Tarantino Fiction

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Tarantino Fiction
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Jerome Charyn
Tarantino
Traduit de l’américain
par Cécile Nelson
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Titre original :
Raised by Wolves :
The Turbulent Art and Times of Quentin Tarantino
Éditeur original : Thunder’s Mouth Press
© Jerome Charyn, 2006
Et pour la traduction française :
© Éditions Denoël, 2009
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Cet ouvrage est dédié à mes trois sibylles préférées, Anoosh, Jamie et Leinana.
Ainsi qu’à mon assistant de recherches, Mathieu
le Magicien, qui a réussi à se glisser dans les
moindres fissures pour trouver tout ce que j’avais
besoin de savoir.
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Introduction
Chevaux et terriers de lapins
C’était il y a un an, peut-être un peu plus. Je regardais le film
de minuit sur la chaîne HBO : USS Alabama de Tony Scott
(1995), un polar catastrophe situé à bord d’un sous-marin. L’action
se déroule après la désintégration de l’Union soviétique, alors que
la Russie est en chute libre, ravagée par la guerre civile, avec à
sa tête un leader ultranationaliste qui menace de balancer la bombe
atomique sur les États-Unis et le Japon. Entre alors en scène l’USS
Alabama, un sous-marin nucléaire chargé d’assez de missiles pour
anéantir cent civilisations. Mais la vraie confrontation n’a pas lieu
entre les ultranationalistes et les États-Unis ; elle oppose Gene
Hackman et Denzel Washington. Peu importent les noms dont
ils sont affublés. Hackman est le commandant de l’engin et
Washington son second. Les deux hommes ont un poids à l’écran,
une densité, que peu d’autres acteurs possèdent. Quoi que nous
raconte le scénario, quelles que soient l’inconsistance de l’histoire
et l’ineptie des dialogues, nous croyons en eux.
Tony Scott sculpte le sous-marin dans une impressionnante
gamme de rouges et de bleus, mais c’est la furie du visage de
Hackman qui nous fascine. Il est parti pour dézinguer les Russes
en lançant une frappe nucléaire mais Denzel Washington refuse
de le laisser faire. La chaîne de commandement à bord de
l’Alabama est rompue et le sous-marin livré à sa propre guerre
civile. Denzel Washington s’empare du vaisseau et, lors de la
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confrontation finale entre les deux hommes, sous l’œil d’officiers
prêts à se faire sauter mutuellement la cervelle, Hackman se met
à déblatérer sur les lipizzans, ces chevaux vedettes de l’École espagnole de Vienne. Il affirme que les lipizzans sont « tous blancs »
et qu’ils viennent du Portugal. Washington dit qu’ils ne sont
pas du Portugal mais d’Espagne. « À la naissance, ils ne sont pas
blancs. Ils sont noirs. » Et le duel continue. Les chevaux ne sont
que des chevaux, dit Hackman. « Enfonce un aiguillon dans le
cul d’un cheval et tu peux le faire jouer aux cartes. »
Tout à coup, on est passé des sous-marins et de la guerre atomique à une sorte de pays de Nulle-Part où tout est permis. Nous
avons été projetés bien au-delà des tonalités léchées de Tony Scott.
Le film a été torpillé, ou plutôt, tarantiné. Même à moitié endormi,
j’ai reconnu la patte subversive de Tarantino. Son nom n’apparaît
pas au générique, mais il avait travaillé au scénario. Peut-être que
les lipizzans ne sont même pas de lui, mais son influence n’en est
que plus profonde.
Tarantino a bouleversé le cinéma, nous a entraînés loin des films
structurés autour d’un début, d’un milieu et d’une fin discernables. Il a créé un bavardage, un bruit de fond incessant qui refuse
de se taire. Selon Janet Maslin, « on n’entre pas vraiment dans une
salle de cinéma » pour voir un film de Tarantino, « on descend
plutôt au fond d’un terrier de lapin 1 » – un terrier résonnant
de milliers de paroles, comme si une centaine de fous à lier avaient
été lâchés à un colloque de gangsters. Les critiques n’arrêtent
pas de se plaindre de la violence gratuite chez Tarantino : mais les
actes violents ne sont que « les virgules et points-virgules du vocabulaire cinématographique de Tarantino », écrit Daniel
Mendelsohn dans la New York Review of Books. Et par-delà la violence il y a un vide, une passivité, « le sentiment de ne pas être en
présence d’un créateur mais d’un membre du public » assis tout
seul dans l’obscurité. « C’est en tant que représentant d’une géné10
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ration nourrie aux rediffusions télévisuelles et au multivisionnage
de vidéos qu’il vous fait mourir de peur. »
Le critique Robin Wood, qui est si sensible à Hitchcock et peut
analyser le plus léger frisson de Vertigo, écarte Tarantino comme
un rejeton illégitime du cinéma, un adolescent perpétuel qui ne
peut que renvoyer à son public l’image de « sa propre ingéniosité,
de sa vacuité et de son cynisme 2 ». De même, Roger Shattuck
juge que l’art porteur de sens « mérite d’être protégé de toutes nos
forces de ceux [comme Tarantino] prêts à emprunter son manteau afin de couvrir et d’ennoblir un étalage de dépravation et de
violence inqualifiables 3 ».
Pourtant, comment se fait-il que je devine une cohérence, une
forme, une musique, là où Mendelsohn, Wood et Shattuck n’en
perçoivent aucune ? Pourquoi est-ce que j’aperçois une structure
profonde dans le terrier de Tarantino, là où d’autres ne voient que
les élucubrations chaotiques d’un ancien employé de vidéoclub ?
Les cinq années qu’il a passées à Video Archives, à Manhattan
Beach, une banlieue de Los Angeles, sont entrées dans la mythologie au titre du cours accéléré le plus réussi de l’histoire du cinéma.
« Je suis d’abord et avant tout un dingue de cinéma 4 », lance
Tarantino en guise de cri de guerre. « Si Quentin n’avait pas réussi
dans le monde du cinéma, il est très probable qu’il aurait fini tueur
en série 5 », déclare Roger Avary, qui a travaillé dans la même boutique avant de devenir le complice de Tarantino en écriture pendant plusieurs années.
« Je ne suis pas allé à l’université, déclare Tarantino. Le vidéoclub a été pour moi comme un cursus universitaire […]. Quand
on a fini ses quatre années, on est censé démarrer sa vie mais on
se retrouve à s’accrocher à cette zone de liberté. Video Archives
était ma zone de liberté 6. »
Cette zone de liberté ne l’a pas enrichi autant qu’il le pense ;
elle lui a plutôt offert un refuge. Il dormait souvent dans l’arrière11
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boutique ; se trouvait des petites amies de l’autre côté du comptoir ; se bagarrait ; il a même formé une espèce d’équipe de tournage clandestine avec des collègues. Mais cela ne le mettait pas
fondamentalement à l’épreuve. Le vrai défi allait venir de l’école
d’art dramatique. Il avait grandi avec le rêve de devenir une star,
et ce rêve ne l’a jamais quitté. « Aux États-Unis, ma notoriété n’est
pas celle d’un réalisateur, disait-il en 1996. C’est celle d’une star 7. »
Pourtant, derrière cette audace, il y a une terrible blessure :
Tarantino sait qu’il ne sera jamais une star. Selon Biskind, « avec
son allure de personnage de BD au front haut et à la mâchoire
proéminente, il [donne l’impression] d’un Martin Scorsese dans
le corps de Popeye 8 ».
Sans même terminer sa troisième, Tarantino quitte l’école à
seize ans pour étudier le métier d’acteur à plein temps. Il court les
castings mais ne réussit qu’à décrocher le rôle d’un imitateur d’Elvis
Presley dans un seul épisode d’une sitcom. « L’art dramatique est
pour moi ce qu’il y a de plus important au monde. Je l’ai étudié
pendant six ans mais n’ai jamais trouvé de travail. Je n’arrivais
même pas à décrocher une audition. J’ai essayé pendant des années
de construire une carrière et ça n’a rien donné. Jouer la comédie m’a appris tout ce que je sais sur l’écriture et la mise en scène 9. »
Tarantino ne s’est pas affilié à la Guilde des écrivains ni à celle
des réalisateurs, même après que Pulp Fiction a fait de lui le scénariste-réalisateur adoré de la planète. En revanche, il est membre
de la Guilde des acteurs de cinéma. « Tu es obligé de t’affilier à la
Guilde des acteurs, sinon tu ne peux pas travailler. C’est le seul
syndicat auquel j’aie essayé d’adhérer pendant des années, sans
arriver à y être accepté 10. »
La vieille blessure ne veut pas se refermer. « Je suis aussi sérieux
dans mon jeu d’acteur que dans mon travail de réalisation. Ou
d’écriture. Je suis aussi fier de ma prestation dans Une nuit en enfer
(1996) que de l’écriture et de la réalisation de Pulp Fiction 11. »
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Tarantino a écrit le scénario du film de Robert Rodriguez, une histoire de vampires dans un bar à motards ; il y joue le frère psychopathe de George Clooney avec une sorte d’élocution déjantée.
Une nuit en enfer est probablement un des films les plus stupides jamais réalisés, mais cela n’a pas freiné Tarantino, qui a décidé
de jouer un autre psychopathe, sur Broadway cette fois. L’acteur
David Carradine lui a demandé : « Pourquoi veux-tu te pavaner
sur une scène devant un parterre de vieilles aux permanentes bleutées débarquées d’un car ? – Parce que Broadway, c’est ça 12. »
Pourtant, sa foi maniaque en ses talents d’acteur est aussi une
des forces de Tarantino : il dirige et écrit avec l’optique et la vulnérabilité d’un acteur. Il a passé cinq ans à étudier auprès d’Allen
Garfield, un character actor 13 du New Jersey, né en 1939. Garfield,
lui-même formé à l’Actors Studio par Lee Strasberg, projette une
sorte d’hostilité comique à l’écran : on peut presque sentir la colère
bouillir sous sa peau.
Tarantino fut son tout premier élève à l’Actors Shelter (Refuge
des acteurs), que Garfield fonda en 1985, avec des sessions le weekend dans une salle de Beverly Hills. Tarantino était souvent à sec
et ne pouvait pas payer ses cours, mais Garfield le gardait à l’école
et l’éperonnait constamment. « Quentin, tu veux être metteur en
scène ? Alors chaque fois que tu fais une scène dans mon cours,
je veux qu’elle soit aussi dirigée 14. » Et Tarantino s’exécutait.
L’Actors Shelter « fut, en ce qui me concerne, une école de
cinéma », confia-t-il.
Tarantino écrivit « des tas de monologues sans queue ni tête 15 »
pour le cours de Garfield sans se rendre compte qu’il y jetait les
bases de son art. Le monologue, ou riff, allait réapparaître dans
Reservoir Dogs et Pulp Fiction, ainsi que dans son scénario de True
Romance, réalisé par Tony Scott (1993).
Il y a des riffs sur Elvis tout au long de True Romance. Clarence
(Christian Slater) est comme une incarnation de Tarantino lui13
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même. Il travaille dans son Video Archives à lui, une boutique de
bandes dessinées appelée « Héros à vendre ». C’est un fan d’Elvis.
« Si je devais baiser avec un mec – si ma vie en dépendait –, ce
serait avec Elvis. » Il tombe amoureux d’une call-girl, Alabama
(Patricia Arquette), qui soutient qu’elle n’est pas « une white trash 16
de Floride ». Alabama a été payée par le patron de Clarence pour
offrir à celui-ci un cadeau d’anniversaire de rêve : une nuit avec
elle. Clarence et ’Bama se réveillent au matin et se marient. Mais
Clarence ne supporte pas d’entendre parler de Drexl, le mac de
sa nouvelle épouse, incarné par Gary Oldman, qui insuffle au
caractère menaçant de son personnage un sens bien au-delà d’une
simple interprétation : il est ce Blanc en dreadlocks qui se prend
pour un Noir. Clarence va trouver Drexl et demande la libération
d’Alabama de sa condition d’esclave sexuelle. Et il exige bien plus
que cela encore car son ange gardien – le fantôme d’Elvis Presley –
lui dit que ’Bama ne sera jamais libre tant que Drexl sera en vie.
Drexl fiche une dérouillée à Clarence et finit par se faire tuer.
Clarence s’enfuit avec ce qu’il croit être les vêtements d’Alabama,
en fait, une valise pleine de cocaïne.
Mais les petits riffs qui ponctuent cette action ne sont rien
en comparaison du morceau de bravoure du film, un face-à-face
dont Clarence et Alabama sont absents. C’est le riff des riffs, un
duel verbal entre Christopher Walken et Dennis Hopper, deux
acteurs dont l’étrangeté a toujours défié la machine cinématographique, deux anomalies des salles obscures – des character actors
jouant les stars, chacun avec sa colère et une façon de s’exprimer unique et toujours émouvante. Dans True Romance, Hopper
joue à contre-emploi ; il n’est pas le timbré habituel, le jacteur
pathologique, dont la logorrhée manque de nous défoncer les
tympans. Cette fois, c’est un homme tranquille, un gardien qui
fait ses tournées en bonnet à oreilles, flanqué de son grand chien
noir Rommel. Il incarne un père absent, celui de Clarence
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– Tarantino aussi a eu un père absent, qui s’est éclipsé sans même
établir le plus petit lien avec lui.
Mais Dennis Hopper, lui, essaye de sauver son fils. Les gangsters sont venus récupérer leur valise de cocaïne. Leur chef,
Christopher Walken – Don Vincenzo –, est un avocat de la mafia
qui représente M. Blue Lou Boyle. En tant que porte-parole, c’est
un homme d’expérience, éloquent et cruel, qui utilise la langue
comme une rapière. Il dit à Hopper qu’il est l’Antéchrist venu
pour le faire souffrir comme jamais auparavant… à moins qu’il
ne révèle où se cachent Clarence et Alabama.
« Ils ont piqué ma came », dit-il. Il est là pour soumettre Hopper
à un petit interrogatoire et l’avise de ne pas mentir. « Les Siciliens
sont de grands menteurs. Les meilleurs au monde. Je suis sicilien.
Et mon vieux était le champion poids lourd des menteurs siciliens. En grandissant auprès de lui, j’ai appris la pantomime.
Eh bien, il y a dix-sept mimiques différentes qu’un mec en train
de mentir peut faire pour se trahir. Un mec en a dix-sept. Une
femme, vingt… Et si tu connais ces mimiques comme tu connais
ta poche, mec, y a plus qu’à balancer tous les détecteurs de mensonges à la poubelle. »
Walken parle comme aucun autre acteur au monde mais il
est difficile de décrire son élocution, sa façon de hacher les phrases
de sorte que chaque syllabe résonne d’une menace à peine voilée.
Avec son long manteau et son écharpe, on dirait l’Antéchrist.
Hopper, lui, a l’air désemparé, seul, complètement dépourvu
de cette même éloquence. Pourtant, Don Vincenzo finit par tomber dans le piège de sa propre sérénade.
« Alors comme ça, t’es sicilien ? » dit Hopper. Don Vincenzo
lui a offert l’ouverture dont il a besoin pour débiter sa propre histoire. « Les Siciliens descendent des nègres… Il y a des centaines
et des centaines d’années, les Maures ont conquis la Sicile. Et
les Maures sont des nègres. Ils ont tellement baisé avec les
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Siciliennes qu’ils ont altéré leur sang à jamais – de blonds aux yeux
bleus à bruns à la peau foncée. » Walken rit, complètement stupéfait. Qu’est-ce qu’il peut faire d’autre ? Mais Hopper poursuit son riff : « Les Siciliens continuent à transmettre ce gène
nègre… Tes ancêtres sont des négros. T’es moitié pruneau. »
Son élocution est beaucoup plus sobre, presque endeuillée :
le conteur ne fait plus qu’un avec son histoire. Walken embrasse
Hopper et lui tire une balle dans la tête. « Je n’ai tué personne
depuis 1984. »
Mais Hopper l’a vaincu ; l’exécution est un épilogue inutile,
une petite esbroufe de Christopher Walken, l’Antéchrist. La vraie
violence de la scène réside dans le récitatif des deux hommes, dans
les dommages collatéraux causés par leur baratin.
Et voilà, nous venons d’assister à un instant si profondément
tarantinesque que même les préciosités de Tony Scott – ce jeu
incessant d’ombre et de lumière, où les couleurs se multiplient et
les visages entrent et sortent de l’obscurité – ne sauraient abîmer.
La langue s’affirme contre le décor stylisé, elle le domine et nous
touche.
Lui-même réalisateur, Hopper sait apprécier l’audace des riffs
de Tarantino, cette occasion unique donnée à un acteur d’interpréter des tirades dans un film. « Un producteur regarde le scénario et s’exclame : “Mon Dieu, une tirade ! Nous ne pouvons pas
avoir ça dans un film, raccourcissez-la en trois lignes.” Mais
Quentin, lui, monte d’incroyables circonstances imaginaires qui
vous permettent de faire un discours 17. »
Hopper voit en Tarantino un magicien visuel et verbal « qui
passe notre culture au mixeur et la réinjecte sous forme de phénomène artistique spectaculaire », comme un Mark Twain
moderne, « faisant face aux mêmes périls que deux mecs [Huck
Finn et l’ancien esclave Jim] en train de fuir sur un bateau qui
descend le Mississippi ».
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Et ce n’est pas une comparaison gratuite. Le monde de Huck
et Jim résonne de riffs violents tandis qu’ils élaborent leur petit
compas moral sur leur radeau, au milieu de brutes et de bonimenteurs.
Une version adulte de Huck Finn apparaît d’ailleurs dans Pulp
Fiction, en la personne du capitaine Koons, un officier de l’armée
de l’air interprété par Christopher Walken. Et, cette fois, il n’y
a pas de Dennis Hopper pour apprivoiser sa foudre. Il produit un
des riffs ininterrompus les plus drôles que le cinéma ait jamais
vus. On est en 1972. Koons vient de rentrer du Vietnam. Il raconte
au petit Butch, âgé de cinq ans, l’histoire de la montre de son père.
Et là, point de panachage de couleurs à la Tony Scott pour nous
aveugler ; Tarantino nous livre un monde aplati, délavé, où tout
s’efface à l’arrière-plan pendant que Koons parle.
« Salut, petit homme ! Eh oui, j’ai connu ton père. Et toi aussi,
je te connais bien, mon garçon. Tu sais, ton père m’a beaucoup
parlé de toi au camp… pendant ces cinq ans où on est restés prisonniers à Hanoi. Où on a vécu l’enfer tous les deux. »
Ces paroles ont une musicalité particulière, comme si Walken
formait des notes sur une clarinette, s’interrompant et reprenant le fil à sa guise, en un phrasé fragmenté. La montre apparaît
à l’écran. Elle a autrefois appartenu à l’arrière-grand-père de Butch,
qui l’a achetée au magasin général de Knoxville (ville de naissance
de Tarantino) pendant la Première Guerre mondiale. « C’est la
montre de ton arrière-grand-papa, fabriquée par la première compagnie qui ait jamais fait des montres-bracelets. Ton arrière-grandpapa l’a portée chaque jour qu’il a passé à la guerre. » Après la
guerre, l’arrière-grand-père a mis la montre dans un vieux pot à
café… jusqu’à ce que le grand-père de Butch, Dane Coolidge,
la porte pendant la Seconde Guerre mondiale. Dane sert dans
la marine et trouve la mort sur Wake Island, mais non sans avoir
confié la montre à un tireur de l’Air Force en lui demandant
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d’« apporter à son fils nouveau-né, qu’il n’a jamais vu en chair
et en os, sa montre en or ».
La montre construit ainsi son propre mythe d’une génération à
l’autre. « Cette montre, ton papa l’avait au poignet le jour où il s’est
fait canarder au-dessus de Hanoi […]. On l’a capturé et emmené
dans un camp de prisonniers. Il savait que si on voyait sa montre,
elle lui serait confisquée ! Et pour lui, il était clair que cette montre
te revenait de droit […] c’était le patrimoine de son fils, alors il décida
de la cacher dans le seul endroit où il savait qu’il pouvait cacher
quelque chose : dans son cul. Cinq longues années il a trimbalé cette
montre dans son cul. » Et juste avant de mourir de dysenterie, Dane
Coolidge confie la montre au capitaine Koons. « J’ai alors caché
ce vieux bout de métal dans mon anus deux années durant. […] Et
aujourd’hui, cette montre, je suis venu te la donner. »
Koons est un conteur de fables mais son élocution est si imperturbable, si authentique dans son étrange phrasé, que nous croyons
en cette odyssée de la montre de guerre et, l’espace d’un instant,
nous devenons Butch. Avec l’aide de Christopher Walken, Tarantino
a exécuté un étonnant tour de magie : il a fait de la langue le
monde entier, et nous sommes tous les enfants perdus du conte
de Tarantino. En se concentrant sur la montre et sur Koons, sans
ciller une seconde, sa caméra et lui nous emmènent au-delà du
style et de la logistique cinématographiques, à l’intérieur même
de l’artefact. L’illusion de l’écran a disparu ; nous sommes dedans.
Walken se montre souvent faussement modeste concernant sa
carrière. « Je suis un très mauvais analyste de ce qui fonctionnera
à l’écran, reconnaît-il. Chaque fois que je pense que le résultat
sera bon, j’ai toujours tort 18. » Pourtant, il s’est entraîné au monologue du capitaine Koons pendant huit semaines, assemblant
les mots à sa façon très personnelle, celle d’un ancien danseur
habitué à marquer la cadence. « Je compte encore les pas de danse
quand je traverse une pièce. Deux-deux quatre. Trois-trois quatre.
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Je fais cela pendant que je parle. » Et ce même comptage « permet de décider quel est le mot important », loin de la « prison »
de la ponctuation. « Ce peut être le nom ou bien le verbe. Ce peut
être un mot auquel vous n’aviez pas pensé. »
Selon Dennis Hopper, Walken « a une pureté de diction presque
préstanislavskienne ». Mais il a également une perception aiguë
du sens ludique de Tarantino, de l’illogisme des terriers de lapins.
Il n’arrêtait pas de rire en préparant son monologue sur la montre
voyageuse qu’il avait dû se planquer dans le cul. « Je suis un comédien qui a grandi en voyant le public comme un personnage […].
Je crois que les gens font : “Tiens, voilà Chris [Christopher
Walken]. Chris sait qu’il est dans le film. Chris sait que ce n’est
pas réel. Chris s’amuse bien.” »
Aucun riff ne peut fonctionner sans un public, pas même au
cinéma. Et c’est ce sens ludique des deux côtés de l’écran qui définit Walken et Tarantino. Walken est un agent parfait au pays des
agents spéciaux de Tarantino, où les chevaux noirs deviennent
blancs… et vice versa.
Le plus audacieux chez Tarantino ne tient pas tant à la pyrotechnie visuelle – comme les vingt minutes de combat de sabre à
la villa des Feuilles bleues de Kill Bill, volume 1 – qu’aux contorsions auxquelles doit se livrer Mr Orange (Tim Roth) alors qu’il
prépare son riff de Reservoir Dogs. Flic infiltré dans un gang sur
le point de braquer une bijouterie, il est inconnu des autres
« Dogs » de la bande et doit les convaincre qu’il est authentique
– un vrai truand. Il a son coach personnel en la personne de
Holdaway (Randy Brooks), un flic arborant une casquette Mao
kaki à étoile rouge, qui est censé lui apprendre à parler comme
un malfrat. C’est le prof d’art dramatique de Mr Orange. Le vrai
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nom d’Orange est Freddy Newendyke, mais l’ennui c’est que nous
ne savons plus ce qui est « réel ». Tous les Dogs ont des noms
de code – Mr Orange, Mr Blonde, Mr White, Mr Blue… des
noms qui acquièrent leur personnalité et leur puissance propres.
Et Freddy Newendyke devient le personnage qu’il doit jouer :
Mr Orange.
« Pour infiltrer, faut être Marlon Brando, lui recommande
Holdaway. Pour arriver à faire le boulot, tu dois être un grand
acteur. Tu dois être naturel. Naturel jusqu’au bout des doigts.
Si t’es pas un grand acteur, t’es mauvais, et c’est foutu. » C’est bien
plus dangereux que d’étudier avec Allen Garfield à Beverly Hills.
Mal jouer peut lui faire perdre la vie.
Holdaway donne son texte à Orange, une anecdote autour d’un
deal de drogue. Orange proteste immédiatement. « Je dois
apprendre tout ça ? Y a plus de quatre putain de pages de texte ! »
Il n’a pas la moindre notion de comment jouer la comédie et, jusqu’à ce qu’il s’y mette, il vivra dans une zone de danger permanent. Holdaway lui explique qu’il peut inventer ses propres mots
mais qu’il doit se rappeler les détails. « C’est les détails qui vendent ton histoire. » (Tout comme ce sont les détails qui rendent
la caméra convaincante, qui nous permettent d’adhérer à la narration qui se déroule sur l’écran.) « Bon, ton histoire se passe dans
les toilettes pour hommes. Il faut connaître tous les détails. S’il y
a des serviettes en papier ou un sèche-mains. Si les cabines ont
des portes ou pas. Si c’est du savon liquide ou de la poudre […].
Donc tu dois connaître tous ces détails et te les approprier.
Rappelle-toi que l’histoire parle de toi, de comment tu as perçu
les événements. Et la seule manière de faire tienne cette histoire,
c’est de la répéter, la répéter et la répéter. »
Et c’est ce qu’il fait. Nous l’observons en train de répéter. Puis
il interprète un petit monologue devant Holdaway. Ils sont sur
un toit, entourés de graffiti, et les graffiti deviennent presque par20
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tie prenante du récit, comme si les paroles d’Orange aspiraient
à danser sur un mur.
Puis Orange énonce le même monologue devant plusieurs Dogs.
Il pourrait être à une audition, à l’un des castings de Tarantino
lui-même. Sauf qu’Orange n’a pas droit à l’échec. Il raconte qu’il
trimballe une livraison de marijuana. Il s’apprête à faire une vente.
Mais il a envie de pisser et se dirige donc vers « les petits coins ».
Tout à coup, le récit se met à développer sa propre logique et nous
le voyons dans les toilettes pour hommes d’une gare, comme si
l’affabulation acquérait sa vérité particulière : l’histoire est plus
forte que le flic infiltré qui la raconte. Quatre shérifs du comté de
Los Angeles et leur berger allemand se trouvent là, aux toilettes,
en pleine conversation. Ils arrêtent de parler, tournent les yeux
vers Orange. Le chien aboie. « Il aboie après moi. Je veux dire,
c’est évident qu’il en a après moi. »
Orange savoure le « romanesque » de sa terreur. « Tous mes
nerfs, tous mes sens, le sang dans mes veines, tout me dit : “Fous
le camp, mec, tire-toi de là.” La panique me frappe comme un
seau d’eau en pleine figure. Je suis là, trempé de panique, et les
flics me regardent. Ils savent, ils peuvent sentir, comme leur putain
de chien, ils sentent l’odeur de l’herbe sur moi. »
Arrêt sur image avec Orange et son sac bourré de marijuana en
bandoulière devant les quatre shérifs et le chien ; comme si la
caméra attendait que le récit continue, comme si l’absence de mots
pouvait arrêter le temps et tout mouvement ; puis l’image « revient
brusquement à la vie ». Nous entendons le chien aboyer. Un des
shérifs continue sa salade sur un mec qui s’est presque fait pulvériser la tête. Orange fait semblant de pisser. Il passe devant les
shérifs pour se laver les mains au lavabo. Il allume le sèche-mains
électrique. Le bruit de la machine prend possession de l’image,
devient la bande-son : le monde tourne au ralenti, comme ensorcelé par le vrombissement. Le chien aboie après Orange mais nous
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ne pouvons pas l’entendre. Le « détail » du sèche-mains domine
l’histoire.
La machine s’arrête et nous regagnons le temps « réel ». Orange
sort des toilettes. Le riff est fini et le conteur se retire de son histoire. L’audition est terminée. Les Dogs le félicitent ; il est devenu
l’un d’eux. « Tu as su t’en tirer, conclue Joe Cabot, le chef du gang.
Si tu chies dans ton froc, tu plonges… »
Orange les a bernés, les a tous embobinés, mais il en paye le
prix : il n’est plus Freddy Newendyke mais le Marlon Brando des
Dogs. Et, par la même occasion, Tarantino a dévoilé l’aspect le
plus révolutionnaire de son art : les mots acquièrent un pouvoir
totémique, jusqu’à presque défier les images sur l’écran… ou
les contrôler. Dans le terrier de lapin de Tarantino, la vue et l’ouïe
sont inversées : nous devons « voir » avec nos oreilles et « entendre »
avec nos yeux. Ou, comme le remarque le critique de film Gavin
Smith : « Le spectacle et l’action prennent paradoxalement la forme
du dialogue et du monologue. Le morceau de bravoure verbal
supplante la scène d’action 19. »
Et l’action elle-même – ce qui nous apparaît comme « réel » à
l’écran – découle d’une « construction verbale ». Les personnages
deviennent « ce qu’ils disent – et ils n’arrêtent pas de parler ».
Comme le fait remarquer Tim Roth lui-même à propos de
Mr Orange : « J’aime l’idée d’être une fiction à l’intérieur de la
fiction. Je suis un menteur. Je crée ma propre fiction dans une fiction, un mensonge dans un mensonge 20. »
Roth a aussi compris qu’il pénétrait dans un terrier de lapin.
« [Le scénario de Tarantino] m’a rappelé ce que c’était que jouer,
comme quand j’étais gosse. Je me disais, si je suis dans ce film, ce
sera un peu comme faire tout ce que je m’imaginais gamin en
jouant avec un pistolet dans le jardin derrière la maison 21. »
Ces critiques qui accusent Tarantino d’être un vampire insensible, un énergumène pilleur d’autres films, un roi de l’arnaque
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construisant son vocabulaire sur le dos d’autres cinéastes, devraient
réviser leurs vues. Tarantino nous a embarqués dans un voyage où
seul un acteur pouvait être aux commandes, un acteur raté capable
de rendre la métaphysique de monologues qu’il avait lui-même
préparés – tout l’effort illusoire des répétitions. C’est ce qui donne
son pathos au monologue d’Orange, où l’acteur se donne tout
entier à son jeu, son kit de survie indispensable – qui devait paraître
tout aussi indispensable aux yeux du garçon maladroit qui avait
quitté le lycée pour devenir acteur. Si on peut être ambivalent à
l’égard des Dogs et de la violence qui les entoure, le traître parmi
eux nous semble tout aussi ambivalent. Et pourtant nous sommes
captivés par la quête de Mr Orange et son besoin de récit. Ses
répétitions sont semblables au film lui-même, au tâtonnement de
l’histoire, de toute histoire, tandis que les mots se transforment
en images. Si Tarantino n’était pas passé par une école de comédiens, le récit d’Orange aurait pu n’être qu’intrépidité et bluff.
Mais nous sommes touchés et stupéfiés par sa transformation
en acteur car il incarne la machine cinématographique même,
la capacité de la caméra à filmer « un mensonge dans le mensonge »
ainsi que la façon qu’a Tarantino d’entrelarder ses mensonges
de ses propres « coups fourrés », de nous traîner en des lieux inattendus où peu de cinéastes oseraient aller. « Raconter une histoire
est cinématographique, dit-il. Raconter une histoire est séduisant,
sexy. » C’est parce que Tarantino n’a pas peur du vide. Reservoir
Dogs est un film de braquage sans braquage. Il laisse de grands
trous dans le scénario, qu’il recouvre d’un tissu de paroles tandis que nous passons d’un fou à lier à l’autre, ravis d’entendre une
succession de monologues burlesques.
Tarantino voulait que True Romance soit son premier film mais,
faute de financement, il ne l’a pas réalisé lui-même. Son scénario
était bien moins linéaire – un récit dans un récit avec de nombreux cadres temporels – que le scénario finalement tourné. Et
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nous ne pouvons que spéculer sur le film que Tarantino aurait
réalisé. « Je vois mes films comme des toiles où j’applique différentes couleurs, émotionnelles et visuelles 22 », dit Tony Scott,
le réalisateur de True Romance, mais les toiles de Tarantino sont
des livres de coloriages remplis de mots.
Scott reconnaît que Tarantino aurait fait un « True Romance
très différent – plus dur, agressif, moins irréel et moins prétentieux 23 ». Scott se voit lui-même comme un « homme de main »,
qui passe d’un genre à l’autre, d’un projet à l’autre, d’un studio à
l’autre en apportant son sens du « style » sur chaque film.
Tarantino, en revanche, n’a jamais été un « homme de main »,
même si son succès a fait de lui une sorte de nabab.
Tarantino admire True Romance : « J’adore la façon dont il
[Tony Scott] filme ; ce n’est pas du tout ma manière de faire. Il
utilise plein de fumée et moi, je ne veux pas de fumée dans mes
films. J’ai beaucoup de plans longs alors que, pour Tony, un plan
long dure vingt secondes 24. » Les films de Scott sont souvent noyés
d’« atmosphère », mais il n’a pas de réelle esthétique. Nous ne ressentons pas d’obsession dans son parcours filmique, aucune vie
intérieure ou « structure ésotérique », ainsi que nous le rappelle
le théoricien du cinéma Peter Wollen. « [Jean] Renoir a un jour
fait remarquer qu’un réalisateur passe sa vie à faire un seul film. »
Ce film « consiste non seulement en caractéristiques typiques
de ses variantes […] mais il est aussi le principe même de la variation qui le gouverne, c’est-à-dire sa structure ésotérique, qui ne
peut que “remonter à la surface”, selon l’expression de [Claude]
Lévi-Strauss 25 », à travers le processus de répétition.
Et quoi que nous pensions de Tarantino lui-même, Reservoir
Dogs est un film avec une vision d’ensemble. Il ne se déroule pas,
ni ne se développe, comme la plupart des films de studio. Il est
comme un peu de lumière miraculeuse venue d’un trou noir ;
« passer du temps avec Tarantino, écrit le critique de cinéma
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J. Hoberman, revient à observer la violence de son imagination 26 »,
une imagination qui semble occuper des recoins, plutôt qu’un
terrain consensuel sûr, qui nous mord, nous agace, nous effraye
et nous amuse en même temps, alors que nous sautons d’un riff
à l’autre et regardons les chevaux noirs devenir blancs.
Harvey Keitel, sans lequel Reservoir Dogs n’aurait jamais vu le
jour, compare Tarantino à Martin Scorsese. « Pour moi, il y a un
dénominateur commun entre Quentin et Marty […] c’est une
certaine intensité, une certaine vulnérabilité, une certaine acuité
dont [tous deux] font preuve 27. » Tarantino est le jumeau monstrueux de Scorsese. Tous deux sont des jacteurs survitaminés, au
débit de mitraillette, comme des garçons perdus dans une salle
des miroirs du cinéma. Tarantino considère que Taxi Driver
(1976) de Scorsese est un des films qui ont contribué à le former ; pourtant, ce film traite du silence, de l’isolement aigu,
alors que Reservoir Dogs est un film sur la mélodie, sur le langage comme élément d’appartenance à une bande de crapules.
Scorsese était un enfant timide et asthmatique qui a songé à
devenir prêtre mais qui, au lieu de cela, s’orienta vers une école
de cinéma. C’est un classique, comparé à Tarantino qui n’a même
pas appris à lire l’heure…
Tarantino a été élevé par sa mère, qui protégeait sa détermination. « C’est un génie, qu’est-ce qu’on en a à foutre qu’il sache
lire l’heure 28 ? » Il trouva son père spirituel en la personne de
Howard Hawks, qui lui inculqua un sens du bien et du mal et
l’initia au merveilleux pouvoir de raconter. Hawks l’obsédait à un
degré tel que Tarantino rêvait d’être invité chez lui. « Robert
Mitchum se tenait sur un balcon et disait : “Tu es là pour voir
le vieux.” Hawks était dans un patio avec John Wayne. Il a lancé :
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“Hé, Quentin, descends, mon petit.” Je me suis réveillé. J’étais
triste, tout ça était si réel 29. »
Tarantino est aussi un admirateur de Brian De Palma, John
Woo, Sergio Leone et Jean-Luc Godard quoiqu’il ne leur ressemble
pas beaucoup, ni d’ailleurs à Howard Hawks, mort en 1977, quand
Tarantino avait treize ans. Il aime se voir comme un crypto-romancier. « Ce n’est pas que je veuille dénigrer les scénaristes, mais si
j’étais un écrivain à plein temps, j’écrirais des romans 30. » Et,
comme il le reconnaît, la structure de Reservoir Dogs et de Pulp
Fiction tient plus du roman que de la mécanique du film. Si le
réalisateur propulse ses personnages à travers le temps et l’espace,
il n’y a « aucun flash-back, juste des chapitres, […] tout comme
dans un roman 31 ».
Elmore Leonard est le premier romancier qu’il ait lu dans sa
vie. D’ailleurs, Tarantino échappe de peu à la taule, à l’âge de
quinze ans, quand il se fait pincer en train de faucher La Joyeuse
Kidnappée (The Switch) à l’hypermarché K-mart du coin. Ce roman
met en scène deux escrocs à la manque, Ordell Robbie et Louis
Gara, qui n’arrivent pas à se faire livrer la rançon de l’enlèvement
qu’ils ont monté. Ordell et Louis réapparaissent dans Punch créole
(1992), le roman que Tarantino allait adapter pour en tirer Jackie
Brown (1997). Mais Ordell et Louis ne nous enchantent pas moitié autant que Mr Orange ou le capitaine Koons ; ils ont peutêtre leur jargon, mais jamais leurs riffs particuliers. Tarantino
affirme qu’il a été influencé par Leonard quand il a écrit True
Romance ; le scénario s’ouvre à Detroit, où Leonard a vécu dès
l’âge de neuf ans et situe l’action de La Joyeuse Kidnappée, et finit
à L.A., le territoire de Tarantino. Mais rien dans La Joyeuse
Kidnappée ou Punch créole n’égale le « duel » entre Christopher
Walken et Dennis Hopper, ni l’évocation par Hopper des Maures
de Sicile. Ce qui m’ennuie le plus dans Jackie Brown, c’est l’absence totale de monologue. Les personnages évoluent dans un
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monde au ralenti, sans l’excitation des riffs, où l’inventivité ludique
a disparu. La paire de flics obtus qui essaye de coincer Jackie reste
terne car aucun d’eux n’a de parler propre à retenir notre attention. Ils ne sont jamais définis par leur langue mais par leurs ricanements et leurs reniflements, et ne sont pas assez drôles pour
faire partie de la petite ménagerie de Tarantino. Les personnages
de Leonard habitent un paysage bien plus naturaliste et, même si
Tarantino ne l’admettra peut-être jamais, il avait dépassé le monde
de Leonard à l’époque où il écrivait Jackie Brown. Sa langue à
lui s’incarne dans une chair subtile. Ses histoires prennent « beaucoup plus de relief en étant racontées d’une façon délirante 32 »,
comme il le confie à Charlie Rose. Et la manière de Tarantino est
bien plus délirante que celle d’Elmore Leonard.
Le créateur auquel il ressemble le plus est le romancier James
Ellroy. Tous deux sont des garnements de Los Angeles et utilisent
cette ville comme décor mythologique de leurs meilleures œuvres.
Los Angeles est une sorte d’anti-New York, une ville sans centre
faite d’une série de quartiers juxtaposés le long d’une route en
bord de mer. Elle est anonyme, amorphe, riche en camouflages,
de sorte qu’on peut s’y dissimuler tout en restant en vue et devenir un véritable caméléon. Si New York se distingue par le nombre
et la variété de ses ramblas, des avenues où l’on peut croiser toutes
sortes de civilisations en chair et en os, Los Angeles a ses autoroutes, qui vous portent d’un quartier à l’autre, d’enclaves bohèmes
en ghettos riches ou pauvres. Les gens non motorisés y sont considérés comme des extraterrestres, ou pire.
Los Angeles et ses banlieues de bord de mer – comme
Manhattan Beach et Torrance, où Tarantino a grandi – sont emblématiques de la vie moderne : les lieux deviennent « nulle part » et
le psychisme doit se définir contre un vide, une culture insaisissable où les visages disparaissent puis réapparaissent dans un paysage différent, comme dans les planches des comic strips de George
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Herriman, Krazy Kat, où Krazy déambule d’un désert à un océan
ou le long d’un mur de brique tout en poursuivant la même
conversation.
Ce sentiment d’être « déplacé » est comme une blessure chez
Tarantino et Ellroy, où Los Angeles prend des airs de chez-soi
qui ne peut jamais en être un. Tarantino et Ellroy étaient des
vagabonds, des errants dans L.A. La blessure d’Ellroy est plus
évidente et bien pire. Sa mère, Geneva Odelia Hilliker Ellroy,
ou Jean, une rousse aux yeux noisette, fut assassinée, étranglée, lorsqu’il avait dix ans, en dernière année de primaire, « un
enfant peureux et assez volatile 33 ». Au début, il était presque
content. Sa mère, qui avait divorcé de son père, Armand Ellroy,
un comptable « beau à tomber », l’avait amené de Santa Monica
à El Monte, un « trou pourri » dans la vallée de San Gabriel,
« un paradis de Blancs déclassés ». Il enrageait contre elle. « Je
la détestais. Je détestais El Monte. Un tueur inconnu venait
de m’offrir une belle vie toute neuve 34. » Il emménagea avec
Armand. Il se mit à la lecture l’été de la mort de Jean, piquant
des livres pour accroître sa petite bibliothèque d’histoires policières adolescentes. « Chaque livre que je lisais lui rendait un
hommage détourné. Chaque mystère résolu disait mon amour
pour elle en ellipses 35. »
Il idolâtrait son père, qui avait été autrefois le manager personnel de Rita Hayworth. Mais Armand pouvait à peine prendre
soin de lui-même. Il avait cinquante ans de plus que le garçon,
paraissait être son grand-père. Ellroy devait voler de la nourriture,
sinon son père et lui n’auraient rien eu à manger. « Nous étions
pauvres […]. Nous portions des habits miteux 36. » Comme
Tarantino, il avait une « mauvaise hygiène » et devint un « adolescent pestiféré ». Il s’engagea dans l’armée à dix-sept ans et comprit que la vie de troufion n’était pas pour lui. Il se mit à bégayer.
« J’étais un acteur de la méthode [Stanislavski, N.d.T.] puisant
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dans des ressources réalistes […]. Mon long corps agité de tics
était un formidable outil 37. »
L’armée le congédia. Il se fit cambrioleur et voleur patenté. Il
chapardait au domicile de femmes de connaissance, empochant
petites culottes et soutiens-gorge. « Le cambriolage était du voyeurisme démultiplié 38. » Il vivait dans la rue comme un loup à moitié domestiqué et passait ses journées à lire dans les bibliothèques
municipales. Il fit des allers-retours en prison, devint alcoolique,
comme sa mère et son père. « La prison était mon centre de remise
en forme 39 » – elle l’assainissait. Il se mit à halluciner. Il fumait
de l’herbe. « C’était comme essayer d’atteindre la lune dans une
Volkswagen 40. »
Hospitalisé, brisé, souffrant d’un abcès au poumon gauche de la
taille d’un poing, il faisait toujours preuve d’un optimisme insensé.
« Au faîte de mon autodestruction, je possédais une fibre d’autopréservation. Ma mère m’a transmis le don et la malédiction de l’obsession 41. » Et cette obsession allait le porter vers l’écriture de livres
– de livres comme autant de portraits déguisés de sa mère, souvenirs et rêves. « Je ne savais pas que raconter une histoire était ma
seule vraie voix. […] La narration était ma langue morale 42. » Il
avait aussi son thème à lui, sa vision énorme : reconstituer Los
Angeles autour de la mort de sa mère. « Je voulais canoniser la face
secrète de Los Angeles que j’avais aperçue pour la première fois le
jour où la rouquine était morte 43. »
Ellroy devint le poète de ce « paradis de beau linge », qui avait
avalé Jean, l’avait dévorée. Il allait donner sa propre version du
« jazz blanc » – et c’est cette même musique que nous entendons
aussi sans cesse dans Reservoir Dogs et True Romance, les improvisations d’un assortiment de canailles. Les romans d’Ellroy se
lisent souvent comme des riffs à rallonge. Et, la célébrité venant,
Tarantino se mit à élaborer sa propre mythologie, à reconstituer
son passé, prétendant qu’il venait du « paradis ringard » d’Ellroy,
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issu des « déclassés en mobil-homes », ce qu’il n’était pas. Car
l’éducation qu’il a reçue est sans conteste celle des classes moyennes.
Sa mère lui fournissait tout ce qu’il pouvait désirer, des figurines militaires aux jeux de société et aux livres. Pourtant, Tarantino
était attiré par le mélange culturel white trash et noir, latino et
samoan de Carson City, où se trouvait son cinéma préféré, le
Carson Twin Cinema. « J’étais harcelé par les flics, dit-il. J’avais
l’air white trash. Je n’allais jamais nulle part. Je ne quittais jamais
le comté de Los Angeles 44. »
Comme Ellroy, il était grand pour son âge – tous deux faisaient plus d’un mètre quatre-vingts à l’âge de quinze ans, tous
deux avaient un grain de folie, leur sang suintait d’un soupçon de menace. La manager de Tarantino, Cathryn Jaymes, le
voit comme « un composé d’Elvis et de Charles Manson 45 ». Et
Tarantino aime se vanter de l’autre carrière qui aurait pu s’ouvrir à lui. « Si je n’avais pas voulu faire des films, j’aurais fini
comme Ordell [Ordell Robbie de Jackie Brown]. Je n’aurais
pas été postier, ni employé du téléphone, ni vendeur de magasin, ni grossiste en or. Je serais allé en taule 46. » Tarantino a effectivement séjourné à la prison du comté de Los Angeles, mais
seulement pour infractions routières. Ce n’était pas un cambrioleur comme Ellroy, même s’il témoigne une sympathie
durable aux voleurs et à leur monde – sympathie qui, plus qu’un
don impersonnel pour imiter Mr White ou Mr Blonde, donne
toute sa puissance à Reservoir Dogs. Tarantino a aussi l’entêtement d’Ellroy, ce besoin de raconter. Il s’initie à la comédie, à
l’écriture et à la mise en scène avec la ténacité d’un casseur. « Je
ne prévoyais jamais une position de repli parce que je ne voulais
pas d’un repli. […] Je voulais continuer à faire mon trou », confiat-il à Charlie Rose. Et il l’a fait.
Ellroy perdit sa mère de façon choquante et traumatisante, et
dut devenir le père de son propre père, voler de quoi manger pour
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les nourrir tous les deux. Tarantino, lui, semble ne pas avoir eu
de père. « Je… je n’ai qu’une mère 47 », déclare-t-il à un critique
de cinéma. « Je n’ai jamais rencontré mon vrai père 48 », confiet-il à un autre. Sa mère, Connie, a quitté son père, Tony Tarantino,
un étudiant en droit et aspirant acteur, bien avant la naissance de
Quentin. Connie avait rayé Tony Tarantino de sa vie, l’avait jeté
dans l’obscurité. « [Quentin] est comme moi. C’est à moi qu’il
ressemble 49. » Elle emmenait Quentin au cinéma, pas pour voir
des films de gamin ou quelque festival de dessins animés. Il avait
vu Ce plaisir qu’on dit charnel à l’âge de six ans…
Si l’absence et la présence fantomatique de Jean Ellroy définissent l’art de son fils, James, si les romans de celui-ci sont des
chants d’amour et de haine adressés à sa mère, la présence matérielle de Connie (et l’invisibilité du père) allait jouer un rôle considérable dans les films de Tarantino. L’escouade exclusivement
masculine de gangsters sans envergure de Reservoir Dogs fournit
à Tarantino une multitude de papas. Et Jackie Brown est autant
un portrait voilé de sa propre mère – une mama forte et sexy qui
peut se sortir de n’importe quel mauvais pas – qu’un hommage à
la ruse de Pam Grier. Quant à la mariée de Kill Bill (Uma
Thurman), c’est une machine à tuer bourrée de ressources, qui
a hérité largement du dynamisme et du flair de Connie. (Elle a
aussi hérité des stylos noirs et rouges qu’utilise Tarantino pour
écrire tous ses scénarios ; la Mariée tient soigneusement le compte,
avec les stylos de Tarantino, des « vipères » qu’elle a tuées.)
Ellroy et Tarantino sont deux autodidactes qui ont décidé de
prendre seuls en main leur éducation ; la langue elle-même est
devenue une sorte de quête. Tous les deux adorent la pulp fiction 50,
toutes les formes populaires qui résistent à l’interprétation, qui se
moquent de la culture dominante, qui ont la rudesse et l’énergie de la folie de tous les jours. Ce sont des auteurs de polars qui
voient une poésie essentielle dans la langue des racailles. Ce sont
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des loups solitaires arrivés sans antécédents, qui se sont façonnés à partir de l’incertitude tout en paraissant sûrs de leur art.
« Quentin a bondi comme un diable de sa boîte, incandescent 51 », déclare Bruce Willis. Et ses lacunes en orthographe ne
l’ont pas gêné. « La force de Quentin vient de sa capacité à écrire
sans en être physiquement capable, remarque Roger Avary. Quentin
écrit phonétiquement. […] C’est un peu la pagaille 52. » Mais c’est
cette écriture phonétique qui a contribué à saisir les voix et les
sons issus du paysage intérieur de ses personnages, quelque chose
de proche de la langue des rêves, une langue que des acteurs tels
que Tim Roth et Christopher Walken peuvent articuler suivant
l’étrange diction qui leur est propre.
Et n’oublions pas les carnets de notes de Tarantino et ses stylos
noirs et rouges. « Je ne sais pas écrire correctement à la machine.
Alors quand je sais que je vais écrire un scénario, je vais dans une
papeterie et j’achète un carnet de notes. […] Et je dis : Bon, c’est
le carnet dans lequel je vais écrire Pulp Fiction – ou n’importe quoi
d’autre. J’achète aussi trois feutres rouges et trois feutres noirs.
J’en fais un grand rituel. […] Je peux emmener le carnet partout
où je vais. Je peux écrire au restaurant, je peux écrire chez des amis,
je peux écrire debout, je peux écrire allongé dans mon lit – je peux
écrire n’importe où. Ça n’a jamais l’air d’un scénar, ça a toujours l’air de… du journal d’un fou 53. »
Les scénarios de Tarantino ressemblent peut-être à « des pattes
de mouche 54 », comme le dit Alexandre Rockwell, mais ces pattes
de mouche – ce journal d’un fou – nous entraînent au fond d’un
terrier de lapin, et, parmi les déformations bizarroïdes que nous
y apercevons, nous entrevoyons souvent notre propre reflet.
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Notes
1. Jami Bernard, Quentin Tarantino : The Man and His Movies.
2. Dana Polan, Pulp Fiction.
3. Ibid.
4. Gerald Peary (dir.), Quentin Tarantino Interviews.
5. In Bernard.
6. In Peary.
7. Ibid.
8. Biskind, Peter, Sexe, mensonges et Hollywood.
9. In Peary.
10. Ibid.
11. Ibid.
12. In Biskind.
13. Acteur spécialisé dans les seconds rôles pour incarner un peu toujours le même type humain aisément identifiable.
14. In Peary.
15. In Bernard.
16. « Ordure blanche » : terme méprisant pour désigner les Blancs pauvres,
le « rebut » qui a échoué selon les critères dominants de la société américaine.
17. In Bernard.
18. Stephen Rodrick, « Odd Man In ».
19. In Peary.
20. In Bernard.
21. Jeff Dawson, Quentin Tarantino : The Cinema of Cool.
22. In Dawson.
23. Ibid.
24. In Peary.
25. Leo Braudy et Marshall Cohen, Film Theory and Criticism.
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26. In Peary.
27. In Dawson.
28. In Bernard.
29. In Peary.
30. Ibid.
31. Ibid.
32. The Charlie Rose Show, PBS, 14 octobre 1994.
33. James Ellroy, Ma part d’ombre.
34. Ibid.
35. Ibid.
36. Ibid.
37. Ibid.
38. Ibid.
39. Ibid.
40. Ibid.
41. Ibid.
42. Ibid.
43. Ibid.
44. In Bernard.
45. Ibid.
46. In Peary.
47. Ibid.
48. Ibid.
49. In Bernard.
50. Pulp fiction : fiction « à sensation » vendue à l’origine dans des magazines à bas prix (pulps) sous des couvertures racoleuses qui ont donné naissance à un style visuel et graphique particulier, lequel a inspiré l’esthétique
de Tarantino. La fiction présentée couvrait tous les genres populaires, du
mystère à la science-fiction, en passant par le western et l’horreur. Les plus
grands auteurs de polar américain (Raymond Chandler, Dashiell Hammett,
Jim Thompson, Robert Block, John D. MacDonald) ont commencé par
écrire dans les pulps, souvent sous pseudonyme.
51. In Bernard.
52. In Dawson.
53. In Peary.
54. In Bernard.
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