
+73% +127%
61444 +314%
588%
582802
+40% +99%
Source INSEE (recensement 82, 90 et enquête emploi 97)
Une grande part des variations subies par la famille professionnelle des intermédiaires
du commerce s’explique par les modifications structurelles qui sont intervenues durant ces
quinze années. En effet, on a assisté durant cette période à l’extension de la grande
distribution, à la disparition progressive du petit commerce et à l’apparition de nouvelles
formes de relation aux « consommateurs » liées aux technologies de la télécommunication et
de l’informatique. Quant aux variations au sein de la famille des représentants, elles peuvent
s’expliquer aussi bien par des disparitions d’emploi que par des déplacements intercatégoriels comme le souligne un commentateur : « la rapidité et la disparité des variations
3
DARES, Familles professionnelles données de cadrage 1983-1998, Les Dossiers de la DARES, N° 1-2/99,
Paris, La Documentation Française, 1999, 377 p.
4
Voir Documents 99/2 de la CPC, Ministère de l’Education nationale, « Quels sont les nouveaux métiers de
demain ? », février 99.
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incitent à émettre l’hypothèse que les individus se répartissent différemment parmi les
catégories recensées d’une enquête à l’autre, changeant de catégorie d’appartenance sans
véritablement changer de métier »5.
Tableau 2 : Evolution de la part des femmes parmi les intermédiaires du commerce
Catégories socioprofessionnelles
chef de petite surface de vente
maîtrise de l'exploitation(vente)
représentants en biens d'équipement, intermédiaires, inter-industrie
représentants en biens de consommation auprès des entreprises
représentants en services auprès d'entreprises ou de professionnels
représentants auprès de particuliers
acheteurs non-cadres
professions intermédiaires commerciales(sauf représentants)
% ensemble
1982
42,7%
33,0%
15,4%
17,4%
28,4%
27,9%
24,3%
24,8%
25,7%
1990
55,4%
35,6%
18,9%
25,2%
47,8%
33,9%
33,7%
37,6%
32,7%
1997
44,9%
40,4%
23,9%
27,3%
54,1%
39,3%
32,0%
41,2%
36,5%
Source INSEE (recensement 82, 90 et enquête emploi 97)
Mais ces modifications structurelles et inter-catégorielles des professions du
commerce ont été également coextensives à des transformations d’un autre ordre. Il en va
ainsi, semble-t-il, pour la féminisation progressive des professions intermédiaires du
commerce. De 1983 à 1997, alors que les intermédiaires du commerce progressaient dans leur
ensemble de 40%, les effectifs féminins augmentaient de 99%. Hormis les chefs de petites
surface de vente, les femmes ont en fait progressé partout plus vite que l’ensemble de la
famille professionnelle. Leur part dans les intermédiaires du commerce a ainsi gagné +11
points en quinze ans. Elles étaient 25,7% au début des années 1980, elles étaient 36,5% en
mars 1997. Dans certaines catégories comme les représentants en service elles sont mêmes
devenus majoritaires. La poursuite du processus ferait ainsi basculer les métiers du commerce
du côté des professions féminines puisque les employés de commerce (caissiers ou vendeurs)
sont déjà pour l’essentiel des femmes (75%).
Effets de nomenclature et logique de catégorisation
Il faut bien avouer qu’à la différence d’autres processus, la féminisation d’une
catégorie professionnelle ne trouve pas de signification immédiate car elle se situe à
l’intersection d’un ensemble de comportements et de facteurs qui se prêtent mal à une
explication unilatérale6. Que peut nous apprendre l’enquête « génération 92 » sur le processus
de recomposition des professions de l’intermédiation commerciale et en particulier sur le rôle
qu’y jouent les filles ?
En mars 1997, près de 18000 jeunes sortis en 1992 de la formation initiale occupaient
un emploi dans l’intermédiation commerciale dont 30% provenaient d’une formation
5
Fabienne Maillard, De la formation à l’emploi : les BTS du commerce entre complémentarité et concurrence,
mars 1998, Document CPC, Ministère de l’Education nationale, p.143.
6
R.Anker, « Théorie néoclassique et ségrégation professionnelle hommes-femmes », in Problèmes économiques,
n°2.569,La Documentation française, mai 1998, pp.18 à 23.
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commerciale en STS ou IUT7. 73% de ces jeunes occupaient un emploi de « représentant » au
sens de la PCS. Or, dans la PCS, les représentants ne se distinguent au niveau des rubriques
que par le type de bien vendu (biens industriels/biens de consommation/services) ou encore
par la clientèle (particulier/entreprise).
Nous situant dans une perspective de la féminisation de la catégorie des intermédiaires
du commerce il fallait adopter – au moins dans un premier temps - une catégorisation des
emplois qui rende mieux compte des différences entre les sexes que le terme générique de
représentant utilisé par la PCS, et qui puisse révéler des lignes de clivage au sein des
différentes catégories professionnelles de l’intermédiation commerciale. Pour ce faire, il
fallait renoncer provisoirement à utiliser les rubriques de la PCS et repartir des appellations
utilisées par les jeunes interrogés et de leur capacité plus ou moins grande à refléter le
« genre ». Les intitulés d’emploi dans « génération 92 » sont dans leur grande majorité
sexuées. Cela résulte soit de l’enquêté qui a féminisé d’une manière ou d’une autre son
appellation soit des enquêteurs qui ont spontanément ajouté un (e) muet aux intitulés
lorsqu’ils s’agissaient d’une femme.
En réintroduisant le sexe et le genre dans les appellations, on met tout d’abord l’accent
sur d’autres déterminations que celles retenues par la PCS. Il y a d’abord celles qui s’attachent
aux conditions de travail du représentant - itinérant ou sédentaire - qui se reflètent dans les
intitulés associés aux modalités de la vente. Le représentant ou le VRP qui sont
essentiellement des professions masculines s’oppose en tout point à l’animatrice de vente ou à
la visiteuse médicale qui sont des professions essentiellement féminines. Il y a ensuite un
certain état de la division du travail entre sexe et de la représentation associée aux qualités
masculines ou féminines qui se reflète au niveau des intitulés. Les hommes agissent (agents
commerciaux) et les femmes assistent (assistantes commerciales). Les hommes représentent
et négocient, tandis que les femmes animent ou visitent. Si on prend comme seul indicateur
les intitulés d’emploi, il apparaît assez vite que les sortantes sont restées à la périphérie du
commercial. Les commerciaux, les ingénieurs commerciaux, les technico commerciaux, les
représentants, les VRP sont essentiellement des hommes.
En réintroduisant le sexe et le genre dans les intitulés d’emploi, on met également en
évidence les biais qui résultent de la traduction à l’aveugle des intitulés d’emploi en rubriques
de la PCS. De fait, les intitulés d’emploi ne sont pas statiques et épousent les tendances de
leur époque. Outre l’apparition de nouvelles qualifications et la sexualisation des emplois8, ils
sont soumis collectivement et aussi individuellement à des effets de mode et de valorisation
qui font qu’ils évoluent, se transforment et se singularisent. Si le codage automatique ou à
l’aveugle supprime certaines sources d’erreur liées à la « subjectivité » des codeurs, il n’est
pas à l’abri des contresens liés au processus qui consiste à « traduire » un intitulé d’emploi
utilisé dans un contexte professionnel particulier à un moment donné en un emploi au sens de
la PCS. Et à ce niveau, il n’existe aucune parade.
7
Les sortants d’une formation commerciale de niveau 3 (BTS ou DUT) étaient près de 10000. S’ils s’étaient tous
dirigés vers l’intermédiation commerciale, ils auraient représenté 55% des jeunes en emploi.
8
La féminisation de la population active n’a pas été sans effet sur les intitulés d’emploi. Certaines appellations
se prêtant moins bien que d’autres à ce qu’on pourrait appeler leur féminisation ont été tout simplement
abandonnées.
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Tableau 3 : Intitulés des principaux emplois
Intitulés des postes
Hommes Femmes
Acheteur
63,8%
36,2%
agent (commercial)
66,4%
33,6%
animatrice (commerciale)
14,3%
85,7%
assistante (commerciale)
5,9%
94,1%
attaché (commercial)
61,3%
38,7%
chargé (de clientèle)
42,7%
57,3%
chef (de rayon)
62,9%
37,1%
commercial
74,1%
25,9%
conseiller (commercial)
63,1%
36,9%
délégué (commercial)
42,4%
57,6%
Directrice de magasin
37,9%
62,1%
Gérante de magasin
45,8%
54,2%
ingénieur (commercial)
69,0%
31,0%
Négociateur (immobilier)
81,7%
18,3%
représentant
90,0%
10,0%
responsable (commercial)
54,3%
45,7%
Technico commercial
84,4%
21,8%
Vendeur (automobile)
92,5%
7,5%
Visiteuse (médicale)
28,9%
71,1%
VRP
78,6%
21,4%
Total
54,9% 45,1%
Source génération 92
Le « tout commercial »
A la différence de la maîtrise commerciale dont les intitulés d’emploi se concentrent
autour d’un tout petit nombre d’appellations contrôlées comme acheteur, chef ou responsable
de rayon ou encore directeur de magasin et gérant, les emplois liés à la « représentation » ou à
la présentation des produits et des services connaissent une « pléthore » d’intitulés souvent
synonymes. On compte près d’une quinzaine d’intitulés pour désigner les emplois de la
représentation contre cinq pour les emplois liés à la maîtrise ou à l’intermédiation
commerciale.
Le mot « commercial » revient partout comme une sorte de leitmotiv. Il apparaît à la
fois comme substantif ou adjectif qualificatif dans un grand nombre d’appellations comme
commercial en produits bancaires, technico-commercial, attaché commercial, conseiller
commercial, délégué commercial, etc. Substantif ou adjectif, le « commercial » sature le
champ lexical des intitulés d’emploi de la représentation et vient se substituer dans certains
secteurs d’activité comme les banques ou les services publics aux intitulés plus traditionnels
et plus spécifiques qui renvoyaient à des conceptions différentes de la relation avec le client
ou l’usager telle la prestation de service ou le conseil.
La propagation depuis une vingtaine d’années du « commerce » et de son ethos à
toutes les activités où il existe un « public » que celui-ci soit composé d’usagers ou de clients
a contribué peu ou prou à uniformiser tous les secteurs d’activité et à en faire des « marchés ».
Le commercial a fini par s’immiscer dans les moindres recoins de la société civile et par
transformer toute relation « sociale » en relation « marchande ». Dans ce contexte, les
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consignes de codage finissent par devenir jusqu’à un certain point arbitraires et même
inadaptées. Les emplois au contact avec un public perdant peu à peu de leur spécificité,
certaines distinctions s’estompent et font basculer des pans entiers d’emplois du côté du
« commercial ». Certaines rubriques de la PCS se révèlent plus perméables que d’autres à cet
effet. Il en va ainsi en ce qui concerne les représentants en services ou les représentants auprès
des particuliers dont la liste n’a cessé de s’élargir au fil des années pour englober les
conseillers d’agence matrimoniale, les commerciaux du tourisme, etc.
Plus le commercial devient une fonction transversale, et plus les « cas limite » se
multiplient au niveau de la PCS, et ce jusqu’à entraîner de véritables artefacts catégoriels. Que
faire en effet des conseillers de clientèle bancaire quand ce sont essentiellement des
commerciaux de produits bancaires ? A cet égard, les consignes de codage de la PCS9 pour
les banques et les assurances font une différence assez nette entre les emplois spécifiques au
secteur classés pour la maîtrise bancaire en 4651 et les emplois transversaux qui sont
renvoyés à d’autres rubriques. Mais le codage se faisant sur l’intitulé d’emploi plus que sur la
réalité de l’emploi occupé, l’application à l’aveugle des consignes de codage finit par conférer
un véritable privilège aux titres plutôt qu’aux postes en classant les conseillers ou les chargés
de clientèle - appellation spécifique au secteur - parmi les gradés des banques, et les
conseillers commerciaux – appellation moins contrôlée - parmi les représentants en service ou
auprès des particuliers, alors que sur le terrain ils font le plus souvent le même métier.
Que faire aussi des assistants commerciaux quand ce sont des assistantes
commerciales ? Il est évident que même si la PCS catégorise les assistants commerciaux sous
la rubrique des « représentants », dès lors que ces assistants commerciaux sont pour
l’essentiel des assistantes commerciales, le codage à l’aveugle produit un véritable artefact
catégoriel. C’est ainsi que parmi les jeunes sortantes classées comme « représentantes » - au
sens de la PCS – 36% sont en fait des « assistantes commerciales » c’est-à-dire des
« secrétaires » spécialisées qui facilitent l’action commerciale que ce soit en amont ou en
aval de l’activité des représentants : prise de rendez-vous, suivi des dossiers, etc. D’ailleurs, à
peine un tiers de ces jeunes filles est issu d’une formation commerciale, la grande majorité
venant du tertiaire de bureau.
Outre les erreurs liées à la non prise en compte du sexe des emplois, les risques de
contresens sont aussi très grands quand les rubriques de la PCS sont très hétérogènes. C’est le
cas notamment pour les professions intermédiaires commerciales (PCS 4629) où sont classés
tous les emplois d’intermédiaires commerciaux que l’on n’a pas pu classer dans les autres
rubriques. Cette rubrique finit par accueillir aussi bien des « inclassables » comme des « chefs
de produit » ou des « responsables commerciaux » n’ayant pas la position cadre que des « mal
classés » comme les techniciens des services après vente du fait de leur contiguïté avec les
responsables des services après vente. 40% des jeunes classés sous cette rubrique apparaissent
en définitive comme des « mal classés ». Pour l’essentiel cette catégorie se compose de
salariés ayant des fonctions d’encadrement dans des services commerciaux d’entreprises
commerciales ou industrielles sans en avoir le titre. Une majorité de ces « faisant fonction »
sont des femmes relativement diplômées puisque 84% sortent d’une formation au moins égale
au niveau III.
9
INSEE, Nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles, 1983, 1ère édition p. XLI.
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Division du travail et compétences sexuées
Le premier repérage à partir des intitulés d’emploi de la PCS faisait problème pour
arriver à un classement des professions de l’intermédiation commerciale qui reflète au mieux
les divisions et les évolutions en cours. Une codification plus proche des emplois et qui tienne
mieux compte des compétences mises en oeuvre nous a semblé en définitive plus appropriée
pour saisir les différences liées au sexe des sortants et notamment ceux découlant de la
formation initiale.
Pour ce faire, on a utilisé la démarche utilisée pour élaborer les familles
professionnelles10. Dans sa construction des familles professionnelles des métiers du
commerce, le CEREQ distingue deux axes. Le premier tient à la fonction exercée c’est-à-dire
à ce qui relève des « actions » et aussi des « savoir faire » et le second aux « domaines de
spécialité ». Au niveau du premier axe, les intermédiaires de commerce sont classés en deux
catégories selon que le savoir-faire est plutôt orienté vers la négociation et la promotion des
produits comme pour les représentants (codes 4624->4628 de la PCS) ou qu’il est plutôt basé
sur la gestion et l’encadrement comme pour les gérants de magasin ou les responsables de
rayon (codes 4621->4623 de la PCS).
Pour l’élaboration du second axe, il a fallu rompre avec la classification proposée par
le CEREQ comme trop globalisante. En effet, concernant le domaine de spécialité, les auteurs
après avoir souligné les difficultés et les risques de malentendu inhérents à une telle
catégorisation11 finissent cependant par affecter tous les intermédiaires du commerce au
domaine du « commerce ». Or, en homogénéisant le domaine du « commercial », on rend
incompréhensible du même coup un processus comme la féminisation qui est loin d’être
uniforme. En effet, l’avancée des femmes dans le « commercial » ne s’est pas faite dans tous
les domaines. C’est ainsi qu’au niveau des représentants, elles ont surtout progressé sous la
rubrique des « représentants en services » en liaison avec des phénomènes de conversion ou
de reconversion des compétences. Une partie des emplois de service qui n’étaient ni
« pensés » ni même « identifiés» comme des emplois de « commerciaux » sont devenus
progressivement au cours de cette décennie des emplois de « commerce ».
Au niveau du deuxième axe, celui des domaines de spécialité, on a choisi de marquer
l’opposition entre la représentation des biens matériels et la présentation des services. Au
niveau de la PCS, cela représente l’ensemble des emplois classés en 4626, 4651 pour les
banques et une partie des emplois classés en 4627. Ce reclassement des métiers de
l’intermédiation commerciale selon deux axes permet de donner une certaine cohérence à
l’ensemble notamment sous le rapport des formations et du sex-ratio.
10
11
Voir CEREQ, Les Familles professionnelles, documents de travail n°83 janvier 1993.
CEREQ, op.cit., p.40.
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Tableau 4 : Les familles professionnelles de l’intermédiation commerciale
Axe 1. Les fonctions exercées
Domaines
Les
Axe 2
biens
Négociation démarchage
Gestion
organisation
Commerciaux non VRP (4623->4625)
Responsable de rayon(4622)
VRP (4623->4625)
Directeur de magasin(4621)
Vendeurs automobiles (4627)
Responsable commercial (4629)
Conseillère de vente (4627)
Responsable Achat (4628)
Technico commerciaux (4623->4625)
services Conseiller assurances ou bancaire (4627/4626)
Visiteur médical(4626)
Nota : On a reproduit pour chaque famille professionnelle les intitulés les plus courants et la rubrique de la PCS
Tableau 5 : Les familles professionnelles en fonction du sexe
Masculin
Féminin
ensemble
% de femmes
Représentants en biens
62,5%
41,8%
55,0%
27,7%
Maîtrise commerciale
28,0%
36,3%
31,0%
42,7%
9,5%
21,9%
14,0%
56,9%
100,0%
100,0%
100,0%
36,5%
Représentants en services
Total
Source : génération 92
Tableau 6 : Les familles professionnelles en fonction de la formation
Commerciale Technique
Economie Total
scientifique Gestion
Représentants en biens
32,2%
22,8%
45,0%
100,0%
Maîtrise commerciale
24,2%
22,2%
53,6%
100,0%
Représentants en services
55,5%
3,1%
41,4%
100,0%
32,2%
20,2%
47,5%
100,0%
Total
Source : génération 92
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La maîtrise commerciale
Le premier groupe d’emploi s’organise autour de la famille professionnelle de la
maîtrise des magasins et des intermédiaires de commerce qui occupaient près de 5500 jeunes
sortants soit un peu moins d’un tiers des sortants. Tous les intitulés associés à ces postes
rappellent fortement la dimension de l’ « autorité » comme « chef » ou « directeur » ou encore
« responsable ». Les sortants d’une formation commerciale y sont nettement sous-représentés
par rapport à l’ensemble et ce sont les formations tournées vers l’économie ou la gestion qui
sont nettement majoritaires (53,6%) plaçant ainsi ce groupe professionnel à la périphérie du
commercial.
L’affectation des femmes aux emplois de cette famille professionnelle obéit à des
« lois » que l’on retrouve assez fréquemment dans les autres secteurs d’activité. En général
fortement diplômées, celles qui accèdent à des postes de responsabilité comme c’est le cas
pour les responsables achat (PCS 4628) ou les responsables commerciales (PCS 4629), le font
le plus souvent avec des salaires moindres que pour les hommes, une précarité plus grande et
surtout sans obtenir les avantages liés à la position de cadre. Il est vrai que près de la moitié
de ses postes se sont créés dans les activités de service et de conseil c’est-à-dire dans des
petites structures où la négociation contractuelle est moins fortement encadrée par les règles
collectives et laisse plus de jeu au niveau des qualifications.
Mais la figure emblématique de cette famille est moins la « responsable
commerciale » que le « chef de rayon » qui représente la moitié des emplois créés dans ce
groupe professionnel. Ces emplois se situent dans le commerce de détail c’est-à-dire
essentiellement la grande distribution. Les compétences acquises à l’école comme le niveau
de formation ne semblent pas influer sur un recrutement qui reste essentiellement basé sur le
volontarisme : 45% des garçons comme des filles ont accédé à l’emploi après une démarche
personnelle ou une candidature spontanée, et 70% des garçons comme des filles mettent en
avant leur personnalité et leur expérience comme critères de leur recrutement plutôt que leur
formation.
Au niveau des sortants de « génération 92 », ce sont surtout les garçons qui profitent
de ces emplois puisqu’ils sont 68% à occuper un poste de chef de rayon contre seulement
32% de filles. Cette structure assez inégalitaire est éloignée de ce que l’on enregistre au
niveau de l’enquête emploi de 1997 où les filles occupent près de 40% des postes de maîtrise
dans la grande distribution.
Cette « discrimination » au niveau des embauches des jeunes sortants tient sans aucun
doute à un mode traditionnel de gestion du personnel au niveau des sexes qui, pour les postes
de maîtrise, continue à favoriser au recrutement externe les garçons, et à réserver les filles à la
promotion interne. En effet, alors que la quasi-totalité des garçons recrutés accède
immédiatement au poste de chef de rayon, il n’en va pas de même pour les filles dont près de
25% ont été recrutés comme caissière ou vendeuse avant d’être promues à l’emploi de chef
rayon. D’ailleurs, il faut souligner à cet égard que ce sont quasiment les seuls emplois où les
filles ont un niveau de formation très nettement inférieur à celui des garçons. 34% des filles
qui occupent ces emplois n’ont pas le niveau baccalauréat contre seulement 18% des garçons.
Pour les filles, et un peu moins pour les garçons, la grande distribution apparaît donc comme
un espace d’ascension sociale pour celles qui, en majorité issues des classes populaires, n’ont
parfois que le BEP en poche. On pourrait quasiment tenir les mêmes propos s’agissant des
Les professions de l’intermédiation commerciale Métiers masculins ou/et féminins
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Cra Céreq de Nantes – Pierre CAM
dirigeants de supérette ou des gérants de commerce de détail qui présentent dans l’ensemble
le même profil sociologique que les responsables de rayon et semblent animés du même
volontarisme social si ce n’est que ces emplois semblent plus ouverts aux filles.
Inégalitaires au niveau du recrutement, les emplois de chefs de rayon dans la grande
distribution ne manifestent au niveau des conditions de travail que peu de différence entre les
hommes et les femmes. Si la précarité ou les temps partiels restent limités comparés à
l’ensemble des autres professions (autour de 5%), les salaires sont en moyenne nettement
inférieurs à celui des autres catégories d’intermédiaires dans le commerce que ce soit pour les
garçons ou pour les filles. Peu de garçons envisagent cependant de quitter leur emploi dans
l’immédiat (moins de 10%). Le mode de gestion du personnel relativement traditionnel incite
à penser que, pour les garçons dotés d’une maîtrise d’économie ou d’un DUT, ces postes de
chef de rayon ne sont que temporaires et qu’une fois qu’ils auront fait leur preuve à la
« gondole », ils deviendront chefs de secteur.
Tab 7. Répartition des emplois par secteur d’activité
Industrie Commerce Commerce Commerce de Activités
conseil
autres Total
automobile de gros
détail
financières assistance services
acheteur
commercial
chargé de clientèle
conseiller de vente
visiteur médical
directeur de magasin
chef de rayon
technico cal
vendeurs auto
vrp
responsable cal
Total
40%
18%
0%
0%
100%
0%
0%
44%
0%
35%
23%
17%
4%
4%
0%
0%
0%
0%
0%
0%
100%
5%
7%
5%
11%
22%
0%
9%
0%
0%
0%
31%
0%
29%
8%
12%
28%
17%
0%
83%
0%
100%
100%
21%
0%
31%
16%
35%
0%
10%
100%
0%
0%
0%
0%
0%
0%
0%
0%
16%
9%
13%
0%
2%
0%
0%
0%
4%
0%
0%
19%
6%
7%
16%
0%
6%
0%
0%
0%
0%
0%
0%
27%
8%
%
emplois
100%
3%
100% 32%
100% 13%
100%
4%
100%
3%
100%
5%
100% 15%
100%
7%
100%
3%
100%
6%
100%
7%
100% 100%
Source génération 92
Les commerciaux : professions au masculin, professions au féminin
Le noyau dur de l’intermédiation commerciale se constitue autour de la famille
professionnelle des « représentants » en biens industriels ou de consommation qui regroupe
55% des emplois, et autour des garçons qui forment l’essentiel de cette catégorie (78%). Les
sortants d’une formation commerciale représentent près d’un tiers des effectifs de cette
catégorie. Autour de ce noyau traditionnel des métiers la représentation gravite un ensemble
de nouveaux emplois mal délimités qui s’organisent autour de la vente des services. Ce
groupe est dominé majoritairement par les filles (56,9%), et les sortants d’une formation
commerciale (55,5%) y sont nettement plus représentés que dans les autres emplois du
commerce.
Les professions de l’intermédiation commerciale Métiers masculins ou/et féminins
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Cra Céreq de Nantes – Pierre CAM
Féminisation et rénovation des services
Si les professions de la maîtrise commerciale ne connaissent pas de véritable division
du travail entre les sexes, il n’en va pas de même chez les représentants où certaines
professions sont essentiellement masculines comme les technico commerciaux et d’autres
essentiellement féminines comme les visiteuses médicales. Cette division sexuée des tâches
est d’abord lié à la nature des produits vendus. Il existe une sorte de symbolique des biens qui
fait que l’on associe certains produits à l’un ou l’autre sexe. Les vendeurs d’automobiles et les
démonstratrices tupperware ont ainsi un « sexe » dans la PCS de l’INSEE.
Une analyse produit par produit permettrait sans doute de déchiffrer cette symbolique
sexuelle liée au bien. En tout état de cause, si on échelonne les biens en partant des plus
matériels vers les plus immatériels, on constate qu’hommes et femmes ne se distribuent pas
au hasard le long de cette échelle. Lorsqu’on compare en effet le profil des sortants et des
sortantes ayant une fonction commerciale (hors assistance commerciale) sous le rapport des
biens vendus, l’on constate que les hommes sont sur-représentés par rapport aux femmes
s’agissant la vente des biens industriels ou de consommation (63% contre 22%), et que les
femmes sont sur-représentées en ce qui concerne la vente de services (22% contre 10%).
Cette distribution des sexes se fait selon une logique qui semble plus culturelle
qu’économique. C’est d’ailleurs ce que suggérait Pierre Bourdieu12 qui reliait déjà à la fin des
années soixante-dix l’apparition d’une « nouvelle » petite bourgeoisie à composante
fortement féminine avec le développement de certaines professions de la « présentation » et
de la « représentation »13 corrélativement à l’extension des nouveaux biens de consommation
et des services. Partant d’une analyse des pratiques culturelles14, l’auteur postulait à cet égard
une sorte d’affinité élective entre les dispositions qui sont socialement inculquées aux filles
dans la « présentation de soi » et les « dispositions esthétiques » exigées dans la vente des
biens à usage privé ou des services : « on représente bien parce qu’on présente bien »15 .
La féminisation des métiers de la représentation s’opère en fait sur des segments de la
vente davantage axés sur la « relation au client » et sur la « personnalité » du vendeur que
sur les performances technologiques des produits16 soit que ces produits soient trop
immatériels pour donner lieu à une quelconque démonstration17 soit qu’ils se prêtent mal à
une démonstration immédiate.
12
Pierre Bourdieu, « Anatomie du goût », Actes de la Recherche en sciences sociales, n°5 octobre 1976, pp.5 à
108.
13
Le champ professionnel couvert par Bourdieu est cependant nettement plus large que celui des professions
intermédiaires commerciales puisqu’il y inclut également les professions de l’intermédiation sociale comme les
« conseillers en relation publique » ou les « attachés de presse ».
14
L’analyse des pratiques culturelles et des héritages sociaux permet à Pierre Bourdieu de distinguer entre la
« petite bourgeoisie traditionnelle » en déclin plutôt masculine constituée autour des artisans et des
commerçants, et la « petite bourgeoisie nouvelle » plutôt féminine dont le noyau dur se situe en partie dans les
métiers de la « présentation » et de la « représentation ». On a repris cette distinction à notre compte pour
éliminer de notre champ d’études les petits commerçants.
15
P.Bourdieu, op.cit . , p.73
16
P.Bourdieu,op. cit., p.69. D’une façon triviale, le commercial d’aujourd’hui serait celui ou celle qui arriverait
non seulement à vous persuader des qualités techniques d’une automobile mais également du fait qu’elle
s’intègre à votre style de vie par son « espace intérieur », son style, son volume, etc.
17
La vente est toujours un acte de « persuasion » quels qu’en soient les moyens comme le soulignait déjà
Adam Smith : « l’homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c’est en vain qu’il
l’attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s’il s’adresse à leur intérêt personnel et
Les professions de l’intermédiation commerciale Métiers masculins ou/et féminins
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Cra Céreq de Nantes – Pierre CAM
« Vendre à Paris ce n’est pas évident ! Comme le client ne peut pas essayer les skis,
c’est à nous justement de les mettre en valeur. Le but du jeu, c’est d’analyser la personnalité
du client, grâce à des éléments qui sont parfois très minimes, et ainsi réussir à comprendre ce
qui peut vraiment lui convenir » (Pascal, vendeur d’articles de sport, Bac pro vente
représentation- entretien réalisé par l’Onisep).
L’importance accordée au produit ou à la relation au client se reflète d’ailleurs dans les
qualités que le commercial –homme ou femme- met en avant lors de son recrutement. Alors
que les technico commerciaux font passer leur formation avant leur personnalité comme
atout dans leur recrutement, les chargés de clientèle mettent au même niveau leur formation et
leur personnalité.
L’opposition entre la représentation des biens matériels et des biens de service se
double d’une autre opposition au niveau de l’espace d’action des hommes et des femmes. En
effet, quand on observe à l’intérieur de chaque famille de « représentant » le poids respectif
des hommes et des femmes, il apparaît que les femmes sont largement moins sur le « terrain »
que les hommes. On peut noter que dans les fonctions impliquant le plus fortement la
prospection d’une clientèle et des déplacements18 comme VRP ou technico commercial ou
encore attaché commercial, les femmes sont très nettement sous représentés (25% ou moins)
par rapport à leur poids dans l’ensemble (44%) alors qu’elles sont sur-représentées dans les
fonctions d’assistance, de conseil ou de chargée de clientèle (plus de 60%) qui sont pour
l’essentiel des postes à l’intérieur d’un établissement. Seule exception à la règle, la fonction
de déléguée médicale qui, tout en étant un travail de « terrain », est très nettement féminisée
(74% de femmes).
Ce sont donc les hommes qui font de la prospection et du terrain, ce sont les femmes
qui accueillent et présentent les produits. La division sexuelle des tâches reproduit la division
de l’espace : les hommes à l’extérieur, les femmes à l’intérieur. Comment expliquer cette
absence des sortantes dans les fonctions les plus « prospectives » ? Un élément d’explication
tient sans doute au fait que le métier de « représentant » itinérant est assez incompatible avec
ce que l’on peut désigner comme une « vie de famille ». Lorsqu’on croise chez les femmes les
conditions d’emploi et les choix de vie, on note une certaine relation entre la vie de couple, la
maternité et la sédentarité, et mutatis mutandis. Parmi les sortants qui ont un emploi
sédentaire19, 70% vivent en couple et 22% ont des enfants contre respectivement 59% et
16% pour celles ayant un emploi de terrain.
s’il leur persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu’il souhaite d’eux ». A.Smith,
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, Flammarion, 1991, T. 1, p.82 et suiv.
18
Le questionnaire n’introduisait aucune question permettant de distinguer entre les commerciaux sédentaires et
les commerciaux itinérants. Si certains répondants l’ont signalé spontanément, d’autres n’y font aucune
référence.
Les professions de l’intermédiation commerciale Métiers masculins ou/et féminins
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Cra Céreq de Nantes – Pierre CAM
Féminisation des emplois de représentant et segmentation du marché du travail
Mais la féminisation de certains emplois dans la représentation s’est accompagnée de
certaines formes de précarisation. Si l’on s’en réfère aux chiffres publiés par la DARES, sur
toute la période 1983-1998, on constate que l’évolution du travail précaire (intérim, stagiaires
rémunérés et contrats temporaires) a accompagné le processus de féminisation. Durant cette
période, la précarité a gagné trois points dans la famille des représentants et, est passé de 1983
à 1998 de 6000 emplois précaires pour un volume de 300 000 emplois à 22000 pour un
volume de 440 000 emplois.
Lorsqu’on compare les emplois des filles à ceux des garçons, la précarité et le temps
partiel apparaissent plus importants du côté des sortantes. En mars 1997, elles sont ainsi un
peu plus nombreuses que les garçons à être encore employées sous un contrat à durée
déterminée : 10% contre 8,5%. Mais cette précarité ne touche pas tous les emplois de la
famille professionnelle. Au niveau des commerciaux itinérants, ce sont les visiteuses
médicales employées par les industries pharmaceutiques et les grands laboratoires qui
semblent le plus exposées à la précarité. Si les visiteuses médicales ne semblent pas trop
insatisfaites20 de leur emploi c’est sans doute moins en raison des conditions d’emploi qui
semblent médiocres que d’un emploi qui les met en contact avec le milieu de la santé et les
valorise en retour.
Tableau 8 : Evolution comparée de la précarité dans l’emploi et de la part des femmes
1983
famille professionnelle des représentants
femmes (%)
précarité(%)
temps partiel(%)
21
2
9
1998
34
5
9
variation
83/98
13
3
0
Source DARES 1999
Au niveau des commerciaux sédentaires, ce sont les conseillères de vente21 qui
semblent occuper la situation la moins envieuse dans la famille professionnelle des
commerciaux : temps partiel important et précarité autour de 9%. Profession très féminisée,
les conseillères de vente qui travaillent dans la grande distribution apparaissent au niveau de
leur position professionnelle, de leur niveau de formation et de leur statut à la limite des
professions intermédiaires. Elles se situent dans la chaîne commerciale entre la caissière et le
chef de rayon. Ce sont en fait des emplois provisoires où le sortant est amené à faire ses
preuves avant d’être promu. Il faudrait ajouter à ces emplois précaires ceux d’animatrice et de
démonstratrices en grande surface. Ces jeunes femmes qu’on a regroupées faute de mieux
avec les conseillères de vente présentent un profil similaire : forte précarité, salaire flexible,
etc. Peu de sortants et surtout de sortantes occupent encore ces emplois en mars 1997, car il
19
On a regroupé sous sédentaire : assistante commerciale, conseillère de vente et chargée de clientèle et sous
itinérante : VRP, déléguée médicale, technico commercial, commercial.
20
La question était : Vous diriez 1- que votre situation professionnelle vous convient ou 2- ne vous convient pas
21
On a rangé avec les conseillères de vente les animatrices et les démonstratrices de vente.
Les professions de l’intermédiation commerciale Métiers masculins ou/et féminins
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Cra Céreq de Nantes – Pierre CAM
s’agit d’emplois qui s’effectuent essentiellement en début de parcours professionnel durant les
deux premières années de l’insertion.
Conclusion
L’enquête génération 1992 permet de mieux situer les avancées de la féminisation
dans les professions intermédiaires du commerce. Avant d’être un phénomène de
« recomposition » professionnelle c’est d’abord un phénomène de « redéfinition » des
compétences. Il serait en effet abusif de parler de la féminisation des professions
commerciales dans le sens où on l’entend habituellement c’est-à-dire comme d’une éviction
lente des garçons d’une famille d’emploi. Les métiers traditionnels de la représentation restent
pour l’essentiel des métiers masculins. Le technico commercial, le VRP et le vendeur
d’automobiles n’ont pas encore de féminin. S’il y a féminisation, elle se fait sur place par un
redéploiement des compétences. Les filles deviennent des commerciales parce que les
emplois qu’elles occupent exigent des compétences de type « commercial ».
Cette « rénovation » des compétences touche l’ensemble du secteur des services et
particulièrement les banques et les anciens services publics comme les télécommunications.
Il est évident que cette redéfinition des emplois, et des compétences qui leur sont associées,
entraîne un certain flou dans ce qui constitue les limites de l’action commerciale. Tout ce qui
concerne la relation avec un « public » devient ou est susceptible de devenir un emploi faisant
appel à des compétences commerciales : conseiller conjugal, conseiller en relations publiques,
conseiller en emploi, etc. Aussi la catégorisation des professions de l’intermédiation
commerciale laisse désormais place à un certain arbitraire quant aux emplois susceptibles d’y
être classés. Ce processus de féminisation des emplois de service qui n’en est qu’à son début
profite d’abord aux sortantes ayant fait une formation commerciale plutôt qu’une formation
tertiaire.
Mais ce processus de rénovation des emplois de l’intermédiation commerciale
s’accompagne également dans certains secteurs de l’action commerciale de l’apparition d’un
volant d’emplois précaires et soumis à un fort turn-over qui touche d’abord les jeunes femmes
à leur entrée dans la vie active. Parmi ces emplois, il y a ceux qui sont liés à des formes assez
traditionnelles de la vente comme la démonstration sur place et tous ceux qui sont liés à la
vente et à la prospection par téléphone mais dont on mesure encore mal l’importance tant le
phénomène semble diffus et mal répertorié.
Les professions de l’intermédiation commerciale Métiers masculins ou/et féminins
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Tableau 9: Conditions d’emploi et relations au travail chez les sortantes
% niveau
Salaire %
%
%
Formation 3 et sup
Femmes
moyen Satisfait précaire partiel commerce
commerciale
7440
65%
11%
7%
45%
60%
conseillère clientèle
8181
83%
4%
1%
33%
62%
conseillère de vente
7546
68%
9% 44%
33%
19%
visiteuse médicale
6708
75%
19%
0%
51%
84%
responsable magasin
7169
74%
8%
0%
27%
45%
chef de rayon
7084
59%
6%
6%
38%
38%
technico cal
9164
85%
0%
0%
17%
86%
vrp
7705
88%
0%
0%
22%
48%
responsable cal
7774
64%
5%
8%
22%
84%
Source génération 92
Tableau 10: Conditions d’emploi et relations au travail chez les sortants
Salaire %
%
%
Formation % niveau
moyen Satisfait précaire partiel commerce 3 et sup
8398
74%
0%
0%
0%
43%
acheteur
8467
68%
4%
3%
33%
59%
commercial
7835
76%
0%
0%
51%
100%
Chargé ou conseiller de clientèle
5879
78%
7% 20%
6%
34%
conseiller de vente
6907
85%
6%
0%
27%
32%
responsable magasin
6821
61%
5%
5%
24%
38%
chef de rayon
8291
79%
1%
3%
13%
62%
technico commercial
10153
85%
8%
0%
52%
35%
vendeur voiture
11591
67%
0%
0%
50%
54%
vrp
9197
82%
0%
0%
17%
57%
responsable cal
Source génération 92
Les professions de l’intermédiation commerciale Métiers masculins ou/et féminins
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Bibliographie
R.Anker, Ségrégation professionnelle hommes-femmes : les théories en présence, Revue
international du travail, volume 136, n°3, 1997
P.Bourdieu, La distinction, Les Editions de Minuit, 1979.
Cereq, Femmes sur le Marché du Travail, Etudes, N°70, novembre 1997
Armatya Sen, Repenser l’Inégalité, Seuil, 2000
Maruani Margaret, Reynaud Emmanuelle, « Sociologie de l’emploi », Editions La Découverte
Collection Repères, Paris, 1993
Jobert Annette, Marry Catherine, Tanguy Lucie, « Education et Travail en Grande-Bretagne,
Allemagne et Italie, Armand Colin, Paris, 1995.
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