avril - Scènes Magazine

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avril - Scènes Magazine
scènes
roméo et juliette
par le teatro malandro
magazine
Crédit photo © K.Miura
ISSN 1016-9415
2 55 / septembre 2013
CHF. 10.-- 7 €
The Suit © Johan Persson
Danse
Théâtre musical
Musique
Quantum
The Suit
Can Themba – Peter Brook
The Ukulele Orchestra
of Great Britain
Du 23 au 26 sept. à 19h
3 et 4 oct. à 20h30
9 oct. à 20h30
Cie Gilles Jobin
forum-meyrin.ch / Théâtre Forum Meyrin, Place des Cinq-Continents 1, 1217 Meyrin
Billetterie + 41 22 989 34 34 du lu au ve de 14h à 18h
Service culturel Migros Genève / Stand Info Balexert / Migros Nyon-La Combe
s o m m a i r e
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cine die / raymond scholer
festival de locarno / james berclaz-lewis
cinémas du grütli / christian bernard
sous la loupe : grand central / christian bernard
les films du mois / christian bernard, serge lachat
festival international du film de la rochelle / l. tièche-chavier
annonce : 1er édition de « kino » / christian bernard
16 opéra
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entretien : guy joosten / eric pousaz
mémento
marseille : cléopâtre & les troyens / françois jestin
lyon : die zauberflöte / françois jestin
montpellier : don giovanni / françois jestin
milan : un ballo in maschera / frank fredenrich
zurich : salomé & la straniera / eric pousaz
vienne : roméo et juliette & tristan und isolde / eric pousaz
berlin : le vin herbé & mazeppa / eric pousaz
24 festivals
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verbier : nuée d’étoiles / martine duruz, eric pousaz
la bâtie / romeo cini
amadeus : retour à la grange / martine duruz
kammerorchesterbasel à la touvière / régine kopp
portrait : plamena mangova / serene regard
wagner geneva festival / christian bernard
avignon : sous les applaudissements du public / j.zanetta
ambronay : présentation / pierre-rené serna
ambronay : calendrier des concerts et manifestations
discographie : ambronay éditions / catherine fuchs
aix : rigoletto, don giovanni, the house taken over, elena
& elektra / françois jestin
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orange : le vaisseau fantôme, un ballo in maschera & concert
ciofi-nucci-verdi / martine duruz, françois jestin
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colmar : découverte / pierre jaquet
beaune : haendel et gluck / pierre-rené serna, frank fredenrich
montpellier : mass, madame sans-gêne & la vivandière / f. jestin
44 saisons 2013-2014
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spectacles onésiens / firouz- élisabeth pillet
forum de meyrin / jérôme zanetta
château rouge, annemasse / laurence tièche chavier
orchestre de chambre de lausanne / pierre jaquet
51 théâtre
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vidy-lausanne : début de saison / frank dayen
saint-gervais : of/niet / rosine schautz
255 / septembre 2013
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entretien : guy jutard / firouz-elisabeth pillet
entretien : hervé loichemol / laurence tièche chavier
la comédie : danse nocturnes / rosine schautz
entretien : omar porras / françoise-hélène brou
le poche : music hall / julie bauer
le poche : derniers remords avant l’oubli / rosine schautz
entretien : arnaud buchs / julie bauer
61 musique
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l’orchestre de chambre de genève / laurent darbellay
osr : violeta urmana et olga borodina / eric pousaz
agenda genevois de septembre / martina diaz
concerts du pour-cent culturel migros / emmanuèle rüegger
les solistes de lyon-bernard tétu / frank langlois
entretien : david greilsammer / christian bernard
entretien : steven isserlis / pierre jaquet
entretien : jean-philippe rapp / rosine schautz
71 expositions
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parcours céramique carougeois / françoise-hélène brou
fondation gianadda : modigliani / sarah clar-boson
mémento beaux-arts : france
château de versailles : giuseppe penone
mémento beaux-arts : ailleurs
palazzo strozzi, florence : l’avant-garde russe
mémento beaux-arts : suisse romande
laténium, neuchâtel : fleurs des phararons
mémento beaux-arts : suisse alémanique
kunstmuseum basel : mondrian, newman, flavin
fondation de l’hermitage : miro / sarah clar-boson
80 danse
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avignon, festival / bertrand tappolet
montpellier, festival / bertrand tappolet
la bâtie, festival de genève / bertrand tappolet
84 paris
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opéra : lune de banlieue / pierre-rené serna
opéra de paris : la sylphide / stéphanie nègre
opéra royal de versailles : cendrillon / stéphanie nègre
sélection musicale de la rentrée / françois lesueur
chronique des concerts / david verdier
mémento théâtre
théâtre du ranelagh : le neveu de rameau / julien roche
mémento expositions
musée maillol : étrusques, un hymne à la vie
90 les mémentos
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Signature
EDITO
direction
Frank Fredenrich, Jean-Michel Olivier,
Jérôme Zanetta
comité de rédaction
Christian Bernard, Serge Bimpage,
Françoise-Hélène Brou, Laurent
Darbellay, Frank Dayen, Martine
Duruz, Frank Fredenrich, FirouzElisabeth Pillet, Jérôme Zanetta
éditeur responsable
Frank Fredenrich
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Viviane Vuilleumier
secrétaire de rédaction
Julie Bauer
collaborateurs
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Julie Bauer, James Berclaz-Lewis,
Christian Bernard, Nancy Bruchez,
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Romeo Cini, Sarah Clar-Boson,
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Christine Pictet, Christine Ramel,
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Christophe Rime, Julien Roche,
Emmanuèle Rüegger, Maya Schautz,
Rosine Schautz, Raymond Scholer,
Pierre-René Serna, Bertrand Tappolet,
Laurence Tièche Chavier, Tuana
Gökçim Toksöz, David Verdier,
Christian Wasselin, Beata Zakes,
François Zanetta, Valérie Zuchuat
maquette : Viviane Vuilleumier
imprimé sur les presses de
PETRUZZI - Città di Castello, Italie
D’Avignon à VidyL: Baudriller sur le pontL!
L
es Suisses ne sont-ils donc pas capables de diriger les institutions
culturelles sur l’arc lémanique ? La polémique ne s’est pas fait
attendre dans la presse romande lors de l’annonce de la nomination
de Vincent Baudriller à la tête du Théâtre de Vidy ! Mais est-ce bien ainsi que
le problème doit être posé ? Quelles sont les qualités requises pour diriger
une maison de théâtre unique en son genre et au rayonnement européen indiscutable ? Vincent Baudriller sera-t-il l’homme de la situation et pourra-t-il
véritablement comprendre en quoi la Cité des Papes diffère de celle du
Théâtre au bord de l’eau ?
Cette fois c’est fait, Vincent Baudriller, aux côtés d’Hortense
Archambault, aura su mener à bien son dernier festival et de fort belle manière lors de cette édition 2013 festive et emblématique d’une volonté salutaire
de réunir les arts de la scène pour les faire dialoguer. Mais gageons que le
nouveau directeur n’est certainement pas dupe de la très lourde tâche qui l’attend à Lausanne. Prendre la digne succession de René Gonzalez qui jusque
dans les derniers instants fut l’âme de ce lieu habité comme nul autre par les
Muses de la scène, n’est pas chose aisée, tant sa présence lumineuse frémira
encore longtemps dans les murs du vaisseau conçu par Max Bill. René
Gonzalez avait su allier compétence, générosité, instinct et persévérance. Il
se battait pour tous les artistes et les projets qu’il voulait produire à Vidy et
assurait à une grande majorité des tournées dans toute l’Europe. Les risques
qu’il prenait reposaient toujours sur une espèce de contrat de confiance avec
l’artiste choisi, afin qu’il soit donné aux nombreux publics de vivre à chaque
fois une expérience théâtrale profonde, ambitieuse et souvent audacieuse,
mais toujours dans le respect du texte, du jeu et et de la forme proposée :
Benno Besson, Joël Jouanneau, Luc Bondy, Jacques Lassalle, Heiner
Goebbels, Peter Brook, Irina Brook, Marilu Marini, Valère Novarina,
Bartabas ou James Thiérrée, pour ne citer que les plus fidèles, ont offert au
théâtre des moments décisifs et inoubliables sur les quatre scènes.
Le défi à relever est de taille, mais Vincent Baudriller – et l’absence
d’origines helvétiques ne fait rien à l’affaire - a sans aucun doute les ressources nécessaires pour poursuivre cette quête théâtrale passionnante, à la tête
d’un outil sans pareil, d’une équipe expérimentée (si elle reste en place !) et
vraisemblablement inspiré par un environnement naturel propice à la création, comme tant d’autres avant lui.
Fort d’une expérience solide aux commandes d’un des plus grands festivals du monde, capable de solliciter un réseau d’artistes de premier plan, à
l’instar de son prédécesseur, Vincent Baudriller sait aussi produire des spectacles et accompagner les artistes, c’est important et c’est là sa première
vocation. Il a également compris tous les enjeux de la création artistique
romande et alémanique. Souhaitons que son sens du discernement, sa volonté de découvrir, de créer restent intactes, pour continuer à enchanter des générations amoureuses des arts de la scène quand ils vous rendent meilleurs.
Rideau !
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vendeur de glace, désespéré, se soûle à la bière pour renflouer la caisse de
sa bien-aimée, mais, ce faisant, dépense toute sa cagnotte et se fait congédier par sa patronne. Par un heureux coup du hasard, il trouve un diamant
volé et se voit largement récompensé par le bijoutier. L’argent lui permet
d’ouvrir sa propre brasserie qu’il baptisera du nom de sa petite vendeuse. On
n’est pas étonné d’apprendre que le financement du film fut réglé en entier
par la compagnie Dai Nihon Biru. Les deux acteurs cités allaient devenir des
Il Cinema Ritrovato (27e édition), Bologne
stars chez P.C.L. et Toho. Les traits de chien battu de Fujiwara devraient être
Le festival pour historiens et cinéphiles offre toujours une pléthore de familiers à tous les connaisseurs de l’œuvre de Kurosawa. En 1934, un
films restaurés ou retrouvés, groupés par thèmes ou hommages, qu’il est comédien de cabaret de petite taille, Kenichi Enomoto (pseudo Enoken),
physiquement impossible d’absorber dans sa totalité. Les choix cornéliens blagueur et chantant, s’ajouta au cheptel P.C.L.. Dans Enoken no Seishun
sont de rigueur. Ainsi ai-je fait (certainement à tort) une croix sur les films Suiden / Romantic and Crazy de Kajiro Yamamoto (futur mentor d’Akira
de Vittorio de Sica, espérant secrètement que Frédéric Maire consacrera une Kurosawa), il joue un étudiant qui révise ses examens en musique, japonifois à ce génie la rétrospective intégrale qu’on attend de la Cinémathèque sant toute une série de chansons du répertoire américain (le numéro d’introsuisse depuis belle lurette. En revanche, il est probablement illusoire de s’at- duction est un hommage à The Kid from Spain (Leo McCarey, 1932, avec
tendre à revoir les films japonais du début du parlant, même si les 3 (sur 25) Eddie Cantor)). Enoken réussit ses examens, épouse une fille riche et jolie,
films existants de Sadao Yamanaka – ami d’Ozu - tombé à l’âge de 29 ans devient chef d’entreprise et sauve la mise à un ami qui a ouvert une brassependant la campagne de Chine, ont été édités récemment sur DVD par la rie (encore !) : il démolit, à lui tout seul, tout un escadron de yakusas venus
firme anglaise Eurekavideo. Yamanaka a un statut quasi totémique dans son racketter ce dernier. Il passe comme une tornade du rez-de-chaussée à l’épays, où il est considéré comme un martyr, victime du militarisme japonais. tage et retour, distribuant gnons et lançant projectiles, se faufilant entre
Ceci explique peut-être cela.
poings et jambes, sautant sur les meubles, dans un plan-séquence qui laisse
le spectateur bouche bée.
Ani Imoto / Ino et Mon (1935) montre que Sotoji Kimura n’était pas
Il Giappone parla ! Cantanti e Spadaccini
L’abandon du cinéma muet s’est étiré sur plus de cinq ans au Japon. Ce qu’un réalisateur de comédies. Appartenant au mouvement gauchiste
n’est que vers 1936 que la majorité des films produits devinrent parlants. La Prokino, il pouvait adopter un ton nettement plus sombre et politiquement
compagnie P.C.L. (Photo Chemical Laboratories) fut une des premières à se chargé, comme dans ce drame réaliste dont l’ouverture rappelle esthétiquelancer exclusivement dans la production de films sonores, notamment des ment certains films soviétiques. Les pêcheurs d’un village confectionnent
comédies musicales. Contrairement à Hollywood, où les studios furent fon- des longues cages cylindriques en roseau, qu’ils remplissent avec des pierdés par des immigrants juifs issus de la classe ouvrière, les studios japonais res lourdes pour retenir la mer. Le maître d’œuvre est très strict et ne tolère
sont nés de l’expansion des compagnies de chemins de fer. En construisant pas les traîne-savate. A midi, son épouse arrive avec des patates chaudes
des salles de cinéma et des grands magasins à proximité des gares-clés, les pour les ouvriers et la paie de la semaine. A la maison, il y a la fille cadette
magnats de ces compagnies espéraient diversifier leurs profits. Pour assurer très sage, la fille aînée, enceinte d’un gars de la ville, et le frère oisif, qui
des produits à ses salles, le PDG de la
traite sa sœur de traînée alors que lui en a
Arima Electric Railway Co. prit le contrôengrossé plus d’une sans sourciller. Acte
le de la P.C.L., basée à Tokyo, et la fit
deux : un an a passé. Le bébé est mort-né,
fusionner avec la compagnie J.O., de
la fille aînée est partie travailler à Tokyo,
Kyoto, en 1935. Deux ans plus tard, ce
où elle a beaucoup « affaire à des mecs ».
conglomérat allait se consolider sous un
Le père du bébé vient en visite pour
nouveau nom, la compagnie Toho, alma
demander pardon et expliquer son absenmater d’Akira Kurosawa et de Mikio
ce : son propre père l’avait enfermé. Il laisNaruse. L’essentiel des titres montrés dans
se son adresse et de l’argent aux ex-futurs
ce programme appartient à cette période
beaux-parents compréhensifs: il est touproto-Toho.
jours amoureux de leur fille. Sur le chemin
Le premier film produit par la P.C.L.
du retour, il se fait tabasser par le frère. Un
fut Ongaku Kigeki : Horoyoi Jinsei /
peu plus tard, la réprouvée, en visite, appTipsy Life (1933) de Sotoji Kimura. Dans
rend que son ancien amoureux a passé.
cette comédie très alerte, un vendeur de
Elle déchire le billet avec l’adresse : le
glaces (Kamatari Fujiwara) tombe amoupassé ne signifie plus rien, elle dit pourtant
reux d’une vendeuse de bière (biru)
à son frère toute la haine qu’elle éprouve
(Sachiko Chiba) dans la gare où ils offipour lui.
cient côte à côte. Mais la belle n’a d’yeux
En 1935, Mikio Naruse, dépité que la
que pour un beau (et plus élancé) compoShochiku ne lui permette pas de faire un
siteur qui lui dédie une chanson d’amour.
film parlant, migre à la P.C.L. et y réalise
Cette chanson va devenir le tube de la saicinq films. Le troisième est un chef-d’œuson et faire la fortune de son auteur qui
vre : Tsuma Yo Bara No Yi Ni / Wife, Be
Chieko Takehisa et Sadao Maruyama dans «Ani Moto»
demande illico la vendeuse en mariage. Le
Like a Rose. Un store est baissé, des hom-
le cinéma au jour le jour
Cine Die
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admirer la toute première réalisation du maître, The Pleasure Garden
(1926), telle que le public l’a reçue à l’époque. Dans son premier film,
Hitchcock crée aussi son premier monstre. Le comédien Miles Mander joue
une ordure charmante, toujours calculatrice et manipulatrice, exploitant les
plus faibles - le film contient une belle charge anticoloniale - sans le moindre état d’âme. La façon dont il abandonne une pomme après avoir mordu
dedans une seule fois est symptomatique du comportement qu’il va avoir
envers sa future femme. En cadrant la pomme délaissée en gros plan,
Hitchcock inaugure un système de symboles « naturels » qui fait partie de
sa signature.
Allan Dwan, nobile primitivo
«Wife, Be Like a Rose !» de Mikio Naruse
mes dévalent des escaliers, une femme quitte son bureau, des salarymen
attendent le train : quatre plans sans dialogue pour situer de façon exemplaire de quoi causera le film: la femme indépendante dans le monde des rondsde-cuir. Monde très occidentalisé, puisque tout le monde chantonne « My
Blue Heaven ». La femme a rendez-vous avec son petit ami. Leur complicité crève les yeux. Mais pour qu’ils puissent se marier, il faut que le père de
la jeune femme rencontre celui du jeune homme. Ultime concession à la tradition. Et c’est bien là le hic : la mère de la jeune femme étant dans sa tour
d’ivoire de poétesse, le géniteur, orpailleur malchanceux, a depuis longtemps quitté le domicile conjugal et s’est mis en ménage, dans une autre
ville, avec une ancienne geisha, dont il a deux enfants et qui l’entretient par
son travail de couturière et de coiffeuse. Cette dame envoie aussi anonymement de l’argent à la première famille, qui se croit entretenue par le père.
L’héroïne se met donc en route pour convaincre son père de revenir à la maison et d’arranger le mariage. Tout se résoudra pour le bonheur du plus grand
nombre. Le film suivant de Naruse, Saakasu gonin gumi / Cinq Hommes
du Cirque (1935), sur cinq musiciens ambulants qui remplacent, le temps
d’une grève, les artistes d’un cirque, n’est qu’une succession de saynètes
gentilles, mais sans relief.
Treize longs métrages étaient au programme, dont dix avaient déjà été
montrés à la rétrospective Dwan à Locarno en 2002. Fifteen Maiden Lane
(1936) - c’est l’adresse du centre diamantaire de New York avant 1950 raconte comment le toujours suave Cesar Romero réussit, dans ce sacrosaint bâtiment, à troquer un faux diamant contre un vrai et à glisser celui-ci
dans le sac de Claire Trevor qu’il drague dans l’ascenseur. Ce qu’il ne sait
pas, c’est que cette dame est la nièce du bijoutier lésé et qu’elle se réjouit de
jouer au détective. Et en plus, elle est amoureuse de l’agent de sécurité
Lloyd Nolan. Soixante minutes de feintes et revirements plus tard, tout est
7
I Muti di Hitch
Les neufs films muets survivants d’Alfred Hitchcock (The Mountain
Eagle, 1926, semble définitivement perdu) ont été présentés dans leur
meilleur état possible. Pour la première fois depuis des décennies, on peut
Cesar Romero et Claire Trevor dans «Fifteen Maiden Lane»
bouclé. Dans Rendez-vous with Annie (1946), un caporal américain est
amené secrètement par deux copains aviateurs sur un vol cargo aller-retour
de Londres à New York pour voir sa femme. De cette escapade va naître un
bébé qui non seulement jette un doute sur la moralité de l’épouse, mais qui
risque aussi d’être privé d’un gros héritage, si sa légitimité n’est pas prouvée. Le caporal doit donc trouver des témoins qui peuvent certifier qu’il
avait bien rencontré sa femme neuf mois plus tôt. The Inside Story (1948)
est une fable située dans la Grande Dépression qui illustre pourquoi l’argent
doit circuler si l’économie est censée fonctionner. Le réceptionniste d’un
hôtel reçoit une enveloppe avec 1000 dollars qu’il met en sécurité dans le
coffre-fort. A la suite de malentendus, cette enveloppe circulera dans la communauté, permettant au patron de l’hôtel d’échapper à la banqueroute, à l’épicier de repousser la saisie, à l’avocat de renoncer au suicide et ainsi de
suite. Une sorte de réalisme magique imbibe ce récit optimiste réalisé en
1948, alors qu’on craignait une nouvelle dépression.
Au mois prochain
Raymond Scholer
Miles Mander et Virginia Valli dans «The Pleasure Garden»
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d'activités scolaires, mais aussi artisanales. À Derrière-Pertuis, le maître
mot semblait être le renforcement d'une forte identité suisse ainsi que des
valeurs de communauté, de respect et de tradition. S'il ne peut au final
garantir que le souvenir de cette étonnante institution, Tableau Noir en
capture brillamment le démantèlement par la profonde émotion de toute
une communauté. Superbe.
festival
Locarno
Ayant hérité quelque peu précipitamment de la
direction artistique du Festival de Locarno, Carlo
Chatrian s'est majoritairement appuyé sur la formule à
succès de son prédécesseur. Au programme donc, une
compétition internationale qui varie les plaisirs entre
les films de fiction avant-gardistes, les thématiques
osées et les documentaires.
Grand Prix – L'Étrange Couleur Des Larmes de
Ton Corps (Cattet & Forzani)
Tout comme avec leur précédent film Amer, le duo puise généreusement dans le giallo italien et la folie Lynchienne pour soumettre l'audience à l'un des assauts sensuels les plus intenses en mémoire. Emprisonné
dans leur montage labyrinthique, le spectateur se retrouve la victime de
compositions hypnotiques, d'une constante désorientation, et d'un barrage
de son presque insoutenable. Lors de sa première publique, plus d'une centaine de spectateurs ont quitté la salle, soulignant l'éprouvante nature de
Comme à son habitude, le festival fait la
part belle au cinéma étranger de tout horizon
Il est si souvent frustrant de voir des films
non-primés souffrir d'un manque conséquent
d'exposition, alors en honneur de ces perles
ignorées ; voici un palmarès alternatif pour
leur faire justice.
8
Meilleur Réalisateur – Yves
Yersin (Tableau Noir)
Dévoilant son premier film en 34 ans, le
vénérable helvète signe avec Tableau Noir une
sort d'Être et Avoir aux couleurs de la Suisse
qu'on attendait au tournant. Le public n'aura
pas été déçu par sa quasi-exhaustive chronique d'une année au sein de l'école montagnarde du Derrière-Pertuis. Aujourd'hui
défunte, l'institution est immortalisée au travers du regard attendrissant de naïveté des
écoliers, alors qu'ils s'adonnent à une variété
«L’étrange couleur des larmes de ton corps»
de Hélène Cattet et Bruno Forzani
cette étrange proposition. Malgré un sublime
travail d'artisanat, le film souffre peut-être
quelque peu de son inflexible engagement à
l'encontre de la linéarité habituelle des films
d'horreurs, l'esthétique primant souvent sur la
déroutante narrative. Cela dit, les plus courageux seront amplement récompensés par l'une
des expériences les plus surprenantes et saisissantes de ces dernières années, un 2001 :
L'Odyssée de L'Espace du film d'horreur
contemporain.
Léopard d'Or – Exhibition
(Joanna Hogg)
Unrelated et Archipelago, les deux derniers longs-métrages de la talentueuse réalisatrice britannique traitaient tous deux des
anxiétés latentes de la haute classe moyenne
anglaise, cette strate sociétale traditionnelle-
«Exhibition» de Joanna Hogg
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Sans jamais aborder leur
passé, préférant plonger le spectateur directement au cœur
même de leur crise émotionnelle, la réalisatrice tisse sa narrative idiosyncratique autour de
l'incapacité du couple à communiquer ses sentiments par les
mots. Au travers de ses timides
tentatives de dialogue, de ses
humiliations, de son comportement inadéquat et opaque, l'on
perçoit la profonde détresse de
ce couple qui lutte pour survivre.
Véritable triomphe de
beauté et d'intelligence,
Exhibition est un exemple de la
revitalisation du cinéma britannique ainsi que le meilleur film
en compétition. Espérons que le
film trouvera un acheteur suisse, car il serait bien dommage
que les audiences helvètes
soient privées de cette véritable
gemme.
James Berclaz-Lewis
5 octobre - 20h30
9 mars - 14h30
12 mars - 20h30
Ludovic Tézier
NOUVELLE PRODUCTION
CONCERT LYRIQUE
CRÉATION EN FRANCE
DE LA VERSION SCÉNIQUE
DE L’OPÉRA DE DAVID ALAGNA
baryton
Laurent Campellone
direction musicale
ROBERTO ALAGNA
et
Adina Aaron
17 novembre - 14h30
19 novembre - 20h30
Puccini
MADAMA BUTTERFLY
LE DERNIER JOUR
D’UN CONDAMNÉ
14 mars - 20h30
PHILIPPE JAROUSSKY
4 décembre - 20h30
OPERA COMPETITION Contre-ténor
Ensemble Artaserse
AND FESTIVAL ARTE
(Hongrie 2013)
19 mars - 20h30
DE QUOI J’AI L’AIR
28 décembre - 20h30
29 décembre - 14h30
31 décembre - 20h30
Julie Fuchs
soprano
NOUVELLE PRODUCTION
Loewe
Ensemble le Balcon
MY FAIR LADY
11 avril - 20h00
13 avril - 14h30
2 février - 14h30
4 février - 20h30
CRÉATION EN FRANCE
NOUVELLE PRODUCTION
PREMIÈRE AUDITION
À AVIGNON
Campra
TANCRÈDE
NOUVELLE PRODUCTION
Rossini
L’ITALIANA IN ALGERI
Mascagni
21 février - 20h30
22 février - 20h30
23 février - 14h30
Vedène - L’autre scène
CAVALLERIA
RUSTICANA
Leoncavallo
NOUVELLES PRODUCTIONS
Offenbach
18 mai - 14h30
20 mai - 20h30
MONSIEUR
CHOUFLEURI
RESTRA CHEZ LUI
et POMME D’API
PAGLIACCI
SAISON LYRIQUE
2013/2014
ABONNEMENT
RESERVATIONS
04 90 82 81 40
www.operagrandavignon.fr
SALUCES.COM -PHOTO : JULIE DE WAROQUIER - LICENCES 1-1024491 / 2-1024478 / 3-1024490
ment ignorée des œuvres de
social réalisme. Celle-ci retourne à nouveau vers ces thématiques en capturant, avec un
rigide ascétisme rappelant
Michael Haneke, les conflits et
les tensions d'un couple d'artistes qui s'apprêtent à se séparer
de leur superbe demeure moderniste au cœur de Londres.
A l’abri de l'intrusif monde
extérieur grâce à ses barricades
de culture, le binôme n'échappe
pourtant pas à ses propres
démons. Incorporant la dure
géométrie de la maison, Hogg
enserre ses protagonistes dans
leur temple qui scelle souvenirs,
troubles, et bonheurs.
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jugement de la part du spectateur, seulement de
la compréhension par la juste distance du regard
posé sur les personnages, Ilo ilo est un modèle
d’empathie intelligente.
les cinémas du grütli
Anthony Chen,
Jodorowsky, Cukor
La Danza de la realidad
A 84 ans, Jodorowsky revient sur son
enfance chilienne. Selon ses mots, son père était
un émigré sans racine, athée, qui voulait être
Staline. Sa mère, une humiliée fille d’un viol, sa
propre mère ayant été violée par un cosaque
russe. Lui-même dit s’être toujours senti
En septembre, un nouveau venu de Singapour, un grand aîné monstre
de vitalité et un maître d’un cinéma hollywoodien qui n’existe plus
se partagent l’affiche.
Ilo ilo
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trice l’incarnant), elle poursuit son travail de rédaction
de lettres de licenciements
dans une administration et
tente plutôt mal que bien de
gérer Jiale, son insupportable gamin. Elle a de quoi
être fatiguée, d’autant que
son mari qui a perdu son job
(déchéance qu’il cherche à
dissimuler) vit de boulots
précaires tout en boursicotant sans succès. Le fil de
l’histoire est la relation que
Terry parviendra progressi«La Danza de la Realidad» © Pascale Montandon
vement à établir avec Jiale
qui l’a
d’emblée rejetée. Le lien inadapté, comme un mutant. Alors pour guérir
d’affection qui s’ébauche son âme, sa famille, et le spectateur, il a donné
entre Terry, l’immigrée à son père l’humanité, il a fait de sa mère à qui
ayant laissé son propre on a toujours refusé de la laisser chanter, une
enfant au pays et le fiston chanteuse d’opéra, et à l’enfant qu’il était a
trop seul sera sans suite, les donné un père et une mère unis.
Magnifique générosité d’un projet plus
difficultés financières du
couple l’obligeant à la ren- attaché à transfigurer le passé qu’à régler des
comptes. Ce film visionnaire, poétique, drôle,
voyer.
Pas d’intrigue surchar- cruel, soutient la comparaison avec Fellini et
gée ici, ni de message. Bunuel. Est-ce un film-testament pour celui qui
Mais une suite de notations n’avait rien tourné depuis des années voire des
de détails apparemment décennies ? A la question il répond : « J’ai 84
anodins, mais dont la repri- ans. Si je fais encore un film, ce sera un comese montre à quel point ils back. Je vais faire un film au Mexique, l’histoi«Ilo Ilo» © Fisheye Pictures. Photo by Han
sont porteurs de sens. Cette re d’un gangster qui s’illumine et devient un
narration organique et saint. » Mort et Transfiguration...
qui nous fait pénétrer avec Teresa dans le quoti- transitive proche de celle adoptée dans Le
dien d’une famille de la classe moyenne en crise Repenti par Allouache, produit un effet capti- Rétrospective Cukor
Les rétrospectives sont un moment préparce que prise dans la crise économique asia- vant. C’est ainsi que les objets les plus usuels
tique de 1997.
(tube de rouge à lèvres, vêtements, cigarettes, cieux du festival de Locarno. Comme cela avait
A son arrivée Teresa se voit accueillie par œufs, poulets…) se révèlent objets transaction- été le cas l’année dernière pour Otto Preminger,
Madame selon l’usage (passeport confisqué, nels entre les personnages dont les sentiments une large séléction de celle très complète consanom changé de Teresa à Terry, pas de téléphones sont empêchés par les difficultés. On comprend crée cette année à Georges Cukor est reprise à
pendant le travail surtout à l’étranger etc.). que leur sort est déterminé par des forces qui Genève aux Cinémas du Grütli du 20 août au 10
Madame est enceinte (ce qui est le cas de l’ac- leur échappent. N’appelant ni identification ni septembre, ainsi qu’à Lausanne et Paris.
Il faut courir voir ce film à la fois modeste
et ambitieux présenté à Cannes où il a reçu la
Caméra d'or, un prix qui récompense le meilleur
premier film de toutes les sections du festival
(Sélection officielle, Un Certain Regard, la
Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la
critique.)
La simple histoire du passage de Teresa,
bonne philippine venue travailler au sein d’une
famille de Singapour, est un modèle de narration au service d’une formidable entrée dans les
réalités socio-économiques de l’Asie du SudEst, pas si différentes des nôtres, différences de
classes, d’ethnies, de langues et de religions
comprises. Entrée de service en l’occurrence
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Comme celle de Minnelli, la carrière de
Cukor donne l’exemple de la possibilité de faire
une œuvre personnelle au sein du système hollywoodien connu pour le contrôle exercé par les
producers sur les directors. La rétrospective est
le lieu idéal pour mesurer la cohérence thématique et sensible dissimulée derrière l’éclectisme de ces cinéastes cultivés et raffinés qui ont
eu leur lot de déboires mais également la chance de travaiiller avec des producteurs éclairés.
D’où leur reconnaissance dans les années 50 et
60 par les tenants de la politique des auteurs.
Tous deux feront du reste des films peignant
sans complaisance la réalité du système hollywoodien, The Bad and the Beautiful et Two
Weeks in Another Town pour Minnelli; What
Price Hollywood? et A Star Is Born pour Cukor,
ce dernier film - qui reste un grand film - ayant
subi coupes et remontage par la production…
La carrière de Cukor commencée dans les
années 30 et s’achève au début des années 80
avec un sommet dans les années 50 lui donnant
l’occasion de s’essayer à des genres divers, de la
comédie parfois musicale au mélodrame en passant par le suspense psychologique. Quel que
soit le genre, l’élégance de sa mise en scène, la
précision de sa direction d’acteurs (et d’actrices) ne sont qu’à lui. La Cukor’s touch s’épanouit particulièrement dans ses films où s’exprime son amour du théâtre (dont il vient) et
sont autant de variations profondes et émouvantes sur le thème très shakespearien et renoirien
du spectacle et de la vie, de leur incertaine frontière, de l’illusion opposée au réel, du paraître
opposé à l’être…
Quand ces lignes paraîtront début septembre, seront à l’affiche Bhowani Junction (La
croisée des destins), mélo situé dans l’Inde britannique à son crépuscule avec Ava Gardner
splendide dans le rôle d’une métisse doutant de
son identité ; Wild Is the Wind, un mélo rural
avec Anna Magnani et Anthony Quinn; Let’s
Make Love (Le millardaire), comédie dans les
milieux du théâtre avec Marilyn Monroe et Yves
Montand; Les Girls, récit sophistiqué mêlant
différents points de vue à la manière de La
Comtesse aux pieds nus ; The Actress, illustration du dilemme vocation-famille, bel exemple
à ne pas manquer de la collaboration de Cukor
avec le couple de scénaristes Garson Kanin et
Ruth Gordon (ils feront 7 films ensemble, un
sommet de la carrière de Cukor); The Chapman
Report (Les Liaisons coupables) enfin, mêle
sexe et psychanalyse avec la même audace que
Mankiewicz dans Soudain l’été dernier.
Christian Bernard
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sous la loupe
Grand Central
Comme en son temps Home d’Ursula Meier, Grand Central, deuxième film
de Rebecca Zlotowski, donne le sentiment d’être face à une cinéaste avec
laquelle il va falloir désormais compter.
Belle Epine, premier film remarqué de
Rebecca Zlotowski révélait Léa Seydoux. On
retrouve l’actrice irradiante d’érotisme dans ce
Grand Central présenté au Festival de Cannes
cette année. Toujours à Cannes, elle conduisait
l’initiation sentimentale et sexuelle d’une lycéenne dans La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche,
Palme d’or. Pas besoin d’être grand clerc pour
anticiper un effet Léa Seydoux à la rentrée, dont
bénéficiera Grand Central. Mais l’étrange beauté de Léa Seydoux (L’Enfant d’en haut, Les
Adieux à la Reine, Les Mystères de Lisbonne)
n’est de loin pas la seule raison d’aller voir
Grand Central dans une distribution qui comprend l’excellent Tahar Rahim (Le Passé, Un prophète) et la puissance de jeu
d’Olivier Gourmet (les films
des frères Dardenne) ou de
Denis Ménochet (Inglorious
Basterds).
Retrouvant la grande tradition du néoréalisme français
dont l’incontournable référence
est Toni de Renoir qui déjà
inscrivait la tragédie du triangle
amoureux dans un milieu
ouvrier provençal, Rebecca
Zlotowski choisit à son tour
d’explorer un milieu ignoré,
celui des sous-traitants du
nucléaire, travailleurs engagés dans la décontamination des centrales aux abords desquelles ils
vivent quelques mois dans des mobile home avant
de reprendre la route. C’est dans ce milieu que
Gary, fraîchement engagé, tombe amoureux de
Karole, la femme de Toni.
Le projet du film ? Autant laisser la parole à
Rebecca Zlotowski, normalienne agrégée en lettres modernes, qui s’exprime aussi précisément
qu’elle filme : « Le milieu du nucléaire est un territoire inconnu où pouvaient s’épanouir des passions inouïes, comme partout où on frôle le danger et la mort quotidiennement. Il s’est imposé
pour son mystère autant que par la grande analogie qu’il portait : comme le sentiment amoureux, une centrale est un lieu dangereux qui dis-
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tille une contamination lente mais certaine, incolore et inodore, et s’organise, comme nous,
autour d’un cœur difficilement contrôlable. »
Autre pan du projet : « Réparer une injustice en
suivant ces travailleurs du nucléaire sacrifiés,
qui défient le danger comme des enrôlés au début
d’une guerre dont on ne sait rien. Poser la question du sacrifice et du courage me tenait à cœur.
J’avais l’ambition d’ancrer chez eux des sentiments forts, nobles, de prêter un grand destin à
ceux auxquels on ne prête pas grand-chose. »
Grand Central est un film nourri d’une vaste
connaissance du cinéma. L’arrivée de Gary, jeune
bleu solitaire dans un groupe de « professionnels » qui passent leur soirée à s’abrutir à l’alcool
«Grand Central» © Les Films Velvet
et au rodéo mécanique renvoie du côté du western. Karole, ni sainte ni traînée, devant choisir
entre deux hommes dans un univers de danger,
renvoie à The Lusty Men de Nicholas Ray avec sa
bande de champions de rodéo ou à Manpower de
Walsh avec ses ouvriers des lignes à haute tension. L’érotisation de Léa Seydoux la rapproche
de Marilyn Monroe en ouvrière d’une conserverie de poissons dans Clash by Night de Lang.
Grand Central qui ne milite ni pour ni contre le nucléaire, est politique en posant la question du courage. Truffaut le disait : Vous savez
que vous êtes amoureux quand vous commencez
à agir contre votre propre intérêt. Aller dans une
centrale, c’est pareil.
Christian Bernard
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n’aurait pu que constater que les plus sévères
attaques contre l’Etat social en Europe ont attendu la disparition de l’URSS. Autrement dit que la
construction du Welfare State en Europe occidentale a été largement conçue comme une réponse à
la menace communiste… Mais ceci est une autre
histoire.
Les films de l’été
Christian Bernard
L’INCONNU DU LAC
d’Alain Guiraudie
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«The Spirit of ‘45» de Ken Loach © Filmcoopi
THE SPIRIT OF ’45
de Ken Loach, Grande-Bretagne, 2013
On sait l’engagement sans faille de Ken
Loach depuis des décennies pour dire la lutte au
quotidien du prolétariat britannique.
Essentiellement par la fiction, beaucoup plus
rarement par le documentaire. Il réserve habituellement le documentaire au traitement à chaud de
sujets ponctuels tels la grève des mineurs des
années 80 (Which Side Are You On?) ou celle des
dockers de Liverpool dans les années 90 (The
Flickering Flame). Dans The Spirit of ’45 présenté à Berlin au début de l’année, Ken Loach abandonne le traitement du temps court pour la relativement longue durée puisqu’il retrace quelques
40 ans d’histoire britannique, de la construction
de l’Etat social dès la fin de la guerre jusqu’aux
années Thatcher.
Evitant le commentaire off, ce qui est bien,
mais pas les musiques dramatisantes, ce qui est
moins bien, le film est un montage d’archives
(actualités et films institutionnels), de témoignages de militants et d’analyses économiques.
L’esprit de ’45 c’est l’espoir et l’énergie d’une
génération qui veut tourner la page de la guerre
et porte au pouvoir les Travaillistes pour réaliser
un vaste programme de nationalisations visant à
a
satisfaire les besoins du plus grand nombre : travail, logement, santé, éducation.
Les archives (discours d’Atlee, Premier
ministre de 1945 à 1951, de son ministre de la
santé Bevan, père du National Health Service;
actualités cinématographiques etc.) célébrent
officiellement tout ce que l’actuel discours dominant stigmatise : les regarder produit un effet de
décentrement assez bluffant. Les interviews de
témoins (infirmières du NSH; mineurs; députés)
donnent l’indispensable dimension humaine de
l’entreprise. Leur dignité, lorsque l’interview est
réalisée aujourd’hui, impressionne. Quant aux
interventions des analystes économiques, elles
vont toutes dans le sens du keynesianisme opposé à l’ultralibéralisme.
Sans expliquer les raisons du changement, le
film passe un peu abruptement aux années 80
marquées par les privatisations de l’ère Thatcher
(celle des chemins de fer se révélera assez catastrophique), les fermetures des mines de charbon,
les menaces sur le NSH, la dérégulation des marchés financiers avec les dégâts que l’on sait.
Faisant la part belle aux idéologies (Keynes
vs Milton Friedman) en choisissant clairement
son camp, il n’entre à aucun moment dans les
intentions de Ken Loach d’élargir le cadre au
contexte géopolitique global. S’il l’avait fait, il
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Un décor unique : quelque part en France,
un lac bordé d’un sous-bois ; dans la sensualité
du lieu baigné de soleil, des homosexuels, jeunes,
moins jeunes, musclés ou grassouillets, voire
franchement gros, se retrouvent pour goûter la
beauté de cette nature, nager, bronzer et partager
les plaisirs du sexe.
Le spectateur entre dans ce monde bucolique sur les pas de Franck, le protagoniste, un
habitué de l’endroit où il semble venir quotidiennement. Cette succession des jours rythme le
film et lui confère une allure de rituel chaque fois
filmé de la même manière : arrivée en voiture,
parcage, traversée du sous-bois, arrivée sur la
plage, rencontre… Dans ce lieu de drague homosexuelle (c’est bien cela, mais l’expression trahit
la générosité de Guiraudie), le désir s’exprime
facilement (par le corps, par les mots), et les
étreintes sont immédiates, furtives, rapides…
Mais si on vient pour assouvir ses désirs, on vient
aussi pour parler, échanger des idées, des impressions. Ainsi Franck fait la connaissance du
bedonnant hétérosexuel Henri récemment quitté
par sa femme et qui vient oublier son chagrin
dans cet endroit sans « consommer » vraiment.
Mais Franck va surtout découvrir la passion
dans les bras de Michel, beau moustachu au
corps athlétique. Le film prend alors une tournure inquiétante : Franck n’a-t-il pas vu Michel
noyer de nuit un de ses partenaires ? L’endroit
cesse d’être un paradis protégé, le monde extérieur fait irruption en la personne d’un inspecteur
(seul personnage vêtu du film !) venu enquêter
sur la disparition de l’inconnu. Mais rien n’empêche Franck d’être passionnément attiré par
Michel.
Tout l’art de Guiraudie est de ne pas basculer tout à fait dans le thriller métaphysique (l’amour, la mort, etc…). Il continue à filmer la trivialité des jours qui se succèdent et les rencontres avec une sorte de bonhommie, d’une simplicité au sens biblique étonnante. Bonhommie qui
semble partagée par l’inspecteur qui n’a rien
d’un flic de polar. Sa générosité permet à
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Guiraudie de filmer les corps disgracieux sans
provoquer de répulsion, comme elle lui permet
de filmer les comportements les plus médiocres
sans jugement : ainsi le voyeur qui se masturbe
en regardant – de très près – les étreintes des autres devient par la répétition un personnage cocasse et même de plus en plus sympathique ! Plus :
re toutes les émotions qui lui sont demandées
grâce à l’aide d’Harvey Keitel qui lui raconte des
histoires en vrai directeur d’acteur. La scène
résonne comme un adieu à tout un cinéma. Et
pour cause. Le film bascule alors dans l’animation à l’occasion du Congrès MiramountNagasaki, 20 ans plus tard, dont Robin Wright est
dat vécue par Ari Folman au Liban, et qui lui
valut un grand succès tant auprès de la critique
que du public en 2008.
Reste que la première partie de The
Congress, classiquement filmée en images
« réelles » avec une émouvante Robin Wright de
chair est une réussite. Et ce n’est pas le moindre
paradoxe de The Congress que de nous faire imaginer un prochain film d’Ari Folman qui ne serait
pas de l’animation.
Christian Bernard
MICHAEL KOHLHAAS
d’Arnaud Des Pallières
«L’Inconnu du lac» d’Alain Guiraudie. Photo Festival de Cannes
l’art de Guiraudie lui permet de filmer ces
étreintes de manière explicite (au sens étymologique, pornographique) sans jamais chercher les
effets visés par les films pornographiques traditionnels.
A la fois sensuel et méditatif, réaliste et
abstrait comme une épure, L’Inconnu du Lac est
un très beau et très grand film.
l’invitée d’honneur, dans un monde onirique et
luxuriant entièrement façonné par la réalisation
des désirs.
Dès ce moment, on perd le fil de l’histoire.
Ce qui s’annonçait jusque-là comme une intéressante réflexion sur le cinéma et son devenir, se
perd dans une multiplicité d’univers où Robin
Film « librement adapté » d’une nouvelle de
Kleist, précise le cinéaste. Il est vrai que Des
Pallières, non germanophone, a déplacé l’histoire dans les Cévennes, berceau du protestantisme
oblige ! Il est vrai aussi que le cinéaste travaille
beaucoup sur l’ellipse ou le hors-champ, ainsi
que sur une certaine lenteur, alors que Kleist travaille sur la surabondance de détails et avec la
rapidité que lui impose le texte court de la
nouvelle.
Il n’en reste pas moins que l’histoire et ses
enjeux philosophiques et moraux sont en gros les
Serge Lachat
THE CONGRESS
d’Ari Folman, avec Robin Wright, Harvey
Keitel, 2013
Le film commence par un long plan séquence sur le visage en gros plan de l’actrice Robin
Wright. Les émotions s’y succédent jusqu’aux
larmes alors que se déroule le discours de son
interlocuteur hors-champ: «J'ai toujours été là
pour toi, pour tous tes choix. (...) Les mauvais
choix, c'est l'histoire de ta vie, ces mauvais films,
ces mauvais mecs, ta mère...». Le cadre s’élargissant, on découvre Harvey Keitel. Il est l’agent de
Robin Wright, il veut l’aider alors que sa carrière est chancelante. On est rapidement fixé : la
seule proposition que lui fait le producteur de la
Major Miramount, proposition de la dernière
chance à prendre ou à laisser, est de se laisser
scanner, les droits sur son image appartenant désormais au Studio qui pourra faire tourner son
avatar numérique, qui ne vieillira pas, comme
bon lui semble… Après avoir tenté une résistance digne, elle accepte ce pacte faustien qui lui
donnera la liberté de s’occuper de son fils.
La scène du scannage est un très beau
moment qui voit Robin Wright parvenir à produi-
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«The Congress» d’Ari Folman © Pathé
Wright croise tous les people de la terre, de
Castro aux Rolling Stones, dans un grand magma
visuel connoté années 80 sans que l’on sache
vraiment pourquoi. L’étourdissement fait rapidement place à l’ennui et l’on renonce à comprendre les intentions d’Ari Folman hormis celle, évidente, de se lâcher. La déception est d’autant plus
grande que ces débordements New Age sont à
des années-lumière du graphisme minimaliste si
prenant de Valse avec Bachir, film d’animation
quasi documentaire basé sur l’expérience de sol-
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mêmes : au milieu de 16ème siècle, un marchand
de chevaux prospère et qui mène une vie familiale heureuse se heurte un jour à une décision qui
relève du bon plaisir d’un hobereau de province
qui semble vouloir s’accrocher à une certaine
idée de la féodalité. Se sentant victime d’une
injustice, Michael Kohlhaas, un protestant qui lit
la Bible et connaît ses droits, fait tout pour faire
réparer l’injustice dont il s’estime victime.
D’abord en sollicitant l’aide de la Justice, mais
les tribunaux étant encore fortement dépendants
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de l’aristocratie, il est débouté et traité de quérulent. Sa femme voulant intervenir auprès de la
Princesse est rouée de coups à mort. Kohlhaas
lève alors une armée et met le pays à feu et à
sang… Un jour qu’il est sur le point de faire pendre un de ses hommes pour pillage et violence
inutile, il croise un pasteur (chez Kleist,
Kohlhaas croise Luther lui-même !) qui le persuade que la violence engendre la violence à l’infini. Homme de foi et de principe, Kohlhaas
accepte de déposer les armes si justice lui est rendue, mais il est piégé par les arguties des puissants. Justice lui sera certes rendue, mais il sera
condamné à mort pour avoir semé le désordre et
mis le pouvoir en danger.
On mesure les enjeux du film : conduire une
véritable réflexion sur les rapports entre le pouvoir politique et la justice, entre la force et le
droit. Impossible de ne pas penser à certains westerns de John Ford ou d’Anthony Mann. Mais
Des Pallières choisit le parti de l’anti-spectaculaire (un seul combat filmé, et du ciel, loin de
toute dramatisation forcée, pas de villes brûlées,
pas de centaines de figurants ; même la scène où
son serviteur est donné aux chiens reste horschamp, comme celle du « martyr » de son épouse…) pour centrer son attention sur le personnage principal et sa façon de basculer dans une
obsession légaliste qui l’aveugle complètement.
Des Pallières réalise donc un film austère,
« protestant » par certains de ses aspects, ce qui
se justifie. Mais en même temps, ce film met une
bonne trentaine de minutes avant de cerner vraiment son propos et de livrer au spectateur les
données de la réflexion, comme si, trop fasciné
par la beauté et la grandeur des paysages cévenols, des chevaux, et aussi de ses acteurs (Mads
«Michael Kohlhaas» d’Arnaud Des Pallières © Agora films
Mikkelsen en tête), le cinéaste succombait à la
tentation de la belle image.
Serge Lachat
LORE
de Cate Shortland. Prix du Public à Locarno
2012
1945 : l’Allemagne à genoux, son armée
défaite, le pays divisé en 4 par les Alliés, découvre l'ampleur du désastre. Mais ils sont encore
nombreux ceux qui ne veulent pas y croire, parlent de trahison et vivent la mort d'Hitler comme
une catastrophe nationale, pire un deuil familial… En Forêt Noire, dans une famille de hauts
dignitaires nazis, devant l'arrestation imminente
des parents, une mère charge Lore, sa fille, adolescente de 15 ans, de gagner Hambourg et le
domicile de la grand-mère avec ses 3 petits frères, dont un bébé, et sa petite sœur.
C'est cette traversée du Sud au Nord que la
cinéaste nous donne à voir en adoptant le seul
point de vue de sa jeune protagoniste. Dans un
pays détruit où les trains ne fonctionnent plus et
«Lore» de Cate Shortland © Haut et Court
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où la misère matérielle impose un marché noir où
tout s'achète à prix d'or, par la corruption ou les
moyens les plus vils, se mendie ou se vole, ou
s’arrache au prix du sang versé, Lore mesure très
vite que son monde protégé et ses codes d'honneur n'ont plus cours. Il s'agit de survivre à tout
prix. Au cours de leur fuite, les enfants sont aidés
par un jeune homme séduit par Lore. Ce Thomas
qui se fait passer pour Juif, ce qui offre certains
avantages auprès des troupes occupantes, semble
bien plus doué que Lore pour la survie. Celle-ci
est à la fois attirée par Thomas et repoussée par
sa judaïté : l'instinct de survie du jeune homme,
sa débrouillardise, sa capacité à mentir, voire à
tuer… sont des signes que, dans son antisémitisme, elle lit comme des preuves qu’il est juif.
Mais Lore va peu à peu mesurer l'ampleur
du mensonge que constituait le régime hitlérien :
confrontée à des photographies qui témoignent
de la Shoah et de l'implication directe de son père
dans les exactions du régime, elle est forcée de
rejeter la croyance encore forte autour d'elle qu'il
s'agit là de propagande mensongère des Alliés.
Récit initiatique ou « Bildungsroman », le
film nous montre l'éveil d'une conscience qui
doit mesurer l'horreur dont ses parents et son
pays se sont rendus coupables. Entre l'injonction
initiale de la mère «N'oublie jamais qui tu es» et
l'affirmation finale de la grand-mère «Tes
parents n'ont rien à se reprocher», Lore apprend
ce qui se cachait sous les belles paroles de l'éducation qu’on lui a donnée.
On a beaucoup reproché, surtout en France,
à la réalisatrice ses belles images de nature dans
un monde en ruines. A tort, à mon avis: en effet,
cette fuite d’enfants qui se fait essentiellement
par les forêts garde ainsi une dimension de conte.
Et on sait le rôle de la forêt dans les contes : sa
beauté ne l'empêche pas, au contraire, d'abriter
des monstres dont le héros/l’héroïne doit apprendre à ne plus avoir peur, qu’il/elle doit apprendre
à terrasser.
Serge Lachat
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festival international du film de la rochelle
Émotions
Une météo extrêmement « favorable » a rabattu
pendant dix jours un public en croissance constante vers
les salles de cinéma de la vieille ville de La Rochelle. Pluie,
vent et grisaille ont en effet ôté toute velléité d’aller tâter la
température de l’océan Atlantique. Et c’est tant mieux
pour les hommages, rétrospectives et projections de films
inédits qui font le bonheur des festivaliers friands de
découvertes du passé et du présent.
Pendant qu’un incendie gigantesque ravageait l’hôtel de ville de La
Rochelle édifié au XVe siècle, le plus ancien de France encore en fonction,
à quelques centaines de mètres de là, Valeria Bruni-Tedeschi faisait l’ouverture du Festival avec son troisième opus comme réalisatrice, Un Château en
Italie, qu’elle qualifie d’intime mais non d’autobiographique, nonobstant la
présence de sa mère, la pianiste et actrice Marisa Borini.
On attendait Jerry Lewis in persona pour présenter cinq films et un
documentaire à lui consacré, mais le grand acteur américain n’a pu affronter la fatigue d’un second déplacement après Cannes en mai. On choisira
d’aller revoir deux films qu’il a réalisés, Le Tombeur de ces dames (1961)
et Docteur Jerry et Mister Love (1963) pour tenter de comprendre la mécanique burlesque de ce comique atypique.
Autre burlesque, inspirateur oublié de Charlie Chaplin, le Français Max
Linder est présent à travers son avatar, le dandy Max, dans vingt-cinq courtsmétrages et trois longs-métrages tous accompagnés au piano par Jacques
Cambra et Serge Bromberg. Virtuose de la gestuelle, élégant, beau, il est le
premier à se lancer dans la réalisation de longs-métrages comiques dont
l’excellent L’Étroit Mousquetaire où Lind’Ertagnan (sic) se livre à de bondissantes et joyeuses acrobaties.
Grande rétrospective, presque une intégrale, consacrée à l’immense
Billy Wilder. Réalisateur tyrannique, pourfendeur lucide des mythes américains, ceux du cinéma, de la presse, de la réussite à tout prix, Billy Wilder
met en scène des mythomanes qui se travestissent et usent du mensonge
pour faire apparaître la vérité. On se délectera à la vue de Marylin Monroe
dans Sept ans de réflexion, de Marlène Dietrich dans Témoin à charge avec
Charles Laughton, de Shirley MacLaine dans La Garçonnière ou de Kim
Novak dans Embrasse-moi, idiot ! On saluera le jeu des grands Jack
Lemmon et Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud, on sera étourdi par
la « tchatche » de James Cagney dans le très politiquement incorrect Un,
Deux, Trois et on appréciera le désabusé Fedora.
Mais le Festival de La Rochelle, c’est aussi la volonté des directrices
artistiques Prune Engler et Sylvie Pras de montrer un cinéma plus méconnu,
celui que l’on voit rarement dans les salles. Ainsi l’Allemand Andreas
Dresen auréolé de prix discrets avec Grill Point, chronique réaliste de la passion sur fond d’économie sinistrée, ou Septième Ciel, rencontre amoureuse
entre septuagénaires. Ainsi l’Espagnol José Luis Guerin, ou la Néerlandopéruvienne Heddy Honigmann qui filment les laissés pour compte.
Hommage aussi au nouveau cinéma chilien dont on citera le magnifique
Gloria de Sebastian Lelio, pour qui le cinéma ne peut être que politique,
qu’il montre l’amour physique entre personnes âgées ou les manifestations
d’étudiants.
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«Gloria» de Sebastian Lelio © Alamode films
Sur le Vieux Port, l’on croise Yolande Moreau venue présenter Henri,
fiction au plus près des gens humbles du nord, ou Justine Malle avec
Jeunesse, un film très autobiographique sur la mort de son père Louis et sa
propre culpabilité.
On aimera revoir en copies restaurées Hiroshima mon amour d’Alain
Resnais, Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, La Fille de Ryan
de David Lean, Plein Soleil de René Clément, etc.
Enfin, ce qui reste le point fort de ce festival, Ici et Ailleurs présente
une quarantaine de films inédits ou en avant-première, venus du monde
entier et qui ont marqué la production de l’année et que l’on découvrira en
salles dès la rentrée. Citons Alabama Monroe du Belge Felix Van
Groeningen, La Danza de la Realidad du Chilien Alejandro Jodorowsky, Le
Dernier des Injustes, documentaire de Claude Lanzmann, Grand Central
de Rebecca Zlotowski, Grisgris de Mahamat-Saleh Haroun, Vic + Flo ont
vu un ours du Québécois Denis Côté. Autant de films qui interrogent la
réalité sans concession mais non sans poésie.
Comme à l’accoutumée, le festival se clôturera sur La Nuit blanche,
cette fois-ci cinq films autour du thème du train. Avec un financement assuré à hauteur de 50% par les entrées payantes – fait rare dans un festival – le
Festival international du Film de La Rochelle ne devrait pas voir son avenir
menacé par les coupes budgétaires.
Laurence Tièche Chavier
1ère édition de KINO
Festival International des films de la Russie et
d’ailleurs, du 21 au 29 septembre 2013
Ce nouveau festival, placé sous la direction artistique de la réalisatrice
helvético-russe Elena Hazanov, présente au public romand les derniers films
produits par les pays issus de l’ancienne Union Soviétique. Il se déroulera à
Genève et à Lausanne du 21 au 29 septembre 2013 et offrira une sélection
de films qui n’ont jamais été projetés en Suisse.
Le programme du festival se compose de quatre sections : La sélection
officielle présentera douze longs métrages réalisés entre 2011 et 2013, certains ayant déjà été sélectionnés à Cannes, Berlin ou Venise ; Les films
documentaires ; Le programme des courts-métrages ; La rétrospective,
enfin, consacrée à Valéry Todorovski, réalisateur né à Odessa en 1962.
On trouvera des ateliers de travail pour professionnels et des tables rondes. Réalisateurs et personnalités de Russie et des pays postsoviétiques sont
attendus. Avec la présence de Carole Bouquet en maîtresse de cérémonie et
de Vincent Perez.
A Genève, les films seront projetés aux Cinémas du Grütli ; à
Lausanne, au Capitole et à la Cinémathèque.
Christian Bernard.
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grand théâtre : les noces de figaro
Folle journée
La production des Noces de Figaro qu'a montée Guy
Joosten pour le Vlaamse Opera d'Anvers en 1995 a eu un
succès tel que de nombreux théâtres européens l'ont invitée
par la suite, de Lisbonne à Helsinki ou Londres.
En ce mois de septembre, elle fait halte à Genève.
La présence du metteur en scène flamand au Grand Théâtre à l'occasion de la reprise de ce spectacle m'a permis de lui poser quelques questions sur une réalisation en apparence bien rôdée...
Vous avez déjà monté cette production plus d'une dizaine de fois
en Europe. Dans quel état d'esprit vous remettez-vous au travail ?
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On n'a jamais fini d'explorer l'univers dramatique de Mozart. Ce compositeur, comme tous les grands musiciens qui ont écrit pour l'opéra d'ailleurs,
est un incroyable connaisseur des lois du théâtre et les œuvres qu'il a écrites
pour la scène offrent d'infinies possibilités de nuancer le propos ou de l'adapter discrètement à l'environnement dans lequel la pièce est montée
aujourd'hui. Pour ce qui est des Noces, la mise en place d'un tel enchevêtrement de situations complexes est certes relativement aisée mais elle nécessite une précision d'orfèvre dans le réglage quasi chorégraphique des déplacements sur le plateau. Car des trois opéras que le musicien a écrits en collaboration avec Da Ponte, Le nozze di Figaro est le seul qui s'inspire directement d'une pièce de théâtre dont la dynamique interne a été respectée. Don
Giovanni a certes plusieurs ancêtres dramatiques connus, mais aucune des
versions théâtrales antérieures n'a servi de modèle unique à Mozart, et la
suite de scènes que lui a livrées son librettiste n'a finalement qu'un rapport
assez lointain avec Tirso de Molina ou Molière. Quant à Cosi fan tutte, on
ne sait toujours pas aujourd'hui ce qui a inspiré ses auteurs... Par contre l'incroyable flair théâtral dont a fait preuve Beaumarchais dans son Mariage de
Figaro a été admirablement adapté pour la scène lyrique par Mozart et Da
Ponte et il suffit d'écouter la musique ou de lire le texte attentivement pour
que les images se pressent dans votre esprit.
Quelle est alors votre part de liberté lorsque vous êtes amené à
régler sur un plateau le tempo d'une intrigue aussi savamment menée ?
Ce qui est étonnant, c'est que l'on est toujours surpris de découvrir, après
plusieurs essais, que la meilleure façon de monter une scène des Noces pour
la rendre à la fois crédible et tendue, c'est encore de faire ce que suggèrent
Mozart et Da Ponte!... Vous pouvez essayer ce que vous voulez pour faire du
neuf, vous retombez toujours sur la proposition initiale contenue dans le livret, comme si Mozart vous tapait doucement sur l'épaule pour vous dire :
'Pourquoi chercher plus loin ?!!' Prenez la scène du fauteuil dans lequel se
cache Cherubino à l'entrée du Comte chez Suzanne au cours du premier
acte: vous vous dites d'abord qu'il faut inventer quelque chose d'original
pour rendre votre mise en scène plus saisissante et surtout plus plausible. Et
vous essayez diverses manières de régler ce quiproquo de façon à la fois
satisfaisante et renouvelée. Mais il y a toujours un moment où vous butez
sur une incohérence. Au final, en comparant les divers résultats de vos tentatives, vous voyez bien que c'est le respect intégral des didascalies originales qui fonctionne le mieux.
N'est-ce alors pas frustrant pour un homme de théâtre de se
sentir ainsi lié par une marche à suivre quasiment prescrite ?
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Pas du tout. Il y a tellement d'opéras dont la musique est géniale mais dont
le livret reste mal conçu! Souvent, le premier travail du metteur en scène
consiste à donner du sens à ce qui paraît en être privé ou à retrouver le chaînon manquant soulignant la cohérence dramatique d'une scène trop lâchement construite. Ici, chaque détail est parfaitement en place. Je n'ai donc pas
à me préoccuper de la logique du déroulement de l'action mais peux me
concentrer sur un travail autrement plus excitant : conférer un souffle de vie
soutenu aux rebondissements de l'action imaginés par les auteurs du scenario, tout en montrant dans quelle mesure ces situations sont aptes à nous toucher aujourd'hui encore. N'est-il pas légitime, en effet, de se poser la question du sens que peut prendre la réalisation scénique, au début du XXIe siècle, d'un ouvrage écrit il y a plus de deux cents ans? En quoi une telle intrigue peut-elle encore nous passionner aujourd'hui où comtes et comtesses ne
font plus partie de notre quotidien ? A chaque reprise de ces Noces, par
exemple, j'ai plaisir à me remettre à l'ouvrage car je reste frappé de voir ce
que chaque nouveau membre de la distribution apporte de personnel au personnage qu'il incarne. Et c'est alors mon rôle de faire en sorte que cette nouvelle touche interprétative s'intègre harmonieusement dans le spectacle afin
que la proposition finale incite le spectateur à tirer des parallèles avec le
monde actuel en général, sa situation personnelle en particulier... Le Comte,
Figaro, Susanna, la Comtesse ou Barberine sont des archétypes dont on
retrouve les reflets à chaque époque et dans chaque contexte social. C'est
dans le réglage de cette adéquation à établir entre une partition de la fin du
XVIIIe siècle et la sensibilité des interprètes d'aujourd'hui que je vois le rôle
premier du metteur en scène que je suis.
On voit souvent dans cette pièce une annonce à peine voilée de
la Révolution française, en faisant notamment référence au rôle
presque menaçant que s'attribue Figaro lorsqu'il comprend que le
Comte essaie de le tromper en faisant usage de son droit de cuissage.
Y voyez-vous une composante essentielle du spectacle ?
Non, car ce droit de cuissage que veut exercer le Comte tient plus du fantasme que de la réalité historique. Pour moi, la révolution que suggère l'intrigue est celle que chacun des personnage est amené à faire sur soi-même
lorsqu'il se voit plongé dans une situation dont il ne maîtrise pas les ressorts.
L'univers des Noces de Figaro est dominé par une inquiétude latente qui
marque les actes des personnages. Tous sont ici sur le point de découvrir en
eux quelque chose qu'ils redoutent de comprendre et ils hésitent à faire le
pas qui amènerait la révélation définitive. Ils sont talonnés par cette angoisse latente qui les incite à échafauder sans cesse de nouveaux plans pour solutionner favorablement le problème qui les préoccupe mais ils se heurtent
toujours à un imprévu. C'est ce qui fait de cette histoire une folle journée. Si
vous regardez bien la partition, chacun parle de faire ceci ou cela pour s'assurer tel ou tel avantage sur un rival dangereux, mais à aucun moment ce
petit monde prend la peine de parler de son amour, ou plus généralement de
ses sentiments positifs. Bien qu'il s'agisse d'un jour de noces, il est tout de
même curieux que le thème de l'amour soit à ce point escamoté, non ? Voyez
l'atmosphère de désillusion qui plane sur les premières scènes où on pourrait
imaginer que Susanna et Figaro devraient déjà être tout au bonheur de se voir
bientôt unis. Il n'en est pourtant rien. Et cette instabilité se retrouve partout
dans les trois premiers actes. Seul le quatrième acte introduit soudain une nouvelle relation des personnages au temps qui passe: les gens se mettent à réfléchir sur eux-mêmes, comme le montre d'ailleurs la structure soudain différente de ces trois quarts d'heure de musique où Mozart aligne cinq airs à la suite,
alors que dans les trois actes précédents, le tourbillonnement des ensembles
vient chaque fois souligner l'agitation constante d'une société en ébullition.
Vous parlez des airs, qui sont tout de même ces moments que
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chaque
spectateur
attend
avant tout.
Quelle
est
leur
fonction
précise ?
Les airs sont
comme des
points de
respiration où l'auditeur reprend son souffle avant de se voir précipité dans le
moment de confusion suivant. Et ce sont aussi des moments où le compositeur nous donne les clefs du message caché sous l'agitation ambiante. Ainsi,
chaque acte contient une aria qui fonctionne comme un révélateur. Au premier acte, c'est bien sûr l'air de Figaro avec son atmosphère revancharde qui
donne le ton: le Comte n'a qu'à bien se tenir, Figaro veille. Et cet esprit de
révolte personnelle se retrouve amplifié dans le petit chœur qui accompagne
l'arrivée des paysans au moment où Figaro propose au Comte de remettre à
Susanna son voile virginal: l'état d'esprit de vengeance est bien là, chaque
employé du château entend voir ses doits respectés et cela annonce une période de revendications dont la portée n'est pas seulement politique. Au 2e acte,
c'est l'air de Cherubino qui me paraît essentiel, plus que celui de la Comtesse
qui se contente de déplorer son état de femme délaissée, de sublime façon il
est vrai. On sent que Cherubino veut passer à l'attaque; l'aiguillon de l'amour
le pousse à toutes les imprudences pour satisfaire un besoin qui le dépasse
mais auquel il serait futile de vouloir résister. On n'arrête pas les pulsions
enfouies au plus profond de la nature humaine!... Au 3e acte, nous trouvons
le reflet de cet esprit d'action dans le second air de la Comtesse, écrit en deux
parties. Au moment où interviennent les cors, la chasse est ouverte, la
Comtesse va sortir de son rôle de spectatrice désillusionnée pour reprendre
l'avantage sur son époux volage. Par là même, elle accepte sa condition et
entend redevenir maîtresse de sa destinée et l'action bascule sur un autre plan:
la révolte a atteint le monde de la noblesse... Au début du 4e acte, c'est le petit
air de Barbarina qui est essentiel. Car la jeune femme n'a pas seulement perdu
l'aiguille du message remis secrètement au Comte; elle a également compris
qu'elle devait faire une croix sur la fidélité que lui a jurée Cherubino. Et ce
qu'elle chante éveille une résonance secrète dans le cœur de chacun des
acteurs de cette journée où finalement, la dernière chose à laquelle on a vraiment pris le temps de penser, ce sont ces noces qui devaient y être célébrées.
Malgré les apparences, tout le monde est en effet perdant, car c'est le moment
des illusions envolées. Ce final est pour moi aussi ambivalent que celui de Cosi
fan tutte, lorsque les couples mal assortis se reforment sous la pression des
conventions sociales. Personne ne sort vainqueur de la folle journée de noces!...
Guy Joosten mettant en scène «Les Noces de Figaro»
© GTG/Vincent Lepresle
La pratique amène souvent les metteurs en scène à couper les
airs de Marcellina et de Basilio dans le dernier acte, car ils allongent
une soirée qui dépasse déjà largement les trois heures de musique.
Comment vous situez-vous face à cette habitude ?
Nous l'adoptons également ici. Car pour moi, le plus important est de ne faire
aucune coupure dans les récitatifs. Ce sont ces moments de théâtre presque
parlé qui forment la matière première de cette comédie. Il est donc vital à mes
yeux de donner leur poids juste aux mots autant qu'à la musique, et, dans ce
contexte, je considère la perte des deux airs mentionnés comme parfaitement
acceptable pour éviter une surcharge aux interprètes ... et aux spectateurs.
Propos recueillis par Eric Pousaz
Les Noces de Figaro : les 9, 11, 13, 17 & 19 sept. à 19h30 ainsi que le 15 sept. à 15h
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genève
Elektra (Nelsons-Edwards) – 23, 26
Grand Théâtre (022/418.31.30)
Le Nozze di Figaro (SolteszJoosten) – 9, 11, 13, 15, 17, 19 sept.
milan
zurich
Opernhaus (044.268.66.66)
Alexandre Bis (Barthel-Essinger) –
21 sept.
Rigoletto (Luisi-Gürbaca) – 27
sept.
Die Soldaten (Albrecht-Bieito) –
22, 26 sept.
Don Giovanni (Luisi-Baumgarten) –
25, 29 sept.
paris
Champs-Elysées (01.49.52.50.50)
Der Fliegende Holländer (NézetSéguin) – 18 sept.
Opéra National (08.92.90.90)
Bastille :
Lucia di Lammermoor (BeniniSerban) – 7, 10, 13, 20, 23, 26, 29
sept.
L’Affaire Makropoulos (MälkkiWarlikowski) – 16, 19, 24, 27, 30 sept.
Garnier :
Alceste (Minkowski-Py) – 12, 15,
19, 22, 25, 28 sept.
Salle Pleyel (01.42.56.13.13)
Alessandro (Petrou) – 23 sept.
lyon
Opéra National (08.26.30.53.25)
Le Nozze di Figaro (Jacobs) – 22
sept.
marseille
Opéra (04.91.55.11.10)
Aida (Carminati-Roubaud) - 21,
24, 27, 29 sept.
s t r a s b o u rg
Opéra National (0825.84.14.84)
De la Maison des morts (LetonjaCarsen) – 27, 29 sept.
toulouse
Théâtre du Capitole
(05.61.63.13.13)
Manon (Lopez Cobos-Pelly) – 29
sept.
a m s t e rd a m
Opera (31.20.62.55.456)
Siegfried (Haenchen-Audi) – 4, 8,
12, 17, 21 sept.
bruxelles
La Monnaie (32/70.23.39.39)
Passion (Ollu-Waltz) – 4. 5 sept.
madrid
Teatro Real (34/90.224.48.48)
Il Barbiere di Siviglia (Hanus-Sagi)
– 14, 15, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 25, 26
sept.
l o n d re s
ROH (0044/207.304.4000)
Turandot (Nanasi-Serban) – 16, 18,
21, 25, 27 sept.
Le Nozze di Figaro (GardinerMcVicar) – 16, 18, 21, 25, 27 sept.
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sept.
Teatro alla scala
(39/02.720.03.744)
La Scala di Seta (RoussetMichieletto) – 20, 21, 23, 24, 25, 26,
27, 29, 30 sept.
venise
Teatro La Fenice (39/041.24.24)
La Traviata (Matheuz-Carsen) – 1er,
3, 8, 10, 14, 17, 19, 21 sept.
Carmen (Matheuz-Bieito) – 13, 15,
18, 20, 22, 29 sept.
vienne
Staatsoper (43/1514447880)
La Traviata (Armiliato-Sivadier) – 3,
6, 9, 12 sept.
Il Barbiere di Siviglia (GüttlerRennert) – 28 sept.
Tosca (Armiliato-Wallmann) – 5, 8,
11, 15 sept.
Carmen (de Billy-Zeffirelli) – 4, 7,
10, 13, 16 sept.
Tristan und Isolde (Welser-MöstMcVicar) – 21, 25, 29 sept.
Nabucco (Carignani-Krämer) – 22,
24, 26, 30 sept.
Simon Boccanegra (AltinogluStein) – 27 sept.
Otello (Ettinger-Mielitz) – 14, 17,
20, 23 sept.
Theater an der Wien (43/15.88.85)
The Rake’s progress (Boder-Kujej)
– 16, 19, 21, 24, 26 sept.
berlin
Deutsche Oper (49/30.343.84.343)
Nabucco (Battistoni-Warner) – 8,
12, 15 sept.
Das Rheingold (Rattle-Friedrich) –
21 sept.
Die Walküre (Rattle-Friedrich) – 22
sept.
Siegfried (Rattle-Friedrich) – 27 sept.
Götterdämmerung (RattleFriedrich) – 29 sept.
Staatsoper (49/30.20.35.45.55)
Un Ballo in maschera (Zanetti Morabito) – 14, 19, 22, 26 sept.
Komische
Oper
(49/30.47.99.74.00)
Balle im Savoy (Benzwi-Kosky) – 28
sept.
A Midsummer night’s dream
(Poska-Kairish) – 5, 21, 29 sept.
new york
Metropolitan Opera
(00.1.212.362.60.00)
Eugène Oneguine (GergievWarner) – 23, 26 sept.
Cosi fan tutte (Levine-Koenig) –
24, 28 sept.
Le Nez (Gergiev-Kentridge) – 28
sept.
Norma (Frizza-Copley) – 30 sept.
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à marseille
Cléopâtre
La rarissime Cléopâtre de Jules Massenet est donnée pour
la première fois sur la scène de l’Opéra de Marseille.
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Créé à Monte-Carlo en 1914, soit deux ans après la mort du compositeur, cet opéra de Massenet a bien du mal à trouver une place – ne serait-ce
que modeste ! – dans les saisons des différentes maisons d’opéra. On se souvient évidemment de la tentative du Festival Massenet de Saint-Etienne qui
avait monté l’ouvrage en 1990 sous la direction musicale de Patrick
Fournillier, et c’est à présent une nouvelle production qui est proposée par
l’Opéra de Marseille. Celui-ci aura décidemment formidablement encadré le
centenaire de la disparition du maître stéphanois, après la somptueuse série
de représentations du Cid en juin 2011 en présence de Roberto Alagna et
Béatrice Uria-Monzon. On retrouve la chanteuse française sous les traits de
la séduisante reine d’Egypte, rôle de mezzo plus grave que ses récentes
incursions dans des emplois de soprano, comme Chimène ici il y a deux ans
ou encore sa très convaincante Tosca en prise de rôle à Avignon. Le timbre
est toujours aussi riche, ambré, moiré, le texte est très compréhensible et sa
Cléopâtre est complètement crédible, aussi bien vocalement que physiquement. La diction de Jean-François Lapointe en Marc-Antoine, autre rôle de
premier plan, est aussi de belle qualité mais la voix n’est pas constamment
homogène : aigus puissants, voire projetés de manière athlétique, mais graves parfois trop discrets. La soprano Kimy Mc Laren (Octavie) nous fait profiter de sa voix claire, souvent cristalline, et suffisamment puissante, tandis
que le ténor Luca Lombardo (Spakos) maîtrise sa partie, même si quelques
extensions vers l’aigu paraissent fragilisées. Parmi les rôles secondaires, on
retiendra surtout la diction prodigieuse de la jeune mezzo Antoinette
Dennefeld (Charmion), cantatrice à suivre. Le chef Lawrence Foster placé
au pupitre tient l’orchestre d’une main sûre et plutôt franche, ceci dès l’introduction où les cuivres et les percussions se répondent avec précision. La
mise en scène de Charles Roubaud fait appel à de rares éléments de décors,
comme un praticable en fond de plateau, un bureau, des fauteuils, et s’appuie davantage sur des projections de films légèrement animés. A l’acte II,
un patio avec statues, colonnes et fontaine précède la deuxième scène du
bouge où le feu des flambeaux éclaire une cave voutée ; à l’acte III c’est une
nature luxuriante qui est projetée sur le cadre de scène et en fond de décor.
Le procédé n’est pas envahissant et permet des enchaînements assez rapides
entre les scènes et actes. Tous les éléments contribuent donc à une représentation de grande qualité, d’une pièce où l’intérêt va croissant au fil de la soirée. Les deux premiers actes se présentent en effet comme une succession de
scènes sans grande tension dramatique, alors que la musique et l’action
deviennent plus passionnantes par la suite : grande scène « J’ai versé le poison » de Cléopâtre au début du III, puis duo avec Marc-Antoine et trio
lorsqu’Octavie les rejoint, le 4e acte étant essentiellement la confrontation
entre Marc-Antoine et Cléopâtre, puis le suicide final de celle-ci.
Alagna, Enée peiné
Attendue comme un événement, la prise de rôle de Roberto Alagna en
Enée des Troyens aura déchaîné les passions. C’est le chef Lawrence Foster,
directeur musical de l’Opéra de Marseille depuis l’automne 2012, qui est
placé au pupitre pour cette version de concert où plusieurs coupures ont été
opérées (comme l’ensemble des « entrées » de l’acte III), sans toutefois
dénaturer l’œuvre. Le style paraît souvent académique, en manque de nuances et de variations des couleurs, avec un volume rendant parfois la tâche
difficile aux solistes, mais le travail réalisé est sérieux et la cohésion globale est atteinte, y compris avec des chœurs bien concentrés, où l’on remarque
tout de même la saturation récurrente des soprani dans l’aigu. Endossant
pour la première fois dans la même soirée les habits de Cassandre et de
Didon, Béatrice Uria-Monzon réalise un tour de force, pour notre part à son
meilleur dans le premier emploi où la couleur par instants animale du timbre
s’accommode bien du personnage de la devineresse exaltée. Quelques graves restent cependant confidentiels, et on apprécie par ailleurs les efforts
produits pour sa prononciation pas toujours impeccable. Marie Kalinine
(Ascagne) est joliment timbrée tandis que la jeune mezzo Clémentine
Margaine (Anna) est très impressionnante, à la fois pour le brillant et la puissance. Côté masculin, Marc Barrard (Chorèbe) chante son air « Reviens à
toi, vierge adorée » sur un tempo très lent, et reste toujours parfaitement
compréhensible, qualité que l’on retrouve chez l’au-tre baryton Alexandre
Duhamel (Panthée / Mercure) et la basse Nicolas Courjal (Narbal / Priam /
Ombre d’Hector), à la projection insolente. Seul non-francophone de la distribution, le ténor Gregory Warren (Iopas / Hylas) semble constituer une
petite erreur de casting, voix timide plus qu’élégiaque, qui craque généreusement l’aigu final de son air « Vallon sonore ». Reste Roberto Alagna, Enée
particulièrement vaillant à son entrée en scène « Du peuple et des soldats »,
où on se délecte de sa diction absolument prodigieuse. L’aigu se tend nettement par la suite, et il choisit de chanter intégralement en voix de tête le
merveilleux duo final de l’acte IV « Nuit d'ivresse et d'extase infinie » : l’intention est tout à fait louable, mais la réalisation moins aboutie, parfois en
limite de stabilité et de justesse, rendant précaire l’équilibre vocal avec son
amoureuse Didon. Mais on attend bien sûr Alagna dans le « tube » du 5ème
acte « Inutiles regrets » et le ténor traverse à ce moment-là une baisse de
régime très spectaculaire : après avoir déraillé sur le contre-ut, il est sujet à
une sorte de « fringale lyrique », ne chantant guère plus qu’une phrase sur
deux, à la stupéfaction de son entourage et du chef. Au final, quelque rares
huées, pas vraiment méritées, et Alagna qui fait signe de vouloir en découdre avec les siffleurs… des Troyens qui s’en vont un peu en eau de boudin !
François Jestin
Massenet : CLEOPATRE – le 18 juin 2013 à l’Opéra de Marseille
Berlioz : LES TROYENS – le 15 juillet 2013 à l’Opéra de Marseille
«Cléopâtre» © Christian Dresse
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cendu des cintres, pour un résultat poétique et plein d’humour, parfois jubilatoire. Il en va ainsi de Papageno perché sur un arbre au milieu d’oiseaux qui
volent autour de lui, du duo « Bei Männern, welche Liebe Fühlen » où Pamina
et Papageno chantent dans un cœur entouré de pierreries, ou encore de
Sarastro interprétant son « In diesen heil’gen Hallen » dans un paysage bucolique où les fleurs poussent à vue d’œil devant quelques voitures qui passent.
Ces performances techniques s’enchaînent par moments à un rythme extrêmement soutenu (belles performances des machinistes qui piquent des sprints sur
le plateau !), et les passages sans montage vidéo sont un repos appréciable
pour le spectateur, comme la fin de l’acte I au temple, puis le début du II où
trois pyramides roulent de l’œil et clignent la paupière sur une « simple » projection en fond de plateau. Et comme la technique est souvent accompagnée
de bugs, la dernière apparition des Trois Garçons dans un nid bute sur un mauvais calage de l’image : on ne voit que leurs cheveux… et une grande agitation des machinistes pour tenter de régler en direct cette difficulté.
à lyon
Die Zauberflöte
La saison s’achève avec une réjouissante nouvelle
production de la Flûte enchantée, confiée aux jeunes
chanteurs du Studio de l’Opéra de Lyon.
François Jestin
Mozart : DIE ZAUBERFLÖTE – le 24 juin 2013 à l’Opéra de Lyon
à montpellier
Don Giovanni
«Die Zauberflöte» © Stofleth
Le Studio de l’Opéra de Lyon fête brillamment son 10e anniversaire en
assurant l’intégralité de la partie vocale – avec deux distributions en alternance – d’un spectacle donné sur la scène de l’Opéra. Deux ou trois solistes
se détachent nettement du groupe de chanteurs, germanophones pour la
majorité, ce qui facilite ce soir la compréhension du texte. En premier lieu,
la soprano colorature Sabine Devieilhe (La Reine de la Nuit) dont la virtuosité dans ses deux airs laisse le spectateur émerveillé, et en fait d’ores et déjà
l’une des toute meilleures titulaires du rôle. Sa maîtrise est telle qu’elle s’autorise un changement de nuances forte / piano particulièrement excitant sur
un passage de notes piquées dans « Der Hölle Rache ». Autre valeur sûre,
Mauro Peter (Tamino) superbement timbré et d’un format vocal plus important que celui de l’habituel ténor léger mozartien, qui se permet également
quelques petites variations bienvenues dans ses airs. La soprano Heather
Newhouse (Pamina) délivre de jolis moments, mais rencontre de petits
écarts de justesse en début de représentation dans l’aigu piano. Le Papageno
de Philippe Speigel est bien chantant mais sans grand charisme, la basse
Johannes Stermann (Sarastro) n’est pas si profonde que ne l’annonce sa
haute stature, avec un petit voile sur le timbre, tandis que le Monostatos de
Rémy Mathieu est sans problème. On descend d’un niveau pour l’essentiel
des rôles secondaires, avec deux des Trois Dames qui doivent poursuivre
leurs études (de chant et d’allemand !), tout comme les Trois Garçons… qui
ont encore quelques années devant eux ! La direction musicale de Stefano
Montanari paraît ce soir moins agressive que celle entendue dans la trilogie
da Ponte en mars 2011, mais les tempi restent toujours très rapides et le chef
ne trouve visiblement pas une seconde pour un petit moment de retenue ou
d’alanguissement. La réalisation visuelle signée de Pierrick Sorin et Luc De
Wit s’appuie sur un procédé vidéo déjà développé par le premier pour La
Pietra del Paragone de Rossini. Les protagonistes sont filmés en direct sur
fond bleu (comme les bulletins météo à la télévision), et dans le même temps
des caméras zooment sur des maquettes, animées pour la plupart.
L’assemblage de ces deux ou trois films est projeté en direct sur un écran des-
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L’Opéra de Montpellier reprend sa production de Don
Giovanni, créée pour le festival de Radio-France et
Montpellier en juillet 2007.
Le spectacle ne voyagera pas à l’Opéra Royal de Versailles où les trois
représentations programmées fin juin sont annulées, dommage collatéral du
conflit qui a opposé ces dernières années Jean-Paul Scarpitta à une majorité
des forces du théâtre. Celui-ci s’est engagé en effet à quitter la direction de
l’Opéra à la fin de la saison prochaine, et parallèlement le Conseil Régional
Languedoc Roussillon a réduit sa subvention 2013, supprimant ainsi la viabilité financière de la tournée versaillaise. Pour ce qui concerne l’aspect artistique, la mise en scène de Scarpitta est toujours aussi minimaliste et stylisée,
en noir, blanc et gris, et fonctionne essentiellement sur un jeu d’acteurs bien
travaillé et fluide. La distribution vocale est d’un niveau homogène, avec
cependant une grosse faiblesse pour le Don Giovanni de Andrè Schuen, dont
l’annonce préalable du refroidissement explique sans doute son chant confidentiel à partir du milieu du 1er acte : il faut vraiment tendre l’oreille pour
entendre quelque chose du « Fin ch’han dal vino ». Le Leporello de David
Bizic est beaucoup plus solide et expressif, tandis que le style de Gocha
Abuladze (Masetto) correspond bien au personnage du paysan. Le
Commandeur In-Sung Sim est sonore, et le ténor Dovlet Nurgeldiyev (Don
Ottavio) s’applique à conduire une élégante ligne de chant, mais peut améliorer la stabilité de son instrument ainsi que la gestion de ses respirations. Côté
féminin, Marie-Adelin Henry(Donna Elvira) est très vindicative et possède la
plus grosse puissance vocale de l’équipe ; dommage qu’elle soit en quasi perdition dans les passages vocalisés. Erika Grimaldi (Donna Anna) fait valoir un
beau chant et passe sans problème les traits d’agilité, tandis que Ekaterina
Bakanova (Zerlina) manque d’un peu de séduction dans le timbre pour ce personnage, mais il faut lui reconnaître une musicalité sans failles. La direction
musicale de Marius Stieghorst fait une bonne première impression, avec du
dynamisme, du relief, et le souci de faire entendre tous les pupitres.
François Jestin
Mozart : DON GIOVANNI – le 8 juin 2013 à la Comédie de Montpellier
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à la scala
Michieletto joue
avec le Bal
A l'évidence, Un Ballo in maschera n'est pas l'oeuvre lyrique composée au
19ème siècle dont le livret est le plus incompréhensible ou le plus
inconsistant. Le sujet de ce livret repose on le sait sur un fait réél,
l'assassinat du roi de Suède Gustave III en 1782 lors d'un bal. On doit
même (!) aux censeurs de l'époque une version transposée en Amérique
puisque cette référence à un régicide ne pouvait être admise à l'époque.
20
De quoi inspirer de nombreuses interprétations scéniques puisque l'on sait que l'assassinat
de dirigeants – présidents ou non – est une spécialité états-unienne. Différentes références historiques peuvent donc logiquement être proposées, plus ou moins contemporaines, ainsi
Gilbert Deflo et le scénographe William Orlandi
avaient situé l'action au temps de Lincoln pour
un résultat convaincant à l'Opéra Bastille en
2007.
En ce début d'été qui est aussi la fin de saison à la Scala, la réalisation de ce Ballo avait
été confiée à Damiano Michieletto et à son collaborateur habituel Paolo Fantin pour les décors.
Depuis quelques années, ce duo a démontré un
indubitable talent tant à Pesaro (La Scala di
seta) qu'à Genève (un Barbiere de référence), à
l'Opéra de Zurich et désormais dans de très
nombreuses scènes dans le monde. Marque de
fabrique de cette collaboration à laquelle il faut
adjoindre les costumes signées par Carla Teti :
un goût pour la transgression et l'actualisation
des livrets, parfois avec bonheur, que ce soit
pour le Barbier genevois, ou La Scala di seta
mais parfois également de la provocation gratuite comme le démontrait un Sigismondo rossinien, toujours à Pesaro, où la pauvre Daniella
Barcellona se retrouvait dans un asile psychiatrique...
Une relecture déconcertante
Et loin de se contenter de proposer une
simple actualisation du livret d'Antonio Somma,
Damiano Michieletto a proposé une « relecture » déconcertante du Ballo in maschera. Dès
la première scène, il est évident que l'action se
situera de nos jours, comme le démontre le
décor du premier acte, une vaste salle avec une
ambiance et une agitation de meeting pré-électoral à l'américaine. Mais l'apparition d'Oscar...
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en tailleur rouge pétant laisse entrevoir la première transgression du livret, il y en aura d'autres dont certaines ne sont pas sans intérêt et
d'autres finiront par lasser. Distrayante, la scène
nier « coup de théâtre » à savoir que Riccardo
meurt debout pendant qu'un figurant gît à ses
pieds. Autant dire que cette « relecture » avait
de quoi susciter des commentaires variés, une
partie du public milanais ne s'étant pas fait prier
pour manifester son mécontentement. L'œuvre
était-elle trahie ? Certes, mais de fait, dans le
genre regietheater on ne pouvait que concéder
une certaine cohérence aux intentions du duo
vénitien issu, il est vrai, du monde du théâtre.
Avec de telles intentions dramaturgiques,
les interprètes sont souvent à la peine pour entrer dans les intentions de jeu voulues par le
metteur en scène. Ce Ballo ne faisait pas exception car si Marcello Alvarez confirmait qu'il est
actuellement un Riccardo à l'aise sur le plan
vocal, malgré une tendance à manquer parfois
de nuances, sa prestation en tant qu'acteur, par
sa présence physique, était digne d'éloges, mais
ses partenaires semblaient parfois moins à l'ai-
«Un ballo in maschera» © Teatro alla Scala
de la sorcière Ulrica voit cette dernière transformée en une sorte de prédicatrice évangéliste
accomplissant quelques miracles devant une
foule ébahie, idée forte un peu trop longue toutefois, alors qu'ensuite Amelia se retrouvera non
pas dans un cimetière mais dans un terrain
vague, territoire occupé par quelques prostituées qui ne manqueront pas l'occasion de la
détrousser. Peu après, l'apparition d'une voiture
sur la scène – très mode cette saison décidément
– sera habilement utilisée pour le jeu de cachecache entre Riccardo, Renato et Amelia. Mais le
dernier acte apparaît à la fois bâclé et inutilement provocateur, puisque de bal... il n'y aura
point, des figurants et choristes se contentant
d'agiter des silhouettes découpées, avant le der-
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se. Et si l'Ulrica de Marianne Cornetti s'imposait sans difficultés dans le rôle revisité
d'Ulrica, le Renato de Zeljko Lucic manquait
parfois d'envergure alors que Serena Gamberoni
offrait une belle prestation en Oscar à la ligne de
chant homogène. Malgré un tempérament théâtral peu évident, Sondra Radvanovsky offrait
sans doute les meilleurs moments de la soirée
avec une réelle assurance dans ses vocalises et
de belles nuances pour livrer un portrait crédible
d'Amelia. Daniele Rustioni livrait à la tête de
l'Orchestre et des Chœurs de la Scala une vision
sans relief particulier.
Frank Fredenrich
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opernhaus zurich
Baisse de régime...
La fin de la saison lyrique à Zurich n'a pas été à la hauteur de ce que l'Opéra
nous a proposé tout au long de l'hiver dernier: les deux spectacles repris le
jour avant la clôture estivale ont mis à cette saison un point final en mineur ...
Strauss : Salomé
La mise en scène de Sven Eric Bechtolf
place les acteurs du drame (et les spectateurs) au
fond d'une citerne située au-dessus de celle où est
enfermé Jochanaan. Le luxe tapageur de son
ameublement design cache difficilement le mal
de vivre des gens qui vivent à la cour d'Hérode en
passant leur temps à tuer les heures en se saoulant ou en reluquant la belle et jeune princesse
Salomé. Celle-ci aussi se sent prisonnière de ce
monde clos et voit dans la figure du prophète
enchaîné l'expression d'une vie libérée des
contraintes sociales et par conséquent beaucoup
plus intensément dégustée à chaque instant. Son
amour morbide pour celui qu'elle condamne finalement à la décapitation est ici interprété comme
le moyen d'accéder à un palier supérieur de l'existence et le prix à payer - la mort - n'est rien au
côté des joies qu'une telle transgression lui promet. On n'est finalement pas très loin du message final et pessimiste de Tristan und Isolde...
Pour passer la rampe, ce spectacle original et
fort a besoin d'interprètes d'exception. Ce jour-là,
la troupe réunie était composée de chanteurs
méritants, mais il leur manquait à tous ce grain de
folie démesurée qui aurait donné un sens à leur
conduite pour le moins étrange. Seul le
Narraboth de Benjamin Bernheim, dont la voix
s'est magnifiquement développée et se trouve
maintenant couronnée d'un aigu triomphant, parvenait à rendre justice à l'outrance du langage
straussien. De même, le Page campé par Anna
Goryachova avait-il cette présence incandescente
qui donnait aux teintes sombres de son chant cet
impact qui laisse rapidement pressentir la fin peu
glorieuse de celui dont elle est amoureuse.
Chez les chanteurs principaux, il faut se
contenter d'un bon niveau, - ce qui est naturellement trop peu pour une oeuvre d'une elle trempe.
Nicola Beller Carbone (qui fut déjà la dernière
Salomé genevoise) possède un timbre chaud,
souple et large, mais il lui manque cet éclat impérieux et ces graves à la raucité caressante sans
lesquels la scène finale perd une partie du trouble
qu'elle doit susciter. Tómas Tómasson en
Jochanaan fait entendre un chant également puis-
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sant mais sans charme, notamment dans l'ineffable moment où il évoque la figure christique
navigant sur les eaux du lac de Galilée. Rudolf
Schasching est un Hérode qui interprète bravement son texte, mais les simagrées de son discours empli de lieux communs restent absentes
de la musique. Et Stefania Kaluza est diablement
séduisante en Hérodias avec sa longue robe moulante, mais le personnage, vocalement, n'existe
tout simplement pas car l'émission est trop irrégulière avec certaines notes escamotées et d'autres poussées au maximum de la puissance dont
cette artiste dispose encore...
La merveille est à chercher du côté de l'orchestre, royal, dirigé de main de maître par
Cornelius Meister, un jeune chef d'à peine plus
de trente ans dont on devrait reparler avant qu'il
soit longtemps. Sa direction est d'une incroyable
maîtrise dans le dosage des voix instrumentales,
le discours ne paraît jamais épais ou embrouillé
et culmine dans une Danse des Sept Voiles où le
commentaire passe du murmure aux défoulements orgiaques sans qu'aucune rupture ou baisse de tension ne vienne gâcher le prenant crescendo dramatique qui anime ces quinze minutes
de pure musique instrumentale.
Bellini : La straniera
Ce spectacle expressément commandé pour
le traditionnel Festival de Zurich qui se tient
chaque année en juin signifiait le retour d'Edita
Gruberova sur le terrain de ses nombreux succès
passés : une brouille avec l'ancien directeur l'avait
en effet tenue éloignée près de dix ans de cette
scène où le public lui a si souvent fait fête, et
cette nouvelle occasion presque inespérée a été
prétexte à un véritable triomphe.
Ce succès est-il mérité ? Il est permis d'en
douter. Certes, la cantatrice slovaque reste une
formidable bête de scène et sait mettre le public
dans sa poche avec une désinvolture déconcertante. Mais ce qu'elle donne à entendre n'est plus
réellement ce qu'on peut appeler du bel canto:
quelques aigus magnifiques de rondeur et de
puissance, des sons filés qui semblent flotter
interminablement dans l'air sont sans conteste à
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Nicola Beller Carbone est «Salome» © S. Schwiertz
mettre à l'actif de son chant actuel. Mais que de
simagrées nécessaires pour rendre justice au profil musical si subtilement travaillé de ce rôle, que
de notes prises par-dessous, que de scories acides
dans les passages où la rapidité sollicite à l'excès
une technique d'émission qui trouve ses marques
dans les passages lents mais non dans les
moments où la finesse de la broderie musicale
demanderait un gosier autrement plus agile!...
Quant au jeu scénique, il n'a jamais été le point
fort de cette artiste... Autour de la vedette de la
soirée, on déguste l'art délicat de Dario
Schmunck, un ténor argentin appelé à se substituer au titulaire après que ce dernier a quitté le
théâtre en pleines répétitions; son Arturo a du
panache, de l'aplomb dans un aigu exposé et très
souvent sollicité et l'ardeur de son jeu séduit à
chaque instant. Franco Vassallo en Valdeburgo
tient surtout à mettre en valeur la beauté indéniable de son baryton sonore, mais on eût pu souhaiter de la part du chanteur une plus grande sensibilité au style si particulier du compositeur.
Veronica Simeoni convainc dans le rôle sacrifié
de la fiancée délaissée. Son soprano grave est
profond mais jamais sourd et l'intensité de son
engagement vocal ne semble jamais pris en
défaut même lorsqu'elle est reléguée au second
plan dans les ensembles, ce qui fait dinalement
de son Isoletta la vraie vedette féminine de la soirée. Fabio Luisi dirige avec flair une partition en
laquelle, malgré ses affirmations dans le programme, il n'a pas l'air de croire vraiment: tout
est certes bien en place dans l'accompagnement
orchestral, mais la routine n'est jamais loin et l'on
oublie trop souvent l'orchestre dont la partie,
pourtant finement travaillée, eût mérité d'être
mise en valeur avec plus de soin.
Eric Pousaz
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à vienne
Rendez-vous des stars
Le Staatsoper de Vienne terminait sa saison avec une série de spectacles où
les plus grandes vedettes du moment se passaient le témoin pour le plus
grand plaisir d'un des publics lyriques les plus fervents, mais aussi les plus
gâtés, du circuit européen...
Roméo et Juliette
Tristan und Isolde
Dans sa nouvelle mise en scène du chef
d'œuvre wagnérien, David McVicar ne cherche
pas à proposer de l'amour quasi mythique de
Tristan pour Isolde une relecture éclairée à la
lueur d'une quelconque thèse psychanalytique. Il
se contente du décor minimaliste de Robert
Jones, qui installe sur le grand plateau de l'Opéra
une épave de bateau et quelques pans de terre de
couleur sableuse qu'éclaire une pleine lune dont
la couleur varie au gré de l'état d'âme des héros.
La gestique se limite aussi à l'extrême nécessaire
et facilitera sans aucun doute la succession de
chanteurs appelés à se produire dans ce spectacle,
mis à l'affiche une bonne dizaine de fois avant la
fin 2013...! L'avantage d'une telle approche réside dans le primat qu'elle accorde à la musique,
qui peut déployer ses sortilèges sans que l'esprit
«Roméo et Juliette» © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
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Jürgen Flimm et son décorateur Patrick
Woodroffe ont tenté une expérience qu'ils ont
mené à bien avec succès : monter un opéra sans
décors, uniquement avec quatre tours métalliques
sur lesquelles sont greffés divers projecteurs. Le
changement de position de ces sources d'éclairage, ainsi que la fine différenciation dans la puissance des lumières et dans l'alliage de leurs couleurs suffisent à créer en quelques secondes une
atmosphère particulière parfaitement apte à servir de cadre à la musique. Celle-ci peut se dérouler sans interruption; seuls les costumes font discrètement allusion au monde de la Renaissance
italienne, sans pour autant virer à la reconstitution historique précise et servile. Le jeu scénique
est lui franchement contemporain, à l'image de ce
bal chez les Capulets où les convives se trémoussent comme dans une party festive de l'époque
actuelle. La direction orchestrale était assurée par
Placido Domingo, qui surprend dans son rôle de
chef avec un choix de tempos plutôt allants, une
attention soutenue aux problèmes de souffle de
certains rôles secondaires et une constante attention au déroulement scénique de l'action qu'il ne
bouscule jamais inutilement. Certes, les membres du Philharmonique ne semblaient pas particulièrement inspirés par cette musique, mais on
peut imaginer qu'après les subtilités exquises
tombées de la plume de Richard Strauss, les doucereuses harmonies de Charles Gounod devaient
pour eux ressembler à un vin inutilement coupé
d'eau sucrée. Sonya Yoncheva a créé la sensation
en remplaçant la titulaire, retenue à la maison par
une grossesse imminente. Sa Juliette éblouit par
l'éclat de son chant, la justesse et la précision de
ses vocalises et surtout par l'art mis à habiter sans
mièvrerie aucune chacune des notes des quatre
sublimes duos d'amour qui lui échoient. Egal à
lui-même, Piotr Beczala séduit immédiatement
avec son Roméo à la voix bien timbrée, aux aigus
conquérants mais toujours doux ainsi qu'au
médium corsé. S'il mettait un même soin à prononcer le français qu'à entonner dans la douceur
chacune des notes hautes de sa brillante cavatine,
on aurait là sans aucun doute le Roméo de la
décennie. Dimitrios Flemotomos, un Tybalt bien
chantant et plutôt sur la retenue, Gabriel
Bermudez, un Mercutio agile et prenant, Dan
Paul Dumitrescu, un Frère Laurent au chant balsamique et Juliette Mars, un Stephano vif-argent
complètent une distribution qui avait de quoi
enthousiasmer un public visiblement ravi. (21
juin)
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«Tristan und Isolde»
© Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
n'ait à se torturer pour comprendre les symboles
qu'un autre metteur en scène aurait pu tenter de
vouloir greffer sur son intrigue si peu riche en
rebondissements. Le chef et les chanteurs en profitent pour proposer de cette musique qui ouvre
sur des infinis insondables une interprétation
hors pair. Franz Welser-Möst anime le commentaire orchestral d'un rythme mouvant, à la fois
nerveux et enflammé, qui tend sous le chant des
solistes une toile de fond à l'emprise de laquelle
il est difficile de se soustraire. La puissance d'évocation du jeu de ces instrumentistes dont il
serait vain de vouloir ici vanter de nouveau les
qualités exceptionnelles est même parfois telle
que la tentation est forte de simplement fermer
les yeux et de se contenter de son propre cinéma
intérieur!... Nina Stemme, pour sa première
Isolde viennoise, embrase le théâtre se sa voix
puissante, mais qui reste toujours d'un extrême
lyrisme: les sons, projetés avec aisance, n'acquièrent jamais aucune dureté, au point que ces longues scènes de récriminations au premier ace
paraissent déjà, par la qualité veloutée de leur
texture, préfigurer les émois du duo amoureux.
Peter Seiffert, beaucoup plus expérimenté dans le
rôle de Tristan, a de la peine à se mettre au diapason, tant son chant paraît construit et manque
parfois de spontanéité, mais il faudrait aller loin
pour trouver un interprète capable de maintenir
un tel état de fraîcheur vocale dans sa longue
scène d'agonie. Stephen Miling est un Roi Marke
souverain, dont l'intonation paraît pourtant manquer parfois d'autorité et de présence radieuse
dans le grave. La voix puissante et déjà presque
trop lourde de Jamina Baechle transforme
Brangaene en matrone, mais la précision du
chant est telle que l'inhabituel décalage entre la
voix des deux héroïnes passe facilement la
rampe. Les rôles plus épisodiques sont magnifiques, sans exception, tout comme le soliste en
charge du cor anglais dans la longue introduction
orchestrale au 3e acte. (22 juin)
Eric Pousaz
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à berlin
Honneur à Frank Martin
En cette année du bicentenaire de la naissance de Wagner, les opéras
allemands ont tous entrepris de rafraîchir leur répertoire germanique et on
ne compte plus les nouvelles mises en scène de Tristan ou de Lohengrin. Le
Staatsoper de Berlin a pourtant eu l'heureuse idée, en plus de sa nouvelle
production du Ring wagnérien, de mettre à l'affiche une production neuve
du Vin herbé, cette délicate mise en musique du roman de Tristan et Yseult
qui fait pendant à l'éclatante réussie du maître de Bayreuth.
Staatsoper : Le Vin herbé
Bien qu'il ait admiré l'opéra de Wagner,
Frank Martin est parvenu à se libérer de toute
influence en composant cette œuvre intimiste,
réservée à une poignée d'instrumentistes et à une
douzaine de chanteurs qui apparaissent tantôt en
solistes, tantôt intégrés dans une masse chorale
restreinte. L'histoire est quasiment reprise telle
quelle de trois chapitres du roman de Joseph
Bédier; aussi les chanteurs sont-ils à la fois narrateurs et acteurs du drame scénique. L'ensemble
instrumental, constitué de deux violons, un alto,
«Le Vin herbé» avec Anna Prohaska
© Hermann und Clarchen Baus
un violoncelle, une contrebasse et un piano, s'attache moins à commenter ou à décrire la suite des
événements qu'à tisser une délicate tapisserie
sonore qui n'entrave jamais la compréhension du
texte. A la tête de ces six musiciens, le chef
Franck Ollu parvient avec aplomb à créer autour
du chant une sorte d'aura ardente qui en exalte les
inflexions. La troupe de chanteurs s'attache avec
abnégation à incarner les divers emplois que la
partition leur réserve; ce sont donc moins les
interventions individuelles qui frappent l'auditeur
que l'incroyable degré d'harmonie régnant entre
ces douze artistes qui se répartissent le fil de la
narration sans jamais chercher à se mettre en
avant. On retient tout de même la voix lumineuse
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et épanouie d'Anna Prohaska en Yseult et le
timbre plutôt sombre mais bien dégagé de
Matthias Klink en Tristan.
La mise en scène de Katie Mitchell joue
aussi de la litote et ne surcharge pas d'intentions
une interprétation musicale toute axée sur la
réserve. L'action se joue dans un théâtre abandonné qu'on devine planté au milieu d'une agglomération dévastée par la guerre. Il fait froid, la
faim rôle, tout comme la mort. Pour se distraire
et ne pas perdre courage, les bourgeois réunis
dans ce lieu glacial se joue l'histoire de Tristan
comme pour conjurer le sort: si la guerre reste à l'extérieur, les chances de survie grandissent d'autant. Quelques rares
accessoires (une table, un lit, de vieux
costumes) suffisent à suggérer les lieux
de l'action et chacun des acteurs, tour à
tour machiniste, accessoiriste ou interprète, s'emploie à faire tout son possible
pour que l'illusion reste parfaite, même
si personne n'est dupe. Au final, la mort
des héros a quelque chose d'apaisé,
comme si l'angoisse du moment présent
avait soudain cédé le pas à la sublimation
de la douleur par la grâce du texte et de
la musique. Les spectateurs, conquis, ont fait fête
à tous les participants. (13 juin)
Komische Oper : Mazeppa
Cet ouvrage de Tchaïkovski est relativement
peu connu en dehors des frontières russes. La
faute en incombe moins à la musique, grandiose
et poignante, qu'au livret que le compositeur luimême a écrit d'après un poème de Pouchkine. Le
problème réside essentiellement dans la constellation des personnages qui se révèlent tellement
antipathiques qu'il est impossible à l'auditeur de
s'identifier à aucun d'entre eux. L'action scénique, chargée de violence, ne nous épargne ni
les exécutions sommaires, ni les scènes de torture. Ivo van Hove, le metteur en scène belge de
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cette production, en rajoute une couche en projetant sur le décor - qui représente un lieu impersonnel entre un bureau de commandant militaire
et une salle d'interrogations dans un commissariat de province - des films de guerre où le sang
coule à flots. Les costumes situent toute l'action
dans le monde de la soldatesque la plus vile:
même les représentants du peuple paraissent
avant tout désireux d'assouvir leurs rancunes personnelles. Dans un tel contexte, le drame privé de
Maria, qui tombe amoureuse du bourreau de son
père, passe irrémédiablement au second plan et
ne nous émeut guère. Le chant, heureusement, est
confié à des chanteurs de premier plan, qui ont en
plus la possibilité d'interpréter le texte original
russe, ce qui est une véritable révolution artistique dans la politique du Komische Oper où, jusqu'ici, tous les ouvrages étaient traduits en allemand. Asmik Grigorian incarne une Maria
radieuse: le timbre est solide, puissant, mais
jamais acide ou agressif. Robert Hayward dans le
rôle du tyran Mazeppa, tiraillé entre son désir de
pouvoir et son amour déraisonnable pour la fille
de son ennemi, fait preuve d'une vigueur vocale
de la meilleure veine tout en traduisant avec
doigté les magnifiques élans de mélancolie si
«Mazeppa» avec Asmik Grigorian et Robert Hayward
© Monika Ritterhaus
typiques de ce compositeur. Alexey Antonov en
père tyrannisé de Maria et Agnes Zwierko, sa
mère déchirée par un drame aussi sanglant, font
mieux que de la figuration: leur engagement
vocal sauve de la banalité des rôles qui ne semblent pas avoir sollicité outre mesure l'inspiration
du musicien. Les chœurs de l'institution font
merveille dans les vastes envolées qui leur sont
réservées, tour à tour sauvages ou empreintes
d'une retenue presque mystique. Henrik Nánási,
le nouveau directeur général de la musique, veille
à conserver au spectacle rythme et relief dramatique sans parvenir à faire oublier que, du côté
des cordes du moins, l'effectif en fosse paraissait
bien léger. (2 juillet)
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f e s t i v a l s
festival de verbier
Nuée d'étoiles
Le Festival de Verbier fêtait cette année son vingtième anniversaire. Mais
que faire lorsqu'on a déjà prouvé maintes fois que toutes les vedettes
aimaient se donner rendez-vous dans la station valaisanne? Les
innovations ont lieu en coulisses, notamment avec la formation d'ensembles
instrumentaux formés de musiciens toujours plus jeunes à qui l'on donne,
après quelques semaines de travail, l'occasion de se mesurer aux plus
grands en les écoutant ou en les accompagnant...
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En cette saison d'anniversaire, la série de
concerts - plus d'une soixantaine sur deux
semaines comprenant trois week-ends - ne faillit
pas à la tradition et l'amateur n'a eu que l'embarras du choix au fil de ces journées bien remplies
où master classes, discussions, podiums musicaux et concerts en tous genres et dans toutes
les formations possibles se sont succédé à un
rythme soutenu. On en retiendra une poignée,
piqués au hasard...
20 juillet : Elisabeth Leonskaja
et Gábor Takács-Nagy
Ce concert, donné au lendemain de l'ouverture de la manifestation, a semé le chaud et le
froid. La pianiste russe, qui s'attaquait alors au
Concerto de Schumann, ne paraissait pas au
meilleur de sa forme. La poésie de l'Intermezzo
était bien au rendez-vous, avec ses délicates arabesques qui se coulaient sensuellement dans le
commentaire orchestral, mais les passages plus
directement virtuoses montrèrent une soliste à la
peine. Certaines notes étaient frappées sans grande précision, de brusques changements de nuances ou de rythmes ainsi que diverses décélérations inattendues semaient le trouble parmi les
musiciens jusqu'au moment où un vilain trou de
mémoire, vers la fin de l'ouvrage, menaçait de
forcer l'orchestre à renoncer à jouer. La présence
d'esprit du chef, visiblement habitué à ce genre
de situations, et son art consommé de l'improvisation permettaient néanmoins d'éviter la catastrophe; ce couac paraissait d'autant plus choquant que la vision de la soliste était de elle qui
avait tout pour plaire : du panache, du nerf et surtout un sens infaillible de la structure de chaque
mouvement...
Après l'entracte, les musiciens et leur chef
proposaient une version bondissante de la
Huitième Symphonie de Dvorak. Les vents, admirables de virtuosité et d'éloquence, dialoguaient
avec des cordes pulpeuses au son chaleureux, aux
a
articulations souples et surtout au rendu parfait
de ces rythmes parfois primesautiers qui caractérisent ce folklore tchèque dont le compositeur fut
si friand pendant toute sa vie d'artiste. Les grandioses étagements sonores du dernier mouvement, ou le curieux motif dansant du deuxième,
sur lequel s'inscrit la longue cantilène des cordes
graves, étaient abordés avec une dynamisme nerveux, allié à une précision de la meilleure veine.
En ouverture de programme, la Symphonie no
104 dite 'Londres' de Haydn, jouée en effectif
réduit, bénéficiait des mêmes qualités d'interprétation, mais un incident technique m'a forcé à l'écouter depuis l'extérieur de la salle....
le bonheur. Aleksandrs Antonenko est plus retenu
en Otello, ce qui lui vaut une ovation méritée
presque plus bruyante en fin de parcours, car son
Maure de Venise ne se présente pas comme un
macho à la virilité affichée, mais plutôt comme
un homme réellement amoureux qui semble déjà
se douter de son impuissance à maîtriser une
situation qui commence à le dépasser. Alexey
Markov campe un Iago retord : la voix est belle,
sonore mais employée avec suffisamment de
retenue pour faire sentir la menace sans jamais la
proférer ouvertement. Du grand art! D'excellents
rôles secondaires, dont le Cassio sonore de
Franco Demuro et le Roderigo hâbleur d'Anthony
Gregory, ainsi qu'un chœur superlatif achèvent de
faire de ce court acte une entrée en matière qu'on
eût pu souhaiter plus longue.
Après l'entracte, l'acte III de La Walkyrie de
Wagner permettait au public d'entendre enfin en
Suisse romande celui que d'aucuns considèrent
comme le meilleur Wotan actuel, même s'il n'a
pas encore chanté à Bayreuth. Et les auditeurs
n'ont pas été déçus : le portrait que brosse Bryn
25 juillet : Duel Verdi-Wagner
Valery Gergiev dirigeait une distribution de
rêve pour rendre hommage aux deux géants de
l'opéra auxquels on fait fête cette année. De
Verdi, le chef russe avait inscrit l'intégralité de
l'acte premier d'Otello, avec Anna Netrebko,
Aleksandrs Antonenko et Alexey Markov en
vedettes. L'approche fut plutôt incisive : cordes
acérées, voire acides même dans le duo d'amour,
envolées sonores orgiaques dans le chœur d'ouverture, dessins mélodiques soulignés à l'excès
dans le brindisi d'Iago. Mais ces remarques ne
sont pas à prendre comme des réserves rédhibitoires dans un tel contexte où l'auditeur est privé
d'une mise en scène : Valery Gergiev essaie ainsi
de suggérer par sa tapisserie sonore les mouvements scéniques dépeints dans la musique, et le
résultat est probant. Les chanteurs sont grandioses, même s'il est permis de regretter l'absence
d'une voix italienne qui aurait mieux su allier la
sensualité à la puissance, le velouté à la morbidezza. Anna Netrebko impressionne avec sa
Desdemona vocalement fort proche d'Aida, mais
le chant manque de naturel pour faire croire à la
nature douce et naïve de la jeune femme : ici,
Desdemona se présente à l'évidence comme une
maîtresse femme essayant de défendre son fragi-
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Bryn Terfel © Aline Paley
Terfel du dieu vaincu par la tendresse est de ceux
qui se gravent définitivement dans les mémoires
tant chaque inflexion est porteuse de sens,
chaque accent riche de sous-entendus, chaque
effet vocal rigoureusement mis en place avec un
art qui le fait paraître naturel. Et la diction,
impeccable, permettait cet intense alliage du
texte et de la musique dont rêvait le compositeur,
au point qu'il faut bien parler ici d'une interprétation hors normes.... En face de ce véritable géant
du chant wagnérien, Eva Maria Westbroek et
Irène Theorin faisaient plus que de lui donner
simplement la réplique : la première est une
Sieglinde au chant exalté, riche de sensualité exacerbée et de chaleur, alors que la seconde, après
un départ légèrement crié, retrouvait ses pianissimi et cette ductilité dans l'intonation qui font d'elle une des rares Brünnhilde capable de chanter ce
duo sans recourir à des tours de force violentant
le profil musical du personnage. Les huit
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Walkyries sont parvenues au bout de la
Chevauchée avec panache, même si l'absence de
mise en scène et l'impossibilité de bouger les
handicapaient fortement; de leur côté, le chef et
l'orchestre se surpassaient pour tendre sous les
pas des interprètes une broderie sonore qui en
disait long sur leur aptitude à pénétrer l'univers
wagnérien malgré un manque d'expérience en
fosse flagrant du côté des instrumentistes, notamment dans la relative légèreté du tissu confectionné par les cordes...
29 juillet : 3e Symphonie de Mahler
Le Verbier Festival Orchestra ne manquait
pas d'audace en décidant de s'attaquer à la 3e
Symphonie de Mahler, la plus longue et, techniquement, l'une des plus difficiles, de toute la production mahlérienne. Le moins qu'on puisse dire
est que les instrumentistes de la formation ad hoc
se sont montrés à la hauteur; mieux : ils ont joué
sur le même terrain que les plus grands. La rutilance des cordes dans le dernier Adagio, la précision presque surnaturelle de l'attaque des hautbois ou des cors dans les intermèdes champêtres,
la présence imposante des cuivres dans le mouvement initial ou encore, tout au long de l'ouvrage,
la vigueur roborative, presque vertigineuse de la
percussion, - tous ces éléments ont permis aux
musiciens de rendre justice à un art de l'orchestration qui étonne aujourd'hui encore autant par
son originalité que par sa modernité dans l'assemblage de mondes sonores qu'on n'eût pu imaginer s'accorder aussi facilement.
Le jeune chef colombien Andrés OrozcoEstrada, actuel directeur du Tonkünstler
Orchester à Vienne, a fourni un travail pédagogique remarquable dont les fruits ne laissent
d'impressionner, même après avoir entendu ce
même orchestre placé sous la direction d'un
Valery Gergiev, beaucoup plus martiale et moins
finement sculptée (par manque de temps ?). On
s'en veut donc d'autant plus de ne pas avoir été
touché par l'interprétation proposée : Mahler se
trouvait ici réduit à un compositeur aux formidables trouvailles d'orchestrateur. La morbidité des
premières mesures du mouvement final ou les
appels désespérés de la trompette ne semblaient
pas inspirer outre mesure un chef plutôt indifférent à la différenciation des progressions sonores
ou à leur mise en perspective par une fourchette
de decrescendi expressifs. Les nombreux retours
sur soi d'un style d'écriture qui procède par addition répétitive plus que par progression trouvaient tous le même traitement sous cette baguette intempestive, au point de donner l'impression,
parfois, que les mouvements tournaient sur eux-
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mêmes au lieu de nous faire pénétrer plus avant
dans l'ego du compositeur. Réduire ainsi le compositeur autrichien à un alchimiste de première
classe paraît tout de même un peu limité au
final...
1er août : Requiem de Verdi
Précédé d'une réputation flatteuse après
son Rigoletto aixois, le chef italien Gianandrea
Noseda est arrivé à Verbier accompagné du
chœur de l'Opéra de Turin (dont il est le chef
titulaire) pour offrir aux festivaliers une de ces
soirées dont ils aimeront reparler longtemps. Sa
version du Requiem n'a rien de la vaste symphonie lyrique avec voix que nous servent trop souvent les plus grands chefs. Le choix des tempos
est relativement rapide, avec quelques ralentis
brusques qui permettent à la musique de planer,
comme dans un ineffable arrêt sur image qui se
projetterait sur la durée d'exécution. Le jeu des
nuances est lui aussi extrême, avec, dès les premières notes de l'Introït, par exemple, ce goût
prononcé pour les sons semblant ne venir de
nulle part et se gonflant progressivement pour
atteindre à l'ineffable au moment où interviennent les premières paroles murmurées par le
chœur. Le chœur turinois s'avère tout simplement exceptionnel dans chacun de ses registres:
les sopranos sont puissants mais jamais criards
et les altos joignent la souplesse féline de leurs
phrasés à une chaleur sonore typiquement méditerranéenne; du côté masculin, les ténors, aux
accents jubilatoires et nets d'intonation s'harmonisent merveilleusement avec les voix de basses
vigoureuses, mais jamais braillardes.
L'Orchestre du Festival de Verbier suit les indications de son chef d'un soir avec une réactivité
de la meilleure veine qui fait oublier quelques
entrées savonnées, voire imprécises. Le quatuor
de solistes plaît par son engagement, sa ferveur
et l'éclat sonore de voix qui ont su conserver
fraîcheur et rondeur. On pourrait donc parler
d'une soirée absolument mémorable, n'était une
certaine retenue du chef qui tenait visiblement à
garder ses distances dans les moments d'éclat,
abordés ici avec une certaine froideur distanciée, comme s'il s'agissait d'éviter toute trace
d'ivresse sonore. On peut certes refuser de voir
en cette partition sublime un opéra déguisé,
mais faut-il à ce point en gommer toute trace
d'expressivité dramatique, comme ce fut par
exemple le cas dans le Liber scriptus où l'alto
sensuel de Daniela Barcellona dialoguait paisiblement (!) avec le chœur ou dans un Ingemisco
trop belcantiste où le ténor de Piotr Beczala
paraissait presque désincarné tant la ligne de
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Maria Agresta et Daniela Barcellona dans le
«Requiem» de Verdi © AlinePaley
chant en était prudemment conduite. Ildar
Abrazadov, une basse noire et heureusement
exempte de toute boursouflure, et Maria
Agresta, un soprano agile, léger, fluide et parfois fragile, complétaient ce quatuor vocal qui
n'avait pas grand chose à envier aux affiches des
plus grands rendez-vous musicaux mondiaux.
3 août : Hillborg, Mozart, Strauss
Lors de l'avant-dernière soirée de cette édition 2013, le Festival s'offrait en première audition suisse le Concerto pour clarinette et orchestre 'Peacock Tales' du compositeur suédois
Anders Hillborg. Le soliste Martin Fröst, qui en
a assuré la création mondiale en Suède en 1998,
a fait le déplacement de Verbier pour mettre son
art au service d'une pièce très virtuose, qui semble avoir été écrite pour mettre en valeur son jeu
à la fois endiablé et d'une perfection technique
presque démoniaque. L'œuvre fait coexister deux
atmosphères qui sont confrontées l'une à l'autre
sans transition aucune; l'une, plutôt planante,
évoque certaines musiques de films de climat
légèrement surréaliste et séduit par la complexité
de la ligne de chant du soliste qui s'inscrit sur un
léger tissage instrumental réservé de préférence
aux cordes. L'autre, nettement plus robuste et
agressive, confronte le soliste à un orchestre
déchaîné qui menace plus d'une fois de noyer ses
interventions dans une sorte de cacophonie
inquiétante. Pour souligner ces brusques ruptures, un jeu d'éclairage et la mise par l'instrumentiste d'un masque gris-argent sur son visage finissait d'ajouter une touche dramatique à cette
œuvre dont on a l'impression que la partie du
soliste s'inscrit en parallèle au commentaire
orchestral, sans jamais tenter de fusionner avec
elle. Gros succès pour tous.
Dans le deuxième concerto de la soirée,
Daniel Harding et les membres du Verbier
Festival Chamber Orchestra accompagnaient
avec verdeur un duo de pianistes étonnants qui
s'attaquaient au Concerto pour deux pianos en mi
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bémol majeur de Mozart, KV 365. Menahem
Pressler, surtout connu pour son rôle prédominant dans les célèbre interprétations du Beaux
Arts Trio, était accompagné pour la circonstance
par la jeune pianiste chinoise Yuja Wang, sa
cadette de plus de soixante ans. Le duo qu'ils formaient témoignait de l'extraordinaire respect que
les deux artistes ressentent l'un pour l'autre : à
aucun moment, l'un des solistes tentait de prendre le pas sur l'autre, au point qu'il était parfois
difficile de savoir qui tenait la partie principale
dans certaines séquences des cadences des 1er et
3e mouvements. Certes, l'agilité digitale de la
jeune pianiste a quelque chose de plus délié, de
plus aérien que celle de son aîné, mais la poésie
du toucher de ce dernier ou la richesse d'expression de chacune de ses phrases musicales compensaient largement ce que le jeu pouvait avoir,
parfois de moins net dans la frappe.
Après l'entracte, Daniel Harding et un
orchestre survolté offraient une magnifique interprétation des séquences de danses virtuoses que
Richard Strauss a composées pour Le Bourgeois
Gentilhomme de Molière d'après la musique originale écrite par Lulli. Les divers glissements
harmoniques ou rythmiques, qui ancrent fortement ce pastiche dans le 20e siècle, étaient réalisés ici avec une gourmandise et un brio technique
qui en disait long sur le sentiment de complicité
unissant le chef et les instrumentistes...
Eric Pousaz
24 juillet : Simon Keenlyside
A l’Eglise de Verbier, le récital du baryton
anglais Simon Keenlyside, qui avait laissé un
souvenir inoubliable au Grand Théâtre de Genève
dans le rôle d’Hamlet il y a quelques années, n’a
pas déçu les festivaliers. Son physique d’acteur
de cinéma bronzé et sportif induit d’emblée une
impression plus que favorable ! Et le reste suit !
Sa voix riche parfaitement saine et maîtrisée lui
permet de passer sans solution de continuité d’un
registre grave particulièrement étoffé aux aigus
transparents mais non détimbrés parfois exigés
dans les Lieder de Brahms, - dont certains peu
connus - ou ceux d’Hugo Wolf. Et que dire de la
diction et de la couleur de la langue allemande ?
On a beau chercher, on ne trouve aucun indice
révélateur d’une origine autre que germanique !
Et le comble c’est que l’on peut en dire autant,
mutatis mutandis, des mélodies françaises qui
composaient la seconde partie de la soirée. Le
chanteur cisèle les textes des pièces de Fauré et
Ravel (Histoire naturelles), nullement gêné par
les diphtongues ennemies des interprètes non
francophones ni par les fameux « R » qu’il sait
a
rouler ou non selon les besoins. Du jamais entendu, même chez Felicity Lott ! Alors, me direzvous, pas le moindre bémol ? Eh bien si, rassurez-vous, je sais que la perfection peut énerver
parfois. En effet il reste à Simon Keenlyside de
petites modifications à apporter à la gestion de
ses bras (!) , de son regard trop souvent porté sur
le sol et de son visage sur lequel l’émotion apparaît peu, peut-être parce qu’il la contrôle encore
trop. Au piano Emmanuel Ax, que l’on connaît
surtout par le duo qu’il forme avec Yoyo Ma
depuis quarante ans, s’est montré attentif, sensible, donnant au chanteur le soutien ou les impulsions adéquates grâce à un toucher subtil. C’était
la première fois qu’il accompagnait une voix, si
l’on excepte une très brève collaboration avec
Susan Graham et Renée Fleming. Avec Simon
Keenlyside, il dit avoir définitivement pris goût à
l’exercice ! Trois bis de Schubert ont conclu la
soirée, dont Jüngling an der Quelle, particulièrement à propos compte tenu de la canicule !
Décidément ces Anglais ont de l’humour…
25 juillet : Khatia Buniatishvili
La pianiste géorgienne a fait une démonstration éblouissante de son talent dans un programme des plus exigeants. Il est difficile de parler
d’elle sans évoquer Martha Argerich, qu’elle rappelle à titres divers, le jeu de la chevelure n’étant
pas le principal. Mais la pulpeuse Khatia a sa
propre personnalité. Elle se distingue tout d’abord par sa présentation : robe noire moulante,
décolleté profond dans le dos et rouge à lèvres
éclatant. On retrouvera cette sensualité dans son
jeu. Elle s’attaque d’entrée aux Tableaux d’une
exposition de Moussorgski, où sa puissance et sa
virtuosité s’expriment à merveille, de même que
la richesse de son imaginaire. Elle se donne à
fond, s’arc-boutant sur son instrument pour trouver l’intensité maximum qu’elle veut obtenir
dans certains passages. A d’autres moments,
droite comme un i, elle laisse ses doigts courir
légèrement dans une course effrénée, rebondissante et suggestive comme dans le Ballet des
poussins ou Limoges. Sobriété, délicatesse et
retenue font aussi partie des ses cordes : on le
constate dans Ständchen von Shakespeare, transcription du Lied de Schubert par Liszt. Après le
scherzo No 2 en si bémol mineur où la main droite jubile dans la pureté cristalline de ses envolées
et le scherzo No 3 en do dièse mineur et ses
déchaînements plus violents, Katia Buniatishvili
termine en apothéose sur une Valse de Ravel
haletante, étourdissante.
Khatia Buniatishvili © AlinePaley
27 juillet : Bashmet / Muntian
Le concert a commencé par une déception :
la défection de Denis Matsuev, remplacé par
Mikhail Muntian, partenaire fréquent de Yuri
Bashmet. Les choses ne se sont pas arrangées
immédiatement, l’altiste semblant être en petite
forme : une sonate de Glinka touchée d’un archet
hésitant, avec peu d’inspiration et trop de vibrato ; un arrangement de la scène des adieux et de
la mort de Juliette, extraits de Roméo et Juliette
de Prokoviev interprétés sans souffle ni élan,
donnant un sentiment de flottement et de frustration causée par un manque de direction et des
fins de phrases abruptes. Un bon moment a suivi
à la fin de la Pavane pour une infante défunte
(arrangement de Vadim Borisovsky) où l’altiste a
réussi une reprise pianissimo saisissante du
thème principal dans l’extrême aigu de son
instrument. Mais on retombait dans le scepticisme à l’écoute d’arrangements de la musique de
Marin Marais (XV-XVIe s.). La sonorité du
piano choque et tout le charme des instruments
de l’époque, viole de gambe, clavecin, vielle, a
disparu. Le beau son de l’alto ne suffisait pas à
nous les faire oublier. Heureusement la qualité
de la deuxième partie du concert se révéla largement supérieure. Les interprètes retrouvèrent
tous leurs moyens et une entente harmonieuse
dans la magnifique sonate op. 147 que Dimitri
Chostakovitch composa peu de temps avant sa
mort. Il faut dire que cette sonate fut créée en
1975 par Mikhail Muntian lui-même, et le dédicataire de l’œuvre, Fiodor Droujinine. Sur un
tapis préparé de façon nuancée par le pianiste,
Yuri Bashmet plus sûr et précis, notamment dans
les pizzicati du premier mouvement et dans l’allegretto du deuxième sut faire apprécier cette
œuvre que beaucoup découvraient. Elle se termine par un adagio parsemé de citations d’autres
compositeurs à qui Chostakovitch rend hommage, où le legato nostalgique et quasi désespéré
débouche sur un dépouillement résigné qui passe
par le presque rien avant de s’évanouir dans le
silence.
Martine Duruz
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la bâtie festival de genève
Voyage et mémoire
Le festival genevois se veut voyage cette année : voyage à travers le temps, les
sentiments et les espaces culturels genevois. L’objectif assumé est de provoquer
réminiscences et émotions au travers d’un fil rouge évocateur : la mémoire.
Né de la mouvance du festival libre des
années 70, mais désormais bien loin de son origine out-door au cœur des bois de la Bâtie, La
Bâtie fête sa 37e édition du 30 août jusqu’au 14
septembre, avec plus de 30 lieux scéniques, d’expositions et 50 propositions d’événement.
Cette édition sonne le glas des 3 rubriques
bien cloisonnées dont les festivaliers avaient l’habitude : exit Théâtre, Danse, Musique, et bienvenue à une forme ouverte où il n’est question que
d’interaction interdisciplinaire, de résonance
artistique et sentimentale.
La Bâtie, qui accueille cette année la Belge
Anne Teresa de Keersmaeker en qualité d’invitée,
nous promet une édition où inaugurations et
découvertes de nouveaux horizons sont les maîtres mots. Le monde scénique s’hybride et se
révolutionne sans cesse, nous assistons toujours
plus fréquemment à des pièces de théâtre qui se
dansent, à de la danse qui se meut en texte et qui
intègre sur scène de la musique. Ainsi, La Bâtie
se repense et se réinvente, incorporant à la structure du festival cette évolution des arts scéniques.
« Selon moi, il n’est absolument pas viable, à
l’interne d’un festival, d’avoir un fonctionnement
qui ne correspond pas à la réalité du monde de la
scène » nous indique Alya Stürenburg.
La décision de modifier la structure même
du festival, en décloisonnant les 3 catégories de
programmateurs artistiques autour desquelles il
s’articulait vient d’un changement de direction avec la création d’une direction
artistique générale - et d’envie qui
prend racine dans l’évolution même
du monde scénique.
La société genevoise, elle aussi
en mouvement, se modifie dans le
sens d’un échange et d’une mixité
toujours plus importants en direction de ses frontières françaises. La
Bâtie qui n’a de cesse de progresser
en accord avec le contexte dans
lequel il s’inscrit poursuit le mouvement déjà entamé par le festival
depuis des années et, pareillement à
la société genevoise, renforce sa
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collaboration avec les espaces culturels et scéniques français. Ainsi, après des lieux tels que
Château Rouge à Annemasse ou encore
l’Esplanade du Lac à Divonne, c’est au tour de
Bonlieu Scène Nationale Annecy d’être intégré
au sein du festival de La Bâtie.
Une décision lourde de sens pour la directrice générale et artistique du festival, qui nous
explique les tenants de ce partenariat : « Nous
nous sommes associés à Bonlieu Scène Nationale
Annecy sous l’égide du programme Européen
PACT (pôle artistique et culturel transfrontalier)
qui nous offre la possibilité de mettre en commun
les qualités et les forces de chacun. Ce partenariat, en plus de proposer un lieu scénique exceptionnel, nous permet de disposer des moyens
techniques de Bonlieu, par exemple en matière de
répétition. »
Programmation
Alya Sturenberg nous renseigne sur la grille
de programmation de cette année : « Le plan du
festival donne une impression pléthorique une
fois ouvert. Mais si l’on étudie en détail les propositions, si l’on se penche sur le problème, c’est
extrêmement cohérent. Les spectacles se renvoient continuellement les uns aux autres, de
façon souvent trans-disciplinaire. Chacun peut se
faire son propre parcours à travers le programme, créer ses propres liens. »
Plus qu’un programme, c’est véritablement
Architextures «Serpentant, Cirque ici» 2012
installation de Johann Le Guillerm © Ph.Cibille
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un système dynamique que La Bâtie a mis en
place. Des échos artistiques nous transbahuteront
d’un spectacle à un autre, un film nous montrera
les coulisses de la représentation dont nous
venons de sortir ou expliquera les origines d’une
création. Il en résultera que le festivalier se laissera attirer, tel un satellite, par des orbites artistiques différentes mais liées par la volonté de
créer. Le Lieu Central du festival fera office de
piste d'atterrissage, où les festivaliers échangeront paroles et réflexions aussi bien entre eux
qu’avec les artistes.
Si La Bâtie a un message à faire passer c’est
« Laissez-vous surprendre, soyez curieux et
ouvert aux nouveautés » nous confie Alya
Stürenburg lorsque nous évoquons les spectacles
et les artistes de cette 37e édition. « Si nous ne
travaillons pas avec une thématique c’est pour
éviter le côté restrictif que cela comporte, écartant d’office des artistes qui auraient pu nous
apporter beaucoup. En utilisant un fil conducteur nous pouvons créer une véritable constellation dans la programmation et laisser la porte
ouverte à tous les projet qui nous tiennent à cœur
». Les propositions sont donc éclectiques et offrent de nombreux visages et voix différentes.
Parmi les événements à ne pas manquer,
citons la venue de Sasha Waltz, icône berlinoise
de la danse contemporaine, qui vient pour la première fois en terre genevoise et qui présentera
Travelogue I - Twenty To Eight pièce majeure de
sa compagnie. Anne Teresa de Keersmaeker,
invitée de marque de La Bâtie, présentera FASE
et Partita 2, ses première et dernière créations, à
une semaine d’intervalle, ce qui permettra au festivalier de survoler le parcours de la chorégraphe
Belge. D’autres temps forts sont les nouvelles
créations de Gisèle Vienne, The Pyre, et de Jan
Lauwers qui présente en première suisse Place
du Marché 76.
Alya Stürenburg nous confie un projet qui
lui est cher : « Amir Reza
Koohestani, que j’avais déjà fait
venir en 2005 et qui avait présenté
la pièce Dance on Glasses, réécrit
entièrement, 10 ans après, le texte
en tenant compte de l’évolution de
la société iranienne de cette dernière décennie. Le texte de Timeloss
est en cours d’écriture, il nous présentera donc ce projet en première
mondiale, ce qui promet un très
grand moment et je trouve important d’avoir des voix internationales dans le cadre de ce festival. »
Romeo Cini
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avec l’AMR : «Aux pulsations communes ou
fragmentées, les liens se renforcent entre mots et
notes, sons et déclamation, silence et écoute. »
amadeus à meinier
Retour à la Grange
Encore de beaux concerts au mois de septembre à la Grange de la Touvière.
Le Festival Amadeus continue jusqu’au 7 septembre. Claire Brawand,
co-directrice artistique avec Eve-Anouk Jebejian, présente les concerts
à venir.
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C’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’elle parle de la pianiste qu’il faudra venir découvrir le 4 septembre à 20h30 : Plamena
Mangova. Claire Brawand a été éblouie par
cette jeune Bulgare lorsqu’elle l’a entendue
pour la première fois aux Nuits musicales du
Suquet à Cannes en 2010. Elle n’a pas oublié le
« choc » qu’elle a subi en découvrant sa façon
tout à fait personnelle et sensible de phraser, de
« raconter » la musique. Ce sont les douze préludes de l’opus 34 qu’elle jouera à la Grange,
après des sonates de Scarlatti, où elle excelle, et
avant la Sonate No3 op. 5 de Brahms. La pianiste s’associera le 5 septembre (16h30) à la jeune
violoniste d’origine russe mais née en
Allemagne Alissa Margulis - qu’Ivry Gitlis a
qualifiée de « révélation » - et au violoncelliste
russe Alexandre Buzlov, deuxième prix au
Concours de Genève en 2008, partenaire apprécié des plus grands virtuoses actuels, dont
Martha Argerich. Au programme : Janacek,
Schumann (son troisième trio) et Dvorak. La
veille, à 18h30 il aura interprété seul la Suite No
5 de Bach et son pendant moderne, la Suite No1
de Britten.
Le 5 septembre à 18h30 trois compositeurs,
Michaël Jarrell, Xavier Dayer et Isabel
Mundry participeront à une table ronde animée
par Philippe Albera, en compagnie de leur
meilleur élève respectif. La création suisse sera
au centre des débats. Inspiré par le Festival
Cully Classique, qui promeut la collaboration
étudiants/professeurs, le projet a été initié en
septembre dernier et s’appuie sur une collaboration entre Suisses romands et Suisses alémaniques. Il consiste à passer commande à de jeunes compositeurs issus des HEM de Genève,
Berne et Zurich, grâce au soutien de plusieurs
fondations. Leurs œuvres seront exécutées
(20h30), en alternance avec des pièces de leurs
professeurs, par le Namascae (=Annemasse en
latin !) Lemanic (pour Lausanne et Genève)
Modern Ensemble, fondé par William Blank,
percussionniste et excellent pédagogue, qui en
assume la direction. Les solistes seront Hélène
Walter, soprano, Julien Lapeyre, violon et
Amandine Lecras,
violoncelle.
Le 6 septembre à 18h30 une
carte blanche sera
attribuée à Soraya
Berent
et
Sébastien
Ammann, musiciens suisse de
jazz, qui présenteront leurs compositions, sur des
poèmes et textes
d’auteurs anglophones. La notice
figurant dans le
programme donne
une idée de l’originalité de ce
concert coproduit
Philippe Cassard. Photo Vincent Catala
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Le soir, le Yaron Herman Trio attirera les
amateurs de jazz, d’improvisation, d’inattendu.
Yaron Herman a eu un parcours étonnant : il se
destinait à une grande carrière de basketteur,
mais après un accident il changea de cap pour se
lancer dans l’étude du piano à l’âge de… seize
ans, adoptant une méthode originale fondée sur
les mathématiques ! Compositeur, improvisateur hors pair, il ne renonce pas aux incursions
dans la musique classique (on se souvient le
sourire aux lèvres de sa collaboration avec
David Greilsammer dans leurs « Mozart
Improvisations » en décembre 2012 au Victoria
Hall), la musique pop, ou israélienne traditionnelle. Dans une interview en 2009, il dit aborder
ses concerts « avec un minimum de préparation », car « il aime les surprises ». Vous aussi,
sûrement !
Le dernier jour du Festival (le 7) à 17h30,
le Fanfareduloup Orchestra proposera une
rencontre entre le jazz, l’improvisation et la
musique contemporaine avec les 10 marches de
Kagel et leurs 9 contretemps pour manquer la
victoire, les contretemps étant la création collective des musiciens en réponse à la partie écrite par le compositeur argentin. Humour et ironie
seront au rendez-vous.
Le concert final à 20h30 réunira le
Kammerorchester Basel, sous la direction
d’Umberto Benedetti Michelangeli, Philippe
Cassard et Cédric Pescia, à l’occasion de
l’exécution des concertos pour deux pianos de
Mozart (K365 en mi bémol majeur) et de
Poulenc (en ré mineur), auxquels s’ajouteront la
Pulchinella-Suite de Stravinsky et la Symphonie
classique de Prokofiev.
Sachez aussi qu’à 19h45, juste avant les
concerts du 4 et du 7 septembre, deux musicologues s’entretiendront pendant 15 minutes avec
les artistes, pas forcément à propos des œuvres
qui seront entendues : divers sujets pourront
être évoqués librement. Ces conversations ont
été organisées pour cinq concerts en tout avec le
concours de l’association de musicologues
HorsPortée, basée à Genève.
D'après des propos recueillis par
Martine Duruz
Plus d’infos sur : http://www.festival-amadeus.ch
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amadeus à la grange de la touvière
Kammerorchester
Le Kammerorchester est l’invité du festival Amadeus pour la soirée de clôture,
le 7 septembre. Les musiciens se produiront à la grange de la Touvière sous la
direction de Umberto Benedetti Michelangeli, dans des œuvres de Stravinsky,
Mozart, Prokofiev et Poulenc. Les solistes invités sont les pianistes Philippe
Cassard et Cédric Pescia.
Entretien avec Marcel Falk.
Créé en 1984, avec des musiciens
diplômés issus de différentes écoles de
musique suisses, l’orchestre a acquis une
réputation internationale. Quel est le secret
de cette réussite ?
C’est dû en grande partie au travail de Christoph
Muller, qui a dirigé administrativement et artistiquement cet orchestre de 1997 à 2010 (n.d.l.r.
Christoph Muller n’assure plus la direction de
l’orchestre, restant toutefois une sorte d’éminence grise. Il a créé une agence chargée des
tournées de l’orchestre et de certains artistes).
Même si le chiffre d’affaires est passé de
lence. Il a renoué avec la tradition de l’orchestre de chambre tel que l’avait initié Paul Sacher.
Notre orchestre n’emploie pas des musiciens de
façon permanente mais fonctionne sur la base
de projet. Ce qui explique que certains musiciens sont free lance, d’autres enseignent et une
minorité d’entre eux est engagée par d’autres
orchestres.
Mais peut-on dire que l’actuel
Kammerorchesterbasel est dans la continuité du Basel Kammerorchester créé par Paul
Sacher ?
Kammerorchester Basel © Lukas Gysin
350'000.- FS dans la saison 1996/1997 à 6.5.Mio FS en 2009/2010, l’orchestre se finance à
80% par ses propres recettes et le sponsoring.
La part des subventions n’étant que de 465’00.FS. Cela n’a pas empêché l’orches-tre de suivre
une trajectoire ascendante. Pour y arriver,
Christoph Muller tient le cap avec sa vision faite
d’exigence et de professionnalisme. Il a d’abord
donné à l’orchestre une assise régionale qui a
ensuite pu être élargie, visant toujours l’excel-
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Cet orchestre n’est pas la prolongation directe
de celui qu’a dirigé Paul Sacher pendant près de
soixante ans. Mais il a repris beaucoup de ses
idées et s’est inspiré de sa vision. Des affinités
uniques existent et sont inévitables. Paul Sacher
a été un pionnier de talent en passant commande d’œuvres aux grands compositeurs du XXe
siècle. Il nous a montré la voie à suivre. Avec
Christopher Hogwood, nous avons entrepris
toute une série d’enregistrements consacrés aux
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compositeurs de la période néo-classique qui se
trouvent dans les archives de la Fondation Paul
Sacher. Mais nous avons aussi fait avancer la
recherche sur les opéras et oratorios de Haendel
d’après la nouvelle édition critique parue dans
la Neue Hallische Händel Ausgabe et que nous
avons enregistrés sous la direction de Paul
Goodwin. Et nous allons faire la même chose
avec Haydn.
La liste des solistes qui ont collaboré
avec l’orchestre, de Cécilia Bartoli, Angelika
Kirschschlager à Matthias Goerne, Andreas
Scholl en passant par Sabine Meyer, Renaud
Capuçon ou Victoria Mullova, ressemble au
bottin mondain des stars de la musique. Le
choix des solistes prime-t-il sur la ligne programmatique ?
Il y a une commission de programmes dans
laquelle siègent le directeur artistique, le manager, mais aussi des délégués de l’orchestre.
Toute une démarche qui doit aussi prendre en
compte les perspectives. C’est un processus
dans lequel peut intervenir le soliste ou le chef
d’orchestre, avec lesquels nous avons souvent
développé des contacts privilégiés. En accord
avec Umberto Benedetti Michelangeli, qui
connaît bien l’orchestre, qu’il dirigera le 7 septembre à Genève, nous avons choisi de placer ce
concert sous le signe du néo-classicisme. En
composant Pulcinella, Stravinsky se référait à
Pergolèse, alors que Prokofiev dans sa
Symphonie classique se réfère à Haydn. Une
réaction aux symphonies de la fin du romantisme très pompeuses et grandiloquentes. Des
constructions sonores monumentales remplacées par des pièces plus raffinées et non
dénuées d’humour. En choisissant le Concerto
pour deux pianos en ré mineur de Francis
Poulenc et surtout dans le mouvement central
intitulé « jeu poétique avec le portrait de
Mozart » cela tombait sous le sens de compléter
par le Concerto pour deux pianos K365 en mi
bémol majeur de Mozart. Deux pianistes chevronnés, Philippe Cassard et Cédric Pescia,
interpréteront ce double concerto.
Propos recueillis par Régine Kopp
Billetterie. : [email protected]
ou tous les soirs dès 17h, tél. 022/750.20.20
ou chez Très Classic, 022/781.57.60
site : http://www.festival-amadeus.ch
Samedi 7 septembre à 20h30 / Touvière :
Kammerorchester Basel, dir. Umberto Benedetti
Michelangeli. Philippe Cassard & Cédric Pescia, pianos
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différentes institutions et notamment par la
Fondation Juventus qui réunit de talentueux jeunes solistes internationaux. Lauréate du
Concours International de Santander et du
Concours International de Musique de chambre
Vittorio Gui de Florence, elle remporte aussi le
Prix Granados attribué par Alicia de Larrocha.
En mars 2011, elle est nommée « Artist of the
month » par le magazine musical Interlude de
Hong-Kong avant son premier récital quelques
mois plus tard au Théâtre des Champs Elysées.
portrait
Plamena Mangova
La jeune pianiste bulgare Plamena Mangova sera au Festival Amadeus
le 4 septembre prochain pour un concert au répertoire prometteur avec,
au programme, des sonates de Scarlatti, la Sonate n° 3 op. 5 de Brahms et
l’op. 34 de Chostakovitch qui lui a valu un un Diapason d'Or de l’Année
en 2007.
Discographie
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Plamena Mangova © K Miura
Appartenant à la génération montante du
milieu musical classique, Plamena Mangova se
produit de plus en plus régulièrement sur les
grandes scènes internationales, accompagnée
par des artistes dotés d’une solide réputation.
Parcours
C’est en Bulgarie à l'Académie de Musique
d'Etat de Sofia auprès du professeur Marina
Kapatsinskaja qu’elle commence ses études de
piano puis obtient sa première consécration avec
un Deuxième Prix au Concours Reine Elisabeth
2007. Elle poursuit ensuite sa formation à l'Ecole
Supérieure de musique Reine Sofia de Madrid
auprès d’un des plus grands maîtres actuels,
Dmitri Bashkirov, puis avec Abdel-Rahman El
Bacha à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth.
Elle suit également des masterclasses durant lesquelles elle reçoit les conseils de grands musiciens tels Leon Fleisher, Rosalyn Tureck et
Krystian Zimerman. Avec un sérieux bagage
musical, elle se lance dans une carrière pianistique en débutant à Paris au Théâtre du Châtelet
où elle triomphe avant de partir à la conquête des
salles de concerts les plus prestigieuses. Elle joue
a
au Concertgebouw d’Amsterdam, au Mozarteum
de Salzbourg, à la Philharmonie du Luxembourg,
au Palais des Beaux-Arts, au Théâtre Royal de la
Monnaie à Bruxelles et à l'Auditorium du Louvre
ainsi qu’à Madrid, Barcelone et Moscou. Les
grands festivals tels que Verbier, les Sommets
Musicaux de Gstaad, le Festival de Radio France
de Montpellier ou celui de la Roche d’Anthéron
lui ouvrent également leurs portes, ce qui lui permet de se produire en soliste, accompagnée par
des formations orchestrales de renom l'Orchestre National de Belgique, le Dresden
Philharmonic, l'Orchestre Philharmo-nique du
Luxembourg. En 2012, elle interprète le
Concerto n° 1 en ré mineur de Johannes
Brahms avec le Sinfonia Varsovia, sous la direction de Jacek Kaspszyk. Applaudie sur les scènes
internationales aux côtés d’Emmanuel Krivine,
Peter Csaba, Alexander Vedernikov, Dmitri
Jurowski, Sir Colin Davis ou Jean-Bernard
Pommier, son vaste répertoire allant du baroque à
la musique contemporaine lui permet également
de jouer comme chambriste avec Maria João
Pires, Augustin Dumay, Christian Ivaldi et Pascal
Moragues. Son art est encore récompensé par
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Plamena Mangova possède déjà une discographie intéressante comprenant, entre autres,
des œuvres de Beethoven avec l’Appassionata,
les Variations Wo0 73 et Six Bagatelles op. 126 ;
enregistrement qui s’est vu récompensé (5
Diapason) et deux enregistrements avec
l'Orchestre National de Belgique, dirigé par
Walter Weller, avec au programme la Burlesque
de Strauss et le Concerto n° 1 en ré mineur de
Brahms ; un disque par ailleurs salué par le
magazine anglo-saxon Gramophone. Mais son
activité discographique embrasse également
d’autres pièces du répertoire de chambre, avec
notamment une intégrale des œuvres pour violon
et piano de Prokofiev, aux côtés de la violoniste
Tatiana Samouil. Un enregistrement qui a obtenu
4 Étoiles décernées par la revue Le Monde de la
Musique. Enfin, elle a bien entendu gravé l’œuvre qui a lancé sa carrière en 2007, après sa
récompense au Concours Reine Élisabeth : la
Sonate pour piano n°2 et les 24 Préludes de l’op.
34 de Chostakovitch. Un autre flamboyant enregistrement de Chostakovitch en musique de
chambre l’a réunie à Natalia Priscepenko,
Sebastian Klinger et à la soprano Tatiana
Melnichenko et lui a valu le Superfonic Prize du
magazine Pizzicato au Luxembourg. Son dernier
disque, paru aux éditions Fuga Libera, présente
des œuvres de César Franck et Eugène Ysaÿe en
duo avec le violoncelliste Alexander Knyazev.
La jeune pianiste poursuit son parcours
artistique avec des engagements qui la mèneront
prochainement à la Kölner Philharmonie et au
Théâtre de la Ville à Paris. Elle retrouvera également le chef Walter Weller et l'Orchestre
National de Belgique pour quelques concerts et
participera aussi aux Festivals de WallonieHainaut, Europalia, Al Bustan au Liban et à la
série de concerts Fortis.
Serene Regard
mercredi 4 septembre. à 20h30 / Touvière : Plamena
Mangova, piano (Scarlatti, Chostakovitch, Brahms)
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wagner geneva festival
Feu d’artifice wagnérien
Initiée par Georges Schürch, président du Cercle romand Richard Wagner, et
placée sous la conduite artistique de l’ancien directeur du Grand Théâtre
Jean-Marie Blanchard, une impressionnante série de manifestations
pluriculturelles saluera du 16 septembre au 5 novembre le visionnaire de la
Gesamkunstwerk en cette année du bicentenaire de sa naissance.
- Opéra Paris 1897 Les Maîtres, III,1 reconstitution historique (Théâtre du Loup, samedi 2
novembre, 17h, dimanche 3 novembre, 14h30 )
- Concert offert à tous. Œuvres de Wagner et
Jacques Lenot dont sera donné en création mondiale D’autres murmures, pour trompette et
grand orchestre, commande du Wagner Geneva
Festival. Orchestre de Chambre de Genève,
Sinfonietta de Lausanne, dir. Alexander Mayer,
Raphaël Duchateau, trompette.
Théâtre musical/Théâtre
Musique, littérature, art dramatique, arts
plastiques, danse ou encore cinéma sont associés
dans cet ambitieux projet qui a obtenu le
concours de nombre d’institutions culturelles
genevoises. A l’origine, le projet était pourtant
plutôt modeste, ainsi que le souligne Georges
Schürch, puisqu’il se centrait sur la représentation de la première version, rarement montée, de
Der fliegende Holländer, version que Wagner a
composée à Paris en 1841. Le concours décisif de
Jean-Marie Blanchard permettra au projet d’atteindre les vastes dimensions qu’on lui connaît
aujourd’hui.
L’amateur n’aura que l’embarras du choix
devant la richesse du programme, la part belle
revenant comme de juste à la musique. S’il est
avant tout curieux de découvertes, il ne voudra
pas manquer les représentations du Vaisseau fantôme, ni, s’il s’intéresse à la musique d’aujourd’hui qui n’est pas oubliée, loin s’en faut, le
concert de l’OCG du 2 octobre avec la transcription pour voix d’alto et orchestre de chambre des
Wesendonck Lieder écrite par Hans Werner
Anne Schwanewilms © Johanna Peine
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Henze en 1976, ou, au gré des concerts, des œuvres de Sciarrino, Jacques Lenot ou Michael
Jarrell. Ce dernier, bien connu ici, a écrit une
musique sur un texte d’Olivier Py, Siegfried, nocturne. Suivant l’errance de Siegfried dans une
Allemagne détruite par la Seconde guerre mondiale, l’œuvre est annoncée comme « une
réflexion sur l’histoire, l’identité et la culture
allemandes. » On laissera le lecteur faire son
choix, non sans relever l’intérêt des rétrospectives de films organisées par le Cinéma Bio et la
Cinémathèque, cette dernière présentant un
Silent Wagner réalisé en Allemagne en 1913 et
qui serait la première biographie d’artiste de
l’histoire du cinéma…
Musique
- Récital d’Anne Schwanewilms, soprano,
accompagnée par Manuel Lange, piano, dans les
Wesendonck Lieder complétés par des Mélodies
de Liszt (Conservatoire de Musique lundi 30 septembre, 20h.)
- Concert Wagner et la Suisse avec l’Orchestre
de Chambre de Genève, dir. Thomas Rösner et
Kismara Pessatti, alto, dans des œuvres de
Wagner, Schoek, Gluck, Richard Wagner /Hans
Werner Henze (BFM mercredi 2 octobre, 20h.)
- Récital de Giovanni Bellucci, piano, dans des
transcriptions et paraphrases de Liszt tirées des
ouvrages de Wagner, complétées de la Sonate en
Si mineur du même Liszt (Conservatoire de
Musique de Genève, mercredi 9 octobre, 20h.)
- Opéra Der fliegende Holländer (Le Vaisseau
fantôme) de Richard Wagner, version de Paris
(1841) avec Dimitry Ivashchenko, Ingela
Brimberg, José Ferrero, Kismara Pessatti,
Maximilian Schmitt, Alfred Walker. Mise en
scène d’Alexander Schulin. Orchestre du Wagner
Geneva Festival, dir. Kirill Karabits. Chœur du
Grand Théâtre de Genève dir. Ching-Lien Wu.
- Concert de l’Ensemble intercontemporain,
dir. Matthias Pintscher, œuvres de Schœnberg,
Wagner, Sciarrino (BFM, vendredi 1er nov.,
20h.)
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- Siegfried, nocturne (création mondiale) monodrame pour voix d’homme et ensemble instrumental, musique de Michael Jarrell, texte
d’Olivier Py, m.e.s. d’Hervé Loichemol, avec Bo
Skovhus. Ensemble Multilatérale, dir. Stefan
Asbury. (Comédie de Genève dimanche 13 octobre, 17h ; mardi 15 octobre, 20h ; jeudi 17 octobre, 19h ; vendredi 18 octobre, 20h.)
- Une visite à Beethoven monodrame pour acteur
et quatuor à cordes, texte d’Étienne Barilier,
musique de Ludwig van Beethoven et Richard
Wagner, m.e.s. d’Alain Perroux, décors et costumes de Claire Peverelli, avec Alain Trétout et le
Quatuor Terpsycordes. (Les Salons lundi 14 octobre, 20h ; mercredi 16 octobre, 20h ; jeudi 31
octobre, 20h.)
- Théâtre La Dame de la mer d’Henrik Ibsen,
m.e.s. d’Omar Porras (Théâtre de Carouge, 18
octobre – 7 novembre, mardi, mercredi, jeudi,
samedi, 19h; vendredi, 20h; dimanche, 17h.)
Cinéma
- Rétrospective filmique L’influence de
Wagner dans la danse moderne et contemporaine (Cinéma Bio, Carouge, programme complet disponible sur www.cinema-bio.ch à partir
du 26 septembre.)
- Projection avec musique live de Silent Wagner
(Richard Wagner, 1913), réalisateurs Carl
Froelich et William Wauer, arrangements musicaux Armin Brunner, avec le Sinfonia
Ensemble, dir. Christof Escher (Cinémathèque
suisse Cinéma Capitole, Lausanne jeudi 31
octobre, 20h.). Outre la projection de Silent
Wagner, la Cinémathèque suisse organise une
rétrospective autour de Wagner et le cinéma
(programme sur www.cinematheque.ch).
Le programme est complété par des lectures et conférences, ainsi que par plusieurs expositions. Les informations détaillées sont disponibles sur le site du festival.
Christian Bernard
Renseignements www.wagner-geneva-festival.ch
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avignon 2013
Applaudissements
La 67e édition du Festival était aussi l’ultime geste théâtral pour Hortense
Archambault et Vincent Baudriller, qui auront œuvré pendant 10 ans dans la
Cité des Papes et avaient choisi de tirer leur révérence en invitant pour un soir
(ou deux) des artistes qui les ont accompagnés depuis 2004 et ont spécialement
marqué Avignon. Cadeau d’adieux réussi qui a comblé les happy few !
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Il faut le redire ici, quelles que soient les
réserves salutaires que l’on peut émettre quant à
certains partis pris artistiques et à quelques choix
discutables dans l’adéquation entre lieux choisis
et œuvres représentées, Vincent Baudriller et
Hortense Archambault méritent amplement les
applaudissements qui leur ont été adressé lors
d’un hommage rendu à leur travail par le public
et les professionnels. Olivier Py a charge de
pérenniser ce rendez-vous culturel devenu le plus
grand et le plus novateur des festivals de théâtre
contemporain sur notre continent. Ses deux prédécesseurs sont parvenus à nous offrir ce que le
théâtre actuel propose de plus radical et de plus
exigeant (parfois de façon exacerbée), mais sans
jamais se départir de l’adhésion du public ! Ils
ont ainsi souvent satisfait à la volonté d’un Vitez
de donner à voir des spectacles élitistes pour le
plus grand nombre, ce qui revient à convoquer
l’ombre portée bénéfique de Vilar et la vibration
vivante de son théâtre populaire.
des deux directeurs sortants et ont régalé un
public de privilégiés, très ému de les voir là tous
réunis…
Points forts
Le premier spectacle à marquer d’une pierre
blanche fut celui du metteur en scène flamand
Guy Cassiers qui proposait sa vision d’Orlando,
comme une lecture fulgurante de la traversée du
temps imaginée par Virginia Woolf et interprétée
magistralement par l’actrice Katelijne Damen,
seule en scène, au beau milieu du dispositif techniquement génial imaginé par Cassiers. La comédienne évolue dans les méandres et à travers la
géographie de la mémoire du protagoniste,
comme dans un décor qui se plie et se déplie et se
replie, à travers les siècles et comme si Alice à la
poursuite du temps retrouvé jouait à la marelle
dans les paroles de Proust, que Cassiers tenta
heureusement d’adapter, voilà quelques années.
Bref, une merveille de concentré théâtral et littéraire.
C’est la chorégraphe berlinoise Sasha Waltz
qui lui emboîtait le pas le soir suivant avec un
projet interdisciplinaire enthousiasmant qui
s’inscrit dans une série de dialogues instantanés
et très créatifs. Dialoge 20-13 montre comment
Sasha Waltz accompagnée de ses danseurs part à
la rencontre de l’artiste peintre français
Guillaume Bruère (Giom) et du joueur de basson
turc Burak Ozdémir, tous deux en effervescence
immédiate sur scène. Les danseurs sont des pinceaux qui vibrent aux notes jazzy d’un basson.
Une œuvre se dessine peu à peu sur la toile de
fond de scène, comme un hymne à la liberté
d’expression.
Alain Platel investissait le lendemain le
même espace, afin de permettre au public de voir
ou de revoir son jubilatoire Out of Context (For
Pina), chorégraphie originelle, en hommage à
Pina Baush, en quête d’un langage physique de
l’arbitraire, de la spontanéité, voire de l’insconscient. Les Ballets C de la B en transe, une émotion du rythme et des corps à nulle autre pareille.
Dans le même temps, les deux artistes associés du Festival attendaient les spectateurs aux
prises avec ces deux espaces indispensables et
impossibles que sont la Cour d’Honneur du
Palais des Papes et la Carrière de Boulbon.
Stanislas Nordey et Dieudonné Niangouna ont
ainsi défié les deux grandes scènes avignonnaises et les éléments naturels qui en imposent aux
metteurs en scène. Pour le dire sans ambages,
l’immense attente que suscite de tels rendez-vous
n’a pas véritablement comblé le public. Stanislas
Nordey montait l’incroyable texte et pièce puissante de Peter Handke, Par les villages ; l’enga-
Plébiscite
En outre, et la venue des artistes africains
invités cette année l’a bien fait comprendre, ils
ont donné un élan nouveau à la dimension internationale du Festival. Cela s’est traduit par un
taux de fréquentation estimé à 95% pour 128 000
billets vendus, chiffres conséquents s’il en est.
Ce plébiscite indiscutable des publics
d’Avignon est la juste récompense des efforts et
des choix consentis par une direction à deux têtes
que les artistes eux-mêmes ont toujours approuvés ; une ultime fois encore, ils ne s’y étaient pas
trompés et ont presque tous répondus présents
pour fêter cette dernière édition, en offrant un
luxueux florilège de leur talent et souvent pour
un soir seulement, sur la scène de l’OpéraThéâtre. Excusez du peu : Cassiers, Castellucci,
Ostermeier, Jan Fabre, Alain Platel, Sasha Waltz,
Peter Brook, Pipo Delbono, Charmatz, Régy,
Marthaler, Nadj, Chéreau et bien d’autres encore
ont témoigné ainsi leur adhésion à la politique
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«Orlando» de Guy Cassiers © Frieke Janssens
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gement du comédien est toujours total, chez lui et
ses partenaires, mais la puissance du propos de
Handke a du mal à jaillir jusque vers le public. En
effet, les longs monologues qui se succèdent dans
la bouche du fidèle compagnon et redoutable
comédien Laurent Sauvage, des deux remarquables interprètes Véronique Nordey et Annie
Mercier, portées par l’impulsion fondamentale de
Stanislas Nordey, qui joue Hans, tirent leur épingle du jeu et nous livrent des moments où la parole monte hors de la Cour vers le ciel, comme si le
dramaturge autrichien faisait désormais partie
des classiques contemporains. Or, ce qui déprécie
les qualités dramatiques de cette pièce est manifestement la pauvreté des décors - consistant en
une dizaine de baraques bleues d’où vont et viennent les ouvriers, et, en seconde partie, un imprimé végétal sur toile blanche - qui ne parviennent
pas à donner des repères suffisants aux comédiens et aux mots de Peter Handke. Cette immersion dans l’univers profond de Handke est transmise de manière inégale jusqu’à nous, à l’image
d’Emmanuelle Béart, très juste et très sobre dans
son jeu, alors que Jeanne Balibar peine à transmettre la perplexité du propos et tombe dans un
jeu en voix de tête inapproprié. On avait connu
Nordey plus mordant et plus inspiré avec par
exemple l’excellent Clôture de l’amour de
Rambert. Pour Dieudonné Niangouna, la
Carrière de Boulbon est comme un immense terrain de jeu, qu’il habite et habille de façon jubilatoire, d’une esthétique rappelant Mad Max et
les machines de Tinguely. Les comédiens de
Shéda surgissent, déboulent, tombent, hurlent,
plongent, s’approprient tous les niveaux de la
carrière, pour le plus grand plaisir du spectateur,
qui peine tout de même à trouver ses repères dans
cette pièce foutraque et inégale, souvent très poétique, mais également par trop désincarnée, et qui
finit par se disperser dans la nuit rhodanienne,
Surprises
Plus modestement en apparence, la belle
idée de Nicolas Truong, fut de créer un exercice
de style séduisant et enthousiasmant avec
le Projet Luciole qui fait le pari intelligent d’un
état des lieux de la pensée critique contemporaine à travers les corps swinguant et charmants de
Judith Henry et Nicolas Bouchaud. Ces deux
comédiens sensationnels dansent la philosophie,
jouent de la légèreté en profondeur, s’en remettant avec bonheur aux mots de Deleuze, Pasolini,
Didi-Huberman, Lacan, Baudrillard, Debord ou
Jankélévitch, afin de faire renaître la luminescence des lucioles perdues, contre l’obscurité du
monde et avec une salutaire dérision. Un courant
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«Lagos Business Angels» de Rimini Protokoll - © MuTphoto/Barbara Braun
d’air frais et complice de présences réelles qui
nous aident à vivre.
Avec un humour rafraîchissant aussi la chaleur des pierres de la Cité des Papes, le Rimini
Protokoll du Suisse Stefan Kaegi nous avait
concocté un parcours interactif à travers la ville,
imaginé comme un exercice virtuel qui en dit
sans doute plus qu’il n’en à l’air. Un véritable
parcours d’acteurs pour cinquante spectateurs
préinscrits, auxquels il est donné rendez-vous
dans un cimetière hors-les-murs, et qui vont ainsi
en « horde » ou en petit groupe arpenter les rues
d’Avignon, un parking souterrain, un super marché, des amphithéâtres universitaires, des places,
des impasses, une église, un théâtre, avec sur les
oreilles des bandes son correspondantes ou décalées. En somme une parenthèse artificielle qui
dessine en négatif notre réel et nous interroge sur
nos comportements, conditionnés ou libérés,
pour redevenir le héros de sa propre vie.
Signalons enfin deux artistes plébiscités par
le public et qui, lors de cette édition, ne sont pas
toujours parvenus à véritablement surprendre au
sein de spectacles manifestement en colère et en
révolte contre le monde et sa violence à peine
dissimulée. Je veux parler de la performeuse
espagnole Angelica Lidell, qui, avec la rage au
ventre qui la caractérise présentait deux spectacles, Ping Pang Qiu et Todo el cielo sobre la
terra (El sindrome de Wendy). Le premier conçu
comme une pièce quasi documentaire, pour dire
son amour impossible voué à la Chine, à la beauté de cette culture qui s’annihile rongée par l’envers de son décor. Entropique et festive, elle
séduit plus instantanément que le second opus
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criard et prétentieux, capable du meilleur comme
du pire, de susciter une véritable émotion comme
une indifférence coupable en s’enlisant dans le
pompier et la facilité. On ne peut toujours être
porté par les fulgurances de la pièce choc que fut
La casa della fuerza en 2010 !
De même, le théâtre dansé, chanté et faussment improvisé de Jan Lauwers est une fois encore fâché de la violente absurdité de notre monde
quotidien, mais il traite l’horreur avec une distance et un humour nécessaires qui ne peut que nous
réjouir, et soulage un peu notre conscience de
majorité silencieuse, de citoyen passif. Place du
Marché 76, c’est sexe, mort et trahison, une tragédie qui tient aussi de la comédie musicale et de
la farce, une boîte de Pandore où se livrent
bataille tous les travers de l’humanité, loin d’elle-même. Et pourtant le public rit et applaudit
aux facéties d’une troupe de saltimbanques
menées par maître Lauwers en personne qui commente, rectifie, s’adresse aux spectateurs, semble
réécrire indéfiniment sa pièce et ajouter des indications scéniques, encore et encore… En réalité,
cette mise en scène est hyper réglée, elle est l’expression de l’art de Lauwers à la fois léger et
spontané dans son paradoxe. Le maestro est heureux d’être sur scène, sa troupe également et le
public suit ces comédiens de la Needcompany,
pétris de qualités et qui savent tout faire ! Notons
aussi une sélection musicale remarquable,
comme l’est son interprétation et les choix esthétiques stupéfiant de Lauwers. A ne pas manquer
lors du Festival de la Bâtie ce mois de septembre.
Jérôme Zanetta
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ambronay
Fin d’un règne
Alain Brunet quitte ses fonctions à la tête du Festival d’Ambronay, qu’il
dirigeait et avait fondé (en 1980). L’information était, depuis un certain temps,
connue. L’était moins, le nom de son successeur. La nouvelle est tombée fin
juillet : c’est Daniel Bizeray qui a été élu, à l’unanimité, et prendra possession
de ses nouvelles attributions en novembre.
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Daniel Bizeray était depuis 2012 directeur
du Programme voix de la Fondation
Royaumont, après avoir dirigé successivement
les Opéras de Rennes, Rouen et Saint-Étienne.
Et il nous souvient d’un forum, organisé par
l’auteur de ces lignes avec Bizeray comme
modérateur, à Ambronay précisément, en 1999.
Déjà !… Avec pour thème : “ Quelle Europe
pour les musiques anciennes ? ” Tout un programme ! qui réunissait les meilleurs responsables internationaux en ce domaine, dans une
atmosphère passionnée et détendue… Comme
les prémices de l’avenir du
Festival, dans la couleur qui lui est
propre, ouverte sur le monde.
rieuse du Festival et de son Académie : William
Christie, Hervé Niquet, Christophe Rousset,
Paul McCreesh, Jordi Savall, René Jacobs, ou
Stéphanie d’Oustrac et Philippe Jaroussky…
mais aussi les petits nouveaux et nouvelles révélations de la maison, et au premier chef,
Leonardo García Alarcón, le chef en résidence
et génie émergeant de la direction baroque.
Rapide tour d’horizon des points forts, entre le
13 septembre et le 6 octobre, dans ce lieu de
tous les rêves à mi-chemin entre Lyon et
Genève.
L’ouverture du Festival se fera avec les
Vêpres de Monteverdi, par la Capella
Mediterranea et le Chœur de chambre de
Namur, dirigés comme il se doit par leur chef
titulaire et chef en résidence, García Alarcón. Il
faudra ensuite faire une place pour les Mille et
une Nuits, spectacle concocté par Louise
Moaty, comédienne et chantre de la mise en
scène baroque. Un conte en musique (Marais,
Rameau, Couperin, Lully…) qui illustre
l’Orient vu par le baroque européen.
Le deuxième week-end fera événement,
avec la récréation de la version inédite de 1770
de Tito Manlio, opéra oublié de Vivaldi, par le
Concerto de’ Cavalieri et Marcello Di Lisa. Un
hommage à Carlos Gardel suivra, intitulé
Chante Tanguero !, dans un parfum de tango
tel qu’il se respirait dans les années 30 à Buenos
Aires. Mais il aura aussi, dans une note moins
pittoresque, les Noces de Figaro, à l’Opéra de
Lyon avec l’Orchestre baroque de Fribourg et
René Jacobs à la tête du meilleur plateau vocal
international.
La troisième fin de semaine
aura pour centre la Nuit du rêve,
avec la création du Ballet royal de
la nuit (1653) sur une musique de
Jean de Cambefort, sous l’égide de
l’Ensemble Correspondances et de
son chef Sébastien Daucé.
Car c’est à Alain Brunet,
inlassable et imaginatif animateur,
que l’institution doit tout : le
Festival lui-même, qui se tient
chaque année au début de l’automne, mais aussi ses émanations : le
Centre culturel de rencontres
ouvert toute l’année et en tous
temps, l’Académie baroque européenne dont sont sortis de multiples talents qui aujourd’hui brûlent
toutes les planches, le Réseau
européen de musique ancienne
dont le siège est à Ambronay, ou
l’Abbaye romane du lieu, admirablement restaurée dans ses nouvelles et permanentes fonctions culturelles.
La dernière fin de semaine
verra le retour d’Alarcón pour un
Orfeo de Monteverdi mis en scène
par Laurent Brethome, avec les
solistes, le chœur et l’orchestre de
l’Académie d’Ambronay, au
Théâtre de Bourg-en-Bresse. Mais
il faudra faire une place “ ArFolia
Libra ”, à partir de musiques de la
Renaissance sur le thème des
Folies d’Espagne, par le Quatuor
Arfi et l’Ensemble Aperto Libro.
Ou à la petite folie débridée
“ Atelier accordéon ”, ou au Tito
Robin Trio, mêlant guitare, oud,
bouzouq (instruments orientaux,
comme on l’imagine) et percussions.
Cette trente-quatrième édition
du Festival est entièrement redevable à Brunet (Bizeray ne signera
que celle de l’année prochaine,
assurément en collaboration avec
son prédécesseur). C’est ainsi que
l’on retrouve les noms illustres qui
ont fait cortège à l’Histoire glo-
Pierre-René Serna
Enrico Onofrio
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CALENDRIER DES CONCERTS
ET MANIFESTATIONS
WEEK-END 1 :
ven. 13 sept. 20h00 Chapiteau, Les Mille et une
Nuits, La Rêveuse, Louise Moaty / ven. 13 sept.
20h30 Abbatiale, Vêpres de Monteverdi,
Leonardo García Alarcón / sam. 14 sept. 17h00
Salle Monteverdi, Jeunes Ensembles, Incastri /
sam. 14 sept. 20h00 Chapiteau, Les Mille et
une Nuits, La Rêveuse, Louise Moaty / sam. 14
sept. 20h30 Abbatiale, Vêpres de Monteverdi,
Leonardo García Alarcón / dim. 15 sept. 11h00
Salle Monteverdi, Ainsi la nuit, Quatuor
Terpsycordes / dim. 15 sept. 15h00 Salle
Monteverdi, Jeunes Ensembles, Epsilon / dim.
15 sept. 17h00 Abbatiale, Bach Paradisio,
Ensemble Zefiro / mer. 18 sept. 20h30
Monastère de Brou, Invitation au voyage,
Stéphanie d’Oustrac.
Radio Antiqua Ensemble © Sébastien Smeur
WEEK-END 2 :
jeu. 19 sept. 20h30 Abbatiale, Farinelli, Philippe Jaroussky / ven. 20 sept.
20h30 Abbatiale, Tito Manlio, Concerto de’ Cavalieri / sam. 21 sept.
17h00 Salle Monteverdi, Jeunes Ensembles, L’Aura Rilucente / sam. 21
sept. 20h00 Abbatiale, Les Arts Florissants, William Christie / sam. 21
Louise Moaty, photo Nathaniel Baruch
sept. 21h00 Chapiteau, Chante tanguero !, D. Flores et W. Sabatier / dim.
22 sept. 11h00 Salle Monteverdi, Jeunes Ensembles, La Volute / dim. 22
sept. 15h00 Chapiteau, Hayim, Canticum Novum / dim. 22 sept. 16h00
Opéra de Lyon, Les Noces de Figaro, René Jacobs.
WEEK-END 3 :
mer. 25 sept. 9h30 Chapelle de Jujurieux, L’Orient rêvé, Les Esprits
Animaux / jeu. 26 sept. 20h30 Église de Pérouges, Motets de
Charpentier, Correspondances / ven. 27 sept. 20h30 Abbatiale, Odes de
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Purcell, Le Concert Spirituel / sam. 28 sept. 17h00 Salle Monteverdi,
Jeunes Ensembles, Radio Antiqua / sam. 28 sept. 20h30 Abbatiale, Nuit
du Rêve, Concert royal de la nuit / sam. 28 sept. 21h00 Chapiteau, Et les
rêves prendront leur revanche, Angélique Ionatos / sam. 28 sept. 22h30
Abbatiale, Nuit du rêve, Belle comme la lune / dim. 29 sept. 11h30 Salle
Monteverdi, Le trille du diable, Enrico Onofri / dim. 29 sept. 15h00
Chapiteau, La Belle et la Bête, Cie de l’Aune / dim. 29 sept. 17h00
Abbatiale, Acis et Galatée, Paul McCreesh.
WEEK-END 4 :
mer. 2 oct. 20h30 Prieuré de Blyes, Nuits occitanes, Ensemble Céladon / jeu. 3 oct. 20h30
Théâtre de Bourg-en-Bresse, Orfeo, Académie
d’Ambronay / ven. 4 oct. 20h30 Théâtre de
Bourg-en-Bresse,
Orfeo,
Académie
d’Ambronay / ven. 4 oct. 21h00 Chapiteau,
Impros Renaissance, ArFolia Libra / sam. 5
oct. 17h00
Salle Monteverdi, Jeunes
Ensembles, Capella Sanctae Crucis / sam. 5
oct. 20h30 Abbatiale, Mater dolorosa, Les
Talens Lyriques & C. Rousset / sam. 5 oct.
21h00 Chapiteau, Titi Robin trio / sam. 5 oct.
23h00 Abbatiale, La Rêveuse, Jordi Savall /
dim. 6 oct. 11h00 Abbatiale, Le clavecin français, Christophe Rousset / dim. 6 oct. 14h30
Tour Dauphine, Songes sacrés, Ensemble Les
Surprises / dim. 6 oct. 15h00 Chapiteau, La
Cour d’Éole, Cie La Corde à vent / dim. 6 oct. 17h00 Abbatiale, Le
Concert des Nations, Jordi Savall.
RÉSERVATIONS
- Sur place au bureau de location, de 10h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00.
Centre culturel de rencontre d’Ambronay
Place de l’Abbaye, 01500 Ambronay
- Sur Internet : www.ambronay.org et www.concertclassic.com
- Par téléphone au 04 74 38 74 04 de 10h00 à 12h30 et de 14h30 à 18h00.
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ambronay éditions
Dernières nouveautés
Piazzola - Monteverdi
Una utopia argentina
Cappella mediterranea,
dir. Leonardo Garcia Alarcon
Ambronay éditions, AMY034 / 71'50
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Voici un disque qui fait la part belle au
cross over comme on dit si joliment en français
courant !
A l'origine, il s'agit d'un spectacle au cours
duquel les musiciens, tous excellents, réunis par
Leonardo Garcia Alarcon se sont amusés à tisser
des liens entre les madrigaux de Monteverdi et
les tangos d'Astor Piazzolla. La démarche n'a
rien de gratuit, comme un peu trop souvent dans
ce genre d'entreprise, elle est abondamment justifiée par ses instigateurs, Leonardo Garcia
Alarcon, bien évidemment, qui tient tous les claviers, William Sabatier, au bandonéon, et Quito
Gato qui passe du luth aux guitares baroque et
électrique. Pour Alarcon, le tango et le madrigal
reposent tous deux sur des émotions, des affetti,
qui dictent la forme musicale ; ainsi deux compositeurs peuvent se rencontrer à travers les siècles et confier à leurs interprètes cette même part
de liberté inspirée par l'émotion.
donéon chez Monteverdi ou le cornet à bouquin
chez Piazzolla) ou à celui des accompagnements,
tout d'un coup légèrement décalés.
Une belle réussite en tout cas que ce disque
qui permet à ses interprètes de se montrer également compositeurs, comme c'était le cas à l'époque baroque et l'est encore dans l'univers du
tango.
Wolfgang-Amadeus Mozart
Requiem & Concerto pour clarinette
Benjamin Dieltjens, clarinette
Chœur de chambre de Namur et New Century
Baroque, dir. Leonardo Garcia Alarcon
Ambronay éditions, AMY038 / 65'40
Leonardo Garcia Alarcon propose ici une
version opératique de ces deux « tubes » mozartiens que sont le concerto pour clarinette et le
fameux Requiem.
Dans le concerto, le chef et son soliste se
sont inspirés des personnages de Da Ponte pour
nourrir leur interprétation, qui est, certes, extrêmement vivante, mais peut-être légèrement surjouée (certains staccatos en particulier sont un
peu surprenants). Le tout reste toutefois très virtuose et expressif.
Dans le Requiem,
on retrouve la même
esthétique déclamatoire. Les voix de l’excellent chœur de
chambre de Namur ne
semblent pas tant
chercher une homogénéité de type liturgique que l’émotion
que dégagent plusieurs solistes réunis.
L’accompagnement
instrumental est également ciselé : les
Chœur de Chambre de Namur © Jacques Verrees
accents sont soulignés,
les timbales et surtout
Gato et Sabatier ont assuré les arrange- les cuivres sont mis à l’honneur, tirant ce
ments, qui opèrent des rapprochements subtils Requiem vers des sommets d’intensité dramaentre les deux mondes, que ce soit au niveau des tique. Ici aussi, une petite réserve quant à certaiinstruments qui s'immiscent discrètement chez le nes options : la fugue du Kyrie, un peu rapide à
compositeur étranger (on retrouve ainsi le ban- mon goût pour un texte de supplication, se finit
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sur un tel climax que le choc du Dies Irae est un
peu atténué.
Cette version réserve également quelques
surprises au niveau du texte : un Amen, composé
par R. Maunder sur des sujets autographes de la
main de Mozart, suit le Lacrimosa, alors que le
Sanctus, le Benedictus et l’Agnus Dei ne figurent
pas sur cet enregistrement. Les questions liées au
texte du Requiem sont nombreuses, on le sait, et
Alarcon explique ses choix en revendiquant la
liberté de se « saisir d’une partition iconique sans
en être paralysé ».
Nul doute que cette version est loin d’être
figée dans un passéisme interprétatif !
François Couperin
Les Nations
Les Ombres, Margaux Blanchard, Sylvain
Sartre
Ambronay éditions, double CD, AMY035 /
105'56
Ensemble constitué en 2006, Les Ombres
s’efforcent de lier recherche musicologique et
interprétation « historiquement informée », leur
version des « Nations » du maître français en est
un bon exemple. Ces quatre « ordres », composés
à chaque fois d’une « sonade » suivie d’une suite
de danses à la française, sont censés répertorier
les différents « goûts » de l’Europe baroque.
Témoignage de ce dialogue européen, la version
pour orgue de Bach d’un des mouvements de la »
sonade » du troisième ordre (L’Impériale, selon
le goût allemand) qui est ici interprétée par
Benjamin Alard.
Cet enregistrement est une réussite à tout
point de vue : la qualité de l’interprétation repose évidemment sur le jeu très fin et soigné des
différents musiciens de l’ensemble, mais aussi
sur les choix d’instrumentation qui sont cruciaux.
Le recours aux instruments d’époque permet
d’accoupler des « dessus » qui se mêlent harmonieusement et créent des couleurs tout à fait particulières, comme le hautbois et le traverso, par
exemple ; avec une instrumentation moderne, ces
unissons risqueraient d’être plus agressifs.
Certains mouvements sont aussi joués par un
effectif plus fourni, ce qui fait ressortir l’aspect
pré-symphonique de ces suites, alors que d’autres se limitent à un dialogue de cordes. Le résultat est une impression de grande variété et la
richesse d’une palette sonore des plus agréables à
l’oreille de l’auditeur.
Catherine Fuchs
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AU GRAND THÉÂTRE
C R É AT I O N M O N D I A L E
LE SONGE
D’UNE
NUIT D’ÉTÉ
CHORÉGRAPHIE
MICHEL KELEMENIS
MUSIQUES DE
AU VICTORIA HALL
VERSION CONCERT
O P É R A E N 4 A C T E S E T 9 TA B L E A U X
SIGURD
ERNEST REYER
DIRECTION MUSICALE
FRÉDÉRIC CHASLIN
SIGURD ANDREA CARÉ
BRUNEHILDE ANNA CA
AT
TERINA ANTONACCI
FELIX MENDELSSOHN
SCÉNOGRAPHIE, COSTUMES & LUMIÈRES
NICOLAS MUSIN
B A S E L S I N F O N I E T TA
DIRECTION MUSICALE
ROBERT REIMER
CHŒUR DU GRAND THÉÂTRE
DIRECTION
CHING-LIEN WU
BALLET DU GRAND THÉÂTRE
PHILIPPE COHEN
ORCHESTRE DE
LA SUISSE ROMANDE
04>09.10.2013
06>10.10.2013
DIRECTION
SAISON1314
WWW.GENEVEOPERA.CH
+41(0)22 322 5050
SAISON1314
WWW.GENEVEOPERA.CH
+41(0)22 322 5050
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aix-en-provence
Diversité
Des grands titres du répertoire à l’affiche 2013, dans des
mises en scène souvent passionnantes, mais aussi une
création mondiale et la remise sur le métier d’un opéra de
Cavalli, en sommeil depuis 350 ans.
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George Gagnidze et Irina Lungu © Patrick Berger / Artcomart
Le Duc cul nu !
En ouverture du festival, c’est au cirque que le metteur en scène Robert
Carsen nous convie, où il a conçu la nouvelle production de Rigoletto. Cette
proposition fonctionne de manière cohérente, avec ses moments de déprime
qui succèdent à quelques accès de violence : pendant l’ouverture, le clown
Rigoletto trimballe une poupée gonflable, et plus tard il se démaquille et se
change – tel Canio dans I Pagliacci – avant de regagner sa maison, une petite roulotte au papier-peint jaune. Chez le Duc, des danseuses topless jouent
les tigresses, puis le maître des lieux ôte ses vêtements pendant son air
« Ella mi fu rapita », et termine les fesses à l’air (quelques spectatrices
applaudissent !), mais malheureusement sans essayer le contre-ut à la fin de
la cabaletta. Plus poétique, le « Caro nome » de Gilda assise sur une balançoire à 5 ou 6 mètres de hauteur, chanté sur fond de chapiteau transformé en
ciel étoilé, est un moment assez magique. La distribution vocale est globalement séduisante, mais pas forcément inoubliable, à commencer par
George Gagnidze dans le rôle-titre, qui possède la couleur du baryton Verdi,
mais manque de projection, en particulier dans l’aigu qui se resserre. Le
ténor Arturo Chacon Cruz (il Duca) fait entendre un timbre clair, élégant,
suffisamment puissant pour la cour de l’Archevêché, tandis que la soprano
Irina Lungu (Gilda) est avant tout émouvante et musicale, sans disposer
d’une grande marge technique par rapport aux difficultés de la partition. La
basse aux accents slaves Gábor Bretz (Sparafucile) et la Maddalena aguichante de José Maria Lo Monaco complètent les rôles principaux, tandis que
les choristes de l’Estonian Philharmonic Chamber Choir se montrent très
vigoureux, avec une modeste italianità par moments. Au pupitre,
Gianandrea Noseda, directeur musical du Teatro Regio de Turin, imprime au
London Symphony Orchestra des tempi très variables : pour exemple, le duo
plutôt lent de la « vendetta » qui clôt le second acte succède à un «
Cortigiani, vil razza dannata » rebondissant et proprement volcanique.
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Kristine Opolais, Joelle Harvey et Rod Gilfry © Patrick Berger / Artcomart
Don Giovanni
Le spectacle signé de Dmitri Tcherniakov n’avait pas fait l’unanimité
en 2010 lors de sa création ; c’est encore moins le cas cette année pour sa
reprise. La production est à nouveau un prodigieux numéro de théâtre, qui
se laisse d’ailleurs regarder plusieurs fois sans ennui, mais l’histoire qu’on
nous raconte n’a toujours que peu de rapports avec le Don Giovanni de
Mozart, en particulier les liens de filiation entre Anna, Elvira, Zerlina. Plus
grave, quelques choix du metteur en scène parviennent à mettre le chant en
péril : à force de jouer le zombie souffreteux en manteau beige (en laine),
Don Giovanni se met à dérailler sérieusement dans le « La ci darem ». La
distribution vocale emmenée par Marc Minkowski semblait meilleure sur le
papier que celle de 2010 (Louis Langrée était placé au pupitre), et c’est bien
l’exact contraire qu’il faut constater, les trop nombreux décalages entre le
London Symphony Orchestra en fosse et le plateau trahissant un manque de
cohésion criant. On retrouve trois protagonistes de l’édition 2010 – Anatoli
Kotscherga (Commendatore), l’excellent Kyle Ketelsen (Leporello) et
Kristine Opolais (Elvira), qui remplace Sonya Yoncheva annoncée – aux
côtés de l’éruptive Maria Bengtsson (Anna, pas très à l’aise sur les passages
vocalisés), du rustre Masetto de Kostas Smoriginas, et de la lumineuse
Joelle Harvey (Zerlina). Le ténor Paul Groves (Ottavio) n’est plus quant à lui
que l’ombre de lui-même, avec beaucoup de sons très laids et une justesse
parfois aléatoire, à tel point qu’on lui supprime son air « Il mio tesoro » au
2e acte.
«The House taken over» © Patrick Berger / Artcomart
« Ils » cassent la baraque !
En création mondiale, sur commande du Festival, The House taken
over du compositeur portugais Vasco Mendonça est représentée dans le
cadre enchanteur de la bastide du Grand Saint-Jean. Ce court opéra d’une
heure, tiré de la nouvelle Casa Tomada de Julio Cortàzar, met en scène un
couple frère – sœur, passablement vieux garçon et vieille fille tant leur vie à
l’intérieur de leur maison cossue semble tristounette et exempte de toute fan-
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taisie : repas à heures et minutes fixes, vérification quotidienne du bon fonctionnement des pendules, dépoussiérage en gants blancs des livres et meubles qui tient du cérémonial… Et pourtant, les esprits rôdent, « ils » attaquent : des livres tombent de la bibliothèque puis des objets du buffet, des
trous au plafond laissent passer une fine poussière... Rosa et son frère sont
contraints d’abandonner la salle de séjour / bibliothèque, se retranchent plus
tard dans l’étroit vestibule, puis quittent au final la maison, en route vers une
nouvelle vie où ils « trouveront du travail et se feront des amis ». La production de Katie Mitchell – réalisatrice la saison passée de Written on skin –
maintient le mystère de ce huis-clos oppressant mais non dénué d’un
humour bienvenu, dans le beau décor d’Alex Eales où les deux parties de la
maison sont habilement cloisonnées par un dispositif de portes qui claquent.
Le jeu théâtral semble ce soir dominer la partie musicale, celle-ci commentant agréablement l’action. Belles performances visuelle et vocale des deux
solistes, Kitty Whately (Sister) et Olivier Dunn (Brother), ce dernier ne
paraissant curieusement pas très à l’aise dans le registre le plus grave de la
partition.
«Elektra» – scène finale © Patrick Berger / Artcomart
brûle les planches dans l’emploi très drôle d’Iro. Tous les chanteurs seraient
à citer (6 des 13 chanteurs ont déjà participé à l’Académie européenne de
musique), mais on peut retenir encore le contre-ténor bien projeté Rodrigo
Ferreira (Peritoo) et la très prometteuse mezzo Anna Reinhold (Menesto, La
Pace). Le maître d’œuvre principal du projet reste le chef d’orchestre
Leonardo García Alarcón qui a reconstitué une nouvelle édition de la partition chant, et dirige – tout en assurant les parties de clavecin et d’orgue –
l’admirable petite formation (10 musiciens) de la Cappella Mediterranea.
Elektra électrodynamique
«Elena» © Patrick Berger / Artcomart
Cavalli, le bon cheval
Elève puis successeur de Monteverdi, le compositeur Francesco Cavalli
(1602-1676) connaît actuellement un incontestable regain d’intérêt. On se
souvient ces dernières années des représentations parisiennes de La Didone
au Théâtre des Champs-Elysées, puis de L’Egisto à l’Opéra-Comique, mais
aussi de la production décapante de Marianne Clément de Il Giasone pour
l’Opéra de Gand en 2010, ou encore de Ercole amante à l’Opéra
d’Amsterdam début 2009. C’est au tour du festival d’Aix-en-Provence d’apporter sa pierre à cette Cavalli Renaissance, qui ressuscite Elena dramma
per musica créé à Venise en 1659 en un prologue et trois actes de plus de
trois heures, opéra à vrai dire beaucoup plus comique que dramatique, sorte
de vaudeville autour des figures mythologiques d’Hélène, Ménélas, Thésée,
…. Dans le cadre intime du petit Théâtre du Jeu de Paume, le traitement
visuel de Jean-Yves Ruf est idéal, se concentrant sur le jeu des acteurs, fluide et naturel, dans les décors minimalistes mais efficaces de Laure Pichat :
quelques palissades concentriques permettent de rapides – et nombreuses !
– entrées et sorties des personnages, et aussi certains petits jeux de cachecache, alors que des cordes et lianes qui descendent des cintres sont du plus
bel effet en deuxième partie. La distribution vocale est jeune, particulièrement homogène et pleine de brillants talents, à commencer par le couple
central : la belle soprano Emöke Barath (Elena) et l’élégiaque contre-ténor
sopraniste Valer Barna-Sabadus (Menelao). Du côté des ténors, Fernando
Guimaraes (Teseo) est assez affirmé, tandis qu’Emiliano Gonzalez Toro
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Les meilleurs éléments avaient été convoqués pour monter une Elektra
inoubliable… et nous avons eu droit à une prodigieuse Elektra ! Si Patrice
Chéreau se fait rare à l’opéra, il reste fidèle à Aix (De la Maison des Morts
en 2007, Cosi fan tutte en 2005), et sa nouvelle production revisite le chefd’œuvre de Strauss – von Hofmannstahl, en laissant au deuxième plan le
côté monstrueux de la pièce pour y préférer le drame humain. Elektra est
certes sanguine, mais ne pousse pas jusqu’à la bête sauvage, et Klytämnestra
fait son apparition dans une robe noire toute simple, sans ajout excessif de
bijoux. Quelques passages restent gravés dans la mémoire : Elektra aux
pieds de sa mère, qui remonte en la prenant dans ses bars (ce sera la même
scène plus tard avec son frère Oreste), la reconnaissance d’Oreste et de son
précepteur par les plus vieux servants de la maison (à donner des frissons !),
les deux assassinats on stage de Klytämnestra et Ägisth, ce dernier étant poignardé par le précepteur, comme une basse besogne. Enfin, après quelques
pas de danse hystérique, Elektra s’assoit hébétée en reprenant son souffle, et
Oreste traverse et quitte le plateau, le devoir accompli. Evelyn Herlitzius n’a
pas la voix spécialement tranchante ni métallique d’une habituelle Elektra,
mais quels aigus, quelle santé, quel engagement total ! Waltraud Meier, sans
posséder les graves du rôle de Klytämnestra, fait valoir un timbre toujours
aussi somptueux et ne s’épanouit pleinement que dans l’aigu, alors que
Adrianne Pieczonka n’est pas une Chrysothemis à la voix cristalline, mais
fait concurrence à sa sœur en terme de puissance. Mikhail Petrenko (Orest)
est serein, voire un brin monolithique, et Tom Randle (Aegisth) manque
d’un peu de mordant. Certains rôles secondaires sont défendus par de très
grands noms, comme Sir Donald McIntyre (Ein alter Diener), ou encore
Franz Mazura (Der Pfleger des Orest) à peu près inaudible… à l’âge de 89
ans aujourd’hui ! La direction musicale d’Esa-Pekka Salonen aux commandes de l’Orchestre de Paris est d’une beauté indicible. Le chef construit une
très riche architecture orchestrale, et détaille certaines parties instrumentales, à tel point qu’on se surprend à découvrir quelques passages jamais
« vraiment » entendus auparavant.
François Jestin
Verdi – RIGOLETTO : le 4 juillet 2013 au Théâtre de l’Archevêché
Mozart – DON GIOVANNI : le 5 juillet 2013 au Théâtre de l’Archevêché
Mendonça – THE HOUSE TAKEN OVER : le 6 juillet 2013 au Grand Saint-Jean
Cavalli – ELENA : le 7 juillet 2013 au Théâtre du Jeu de Paume
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chorégies d’orange
Impressions
De nombreuses et variées émotions nous attendaient aux
Chorégies d’Orange, d’un Vaisseau fantôme dont la mise
en scène pleine de trouvailles nous a séduit, à un Ballo in
maschera qui, malgré quelques rares belles idées, n’a pas
soulevé d’enthousiasme débridé. Mais le concert lyrique
réunissant Patrizia Ciofi et Leo Nucci a constitué un
moment-phare du festival, une véritable fête !
Le Vaisseau fantôme
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Quel meilleur cadre offrir à un vaisseau, fantôme qui plus est, que la
grandeur du Théâtre antique d’Orange. La mission d’en tirer le meilleur
parti était confiée au metteur en scène Charles Roubaud, habitué des
Chorégies et à la scénographe Emmanuelle Favre. Principal élément du
décor, la proue éventrée du navire du hollandais volant, pointe en avant,
comme si elle venait de traverser le mur monumental du fond de scène.
Tant pis si à la question de Daland : « Hast Schaden Du genommen ? » le
Hollandais répond : « Mein Schiff ist fest » !!! En fait, selon le livret, il est
censé à la fin repartir avec, même si Senta le sauve in extremis de la malédiction en se précipitant dans les flots, prouvant ainsi la force absolue de
son amour pour lui.
Autre trouvaille : les gigantesques cordages jetés d’une paroi latérale
qui suggèrent l’amarrage du bateau de Daland dont la vue nous reste
cachée. Des projections complètent intelligemment le dispositif indiquant
discrètement les changements de lieu (rivage norvégien / maison de
Daland / crique). Le jeu des éclairages sur l’épave, qui se transforme finalement en gigantesque tête de mort, est tout à fait réussi.
Côté chanteurs, nous avons apprécié surtout la basse puissante et chaleureuse du Danois Stephen Milling, le seul à même de dominer l’orchestre wagnérien non couvert par une fosse et contre lequel les autres éprouvaient quelque peine à lutter. Ainsi le Letton Egils Silins dans le rôle principal, dont l’organe au timbre plaisant mais manquant de projection et de
focalisation, aurait certainement été mis davantage en valeur dans une
salle traditionnelle. De même pour la Senta d’Ann Petersen, souffrant elle
aussi vocalement de la configuration des lieux, mais compensant par son
jeu touchant et différencié une insuffisance dans la concentration du son
qui l’empêche de se hisser au niveau des plus grandes. Quant à Endrik
Wottrich, il déçoit par le caractère plutôt râpeux de sa voix et des aigus forcés, mais fait du personnage d’Erik un passionné qui ne laisse pas indifférent. Terminons par notre coup de cœur, le timonier de l’Australien Steve
Davislim, dont le ténor juvénile et lumineux aux accents « björlingiens »
et la parfaite ligne de chant ne laissaient rien de plus à désirer.
Saluons aussi l’honorable performance des chœurs et relevons en particulier le dialogue des équipages – celui de Daland et celui du Hollandais
- la sonorisation particulière de ce dernier lui donnant véritablement la
couleur funèbre d’un chant d’outre tombe.
Le chef finlandais Mikko Franck, qui prendra la direction de
l’Orchestre Philharmonique de Radio France en 2015, dirige assis et – en
tout cas c’est l’impression qu’il nous a faite - sans mouiller sa chemise. Il
tente d’éviter la lourdeur en favorisant la transparence, ce qui est louable,
mais on aurait aimé plus de flamme et d’émotion dans cet opéra encore
teinté de tradition italienne.
Martine Duruz
Anne-Catherine Gillet (Oscar) © Gromelle
Un Ballo in maschera
Chargé de la nouvelle mise en scène de ce Ballo, Jean-Claude Auvray
déclarait son intention préalable de se démarquer totalement de sa précédente production de l’ouvrage, qui a tourné ces dernières années dans de
nombreux théâtres, entre autres à Avignon et Nice en 2004, Marseille en
2008 (voir SM 204), reprise par Louis Désiré à Monte-Carlo en 2011 (voir
SM 230). La réalisation visuelle est cette fois un peu plus aboutie, mais ne
soulève pas non plus d’enthousiasme débridé ; elle est même franchement
huée par une partie du public au « rideau » final. On décèle pourtant de
rares belles idées, comme lorsque Riccardo fait mine de tomber mort après
que la sorcière Ulrica lui a prédit sa mort prochaine, puis se relève guilleret pour attaquer son air « E scherzo od è follia », ou encore au début de
l’acte III lorsqu’Amelia enlace son époux pour lui demander de saluer son
fils une dernière fois, mais Renato ne se laisse pas amadouer et se dégage
à chaque fois. Esthétiquement, les plus beaux moments sont ceux où le
plateau est nu, dans les somptueux éclairages de Laurent Castaingt (utili-
«Le Vaisseau fantôme» © Philippe Gromelle Orange
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sation intelligente des deux colonnes du Théâtre Antique pour figurer le
gibet de l’acte II), mais les mouvements des artistes sont trop souvent
convenus, accompagnés de quelques images kitsch (comme le ballon
lumineux chez Ulrica).
Deux chanteurs se dégagent parmi les protagonistes : c’est l’Oscar
d’Anne-Catherine Gillet qui remporte la palme à l’applaudimètre, voix
fraîche, adolescente, piquante, puissante, et un petit vibratello qui sied
idéalement au personnage, et puis le ténor Ramón Vargas (Riccardo) qui
fait après 30 ans de carrière une nouvelle démonstration de chant élégant,
bien conduit, efficacement projeté, bien conscient que son volume naturel
reste limité. Les moyens de la jeune soprano noire américaine Kristin
Lewis (Amelia) sont quant à eux considérables : beauté du timbre, contrôle des écarts vertigineux de la partition, aigus charnus. Ne lui manque
aujourd’hui qu’un travail sur l’interprétation et l’émotion – qu’on cherche
en vain ce soir – pour mettre la salle à genoux. Sylvie Brunet-Grupposo
(Ulrica) remplit sans problème son office dans son court rôle, tandis que
la prestation du baryton Lucio Gallo (Renato) est très éloignée de celle de
ses collègues : poussif, très tendu, pas toujours juste, avec deux nets accrochages dans la soirée, en limite d’accident vocal sérieux. L’Orchestre
National de Bordeaux Aquitaine est techniquement sans reproches (mise à
part une trompette qui joue une partition inconnue pendant quelques
mesures !), de belle facture, mais le chef Alain Altinoglu choisit trop souvent des rythmes lents, amenant un déficit de nerf, d’énergie, de rebondissement à la musique. La romance de Riccardo « Ma se m’è forza perderti » dans la dernière scène de l’opéra est toutefois un passage superbement
ressenti et dirigé : un grand merci !
Ciofi – Nucci – Verdi
Donné entre les deux représentations du Ballo in maschera, dans le
cadre du bicentenaire de la naissance de Verdi, le concert lyrique associant
Patrizia Ciofi et Leo Nucci aura sans doute constitué l’événement le plus
excitant de l’édition 2013 des Chorégies. C’est à nouveau l’Orchestre
National de Bordeaux Aquitaine qui se trouve « en fosse », mais cette fois
le chef Roberto Rizzi Brignoli, par ses variations et ses choix de tempi, de
nuances, de couleurs, donne de l’ampleur à la musique, du mouvement, du
ressort. La scène est complètement vide, mais la seule apparition d’un
artiste de la trempe de Ciofi ou Nucci suffit au spectateur pour vivre le
dilemme de Traviata qui joue avec son voile dans « E strano », ou compatir avec Rigoletto en personne lorsque le baryton italien traîne la patte, le
dos très légèrement voûté. Après les toute premières mesures de mise en
place, Leo Nucci nous donne une nouvelle preuve d’une sorte de miracle
vocal en Germont et Rigoletto : phrasé, puissance, étendue, et vibrato
complètement sous contrôle à 71 ans ! Patrizia Ciofi, en Violetta Valéry
puis Gilda, est plus aérienne, musicale, éthérée que jamais dans les passages élégiaques. Et quand ces deux-là se retrouvent dans le duo de la
Vendetta, en conclusion de l’acte II de Rigoletto, c’est la fête à Orange :
bis, tris et standing ovation !
François Jestin
Wagner : DER FLIEGENDE HOLLÄNDER – le 12 juillet 2013 au Théâtre Antique
d’Orange
Verdi : UN BALLO IN MASCHERA – le 3 août 2013 au Théâtre Antique d’Orange
Concert Patrizia CIOFI / Leo NUCCI – le 5 août 2013 au Théâtre Antique d’Orange
colmar
Découverte
Pour la 25e année consécutive, Vladimir Spivakov a animé
le Festival de Colmar, dans une ville au diapason de la
manifestation.
Il fallait marquer cet anniversaire, et c'est autour de sa personnalité, de
ses amis, qu'a eu lieu l'édition 2013, organisée impeccablement par une
équipe attentive. Le directeur artistique a aussi joué de son violon. Comme
à chaque fois, de nouvelles personnalités se sont présentées.
Se déroulant sur plusieurs sites, chacun lié à une forme musicale, les
concerts ont fait le plein : Dans la salle du Koïfhus consacrée au récital, les
mélomanes ont pu applaudir le coloriste Martin Helmchen au clavier associé à Marie-Elisabeth Hecker à l'archet, ou l'époustouflant Vadim Gluzman
au violon, accompagné au piano par Angela Wolfe.
La chapelle Saint Pierre et le Théâtre municipal accueillaient la
musique de chambre, pour laquelle le maître Spivakov s'est personnellement
impliqué. Quintette et quatuors se sont succédé dans une complicité évidente entre les concertistes.
Dans la belle et grande église Saint-Matthieu avaient lieu les concerts
symphoniques, conduits souvent, avec le panache qu'on lui connaît, par le
maître russe. Mais le podium a aussi
été occupé par Ken-David Masur.
Avec lui, la relève paraît bien assurée
! Le jeune chef, germano-nippon, a
fait forte impression lors d'un
concert consacré à Beethoven
(Ouverture de Coriolan, Triple
Concerto, Symphonie Pastorale). Le
compositeur de Bonn a été joué par
un très grand orchestre moderne, de
manière chatoyante; une telle
conception, miroitante, ne va pas
dans le sens actuel de l'interprétation. Le maestro assume et défend sa
Ken-David Masur
représentation à contre-courant, que
d'aucuns jugeraient même provocatrice : « la partition laisse assez de marge
interprétative. Chaque ensemble permet de faire ressortir des choses différentes. Beethoven a toujours souhaité élargir l'acoustique. L'Orchestre
National Philharmonique de Russie offre une grande largeur de pupitres.
J'ai donc profité de montrer combien le compositeur regardait vers l'avenir... et qu'il pouvait transmettre du bonheur !»
L'avenir ? Vladimir Spivakov sera-t-il là pour les éditions suivantes ?
Une rumeur pose la question... Avec ou sans lui, le Festival continuera son
développement. Une réception a accueilli, entre autres, un représentant du
Canton du Jura et un Conseiller d'Etat de Bâle-Campagne. Née dans un
cadre municipal, développée dans une dimension départementale, la manifestation s'insère désormais dans le concept transfrontalier de la «Regio
Basiliensis». Qui a dit que la musique n'a pas de frontières ?
Pierre Jaquet
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festival
Haendel & Gluck
Le dernier week-end du Festival de Beaune s’est entièrement voué à Haendel,
avec le Messie, Orlando et L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato. Ou un oratorio
célébrissime, mais sous un jour nouveau, un opéra reconnu mais consacré, et
une pastorale aux couleurs de symphonie : les trois volets de l’esthétique
britannique (qui serait tout autant allemande et italienne) du compositeur, et
dans chaque cas une fête des voix.
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Donc, The Messiah. Cet oratorio biblique
n’est pas si fréquent qu’on pourrait le croire, en
dépit de son hymnique “ Alleluia ”. C’est ici
Christophe Spinosi qui le sert, en compagnie
d’un plateau vocal particulièrement élu : David
DQ Lee, le petit chéri de Beaune, alto masculin à
la coloratoure éblouissante, la ferme soprano
Adriana Kucerova, le ténor assuré Julien Behr et
le baryton-basse approprié Andreas Wolf. Mais la
palme revient au Chœur de chambre de Namur,
précis et allant, puissant et nuancé, le meilleur
chœur actuel pour le répertoire baroque que désormais tous les ensembles spécialisés s’arrachent. L’Orchestre Matheus délivre pour sa part
un bel enthousiasme, et la battue de son chef titulaire, Spinosi, ne se départit pas d’une constante
vigueur.
«Orlando», photo Pablo Ruiz
Le lendemain, changement du tout au tout.
Orlando est restitué dans une facture lisse,
impeccable, d’un professionnalisme sans accroc.
Car l’opéra de facture italienne de Haendel, aux
teintes tragiques et aux airs diversement ornementés, joue maintenant dans la cour des grands,
à la suite d’une série de concerts qui l’ont parachevé, avec des interprètes de renom international. Parmi ceux-ci, un divo et une diva : Bejun
Mehta et Sophie Karthäuser. Le contre-ténor possède l’aisance, la projection et l’éloquence qui
a
ont fait sa juste et grande réputation. La soprano
distille de mêmes vertus, dans un registre plus
traditionnel, celui des belles pointures lyriques.
Mais on aurait garde d’omettre dans les louanges
Sunhae Im, soprano gracile à la technique
confondante. Kristina Hammarström est une
mezzo convaincante, à côté d’un baryton
(Konstantin Wolff) qui le serait moins. René
Jacobs officie, avec l’autorité qu’on lui connaît,
devant son nouvel ensemble instrumental,
B’Rock (sic !), venu de Belgique mais aux composants issus de tous les horizons de la géographie baroque, dans la compétence des plus grandes formations internationales. Une sorte de
bijou parfaitement serti et ciselé.
Le serait pareillement, pour le tout dernier
jour du festival, L’Allegro, il Penseroso ed il
Moderato. Si ce n’est que la touche
britannique s’impose cette fois.
Normal ! pour cette “ Ode ” profane
sur un livret en anglais (tout comme
le Messie, ce que son intitulé ne laisserait pas supposer), mais dont
l’esprit aussi respire un parfum d’outre-Manche. Ici la couleur évanescente domine, comme dans le délicat
aria agreste de la soprano, transmis
par le délicieux sotto-voce de Gillian
Webster. Et pour toute vocalité
anglaise, ne manque pas un soprano
enfant, en l’incarnation aérienne de
Ruth Provost. Jeremy Ovenden est
un ténor mixte, aux aigus en voix de tête, qui sied
à ce répertoire, et Ashley Riches une basse dramatique. Paul McCreesh dirige ses Gabrieli
Consort & Players avec la ferveur retenue, flegmatique mais diserte, qui se doit.
Pierre-René Serna
Orfeo ed Euridice
Que farò senza Euridice ? chante Orfeo le
fidèle époux que la raison a abandonné. Et que
faire sans castrat ? lorsque l'on donne à entendre
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l'Orfeo de Gluck puisque le compositeur a conçu
le rôle-titre de la première version viennoise de
1762 à l'intention de Gaetano Guadagni ? On
connaît donc le dilemme concernant le choix de
l'interprète de nos jours, ceci venant s'ajouter aux
différentes versions, à commencer par la parisienne de 1774 conçue par le compositeur luimême pour ténor, pour aboutir à la version remaniée par Berlioz pour Pauline Viardot, mezzosoprano. Si l'on ajoute la tentation de recourir à
un contre-ténor pour éviter un problème de travestissement, on voit que le champ des possibles
est vaste. Renonçant à convoquer des contreténors, tel un Max Emanuel Cencic à l'affiche le
soir suivant ou l'impressionnant David DQ Lee
également au programme de cette édition du festival, la directrice Anne Blanchard a eu l'heureuse idée de faire le choix le plus logique désormais, celui d'un contralto, Clémentine Margaine.
Cette dernière, connue comme mezzo depuis
quelques années - sa carrière a débuté à
l'Académie d'Ambronay en 2005 et elle a été la
révélation lyrique lors des Victoires de la
musique en 2011 – a notamment déjà interprété à
de nombreuses reprises le rôle-titre de Carmen.
Le choix d'un talent prometteur faisant la réputation du festival de Beaune, on ne pourra que
saluer une fois encore une proposition de distribution digne d'éloges. Orfeo aux couleurs sombres, aux nuances irréprochables, Clémentine
Margaine incarne le rôle-titre avec une indéniable expressivité mise au service d'un timbre
somptueux, et à ses côtés Roberta Mameli
démontre un instinct dramatique évident et fait
apprécier une voix d'une belle ampleur dans le
rôle d'Euridice. L'Amour de Mari Eriksmoen au
phrasé délicat complétait la distribution alors que
Federico Maria Sardelli avait fait preuve d'un
mélange bienvenu de vivacité et de précision à la
tête d'un excellent Orchestre Modo Antiquo et du
non moins impeccable Choeur de Chambre de
Namur.
La veille, Hervé Niquet était à la tête du
Chœur et de l'Orchestre Le Concert Spirituel
pour un programme consacré à une Messe de
Campra curieusement couplée avec des compositions qui avaient été destinées par Vivaldi aux
jeunes filles de l'Ospedale della Pietà : le Gloria
RV 589, le Magnificat RV 610 et trois Psaumes.
Surprenant contraste au demeurant entre deux
contemporains que tout semble distinguer du
point de vue du style et qui a permis de faire
apprécier l'homogénéité des voix des choristes,
même si l'on pouvait regretter un certain manque
de raffinement dans la déclamation des textes.
Frank Fredenrich
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radio-france et montpellier
Raretés
C’est à nouveau le thème « Musique et pouvoir » qu’a choisi Jean-Pierre Le
Pavec pour sa deuxième saison en tant que le directeur du festival, autour de
deux sujets plus précis : l’Amérique et Napoléon.
Etienne Dupuis et Nora Gubisch © Marc Ginot
performance, beaucoup plus un spectacle plein
de vie qu’un concert, avec les jeux de lumière, la
spatialisation des sons des trois chœurs, le déhanchement des choristes baba cool, …
La blanchisseuse et
La Vivandière
Jubilant Sykes (The Celebrant) © Marc Ginot
La rare Madame Sans-Gêne d’Umberto
Giordano est bien trouvée pour illustrer la figure
de Napoléon, personnage haut en couleurs de la
pièce éponyme de Victorien Sardou. Comme la
pièce de théâtre, l’opéra retrace le parcours de la
blanchisseuse Catherine Hubscher, mariée au
Montpellier à la Mass
Pour sa soirée d’ouverture, le festival
s’est lancé un pari particulièrement audacieux : monter Mass de Leonard Bernstein,
œuvre musicalement complexe, protéiforme, et rarement représentée, exigeant un
nombre très élevé de musiciens et chanteurs. Commandée par Jackie Kennedy
pour l’ouverture en 1971 du Kennedy
Center for the Performing Arts à
Washington, Mass convoque en effet un
orchestre symphonique au grand complet,
mais aussi des guitares électriques, batterie
et percussions, trois chœurs – ce soir celui de la
Radio lettone pour les adultes, Opéra Junior pour
les enfants, et l’ensemble Aedes pour les parties
de jazz, gospel, rock… –, ce groupe impressionnant étant parfaitement coordonné par le chef
James Judd. En vrai maître de cérémonie, le
baryton sonorisé Jubilant Sykes (The Celebrant)
chante, déclame, s’agenouille (« Let’s pray ! »),
communie au milieu de ses percussions, court et
virevolte sur le plateau : l’ambiance mystique
passe. La musique de ce cher Lenny est extrêmement attachante, passant d’un petit son ténu (dont
certaines séquences sur bandes enregistrées en
1971) à des explosions de cuivres et percussions,
collages ou juxtapositions de classique, religieux,
musical (on pense évidemment à West Side Story,
mais aussi à Hair). Les textes sont aussi passionnants et non dénués d’humour, comme quelques
passages sur le rôle de la musique et des notes, et
au final c’est une standing ovation qui salue la
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Adam Diegel et Iano Tamar © Luc Jennepin
sergent Lefebvre qui, devenant maréchal
d’Empire, promeut sa femme au rang de
Duchesse de Dantzig. Celle-ci conserve son
franc-parler ce qui fait le sel de nombreuses
confrontations avec les autres personnages, dont
l’Empereur lui-même. Pour ce qui concerne la
partition, l’ambiance musicale vériste se rapproche de celle d’Andrea Chénier, œuvre-phare de
Giordano, et cela démarre au quart de tour au
début du 1er acte, avec un volume relevé des cuivres et chœurs sur l’air de La Carmagnole (il y
aura même quelques mesures de la Marseillaise à
l’acte II). La foule dispersée, les deux actes suivants sont plus resserrés et proposent de jolis
airs, parfois dans un agréable comique de situation comme lorsque Madame Sans-Gêne prend
des cours de révérence, ce qui peut laisser penser
que cet ouvrage, très visuel, gagnerait à être mis
en scène. Sous la baguette solide et souvent très
sonore de Marco Zambelli, la distribution est
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emmenée par Iano Tamar dans le rôle-titre, qui se
montre sensible et musicale, développant sa puissance au cours de la soirée. Le ténor Adam
Diegel (Lefebvre) manque de stabilité, de graves,
et l’aigu est toujours très tendu et parfois
périlleux, Franck Ferrari (Napoléon) semble s’étouffer dans l’aigu, tandis que Franco Pomponi
(Fouché) est très à l’aise. Les rôles secondaires
sont moins convaincants, à l’exception du puissant baryton Florian Sempey (Leroy) et de l’élégant ténor Matteo Mezzaro (Despréaux).
On attendait beaucoup de la résurrection de
La Vivandière de Benjamin Godard, opéracomique jamais repris depuis les quelques représentations suivant sa création en 1895, et il faut
avouer une franche déception. La musique
fait des allers et retours incessants entre
d’un côté la facture militaire et ses trompettes et tambours, et de l’autre quelques
moments lyriques certes plus flatteurs pour
l’oreille mais qui n’étonnent guère. Le livret est par ailleurs construit avec de la ficelle assez épaisse, et cet ensemble ne constitue finalement pas une révélation. Ceci est
bien dommage car l’équipe artistique n’est
pas loin du sans-faute. Le chef Patrick
Davin défend avec cœur cette partition et
donne le meilleur relief possible à la
musique, tandis que Nora Gubisch dessine un
personnage de caractère en Marion la Vivandière.
A ses côtés, le ténor Florian Laconi (Georges)
claironne ses aigus alors que la justesse du chant
piano est moins impeccable, tandis que les deux
barytons francophones Etienne Dupuis (Bernard)
et Alexandre Duhamel (La Balafre) confirment
qu’ils sont parmi les meilleurs du moment, en
termes de qualité de timbre, de diction, de projection. La comparaison avec Franck Ferrari (Le
Marquis) est cruelle pour ce dernier, sa voix
étranglée lui retirant toute autorité, et pour compléter les rôles principaux, la jeune soprano franco-nigériane Omo Bello (Jeanne) aux aigus
aériens est une intéressante découverte.
François Jestin
Bernstein : MASS - le 11 juillet 2013 au Corum de
Montpellier / Giordano : MADAME SANS-GÊNE - le 19
juillet 2013 au Corum de Montpellier / Godard : LA VIVANDIERE - le 24 juillet 2013 au Corum de Montpellier
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saison 2013-2014 des spectacles onésiens
En avant la musique !
Depuis plus d’un quart de siècle, les Spectacles onésiens, dirigés par leur
créatrice Cyrille Schnyder-Masmejan, apportent bonheur et douceur à la
routine quotidienne tout au long de l’année grâce à leur programmation
variée faite de chanson, théâtre musical, jazz, humour et musique.
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Durant cette cette 26ème saison, le public
est convié à découvrir ou à retrouver des
auteurs-compositeurs-interprètes, des jongleurs
de mots, des humoristes déjantés ou décalés,
des clowns qui font rêver les spectateurs de tous
âges. La programmation démarre en musique
avec Get the Blessing; le groupe anglais de
GTB est composé de quatre musiciens de
renom : Jim Barr (Portishead), Clive Deamer
(Portishead / Radiohead), Jake McMurchie et
Pete Judge (Super Furry Animals). Suivra Max
Romeo, une des dernières stars vivantes du reggae roots, précédé par Green System, un groupe de reggae genevois.
Côté humour, cette saison sera l’occasion de
retrouver des habitués de la scène onésienne
comme Guy Bedos, Brigitte Rosset, Frédéric
Recrosio, Les Frères Taloche, Marc DonnetMonay. Les musiques seront dignement illustrées par la chanteuse Ana Moura, nouvelle
representante du fado, découverte par les Rolling
Stones ainsi que par Idir, défenseur de la culture
kabyle depuis les années 70.
Au mois de novembre, la 9ème édition du
Festival des Créatives mettra à l’honneur la
création féminine en présentant des artistes de
la scène musicale actuelle, locale et internationale ; ainsi, tout projet artistique proposé par
une femme, qu’elle soit accompagnée ou non
par d’autres hommes ou femmes, seront donnés
à voir durant ce festival. (www.lescreativesonex.ch).
Quant aux découvertes, elles seront tant
musicales qu’humoristiques avec, d’une part,
Bassekou Kouyaté & Ngoni Ba, Maître de
Ngoni – l’ancêtre du banjo - musicien malien
épatant dont la musique oscille entre rock et tradition, alliant la culture mandingue à la modernité, et, d’autre part, Emma la Clown &
Catherine Dolto qui se livrent à une conférence déjantée, ce qui conduit à un intense moment
de complicité entre l’haptothérapeute Catherine
Dolto et la clownesse Emma, entraînant dans
une osmose de rires l’assemblée. Cette saison
s’achève dans la joie et le chant avec Chanson
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le Malien Bassekou Kouyaté ou les incroyables
batteurs français Fills Monkey... Côté jazz nous
recevrons la star des chanteuses actuelles, la
Coréenne Yun Sun Nah et le très inspiré pianiste
genevois Marc Perrenoud qui viendra vernir son
nouvel album au Manège.
Mon attirance pour les démarches artistiques originales m'a souvent amenée à engager des spectacles hors du commun. Cette saison il y en aura
trois très particuliers et qui me tiennent à cœur,
Plus, héritiers des Frères Jacques,
spécialistes du détournement des
plus grands standards de la chanson
française pour notre plus grand
divertissement.
Pour le jeune public, les
Récrés-Spectacles offriront aussi
une belle occasion de s’évader le
dimanche ou le mercredi aprèsmidi, au Manège-Onex, entre notes
de musiques, éclats de rire, poésie
et rêveries avec, par exemple, Saska
Circus, Babar et Ferdinand ou Le
Petit Bonhomme carré.
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Q
Ana Moura
Je suis toujours aussi enthousiaste à dénicher de
nouveaux artistes tout comme je suis bluffée par
ceux qui arrivent à durer grâce à leur talent. Les
longues carrières sont rares dans ce monde de
plus en plus porté sur le zapping et la nouveauté.
Comme l'émotion n'a pas de frontières, je recherche des spectacles qui peuvent toucher un public
de tout âge et toutes cultures. Ces spectacles
revêtent différentes formes artistiques, musicales
mais aussi très visuelles. L'important est qu'un
artiste ait un univers bien à lui. Chaque artiste est
incomparable et je suis toujours émerveillée
devant une nouvelle personnalité artistique.
Quels sont les temps forts de la saison
2013-2014 ?
Comme chaque année depuis vingt-six ans, il y
aura des artistes cultes, comme Guy Bedos, qui
me fait l'amitié de venir faire ses adieux au public
genevois à Onex - il a en effet décidé, à 80 ans,
d'arrêter le One Man Show - ou Max Romeo,
l'une des dernières légendes du reggae de l'époque Marley. Des artistes connus et déjà venus
à Onex comme les humoristes suisses Frédéric
Recrosio ou Marc Donnet-Monay ou le cantatore piémontais Gianmaria Testa ou le Kabyle Idir,
et des découvertes comme la fadista Ana Moura,
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Depuis plus d'un quart de siècle, vous
dirigez les Spectacles onédiens; comment
conservez-vous votre passion intacte ?
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Entretien: C. Schnyder-Masmejan
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comme la rencontre entre Catherine Dolto et
Emma la clown pour une conférence aussi intéressante que désopilante, un concert réunissant le
philosophe Luc Ferry et l'ensemble Art en Ciel
autour des mythes amoureux dans la littérature et
la musique ou une Vie sur mesure, un seul en
scène pour un comédien et sa batterie, un petit
bijou de spectacle aussi drôle que troublant, déniché dans le Off d'Avignon.
Qu'en est-il des collaborations ?
Côté collaborations, nous ouvrons notre saison
avec un très beau projet organisé avec la Bâtie,
les Anglais Get the Blessing et leur show free jazz
tendance trip hop festive. Pas de participation à
JazzContreBand cette année pour des questions
de dates mais nous soutenons toujours le festival
tout comme Antigel avec qui nous n'avons pas de
projet cette saison non plus mais ce n'est que partie remise. Par contre nous collaborons toujours
avec le service cultuel Migros qui co-produit 9
spectacles avec nous et bien sur avec l'association
les Créatives pour le festival du même nom qui
aura lieu du 14 au 16 novembre à la salle communale d'Onex avec une soirée d'ouverture le 13 au
Manège et une collaboration avec Pathé pour la
projection de films de réalisatrices. Le programme sera dévoilé le 18 septembre sur le site lescreatives-onex.ch et le festival se déroulera également dans d'autres communes du canton.
Propos recueillis par Firouz-E.Pillet
www.spectaclesonesiens.ch
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TEMPS & MUSIQUE
MUSIQUE DE CHAMBRE SAISON 2013-2014
ABONNEMENTS DÈS LE 26 MARS
VENTE LIBRE DÈS LE 3 JUIN
T 021 315 40 20
WWW.OPERA-LAUSANNE.CH
SUIVEZ-NOUS SUR
Conservatoire de Genève à 20 h
Lundi 7 octobre 2013
LAWRENCE POWER, alto et violon
TRULS MØRK, violoncelle
SIMON CRAWFORD-PHILLIPS, piano
SAISON 2013-14
OPÉRAS
LAKMÉ
LÉO DELIBES
LES MOUSQUETAIRES
AU COUVENT
LOUIS VARNEY
Lundi 11 novembre 2013
VILDE FRANG, violon
MICHAIL LIFITS, piano
LE VOYAGE DANS LA LUNE
JACQUES OFFENBACH
LUISA MILLER
GIUSEPPE VERDI
IL BARBIERE DI SIVIGLIA
GIOACCHINO ROSSINI
Lundi 13 janvier 2014
DIE LUSTIGEN WEIBER
VON WINDSOR
OTTO NICOLAI
COREY CEROVSEK, violon
HSIN-YUN HUANG, alto
ZVI PLESSER, violoncelle
GILLES VONSATTEL, piano
JEUNE PUBLIC
HÄNSEL ET GRETEL
ENGELBERT HUMPERDINCK
GAËTAN
S’OFFRE L’OPÉRA !
OPÉRAS VERSION CONCERT
L’ORFEO
CLAUDIO MONTEVERDI
Lundi 10 février 2014
DORILLA IN TEMPE
ANTONIO VIVALDI
QUATUOR SIGNUM
DANSE
ISRAEL GALVÁN
LO REAL / LE RÉEL
Lundi 17 mars 2014
BÉJART BALLET LAUSANNE
LE MANDARIN MERVEILLEUX
QUATUOR BRENTANO
Billetterie dès le 16 septembre:
Service culturel Migros Genève,
Rue du Prince 7, tél. 022 319 61 11
Stand Info Balexert, Migros Nyon-La Combe
www.culturel-migros-geneve.ch
CONCERTS & RÉCITAL
I TURCHINI
BACH ET LA MUSIQUE NAPOLITAINE
Organisation:
SANDRINE PIAU & LES PALADINS
LE TRIOMPHE DE L’AMOUR
CARTE BLANCHE À CÉDRIC PESCIA
AVEC SEBASTIAN GEYER
VIVALDI & PIAZZOLLA
ISABELLE MEYER
Théâtre des Marionnettes
de Genève
LA BOSSE DU THÉÂTRE
MAIS OÙ EST PASSÉ LÉON ?
Dès 7 ans / Adultes, ados
19 au 22 septembre 2013
Un Polichinelle farceur
et révélateur.
Dès 4 ans
25 septembre
au 13 octobre 2013
Voyage au pays rêvé des jouets
et de leurs ombres.
3, rue Rodo, Genève – 022 807 31 07 – www.marionnettes.ch
GALERIE LA FERME DE LA CHAPELLE
39, ROUTE DE LA CHAPELLE | CH -1212 GRAND-LANCY
WWW.FERMEDELACHAPELLE.CH
Ville de Lancy
République et canton de Genève
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saison 2013-2014 du forum de meyrin
Emotions
des corps
Il semble que, saison après saison, le Théâtre du ForumMeyrin poursuive la même quête scénique des corps en
mouvement. Théâtres, danses, musiques et cirques rivalisent d’invention et d’intensité pour
s’adresser à un très large public qui sait la qualité des
spectacles ambitieux proposés par la direction
d’Anne Brüschweiler.
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Il suffit de suivre le parcours fléché qui figure au centre du nouveau
programme : la saison prochaine, le public pourra « rencontrer de drôles
d’animaux », « rêver d’un monde meilleur », « perdre tour à tour la raison, le sens réalités, la mémoire ou la tête » ; il aura droit à une double
ration de Shakespeare, mais pourra également croiser des auteurs vivants
et imaginer des scénarios catastrophes… ! Pour la maîtresse des lieux,
l’essentiel est de faire de ce théâtre un lieu vivant, passionné et passionnant. Voici donc brièvement une idée du mouvement perpétuel qui anime
le théâtre meyrinois, effectivement conçu comme un forum contemporain.
La saison débute en août par le traditionnel partenariat avec le Festival
de la Bâtie. De la danse avec la brillante berlinoise Sasha Waltz et son
réjouissant Travelogue I-Twenty to Eight, puis avec l’Atelier Rosas pour
initier les plus jeunes à la danse, sous l’égide d’Anne Teresa De
Keersmaeker.
Du 23 au 26 septembre une expérience théâtrale à ne pas manquer
avec Quantum par la Compagnie Gilles Jobin qui vous donne rendez-vous
sur le site de Cessy au CERN pour un spectacle de particules chorégra-
phiées, comme un hymne au mouvement et la physique nucléaire !
Après l’enchantement de la Flûte de Mozart l’an passé, le maître
Peter Brook revient avec une pièce qui a fait les beaux jours des Bouffes
du Nord, The Suit (Le Costume) de Themba, emblématique de la profonde simplicité de l’art de Brook, une idée de ce que peut être l’essence du
théâtre.
Le 9 octobre, virtuosité et humour saisissants du Ukulele Orchestra
of Great Britain. La musique dans tous ses états.
Le moment sera alors venu de laisser la place aux plus petits avec le
premier spectacle de saison dédié aux familles, Marrons et Châtaignes de
la Compagnie Nid de Coucou, « qui prend les enfants au sérieux sans se
prendre au sérieux » les 15 et 16 octobre. Suivront dans le même esprit,
Concerto, vous avez dit concerto ? (13 mars), Un beau matin, Aladin (3
déc.), Pour le meilleur et pour le pire (19 au 22 déc.), Le Prince Tigre (15
janvier), L’Ombre (5 février) et J’avance et j’efface (26 mars), autant de
rendez-vous pour les enfants de 4 à 8 ans, moments délicieux à vivre
ensemble.
Expériences
Les 29 et 30 octobre, l’indomptable Galin Stoev s’amuse avec la
matière première du Triomphe de l’Amour de Marivaux en proposant une
distribution exclusivement masculine qui bouleverse les repères du genre
avec succès.
Du 1er au 10 novembre, il vous sera possible de vivre une expérience
théâtrale à nulle autre pareille, grâce à l’homme de spectacle insaisissable
qu’est Scorpène ; ce magicien stupéfiant se propose de venir chez vous pour
jouer la carte de l’illusion une soirée durant avec vos amis ! Réagissez vite
pour appeler le théâtre car les dates disponibles ne sont pas légion !
Pendant cette même période, le slameur-chanteur Abd Al Malik
interprètera à sa façon la fureur mesurée d’Albert Camus avec son spectacle L’Art et la Révolte. Une déclamation poétique salutaire, bien dans son
époque (le 6 novembre).
En date du 9 novembre, un moment de danse contemporaine comme
le Forum-Meyrin en a le secret avec la venue la Trisha Brown Dance
Company et un triptyque chorégraphique de haute volée : le fondateur
Astral Convertible (1989), le frémissant solo If you couldn’t see me (1994)
et le vertigineux I’m going to toss my arms – if you catch
them they’re yours (2011).
Du 14 au 18 novembre, et pour la première fois en
Suisse romande, la chorégraphe argentine Constanza
Macras et sa compagnie Dorky Park donneront toute la
mesure de leur énergie scénique, expression fulgurante des
discriminations modernes qui gangrènent notre vieux continent dans Open for everything.
Ce sera alors au tour d’un autre duo inédit en Suisse,
Marco Vargas et Chloé Brûlé de nous faire vibrer, à la suite
d’un Israel Galvan, avec une pièce de flamenco moderne,
comme une danse contre le temps qui fuit irrémédiablement : TI-ME-TA-BLE o el tempo inevitable.
Obsédé avec talent par cette même idée du temps qui
passe et semble vouloir se passer de nous, l’inénarrable
François Morel brosse pour nous une série de portraits
vieillissants mais jubilatoires, afin de conjurer leur sort et le
nôtre avec… ! Exercice de style réussi ! Les 26 et 27 novembre.
«The Suit» selon Peter Brook © Pascal Victor / Artcomart
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En avril, Rachid Ouramdane
poursuit sa quête de reconstruction de
soi, Sfumato, et libère sept danseurs
aux prises avec les éléments, pluie et
brouillard, qui cherchent leur voie. Des
corps désespérés, mais toujours en
mouvement.
Enfin, en mai, une version radicalement et heureusement dépoussiérée
du Lac des Cygnes de Tchaikovsky,
par la compagnie sud-africaine de la
jeune chorégraphe Dada Masilo ; un
Swan Lake qui ne vous laissera pas
indifférents, entre swing et émotion.
La simple évocation non exhaustive de ce qui attend les spectateurs privilégiés du Théâtre Forum-Meyrin,
montrer à quel point ce vivier scénique
reste toujours en mouvement et n’a pas
fini de vous surprendre.
«Swan Lake» dans la chorégraphie de Dada Masilo © John Hogg
En musique !
Les 6 et 11 décembre, deux soirées musicales séduisantes et vivantes,
avec d’abord Black Widow, la délurée Erika Stucky, qui dans un style
vocal entre jazz, yodel et folk, réinterprète des standards et propose son
univers entre Tim Burton et Tom Waits, accompagnée de musiciens rompus à cet exercice. Salutaire et vivifiant.
Puis, quand les frères Chemirani retrouvent Jean-Guihen Queyras
et jouent avec Sinopoulos, c’est tout le bassin méditerranéen qui dialogue
de ses mélodies traditionnelles avec la musique ottomane et persane. Un
voyage à l’écoute de notes bleues et solaires.
Voilà pour les réjouissances de 2013. Mais l’année prochaine, la
seconde partie de saison s’annonce tout aussi prometteuse. En voici
quelques rendez-vous pour se mettre l’eau à la bouche.
En 2014
En janvier, une chorégraphie aux qualités plastiques
étonnantes, Change or die inspirée par Robert Walser et pensée par
Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna. A voir aussi, le très attendu
Macbeth d’Anne-Laure Liégiois, talentueuse, raffinée et déjà décisive
dans ses mises en scène.
En février, on pourra suivre Dorian Rossel dans son nouveau voyage
théâtral au pays d’Oblomov qui n’a pas fini d’interroger nos vies comme
un miroir de nous-mêmes. Mais aussi l’adaptation déjà saluée par la critique de De beaux lendemains de Banks par le très juste Emmanuel
Meirieu et des comédiens intraitables comme Redjep Mitrovitsa, Jérôme
Derre, Maud Wyler ou Evelyne Didi.
En mars, l’introspection scénique jouissive de ce très grand comédien
qu’est Jean-François Balmer dans l’univers toujours aussi percutant de
Louis-Ferdinand Céline, à travers l’immense Voyage au bout de la nuit. Et
puis, un autre geste théâtral inédit proposé par l’artiste associé Dorian
Rossel, un parcours à chaque fois unique au départ du Théâtre avec des
spectateurs en mouvement dans la cité, comme autant de Petites Fugues,
nostalgique souvenir de l’esprit du film d’Yves Yersin.
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Plus d’informations sur : http://www.forum-meyrin.ch/
Jérôme Zanetta
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saison 2013-2014
Château Rouge
Frédéric Tovany, le nouveau directeur nommé en
octobre 2012, prend réellement les rênes de la grande
institution annemassienne avec la première saison
qu’il programme.
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seconde surprise de l’amour les 23 et 24 avril). Autre fil thématique, celui
de la jeunesse : qu’est-ce qu’être jeune ici de nos jours ? (Les Jeunes les
15 et 16 octobre, J’ai vingt ans qu’est-ce qui m’attend les 29 et 30 janvier). Enfin, les spectacles seront moins nombreux mais se joueront deux,
voire trois fois. On le voit, Château Rouge reste un lieu pluridisciplinaire,
mais avec une évolution marquée vers le théâtre. Je crois en effet que la
parole des auteurs et des poètes permet de montrer le monde d’aujourd’hui et que la langue est l’outil de cette ouverture.
Château Rouge n’est pas une « scène nationale » comme
Bonlieu à Annecy : cela vous laisse-t-il une grande liberté ?
Venu de Lorraine où il a été pendant dix ans chargé de « défrichage »
culturel et artistique sur des sites miniers désaffectés, il sait ce que signifie créer un théâtre à partir de rien, monter un projet artistique respectueux
de l’environnement géographique et humain, et développer des partenariats multiples. Entretien avec Frédéric Tovany.
Ma liberté de choix est totale. J’ai la confiance du Conseil d’administration et de la Ville, sur la foi du dossier de candidature que j’ai présenté et
qui a orienté le choix sur moi. Je peux donc panacher à mon gré, en
veillant à équilibrer les genres artistiques et à élargir le regard des spectateurs sans pour autant les bousculer.
Quelle nouvelle ligne sera la vôtre à la tête de Château Rouge ?
L’institution que vous dirigez se situe à la frontière franco-suisse : quel regard portez-vous sur ce particularisme ?
Mon prédécesseur Jacques Mangein a mené la barque avec succès pendant
dix-sept ans. Il ne s’agit donc pas de faire table rase de ce passé mais de
développer des axes nouveaux. L’accent était mis sur la musique et la
danse, nous continuons à ouvrir des fenêtres sur la danse (sept spectacles
dont Dialogue with Rothko de et avec Carolyn Carlson, le 8 octobre) et
sur la pluridisciplinarité danse-théâtre (deux spectacles dont Change or
die sur des textes de Robert Walser, les 14 et 15 janvier). La musique, très
fédératrice à Château Rouge, obéira à trois principes artistiques : la chan-
Je considère que la diversité régionale est une plus-value. Toutes les communes de ce que l’on appelle « le grand Genève » ont un avenir commun
et les projets artistiques et culturels sont les meilleurs vecteurs de cette
« communauté de destins », comme dit Edgar Morin. La multiplicité de
l’offre régionale, et notamment genevoise, loin d’être une concurrence, est
un atout car elle provoque la demande du public en créant des habitudes
culturelles. Tous les projets entrent en résonance et suscitent la curiosité
des spectateurs.
En quoi consiste la collaboration régionale ?
«Cocorico» avec Patrice Thibaud © Celine Aubertin
son française (Olivia Ruiz, Jean-Louis Murat, Louis Chedid), le jazz
(Ibrahim Maalouf) et la musique du monde (Amadou et Mariam). Et
nous restons fidèles aux spectacles de cirque (quatre spectacles dont Face
Nord les 13, 14 et 15 novembre).
Ce qui est nouveau, c’est la place plus importante qu’occupe le théâtre. Je
souhaite offrir aux spectateurs un panorama de la création artistique, dont
les langages, en s’entremêlant, rendent les frontières perméables. Un bon
exemple est le cirque qui se théâtralise. Le deuxième axe concerne les
choix, orientés par des fils thématiques. Je citerai le thème du pouvoir
politique (Innocence les 11 et 12 février) et d’autres formes de pouvoir
(social, à l’intérieur du couple) ou de rapports homme-femme (Chien,
femme, homme les 3 et 4 octobre, Trois ruptures les 8, 9 et 10 avril, La
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En tout début de saison, nous poursuivons le partenariat intelligent avec le
Festival de la Bâtie dont la programmation correspond à notre démarche
(Place du Marché 76 les 10 et 11 septembre). Même chose en ce qui
concerne la danse avec Steps, le plus grand festival de danse contemporaine en Suisse, présenté tous les deux ans par le Pour-cent culturel Migros.
Il y a également Les Colporteurs en collaboration avec Le Poche à
Genève (Je suis le 17 novembre), L’Arsenic à Lausanne (Une Raclette le
2 octobre ) et la Maison des Arts Thonon-Evian (Morsure le 29 novembre) : chacun de ces théâtres emmène à tour de rôle son public découvrir le
spectacle d’un autre. Nous entretenons d’étroites relations avec les théâtres genevois. Nous avons par ailleurs comme atout de posséder la plus
grande salle de la région avec une jauge maximale de 1100 places, ainsi
que le plus grand plateau. Parallèlement, nous suivons de jeunes metteurs
en scène régionaux très prometteurs. Etant nouvellement arrivé, je suis en
période d’observation de la région au sens large. Enfin, nous poursuivons
le programme de diffusion hors les murs de Château Rouge Voisinage
avec des spectacles pluridisciplinaires qui se déplacent vers le public des
petites communes françaises avoisinantes.
La fréquentation de la saison écoulée vous a-t-elle satisfait ?
Il y a eu 2500 abonnés, ce qui représente entre 12000 et 14000 entrées.
L’ouverture plus grande faite au théâtre devrait encore augmenter la fréquentation.
Propos recueillis par Laurence Tièche Chavier
Pour le programme complet, les lieux et les horaires, se référer au site de
Château Rouge : www.chateau-rouge.net
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saison 2013-2014 de l’orchestre de chambre de lausanne
Autres concerts, autres formules
Nouveau chef,
nouvelle étape
Un nouveau directeur titulaire, un programme riche, la saison de l'OCL
s'annonce différente et captivante.
Après l'ère Zacharias, la phalange lausannoise a un nouveau responsable artistique en la
personne de Bertrand de Billy qui, pour trois ans,
tiendra le baguette.
Né à Paris en 1965, ce musicien d'orchestre
- au départ altiste - s'est très vite dirigé vers la
direction. C'est un remplacement “au pied levé“
de Michel Corboz, malade, qui lui a permis de
gravir le podium pour la première fois ! Une
expérience clef. Peu après, en 1993, au sortir de
ses études, le musicien français n'a pas hésité à
partir travailler en Allemagne de l'Est post communiste, à Dessau. Ce lieu excentré lui a permis
de cultiver et d'affiner ses connaissances musicales. Esprit cosmopolite, le maestro a non seulement œuvré en Allemagne, mais aussi, ensuite,
en Autriche, en Angleterre, en Espagne et aux
Etats-Unis... sans jamais avoir vraiment eu l'opportunité - ou le temps ? - de développer une carrière dans son pays d'origine !
Les musiciens qui collaborent avec lui
apprécient sa capacité à créer un enthousiasme.
Ils soulignent également son tempérament chaleureux, son énergie infatigable, qu'il ne manque
jamais de transmettre. Polyglotte, pédagogue,
Bertrand de Billy © Marco Broggreve
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Bertrand de Billy sait présenter la musique aux
enfants, un peu à la manière de Leonard
Bernstein ! Son répertoire s'étend de Mozart à
Dutilleux, un artiste trop peu joué qu'il a connu
personnellement et qu'il a contribué à faire
connaître à Vienne.
Un tel choix va amener l'Orchestre de
Chambre de Lausanne à opérer un virage assez
marqué après le règne de Christian Zacharias.
C'est un défi passionnant à relever pour les interprètes, et à suivre pour le public.
A l'affiche en 2013-2014
L'édition s'annonce séduisante avec des
artistes invités, tels les pianistes Leon Fleischer
(28-29 octobre) et Radu Lupu (16-17 juin), le
violoncelliste Truls Mørk (18-19 novembre) ou
le violoniste Ilya Gringolts (23-24 septem-bre).
L'OCL jouera « les œuvres de plus de 40 compositeurs, dont la moitié des XXe et du XXIe
siècles, lors de 88 manifestations », a souligné
le directeur administratif Benoît Braescu lors de
la conférence de presse. Mais des noms du
passé seront aussi bien représentés : Bach,
Beethoven, Mendelssohn, Schumann, Mozart...
Christian
Zacharias
reviendra animer une soirée
consacrée à Brahms les 27 et
28 janvier, ce qui réjouira sans
doute ceux qui regrettent son
départ.
Le nom du compositeur
lausannois Richard Dubugnon
occupera une place particulière: deux de ses pages seront
créées : une Symphonie de
Chambre, op. 63 (28 et 29
octo-bre) et un conte musical
pour les jeunes et les moins
jeunes, Le Jeu des sept clés,
dans le cadre, cette fois-ci, des
“Concerts découvertes“ (2
avril).
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La phalange présentera aussi les “Concerts
du dimanche“, offerts aux mélomanes de 7 à 77
ans. Dans cette série, très variée, signalons la
journée du 24 novembre : les auditeurs sursauteront peut-être, puisqu'en plus d'un concerto pour
trompette de Johann Nepomuk Hummel, les
musiciens feront résonner les accords de la
Symphonie n° 94, “La Surprise“, de Joseph
Haydn !
Les “Concerts découvertes“ permettront
d'amener les enfants à découvrir Pierre et le
Loup» de Prokofiev (13 novembre) et le 19
février Jean-François Zygel montrera, avec le
complicité de l'OCL, comment Franz Schubert
a pu, en quelques jours, écrire sa charmante
Symphonie n° 5 !
Un mot sur les “Entractes du mardi“ : pour
ces productions à mi-journée, ce sont des instrumentistes en nombre plus resserré qui monteront
sur la scène. Une date à retenir ? Le 8 décembre.
Trois cornistes, étudiants à l'HEMU (Site de
Fribourg) feront peut-être naître des vocations...
Avec l'Orchestre de l'Ecole de Musique de
Lausanne (HEMU) la collaboration débouchera
sur un concert commun. Jeunes musiciens et
instrumentistes expérimentés joueront, sous la
direction de Bertrand de Billy, la Symphonie n° 6
de Bruckner (4 décembre). Le compositeur, qui a
aussi été professeur durant de longues années,
aurait sans nul doute été réjoui de voir tous ces
jeunes insuffler de la fraîcheur à sa musique...
trop souvent jouée de façon compassée !
A Lausanne et ailleurs
L'OCL poursuit aussi ses collaborations
avec l'Opéra de Lausanne, la Haute Ecole de
musique et la Manufacture. Ses tournées l'emmèneront à la salle Pleyel à Paris, à Bucarest,
mais aussi à Fribourg, Neuchâtel, Avenches...
Décidément la saison s'annonce sous le signe du
mouvement !
Pierre Jaquet
Prochain concert d'abonnement de l'OCL: Salle du
Métropole, 23 et 24 septembre à 20 h
Luciano BERIO: Folk Songs pour mezzo-soprano et
orchestre / Joseph HAYDN Symphonie n° 91 en mi bémol
majeur, Hob. I:91 / Johannes BRAHMS Concerto pour
violon, violoncelle et orchestre en la mineur, op. 102
Christina DALETSKA mezzo-soprano / Ilya GRINGOLTS violon / Joël MAROSI violoncelle
Heinrich SCHIFF direction
Programme en ligne: www.ocl.ch/programme/
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THEATRE KLEBER-MELEAU
Saison 2013 – 14
Angélique Ionatos : 17 au 26 septembre –
(Relâche : samedi 21 et lundi 23)
« Et les rêves prendront leur revanche » –
avec Katerina Fotinaki et Gaspard Claus – Production Accords Croisés
La Dame de la mer
– Henrik Ibsen –
12 au 24 novembre
Mise en scène Omar Porras – Production Théâtre de Carouge – Teatro Malandro –
Fondation Hans Wilsdorf
Un Mari idéal
– Oscar Wilde – jeudi 9 – dim. 19 janvier
Mise en scène Pierre Bauer – Coproduction Théâtre des Amis et Canard + Productions
Molly Bloom
– James Joyce – 29 janvier – dim. 2 février
avec Anouk Grinberg –
Production Bouffes du Nord –
La Double inconstance
– Marivaux –
Mise en scène Philippe Mentha – décor Audrey Vuong
Kléber-Méleau : Représentations : 4 au 16 mars 2014
Puis au Théâtre de Carouge : Représentations : 21 mars au 6 avril
Production Kléber-Méleau – Coproduction Théâtre de Carouge
6 Concerts
avec Cédric Pescia
: 29 avril – 4 mai
Production Ensemble EnScène
Oblomov – d’après Ivan Gontcharov : 15 au 25 mai
Adaptation et mise en scène : Dorian Rossel – Production Cie STT
Attention : comme celles des mardi et mercredi, les représentations du
samedi commencent à 19 heures !
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Début de saison
Intimiste
Le testament de René Gonzalez (suite) : Bory, Rossel, Rau, Ruf, Lupa,
Ostermeier, Djemaï, Faï. Mais aussi Molière, Marivaux, Simon Abkarian,
Yvette Théraulaz, Philippe Saire, la Syrie et un cirque de puces. Plus tard
encore, Jean-Quentin Châtelain, Robert Bouvier, Zabou Breitman, Denis
Maillefer, et Richard III, le retour.
Traditionnelle
Contemporaine
A côté de ces valeurs sûres, Vidy sort l'artillerie lourde.
Trois jours pour venger un fantôme sur les
remparts d'Elseneur : “To be or not to be“
Thomas Ostermeier. Le plus que jamais directeur de la Schaubühne revient avec un
Shakespeare à la mesure de sa folie, le Hamlet
découvert au Festival d'Athènes en 2008, avec le
fabuleux Lars Eideinger. Un choc. Vidy pro-
Vidy post-Gonzalez
Pour rappel :
- 509 représentations durant la saison qui s'achève,
- 90'000 spectateurs attendus au final,
- environ 85% de taux de fréquentation,
- 24 spectacles produits par Vidy actuellement
en tournée de par le monde.
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«Hamlet» © Arno Declair
gramme trois représentations de 2h45 sans
entracte, en allemand surtitré, et à la tarification
différenciée : le masochisme n'a pas de prix.
Autre boulet tiré contre les murs du
conventionnalisme : Krystian Lupa. Le seul
nom du metteur en scène polonais fait frémir
(rappelez-vous sa Salle d'attente en 2011 : 3h20
de spectacle pris en pleine figure). Ajoutez-y
celui de Thomas Bernhard, et du titre de sa pièce
Perturbation, et vous allez voir ce que vous
allez voir ! Lupa signe ici sa deuxième production en français, qui comprend Valérie Dréville
et qui dure pas moins de 3h30 !
Troisième spectacle aux accents de la furie
contemporaine : Vers Wanda, signé Marie
Rémond. Sur la route des figures mythologiques
contemporaines (elle avait créé André à Vidy,
sur le tennisman André Agassi), Marie Rémond
s'inspire aujourd'hui du film culte Wanda (1970)
de Barbara Loden (épouse de Kazan). En chemin, elle rencontre les mots de Nathalie Léger
Supplément à la vie de Barbara Loden (2012) et
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dépasse le roman pour poursuivre sa propre
enquête : pourquoi Wanda-Loden a-t-elle mérité 20 ans de prison ?
théâtre de vidy-lausanne
Avant de laisser la parole au successeur
de René Gonzalez, les fidèles René Zahnd et
Thierry Tordjman ont prolongé l'œuvre du
maître. Convoquant les non moins fidèles de
Vidy :
- le marionnettiste engagé Yeung Faï (Blue
Jeans),
- le poète mathématicien Aurélien Bory
(Géométrie de caoutchouc),
- le touche-à-tout Gian Manuel Rau (son projet Rome-Nanterre, un jeu biographique featuring Valérie Mréjean et Véronique
Reymond),
- l'imprévisible Dorian Rossel (son projet
Staying Alive),
- le damné Jean-Quentin Châtelain
(Bourlinguer de Cendrars),
- le François d'Assise réincarné par Robert
Bouvier,
- le monologue Journal de ma nouvelle
oreille mis en scène par Zabou Breitman,
et la réflexion sur la science de Charles
Tordjman (Galilei).
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Défoncée par les coups portés par ces trois
œuvres, la porte de Vidy s'ouvre sur des productions plus osées, plus intimes.
C'est le cas d'Hughie, pièce peu jouée du
pourtant immense Eugene O'Neill, humaniste
qui a intéressé Jean-Yves Ruf : « C'est une pièce
entre deux gestes. Ceux d'un petit joueur
demandant sa clé à la réception de son hôtel,
puis se tournant pour gagner sa chambre.
Entre ces deux moments, il se confie au réceptionniste, qui n'en a rien à fiche. Un univers
qui rappellerait celui d'Emmanuel Bove. »
C'est aussi le cas de La Dérive des sentiments de Philippe Saire. Pour la première fois,
le chorégraphe ose franchir la barrière des
corps en mouvements pour dialoguer avec les
mots : “texte et danse“, “sur une version de
L'Odyssée, façon Looking for Richard d'Al
Pacino“, “une écriture de plateau qui évolue
au fur et à mesure des représentations“ ou
encore “Le corps est plus allusif que le texte,
mais il est plus riche.“
C'est encore le cas d'Immortels de et par
Nasser Djemaï. Comme son spectacle précédent, Invisibles, Immortels raconte une histoire de fantômes : un garçon qui a perdu son
frère dans un accident mène l'enquête car le
défunt n'avait pas par habitude de boire,
contrairement à la thèse avancée. Il intègre
alors le groupe d'amis du disparu, des post-ados
militants contre l'héritage des adultes, devenu
trop lourd à porter. Une histoire de frères, d'identité, mais aussi une réflexion sur nos sociétés qui oublie ses morts.
Frank Dayen
Programme de Vidy sur www.vidy.ch
rés. au 021 619 45 45
Saison 2013-14 à Kléber-Méleau
Philippe Mentha n'a pas eu à détailler sa
saison lors de la soirée de présentation conjointe de Vidy et Kléber-Méleau. Sa programmation, pas encore définitive, parle d'elle-même :
Ibsen par Porras (La Dame de la mer), Wilde
par Pierre Bauer (Un Mari idéal), Marivaux par
Mentha (La Double Inconstance), Oblomov
par Dorian Rossel, et Molly Bloom, d'après
Ulysse de Joyce, avec Anouk Grinberg.
Rés. au 021 625 84 29 ; www.kleber-meleau.ch
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public ne soit là, et en fait c’est la décision du
comédien de savoir comment il veut jouer son
texte. Après chaque représentation on en parle,
on s’en parle.
théâtre saint-gervais
Of / Niet
Jouer à l’intérieur d’une compagnie,
est-ce essentiel pour vous ?
Of/niet est une double pièce sur les relations et la trahison. Les quatre
comédiens de tg STAN jouent deux couples bien informés l'un sur l'autre,
sans toutefois tout savoir, tout maîtriser. Entretien avec Franck Vercruyssen.
Comment est venue l’idée d’adapter
et mélanger Une soirée entre amis (Party
Time) de Harold Pinter et Pantoufle
(Relatively Speaking) d'Alan Ayckbourn ?
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Un peu par hasard. Au début de 2006, nous
avons commencé à lire des pièces en fonction
d’une nouvelle création à quatre. Il faut savoir
qu’une création à quatre est assez rare dans notre
parcours. Nous travaillons souvent ensemble
mais avec d’autres personnes, et avant Of/Niet, la
dernière fois que nous avions joué à quatre c’était
en 1997 avec Private Lives de Noel Coward. En
lisant des pièces nous sommes tombés sur ces
deux textes. On les a de suite beaucoup aimés.
Nous nous sommes alors demandé : ‘pourquoi ne
pas monter les deux ?’ Ensuite nous avons découvert que si l’on ajoutait Party Time de Pinter à
Relatively Speaking il y avait une touche d’amertume, de questionnement politique et d’autodérision qui se mêlait au texte de Ayckbourn, maître
incontesté en ‘comédies de malentendus’. Il y a
de fait plein de paradoxes nourrissants et de
sujets supplémentaires qui surgissent grâce à la
«Of/Niet» ©Thomas Walgrave
combinaison de ces deux textes.
Le texte porte sur l’infidélité, l’adultère et les quiproquos tragi-comiques que ces
situations induisent. Qu’est-ce qu’être infidèle en 2013 à l'heure des transparences
e
instituées à l'échelle planétaire ?
Question très difficile… Personnellement, je ne
vois pas de grandes différences entre maintenant
et le passé. Je pense qu’un sujet comme l’infidélité est assez universel et existe depuis toujours.
Ça se passe au niveau des tripes de deux individus. Bien sûr, quand on compare la situation dans
l’Europe occidentale d’aujourd’hui avec celle du
XVIIIe siècle, il y a de grands changements, mais
au fond, l’infidélité est toujours exactement la
même chose. Ceci dit, quand on regarde le texte
qu’on joue dans Of/Niet, précisément dans
Relatively Speaking, je crains que la question ne
soit un tout petit peu trop sérieuse, car la pièce se
veut ‘juste’ légère. C’est en effet une comédie
très très drôle et très très bien écrite !
De quelle manière la compagnie tg
STAN aborde-t-elle le travail théâtral ? Par
les gestes, les mouvements en premier ? Par
le texte, le ton ? Par le décor, l'espace dans
lequel s’ancrera le texte ?
Nous ne répétons pas dans le sens conventionnel
du terme. Nous passons beaucoup de temps à la
table. On traduit le texte ensemble pendant plus ou moins 6 semaines et on en
parle beaucoup. Entre-temps les autres
facettes du spectacle (décor, costumes,
lumière, matériel promotionnel, etc.)
sont passées en revue et des propositions
sont formulées, des choses sont développées. Puis on apprend le texte par cœur
et on fait des italiennes autour de la
table. Quelques jours avant la première,
on entre dans la salle où va être présenté
le spectacle, on explore le plateau et on
prend des décisions à propos de la mise
en scène. En même temps on vérifie les
propositions formulées autour de la table
et là aussi, on prend des décisions. Et
enfin… on y va !
Une chose importante à mentionner, c’est que
chez nous il n’y a pas de metteur en scène. On
crée le spectacle ensemble et la façon de jouer les
personnages est de la responsabilité de chacun.
On ne va jamais ‘vraiment jouer’ avant que le
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Cette compagnie c’est nous. Et nous sommes
cette compagnie. Je ne peux pas parler en général. Pour certaines personnes, c’est génial de
jouer partout et d’être invité par différentes compagnies. Notre réalité a été différente dès le
début. En 89, en dernière année de l’école de
théâtre où nous étions étudiants, on nous a
demandé de jouer nos productions de promotion
hors de l’école et c’est pour réaliser cela que
nous avons fondé la compagnie. Depuis ce
temps-là on a continué à travailler ensemble et à
créer des spectacles, à 2, à 3, à 9, parce qu’on en
avait envie et parce qu’on avait organisé la compagnie comme un véhicule parfait pour réaliser
nos idées et nos rêves, individuels et communs.
Donc, pour répondre à votre question : oui,
essentiel mais pas à l’intérieur d’une compagnie,
à l’intérieur de cette compagnie !
Ceci dit, tous les membres-clé de STAN collaborent de temps en temps avec d’autres compagnies
ou font du travail pour l’écran. En général, quand
on me demande : « Est-ce que tu n’as jamais
envie de faire des choses hors STAN ? », je
réponds toujours : « Non, parce que je fais des
choses hors STAN dans STAN… »
Pour un comédien, est-ce compliqué
de jouer pour des spectateurs plongés dans
la lecture parfois désynchronisée des surtitrages ? C'est-à-dire avez-vous l'impression
de jouer différemment pour ce type de public
qui lit et voit en même temps?
Ce n’est pas une sinécure, il faut l’avouer.
Parfois ça marche à fond, et parfois c’est plutôt
difficile. On a eu des expériences diverses. Notre
façon de jouer nos spectacles dépend beaucoup
du contact direct avec les spectateurs – nous n’avons jamais de ‘quatrième mur’ – donc pour nous
c’est encore un plus grand défi que d’essayer de
garder cette ligne directe, surtout quand les gens
dépendent des surtitres. Avec ce spectacle spécifique on a remarqué que ça fonctionne sans problème. D’ailleurs on l’a joué à Rio de Janeiro et
c’était la fête totale, donc apparemment ça marche ! La chose qui aide probablement aussi, c’est
qu’on ne fait jamais semblant de savoir que les
surtitres ne sont pas là…
Propos recueillis par Rosine Schautz
Du 27 au 29 septembre.Théâtre Saint-Gervais (loc.
022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch)
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théâtre des marionnettes de genève
Guy Jutard
Depuis son arrivée en terre calviniste, en 2002, Guy Jutard est mû par sa
passion : la création marionnettique la plus diverse – marionnettes à
gaines, marionnettes à fils, théâtre d’objets – et pour toutes les tranches
d’âges, sans limitation, allant des tout-petits aux adultes. Pour la saison
2013-2014, Guy Jutard a concocté un programme de douze spectacles créations, répertoire et accueils. Rencontre avec Guy Jutard, qui nous parle
de sa nouvelle saison...
Quelles propositions destinezvous au tout jeune public ?
Vous présentez quatre créations
durant cette nouvelle saison ; que pouvez-vous nous en dire ?
Le TMG réaffirme en 13-14 que la création
marionnettique, dans la multiplicité de ses
formes et la diversité de ses publics, reste le
cœur de notre mission. Pour les adultes,
nous retrou-vons l’auteur genevois Olivier
Chiacchiari associé à la compositrice Hélène
Zambelli dans Les Lois du marché.
Commande du TMG à l’auteur, cette fable
sociale et satirique prend sur notre scène la
forme d’un opéra bouffe pour six comédiennes et comédiens chanteurs, un trio de musiciens et de nombreuses marionnettes, en un
clin d’œil formel à Offenbach. Confiée à la
Compagnie Pasquier-Rossier, l’adaptation
de Petit-sœur de Pierre Gripari mêle jeu de
comédiens et marionnettes sur table.
Geneviève Pasquier, adaptatrice et metteuse
en scène, nous entraînera dans ce conte à
rebondissements truffé d’ingrédients gripariens (objets magiques, sorcière…) par le
truchement d’un décor mobile et transformable. Nouvel opus pour les très jeunes spectateurs Nota bébés sera interprété par la comédienne et violoniste Sandrine Girard. Sur quelques
fils, tendus comme des cordes à linge, elle
suspendra objets et petits personnages. Ils formeront une subtile partition que la comédienne
déchiffrera, animera et illustrera à l’aide des
mélodies de son violon. Moment de poésie
visuelle et sonore avant la naissance de la parole.
Retrouvailles avec le grand maître chinois Yeung
Faï, Blue Jeans nous proposera un regard sévère
sur « l’eldorado économique » chinois. Comme
dans son dernier spectacle autobiographique, cet
ultime héritier d’une longue lignée de manipulateurs de « gaine chinoise » signera une œuvre où
les ingrédients de la tradition s’allieront à une
modernité tant thématique que formelle.
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lit en images riches, subtiles, multiples, qui sont
créées devant les enfants par plusieurs manipulateurs d’ombres colorées.
Le comédien Jean Sclavis est seul au milieu de
huit marionnettes à taille humaine pour nous
proposer Les Fourberies de Scapin et réalise
une performance qui met en lumière la solitude
métaphysique du personnage de Scapin.
Dans Voyage en Polygonie, Pascal Vergnault
évoque avec légèreté « la part manquante », en
mettant en scène les tribulations d’un petit carré
pas tout à fait fini à la recherche d’un petit bout
de rien.
Les tout petits retrouvent Grand-père, cet
ancêtre coiffé d’un bonnet d’aviateur, qui,
valise à la main et échelle à l’épaule, va
décrocher la lune pour divertir la petite
Baba. On embarquera pour un vol avec
L’Oiseau chanteur, déambulant avec lui
dans une ville aux couleurs et formes inspirées par le peintre Fernand Léger dans une
fable délicate. Subtilement décalée,
Chaperon rouge cartoon, cette version du
conte traditionnel puise dans le dessin
animé façon Tex Avery, des accents de loufoque comédie musicale américaine. Chine
Curchod, elle, se remet sur les traces d’un
lapin frondeur et provocateur, Jean Carotte,
pour Ne m’appelez plus jamais mon petit
lapin !, tiré du best-seller de la littérature
enfantine écrit par Grégoire Solotareff.
«Voyage en Polygonie». Photo ldd Phil Journe
Quels spectacles invitez-vous à
Genève ?
Émilie Valantin, dont les Genevois ont eu à plusieurs reprises l’occasion de voir les œuvres,
ouvrira la saison en nous donnant à voir le héros
archétypique de la marionnette : Polichinelle.
Dans La Bosse du théâtre se succèdent trois
farces du répertoire classique mettant en scène
ce personnage bossu et ventru au nez busqué
dont la roublardise est le trait dominant.
Jean-Pierre Lescot est un des plus grands noms
du théâtre d’ombres contemporain. Sa dernière
création Mais où est passé Léon ? parle des trésors de grenier. Plus qu’une âme, les objets
inanimés trouvés par Pablo, ont ici une histoire.
La suite des courts récits proposés par l’auteur
conteur, grand connaisseur du jeune public, se
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Faire du TMG un vivier de création marionnettique proche de son
public reste votre priorité ?
Soucieux de sa mission de service public,
le TMG poursuit, par le biais de propositions
qui mêlent exigence artistique, diversité des
genres et innovation, sa mission d’éducation
artistique pour le jeune public accueilli dans le
cadre des représentations scolaires. Attentif à
l’émergence de jeunes créateurs locaux en favorisant la mise en lumière de leurs projets. Le
TMG puise essentiellement dans le vivier des
créateurs romands. Sa programmation met en
valeur les diversités esthétiques et thématiques
en écho à l’internationalisme et au pluriculturalisme de la cité.
Propos recueillis par Firouz-E. Pillet
www.marionnettes.ch
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la comédie de genève : autour de la saison 2013-2014
Hervé Loichemol
Le metteur en scène évoque la nouvelle saison de La Comédie, la troisième
depuis qu’il a pris les rênes de l’institution. Saison qui se partagera entre
répertoire et création, entre textes nouveaux et textes anciens.
Entretien.
La saison dernière se présentait
comme très ancrée dans le XXe siècle, avec
de nombreuses productions. Que réserve la
saison à venir ?
54
On commémorait le centenaire de La Comédie
de Genève, ceci explique cela. Le centenaire
induisait la place du théâtre dans le social et
dans la cité. La saison 2013-2014 verra un
retour à l’équilibre entre le répertoire et la création, mais dans l’ensemble on peut parler de
continuité avec l’équilibrage entre les accueils
et les productions, les textes nouveaux et
anciens. Donner la parole et la place aux
Hervé Loichemol © Marc Vanappelghem
contemporains est moins confortable que le travail sur le répertoire, c’est-à-dire sur les œuvres
du passé, mais il est important de proposer les
deux apporches. J’aime l’idée de procéder par
constellation de pensées, loin de tout discours
uniformisant, et non par thèmes dans lesquels
e
faire entrer les spectacles à tout prix. D’où l’intérêt pour des expériences humaines et des projets singuliers. D’autre part, les choix de la programmation sont régis par des considérations
diverses que l’on ne peut nier, telles que la tendance de la société, l’état du marché, la collaboration avec l’équipe. À cela s’ajoutent aussi les
contraintes financières et celles du calendrier, et
enfin la question de l’emploi, lissée sur plusieurs années.
A défaut de thématique, y a-t-il des
options fortes dans le prochain programme ?
Le premier fil à dérouler est celui du héros :
qu’en est-il aujourd’hui ? Siegfried [Siegried,
nocturne de Olivier Py, m.e.s Hervé
Loichemol] ou l’effacement du héros, sa disparition ; Amphitryon le héros détrôné
[Amphitryon de Molière, m.e.s. de Nalini
Menamkat] ; Ajax et Œdipe les héros tragiques
[Des Héros : Ajax/Œdipe Roi de Sophocle,
m.e.s. de Wajdi Mouawad] ; le missionnaire tout
en bonté et délicatesse [Mission de David Van
Reybrouck, m.e.s. de Raven Ruëll] ; Antonin
Artaud le fracassé [Artaud-Barrault de Denis
Guénoun] ; Sylvie Plath écrasée par ses tensions
internes [Danses nocturnes] : tous sont des
figures solitaires. Faut-il s’exclamer comme
dans La vie de Galilée de Bertolt Brecht :
« Malheureux le pays qui n'a pas de héros! » ou
répondre comme Galilée lui-même :
« Malheureux le pays qui a besoin de héros » ?
Un deuxième fil est celui de l’équilibre hommefemme. L’histoire récente montre que le point
d’achoppement est la place de la femme dans la
société (voir par exemple ce qu’elle est devenue
dans le printemps arabe). Mais ce n’est qu’un
vain mot si cela reste un slogan. Né en Algérie,
je suis particulièrement sensible au rôle considérable que les femmes ont joué dans la libération de ce pays et à la façon dont elles ont été
ignominieusement traitées. Toute mollesse à ce
sujet nous condamne à terme car un tel mépris
est la voie vers le fascisme.. c’est aujourd’hui
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un des enjeux majeurs de notre monde et la solidarité européenne à l’égard de ces oubliées de
toutes les révolutions est essentielle. La modeste contribution de La Comédie est de donner
aux femmes une place importante sur le plateau
et dans l’équipe, avec ou sans quotas.
Quelques nouveautés ?
La modification en profondeur de l’institution
s’est déjà amorcée avec la création des deux studios Claude Stratz en 2011 et André Steiger en
2012. C’est dans ces lieux de taille plus réduite
et libres de contraintes que soufflera grâce au
collectif de la Comédie un vent de fraîcheur. Le
collectif y présentera sur trois périodes son
approche des textes, des chansons et du théâtre
de Levin [Cabaret Levin] dès janvier – avec
quelques petites surprises... Parallèlement, l’atelier-théâtre de Chêne-Bougeries sera invité à
présenter le travail qu’il vient de faire sur ce
même auteur. Et le Théâtre Spirale jouera les
courtes pièces de Dario Fo et Franca Rame
[Récits de femmes].
C’est votre troisième saison : quelles
réflexions en tirez-vous ?
Certes, il y a eu l’échec de certaines aventures et
j’ai été la cible d’attaques de la part de quelques
journalistes mais j’ai choisi la voie douce dans
la communication et m’y tiendrai. Nul n’est à
l’abri d’erreurs, cela ne remet pas en question le
travail effectué, ni la rigueur et l’honnêteté dont
je peux me prévaloir. Je ne suis pas adepte du
passéisme et j’aime les audaces risquées. Dans
Le Crocheteur borgne, Voltaire écrit : « Il aurait
fallu être aveugle pour ne pas voir que Mesrour
était borgne. » On ne saurait tout voir ou on le
voit parfois trop tard, mais on voit certaines
choses : pourquoi les ignorer ou les passer sous
silence ?
Un mot sur la revue L’Autruche ?
Cette revue est un exemple unique en Suisse de
revue de théâtre produite par un théâtre. Même
en France où il existe des revues sur le théâtre,
aucune n’est produite par un théâtre. L’Autruche
est une revue exigeante qui irradie tout ce qui
touche à l’art et à l’esprit du théâtre. Ce n’est
pas un geste anodin, pas plus que ne l’est l’ouverture de deux petites salles. J’espère ainsi
favoriser le déploiement de l’institution qui m’a
été confiée.
D’après les propos recueillis par
Laurence Tièche-Chavier
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à la comédie
Danses nocturnes
Au menu de ces Danses nocturnes, Sonia Wieder-Atherton et Charlotte
Rampling. La première joue au violoncelle les suites numéro 1 (opus 72) et 3
(opus 87) extraites des Suites pour violoncelle seul écrites pour Mstislav
Rostropovitch par Benjamin Britten. La seconde, de sa voix sensuelle et
organique à la fois, essentielle, voix entre deux langues, dit et déclame les mots
de la poétesse Sylvia Plath, qui en 1963 mit tragiquement fin à ses jours.
Dialogue musical mêlant à la fois le lyrisme d’un Britten, rauque et guttural, aux mots
éclatants tirés de poèmes, de quelques lettres et
d’un journal intime qui n’escamote rien.
Qu'elle suscite l'hostilité ou l'admiration, la
personnalité de Plath, femme hors du commun
voire border line, considérée en effet comme
folle ou comme icône emblématique du génie
féminin écrasé par une société dominée par les
hommes, fait réfléchir car fait sens. Sa mère
ayant expurgé une partie de sa correspondance,
et son mari ayant pris sur lui de détruire son dernier journal, celui précisément des mois précédant le suicide « pour protéger sa famille et ses
enfants », il nous reste à lire, et à écouter en l’oc-
currence, ses mots en connaissance de cause, afin
de mieux les pénétrer et de s’en saisir.
Complicité
Le spectacle proposé par les deux complices se décline en français et en anglais, et s’articule autour de poèmes choisis dans Ariel et
autres recueils ou sortis de la correspondance et
du fameux journal.
Ariel est le dernier recueil de poésie composé par Sylvia Plath. Il a été publié en 1965, à
titre posthume. Il contient notamment les célèbres poèmes Daddy et Lady Lazarus, qui sont
devenus des textes cultes dans les pays anglosaxons depuis plusieurs générations.
Charlotte Rampling, crédit Sylvie Lancrenon
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Dans ce duo vocal et musical apparaît aussi
par petites teintes, presque par réminiscence, la
vie tragique de l’écrivaine américaine : la mort
par la gangrène d’un père, qui la laissera anéantie à l’âge de huit ans - et qui hante bien évidemment nombre de ses poèmes -, les études
brillantes à Smith qui n’empêcheront pas les
électrochocs prescrits en série pour soigner une
dépression nerveuse à vingt et un ans, puis finalement le suicide au gaz à trente ans, dans la
nuit du 10 au 11 février 1963, après avoir
condamné la chambre des deux enfants nés de
son mariage avec le poète anglais Ted Hughes.
Mais de ce tragique qui sourd entre les
mots naît une force vive, la force de la vie à
vivre malgré les malheurs et les désespoirs,
malgré la folie, vie transcrite en paroles directes, précises, pas ‘données en spectacle’, mais
données à comprendre, sentir, données à
entendre.
A ne pas manquer donc, car attention : le
spectacle ne se donne que deux soirs!
Rosine Schautz
Les 19 et 20 septembre : Danses nocturnes. Charlotte
Rampling lit Sylvia Plath. Violoncelle : Sonia WiederAtherton.
Billetterie : 022/350.50.01, billetterie©comedie.ch
Sonia Wieder-Atherton, crédit Sylvie Lancrenon
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entretien avec omar porras
A propos de
Roméo et Juliette
Roméo et Juliette de William Shakespeare est le dernier grand projet
d'Omar Porras, metteur en scène et directeur du Teatro Malandro. Il
présente sa création à Genève en septembre 2013 au Théâtre Cité Bleue,
lieu dont il a repris la gestion en janvier 2013. La pièce du dramaturge
anglais a été entièrement revisitée ; la version qu’il propose est le fruit
d’une collaboration entre sa troupe et celle, japonaise, du Shizuoka
Performing Arts Center (SPAC).
Vous avez une passion pour le théâtre
oriental, quels en sont les aspects qui vous
fascinent le plus ?
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Omar Poras : tout ce qui constitue une culture, y
compris celle de l’Orient, est constitué d’actes,
d’une conscience secrète, d’habitudes ritualisées, qui donnent une lumière marquée d’un
sens. Il est difficile de dire ce qui m’attire le
plus, car tous ces arts traditionnels me touchent.
Prenons l’exemple d’un arrangement floral,
selon les règles de l’ikebana ; sa beauté esthé-
les arts orientaux, c’est qu’il est presque impossible d’en appréhender le but, je crois que c’est
à chacun d’en apprécier la finalité qui réside à
l’intérieur de soi, finalement le but visé est soimême.
Vous vous intéressez au rapprochement des cultures, notamment théâtrales. Ne
craignez-vous pas que ce désir de fusion
contribue à effacer et à faire disparaître des
spécificités propres à chaque culture pour
La notion de globalisation était déjà recherchée
par un Marc-Aurèle ou un Tamerlan, les
Croisades ont également contribué à illustrer
cette idée, enfin la christianisation de
l’Amérique du Sud, et de la Colombie en particulier qui fut une véritable boucherie, entretenait aussi des buts de globalisation. Ces exemples reflètent certes un modèle conquérant et
d’appropriation des richesses indigènes, mais
nous oublions souvent leur versant positif qui
est l’apport mutuel que ces sociétés se sont
donné, au sens de la créolisation d’Aimé
Césaire. La fusion culturelle que j’imagine vise
cet enrichissement résultant de la rencontre de
deux cultures. Je précise ma pensée sur ce sujet
sensible : il n’existe pas de forme d’art, de
science, ou de politique, si elle n’est pas nourrie
de l’autre. Cette relation à l’autre se fonde sur le
respect et l’équilibre, faute de quoi on tombe
dans les dérives mercantiles, l’imitation et toutes formes d’abus qui brisent l’originalité d’une
rencontre. La base de mon travail est que je suis
Amérindien; je suis venu à la rencontre de
l’Europe, puis je me suis aperçu que ce qui nous
différencie vraiment ce sont les codes d’accès
aux cultures. De ce point de vue, j’ai beaucoup
appris de Grotowski et de son approche anthropologique du théâtre : aussi lorsque je vais au
Japon, n’est-ce pas pour retirer quelque chose
de leur culture mais pour y déposer mon propre
bagage. Je ne cherche pas à japoniser mon travail, ni moi-même, ou encore à occidentaliser le
leur. Je souhaite plutôt me défaire de quelques
connaissances, de les partager et de les remettre
en jeu.
Dans la communication autour de ce
spectacle, on parle abondamment du Japon,
des acteurs japonais, de la langue japonaise,
etc… Cette focalisation orientale occulte
quelque peu la dimension occidentale de la
pièce, quelque part reléguée au second plan.
Où est Shakespeare dans tout ça ?
«Roméo et Juliette» photo K.Miura
tique me séduit, mais si on considère la composition comme un objet artistique, alors on voit et
entend un passé, un récit où toute une culture
repose : religion, poésie, peinture, relation
homme-nature, etc… Ce qui me surprend dans
e
aboutir à un produit indifférencié. De façon
plus directe, cette affaire de rapprochement
ou de fusion culturelle, n’est-elle pas une
mode passagère liée à la globalisation de nos
sociétés ?
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C’est juste, il y a le danger de vendre l’exotisme, l’étrangeté, en oubliant le pourquoi, c’est-àdire ce qu’il y a entre moi, le Japon et
Shakespeare. D’abord avec Roméo et Juliette
nous sommes en présence d’un mythe universel,
celui de l’amour, ensuite il y a le théâtre shakepearien qui est connu au Japon. En revanche le
sujet pose des contraintes quasi insumontables
pour un Japonais. Pourquoi ? Shakespeare met
en question une vision chrétienne de la morale,
totalement étrangère aux Japonais, qui sont
principalement shintoïstes ou bouddhistes. Moimême je suis allé au Japon avec des idées pré-
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Sur le plan dramaturgique, comment
avez-vous abordé la double traduction et l’adaptation de l’œuvre shakespearienne ? Yves
Bonnefoy, qui a traduit Roméo et Juliette dit
à ce propos : « Le vers régulier, dans la traduction, donne toujours une impression de
gratuité, et parfois même de parodie ». Pour
votre part, jusqu’où respectez-vous l’esprit
du texte ?
Nous avons fondé notre dramaturgie sur la traduction française de François-Victor Hugo et
sur celle de Kawai Shoichiro pour la traduction
japonaise. Par ailleurs j’ai consulté toutes les
autres traductions françaises, y compris celle de
Bonnefoy. Je ne cache pas que nous avons rencontré quelques difficultés, par exemple dans
les scènes où Shakespeare recourt à des métaphores sexuelles, ce qui dans la langue japonaise, et surtout pour les acteurs, était extrêmement
délicat à exprimer. Nous avons dû recourir à
toutes sortes d’astuces : re-traduction pour atténuer la vigueur verbale, ateliers de langue, exercices d’expression, pour surmonter cet écueil.
Cela étant, le premier acte fondamental d’un
metteur en scène, c’est le respect du texte, mais
après tout qu’est-ce que la fidélité, le respect ?
A mon sens, respecter consiste à donner à l’œuvre littéraire la possibilité de la faire vivre et
revivre, de sorte que les mots qui dorment dans
les livres soient visibles et palpables, qu’ils
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deviennent souffle, chaleur, transpiration.
L’esprit de l’œuvre doit être respecté pour que la
nature jaillisse et c’est à travers l’artiste, l’acteur, que la parole redevient vivante et illumine
l’esprit. Mais souvent les mots ne suffisent pas,
il y a des choses cachées dans la fôret de mots,
il est alors nécessaire de se réapproprier le langage à travers certains effets – car il arrive
qu’un effet puisse remplacer un mot - afin que
le verbe retrouve son état de nature. Dans ces
conditions, le texte s’incarne aux sens du spectateur qui peut alors vivre cette éternité de la
parole. L’adaptation quant à elle permet au texte
de trouver sa propre géographie.
Le thème de l’amour, plus précisément celui de la jeunesse face à la passion
amoureuse, semble être au centre de vos préoccupations. L’Eveil du printemps, de Frank
Wedekind, que vous avez monté et présenté
l’an dernier et encore cette année à Genève,
en témoigne. Avez-vous souhaité créer une
sorte de diptyque consacré à cette problématique ?
ming Art Center, fondée en 1997 par le maître
Tadashi Suzuki, n.d.a.), beaucoup de points
communs. Notre rencontre remonte à 1999,
avec une représentation de Noces de sang de
Lorca, lors du festival Olympics Theater
Festival, qui a séduit Tadashi Suzuki. Depuis,
les rencontres se sont multipliées, le Malandro
est régulièrement invité au SPAC, au Festival de
Shizuoka, dirigé maintenant par Satoshi
Miyagi. Notre collaboration nous a conduits à
chercher un nouveau projet commun, et comme
le jeune public nous intéresse car il y a beaucoup à faire dans ce domaine, nous nous sommes dit que Roméo et Juliette serait un bon
choix pour élargir le dialogue entre nos deux
cultures. C’est ainsi qu’est né le troisième volet
d’une réflexion sur la passion amoureuse et
juvénile.
Propos recueillis par
Françoise-Hélène Brou
Roméo et Juliette, d’après Shakespeare.
Prochaines représentations : du 23 au 28 septembre
et du 7 au 15 décembre 2013.
Théâtre Cité Bleue, Avenue de Miremont 46, Genève.
www.malandro.ch
Il y a carrément un triptyque, car ce thème est
déjà présent dans Les Fourberies de Scapin,
monté en 2009 au Théâtre de Carouge (présenté
aussi à Shizuoka en
2009, n.d.a.). C’est
dans ce premier spectacle que j’ai commencé à aborder les
questions de l’éducation, de l’irresponsabilité des parents, de
l’obéissance et de la
désobéissance. Je
m’intéresse au moule
de l’éducation formelle face à l’éveil de
la fougue amoureuse
SEPTEMBRE
de l’adolescence, ce
MA 24 – EN TRAVAUX de Pauline Sales
qui l’amène à braver
OCTOBRE
les interdits. A cet
JE 3 & VE 4 – MARC DONNET-MONAY
égard le personnage
TRANSMET SA JOIE Humour
de Scapin offre un
ME 9 – HITCH d’Alain Riou et Stéphane Boulan
exemple favorisant la
Truffaut/Hitchcock
transgression qui,
SA 19 – OCCIDENT de Rémi De Vos – à Martigny
pour Molière, constiMA 22 – UN MARI IDÉAL d’Oscar Wilde Comédie
tuait donc déjà une
préoccupation. De
façon plus générale,
le Teatro Malandro
partage avec la troupe
japonaise du SPAC
(Shizuoka perfor-
SAISON
2013—2014
conçues et, au cours de mon travail, j’ai dû
renoncer à mes codes, si bien que mon entreprise est devenue une sorte de quête personnelle
vécue en collectif. Il a donc fallu trouver des
éléments rassembleurs, d’ailleurs présents dans
la pièce de Shakespeare avec le personnage du
Frère Laurent qui cherche à trouver des solutions pour réunir les familles ennemies, attitude
qui in fine se révèle une grave erreur. Selon moi,
le véritable élément rassembleur est une forme
d’effacement mutuel où personne ne renonce à
l’essentiel. Mais cela ne suffit pas pour établir
un dialogue Orient-Occident équilibré, il fallait
aussi trouver où Shakespeare existait chez eux.
A cet égard les fables et récits accompagnant
l’arrivée des Occidentaux au Japon, précisément à l’époque de Shakespeare, nous rapprochent et offrent en effet un contexte marqué par
les luttes entre familles, clans rivaux et shogunats, sur fond d’évangélisation catholique (décidée par le pape Grégoire XIII en 1575, n.d.a).
Avec ça on est au Japon. Certes, j’admets que
cette transposition amène une certaine perte de
substance et quelques transgressions, mais quelle richesse on reçoit en retour !
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vail de metteur en scène. Il a ensuite été beaucoup édité dans de nombreuses langues. Il a
écrit cette pièce à un moment difficile de sa vie,
lorsqu'il se savait condamné par le sida. Il était
donc dans l'urgence absolue. On ressent bien
cela dans la pièce. De même, en lisant le journal
de Jean-Luc Lagarce, on découvre que MusicHall contient de forts éléments autobiographiques.
le poche genève
Jacques Michel fait
son one woman show
A l'occasion de la pièce Music-Hall de Jean-Luc Lagarce, le comédien
Jacques Michel retrouve la metteuse en scène Véronique Ros de la Grange.
Pour camper ce rôle fort et mélancolique, il se transformera, chaque soir,
en femme. Ce spectacle sera joué au Poche à la suite d'une autre œuvre de
l'auteur, Derniers remords avant l'oubli, mise en scène par Michel
Kracenelenbogen. Rencontre.
Parlez-nous de Music-Hall...
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Cette pièce ne raconte pas une histoire commune, c'est plutôt une non-histoire. Malgré tout, il
y a une situation de départ qui voit un trio composé d'une femme et de deux hommes en train
d'exécuter un numéro de cabaret. Quand la fille
raconte, elle narre au passé en employant des
expressions telles que « en ce temps-là ». On ne
sait donc pas si on est encore dans ce monde ou
au-delà. On assiste à la fin d'une vie artistique.
Le texte est métaphorique et raconte la déchéan-
fureur, raconté par un idiot, Et qui ne signifie
rien ». Dans cette version mise en scène par
Véronique Ros de la Grange, il y a quelques
changements par rapport au texte d'origine. Par
exemple, les spectateurs ne sont pas venus à la
représentation. De même, elle a choisi de ne pas
faire figurer les deux accompagnateurs. La
femme est ainsi seule sur scène et entrecoupe
son récit par des moments musicaux autour de
Joséphine Baker et de son titre De temps en
temps. On est donc en droit de se demander si
elle a fantasmé tout ce qu'elle raconte.
Vous avez à maintes reprises collaboré avec Véronique Ros de la Grange, qu'estce que vous aimez chez cette metteuse en
scène ?
J'aime son regard et sa précision sur les corps en
scène. Elle vient de la danse et a un regard précis et original. J'aime sa vivacité sur les textes et
ses propositions d'adaptation. Par exemple, pour
Music-Hall, elle a décidé de me faire jouer le
rôle de la femme. Enfin, ce qui me plaît est le
fait de pouvoir développer un parcours avec une
metteuse en scène, tout en étant bien présent
dans les institutions.
Nous avons rencontré Arnaud Buchs,
le maquilleur de ce spectacle, pouvez-vous
nous parler de la transformation qu'il va
vous concocter ?
Jacques Michel
ce d'une artiste et peut-être aussi celle de tous. Il
s'agit, en quelques sortes, d'une métaphore de la
vie. C'est une histoire mélancolique que j'aime
résumer avec les mots tirés de Macbeth : « La
vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre
acteur, Qui s’agite et parade une heure durant,
Puis se tait. C’est un récit, Plein de bruit et de
e
L'idée première n'est pas de faire du personnage
une sorte de drag queen ou de travesti. Il faut
aller chercher le féminin qui est en moi. C'est la
première fois que je fais ce type de travail. C'est
à la fois affolant et excitant.
Quel message transmet le spectacle?
Le spectacle est un miroir du monde. Il a un
aspect universel par le fait qu'on est tous appelé
à disparaître un jour et que l'on est tous en quête
de reconnaissance. Dans de nombreux secteurs
d'activité, après 50-55 ans, cela devient en effet
plus difficile d'exister.
Le thème central de la pièce est la
déchéance d'une star, cela vous interpelle-t-il?
Ce sujet me parle énormément. A 67 ans, je ne
suis pas au début de ma carrière. Cela me touche beaucoup cette idée d'avoir existé, puis de
disparaître. Surtout en ce moment, après les
disparitions de personnes telles que Roland
Sassi, André Steiger et René Gonzalez. Je vois
comment on est en lumière un moment puis tout
s'arrête, comme une vague balayant un château
de sable. Les jeunes ne connaissent par exemple
plus des immenses comédiens comme François
Simon. C'est un métier dans l'éphémère, qui fait
que nous disparaissons. Cela me touche à ce
titre, toute cette nostalgie et cette mélancolie.
Justement, êtes-vous nostalgique du
théâtre d'avant ?
Je considère que le théâtre a beaucoup progressé pendant ma génération. Le théâtre professionnel n'a pas 50 ans en Suisse romande. On
arrive maintenant à produire de grandes choses.
Les jeunes comédiens ont à présent l'opportunité de se former dans des écoles professionnelles. Il y a plus de salles, de structures et d'argent.
J'ai pu observer cela à travers notamment les
syndicats et Action-Intermittents. Le seul bémol
est que l'on va plus vite. Par contre, je suis beaucoup plus sceptique en ce qui concerne l'évolution de la télévision. On ne fait plus de film,
mais plutôt des séries. Le temps de travail est,
de ce fait, plus court. Toutefois, pour moi, le
plus grand élément de vitalité reste de pouvoir
travailler avec des jeunes et de ne pas m'enfermer dans ma génération.
L'auteur de la pièce est un personnage très particulier…
Propos recueillis par Julie Bauer
Jean-Luc Lagarce a créé la maison d'édition Les
Solitaires Intempestifs. Ces dernières années, il
a obtenu une reconnaissance post-mortem. De
son vivant, il était plutôt reconnu pour son tra-
Du 13 au 29 septembre 2013 : Music Hall de Jean-Luc
Lagarce, m.e.s. Véronique Ros de la Grange, Théâtre Le
Poche, réservations : 022 310 37 59, www.lepoche.ch.
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le poche genève
Derniers remords
avant l’oubli
Un dimanche à la campagne dans la maison qu’habitaient il y a quinze ans
Paul, Hélène et Pierre. Une passion à trois. Une révolution des mœurs. Un
départ, puis aujourd’hui, un retour au bercail motivé par une vente.
Dans une maison jadis achetée en commun
pour trois fois rien, Pierre, Hélène et Paul ont
vécu une passion. La fille et l’un des garçons en
sont partis, et se sont construits chacun de leur
côté une autre vie ailleurs. Quinze ans plus tard,
en ce fameux dimanche, ils
reviennent avec leurs
conjoints convaincre celui
qui y est resté en solitaire de
vendre cette maison. La
vente ici sert de prétexte
pour parler d’argent évidemment, mais aussi parler
de soi, écouter ce que l’on
dit de vous, ce que l’on arrive à dire de soi à soi-même
et aux autres. Le temps a
passé, l’atmosphère est lourde, pleine d’opacités, orageuse même car les protagonistes de ces Derniers
remords avant l’oubli sont
réunis malgré eux pour revisiter leurs amours de jeunesse, voire repenser leur vie en
toute honnêteté. Il y a aussi
quelques cadavres aux placards des sentiments, il y a
des idéaux morts, des secrets, et comme le dit le titre
d’emblée, des remords.
Lagarce, pour qui la parole est toujours duelle,
duale, double : elle rassemble mais sépare à la
fois. Théâtre de la voix, théâtre du silence qui
pèse ou qui pose, théâtre envisagé concomitamment comme une musique faite de thèmes, de
L’intérêt de cette pièce réside ainsi non
dans le questionnement psychanalytique ou
psychologique, ni même n’entre dans ces ‘secteurs’ délimités, mais tourne autour d’une problématique plus linguistique, relevant essentiellement de la langue : quels mots
utiliser ? Pour dire quoi ? Et,
deuxième étage, quelle langue
user pour dire les secrets, dire
l’indicible, puisqu’il s’agit également dans cette pièce de
savoir qui est le père de la jeune
fille de 17 ans. Des doutes
demeurent. A chacun dès lors de
se faire une idée, ou de choisir
de ne pas lever le doute !
L’auteur
Jean-Luc Lagarce (19571995) est devenu l'auteur
contemporain le plus joué en
France. Comédien, metteur en
scène, directeur de troupe et
dramaturge, il a monté avec passion et intelligence nombre de
textes classiques ainsi que ses
propres pièces. En 1995, passablement méconnu - surtout en
tant qu’auteur - il meurt du sida.
Sa notoriété n'aura cessé de
croître depuis sa disparition et
aujourd'hui il est considéré
comme un ‘auteur classique’
contemporain. Il figure
d’ailleurs depuis peu au répertoire de la Comédie Française.
Quels mots
utiliser ?
« Seule guérit la blessure l’arme qui la fit »
déclare Parsifal dans le
drame de Richard Wagner.
Cette phrase résonne au loin dans la pièce de
Lagarce, car parler et penser ‘les choses de
l’âme’ reste un acte sinon douloureux, du moins
compliqué. Le choix des mots est toujours
périlleux comme on le sait. A fortiori chez
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«Derniers remords avant l’oubli» © A. Rebetez
variations et de reprises. Théâtre façon danse
hésitante entre ce que l'on cherche à dire, ce
qu'on n'arrive pas à dire, ce que l'on doit pourtant bien dire à la fin.
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Rosine Schautz
Du 9 au 29.9. : Derniers remords avant l'oubli de JeanLuc Lagarce, m.e.s. Michel Kacenelenbogen. Le PocheGenève, lun et ven à 20h30, mer-jeu-sam à 19h, dim à
17h, mardi relâche (rens./rés. /loc. 022/310.37.59)
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arnaud buchs
Passion du maquillage
S'il fallait définir Arnaud Buchs en un seul mot, la passion serait
assurément le substantif tout désigné. C'est elle qui guide ses choix et qui
l'a conduit vers ce métier peu banal de maquilleur. Passant avec le même
enthousiasme de grandes productions aux petits théâtres, du cinéma à la
télévision, la joie reste intacte.
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Chaque nouveau projet est une aventure en
soi. Les techniques ont beau être différentes, la
finalité reste toujours la même : transformer le
comédien pour qu'il habite au plus près son personnage. Rencontre avec un artiste heureux.
Arnaud Buchs n'est pas devenu maquilleur
par hasard : « Adolescent, j'aimais beaucoup dessiner. Puis, en travaillant avec des photographes,
j'ai commencé à faire des maquillages. Mes amis
ont décelé mon talent pour cet art et je me suis
donc tout naturellement dirigé vers cette profession, en suivant des cours dans une école à Paris.
» Une vocation qui lui est aussi venue à la suite
d'une représentation de L'Oiseau vert de Benno
Besson : « J'ai eu un choc à la vue des masques
confectionnés par Werner Strub. A la sortie, je
voulais absolument savoir comment il les avait
faits. » Cette soif d'apprentissage ne l'a pas quittée avec le temps : « C'est un métier qui demande de la passion puisqu'il évolue constamment.
Pour rester à niveau, je participe à de nombreux
stages de perfectionnement techniques et technologiques. Ceci me donne aussi l'occasion d'observer la mode du moment. »
Faire ressortir toutes les facettes
Actif dans toute la Suisse romande, Arnaud
Buchs part aussi en tournée avec les spectacles
sur lesquels il travaille. Son statut d'indépendant
lui permet de voler de projet en projet, sans attache. Une formule qui lui correspond : « Quelle
que soit la grandeur de la production, je m'investis toujours à fond pour tirer le meilleur de l'expérience. Je n'ai pas d'à priori. J'aime prendre
des risques, aller de l'avant. Tout ce qui est nouveau m'intéresse. Je n'ai pas vraiment de style. Je
m'adapte au sens du spectacle tout en portant les
idées du metteur en scène. Cela peut demander
un maquillage fin et cinématique ou alors une
œuvre baroque avec du silicone et du latex. » De
la télévision au cinéma, en passant par le théâtre,
c'est ce dernier qui le fascine plus particulièrement : « Le théâtre est un art vivant. Tous les
soirs les représentations sont différentes. J'aime
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beaucoup le contact que je développe avec les
comédiens lors de l'élaboration des personnages.
Mon but premier est que l'interprète se sente
bien. Si le visage est le reflet de l'âme, le
maquillage aide à faire ressortir toutes les facettes suivant le passé, la personnalité et les conditions de vie de la personne. » Dans ce processus,
outre le visage, les perruques ont leur importance. Arnaud Buchs les façonne en cherchant les
coiffures qui correspondent au plus près au personnage.
Changement en vingt secondes
Lorsqu'il reçoit une proposition de collaboration, il effectue en amont un travail préparatoire, en lisant le texte de la pièce, puis instaure un
dialogue avec chaque corps de métier : le metteur
en scène, le directeur artistique, le scénographe,
la costumière et enfin le comédien. Il s'agit de
travailler selon une même vision : « C'est un travail d'équipe qui nécessite une synergie pour
déterminer l'esthétique. Lire la pièce, parler avec
le metteur en scène, déterminer l'atmosphère et
surtout me rendre compte de l'interprétation du
texte que celui-ci en fait. » Chaque phase à son
importance et le concours des comédiens est primordial : « Je dois leur demander s'ils ont des
allergies ou des blocages. Je travaille pour que le
maquillage les aide à jouer leur rôle. Je regarde
aussi avec l'éclairagiste s'il a des contraintes en
rapport avec la lumière. Cela va aussi déterminer par exemple le fond de teint à employer et
l'intensité des couleurs. Je fais des propositions,
puis nous effectuons des essais jusqu'à ce que la
solution plaise à tous. Il est aussi important que
cela me plaise. » Lorsqu'un maquillage présente
une difficulté technique, le travail commence
cinq à six mois avant la première, sinon, deux
mois suffisent à trouver la bonne formule. Une
fois le spectacle monté, des modifications peuvent encore avoir lieu lors de la répétition générale, ce qui demande de grandes capacités de
réactivités et d'improvisation. Des atouts qu'il
faut aussi avoir lors de certains spectacles qui
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Arnaud Buchs
nécessitent des changements de costume ou de
maquillage éclairs : « Les changements rapides
sont chorégraphiés, comme une danse autour du
comédien. Nous sommes capables de faire un
changement complet, c'est-à-dire costume, perruque et maquillage en vingt secondes. » Un défi
qu'Arnaud Buchs a eu l'occasion de relever lors
des représentations de la pièce Pourquoi ont-ils
tué Jaurès ? de Dominique Ziegler en début d'année au Poche : « J’ai dû créer les perruques et les
maquillages de plus de soixante personnages
joués par cinq à six comédiens. Ceci pendant le
spectacle avec des transformations très rapides.
Un travail fantastique et très technique. »
Saison 2013-2014
Ce genre d'aventure n'est pas systématique :
« En général, les metteurs en scène m'appellent
pour élaborer la création. Les comédiens se
maquillent ensuite eux-mêmes grâce aux fiches
techniques et aux produits que je leur laisse.
D'autres fois, par contre, on me demande d'assurer la maintenance. Dans ces cas-là, je reste sur
le spectacle en maquillant les comédiens tous les
soirs avant et pendant la présentation. » Durant
la saison 2013-2014, Arnaud Buchs mettra son
art au service notamment de L'Entêtement, m.e.s.
Frédéric Polier au Grütli et de Oh les Beaux
jours, m.e.s. Anne Bisang à La Comédie. De
même, au Poche, pour les besoins de Music-Hall,
il transformera le comédien Jacques Michel en
personnage féminin: « Il ne s'agit pas d'en faire
un travesti, mais bien de le changer en femme.
Nous sommes actuellement dans les essais pour
trouver un maquillage qui le crédibilise. » De
belles pièces qui permettront à cet artiste de mettre en valeur son savoir-faire.
D’après des propos recueillis par
Julie Bauer
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entretien avec arie van beek
Début de saison
« néo-classique »
La saison des «concerts de soirée» de l’Orchestre de Chambre de Genève
débutera le 24 septembre avec un concert intitulé «néo-classique». Au
programme de cette soirée, qui verra l’OCG, sous la direction de son
nouveau directeur artistique et musical Arie van Beek, collaborer avec le
Motet de Genève : les Trois scènes de village de Béla Bartók, la Suite de
Pulcinella d’Igor Stravinsky et enfin Thamos, roi d’Egypte de Mozart.
C’est Arie van Beek lui même qui nous présente cette soirée.
Pouvez-vous nous parler de la composition de cette première soirée de la saison ?
Il y a deux axes principaux derrière ce programme. Tout d’abord les deux premières œuvres de
la soirée, celles de Bartók et de Stravinsky –
c’est-à-dire deux géants du début du XXème
siècle –, sont écrites durant la même période,
1926 pour les Trois scènes de village et 1924
pour la Suite de Pulcinella. Qui plus est, ces
deux œuvres élaborent le thème du rapport entre
l’ancien et le nouveau, évoqué dans le titre du
concert ; dans le cas de Bartók, les trois chants
sont des airs folkloriques qui existent depuis des
siècles, et pour accompagner ces mélodies
Bartók crée quelque chose de moderne, dans
son style de l’époque. On peut observer presque
la même chose dans le cas de Stravinsky :
Pulcinella est écrit dans ce qui est communément appelé son style «néo-classique», basé sur
des compositeurs du XVIIIème siècle, surtout
Haydn et Mozart, mais c’est un style qui est
également propre à Stravinsky. La forme, les
harmonies, les danses sont rattachées à la
musique ancienne, mais en même temps l’œuvre est profondément moderne.
Un second aspect du programme rattache
Stravinsky et Mozart : les deux pièces ont un
rapport avec le théâtre. Pulcinella s’inspire évidemment de la commedia dell’arte, tandis que
Thamos, roi d’Egypte est la seule œuvre de
Mozart écrite pour une pièce de théâtre.
Thamos est rarement joué en concert.
Oui, et c’est très étonnant, car le niveau de cette
musique n’est pas en-dessous des dernières
symphonies de Mozart. Thamos est vraiment
une œuvre fascinante. Mozart la compose assez
jeune, mais on y trouve déjà des éléments qui
annoncent la Flûte enchantée : il y a déjà un
prêtre, on y observe des éléments maçonniques,
et la musique dénote une grande maturité – c’est
d’ailleurs une œuvre longue (presque 50’). Je
dirige régulièrement cette œuvre, que j’aime
beaucoup, mais il est vrai qu’elle est trop rarement jouée.
Vous avez souhaité
commencer la saison avec
un mélange d’œuvres célèbres et méconnues.
C’est un aspect important du
programme de la saison
2013-2014. Evidemment,
pour attirer l’attention du
public il est nécessaire d’avoir souvent au programme,
soit une œuvre très connue,
soit un soliste ou un chef
célèbres, mais je considère
qu’un orchestre ne doit pas,
L’Orchestre de Chambre de Genève © Gregory Batardon
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Arie van Beek © Gregory Batardon
pour utiliser une métaphore artistique, être uniquement un musée avec une collection permanente ; il faut également qu’il permette de
découvrir des œuvres de différentes époques.
Cela peut être une pièce contemporaine, une
création, ou une œuvre peu connue de Mozart
comme Thamos.
Et la collaboration avec le Motet ?
J’aimerais bien que chaque année nous puissions avoir une collaboration avec un ensemble
choral de haut niveau – par exemple le Motet –,
que cela soit un des ingrédients «standards» de
la programmation. Il est d’autant plus normal
que l’on cherche une collaboration avec des
chœurs de la région, comme le Motet, ou
comme le chœur Pro Arte de Lausanne, avec
lequel nous allons donner, dans le cadre d’un
autre «concert de soirée» le Golgotha de Frank
Martin à la Cathédrale de Genève le 3 avril
2014. D’ailleurs, le fait d’interpréter le
Golgotha illustre un autre aspect qui me tient à
cœur dans la programmation de l’OCG : jouer
les œuvres de compositeurs suisses.
Propos recueillis par Laurent Darbellay
Informations pratiques :
Soirée «néo-classique» (Bartók, Stravinsky, Mozart) ;
l’OCG et le Motet de Genève, sous la direction d’Arie van
Beek ;
Bâtiment des Forces Motrices, 24 septembre, 20h.
Renseignements et billets : www.locg.ch ou 022/807-17-90
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au victoria hall en ouverture de saison
Deux vedettes
du chant
Le début des activités de l'OSR sera essentiellement
lyrique à la rentrée. A côté des Noces de Figaro qui
feront l'ouverture de la saison au Grand Théâtre,
Neeme Järvi a en effet programmé trois cycles de
chants donnés dans le cadre des premiers concerts
d'abonnement les 25 et 27 septembre prochains (Série
Répertoire et Série Symphonie). Deux artistes ont été
invitées à se partager les honneurs de la soirée; la
confrontation entre ce qu'il convient d'appeler ici des
monstres sacrés promet en tous les cas de beaux
moments d'émotion.
Violeta Urmana
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Cette cantatrice lituanienne jouit d'une extraordinaire popularité dans
son pays où elle est autant admirée pour son art que pour l'intelligence avec
laquelle elle a su construire une carrière qui l'a conduite sur les plus grandes
scènes mondiales... (Signalons au passage qu'elle fut Amneris dans la dernière production d'Aida montée par Francesca Zambello dans les derniers
jours de l'année 1999 au Grand Théâtre). Son impact auprès de la population
est tel que des membres du gouvernement lituanien ont même songé, en
2004, à lui proposer de se porter candidate aux élections pour la présidence
de son pays afin de faire barrage à Rolandas Paksas, un politicien à la réputation sulfureuse dont certains pensaient alors qu'il était trop proche des
milieux mafieux. La cantatrice avoue avoir hésité quelques heures avant de
renoncer: elle aurait dû alors se retirer de la scène et le temps ne lui paraissait pas mûr pour faire un tel pas.
Par contre, c'est à peu près à cette même époque qu'elle décida de changer totalement de direction dans l'élaboration de son plan de carrière en laissant progressivement de côté les rôles de mezzo-soprano qui lui avaient
ouvert toutes grandes les portes des institutions internationales les plus
renommées pour s'attaquer aux emplois plus exposés de soprano dramatique. «Lorsque je chantais Amneris aux côtés d'Aida, disait-elle il y a
quelques années à un critique du Guardian, j'avais toujours l'impression que
le rôle était trop bas pour ma voix et je craignais chaque fois d'entrer en
scène. Un jour, j'ai essayé de chanter la musique écrite pour ma rivale dans
le chef-d'œuvre de Verdi. Et je n'avais plus aucun problème!...» Le choix fut
vite fait et en 2003, déjà, elle s'attaquait à Lady Macbeth de Verdi au Festival
d'Edimbourg, dans le théâtre qui avait été témoin de ses premiers succès
lorsqu'elle y avait incarné la Princesse Eboli dans Don Carlo cinq ans plus
tôt! Puis vinrent Iphigénie en Aulide à la Scala, Ariadne auf Naxos au Met,
Aida un peu partout dans le monde, la Gioconda à Paris l'hiver dernier,
Isolde, Kundry ou Sieglinde dans divers grands théâtres allemands dont
Bayreuth, et la liste pourrait s'allonger encore.
Maintenant, lorsqu'elle pense à son passé de mezzo soprano, elle a quasiment l'impression que l'on a cherché à la forcer à se cantonner dans ce
registre. Dans cette même interview, elle va jusqu'à dire que ses professeurs
d'alors n'avaient pas su déceler les vrais atouts de sa voix; elle ose même dire
que les écoles de chant ne sont pas d'une qualité excellente dans son pays
d'origine, ou du moins qu'elles ne l'étaient pas quand elle était elle-même en
formation. C'est après être venue en Allemagne pour se former à Munich
auprès de Joseh Loibl qu'elle découvre sa vraie nature: celle à qui l'on avait
toujours dit en Lituanie que la richesse de son registre grave ferait d'elle un
grand mezzo-soprano, prend alors conscience qu'elle possède un aigu qui se
développe naturellement; cette révélation la fascine et, après quelques essais
réussis, elle a de gaieté de cœur abandonné un registre qui lui paraissait peu
propice à l'épanouissement naturel de ses talents. Aujourd'hui, il ne fait
aucun doute pour elle que les grands emplois de sopranos dramatiques tant
allemands qu'italiens sont quasiment écrits pour son type de voix...
Olga Borodina
La deuxième vedette lyrique de la soirée est la cantatrice russe Olga
Borodina. Elle aussi a glané ses premiers succès dans le registre féminin
grave, mais au contraire de sa consœur, elle est restée fidèle à ses choix premiers. Par contre, elle a décidé, au fil des années, de se produire de moins
en moins. Non parce qu'elle est vocalement fatiguée, mais parce que la vie
d'artiste lyrique lui plaît peu et les aléas de la vie des grands théâtres lyriques
l'ont défrisée. Ce qui l'irrite le plus ? La recherche systématique de la perfection, au détriment de la vérité dramatique qui se trouve, pour elle, dans
l'acceptation de ses limites techniques ou de ses faiblesses naturelles. Ainsi
aime-t-elle à comparer les deux grands ténors avec lesquels elle a collaboré
en début de carrière. « Luciano Pavarotti? C'est un être fou de perfection,
mais pour moi il était tellement obnubilé par la qualité des notes émises
Violeta Urmana © Ivan Balderramo
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en septembre à genève
Agenda
Si les principales séries de concert comme Caecilia ou les
Concerts-club Migros débuteront leur programmation en
octobre, la rentrée musicale sur la scène genevoise
commencera néanmoins en beauté avec le Festival
Amadeus, qui se tiendra du 29 août au 7 septembre dans la
Grange de la Touvière, à Meinier.
Olga Borodina © Philipps Classics
qu'il ressemblait à un robot ! Il était capable d'émettre des sons ensorceleurs, certes, mais son chant était le plus souvent privé de vie et de réactivité sur une scène... Je préfère sans conteste Domingo, car même s'il ne réussit pas chaque soir à gratifier les spectateurs d'un chant immaculé au plan
technique, il reste un interprète qui s'immerge totalement dans le spectacle.
Or j'ai besoin, en tant que partenaire, de pouvoir m'appuyer sur quelqu'un
pour qui théâtre et musique, drame et chant restent intimement liés. Si ce
n'est pas le cas, je préfère m'abstenir. » Chanter reste pour elle d'abord un
engagement de chaque instant qui ne tolère pas la demi-mesure; l'excellence ne devrait jamais être un but en soi. Il s'agit plutôt de communiquer avec
le public, de le faire vibrer, de lui donner par le miracle du jeu, de la voix et
de l'engagement scénique un accès privilégié au monde que le compositeur
a voulu dépeindre.
Dans ce même ordre d'idée, elle refuse les lubies de certains metteurs
en scène qui cherchent avant tout à faire parler d'eux en exploitant, telles
des sangsues, le génie des musiciens et librettistes qui les ont précédés. C'est
pourquoi ses admirateurs entendent de plus en plus cette artiste sur le
podium de concert, car c'est là qu'elle elle se sent vraiment en contact direct
avec l'auditoire et elle peut alors assumer l'entière responsabilité de ce qui se
passe dans la salle quand elle ouvre la bouche...
Eric Pousaz
Ces deux artistes se produiront au Victoria Hall, les 25 et 27 septembre dans le cadre de
la même soirée sous la direction de Neeme Järvi. Au programme : Alexandre Glazounov
Ouverture solennelle pour orchestre en ré majeur op. 73, Modest Moussorgski Chants et
Danses de la Mort, Gustav Mahler Totenfeier, poème symphonique pour grand orchestre en ut majeur et Gustav Mahler Kindertotenlieder
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Le programme alléchant comprend notamment le concert inaugural
offert par la soprano Carine Séchaye et la pianiste Marie-Cécile
Bertheau ; la prestation d’Il Giardino Armonico le samedi 31 août ou encore la venue du quintette à vent du Philharmonique de Berlin. Le concert
final, le samedi 7 septembre, sera à charge du Kammerorchester Basel.
Sur la scène de la Place Neuve, le public pourra réentendre ou découvrir les Noces de Figaro de Mozart, dirigées par Stefan Soltesz. Russel
Braun (le comte Almaviva), Malin Byström (la comtesse), Natalyia
Kovalova (Susanna) et David Bizic (Figaro) assureront la distribution, tandis que la mise en scène sera à charge de Guy Joosten (9 – 19 septembre).
Le mois de septembre commencera avec une mélancolie toute automnale grâce à Andrei Gavrilov, qui offrira le 2 un récital dédié aux Nocturnes
de Chopin et à la sonate No 8 de Prokofiev au Victoria Hall. Le 20 septembre, l’Orchestre de la Suisse Romande retrouvera sa scène fétiche avec son
chef artistique Neeme Järvi, qui dirigera notamment la Symphonie No1 de
Mendelssohn et la No 76 de Haydn. Le Concerto pour flûte No1 de Mozart
sera aussi interprété, grâce au flûtiste Loïc Schneider. Même formation,
même chef, même lieu les 25 et 27 septembre, accompagnés cette fois-ci par
les chanteuses Violeta Urmana et Olga Borodina (voir ci-contre).
Le 12 septembre aura lieu au Bâtiment des Forces motrices le premier
concert d’un tout nouvel ensemble, la Geneva Camerata, sous la direction
de son chef David Greilsammer avec, en invité, le violoncelliste Steven
Isserlis. Au programme, des pages de Lully, Haydn, Jaggi et Mozart.
L’Ensemble Contrechamps se produira au Studio Ernest-Ansermet le
17 septembre sous la direction de Julien Salemkour, avec les solistes
Antoine Françoise et StefanWirth.
L’Orchestre de Chambre de Genève se produira quant à lui avec son
nouveau chef titulaire, Arie van Beek et le Motet de Genève au Bâtiment
des Forces motrices, le 24 septembre. Mozart et Bartok seront interprétés,
ainsi que la Suite Pulcinella de Stravinski.
Quant aux amateurs de musique contemporaine, ils pourront se retrouver le dimanche 22 septembre au Musée d’Art de d’Histoire pour l’hommage consacré au compositeur suisse Eric Gaudibert par des solistes de
l’Ensemble Contrechamps. Toujours dans le même lieu se déroulera, le 29
septembre à 11h, un concert réunissant le Quatuor de Genève, le violoncelliste Lionel Cottet et le pianiste Louis Schwizgebel
Autres événements à signaler : d’une part, la venue le 26 septembre au
Victoria Hall des Solistes de Moscou qui seront dirigés par l’altiste Yuri
Bashmet; d’autre part, le concert du dimanche de la ville qui accueille, le 29
septembre au Victoria Hall, les Chœurs et Solistes de Lyon-Bernard-Tétu et
le Quintette Alliance, dirigés par Catherine Molmerret, avec Diego
Innoncenzi aux orgues.
Martina Diaz
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à genève et dans toute la suisse
Excellence
La saison 2013/2014 des Concerts du pour cent culturel
proposera des rendez-vous à la fois cosmopolites et
régionaux puisqu’aussi bien Pèkin et Montréal que
Berne seront au programme.
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Elle commence par un concert spécial à Berne le 10
septembre 2013 : l’Orchestre symphonique de Beijing
interprétera des œuvres de compositeurs chinois contemporains et les Tableaux d’une exposition de Modeste
Moussorgski. L’ouverture des concerts genevois aura lieu
le 28 octobre 2013 au Victoria Hall. L’Orchestre du
Festival de Budapest et son célèbre chef Iván Fischer proposera un programme Mozart/Beethoven/Dvo ák. La
soprano suisse Marysol Schalit chantera un air du compositeur autrichien, tandis que l’une des plus grandes pianistes de notre époque, Maria João Pires, interprétera le 4e
concerto de Beethoven; en deuxième partie on pourra
entendre la 8e symphonie du compositeur tchèque.
Fin novembre, le 28 plus exactement, ce ne sera rien
moins que le célèbre Orchestre révolutionnaire et
romantique de Sir Eliot Gardiner qui sera accueilli par le
Victoria Hall. La soprano valaisanne Rachel Harnisch
chantera un air de Mozart en introduction. Puis l’orchestre interprétera deux symphonies de Beethoven, la 8e et la 2e.
Le succès des Migros-pour-cent-culturel-classics est tel à Genève que
la ville romande est gratifiée de deux concerts supplémentaires. Le premier aura lieu le 10 décembre 2013. Il sera entièrement dédié à Felix
Mendelssohn Bartholdy. La Camerata Bern sera dirigée par la violoniste
allemande Antje Weithaas. Après l’ouverture Les Hébrides, ils interpré-
teront deux concertos avec Alexander Lonquich au piano et la symphonie Italienne.
Le 16 janvier 2014 ce sera au tour de l’Orchestre de chambre de
Bâle de nous enchanter. D’abord avec le concerto pour hautbois de
Bohuslav Martinú interprété par le Suisse Matthias Arter, un ancien
élève de Heinz Holliger. Ensuite avec le concerto pour violoncelle de
Edward Elgar, interprété par une violoncelliste suisse qui a déjà beaucoup
fait parler d’elle : Sol Gabetta. Après l’entracte l’orchestre toujours dirigé par Mario Venzago exécutera la 9e symphonie de Schubert. Le mois
suivant, le 13 février 2014, aura lieu le second concert spécial, uniquement
à Genève. Le célèbre violoniste Maxim Vengerov dirigera l’Orchestre de
Sol Gabetta © Marco Borggreve
Chambre de Pologne tout en jouant de son instrument. Ils exécuteront
d’abord deux concertos pour violons de Mozart puis trois pièces pour violon et orchestre de Tchaïkovski.
Le concert du 13 mars sera particulier pour trois raisons.
Premièrement il y aura la création mondiale d’une œuvre du compositeur
suisse David Philip Hefti. Deuxièmement l’Orchestre symphonique de Montréal dirigé par Kent Nagano interprétera la
Symphonie fantastique de Berlioz. Auparavant le pianiste
canadien Marc-André Hamelin aura joué le concerto n° 2 de
Liszt. Le Victoria Hall accueillera l’Orchestre symphonique
de la BBC le 29 avril. À la baguette : Sakari Oramo. Avec le
violoniste Leonidas Kavakos, ils interpréteront le concerto de
Brahms. On pourra entendre ensuite une œuvre contemporaine du compositeur suisse Dieter Amman, puis les Variations
Enigma d’Edward Elgar.
Un concert de l’Orchestre du Théâtre Mariinski dirigé
par Valery Gergiev couronnera la saison le 21 mai 2014. Il y
aura en entrée une autre composition de Dieter Amman.
Ensuite, Denis Matsuev, un lauréat du célèbre concours
Tchaïkovski, interprétera le Concerto n°1 de Rachmaninov.
En deuxième partie, l’orchestre interprétera la symphonie n°4
de Tchaïkovski.
Emmanuèle Rüegger
Marc-André Hamelin
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Plus d’informations sur : www.culturel-migros-geneve.ch/web/index.asp
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concert du dimanche au victoria hall
Les solistes de Lyon –
Bernard Tétu
En France, le mitan des années 1970 vit la constitution de nombreux
ensembles spécialisés. En musiques contemporaines : Ensemble intercontemporain, L’itinéraire, 2e2m. En musiques anciennes : La Chapelle royale,
La Grande écurie & la chambre du roi, Les Arts Florissants. Et musiques
vocales collectives, domaine dans lequel Bernard Tétu et Les Solistes de
Lyon furent pionniers.
Oui, musiques vocales collectives, car il
s’agissait de dépasser les pratiques grégaires (le
réactionnaire mouvement À Cœur Joie) ou la
pensée néoclassique (Philippe Caillard,
Stéphane Caillat), lorsque l’acte (social et/ou
narcissique) de chanter en groupe comptait
davantage que l’exigeante mission médiatrice,
propre à tout interprète, entre une œuvre et des
publics. Certes, dans ces réflexions, Philippe
Herreweghe avait ouvert la voie. Mais Bernard
Tétu assuma une crâne décision : non pas des
répertoires spécialisés mais tout le cours de
l’histoire de la musique, depuis l’ère médiévale
(Le livre vermeil de Montserrat) jusqu’à des
créations (Gilbert Amy, Maurizio Kagel,
Maurice Ohana, Gilles Tremblay), en passant
par tout le répertoire tonal.
Pionniers
Depuis lors, Bernard Tétu assume une triple activité. Chef de chœur et d’orchestre, invité à diriger par toute l’Europe, mais aussi en
Israël, en Amérique et en Asie. Mais aussi professeur de la classe de direction de chœur au
Conservatoire national supérieur de musique et
de danse de Lyon (alors la première en France,
en cette discipline). Et, bien entendu, patron
de ses Solistes de Lyon, qui furent pionniers
et qui, presque trente-cinq-ans après leur
fondation, n’ont rien perdu de leur nécessité
dans la vie musicale.
Un éclaircissement s’impose. La raison
sociale Les Solistes de Lyon désigne trois
entités distinctes. D’abord, un ensemble
vocal professionnel (de 8 à 16 chanteurs),
proprement dénommé Les Solistes de Lyon.
Puis le Chœur de chambre de Lyon (de 16 à
32 chanteurs). Enfin, un chœur-atelier, également dénommé Chœur d’oratorio de Lyon,
pour les effectifs symphoniques. Avec de tels
outils, Bernard Tétu peut aborder tout répertoire qui lui chante !
Programme genevois
Catherine Molmerret © Ghislain Mirat
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À Lyon, la mutualisation de ces trois
ensembles permet de présenter une belle, et
réputée saison, base à partir de laquelle des
projets singuliers peuvent être conçus. En
ouverture de la série des Concerts du dimanche de la Ville de Genève, celui qui aura lieu
le 29 septembre, à 17 heures, au Victoria
Hall, est du nombre. Apparemment, le pro-
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Diego Innocenzi. Photo C. Renaud
gramme, certes intelligent, est sage. Les
Chœurs et solistes de Lyon, flanqués d’un quintette de cuivres, donneront : le Choral n°3, pour
orgue, de César Franck, deux pages orchestrales
(Sibelius et Berlioz) transcrites pour le quintette de cuivres, et, pour finir, le Requiem de Fauré
mais dans une version singulière, qu’a réalisée
Hamid Medjebeur. L’orchestre y est remplacé
par les cinq cuivres et par l’orgue, dont l’association avec un chœur est aussi efficace que
légendaire, tant les palettes de couleurs de ces
trois entités se complètent harmonieusement.
Pour ce concert original, à ne surtout pas manquer, Catherine Molmerret (Bernard Tétu lui a
cédé la baguette) dirigera l’organiste Diego
Innocenzi, le Quintette Alliance et le Chœur
d’oratorio de Lyon.
Saison
Autres moments forts de la saison 20132014 : le Stabat Mater de Dvo ák (Festival de
Toulon, le 18 octobre) ; une finaude adaptation
de West Side Story de Bernstein, avec les
Percussions claviers de Lyon (en tournée en
France et à l’étranger, à partir de la mi-octobre
2013) ; et Roméo et Juliette de Berlioz, avec
l’Orchestre national de Lyon, les 7 et 8 février
2014, à l’Auditorium de Lyon
Frank Langlois
29 septembre : Concert du dimanche de la ville de Genève.
Chœurs et Solistes de Lyon-Bernard Tétu, dir. Catherine
Molmerret, Diego Innocenzi, orgues, Quintette Alliance
(Franck, Sibelius, Berlioz, Fauré). Victoria Hall à 11h
(rens. 0800.418.418, billets : Alhambra, Grütli)
é
65
m u s i q u e
entretien
David Greilsammer
Au seuil de la première saison du Geneva Camerata (GECA), nouvel
ensemble placé sous la direction artistique et musicale du chef et pianiste
David Greilsammer, rencontre avec ce go-between visionnaire pour qui rien
n’importe plus que le rassemblement des arts, des cultures mais aussi des
publics (voir SM, février 2013)
voyagent facilement et plus librement. Le musicien venant de Berlin avec easyjet arrivera exactement en même temps que le musicien venant
de Zurich en train. Justement, il me semble
qu'un orchestre dans lequel il y a une belle
diversité de cultures est beaucoup plus vivant
qu'un ensemble dans lequel tout le monde vient
du même endroit. L’essentiel est que chacun soit
instantanément dès son arrivée dans la bulle du
projet et préparé pour le concert qui arrive.
Où les répétitions auront-elles lieu ?
La mise sur pied du Geneva
Camerata relève de l’exploit. Comment trouve-t-on des musiciens et des solistes de qualité disponibles, de surcroît en un temps
record ?
66
La condition essentielle est d'avoir une ligne
musicale et un projet artistique clairs. Car
quand vous sélectionnez des musiciens talentueux pour un orchestre - s'ils savent où vous
voulez les emmener et quels sont vos missions
artistiques, ils adhéreront et seront d'autant plus
enthousiastes et impliqués. En effet, la volonté
était de créer un projet d'envergure et donc nous
n’avons pas proposé à nos musiciens de faire un
concert ponctuel mais tout au contraire, d’être
partie prenante d’un orchestre qui a été construit
pour le long terme; un orchestre qui fera partie
de la vie culturelle genevoise d'une part et qui
entreprendra des tournées internationales d'autre part. En ce qui concerne les solistes internationaux que nous avons invités, ils étaient heureux de pouvoir participer à la naissance d'un
nouvel ensemble qui prône l'ouverture et l'éclectisme. Du moment qu’ils ont vu la teneur du
projet et ses missions, ils ont décidé d’apporter
leur soutien et de faire partie de l'aventure. Des
solistes comme Andreas Scholl, Emmanuel
Pahud ou Daniel Hope, qui ont un agenda rempli jusqu’en 2017, ont fait des miracles pour se
rendre disponibles.
Avez-vous recherché pour GECA des
musiciens présentant un profil particulier ?
Oui, et cela ne passait pas par le système habituel de l’audition à laquelle le musicien se prépare comme un cheval de course, mais qui ne
dévoile rien de son ouverture d’esprit, de son
goût de l’aventure, de son âme, de ses qualités
humaines. Le profil que nous avons patiemment
recherché, comprend l’excellence et la virtuosité bien sûr, mais au-delà, le goût de la découverte, l'envie de partage et la générosité. Les musiciens que nous avons recherchés jouent aussi
e
bien dans des formations de musique de chambre que dans des orchestres baroques ou dans
des ensembles de musique contemporaine. Tous
nos musiciens peuvent aussi bien jouer la
musique ancienne que la musique de nos jours.
Certains d'entre eux ont la capacité de jouer du
baroque, du jazz, de la musique folklorique et
de maîtriser l'art de l’improvisation. Nous voulions construire un orchestre avec des aventuriers, des musiciens hors-pairs. C'est pourquoi
ils doivent tous être capables de s’exposer et de
tenir le rang de soliste au sein de cette formation
qui compte une trentaine de musiciens en effectif complet.
Cette diversité de pratiques et des styles des musiciens n’implique-t-elle pas des
risques pour l’unité de l’ensemble ?
Au contraire, puisque notre programmation
reflète précisément cette diversité. Je suis
convaincu que le musicien du XXIème siècle
est celui qui possède cette envie de découvrir
des répertoires différents et qui a la capacité de
maîtriser des styles des plus variés. Grâce à ce
musicien, nous pourrons jouer dans le même
programme une pièce de Rameau et de Ligeti
avec la même ferveur et le même enthousiasme.
Comment allez-vous travailler avec
des musiciens qui ont des activités dans
diverses villes européennes et non seulement
à Genève?
Les conditions de répétition pour un concert
seront celles que l’on rencontre habituellement
dans les orchestres: quatre à cinq jours de travail
plus la répétition générale et le concert.
Plusieurs musiciens du Geneva Camerata résident en Suisse, certains viennent de Paris,
Londres, Berlin ou même de Grèce. Nous
devons admettre que le monde a énormément
changé ces vingt dernière années; Aujourd’hui,
avec les immenses possibilités de voyage des
nouvelles compagnies aériennes, les musiciens
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Nous avons un partenariat très important avec
l'Aula Frank-Martin du Collège Calvin et avec
l’Institut Jaques-Dalcroze qui mettent à notre
disposition leurs salles magnifiques. De plus,
avec le Collège Calvin, le partenariat s’étend à
des concerts pédagogiques pour toute la famille.
Ceci est l'un des aspects les plus important de
l’ancrage de GECA dans la vie culturelle genevoise: Car avant tout, GECA est un ensemble
basé à Genève, un ensemble qui porte le nom de
la ville et qui souhaite assumer son rôle d'ambassadeur culturel auprès des jeunes. Le volet
pédagogique de notre activité est d'une importance fondamentale et fait partie des missions
phares de l'ensemble: Faire découvrir la magie
et la force de la musique aux jeunes. Par
ailleurs, nous allons donner des concerts dans
plusieurs lieux à Genève, aussi bien au
Bâtiment des Forces Motrices qu’au VictoriaHall, à la Comédie, à la Société de Lecture, au
Festival Electron, au Centre d’Art
Contemporain et au Musée d'Art et d'Histoire.
En quoi consistent les concerts pédagogiques du Geneva Camerata ?
Chaque concert présente une thématique différente qui permets d'explorer de magnifiques
sujets liés à la musique classique. Ces concerts
sont d'une durée d'une heure, et se déroulent
dans une ambiance décontractée, conviviale et
chaleureuse. Nous souhaitons que les enfants et
adolescents viennent en famille pour ces
concerts qui ont lieu à 11 heures les samedis et
sont gratuits pour les moins de 16 ans!
D’ailleurs, lors de ces "Concerts en Famille"
nous inviterons le public à intervenir, à poser
des questions et à certains moments, les enfant
pourront même venir sur scène et être parmi les
musiciens et les instruments de musique....
Vous irez aussi jouer dans les prisons
et les hôpitaux ?
La mission humaniste fait partie des pilliers du
projet de GECA. Nous avons établi un beau par-
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David Greilsammer © Antoine Le Grand / Naïve
tenariat avec les Affaires culturelles des
Hôpitaux Universitaires de Genève et nous
allons donner des concerts dans des hôpitaux,
cliniques, foyers et dans des prisons. En tant que
musicien, nous devons assumer un rôle social,
j'en suis convaincu. Nous devons contribuer à la
société et à notre environnement. La musique
possède une force extraordinaire d'aider, d'apaiser et d'offrir des moments de
bonheur.
Créer un nouvel orchestre à Genève
en temps de crise financière, c’est faire un
pari ?
C’est vrai, la crise dans le monde entier est là et
il faut en tenir compte. D’où le projet mûrement
réfléchi d’un ensemble à géométrie variable qui
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a une immense flexibilité et qui peut proposer
des concerts avec des ensembles de tailles différentes. Nous avons décidé d'élaborer un modèle
budgétaire réaliste qui permet d'offrir des
concerts de qualité avec des moyens qui restent
raisonnables. C'est ainsi que nous avons la capacité de proposer une intégrale des concertos
Brandebourgeois de Bach tout aussi bien qu'un
concert au Festival Electron ou une tournée à
Berlin, Paris et Londres, des concerts symphoniques, des concerts en collaboration avec des
compagnies de danse ou avec des artistes venant
d'autres horizons.... Nous pouvons proposer aux
programmateurs des projets très différents, avec
des coûts qui restent modestes. C'est aussi ce
modèle flexible qui nous permet
d’aller jouer avec deux ou trois musiciens dans
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un hôpital ou une prison. De plus, l'une de nos
missions est de collaborer avec un grand nombre d'institutions à Genève et grâce à ce système
de géométrie variable, nous pouvons travailler
avec un grand nombre d'institutions, spécialisées dans différents domaines. De plus, chaque
saison, nous allons passé des commandes à plusieurs jeunes compositeurs, afin de soutenir les
jeunes créateurs d'aujourd'hui et d'assumer cette
grande envie de contribuer à la naissance de
nouvelles œuvres musicales.
Propos recueillis par Christian Bernard
Renseignements sur: www.genevacamerata.com
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Vous donnez des master classes. Comment percevez-vous le
travail des nouvelles générations ? Quelle évolution percevez-vous, si
vous vous livrez à une comparaison avec l'époque où vous étiez étudiant ?
steven isserlis de passage à genève
Virtuosité
et diversité
Le Geneva Camerata (GECA) donnera son premier
concert le 12 septembre prochain. Emmené par David
Greilsammer, il accueillera le talentueux violoncelliste
britannique Steven Isserlis, qui livre ici quelques
impressions.
Je trouve qu'il y a beaucoup d'excellents jeunes violoncellistes autour de
nous, dont certains ont des talents extraordinaires. Je pense néanmoins que
nous avons perdu un grand nombre d'idéaux qui avaient été transmis aux
interprètes jusqu'au début du XXe siècle; mais je m'empresse de le dire, ce
n'était déjà plus le cas quand j'étais étudiant ! Mon enseignante, Jane
Cowan, avait le sentiment de transmettre des valeurs qui s'étaient perdues;
Parlez-nous de votre amitié naissante avec David
Greilshammer.
Eh bien, elle va se développer, car nous ne nous sommes pas encore directement rencontrés ! Mais j'ai déjà beaucoup entendu parler de lui; j'ai
écouté des enregistrements, j'ai lu beaucoup à son sujet ! Je me réjouis
vraiment de jouer et de travailler avec lui.
68
Comment percevez-vous la vie musicale en Suisse ?
J'adore me produire en Suisse. On y trouve une vie musicale très riche,
avec d'excellents orchestres, et des publics chaleureux, très réceptifs.
A votre avis, quelles sont les difficultés et les qualités du
concerto pour violoncelle de Haydn que vous allez jouer à Genève ?
Je pense qu'il est juste d'affirmer que le Concerto en ut majeur est le plus
grand concerto classique pour cet instrument. Il est parfaitement proportionné, plein d'esprit, de joie et de beauté. Il n'est pas facile à jouer, mais
d'un autre côté il est très gratifiant de s'y consacrer.
Vous paraissez vous intéresser également à la musique ancienne et aux créations contemporaines. Comment parvenez-vous à un tel
équilibre ?
A mon avis, les violoncellistes doivent aborder tous les styles. Un pianiste peut se spécialiser, disons dans Beethoven et Mozart, avec un choix de
27 concertos de Mozart et beaucoup d'autres œuvres, les 32 sonates de
Beethoven et les 5 concertos... Nous, nous avons 5 sonates de Beethoven,
6 suites de Bach et, à part cela, une ou deux compositions majeures par
grand maî-tre. Donc, nous devons nous diversifier; et j'adore me consacrer à la musique de différentes périodes, et parmi elles les travaux des
compositeurs d'aujourd'hui.
Steven Isserlis © Satoshi Aoyagi
Sandor Vegh, qui a aussi eu une grande influence sur ma vie musicale, ressentait la même chose. Les deux estimaient qu'ils faisaient partie de la
grande tradition européenne, et qu'il était de leur devoir de la préserver.
Nous ne parlons donc pas de projets, de succès ni de carrière professionnelle. Nous essayons seulement d'explorer la musique de l'intérieur, de
transmettre l'essence de la musique.
Propos recueillis et traduits par Pierre Jaquet
Selon vous, qui, parmi les contemporains, serait le Beethoven
du XXIe siècle ? Que ce soit dans la musique pour violoncelle ou dans
un répertoire plus large ?
C'est une question impossible ! Eh bien... je suppose que Kurtag - avec
lequel j'ai beaucoup collaboré - mérite peut-être ce qualificatif. C'est un
créateur magnifique, unique. Mais il y a beaucoup d'autres musiciens
remarquables autour de nous, qui rédigent dans des styles surprenants et
divers. Il y a, par exemple, une œuvre splendide, écrite pour moi et que je
joue beaucoup; elle est de Thomas Ade et s'intitule «Lieux retrouvés»...
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CONCERT PRESTIGE N°1 - "CRÉATION" le 12 septembre 2013, BFM à 20h00
Direction, David Greilsammer - Violoncelle, Steven Isserlis
Pages de Jean-Baptiste Lully, Joseph Haydn, Martin Jaggi & Wolfgang Amadeus Mozart.
[email protected] - +41 22 310 05 45
www.fnac.ch& 1heure avant le début de la représentation au guichet du BFM
Renseignements : www.genevacamerata.com
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un programme qui n’est pas figé, ensuite, ils
font preuve d’un grand courage dans les risques
qu’ils prennent, et surtout ils bousculent un peu
les préjugés, proposant par exemple de faire
entrer la musique en prison, à l’hôpital ou de
jouer au profit des femmes maltraitées de l’association Au cœur des Grottes. En un mot, j’ai
saisi qu’ils avaient de l’ambition, l’ambition de
l’excellence, et qu’ils avaient le désir de faire
partager leur passion au plus grand nombre.
entretien avec jean-philippe rapp
Geneva Camerata
Orchestre composé d’une trentaine de musiciens, cette formation de
chambre a été fondée à la suite de la non-réélection à l’Orchestre
de chambre de Genève de David Greilsammer.
Ce nouvel orchestre, annonce d’emblée son
Directeur musical et artistique, fonctionnera
selon des critères «fort différents» des institutions que sont l’OSR et L’OCG. La saison de
concerts se déclinera en plusieurs séries (de prestige, ‘sauvage’, concerts en famille, musique du
cœur ou encore ‘rencontres magiques’), proposant des formules qui veulent décloisonner les
répertoires et éveiller la curiosité surtout chez
ceux qui n’ont pas ou plus l’habitude d’aller au
concert, voire d’entendre toutes sortes de mélanges musicaux audacieux. Et novateurs.
Les saisons en miroir du Geneva Camerata
et de L’OCG seront-elles en concurrence ? Pas
forcément, malgré ce que certains prédisent sotto
voce. Ce projet, porté par David Greilsammer et
Céline Meyer, se veut avant tout une passerelle
entre les arts et les cultures et se place ostensiblement sous le signe du partage, et du mélange des
genres…
C’est précisément ce qui a attiré JeanPhilippe Rapp, président enthousiaste et déjà
convaincu par ce Geneva Camerata.
le. Elle permet - et peut-être promet - plus que
l’image. A mon sens, l’image ajoutée à de la
musique n’apporte en fait pas beaucoup…
Pour un homme de l’image comme
vous, n’est-ce pas contradictoire ?
Disons que je me méfie de plus en plus de l’usage de la musique à la télévision. J’ai souvent
l’impression que ce n’est qu’un ‘entourage’.
S’il s’agit d’émissions qui captent en caméra
fixe des concerts, sans faire des effets visuels
compliqués, je suis preneur bien entendu!
Comment s’est monté le projet ?
Le programme de ce Geneva Camerata a été
concocté par David Greilsammer et Céline
Meyer, je n’y ai pas participé au sens strict du
terme, mais j’ai compris d’emblée le but qu’ils
poursuivaient. J’ai trouvé leur projet intéressant
pour plusieurs raisons : d’abord, ils proposent
Entretien :
Jean-Philippe Rapp président de
cette toute nouvelle Association : quel
sens cela a-t-il pour vous?
On est venu me chercher non parce que je
serais musicien ou spécialiste, mais plutôt
parce que l’on connaît mon goût pour les
projets qui mêlent les genres. Cela dit, j’adore la musique, je dirais même plus volontiers les musiques. Il y a quelques années,
j’avais reçu à la Télévision Vengerov et
May Bittel pour une émission autour du
violon (‘Le violon dans tous ses états’), et
j’avais été fasciné de voir comment deux
personnalités a priori si éloignées, ne l’étaient en fait pas du tout, leur instrument
leur servant de lien, de pont pour communiquer entre eux et se parler en musique. En
musique et non de musique. Pour moi, la
musique est déjà une parole, est de la paro-
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L’homme des Medias Nord/Sud,
l’homme du Festival du film des Diablerets,
le journaliste passionné bien connu des téléspectateurs, que pense-t-il apporter à ce
Geneva Camerata ?
Une certaine forme d’entregent… Au fil de ma
carrière, j’ai en effet pu nouer des contacts avec
toutes sortes de gens et pénétrer dans des
milieux très divers. Je sais également combien il
est difficile quand on est jeune et qu’on a des
idées, de les faire advenir pratiquement, de lever
des fonds pour les réaliser, de trouver des lieux
pour concrétiser ses projets, voire tout simplement combien il est difficile de se faire entendre et prendre au sérieux. Je pense que mon nom
peut aider un peu à faire aller les choses dans le
bon sens. Et encore une fois, la démarche généreuse et ambitieuse de David et Céline m’a tout
de suite séduit.
Leur programme touche également à des facettes de ma vie professionnelle qui ont fait de
moi le journaliste que je suis, c’est-à-dire
quelqu’un qui essaie de connaître plus
avant la société en partage, qui s’investit
dans le ‘social’, qui aime les questionnements autour de la modernité dans les formes musicales et dans l’art en général. J’ai
bien connu Béjart, et à son contact j’ai
compris combien il était nécessaire de réinventer chaque jour son art, sa vision des
choses, sa philosophie personnelle. J’ai
retrouvé en filigrane cette quête dans les
propositions formulées par ce Geneva
Camerata…
Je suis donc ravi de porter un peu l’esprit
de ce projet qui a une grande valeur à mes
yeux, et suis fier de faire partie de cette
équipe dynamique, intéressée à la fois par
la musique sous tous ses aspects et par les
mouvements - souvent contradictoires - du
monde.
Propos recueillis par
Rosine Schautz
Jean-Philippe Rapp © Pascal Bitz
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DERNIERS
REMORDS
AVANT
L’OUBLI
DE JEAN-LUC LAGARCE
MISE EN SCÈNE
MICHEL KACENELENBOGEN
ÉQUIPE ARTISTIQUE
BÉNÉDICTE CHABOT
MARIE DRUC
INÈS DUBUISSON
CHRISTIAN GRÉGORI
THIERRY JANSSEN
ANTONY METTLER
PHILIPPE BÉGNEU
PASCAL CHARPENTIER
ROLAND DEVILLE
KIM LELEUX
Marie Druc, comédienne
( C o m é d i e a i g re - d o u ce )
COPRODUCTION LE POCHE GENÈVE
THÉÂTRE LE PUBLIC, BRUXELLES
AVEC LE SOUTIEN DE LA FONDATION LEENAARDS
THÉÂTRE LE POCHE
www.lepoche.ch / 022 310 37 59 / location Service culturel Migros
Christian Gregori, comédien
9 > 29 SEPTEMBRE 2013
CRÉATION VISUELLE JEAN-MARC HUMM, LA FONDERIE / PHOTOGRAPHIE AUGUSTIN REBETEZ
LE POCHE GENÈVE EST SUBVENTIONNÉ PAR LA VILLE DE GENÈVE (DÉPARTEMENT DE LA CULTURE)
LA RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE. IL EST GÉRÉ PAR LA FONDATION D’ART DRAMATIQUE (FAD)
e x p o s i t i o n s
Galerie Ligne 13 (Rue Ancienne 15) :
Masamichi Yoshikawa (JP)
Galerie Marianne Brand (Rue Ancienne 20) :
Caroline Andrin (CH)
Librairie Nouvelles Pages (Rue Saint-Joseph
15) : Hommage à Aline Favre
parcours céramique carougeois
Rayonnement
Le festival carougeois de la céramique démarre le 28 septembre prochain.
Selon une tradition désormais bien ancrée, la ville de Carouge, ses
institutions culturelles, ses rues et places, ses commerces s’ouvrent
largement à cette manifestation qui accueille tous les deux ans un grand
nombre d’artistes nationaux et internationaux.
Organisé au départ par un comité associatif, puis dès 2009 par la Fondation Brukner pour
la promotion de la céramique, l’événement s’est
progressivement professionnalisé pour acquérir
désormais renommée et reconnaissance aux
quatre coins du monde. Aujourd’hui ce sont en
effet 32 artistes issus de 14 nations qui participent à la 13e édition du parcours, impatients
d’offrir leurs dernières créations aux yeux du
public qui est devenu, grâce à la pérennité et à
la qualité de la manifestation, un connaisseur de
plus en plus averti.
Quelques suggestions de visites
à Carouge :
Musée de Carouge (Place de Sardaigne) :
Agnès Debizet (FR)
Ferme de la Chapelle : Claire Curneen (IE),
Elsa Alayse (FR), Olivier de Sagazan (FR) qui
réalise aussi une performance en continu.
Halle de la Fonderie (Av. Cardinal-Mermillod,
17-19) : Monique Wuarin (CH) et Alain Bresson
(FR)
Atelier Maison Potter (Chemin de Pinchat 122
Ajoutons que, parallèlement aux expositions, sont organisées des performances, des
démonstrations, des cuissons en plein air, des
conférences, des projections de films sur la
céramique (Cinéma Bio) et des ateliers pour
enfants.
En ville de Genève
Musée Ariana (Avenue de la Paix 10) : Jean
Fontaine (FR), du 27 septembre au 6 février
2014, et Akio Takamori (JP), du 30 août au 27
octobre 2013.
Musée Baur (Rue Munier-Romilly 8) : Philippe
Lambercy (CH), du 12 septembre au 20 octobre, et Jacques Kaufmann (CH), du 12 septembre au 20 octobre.
Françoise-Hélène Brou
Une très large palette de
styles et tendances est représentée, des procédures classiques jusqu’aux expressions
radicalement contemporaines
pour ainsi témoigner de la
diversité de la céramique
comme à faire rayonner cet art
encore plus largement dans
les milieux de la création.
En matière d’animation
socio-culturelle, sinon d’intégration urbaine, peu d’événements locaux offrent une telle
dynamique ; car la dimension
de proximité, l’esprit festif et
convivial qui caractérise le
Parcours s’allie à de hautes
exigences plastiques, techniques et organisationnelles. Il
est donc satisfaisant de constater qu’une population entière s’est approprié ce projet dans la durée, le
gérant de façon participative et sans moyens
démesurés. Il y a là certainement un modèle à
transposer dans d’autres champs de la culture
genevoise.
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Caroline Andrin «Skin Game, Trophée», 2013. Argile KMN, coulage dans moule de cuir
bis) : Jean-François Barlard
Galerie Tiramisù (Av. Cardinal Mermillod
18) : Barbro Aberg (DK)
Collectif C’Bos (Rue Saint-Joseph 7) : Kim
Myung-Joo (KO)
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Parcours céramique carougeois, Carouge (GE), du 28
septembre au 6 octobre 2013. Vernissage collectif le samedi 28 septembre de 11h30 à 17h.
Renseignements : www.parcoursceramiquecarougeois.ch
/ +41 (0) 764082825
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exposition
fondation gianadda
Modigliani
et l’Ecole de Paris
L’été sera non pas italien, comme le laisse suggérer le titre de l’exposition
actuelle de la Fondation Gianadda, mais bel et bien international et foisonnant
de créativité, puisque les amis d’Amedeo Modigliani viennent compléter une
photographie d’une période devenue légendaire et fantasmée, celle du Paris
du début du XXème siècle, théâtre de toutes les audaces et de révolutions
picturales qui marqueront comme jamais l’histoire de l’art. Et pourtant, au
milieu de cet inventif magma, la figure de Modigliani, morte prématurément,
se forge progressivement un classicisme certain dans sa peinture et ne se laisse
contaminer par aucune mouvance, fut-elle cubiste ou abstraite.
72
nègre et ses masques qui marqueront de manière
déterminante un certain Picasso avec la postérité
que l’on sait. Modigliani absorbe lui aussi cette
stylisation et la transpose en deux dimensions,
créant ainsi pour tous ses portraits un style immédiatement reconnaissable, dans ces figures
mélancoliques aux longs cous et aux yeux vides,
peintes en aplats quasiment sans aucun arrièreplan, qui leur donnent quasiment des caractéristiques d’icônes. Même ses nombreux nus abolissent la sensualité pour ne conserver qu’une brutale immédiateté en deux dimensions. Ce
dépouillement progressif de moyens, s’il rejoint
des recherches similaires mais avec des résultats
différents (comme en témoignent les Fauves ou
les expressionnistes de Die Brücke), préfigure
aussi un très fort retour au classicisme de nombreux grands peintres une fois les excès cubistes
passés, tendance que l’on observe aussi bien chez
Derain et Picasso que plus paradoxalement chez
les Futuristes italiens ou les constructivistes russes.
Echo à la première rétrospective consacrée à Stylisation
Et pourtant, si l’on veut comprendre
Modigliani en ce même lieu en 1990, cette affiche estivale tente de contextualiser l’incroyable Modigliani, impossible de passer sous silence
environnement parisien de l’époque, qui draine cette discipline, lui qui se considéra toujours
alors de partout les jeunes peintres, sculpteurs et comme un sculpteur, devenu peintre par contrain- Subtile mélange
Les trois ultimes années de production de
poètes. Beaucoup de légendes, souvent farfelues, te, en raison d’une santé trop fragile. On le sait,
entourent cette période, où se pressent de futurs ce fut le génial Constantin Brancusi qui initia son Modigliani apparaissent comme une course
grands, tels Picasso, Soutine, Chagall, Gris, ami à la sculpture sur pierre. Les traits communs effrénée, comme si l’artiste pressentait sa fin
Rivera, Brancusi, Apollinaire. Brûlant la vie par des têtes réalisées par les deux artistes sont évi- imminente et se devait de peindre à la chaîne tout
les deux bouts au milieu de cette bohême, la figu- dents : visages stylisés, yeux allongés, traits qui en faisant progresser son style vers la plus granre d’artiste maudit qu’incarne l’Italien, loin de coïncident alors avec l’enthousiasme pour l’art de plénitude possible. Les yeux de ses portraits,
déjà éteints, se parent alors d’un bleu
cacher sa déchéance personnelle
uniforme et saisissant, renforçant l’effet
progressive, contraste avec une prode masque sur des visages figés mais
duction de plus en plus pure, linéainéanmoins toujours personnalisés.
re, dépouillée, classicisante, et déliA cet égard, le Petit garçon roux
bérément affranchie des influences
(1919), l’un des plus beaux tableaux de
externes, principalement cubistes.
l’exposition, fait à lui seul la synthèse
Les tableaux de ses amis artistes préde la quintessence du talent de
sents à Martigny ne servent-ils alors
Modigliani, abandonnant les contours
que de faire-valoir à ce farouche
noirs pour ne plus laisser que des aplats
indépendant ? On serait tenté de le
aériens, atteignant un subtil mélange de
croire, car le malheureux accrochage
douceur et de monumentalité qui laisse
de l’exposition, très loin de faire diaune dernière fois le sculpteur transpaloguer les œuvres de Modigliani et
raître derrière le peintre.
de ses contemporains, dessert au
contraire ces derniers et rate du
Sarah Clar-Boson
même coup sa cible à la fois d’échanges fructueux et de restitution
Modigliani et l’Ecole de Paris, Fondation
d’un contexte, au milieu duquel
Pierre Gianadda, Martigny, jusqu’au 24
Modigliani brillerait néanmoins. La
novembre 2013
déception devient encore plus cruelle s’agissant des rares et splendides
sculptures de l’artiste, isolées de la
A droite :
salle où trônent celles de Brancusi,
Amedeo Modigliani
Laurens, Lipchitz et Zadkine, qui ne
«Jeanne Hébuterne assise» 1918
Constantin Brancusi «Princesse X», 1915-1916. Plâtre, 61,5 x 28 x 25 cm
Huile sur toile.
demandaient qu’à chanter cette parCentre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne © 2013,
Collection Merzbacher
ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN /
tition à plusieurs voix.
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expositions
FRANCE
Aix
Musée Granet : Le Grand Atelier
du Midi, 1880-1960. De Cézanne à
Matisse. Jusqu’au 13 octobre.
Annemasse
Villa du Parc : Bye Bye Ducks and
Drakes ! [Ricochets]. Jusqu’au 28
septembre.
Arles
Musée Réattu :
Nuage - De
Magritte à Warhol, de Man Ray à
Manzoni ou Kiefer. Jusqu’au 31
octobre.
Avignon
74
Collection Lambert en Avignon :
“Les Papesses“ - Camille Claudel,
Louise Bourgeois, Jana Sterbak,
Berlinke de Bruyckere, Kiki Smith.
Jusqu’au 11 novembre.
Musée Angladon : Denise
Colomb, portraits d’artistes.
Jusqu’au 3 novembre
en
Caen
Musée des
Monet, les autres cathédrales.
Jusqu’au 29 septembre.
Beaux-Arts :
«Normandie Impressionniste». Un
été au bord de l'eau. Loisirs et
Impressionnisme. Jusqu’au 29 sept.
Musée de Normandie :
«Normandie Impressionniste». En
couleurs. Dans le sillage de
l'Impres-sionnisme, la photographie autochrome 1903-1931.
Jusqu’au 29 septembre.
Céret
Musée d’art moderne : Miquel
Barceló - Terra Ignis. Céramiques,
Majorque 2009-2013. Jusqu’au 12
novembre
Evian
Maison Gribaldi : Evian 1900, La
Belle Epoque sur les rives du
Léman. Jusqu’au 3 novembre.
Palais Lumière : La légende des
mers. Iribe, Dufy, Van Dongen, ...
Jusqu’au 22 septembre
Fécamp
Musée : «Normandie Impres
sionniste».
france
Les Falaises de
Giverny
Marseille
Musée d’art contemporain : Le
Musée des impressionnismes :
Hiramatsu, le bassin aux nymphéas. Hommage à Monet.
Jusqu’au 31 octobre.
Le
Cannet
Musée Bonnard : Le Nu, de
Pont. Jusqu’au 20 octobre
Musée Cantini : César à Marseille.
Du 13 septembre au 5 janvier
Palais Longchamp : Le Grand
Atelier du Midi, 1880-1960. De Van
Gogh à Bonnard. Jusqu’au 13
octobre.
Gauguin à Bonnard. Jusqu’au 31
octobre.
Metz
Centre Pompidou-Metz : Beat
Generation / Allen Ginsberg.
Jusqu’au 9 septembre. Vues d'enhaut. Jusqu’au 7 octobre.
LeMuséeHavre
d'art moderne André
Malraux : «Normandie Impressionniste». Pissaro au fil de la Seine. De
Paris au Havre. Jusqu’au 29 sept.
Lens
Montpellier
Musée Fabre : Signac, les cou
leurs de l'eau. Jusqu’au 27 octobre.
Le Louvre : L’Europe de Rubens.
Jusqu’au 23 septembre. Le Temps
à l’œuvre. Jusqu’au 21 octobre.
Lyon
Musée des
beaux-arts :
Geneviève Asse. Jusqu’au 16 septembre.
Ornans
Musée Courbet : Courbet/
Cézanne, la vérité en peinture.
Jusqu’au 14 octobre
Quimper
Musée des beaux-arts : De
Véronèse à Casanova. Jusqu’au 30
septembre.
Château de Versailles
Giuseppe Penone
Depuis plusieurs saisons, l’art contemporain a fait son entrée
au château de Versailles. Pour le meilleur mais parfois pour le pire.
Avec Giuseppe Penone, artiste associé à ses débuts à l’Arte Povera,
la synthèse poétique entre la conservation d’un patrimoine historique et l’expression artistique d’un artiste contemporain est parfaite et en aucun cas intrusive.
Une exposition de vingt-cinq sculptures le long de l’Allée royale, qui mène du château au Grand Canal, et dans le bosquet de
l’Etoile, ainsi que dans la chambre de la Reine, où a pris place la
sculpture « Respirer l’ombre-feuilles de thé ». On n’aurait su trouver meilleur hommage pour célébrer le 400e anniversaire de la naissance du grand jardinier André Le Nôtre.
Les jardiniers sont eux aussi des artistes et l’intervention de
Penone qui respecte les lignes tracées par Le Nôtre, s’installant dans
son architecture, ne fait que magnifier l’œuvre du jardinier. L’arbre,
motif premier de Penone, incarne la rencontre de la nature et de la
culture. Il les réalise en bronze, « une matière qui fossilise le végétal » dit l’artiste. Le long de l’allée qui mène vers le Grand Canal,
ce sont des sculptures, « Anatomia » (2011) en marbre de Carrare,
qui comme le tronc de l’arbre, révèle son anatomie de veines sinueuses. Après la tempête de 1999, l’artiste avait acheté deux cèdres. «
Tra Scorza e scorza » (entre écorce et écorce), une des premières
œuvres du parcours, est issue de l’un des deux troncs de cèdres et
Giuseppe Penone «Elévation», 2011 Bronze, arbres, 1000 x 600 x 600 cm
sert d’emblème à l’exposition.
Courtesy Giuseppe Penone - photo Tadzio
Beaucoup de collectionneurs suisses sont friands d’œuvres de
Penone, souvent découverts à la galerie Alice Pauli de Lausanne. Cette grande dame du monde de l’art a su très tôt reconnaître la force de cette
œuvre. Rien de plus naturel de l’avoir fait participer à la présentation versaillaise.
A voir jusqu’au 30 octobre 2013
Conditions normales de visite avec billet d’entrée pour le château.
a
g
e
n
d
a
expositions
en
europe
Londres
British Museum : Vie et Mort -
Palazzo Strozzi, Florence
L’Avant-garde russe, la Sibérie et l’Est
Pompéi et Herculanum. Jusqu’au
29 septembre.
Estorick Collection of Modern
Italian Art : Giorgio Casali
Photographe. Jusqu’au 8 septembre.
National Portrait Gallery : BP
Portrait Award 2013. Jusqu’au 15
septembre. Laura Knight Portraits.
Jusqu’au 13 octobre.
The Courtauld Gallery :
Gauguin - La collection Samuel
Courtauld. Jusqu’au 8 sept.
Pour la première fois, une exposition examine l’importance fondamentale de l’art
oriental et eurasien sur le Modernisme russe;
cette manifestation internationale suit les destinées des Russes auto-proclamés “Barbares“
dans leur quête de nouvelles sources d’inspiration artistique.
De la forme des pierres néolithiques aux
rituels des shamans sibérians, en passant par
les populaires estampes chinoises ou les gravures japonaises, ou encore par la doctrine
téosophique et la philosopie indienne,... les
nouveaux artistes et écrivains russes se sont
appuyés sur tous ces éléments pour développer leur esthétique et leurs idées théoriques,
avant et après la Révolution d’octobre 1917.
Ainsi, l’exposition du Palais Strozzi
démontre comment la culture russe moderne a
fait montre d’une profonde attirance envers
l’exotique, l’inconnu et “l’autre“, ce que les
écrivains et les artistes ont identifié comme
l’esprit de la taiga - ces territoires vierges,
ces steppes désertiques -, et la “différence“ de
la culture orientale.
Alexandre Benois, Léon Bakst, Pavel
Filonov, Natalia Goncharova, Wassily
Kandinsky, Mikhail Larionov, Kazimir
Mikhail Matiushin (1861-1934), «Woman Dancing», 1915-16
Malevich et les autres mouvements de
Racine de bois; 44 x 46.5 cm; St Petersburg, State Russian Museum,
l’Avant-garde étaient profondément consinv. Sk-815
cients de l’importance de l’Est et ont contribué à la richesse du début - Est ou Ouest ? qui a laissé une empreinte permanente sur leur imagination créatrice.
En plus des héros de l’Avant-garde russe, cette exposition souhaite aussi familiariser le visiteur avec les
autres artistes, moins connus mais tous aussi originaux, des artistes d’aujourd’hui tels que Nikolai Kalmakov,
Sergei Konenkov et Vasilii Vatagin, dont beaucoup d’œuvres sont montrés à l’Ouest pour la première fois.
A voir du 27 septembre 2013 au 19 janvier 2014
Rouen
Musée des
beaux-arts :
«Normandie Impressionniste». La
couleur réfléchie, l'impressionnisme
à la surface de l'eau. Jusqu’au 29
septembre.
Toulon
Hôtel des Arts
Berlin
Martin-Gropius-Bau
: Meret
Oppenheim. Rétrospective. Jusqu’au
1er décembre.
Bilbao
Musée Guggenheim : L’art en
: Arman.
Jusqu’au 8 octobre.
guerre. France 1938-1947 - De
Picasso à Dubuffet. Jusqu’au 8 sept.
Bruxelles
Palais des Beaux-Arts
(23,
Ravenstein) Rétrospective Giorgio
Morandi. Jusqu’au 22 septembre.
Michelangelo Antonioni, le maître du
cinéma moderne. Jusqu’au 8 sept.
AILLEURS
Baden
Baden
Musée Frieder Burda : Emil
Nolde - Une fête des couleurs.
Jusqu’au 13 octobre.
a
g
Ferrare
Palazzo dei Diamanti : Zurbarán.
Du 14 septembre au 6 janvier
e
n
Florence
Galleria dell’Academia : Du lys à
David. Art civique à Florence entre
Moyen-Age et Renaissance.
Jusqu’au 8 décembre.
Galleria degli Uffizi : Pietro
Testa, artiste philosophe du XVIIe
siècle. Jusqu’au 8 septembre.
Galleria Palatina : Le songe de la
Renaissance. Jusqu’au 15 sept.
Palazzo Strozzi : L’avant-garde
russe, Sibérie et l’Est. Du 27 septembre au 19 janvier.
Francfort
Schirn Kunsthalle : Philip-Lorca
Dicorcia & Glam! La performance
du style. Jusqu’au 22 sept.
Städelmuseum : Piero Manzoni.
Jusqu’au 22 septembre.
d
a
Madrid
Musée du Prado : Japanese
Prints in the Museo del Prado.
Jusqu’au 6 octobre.
Musée Thyssen-Bornemisza :
Pissaro. Jusqu’au 15 septembre.
Milan
Palazzo Reale : Modigliani,
Soutine et les artistes maudits. Jusqu’au 8 septembre.
75
Rome
MAXXI - Musée national de
l'art du XXIe siècle : Fiona Tan,
Inventory. Jusqu’au 8 septembre
Venise
Ca’ Foscari Esposizioni,
Università Ca’ Foscari : Maria
Cristina Finucci. Jusqu’au 24
nov.
Isola di San Giorgio Maggiore:
Not Vital: 700 Snowballs.
Jusqu’au 29 septembre.
Palazzo Grassi : Rudolf Stingel.
Jusqu’au 31 décembre.
Peggy
Guggenheim
Collection: Robert Motherwekk Early Collages. Jusqu’au 8 sept.
L’avant-garde fin de siècle à Paris :
Signac, Bonnard, Redon, et leurs
contemporains. Du 29 septembre
au 6 janvier
Stanza Cinese del Caffè Florian :
Omar Galliani - Le songe de la
Princesse Lyu Ji au Florian. Jusqu’au
30 septembre.
Vienne
Albertina Museum (Albertinapl.)
MATISSE ET LE FAUVISME. Du 20 septembre au 12 janvier .
Gottfried Helnwein, rétrospective.
Jusqu’au 13 octobre. Gunter
Damisch. Jusqu’au 22 septembre.
Kunsthistorisches Museum :
Richard Wright. Jusqu’au 30 sept.
expositions
Genève
Art en île - Halle Nord (pl. de l’île
76
1) Greg Hug. Du 12 septembre au 5
octobre.
Blancpain Art Contemporain
(Maraîchers 63) Eric Poitevin. Du 12
septembre au 2 novembre.
Blondeau & Cie (Muse 5)
Alessandro Twombly. Du 12 septembre au 21 décembre.
Centre d'édition contemporaine
(Saint-Léger 18) David Hominal.
Jusqu’au 19 octobre.
Centre de la Photographie (Bains
28) John Stezaker / Robert
Suermondt - “Couper / Coller“. Du
5 septembre au 27 octobre.
Ferme de la Chapelle, GrandLancy (39, rte de la Chapelle) Elsa
Alayse, Claire Curneen, Olivier de
Sagazan. Du 14 sept. au 13 oct.
Galerie Bärtschi (rte des Jeunes 43)
Collective Two. Jusqu’au 13 sept.
Allan McCollum. Du 10 septembre
au 11 octobre.
Galerie de la Béraudière (E.Dumont 2) Maîtres impressionnistes, surréalistes et modernes. Du 2
septembre au 31 octobre.
Galerie Patrick Cramer (VieuxBillard 2) Daniel Clément. Du 12
sepembre au 26 octobre.
Galerie Skopia (Vieux-Grenadiers
9) Alex Hanimann. Du 12 septembre
au 26 octobre.
Galerie Turetsky (Grand-Rue 25)
Catherine Gfeller. Du 12 septembre au 26 octobre.
Mamco (Vieux-Granadiers 10)
Cycle L’Éternel Détour, séquence
été. Jusqu’au 15 septembre.
Milkshake Agency (24, Montbrillant) Benoît Billotte. Jusqu’au 30
septembre.
Musée Ariana (Av. Paix 10) 8 artistes & La Terre. Jusqu’au 8 sept.
Akio Takamori - Portraits ordinaires. Jusqu’au
Musée d’art et d’histoire (Ch.Galland 2) Ferveurs médiévalesReprésentations des saints dans les
Alpes. Jusqu’au 22 septembre.
Denis Savary - Les Mannequins de
Corot. Jusqu’au 27 octobre.
Musée Barbier-Mueller (J.-Calvin
10) Arts de l’Antiquité. Une collection centenaire. Jusqu’au 20 oct.
Musée de Carouge (pl. Sardaigne)
Le Nain de Jardin - 14ème
Concours international de céramique. Du 28 septembre au 10
novembre.
Musée Rath (pl. Neuve) M
Sélection. La collection du Musée
Migros d'art contemporain.
Jusqu’au 22 septembre
en
Parc Bertrand (Av. Peschier)
Clichés exotiques. Le tour du
monde en photographies (18601890). Jusqu’au 30 septembre
Saint-Gervais Genève, Salle Carole
Roussopoulos (r. Temple) Je n'ai pas
froid - vidéo et musique. Du 3 septembre au 20 octobre.
Xippas Art Contemporain (r.
Sablons 6) Denis Savary. Du 12 septembre au 2 novembre.
Lausanne
Collection de l’Art brut (Bergières
11) Charles Steffen. Jusqu’au 29 sept.
Fondation de l’Hermitage (2, rte
Signal) Miró - Poésie et Lumière.
Jusqu’au 27 octobre.
Galerie du Marché (Escaliers du
Marché 1) Yves-Jules - Mon musée
à moi. Du 26 septembre au 2 nov.
Mudac (pl. Cathédrale 6) La Forge
des anges & All'Ambic - série de
vases créés par Patricia Urquiola.
Jusqu’au 22 septembre.
suisse
Musée cantonal des beaux-arts (pl.
Riponne) Raisons et sentiments. Le
XVIIIe siècle dans les collections du
Musée. Jusqu’au 22 septembre.
Musée de l’Elysée (Elysée 18)
Sebastiao Salgado - Genesis &
Paolo Woods - State. Du 20 septembre au 5 janvier.
Musée Historique de Lausanne :
Louis Rivier - L'intimité transfigurée.
Jusqu’au 27 octobre. D'un artiste à
l'œuvre. Marcel Poncet (1894-1953).
Jusqu’au 27 octobre.
Bulle
Musée : Daguerréotypes de J.
Ph. Girault de Prangey. Jusqu’au
31 décembre.
Chaux/Fonds
Musée des Beaux-Arts :
Donation François Ditesheim.
Jusqu’au 20 octobre.
Musée international d’horlogerie :
Roskopf, innovateur et précurseur.
Jusqu’au 30 septembre.
Fribourg
Bibliothèque cantonale et univer-
sitaire : Tintin à Fribourg : dits et
interdits. Jusqu’au 26 octobre.
Espace Tinguely - Saint-Phalle :
Gilles Rotzetter. Du 27 septembre
au 12 janvier.
Martigny
Fondation Pierre Gianadda :
Modigliani et l’Ecole de Paris.
Jusqu’au 24 novembre.
Fondation Louis Moret (Barrières
33) Nicole Hassler. Du 14 septembre
au 20 octobre.
Le Manoir de la Ville : Eyes Wide
Open. Jusqu’au 8 sept. 40 ans de
Visarte. Du 27 sept au 17 novembre.
Mézières
Musée du papier peint : Fusions
- œuvres en verre contemporaines.
Jusqu’au 3 novembre.
Laténium, Hauterive-Neuchâtel
Fleurs des Pharaons
Les archéologues et autres savants qui ont eu l’occasion de se rendre dans les tombeaux de l’Egypte
antique ont découvert des momies couvertes de guirlandes florales savamment composées, émouvants vestiges déposés sur les sarcophages et les corps des défunts par leurs proches.
Malgré leur fragilité, ces fleurs représentaient pour les habitants de l’Egypte ancienne de puissants symboles de vie, qui offraient aux défunts une promesse
d’immortalité.
L’exposition temporaire présentée par le
Latérium, en ressuscitant les jardins, les parfums et
la symbolique des fleurs de l’Egypte ancienne, invite les visiteurs à redécouvrir ces éphémères promesses de vie éternelle, et plus précisément les guirlandes de fleurs qui accompagnaient dans leur voyage
vers l’au-delà les momies des grands pharaons que
furent Ramsès II, Amenhotep 1er ou Ahmosis, mais
aussi celles de défunts plus modestes.
Branche de figuier sycomore (1100 a 1200 av.J.-C.) provenant des fouilles de Gaston Maspero a Thebes, 1885.
Collier composé de pendentifs en faïence représentant
grappes de raisins, fruits de mandragore, fleurs de centaurée déprimée et pétales de nénuphar bleu
(1150-1069 av.J.-C.). Coll. Martin von Wagner Museum
der Universitat Wurzburg (photo M.Julliard).
a
g
e
A voir du 19 mai 2013 au 2 mars 2014
n
d
a
expositions
en
Musée d’Histoire de Berne
(Helvetiaplatz 5) Quin, l’empereur
éternel et ses guerriers de terre
cuite. Jusqu’au 17 novembre
Musée des Beaux-Arts, Bâle
Piet Mondrian - Barnett Newman - Dan Flavin
Piet Mondrian (Amersfoort/Netherlands 1872 – 1944 New York), Barnett Newman (New York 1905 –
1970 New York) et Dan Flavin (New York 1933 – 1996 Riverhead, N.Y.) sont venus tous trois à l’abstraction, mais avec, à chaque fois, d’autres antécédents culturels et sociaux. Néanmoins, tous trois ont osé l’ascèse des moyens plastiques, couleur et forme ne se référant plus qu’à elles-mêmes.
L’importante exposition qui leur est consacrée est divisée en trois parties, dont la suite chronologique
compose une scénographie où se révèlent des correspondances particulièrement éclairantes entre analogie
et contradiction avant qu’elles ne s’assemblent en un tout cohérent.
Piet Mondrian (1872–1944) «Tableau 3», avec orange-rouge,
jaune, noir, bleu et gris, 1921. Huile sur toile, 49.5 x 41.5 cm
Emanuel Hoffmann-Institution, dépôt dans la collection d'art
publique Bâle ,1941Photo: Kunstmuseum Basel, Martin P.
Bühler © Mondrian/Holtzman Trust c/o HCR International USA
Neuchâtel
Laténium (Hauterive) Fleurs des
Pharaons. Jusqu’au 2 mars 2014.
Musée d’art et d’histoire : Sa
Majesté en Suisse. Neuchâtel et
ses princes prussiens. Jusqu’au 6
octobre.
Musée d’ethnographie (St- Nicolas)
MEN. Hors-champs. Jusqu’au 20
octobre.
Prangins
Musée national suisse (Château)
C’est la vie. Photos de presse
depuis 1940. Jusqu’au 20 octobre.
Vevey
Musée Jenisch : Lemancholia.
Traité artistique du Léman.
Jusqu’au 13 octobre
Musée suisse de l’Appareil photographique (Grand Place) Dominique
Derisbourg, Impressions. Jusqu’au
16 septembre.
a
g
Les tableaux de Piet Mondrian, réalisés
à Paris dès 1919, constituent le point de
départ; leur densité leur confère un statut
d’icône. Ils se limitent exclusivement aux
trois couleurs primaires, rouge, jaune et
bleu, ainsi qu’aux non-couleurs noir, blanc et
gris.
Barnett Newman voulait libérer la couleur de son rôle secondaire dans la composition et dans tout autre principe. Une fois
libéré, ce déploiement de couleur sur des formats parfois immenses, avait pour but de
susciter une expérience métaphysique de ce
qu’il désignait lui-même par le terme de «
sublime ».
Dan Flavin, dès 1960, compose des
installations lumineuses à partir de tubes de
lumière fluorescente, qui récusent – malgré
la magie de la lumière – toute la dimension
métaphysique qui réunissait Mondrian et
Newman.
Du 8 septembre 2013 au 19 janvier 2014
Musée des Cultures (Münsterpl.
20) Et maintenant? Révolution des
objets en Amazonie. Jusqu’au 29
septembre.
Cartoonmuseum (St. AlbanVorstadt 28) Proto Anime Cut. Les
visions dans le film d'animation
japonais. Jusqu’au 13 octobre.
HMB - Museum für Musik / Im
Lohnhof (Im Lohnhof 9) pop@bâle.
La musique pop et rock depuis les
années 1950. Du 20 septembre au
29 juin.
Musée Tinguely (Paul SacherAnlage 1) Tinguely@ Tinguely. Un
nouveau regard sur l'œuvre de
Jean Tinguely. Jusqu’au 30 sept.
OUTRE SARINE
Bâle
Antikenmuseum
Basel (St.
Alban-Graben 5) Comment être un
homme? Le sexe fort dans l'antiquité. Du 6 septembre au 30 mars.
Fondation Beyeler (Riehen) Max
Ernst. Jusqu’au 8 sept. Maurizio
Cattelan. Jusqu’au 6 octobre.
Kunsthalle : Allyson Vieira. Du 14
septembre au 10 novembre. Leonor
Antunes. Du 22 septembre au 10
novembre.
Kunstmuseum (St. Alban-Graben
16) Ed Ruscha. Jusqu’au 29 sept.
Piet Mondrian - Barnett Newman Dan Flavin. Du 8 septembre au 19
janvier
Museum für Gegenwartskunst
(St. Alban-Rheinweg 60) Some End
of Things. Jusqu’au 15 sept.
Everytime you think of me, I die, a
little. The Memento Mori by Andy
Warhol and Douglas Gordon. Du 28
septembre au 9 février.
e
n
suisse
Berne
Centre Paul Klee (Monument im
Fruchtland 3) Satire – Ironie –
Grotesque. Daumier, Ensor,
Feininger, Klee, Kubin. Jusqu’au 6
octobre.
Musée des Beaux-Arts (Hodlerstr.
8-12) Mythe et secret - Le symbolisme et les artistes suisses.
Jusqu’au 18 septembre.
d
a
Bienne
CentrePasqu’Art (fbg Lac 71-75)
Fabian Marti. Du 15 sept. au 24 nov.
Claudia Comte & Omar Ba. Du 15
sept. au 24 nov.
PhotoforumPasqu’Art : Journées
photographiques de Bienne – 17e
édition. Du 6 au 29 septembre.
Lörrach
Dreiländermuseum : Le nazisme à
Lörrach. Jusqu’au 13 octobre.
Riggisberg
Abegg-Stiftung : Le plaisir de
collectionner - Objets d’art et textiles de collections privées anciennes. Jusqu’au 10 novembre.
Weil
/ Rhein
Vitra Design Museum : Lightopia.
Du 28 septembre au 16 mars.
Winterthur
77
Fotomuseum (Grüzenstr. 44)
Cross Over - Photo de la science +
science de la photo. Du 7 septembre au 17 novembre.
Fotostiftung Schweiz (Grüzenstr. 45) Emil Schulthess – rétrospective. Du 7 septembre au 23 février.
Museum Oskar Reinhart «Am
Römerholz» (Haldenstr. 95) Entre
nous. Jusqu’au 30 septembre
Museum Oskar Reinhart
(Stadthausstr. 6) Anton Graff Histoire d’une époque. Jusqu’au
29 septembre
Zurich
Kunsthaus (Heimpl.1)
La
Collection Hubert Looser. Jusqu’au
8 septembre. Félix Vallotton Instant heureux. Jusqu’au 15 sept.
Landesmuseum : Mani Matter
(1936–1972). Jusqu’au 8 sept.
Charlemagne et la Suisse. Du 20
septembre au 2 février.
Museum Bellerive (Augustinergasse 9) L'Empire des Plis - Mode
et Art Textile du Japon. Jusqu’au 12
janvier.
Museum für Gestaltung
(Austellungsstr. 60) Galerie : René
Burri - Une double vie. Jusqu’au 13
octobre. Halle : Martin Parr Souvenir. Jusqu’au 5 janvier.
Museum Rietberg (Gablerstr. 15)
Yaks, Yetis, Yogis - Le Tibet dans la
bande dessinée. Jusqu’au 10
novembre.
exposition
fondation de l’hermitage
Miró, poésie
et lumière
Non, il n’y a pas que les exploits ballon au pied de la
« Roja » ou les records de Rafael Nadal à Roland-Garros
pour évoquer l’Espagne : il y a aussi, et surtout, son
immense tradition artistique. L’affiche estivale de la
Fondation de l’Hermitage, consacrée au Catalan Joan
Miró (1893-1983), enthousiasme par sa beauté immédiate
et lumineuse, à travers cette peinture spontanée au style
d’accès si aisé et reconnaissable entre mille, et qui la rend
si populaire auprès de tous les publics.
Les quelque quatre-vingt œuvres dévoilées, si elles se concentrent sur
les trente dernières années de production de Miró, n’en atteignent pas
moins le but recherché par l’artiste : un maximum d’efficacité avec un
minimum de moyens, le tout chargé d’une réelle émotion.
78
De la maturité teintée
d’onirisme ...
On pourrait presque parler de
peinture majorquine, puisque les œuvres proviennent non seulement
directement de la Fondation Pilar i
Joan Miró à Palma de Majorque, mais
l’artiste entretenait aussi avec l’île
baignée de soleil des liens particuliers, étant lui-même à moitié majorquin par sa mère, et ayant épousé une
Majorquine. Son rêve d’un grand atelier prendra donc naturellement corps
sur « sa » terre, grâce à son ami architecte Josep Lluis Sert, créant ainsi un
cadre de création idéal.
Le parcours lausannois peut se
distinguer en deux phases, la maturité
et le crépuscule, mais contrairement à
d’autres géants de l’art, tel Picasso,
où la mort peut littéralement se lire
entre les ultimes traits et coups de
pinceau, les œuvres de Miró n’ont, on
le verra, rien de macabrement annonciateur. Au contraire, elles respirent la
vie.
Dans la décennie 1960, capitalisant sur son riche héritage surréaliste,
le peintre se libère progressivement
de toute trace réaliste, tout en conservant son vocabulaire onirique et
enchanteur, fait d’oiseaux, de fem-
mes, d’étoiles. Les formes se dissolvent et se simplifient, les tableaux
prennent presque organiquement forme de manière indépendante, un peu
à l’instar de l’écriture automatique si chère aux Surréalistes. Le hasard est
ici ouvertement revendiqué comme fil conducteur par l’artiste. Durant
cette période de maturité, Miró est donc loin de se reposer sur ses lauriers.
Au contraire, il explore de nouvelles techniques propres à donner vie à
n’importe quel objet : papiers collés, sculptures en bronze ou terre cuite
donnant vie à des personnages qui sont autant de monstres sympathiques,
et dans sa peinture, il exécute à même le sol, tel Jackson Pollock mais toujours dans une recherche d’épurement et d’essentiel.
... à l’intensité du crépuscule
Quant au crépuscule de sa vie mais certainement pas de son art, il
atteint une intensité picturale et émotionnelle stupéfiante, aidé par son
usage du noir et blanc, qui traduit deux influences manifestes : d’une part,
celle des Expressionnistes abstraits américains et de leur spontanéité
brute, mais contrairement à ses confrères d’Outre-Atlantique, on ne retrouve pas chez Miró cette forme de sauvagerie qui les caractérise. Par
contre, coulures, éclaboussures, sur lesquelles s’appuie le Catalan pour
créer chaque fois un monde sur la dimension d’un tableau, le rattachent au
tsunami créé par l’Ecole de New York dans les années cinquante. D’autre
part, ses deux voyages au Japon effectués en 1966 et 1969 ont nourri son
horizon créatif, notamment via la calligraphie, la maîtrise du geste, et là
aussi une certaine économie de moyens sublimée par les maîtres de l’estampe. Le résultat invite à la contemplation et à la méditation, comme en
témoignent les ultimes grands formats en noir et blanc qui clôturent
l’exposition de l’Hermitage.
Point commun de toute sa dernière production, Miró cherchera
toute sa vie à créer des univers à partir de prétextes desquels surgit un
monde en train de naître sous son
pinceau, que ce soit une aspérité, un
point, un trait ou une coulure.
Conséquence de cette approche :
aucun objet n’est inerte ni condamné
à mort, tout est au contraire prétexte
à la vie. Tout comme en poésie, les
images, bien que statiques et en deux
ou trois dimensions, génèrent un
monde propre où elles peuvent se
bousculer, s’éviter, s’entrechoquer,
bref continuer d’être mobiles sur un
support immobile et laisser grandes
ouvertes les portes de l’imagination.
Sarah Clar-Boson
Miró, poésie et lumière, Fondation de
l’Hermitage, Lausanne, jusqu’au 27 octobre 2013
Joan Miró «Femme dans la rue», 1973
Huile, gouache et acrylique sur toile, 195 x 130 cm
Fundació Pilar i Joan Miró, Mallorca
Photo Joan Ramón Bonet & David Bonet / Courtesy Archivo
Fundació Pilar i Joan Miró a Mallorca
© Successió Miró / 2013, ProLitteris, Zurich
a
c
t
u
a
l
i
t
é
Joan Miró, Sans titre, sans date, huile sur carton, 91,5 x 64,5 cm
Fundació Pilar i Joan Miró, Mallorca. Photo Joan Ramón Bonet & David
Bonet / Courtesy Archivo Fundació Pilar i Joan Miró a Mallorca
© Successió Miró / 2013, ProLitteris, Zurich
d
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création inlassablement criés) jusqu’au paroxysme et à l’épuisement du sens.
L’œuvre de 4h20 voit à son seuil, ce qui scelle traditionnellement l’illusion théâtrale, les
applaudissements nourris menés debout par onze
danseurs que l’on croirait vêtus pour un shooting
d’Helmut Newton, chemise blanche et noir pantalon fuseau. Le premier tableau étire déjà sa
durée aux extrêmes. Les danseurs affichent leur
D’un ballet symétrique conçu en plans séquences étendus axés sur la répétition
paysage dorsal sans que la signature graphique,
et l’épuisement du sens et des formes classiques (Le Pouvoir des folies théâtrales
le forme enrobant l’individualité sexuée, ne soit
signé Jan Fabre) au baroque mortifère et cinglant où la danse minimale surgit
jamais prise en défaut sous une pluie d’ampoules
comme en contrebande (Place du Marché 76 de Jan Lauwers), le Festival
savamment réparties et cascadant des cintres
d’Avignon s’est attaché à réinventer le dialogue avec l’expérience perceptuelle.
comme dans une installation du plasticien des
lieux de mémoires, Christian Boltanski.
Au centre, dans une position radiante, une
en ville n’a rien de commun avec ceux que l’on ballerine classique de dos, s’applique à ses
Migration identitaire
Le metteur en scène, auteur et chorégraphe voit naufrager ou arraisonner en Méditerranée. dépliés pendant qu’autour d’elle, c’est la querelde Place Du Marché 76, Jan Lauwers, feuillette Tombé des cintres, il est formé de dauphins et le vestimentaire entre le noir de l’uniforme du
l’humus d’une actualité de faits divers en forme requins gonflables assemblés autour d’une struc- labeur chorégraphique en répétition et le retourde drame social coloré et baroque. L’homme ture en caoutchouc mou façon sculpture d’art né de cet habit en armure de cosmonaute façon
explique avoir « imaginé un village où toutes les contemporain entre le jouet d’enfant recyclé et festive boule à facettes. Le geste classique irradie
catastrophes possibles adviennent en même l’univers enjoué, désenchanté et pop kitsch de ici la composition scénique jouant sur la figure
temps. On peut considérer que c’est peu vraisem- Jeff Koons.
du double. D’où cette profonde solennité dénuée
blable, que c’est exagéré, mais,
d’émotions qui fait pendant au désorden réalité, les événements se
re de la ronde vestimentaire, dont l’hadéroulent ainsi. Chaque jour, des
billage et le déshabillage, mené entre
drames différents, naturels et
ordre et chaos.
sociaux, intimes et mondiaux, se
Si le langage du ballet classique
superposent, se succèdent. »
canonisé par Balanchine a souvent été
Côté interprètes, cette pièce chole point de départ pour redéfinir la
régraphique présentée dans le
danse aux yeux de Fabre, l’univers des
cadre du Festival de La Bâtie
contes de fée et de l’amour courtois est
vaut aussi par la révélation de la
source d’éprouvante fable mouvemendanseuse performeuse, Romy
tiste. Ainsi, ce quintet de chevaliers
Louise Lauwers, extraordinaire
dénudés portant leur belle défunte au
dans le rôle parlé dansé et chantombeau comme dans une pietà. Sauf
té de Pauline, fille de la boulanque la Belle revient à la vie, se redres«Place du Marché 76» de Jan Lauwers. Photo Marten Venden Abeele
gère du lieu. Ayant intégré
se magnifiquement pour s’évanouir à
l’ADN chorégraphico-théâtral du Maître flanouveau dans la mort. La séquence est maintes
mand tissé de suspension, contorsions et pas déli- Art de la répétition
fois répétée et la souffrance, la pénibilité de ce
Créé en 1984, Le Pouvoir des folies théâtra- fardeau amoureux sisyphien se lit dans la sueur,
cieusement chassés de côté avec déséquilibres
savamment structurés, la juvénile interprète est les, est un opus magnifiquement repris, notam- la crispation musculaire. Les amantes sont in fine
convaincante de bout en bout. Dans sa délicate et ment par des danseuses remarquables d’intensité plus traînées que portées. Le corps s’autodisciplidouloureuse incarnation croisant les gênes déran- avec, en point mire, l’expressivité troublante de ne et la répétition devient une contrainte entièregées d’une sorte de Natacha Kampusch venge- Lisa May (Preparatio Mortis). Son concepteur, ment intériorisée, tel un programme lancinant
resse, d’une victime théâtralisée d’un Marc Jan Fabre, aligne les références à l’histoire de la mis en boucle. Jan Fabre ne manque pas d’invenDutroux imaginaire, et d’un être angélique, peinture, telle la pose d’une Vierge donnant le tivité dans sa posture de démiurge manipulant ses
mythologique blessé au pied, dont le mouvement sein qui ressemble à La Vierge à l’Enfant de Jean interprètes consentants, tel un invisible maître de
semble surgir comme en souples giclures Fouquet (1450). Cet exemple montre assez bien marionnettes ou méticuleux entomologiste, un
que, de toute éternité, le peintre, et aujourd’hui crépusculaire faussaire, une énigmatique imposempreints d’une grâce fêlée.
Plasticien de formation, Jan Lauwers (La Fabre en fouillant entre ciel et sexe, n’explore en ture ou un étonnant génie.
Bertrand Tappolet
Chambre d’Isabella, Le Bazar du Homard) a le réalité, dans la secrète dissidence de la création,
sens du problème. Rien n’est simple, a fortiori que ses propres désirs. Mais aussi une mise en
simpliste, dans son œuvre, aucune thèse hâtive. abyme du spectacle ne recyclant que son passé Place du Marché 76. La Bâtie, 10 et 11 septembre 2013.
Ainsi le radeau qui amène un « étrange étranger » prestigieux (nom d’œuvres, lieux et dates de Château Rouge Annemasse. Rens. : www.batie.ch
festival avignon danse
Bienvenue à ce que
vous croyez voir
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festival montpellier danse
Corps grotesques
Considéré comme un classique contemporain, May B voit la chorégraphe Maguy
Marin recouvrir ses danseurs d’argile et les immerger dans un univers panique
inspiré de l’œuvre de Samuel Beckett. Pendulant entre genèse et annihilation du
vivant, la pièce symbolique d’Akaji Maro, voit, elle, un néo-butô s’aventurer dans
les terres fertiles du manga. Le Festival Montpellier danse n’a pas manqué de
propositions fortes.
A l’orée des années 80, Maguy Marin rencontre Samuel Beckett, 75 ans. Il ne la contraint
pas à user de ses textes, ce qui ne l’empêchera
pas de citer littéralement des figures de l’écrivain
irlandais sous forme de tableaux vivants comme
surgis d’une convention de costplay ou d’un
Musée de cires argileuses. Ainsi, Fin de Partie
avec le binôme Hamm, maître aveugle portant
lunettes noires et Clov, domestique. Les premiers
mots de Clov, si emblématiques de la pièce de
Marin, surgissent du plateau : « Fini, c’est fini, ça
va peut-être finir ». La chorégraphe explique que
Beckett lui a « conseillé l’écoute du Voyage d’hiver et du Chant du cygne pointant particulièrement les lied Der Doppelgänger, qui ouvre la
pièce, et Der Liermann qui la clôt. Mais c’est
évidemment la composition de Gavin Bryars,
Jesus Blood never failed me yet, qui marque le
plus la dernière partie de l’opus de la Française,
dans son mouvement de ressac respiratoire entre
épuisement, douce et douloureuse jubilation.
Courant originellement sur 74 minutes, la partition mélancolique, répétitive et minimaliste, où
une voix anonyme reconduit la même phrase sur
une subtile variation orchestrale lyrique, est à l’image de l’œuvre de Beckett, une tache sur le
silence, comme l’écrivain irlandais l’a confié.
Les danseurs girent alors en ellipses, sans connaî-
tre leur destination, entrant et sortant malgré tout.
Ainsi va l’écriture de Beckett en marche perpétuelle, malgré l’immobilité, qui n’est que prémouvement, continument relancée de son propre
fiasco. Au plateau, une tribu de gueux errants,
clowns tristes giacomettiens en guenilles parcourant un chemin sans début ni fin. Dans ces
funambules du grand cirque du néant qui s’affrontent parfois en deux groupes, avec un clochard en tête, comme dans les joutes de folklores
primitifs, se dessine le meilleur de May B, pièce
pour dix danseurs également répartis entre les
sexes. Des mouvements saccadés, hémophiles,
robotiques, alignés et à l’unisson. Comme dans le
mouvement de fanfare militaire de cette
monstrueuse parade qui rapatrie les
fantômes des corps des poilus disloqués
et vétérans de la Grande Guerre sur la
musique de Gilles de Binche. Comment
coexister avec ses propres fêlures ?
Depuis le ressassement étouffant et
vital des premiers récits avec les pieds
nus des danseurs frappant le sol jusqu’aux borborygmes des derniers textes
et au halètement sortant de ces crânes
funéraires. Les bouches ouvertes désespérément et vitalement explorent les
voies où l’homme expérimente sa mort
et ce dur et absurde désir
de durer. Les danseurs
évoluent dans l’incapacité pathétique à rester seul, en proie à toutes sortes de pulsions primitives.
Berceau et tombe
« Je suis un berceau/Qu’une
main balance/Au fond d’un
caveau », lâche Verlaine dans Un
grand sommeil noir. Le chorégraphe nippon Akaji Maro fait sienne
cette idée de berceau dans le
caveau pour sa pièce, Virus.
L’espace est tendu d’une immense
«May B» de Maguy Marin. Photo Claude Bricage
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toile d’araignée qui recueille les corps plâtrés de
gorgones, androgynes, marqués de joyaux scintillants en formes de métastases virales, de ce
néo-butô à l’imaginaire symbolique foisonnant.
Nombre de symboles des cycles de vie, mort,
renaissance viennent s’y échouer, tel cet œuf
gigantesque ou ce crocodile plastique rapatriant
les vieux fonds légendaires et mythologiques.
Ayant débuté en 1966, la danse avec Hijikata, le
fondateur de cette danse enténébrée post-apocalyptique et de corps malade qu’est le butô, Akaji
Maro apparait comme le vieillard aux longs cheveux coiffés d’orage de Lear dans l’adaptation au
cinéma de la tragédie shakespearienne signée
Kurosawa, Ran. « Le butô a une grande affection
pour les états misérables, l’imperfection », souligne l’artiste adepte d’un « butô cubiste ».
Spasmes, sursauts et contorsions, le fameux
« ganimata » (jambes courbées) sont ici très picturalement et architecturalement intégrés à l’ensemble. Mention spéciale aux trois corps fichés
en contrebas de scène s’éclairant d’un lumignon
intégré à leur anatomie comme des gisants
cependant bien vivants. Le chorégraphe a œuvré
avec les cinéastes Takeshi Kitano ou Quentin
Tarantino et cela transparait dans cette manière
de mêler le grotesque à une grâce poétique un
«Virus» de Akaji Maro. Photo Nobuyoshi Araki
peu fêlée, la cruauté à l’innocence sidérée et égarée, l’esprit déjanté de l’anime japonaise avec un
néo butô choral que ne renierait pas les émissions
de variété en prime time. S’en dégage une étrange oscillation entre une atmosphère des premiers
temps et des pièces rapportées d’une forme de
rétrofuturisme que n’aurait pas reniée le cinéaste
Takeshi Miike, maître dans le mélange des genres (comédie, fantastique). Il en va de même de la
musique réunissant Keisuke Doi, interprète phare
de flûte shakuhachi et Jeffs Mills, féru de techno
minimale.
Bertrand Tappolet
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danse
la bâtie - festival de genève
Corps déconstruits
Fuyant les interprétations univoques, la metteure en scène, chorégraphe et plasticienne Gisèle Vienne place une danseuse au cœur un vortex partagé entre
vibratiles lumignons et pénombre matricielle anxiogène pour The Pyre arpentant notamment les relations troubles, indécidables entre enfant et géniteurs.
Anne Teresa de Keersmaeker joue aussi la carte de l’hypnose en reprenant sa
pièce culte Fase sur la musique de Steve Reich. L’affiche danse de la Bâtie
exhausse d’inventives personnalités chorégraphiques.
Connaissance par les gouffres
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tour à tour glorieux et défait dans le spasme, à
la hauteur du mythe.
Des mots eux-mêmes toujours à la limite
de la défaillance, qui donnent voix et passage à
ce que constamment nous refoulons. Une poésie
à laquelle on aurait ôté le vêtement et la forme,
et qui enfanterait de la mort comme chez l’écrivain Denis Cooper concevant le texte, The Pyre.
« Le déroulé temporel suit un ordre inverse en
s’initiant à la fin pour se déployer vers l’origine », souligne Gisèle Vienne. « Ainsi, la troisième partie (la danseuse) et la seconde (la danseuse et le fils) ouvrent la représentation. La
troisième, elle, se joue à la fin sous la forme
d’un livre distribué au spectateur et probablement imaginé des années plus tard par le fils
devenu écrivain. La
tableau vivant de la danseuse est abstrait, mais
constellé de failles.
Solitaire, elle est une
possible figure maternelle lestée d’un arrièrepays psychologique. »
Se dégageant lentement de la surface miroir
d’un obscur vortex, le
corps d’Anja Röttenberg
privilégie, un temps, des
mouvements arachnéens.
Nul hasard que cette
interprète d’exception
«The Pyre» de Gisele Vienne Photos Herve Veronese Centre Pompidou
accompagnant les créaSur la photo Anja Rottgerkamp
tions de la Française
l'irrémédiable de sa propre ruine, l’artiste fran- depuis une décade, soit profondément versée
çaise se refuse à choisir. Sa création tresse tout dans la fasciathéraphie. En d’autres termes, l’éun monde de sensations puissamment coute des rythmes des fascias, fines membranes
archaïques qui, dévoyant la méditation et la pen- enveloppant notamment muscles, os, cerveau,
sée, fait de la poésie un « sacrifice où les mots ligaments, les reliant entre eux comme le ferait
sont victimes ». Ardente et froide, mêlant une toile d’araignée. Le corps iconique de la
rigueur et cérémonie, la pièce élève le corps ballerine automate aligne maintenant les mouThe Pyre (Le Bûcher) est peut-être à la
danse en impressions indécises ce que
L’Apprenti sorcier signé Georges Bataille est à
la littérature. Soit, le reflet d’une opération
thaumaturgique, visant à recréer « un sacré virulent et dévastateur » dans une société toujours
plus assoiffée d’enivrement et de mythes. Une
tentative d’agir sur le plan mythologique, afin
de récupérer à l’intérieur de la sphère artistique
l’exclu, le non-dit, voire la dimension de l’affectif et de l’irrationnel. Sauf qu’entre les « glorieux mensonges » mallarméens, ceux d'un
poète tissant sur fond de Néant, le voile, qu'il
sait mensonger, de la beauté, l’image et « l'obscène vérité », celle de la nudité de l'être devant
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vements saccadés. Un rythme de syncope qui
n’exclut nul érotisme à la Bellmer, pole dance
ou voguing, voire technotronic au cœur d’une
présence marionnettique tirant du côté de l’icône pop, glam.
« Cet opus s’inscrit dans un travail mené,
depuis longtemps, sur l’oscillation entre un
corps désincarné, fantômal, fragmenté et l’image d’une complétude anatomique, elle, résolument incarnée. Au début, la partition brouille la
perception, qui semble hallucinée. La vibration
chorégraphique fait voyager du vivant organique à l’image incertaine, non stabilisée. Cette
dimension hypnotique participe de la vibration
lumineuse et de la musique atmosphérique
signée Stephen O’Malley et Peter Rehberg du
groupe KTL. La double partition lumineuse et
sonore trouble et, partant, nécessite un constant
réajustement du regard dans la perception de ce
que l’on croit voir, doublée par celle de son propre corps. »
Déphasage
La gestuelle d’une impressionnante élégance d’Anne Teresa de Keersmaeker irradie depuis
ce cœur originel qu’est Fase, duo répétitif créé
en 1982 sur la musique de Steve Reich. Le
corps devenu instrument rythmique joue de sa
propre perte. Son mouvement se prolonge en
arborescences ombrées hors de l’espace du
dedans. Une énergie du mouvement qui se prolonge lorsque le corps dansant interrompt son
cours, faisant de l’attente une mécanique qui
exalte la présence autant qu’elle l’effondre. Au
piano, se déroule une promenade impeccablement géométrisée, cadrée par les bras des interprètes qui font balanciers sémaphoriques
ouvrant corps et orientations. De ces corps
boussoles, les directions se mettent en giration
et se tressent selon un motif proprement fascinant filant entre chaos et ordre. Pour le compositeur et musicien américain âgé aujourd’hui de
76 ans, le phasing (déphasage) est un procédé
de composition, qui s’architecture à partir d'un
court motif musical répété indéfiniment.
Chaque musicien répète le motif en boucle,
mais avec un décalage entre les voix, décalage
qui augmente et diminue au cours de la pièce.
La chorégraphe belge en donne un exact équivalent au plan des corps et c’est fascinant.
Bertrand Tappolet
La Bâtie, 30 août-14 septembre. Rens. : www.batie.ch
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opéra
Lune de banlieue
La saison de l’Opéra de Paris se clôt en beauté avec l’Atelier lyrique et un
spectacle hors les murs : Il Mondo della luna, présenté à la MC93 de
Bobigny. Une sorte de prouesse, tant vocale qu’orchestrale et scénique,
pour cet opéra de Haydn de derrière les fagots.
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A la MC93 de Bogigny : «Il Mondo della luna» avec, en haut : Olga Seliverstova (Flaminia), en bas de gauche à droite : Anna Pennisi (Lisetta) et Andreea Soare (Clarice) © Opéra national de Paris/ Mirco Magliocca
Cette nouvelle production de l’Atelier
lyrique fait ainsi pendant à L’Isola disabitata,
autre opéra de Haydn et production récemment
reprise à la Ferme du Buisson (voir Scènes
Magazine de mai). Le maître d’Esterhaza écrit
judicieusement pour les voix. Ses opéras se prêtent donc au travail chaque jour plus pertinent des
vaillantes jeunes voix de l’Atelier lyrique. Pour Il
Mondo della luna, Andreea Soare, que l’on ne
découvre plus, explose littéralement, d’une assurance et d’un entregent dont toutes les scènes
lyriques internationales devraient bientôt profiter. Anna Pennisi lui donne une magnifique
réplique, alors que Kévin Amiel se confirme en
ténor di grazia tout à fait en situation. Mais Eva
Zaïcik, Oleksiy Palchykov, Tiago Matos ou Olga
Seliverstova ne sont pas en reste. Puisque c’est de
chant orné qu’il faut parler, sinon exactement de
chant baroque, pour cet opéra dans une tradition
lyrique italienne qui annonce Mozart.
C’est moins vrai du sujet, signé de Goldoni,
qui verserait plutôt dans l’affabulation, avec ses
personnages qui vivent un voyage d’imagination
(mais est-ce bien sûr ?) vers la lune. Prétexte à
des amours contrariées, qui finiront, bien entendu, par trouver la meilleure des fins heureuses.
a
David Lescot signe une mise en scène qui elle
aussi joue de l’imagination. Le premier acte,
celui qui campe les personnages et les situations,
se retrouve ainsi transplanté dans un bidonville,
entre amoncellement de détritus et roulotte obligée : un camp de Roms… comme il s’en trouve
du côté de Bobigny, précisément. Une vision
réaliste actuelle, et d’une brûlante actualité. Puis
les mêmes éléments, par l’effet de quelques
transformations simples (tentures immaculées,
draps argentés, objets détournés devenus clairons
et chars de Jupiter…), transportent l’acte suivant
dans un décorum baroque, celui de la lune baignée par l’esprit faste des Lumières. Jolie transmutation ! que le premier acte ne laissait pas
attendre. Et une belle réussite plastique et théâtrale. Les personnages n’en sont pas moins fermement plantés, et leurs petits ébats pareillement. Seul fausse note, la courte scène de violence, avec hémoglobine et coups désagréablement
simulés, abattue sur le barbon et fauteur de trouble des couples promis à une belle fin : un réalisme excessif – alibi platement intellectuel ? – et
pour le coup hors contexte.
Du côté de la fosse, l’Orchestre-Atelier
OstinatO, compagnon habituel des exploits de
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l’Atelier lyrique, délivre un parfum de virtuosité,
jamais prise en défaut sous la battue experte de
Guillaume Tourniaire. La fin du premier acte,
avec l’envol pour la lune, le plus beau passage de
l’opéra, est à cet égard révélateur, combinant
acuité des timbres instrumentaux mêlé de l’ensemble des chants. Bref, un plaisir sans partage,
qui fait un triomphe auprès du public.
Pénélope attendue
L’opéra de Fauré est des plus rares au
concert, et semble peu ou prou avoir disparu des
scènes. C’était donc un événement que Pénélope
telle que la présente pour une seule soirée de
concert le Théâtre des Champs-Élysées. D’autant
que la distribution vocale s’affiche alléchante,
avec Anna Caterina Antonacci dans le rôle-titre et
Roberto Alagna pour Ulysse : deux prises de rôle,
et non des moindres ! La Antonacci est la grande
victorieuse, par son port de déesse (tout à fait en
situation ici !) et sa voix tout autant, d’une ductilité sans faille. Mais Alagna s’affirme également,
contre toute attente, un interprète sensible, dont
la vaillance sait se tempérer d’une expression
ardente ou subtile. Décidément, le ténor vedette
français prend actuellement des risques (il vient
ainsi d’incarner Énée des Troyens à Marseille),
mais qui lui réussissent ! C’est tout à son honneur. Le reste de la distribution révèle une aussi
parfaite adéquation, de style et de présence vocale, avec Edwin Crossley-Mercer, Julien Behr et
Marina de Liso. Seul Vincent Le Texier déçoit,
Anna Caterina Antonacci
visiblement en méforme, chez un baryton habituellement captivant. L’Orchestre Lamoureux et
son Chœur conjuguent délicatesses et emportements sous la battue fouillée de Fayçal Karoui,
pour ce Fauré immanent qui effectue un magnifique et réparateur retour. Récompense méritée
d’un concert où le théâtre de l’avenue Montaigne
s’est mis en grands frais.
Pierre-René Serna
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opéra de paris
opéra royal de versailles
Créé en 1832, La Sylphide de Philippe Taglioni est le premier
ballet romantique. Il connut un succès retentissant, fut repris
sur les plus grandes scènes européennes pour disparaître du
répertoire de l’Opéra de Paris à la fin du XIXème siècle. La
version présentée du 22 juin au 15 juillet est sa reconstitution
par Pierre Lacotte.
A l’affiche de l’Opéra royal les 7, 8 et 9 juin, Cendrillon
est la nouvelle création de Thierry Malandain pour sa
compagnie, le Ballet Biarritz. Sur la musique de Sergueï
Prokofiev, le chorégraphe suit fidèlement l’intrigue du
conte tout en nous livrant une version très personnelle où
l’imaginaire tient une place importante.
La Sylphide
Cendrillon
Dans sa version, Thierry Malandain nous offre un ballet plein de poésie, à la gestuelle néoclassique émaillée de symboles, avec le merveilleux
comme fil conducteur. La chaussure est ainsi un élément de décor permanent. Le monde des fées fait irruption pour guider Cendrillon vers le bal. La
belle-mère et les deux sœurs sont incarnées par des danseurs. Esthétique cuir
et vinyle, la tendresse et l’innocence ne sont pas à chercher de leur côté. Ils
se livrent tous les trois à des pantomimes cocasses notamment lors de l’essayage de la chaussure. La scène de bal où les danseurs ont pour cavalier des
mannequins, réserve un très beau moment. Les interprètes font preuve d’une
grande maîtrise technique. Les ensembles sont fluides et les danseurs du
Ballet Biarritz sont parfaitement à l’aise dans ce style. Miyuki Kanei est une
Cendrillon pleine de charme et de fraîcheur. Le soulier, clé de l’heureux
«Les sylphides» - photo A Deniau
Donné pour la première fois en 1971 avec Ghislaine Thesmar et
Mickaël Denard dans les rôles principaux, La Syphide est le fruit d’un travail minutieux de recherche chorégraphique. Premier danseur à l’Opéra de
Paris, Pierre Lacotte démarre sa carrière de chorégraphe en 1954 et se passionne rapidement pour la reconstitution des grands ballets romantiques
français. Pour La Sylphide, il retrouve les archives de Marie Taglioni, créatrice du rôle-titre, et se nourrit du témoignage des derniers interprètes de la
version originale encore vivants dont certains furent ses professeurs. Repris
rarement - la dernière série de représentations remonte à 2004 -, ce ballet est
pourtant considéré comme le manifeste artistique du ballet romantique avec,
pour la première fois, les femmes en tutus longs et sur pointes. Encore loin
des séries de fouettés et des écarts extrêmes, apanage à l’époque des danseuses de cabaret, tout est dans le raffinement du jeu des poignets, dans la batterie et les descentes de pointe délicates. L’histoire est celle d’un jeune noble
écossais qui tombe amoureux d’une sylphide, elfe mutine vivant dans la
lande, alors qu’il doit se fiancer prochainement. Sous le charme, il va lui
sacrifier son destin mais aussi, malgré lui, causer sa perte. Pour la première
fois, le ballet ne donne plus à voir un divertissement mais une histoire d’amour où raison et sentiments s’affrontent avec en toile de fond, un monde
surnaturel et les brumes fantasmagoriques de l’Ecosse. Pour cette reprise,
Mélanie Hurel incarnait l’héroïne. Très à l’aise dans le style romantique, la
première danseuse a pris le parti d’une sylphide charmeuse et piquante.
Mathias Heymann s’empare du rôle de James avec la fougue qu’on lui
connait. Le corps de ballet donne une belle prestation avec des ensembles
impeccables et gracieux au dernier acte. La magie de l’œuvre opère, notamment au dernier acte où, grâce à une machinerie, les sylphides s’élancent
dans les airs et enlèvent la dépouille de leur sœur, victime de son amour pour
un mortel.
Miyuki Kanei et Raphael Canet - Photo O Houeix
dénouement, n’a ici rien à voir avec une pantoufle de vair… Thierry
Malandain donne un certain recul à la narration stricte et nous fait entrer
dans le rêve.
Stéphanie Nègre
Cendrillon de Thierry Malandain sera à l’affiche du Théâtre national de Chaillot du 9 au
18 avril 2014.
La danse en septembre
La saison de danse de l’opéra de Paris démarre avec La Dame aux camélias de John
Neumeier du 21 septembre au 10 octobre. A l’occasion de la dernière, Agnès Letestu fera
ses adieux à la scène dans le rôle de Marguerite. Le théâtre des Champs-Elysées accueille
du 20 au 22 septembre le Gala des Etoiles du 21ème siècle
Stéphanie Nègre
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Stéphanie Nègre
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Sélection musicale de la rentrée 2013 :
Sur la scène de l’Opéra Bastille dès le 7 septembre et jusqu’au 9 octobre, reprise de la fameuse Lucia di Lammermoor de Donizetti mise en
scène par Andrei Serban pour June Anderson en 1995 ; pour cette occasion,
une double distribution sera réunie autour du chef Maurizio Benini avec en
alternance Ludovic Tézier (7, 13, 20, 26 sept., 1er oct.) et George Petean (10,
Opéra de Marseille avril 2007 : Patrizia Ciofi (Lucia) © Christian Dresse
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17, 23, 29 sept., 4, 6, 9 oct.) dans le rôle d’Enrico Ashton, la soprano italienne Patrizia Ciofi que l’on n’avait pas entendue à l’Opéra depuis I Capuleti
e i Montecchi de Bellini en 2008 (7, 13, 20, 26 sept., 1er, 6 oct.) et Sonya
Yoncheva (10, 17, 23, 29 sept., 4, 9 oct.) dans le rôle-titre, Vittorio Grigolo
(7, 13, 20, 26 sept., 1er, 6 oct.) et Michael Fabiano (10, 17, 23, 29 sept., 4,
9 oct.) dans celui d’Edgardo, l’Orchestre et le Chœur de l'Opéra national de
Paris. Le 12 septembre, le Palais Garnier lève le rideau avec Alceste de
Gluck confiée à Olivier Py et au chef Marc Minkowski : Yann Beuron sera
Admète, remplaçant Roberto Alagna initialement prévu, Sophie Koch interprétera le rôle d’Alceste, Jean-François Lapointe celui du Grand Prêtre
d’Apollon, Stanislas de Barbeyrac sera Evandre, Florian Sempey Un
Hérault d’armes, Apollon, Franck Ferrari chantera Hercule et Marie-Adeline
Henry Coryphée, Chœur et Orchestre des musiciens du Louvre Grenoble
(dernière le 7 octobre). Le 16 septembre, la Bastille mettra à l’affiche une
reprise de L’affaire Makropoulos de Janacek, spectacle visuellement très
opulent signé Krzysztof Warlikowski, déjà présenté sur cette scène en 2007
et 2009, dirigé cette fois par Susanna Mälkki à la tête de l’Orchestre et du
Chœur de l’Opéra national, avec dans les principaux rôles : Ricarda Merbeth
(Emilia Marty), Atilla Kiss-b. (Albert Gregor), Vincent Le Texier (Jaroslav
Prus), Jochen Schmeckenbecher (Dr Kolenaty), Andreas Conrad (Vítek),
Andrea Hill (Krista) et Ladislav Elgr (Janek), dernière le 2 octobre.
Sur la scène du TCE le 17 septembre, concert de l’Orchestre de
Chambre de Paris dirigé par Sir Roger Norrington avec en soliste le contreténor Andréas Scholl : au programme des œuvres de Lully, Haendel et
Rameau. Le lendemain, place à Wagner et au Vaisseau fantôme donné en
version de concert par l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam, et le
Chœur De Nederlandse Opera dirigés par Yannick Nézet-Séguin avec la distribution suivante : Evgeny Nikitin (Le Hollandais), Franz-Josef Selig
(Daland), Emma Vetter (Senta), Frank van Aken (Erik), Agnes Zwierko
(Mary) et Torsen Hoffman (Le timonier). Le 19, Le National de France dirigé par son chef, Daniele Gatti, entourés par la soprano Leah Crocetto et par
le ténor Joseph Calleja interpréteront des extraits d’Aida, du Requiem et
d’Otello de Verdi. Le 23, Philippe Jarrousky et le Venice Baroque
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Orchestra conduit par Andrea Marcon, joueront des œuvres de Porpora, Leo
et Cimarosa. Enfin le 27 septembre la soprano française Sandrine Piau sera
accompagnée par l’Orchestra of the Age of Enligthtement et William
Christie pour un concert où seront convoqués Rameau et Haendel.
Belle rentrée du côté de la Salle Pleyel avec un concert d’ouverture (1er
septembre) qui réunira le Berliner Philharmoniker placé sous la direction de
Sir Simon Rattle avec en soliste la soprano Barbara Hannigan : au programme La Nuit transfigurée (version de 1943) de Arnold Schönberg, Trois
fragments de Wozzeck d’Alban Berg et Le Sacre du printemps (édition révisée de 1947) d’Igor Stravinski. Les 11 et 12, place à l’Orchestre de Paris et
à son chef Paavo Järvi qui dirigera Orages, ouverture de concert pour
orchestre, op. 93 de Bechara El-Khoury, le Concerto pour violon n° 2 de
Sergueï Prokofiev (avec la violoniste Janine Jansen) et Carmina Burana de
Carl Orff avec Mari Eriksmoen, Max Emanuel Cencic et Ludovic Tézier. Le
17, Jukka-Pekka Saraste dirigera le WDR Sinfonieorchester Köln avec la
soprano Karita Mattila (Beethoven et Quatre derniers lieder de Strauss).
Opéra en concert le 23 avec Alessandro de Haendel chanté par Max
Emanuel Cencic (Alessandro), Julia Lezhneva (Rossane), Laura
Aikin (Lisaura), Xavier Sabata (Tassile), Pavel Kudinov (Clito), Juan
Sancho (Leonato) et Vasily Khoroshev (Cleone) dirigé par George Petrou à
la tête de la formation Armonia Atenea.
Deux concerts à ne pas manquer à la Cité de la musique, celui du 27
septembre dirigé par Matthias Pintscher à la tête de l’Ensemble intercontemporain entouré par la soprano Claire Booth et par le ténor Gordon Gietz,
réunis pour interpréter Fuga (Ricercata) - extrait de l'Offrande Musicale de
Anton Webern/Johann Sebastian Bach, puis de Jonathan Harvey Two interludes and a scene for an Opera (pour soprano, ténor, ensemble et électronique), de Bernd Alois Zimmermann la sonate pour violoncelle (jouée par
Eric-Maria Couturier) et de Matthias Pintscher, Bereshit une commande du
Saint Paul Chamber Orchestra et de l'Ensemble intercontemporain donnée
pour la première fois en France. Le 29 enfin, la violoncelliste Sonia
Wieder-Atherton accompagnée par la comédienne Charlotte Rampling
jouera la Suite pour violoncelle n° 2 de Benjamin Britten Suite sur des textes de Sylvia Plath.
Photo : Vincent Pontet / Wikispectacle
Vu et entendu : Au TCE le 20 juin, retour triomphal de Pénélope de
Fauré, radieusement défendue par Anna Caterina Antonacci et Roberto
Alagna et dirigée par Faycal Karaoui.
Ailleurs en France : A l’affiche de l’Opéra du Rhin du 27 septembre au 5 octobre, De la maison des morts de Leoš Janá ek placée sous la
direction de Marko Letonja et mis en scène par Robert Carsen.
François Lesueur
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chronique des concerts
Un été royal
Après Valery Gergiev, Daniele Gatti et Pierre Boulez (version enregistrée),
le Théâtre des Champs Elysées invitait Esa Pekka Salonen et Yannick NézetSéguin à célébrer le Sacre du Printemps. Stravinsky in loco donne à penser que
le coup d'éclat de 1913 est toujours autant ce coup de génie qu'on ne se lasse
pas d'admirer.
A la tête de son Orchestre de Rotterdam, le
jeune Yannick Nézet-Séguin a de l'énergie à
revendre, sans doute trop, au point de confondre
Yannick Nézet-Séguin
le propre et le figuré du terme chorégraphie. Son
Sacre a de l'allure, même si l'expression spectaculaire guide expressément la vision d'ensemble. Les instrumentalistes ne sont jamais
pris en défaut, ce qui n'est pas peu dire d'une
partition aussi exigeante où la moindre
approximation se paie comptant. Le fait de
souligner systématiquement les intentions
écrites ne les rend pas plus claires pour des
musiciens aussi aguerris.
Deux chefs-d'œuvre du répertoire français complétaient ce triptyque “Début de
Siècle“ : La Mer de Claude Debussy et la
Valse de Maurice Ravel. Dans la première,
priorité est donnée à la couleur et aux effets
de dynamique. Très cinématographique par
les moyens et l'intention, ce Debussy regarde
rétrospectivement vers un post-romantisme
assez confortable qui limiterait sa portée à la
dimension des poèmes symphoniques de Richard
Strauss. D'un caractère plus en conformité avec
la battue élégante et extravertie de Nézet Séguin,
la Valse de Ravel constitue le meilleur moment de
la soirée. La petite harmonie est particulièrement
à la fête, tandis que les cordes se couvrent de
gloire en imprimant ce flux et reflux lancinant
qui évite tout effet facile et vulgaire.
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Esa Pekka Salonen a bâti sa réputation sur
des interprétations vigoureuses et millimétrées.
Rien d'étonnant à ce que, à l'instar de son modèle avoué Pierre Boulez, le chef finlandais
ne passe ces dernières années pour l'interprète de prédilection du Sacre du
Printemps. Le Philharmonia Orchestra
n'offre pas ce soir-là une forme équivalente aux intentions du chef. Cette réserve
pèse sur la réalisation parfois périlleuse de
certains passages, à la justesse relative.
Salonen se borne à une mise en place de
tous les éléments et démontre une maîtrise à toute épreuve, faisant fi des aléas
techniques de ses musiciens. Dans la
danse de l'élue, les rythmes telluriques
s'accordent parfaitement à la proportion expressive des plans sonores. L'élévation gagne en vir-
Esa Pekka Salonen
tuosité et atteint cet hubris musical qui emporte
tout sur son passage. Etrange attelage que cette
première partie où ni la Musique Funèbre de
Lutoslawski, ni le concerto en sol de Ravel avec
Hélène Grimaud ne donnent une idée cohérente
des moyens orchestraux et de la volonté du chef.
Direction Versailles pour terminer, non seulement pour y célébrer l'art d'André Le Nôtre
mais également pour y retrouver son cousin
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patronymique et non moins fin horticulteur des
sons et des images : John Eliot Gardiner. A la
tête de ses Monteverdi Choir et English Baroque
Soloists, il fait de la Chapelle Royale un de ses
lieux de prédilection, après d'inoubliables Vêpres
de Monteverdi et deux concerts décisifs en 2011
et 2012 : les Motets de Bach et un ensemble
Sir John Eliot Gardiner
d'œuvres de la Renaissance anglaise. Le choix de
l'Oratorio de Pâques et l'Oratorio de l'Ascension
donne au chef anglais une fois de plus l'occasion
de nous séduire par l'approche théâtrale de la
liturgie luthérienne telle que la voulait Jean
Sébastien Bach. Rien de pesant ou d'inutilement
massif dans cette interprétation où ruissellent le
brillant des phrases instrumentales et la chair des
entrelacs choraux. L'acoustique du lieu n'est pas
exploitée comme précédemment dans toute
sa dimension spatiale (grand orgue et balcons), l'effectif choral et instrumental restant
confiné devant l'autel. La rhétorique du
contrepoint de Bach ne s'en trouve pas affectée, bien au contraire. La lisibilité des lignes
fait merveille, tandis que l'équilibre des timbres et des ornements touche l'auditeur au plus
profond de lui-même. Dans la nuit étoilée de
Versailles, on se surprend à rêver longtemps
après la fin de ce sublime dernier concert de
la saison…
Rêveries prolongées quelques jours plus
tard par les festivités organisées par Château
de Versailles Spectacles. Pour l'occasion, les
grandes eaux se font nocturnes et s'accompagnent d'une scénographie inédite qui met en
valeur les jardins et les différents groupes de
sculptures. Avec la sérénade royale de la galerie
des glaces qui mêlent danses et concerts à l'intérieur du château, c'est tout un ensemble de spectacles admirables qui s'offrent au visiteur tout
l'été jusqu'au 14 septembre… à ne manquer sous
aucun prétexte.
David Verdier
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t h é â t r e
ANTOINE (01.43.38.74.62)
Inconnu à cette adresse de
Kressmann Taylor - du 3 septembre
au 4 janvier.
ATELIER (loc. 01.46.06.49.24)
La Locandiera de Goldoni - m.e.s.
Marc Paquien - avec Dominique
Blanc, André Marcon - dès le 6 septembre
BOUFFES PARISIENS
(loc. 01.42.96.92.42)
Hier est un autre jour ! de JeanFrançois Cros, Sylvain Meyniac m.e.s. Eric Civanyan - jusqu’au 11
janvier 2014
COLLINE (rés. 01.44.62.52.52)
Des arbres à abattre d’après
Thomas Bernhard - m.e.s. Claude
Duparfait et Célie Pauthe - du 11 au
28 septembre.
Perturbation d’après Thomas
Bernhard - m.e.s. Krystian Lupa - du
27 septembre au 25 octobre.
COMÉDIE FRANÇAISE
SALLE RICHELIEU (01.44.58.15.15)
La Trilogie de la villégiature de
Carlo Goldoni - m.e.s. Alain Françon
- du 16 au 30 septembre
Quatre femmes et un piano, cabaret dirigé par Sylvia Bergé - du 21
septembre au 13 octobre
STUDIO-THÉÂTRE (01.44.58.98.98)
La Fleur à la bouche de Luigi
Pirandello - m.e.s. Louis Arene - du
26 septembre au 3 novembre
VIEUX-COLOMBIER (01.44.39.87.00)
L’Anniversaire de Harold Pinter m.e.s. Claude Mouriéras - du 18 septembre au 24 octobre
EDOUARD VII (01.47.42.59.92)
Nina d’André Roussin - m.e.s.
Bernard Murat - avec François
Berlééand, Mathilde Seigner - dès le
6 septembre.
LUCERNAIRE (01.45.44.57.34)
La vie de Galilée de Brecht - m.e.s.
Christophe Luthringer - jusqu’au 21
septembre
MATHURINS (rés. 01.42.65.90.00)
Dernier coup de ciseaux de Marylin
Abrams, Bruce Jordan, Paul Pörtner m.e.s. Sacha Danino, Sébastien
Azzopard - jusqu’au 21 décembre.
L’Affaire Dussaert de et avec
Jacques Mougenot - du 12 septembre au 21 décembre
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Moi, Caravage de Cesare Capitani
- m.e.s. Stanislas Grassian - jusqu’au
5 janvier.
MÉLO D’AMÉLIE (01.40.26.11.11)
Le bal des crapules de Luc
Chaumar - m.e.s. Corinne Boijols jusqu’au 10 novembre
NOUVEAUTÉS (01.47.70.52.76)
Cher Trésor de et m.e.s. Francis
Veber - avec Gérard Jugnot,
Alexandra Vandernoot - du 20 septembre au 31 octobre.
ODÉON EUROPE (01.44.85.40.40)
Au Monde de Joël Pommerat - du
14 septembre au 19 octobre.
Les marchands de Joël Pommerat
- du 18 septembre au 19 octobre.
AUX ATELIERS BERTHIER :
Die Gelbe Tapete (Le papier peint
jaune) de Charlotte Perkins Gilman m.e.s. Katie Mitchell - du 20 au 26
septembre.
ŒUVRE (01.44.53.88.88)
Et jamais nous ne serons séparés
de Jon Fosse - m.e.s. Marc Paquien avec Ludmilla Mikaël - dès le 10 septembre.
PALAIS DES GLACES
(01.42.02.27.17)
J'aime beaucoup ce que vous faites de Carole Greep - m.e.s. Xavier
Letourneur - jusqu’au 27 octobre.
POCHE (01.45.44.50.21)
Au bois lacté de Dylan Thomas m.e.s. Stéphan Meldegg - dès le 10
septembre.
RANELAGH (loc. 01.42.88.64.44)
Le Neveu de Rameau de Diderot m.e.s. Jean-Pierre Rumeau - du 6
septembre au 31 décembre
La Religieuse de Diderot - m.e.s.
Nicolas Vaude - du 6 septembre au
31 décembre.
RIVE GAUCHE (01.43.35.32.31)
L’Affrontement de Bill C. Davis m.e.s. Steve Suisa - avec Francis
Huster, Davy Sardou - jusqu’au 25
septembre.
ROND-POINT (01.44.95.98.21)
Anna d’après Pierre Koralnik m.e.s. Emmanuel Daumas - musique
de Serge Gainsbourg - du 5 septembre au 6 octobre
Swan Lake - chor. Dada Masilo du 10 septembre au 6 octobre
L'Origine du monde de Sébastien
Thiéry - m.e.s. Jean-Michel Ribes du 11 septembre au 2 novembre
STUDIO DES CHAMPS-ÉLYSÉES
(01.53.23.99.19)
Le porteur d’histoire de et m.e.s.
Alexis Michalik - jusqu’au 30 décembre
VINGTIÈME THÉÂTRE
(01.43.66.01.13)
Ferré Ferrat Farré, pièce musicale
de et par Jean-Paul Farré - jusqu’au
13 octobre.
Théâtre du Ranelagh
Le neveu de Rameau
A ma droite, un philosophe honnête, faisant des observations sur le monde comme il va ; à ma gauche, le neveu
d'un célèbre musicien, chien fou vivant aux crochets d'une société qu'il abhorre. La conversation s'engage, électrique : l'un écoute, éprouvant fascination et répulsion tour à tour, tandis que l'autre se donne en spectacle et profère
alternativement, sur les sujets abordés (le génie, la morale, l'éducation), des vérités que nul ne veut entendre et des
énormités qui font bondir le respectable philosophe.
Ce texte, l'un des plus explosifs de la littérature française, la mise en scène rondement menée de Jean-Pierre
Rumeau le donne à entendre en toute clarté, ce qui est déjà une qualité appréciable à une époque où tant de metteurs en scène défigurent les textes à trop vouloir les
« dépoussiérer ». Il lui manque pourtant le grain de
sel qui aurait permis au dialogue de Diderot d'exister pleinement. Si le neveu de Rameau est comparé
par le narrateur à un grain de levain qui fermente et
fait sortir la vérité, l'interprétation des deux comédiens, d'une trop sage virtuosité, ne permet pas au
texte de s'incarner tout à fait.
Nicolas Vaude nous signifie à merveille la folie
de Rameau, mais ne parvenant à la faire sienne ni à
se maintenir sur le fil du rasoir, il finit par donner
dans le clownesque. Aussi la pièce tourne-t-elle parfois au numéro d'acteur, et on regrettera que les deux
comédiens ne jouent pas davantage ensemble, même
si Gabriel Le Doze, pour sa part, campe excellemment un philosophe bonhomme que les propos subversifs du neveu séduisent, troublent et scandalisent
à la fois. On ne recevra aucune décharge en voyant
cette pièce un peu trop sage, mais on passera un
agréable moment.
Julien Roche
du 6 septembre au 31 décembre 2013
«Le neveu de Rameau», crédit Chantal Palazon
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Musée Maillol
Étrusques - Un hymne à la vie
Pour son exposition d’automne-hiver, le musée Maillol se plonge dans le quotidien des Étrusques, proposant un regard inédit sur un peuple enveloppé de mystère. Dépositaires d’un langage hermétique, les Étrusques sont le plus souvent considérés comme un peuple originaire d’Orient, mais ils sont reconnus pour avoir
joué un rôle de premier plan bien avant la montée en puissance de Rome.
Peuple de marins et de marchands, les Étrusques ont vécu une extraordinaire
aventure, entre le IXe et le IIe avant J.-C., sur un territoire qui correspondrait
aujourd’hui à la péninsule italienne, et l’exposition du musée Maillol s’attache à en
explorer tous les aspects, grâce aux découvertes effectuées dans les grandes cités
de cette confédératon - Véies, Cerveteri, Tarquinia et Orvieto. Ainsi seront
représentés : la religion - grâce aux nombreuses tombes découvertes -, l’écriture,
l’armement, le sport, la peinture et la sculpture, l’artisanat avec l’orfèvrerie bijoux en or et argent -, les bronzes et les céramiques; leur habitat sera également
évoqué - des cabanes primitives du IXe s. avant J.-C. aux demeures praticiennes
d’une architecture très caractéristique, éloignée des canons classiques, agrémentée
de décorations en terre cuite aux vives couleurs.
Le public pourra se familiariser avec cette civilisation grâce à la présentation
de 250 œuvres provenant des plus prestigieues institutions italiennes et
européennes.
Du 18 septembre 2013 au 9 janvier 2014
«Tête masculine», fin du VIIe siecle avant J.-C.
Bois avec traces d’or − H. 21,3 cm Milan, Museo Civico Archeologico
© Civico Museo Archeologico di Milano
Centre culturel suisse
HEIDI BUCHER – du 13 septembre
au 8 décembre.
FLORIAN GERMANN – du 13 septembre au 13 octobre.
Centre Pompidou
ALBERT SERRA – jusqu’au 26 oct.
ROY LICHTENSTEIN – jusqu’au 4
novembre
PIERRE HUYGUE – du 25 septembre au 6 janvier
Fondation Cartier
RON MUECK – jusqu’au 27 octobre.
Galerie des Gobelins
ELOGE DE LA NATURE, XVIe - XXIe
siècles – jusqu’à janvier
Grand Palais
GEORGES BRAQUE (1882-1963),
rétrospective – du 18 septembre
2013 au 6 janvier 2014
La Maison Rouge
MY JOBURG – jusqu’au 22 septembre
Maison de la Photographie
COSTA-GRAVAS. CARNETS PHOTOGRAPHIQUES / L’ŒIL D’UN COLLECTIONNEUR : SERGE ABOUKRAT / FERRANTE
FERRANTI - ITINÉRANCES / BIASIUCCI -
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PALADINO – 4 expositions jusqu’au
15 septembre
Mona Bismarck Center
LITTLE BLACK DRESS – jusqu’au 22
septembre
Musée des arts décoratifs
TROMPE-L'OEIL – jusqu’au 15 nov.
Musée d’art du judaïsme
RUE DES ROSIERS, photographies
d’Alécio de Andrade – jusqu’au 6
octobre.
CHANA ORLOFF, «LE RETOUR»,
1945 – jusqu’au 6 octobre
Musée d’art moderne
PIERRE HENRY. Autoportrait en
53 tableaux – jusqu’au 1er
décembre
Musée Cernuschi
BRONZES DE LA CHINE IMPÉRIALE DU
XE AU XIXE SIÈCLES – du 20 septembre 2013 au 19 janvier 2014
Musée Delacroix
DELACROIX ÉCRIVAIN – jusqu’au 6
octobre
Musée Guimet
L’ART DE ROSANJIN, génie de la
cuisine japonaise – jusqu’au 9 septembre
TSUTSUGAKI, textiles indigo du
e
n
Japon – jusqu’au 7 octobre
Musée Jacquemart-André
DÉSIRS ET VOLUPTÉ À L’ÉPOQUE VICTORIENNE – du 13 septembre 2013
au 20 janvier 2014
Musée du Louvre
LE PRINTEMPS DE LA RENAISSANCE.
La sculpture et les arts à Florence,
1400-1460 – du 26 septembre
2013 au 6 janvier 2014
LE SEICENTO À BOLOGNE – jusqu’au 9 septembre
UN ALLEMAND À LA COUR DE LOUIX
XIV – jusqu’au 16 septembre
Musée Maillol
ETRUSQUES. Un hymne à la vie –
du 18 septembre 2013 au 9
février 2014
Musée de Montmartre
IMPRESSIONS À MONTMARTRE.
Delâtre, Müuler, Valadon – du 14
septembre au 12 janvier
Musée d’Orsay
FÉLICIE DE FAUVEAU. L'AMAZONE DE
LA SCULPTURE – jusqu’au 15 sept..
MASCULIN / MASCULIN. L'homme
nu dans l'art de 1800 à nos jours.
– du 24 septembre 2013 au 2 janvier 2014
d
a
Musée du Quai Branly
CHARLES RATTON, l’invention des
arts “primitifs“ – jusqu’au 22 septembre.
Musée de la Vie Romantique
L'ESQUISSE PEINTE AU TEMPS DU
ROMANTISME – du 17 septembre
2013 au 2 février 2014
Musée Zadkine
VOYAGE DANS L'ANCIENNE RUSSIE –
du 27 septembre 2013 au 30
mars 2014
Petit Palais
L'ECOLE EN IMAGES. Esquisses et
dessins inédits du Petit Palais
(1880-1935) – du 12 septembre
2013 au 5 janvier 2014
JACOB JORDAENS (1593-1678) –
du 19 septembre 2013 au 19 janvier 2014
Pinacothèque
L’ART NOUVEAU, LA RÉVOLUTION
DÉCORATIVE – jusqu’au 8 sept.
TAMARA DE LEMPICKA, la reine de
l’Art déco – jusqu’au 8 sept.
Porte de Versailles
TITANIC, L’EXPOSITION – jusqu’au
15 sept., Paris Expo, Pavillon 8
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GENEVE
concerts
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1.9. : Hors-Série. La Bâtie-Festival de
Genève. L’OCG, dir. Ryan Mcadams
(Première suisse / Création 2013 : «The
Disintegration Loops» de William
Basinski). Studio Ernest-Ansermet à
20h ([email protected])
2.9. : 20e anniversaire de Green
Cross. ANDREI GAVRILOV, piano (Chopin,
Prokofiev). Victoria Hall à 20h (Loc.
Espace Ville de Genève, Grütli,
Genève Tourisme, Cité Seniors,
Centrale Billetterie T 0800 418 418)
12.9. : Concert Prestige No. 1.
CRÉATION. Geneva Camerata, dir. David
Greilsammer, Steven Isserlis, violoncelle (Lully, Haydn, Jaggi, Mozart). BFM à
20h (billetterie : Fnac ou www.fnac.ch)
17.9. : CHANGEMENT D'ÉCHELLES.
Ensemble Contrechamps, dir. Julien
Salemkour, Antoine Françoise, Stefan
Wirth, piano (Nancarrow, Saunders,
Schœnberg, Tenney). Studio ErnestAnsermet à 19h45 (billets en ligne:
www.contrechamps.ch/reserver)
20.9. : Série Grands Classiques.
OSR, dir. Neeme Järvi, LOÏC SCHNEIDER,
flûte (Haydn, Mozart, Mendelssohn).
Victoria Hall à 20h (Tél. 022/807.00.00
/ [email protected])
22.9. : HOMMAGE À ÉRIC GAUDIBERT.
Solistes de l’Ensemble Contrechamps
(Gaudibert, Yun, Spahlinger). Musée
d’art et d’histoire de Genève à 11h
(billetterie en ligne : www.contrechamps.ch/reserver)
24.9. : Concerts de soirée No. 1.
NÉO-CLASSIQUE. L’OCG, dir. dir. Arie
Van Beek (Bartók, Stravinsky, Mozart).
BFM à 20h (loc. 022/807.17.90 / [email protected]
(lun-ven
9h30–12h/14h30–16h) ou www.ticketportal.com)
25.9. : Série Symphonie. OSR, dir.
Neem Järvi, VIOLETA URMANA, soprano,
OLGA BORODINA, mezzo-soprano
(Glazounov, Moussorgski, Mahler, R.
Strauss). Victoria Hall à 20h (Tél.
022/807.00.00 / [email protected])
26.9. : Orchestre de chambre LES
SOLISTES DE MOSCOU, dir. et alto Yuri
Bashmet (Schubert, Saint-Saëns).
KONSTANTIN KHABENSKY récitant. KSENIA
BASHMET piano. IVAN ROUDINE piano.
Victoria Hall à 20h (Loc. Espace Ville
de Genève, Grütli, Genève Tourisme,
Cité Seniors, Centrale Billetterie T
0800 418 418)
27.9. : Série Répertoire. OSR, dir.
Neeme Järvi, VIOLETA URMANA, soprano, OLGA BORODINA, mezzo-soprano
(Glazounov, Moussorgski Mahler, R.
Strauss). Victoria Hall à 20h (Tél.
022/807.00.00 / [email protected])
29.9. : LIONEL COTTET, violoncelle &
LOUIS SCHWIZGEBEL, piano. Ensemble
invité par le QUATUOR DE GENÈVE
(Prokofiev, Rachmaninov). Musée d’art
et d’histoire (salle des Armures), à 11h
(Location sur place dès 10h le jour du
concert)
29.9. : Concert du dimanche de la
ville de Genève. CHŒURS ET SOLISTES DE
LYON-BERNARD TÉTU, dir. Catherine
Molmerret, DIEGO INNOCENZI, orgues,
QUINTETTE ALLIANCE (Franck, Sibelius,
Berlioz, Fauré). Victoria Hall à 11h
(rens. 0800.418.418, billets : Alhambra,
Grütli)
FESTIVAL AMADEUS 2013
Grange de la Touvière, Meiner
(loc. : [email protected] ou
tous les soirs dès 17h, tél.
022/750.20.20 ou chez Très
Classic, 022/781.57.60))
dimanche 1.9. 10h / cour de la
Touvière : THE FATS BOYS (Wats Faller,
Louis Armstrong, Jelly Roll Morton))
dimanche 1.9. à 12h / Touvière :
CHŒUR DE MEINIER, dir. Alfredo
Lavalley (Haydn, Mozart)
dimanche 1.9. à 17h / Touvière :
DES JOUES FRAÎCHES COMME DES COQUELICOTS, par le Fil rouge Théâtre
mercredi 4.9. à 18h30 / petite
Touvière : ALEXANDRE BUZLOV, violoncelle (JS Bach, Britten)
mercredi 4.9. à 20h30 / Touvière :
PLAMENA MANGOVA, piano (Scarlatti,
Chostakovitch, Brahms)
jeudi 5.9. à 16h30 / Touvière : TRIO
MANGOVA, piano / MARGULIS, violon /
BUZLOV, violoncelle (Janacek,
Schumann, Dvorak)
jeudi 5.9. à 20h30 / Touvière :
La Bâtie au Bâtiment des Forces Motrices
Partita 2
«Partita 2», une chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker sur la
célèbre partition de Johann Sebastian Bach - qui a eu un accueil controversé à Avignon - vient à Genève dans le cadre du Festival de la Bâtie.
Il y a exactement trente ans, c’était la révélation au Festival d’Avignon:
«Rosas danst Rosas» d’Anne Teresa de Keersmaeker. Une pièce virtuose
truffée de gestes de la vie quotidienne. Elle fera école dans le monde de la
danse. La chorégraphe belge est une habituée de la Cour d’honneur : en
1992 on a pu y voir sa pièce «Mozart/Concert Arias»; en 2011 «Cesena», un
travail sur la musique
raffinée de la fin du
Moyen Âge, l’ars
subtilior.
Boris Charmatz,
quant à lui, s’est
lancé dans la chorégraphie en 1993,
inspiré par Dominique Bagouet et JeanClaude Gallotta. Il
«Partita 2» © Anne Van Aerschot
est actuellement à la
tête du Musée de la
danse/Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne. Il a été
invité pour la première fois au Festival d’Avignon en 2010. Une année plus
tard il présente «Enfant» dans la Cour d’honneur, en tant qu’artiste associé.
C’est justement cette année-là à Avignon qu’Anne Teresa De Keersmaeker et
Boris Charmatz ont décidé de danser une fois ensemble.
La pièce commence dans l’obscurité. La violoniste (remarquable
Amandine Beyer) interprète seule la «Partita n°2» de Bach. Ce n’est que dans
un deuxième temps que les danseurs apparaissent. Ils exécutent des mouvements simples : ils marchent, hésitent, courent, sautillent, (Boris Charmatz
saute carrément) en décrivant de grands cercles. Le tout avec légèreté. Ils
n’imitent pas la musique, ils y répondent. Et contre toute attente avec facilité.
La «Partita» est composée de danses telles que la gigue, la courante, l’allemande (rappelons que Bach avait un maître à danser français). Les danseurs
réagissent avec un plaisir évident à ce que la musique produit dans leur corps.
La pièce terminée, la joie reste dans les spectateurs.
Emmanuèle Rüegger
Dimanche 8 septembre à 20h00
Réservation sur : http://www.batie.ch/2013/93-anne-teresa-de-keersmaeker
NAMASCAE LEMANIC MODERN ENSEMBLE,
dir. William Blank (Jarrell, Mundry,
Dayer et créations d’œuvres de Artur
Akshelyan, Ricardo Eizirik, Nicolas
von Ritter). Avec Hélène Walter,
soprano, Julien Lapeyre, violon,
Amandine Lecras, violoncelle.
vendredi 6.9. à 18h30 / petite
Touvière : SORAYA BERENT & SÉBASTIEN
AMMANN, chant et piano
vendredi 6.9. à 20h30 / Touvière :
YARON HERMAN TRIO
samedi 7.9. à 17h30 : Concert de
clôture. LE FANFAREDULOUP ORCHESTRA
(Kagel)
samedi 7.9. à 20h30 / Touvière :
KAMMERORCHESTER BASEL, dir. Umberto
Benedetti Michelangeli. PHILIPPE
CASSARD & CÉDRIC PESCIA, pianos
(Stravinsky, Mozart, Prokofiev,
Poulenc)
théâtre
Jusqu’au 5.9. : La Bâtie-Festival de
Genève. SANDRA QUI ? par la
Compagnie Carré Rouge. Théâtre
Saint-Gervais, Salle Marieluise Fleisser,
2ème sous-sol - grande salle, di 1.9,
me 4.9 à 21h / lu 2.9, ma 3.9 à 19h / je
5.9 à 18h (loc. [email protected])
Jusqu’au 12.9. : Festival de La Bâtie.
SWAMP CLUB de Philippe Quesne /
CONTE D'AMOUR de Markus Öhm /
GIACOMO de Masimo Furlan / NN de
Tino Sehgal et Boris Charmatz.
Théâtre du Loup (rés. 022/301.31.00)
8 (à 17h) et 9.9. (à 19h) : La BâtieFestival de Genève. ANAMORPHOSIS de
et m.e.s. Philippe Quesne. Spectacle
en japonais surtitré en français.
Première en Suisse. Théâtre de
Carouge, Salle Gérard-Carrat (billetterie : 022/343.43.43 - [email protected])
Du 9 au 29.9. : DERNIERS REMORDS
AVANT L'OUBLI de Jean-Luc Lagarce,
m.e.s. Michel Kacenelenbogen. Le
Poche-Genève, lun et ven à 20h30,
mer-jeu-sam à 19h, dim à 17h, mardi
relâche (rens./rés. /loc. 022/310.37.59)
Du 10 au 14.9. : La Bâtie-Festival de
Genève. 7 MINUTES OF TERROR de Yan
Duyvendak et Nicole Borgeat. Théâtre
Saint-Gervais, Salle Marieluise Fleisser,
grande salle, ma 10 au ve 13 à 21h / sa
14 à 18h ([email protected])
Du 11 au 22.9. : L’OPÉRA DE
QUAT’SOUS de Bertold Brecht, musique
de Kurt Weill. M.e.s. Stephan Grögler.
Direction musicale Nicolas Farine.
Production Haute Ecole de Musique
de Genève en collaboration avec
HEMU Lausanne. Le Galpon, les
11,13,16, 18 et 21 à 19h30 / les 15 et
22 à 18h / relâche les 12, 14,17 et 20
(rés. au 022/321.21.76 au plus tard 2
m
heures avant le début de l’événement
- mail : [email protected])
Du 13 au 29.9. : MUSIC-HALL de
Jean-Luc Lagarce, m.e.s. Véronique
Ros de la Grange. Le Poche-Genève,
lun et ven à 20h30, mer-jeu-sam à 19h,
dim à 17h, mardi relâche (rens./rés.
/loc. 022/310.37.59)
Du 17.9. au 5.10. : FRANÇOIS, LE SAINT
JONGLEUR de Dario Fo, m.e.s.
Stéphane Michaud, Création. Théâtre
Alchimic, mar-ven à 20h30; mer-jeusam-dim à 19h, relâche lun (rés. [email protected], ou 022/ 301.68.38 loc. Service culturel Migros)
Du 17.9. au 6.10. : LA NUIT JUSTE
AVANT LES FORÊTS & DANS LA SOLITUDE DES
CHAMPS DE COTON de Bernard-Marie
Koltes, m.e.s. Eric Salama. Theatre du
Grutli, petite salle à 20h (Dans la solitude des champs de coton) puis après
l’entracte, à 21h30 (La nuit juste avant
les forêts). Rés. 022/888.44.88 ou
[email protected]
19 (à 19h) et 20.9. (à 20h) : DANSES
NOCTURNES par Sylvia Plath, Sonia
Wieder-Atherton, Charlotte Rampling.
La Comédie (Billetterie : 022/350.50.01
/ [email protected])
Du 19 au 22.9. : LA BOSSE DU THÉÂ-TRE
par la Compagnie Emilie Valantin, dès
7 ans. Théâtre des Marionnettes, à
19h, sam à 20h, dim à 11h et 17h
([email protected], ou
022/807.31.07, )
24, 28, 29.9. et 1, 2, 5, 6, 12, 13, 15,
16, 19, 20.10. : LE HIBOU, LE VENT ET
NOUS de et m.e.s. Fabrice Melquiot,
création, dès 8 ans. Théâtre Am Stram
Gram (Loc. 022/735.79.24 et Service
Culturel Migros)
24.9. : PIERRE RICHARD III, humour.
Théâtre du Léman à 20h30 (loc.
TicketCorner, 0901.566.500)
Du 24.9. au 20.10. : UN MARI IDÉAL
d'Oscar Wilde, m.e.s. Pierre Bauer,
création. Théâtre des Amis, Carouge,
mar-mer-ven à 20h, jeu-sam à 19h, dim
à 18h (rens. 022/342.28.74)
du 25 au 29.9. : LE NEVEU DE RAMEAU
de D. Diderot, m.e.s Alain Carré.
Théâtre du Crève-Cœur, Cologny (rés.
022/786.86.00)
Du 25.9. au 13.10. : MAIS OÙ EST PASSÉ
LÉON? de Didier de Calan et JeanPierre Lescot, m.e.s. Jean-Pierre
Lescot, de 3 à 7 ans. Théâtre des
Marionnettes, mer à 15h, sam à 17h,
dim à 11h et 17h (rés. 022/807.31.07,
[email protected])
Les 26 (19h) et 27.9. (20h) : TRAGEDY
OF A FRIENDSHIP, conception et m.e.s.
Jan Fabre. La Comédie de Genève
(Billetterie : 022/350.50.01 / [email protected])
27 et 28.9. : QUE MA JOIE DEMEURE!,
Ecrit et interprété par Alexandre
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Théâtre Kléber-Méleau
Angélique Ionatos
La chanteuse d’origine grecque sera à nouveau de passage à Lausanne,
invitée par le théâtre Kléber-Méleau en ouverture de saison.
Angélique Ionatos, bien qu’ayant quitté très tôt sa terre natale, a su
puisé son inspiration dans la culture traditionnelle grecque, et son fidèle
public connaît et apprécie la forme
musicale et poétique avec laquelle
elle s’exprime sur scène.
Guitariste et compositrice, elle a
mis au cours des années de nombreux poètes, grecs principalement, en musique, avec comme
thèmes de prédilection l’amour et
la destinée.
En septembre, à KléberMéleau, elle présentera sa nouvelle création, «Et les rêves prendront leur revanche», un spectacle
qu’elle aura auparavant offert aux
spectateurs du Festival off
d’Avignon, en juillet, un spectacle
Angélique Ionatos sera
accompagnée, entre autres, par
qui rappelle à nous les poètes en
Katerina Fotinaki
exil... un chant d’espoir, un retour
aux rêves...
du 17 au 26 septembre 2013
Réservation : 021/625.84.29
Notons d’Angélique Ionatos se produira également au Festival d’Ambronay,
le 28 septembre 2013
Bonlieu Annecy accueille
La Bâtie entre deux lacs
Cela fait des lustres que la collaboration transfrontalière est devenue
quasiment rituelle entre Bonlieu Scène Nationale et diverses institutions
genevoises au nombre desquelles figurent le Théâtre Saint Gervais et
l'Association pour la Danse Contemporaine, ou encore l'Usine et le Théâtre
du Loup.
L'édition 2013 de la Bâtie Festival de Genève donnera un élan nouveau
à ces liens tissés dans le cadre d'un « pôle artistique de coopération transfrontalière » selon l'expression de Salvador Garcia qui est en tant que
directeur de Bonlieu un des initiateurs de ce projet. De fait, il ne s'agit donc
pas d'un projet à court terme, mais bien d'une volonté de créer un grand centre de coproductions régionales en permettant de conjuguer des savoir-faire
existant des deux côtés de la frontière, par exemple en facilitant les possibilités de répétitions ou en soutenant financièrement des projets communs.
Autre but poursuivi, la création d'une plateforme de diffusion permettant de
faire connaître des productions avec un maximum de visibilité au moyen de
projets attractifs pour les diffuseurs internationaux.
C'est ainsi que La Bâtie sera présente aux haras d'Annecy du 12 au 14
septembre dans les divers lieux aménagés en attendant la réouverture de
Bonlieu en 2014. Il s'agira donc d'une opportunité pour faire connaître des
productions genevoises dans le cadre d'un PACT (Pôle artistique et culturel
transfrontalier) soutenu par le Fonds européen de développement régional
(FEDER) ainsi que par le programme INTERREG IV de soutien à des projets régionaux franco-suisses. Des journées professionnelles sont également
prévues du 13 au 15 septembre. Mais on peut supposer que le public
genevois sera tenté par un déplacement du côté du lac voisin, du 12 au 14
septembre étant donné que des navettes seront organisées à cette occasion.
(FF)
du 12 au 14 septembre 2013
Plus d’informations sur : http://www.batie.ch/
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t
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Astier. Théâtre du Léman à 20h30 (loc.
TicketCorner, 0901.566.500)
Du 27 au 29.9. : OF/NIET par tg STAN
- Harold Pinter et Alan Ayckbourn.
Théâtre Saint-Gervais, Salle Marieluise
Fleisser, ven à 20h30, sam à 19h et dim
à 18h (loc. 022/908.20.20 ou
www.saint-gervais.ch)
Du 29 au 30.9. : LA JEUNE FILLE ET LA
MORT. Salle des Fêtes du Lignon à 20h
(loc./rens. 022/306.07.80)
opéra
9, 11, 13, 15, 17, 19.9. : LE NOZZE DI
FIGARO de Mozart, dir. Stefan Soltesz,
OSR, m.e.s. Guy Joosten. Grand
Théâtre de Genève à 19h30, dim à
15h (billetterie : 022/322.50.50 et
www.geneveopera.com/)
danse
1.9. (à 17h) : La Bâtie-Festival de
Genève. FASE – FOUR MOVEMENTS TO
THE MUSIC OF STEVE REICH, chor. Anne
Teresa De Keersmaeker, Compagnie
Rosas. La Comédie (Billetterie :
022/350.50.01 / [email protected])
LAUSANNE
concerts
23 et 24.9. : O.C.L., dir. Heinrich
Schiff, CHRISTINA DALETSKA, mezzosoprano, ILYA GRINGOLTS, violon, JOËL
MAROSI, violoncelle (Berio, Haydn,
Brahms). Salle Métropole à 20h
(Billetterie
de
l’OCL:
Tél.
021/345.00.25)
24.9. : Les Entractes du mardi. BEAT
ANDERWERT, hautbois, CURZIO PETRAGLIO,
clarinette, FRANÇOIS DINKEL, basson
(Mozart, Veress, Koechlin). Salle
Métropole à 12h30 (Billetterie de
l’OCL: Tél. 021/345.00.25)
26 (à 19h), 27 (à 20h) et 29.9. (à 17h)
: JACQUES B. CHANTE BREL. Michel
Duvet, piano. Jacques Julienne, accordeon. Espace culturel des Terreaux, à
20h (loc. http://www.terreaux.org/)
27 et 28.9. : NOGA EN CONCERT.
Chanson/ Jazz/World. Théâtre de la
Colombe à 20h30 (loc. 021/653.25.97)
théâtre
Du 4 au 21.9. : BLUE JEANS de et
m.e.s. Yeung Faï. Vidy-Lausanne, salle
Rene Gonzalez, mar-sam à 19h30, dim
à 18h30 (loc. 021/619.45.45)
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Du 7 au 15.9. : GÉOMÉTRIE DE CAOUTCHOUC de et m.e.s. Aurélien Bory. Vidy,
Chapiteau extérieur, mar-jeu-sam à
20h30, ven à 19h, dim à 17h (loc.
021/619.45.45)
Du 10 au 22.9. : PERTURBATION d'après Thomas Bernhard, m.e.s. Krystian
Lupa. Vidy-Lausanne, salle Charles
Apothéloz, mar-jeu-sam à 19h, ven à
20h30, dim à 17h30 (rés.
021/619.45.45,www.billetterie-vidy.ch)
Du 11 au 15.9. : WOUAF ! ART de
Guandaline Sagliocco, m.e.s. AnneSophie Erichsen, dès 7 ans. Le petit
théâtre, mer + dim à 17h, ven à 19h,
sam à 14h et 17h (rés. www.lepetittheatre.ch/)
Du 11 au 28.9. : VERS WANDA de et
m.e.s. Marie Rémond. Vidy-Lausanne,
La Passerelle, mar-sam à 20h, dim à
18h, relâche lun (loc. 021/619.45.45)
du 17 au 26.9. : ET LES RÊVES PRENDRONT LEUR REVANCHE par Angélique
Ionatos, Katerine Fotinaki, Gaspar
Claus. Théâtre Kléber-Méleau,
ma/me/je 19h, ve / sa 20h30, di 17h30
(rés. 021/625.84.29)
21 et 22.9. : ALI BABA ET LES 40
VOLEURS, dir. Antoine Marguier,
Compagnie du Rossigol, Concert, dès
6 ans. Le petit théâtre, à 15h et 17h
(rés. www.lepetittheatre.ch/)
25 et 26.9. : SWAMP CLUB. VIvarium
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Studio (F) De Philippe Quesne.
Théâtre Arsenic, ven-sam à 20h30; dim
à 18h (loc/rens. 021/625.11.36)
Du 25.9. au 6.10. : L'ATELIER DES PETITS
MACHINS TRUCS PAR LES PETITS DÉTOURNEMENTS, dès 4 ans. Le petit théâtre, mer
à 17h, sam-dim à 14h et 17h (rés.
www.lepetittheatre.ch/)
opéra
24.9. : Conférence Forum Opéra.
LAKMÉ, Conférence de Paul-André
Demierre. Salon Bailly de l’Opéra de
Lausanne à 18h45 (billets en vente à
l'entrée de la conférence)
divers
Du 20 au 22.9. : ARSENIC IS OPEN.
Arsenic is yours - Découvrez le théâtre durant un week-end. Entrée libre
AILLEURS
annecy
BONLIEU SCÈNE NATIONALE aux Haras
d’Annecy, sauf mention contraire
(rens./rés. 04.50.33.44.11 / [email protected])
Le Châtelard, Ferney-Voltaire
Le Droit du Seigneur
Le théâtre du Châtelard fait peau neuve et présente une création de la
compagnie FOR en ouverture de saison, dans la mise en scène de Simone
Audemars. Ce texte de Voltaire aborde les thèmes relatifs à l’emprisonnement social de la femme mais dans un environnement où l’arbitraire et les
faillites de l’autorité seigneuriale
dictent leur loi à tout un chacun.
Pouvoirs abusifs, rapt de séduction, viols, incestes et double
mariage imposé in extremis pour
étouffer le scandale: tels sont bien
les sulfureux ingrédients de cette
pièce, où la violence sexuelle,
déclarée ou suggérée, est
omniprésente.
En première partie de spectacle, la compagnie FOR propose deux
textes de Denis Diderot, à l’occasion
du tricentenaire de sa naissance, à
Voltaire
savoir «Mme de La Carlière» et
«Mme de la Pommeraye», qui tous deux témoignent de la position ambiguë
de la femme du XVIIIe enfermée dans des conventions sociales qu’elle ne
maîtrise pas.
Le public aura ainsi l’occasion de saisir les enjeux de la nouvelle saison du Châtelard, orientée autour de la problématique de l’émancipation
sexuelle et intellectuelle des femmes du XVIIIe et du XXe siècle.
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Dès le 10.9. : LES ARCHITEXTURES,
installation de Johann Le Guillerm.
Haras / jardin
Du 10 au 13.9. : RODRIGO GARCÍA
/CRÉATION 2013 de et m.e.s. Rodrigo
García, création. Théâtre des haras à
20h30
13.9. : Soirée performance.
ACROBATTANTS ET VOLTIGISTES. Haras /
manège à 22h30
14.9. : Soirée performance. LES
INDOMPTABLES. Haras/ manège à 20h30
Du 13 au 15.9. : ZOOPHONIES SAFARI
SONORE ET MUSICAL, installation. Haras /
jardin
annemasse
RELAIS CHÂTEAU-ROUGE à 20h30
sauf mention contraire (loc.
+33/450.43.24.24)
10 et 11.9. : PLACE DU MARCHÉ 76 de
et m.e.s. Jan Lauwers
Du 19 au 21.9. : COCORICO de
Patrice Thibaud et Philippe Leygnac,
m.e.s. Susy Firth, Michèle Guigon et
Patrice Thibaud
Du 25 au 27.9. : F.M., pop/folk
cernier
FESTIVAL POÉSIE EN ARROSOIR 2013
(loc. 032 889 36 05)
Dimanche 1.9. : LES FUNÉRAILLES
D’HENRI IV (Requiem des Rois de
France, d’Eustache du Caurroy).
Découverte à 9h30 à la Maison Robert
/ Concert à 11h à l’Eglise d’Orvin
Dimanche 1.9. : ENSEMBLE ΣIGMA
avec Anne Parisot, flûte, Nathalie
Gullung, hautbois, Séverine Payet, clarinette, Manfred Spitaler, clarinette
basse, Igor Ahss, basson, Charles
Pierron, cor (Carter, Janacek). Grange
aux Concerts à 15h30
Dimanche 1.9. : ORCHESTRE DES
JARDINS MUSICAUX, dir. Valentin
Reymond. BERNARD RICHTER, ténor
(Hans Zender - Winterreise). Grange
aux Concerts à à 17h
fribourg
THÉÂTRE EQUILIBRE
Salle Equilibre à 20h (billetterie :
Fribourg Tourisme 026/350.11.00 /
[email protected])
Equilibre: +41 26 350 11 00
7.9. : IT'S TIME, Alain Roche, piano
24.9. : LA VÉNUE AU PHACOCHÈRE de
Christian Siméon, m.e.s. Chr.Lidon
28.9. : LES NOCES de Stravinsky /
CATULLI CARMINA de Carl Off, dir.
Pascal Mayer, Chœur de Chambre de
l'Université de Fribourg
gstaad
MEHUHIN FESTIVAL
(loc. sur : http://www.menuhinfestivalgstaad.ch)
Dimanche 1.9., à 16h30 : Concert
pour les enfants et les familles – LES
BRIGANDS. Tente du Festival de Gstaad
Mercredi 4.9., à 17h00 : GSTAAD
VOCAL ACADEMY. Cours de maîtres avec
Silvana Bazzoni Bartoli et Cecilia
Bartoli. Concert final des étudiants.
Landhaus Saanen
Jeudi 5.9., à 19h30 : Menuhin's
Heritage IV / Lauréats. ANDREY
BARANOV & MIKI AOKI, piano (Messiaen,
Beethoven, Ysaÿe, Ravel, Saint-Saëns).
Eglise de Lauenen
Vendredi 6.9., à 19h30 : SETTING THE
SAILS – Musiques de films océaniques.
21st Century Symphony Orchestra &
Chorus, dir. Ludwig Wicki (Korngold,
Herrmann, Williams, Badelt/Zimmer,
Horner, Debney, Fenton). Tente du
Festival de Gstaad
Samedi 7.9., à 10h30 : Matinée des
Jeunes Etoiles VIII. CONCERT FINAL DE LA
GSTAAD BAROQUE ACADEMY. Maurice
Steger (flûte à bec) joue avec ses étudiants. Chapelle de Gstaad
Samedi 7.9., à 19h30 : MER CALME ET
IDYLLE FLUVIALE. Lily, Sascha et Mischa
Maisky – piano, violon et violoncelle &
Orchestre National de Lyon, dir.
Leonard Slatkin (Mendelssohn,
Beethoven, Schumann). Tente du
Festival de Gstaad
la chaux-fds
ARC EN SCÈNES. CENTRE NEUCHÂTELOIS
DES ARTS VIVANTS sauf mention
contraire (loc. 032/967.60.50)
3, 4 et 5.9. : LE BRUIT DES CHOSES QUI
SE CASSENT. #2 Générer de la
Poussière. Temple Allemand, à
20h30, jeuà 19h (loc./rens. 032/90.43)
19 et 20.9. : WINDS BAND
NEUCHÂTELOIS chansons d'ici et… d'ici,
Concert
Du 20 au 22.9. : SILENCE / ON PENSE.
Spectacle pluridisiplinaire. Concept
Marcela San Pedro. Temple
Allemand, à 20h30, dim à 19h
(loc./rens. 032/90.43)
26.9., TPR : EN TRAVAUX de et m.e.s.
Pauline Sales
28, 29.9. et 2.10. : L’ÉCUYÈRE.
D’après le texte d’Elzbieta. Adapt.,
m.e.s. et jeu : Christine Chalard et
Nathalie Sandoz. Temple Allemand, à
16h30 (loc./rens. 032/90.43)
Du 24 septembre au 6 octobre 2013
Billets en vente à l’Office de tourisme 04 50 28 09 16
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Temple, Le Sentier
Philippe Jaroussky
Un concert exceptionnel réunira, le 21 septembre, le contre-ténor de
renommée mondiale Philippe Jaroussky et le Venice Baroque Orchestra
dirigé par Andrea Marcon.
Cette manifestation
fait partie d’une tournée
qui, depuis Ambronay,
conduira les musiciens au
Sentier, puis à Paris, St
Petersbourg,
Berlin,
Dortmund,
Münich,
Francfort et Stuttgart,
avant de rejoindre Madrid
et Barcelone...
Le programme, intitulé «Farinelli et Porpora,
l'élève et le maître»,
reprend les airs de castrat
proposés dans le prochain
CD de Philippe Jaroussky.
A noter que le concert bénéficiera, à l'attention des places en bordure
et
fond de galerie, de la
Philippe Jaroussky © Simon Fowler
projection de la scène sur
grand écran avec fonction “prompteur“ affichant le déroulement de la traduction des textes chantés.
Le 21 septembre 2013 à 20h30
Réservation : Billetnet - Renseignements: tél. 021 845 17 77
la chiésaz
(loc./rens. 021.943.22.57)
22.9. à 19h30 : PIERRE HANTAÏ, clavecin, JÉRÔME HANTAÏ, viole de gambe,
MARC HANTAÏ, TRAVERSO, (Couperin,
Rameau, JS Bach, Marin Marais).
Temple de La Chiésaz
le sentier
21.9. : Farinelli et Porpora, l'élève
et son maître. PHILIPPE JAROUSSKY &
VENICE BAROQUE ORCHESTRA. Temple à
20h30 (Rens. tél. 021/845.17.77 /
rés. Billetnet)
lucerne
FESTIVAL EN ÉTÉ
(billets : www.lucernefestival.ch/)
Di. 1.9. / 11h & 15h / Maskenliebhabersaal : CYRILL GRETER | JULIEN
MÉGROZ ET AL. (Mégroz/Greter: La
Légende du Pont du Diable)
Di. 1.9. / 11h00 / KKL Lucerne, salle
lucernoise : JACK QUARTET | MIVOS
QUARTET & Étudiants de la Lucerne
Festival Academy (Rădulescu)
Di. 1.9. / 14h30 / KKL Lucerne, salle
a
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de concert : MAURIZIO POLLINI, piano
(Schumann | Schœnberg | Chopin)
Di. 1.9., Me. 4.9., Sa. 7.9., Di. 8.9.,
Me. 11.9., Sa. 14.9., Di. 15.9. / 14h30
/ Pavillon Tribschenhorn : Théâtre de
marionnettes PETRUSCHKA. Le
Hollandais volant.
Di. 1.9. / 16h00 / Lukaskirche (Église Saint-Luc) : MITSUKO UCHIDA |
QUATUOR EBÈNE (Haydn | Mendelssohn
| Franck)
Di. 1.9. / 17h20 / KKL Lucerne, salle
lucernoise : DOUZE PERCUSSIONNISTES
BATTENT
LE
TAMBOUR
POUR
LA
RÉVOLUTION. Entrée libre
Di. 1.9. / 18h30 / KKL Lucerne, salle
de concert : ORCHESTRE ROYAL DU
CONCERTGEBOUW D’AMSTERDAM |
Daniele Gatti (Mahler)
Di. 1.9., Lu. 2.9. , Me. 4.9., Ve. 6.9.,
Di. 8.9./ 19h30 / Luzerner Theater :
ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LUCERNE |
SOLISTES DU THÉÂTER DE LUCERNE |
HOWARD ARMAN (Czernowin: Pnima …
ins Innere). Billets exclusivement
auprès du Luzerner Theater,
Theaterstr. 2 - [email protected], t + 41 (0)41 228 14 14
Di. 1.9. / 21h00 / KKL Lucerne, salle
lucernoise : ENSEMBLE XII
(Meadowcroft | Hauser | Burkhardt |
Djordjevic)
Lu. 2.9. / 17h00 / KKL Lucerne, salle
e
n
é
m
e
de concert : ORCHESTRE SYMPHONIQUE
DE BAMBERG | JONATHAN NOTT | Solistes
(Wagner: Siegfried)
Ma. 3.9. / 18h20 / KKL Lucerne,
salle lucernoise : Lucerne Festival ARTISTES CHOISIS DU FESTIVAL. Entrée
libre
Ma. 3.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : ORCHESTRE ROYAL DU
CONCERTGEBOUW D’AMSTERDAM |
DANIELE GATTI | YEFIM BRONFMAN
(Lutosławski | Bartók | Prokofiev)
Me. 4.9. / 17h00 / KKL Lucerne,
salle de concert : ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE BAMBERG | CHŒUR DE LA RADIO
DE BERLIN | JONATHAN NOTT | Solistes
(Wagner: Götterdämmerung (Le
Crépuscule des dieux)
Je. 5.9. / 12h15 / Grand Casino de
Lucerne, Casineum : GILLES VONSATTEL
(Saint-Saëns | Beethoven | Liszt |
Holliger | Rzewski)
Je. 5.9. / 18h00 / Inseli-Park près
du KKL Lucerne : SONUS BRASS
ENSEMBLE & Étudiants de la Lucerne
Festival Academy. Entrée libre
Je. 5.9. / 19h30 / KKL Lucerne, salle
de concert : STAATSKAPELLE DE DRESDE |
CHRISTIAN THIELEMANN | THOMAS
HAMPSON (Eisler | Bruckner)
Ve. 6.9. / 18h20 / KKL Lucerne,
salle lucernoise : ARTISTES CHOISIS DU
FESTIVAL. Carolin Widmann et Dieter
Ammann. Entrée libre
Ve. 6.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : STAATSKAPELLE DE
DRESDE | CHRISTIAN THIELEMANN | JOHAN
BOTHA (Wagner | Henze)
Ve. 6.9. / 20h00 / Bourbaki :
ARTISTES CHOISIS DU FESTIVAL. Entrée
libre
Ve. 6.9., Ve. 13.9. / 21h00 / Musée
d'art de Lucerne : NILS FISCHER | KURT
LAURENZ
THEINERT
«Recode
Revolution». Billets uniquement par
l’intermédiaire du Kunstmuseum de
Lucerne
Ve. 6.9. / 22h00 / KKL Lucerne,
salle lucernoise : ENSEMBLE ASCOLTA |
JONATHAN STOCKHAMMER (Zappa |
Nancarrow | Czernowin)
Sa. 7.9. / 11h00 / KKL Lucerne, salle
de concert : ORCHESTRA | ENSEMBLE
VOCAL DE LA RADIO SWR | PIERRE BOULEZ
| PABLO HERAS-CASADO | CAROLIN
WIDMANN ET AL. (Mason | Attahir |
Ammann | Boulez)
Sa. 7.9. / 11h00 & 15h00 / KKL
Lucerne, salle lucernoise : SONUS
BRASS ENSEMBLE (Svoboda: Robin des
Bois – trop beau pour être vrai)
Sa. 7.9. / 18h20 / KKL Lucerne, salle
lucernoise : ARTISTES CHOISIS DU
FESTIVAL. Cantates révolutionnaires.
Entrée libre
Sa. 7.9. / 19h30 / Franziskanerkirche : COLLEGIUM 1704 | VÁCLAV LUKS |
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MARTINA JANKOVÁ (Zelenka | Bach)
Di. 8.9. / 11h00 / KKL Lucerne, salle
de concert : BUDAPEST FESTIVAL
ORCHESTRA | CHŒUR DE LA RADIO BAVAROISE | IVÁN FISCHER (Bartók | Dvořák)
Di. 8.9. 7 15h00 7 KKL Lucerne,
auditorium / KONRAD PAUL LIESSMANN |
CORA STEPHAN | WOLFGANG RIHM
Di. 8.9. / 18h30 / KKL Lucerne, salle
de concert : ORCHESTRE SYMPHONIQUE
ET CHŒUR DE LA RADIO BAVAROISE |
CHŒUR DE LA RADIO D’ALLEMAGNE OCCIDENTALE | MARISS JANSONS | Solistes
(Mahler)
Lu. 9.9. / 19h30 / KKL Lucerne, salle
de concert : LUCERNE FESTIVAL
ACADEMY. ORCHESTRA | ENSEMBLE VOCAL
DE LA RADIO SWR | PIERRE BOULEZ |
PABLO HERAS-CASADO | Solistes
(Webern | Berg | Berio | Stravinski)
Ma. 10.9. / 12h15 / Grand Casino
de Lucerne, Casineum : JULIA
WESTENDORP | PETER NILSSON (Mahler |
Liszt | Rachmaninov et al.)
Ma. 10.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE PITTSBURGH | MANFRED HONECK
| ANNE-SOPHIE MUTTER (Janáček |
Dvořák | Strauss)
Ma. 10.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle lucernoise : ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LA RADIO DE BADEN-BADEN ET
FRIBOURG-EN-BRISGAU | FRANÇOIS-XAVIER
ROTH | STEPHAN SCHMIDT ET AL. (Ligeti |
Czernowin | Wyschnegradsky | Haas)
Me. 11.9. / 18h20 / KKL Lucerne,
salle lucernoise : ARTISTES CHOISIS DU
FESTIVAL. Ernst Krenek – une première
mondiale différée. Entrée libre
Me. 11.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE PITTSBURGH | MANFRED HONECK
| MARTIN GRUBINGER (Corigliano | Ravel)
Je. 12.9. / 12h15 / Grand Casino de
Lucerne, Casineum : DANIELA KOCH |
OLIVER TRIENDL (Mozart | Schubert |
Enescu et al.)
Je. 12.9. / 18h00 / Inseli-Park près
du KKL Lucerne : ÉTUDIANTS DE L’ECOLE
SUPÉRIEURE DE LUCERNE – Musique.
Entrée libre
Je. 12.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE SAINT-PÉTERSBOURG | YURI
TEMIRKANOV | DENIS MATSUEV
(Rachmaninov | Chostakovitch)
Ve. 13.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : PHILHARMONIA
ORCHESTRA
|
LES
CHŒURS
PHILHARMONIQUES DE BONN | ESA-PEKKA
SALONEN | Solistes (Berlioz)
Ve. 13.9. / 22h00 / Bourbaki :
ARTISTES CHOISIS DU FESTIVAL. Entrée
libre
Sa. 14.9. / 11h00 / KKL Lucerne,
salle lucernoise : ÉTUDIANTS ET
ENSEMBLES DE L’ECOLE SUPÉRIEURE DE
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m
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LUCERNE – MUSIQUE | MICHAEL
WENDEBERG (Czernowin). Entrée libre
Sa. 14.9. / 18h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE VIENNE | LORIN MAAZEL
(Bruckner)
Di. 15.9. / 14h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : FESTIVAL STRINGS
LUCERNE | DANIEL DODDS | JONAS ITEN
(Verdi | Wagner | Schumann et al.)
Di. 15.9. / 19h30 / KKL Lucerne,
salle de concert : ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE VIENNE | LORIN MAAZEL |
MARTIN GRUBINGER (Cerha |
Chostakovitch)
martigny
94
FONDATION GIANADDA à 20 h,
dimanche à 17 h, sauf mention
contraire (loc. 027/722.39.78)
3.9. : FAZIL SAY (Haydn, BachBusoni, Bach-Liszt, Moussorgsk)
14.9., hors abonnement : CECILIA
BARTOLI, mezzo-soprano, ORCHESTRE
LA SCINTILLA (Haendel)
25.9. : MURRAY PERAHIA, piano (Bach,
Beethoven, Schumann, Chopin)
meyrin
FORUM MEYRIN à 20h30 sauf mention contraire (loc. 022/989.34.34)
Du 23 au 26.9. à 19h : QUANTUM,
par la Cie Gilles Jobin. Départ en bus,
à 19h, depuis le Théâtre Forum Meyrin,
pour se rendre au CERN-site de Cessy.
Casse-croute sur place. Retour à 22h30.
mézières
THÉÂTRE DU JORAT à 20h sauf mention contraire
(rés. : www.theatredujorat.ch/)
1.9. à 17h : THIERRY ROMANENS ET SES
INVITÉS.
5 et 6.9. : LA REINE DES FÉES de
Henry Purcell, par l’Ensemble vocal et
instrumental Lausanne, dir. Guillaume
Tourniaire. Avec Zoé Nicolaidou,
soprano; Valerio Contaldo, ténor;
Cyrille Dubois, ténor; Simon Savoy,
alto; Rudolf Rosen, basse.
12.9. : GALA VIVALDI & HAENDEL.
L’orchestre Il Pomo d’Oro, dir.
Riccardo Minasi. Avec Sandrine Piau,
soprano, Topi Lehtipuu, ténor
26 et 27.9. : MICHAËL GREGORIO, en
concerts.
monthey
THÉÂTRE DU CROCHETAN à 20h30
(loc. 024/471.62.67)
7.9. : LA SCHUBERTIADE d'Espace 2
Du 18 au 27.9., Hôpital de
Malévoz : LOU de Pascal Rinaldi,
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n
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m.e.s. Lorenzo Malaguerra
montreux
Du 10 au 29.9. : UN FIL À LA PATTE,
de Feydeau, m.e.s. S. Riccard.
Théâtre Montreux-Riviera (TMR), ma,
sa 20h30, me, je, ve 19h, di 17h (rés.
Billetnet, loc. 021/961.11.31)
SEPTEMBRE MUSICAL
(billetterie en ligne sur : www.septmus.ch/fr/billetterie/)
1.9. : DANIIL TRIFONOV, piano (Daniil
Trifonov – Sonate (en Première mondiale), Medtner, Stravinski, Chopin).
Théâtre de Vevey à 18h
2.9. : ROLAND MUHR, orgue
(Mendelssohn, Schumann, Rüdinger,
Guilmant, Boëllmann, Verdi). Temple
St. Martin à 19h30
4.9. : CHENG ZHANG, piano
(Beethoven, Janacek, Beethoven,
Brahms, Schumann). Château de
Chillon à 19h30
5.9. : ROYAL PHILHARMONIC
ORCHESTRA LONDON, dir. Charles
Dutoit. KIRILL GERSTEIN, piano
(Moussorgsky,
Rachmaninov,
Stravinski). Auditorium Stravinski à
19h30
6.9. : ALEXANDRA CONUNOVA, violon
& LILIT GRIGORYAN, piano ( JS Bach,
Grieg, Debussy, Schubert). Château
de Chillon à 19h30
7.9. : ROYAL PHILHARMONIC
ORCHESTRA LONDON, dir. Charles
Dutoit. MARTHA ARGERICH, piano.
ANDREA MELÁTH, mezzo-soprano.
Auditorium Stravinski à 19H30
8.9. : ROYAL PHILHARMONIC
ORCHESTRA LONDON, dir. Charles
Dutoit. RENAUD CAPUÇON, violon
(Debussy, Lalo, Ravel). Auditorium
Stravinski à 18h
9.9. : EBEN TRIO - Terezie Fialóvá,
piano, Roman Patočka, violon,
Markéta Kubínová, violoncelle (Eben,
Brahms, Smetana). Château de
Chillon à 19h30
10.9. : COREY CEROVSEK, violon &
PAAVALI JUMPPANEN, piano (Brahms).
Montreux Palace à 19h30
11.9. : ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE
SAINT-PÉTERSBOURG, dir.
Yuri
Temirkanov, LISA BATIASHVILI, violon
(Liadov, Tchaikovski, Chostakovith).
Auditorium Stravinski à 19h30
12.9. : ORCHESTRE DU COLLÈGE DE
GENÈVE, dir. et commentaires Philippe
Béran, CLÉMENT DAMI, violoncelle (Cui,
Saint-Saëns, Godel, Shore, Marquez).
Auditorium Stravinski à 14h
12.9. : Finale du 25e Concours
international de piano Clara Haskil.
o
ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE, dir.
Frédéric Chaslin. Trois candidats finalistes (Beethoven, Chopin, Mozart et
Schumann). Théâtre de Vevey à 20h
neuchâtel
THÉÂTRE DE LA POUDRIÈRE
(loc. 027/323.45.61)
Les 11, 14, 15, 18, 21 et 22.9. :
LA BALLADE DE CORNEBIQUE d’après
Jean-Claude Mourlevat. Création.
Tout public dès 7 ans. Horaire :
Mercredi à 15h00 / Samedi et
dimanche à 17h00
nyon
USINE À GAZ sauf mention contraire
(loc. 022/361.44.04)
13.9. : PROFILE, Café-concert, Rock
progressif
Du 19 au 21.9. : 120 SECONDES PRÉSENTE : LA SUISSE de et avec Vincent
Kucholl et Vincent Veillon, spectacle
onex
SPECTACLES ONÉSIENS, salle communale à 20h30 (loc. 022/879.59.99
ou SCM 022/319.61.11)
12.9. : GET THE BLESSING, Jim Barr,
Clive Deamer, Jake McMurchie, Pete
Judge, Jazz
13.9. : MAX ROMEO, Reggae
plan/ouates
ESPACE VÉLODROME, sauf avis
contraire (loc. 022/888.64.60)
4.9., La Bâtie : DANSE ÉTOFFÉE SUR
MUSIQUE DÉGUISÉE, chor. Thomas
Hauert
26.9. : CALYPSO ROSE, la reine du
Calypso, Concert
pully
L’OCTOGONE, à 20h30 sauf mention
contraire (loc. 021/721.36.20)
Du 10 au 15.9. : LA PANNE de
Dürrenmatt, par le théâtre Loa Opsis.
Café-Théâtre de la Voirie à 19h30, le
15 à 17h (rés. Billetnet, loc./rens.
021/728.16.82 ou 076/335.34.51)
27.9. : L.A. DANCE PROJECT, chor.
Benjamin Millepied, Danse
Du 19 au 22.9. : HUIT FEMMES de
Thomas par le théâtre du Moment.
Café-Théâtre de la Voirie à 20h, le 22
à 18h30 (rés. Billetnet, loc./rens.
021/728.16.82 ou 076/335.34.51)
saint-prex
ST PREX CLASSICS
(billetterie : www.ticketcorner.ch/)
Dimanche 1.9. à 17h00 à l’Eglise
Romane : JOHANNES MÖLLER, guitare &
FELIX FROSCHHAMMER, violon (Paganini,
JS Bach, Johannes Möller, Piazzolla)
sion
THÉÂTRE DE VALÈRE à 20h15, sauf mention contraire (loc. 027/323.45.61)
24.9. : EN TRAVAUX de et m.e.s.
Pauline Sales
vevey
Du 26 au 29.9. : MACHINARIUM.
Performance textuelle et musicale.
Par water-water et Raphaël Raccuia.
Église Ste-Claire, je 19h | ve-sa 20h |
di 17h30 (rés. au 021 923 74 50)
villars s/glâne
ESPACE NUITHONIE
Salle Mummenschanz à 20h, sauf
mention contraire (billetterie :
Fribourg Tourisme 026/350.11.00 /
[email protected])
Nuithonie: +41 26 407 51 51
26 et 27.9. : QUAND JE PENSE QU'ON
VA VIEILLIR ENSEMBLE par les Chiens de
Navarre, m.e.s. Jean-Christophe
Meurisse
yverdon
THÉÂTRE BENNO BESSON sauf mention
contraire (loc. 024/423.65.84)
1.9. : EVELINE INÈS BILL Mezzosoprano, THOMAS WEINHAPPEL
Baryton, ANTON ILLENBERGER, piano
(Duos sacrés et airs d'opéras de
Händel, Mozart, Fauré, Franck).
Temple à 19h. Entrée libre, collecte
13.9. : L’AIDE-MÉMOIRE de JeanClaude Carrière, m.e.s. Antony
Mettler. Cie Paradoxe. Le Petit
Globe à 20h (rés. Billetnet, loc.
024/425.70.00)
Du 17 et 18.9. : UN MARI IDÉEAL
d'Oscar Wilde, m.e.s. Pierre Bauer
28 et 29.9. : LE GÉNIE DE LA BOÎTE
DE RAVIOLIS d'après Albertine et
Germano Zullo, m.e.s. Lionel
Frésard. Théâtre de l’Echandole
(loc.
024/423.65.84
ou
024/423.65.89 une heure avant le
spectacle)
G
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VOCAL
]
CONCERTS DU DIMANCHE
Choeurs
et Solistes
de Lyon Bernard Tétu
C AT H E R I N E M O L M E R R E T
DIRECTION
DIEGO INNOCENZI ORGUES
QUINTETTE ALLIANCE
César Franck (1822-1890)
Choral no 3 en la mineur FWV 40 pour grand orgue
Jean Sibelius (1865-1957)
Danse macabre, arrangement pour quintette
de cuivres : Eric Planté
Hector Berlioz (1803-1869)
Marche hongroise, arrangement pour quintette
de cuivres : Thierry Thibault
Gabriel Fauré (1845-1924)
Requiem en ré mineur op. 48, arrangement pour chœur,
quintette de cuivres et orgue : Hamid Medjebeur
29-09-2013
17 heures
Billetterie : Espace Ville de Genève Pont de la Machine 1 Maison des arts du Grütli Rue du Général-Dufour 16
Genève Tourisme Rue du Mont-Blanc 18 Cité Seniors Rue Amat 28 Victoria Hall Rue du Général-Dufour 14,
une heure avant le concert. Renseignements 0800 418 418 gratuit (Suisse) +41 22 418 36 18 payant (Etranger)
Billetterie en ligne : http://billetterie-culture.ville-ge.ch Prix CHF 25.- CHF 15.-, AVS CHF 13.-, chômeurs,
étudiants, jeunes CHF 10.-, 20ans/20francs CHF 8.-. Abonnements CHF 144.- et CHF 96.-. Chèques culture
acceptés. Salle équipée d’une boucle magnétique pour malentendants. Accès pour handicapés
Genève,
ville de culture
www.ville-geneve.ch
Jean-Marc Humm atelier de création visuelle, la fonderie www.jmhumm.ch
“...dormir...dormir ! Peut-être rêver !...”
“...To sleep, perchance to dream...”
Hamlet
snortec
“Pour vos nuits silencieuses”
Rue des Grottes 30, 1201 Genève
+41 22 740 16 00, [email protected]
www.snortec.ch
Scènes magazine
Case postale 48
CH - 1211 Genève 4
PP
1200 Genève 4
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théâtre du grütli : saison 2013-2014
Un projet-monde
Pour sa deuxième saison, Frédéric Polier s’est donné mission de mettre en
valeur la vie théâtrale régionale et déclare préférer le chant artistique plus
que la ligne. Il envisage le théâtre comme un projet-monde, avec des
frictions esthétiques et des formes contrastées.
Sang, amour et rhétorique sont, aux dires du
comédien, metteur en scène et directeur de théâtre, inséparables et la transcendance ne peut se
trouver qu’au cœur du jeu de l’acteur.
Coup d’œil sur une saison présentée par le
maître des lieux dans une chronologie « défiée »
visant à mettre en lumière les échos entre les projets, le spectateur se profilant en Ulysse qui erre
de mer calme en tempête.
Matteo Zimmermann, passionné de poésie
et d’écriture, proposera avec le collectif
Collaborations artistiques une lecture-performance-musicale, Malade d’avoir laissé passer
l’amour « Berlin Alexanderplatz… » d’Alfred
Döblin, auteur allemand à cheval sur deux siècles. Œuvre visionnaire sur l’Allemagne déchirée
par le chômage dont se sert le metteur en scène
pour revenir à la nécessité première qui meut
l’acteur, celle d’interroger le public. 13-29 juin
Crime et châtiment de Fedor Dostoïevski
sera adapté et mis en scène par Benjamin Knobil.
Violence, sauvagerie, folie irriguent ce texte que
le metteur en scène aborde de façon ludique pour
souligner la confrontation entre le burlesque et la
tragédie. Avec notammant Yvette Théraulaz. 5-24
novembre
La compagnie Les Célébrant de Cédric
Dorier dénouera l’énigme théâtrale imaginée par
l’Ivoirien Koffi Kwahulé. Misterioso 119, inspiré du morceau de jazz de Thelonius Monk, présente seize tableaux dont les répliques ne sont pas
distribuées. Le metteur en scène entouré d’intervenants artistiques a imaginé douze voix de femmes pour raconter l’histoire dans le huis clos
d’une prison, entre douceur et sauvagerie, pudeur
et impudeur. 3-16 avril
Les aventures de Nathalie Nicole Nicole et
Les Trublions de la Française Marion Aubert
seront joués par deux compagnies – la Cie dans
l’Escalier et La Distillerie Cie - qui se partageront la soirée et le décor. Deux meneuses de jeu
a
Frédéric Polier © Ariane Testori
– Camille Giacobino et Emilie Blaser – pour
raconter dans la première pièce des histoires
d’enfants fous où règnent la cruauté, les trahisons, les meurtres, et dans la seconde une farce
où une reine qui s’ennuie exerce arbitrairement
son pouvoir. 8-27 octobre
r
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Terquedad / L’Entêtement qui illustre la colère.
C’est une farce noire située à la fin de la guerre
d’Espagne qui parle d’amnésie, de liberté, de la
fin des utopies du XXe siècle. Après La
Estupidez / La Stupidité du même auteur monté
naguère à L’Orangerie, le metteur en scène
Frédéric Polier continue à explorer le théâtre latino-américain qu’il affectionne. 14 janv– 2 fév
De la guerre d’Espagne on passe à la guerre
de Troie, une guerre de Troie qui aurait lieu en
Orient au XXIe siècle. Adaptation très libre de
Racine par le metteur en scène Kristian Frédric,
Andromaque 10-43 met l’accent sur les enjeux
géo-stratégiques, le profit, la dépendance aux
matières premières. Avec la compagnie Lézards
qui Bougent et le grand comédien Denis Lavant
en Pyrrhus. 28 février – 15 mars
Le metteur en scène germaniste et germanophile Eric Devanthéry s’attaque pour la première
fois à Friedrich von Schiller. Les Brigands, écrit
en 1782 à dix-huit ans, dans une nouvelle traduction de Sylvain Fort, est le combat à mort entre
deux frères et mêle tous les genres. Le metteur en
scène se dit fasciné par les lieux en déshérence
qui meurent et a aimé la démesure et la modernité de cette pièce vue à Hambourg. 2-28 mai
Les choses ne se font pas toutes seules.
L’amour occupe tout l’espace mais comment le
nommer ? Voici les leitmotivs parmi d’autres thèmes chers à l’auteur et metteur en scène Attilio
Sandro Palese, qui accompagneront la descente
aux enfers des deux personnages de Nobody Dies
In Dreamland. 13 mai – 1er juin
Un Avenir Heureux, en cours d’écriture, est
une commande faite à la Suissesse Manon Pulver
par la comédienne Nathalie Cuenet qui en signera la mise en scène. Des personnages dans le
mitan de la vie sont confrontés à la question du
choix. Vers où aller ? Quelle place occuper dans
la cité ? Les hypothèses de vie sont affaire individuelle… L’auteure entend parler de choses graves avec légèreté et délicatesse à travers la comédie et pratiquer l’art démodé du langage. 28 janvier – 16 février
Formée au langage Buto du XVe siècle, la
chorégraphe Myriam Zoulias (Groupe du Vent) a
conçu A Naniwa, qu’importe d’après la pièce du
Nô de Kanze Juro Motomasa. Travail exigeant
sur la lenteur et le silence dans un contexte d’errance et d’abandon. 10-15 juin
Après le thème du choix, le rapport au
temps, ou comment on rate sa vie. Bientôt viendra le temps de la Danoise Line Knutzon dans
une mise en scène de Sophie Kandaouroff est
également une farce burlesque, absurde et tragique mais aussi une comédie qui se joue des
règles de la temporalité, sans artifice ni exercice
de style. Jeu : la compagnie de Martine
Paschoud. 18 mars – 6 avril
Enfin, si l’on peut dire, la saison débutera
par un désormais classique du théâtre contemporain, La nuit juste avant les forêts de BernardMarie Koltès. Soixante pages, une seule phrase,
pas de ponctuation, un personnage sans travail,
sans lieu où dormir, sans argent et qui parle sans
cesse pour dire le manque. Eric Salama mettra en
scène Frédéric Polier dans ce soliloque sur la
solitude. 17 septembre – 6 octobre
Laurence Tièche Chavier
L’Argentin Rafael Spregelburd complète son
exploration des sept péchés capitaux avec La
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Plus d’informations sur : http://www.grutli.ch/2012/
l
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la fondation auer pour la photographie
Patrimoine en sursis ?
Michèle et Michel Auer ont créé en 2009 la Fondation Ory Auer pour la
Photographie installée depuis 2012 à Hermance (GE), un charmant village frontalier au bord du lac Léman. Mais c’est depuis plus de 40 ans que ce
couple passionné par la photographie collectionne des documents aussi rares
qu’exceptionnels. La vision qui anime M+M Auer est de préserver, valoriser et
transmettre aux générations futures un patrimoine embrassant l’histoire de la
photographie depuis son origine jusqu’à nos jours.
Réalisé par les architectes Brodbeck et
Roulet, le bâtiment développe un espace moderne et fonctionnel de 250 m2 composé d’une salle
d’exposition, d’une bibliothèque, d’un espace
d’archivage et de projection. La position dominante de la maison au sommet du village offre de
belles échappées sur la verdure environnante, la
vieille Tour d’Hermance ou sur le lac en contrebas. On ne peut imaginer plus bel écrin pour abriter une collection unique au monde qui compte
50.000 photographies originales, 20.000 ouvrages consacrés au 8ème art, plusieurs centaines
d’appareils, des affiches, divers écrits et correspondances, des objets d’art. M+M Auer ont un
sens de l’accueil légendaire, ils n’hésitent pas à
vous livrer d’incroyables récits et anecdotes sur
le monde de la photo et des photographes qu’ils
fréquentent depuis tant d’années. La Fondation
organise d’ailleurs de nombreux stages et workshops réservés à des chercheurs et artistes qui souhaitent approfondir un domaine spécifique. Avec
un rythme de 4 expositions annuelles, la
Fondation poursuit ses objectifs de découverte et
de diffusion de l’œuvre d’artistes connus ou
oubliés et de jeunes talents prometteurs. S’ajoute
Expo «Regarde! des enfants» au "Commun" (BAC,
Genève) : Peter Knapp, 1985 - Chaussures Courèges
a
une importante activité éditoriale avec la réalisation de catalogues et d’ouvrages spécialisés dans
le domaine de la photographie, par exemple
l’Encyclopédie Internationale des Photographes,
initiée en 1983 et constamment remise à jour.
Ainsi la collection n’est-elle pas figée et évoluet-elle en permanence, accompagnant les artistes,
les courants et la diversité des expressions, des
techniques. Mentionnons enfin que de nombreux
photographes ont choisi de déposer leurs archives
à la Fondation, ces dons enrichissent régulièrement le fonds et la diversité de la Collection Auer.
Précarité et risque d’expatriation
Cet immense travail de conservation et de
sensibilisation du public à l’art de la photographie, reconnu au niveau international notamment
grâce à l’organisation d’expositions et de collaborations institutionnelles de premier plan, ne
met pas pour autant la Fondation Auer à l’abri
d’une réelle précarité. En effet M+M Auer,
compte tenu de leur âge, cherchent des successeurs ; ils souhaiteraient transmettre à la Ville de
Genève le patrimoine exceptionnel de la
Fondation afin de garantir la pérennité de ses
activités, mais aussi pour laisser aux Genevois un
trésor qui contribue à faire rayonner la cité de
Calvin à l’extérieur. Or non seulement les autorités culturelles locales restent, pour l’heure,
indifférentes à cette perspective, mais celles-ci en
outre réduisent progressivement leur soutien
financier et logistique à l’institution qui se trouve de plus en plus isolée. Cette situation met en
lumière l’un des paradoxes majeurs de la politique culturelle genevoise qui se caractérise souvent par un manque de vision à long terme et des
conflits d’intérêts, conduisant à une dispersion
des ressources et des moyens. Certes la Ville a
acquis récemment le Fonds Boissonnas, une
mémoire précieuse de la scène photographique
genevoise qui se trouve maintenant au Centre
d’Iconographie ; certes le Centre Genevois de la
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a
Photographie, qui a connu maintes crises directionnelles et changements d’options stylistiques,
développe une activité plus documentaire qu’artistique ; certes les institutions muséales exposent
de nombreux photographes ; certes le magistrat
Sami Kanaan rêve de créer une « maison de la
photographie ». Il n’en demeure pas moins que
l’art de la photographie est sous-représenté à
Genève ou du moins exposé de façon parcellaire,
dans divers lieux aux objectifs différents et collaborant peu entre eux. Aussi au moment où l’offre culturelle constitue le premier pilier de l’affluence touristique, l’expression photographique
ne dispose-t-elle toujours pas d’un lieu de référence majeur, alors que manifestement toutes les
conditions sont réunies pour le créer. Faute de
soutien et sans concrétisation d’un projet de
transmission à court terme, la Fondation Auer
pourrait fort bien s’expatrier. Ce ne sont pas les
offres qui manquent venant du Japon ou de
l’Australie, si cela devait arriver un patrimoine
inestimable serait perdu.
Programmation
M+M Auer poursuivent néanmoins leurs
activités en organisant à la Fondation
d’Hermance, du 26 octobre 2013 au 25 janvier
2014, une exposition intitulée « Bleu, bleus »
consacrée au photographe suisse Peter Knapp qui
malgré son âge de 80 ans continue à être actif. A
l’espace du « Commun », dans le bâtiment du
BAC, à Genève, s’ouvrira dès le 1er octobre (jusqu’au 30 novembre 2013) l’exposition
« Regarde ! Des enfants » une proposition qui, à
partir des archives de la Fondation, montre l’histoire d’une famille, de la naissance de l’enfant
jusqu’à sa mort. Enfin M+M Auer mûrissent un
grand projet d’exposition autour de la figure d’un
des plus grands photographes du 20ème siècle :
Leslie Krims, né en 1942 à Brooklyn. Son œuvre
baroque et onirique, peu connue du grand public,
jette cependant un regard critique et dérangeant
sur la société américaine. La collection Auer possède des Krims de différentes périodes ce qui lui
a permis de constituer un solide dossier soumis à
diverses institutions locales, afin d’organiser de
concert une exposition rétrospective en 2014. Or
celles-ci, étonnamment, ont rejeté ce projet
inédit, on comprend dès lors le découragement de
M+M Auer face à une telle inertie.
D’après des propos recueillis par
Françoise-Hélène Brou
Fondation Auer Ory pour la Photographie, 10 Rue du
Couchant, Hermance (GE).
Tél + (0) 22 751 27 83 – www.auerphoto.com
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