janvier 2007 - Guts Of Darkness
Transcription
janvier 2007 - Guts Of Darkness
Guts Of Darkness Les archives du sombre et de l'expérimental janvier 2007 Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com © 2000 - 2008 Un sommaire de ce document est disponible à la fin. Page 2/185 Les chroniques Page 3/185 ISIS + AEREOGRAMME : In the fishtank/14 Chronique réalisée par Chris La série "In the fishtank" initiée en 1996 par le label hollandais Konkurrent poursuit son petit bonhomme de chemin et nous offre pour cette quatorzième livraison orientée post rock rien de moins que la réunion des californiens Isis et des Ecossais Aereogramme. Les deux groupes nous amènent dans un superbe et très atmosphérique voyage, aux ambiances léchées et aux compositions épurées. Le chant de Graig B. donne une dimension éthérée supplémentaire aux deux longues plages atmosphériques que sont les magnifiques "Low tide" et "Stolen". "Delial" quant à lui se veut plus rentre dedans mais reste à mon humble avis en dessous des deux autres compositions. Même s'il est à première vue étonnant de voir Isis en action sur des morceaux aussi planants, leur musique s'inscrit finalement ici dans la suite logique de leur deux précédents albums et laisse présager de la teneur de leur nouvel effort sorti tout récemment sur Ipecac Recordings et chroniqué très prochainement ici même. Pour conclure, j'aime beaucoup ce disque, surprenant et envoutant et qui malgré sa courte durée parvient à nous tenir en haleine du début à la fin. Bravo. Note : 5/6 Page 4/185 CALLISTO : Signal to the Stars Chronique réalisée par Phaedream AD Music recèle de petites perles que l’on a intérêts à découvrir. Signal to the Stars de Callisto en est une. Pourtant rien n’indiquait que c’était un pur joyau musical que j’insérais dans mon lecteur. Après une 1ière écoute, j’étais perplexe. Peut-être que je filais sensible…Donc je reportais une autre écoute à plus tard. Autre écoute, même résultat. Jusqu’à ce que je réalise qu’effectivement j’avais un petit bijou dans les mains. Signal to the Stars de Callisto est un chef d’œuvre d’harmonie, de mélodie dans un monde cosmique complexe, aux intonations et modulations aussi étonnantes que percutantes. C’est de loin que l’on entend les tintements statiques de Sycorax. Une pulsation basse fait écho dans une sphère où toute sonorité laisse une trace d’écho. Complexe et inégale un rythme se forme autour d’un fin clavier qui fait dandiner une série de notes mélodieuses. Un fin mouvement hypnotique, qui croise de superbes percussions éparses, se forme parmi des stries filantes. D’autres strates plus denses, dont les réverbérations occultent une mélodie, enveloppent Sycorax d’un rythme embryonnaire qui prend forme sur des percussions soutenues et un synthé mélodieux symphonique. De superbes solos de synthé inondent cette mélodie qui se réfugie doucement dans la tranquillité de la 2ième partie. Une brève tranquillité. Les striures synthétiques reprennent leurs envolées sur de superbes solos, longs et vrillants, sur le puissant tempo lent que les épaisses strates ont mobilisées en 1ière partie de Sycorax, qui s’éteint en décroissant. Isophore la sublime! Une sublime mélodie forgée en 3 parties. Atonique, la 1ière partie souffle des parcelles d’harmonies qui sont suspendues dans un oasis de rêves. Suaves et chétives les notes se dandinent sur un synthé mielleux dont les sonorités percent notre mélancolie. Le mouvement intensifie sa tendresse sur un rythme qui va, diminuant vers la 2ième partie. Sur un synthé bredouille et pensif le troubadour cosmique accentue sa procession avec la 3ième partie. Le rythme devient constant sur un mouvement séquentiel ourlé de strates orchestrales et symphoniques pour s’éteindre dans les souffles perdus du synthé solitaire. Isophore est l’une des plus belles pièces de musique que j’ai entendue. C’est plaisant de savoir qu’en 2006, il existe encore des artistes qui sont capable de nous faire vivre leurs émotions. Seule Elara est une superbe mélodie qui accroche instantanément. Rythme léger, percussions nerveuses et structure synthé flûtée, c’est une charmante que l’on siffle sans savoir d’où elle sort. Setisphere est un autre voyage cosmique fort mélodieux, construit en 3 épisodes. De belles notes voltigent avec romance dans une sphère isolée. De faibles battements se font entendre, la structure rythmique se forme autour d’un cercle harmonieux qu’une basse vient caresser de son tempo ondulant. Les souffles légers du synthé poussent des harmonies segmentées, que l’on devine superbe. Setisphere progresse, amassant toute l’énergie et les harmonies qui glanent ci et là pour devenir une sphère explosive aux rythmes circulaires hachurés par des percussions métalliques. Une fresque circulaire étonnante où une superbe séquence s’entortille sur des percussions solides et de superbes solos puissants, déchirants et sinueusement harmonieux. Il y a un bref moment de quiétude vers la fin de la 2ième partie. Et le rythme acéré reprend toute a dynastie harmonique. On y sent toute la démesure et la puissance retenue qui finalement explosent en un tourbillon d’une rare intensité. L’équivalent d’un gros à la Deep Purple, cerné par des strates envahissantes et mélodieuses. Un titre intense et puissant. Naiad suit les bourdonnements de la finale de Setisphere sur un beau piano mélodieux. Un piano qui joue avec intensité sur une belle ligne de basse, dans une ambiance progressive Page 5/185 où strates violonées donnent une profondeur harmonieuse à cette 1ière partie de Naiad. Un tempo hachuré encercle l’impulsion qui prend une forme soft techno sur des orchestrations synthétiques flottantes. Les percussions accélèrent le tempo de leurs caresses rythmiques, qu’un mouvement symphonique élève d’un cran supérieur. Les percussions claquent et voltigent sur un tempo ambivalent qui opte pour un rythme lent déchiré par un synthé aigu, qui lance ses strates enrobantes, ralentissant un mouvement qui s’éteint dans les pénombres harmonieux de cette fantastique épopée musicale. Signal to the Stars de Callisto n’a aucune faille. Un opus intense où la mélodie côtoie la complexité des modulations, sans que l’on en perde une octave, une note. Un tour de force. Une œuvre majeure qui doit être découverte et qui doit prendre la place qui lui revient, soit entre Chariots of Fire et The song of Distant Earth; Un chef d’œuvre qu’il faut découvrir. Disponible au ; http://www.admusiconline.com/ Note : 6/6 Page 6/185 XIMENG / SOLAZZO (Domenico) : Ximeng vs. Domenico Solazzo split EP Chronique réalisée par Nicko Imaginez la rencontre improbable entre deux monstres sacrés, gutsiens jusqu'au bout des ongles... Qu'est-ce que ça peut bien donner ? Un début de réponse se trouve dans les 30 petites minutes de cette galette, un split entre Ximeng (aka. Saïmone, dit "gros phallus") et Domenico Solazzo (aka. Progmonster, dit "Mars Volta lover"). Le principe de ce split reprend plus ou moins celui des albums "War" où deux groupes "s'affrontaient" sur un CD avec des morceaux de chacun des groupes qui s'enchaînent. Voilà, ici, c'est un peu pareil, avec deux titres de Ximeng, 2 de Dom' et un écrit et interprété par les deux ensemble ! Ca commence plutôt mal je dois dire, avec un morceau bruitiste très strident et à tendance un peu indus. C'est trop pour moi et mes pauvres oreilles, je zappe ce morceau direct. Le deuxième titre, "Georg und Michael" (les deux héros de l'excellent "Funny games" de Michael Hanneke - toi qui nous lis, si tu n'as pas vu ce film, cours vite l'acheter à ton distributeur local !), est déjà plus sympa, tout en progression, à base d'infra basses distordues et ultra-saturées. En fond, on a des extraits de séances de tortures issues du film sus-cité (pas étonnant que la BO du film ait été en partie signée par Naked City et son fameux album "Toture garden" - toi qui nous lis, si tu n'as pas cet album... tu sais ce qu'il te reste à faire ! ;-) ). Et le tout rend vraiment super bien ! Le seul reproche que j'aurais à émettre c'est qu'on a droit à quelques longueurs un peu superflues, mais l'atmosphère générale est bien pesante. Et puis, lorsqu'il s'agit de torture, faut justement que ça dure longtemps, sinon, c'est pas drôle, hein Saï ??!! Le troisième morceau, sobrement intitulé "XMVSDS", est celui où les deux compères ont collaboré. Et c'est facilement le meilleur morceau du split (de loin). Sur fond de musique electro/techno hypnotique mais calme avec un rythme qui s'emballe, comme celui d'un coeur au bord de la crise cardiaque, on a des samples de l'excellent "Seul contre tous" de Gaspard Noé (que si tu l'as pas, hein... je t'épargne la suite...). Les samples choisis sont géniaux, ils montrent à merveille la folie, la paranoïa et le délire total du type. La musique est admirablement bien pensée, avec des parties de guitares et de piano zorniens, bien décalées ! Une vraie réussite ! Le quatrième morceau marque une véritable fracture avec le précédent morceau. Ici, c'est calme, voluptueux et doux, aux synthés, avant que ça ne parte en couilles vers la fin avec encore des samples de films bien choisis et le tout évoluant vers un truc de plus en plus distordu et bruitiste bien saturé, un peu à l'image d'un groupe de post-rock halluciné ! Le dernier morceau commence tout à fait comme une musique de film d'horreur des années 70 assez proche de la BO d'"Halloween" avec un clavier répétitif reconnaissable et ses boucles hypnotiques. Et là encore, ça part vers un délire bruitiste très dense avec des percus saccadés agressives ! Vraiment pas facile à suivre... Au final, on a un split vraiment déjanté, à ne pas mettre entre toutes les mains. Aussi, à son écoute, quand je vois "XMVSDS", je me dis que les deux hommes seraient bien inspirés de créer un véritable groupe ensemble, genre Xilazzo ou Someng, à moins qu'un "XimengSolazzo Orchestral Torture Big Band" ne fasse l'affaire ! Un split pas facile à appréhender, original, totalement décalé/déjanté/dérangé, mais hélas un peu trop inégal pour moi. Note : 3/6 Page 7/185 VAN DER WOUDEN (René) : Pro Sequentia Chronique réalisée par Phaedream Quel merveilleux titre. Pro Sequentia, ou Prosa en latin, signifie des hymnes séquentiels chantés par des moines et des musiciens dans les années 1100. Cette forme d’art abstraite et répétitive serait le berceau de la musique séquencée de nos jours. C’est aussi le titre de la première œuvre de René van der Wouden, un synthésiste néerlandais que j’entends sur quelques compilations, dont le style me charme. C’est donc avec une curiosité bien nourrie que mes oreilles se sont frottées à Pro Sequentia. Et, autant vous le dire d’entrée, j’ai passé de très beaux moments. Prosa Part I démarre avec un merveilleux souffle sidéral, teinté d’effets sonores analogues et un mouvement synthétique orchestral. Doux, le mouvement flotte avec tendresse, alors qu’une superbe série de notes ondulantes trace une séquence nerveuse, une magnifique flûte apparaît, figeant une mélodie mélancolique à faire fondre les larmes refoulées depuis belle lurette. Le rythme s’anime autour d’une autre séquence plus dynamique, un bon jeu de percussions et un synthé divinement mélodieux. Prosa I fuse des segments d’harmonies sereines et chaudes à entendre. Un superbe titre qui a passé trop vite. Plus atmosphérique Prosa II propose une longue intro à effets sonores hétéroclites. Sur un vent cosmique, des notes croisent et décroisent une triste mélodie qui nourrira la séquence à venir. Le ton est grave et des cloches funestes ouvrent la voie à une séquence qui oscille dans les vapes de strates synthétiques suaves et intenses qui balancent un mouvement orchestral valsant. Les percussions explosent un rythme plus mélodieux, avec une séquence basse et un superbe mellotron qui ajoute une texture musicale plus riche, plus profonde à un tempo de plus en plus cadencé, sur de superbes solos aux effluves de flûtes enchantées. Un superbe moment qui s’éteint dans les vapes atmosphériques intenses, ainsi qu’un alerte piano. Prosa III poursuit cette quête atmosphérique. L’intro flotte sur de bons coussins synthétiques qui étirent leurs accords dans un sillon complaisant de thèmes harmonieux. De superbes passages de synthétiseur, jumelés à des souffles de tendresses d’une flûte mellotronnée berce l’atmosphère mélancolique qui surplombe cette intro. Symphoniques et majestueux, les synthés progressent jusqu’à ce que le rythme s’anime. Percussions sèches et une lourde séquence bourdonnante, basse, s’emparent de Prosa III, vers la 8ième minute. La séquence voltige avec résonance sur un rythme lent, mais stylé, genre Enigma ou Jean Michel Jarre. Une superbe mélodie qui s’éteint dans des vapes atmosphériques denses, avant de retrouver la route du rythme, avec des solos de synthé percutants. Une gentille petite sérénade synthétique berce l’obscurité mélancolique de Prosa IV. Des notes limpides, sonnant comme un clavecin cristallin, ondoient dans une ambiance statique. Frénétiques, elles hoquètent un mouvement séquentiel qui pilonne un rythme saccadé et hypnotique. De lourdes strates synthétiques dramatisent l’atmosphère alors que les percussions martèlent un rythme plus affamé sur un mouvement linéaire du clavecin virtuel, qui va en décroissant, sur des notes pilonnées d’intensité. Prosa V clôture cet opus fort mélodieux avec une touche symphonique aux effluves d’un mouvement classique contemporain. Une superbe mélodie qui valse sur des strates mellotronnées aux essences de violon, flûtes et autres instruments à vent classiques. Un superbe synthé symphonique prend la commande et souffle de hymnes majestueux sur un séquenceur qui virevolte et assume la section rythmique. Du grand art contemporain qui joue sur différents styles et séquences, embrassant rythmes lourds et mélodies Page 8/185 somptueusement vêtues des plus beaux atouts orchestraux. Toute une finale. Ce premier René Van Der Wouden dépasse mes attentes. Pro Sequentia est un superbe opus, avec des arrangements hautement stylisés. Van Der Wouden utilise et développe ses séquences de façon étonnante. Sa musique est tissée de multiples mouvements séquencés qui s’entrecroisent avec affinité sur des arrangements orchestraux très fluides et mélodieux. J’ai eu la chair de poule à plus d’une occasion, démontrant hors de tout doute la grande sensibilité qui semble entouré cet auteur fort prometteur. Vendu et distribué par René V.D. Wouden, disponible au site de l’artiste : http://www.renevanderwouden.net/ Note : 5/6 Page 9/185 VAN DER WOUDEN (René) : Alchemia Chronique réalisée par Phaedream Après le superbement mélodieux Pro Sequentia, René Van Der Wouden nous offre un opus un peu plus différent. Nettement plus complexe, avec ses intros très hétéroclites, Alchemia est un album aux mouvements lents, envoûtants qui s’écoutent le corps et l’esprit à 0. Pas que ce soit de la relaxation! Non. Parce que c’est bien fait. C’est fin, plein de subtilité et il faut entendre les mouvements empreints de tendresse et de nostalgie, comme sur The True Glass of Alchemia, un titre ambiant d’une étonnante attraction. Divisé en 2 parties, l’intro est un lent mouvement synthétique qui se développe avec de subtiles modulations. Le synthé flotte dans un néant harmonieux. Dans cet espace où le silence est bercé de strates fluctuantes, se terre de brèves mélodies qui sortent et se cachent, laissant des traces mélancoliques à chaque complainte céleste. Un superbe mouvement, truffé d’une incroyable sensibilité. En mi-temps, le rythme s’éveille doucement avec une série de notes limpides qui dessine un arc sonore hypnotique. Une nouvelle série de notes s’indexe à celles en place, stimulant une séquence plus complexe, qui serpente avec insistance une sphère rotative minimalisme. Cette sublime séquence module ses intonations, parmi des effets sonores et des explosions, avant de prendre un envol séquencé, où les accords s’entassent et créent une confusion harmonieuse. Un titre envoûtant qui puise la profondeur de sa beauté à l’ombre de ses strates onctueuses et mélodieuses. Far Across the Heavens possède une intro plus que bigarré avec ses jets vaporeux, entourés de segments mélodieux, de percussions tablas éparses. Des vagues spatiales qui inondent un univers statique, où se forme une séquence bouclée qui ondule parmi une chorale ténébreuse et un synthé spectral, aux lamentations aigues. Idéal pour un film d’horreur. Comme un lutin fou, la séquence roule avec frénésie accentuant l’impulsion minimalisme qui se fragmente sur un synthé mélodieux, aux strates envahissantes. Des notes virevoltent, un peu comme un xylophone, pour former un mouvement séquentiel serpentin qui louvoiera en harmonie tout au long de Golden Dreams of Silver Elements. Des coussins synthétiques flottent et étirent leurs souffles sur d’autres notes qui voltigent autour de fines pulsations. Flottant, le tempo est en montagne russe sur un séquenceur lourd qui vrille dans une atmosphère inondée de segments mélodieux qui serpentent une fixité déroutante. Après une brève intro atmosphérique, The Alchemists étend sa mélodie avec une superbe séquence harmonieuse. Des notes agiles et limpides serpentent avec grâce une impulsion aux boucles multiples, avec de bonnes percussions claquantes et un beau synthé aux solos à faire rêver. The Alchemists est certes l’une des belles pièces en 2006. Un long souffle atmosphérique, à laquelle se greffe des chœurs discrets, prépare l’intro rythmique sur percussions claquantes de Gone to Earth thru the Book of Minerals. Un titre très électronique à l’essence de ses belles incursions analogues rythmées des années 70, sur un synthé moulant aux superbes lignes mélodieuses. Comme on peut entendre Alchemia est quelque peu différent de Pro Sequentia. C’est un opus plus progressif qui demande une écoute attentive, pour être certains de capter toutes les nuances. Et, comme les grandes œuvres, il y a toujours un nouveau déclic à chaque écoute, captivant encore plus notre ouïe pour ré écouter encore. Signe incontestable d’une œuvre de grand cru. Page 10/185 Vendu et distribué par René V.D. Wouden, disponible au site de l’artiste : http://www.renevanderwouden.net/ Note : 5/6 Page 11/185 EBIA : Elosophy Chronique réalisée par Phaedream J’aime bien découvrir un nouvel artiste, surtout lorsqu’il possède sa propre signature sonore. Ebia est un synthésiste Allemand qui fait partie de cette catégorie. Composé en 2004, Elosophy est une superbe sculpture musicale, moulée sur des atmosphères insolites, des synthés onctueux et enveloppants, des pulsations hétéroclites, des percussions aux tonalités variées. Bref, un album fascinant, loin des mouvements séquencés de la Berlin School. Ici le rythme est imaginaire. Il est façonné sur des mouvements circulaires, à la fois contradictoire, mais toujours harmonieux. L’intro d’Elosophy I résonne de froideurs avec des coups sourds qui filtrent de lourds bourdonnements. Des tonnerres sous une pluie invisible. Mais un vent froid qui fait pousser de légers tintements métalliques. Une étrange ligne pulsative flâne parmi des striures synthétiques stridentes Platonique et froide, l’intro est noire et sans âmes. Une belle strate se dépose et réchauffe l’ambiance sur un long mouvement mélodieux et flottant, soutenu par l’étrange pulsation. Un silence placide brise cette symbiose embryonnaire, où seuls les pulsations se font entendre. Elles amplifient les battements d’Elosophy I qui flotte avec grâce sur un léger séquenceur uniforme où des notes basses et lourdes voltigent sur un rythme statique et circulaire. Le synthé multiplie les coussins planants qui flottent sur d’étranges riffs sèches synthétiques, donnant une lourdeur à une impulsion animée par des percussions feutrées et de belles strates harmonieuses. Un mouvement séquentiel aux pulsations nerveuses, qui voltigent avec des notes multisonores ouvre Elosophy II. Circulaire, le rythme est ceinturé de notes qui virevoltent sur des cymbales ordonnées. Tranquillement, un effet crescendo s’installe et bouscule le tempo sur un mouvement de percussions séquencées à fréquences hachurées. Un moment génial qu’un synthé entoure de brève strates harmonieuses, parfois stridentes, sur un mouvement sphéroïdal inondé des notes séquentielles aux réverbérations pulsatives. Tout un morceau. Une excellente entrée qui dépeint assez bien l’univers sonore de Ebia.. Eternity est un long mouvement ambiant aux évolutions synthétiques fragmentées. Sur de courtes harmonies et striures flottantes, le synthé souffle des lignes où les voix se mêlent aux exhalations des strates au violon acéré. Un beau titre flottant qui tire sa richesse d’un synthé ambivalent. À l’opposé E-motion brasse la cabane. Une marche militaire à deux tons sur un rythme soutenu. Un rythme entraînant, sur une bonne séquence ondulante bouclée, assortie d’un synthé aux strates enveloppantes et harmonieuses. Le mouvement oscille entre deux tempos, sur une même séquence. Un tempo tempéré, guidé par des percussions métalliques et un tempo plus lourd, plus accentué, martelé par des percussions et des pulsations pilonnantes. Un tempo décousu en rythme nerveux dans une atmosphère angoissante ouvre Electron. Des pulsations lourdes, sur un synthé austère, voltigent en notes papillonnées créant un cercle harmonieux convulsif. Le dernier rond ne se ferme pas. Il laisse filer une strate qui s’entoure sur elle-même, éteignant tranquillement ce cercle hypnotique. Emage est un titre sans mouvement, mais en rythme. Un grand cercle circulaire drapée de strates moulantes, harmonieuses et parfois stridentes, sur des percussions et des pulsations aux rythmes sobres ou soft techno sur des cymbales à la ‘’tschitt tschitt‘’. Une basse ondulante, aux pulsations de tam tam tribaux ouvre Etopia. Les notes voltigeantes d’Ebia dansent sur des cycles circulaires pulsatifs, sombres et limpides. Les souffles du synthé sont sublimes et pénétrants. Ils harmonisent une impulsion repliée, hypnotisée. Equalizer termine ce Page 12/185 1ier opus sur une intro planante, Le synthé se dandine sur de superbes arrangements, lorsque que les percussions animent un mouvement qui devient plus fluide, plus sensuel, jusqu’à sa dernière frappe. Elosophy est un long voyage atmosphérique. Un opus étrangement beau où Ebia multiplie les impulsions stagnantes qui forment des cercles étroits, où tout tourne en mouvements circulaires harmonieux. Un titre fascinant, qui fait sourciller par ses permutations subtiles et ses impulsions imprévisibles. Un album difficile à décrire, tant la flore musicale y est dense. Ebia! Un nom à retenir. Note : 5/6 Page 13/185 COUTURIER (François) : Nostalghia - Song for Tarkovsky Chronique réalisée par Trimalcion À quelle musique peut rêver un pianiste de jazz à la vision des films de Tarkovski ? François Couturier ose nous donner sa réponse. Et c'est plus en adorateur du cinéaste russe que du pianiste français (qui a quand même joué avec John McLaughlin, Anouar Brahem, Michel Portal, Daniel Humair... j'en passe et des meilleurs) que votre serviteur a mis ce disque dans sa platine. "Andréï Tarkovski est mon cinéaste préféré", dit sobrement François Couturier en guise d'introduction. Bienvenue au club. Nous sommes quelques milliers sur la planète à révérer cette poésie mystique, cette contemplation sublime qui font de chaque plan du cinéaste une expérience à vivre intensément, invitant à la rêverie aussi bien qu'à la réflexion, soumettant l'espace et le temps pour nous faire entrer dans une dimension nouvelle : celle de l'art total. Une oeuvre cinématographique unique qui a n'a pu se révéler qu'au travers de sept films... mais quels films. L'ambition du pianiste français n'a pas été, fort heureusement, de vouloir illustrer des passages de films, d'improviser sur des images. D'autant plus que les films de Tarkovski comportent leur propre musique. Non, François Couturier veut simplement faire partager ses impressions, ses émotions, évoquer l'univers du cinéaste à travers le prisme de sa propre sensibilité - qui reste celle d'un musicien. "Le temps scellé", tel est le titre d'un livre théorique de Tarkovski que François Couturier reprend à son compte - et tel est l'enjeu primordial : faire oublier à l'auditeur le temps réel pour lui imposer le temps de l'oeuvre. Cette problématique est récurrente dans toutes les formes d'art qui se déroulent dans le temps (théâtre, littérature, cinéma, musique...) Tarkovski y apporta sa vision. François Couturier apporte la sienne : le temps s'avère suspendu ; il y a parfois du Mompou dans ce piano-là ; les notes s'égrènent, lentes et tristes, consonnantes ou dissonnantes, au piano, à l'accordéon, au violoncelle ou au saxophone, comme les versets d'une complainte poignante et douloureuse (aimer Bach aussi, ça aide). Nous sommes à mi-chemin entre jazz et musique contemporaine, entre improvisation et rigueur compositionnelle, entre Keith Jarrett et Arvo Pärt - qui appartiennent également tous deux (est-ce vraiment un hasard ?) à l'écurie ECM de Manfred Eicher. C'est d'ailleurs là que, peut-être, le bât blesse, tant cette esthétique un rien distanciée et glacée (jusque dans une pochette stéréotypée, identique à celle des "Psaumes de la repentance" de Schnittke, par exemple) semble gagner tous les musiciens qui enregistrent pour ce label. Pourtant, l'émotion, au détour d'un phrasé, d'une note en suspension, est là et bien là. Elle ne renvoie pas aux vertiges mystiques de Tarkovski, mais à quelque chose de plus simple, de plus humain finalement, ce à quoi, que vous connaissiez Tarkovski ou non, vous serez certainement sensible - une beauté plus directe que prévu. Note : 4/6 Page 14/185 ARTEMIEV (Edouard) : Tarkovski par Artemiev : Solaris, Le miroir, Stalker Chronique réalisée par Trimalcion Dans mon souvenir, sans doute parce que je l'associais à l'émotion ressentie lors du visionnage des films, la musique qu'Artemiev avait composée pour quelques-uns des chefs-d'oeuvre cinématographiques d'Andréï Tarkovski était une sorte de musique électro-acoustique avant-gardiste intensément évocatrice et puissante. C'est parfois le cas, en effet. Pourtant, c'est une petite déception qui a globalement dominé à l'écoute de la "vision" d'Artemiev dénuée de celle de son prestigieux compatriote et ami. Car là où je m'attendais à du Pierre Henry sous acide, n'est à certains moments apparu qu'un comparse soviétique de Klaus Schulze ou (pour prendre des références dans la musique de film) de Walter/Wendy Carlos et Vangelis, c'est-à-dire un type audacieux qui expérimente, certes, avec le dernier cri des synthétiseurs que lui offrait son époque (en l'occurrence les seventies), mais qui a parfois la fâcheuse tendance d'endormir l'auditoire sous de longues nappes planantes et une esthétique cruellement vieillie. J'ai par exemple bondi de mon fauteuil en entendant le "thème" de Stalker ouvrant ce disque, sirupeux et monosémique à souhait. La reprise de Bach au synthétiseur pour Solaris ne fait guère meilleure impression, rappelant le pire de Walter Carlos. Mais commençons par le commencement. Alors que Tarkovski vient de voir "2001 l'odyssée de l'espace" de Stanley Kubrick, film dont l'esthétique l'écoeure profondément, il décide de réaliser lui aussi un film de science-fiction, qui répondra à ses propres attentes dans ce genre. Il s'agit de "Solaris" en 1972 (dont George Clooney a naguère fait un remake insipide). Si Solaris est loin d'être une entière réussite, il n'en demeure pas moins une vision poétique puissante à l'onirisme troublant. À cette occasion, Tarkovski fait appel à Artemiev, compositeur qui se passionne pour les nouveaux media électroniques et synthétiseurs, pour la première de leurs trois collaborations. Étrangement, cette B.O. s'avère être la plus convaincante : des distorsions acides et dissonnantes de "ILL" jusqu'au maelström furieux de "Ocean" en passant par la transe technoïde de "Station" ou les ténébreux errements de "Dream". Artemiev est dans son élément lorsqu'il ne se préoccupe plus que d'ambiances, laissant de côté la "dramaturgie" musicale, la narration, souvent inhérente à l'illustration sonore d'oeuvres cinématographiques. Avec "Le miroir" en 1974, Tarkovski nous livre une sorte d'autobiographie sous la forme d'un récit d'initiation fragmenté et labyrinthique, film étrange, fascinant et déstabilisant à bien des égards, qui inspire à Artemiev un cauchemar strident : l'impressionnant "Exodus". Enfin vient le second film de science-fiction de Tarkovski, "Stalker" (1979), qui est lui un chef-d'oeuvre incontestable, la vraie réponse à "2001..." (contrairement à "Solaris") : un film contemplatif, poétique et métaphysique ; la perfection plastique et l'épure totale ne masquent pas un seul instant le suspense haletant de ce film d'anticipation de 140 plans (pour deux heures et demie) ne contenant pas un seul effet spécial ou presque. Mais le lieu n'est pas ici à faire de la critique de cinéma, dommage en l'occurrence car la musique seule offre un intérêt bien moindre. Ceux qui ont vu le film se souviennent sans doute de ce très long plan dans lequel les trois protagonistes empruntent une draisine pour pénétrer dans cette fameuse "zone" interdite (où des créatures extra-terrestres auraient stationné puis d'où elles seraient reparties, laissant derrière elle des objets et des lieux emprunts de magie et de phantasme, où les désirs se réaliseraient). Le ton passe alors du sépia à la couleur vive (qui symbolise la zone) ; durant plusieurs minutes, Solonitsyne est filmé en gros plan tandis que défile derrière lui le paysage. Ici, les échantillons de train utilisés par Artemiev mêlés aux nappes synthétiques attirent l'attention, dans la mesure où la distorsion qu'il leur impose progressivement peut refléter l'ambiguité ou l'altération des sentiments du Page 15/185 personnage à l'approche du mystérieux sanctuaire. Pour le reste, le lyrisme trop marqué de la partition, apprécié hors du contexte cinématographique, fait assez mauvais effet. En conclusion, ceux qui s'intéresseront réellement à un tel disque seront bien davantage les mélomanes curieux de découvrir la musique electro/ambient des pionniers que les amoureux du cinéaste russe. À moins que les deux catégories, incidemment, ne se confondent. Note : 4/6 Page 16/185 CAVE AND THE BAD SEEDS (Nick) : Your funeral...my trial Chronique réalisée par Twilight 'Your funeral...my trial', première galette du grand Nick qu'il m'ait été donné d'entendre est un réceptacle d'ombres et de douleur, un spleen pudique, légèrement voilé, un peu à l'image de sa pochette, mais qui ne saurait mentir à l'auditeur...Sous ses faux airs de ballade pour piano et orgue, le titre éponyme a quelque chose de funèbre, de résigné, il annonce une nuit que confirme 'Stranger than kindness', chanson à fleur de peau qui glisse le long des nerfs comme un frisson. Frisson ? Il y a bien de quoi frissonner car la descente dans les ténèbres ne fait que débuter, 'Jack's shadow' renoue presque avec des climats proches de Birthday Party, en bien moins violent certes mais les impressions noires et malsaines qu'il dégage sont similaires...une sorte de rage intérieure qui ronge sans jamais réellement exploser, une sorte d'exorcisme à coup de montées de guitares intenses et lascives à la fois...'Et personne ne vit disparaître le saltimbanque...' Nick Cave a le don de raconter des histoires terribles et funèbres à propos de simplets mystiques en quête d'amour, d'alcooliques hantés, d'assassins potentiels, anges déchus cloîtrés dans leur campagnes oubliées de Dieu et des hommes, prisonniers de leurs villes de planches clouées puant la boue, le mauvais whisky et l'oubli...'The Carny', valse funèbre et envoûtante est pour moi la plus belle pièce jamais écrite par Nick et ses Mauvaises Graines...'No one saw the carny go'...Peu d'espoir dans cette écriture, malgré une quête obssessionnelle d'amour, d'une réponse d'un Dieu sans cesse silencieux...Et 'Hard on for love', 'She fell away' de reprendre cette plongée maladive dans l'ombre à coup de mélodies taillées dans le rasoir des guitares vrillantes et grinçantes qui vous déchirent les tripes...'Sad waters' et ses tristes plages d'orgue apparaissent presque comme une flamme vacillante, un bref instant de répit pour verser quelques larmes avant que les rythmes d'abord tranquilles de 'Long time man' puis ceux plus psychotiques de 'Scum' vous replongent dans cette obscurité à peine dissipée par quelques éclats de lune en lutte perpétuelle avec les nuages. 'Your funeral...my trial' porte bien son nom, funèbre et splendide, comme un exorcisme, une faute qu'il a fallu expier en accouchant dans la douleur de ce qui reste l'un des plus beaux opus de Nick Cave. Note : 6/6 Page 17/185 CAVE AND THE BAD SEEDS (Nick) : Murder ballads Chronique réalisée par Twilight Tout le monde est d'accord sur ce point, Nick Cave est un songwriter; plus même, un véritable écrivain (ceux qui comme moi se sont déléctés de 'Et l'âne vit l'ange' savent de quoi je parle). Lui qui a toujours aimé raconter des histoires et créer des personnages a décidé de pousser la chose plus loin en se confrontant au style de la 'murder ballad' qui comme l'indique son nom est un genre d'histoire court et cruel contant mort et meurtres (parfois assez gore) sur le ton de la chanson ou du conte adulte. Comment imaginer meilleur exercice pour un esprit aussi noir et torturé que celui du grand Nick ? Curieusement cette thématique bien glauque lui apportera pourtant une reconnaissance 'populaire' assez inattendue. L'explication se résume probablement au single mélancolique 'Where the wild roses grow' où il chante en duo avec l'infecte Kylie Minogue (qui interpète ici la première bonne chanson de sa carrière) qui fit un bon score de vente. Cette belle ballade sur lit de cordes tristes et rythmique jazzy n'est d'ailleurs pas le seul duo puisque c'est avec P.J. Harvey que l'Australien interpète le poignant 'Henry Lee', sans parler de la participation de Shane McGowan, Anita Lane, Rowland S.Howard, etc. De par leur optique de 'murder ballad', les morceaux proposent un saisissant contraste entre la cruauté des textes (la pauvre Mary Bellows qui quitte son trou pourri en quête de futur pour finir assassinée, Henry Lee tué par une prétendante éconduite ou encore Elisa Day, la Rose sauvage, que l'on retrouvera le crâne éclaté dérivant dans la rivière, sans parler de Stagger Lee qui sème la terreur dans la ville avec son colt et j'en passe...) et la musique, plus tranquille (encore que parfois...), dans un registre blues jazzy triste version Bad Seeds. Si l'exercice est réussi, admettons aussi qu'il ne s'agit pas de la plus belle réussite de Nick Cave et ses Bad Seeds; les atmosphères sont certes réussies, l'adéquation entre textes et musique très bien maîtrisée mais on sent la composition moins inspirée, louchant du côté des disques précédents plus que proposant de nouvelles pistes, les mélodies sont moins prenantes malgré de beaux essais. Bref, un bon disque, mais qui brille selon moi davantage par la qualité de ses écrits que par sa musique. J'adore par contre sa touche d'humour noire finale...après tant d'horribles histoires, une reprise du 'Death is not the end' de Bob Dylan ! Note : 4/6 Page 18/185 LUDMILA : Disadorne Chronique réalisée par dariev stands Le Heavenly – merveilleux style inventé pour décrire la musique atmosphérique de Cocteau Twins lors des années 80 – est un genre musical extrêmement reconnaissable. Il se trouve à la croisée de plusieurs courants (New Wave bien sur, Gothique, New Age, Ambiant, World, Musique Electronique...), tout en dégageant quelque chose d’unique qui semble ne provenir que de lui-même. Depuis son avènement populaire avec Dead Can Dance (Forte influence du groupe chroniqué ici, avec Echo & The Bunnymen), on ne compte plus les multiples projets qui s’en inspirent, lui empruntant son chant éthéré si typique. C’est ainsi que Ludmila a été créé il y a presque dix ans, à Milan. Réunissant un producteur et une chanteuse soprano à la voix incroyable (la formation-type du style, comme les Cocteau Twins), ce groupe nous sert ici un premier véritable album à la pochette onirique et attirante. Et c’est une sacrée réussite. Jamais redondant, toujours superbe, le chant de Paola se déploie avec majesté tout au long de 9 titres aux tempos assez rapides pour le genre, emprunts d’une nostalgie latente et d’une ornementation sonore parfaitement dosée. Les morceaux se structurent principalement autour de la basse, rivalisant d’inventivité avec les joyaux mélodiques ciselés par la voix de Paola comme si tout coulait de source. La dessus s’ajoutent des rythmes trip-hop, des samples, et des parties de guitares qui ornent le tout comme du lierre qu’on imagine s’enrouler autour des ruines d’un temple romain, perdu dans une campagne italienne abandonnée... Il se dégage de ce « trip hop ethnique » une atmosphère médiévale (certaines polyphonies ajoutent à cet effet) et brumeuse, comme un matin humide perdu dans une époque oubliée, au creux d’une nature fantasmée… Ainsi se prend-on à rêver de mythologie à l’écoute de ce « Disadorne » (« nudité ») flâneur, notamment grâce à une production remarquablement immersive que n’aurait pas reniée certains sorciers de studio (Kate Bush en tête). Un disque injustement passé inaperçu, qui s’écoute en boucle ; en suivant des oreilles les volutes de cette voix qui semble vouloir tracer un chemin secret... Note : 5/6 Page 19/185 MIND OVER MATTER : Indian Meditation Vol. 2 Chronique réalisée par Phaedream Inspiré par l’accueil réservé à Indian Meditation, paru en 2005, Klaus Hoffmann Hoock revient avec une suite, Indian Meditation II. Suivant le même principe, soit remixé des compositions de MOM avec une touche aux effluves de l’Asie. Cette 2ième compilation reflète le confort de Klaus H.Hoock pour la religion Hindoue et toute la quiétude qui entoure cette mythique croyance. Crossing Jamuna River, initialement paru sur l’album On the Wings of the Wind est un lent mouvement sinueux, aussi tranquille qu’un fleuve en l’absence de vent. Les souffles synthétiques muent sur les subtiles oscillations des flûtes, aux sonorités aussi diverses que limpides, qui inondent l’atmosphère de brefs chants mélodieux. Des accords de sitar traversent ses souffles d’harmonies sur un mouvement linéaire qui ondoie délicatement sur une mer de bourdonnements, issue des réverbérations d’un synthé statique. La basse ondulante de Maha Ganga me rappelle la structure de Ganga sur The Colours of Life. Un titre doux initié par des chœurs célestes, des flûtes basses et des percussions natives. Le titre progresse sur un beau sitar, une mélodieuse flûte traversière et de beaux tam tam doux, aussi envoûtant que la sensualité de la ligne de basse. Land of Bliss est le seul titre inédit sur cette compilation. Un long mouvement flottant sur un synthé aux délicates permutations dans les tons et oscillations. Sathapthi Express progresse sur un tempo plus vivant. Les notes voltigent sur un mouvement dense où d’épaisses strates flottent avec magnétisme sur une basse et des percussions acoustiques. Un titre intense au délicat mouvement serpentin fluctuant. Avec Shive Shakti de lourdes nappes synthétiques flottent dans un bourdonnement continu qui provient des croisements des coussins, des gongs et de réverbérations des ondes circulaires. Un titre intense et triste qui nous rappelle que la beauté n’appartient qu’aux yeux qui la voient. Paradiso est une superbe reprise de Being Home Again de The Colours of Life. Un tempo suave et lent, avec une belle basse ascendante et un synthé enveloppant qui harmonise le présent au passé. Une superbe pièce qui augmente en intensité sur des nappes aux souffles bienveillants. Nettement plus tranquille que le volume I, Indian Meditation II n’en demeure pas moins mélodieux. Les atmosphères sont denses, grâce à cette multitude des nappes flottantes dont les réverbérations introduisent des mouvements secondaires, aux tournures étonnantes. Omniprésent, les mellotrons exploitent une multitude de flûtes enchantées et enchanteresses, sur de superbes strates aux arrangements orchestraux qui font toujours soupirer de nostalgie. Note : 4/6 Page 20/185 DEAD MAN IN RENO : Dead Man In Reno Chronique réalisée par Powaviolenza Etttt c'est ENCORE au tour de Candlelight, excellent label des mighty Emperor et autres énormes tueries, de nous signer un énième groupe de metalcore inutile et chiant ! Après la bouse The Seventh Cross, nous avons maintenant le droit à Dead Man In Reno, dont rien que le nom nous évoque le pire de Myspace et autres Clémenteries infâmes. On est donc ici dans la lignée des derniers Caliban et compagnie : gros riffs moshisants hardcore plats accouplés avec du death mélodique mielleux à la suédoise. Mais contrairement à The Seventh Cross et compagnie, quelques passages guitaristiques viennent rehausser l'intérêt - je ne parle pas des dissonnances convenues en bas à droite du manche ou des chugga-chugga, mais de quelques duos guitaristiques / riffs aux harmonies dignes d'attention, tels que celui dont est judicieusement pourvue l'intro. Ca et une certaine technique / agressivité instrumentale continue (on ne tombe jamais dans le rose bo185on total, excepté deux trois passages en chant clair et quelques passages acoustiques / classiques dignes des pires groupes de Heavy/Speed épique - "Given A Season Of Sun", "Cursed") sauvent ce disque du 2/6 et le hisse un peu au dessus de la très basse moyenne des centaines de groupes de metalcore du moment. A l'image d'un Abigail Williams (aussi chez Candlelight.. tiens, tiens?), d'un The Black Dahlia Murder ou d'un Vehemence, le très chouette cotoie le trend convenu, ce dernier aspect étant malheureusement trop présent pour en faire abstraction. Alors si le gros riff suédois tape-à-l'oeil "Slaughter Of The Soul en moins bien" t'excite, si le besoin d'intensité prédomine sur le besoin d'originalité dans tes critères d'achat, tu peux essayer Dead Man In Reno, qui avec sa production énormissime et massive (comme d'hab..) signée Jamie King, ses quelques blasts et sa quasi-perpetuelle moshitude pourra satisfaire tes instincts metalcoriques les plus vils. Par contre, si tu vomis toute cette scène, ne t'emmerde pas avec Dead Man In Reno, groupe efficace mais ô combien superficiel. "Et même si c'est bien joué / bien produit, on ne retiendra (quasiment) pas une note à la fin de l'album, pour ceux qui auront eu le courage de se farcir les 40 minutes en entier." Note : 3/6 Page 21/185 BOYS FIRST TIME : The Final Soul Trade Chronique réalisée par Powaviolenza Bénéficiant de l'ex-chanteur de Korum ainsi que du batteur de Decoherence, les Boys 1st Time - dont ce n'est pas la première fois, ceci étant leur deuxième EP - pratiquent un hardcore new school très chaotique dans les structures tel qu'il est couramment pratiqué de nos jours : extrêmement décousu, multipliant changements de rythmes, passages jazzy, blasts ravageurs, le tout dans un seul morçal. Rien de bien nouveau donc : on est en territoire connu, que ce soit pour la voix medium metalcore assez commune ou pour les gimmicks de compositions - "je blaste puis partie calme puis on reblaste puis re-partie calme". Cela n'empêche pas les Boys 1st Time d'avoir la classe, même si ça ne casse pas trois pattes à un canard. La prod' est très bonne, claire et puissante; tout le monde est bien évidemment très bon, du batteur au jeu qui latte bien la gueule (normal, c'est le mec de Decoherence) au bassiste 6 cordes virevoltant et présent harmoniquement. Les riffs sont vraiment sympas dans l'ensemble, parsemés d'harmonies parfois originales qui accrochent l'oreille et de certains riffs un peu jazzy classes rappellant le Dillinger Escape Plan de "Miss Machine" (auquel le chant nous renvoie aussi quand ça varie - en particulier sur "Run From The Exit"). Bref, trois bons titres que je n'écouterais pas en boucle car ne captant pas mon attention du début à la fin - un peu trop décousus à mon goût, mais qui devraient plaire à tous les amateurs de hardcore moderne bien gaulé pas encore lassés par cette prolifération de groupes chaotiques je-fouette-l'air-avec-mon-instrument-c'est-rock'n'roll. Note : 3/6 Page 22/185 SALVING THY AMISS : Horsewreck, Oh Trail's Highlight Chronique réalisée par Powaviolenza Salving Thy Amiss est un jeune groupe parisien sortant leur premier EP, "Horsewreck, Oh Trail's Highlight", qui je dois dire, est une très bonne surprise pour ma part : on a ici affaire à un très bon hardcore sombre et opaque, dissonnant avec classe (riffistiquement et au niveau de l'ambiance générale, ça pourra vous évoquer Ananda, Tusk, Starkweather, pourquoi pas Voivod sur certaines dissonances aussi), chaotique sans plonger dans la surenchère de chaos habituelle depuis quelques années. "Horsewreck" sonne définitivement sympathique, violent et intense tout en étant plutôt "aérien" car développant un feeling assez triste / bizarre quasi-black. La prod typée années 90 est bien poisseuse, les cris et la voix désabusée screamo sonnent bien malsains... Tout cela n'est certes pas parfait : le batteur ne sonne pas toujours 100% carré sur certains roulements de double, le tout est parfois un peu trop opaque et répétitif - mais je chipote plus qu'autre chose. Voilà une démo qui a la classe, je suis bien pressé de voir la suite. Note : 4/6 Page 23/185 VAN BOGAERT (Frank) : One Out Of Five The Best of Frank Van Bogaert Chronique réalisée par Phaedream Je connaissais très peu Frank Van Bogaert avant d’entendre cette compilation. One Out of Five, un titre très original pour un album compilation, est le 6ème album de ce musicien Belge dont le 1er opus Colours paraissait en 1998. Human, de l’album du même nom, ouvre ce recueil en rythme et harmonie. Sans le savoir, j’entrais dans le début de 77:20 minutes d’émerveillement. Malgré un souple mouvement séquentiel, Human bifurque vers un tempo indéfini. Le rythme versus le non rythme. Pourtant, il y a du rythme, mais un rythme qui se fond dans l’harmonie. À chaque volet, à chaque mouvement apparaît un nouvel instrument, de sorte qu’à la fin nous constatons qu’un rythme s’est formé. En fait plusieurs rythmes, comme par magie, se forment à mesure que Human progresse, comme une improvisation structurée. Une grande qualité pour un compositeur. Doucement des notes de guitares vrillent en spirales, des percussions éclectiques battent la mesure sur de superbes arrangements. On est envahit par un son riche, dans une atmosphère aérée qui bouge constamment. C’est de cette façon que l’on tombe pour la musique de Frank Van Bogaert. Comme ça, à partir d’une harmonie saisie au vol, il crée une superbe pièce à saveur tribale. Un peu différent, Closer est plus convivial, sur de beaux effets vocaux. À mi chemin entre la musique du monde et la musique tribale, Frank V. réussit à y coller un tempo entraînant. Deserts est un autre titre assez fort. Après une intro style ballade romanesque, le titre explose sur de bonnes batteries et un synthé aux nappes denses qui virevoltent avec la grâce d’une ballerine. Un beau titre, avec de beaux arrangements qui jouent sur des intonations subtiles, avec une touche tribale. Comme sur Human, les percussions sont terribles. Vous avez entendu Rorogwela, j’en suis sûr. C’est une superbe ballade, avec de belles percussions montantes, des voix tribales qui ‘’hummhumm’’ sur un beau piano et même une cornemuse fait une apparition discrète. Des vagues lavent le sable, sous une pulsation linéaire, et une suave flûte clanique. Home by the Sea démarre doucement. Le tempo monte en cadence pour insuffler une superbe ballade sur des percussions sauvages et puissantes, voire violentes que de superbes arrangements reforment en un titre puissant, bien enveloppé de strates mellotronnées. Un autre superbe titre. En fait, One Out of Five est un étonnant album, plein de découvertes, de petites perles musicales qui égayent les moments sombres, comme l’inverse peut se produire; des moments émouvants qui vont chercher une larme sur le coin des yeux. Prenons Violet, un titre incroyablement doux, malgré son lourd aspect dramatique et une orchestration monstre, la délicatesse qui se cache derrière cette pièce nous atteint droit aux tripes. Tout comme le superbe Geographic, une ode à la culture des premiers peuples sur des arrangements épiques. Un titre incroyablement nostalgique à faire frémir l’épine dorsale. One out of Five m’a totalement séduit. Tout au long des 14 titres, Frank Van Bogaert étonne par la diversité de ses arrangements, et la fluidité des genres. De mélodieux, il peut vaguer sur des titres plus complexes, avec des modulations étranges, qui finissent par boucler la boucle harmonieuse. Un habile mélange de musique tribale, de musique du monde sur des structures séquencées à la New Berlin School. Un croisement entre Vangelis, Mike Oldfield et Jean Michel Jarre. Un monde de fantaisie et d’harmonie sur 77:20 minutes d’émerveillement. Page 24/185 Disponible au : http://www.frankva185ogaert.com/ Note : 5/6 Page 25/185 SVARTSYN : Skinning the lambs Chronique réalisée par Yog Sothoth Comme beaucoup de monde, j’ai découvert Svartsyn grâce au split regroupant leur dernière démo en date (2003) et l’EP d’Arckanum paru en 2004 « Kaos svarta mar » (cette chronique est d’ailleurs issue de ce split CD, ne possédant ni la démo ni sa première réédition EP). Le groupe, au sein duquel on retrouve le batteur originel de Dark funeral, évolue dans un Black Metal moderne « à la suédoise » (façon Watain / Ondskapt), jouant sur l’alternance de parties rapides et de ralentissements plus mélodiques - particulièrement optimisés sur « A night created by the shadows », morceau le plus marquant, ou sur les longs arpèges mid tempos du dernier titre pour propager une ambiance infernale, mais pour la moins accrocheuse. On est d’ailleurs parfaitement saisi par le son que le groupe a réussi à développer, mettant en valeur chaque instrument pour un résultat des plus opaques et impressionnant, avec une utilisation de la basse des plus judicieuses, et ce chant, bien dans l’esprit suédois aussi, écorché et très réverbéré. Ambiance donc, mais un bémol par contre sur le manque de prise de risque, certaines lignes de guitares provenant note pour note de certains classiques du Black Metal nordique: le début de « Skinning the lambs » par exemple renvoyant immanquablement à l’ouverture du « Jesus tod » de Burzum », à moins qu’il ne s’agisse d’un vague clin d’œil. Hormis ce point de détail, les 4 titres de cette démo témoignent d’un réel potentiel pour ce groupe, qui après avoir longuement évolué au sein de l’underground suédois (1ère démo en 1993, quand même), pourrait bien obtenir une plus large reconnaissance parmi la scène Black Metal, par la seule force de sa musique. Une bonne découverte, qui donne envie de se procurer la suite. Note : 4/6 Page 26/185 LA BARBARA (Joan) : Voice is the original instrument Chronique réalisée par Progmonster Il y a des disques qui ont le mérite d'exister. Tout simplement. Comme pour La Monte Young ou Marian Zazeela, Joan La Barbara fait partie de cette catégorie d'artistes hors champ (Duchamp ?) qui questionnent la musique dans son essence même, se souciant guère de l'expressivité que l'on peut donner à ce véhicule, fuyant toute tentative de glorification de la personne, fût-elle fortuite. Vocaliste de son état, proche collaboratrice de John Cage, Philip Glass ou Steve Reich - pour ne citer que les plus connus - c'est tout naturellement que la première de ses rares publications sur disque se focalise sur son instrument naturel, comme l'indique par ailleurs très clairement son titre... Trois longues plages, et trois approches différentes qui mettent en exergue ses possibilités vocales ; "Circular Song", va-et-vient progressif qui suit le rythme de ses inspirations et expirations régulières tout en jonglant avec les octaves, "Voice Piece", d'inspiration clairement tibétaine, se faisant l'écho d'une recherche toute intérieure, et enfin "Vocal Extensions" où La Barbara s'aide d'un rack multi-effets pour poursuivre son investigation expérimentale improvisée au-delà des limites imposées par le ridicule. "Voice Is The Original Instrument" est le premier disque de culture occidentale à célébrer la nature même de notre voix de manière si radicale, à l'instar du "For Alto" d'Anthony Braxton qui, le premier, osa l'album solo au saxophone. Il ne fait aucun doute que cette audace, mais sans doute plus encore cette absolue conviction, ont marqué à jamais les esprits de chanteurs et chanteuses plus contemporains qui ont, en quelque sorte, pris le relais de cette approche singulière pour la fondre dans leur mode d'expression respectif. On saluera la démarche. On appréciera l'effort. On soulignera la technique. Mais on cherchera aussi - sans les trouver - de bonnes raisons à vouloir écouter cet essai plus d'une fois... Note : 3/6 Page 27/185 ELEMENT 4 : Neotunes Chronique réalisée par Phaedream Element 4 est un projet musical parallèle à Brainwork, celui-là même qui nous a donné Soundclouds l’un des meilleurs albums de MÉ en 2006. Guidé par Uwe Saher, un synthésiste Allemand. Element 4 fait vibrer les planchers de danse depuis 1995 et Neotunes est son 6ième cd. Un opus fort différent de Brainwork. Si Soundclouds nous faisait voyager sans bouger, Neotunes nous fait bouger, sans vraiment voyager. Neo Intro est une courte introduction flottante où les strates se déplacent lourdement dans une sphère sonore harmonieuse, nous faisant rêver à Soundclouds. Quakebeat 2006 allume la mèche avec une séquence agitée. Des striures synthétiques déchirent l’ambiance sur des cymbales à la ‘’tschitt tschitt‘’ qui dessine un beat martelant. La basse dans le plancher épouse parfaitement les pulsations cardiaques. le rythme est infernal et nous enveloppe d’une superbe ligne mélodieuse qui assiège nerveusement un tempo décapant, croisé des stries multi sonores. Loin d’être hypnotique, le tempo nuance son magnétisme par de superbes détours et de fortes nuances dans les tons, appuyé de bons effets sonores. Bluenoon continue le pilonnage sur un tempo plus minimaliste martelé de percussions qui échappe ses effets percutants, donnant une dimension industrielle à un mouvement mélodieux à la Jarre. Blaster est encore plus frappant. Sur un beat dur, la séquence vrille d’un cercle rotatif que les percussions pourchassent, au travers les stries saccadées. Loungebar calme les ardeurs avec un beat lounge, assaisonné de bonnes percussions, d’un bon jeu de basse et de belles harmonies qui reviennent inlassablement sur des strates discrètes qui deviennent plus apparentes. Euphoria c’est le concept même des‘’techno dance‘’à l’âme momifiée. Ça bouge, ça assomme sur des rythmes aux variances pulsatives et une basse qui masse les pieds de ses énormes champs de réverbérations. Un titre zombiesque où les yeux sont souvent en arrière du corps. Mindscapes est une superbe pièce, bien agencé. Un beat tambourinant, avec des percussions tam-tam, sur une ligne oscillante qui s’anime sur une impulsion circulaire martelante où les strates syncopées avance le pied sur le frein. Le résultat est étonnant et plaisant. Des lignes qui s’entrecroisent à des vitesses, tant linéaires que circulaires, sur et des beat variés n’ont pas la même impact qu’une ligne monotone sans surprises. Tout le contraire de Neotunes où les atmosphères, les ambiances sont aussi significatives que les tempos. C’est le même principe avec Road to Amnesia 2006. L’intro aux percussions vaporeuse initie une pulsation lourde dont la résonance titille les muscles plantaires. Nous sommes dans un foudroyant tourbillon technoïde intense qui altère son mouvement pour insérer toutes les nuances en rotation et pulvériser un rythme encore plus sauvage sur de superbes strates synthétiques aux mélodies accrochantes. Peaktime est du même moule, mais en mi danse il y a un superbe jeu de percussions et de basses à faire vibrer les lustres du voisin d’en haut. De la dynamite compressée, qui a toujours une parcelle d’harmonie d’insérer quelque part. Un techno tribal extra terrestre, F.X. est un titre est étonnant. Sur des tempos mous aux rigidités plasmatiques Element 4 exploite les sonorités les plus hétéroclites et forme une impulsion aux cadences fragiles et qui exploitent un techno frêle, mais succulent d’ingéniosité. Blaster conclût sur un remix conservateur. Je dois avouer que j’appréhendais l’écoute de Neotunes. Je ne suis pas un fana de techno, ni de ses rythmes tonitruants. Mais, ce fût tout le contraire. J’ai été charmé par un artiste qui attache autant d’importance dans sa recherche et la créativité que les rythmes. Neotunes c’est près de 80 minutes de beat enflammé, de musique Page 28/185 martelante aux rythmes explosifs. Mais c’est aussi de la finesse dans les arrangements. Uwe Saher sait comment nuancer les genres. La différence entre Elements 4 et les autres groupes technoïdes arrache pieds est la subtilité et les nuances dans les évolutions et les tons. Tout au long de cette bombe, Uwe Saher modifie les séquences et apportent des nuances mélodieuses qui changent la donne. Soundclouds et Neotunes, Uwe Saher, ou Brainwork ou Element 4 si vous préférez a connu une excellente année. Je nous en souhaite d’autres. Disponible au; http://www.brainwork.net/ Note : 4/6 Page 29/185 BRAINWORK : Back to Future Chronique réalisée par Phaedream Back to Future est le premier cd de Brainwork depuis Sensual Reflections, paru en 1997. Une longue période de silence où Uwe Saher a réalisé 2 titres sous le nom d’Elements 4; Continuation et Live Summer 99, deux titres issus en 1999. Un long silence de 4 ans, brisé par la parution de Back to Future, un opus où le rythme épouse toute les formes. De la Berlin School sur du Drums’n’Bass. 4 am Machines nous place, dès les premières notes, dans l’univers assourdissant de Back to Future. Une séquence nerveuse, aux délires stratosphériques de Tangerine Dream, déboule sur des percussions qui tambourinent un tempo synth pop. Les synthés sont agiles et forment des lignes mélodieuses fébriles, parmi des effets sonores dignes d’un western intergalactique. Le tempo accentue la mesure, pour virer sur un rythme plus ‘’dance’’, avec des percussions qui matraquent un beat infernal. Un bon titre, avec un superbe jeu de synthé, qui modifie inlassablement son parcours dès qu’il croise les mirifiques coussins flottants. Un séquenceur aux lignes bouclées ouvre Back to Future. Un maelström de notes harmonieuses flotte autour de coussins synthétiques en suspension qui aliment une profondeur sonore harmonieuse. Les percussions tombent et martèlent une cadence très Berlin School, sur une bonne basse groovy. Back to Future possède un beat très vivant qui évolue sur de superbes nappes statiques, des mellotrons orchestraux et de superbes solos de synthé. De belles notes limpides s’entrecroisent pour former les fins mouvements bouclés de Sanddunes, sur un synthé statique et une basse ondulante. Cette séquence mélodieuse, qui accroche l’oreille instantanément, appui son rythme sur des percussions solides et des passages synthétiques soyeux, aux solos et lignes principales à l’essence des peuples des déserts. Un superbe mouvement séquentiel trace une ligne uniforme, qui ondule sur son effet de réverbération, où les notes s’entremêlent sur un large mouvement circulaire. Transponder résonne de ses percussions qui martèlent un rythme infernal. Sans nuances possibles, les lignes déboulent en cascades sur des séquences minimalismes en mode staccato névrosé et une superbe basse qui coule de son étrange attrait. Transponder est un énorme tourbillon séquentiel où les lignes voltigent, nerveuses et harmonieuses, dans une structure rythmique aux superbes nuances synthétiques, qui étonnent dans cet univers robotique. Je croyais bien que Transponder était la limite d’un Berlin School séquencé en mode soft techno! Faut croire que non, car Offbeats est tout aussi hallucinant de rythme que Transponder. Les séquences sont superbes et oscillent sur des mouvements linéaires où les notes vrillent comme sur des montagnes russes. Les percussions sont claquantes et dures. Elles martèlent un beat infernal sur une basse moulante, qui trouve un peu de répit à l’ombre des nappes flottantes. Offbeats est certes l’un des titres les plus puissants que j’ai entendu dans l’univers de la MÉ. Back to the Sea est la pièce la plus longue sur Back to Future et elle démarre en lion. Séquences nerveuses avec des percussions endiablées, ajustées sur la fébrilité des séquenceurs. Tout au long de Back to the Sea, la structure rythmique est sensiblement la même; frappes nerveuses et répétitives, sur une bonne basse mordante et une séquence ondulante. Pour ce qui est des synthés, c’est tout à fait différent; de longs solos de guitares virtuelles sur des lignes sautillantes et des strates mouvantes. Un long titre qui n’en finit plus d’étonner. Outre ses gros coussins synthétiques qui précèdent les furieux solos, il y a des passages où les percussions martèlent le tempo en solitaires, ou à peine accompagnées de passages synthétiques timides. Un Page 30/185 superbe carrousel tapageur qui s’écoule assez vite pour un titre de 16 minutes. Back to Future est indéniablement un album d’une puissance étonnante. Uwe Saher parle d’un nouveau genre musical, issu de la Berlin School et du Drums’n’Bass, que l’on pourrait appeler ‘’Sequence’n’Bass‘’ ou encore ‘’Berlin Bass‘’. Je ne sais pas si l’appellation a été retenue, mais ça dépeint fortement l’ambiance musicale qui règne sur Back to Future. Un album lourd, aux harmonies fluides, sur des percussions et des séquenceurs déments, accompagné d’un superbe jeu de synthé aussi imprévisible que mélodieux. Back to Future de Brainwork est un essentiel. Un album multi sonore sans frontières, ni compromis. C’est dur, c’est cru et c’est superbement bien produit. Un must! Note : 5/6 Page 31/185 BLUT AUS NORD : Mort Chronique réalisée par Sheer-khan Blut Aus Nord continue de muter... de se former, de se déformer... de plus en plus froid avec sa batterie electromolle et sa prod compressée. "MoRT" se présente comme un univers glauque, organique, rampant... un marécage de sons de guitares industrieux et couverts de souffre, qui se remuent et grouillent dans des courbes complexes d'accords disharmoniques et de mélodies déchirées. C'est répugnant... c'est sale, ça pue et ça supure de partout... les métriques ont la polio. Les vocaux sont rares, profonds et dégueulés... et des leads tous plus inconfortables les uns que les autres se tortillent et copulent au dessus des roseaux sous un ciel noir charbon. Blut Aus Nord continue de muter... de se transformer... ni vitesse, ni brutalité, juste du difforme, rien que du difforme qui va et vient dans les méninges en suçant les neurones et en donnant la gerbe. Et tout cela est baigné d'une lueur incontestable, et d'une beauté dérangeante. Les accords qui s'effondrent et les rythmes qui s'avachissent servent d'arrière-plan lugubre à des arabesques de guitares qui passent de la laideur à la grandeur dans un maelstrom sonore et musical permanent... le spectre de choeurs sordides... une ouverture soudaine dans des gouffres gothiques et grandiloquents... une angularité martiale finalement dissoute dans la boue des guitares... des spectres, et rien que des spectres. Comme des serpents humides sous la lune, les méandres disharmoniques changeants qui forment cette musique font luire au hasard de leurs contorsions des reflets harmoniques glaçants, s'écartent au passage de mélodies véritables et terribles qui viennent montrer leur dos avant de disparaître vers le fond comme des anguilles. On perçoit ça et là les échos improbables de riffs harmonisés, tous plus noirs les uns que les autres, dégringolant de coup de cymbales en fausse caisse claire, on se laisse posséder par un solo aspic... et tout cela est répugnant... tout cela est sale, puant et supurant de partout, bizarrement émaillé d'un son cosmico-dépassé de boîte à rythme déglinguée. Il n'y a plus rien de défoulatoire chez Blut Aus Nord... plus une seule ligne droite, plus aucun sol solide. On se plonge dans "MoRT" exactement comme on se plonge dans un bain de fange... les répétitions, les chromatismes et les distorsions mélodiques agissant comme des vapeurs lourdes et narcotiques qui écoeurent et abrutissent. Même si le choix d'un son distant de blockhaus infecté contrarie une partie des sensations que procure ce nouveau travail, Blut Aus Nord continue son parcours de différence et d'exigence avec une incomparable réussite, et un sens inégalé de la beauté en négatif. Note : 5/6 Page 32/185 TRIBES OF NEUROT : Meridian Chronique réalisée par Chris La mystérieuse entité Tribes Of Neurot poursuit sa déjà longue route avec ce sixième album à la pochette acidulée et électrique. "Meridian" s'est fait sagement attendre puisque les derniers travaux studios du groupe remontent à 2002 avec l'ode aux insectes qu'était "Adaptation and survival". "Meridian" confirme que les californiens n'ont rien perdu de leur imagination et de leur inspiration avec ces 10 nouvelles compositions assez courtes (4 minutes en moyenne) qui explorent le monde à l'aide de textures qui se répètent et se superposent en tous sens, de bruitages et d'effets électroniques qui pénètrent de toutes parts et des samples d'instruments à cordes. La musique du groupe semble ici plus facile d'approche que par le passé, grâce à une approche un poil plus mélodique. De ce fait l'ensemble sonne moins hermétique. Mais "Meridian" reste toutefois un monde torturé et électrique ; un monde strident et répétitif ; un monde étonnant et parfois inquiétant... ; un monde étrange, vraiment... Note : 4/6 Page 33/185 KOEPPER (Jeffrey) : Momentium Chronique réalisée par Phaedream Voici le second opus de Jeffrey Koepper, celui-là même qui nous offrait Etherea en 2003. Et comme à cette période, Momentium visite les complexités du monde analogue, avec la technologie actuelle. Aidé de son bon copain, Steve Roach qui fait le mixage final, le résultat est stupéfiant. Très fluide et surtout très électronique, Momentium gravite entre deux sphères musicales; l’analogue et le digital moderne avec un sens inné des arrangements, de la structure harmonique et des revirements insoupçonnés. Une expérience musicale qui vaut l’investissement. Les premières notes de Byzantine Machine sont sobres et flottent dans un espace aux réverbérations étranges. Une courte harmonie qui termine dans les résonances menaçantes de ses dernières notes, lorsque l’on entend le séquenceur arrivé. Nerveux, il frétille sur un mouvement circulaire, à une cadence soutenue. C’est beau un séquenceur, c’est la cohésion parfaite, trop parfaite même. Et c’est pour cela que des synthésistes aiment variés l’intonation des notes, amenant de subtiles modulations dans les mouvements. Ici, Koepper est merveilleux. Le séquenceur épouse diverses formes rotatives sur de fines percussions métalliques et une mélodie en arrière plan qui divise et approfondie la mélodie qu’est Byzantine Machine. Outside se développe sur d’onctueuses nappes qui flottent dans une ambiance bigarrée d’effets sonores intrigants. Godspeed 2 est un titre dédié à la mémoire du synthésiste Américain, Michael Garrison décédé des suites d’un cancer. Une belle mélodie séquencée qui est visitée par des effets sonores, de strates volantes, et de mélodies fragmentées, ajoutant une profondeur harmonieuse à un titre prisonnier d’un champ sonore. Un lourd bourdonnement synthétique émerge d’un fort vent cosmique. Un superbe séquenceur ouvre Sense of Time. Résonnant de sa lourdeur, il dessine un beau mouvement, au travers de lourds riffs intermittents. Mouvement imparfait, à la rotation parfaite, la mélodie séquentielle traverse un cosmos de bruits analogues, où des mélodies fragmentées enrichissent un mouvement minimalisme à la quête de trésors d’harmonies. Eternal Sea est la pièce la plus longue sur Momentium. Un titre minimalisme avec un mouvement séquentiel à progression lente. Loin d’être ennuyeux, on peut y suivre sa progression dans une faune sonore riche et dense, qui honore son invité de ses plus belles formes. Un très beau titre. Sombre et ambiant, 2600 A.D. est une courte pièce atonique aux effets sonores bigarrés. Sequential Meditation est un pur bijou de mouvement minimalisme. Au tout début, une ligne nous berce sur un mouvement ondulant et ascendant avec des notes bourdonnantes qui voltigent en arrière plan. À vitesse variable, la séquence est agréable à l’oreille et défile sur un mouvement lent. Un mouvement qui se subdivise pour former deux lignes parallèles aux mélodies concurrentes, mais qui se complètent. Une superbe idée qui donne un nouveau souffle à Sequential Meditation où 2 lignes s’entrecroisent, dont une superbement sautillante, sur un synthé aux souffles soyeux. Ce carrousel harmonieux se poursuit sur Awakening, une splendide façon de conclure un album immensément chaleureux. Momentium de Jeffrey Koepper est une surprise inattendue. Sorti de nulle part, Koepper offre un album mélodieux avec de fins mouvements séquentiels, aux saveurs des années analogues. Un bijou qui vaut le détour, ne serait-ce que pour se délecter des modulations séquentielles qui forment la presque totalité de la structure rythmique de Momentium. Un superbe album mélodieux, avec une richesse sonore incroyable qui Page 34/185 rappelle que la musique d’hier s’est faite avec les rêves d’aujourd’hui pour la génération de demain. Note : 5/6 Page 35/185 ROACH (Steve) : Life Sequences Chronique réalisée par Phaedream Le premier album que j’ai entendu de Steve Roach fut Western Spaces, paru sur Innovative Communication en 1987, avec Kevin Braheny et Richard Burmer. Je me souviens encore de l’effet A Story From The Rain. Hummmm….À faire pleurer une vitre. Par la suite, je suis tombé sur Empetus, Traveller, Structures from Silence, Quiet Music et ainsi de suite. J’étais dans la sphère très atmosphérico-tribal de Steve Roach. Dans les dernières années, j’entendais que Steve Roach serait retourné à un style plus séquencé. Effectivement, Proof Positive et Storm Surge: Live at NEARfest, paru en 2006 et chroniqué sur GOD, sont des albums séquencés (de superbes en passant). Déçu d’être passé à côté d’albums aussi percutants, j’ai fait le tour du jardin de Mr. Roach pour y cueillir des merveilles séquencées. Une superbe cueillette. Paru en 2003, Life Sequences est une collection de vieux essais, et de plus récents, de MÉ séquencée. À pas feutré la séquence de Lightness of Being émerge en douceur. Fin mouvement minimalisme, sur une basse qui pulse un rythme uniforme. Imaginez la séquence comme une plaque pleine de vie, une vie qui bat sur un superbe miroir aquatique où le reflet oscille dans son ensemble. Comme des feux follets, les notes se déplacent sur cette séquence qui augmente joyeusement la cadence pour se terrer dans les envoûtantes strates synthétiques de Living the Dream. Une étrange basse/percussion hisse sa sonorité sur une délicate ligne de piano à l’intonation hypnotique. Le mouvement prend de l’ampleur sur une progression harmonieuse, où les notes et accords se multiplient dans un tourbillon enchanteur, qui varie sa vitesse, influençant l’axe harmonique de sa séquence. Un superbe titre harmonieux où Roach exerce un doigté magique pour varier la rotation harmonieuse de l’impulsion principale. Tout simplement génial, il tourne souvent dans mon lecteur en ce moment. Un peu plus agité, avec ses percussions métalliques feutrées qui font du sur place, Sundial est un mouvement linéaire qui flotte sur une belle ligne de basse sombre. L’atmosphère est intrigante et effraie avec ses striures synthétiques insistantes qui ne trouvent ne trouvent de places dans ce mouvement qui puise des beaux moments, dans l’étalement de ses strates. Un souffle de réverbération inconnue, aux directions variées, ouvre Sands of Time. Un faible pouls anime cette étrange procession des vents. Le battement devient irrégulier, suivant une ligne scintillante et une nappe qui étend son ombre sonore. Des serpentins harmonieux courent furtivement sur le mouvement. Et au 4ième serpentin, il entreprend une étrange migration vers des territoires inconnus. Rythmes désordonnés, states pulsatives aux courbes agressives, percussions inattendues, Sands of Time devient une fantasmagorie tribale d’un monde cosmique aux manières rudes. Tranquillement, le pouls devient plus régulier, avec des souffles synthétiques à la fois plaintifs et spectrales sur d’immenses strates aux nuances romanesques, ainsi que des percussions oubliées quelque part, sur les banquises du temps. Une superbe épopée musicale qui étonne, de secondes en secondes. Des notes frivoles et limpides sautillent sur une discrète nappe synthétique au souffle étiré. Un mouvement de basse ondulante s’installe et guide Destination Horizon dans son long périple séquentiel. Un début de voyage doux, sur un synthé aux couches enveloppantes qui bougent à peine. Le mouvement devient plus saccadé avec des sonorités percutantes style glockenspiel et une basse au débit rapide, enveloppés d’une superbe strate mélodieuse, qui feront toute la distance pour Destination Horizon. J’ai passé d’excellents moments à écouter Life Sequences, un superbe opus aux ondes minimalismes des Page 36/185 premières œuvres d’une Berlin School encore vierge. Que c’est bon d’entendre ce virtuose des sons, jouer sur ses sonorités, moduler ses intonations et apporter des touches tribales futuristes dans un monde à l’univers séquentiel Jurassien. C’est beau, c’est bon, c’est à se procurer. Disponible au : http://steveroach.com/store/ Note : 5/6 Page 37/185 TANGERINE DREAM : Live Brighton 1986 Chronique réalisée par Phaedream J’ai bien aimé l’année 1986 en ce qui a trait à Tangerine Dream. Avec Underwater Sunlight, les fans espèrent un retour dans le temps, à tout le moins un éloignement significatif de la structure musicale de Le Parc. Le trio Allemand entreprenait une tournée mondiale, commençant en Europe au début de Mars 1986 et qui allait se terminer à Paris le 31 Mars 1986 avec un fantastique concert qui allait donner les meilleurs albums pirates de cette tournée Parisian Dreams et 3 Tier Dream. Un bootleg que j’ai écouté des heures et des heures jusqu’à ce que cet enregistrement du concert de Brighton soit disponible. Tangerine Dream possédait des enregistrements de la console (soundboard) de 2 concerts de cette tournée. Étrangement un était de Brighton, un concert inédit pour lequel il n’y avait aucun enregistrement disponible et l’autre provenait d’un concert en Amérique, dont il existait une source très moyenne et incomplète. Jerome Froese en a fait le mastering pour présenter 2 superbes reliques auditives d’une tournée où le Rêve Mandarin était nettement plus énergique, plus rock que sa dernière tournée d’envergure en 1982. Initialement, les deux concerts étaient vendus ensemble sous le titre de Tangerine Dream Classic Gold Recording Vault IV. Parce que les setlists se ressemblaient trop, il fut convenu de scinder le coffret en 2, et le faire vendre par la série Bootmoon, alors que le Vault IV(les premiers étant Rockface, East et Rockin Mars) continuaient d’être vendu par TDI, pour commandes postales. Compliqué le monde de TD? N’est-ce pas? Le son est clair, parfait. Trop beau pour être vrai. Pour être un vrai live, car on y entend tout, mais tous les effets sonores, toutes les nuances. Mais je vous assure que ce sont les vrais concerts, car ils sont trop près des sonorités des bootlegs pour en douter. C’est vous dire à quel point le remastering fut foutrement bien fait! Intro UK 86 est comme je l’entendais sur Parisian Dreams. Un titre atonique qui sert de gros préambule à un concert inoubliable avec des cris d’oiseaux mélangés aux souffles des flûtes, sur des nappes synthétiques flottantes et grondantes. Les percussions tambourinent avec force et résonnent avec clarté au milieu d’effets sonores bigarrés, avant de tomber sur Stratosfear 86 et sa superbe couche de percussions. Tout simplement sublime. La 1ière partie de ce concert étant quasi identique à celle de Cleveland, je vais m’attarder un peu plus sur la 2ième partie. Mais ce n’est pas parce que les titres sont similaires qu’ils se ressemblent en tout point. Prenez Statosphere 86, les striures synthétiques sont plus prononcées ici que sur Cleveland, en plus d’y avoir plus d’effets sonores et d’agressivité. D’ailleurs, la version Européenne de cette tournée possède une meilleure clarté sonore, quoique par instant, le volume semble instable. Northern Light est un peu le penchant de The Velvet Garden. Un titre qui fait le lien, sur une ambiance très atmosphérique entre Dolphin Dance et l’intense Cool Breeze Of Brighton, composée pour cette tournée. Une grosse et lourde procession qui tourne en gros rock progressif avec un superbe jeu de basse et de percussions, permettant à Edgar de s’éclater sur un furieux solo. Ce passage est vite devenu un classique de cette tournée. Un grand moment qui se poursuit avec un Going West à l’allure plus corsé, plus musclé avec ses percussions roulantes et ses effets sonores qui apportent une toute nouvelle dimension. Yellowstone Park est bien interprété avec ses souffles sensuels et la guitare qui remplace la voix de Mme Tory. Legend Leftover est un outtake de Legend. Un superbe titre, très sombre à l’ambiance hyper angoissante, qui aurait eu sa place dans la trame sonore, que TD a choisi de garder pour cette tournée. Un autre inédit de qualité et la façon qu’il est inséré dans le setlist est tout a fait géniale. Un Page 38/185 piano concerto de Mozart qui débouche sur l’inoubliable Rare Bird termine ce fantastique enregistrement. Si j’avais à choisir entre Brighton et Cleveland 86, je prendrais Brighton. La qualité sonore est ce qui a de plus près de ce que j’ai entendu sur les bootlegs de Paris. Cool Breeze Of Brighton est aussi une autre raison. Un titre dur et lourd qui ne fait pas dans la dentelle où Edgar est très à l’aise dans un univers de riffs et de structures rock. Mais globalement, c’est tout un spectacle qui défile sans arrêt dans une atmosphère que l’on ne reconnaît pas tant que ça. Faites le décompte et vous y trouverez pas moins de 8 titres nouveaux, soit la moitié du répertoire Pas pire pour groupe qui a cessé d’improviser. Note : 6/6 Page 39/185 TANGERINE DREAM : Live Cleveland 1986 Chronique réalisée par Phaedream Fort de sa première partie Européenne, TD entreprend la seconde portion de sa tournée mondiale à Vancouver. La tournée Nord Américaine s’arrête à Montréal, le 19 Juin 1986. Sur une scène, en avant d’un lac artificiel, Haslinger, Franke et Froese donneront un concert bouillant qui restera gravé dans bien des mémoires pour encore un bon bout de temps. Quel bel évènement, tout un spectacle. Lors de cette tournée, il y avait de la magie dans l’air et beaucoup d’électricité, comme si le Dream était conscient que sa musique virait sur une structure très froide. Quelques années plus tard, je me suis procuré Sonambulistic Imagery qui était le bootleg le plus complet, avec la meilleure sonorité, le Tangerine Tree Volume 24 et finalement cette édition du Bootmoon. La source de ce concert est Cleveland, que j’ai en bootleg. Un enregistrement incomplet d’une qualité médiocre provenant de l’audience. Quand j’ai su qu’une version plus complète serait remixé et vendue par Tangerine Dream, j’étais inquiet parce quand TD remastique ses vieilles choses, il ne reste que bien souvent la structure, on y reconnaît plus rien (Sohoman 82 et Soundmill Navigator). Alors que je m’attendais à l’aseptisation systématique de la méthode Edgar Froese, nous avons droit à 2 sublimes concerts aux atmosphères explosives. C’est Jerome qui en a fait le remastering, et il a pesé fort sur les percussions et effets sonores. Si Parisian Dreams était rempli de ses percussions tablas claires et limpides, je n’en n’avait pas remarqué une si forte présence sur Sonambulistic Imagery. Même si TD à laisser tomber les improvisations depuis la fin des années 70, les concerts des années 80 sont authentiques et sont plus pesants, plus rock. C’est ce qu’on ressent en ouverture avec Pilots Of Purple Twilight où les 3 claviers sont synchronisés au quart de tour, tout en respectant les structures sur un titre plus étiré qu’en studio. Stratosfear 86 ne jouit pas de l’accueil que le public Anglais et Français lui a réservé, ce faisant on y entend toute les nuances et les effets sonores ajoutés par Froese fils, donnant une superbe intonation à ce classique. Akash Deep et Beneath the Waves sont 2 pièces inédites aux sonorités très 86. Une belle flûte progresse sur des chœurs et une ligne séquentielle basse. Le titre monte en cadence sous une nuée de percussions assourdissantes et de grosses riffs synthétiques. Une folie concentrée qui se poursuit sur Beneath the Waves, et le tempo baisse lourdement pour faire place à un synthé plaintif qui ouvre les portes à la superbe version de Zen Garden. Cette 1ière partie ce termine sur une autre inédite, Coloured Rain qui plonge le public dans l’ambiance romanesque du piano de Paul Haslinger, qui joue quelques lignes de Logos, de l’improvisation pour introduire Dolphin Dance et les fougueux solos de synthés. Une superbe interprétation, avec une excellente sonorité qui découpe le morceau avec la précision d’un chirurgien. The Velvet Garden est une autre pièce inédite, aux beaux effets sonores, qui se moule bien entre Dolphin Dance et Ride on the Ray qui est plus rock, avec ses percussions martelantes et le gros solo d’Edgar Froese. Going West, Yellowstone Park, Underwater Twilight et Legend Leftover sont quasiment identiques à la version de Brighton, mais la finale est assume par Unicorn Theme, une remarquable interprétation, sans le coté vocal, qui est assumé par un superbe synthé aux strates rêveuses et mélancoliques. La tournée de 1986 est un grand moment de l’histoire de Tangerine Dream. Une tournée exceptionnelle qui est à la portée de tous, grâce à un superbe travail de restauration et de remastering par Jerome Froese, qui est Page 40/185 semble plus à l’aise aux consoles que sur scène ou que comme auteur compositeur d’un ex-monument comme Tangerine Dream Note : 5/6 Page 41/185 TANGERINE DREAM : Live Ottawa 1986 Chronique réalisée par Phaedream La 1ière portion des Bootmoon Series fut produite en 2004. Un total de 5 concerts; Montréal 77, Aachen 81, Paris 81, Sydney 82 et Ottawa 86 ont été sélectionnés pour être remasterisé et vendu en 10 000 exemplaires le concert, à des prix loin d’être une exemple. Je vous ai déjà parlé de Montréal 77, un bon concert, qui n’était pas mieux fait que son penchant des Tree, le Tangerine Tree Vol. 18. Même que ce dernier aurait pu être une production officielle, tant la qualité était bonne. Ce qui est loin d’être le cas avec ce Ottawa 86. Dans la série des Tangerine Tree, il y avait 2 catégories; les Trees, qui étaient des enregistrements de la console (soundboard) ou des très beaux audiences stéréos, et les Leaves qui étaient des enregistrements de seconde qualité, parfois c’est le seul enregistrement disponible. Ottawa fait partie des Leaves, ça vous donne une idée de la perception de la qualité du service de Bootmoon. Tout en sachant que de meilleurs enregistrements existaient (Cleveland et Brighton) TDI et Eddie ''Cashlow'' Froese ont donné leurs accords pour que Bootmoon produise un tel navet de qualité sonore, tout en sachant qu'on en possède de meilleurs. Pour l'éthique, on repassera! Et c’est là que le lien de confiance se perd. Lorsque l’on sait que son artiste préféré préfère les sous à l’intégrité artistique, il y a un problème. Parce qu’il n’y a jamais eu de déclaration d’affaires entre les 2 parties. Qui plus est, les pochettes des Bootmoon sont près de celles des bootlegs. Il y a peu d’informations et c’est plein de zones grises. Pourtant, ils ne sont pas des bootlegers. Ils ont leurs kiosques de vente à chaque concert de TD et ils ont eus leurs gros mots à dire pour faire arrêter la production et la distribution des Tree. La sortie de Preston 80, par Bootmoon a créé tout un émoi et ce fut le début du grenouillage de TDI pour faire cesser la distribution des Trees qui a 93 titres de très bonne qualité, dont une vingtaine sont d’ecxellentes qualités et 91 Leaves et crtains d’entre eux feraient rougir de honte certains distributeurs de bootlegs. Depuis 2002 c’est près de 195 titres qui ont été amassés, colligés et remasterisés par des fans qui ont fait un travail extraordinaire. J’avoue que j’ai un peu de misère à suivre TD dans son raisonnement, puisque ce sont ces fans là qui réussissent à maintenir le mythe vivant. Le seul mérite Ottawa 86 est d’être le plus complet des spectacles de 86. Au niveau sonore, c’est d’une pitoyable qualité. En dessous de moyen. Le son est étouffé et on y entend les commentaires assez clairs de l’audience. Disons que Stratosfear s’en ressent et c’est encore pire avec Bois de Boulogne, la pièce manquante sur Cleveland 86 et Brighton 86. Tout est flat et au même niveau. Les moments doux sont mieux et démontrent la piètre prise d’enregistrement. C’est une honte de mettre ça sur le marché. À date, cela n’a fait que discréditer la gang à Edgar. En toute honnêteté, ça ne vaut pas 1 sous et la version Tangerine Tree, qui est maintenant illégal, mais qui continue de circuler vaut bien cette version. D’ailleurs, selon les sources du milieu, c’est cet enregistrement que les gens de Bootmoon auraient choisi pour nettoyer et vendre. Eh bien la méthode semble avoir des ratées. Mais tout ça est très inquiétant pour les années à venir. Quelle vidange va-t-on essayer de nous passer? Est-ce que les bootlegs de qualité, les raretés que les fans et organisateurs de Tree, faisaient parvenir, en appui à ce projet, vont le faire avec Bootmoon? J’en doute. En ce qui me concerne Bootmoon va récupérer les meilleurs et va les vendre sans les retoucher, à gros prix. Des bootlegers autorisés par TDI, c’est un peu dérangeant. C’est Page 42/185 incroyable de vendre ça, avec une sous qualité de ce genre. Moi je n’y toucherai pas, mais si un Live de 86 vous tente, il y a Brighton et Cleveland. Deux sources vraiment retravaillées par Jerome Froese, qui a fait un travail de géant. Mais pourquoi ne pas lui avoir donné le remixage d’Ottawa 86? Ça aurait coûté trop cher, paraîtrait-il! Faudrait faire comprendre à Froese et sa gang que leurs lauriers commencent à sécher sérieusement. Note : 2/6 Page 43/185 JAMES TRIO (Bob) : Explosions Chronique réalisée par Progmonster Bob James. La seule évocation de ce nom fait frétiller des pupilles les dj's en herbe qui, depuis que la musique électronique pour dance floor dicte sa loi, ont su donner corps à leur travail en samplant à tour d'aiguilles le groove de sa trilogie "One", "Two" et "Three" parue sur Tappan Zee. L'écoute d'"Explosions" devrait pour le moins leur faire un choc. Car il s'agit du même Bob James, aussi incroyable que cela puisse paraître ! Alors chez ESP, son second disque est un gros pavé de jazz avant-gardiste, comme si l'artiste devait s'expurger d'emblée de cette approche honteuse qui jamais plus ne transparaîtra dans la suite de sa carrière, à mille lieues de sa musique pour supermarché (c'est en tout cas ainsi que je la perçois). Le trio est habillé par Barre Phillips à la contrebasse (que l'on retrouvera bientôt dans le Trio de John Surman) et Robert Pozar à la batterie, dont l'approche tout en percussions en fait un cousin proche de Han Bennink. Là où "Explosions" est encore plus étonnant, au-delà de ses compositions fracturées, de ces ambiances lourdes qui ourdissent un évènement tragique, entre cordes qui se tendent et touches d'ivoire qui s'affolent, c'est l'apport inédit et je serais même presque tenté de dire précurseur, d'effets électroniques préparés par Gordon Mumma et Bob Ashley, seulement crédités en tant que co-compositeurs. La musique contemporaine nous abreuvait déjà de ce genre de travail à l'époque, mais jamais encore n'avait-elle été se mouiller dans l'univers jazz. C'est chose faite ici, et de manière très concrète ; fusionnant avec le reste du groupe dans les parties improvisées, elles servent de toile de fond sur la seconde face où James et les siens réintroduisent sommairement leur sens du swing, histoire de créer un contraste fulgurant ("An On", puis le chaotique en diable "Wolfman" qui, à l'instar des musiciens du Titanic, continuent à jouer comme si de rien était alors que la situation s'aggrave de minutes en minutes vers une issue que tout le monde sait inéluctable). Étonnant. Note : 4/6 Page 44/185 BYBLOS : Energy Chronique réalisée par Phaedream Byblos m’est totalement inconnu. Dragos Cucos est un jeune synthésiste Roumain, faisant parti du label d’Indra; Perfect Music. De là à conclure que sa musique peut être influencé par Indra, le pas est mince. Mais non! Nous découvrons un artiste allumé, avec un goût pour le rythme, les séquences aux impulsions surprenantes. Un musicien dont l’influence est la MÉ, avec un zeste de Jean Michel Jarre. De quoi attirer l’ouïe. Une pulsation éveille les premiers mouvements séquentiels de Trance. Des séries de notes séquencées, à la Jarre, virevoltent sur une séquence circulaire aux percussions pilonnantes et aléatoires. Le tempo sort de son coin serré pour embrasser une liberté où les notes virevoltent sur des beats nerveux et saccadés, qui croisent un synthé aux souffles de trompettes. Un morceau sauvage. Waves of Light démarre sur une séquence circulaire aux notes rapides et agiles. Elles tournoient avec force sur des effets sonores analogues. Le seul vrai moment sur Energy où l’on peut faire un lien avec Indra. La séquence est furieuse avec ses notes qui tournent sur des percussions pulsatives et des nappes synthétiques aux enveloppes sonores à la Jarre. Une puissante tornade, au rythme infernal qui ferait bouger tout un plancher de danse. Avec ses bruits de grève, des cours d’eau et de ses mers, le doux piano qui berce Ocean Love est d’une tendresse à arracher quelques émois et soupirs de rêves, de nostalgie. Une douce romance sur piano après deux titres canons. Joy débute avec une belle séquence harpée où des notes cristallines façonnent un rythme mélodieux qui accentue sa séquence sur des tonalités graves. Une belle mélodie séquencée où le piano et la flûte se font discrète sur de superbes arrangements. Expansion est une superbe pièce avec un séquenceur bas et circulaire. Des notes sautillent dans un cosmos aux effets sonores analogues, emplies de stries filantes et des séquences parallèles qui structurent un rythme mélodieux qui n’est pas sans rappeler les 1ière œuvres de Jarre. Jean Michel Jarre semble avoir une forte influence sur Byblos, car Power of Dance est un autre titre Jarresque. Polyrythmique il exploite le coté dance de Jarre sur ce titre. La 1ière partie de Sinchrony forge son tempo sur les effets réverbérants d’une basse bourdonnante. Rythme bouclé, traversé d’effets analogues sur des notes variantes. Une seconde séquence arrive en mi parcours et sculpte une ligne mouvante aux formes harmonieuses, donnant toute une dimension harmonieuse à un titre qui connaissait un assez lent départ. Après le placide carrousel cosmique X-Trance, Travel In Time entame un tempo zombiesque aux notes à effets cascades sur un beat à la basse résonnante. Entrecoupé de passages atmosphériques, Travel In Time augmente son impulsion après chaque pause atmosphère, atteignant subtilement la forme d’un soft techno dance aux spirales mélodieuses. Plai Romanesc est une courte pièce atonique au mellotron flûté, à la flûte de Pan, qui dégage une chaleur nostalgique. Un sombre au revoir. Energy est un 1ier album prometteur qui inclut de beaux passages. À peine quelques longueurs, beaucoup de rythme, ce jeune musicien à le souci de la création, car à bien des endroits, il fait écarquiller les oreilles par ses orientations tout à fait insoupçonnées. Comme sur la 2ième partie de Sinchrony. Un artiste qui connaît l’art de surprendre est un artiste qui a le souci du détail, de sa création. Avec un tel éventail, Energy de Byblos est un opus et un artiste à découvrir. Page 45/185 Note : 4/6 Page 46/185 INDRA : Ocean of Silence Chronique réalisée par Phaedream Après les étonnants The Call of Shiva et Signs, Indra ré édite un autre titre de son catalogue, en nous présentant, cette fois-ci, un album ambiant. Ocean of Silence est conforme avec son titre. Pas de rythme, peu de mouvement, les impulsions sont lentes, entourées d’un monde marin à la cohésion aquatique. Mais derrière cet onctueux monde de silence, se cache une route imaginaire où la vie bat. Un monde que l’on voit très bien, aux travers les sensibles ondulations de notre claviériste philosophe. Une belle onde cosmique, aux souffles stridents, amène la rêveuse Choralia. Des notes carillonnent dans une ambiance où les effets sonores jettent un voile sombre. Dans un silence feutré, les notes de piano flottent avec un synthé aux incantations plaintives. La 1ière partie de Choralia est une forme d’ombre abyssale où les mouvements flottent lascivement, à la dérive. Une basse aux mouvements lents forme une impulsion linéaire hypnotique, où une nuée de courtes harmonies fragmentées tournent autour et s’y lovent, moulant une mélodie similaire à la basse. Éparpillées, ses courtes odes planent dans une atmosphère où le tempo naît. Une douce ligne synthétique oscille sur un mouvement de plus en plus garni qu’une fine percussion séquencée vient soutenir. Choralia muscle son tempo avec des percussions tablas, sur un mouvement ondulatoire ascendant. Les strates synthétiques deviennent plus denses, plus fermes et créent l’illusion d’un élan vers des sommets plus hauts, alors que Choralia se replie, avec sa nostalgie, ses souvenirs qui soutirent les larmes d’un océan qui conservent ses secrets. Floating Star est une poésie sur la nature halieutique. Un beau synthé contourne les bords d’une rivière que des chants d’oiseux coiffent d’une beauté imaginaire. Le mouvement est souple et animé par un beau piano aux résonances Vangelisques sur des vents qui ourlent les vagues d’un cours d’eau qui n’a racine que dans les lointaines steppes d’une civilisation vierge. Dans un univers sonore aussi atonique, les lourdes strates de Morning Light font l’effet d’une horde d’ombres ondulantes aux déplacements lourds et sinueux. Un mouvement lourd, animé par un souffle de vie aux pulsations horizontales, inondant les fonds marins d’une onde musicale à faire valser les hippocampes. Morning Light devient un superbe mouvement aux subtiles ondulations d’une beauté étonnante. De superbes notes et segments harmonieux décorent cette lumière d’une teinte vive qui illumine un silence habité par le silence. Ocean of Silence est un vrai album flottant. Pas une vieille esquisse qui gonfle les rangs d’un Nouvel Age insipide. Il y a tout un monde de fascination, de sensibilité et de complexité ondulatoire autour d’un vrai album flottant, planant de MÉ. Ocean of Silence est un album très profond, où l’on sent la tristesse et l’espérance. Un album sombre avec des bribes d’harmonies qui sont éparpillées dans un monde immensément vaste qu’Indra a réussi à créer aux travers son opus. Ce qui, selon moi, est la plus belle des qualités sur cet Océan de Silence. Disponible au http://www.indramusic.ro/ Note : 4/6 Page 47/185 MYTHOS : Mysteria - An Electronic Journey Into Sound Chronique réalisée par Phaedream Mythos est un mythe, une légende en Allemagne, Formé à la fin des années 60, par l’homme orchestre Stephan Kaske, ce fut l’un des premiers groupes à signer sur la prestigieuse étiquette OHR, en 1969, spécialisée dans la musique psychédélique, progressive et le Krautrock.. Inspirés par les groupes psychédéliques comme Pink Floyd, Genesis et Iron Butterfly, Stephen Kaste et ses compagnons de trio; Harald Weisse (basse) et Thomas Hildebrand (percussions), réalise des premiers albums assez psychédéliques avec flûtes, mouvements acoustiques. Par la suite le trio prend une tangente plus rock hard avec Strange Guys. En 1980, soit 8 ans après leur premier album, Stephan Kaske entreprend sa carrière solo, sous le nom de Mythos, pour tâter une approche plus progressive et plus électronique avec Quasar. De 72 à 80, Mythos a produit 5 albums, toujours en cherchant à aller plus loin. Mysteria c’est trois cd de 53 minutes chacun, avec 5 titres chaque dont la durée est a peu près identique. Un mystère ou une coïncidence? J’ai beau chercher d’autres indices, pour tenter de cerner le mystère, si mystère il y a, entourant un titre et une structure de présentation si étroitement reliés. J’ai rien trouvé Si je n’ai pas trouvé de mystère, j’y ai découvert de l’excellente musique. Une musique riche et très harmonieuse. Un mélange de rock progressif et d’électronique, mais de la MÉ différente de ce qu’on est habitué d’entendre. Sur Mysteria, il n’y a pas de ces longues intro atmosphériques, comme il n’y a pas d’ambiances cosmiques, ni d’effets spatiales. Pas de segments improvisés, ni de longs et sinueux solos de synthé qui étirent la durée des titres et il n’y a pas de pauses atmosphériques, ni de passages à vide. Tout est structuré, tout est pensé. Chaque titre est construit sur des séquenceurs aux rythmes appuyés par des percussions, un bon et puissant jeu de basse et des effets sonores qui ajoutent puissance et curiosité aux structures cadencées. Les synthés peinturent les paysages sonores de belles harmonies aux impulsions en constantes évolutions, sur des séquences modulatoires aux mélodies secondaires qui font les transitions entre les permutations. Ce qui donne parfois quelques longueurs, animées de percussions et effets sonores qui baignent agrémentent l’attente. Chaque titre semble être minutieusement passé dans un microscope auditif, où chaque faille est corrigée, chaque mollesse est redressée. Chacune des pièces est bien fignolées, bien adaptées et il n’y a aucun trou. C’est comme si Stephan Kaske aurait pris des semaines, des mois à travailler sa musique. Un artiste polissant constamment son œuvre. Les percussions sont incroyablement bien étoffées. Je ne me souviens pas d’avoir entendu un tel jeu de percussions sur un album de MÉ. Sur chaque titre, elles ré orientent les tempos ou modifient les structures par des martèlements lourds ou incisifs. Au niveau électronique, Stephan Kaske ne fait pas dans l’abus. Il y a quelques solos ici et là, le plus percutant étant un solo de guitare sur Pimp Your Guitar, mais les instruments électroniques demeurent la pierre d’assise de Mysterious. Dès le départ, avec Karakuri on est saisi par des strates émotives aux effluves asiatiques. Trois belles lignes forgent une mélodie émouvante qui nous berce sur un nuage de mélancolie. Mythos nous sert du beau synthétiseur aux mouvements fluides et aux effets ingénieux. Des lignes qui s’entrecroisent, qui se fondent ou se subdivisent en nuées harmonieuses sur des structures aux ondulations déviantes. Mysteria est une œuvre colossale. Imaginez, 3 cd et plus de 150 minutes de musique rythmée, sans délire atmosphérique ou psychédélique. Un sublime coffret où Mythos nous offre 15 titres qui bougent et respirent de Page 48/185 créativité. Du beau rock progressif noyé de synthé mélodieux aux souffles malléables qui épousent les formes et les structures de son auteur. J’ai été agréablement surpris par Mysteria, un étincelant coffret pour ceux qui aiment la musique. Disponible chez www.amazon.de Note : 5/6 Page 49/185 [´ramp] : Looking Back in Anger Chronique réalisée par Phaedream [´ramp] est un groupe de MÉ assez particulier. Formé de Frank Makowski (Tranquility) et Stephen Parsick, ce duo produit une musique sombre, ambiante aux effets industriels. Un mélange unique, qui parfois ressemble à du Redshift. De la MÉ Dark Ambient Industriel décrirait adéquatement le style musical de [´ramp]. Looking Back in Anger est une rétrospective qui retrace 10 ans de carrière, avec des pièces inédites. Toute la musique fut remixée et remasterisée, afin d’obtenir une sonorité maximale. Vous voulez entendre quelque chose de nouveau? De différent, suivez le guide. Bien que [´ramp] ait horreur des stéréotypes et des comparaisons, on ne peut éviter toute forme d’association avec la MÉ, style Berlin School, lorsqu’on entend The Warsaw Disaster, un titre qui ressemble beaucoup à du Tangerine Dream, justement à l’époque de Poland. Un départ canon sur un séquenceur sautillant et de superbes solos, sur un tempo bien en rythme avec de belles nappes synthétiques qui s’enroulent autour d’un mouvement spiralé. Vers la 4ième minute, le tempo ralenti de beaucoup pour prendre une tangente plus atmosphérique, la vraie nature de [´ramp]. Exploitant avec doigté les effets sonores sombres et ténébreux, de fines percussions, appuyées d’un synthé ascendant, remontent le rythme sur un mouvement très Tangerinerien. Les impulsions varient sur un mouvement giratoire, nappé d’un superbe jeu de synthé symphonique et de belles percussions. Un superbe morceau. Sakrileg am Mittag, de la même époque, est tout à fait à l’opposé. Une longue incantation aux effets vocaux tribaux, sur un mouvement aux intonations mouvantes. Bariolé d’effets sonores hétéroclites et de voix rauques, Sakrileg am Mittag progresse sur d’étranges nappes synthétiques que l’on mélangent aux voix incertaines. Une excellente atmosphère de terreur. Generatorenkonflikte offre une intro très industriel avec une basse aux pulsations très métallisées. Le rythme est flou et tourne autour de percussions aux impulsions d’aciéries, comme si on assisterait à un concert de machinerie légère. Un titre génial qui a, sans aucun doute, influencé certains dj de la techno. Tribejagd nous plonge au cœur d’un abîme sidérurgique où des tam tam tribaux, aux résonances métalliques, réveillent une superbe voix qui surgit des entrailles d’un monde souterrain. Les strates synthétiques sont superbes et injectent un tempo démoniaque, aux limites d’une horreur enchaînée. Une séquence bourdonnante émerge des entrailles de What´s the Point of Eating Concrete? Une 2ième séquence, aux notes plus limpides, double le mouvement avec un superbe solo de synthé. Scindé par un passage atmosphérique What´s the Point of Eating Concrete? reprend son lourd mouvement séquentiel, avec un zest de sonorité industrielle. Une superbe pièce, trop courte, qui plaira aux fans de Redshift. Looking Back in Anger, la pièce titre, est tout simplement jouissif. Après une superbe intro atmosphérique, où les riches nappes flottent aux travers de pulsations circulaires, un séquenceur émerge vers la 5ième minute, pour entreprendre un tourbillon séquentiel dément. Un cercle infernal où les striures et strates synthétiques traversent une atmosphère aux réverbérations multiples et exploratoires. Du grand art séquencé comme on en entend que trop rarement. À plein volume, la peinture lève. Absolument F-A-B-U-L-E-U-X. Après un mouvement aussi intense, l’ambiante So Far est bienvenue. Une réflexion sonore intense aux impulsions lentes, mais profondes qui se poursuit sur Scissors, à tout le moins son intro. Car après la barre des 3 minutes, le rythme s’anime sur des notes sombres et basses, cachant une fine mélodie qui tente de sortir des griffes d’un tempo tambouriné. Un superbe morceau aux Page 50/185 effluves d’un Redshift au sommet de son art. Quel album! WoW! Une expérience musicale à vivre. Tout au long de cette compilation, [´ramp] n’as pas arrêté de surprendre. Que ce soit de par ses rythmes, ses percussions, ses séquences tourbillonnantes et ses incursions dans un monde underground aux racines industrielles, Looking Back in Anger est un voyage musical fantastique, dans le temps et les genres. Disponible au http://www.doombient.com/start.htm Note : 6/6 Page 51/185 FOREST SILENCE : Philosophy of winter Chronique réalisée par Iormungand Thrazar Après trois demos, le premier album du groupe hongrois Forest Silence paraît chez Appease Me/Candlelight en novembre 2006. Il s'intitule "Philosophy of winter" et présente un black metal mid tempo, avec quelques élements symphoniques bien intégrés et plutôt discrets dans le mix. Le point fort du groupe est son interprétation musicale sans faille, le groupe consiste d'anciens et d'actuels membres des expérimentés Sear Bliss. Cependant, le black metal de Forest Silence, bien que remarquablement joué, souffre d'un son trop typé nordique à mon goût et d'un certain conformisme dans ses compositions et ce dès le titre d'ouverture "Bringer of storm". Je lui préfère les passages plus lents et intimistes du morceau qui lui succède, "Spirits of the winds". "At the dawning of chaos" continue dans la plus pure tradition scandinave. Cet album est un peu paradoxal: il est objectivement bon et plaisant à écouter, pourtant je trouve le conformisme rigoureux des compositions plutôt dérangeant. On a donc affaire avec "Philosophy of winter" à un premier disque correct mais qui souffre d'un manque flagrant d'originalité, cependant sauvé par une capacité instrumentale remarquable. Bref, vous passerez probablement un bon moment à l'écoute de ce premier Forest Silence, mais on l'oublie assez rapidement. Ceci étant dit, loin de condamner le groupe, Forest Silence se devra de développer un style plus personnel à l'avenir pour s’imposer comme quelque chose de réellement convaincant. Note : 3/6 Page 52/185 FURZE : Necromanzee cogent Chronique réalisée par Iormungand Thrazar Woe J. Reaper est une personnalité assez atypique dans le black metal actuel à en juger le layout de ses disques et le warning "Don't stop the Furzement" présent sur la réédition de son premier album "Necromanzee cogent", paru dans sa première version en 2003 chez Apocalyptic Empire Records et réédité en 2006 par Candlelight. The Reaper catégorise sa création en "Necro Saint black metal", ça ne veut absolument rien dire mais ça contribue au gimmick: le sieur se fout des conventions et trace son chemin. Un chemin assez personnel sur ce premier album. Furze alterne entre morceaux doomy lents et caverneux ("For the lust of darkness", "Dodsrikets fremtred") généralement longs de plus de dix minutes et pièces résolument plus black metal avec une voix assez originale (les excellents "Leizla" et "Silver starlight"). Une alternance qui passe remarquablement bien et qui permet d'aérer le disque pour éviter l'overdose et la linéarité. Le titre final "Sathanas' megalomania", oeuvre de 23 minutes, présente un morceau avec des claviers macabres en introduction évoluant par la suite vers un black metal chaotique, désorganisé et bordélique assez jouissif. Sur "Necromanzee cogent", Furze présente deux points forts: des compositions travaillées, efficaces et variées et des vocaux particuliers et très bien modulés. Un fort bon premier album qui met en avant un one-man band à l'identité déjà bien marquée. Note : 4/6 Page 53/185 [´ramp] : Oughtibridge Chronique réalisée par Phaedream Enregistré lors d’un concert au Jodrell Bank Radio Observatory le 23 Juin 2001, Oughtibridge est un titre hommage à un village situé non loin de Sheffield, endroit où ['ramp] se retirait entre ses concerts. Entièrement improvisé, Makowski et Parsick se sont surpassé pour offrir une prestation digne de leur créneau musical. Joué dans une noirceur, ce concert devient tout un évènement atmosphérique. Très caractéristique à ['ramp], de lourds bourdonnements ouvre la marche sombre de Dron(e)field. Procession lente, entourée de pulsations giratoires, qui tournent leurs fuseaux sonores sur un mouvement linéaire. Entouré d’effets sonores éparses et d’ombres ondulantes aux tempéraments ténébreux, Ozone est un festival de bourdonnements, de pulsations et de percussions aux sonorités variées, d’un xylophone à un glockenspiel. Dans une ambiance hermétique où tout est tissé serré, des notes cristallines se faufilent sur une ligne trampoline où les notes de basse rebondissent, comme les percussions aux sonorités industrielles, pour nourrir une courte séquence qui ressemble à un film d’horreur de Jason. Un titre incroyablement dense qui fera craquer les assises de votre voisin. Plus limpide, la pièce titre est une énorme flaque qui gravite avec intensité et qui s’enrichit de chœurs spectraux sur Ascension. Un mouvement lourdement ténébreux qui donne l’impression de faire sauter mon ampli à chaque répétition de sa charge sonore. Fibre arpente un titre plus nerveux, aux synthés menaçant qui explosent avec stupeur avec l’arrivée de Tool. Une ligne lourde et frénétique émerge d’une forte explosion pulsative. Un passage tellement puissant avec ses violents solos que les planchers en vibrent. Une courte baisse dans ce régime de puissance, faisant respirer les pauvres lattes de plancher, et Tool repart de plus belle, arpentant les summums sonores de sa lourde séquence pulsative. Bien que tout autant frénétique, la séquence baisse en puissance, conservant son âme de rebelle qui s’insurge contre toute tentative de tranquillité environnementale avec ses longues pulsations giratoires aux intonations variées. Un bon titre qui, même à pleine puissance maîtrise la perfection sonore de sa ligne hyper lourde. Un incroyable balancement qui s’étend aux pulsations métallisées et ambivalentes de Dune. Un titre flottant aux formes tranchantes qui se réfugie dans le silence abyssal de Lovell, dont les grondements amplifient à la croisé de Stern. Un titre étrangement ressemblant aux mouvements de Chronos, ce sombre album de Michael Stearns. Sur les derniers moments de Stern, une pulsation mue dans une atmosphère lugubre et métallique où effets sonores créent une ambiance de schizophrénie latente. Tranquillement Spinegrinder s’agite en fébrile tempo sur une brève mélodie limpide qui, malgré sa douceur, fait l’effet d’un coup de poignard dans cette noirceur envahissante. Tout est anarchie et se divise en tous les sens. Une cacophonie délirante qui retrouve sa cohésion harmonieuse avec l’apparition d’un séquenceur agile et d’un synthé agressif aux strates acérées, refoulant Spinegrinder dans ses limites atmosphériques. No Hard Shoulder termine ce spectacle sur un mouvement séquentiel saccadé, enrobé de sulfureux solos de synth qu’une belle strate violonée couvre de douceur. Un moment intense qui atteint son paroxysme lorsque les instruments se rencontrent au même point. Une symphonie électronique improvisée qui se termine dans la quiétude d’une séquence qui s’éteint doucement. Fermez toute les lumières, mettez le volume un tout petit peu au dessus de la ligne du milieu et écoutez. Vous vivrez l’expérience ['ramp]! Oughtibridge est un album d’atmosphère, aux séquences lourdes, qu’il faut savoir Page 54/185 écouter, comme l’on sait déguster un aliment rare. Un album puissant avec des passages ambiants d’une lourdeur attirante qui nous scie le souffle, lorsque les séquenceurs courent en courant continu. ['ramp] explore des territoires qui nous sont inconnus, pour le plus grand plaisir des mélomanes à la recherche d’étrangeté. Pour apprécier un petit bijou comme Oughtibridge, donnez-vous au moins la chance de faire une 1ière écoute complète. Même chose pour le duo; plus je l’écoute, plus j’aime ça. Et plus j’aime ça, plus je l’écoute. C’est le syndrome ['ramp]! Disponible au http://www.doombient.com/start.htm Note : 5/6 Page 55/185 MAMMATUS : S/t Chronique réalisée par Progmonster J'ai encore quelques disques promos qui trainent. Ils attendront. Là, tout de suite, j'ai envie de vous parler de Mammatus. Ouais, man, ça se passe comme ça chez Proggy. Mais attends ; faisons les choses convenablement. D'abord, tu t'installes, bien à l'aise dans ce qui te sert de divan d'où dépassent un ou deux ressorts. Voilà. Tu t'enfonces. C'est d'enfer. Et pour être sûr que tout se passe dans les meilleures conditions, je vais pousser le volume à fond, histoire que la déflagration qui sortira des enceintes crée un petit courant d'air agréable à même d'alimenter les effluves parfumées des bâtons d'encens disposés sur la table basse. Tu y es, man ? Ok. On est go. (le disque commence) Merde... Quand j'écoute du stoner, ça me fait toujours le même effet. Est-ce que je suis définitivement un vieux réac' (la réponse est dans la question) ou est-ce que, finalement, on est bien plus nombreux que je le crois à ne trouver que dans les sons et l'approche seventies tout ce sel, toute cette aura qui donne à la musique cette dimension unique que beaucoup de nos contemporains n'ont pas ? Mammatus n'est pas rétrograde. Je veux dire ; le groupe ne se contente pas de regarder dans le rétroviseur. Si Earthless fût pour moi la révélation tardive mais ô combien jouissive de 2005, Mammatus s'impose comme celle de 2006. Sleep, c'était ta came ? Ne va pas plus loin, tu vas adorer. D'ailleurs, le hasard (?) fait bien les choses ; ils sont signés sur leur label, Holy Mountain ; tout s'explique... (le disque se poursuit) Ouah... je divague. Mes propos deviennent confus, nan ? Enfin, je me comprends. Je veux dire... Ah ah, c'est trop bon. Non, mais attends ; j'hallucine ? Ouais mais non, l'aspect drone n'est pas aussi prépondérant ici c'est clair ; c'est plus abstrait, ça voyage quoi, c'est plus musical aussi, dans le sens où la guitare très acide préfère s'agiter dans tous les sens comme une anguille plutôt que de maintenir ad lib un riff bien lourd. Ouaip. Mais si le final de "Dragon of The Deep" te fait pas penser au Sabb, c'est que t'es devenu sourd, mec. Hun... Nan... J'ai des fleurs dans la tête. Ce disque tourne en vrille. Ce disque... (le disque tourne. Indéfiniment) Note : 5/6 Page 56/185 LA DIAGONALE DU FOU : La forme du vent Chronique réalisée par Progmonster "La Forme du Vent" est une autoproduction super bien torchée que l'on doit à un trio parisien basse/guitare/batterie des plus classiques qui exerce ses talents depuis 2003. Je considère être ma foi (malheureusement) plutôt assez bien placé pour savoir combien il est difficile de trouver le parfait équilibre, le liant essentiel, qui permet aux musiques au parti pris exclusivement instrumental de ne jamais sombrer dans l'ennui. La Diagonale du Fou a pour lui une production à la hauteur, mettant judicieusement en valeur les différents instruments qui jamais ne saturent l'horizon. La construction méticuleuse des morceaux, se déployant sur le scénario prévisible de la lente montée en puissance, emprunte ce tic au post rock tout en sonnant diablement plus métal. Nuancée et délicate, cette musique n'est pas dépourvue de couleurs malgré l'absence de véritables solii. Un bien ou un mal ? On verra plus tard. Et si on a droit à quelques rares riffs appuyés, si de toute évidence le groupe prend du plaisir à alterner thèmes et tempi différents afin de soigner leurs contrastes, de manière générale, on dira que nos parisiens privilégient avant toute chose la création d'atmosphères qui se veulent prenantes, tendues, obsédantes. Mais pour cela, il faudra toutefois renouveller l'expérience à plusieures reprises pour tenter de se convaincre de l'absolu pertinence de leur propos. Vous l'avez lu, pour un jeune groupe, et selon mon point de vue, La Diagonale du Fou n'est pas avare en qualité. Cependant, je reste encore et toujours sur un avis mitigé. Il me manque quelque chose de fondamental que pour pouvoir y adhérer complètement. Je ne sais pas ; un chant, ou alors - puisque le groupe n'en veut pas des thèmes plus forts, plus accrocheurs, plus immédiats. Quelques timides envolées n'auraient certes pas fait de tort à l'ensemble. De quoi pouvoir rehausser les dynamiques à la façon d'un Dysrhythmia tout en prenant garde de ne pas commettre à leur tour l'erreur des démonstrations inutiles. Le groupe a clairement les capacités de nous offrir une suite à la hauteur de ces espérances. Note : 3/6 Page 57/185 ASH RA TEMPEL : S/t Chronique réalisée par dariev stands Peu de disques font l'effet de provenir d'une entité "autre" avec la même force que ce premier Ash Ra Tempel. Et pourtant, il fut bien l'oeuvre d'humains. Manuel Göttsching, guitariste visionnaire et leader du groupe, accompagné de Hartmut Enke à la basse et de Klaus Schulze à la batterie (un personnage que les lecteurs de guts connaissent bien depuis quelque temps) forment le groupe le 24 Aout 1970, alors que Enke vient de ramener de Londres une foultitude de matos de studio et de scène, matos qui appartenait à l'origine à Pink Floyd ! Vu l'usage qu'ils vont en faire, l'anecdote est croustillante (serait-ce celui exhibé au dos de la pochette d'Ummagumma, et qu'ils se sont fait voler peu après ?). A la vue du dit matos, Schulze ne tient plus et rejoint les compères. Ce dernier, en charge d'une frappe monolithique et tribale totalement indépendante des éructations de Gottshing, venait tout juste de quitter Tangerine Dream à l'époque. C'est par lui que le groupe fera la connaissance de Rolf-Ulrich Kaiser, fondateur du label OHR, qui sera assez fou pour sortir cet album en 1971. Pas mal de bonnes fées se sont penchés sur ce premier album "monstre" (comme il a été désigné à l'époque), si l'on inclut aussi Thomas Kessler, propriétaire du Beat Studio et mentor du groupe (et d'Agitation Free), ainsi que Conny Plank, fameux ingé-son qui produit l'album avec un certain James McRiff (ça ne s'invente pas !). En effet, nous sommes ici aux confins du royaume prétendument infini que les anglo-saxons appelaient alors "psychédélisme". Ici, la règle est simple (et sera déclinée sur beaucoup de disques krautrock, puis sur la trilogie berlinoise de Bowie) : une face A guitaristique et rythmée, et une face B électronique, en mode défrichage d'espaces inconnus, en roue libre. Un genre de dogme qui laisse le champ libre à toutes les expérimentations, et les Ash Ra Tempel ne se privent pas. Quand on tombe sur un tel objet sonore, qui - cela va de soi - laisse loin derrière les timides incartades "space rock" de groupes comme le pink floyd de l'époque, pour décoller vers des confins insoupçonnés, on redéfinit forcément son approche. Je ne pense pas chroniquer des disques de la même façon après celui-ci. Ces types, derrière leur apparence de hippies en jeans-baskets et longs cheveux blonds, sont des sorciers. Autant que Can, me direz vous, ou Amon Duul, Cluster, Harmonia ou encore Kraftwerk. Mais ici, on touche à une sorte de mystique insaisissable, quelque chose qui n'a été capté qu'une seule fois (allez, peut-être qu'Hawkwind...). De toute son être, cette musique appelle à autre chose qu'une simple écoute, mais à quoi ? Poussant le précepte Face A psyché/Face B ambient à son paroxysme, les 3 musiciens se limitent à un seul morceau par face. "Amboss", décharge hendrixienne propulsée par le feedback et les effets d'échos vertigineux, semble d'abord se jouer au ralenti, puis finit en une cavalcade qui semble être accélérée. Entre temps, aucune cassure. Juste une montée en puissance à faire pâlir Godspeed avec solo de guitare qui brule infiniment sans jamais se consumer. Décollage vertical, mais comme Hendrix le disait, impossible de savoir si l'on va en haut ou en bas, vers la voie lactée ou vers les abysses terrestres. Une chose est sûre, là ou l'on va, il y a beaucoup d'espace, et aucune âme qui vive. Pendant que la section rythmique esquisse quelques motifs orientaux, la guitare fonce bille en tête comme une fusée vers l'inconnu, traversant des nuages de feedback, des piscines de reverb galactique, et bien sûr, des troupeaux de wah-wah sauvages. Seul Hendrix savait les dompter, et il faut les voir ici dans leur milieu naturel, bref, il faut voir l'usage de Göttshing fait de la pédale CryBaby (vers 12min50). Encore plus long, "Traummaschine" est un périple en "terra incognita" de plus de 25 minutes (on frissonne à l'idée d'imaginer ce qu'ils auraient fait sans les limitations du support vinyle), la bande-son d'une excursion dans les entrailles d'une pyramide égyptienne... Page 58/185 L'auditeur, transposé en Indiana Jones musical le temps d'une face B, s'enfonce dans les galeries, avant de rebrousser chemin, pris de panique devant sa découverte; puis de se faire happer par les éboulements déclenchés par sa course effrénée vers la sortie. Cela semble se jouer à des milliers de pieds sous terre. Dissolution des formes dans l'eau d'ébène. Evanouissement du rythme derrière des bruits de gouttes, comme provenant d'une rivière souterraine. Ces gouttes qui tombent résonnent d'un écho sinistre dans leur solitude infinie. Pris d'un élan sépulcral, le tombeau oublié d'Ash Ra laisse s'échapper les dernières clameurs de son peuple prisonnier de ses sarcophages millénaires en formes de râles indéchiffrables (claviers ? cordes ? effet sur la guitare ?) vers 16min30. Dans ce caveau humide vierge de toute présence humaine depuis des lustres, l'eau stagnante - la seule forme de vie qui subsiste encore - semble soudain prise de soubresauts étranges. Serait-ce une entité vivante ? En tout cas, son réveil a provoqué l'effondrement du tombeau. Ses secrets resteront a jamais enfouis sous les éboulis, à l'abri du regard des mortels, prisonniers de la volonté séculaire de son créateur, fusse-t-il humain, pharaon ou même le dieu soleil lui-même. Note : 5/6 Page 59/185 BEREAVED : The spirit driven by hate Chronique réalisée par pokemonslaughter Dire que j'ai failli me faire avoir !!! Cette grosse prod', ces gros riffs, ce gros dynamisme, Bereaved un groupe de gros ? non même pas. Ce "spirit driven by hate" est un (gros) soufflé, le genre de disque qui vious explose au premières écoutes et qui s'oublie aussi vite. Alors pfff, un peu marre de toujours tenir le même discours, cet album, signé chez Konklav (entendez Deadsun records maquillé), c'est un peu comme les disinter, Shadows Fall etc, c'est cool bien produit mais ça me procure pas grand chose. Bon je l'avoue, ce Bereaved c'est quand même assez au-dessus car la hargne est bien présente du début à la fin, le jeu du batteur, ultra dynamique, sauvant un groupe se perdant dans un exercice de style dont il n'avait sûrement pas besoin au vu de ses qualités harmoniques et "riffiques". Le pire restant quand même quand le groupe s'essaye à des breaks heavy/death mélo, complètement inutiles et mal foutus... Enfin bon, quand on voit que l'argument principal de la bio et que ces gars sont super potes avec Ritual Carnage on peut devenir vite suscpicieux... Mais non finalement, le plus gros défaut de cet album restera sa longueur et sa répétitivité (chaque morceau se ressemble beaucoup trop), car en terme d'efficacité et de "puissance de feu", Bereaved n'a pas grand chose à envier aux grands du genre : dynamisme, riffs ultra brutaux, breaks efficaces, accélérations opportunes, l'exercice de style est très réussi... Et à vrai dire, on pourra même dire que je suis un peu mauvaise langue concernant la répétitivité des riffs, car certaines harmonies sont vraiment bien senties (d'où le 4/6), parfois d'obédience black metal, parfois carrément dark metal ("the storm master", la petite bombe de l'album), ceux-ci font souvent mouche dans leurs parties mélodiques,un peu à la Necrophobic dernière période, les parties brutales demeurant très conventionnelles bien qu'efficaces... Ajoutez à cela un chant bien arraché et hargneux, dont la prononciation "à la japonaise" renforce encore cet aspect "on va en découdre", et vous avez un album de death/thrash plutôt mélo qui vous tiendra en haleine un petit moment, sans non plus réellement tout péter... Un bon disque tout simplement. Note : 4/6 Page 60/185 ARKAN : Burning flesh Chronique réalisée par pokemonslaughter Je vois les mauvaises langues venir d'ici, ouille un groupe de death metal se revendiquant d'influences orientales, et qui plus est composé à 90% de maghrébins... Dans un milieu où les préjugés et "traditions" sont nombreuses, je sens que ça va jaser... Bref quoiqu'il en soit, Arkan, comptant en son sein Foued, batteur de The Old Dead Tree, nous propose ici son premier maxi et le résultat est fort sympathique. Le groupe évite la surenchère de violence et donne plutôt dans un death assez old school -quand je vous disais que cela revenait à la mode- mâtiné de quelques harmonies vaguement orientaux et quelques arrangements tribaux bienvenus (claviers, percussions, samples un peu cheaps...). Alors soyons honnête, si le groupe ne me convaint absolument pas sur ce côté "atmosphérique", il se montre en revanche beaucoup plus efficace dans ses parties les plus brutales. Les riffs sans être géniaux sont ainsi très bien mis en valeur par des rythmiques simples et bien trouvées, une espèce de recette déjà trouvée il y a dix ans mais qui marche toujours autant. Petit solo à la Death, riffs parfois thrashy ou mélodiques d'autres moments carrément brutal death, chant classique mais toujours de bon ton, Arkan sans réellement casser la barraque (en effet, finalement tout a quand même déjà été entendu) parvient à proposer 20 minutes tout simplement fort plaisantes, qu'il est très bon d'écouter à plein volume. En attendant un full lenght dôté d'une meilleure prod' et d'une meilleure intégration des influences orientales, voici donc un bon petit maxi de death comme cela fait plaisir d'en entendre... Note : 4/6 Page 61/185 SOLACE OF REQUIEM : Utopia reborn Chronique réalisée par pokemonslaughter Oh ! Ils ont même fait un second disque.. Ca devient rare, nous, pauvres chroniqueurs étant habitués aux promos pourris "one shot" : un disque (de merde) et puis c'est le split dans l'anonymat le plus total... Bon, Solace Of Requiem, ce n'était pas non plus complètement daubé, juste super commun et sans grosse efficacité. Et bien avec ce "Utopia Reborn", le groupe passe un cap. Gros paquet sur la promo, boitier dvd, photos promos sur papier kodak photo (!!!), partie cd-rom ultra complète... Ouais bon ta gueule, la zik elle vaut quoi ? Et bien, si le groupe reste cantonné à un death metal assez conventionnel malgré quelques avancées dark (leads de ci et là, harmonies diverses...), ces ricains sont parvenus à proposer des compos tout à fait intéressantes, riches et efficaces. Exit les influences trop nordiques, le groupe revient à une efficacité toute américaine, citons pêle-mêle les vieux Deicide, Malevolent Creation, avec mêmes quelques incursions dans le gros brutal death façon Hate Eternal (l'intensité en moins malheureusement). Et là je crois que je n'ai plus grand chose à dire, c'est du death metal quoi avec quelques côtés thrashy par moment, voire même Bolt-Throwerien (toukours un peu pauvre), puissant mais pas trop, inspiré mais pas débordant... Bref, un disque assez passe-partout, que j'imagine très efficace live, mais sans grands coups de génie. Je tenais en fait simplement à montrer l'evéolution par rapport au disque précédent, ici tout est mieux et surtout digne d'intérêt pour un amateur de death metal... Après quant à la grande explosion dont rêve le groupe au vu de sa promo monstrueuse, je crois que les gars vont encore devoir bosser, mais nul doute qu'ils en sont capables... Et je ne dis pas ça souvent. Plaisant. Note : 4/6 Page 62/185 ZORN (John) : Moonchild Chronique réalisée par Progmonster Zorn n'est jamais aussi bon que quand il met ses idées en pratique grâce aux autres. Et pour "Moonchild", les autres ce sont Mike Patton, Trevor Dunn et Joey Baron. Belle affiche. Sur papier, le compositeur américain nous raconte que son inspiration pour le projet, il a été la puiser du côté de Aleister Crowley, Antonin Artaud et Edgard Varèse ; une autre belle brochette de références qui titillera notre curiosité mais, très franchement, à part alimenter son côté artiste sérieux qu'il prend parfois plus de soin à entretenir que ses propres disques, je n'y attache aucune importance. Devrais-je ? Je ne vais pas perdre mon temps - ni faire perdre le vôtre - à essayer de voir de quelle manière les enseignements laissés par les trois maudits se retrouvent dans ses onze nouvelles compositions. Qui dit Zorn en trio pense Painkiller. Qui voit Dunn et Patton pense Fantômas. Ce sera en effet du côté de ce dernier qu'il faudra aller chercher un parallèle. Le saxophoniste ne participe pas mais dirige le groupe, à l'instar de ce qu'il a toujours fait avec Naked City. Et on sent bien cette main mise au détour des chemins obliques qu'empruntent parfois les morceaux ("Ghost of Thelema", "616", le très Ruins "Le Part Maudit"). De ce point de vue, "Moonchild", contrairement à un "Amenaza Al Mundo", possède une cohérence et un aplomb que tous les essais à moitié réussis de Fantômas n'ont jamais eu. En digne héritier de Bill Laswell, Trevor Dunn occupe l'espace et utilisant sa basse pour générer des ondes de choc. Joey Baron se montre prodigieux en maître vaudou guidant cette procession cabale. Quant à Patton, à part eructer comme il le fait d'habitude, il en surprendra plus d'un à donner sa meilleure personnification de Captain Beefheart ("Possession"), voire Tom Waits (cfr. la plage titre). Sur "Moonchild", John Zorn et les siens jouent à se faire peur, à nous faire peur aussi. Le résultat est à la hauteur, plus noir, malsain et malade que purement agressif. Note : 5/6 Page 63/185 ZORN (John) : Astronome Chronique réalisée par Progmonster Déjà deuxième installation de cet ambitieux nouveau projet du compositeur américain à seulement six mois d'intervalle (espérons qu'il sache s'arrêter à temps cette fois), "Astronome" qui se veut sans doute plus extrême que "Moonchild" dans son approche, me semble surtout beaucoup plus confus. Articulé autour de trois longues pièces aux thèmes bien distincts si bien que l'on peut compter en réalité sept titres au lieu de trois en l'absence d'indexation appropriée, l'exercice de style charrie avec lui plus que jamais l'odeur de Fantômas, celle de "Delirium Cordia" en particulier. Quand on connaît mon amour immodéré pour ce chef-d'oeuvre incompris de ce début de vingt-et-unième siècle, il n'y a aucun mystère à déceler quelle sera mon appréciation générale au sujet de "Astronome". L'acteur de l'ombre qu'est John Zorn semble particulièrement en retrait ici, faisant le choix volontaire de laisser les principaux acteurs de ce spectacle sonore jouer en roue libre, ce qui nous apporte un nombre considérable de longueurs inutiles. De fait, on a droit à quelques belles démonstrations de la redoutable efficacité dont sait faire preuve la paire rythmique constituée de Trevor Dunn et Joey Baron, indivisibles comme une paire de fesses ("A Barren Plain at Midnight"). Pour autant, je ne me fais aucun soucis pour les amateurs éclairés qui, quoi qu'il arrive, ne verront aucune utilité à reçevoir un avis extérieur sur ce qui leur semble, de prime abord, être tout simplement un grand disque. Comment pourrait-il en être autrement ? Vu les artistes impliqués (y a même Laswell à la console)... À choisir, je préfère quand même "Moonchild", déclinaison plus succinte et, me semble-t-il, bien plus efficace, d'un même thème auquel "Astronome", dans l'absolu, n'apporte strictement rien. Reste l'objet, de toute beauté, qui représente à mes yeux le seul véritable argument de vente capable de faire plier les réticents comme les plus indécis. Note : 3/6 Page 64/185 YAKUZA : Way of the dead Chronique réalisée par Progmonster Ce qu'il y a de bien à Chicago, c'est qu'il y a Ken Vandermark. Les excités du bulbe de Yakuza le savent bien, et auraient eu tort de se passer de ses services, eux qui habitent la même ville, eux qui parviennent avec une rare sagacité à insuffler un véritable souffle free jazz à leurs assauts hardcore. Faut dire aussi que Bruce Lamont, hurleur attitré des Yakuza, palpe lui aussi des lèvres le bec de ce superbe instrument qu'est le saxophone. Ça aide. L'éloquent "Chicago Typewriter", un peu tiède, "Obscurity", mais surtout "Vergasso", qui déboule à du trois cent à l'heure sur des rythmiques qui se tendent et se détendent, en sont les manifestations les plus concrètes. À côté de ça, un titre comme "Miami Device" (joli clin d'oeil au passage) nous résumera en quatre minutes montre en main tout ce que System of A Down a volontairement ou non oublié de demeurer. C'est heureux, parce que ce System of A Down là, je pense ne pas être le seul à le regretter. Mais dans le même temps, "Way of The Dead" nous montre que Yakuza n'est pas encore tout à fait parvenu à développer son propre univers, comme ce sera le cas sur "Samsara". Cette tranche de violence compacte, tributaire de Anthrax par instants ("T.M.S.") est suivi d'une incroyablement longue plage beaucoup plus atmosphérique, culminant à plus de quarante trois minutes alors que les six titres qui le précèdent n'en font que vingt-sept tous réunis ! Parti pris audacieux et payant qui donne toute son aura au disque. On aurait tort de zapper cette plage, bien que je conçois que sa durée puisse en décourager plus d'un. Car je ne suis pas loin de croire que "Way of The Dead" n'a de sens que si l'on écoute ce gros pavé, sorte de "Leng Tch'e" planant, usant de la même technique studio que "In A Silent Way" et dont l'extrême tension vous prend à la gorge parce que justement le groupe fait sciemment le choix de poursuivre ses errances sans se laisser aller aux débordements faciles que d'aucun aurait souhaité. Un album qui vaut donc largement le détour. Note : 4/6 Page 65/185 UFOMAMMUT : Snailking Chronique réalisée par Progmonster Allons bon... Si les italiens se mettent aussi au stoner, désolé, mais je ne réponds vraiment plus de rien ! Qu'on se rassure ; heureusement ils nous évitent la pochette de mauvais goût, bien que j'en soupçonne quelques uns qui seraient encore capable de faire la fine bouche au sujet de celle qui donne si bien son identité à "Snailking", leur déjà second album. Monochrome. Mystérieux. Intriguant. Revêche. Et hypnotique. Ça sature d'entrée de jeu avec "Blotch" et ses infrabasses telluriques sur fond de bande sonore sf. La spécificité première des Ufomammut n'est pas le chant comme on aurait pu le craindre - du stoner en italien, ça vous dit ? - le plus souvent il est étouffé, lointain, derrière le mur d'effets omniprésent qui guide la musique. En l'occurence, il s'agit du synthétiseur sur base duquel les opinions ont par ailleurs le plus de chance de se scinder. Entre gargarisme à la pothead pixies et modulations contrôlées à la "Space Ritual", les sons utilisés sont souvent fort typés et contrastent pas mal avec la puissance dégagée par le trio basse/batterie/guitare. Tout n'est pas réussit sur ce disque, mais son homogénéité singulière force l'adhésion. "Odio" est particulièrement agréable ; ça commence comme du Kyuss, puis on se laisse emporter sans trop s'en rendre compte dans des espaces plus aérés mais toujours aussi pesants, coup de frein révélateur de beauté noire dont la lenteur rappele les rêves apocalyptiques mis en musique par Steve Von Till et ses joyeux drilles. De vous à moi, je n'aurais jamais cru une seule seconde que le space rock comme on l'appelait jadis allait faire autant d'émules à notre époque ; à se demander si cet engouement avéré ne répond pas au désir de plus en plus grand parmi nos proches de vouloir échapper de toutes les manières possibles et imaginables à la réalité. Le refuge proposé par Ufomammut est celui d'un tourbillon gluant et opaque. S'y complaire jusqu'à le trouver accueillant nous donne une idée à quel point la situation de ce côté-ci de la barrière est devenue préoccupante. Note : 5/6 Page 66/185 SULA BASSANA : Dreamer Chronique réalisée par Progmonster On continue dans le trip retro avec Sula Bassana, un one man band qui cache très bien son jeu. En effet, difficile de croire que "Dreamer" est le travail d'un seul et même homme tant le travail accompli ici est maîtrisé de bout en bout mais, plus encore, jouit d'une osmose parfaite qu'on ne trouve généralement qu'au sein d'un groupe. Cette expérience collective, Dave Schmidt - le nom civil de l'hurluberlu qui se cache sous le pseudo de Sula Bassana - y a déjà goûté et plus que de raison puisqu'il a déjà roulé sa bosse dans d'autres formations aux accointances psychédéliques elles aussi, telles que Liquid Visions ou Zone Six. Mais notre ami allemand semble bien décidé à devenir l'anti-Steve Wilson en prenant la même trajectoire que le britannique, mais à rebours ! "Dreamer" est la preuve irréfutable qu'il est possible de réaliser un disque de rock planant en solitaire sans pour autant faire de concessions douloureuses aux machines qui n'ont toujours pas compris ce que le mot organique veut dire. Vous me voyez venir ; je serais d'une mauvaise foi crasse si je venais à me servir de cette chronique en tant que tribune libre pour refaire le portrait, une fois encore, au piteux "On The Sunday of Life...". Je préfère être constructif ; j'invite donc ceux qui le peuvent à se ruer sur cette réédition cd (l'album fût publié au départ sur 33tours uniquement) et ainsi constater par eux-mêmes autant tout ce qui divise (l'élaboration de véritables chansons pour l'anglais, celui de s'exprimer surtout par le biais de la musique pour Schmidt) que tout ce qui (ré)unit les deux projets, à savoir leur admiration sans bornes pour Pink Floyd, Sula Bassana poussant le vice jusqu'à interpréter l'inédit "Bay Blue Shuffle in D Major" pour clôturer l'album. Malgré quelques parties de guitares endiablées ("My Blue Guitar"), rien de vraiment violent à se mettre sous la dent ; juste un périple agréable dans lequel on s'enfonce avec délectation, nos membres s'engourdissant à mesure que l'on contemple ce crépuscule ambré qui s'abat sur nous. Note : 4/6 Page 67/185 VAN BOGAERT (Frank) : Nomads Chronique réalisée par Phaedream Voyager sans bouger. Être nomade par la pensée, l’illusion. C’est un peu ce que Frank Van Bogeart nous offre avec son 7ème opus, Nomads. De Janvier 2005 à Octobre 2006, le musicien Belge a façonné un album aux arrangements sublimes. Douze titres flamboyants, où les rythmes se moulent harmonieusement avec de délicates symphonies, de belles mélodies orchestrales que le musicien Belge a su développer et structurer avec les années. Un bel album avec un très beau livret où 12 photos nous accompagnent dans cette migration virtuelle, où le chef d’orchestre nous réserve quelques petits bijoux musicaux. Un bourdonnement se fait entendre au loin, comme un long appel menaçant. Cette intro se métamorphose en une superbe mélodie soufflée sur un hautbois. Une fine ligne, doublée d’un gracieux mouvement de la basse, se transforme en strate synthétiques valsante, qui se subdivise en milles harmonies. Une Ouverture pompeuse, sur de bonnes percussions roulantes et un synthé symphonique qui arrache quelques soupirs nostalgiques. Cette introduction à Nomads est tout à fait conforme au style de Frank Van Bogaert. Tout au long de ce nouvel opus, il nous transporte d’un continent à l’autre, d’une époque à une autre, avec de superbes arrangements, des échantillonnages discrets, mais très efficaces. Si l’intro m’amène aux arènes Romaines, Crack the Blue Sky me transporte sur les quais de la Grèce antique avec une onde synthétique qui crescende pour s’épanouir sur une ligne hésitante et syncopée. Chœurs et refrains sont emprisonnés dans un cercle séquentiel aux notes résonnantes où Crack the Blue Sky explose sur une ligne aux pulsations synthétiques entraînantes. Un tourbillon agressif et statique qui vrille sur de grosses percussions, de bonnes strates enveloppantes et valseuses. Un titre intense aux arrangements orchestraux poignants comme Ritual qui nous secouera les sentiments vers la fin de l’opus. Nomad est un autre titre très orchestral avec ses somptueuses envolées synthétiques denses et harmonieuses, qui libèrent ses chœurs Greco romains à la Vangelis. Furious Jam est un titre avec une séquence coulante qui ondule sur une tonalité rauque. Ambiance moderne, voire jazzy, elle est surplombée de synthés menaçant, alors que le séquenceur devient plus bouillonnant, amenant un tempo saccadé, qui respire sur une puissante batterie. Un titre tranchant dans cette atmosphère symphonique. Aquatopia est une belle mélodie qui nous touche profondément. Un doux clavier serpente ses accords sur les harmonies d’un piano. Une percussion pendulette sculpte un tempo romanesque qui s’entend fort bien avec le piano. Une petite chorale de voix féminine enchante nos oreilles au-delà des gerbes d’eau qui entoure cette belle mélodie qui se transforme en ballade rythmée avec grosses caisses et gros orchestration afin illuminer nos oreilles pour un dernier tour. D’autres beaux titres comme on en entend beaucoup sur Nomads, doux et soyeux comme les symphoniques Mont Blanc, Blue Down There et Heat. High qui est une sorte de Aquatopia, mais en plus accéléré, comme Drive où l’intro me rappelle Arpegiator de Jean Michel Jarre. Là s’arrête la comparaison, car Drive devient un titre très enjoué. Plus rythmé, avec une ligne saccadée et des percussions spiralées. C’est avec une note plus ambiante, mais toute autant harmonieuse que se termine Nomads. Beneath the Ice est une romance, une mélodie aux souffles spatiaux et au beau piano qui flotte, histoire de nous faire rêver. Histoire de nous rappeler qu’un jour nous serons peut-être des nomades à la recherche d’une nouvelle terre. Frank Van Bogeart a un incroyable talent pour écrire de courtes pièces qui ont énormément à dire. Harmonieux, Page 68/185 mélodieux et avec un sens inné des arrangements orchestraux, Nomads est un beau voyage musical qui se forme aux grés de nos visions. À cet effet, vous y trouverez un beau petit livret montant 12 photos. Des photos qui ont inspirées le photographe Pablo Magne et qui représentent les visions conjointes du photographe et du compositeur. Bien que certaines se rapprochent, mon imaginaire va plus loin, comme plus près. Comme quoi que la musique de Frank Van Bogaert, avec Nomads en tête, est une musique aux milles visions, à partir de la même émotion. Disponible au http://www.frankva185ogaert.com/ Note : 5/6 Page 69/185 GLEISBERG (Rüdiger) : Fragile Fairytales Chronique réalisée par Phaedream Je vous ai déjà parlez de ces trucs qu’on a jamais entendus parler et qui, comme ça, nous tombe du ciel? Ces petites merveilles que l’on attend pas et qui nous séduisent à la 1ière écoute, comme à la suivante et ainsi de suite? Fragile Fairytales de Rüdiger Gleisberg, fait partie de ces joyaux sonores que l’on trouve, là où nos oreilles ne s’y attendaient pas. Il s’agit de son 6ième album solo, dont son 3ième sur le label Allemand Prudence, pour le compositeur Allemand que se fascine pour la musique symphonique crée avec de l’électronique. Fragile Fairytales est divisé en 2 parties; la 1ère partie contient les 9 premiers titres, étant un concert donné à Essen en 2000, alors que la seconde inclut les trois dernières compositions, qui sont des pièces inédites. Une onde synthétique basse flotte et nous entoure d’une aura musicale dense où des voix grégoriennes se mélangent aux coups des archets de violoncelles qui nuancent un climat lourd. À l’approche de son paroxysme, cris de baleines et licornes effleurent nos oreilles dans cette ambiance lourde que le piano de Indian Garden ramène à de justes proportions avec une très belle mélodie. Une séquence vrille avec douceur sur des voix discrètes et des percussions tam tam, que de belles strates synthétiques tentent d’amadouer. Indian Garden reflète le monde musical de Rüdiger Gleisberg qui aime rapprocher les frontières entre une musique classique et électronique. Plus que ça, le maestro Allemand n’en veut pas. De la musique reste de la musique, peu importe les sources. Sur Fragile Fairytales les synthés ont une sonorité symphonique si dense et intense qu’on s’interroge à savoir si ce sont des synthés ou un vrai orchestre que l’on entend. Les compositions ont une structure électronique, voire ambiante avec l’excellent Mind Diving, sur une sonorité plus symphonique, plus orchestrale qu’électronique. Une superbe symbiose, comme la géniale Damania, sans oublier, Ikarus et Initiation Ceremony qui sont aux frontières d’un monde électronique, aux pensées symphoniques. Il faut se débarrasser des préjugés et entendre la profondeur de Mind Diving, un titre incroyablement intense, sombre et mélodieux. Un monde d’extase entre Vangelis et Philip Glass, où les émotions sont poignantes, comme sur Largo et Lucidity. La 2ième partie, réalisée en studio démontre plus l’impact symphonique des équipements électroniques, Fragile Fairytales est l’exemple parfait. Un titre intense qui vibre d’émotion avec les strates onctueuses que l’on peut aisément confondre avec une section de musiciens à cordes chevronnés. Et, restez jusqu’à la toute fin pour entendre la mordante Enlightenment, une exquise mélodie qui aurait pu jouer dans Diva. Fragile Fairytales est un album étonnant qui va choquer les puristes. Et pourquoi? Parce qu’un artiste ose créer de la musique classique avec des instruments électroniques? Et voilà, on revient à l’éternel débat. Pour moi c’est de la foutaise. En Fragile Fairytales de Rüdiger Gleisberg, j’ai entendu un artiste qui a composé une musique sensible, sombre et énigmatique qui a une âme, une chaleur et des sensations incroyablement bien rendues. Un superbe album d’une infinie beauté. À se procurer, pour l’amour de la musique. Disponible chez http://www.bscmusic.com/ Page 70/185 Note : 5/6 Page 71/185 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : Music from the Penguin Café Orchestra Chronique réalisée par Progmonster Faut que vous sachiez une chose ; comme une grande partie des personnes de ma génération, sans compter toutes celles à la suite, j'ai moi aussi mes périodes jeux vidéos. Je ne vois là pour ma part rien d'étonnant. Et vous, vous ne voyez certainement pas où je veux en venir... Sur les conseils d'un camarade chroniqueur, j'ai consenti à claquer plus de cinquante euros pour acheter le dernier Pro Evolution Soccer 6. Il se fait que dans ce jeu, entre autres curiosités, on peut débloquer des costumes loufoques pour son équipe comme, par exemple, une tenue de manchot royal. Là où, je pense, la plupart d'entre vous aurait, de suite, songé à "La Marche de l'Empereur" à la vue de ce onze plus qu'improbable, subitement, m'est revenu en mémoire le souvenir d'un groupe dont on ne parle quasiment jamais, je veux parler du Penguin Café Orchestra, laboratoire néo-classique proprement inclassable que l'on doit au défunt guitariste Simon Jeffes, que certains d'entre vous connaissent peut-être pour avoir vu son nom traîner ça et là dans l'une ou l'autre production Realworld. C'est que le guitariste de formation classique en a eu vite marre du rock. Dès 1973, il constitue un quartette qu'il développera par la suite en cette entité polymorphe où quelques noms très respectables se croiseront (Anne Whitehead, Steve Nye, Gavyn Wright, ...), délivrant une musique délicate, toujours sensible, à la croisée des chemins entre folk, jazz, musique de chambre et pop. Un mariage unique en son genre où des mélopées de cordes larmoyantes côtoient des filets de guitare généreux et des poussières de rêve au piano électrique. Les plus pointilleux seront sans doute intéressés d'apprendre que le sixième mouvement de "Zopf", "Giles Farnaby's Dream", a été non sans gêne quasi intégralement repompé par Kate Bush sur son "Eat The Music" (titre ironique ?), confirmant ainsi toute l'inutilité de l'album "The Red Shoes". Et peut-être pour vous l'occasion de (re)découvrir un groupe qui ne ressemble à aucun autre. Note : 4/6 Page 72/185 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : S/t Chronique réalisée par Progmonster Passer d'une mélodie qui emprunte au folklore péruvien à une composition articulée sur une tonalité de téléphone ("Telephone and Rubber Band", un des rares morceaux à avoir fait la réputation du groupe), oser une reprise des Ventures ("Walk Don't Run") au ukulélé puis enchaîner sur une plage ambiant avec pour seuls instruments une guitare et un violon, il n'y avait que le Penguin Café Orchestra pour se le permettre. Leur première réalisation sans le soutien appuyé de Brian Eno aura nécessité trois années de travaux forcés supplémentaires. En raison de son côté pour le moins inoffensif, on aura vite fait de ranger le Penguin Café Orchestra du côté des formations cataloguées new age. Il n'en est rien. Pour le côté sombre, on repassera aussi, il faut bien l'avouer. Mais expérimentaux, ils le sont et ô combien ! Il flotte sur cet album une désinvolture élégante, un plaisir évident, un romantisme à fleur de peau et non pas une sensiblerie déplacée, qui lui confèrent tout son charme. Aérien, ce sens de l'espace inimitable propre à Steve Nye sera bien vite réquisitionné par David Sylvian, étudié puis reproduit par Tim Friese-Green (Talk Talk). Mais ce que l'on retiendra avant toutes choses, c'est que c'est sur cet album-ci que l'amour véritable qu'entretient Simon Jeffes pour les musiques des autres cultures éclate au grand jour ; comme si ce débalage de couleurs et de parfums exotiques avait quelque chose de terriblement impudique, le tout se devait d'être contrebalancé par un fort relant dépressif, ces violons larmoyants toujours, après un passage obligé à travers le filtre grisonnant d'un ciel anglais qui a depuis longtemps perdu toute notion d'intensité lumineuse. Comme souvent, les pionniers - et le Penguin Café Orchestra était un groupe pionnier, assurément - récoltent rarement le fruit de leur dur labeur. Sans de telles réalisations, il y a fort à parier que des groupes comme Rachel's ou A Silver Mt.Zion auraient réfléchi à deux fois avant de se lancer. Note : 5/6 Page 73/185 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : Broadcasting from home Chronique réalisée par Progmonster "Broadcasting From Home" ne fait rien d'autre que de poursuivre la route que seul le Penguin Café Orchestra pouvait emprunter pour en avoir été tout simplement le géniteur. Quelques menues nuances changent toutefois la donne ; les titres sont désormais de longueur plus respectable, entre trois minutes trente et cinq minutes. Si vous voulez mon avis - mais si vous me lisez, c'est que vous le voulez mon avis ou alors c'est que vous vous emmerdez vraiment pour lire une chronique de disque dont finalement vous vous foutez pas mal - cela ne rend pas service à la musique du groupe de Simon Jeffes. L'alternance de plages courtes, à la manière du "Music for Films" de Brian Eno, au milieu de titres plus ambitieux dans le développement de leurs thèmes, apportait une réelle dynamique d'écoute à leur album précédent. "Broadcasting From Home" ne jouit pas du même effet. Il y a une linéarité gênante, d'autant plus gênante qu'aucun moment vraiment fort ne se dégage. En première partie d'album, "White Mischief", boucle minimaliste obsédante, a son petit effet, tout comme "Music for a Found Harmonium" que ni Glass ni Nyman ne renieraient. Mais ailleurs, les morceaux s'enchaînent dans une relative platitude, une monotonie décevante. "In The Back of A Taxi", faux reggae (tout comme "Heartwind" plus loin), et "Music by Numbers" introduisent pour la première fois des parties de cuivres dans leur univers cossu. N'y cherchez rien de solennel ou de lyrique, on est plutôt dans le festif désabusé ici. Il faudra attendre le moment du départ, sous le porche, alors que l'on s'apprête, amer, à dire au revoir pour que l'ensemble parvienne à nous captiver de nouveau avec deux piécettes mélancoliques à souhait, le très musique de chambre "Isle of View" et "Now Nothing", pour piano et cordes, qui résument à elles seules toute leur philosophie. L'un dans l'autre, le troisième disque du Penguin Café Orchestra apparaît comme un second choix, surtout si on a eu l'opportunité d'écouter le précédent. Note : 3/6 Page 74/185 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : Signs of life Chronique réalisée par Progmonster Moins d'excentricité. Voilà, en deux mots, le résumé de cette ultime recueil de titres originaux enregistrés par le Penguin Café Orchestra pour le compte du label E'G Records. Et un minimalisme encore accru comme en témoigne cette conséquente succession de titres en solitaire, "Horns of The Bull" pour guitare acoustique, "Ocean Tango" pour piano et violon et "The Snake and The Lotus" pour basse fretless. Une facette intimiste qui, quand elle est pleinement assumée comme c'est le cas ici, peut nous transmettre son lot d'émotions. Cela risque nettement moins d'arriver avec des ritournelles aussi convenues et consensuelles que "Dirt". Mais il y a aussi, heureusement, des réussites absolues comme "Perpetuum Mobile", du Penguin Café Orchestra grand cru, utilisé - voire usé - jusqu'à la corde par une armada de publicitaires qui ne s'y sont pas trompés en jetant leur dévolu sur cette mélodie forte et accrocheuse qu'ils croient pouvoir les aider à nous vendre cuisine, dentifrice, assurances, téléphone cellulaire ou papier cul, c'est du pareil au même. Mais après tout, le bonheur des uns fait le malheur des autres... Aussi n'est-il peut-être pas utopique de penser que "Signs of Life" a tout le potentiel pour convaincre les plus sceptiques ; en effet, débarassé de leurs incartades en musique du monde qui auraient pu en incommoder certains (bein oui, c'est triste à dire, mais c'est comme ça) ou en tout cas réduits à leur plus simple expression ("Swing The Cat"), recentré sur lui-même en quelque sorte, le Penguin Café Orchestra se permet comme ultime pied de nez une sortie sur la pointe des pieds avec la longue plage "Wildlife", ambient et abstraite à la fois. De quoi se demander à juste titre si le périmètre d'influence du Penguin Café Orchestra avait été finalement bien plus grand qu'on ne se l'imagine ? Officiellement, le groupe restera encore une bonne décennie en activité, principalement pour se produire en concert, mais disparaîtra avec son leader, en 1997. Note : 4/6 Page 75/185 ARCADE FIRE : Funeral Chronique réalisée par dariev stands A force de chercher le groupe qui surnagerait au dessus de la nuée des groupes en "the", il a fini par s'imposer, directement, sans passer par la case "hype"... Arcade Fire, une chose est sûre, personne ne les avait vus venir. Après un premier Ep et quelques concerts, débarque ce premier album à la pochette quelconque, "Funeral" qu'il s'appelle. Ouais, encore un pseudo radiohead, a-t-on grommelé à l'époque. Sauf qu'il s'agit justement là du plus grand disque de rock depuis "Ok Computer". Sauf que, après une bonne décennie (depuis d'autres funérailles, celles du blond, vous savez, celui qui se lavait pas entre les doigts de pieds) de disques qui se la jouent "dépressif" tout en laissant une sale impression de préfabriqué, ce truc tout simplement nommé "Funeral" est débarqué, et plus rien ne sera jamais pareil. Evoquant pourtant des groupes dont tout le monde se réclame depuis un moment ; à savoir Joy Division et les Talking Heads (non, ne partez pas, lisez la suite), Arcade Fire est un groupe habité par une ferveur complètement inexplicable dans notre époque frileuse. Enregistrant en partie à la maison sur des magnetos et en partie à l'Hotel 2 Tango, le manoir désaffecté de Godspeed You Black Emperor, le groupe devait sacrément se geler durant ce fameux "terrible hiver 2004" dont parle le livret (en forme de faire-part de décès...), pour avoir envie de se réchauffer en allumant un feu pareil. C'est bien simple, TOUTES les chansons de l'album feraient pleurer la mort en personne. Et de mort il est bien question ici. Triste anecdote, 9 proches des membres du groupe ont trouvé la mort pendant l'enregistrement de l'album. On comprend mieux pourquoi on a envie de chialer en entendant cette voix hantée, paniquée, et ces choeurs, présents sur tout l'album, indistincts et en même temps bouleversants... Ecoutez ceux de la coda de "Tunnels", on dirait bien... mais oui, des fantômes ! Et pourtant il n'y a rien à craindre, "funeral" ne fait pleurer que pour nous faire nous sentir mieux. Soulagés. Content d'avoir traversé avec eux cet hiver-là, la rude tempête québécoise, les flocons de neige gros comme des poings, le ciel noir de jais, le tonnerre qui gronde... Tout est dans l'album. Vous avez déjà entendu le son de quelqu'un qui marche contre le vent glacial, avançant centimètre par centimètre, en souffrant de tous ses os noyés, trempés, détrempés, lavés, délavés ? Evoquer une chanson en particulier d'un pareil chef d'oeuvre est un crève-coeur. Parlons quand-même de la ""tétralogie"" Neighborhood, qui compte l'histoire d'enfants dont le village a disparu sous des tonnes de neige et qui, livrés à eux mêmes, leur familles décédées, sont bien forcés de grandir et de s'endurcir. C'est un peu l'histoire racontée sur tout l'album, de manière encore plus déchirante sur le presque insoutenable "In the backseat", le truc le plus poignant entendu depuis "No Surprises". Il y a aussi "Crown Of Love", une complainte sur l'amour qui s'éteint, d'une justesse effarante ('My love keeps growing/like a cancer/and you won't give me/a straight answer"), "Haïti", titre ironique pour un album qui se veut froid et hivernal mais qui n'en est pas moins lugubre ("Tous les morts-nés forment une armée"). Ah oui, j'oubliais, Régine Chassagne, la compagne du chanteur-leader Win Butler, est en quelque sorte la touche française du groupe, apportant des paroles en français et quelques notes d'accordéon qui fleurent bon le pub ou on se serre pour se réchauffer, nottament sur "Laïka". Pour le reste, les Arcade Fire sont des adeptes de l'échange d'instruments, et de la transe collective. Ca s'entend pas mal ici, vu la section rythmique qui fait du "Lust for life" à contre-emploi sur "Wake Up" ("lust for life... quelle ironie), quand elle n'est pas franchement spasmodique sur le titanesque "Power Out" - qui évoque des milliers de lemmings se jetant dans l'eau glacée - et toujours ce prêcheur maniaque, au bord des sanglots, qui nous accuse subitement vers 3min30 dans un accès de fureur. Bref, vous l'aurez compris, Page 76/185 "Funeral" est un disque vivant. Après tout, pleurer c'est être vivant, tout comme rire, non ? Il y a toutes sortes d'instruments ici, dont beaucoup n'apparaissent pas sur les disques de rock "ordinaires", des xylophones, des cordes à foison, des tambourins en pagaille, des orgues, une harpe... Mais il y a aussi - et surtout - un autre genre d'instrument, qui lui aussi ne s'entend pas souvent : l'ÂME. Si on veut comprendre ce qui manque à Franz Ferdinand pour nous décrocher autre chose que des sarcasmes, il faut écouter "Funeral". Une oeuvre singulière, qui dépasse les genres, quoique l'on puisse éventuellement le rapprocher des productions du label Constellation pour l'intensité et la profusion d'instruments justement. C'est qu'Arcade Fire est aussi une joyeuse troupe de frappés, aux prestations scéniques plus que singulières (je vous invite à parcourir le web pour vous faire une opinion). Bien sûr, comme moi au début, vous êtes sceptiques... C'est difficile en premier lieu, de réaliser que l'un des meilleurs disques de l'histoire du rock vient de sortir, sous nos yeux, et que une fois de plus, c'est sorti de nulle-part... sans prévenir. Il y aurait donc un petit espoir. Notez au passage qu'aucun des membres du groupe n'a une gueule de star, (la rumeur a même couru qu'ils étaient mormons), qu'il n'est question ni de sexe, ni de drogues, ni de rock'n'roll, mais simplement d'une lutte contre la mort et contre la perte, un truc totalement sincère et premier degré. Pas de concept postmoderne, pas de revendications, pas de romantisme exacerbé non plus. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ce sont les clichés qu'on enterre, pas le rock'n'roll. Note : 6/6 Page 77/185 E=MOTION : Telepath Chronique réalisée par Phaedream On ne peut qu’aimer ce nouvel album de E=Motion. C’est énergique, plein de rythmes, de vie et de percussions électroniques qui facilitent une écoute aisée. Avec Telepath, Jacek Spruch ne perd pas son temps dans des dédales complexes en élaborant des longs mouvements aux contorsions multiples. Non, il va droit au cœur des rythmes synthétiques. Avec Impulse, le synthésiste polonais passe en mode rythme et harmonie avec une légère séquence sautillante, derrière un synthé au magnétisme évident, qui étend ses nappes en arrière scène. Les premières pulsations trépidantes se font entendre. Fébriles, elle hoquètent sur des percussions volages et un mouvement bouclé aux synthés déviants et harmonieux. De beaux solos virevoltent dans ce mini tourbillon, qui gagne en puissance à la mesure de sa progression. Les synthés sont plus audacieux dans leurs solos, sur une structure pesante, jusqu’à ce que le calme plat résonne de son silence. Des notes métalliques se répercutent sur une sirène synthétique qui scrute l’horizon de son scanner sonore. Brain Connection est un beau titre fort mélodieux où des notes séquencées se dandinent sur un mouvement qui se balance au même rythme. Un titre aux odeurs de déjà entendu et qui ressemble énormément à Berlin Wavelength de Re-trance-mission, paru en 2004. Mais peu importe son origine, ça demeure une superbe pièce de MÉ. L’intro de Mind Transmission est fumante. Un beau synthé s’enroule autour d’une basse juteuse au rythme traînant, comme un vieux heavy rock qui cherche à décoller. Les synthés sont dominant et nuancent les ambiances avec de lourdes strates lancinantes et de beaux solos aux arcs sonores flexibles. Le tempo casse un peu avant la 5ième minute pour prendre une séquence plus dynamique, genre soft techno, appuyé des cymbales ‘’tschitt tschitt‘’. Le beat et les percussions sont efficaces dans une faune sonore aux étranges réverbérations métalliques, qui ajoutent une profondeur à des séquences synthétiques qui vrillent de fabuleux solos. Le début très ‘’lounge‘’ et doux de Distant Vision, fait contraste avec la nature lourde que l’on retrouve sur Telepath. Des belles notes glockenspiel voltigent sur un synthé en harmonie avec la légèreté des notes. Une belle séquence à la Blondie, dans Heart of Glass, murmure un tempo plus allumé, alors que le synthé serpente une longue ligne complexe, d’un solo qui nous fait revivre les mouvements ‘’soft dance’’ d’Orbital. Close-Up et Mental sont deux autres titres rythmés où E=Motion multiplie les envolées, les passages et les refrains synthétiques, bouclés et harmonieux. Disconnection termine Telepath sur un superbe mouvement séquentiel qui percute sur ses effets de percussions échotiques. Un superbe titre, avec de beaux effets sonores qui ravivent l’intérêt cosmique et un synthé aussi magnifique depuis le début de cet opus, qui termine son voyage télépathique sur un autre solo aux longues étendues sonores. Telepath est un bon album. Un album sans prétention qui ne cherche qu’à nous faire passer un bon moment. Et c’est réussi. Des rythmes solides sur de superbes mouvements synthétiques et des séquences qui nous font taper du pied. De la MÉ rythmée, dénuée de toutes formes de complexité abstraite, avec de bons séquenceurs et des solos étonnants de synthé, vous adorerez Telepath de E=Motion. Disponible au http://www.underwatermusic.of.pl/ Page 78/185 Note : 4/6 Page 79/185 ESP : The Gate Chronique réalisée par Phaedream Un bon album, riche et diversifié, ça vous tenterait? Voici ESP, pour Extra Sensory Perception, un groupe nouveau genre qui se sont connus grâce à Internet. Mark Ashby des USA et Jacek Spruch (E=Motion) de Poland ont composé cet album à distance. Chacun est fan de Tangerine Dream et ça s’entend, comme on peut entendre les fortes influences du rock progressif de Mark Asby, ainsi que les superbes segments et mouvements synthétiques de Jacek Spruch, lui qui affectionne les séquences bouclées. Le résultat est étonnant, et c’est juste triste que seulement 1 cd soit sorti de cette collaboration. Deux ex Machina est un titre à 2 segments. Emergence démarre sur une intro flottante avec des choeurs discrets qu’on distingue à peine d’une fine ligne synthétique qui construit un premier mouvement. Ondulantes, les notes créent un court mouvement harmonieux, sous des effets sonores chimériques aux étranges cris d’enfants. Un bref silence amène une séquence plus rythmée qui roule sur de sombres ondulations, aux mouvements hachurés, incertains. Les synthés sont mélodieux et symphoniques. Les lignes s’entrecroisent; l’une en serpentin harmonieux aux impulsions variées, alors qu’une reste soumise à la structure, maintenant le rythme égale. Une superbe pièce qui crescende, menaçante et qui explose avec de lourds riffs synthétiques qui déchirent la quiétude mélodieuse d’une agressivité insoupçonnée qui nous conduit aux derniers souffles d’Emergence. La transition avec Brainwave est mélodieuse; un synthé aux souffles épuisés qui rejoint les fraîcheurs flûtés d’un comparse virtuel. Brainwave progresse avec des tintements, sur un synthé grondant et des percussions sèches et nettes. Le mouvement s’intensifie pour revenir sur des riffs explosifs, soutenu par une séquence ondulante, des percussions martelantes et des superbes solos de synthés et de guitares. Une finale puissante qui s’éteint brusquement pour tomber sur le rythme minimalisme de Hubris qui crescende en rythmes avec un synthé coulant sur un tempo fluide. Catharsis est un beau petit carrousel hypnotique aux notes limpides qui tournoient avec harmonie. Mark Ashby introduit sa guitare pour accompagner cette comptine aux notes de plus en plus glockenspiel. Des notes électrifiées tombent. Menaçantes dans une ambiance contradictoire où le sombre marche côte à côte, avec l’harmonie. Transcendence étend ses formes pour développer une mélodie spiralée, avec Metamorphosis, qui se développe sur des synthés scintillants et enveloppants et de belles percussions. L’effet spiral continu sur Perception. Un titre qui évolue sur de belles percussions, une guitare qui unit ses portées avec un synth aux rotations sur le déclin. Float est un superbe mouvement linéaire qui flotte doucement jusqu’aux portes de Crossover. Une superbe mélodie séquencée qui vrille sur de beaux solos et un séquenceur fluide. The Gate, de ESP, est définitivement un bon album de MÉ, style Berlin School. Plus agressif que la majorité des autres opus, il conserve tout de même ses ondulations séquentielles avec de beaux mouvements synthétiques. Très peu de passage ambiants, il a l’étoffe et la profondeur pour plaire aux fans de TD, fin des années 70, début 80. Lourd et harmonieux, complexe et fluide, c’est un excellent compromis pour amateurs de musique progressive ainsi qu’électronique. Page 80/185 Disponible au http://www.underwatermusic.of.pl/ Note : 5/6 Page 81/185 HANCOCK (Herbie) : Takin' off Chronique réalisée par Progmonster Je vous ai parlé de Miles. Je vous ai parlé de Wayne Shorter et Anthony Williams. Et bien que je ne songe pas à m'attarder sur le cas nettement moins intéressant de Ron Carter, si je veux paraître un tant soit peu complet et cohérent dans ma démarche, il va de soi qu'il me fallait tôt ou tard refermer cette quadrature du cercle en abordant la carrière étonnante du pianiste prodige Herbie Hancock. Rendez-vous compte ; ses premiers pas sur disque, il les fit aux côtés de Donald Byrd sur son album "Chant" en 1961 sur Blue Note, en lieu et place de Duke Pearson - ce qui, déjà, n'est pas rien - et en moins de temps qu'il m'en faut pour vous l'écrire, voilà qu'Herbie est promu du jour au lendemain, réalisant son premier disque sous son nom pour le susdit label. Le plus impressionnant sur "Takin' Off", c'est l'incroyable mâturité d'écriture du musicien ; on croirait que le bonhomme a fait ça toute sa vie, qu'il pèse ses quarante ans bien tassées (il a alors seulement vingt deux ans) et qu'il en est déjà à son quatorzième disque... Peu d'artistes jazz à ma connaissance ont connu un départ si tonitruant. Un premier disque assumé seul, constitué de six compositions originales dont une, au moins, va très rapidement devenir un standard ("Watermelon Man") mais peut-être plus encore ; une borne réferentielle autour de laquelle le pianiste ne cessera de graviter tout au long de sa riche et dense carrière. Pour ce premier rendez-vous, il est de plus entouré par une fine équipe : la section rythmique Butch Warren et Billy Higgins, classique, mais aussi le trop rare Dexter Gordon au saxophone ténor et l'indécrottable Freddie Hubbard avec qui il réalisera quelques uns de ses plus beaux disques pour la compagnie. "Takin' Off" ne bouscule pas les conventions. Mais son tour de force réside avant tout dans le vibrant manifeste qu'il constitue : la naissance d'une étoile qui, sans se faire prier, brille déjà haut dans le firmament pourtant déjà bien encombré des plus grands artistes jazz. Note : 4/6 Page 82/185 HANCOCK (Herbie) : My point of view Chronique réalisée par Progmonster "Blind Man, Blind Man" sonne trop comme une relecture à peine retravaillée de "Watermelon Man". Que faut-il donc en conclure ? Est-ce là la transposition évidente du souhait pressant des directeurs du label à rééditer l'exploit auquel Hancock aurait cédé, par facilité, pour obtenir en contrepartie une plus grande liberté artistique ? L'hypothèse n'est pas fantaisiste. D'ailleurs, c'est du jamais vu ; Blue Note a poussé le vice jusqu'à faire imprimer sur la pochette "Includes His New Composition : Blind Man, Blind Man" qui passe difficilement pour autre chose que du racolage bassement mercantile. Mais dans l'ensemble, bien plus posé que son prédécesseur, on verra dans "My Point of View" le disque où, déjà, Herbie Hancock montre les premiers signes tangibles d'un jazz modal dans lequel il va d'ici peu pleinement se réaliser. Je fais référence aux développements tout en nuances exécutés sur des titres comme "A Tribute to Someone" ou encore "The Pleasure is Mine". Mais plus étonnant encore, Herbie Hancock adopte un point de vue parfaitement atypique en enrôlant un septet qui comprend, outre le saxophone de Hank Mobley et la trompette de Donald Byrd (échange de bons procédés), le tromboniste Grachan Moncur III et la guitare de Grant Green ! Même Anthony Williams est de la partie, Hancock exploitant à merveille sa vision moderne de la batterie dans la conclusion abstraite de "King Cobra". Bien que de facture tout-à-fait classique et tout aussi respectable en bien des points que "Takin' Off", il est difficile d'apprécier "My Point of View" autrement que comme une excroissance divertissante qui ne porte pas à conséquence. On y décelerait presque une pointe d'insolence dans sa manière désinvolte et pourtant toujours parfaitement contrôlée d'aborder la suite de sa carrière. C'est là pointer du doigt une des caractéristiques de l'artiste ; si lisse en apparence, mais d'une nature profondément contestataire assez jubilatoire. Note : 3/6 Page 83/185 HANCOCK (Herbie) : Inventions & dimensions Chronique réalisée par Progmonster Dès les premières mesures de "Succotash", il ne fait aucun doute que le champ d'exploration du nouvel album d'Herbie Hancock n'a d'ores et déjà plus rien à voir avec ses deux précédentes réalisations, pourtant enregistrées il y a quelques mois à peine. Saccadé, répétitif, minimal, abstrait, il ne trahit pas l'intitulé de l'album qui, de fait, cherche à innover en explorant d'autres manières d'aborder le langage jazz. Herbie Hancock se retrouve une fois de plus à la tête d'une formation inédite où, derrière son piano, il incarne le seul élément mélodique de l'ensemble. Son quartette pour le moins original n'accorde en effet pas la moindre place à tout autre instrument soliste ; pas de saxophone, pas de trompette, chose à laquelle on se serait attendu, ni même de guitare électrique, bien que ce soit beaucoup plus rare. Non, Hancock fait beaucoup plus fort en associant au contrebassiste Paul Chambers - respectable instrumentiste bop s'il en est - le batteur Willy Bobo et le percussioniste Osvaldo "Chihuahua" Martinez ! Du rythme, du rythme et encore du rythme semble donc être le credo de "Inventions & Dimensions" qui, s'il arbore parfois les couleurs du latin jazz tel que le pratiquait alors quelqu'un comme Kenny Dorham, principalement à cause de l'apport des percussions ("Jack Rabbit", "Mimosa"), partage en réalité de bien plus nombreux points communs avec une musique typique d'avant-garde. Le toucher impressionniste du pianiste s'efface ainsi sans peine pour laisser sa place à un phrasé conceptualisé et oblique, aussi fascinant que dérangeant, jouant avec les répétitions comme un charmeur de serpent. "A Jump Ahead" qui referme la session est peut-être encoe le seul titre du lot à tenter de préserver les apparences du hard bop grâce à sa dynamique plus soutenue. Au bout du compte, je serais presque tenté de mettre une note encore plus élevée à ce disque, mais compte tenu des autres réussites que le pianiste va aligner, je m'efforce d'aborder l'ensemble de son oeuvre dans un semblant de hiérarchie. Note : 4/6 Page 84/185 HANCOCK (Herbie) : Empyrean isles Chronique réalisée par Progmonster Voilà à peu près un an que Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams ont intégré ce qui allait devenir le mythique second quintette de Miles avec l'arrivée de Wayne Shorter. Au printemps '64, nos trois acolytes se retrouvent pour la première de leurs deux rencontres au sommet avec Freddie Hubbard sur "Empyrean Isles", un des fleurons du catalogue Blue Note, un des tous grands disques de la période dite classique de Herbie Hancock. Un excellent album de post bop et de jazz modal tout simplement. "One Finger Snap" et "Oliloqui Valley" répondent à la première définition, avec le swing inimitable de Tony Williams qui fait d'emblée toute la différence. Bien que relevés et audacieux dans leur genre, je peux aisément comprendre que ces titres ne provoquent ni envie ni frénésie chez celles et ceux encore étrangers à cette grammaire. Mais la face B est d'anthologie. Tout le monde (ou presque) connaît "Cantaloupe Island", popularisé trente ans plus tard au plus fort de la vague acid jazz par US3 (le seul succès à mettre à leur crédit d'ailleurs, c'est tout dire). Mais le gros morceau, c'est encore "The Egg", certes moins connu, certes moins groovy - et pour cause - mais quelle superbe pièce de jazz innovant, curieux, progressiste... Adaptant à cette nouvelle formule les enseignements tirés de "Inventions & Dimensions", Hancock nous propose une nouvelle pièce abstraite articulée autour d'un phrasé lancinant au piano, soutenu par une batterie minimale qui ne garde du jazz que sa grande versatilité. La pièce se transforme peu à peu en pleine de jeu où chaque intervenant s'amuse à briser les conventions pour s'abandonner à une forme hybride de free jazz et d'avant-garde. Ron Carter, déjà excellent sur "Oliloqui Valley", nous gratifie d'un nouveau superbe solo à la contrebasse, faisant sonner ce dernier comme un violoncelle grâce à son travail à l'archet. Mystérieux, brumeux, "Empyrean Isles" ne pourra que séduire les amateurs de musique aux pavillons déployés à trois-cent-soixante degrés. Note : 5/6 Page 85/185 HANCOCK (Herbie) : Maiden voyage Chronique réalisée par Progmonster "Maiden Voyage"... ou "Empyrean Isles + 1". Le surnombre en l'occurence, c'est George Coleman, saxophoniste de l'ombre qui, bien qu'ayant intégré le Miles Davis Group du temps de "Seven Steps to Heaven", continue en vers et contre tout à ne pas vouloir froisser son égo dans des collaborations qui auraient pu avoir sur son mental d'irrémédiables conséquences. Lesquelles ? Allez le lui demander... Pendant ce temps, le "traître" (souvenez-vous ; c'est tout de même lui qui a claqué la porte au nez de Miles, et non l'inverse... bonjour l'affront !) est malgré tout accueilli à bras ouvert par Hancock pour enregistrer une nouvelle session Blue Note en compagnie du même line-up qui nous avait déjà gratifié de l'excellent "Empyrean Isles". "E.S.P." n'est pas encore sorti que "Maiden Voyage" nous donne déjà un sérieux avant-goût de ce qui nous attend. Hubbard Davise, Coleman Shorterise... L'effet en trompe-l'oeil est saisissant. Moins radical dans son approche que son essai précédent, "Maiden Voyage" incarne malgré tout l'apogée stylistique du pianiste, et est à ce dernier ce que "Ju Ju" ou "Speak No Evil" est à Wayne Shorter. Les phrasés abstraits et dégingandés, les mêmes qui feront la marque de fabrique du quintette de Miles (et comprenez moi bien ; quand je dis "les mêmes" je veux dire "dans le même genre" - s'il y en a encore après ça pour me reprendre, c'est sans espoir) s'insèrent ici au détour des thèmes de "The Eye of The Hurricane" ou "Survival of The Fittest". Écrites avec une infinie précision et une vision claire de l'objectif visé, les pièces de Hancock sont assez maléables que pour permettre à tous de laisser libre cours à leur imagination. Tour à tour mélodique et rythmique, Herbie Hancock maîtrise son propos avec doigté. Le tout étant circonscrit par deux titres devenus depuis des classiques indémodables, à savoir la plage titre et le magnifique "Dolphin Dance", irréels, subtils, vaporeux. Avec "Empyrean Isles", le Hancock période Blue Note qu'il faut avoir écouté (à défaut de les posséder). Note : 5/6 Page 86/185 HANCOCK (Herbie) : Speak like a child Chronique réalisée par Progmonster Herbie Hancock s'est intensivement consacré au quintette de Miles Davis ces dernières années. C'est ce qui explique le temps relativement long (en jazz, trois ans, c'est énorme) qui s'est écoulé entre "Maiden Voyage" et ce "Speak No Evil" qui, d'office, partait perdant. Pour éviter l'attaque facile, le pianiste choisit une nouvelle fois de surprendre en choisissant une perspective inédite. Durant ces sept années chez Blue Note, l'artiste aura pris un soin particulier à ne jamais évoluer deux fois dans le même contexte, c'est à souligner. Pour cette session de mars 1968, il opte pour un sextet, formation élargie comme sur "My Point of View", mais ne répondant pas aux critères classiques, comme sur "Inventions & Dimensions"... Pas de percussions, mais des cuivres, seulement dans une combinaison qui n'a rien de bien commun : flûte, trombone et flugelhorn ! Toutefois, ce n'est sans doute pas encore suffisant puisque Hancock, qui s'entête décidément à ne rien faire comme tout le monde, va se servir du triumvirat constitué pour la peine de Jerry Dodgion, Peter Phillips et Thad Jones comme d'un véritable ensemble orchestral juste bon à agrandir la palette des timbres et des harmonies employées. Les arrangements ainsi obtenus tendent ainsi à rapprocher "Speak Like A Child" des travaux de Gil Evans, dans un créneau plus intimiste cependant. Le pianiste reste donc seul maître à bord et tout ce beau monde de voguer en pilotage automatique sur un disque finalement plaisant, riche par endroits, pas loin du smooth jazz de salon (la plage titre tout particulièrement), mais qui ne cherche pas spécialement à forcer son talent. Les mordus auront cependant deux bonnes raisons de vouloir jeter une oreille à ce disque de par la présence de "Riot" et "Sorcerer", morceaux que Hancock a concédé au répertoire Davisien et que l'on peut apprécier ici sous le strict angle de vue de son auteur. Note : 4/6 Page 87/185 HANCOCK (Herbie) : The prisoner Chronique réalisée par Progmonster À vrai dire, pour son ultime session Blue Note, on ne sent pas tout de suite la différence entre "Speak Like A Child" et "The Prisoner" ; "I Have A Dream", premier titre de ce nouvel album, lui emprunte le même travail d'orchestration, quoi que plus raffiné et étoffé (le groupe de six s'enrichit de trois musiciens supplémentaires). Mais stylistiquement, on reste imperturbablement en territoire connu ; un jazz décontracté qui, bien que porté cette fois par des pointes de lyrisme que l'on doit à Johnny Coles, Jerome Richardson ou Joe Henderson (autre grand oublié qu'il me tarde de pouvoir décortiquer pour vous tôt ou tard), ne parvient pas à nous soustraire à l'ennui relatif qui peu à peu s'installe dans des exposés souvent trop longs. Les déambulations hésitantes de "I Have A Dream" ou le mystérieux "Promise of The Sun" et ses mélodies dissonantes reprises par les cuivres ont néanmoins une qualité cinématographique indéniable que le claviériste ne tardera pas à exploiter. Mais ce n'est finalement que sur "The Prisoner", le titre qui donne son nom au disque, et "He Who Lives In Fear" que, timidement, notre attention est sollicitée. Hancock y utilise pour la première fois - pour son propre compte s'entend - un piano électrique de façon très pointilliste, mais peut-être encore de manière trop discrète à mon goût. Il faut dire qu'après avoir essayé l'engin sur des titres comme le kilométrique (au montage) "Circle In The Round" ou, de manière plus extensive, sur les albums "Miles In The Sky" et "Filles de Kilimanjaro", comme beaucoup à l'époque, le claviériste s'est finalement décidé à reprendre ces quelques innovations pour lui et lui seul afin de les insérer dans une carrière solo à laquelle il désire alors exclusivement se consacrer. "The Prisoner" marque donc la fin d'une époque ; la fin de sa collaboration avec Miles, la fin de son contrat avec Blue Note, la fin aussi de ce jazz modal qu'il a su si bien mettre en valeur. Mais c'est ce qui vient à sa suite qui nous intéresse... Note : 3/6 Page 88/185 HANCOCK (Herbie) : Fat Albert Rotunda Chronique réalisée par Progmonster Bien que transitant chez Warner, Herbie Hancock ne va même pas se donner la peine de rameuter avec lui une grosse partie de la fine équipe qui officiait déjà sur "The Prisoner". Il va faire plus fort encore ; enregistrer "Fat Albert Rotunda", destiné au départ à illustrer une production animée signée Bill Cosby, dans les studios Van Gelder ! Paradoxalement, même si la composition du line-up est sensiblement identique (le guitariste Eric Gale n'apparaissant que sur deux titres), il se dégage de ce disque une énergie, un entrain que "The Prisoner" tentait péniblement d'atteindre. Si cet album doit être vu comme le développement immédiat de l'aventure "The Prisoner", on peut dire que la transformation est pour le moins radicale ! Les éléments jazz perdent du terrain face à un groove funk martelé par deux bassistes et trois batteurs, soutenus par un ensemble de cuivres généreux et un Herbie Hancock désormais scotché au Fender Rhodes, même pour les plages plus complexes comme "Tell Me A Bedtime Story". Il n'en faut pas plus pour se rendre compte que l'univers du claviériste est tout doucement en train de basculer, plus proche de Isaac Hayes que de Bill Evans si vous voulez... Ainsi, avec "Fat Albert Rotunda", c'est comme si ce bon vieux Herbie venait d'enregistrer une bande son blaxploitation pur jus sans même le savoir, marchant pour ainsi dire sur les plates bandes d'un Quincy Jones. Entraînant, généreux, somme toute sympathique, "Fat Albert Rotunda" reste encore trop ancré dans son époque. C'est aussi cependant un premier pas nécessaire vers un ailleurs qu'il reste encore à explorer. Et c'est bien ce que Herbie Hancock va faire en publiant sa trilogie psychédélique, "Mwandishi", "Crossings" et "Sextant", où il aura tout le loisir d'étendre sa nouvelle formule dans des formats extensibles à l'envi, tellement loin à mon sens qu'il fera la nique aux meilleurs essais du Miles électrique et des premiers Weather Report. Note : 3/6 Page 89/185 HANCOCK (Herbie) : Head hunters Chronique réalisée par Progmonster "Eh... Mais il est où le Head Hunters ?" "Pourquoi y a pas le Head Hunters sur Guts ?" "Non, mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Y a même pas le Head Hunters ???"... Le voilà votre "Head Hunters". Il aura fallu attendre un jour de janvier 2007 pour qu'il apparaisse dans nos colonnes. Alors ? Heureux ? Maintenant, allez-y ; vous croyez que je n'ai pas compris votre petit jeux, désireux que vous êtes de voir apparaître ce disque dans l'unique but d'être parmi les premiers à y laisser un commentaire et montrer derechef à la face de notre large commité que, vous aussi, vous avez écouté le "Head Hunters" de Herbie Hancock ? Que puis-je ajouter de plus pour que cette chronique ne paraisse pas comme redondante face à ce que vous allez bientôt pouvoir écrire ci-dessous ? Voyons voir... Avec ce disque, Herbie Hancock entame un virage commercial appuyé qui ne fera que se confirmer au fil des ans. Une manière élégante de refermer la boucle qu'il avait ouverte seulement trois ans plus tôt avec "Fat Albert Rotunda" dont il retrouve ici les gimmicks les plus funky. L'épisode délirant sera hélas définitivement relégué aux oubliettes, d'autant qu'avec ce douzième album studio, le claviériste réalise un coup de poker jusque là inimaginable en propulsant son disque en tête de liste des albums les plus vendus, et ça, c'est pas TF1 qui vous l'aurait appris ! Tout le succès de "Head Hunters" repose sur ses deux premiers titres, le célèbre "Chameleon" d'une part, mais surtout la première relecture on ne peut plus surprenante de "Watermelon Man" par son auteur. C'est une synthèse certes réussie mais peut-être trop carrée que pour vraiment passionner les amateurs de musique qui aiment se perdre dans quelque chose de plus dense, de plus élaboré, histoire de satisfaire leur besoin de revenir sans cesse écouter l'oeuvre dans le détail dans l'espoir un peu fou d'y dénicher le détail de plus qui les avait échappé lors de leur précédente écoute. Et si vous aimez tant "Head Hunters", s'il vous plaît, ne vous arrêtez pas en si bon chemin et lisez aussi la suite... Note : 4/6 Page 90/185 HANCOCK (Herbie) : Thrust Chronique réalisée par Progmonster Ce n'est pas Dieu qui a rendu Herbie funky. C'est Sly Stone. D'ailleurs, le titre "Sly" de son précédent album lui était dédié. Funk jusqu'au bout des ongles, cette partie de carrière, que l'on peut grosso modo situer entre 1973 et 1977, le pianiste jazz de formation classique va s'y abandonner sans compter. Heureusement moins insipide que les essais que Bob James ou Donald Byrd vendaient malgré tout comme des petits pains, "Thrust" est tout de même un cran en dessous de ce que faisait alors un groupe comme Weather Report (qui venait par ailleurs de publier son fantastique "Mysterious Traveller"). On s'en souvient, à l'époque pas si lointaine de "Crossings" ou "Sextant", on aurait dit plutôt l'inverse... Même les Headhunters, le groupe qui sortira de la cuisse de l'album du même nom, paraissent sur disque plus aventureux, c'est dire ! C'est que, comme je tentais de vous l'expliquer auparavant, on rêve moins sur ces dernières productions, c'est moins inventif, moins ambitieux. Il y a bien "Butterfly", qui suspend le temps dans un brouillard mystérieux où nappe de synthés et saxophone soprano sont nos seules repères avant que la rythmique imposée par Paul Jackson et Mike Clark ne s'emballe à mi-parcours, mais sinon, la cuvée 1974 de notre ami Herbie ne peut cacher plus longtemps sa nature véritable ; tout simplement, celle d'une déclinaison pas vraiment impérissable de son album précédent. Ça n'a pas empêché les artistes électro de tout bord, house ou french touch d'ailleurs, de s'attarder longuement sur ce genre d'exercice qui représente pour eux un filon intarissable de beats et de samples sur mesure. Mais si, dans vos rêves les plus fous, vous aviez toujours secrètement souhaité mettre un jour la main sur la bande son d'un épisode inédit de Starsky et Hutch, un épisode qui s'attarderait en particulier sur les frasques de ce bon vieux Huggy Les Bons Tuyaux, je ne vois aucune raison pour que vous passiez à côté de ce "Thrust", nettement moins planant qu'il s'en donne l'air... Note : 3/6 Page 91/185 HANCOCK (Herbie) : Man-child Chronique réalisée par Progmonster À ce stade, je doute que Herbie Hancock veuille encore tenter de se susprendre et, à fortiori, nous surprendre par la même occasion. Il est bien trop préoccupé à se demander comment faire pour garder un minimum de cohésion dans cette formule toute faite désormais bien rôdée qui lui apporte gloire et plus encore. En amateur avisé de nouvelles technologies, chaque disque est pour lui l'occasion d'essayer ces dernières acquisitions en la matière, et voir une bonne fois pour toutes ce qu'elles ont dans les tripes. Certaines sonorités sont nouvelles - c'est un fait certain - mais elles ne possèdent pas les qualités disons "spatiales" qui ont fait de "Sextant" l'ovni que l'on sait (si j'ai pas un peu l'air d'insister là, c'est normal). Au lieu de viser l'étoile la plus haute dans le ciel et partir pour une expédition dans l'espace après avoir rentré dans l'ordinateur les coordonnées exactes de cet astre lointain, on se limite à faire trois ou quatre fois le survol de la Terre en quarante cinq petites minutes. Un périple pas déplaisant en soi, mais comme pour tout, on a sans doute fini par s'y habituer trop vite, si bien que l'exceptionnel - pour tout exceptionnel que ce soit - ne nous surprend plus. Et on continue en vers et contre tout à aspirer à un ailleurs inaccessible que l'on avait pourtant approché autrefois à bord du même vaisseau. Si, si, je n'ai pas rêvé ! L'architecture même de "Man-Child" est plutôt boîteuse, alternant titres funky avec plages plus posées, plus atmosphériques, en guise de ballade ("Sun Touch", "Bubbles"). Même au sein de cette formation considérablement élargie, incluant cette fois plusieurs batteurs, guitares et une large section de cuivres, le déclic ne s'opère pas comme on l'aurait souhaité. Dommage. Car pourtant "Man-Child" s'ouvrait sur "Hang Up Your Hang Ups", un funk atomique tout bonnement irrésistible, sans doute ce que Hancock a fait de meilleur dans le genre. Oui, mieux que "Head Hunters" j'ai dit. Note : 3/6 Page 92/185 HANCOCK (Herbie) : Flood Chronique réalisée par Progmonster Plus qu'une agréable surprise ce "Flood" ! Destiné exclusivement au marché japonais, ce double album peut heureusement aujourd'hui être contenu sur un seul cd. Niveau prix, vous ne verrez pas la différence puisque c'est un import, mais dites vous que, double, c'eut été bien plus cher encore. Dites vous aussi que si vous avez la chance de le voir en chinant ou en allant faire vos emplettes pour maintenir votre oreille alerte, ne vous posez pas trente mille questions inutiles ; prenez-le ! Une performance en concert de haute volée qui a quelques solides avantages à son actif, vous jugerez par vous-mêmes de leur importance ; une pochette qui déchire (je trouve) et qui établit tout de suite la filiation évidente qui unit un album comme celui-ci avec, par exemple, "Live Evil". Toujours aussi carré et groovy, il est tout à fait illusoire d'espérer y entendre un sursaut psychédélique. Néanmoins, "Flood", de par son habile construction, est un disque qui monte lentement mais sûrement en puissance, avec un choix de titres des plus pertinents, parfait résumé de ce qu'il y a à retenir des travaux de Hancock depuis "Head Hunters". Mieux qu'une compilation. Ça démarre sur la pointe des pieds avec "Maiden Voyage" au piano et Herbie de poursuivre sur sa lancée avec "Actual Proof" dont le traîtement acoustique en révèle enfin la beauté, débarassé de ses masques parfois trop outranciers. Le jazz paraissait si loin ces derniers temps. Puis c'est l'escalade ; "Spank-A-Lee", "Watermelon Man", "Butterfly"... La machine à groove s'installe et commence à triper solide (les délires de Hancock sur "Chameleon", plus experimental que ça tu meurs). Mais ce ne serait rien sans cette version à rallonge de "Hang up Your Hang Ups" (près de vingt minutes !) où tout le monde s'éclate de bout en bout, délivrant une interprétation extrême et marathonienne de ce titre déjà haletant à la base et dont vous me direz des nouvelles. Tout le monde est en très grande forme, et en particulier Bennie Maupin, tout simplement magistral. Note : 5/6 Page 93/185 HANCOCK (Herbie) : Secrets Chronique réalisée par Progmonster Ça lui pendait au nez, fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre... Tout le monde y a succombé ; je ne vois pas comment ni pour quelle bonne raison Herbie Hancock allait pouvoir, comme par miracle, résister à l'appel du funk de salon qui, parce que dominant, projète depuis toujours une fausse image sur des productions de ce genre autrement plus burnées. Notre afroman avait déjà flirté avec ce type de développement lénifiant par le passé (je songe à certains titres sur "Thrust" et plus encore "Man-Child"), mais il y a ici des signes qui ne trompent pas, voire des revirements impardonnables. "Doin'It" semble indiquer que le claviériste ne compte pas changer de direction d'un iota ; mais quand surgit le refrain abominable, indigne, on comprend que la cause est perdue. À cela s'ajoute du chant, des choeurs, on ne sait plus très bien, on ne veut même pas le savoir, et subitement on se met à penser que "Thrust" et "Man-Child" n'étaient pas si mal que ça... Pour poursuivre dans la grande tradition des relectures de son répertoire, c'est "Cantaloupe Island" qui cette fois se fait charcuter sur la table d'opération ; méconnaissable, l'intervention chirurgicale lui donne des airs jamaïcains prononcés qui n'ont de raison d'être que dans le seul soucis d'être à la pointe de la mode. Aussi peu passionnant que du mauvais Weather Report, "Secrets" aurait bien pu le rester, secret, que personne n'y aurait trouvé le moindre inconvénient. Disque estival, disque de saison, disque de mode qui se démode. Alors, à moins que vous me réclamiez à corps et à cris les chroniques des disques tendance disco enregistrés par la suite par Herbie Hancock (mais j'en doute), si vous n'y voyez pas d'objection, je vais donc, à partir d'ici, m'octroyer le droit de procéder à un petit tri sélectif afin de faire ressortir la substantifique moëlle de ce qu'il reste encore à découvrir dans la discographie bigarrée de ce diable de caméléon. Note : 2/6 Page 94/185 HANCOCK (Herbie) : Directstep Chronique réalisée par Progmonster Au milieu de cette ribambelle de pochettes colorées et de portraits qui finissent par devenir kitsch avec le temps, "Directstep" apparaît comme une anomalie. L'observation dans le détail des notes de pochettes nous informe sur la genèse de cette réalisation pas courante. Pour faire court, on pourrait presque considérer cet album comme une commande, un coup d'essai dans le vide qui ne doit son existence qu'à la volonté de l'artiste à se frotter aux nouvelles technologies. En l'occurence, celle de l'enregistrement direct-to-disc qui consiste à directement graver sur support numérique ce que les musiciens jouent. Dire Straits s'était bien associé à Philips pour le lancement du cd et du dcc (arf, qui s'en souvient encore du dcc ?) ; la démarche de Herbie Hancock est sensiblement la même et investit donc les studios Sony de Tokyo pour emballer en deux jours cette petite demi-heure sans enjeux particuliers. Indirectement, ce procédé a de bons côtés ; c'est que, enregistré dans les conditions du live, Hancock fût bien obligé de repenser son implication au sein du groupe, ce qui explique la présence d'un second claviériste en la personne de Webster Lewis, chargé de rajouter une louche d'effets supplémentaires que les mains trop occupées du leader ne pourraient gérer en même temps. Du coup, on se retrouve avec un album de fusion funk un peu complexé, où l'on sent que le moindre écart de conduite ne sera pas toléré. Exécuté avec talent mais sans véritable esprit. Pas question de se fouler outre mesure ; c'est la raison pour laquelle Hancock en profite pour nous donner une nouvelle version de "Butterfly" ainsi qu'une autre du toujours aussi mièvre de "I Thought It Was You" tiré de l'insipide "Sunlight" paru plus tôt dans l'année. Seul l'inédit "Shiftless Shuffle" tire son épingle du jeu, sauvé in extremis par un toujours aussi brillant Bennie Maupin. "Directstep" nous présente donc une facette beaucoup plus modeste de ce funk qu'Herbie Hancock cultive depuis presque une décennie. En cela, "Directstep" est une curiosité. Note : 3/6 Page 95/185 HANCOCK (Herbie) : Future shock Chronique réalisée par Progmonster "Future Shock" est autant l'enfant de Bill Laswell que celui de Herbie Hancock. Après avoir inutilement tourné en rond et s'être enfoncé disques après disques dans la médiocrité, mélangeant, sans trop savoir comment, sonorités synthétiques derniers cris, electro funk ampoulé et vocoder emprunté à Zapp, notre pianiste jazz a tenu à s'entourer de sang neuf pour redonner un coup d'élan à sa carrière qui en avait bien besoin, c'est le moins que l'on puisse dire. Toute l'équipe Material est conviée (Michael Beinhorn, Anton Fier, et en renforts les fidèles seconds Nicky Skopelitis, Sly Du185ar, Aiyb Dieng, déjà aspirés dans la galaxie Laswell) pour un résultat finalement très en deça des espérances mais qui aura au moins eu le mérite de déboucher sur une vision que l'on qualifierait de moderne aujourd'hui mais qui en son temps passait pour tout simplement futuriste ; je parle bien entendu du tube mondial "Rockit" et son clip inoubliable sur le succès duquel Hancock va s'appuyer pour aligner d'autres albums dans la même veine, sans jamais parvenir à égaler l'original. "Future Shock", pour l'effet mode, c'est donc un peu "Head Hunters II", avec dix ans de plus dans les dents. En tout bien tout honneur, ce nouveau succès inespéré aurait dès lors difficilement pu dissuader le claviériste de changer de stratégie. Des titres comme "Earthbeat" ou "Autodrive" par exemple trahissent l'importance de l'apport véritable de Material en ce qui concerne la réalisation de l'album, mais ces sonorités plastiques terriblement datées ne tiennent tout simplement pas la route face à "Rockit", seule véritable réussite du disque, intemporel, et peut-être même - qui sait ? - accidentel... Et puis, la reprise de Curtis Mayfield qui donne son titre à l'album fait elle carrément pitié. Tout ça pour dire que je ne pouvais pas passer sous silence ce disque, rien qu'à cause de ce titre emblématique de toute une génération. Essayez de le pêcher sur une compile quelconque mais évitez l'album. Note : 3/6 Page 96/185 HANCOCK (Herbie) : Future 2 future Chronique réalisée par Progmonster Septembre 2001. Pas de bol. Herbie Hancock aura mal choisi le moment pour tenter de revenir au devant de la scène avec un album nostalgique comme on en attend de toutes les vieilles gloires en manque d'affection ou de thunes, parfois elles confondent les deux. Après avoir tâté du classique en compagnie de Chick Corea et après avoir jeté l'éponge, admettant, un peu tard, que Keith Jarrett faisait ça beaucoup mieux que lui, après moultes réunions en commité plus large ou plus restreint avec ses vieux comparses Wayne Shorter et Tony Williams, après enfin être tombé lui aussi dans l'exercice des reprises pop façon jazz ("New Standard" en 1995), les deux seules alternatives qui s'offraient à lui c'était soit tout arrêter, soit reprendre à son compte le credo "c'était mieux avant". Increvable, notre homme a bien entendu décidé de poursuivre. Regardons à présent si nous avons de bonnes raisons de nous plaindre de ce choix... Avec un titre tel que "Future 2 Future", Hancock s'amuse à brouiller les pistes ; en rappelant Laswell, le voile de mystère se lève sur l'un des deux futurs dont l'artiste voudrait nous parler. L'autre futur, c'est encore dans le passé qu'il va aller le piocher, en remontant jusqu'à "Sextant" puisque le gros morceau de l'album porte le doux nom de "Virtual Hornets". C'est en tout cas ce que semble vouloir nous indiquer les deux parties de "Kebero", généreux en gouttelettes de piano électrique. Mais grâce au carnet d'adresse étoffé du bassiste, "Future 2 Future" hérite d'un casting up-to-date, mis au goût du jour des dernières tendances ; drum'n'bass à la Roni Size sur "The Essence", hip hop sur "This is Rob Swift"... Hancock bouffe vraiment à tous les rateliers pour essayer de prouver à tout le monde - et peut-être lui en premier - que Monsieur reste à la pointe. Pour tout futuriste qu'elle soit, on retiendra surtout que la méthode est, elle, avant tout on ne peut plus opportuniste. L'album contient tout de même quelques réussites - avec un tel casting, le contraire aurait frisé l'inacceptable - mais aucune magie ne s'opère au fil des titres, mis les uns derrière les autres sans cohérence, sans âme, dans des transitions parfois trop boîteuses. Note : 3/6 Page 97/185 VAN DER WOUDEN (René) : Recreation Chronique réalisée par Phaedream Ce nouvel album de René Van Der Wouden est issu d’une session de studio durant l’été 2004, un peu avant Pro Sequentia. Tout à fait conforme avec son titre, Recreation m’apparaît comme un album léger. Le synthésiste néerlandais semble s’amuser en mélangeant les genres et les époques. D’austère il peut passer à la frivolité, et vice versa, donnant un album coloré, sans frontières et sans encadrements, un peu comme les gosses qui s’amusent en récréation. Zigzagante, l’intro de Recreation est métal contre métal, jusqu’à une très belle ligne synthétique se subtilise en violon et dessine une mélodie classique aux notes hautes et harmonieuses. Sous l’effet tendresse de cette mélodieuse intro, où les souffles violonés se perdent dans le temps, des notes volontaires frappent une séquence répétitive qui ondulent ses nuances sur des stries synthétiques éparses, qui survolent une structure rythmique sobre. L’intro de Recreation 2 est plus dramatique avec ses notes sèches qui entrecroisent ses équivalences séquencées. Un clavecin perce un nuage synthétique dense qui flotte doucement jusqu’à ce que la structure s’anime sur un rythme plus débridé. Strates mouvantes et émouvantes entourent ce morceau aux intonations variées. Sur Recreation 3, on a l’impression d’entendre un accordéon qui s’harmonise avec une séquence fluide ondulante. Un beau moment où une nuée d’accords, de différents instruments, s’entrecroisent avec émotion et réceptivité. Le rythme devient plus saccadé, sautillant sur une belle ligne synthétique qui serpente les séquenceurs aux émanations syncopées et nerveuses, que les lourdes strates de René Van Der Wouden caressent avec la passion de notre écoute. Sur des pulsations ventousées, Recreation 3 diminue son intensité sur une finale plus accablante, avec l’arrivée d’un violoncelle aux souffles amers. Sur Recreation 4, les notes forcent contre vent pour tourner sur une superbe ballade électronique comme une harmonieuse fantaisie. C’est beau, c’est fin et ça accroche à l’instant. Recreation 5 est un bouillon atmosphérique qui prend fin sur le rythme très Jarrien et bien percussionné de Recreation 6. Un titre aux percussions claquantes, aux tintements réguliers, au synthé coulant comme Jarre a oublié de faire. Un excellent titre qui a tout pour faire un succès sur une compilation de MÉ rythmé. Les strates ondulantes et paresseuses de Recreation 7 sont croisées de notes sombres qui résonnent dans une atmosphère cosmique étoilée. Cette valse statique est traversée par une belle ligne clavecinnée qui berce le néant, avant d’être foudroyé par un puissant jeu de percussion aux frappes solides et furieuses. Un solo de synthé ceinture ce mouvement furieux qui se multiplie de solos aux sonorités diverses, pour retomber dans une tranquillité latente qui se moule parfaitement au début harmonieux de The last Recreation. Ce dernier titre de cette session de studio possède un léger intro, comme la finale d’ailleurs, atmosphérique très enveloppante. Entre les deux, il y a du rythme, beaucoup de rythme qui file à fond de train sur un séquenceur saccadé par des pulsations et qui forment ses modulations dans des structures harmonieuses, peu importe les cadences. Les riffs sont lourds, les percussions froides et les pulsations filtrées par une ligne séquentielle qui ne manque pas d’imagination. Par-dessus tout, le sublime synthé de René Van Der Wouden aux strates lourdes et enveloppantes qu’il peint d’une tendresse si chaleureuse, qu’ils en sont uniques et qu’ils sortent des notes carillonnées, qui serpentent un mouvement énergique et vivant, comme une étonnante récréation. Page 98/185 Disponible au : http://www.renevanderwouden.net/ Note : 5/6 Page 99/185 SCALD : Vermiculatus Chronique réalisée par Yog Sothoth « Progressive sludge grinding doom ». Forcement, présenté comme ça, ça aurait presque de la gueule Scald (ne pas confondre avec l’homonyme russe, ce Scald là est irlandais), ça donnerait même envie de s'y pencher. "One instrumental track, 47 minutes"... Bon ok, c'est parti. Une écoute... deux écoutes... vingt écoutes (le promo traine sur mon étagère depuis une éternité). Et voilà qu'aujourd'hui, 18 Janvier 2007, je ne sais toujours pas quoi dire d'intéressant de ce disque. La musique de Scald se présente globalement comme une espèce de zapping barré de tout ce qui marche à ce moment. On peut oublier le "Sludge grinding Doom", le son ici n'est ni gras, ni crade, et se rapproche bien plus de dissonances et de structures Post rock adaptées à un son limite Meshuggesque, ultra sec et rentre dedans. Une cassure rythmique… 3 mesures… un break planant… un petit coup de pilonnage pour la forme… un trip psyché zarb… *Je me fais chier*… *Ah non, tiens là c’est sympa*… *pfiou ce partage en vrille !*. Vermiculatus se traine pendant ses 25 premières minutes, (volontairement ?) hermétique, (un peu) glauque et (surtout) complètement barré. Quitte à coller une étiquette, je me serai plutôt lancé sur du « Free Progressive Power Metal », mais bon, ça sonnait moins dans le vent. Passé ce cap, le disque bascule progressivement vers une espèce d’Ambient industriel parfaitement creux et insignifiant, à base de bruitages lointains vaguement trafiqués, dont le seul résultat est d’accréditer la théorie selon laquelle le début du disque tiendrait plus de la fumisterie pseudo conceptuelle que d’une véritable démarche artistique « Progressive ». On se retrouve donc avec un album en demi-teinte, qui, de plus, n’ouvre pas vraiment de perspectives pour le groupe, l’effet de ce genre de délire étant en général assez limité dans le temps. Note : 3/6 Page 100/185 MAXXESS : Offroad Chronique réalisée par Phaedream Vous aimez la guitare? Les rythmes lourds, sur des riffs acérés, et, évidemment, les ballades? Voilà qui devrait vous intéressez. Maxxess est ce guitariste Allemand qui a rencontré Axel Stupplich, de Pyramid Peak, lors d’un festival de MÉ. Une amitié s’est développée entre les deux artistes qui ont réalisé Contact en 2004. Depuis, Maxxess a réalisé 4 albums solos et ce dernier est, de loin, le plus rock, le plus lourd qu’il ait produit. De son aveu, il veut s’éloigner des structures aléatoires de la MÉ pour forger un style plus près du rock progressif pesant. Les équipements électroniques supportant les structures rythmiques. Dès Pulse, la stridence des six cordes nous arrache les tympans. Il aurait fallu lire la pochette, Maxxess nous sert une mise en garde; il a composé le cd le plus puissant, un défonceur d’amplis. Et de toutes évidences, les riffs sont hyper lourds, excités par les percussions et des solos qui survolent les structures comme un synthé tranchant qui coupe l’ambiance avec des accords secs, vifs et rudes. Un rock veineux au rythme absolu sur des solos vrillants et bouclés où l’agilité des doigts dépasse presque la vitesse de la pensée coercitive. Un titre puissant, assassin comme Adrenaline qui pourrait faire passer Eddie Van Halen comme sclérosé devant la rapidité du doigté de Maxxess. Par contre, il ne faut pas penser que Maxxess nous balancent 9 titres sans inspirations, juste pour faire du tapage. Dès Miracle, il démontre sa versatilité dans les modulations et les évolutions des structures harmonieuses. Sans être une ballade, Miracle permute entre le rythme et le non rythme, tout comme la MÉ, et la musique progressive d’ailleurs, sur un synthé qui se moule aux fluctuations des passages. La pièce titre est un pur bijou de cette symbiose rock/électronique. Sur des boucles vaporeuses, et des percussions métalliques feutrées, la guitare valse un soyeux solo planant qui déchire l’ambiance brumeuse de l’intro. Le côté rock ressurgit avec des riffs crevantes sur un synthé enveloppant. Une union parfaite, comme sur Crazy Blue Thing. Maxxess est étonnant avec cette structure ambivalente où la guitare est aussi magique et agile que n’importe quel synthé. Un titre aux modulations surprenantes, aux effets sonores saisissants, nappé d’un rock cru. Incroyablement bon Sleepwalk et Avebury-Henge, sont les deux plus belles pièces de Offroad. Sur des rythmes ambivalents, où les passages lents sont d’une sensibilité bleusy, la guitare de Maxxess explore les confins du désordre de cette union musicale sur des passages rythmés puissants et tranchants. Slowmotion termine cet opus sur une guitare solitaire, enveloppée de beaux synths et soutenu par de belles percussions. Une finale qui fait contrepoids à toute la pesanteur d’Offroad. Offroad est le 1ier album de Maxxess que j’écoute, et j’ai été agréablement surpris. C’est l’équivalent d’un album électronique, le synthé remplacé par une guitare. Une guitare hurlante, qui boucle ses solos avec une sonorité stridente. Une tonalité unique à Maxxess puisque similaire à celle retrouvée sur Contact avec Axel Stupplich. Un très bon opus qui mérite que l’on fouille un peu plus près la carrière de ce guitariste de feu. Disponible au http://www.maxxess.de Note : 4/6 Page 101/185 COMPILATION DIVERS : Père-Lachaise Chronique réalisée par Marco La nouvelle livraison Divine Comedy s'attache ici à retranscrire une atmosphère plus grave et funèbre qu'à l'accoutumée. Un hommage à l'un des sites les plus visités au monde aurait pu se transformer en poncifs écumant toutes les sonorités possibles d'une ambient sépulcrale. De même, les photos et le texte illustrant le livret auraient pu s'adonner à une allégorie pompeuse et usée jusqu'à la corde. Heureusement il n'en est rien : bien qu'au final les participants n'offrent ici qu'un vague aperçu de leurs capacités à créer des atmosphères particulières (voire en-deça de ce qu'ils ont par ailleurs déjà produit), les huit parties de "Père-Lachaise" s'enchaînent avec une fluidité assez appréciable, les boucles et les nappes déambulent inlassablement tel le promeneur perdu dans les méandres du cimetière. L'occasion nous est également donnée de découvrir Project Winter, seul inconnu de cette réunion, versé dans une ambient rituelle aux saveurs électroniques, assez proche par moments de leur compatriote de Artefactum. Plutôt que d'appuyer ostensiblement le caractère mythique du lieu (romantisme, personnalités de la littérature et des arts etc.) "Père-Lachaise" en esquisse plutôt les sentiments et les pensées de ses visiteurs à mesure qu'ils croisent monuments de caractères modestes ou démesurés, en lisent les épitaphes enorgueillis de formules latines ou de témoignages troublants par leur dépouillement. Loin de toute pompe gothique tout en conservant l'essence de la mélancolie, les photographies de Fabrice Billard abondent dans le sens d'une esthétique sobre et définitivement humaine et au-delà des stèles. On regrettera simplement le petit nombre de ces mêmes photos. Un bon disque, honnête dans sa démarche, qui manque quelque peu d'ambition malgré tout mais recelle le grand mérite de l'évocation sans pathos. Mors Ultima Ratio. Note : 4/6 Page 102/185 HOROLOGIUM : Songs for hunters Chronique réalisée par Marco Belle présentation que ce MCD au packaging sobre mais attractif. L'inépuisable Horologium cite Herman Hesse et entend évoquer l'héroïsme par la mythologie de la chasse. Il n'est pas particulièrement question d'une thématique guerrière ou d'une glorification quelconque de cette horreur, mais visiblement d'une métaphore sur la prédation. Côté musique, la recette Horologium faite de collages d'arragements orchestraux et de samples de voix ou de sons incongrus prend un tour assez inattendu. Si le charme opérait sur les oeuvres précédentes car distillé par une approche plutôt personnelle, il faut avouer que les cinq compositions de ce "Songs for hunters" relèvent beaucoup plus de simples collages qu'autre chose et par voie de conséquence d'une juxtapositions d'éléments disparates qui ici ne font finalement pas très bon ménage. Petite déception, l'ami Grzegorz nous gratifiant de nombreuses productions, considérons ce mini comme mineur, mais que cela ne devienne pas une habitude surtout ! Note : 3/6 Page 103/185 DIE KRUPPS : I Chronique réalisée par Marco Ah Die Krupps. Qui n'a pas saisi l'occasion de se défouler sur les dance-floors sur l'EBM de "Germaniac", le crossover "Metal machine music" ou les tubes des albums suivants ? Pourtant, Die Krupps existe depuis 10 ans quand Jürgen Engler décide de muscler son projet après la découverte du metal et notamment Metallica. Après des débuts très industriels ("Stahlwerksynfonie")et entre autres un accouplement avec les rois de l'électro-pour-faire-pompes Nitzer Ebb ("The Machineries Of Joy"), l'allemand débarque un beau jour avec un mini-tribute aux Four Horsemen de San Francisco. Si l'on excepte Ministry qui aura su populariser le mélange machines-guitares, c'est également à Die Krupps que l'on doit l'intrusion du metal proprement dit dans cet univers froid et mécanique. Le tribute est ainsi très rapidement suivi en cette année 1992 par ce "I" à l'intitulé emblématique d'un nouveau départ et à la pochette faisant également référence à un autre grand nom de l'histoire du rock (je vous laisse deviner). La "Metal machine music" est née, incarnée entre autres par le morceau addictif qui lui donne son nom. Les autres tubes de l'album, "The dawning of doom" (au riff repompé plus tard par les Laibach-guitares du pauvre, Rammstein) "The power" ou "High tech/Low life" imprègnent donc leur beat assez groovy de guitares qui se veulent mordantes mais entraînantes. Passons sur l'inutile (mais amusante) cover de Metallica pour évoquer les plus atmosphériques et "dark" "Ministry of fear" ou "Disciples of discipline", autre facette d'un groupe qui sait varier les ambiances. Hélas, et malgré l'attachement que l'on peut éprouver pour cet opus somme toute sympathique, notons le manque incroyable de relief et de puissance de la production qui ne rend vraiment pas justice à l'énergie et la conviction déployée par Engler et ses accolytes (et pourtant, John Fryer est de la partie !). Un bémol heureusement rattrapé par l'excellente suite, "The final option". Note : 3/6 Page 104/185 COMPILATION DIVERS : Extreme music from Africa Chronique réalisée par Progmonster Susan Lawly est un label noise dédié exclusivement aux oeuvres de Whitehouse, groupe indus britannique dont Marco ou Twilight pourront un jour vous parler dans des termes certainement beaucoup plus élogieux que les miens. Enfin, quand je dis exclusivement... Presque ! Parfois, il leur arrive aussi de proposer des compilations étonnantes. Ils ont entre autres initié la passionnante série "Extreme Music" à travers laquelle le label nous permet de découvrir des bidouilleurs sans peur et sans reproche éparpillés aux quatre coins de la planète. On a déjà eu droit aux volumes consacrés aux femmes de la scène noise, à la Russie, un autre - le premier de la série - au Japon (jusque là rien d'étonnant), en attendant celui annoncé au sujet de la Chine (!). Mais le plus étonnant de tous, celui qui vous décrochera à coup sûr la mâchoire, c'est celui consacré à l'Afrique. Oui, vous lisez bien. Je dois bien l'avouer, même moi, au début, j'ai cru qu'il s'agissait là d'une vaste blague tant nous sommes généralement à mille lieues de penser un seul instant que des marocains, des angolais, des ougandais ou des sudafricains puissent aborder la musique en tant que matière brute, loin de tout folklore et de toute tradition, mais, à contrario, farouchement ancré dans une attitude déconstructiviste post moderne et extrême. Et c'est sans doute là l'intérêt premier de cette compilation ; faire tomber les préjugés. Faute d'un manque cruel d'informations, je ne pourrais pas replacer les artistes ici présents dans un cadre qui nous permettrait d'en appréhender beaucoup mieux le travail. Quoi qu'il en soit, "Extreme Music From Africa" nous plonge dans un voyage palpitant, un des plus inédits et des plus étonnants qui soit, où pure noise, indus et dark ambient se côtoient, loin, très loin des stéréotypes auxquelles on associe généralement les musiques "dites" du monde, et ce malgré la présence inévitable - mais toutefois on ne peut plus discrète - des percussions et des chants typiques. Grand prix de la découverte. Note : 4/6 Page 105/185 NURSE WITH WOUND : Chance meeting on a dissecting table of a sewing machine and an umbrella Chronique réalisée par Progmonster "Chance meeting on a dissecting table of a sewing machine and an umbrella" (super titre qui fait gagner pas mal de lignes à un chroniqueur qui n'a pas spécialement grand chose à dire) est l'unique Nurse With Wound à se rapprocher encore de quelque chose d'un tant soit peu familier pour l'oreille humaine. Un format dans lequel il ne sent pas tout de suite largué et dont le fil conducteur est... la guitare ! Et principalement sur son premier titre, "Two Mock Projections". Aussi étonnant que cela puisse paraître, à ses prémices, ce lieu d'expérience collective qui deviendra très vite un espace totalitaire, s'encombrait encore de cet artefact hérité du rock et qui, il faut bien l'avouer, fait tâche au beau milieu de ces abstractions malades et angoissantes qui vont très vite définir l'identité même du groupe de Steven Stapleton. Un exercice finalement contre nature et qui, même sans connaissance au préalable de ce que deviendra leur carrière par la suite, trahit un habillage forcé, la cruche d'eau que l'on met dans son vin, pas spécialement pour aider l'auditeur à pouvoir mieux pénétrer l'oeuvre, mais pour se rassurer, par peur d'avoir fait le mauvais choix. Le vrai Nurse With Wound se révèle une fois débarassé de ce gênant invité sur la longue plage "Blank Capsules of Embroidered Cellophane" ; un cauchemar en noir et blanc mit en musique par des passionnés de musique qui vraisemblablement n'ont aucune connaissance des harmonies, ni aucun sens du rythme, mais qui savent parfaitement comment couper une barre de fer avec une scie à métaux, comment forer un trou dans un mur, comment mal ranger la vaisselle, bref, comment faire du bruit... Un happening sonore intéressant qui, même s'il s'exprime gauchement à travers les doigts inexpérimentés de nos jeunes anglais, prouve malgré tout que la musique, comme la vie, se fout pas mal de nos états d'âmes ; "Chance meeting on a dissecting table of a sewing machine and an umbrella" perpétue l'acte musical, l'acte de créer. Et c'est là l'essentiel. Note : 3/6 Page 106/185 ANTIGAMA / DEFORMED : Roots of chaos Chronique réalisée par Saïmone Antigama c'est du grindcore. Pour autant que je m'en souvienne, leur précédente production n'était pas exceptionnelle, mais envoyait suffisament la purée pour qu'on retienne le nom de ces polonais (si ma mémoire est toujours bonne). On les retrouve sur ce split avec un interessant morceaux de 12 min, aux antipodes de ce que le groupe a pu nous offrir par le passé: fini les blasts, là c'est une sorte de descente dans une usines avec le metal qui heurte une tôle rouillée; ambiance indus, voix distordue, guitare désarticulée, larsens, sons electroniques stridents, noise. Ça impressionne, ça part un peu dans tout les sens, sans queue ni tête, avec une ambiance du tonnerre de dieu, un peu malsain, un peu glauque, un peu drôle aussi – mais plutôt rire jaune, étonnant, frais et vraiment surprenant ! Deformed quant à lui, nous fait du gore grind de base, chiant, inutile, une boite à rythme mal mixée, une voix insupportable, on oublie ! Antigama: 5/6; Deformed: 2/6. Téléchargez Antigama Note : 3/6 Page 107/185 MISERY SIGNALS : Mirrors Chronique réalisée par Saïmone A la vue de la pochette, je m'attendais à un disque de pop sucreusement fatigant. On ouvre le livret, et la classe à l'état pure: ces jolies minois qui sont défoncés, echymosés, sanguinolants, on peut pas s'tromper, ça va poutrer. Gros son, gosier brûlant, double grosse caisse qui mouline bien, riffs épiques, on navigue dans des eux troubles entre la facilité mélodique d'un metalcore et l'efficacité brute de gros bras à la Burnt By The Sun. On dépolorera les arpèges MTV-esque mais on headbangera comme des sauvages lors des breaks entrainants ou des mosh-parts-chugga-chugga à fumer un ours. Gras, gros, puissant, sans véritable fond mais dont la forme suffit à nous mettre de bonne humeur. Cool ! Note : 4/6 Page 108/185 DEAD HEARTS : Bitter verses Chronique réalisée par Saïmone Signé chez Ferret (responsable de l'énorme split Luddite Clone / Burnt By The Sun), Dead Hearts erre dans les mêmes méandres que son voisin de de label Misery Signals: du gros metalcore gras, aux harmonies ridicules mais à la puissance de frappe interessante. Le son est là aussi énorme, mais on navigue dans de la mélodie chewing-gum télévisuelle et la grosse voix hurlée testostéronée, les choeurs guerriers et les accélérations fatales. Le mélange est assez étrange, pas toujours très convaincant, n'hésitant pas à se vautrer dans la boue du cliché « Amérique du Nord metalcore », mais arrive parfois à se relever pour courir à toute vitesse. Curieux, dansant, facile et ennuyeux. Faites votre choix. Note : 3/6 Page 109/185 SKALDIC CURSE : Pathogen Chronique réalisée par Iormungand Thrazar Introduit au groupe par l'excellente demo "Contagious psychic misery", c'est avec une impatience non feinte que j'attendais le premier album de ce très bon groupe anglais. Le voilà donc enfin, paru chez Forgotten Wisdom Production à la fin de l'année 2006 et intitulé "Pathogen". La force de ce groupe est de proposer une musique ultra bien foutue, précise, dense et fraîche, la puissance de conviction est réellement palpable. Le qualité du son est supérieure à celui de la demo mais reste tout de même raw sur les bords. L'autre gros point fort du groupe est la voix de Woundz: puissante, présente et réellement efficace. Il dégueule littéralement sa haine et s'impose comme un vocaliste talentueux. Cet album me fait parfois penser au « Zakon velesa » de The Stone par bien des aspects: d'abord, ces deux groupes sont injustement méconnus, pour des raisons qui me sont inconnues (la provenance peut-être).Ensuite, ils me semblent partager la même perception du black metal, en tout cas ils le retranscrivent d'une manière asseez similaire, à savoir un black metal très mélodique mais qui repose aussi sur des rythmiques puissantes et rapides. Ce fier assaut de black metal comporte quelques excellentes pièces: je citerais pour ma part un "Again, the knives" inspiré et direct qui reprend là ou s'arrêtait la demo, un "Slaughter the useless", magnifiquement introduit par un début calme à la guitare, tout d'un coup, la horde s'énerve et on comprend notre douleur. Ce titre est d'ailleurs tout simplement le meilleur de l'album, voire du groupe tout court. Il mêle à merveille accélérations meutrières et passages mid-tempo lancinants avec un riff de break excellent. "Carrionfields" ne déroge pas à la règle avec de très bons riffs vicieux. "Onset of decay" reprend la même recette que "Slaughter the useless", avec une introduction calme de laquelle la tempête va s'imposer. L'album se termine sur un "Decomposing reality" de presque huit minutes dans la même lignée que l’album, c'est à dire excellent. "Pathogen", premier album du groupe anglais Skaldic curse, dévoile aux yeux de la scène un groupe qui dispose déjà d'une réelle identité et qui fait preuve d'une grande maturité dans l'élaboration de ses compositions. Le combo montre une belle capacité à mélanger mélodies et violence à travers un album homogène et cohérent. Un premier essai absolument excellent qui j'espère en appellera d'autres. Note : 5/6 Page 110/185 ENSLAVED : Isa Chronique réalisée par Iormungand Thrazar C'est presque un pléonasme que de dire que cet album a fait couler beaucoup d'encre. Pour certains fans du groupe de la première heure, il ferait même office de trahison. La connerie a ses échos partout. J'ai même entendu dire qu'Enslaved n'avait sorti que trois albums, à savoir les trois premiers. Trahi quoi au juste? Devant le talent des musiciens qui composent ce groupe, la qualité de l'époque purement black metal avec "Frost" et "Eld" notamment, le groupe se serait irrémédiablement enfermé dans un style trop cloisonné pour lui s'il avait perduré dans cette direction. Puis est arrivé "Below the lights", qui fait aujourd'hui preuve de transition parfaite vers ce septième album intitulé "Isa", premier à paraître chez Tabu recordings. Passé d'un black metal alternant passages épiques et moments rapides, Enslaved a évolué d'abord avec "Below the lights" puis avec "Isa" ensuite, vers un black metal racé, raffiné, avec des influences progressives dans les riffs et les voix claires. Evolution: le gros mot est lâché. Mais comment ne pas prendre son pied dès le premier titre de cet album "Lunar force": puissant, très bonne production, varié, réfléchi, ce groupe a tout. On notera également la participation excellente bien que courte d'Abbath aux vocaux sur ce titre vraiment énorme. Le triplé qui ouvre cet album suite à l'introduction "Green reflection" est réellement excellent et m'a tout de suite mis d'accord sur la pertinence de l'évolution du groupe. On poursuit avec le titre éponyme et la superbe alternance dans le refrain entre voix black metal et de voix claires progressives. Les puristes seront peut-être choqués: "Non, des voix claires!", qu'ils aillent au diable pour ne pas savoir reconnaître le talent là où il se trouve. Superbe "Ascension" également et ses effets aux claviers (encore deux mots qui choqueront les puristes) qui soutiennent le morceau de manière remarquable, presque en arrière fond et pourtant bien réels: la sauce prend à merveille. On continue avec un "Bounded allegiance" qu'on aurait pu retrouver sur "Below the lights" tant le riff me fait penser à un titre de cet album. "Violet dawning" et son énorme introduction continue le massacre. L'instrumental "Secrets of the flesh" (enfin il y a quand même un cri) me met à genoux avant le coup de grâce final et les douze minutes de "Neogenesis" : un chant clair excellent avant un break typique qui sonne tellement Enslaved. Plus que jamais, Enslaved met en avant une identité forte et palpable au travers d'une musique intelligente, travaillée et talentueuse. Enslaved n'a rien trahi, il a simplement progressé à travers les années, aussi bien au niveau de l'écriture que de la capacité instrumentale. Je plains ceux qui ne réussissent pas à comprendre ça et considère injustement le groupe comme des vendus. "Isa" est un monolithe lumineux (il reste un puriste dans la salle qui n'a pas encore vomi ?) d'où déborde le talent, la conviction, une puissance d'évocation monstrueuse et des musiciens qui savent se remettre en question, proposer ce qu'ils aiment et pas simplement ce que l'on attend d'eux. En bref, un grand groupe soutenu par un grand album. Note : 6/6 Page 111/185 HARMS WAY : Oxytocin Chronique réalisée par Nicko On va faire concis, simple et efficace, parce que Harms Way le permet. Ce quatuor suédois joue du bon rock/metal communément appelé stoner metal plein de feeling tout à fait dans l'esprit de Queens Of The Stone Age, bref, du heavy metal à la Black Sabbath en plus moderne en quelque sorte, mais sans le génie de ces derniers. Par contre, c'est clair que l'influence du groupe se situe directement vers les Reines de l'Age de Pierre ! C'est bon, rapide, efficace, pas bateau non plus, les fans aimeront sans problème, les solos de guitares sont directs tirés de ceux de Toni Iommi. Bref, du bon, bien fait et sans prétention. Note : 4/6 Page 112/185 PAGANIZE : Evolution hour Chronique réalisée par Nicko Voilà des norvégiens censés révolutionner le heavy-metal ! Rien que ça ! Mouais, on va dire que Paganize (à ne pas confondre avec les séudois de Paganizer !) joue du gros heavy metal moderne, limite power metal par moment avec des influences très classiques comme Queensryche (pour son côté froid), Helloween (mais ce n'est pas non plus du happy metal, loin de là !) ou Judas Priest (période Ripper Owens, surtout au niveau du chant et de l'atmosphère très moderne). D'ailleurs, je trouve leur album vraiment proche du "Demolition" des britanniques. L'entreprise est louable, mais franchement, ça manque de rythme et d'intensité tout ça. Et pourtant, c'est Trym, batteur d'Emperor et de Zyklon est-il besoin de rappeler, qui tient les baguettes. Non, ça a beau être bien exécuté, la sauce a du mal à prendre. Il manque définitivement de la personnalité à Paganize. Ce n'est pas non plus désagréable à écouter, c'est juste un peu redondant et on a déjà entendu ce type de heavy metal 1000 fois en 100 fois mieux par le passé. Très moyen... Note : 3/6 Page 113/185 CRAFT : Fuck the universe Chronique réalisée par Nicko Je vous préviens, je découvre seulement Craft ! Je n'ai pas eu la chance d'entendre ne serait-ce qu'une seule note de leurs précédents albums. C'est donc avec des oreilles vierges que j'écoute ce "Fuck the universe". Au moins, avec un titre pareil, on est prévenu, Craft ne fait pas dans la dentelle ! Et effectivement, ils sont black metal jusqu'au bout des ongles. En fait, c'est p'tet ce que j'ai écouté de plus true Norwegian black metal (alors qu'ils sont suédois !) ces dernières années ! Ils sont els dignes héritiers de Darkthrone selon moi en moins rock n' roll. Attention, il ne s'agit pas d'une copie de la sainte trinité ("A blaze in the northern sky" - "Under a funeral moon" - "Transilvanian hunger"), mais plutôt d'une suite à "Panzerfaust" ou "Total death" avec une touche plus que présente de riffs bourrés de feeling d'influence Satyricon. Bref, ça reste dans la même famile en quelque sorte ! Les ambiances crades sont bel et bien là avec une alternance marquée entre blast destructeurs et mid-tempo briseurs de nuques, le tout soutenu par un chant bien extrême et convainquant (lorgnant du côté de Satyr). Craft ne révolutionne rien, il joue dans la pure tradition du black metal des années 90 et c'est déjà pas si mal surtout quand on voit les tonnes de merdes qui pullulent en metal extrême ces derniers temps... Note : 4/6 Page 114/185 SENSITIVE CHAOS : Leak Chronique réalisée par Phaedream Leak de Sensitive Chaos, est la fusion des atmosphères. Sur la pièce titre, un synthé nonchalant traîne ses notes de guitares virtuelles qui résonnent dans une atmosphère vide. Graduellement, ces accords sont rejoints par un sax isolé et des percussions qui deviennent plus présentes, dans une ambiance de soft jazz abstrait. Sensitive Chaos, c’est Jim Combs, la moitié de duo américain très expérimental TouchXtone. En Leak, il nous présente des compositions écrites, et enregistrées en direct, au cours des 2 dernières années. Très expérimental, avec une approche bien personnelle, le style de Sensitive Chaos reflète son identité, du chaos sensible. Prenons Android Cat Dreams Of Mice. Des percussions, style bouteilles, carillonnent dans une ambiance placide. Doucement, un synthé s’amène avec ses notes douces et caressantes. Graduellement tout devient plus intense ; d’étranges ronflements se mélangent aux notes basses et rauques, sur un beat des îles au mouvement très sensuel. Une belle structure aux modulations bouclées, qui reviennent sur le même sentier harmonieux, ajoutant toujours un élément musical nouveau, montrant d’un cran l’attente et la curiosité. Et l’attente vaut le coup. Une belle mélodie, aux faibles carillons, émerge d’une nuit bercée par les souffles du sax de Brian Good. Starry Night est un superbe titre qui monte en crescendo avec de puissantes percussions. Superbe, le sax se lamente sur un rythme hachuré, par un beau jeu de percussions et des strates discrètes qui entrecroisent ce mouvement envoûtant, où la petite mélodie carillonnée flotte toujours dans l’air ambiante d’une nuit que l’on souhaiterait tous les jours. Le début de Painting Earthtones In Orbit exploite les notes carillonnées avec des voix synthétiques inaudibles. Le rythme se dessine en boucle sur des percussions feutrées et une bonne ligne de basse. La cadence augmente sur des nappes synthétiques qui semblent se chercher, mais les percussions tablas martèlent le pas sur un rythme confus, plus près d’une atmosphère statique que d’une évolution séquencée. Court, mais fort réussi Bullet Train aurait pu faire l’intro d’émissions d’aventures et policières de ma jeunesse. Les percussions sont incroyablement mordantes. Une petite minute qui passe bien. Nightshift At The Baby Mecha Nursery est le seul titre studio de Leak et termine dans la même atmosphère harmonieuse et carillonnée qui a fait le charme de ce premier effort de Sensitive Chaos. Leak de Sensitive Chaos est un album de MÉ expérimental. Les rythmes se balancent entre les notes d’un clavier carillonné et des percussions aux essences et provenances variées. Avec une structure nettement plus abstraite que la MÉ conventionnelle, Sensitive Chaos parvient à maintenir un niveau harmonieux qui captive l’attention. Et un titre comme Starry Night n’est pas à la portée de n’importe quelle plume. Un très beau titre, dans un album qui se dompte assez aisément. Pour amateurs de musique expérimentale, avec un côté très harmonieux. Note : 5/6 Page 115/185 COX (Ben) : On Water Chronique réalisée par Phaedream Écouter du Ben Cox, c’est comme entrer en contact avec un monde musical paranormal. Tout est obscur, fortement nuancé sur des atmosphères sombres et ténébreuses, qui toisent quelques versets mélodieux, comme des rayons de soleil dans des pénombres caverneuses. Et, qui dit sombre, ne dit pas nécessairement ennuyeux, bien au contraire. Un doux piano croise les accords d’une guitare sur un sourd bourdonnement. Depuis les vapes d’un monde souterrain, Anhinga laisse filtrer des accords mélodieux qui hantent doucement les nappes synthétiques sombres qui survolent une quiétude intrigante. On Water est ce qu’on appelle un album de musique ambiante et sombre. Un monde caustique où les sonorités sont lugubres, effleurant une sensibilité morose. Une ambiance à la fois sombre et tendre, comme les voiles de Merganser, où les accords d’une guitare électrique rencontre une trompette errant sur une belle basse moulante. Un beau mouvement qui filtre une voix fantomatique à l’ombre des souffles du sax. Le sublime piano de Willet, qui danse parmi des notes carillonnées, est une raie de soleil dans cette noirceur apprivoisée. Même sous les tonnerres et la pluie, cette exquise tendresse berce nos illusions, nos pensées secrètes que seul la noirceur peut révéler. Carrousel imparfait, comme l’auteur l’a si bien sculpté, les abrogations des cycles harmonieux n’entachent en rien sa sublimité. Moins mélodieuse, l’abstraite procession de Gannet est comme un lent tourbillon cosmique. Atonique Grebe est une collection de sonorités où des segments d’accords, principalement de guitares, croisent des effets sonores immobiles, des pulsations sans vie. Comme si un paysage chimérique se déroulait devant une animation d’ombres chinoises. Des souffles de trompettes s’entrelacent aux sombres nappes du synthé absent de Plover. Un titre qui progresse avec les souffles du néant, modulant de belles et harmonieuses exhalaisons d’une trompette solitaire. Pray for Rain fait entendre les premiers élans animés de On Water. De belles percussions manuelles moulent un rythme sensuel, qui gonfle sur un mouvement hésitant, incertain. Initié par une intro de guitare, Pray for Rain revient à ses sources pour solliciter une autre envolée exploratoire d’un monde aux illusions sonores plus complexe qu’irréel. Intrigant, pas tout à fait dénué d’intérêts, cet album de Ben Cox est une impressionnante incursion dans le monde de la musique abstraite. Une collection de sonorités qui se moulent à des rythmes lents et des atmosphères sombres, dans un climat de mélancolie prétexte à réflexion. Une bonne surprise qui élargit encore plus mes horizons culturels. Disponible chez http://www.lotuspike.com/index.php Note : 5/6 Page 116/185 PADILLA & ZERO OHMS : Path of Least Resistance Chronique réalisée par Phaedream Craig Padilla et Zero Ohms est la rencontre d’un synthésiste qui peut jouer autant de finesse, que de puissance, et un flûtiste de renommée nationale qui unissent leurs visions pour le plaisir des sons, des sens et de nos oreilles Comme un violoncelle esseulé, caressant ses cordes de solitude, un fin et sombre bourdonnement ouvre Leaving This Shadow Of Heaven. Les fins synthé de Padilla suivent ce cortège astrale au bourdonnement continu, à laquelle des chœurs austères se coulent. Un mouvement opaque, visité par une guitare aux modulations contorsionnistes qui échappent ses complaintes dans une noirceur cosmique qui se transporte sur The Everything That Is No Thing. De ce silence à la froideur spatiale, s’échappent les premières pulsations séquentielles de Craig Padilla. Les notes lourdes résonnent dans ce silence magnétique pour suivre une ondulation sombre, qui est entourée de stries synthétiques éparses et d’effets sonores cosmiques. Souple et fluide, le synthé harmonise ses accords en de beaux solos qui se lovent à une séquence rotative qui progressive sur les percussions qu’elle dessine pour se frayer un escalier vers le néant de Hollow Dreams Of Worlds Passed. Un titre d’une lourdeur spatiale, où l’on perçoit les vibrations des lentes modulations qui toisent des passages d’une tristesse amplifiée par le chœur de sirènes galactiques qui s’assombrissent sur un lourd bourdonnement. Un bruit sourd et guttural qui se mue en onde cristalline sur Realizing The Infinite. On peut conclure que Frequencies [Of Life] est la phase 2 de Path of Least Resistance. Un fin mouvement spatial, se dessine sur une mer de tranquillité. Des passages agités secouent les ondes spatiales, provoquant des remous statiques aux sonorités abstraites, comme des feux follets en captivité. Derrière cette plaine atonique, nous entendons une superbe ligne synthétique, lustrée de chants d’oiseaux. Sur un séquenceur souple, The One ondule sur les réverbérations synthétiques de la dernière tendresse de Frequencies [Of Life]. Fluide sur un mouvement saccadé, le rythme The One devient une obscure danse tribale sur des rythmes incertains où des cercles sonores virevoltent dans une frénésie circulaire. Flûtes et strates synthétiques s’entrecroisent sans vraiment avoir d’effet, tant la lourdeur semble concentrée dans l’œil de ce cyclone virtuel. L’intensité diminuant, nous entendons la flûte errer au travers ce champ de batailles sonores où multitude d’arpèges laissent filtrer leurs dernières notes. Enchanteresse, cette flûte ouvre la pièce titre Path of Least Resistance, accompagné d’une guitare anonyme et de faibles percussions. Une parfaite harmonie, aux inspirations asiatiques et aux frontières d’un nouvel âge hautement mélodieux. Lourd mais beau, lent et harmonieux; Path of Least Resistance navigue entre une MÉ Berlin School et une musique ambiante sombre qui nous plonge dans l’univers hétéroclite d’un monde obscur et harmonieux. Craig Padilla et Zero Ohms fusionnent 2 styles avec leur vision fantaisiste où tout se colle. Un beau cd, où les amateurs de MÉ, tant Berlin School qu’ambiant, vont apprécier jusqu’à la toute fin. Disponible chez http://www.lotuspike.com/index.php Page 117/185 Note : 4/6 Page 118/185 SCHULZE (Klaus) : Miditerranean Pads Chronique réalisée par Phaedream Percussion Planante fut l’une des bonnes pièces du répertoire de Schulze dans ses années échantillonnages. Un titre qui a joué longtemps dans mon baladeur, surtout dans mon auto. Sur Miditerranean Pads, Klaus Schulze poursuit sa quête des échantillonnages amorcée avec En=Trance. Bien qu’on y retrouve des bribes et des éclats d’opéra, de musique classique, les principaux samplers sont des percussions. Miditerranean Pads est une affaire de percussions. Schulze exorcise ses démons d’antan avec la technologie d’aujourd’hui. L’effet est monstre et multiplie les surprises sur un travail titanesque. C’est d’ailleurs sur cet album, avec Decent Changes, que j’ai apprécié les 1ier collages phatosmagoriques de Sieur Schulze et de ses orchestrations segmentées. Sur cette ré édition de Revisited Records, seulement 2 à 3 minutes additionnelles ont été rajoutées, l’original étant déjà près de la limite de temps; 70 minutes. Decent Changes est un mouvement linéaire qui construit son intérêt sur ses percussions et ses nombreux samplers. Le jeu des percussions est bien agencé avec la basse, donnant une structure rythmique solide qui s’étalera sur plus de 30 minutes. Des violons, des strates synthétiques, du mellotron flûté et de brefs segments de solos de synthés; tout est de mise pour assurer un rythme continu sur des percussions hachurées, aux cadences incertaines sur une ligne continue qui ne subira qu’une à deux modulations. Un superbe titre, que j’aurai raccourci, quitte à étirer les 2 pièces qui suivent. Miditerranean Pads est une délicieuse romance dont la partition vocale est un échantillonnage de la voix d’Efli Schulze, femme de Klaus. Sur un délicieux piano aux accords arraches cœurs, les voix soufflent l’amour, la vie, l’attente et le désespoir dans mouvements aux intonations diverses et un piano divin. Un beau morceau où la sensualité se combine à une sensibilité, sur un sax échantillonner. Schulze a pensé à tout sur cet album percutant. Percussion Planante est une ode à la percussion. Dans une fusion parfaite, où toutes formes de percussions se serrent les pulsations et les vibrations qui s’échappent, pour injecter d’autres battements, d’autres puissances réverbérarices sur un titre qui a les bras longs et qui ramassent tout ce qui se percussionne. Des voix, en arrière scène sont les témoins privilégiés d’un mouvement de piano qui serpente et qui ondoie ses accords en de superbes passages mélodieux, étoffés de fabuleuses strates et d’un jeu plus robuste. Vers la 20ième minute, les percussions sont seules sur une modulation qui amène des lignes plus symphoniques, plus orchestrales sur des frappes aussi claires, que saisissantes. Bien qu’il ait été primé dans certains pays, donc les Pays-Bas, Miditerranean Pads est un album difficile d’approche, mais si je vous garantissais la beauté, y croiriez-vous? Et pourtant, c’est un peu la malchance de ce 21ième album solo de Klaus Schulze. Fidèle à son habitude, Schulze fuit la facilité pour incorporer des beautés sublimables dans son œuvre. Ses œuvres, il les veut rebelles, difficiles d’accès. Car en fin de compte, lorsque que le génie créateur nous habite, aurions-nous intérêt à l’étaler avec toute la facilité déconcertante qui tue la passion? Page 119/185 Note : 6/6 Page 120/185 LFO : Advance Chronique réalisée par dariev stands Si "Frequencies", album pilier s'il en est de l'électro britannique, apportait l'innovation de pouvoir s'écouter chez soi et non seulement sur une piste de danse (ce qu'on ne peut pas dire de tous les disques de house de l'époque), ce "Advance" est un pas de plus en avant (comme son nom l'indique...) vers une musique écoutable at home, comme n'importe quel disque d'électro de nos jours... Mais un petit pas. Les collègues de label de LFO en sont déjà plus loin. Qu'importe, le projet de Mark Bell continue son petit bonhomme de chemin, entre deux productions pour Björk (et Depeche Mode...). Car à la sortie de ce disque, l'homme s'apprête à travailler sur la charpente sonore de la cathédrale "Homogenic"... Un projet relativement ambitieux, qui déborde allègrement du cadre de la pop ou de l'électro, pour aller toucher un grand public que Bell ne touchera jamais avec ses disques à lui. Alors en écoutant ce "Advance" , bien des fans du disque suscité ont du rechercher les mêmes sons extraterrestres, les mêmes habillages sonores cristallins... Ils ont du être déçus. Ceux qui ont écouté "I Go Humble" de l'islandaise, eux, seront au moins surpris de constater que "Shove Piggy Shove" en est l'instrumental (ou comment faire une face B collector pour les fans en faisant du karaoké sur un morceau déjà existant). "Advance" reste un disque formellement basé sur le rythme, tout comme son prédécesseur. Résultat, il est parfois bien aride en comparaison des autres productions Warp. Certaines pièces sont même essentiellement rythmiques, décharnées de toute mélodie, comme ce "Jason Vorhees" (décidément ce disque jette un froid) à la richesse polyrythmique indéniable, mais qui fait s'interroger sur la musicalité de telles recherches : Où sont passés l'insouciance et le délire de "Frequencies" ? Bien plus froid qu'"Homogenic", "Advance" est glacial. S'il fallait retranscrire musicalement une averse de grêle ("Forever"), ce serait probablement le résultat obtenu. Les émotions sont bannies, et la mélodie avec. Alors c'est sur, quand les deux réapparaissent le temps d'une pépite nocturne irréelle et baignant dans l'anxiété ("Goodnight Vienna"), ça laisse sur le cul, comme dirait le sage. Mais pour le reste, les sonorités futuristes du premier album se font trop timides. Le single, "Tied Up", entièrement rythmique, n'est qu'une débauche de beats surgonflés et mécaniques. On pense à la dureté de l'EBM, également dans l'intro de "Kombat Drinking" qui s'achève en nappes rêveuses typiques du style Warp, clôturant ainsi l'album par une digression musicale familière. Un parfait avatar de la techno seconde génération (WipEout...), que ce "Advance"... Note : 3/6 Page 121/185 COMPILATION DIVERS : ...All my dead friends Chronique réalisée par Marco Comme à son habitude et pour marquer un palier toutes les 50 références ou presque, le label culte suédois livre sa nouvelle compilation (faisant suite à Flowers Made of Snow parue en 2004) à l’intitulé teinté d’humour noir typique. Rappelant par son design (un beau digipack noir avec livret) et son éclectisme frappant la fameuse compilation The Absolute Supper sortie en 1998, "…All my dead friends" a la saveur d’un retour à l’âge d’or du label. Aux côtés des artistes de l’écurie CMI à l’actualité récente ou à venir apparaissent des projets non résidents du label mais s’inscrivant par leur personnalité dans la logique de promoteur de talent de Roger Karmanik, chef d’orchestre de cette macabre symphonie. Envolées martiales et néoclassiques avec Coph Nia (qui offre un avant-goût de son futur diptyque rituel), l’inconnu Hrafn (au morceau prenant mais qui traîne un peu trop en longueur) et For Greater Good. Un peu d’électronique avec Pimentola (intéressant mais pas toujours pertinent, attendons l’album), les vétérans Beyond Sensory Experience et les Français Tharmapsal, outsiders de cette collection avec un univers tribal efficace et véritablement personnel ; les accords et litanies neofolk ou heavenly que le label a ostensiblement développé ces dernières années s’incarnent pour le meilleur en Rome, All My Faith Lost, Medusa’s Spell et pour le pire en Decadence (sirupeux) et Stormfagel (bancal et pénible). L’autre marque de fabrique de CMI, la dark-ambient, est ici représentée dignement avec les excellentes participations de Foundation Hope, :Golgatha:, Letum et Atrium Carceri, ces deux derniers relevant le niveau de leurs dernières productions plutôt fades. La diversité du label ainsi habilement représentée confère à …All my Dead Friends une qualité que beaucoup de compilations du cru oublient en cours de route, à savoir la capacité à simultanément se distinguer et rester cohérentes. Note : 4/6 Page 122/185 ROACH (Steve) : Kairos Chronique réalisée par Phaedream La musique de Steve Roach est idéale pour visionner les territoires arides des déserts états-uniens et australiens. C’est avec ses premières images que débutent Kairos. Malgré l’impression de déjà vu, sur Time of the Earth, la musique de Roach est enveloppante et se marie superbement bien aux structures terrestres aborigènes, qu’un jeu de caméra surplombe avec aisance. Dès que Soul’s Time se fusionne avec Core Regeneration, les choses changent. L’impression de déjà vu s’estompe net et la magie de l’animation assistée par ordinateur se moule intensément à la musique de Steve Roach. Des lignes abstraites, multicouleurs où des formes moléculaires se contorsionnent, se subdivisent pour épouser des sous formes et sous genres, sur une musique abstraite, aux essences tribales nous rivent les yeux dans le fond de leurs orbites. Au dela des images, il y a la musique et Core Regeneration est un titre agité avec des percussions tribales sur un mouvement de synthé qui fouette le vent, comme ses instruments aborigènes que l’on tournoie pour simuler les sonorités éoliennes. Du bon Steve Roach, qui nous plonge dans son univers atonic au coté des méduses décolorées sur Resonation Portal. Un monde sous marin qui se transforme en karma tubulaire aux couleurs vivaces. Etheric Planet est un superbe mouvement flottant, aux effets sonores disparates qui insufflent des modulations à peine perceptible sur des images d’une sombre beauté. Il n’y a pas de meilleure façon pour décrire les mouvements ambiants. Comme les subtiles ondulations, les dessins abstraits épousent les formes proposées par les effets sonores et les modulations qui gravitent autour d’une onde spectrale. Lifeforming amène un rythme plus alerte, sur des percussions et une basse encerclante, plus près d’un monde rock progressif que d’un monde ambiant. Les formes se modulent à cet étrange intro qui se transforme en mouvement séquentiel lascif et sensuel, dans un festival de couleur aux formes géométriques réinventées, qui s’ajustent à la prise rythmique de Lifeforming. Un tourbillon séquentiel d’une rare intensité qui virevolte sur une structure à la basse fluide et aux effets sonores décapants, sous l’aile protectrice d’une nappe de synthé lourde et enveloppante. Un excellent titre, l’un des bons de Steve Roach qui, comme le vin, est encore meilleur avec l’âge. Edgar, l’as-tu entendu celle-là? Dès les premiers souffles de l’ombre des accords de Biogenesis, ma peau s’est transformée en celle d’un petit poulet déplumé. Sur des structures aussi lointaines que Structures From Silence, Biogenesis parcours une ligne délicieusement spasmodique sur des couleurs vives aux formes saisissantes. Dans une onde spatiale intense fuse les stries analogues, comme du psychédélique réinventé. Womb of Light revient sur les traces de Lifeforming, alors que The Great Return conclut ce grand voyage coloré sur les ambiances et nuances des atmosphères lourdes que des dessins fondants, comme des substances organiques, transposent sur écran. Ce superbe DVD contient un court métrage d’une dizaine de minutes, nous montrant Steve Roach en concert au Japon. Un document unique qui contient aussi le cd de Kairos. Après toute ces années, Steve Roach réussit encore à surprendre et à émerveiller. Kairos c’est 75 minutes saisissantes où la magie de Roach se transpose dans les mains de concepteurs graphiques qui ont compris l’essence et le magnétisme entourant le personnage et ses œuvres. Des morceaux comme Lifeforming et Page 123/185 Biogenesis, l’un après l’autre laisse ses empreintes émerveillantes. Note : 6/6 Page 124/185 ROACH (Steve) : Core Chronique réalisée par Phaedream Des accords de guitares résonnent sur un coussin synthétique à la tonalité basse. Atmosphère intimiste, où les notes serpentent en écho sur une rotation exigu, Way of Now est une douce spirale striée d’ondes synthétiques planantes. C’est aussi le titre d’introduction de Core, un des bons albums pour s’initier à la culture tribale de l’univers très cosmopolite de Steve Roach. Core est un fabuleux opus où Steve Roach démontre sa maîtrise des rythmes, des tempos variés sur des percussions et ou effets sonores à apparences trompeuses. Car, dans cet univers, Roach manipule les sons comme un chirurgien le scalpel. Way of Now n’était qu’une douce intro, sans provocation. Une entrée en matière pour mieux vous saisir, vous envoûtez. Avec Wings of Icarus, Steve Roach étend ses ondes synthétiques sur un rythme nerveux, aux percussions chambranlantes. Mouvement minimaliste, aux ondulations discrètes, elle se fond dans les rythmes sombres aux souffles spectraux de Train of Thought. Un crescendo sombre accentue la cadence sur des effets sonores et percussions qui se jumellent aisément à la vision que l’on peut avoir d’un train en progression. Une impressionnante trouvaille. Resonation Revelation se glisse doucement dans notre mémoire auditive. De belles pulsations hypnotiques et minimalismes qui augmentent en cadence sur des effets sonores gutturaux. Comme si on humerait l’air près d’un marais qui sert de dépotoir à une substance chimique. Tranquillement, le synthésiste américain s’introduit par envoûtement, car cette lascivité hypnotique se poursuit sur Core Reflection. Ambiante et intrigante, cette procession éolienne se métamorphose en déluge de percussions qui tournoie sur des impulsions variées. Très tribal, on peut certes l’associer à des peuples souterrains (Matrix) communiant sur des danses, comme des êtres possédés, avec des lignes synthétiques qui fouettent l’ambiance. Un titre fort qui module son rythme sur l’intensité, et non le mouvement, donnant l’effet d’une vague sonore qui ralentit tout métabolisme. L’impact dans une aire d’écoute restreinte est phénoménal. Hyper Portal, que l’on entend vers la fin de Core, est construit sur les mêmes structures tribales. Tout à fait renversant. So it goes continue les approches minimalismes sur des pulsations ventousées, juste avant Endorphin Dreamtime. Un bijou de mouvement séquentiel à la Berlin School, aux superbes boucles minimalistes qui nous poigne à l’âme. Traversé par de belles nappes synthétiques et mélodieuses, la ligne se dédouble pour en former une autre qui se love et s’entortille avec son innocence de nouveau venu. Évidemment, il s’agit de mon meilleur morceau sur Core qui s’éteint dans les souffles abyssaux de Indigo Yearning. Core est une incursion dans l’univers tribale de Steve Roach. Bien qu’il y ait du rythme, il y a peu d’interconnexion avec les rythmes séquencés à la Berlin School. En fait, il y a très peu de mouvements séquencés, comme Endorphin Dreamtime. Les rythmes sont issus de la magie de Steve Roach à manipuler les sonorités, les percussions et les effets sonores tribales. C’est un album qui cerne bien les capacités et la diversité sonore du créateur de Dreamtime Return. Page 125/185 Disponible au www.steveroach.com Note : 4/6 Page 126/185 HINT : Product topology Chronique réalisée par Marco C'est un doux euphémisme que de considérer ce vinyle de Hint comme le Graal de la musique expérimentale française des 90s. Tiré à 500 pièces à l'origine (bien qu'il y ait des doutes sur la pleine distribution de l'intégralité du pressage), cet album de "remixes" passé presque inaperçu au point que tout le monde s'empresse d'en dégotter en vain un exemplaire représente une apogée dans la courte mais intense carrière du duo angevin. Apogée, pour ne pas dire aboutissement éclairé et vibrant, illuminé par ce qu'on apelle plus communément un éclair de génie. Epaulés par l'un des producteurs phare la scène alternative/expérimentale et assistés de compagnons de routes, Hervé Thomas et Arnaud Fournier décident de "déconstruire" leur premier album, "100% white puzzle", paru chez feu-Black & Noir. Et on peut dire qu'ils ne font pas les choses à moitié, puisque de l'original ne subsistent que de rares empreintes (séquences, thèmes, riffs) certes reconnaissables mais au final transcendées par cette nouvelle approche. L'essence-même de Hint, la volonté de se démarquer de toute étiquette tangible tout en osant les références et les influences (Zorn pour le saxo par exemple) est diffusée sur chaque pièce "déconstruite" ici. Un feeling ambient, presque rituel parfois ("My second hand", "Eyes in axis-diamond is carbon mix"), trip-hop industriel mâtiné de séquences ethniques du plus bel effet ("Foetus in tenebris-claustrophobix mix), rock noise habité ("Eyes in axis-diaphonic interferences mix" ou Sonic Youth sous trip) et la liste pourrait être encore longue tant "Product topology" se situe à la croisée de nombreuses familles musicales. Ainsi l'appellation de "remixes" en devient complètement inutile, voire ridicule. Hint repense et restitue son propre univers malade et claustrophobique en ouvrant une fenêtre sur une approche macroscopique du monde. On en rêverait presque de documentaires du National Geographic sonorisés par cet incroyable duo qui vient de se reformer pour produire l'accompagnement sonore d'un roman français. Un disque vraiment hors du temps, immensément riche, poétique, expérimental dans tous les sens du terme (remise en "cause" de l'oeuvre personelle, ouverture sur de nouveaux champs d'expérimentations) et définitivement la meilleure oeuvre de Hint. Une pièce de collection de par son extrême rareté, mais par-dessus tout un joyau inépuisable. Note : 6/6 Page 127/185 HINT : Wu-Wei Chronique réalisée par Marco Chaque album de Hint est une preuve de plus de l'insaisissabilité de l'inspiration des angevins. Après l'urgence chaotique et apocalyptique de "100% white puzzle" puis sa refonte totale avec le fabuleux "Product topology", "-Dys" remettait le duo sur les rails d'un feeling aux contrastes enthousiasmants, passant de la furie hardcore au dub le plus classieux. Il est donc logique que "Wu-Wei" à son tour témoigne d'une couleur nouvelle tout en maintenant le cap. Le maître-mot de "Wu-Wei" semble à ce titre être "patchwork". L'album se caractérise par une approche toujours plus hétéroclite, la part belle revenant ici à un feeling jazzy/lounge, comme sur le déroutant "Ten thousand things" au beat electro/house et aux cuivres joyeux. Même si la tentative est osée et le résultat objectivement crédible, cette orientation tranche véritablement avec les "canons" de Hint tels que l'excellent "The process" ou l'esprit post-hardcore de "Mr Investigator", tandis que des morceaux comme "From room to room" ou "Wu-Wei" foulent des territoires post-rock (cordes lancinantes, mélancolie, onirisme). On constate également l'interférence du propre projet solo de Hervé Thomas, Fragile, sur le superbe "Beautiful old Betty", ainsi que des prémices de Dead Hollywood Stars, projet electro-dub atmosphérique aux saveurs "westernisantes" (auquel participe aussi Hervé), sur "Limitless space". Telle une coda minimaliste et plutôt inutile, "Sounds of karma" met fin à ce voyage encore une fois unique en son genre, moins attachant et galvanisant que le reste de la discographie de Hint, mais révélateur d'une personnalité incroyable. Note : 4/6 Page 128/185 GOLGATHA : Seven pillars - Reflections on the myth of Thomas Edward Lawrence Chronique réalisée par Marco Le destin exceptionnel de Thomas Edward Lawrence alias Lawrence d'Arabie (1888-1935) est une source inépuisable d'inspiration pour peu que l'on se penche sur sa vie. Archéologue, officier de l'armée britannique et écrivain, l'homme est devenu un mythe au-delà des frontières orientales dont il ébranla la rigidité. Courage, abnégation, amour pour un pays qui le marqua dès ses premiers pas sur ces terres délicates et arides : un héros au sens noble et pur du terme. Il ne fallait pas plus pour que :Golgatha: s'attèle à retranscrire sa vie en musique. Dans la continuité de "Kydos qui explorait le concept d'héroïsme avec un mélange de fascination et d'amertume, "Seven pillars" focalise donc ce concept sur un seul homme, celui qui aida une grande partie de la communauté arabe à retrouver une identité loin du joug européen et extrême-oriental, en participant aux guerres arabes du premier tiers du XXème siècle. L'échec également, avec non seulement la fin du rêve d'indépendance mais également l'instabilité et le dur retour à une réalité à laquelle il ne souscrivit jamais. Une fois de plus :Golgatha: explore les contrées les plus diverses, folk et neoclassique ("The loss", avec Tony Wakeford en invité) et une grande palette d'atmosphères épiques et solennelles, entre l'ambient évocatrice d'un désert onirique et les salves martiales d'une épopée guerrière. Si la plupart des productions du genre manquent cruellement d'émotions, la forme prenant malheureusement le pas sur le reste, les allemands savent distiller des sentiments contrastés et véritables. L'émotion est souvent au rendez-vous ("Reflections I") et l'intelligence avec laquelle les éléments ethniques et traditionnels sont utilisés participe significativement à l'empathie générée par les arrangements. Ainsi nous sommes encore une fois plongés dans un univers cinématographique (notons par ailleurs que Charlie Clouser a sélectionné :Golgatha: pour une édition spéciale européenne de la b.o. du film "Saw III") à la crédibilité duquel s'ajoute la qualité des visuels. Une somme de travail effective que l'on ne peut qu'apprécier, passionante, hétéroclite et imprévisible. Note : 5/6 Page 129/185 TANGERINE DREAM : Live At The Tempodrome Berlin 2006 Chronique réalisée par Phaedream Enfin, un concert de Tangerine Dream sur DVD. Depuis le temps que la rumeur circulait, Edgar Froese cesse de faire languir une légion, de plus en plus croissante de fans (Oui Oui-TD n’as jamais été aussi populaire), et donne son accord à la publication d’un DVD. En fait, Tempodrom est le 2ième DVD, le premier du catalogue Eastgate étant Dante’s Inferno. C’est un Edgar tout frêle qui prend place, devant l’auditoire. Muni d’un simple harmonica, il entreprend l’intro de Astrophel And Stella. Un long titre obscur, aux émanations claniques, sur un rythme lent, assez sensuel d’ailleurs, qui réchauffe autant la salle que les musiciens, avant que Ça Va, Ça Marche, Ça Ira Encore ne débute le concert. Pendant plus de 2:30hres, le band à Froese nous sert un menu musical qui couvre à peu près toutes les périodes de TD, allant jusqu’en 77 avec Encore. ERt dans ce menu, il y a des titres que l’on a entendus rarement, ou jamais en concert. Succès après succès, sur de belles prises de vue et 7 musiciens qui rendent justice au patrimoine culturel de tangerine Dream. Pourtant, il y a quelque chose qui cloche. Je regarde Jerome, dont c’est un retour lui qui avait quitté depuis 1½ an, et il est morose. Pourtant, papa semble se noyer dans le bonheur. Je regarde les autres musiciens et il y a quelque chose qui accroche, qui fait que tout est artificiel. Pourtant l’ambiance est surchauffée, les musiciens, Bernhard Beibl en tête et Iris Camaa trépignés d’impatience. Flashpoint débute avec les percussions assommantes. Mais tout semble simulé, froid. L’ambiance ne va pas avec le contexte et la chaleur des premières musiques de TD n’arrive pas à percer l’ambiance froide et placide. Comme si tous avaient déjà hâte au rappel. C’est un groupe déconnecté, avec peu de complicité et de passion qui défile les classiques de TD. Et là! Ça frappe, c’est apparent comme un nez dans le front. Tangerine Dream fait du simuling, du lipsync, comme Milli Vanelli, comme Britney Spears! Je me dis que c’est impossible. Que cela doit être un effet de réverbération qui crée une distance échotique. Que le son des claviers de Thorsten Quaeschning est trop faible, qu’il est trop collé sur les percussions, que ces mêmes percussions sont noyées, lors de l’intro de Scuba Scuba, par les synthés de qui…??? Je me renseigne auprès de sources fiables qui confirment mes dires. Tangerine Dream ferait du simuling depuis au moins 2005, selon un témoin visuel au concert du Shepherds Bush Empire en 2005. Selon plusieurs, Edgar aurait commencé ce manège en 1999, lors du concert à Klangart en Allemagne. Il n’y a pas juste moi qui ait remarqué ce subterfuge. Ça susciter tout un débat sur les groupes de discussion de Tangerine Dream. Les fanatiques étaient aux barricades, alors que des gens près de TDI ont recommandé de changer de sujet, car il se pourrait que cela soit le dernier DVD de TD. Pas beau ça? Pendant ce temps-là, le DVD du concert de SBE dort sur les tablettes, parce que le simuling serait trop apparent. Un autre pavé dans la mare d’Edgar qui n’en finit plus de créer de la controverse. Lipsync ou pas, l’apparence est trop évidente pour que ça n’agace pas. Ce DVD est d’une froideur totale. Un beau setlist; un bel écran visuel avec de belles images, de beaux paysages sur une mise en scène platonique. Le surnombre de musicien, éparpillé et perdu sur une assez grande plate forme, et une interprétation sans âmes ternissent l’image d’un homme qui a ternit un nom légendaire. Page 130/185 Tellement froid que même le ‘’rehearsal’’ nous montre un Yéti à forme humaine, alors que les autres membres sont tous sourires. Car l’argent sera facile. Note : 3/6 Page 131/185 TANGERINE DREAM : Live at The Guild Hall Preston 1980 Chronique réalisée par Phaedream Les concerts de Tangerine Dream sont toujours des œuvres de collection pour les fans du groupe mythique, tant de la première heure, que des dernières. Évènements culturels fort prisés, les concerts du Rêve Mandarin sont toujours des festins de Prince, comme en témoigne l’engouement populaire d’une possible tournée mondiale pour 2007, évènement qui coïnciderait avec les 40 ans d’existence du Dream. Initialement, l’apparition des Tangerine Tree n’inquiétait pas les comptables de Froese. C’est lorsque des enregistrements d’excellente qualité ont fait surface, dans les derniers Tree, que les grands argentiers de TDI ont flairé la bonne affaire. C’est ainsi que depuis 2003, différents albums en concert du trio Allemand ont fait surface dans les boutiques virtuelles de TDI et les boutiques spécialisées. En tout, 17 titres ou boîtiers, totalisant près de 30 concerts, sont apparus officiellement depuis 2003. C’est beaucoup d’enregistrements, beaucoup d’argent et des heures d’écoute pour les fans. Mais, croyez le ou non, aucun concert de la tournée 1980 n’était encore réalisé. Avec Live at The Guild Hall Preston, toute les périodes de Tangerine Dream sont maintenant couvertes. Live at The Guild Hall Preston a été longtemps un pirate difficile à obtenir. Sorti sous plusieurs noms comme Space Truckin et Event Horizon, il a toujours été incomplet, jusqu’à l’apparition du Volume 62 des Tangerine Tree en Août 2005. Un concert complet, foudroyant avec une excellente sonorité, dont Bootmoon obtenait les droits. C’est le 6ième concert de la série Bootmoon produit pour TDI, le dernier sera Detroit 77. Cette fois-ci, Bootmoon livre un double live honnête, avec une très bonne sonorité, mis à part les rappels; Chorozon (écrit Chrozon sur la pochette) et The Football Museum, qui contient un excellent solo de guitare. Est-ce remasterisé ou est-ce le volume qui fut ajusté? Je penche plus vers cette hypothèse, car il y a beaucoup de bruit de fond sur Grange Park, où Johannes Schmoelling nous offre un beau solo de piano. Toujours est-il que ce double cd ‘’officiel’’ possède une clarté étonnante, qui ne justifie en rien le prix demandé. Ce concert de Preston est purement explosif. Undulation I est le seul moment atmosphérique du concert. Un tourbillon statique et métallique avec une séquence hyper nerveuse qui déboule à fond de train. La sonorité est difficile à adapter, car les modulations sont rapides et les boucles de basses tournent sur un train d’enfer. Cette première partie roule sur une structure où la basse est omniprésente sur des synthés acuités. Mais chaque subtilité est bien captée et le génie séquentiel de Franke est démesuré, surtout sur Undulation II. Nous avons droit à un Tangerine Dream au sommet de sa forme dans des interprétations sulfureuses de pièces inédites comme Undulation et l’étonnant Silver Scale. D’ailleurs, le cd 2 au complet tourne autour de cet titre ravageur et incisif avec une structure riche en séquences et basses Des pièces survoltées avec des séquences en feu et des solos incroyables. Très peu de moments atmosphériques, pour ne pas dire; aucun. Du rythme, des séquences lourdes et un superbe solo de guitare sur Diamond Diary. Un bon enregistrement. Je ne dirais pas remasterisé, mais nettoyé avec de la puissance sonore ajoutée. Est-ce que cela vaut le prix? Je vous laisse seul juge. Par contre; lorsque l’on sait comment Bootmoon a obtenu l’enregistrement; lorsque l’on voit la qualité de la pochette, comparativement à celles dessinées par les fans qui ont mis le projet des Tangerine Trees sur pied, je me demande qui est le vrai ‘’bootleger’’? ENTK!!!! Page 132/185 Ça reste un grand concert, avec un gros setlist, où TD joue pour vrai. Avec passion, émotion et conviction, Franke, Froese et Schmoelling nous offre une performance à la hauteur de leur réputation. Et c’est lorsque on entend un concert de ce genre, que l’on saisit le mieux le génie incontesté du Dream. Note : 5/6 Page 133/185 MISSTRIP : Sibylline Chronique réalisée par Progmonster Impossible d'écouter d'une oreille distraite le premier album de Misstrip. Les angevins confirment la volonté de diversification du label Prikosnovénie, sans que cela se fasse au détriment de leur recherche permanente pour des musiques "sensibles" aptes à stimuler l'imaginaire. C'est peut-être une nouvelle ère qui s'ouvre en effet tant la musique gravée sur "Sibylline" apparaît comme un tremplin idéal pour un rayonnement international. Commercial, le terme est lâché, mais il ne faut pas y voir quoi que ce soit de péjoratif... Commercial dans le sens où nous sommes loin ici des chansons à tendance folk ou gothique qui ont pendant longtemps représenté la marque de fabrique du label. Mais qui ont fini par l'isoler également, devenant au fil du temps un gage de qualité pour une communauté qui ne conçoit pas de vivre ailleurs que dans l'ombre. On n'échappera pas pour autant à certaines caractéristiques propores au genre ; un chant féminin, des ambiances prenantes et brumeuses, un rendu pour le moins glacé. C'est que Misstrip envisage son art à travers le filtre du trip hop, un courant du musical qui, je le pensais, s'était depuis longtemps dissolu dans des tas d'autres déclinaisons. Le groupe cite à juste titre Sneaker Pimps comme point de référence, mais alors cela doit être celui de leur tout premier disque, "Becoming X". Se contenter de cela pour décrire la musique de Misstrip ne suffit pas. Ses beats électroniques pesants et menaçants, sa guitare saturée qui jauge avec clairvoyance l'utilité de son intervention, ses nappes angoissantes tantôt travaillée via synthétiseur, tantôt à renfort de violon et violoncelle (la plage titre) l'inscrivent dans une intersection à définir où se croiseraient, pêle-mêle, Archive, The Gathering, Goldfrapp, Depeche Mode, Portishead, Interlock, Curve ou même Björk... Y a de quoi faire. Note : 4/6 Page 134/185 MAPLEBEE : Hello Eve Chronique réalisée par Progmonster Et Priskonovénie d'enchaîner sans plus attendre avec le projet Maplebee, patronyme derrière lequel se cache enfin, plus pour longtemps je crois - l'anglaise Melanie Garside qui a déjà ondulé de la croupe dans Queen Adreena, les Vertigo Angels et les Mediaeval Baebes (j'avoue ne connaître que ces dernières, surtout pour la qualité plastique qu'elles dégagent, digne de figurer dans le calendrier Pirelli). La belle concentre tout ce qu'elle peut faire sur "Something", le titre en ouverture, où elle assure toutes les fonctions, un peu à l'instar d'une Émilie Simon, point de comparaison qui n'est point fortuit. La débauche toute relative de rythme qui y figure ne sera pas appelé à se répéter davantage au cours de l'album. Par la suite, on vogue en effet assez rapidement dans une pop teintée de folk au tempo plus posé, agrémenté d'effets electro jamais prédominants, dans un registre toujours délicat, plus intimiste, mais pas dénué de petites trouvailles amusantes en terme de production (les bruits de bulles et le ronronnement de chat sur "Bell Song"). En cela, évoquer Kate Bush ne relève pas de la pure fantaisie ; Mélanie parvenant tout aussi bien à créer son propre univers, magique, mystérieux et sensible à la fois ("Sadness Landed" à la guitare acoustique). À certains égards, son timbre de voix s'en rapproche également ("Turn In"). Sur la longueur, selon que l'on soit absorbé ou non par ce doux rêve ainsi projeté tout au fond de notre boîte crânienne, selon l'humeur du moment aussi, on succombera, recroquevillé, au charme de "Hello Eve", pour sa sincère délicatesse, ou, au contraire, on finira par s'en détacher peu à peu, faute de pièces qui parfois tombent dans la facilité en utilisant des tics d'écriture communs. Un disque qui, pour l'heure, se prête comme un gant au climat hivernal qui secoue l'Europe en cette fin janvier 2007. Note : 4/6 Page 135/185 JOHANSSON (Pär) : The empty palace Chronique réalisée par Progmonster Scarlett Johansson a deux frères : Adrian, son aîné, et Hunter, son jumeau paraît-il (je le plains). Mais alors qui c'est ce Pär ? Pär Johansson n'a rien à voir avec la famille de la starlette, et c'est bien dommage. Car avec son talent pour dépeindre des ambiances moites et lugubres, il aurait pu facilement se faire pistonner par sa gourde de soeur pour signer la bande originale d'un Alien 5 qu'on attend toujours. Un rapide coup d'oeil aux titres de cet album nous indique que Pär cultive une certaine attirance pour tout ce qui est sombre, et je dirais même plus précisément pour l'occulte. "The Empty Palace" réunit à vrai dire cinq compositions de l'artiste suédois, la plus ancienne datant de 1998, la plus récente de 2006. On peut donc considérer cet album comme un condensé de son travail. Et celui-ci ne se développe qu'à partir de textures lancées par le biais d'un multipiste, confrontant les sources audio dans un enchaînement de bruit et de dissonances où les zones de silence ont heureusement encore le droit de citer. Héritier des démarches contemporaines d'un Stockhausen pour la forme, Pär Johansson refute pourtant toute approche intellectuelle sur le fond. Le théoricien fonctionne plutôt à l'instinct, puisant son inspiration aussi bien dans les philosophies que dans la littérature (on aura pu le constater). Cela nous donne de longues plages abstraites dont le côté glacial transparaît au travers des traîtements électroniques qu'ils subissent de plein fouet, ouragans noise qui fondent sur vous sans prévenir, avec un côté envoûtant mais indéniablement malsain que l'on aurait pu retrouver dans les exercices ambient de la clique à Edgar Froese si seulement ils avaient signé un pacte avec le diable... De la MÉ satanique ? Et pourquoi pas au fond ? Note : 3/6 Page 136/185 HAERETICUS : Our legions fight religions Chronique réalisée par Yog Sothoth Une fois n’est pas coutume, je vais commencer cette chronique du premier album d’Haereticus par les nombreux « petits détails qui fâchent ». Déjà, ce disque est doté d’un son de merde. Plate, sans profondeur ni puissance, cette production qui sent bon le fait-maison handicape d’ailleurs sérieusement la musique, un Black Metal très connoté Darkthrone / Nargaroth, avec ces fameux riffs ultra typiques du genre, tellement usés et abusés de partout qu’ils sont presque tombés dans le domaine public. Alternativement rapide et agressif ou plus mélancolique, le groupe enchaine les passages bateaux, d’où seul surnage le chant particulièrement déchiré, unique vecteur du feeling malsain que les musiciens tentent d’instaurer. Alors bien sûr, tout n’est pas complètement à jeter dans ce premier effort, et certains titres surnagent vaguement (« Sous la bannière des légions hérétiques » arrive loin en tête avec son coté épique plus poussé, pas désagréable), mais dans l’ensemble, le groupe sudiste se positionne davantage en queue de peloton qu’à l’avant-garde de la scène « raw » Black française. Très dispensable. Note : 2/6 Page 137/185 LAC PLACIDE : Closer Chronique réalisée par Progmonster S'il y a bien une chose qu'on ne pourra pas retirer à Lac Placide, c'est leur foi absolue en ce qu'ils font. Ils s'appliquent avec conviction et assument leurs choix à cent pour cent. Leur nouvel album en est la preuve éclatante ; avant même que l'on s'attarde sur la musique, le soin apporté à la présentation du disque, l'univers graphique développé par le groupe montrent une nouvelle fois avec quel sérieux, mais aussi avec quelle ardente passion, tout cela a été conçu. On peut faire des choses légères le plus sérieusement du monde. Le contraire est vrai aussi, et la communauté du Lac de nous prouver que, contrairement aux apparences, ils cultivent l'auto-dérision ("Prologue", "Déambulogue", "Ventrilogue"...). "Closer" est un album dense qui ne peut pas s'appréhender après un survol désintéressé. N'oublions pas que la grammaire du groupe est pour le moins particulière, peut-être difficile, mais en tout cas beaucoup plus inédite qu'on ne le croit grâce notamment à son duo de voix, ce qui identifie peut-être le plus immédiatement leur style ; à la croisée des chemins entre métal et progressif symphonique, Lac Placide refuse catégoriquement de se voir enfermer dans l'une ou l'autre de ces catégories. C'est ce qui explique ses va-et-vient incessants entre les deux grammaires qui pourraient être interprétées comme un manque de direction précise. Or, c'est justement ce que le groupe recherche. À alterner les ambiances, à passer du chaud au froid, à vous prendre par la main et vous transbahuter avec eux dans des aventures épiques. On sait toujours comment ça commence, rarement comment ça se termine... Au delà du travail accompli que personne ne peut remettre en question, reste une affaire de goût. Ce n'est parce que l'on aime quelqu'un que l'on doit être forcément d'accord avec tout ce qu'il fait et tout ce qu'il dit. En toute honnêteté, sur "Closer", il y a des directions prises auxquelles je n'adhère pas, mais à côté de ça, il y a également de franches surprises ("Clown de Dieu", exercice casse-gueule s'il en est où Lac Placide s'en tire avec les honneurs, puis les couleurs chamarrées qui apportent du relief à des titres comme "The Trials", "Epilogue" ou encore "Ventrilogue" qui se souvient de "The Clap"), si bien que, dans l'ensemble, le constat s'avère être des plus positifs. Note : 4/6 Page 138/185 ALPHA LYRA : Music for the Stars Chronique réalisée par Phaedream Alpha Lyra c’est le synthésiste français Christian Piednoir. Un artiste fortement influencé par Klaus Schulze ainsi que la musique électronique analogue et expérimentale. Music for the Stars est son 1ier opus. Une œuvre étonnante, entre le rêve et le rythme, sur un fond cosmique étoilé entre le mythe et le rêve. Comme dans une rêverie, une poussière nostalgique qui arpente nos souvenirs, North Star ouvre ce 1ier opus d’Alpha Lyra avec une promesse mélodieuse. Limpides et cristallines, les notes du piano défilent un superbe carrousel harmonieux. Une guitare acoustique, tout aussi douce, promène ses accords à l’ombre du mouvement pianoté qui obsède notre passion. North star est une soie, un superbe morceau pour nous introduire dans le doux monde musical d’Alpha Lyra. D’un couloir astral, l’intro de Bételgeuse progresse sur une fine pulsation basse, créant le lien entre l’atmosphère et le rythme. Envoûtantes, aux textures profondes, de sublimes strates synthétiseuses flottent dans une ambiance nuancée, entre l’atonie et l’errance harmonieuse. Tranquillement, la séquence s’éteint pour laisser le synthé valser avec ses accords et s’enfuir sur des mouvements solitaires. Altaïr est hallucinant de profondeur. Une onde synthétique se déploie, telle un phare sonore, pour ausculter la noirceur avec des gestes gracieux sur des carillons légers. Dense avec de longs mouvements passionnés Altaïr rejoint les silences et harmonise son environnement sur de lourdes portées synthétiseuses mystérieuses. Deneb est le plus beau titre sur Music for the Stars et probablement d’Alpha Lyra. Une longue exploration musicale sur des mouvements séquencés et des passages ambiants, ornée de belles mélodies pianotées et de segments mélodieux qui gravitent en suspension dans les méandres atmosphériques, bien exploitées par les synthés de Christian Piednoir. La 2ième partie est ensorcelante à souhait, avec sa faible pulsation qui cohabite avec une séquence croissante, alimenté de strates gourmandes. Minimalisme et hypnotique, Deneb nous transpose dans les bras de Morphée avec une infinie douceur. Un excellent titre. Un remix de North Star conclut cette 1ière œuvre d’Alpha Lyra. Tout aussi mélodieuse, les chœurs remplacent les strates synthétiseuses, alors qu’un clavier déboucle les notes célestes de cette superbe chimère mélodieuse. Aux portes du Nouvel Âge que nous serions que je m’en satisferais, tant la douceur est céleste. Music for the Stars est une ode aux étoiles. De Véga, connue aussi sous le nom d’Alpha Lyra, une constellation de la Lyre aux couleurs bleutées lumineuses, Christian Piednoir nous y fait entrer avec toute la splendeur d’une beauté Boréale. Ce 1ier opus est une ondée de fraîcheur dans le paysage de la MÉ. Une musique harmonieuse sur de longs mouvements aux modulations nuancées, entre les atmosphères et les séquences mélodieuses, dans une ambiance céleste. Disponible au http://www.alpha-lyra.net/ Note : 5/6 Page 139/185 ALPHA LYRA : Aquarius Chronique réalisée par Phaedream Après les étoiles, Alpha Lyra trace sa musique dans un monde plus près de nous; le monde halieutique. Aquarius est le fruit d’un projet ambitieux qui consiste à écrire une musique pour un livre sur les poissons intitulé ‘’Aquarius…sous le signe des poissons’’. L’écriture de la musique s’est effectuée en parallèle avec celle du livre, sur une durée de 5 mois. Des chœurs éclectiques montent des profondeurs abyssales de Crystal River. Un mouvement doux, sur un synthé aux flûtes discrètes qui se moulent aux chœurs frêles, comme des sirènes qui chantent les beautés cristallines des reflets d’une eau limpide. Incroyablement douces, les ondulations synthétiseuses se font sur des nappes célestes aux voix fluides. Un beau voyage sur des flûtes et des cœurs enchantés qui nous font découvrir les vertus de la tendresse, dans un univers captif. Aquatic Dream exploite la même quiétude sur de belles harmonies fragmentées. Le mouvement progresse dans un couloir échotique où une belle mélodie séquencée ondoie dans les reflets bleutés d’une surface agitée par un vent synthétisé, comme les siffles du printemps. Le lent intro de Aquarius se fond sur un sublime synthé ondulant qui tourbillonne avec douceur parmi des notes coulantes et des chœurs aux harmonies célestes. Un beau moment envoûtant qui inspire une partition mélodieuse croissante, sur des synthés aux évolutions lentes. Comme si l’abîme des couches sous marines serait le meilleur endroit sous terre. Ocean Waves est une longue kermesse d’une douceur mélodieuse, avec un synthé aux strates enveloppantes. Une belle séquence soyeuse anime ce tempo léger, qui se subdivise pour créer une autre mélodie qui évolue harmonieusement autour des chœurs et des lourdes strates synthétisées. Un superbe passage d’une douceur hypnotique et reposante. Les synthés sont superbes et laissent traîner multitudes de stries et striures stridentes, spectrales et enveloppantes. De leurs réverbérations, un piano secoue ses notes, accompagné de chœurs aux harmonies variantes, comme les gardiens de l’entrée secrète de Ocean Waves. Une excellente pièce qu’on ne se lasse d’écouter, tant pour relaxer, rêver que pour le plaisir de déguster une mélodie synthétisée dans une harmonie sonore parfaite. Batanga Reef termine ce 2ième opus de Christian Piednoir comme l’ensemble d’Aquarius; une mélodie en totale cohésion avec les valeurs musicales et harmonieuses de ce banquet musical pour un monde aquatique. De la musique pour accompagner un livre! De la musique pour poissons! Faut avoir les convictions de ses croyances, et à ce niveau Alpha Lyra me semble tout à fait crédible. Aquarius est un superbe album mélodieux, aux mouvements plus progressifs et plus audacieux que Music for the Stars, laissant présager que le meilleur reste à venir de ce synthésiste français. J’y ai perçu une sensibilité et un effet d’être à portée de rêves des cours d’eau que l’on entend tout au long de ce périple. Un beau voyage musical, où l’ambiant côtoie le rythme léger et minimalisme, laissant amplement le temps de s’asseoir et de se promener à vol d’oiseau. Disponible au http://www.alpha-lyra.net/ Note : 5/6 Page 140/185 JUSTICE : Waters of Nazareth Chronique réalisée par dariev stands Tel un monolithe chromé, un char d'assaut rutilant lancé à toute vitesse sur les dancefloors du monde entier, la machine Justice a tout écrasé sur son passage en cet an de grâce 2006. Rien ne semble arrêter la hype infernale consacrant nos deux "futurs daft punk", fraîchement adoubés par la presse anglaise, pour qui la capitale française semble perpétuellement fournir de la matière première... Faut dire, ils ne sortent pas de n'importe quel garage, les deux futurs Daft Punk. Déjà, présentons-les : Xavier de Rosnay et Gaspard Augé. Pas mal. On reste dans la noblesse quoi (succession du trône oblige). Et ils s'appellent "Justice". Arf. Manquent pas d'humour. Bref, trêve de ruminations, il s'agit d'un brûlot cradingue d'électro survoltée et bien crasseuse, au son qui semble évoquer une pourriture avancée, comme si un champignon friand de composants electroniques s'était infiltré dans les synthés du groupe, histoire de leur donner cette texture déchiquetée et furieusement organique, à faire passer n'importe quel son de guitare saturée pour un gazouillis pro-tools sans âme. De quoi vous faire régler le son de la chaîne (ou du poste, mais le son ne se règle pas sur un poste, dommage). Parlons donc de cet EP, Waters of Nazareth, qui contient bien sûr, le terrifiant morceau titre, deux fois remixé, dont une par Justice eux-mêmes, ainsi que deux autres tracks, les très médiévaux "Let there be light" et "Carpates". Que du bon, même si les remixes sont dans la grande tradition des remixes, c'est-à-dire inférieurs aux originaux et fatigants. Ce bon vieux DJ Funk (pionnier de la booty house sur le label Dance Mania) l'a bien compris, et il ne reste plus grand chose de l'édifiant "let there be light" après son passage, puisqu'il ne garde que la structure du morceau pour proférer toute sorte d'injections stupides ("b-b-b-b-bounce that ass on the floor") avec un débit Flavor Flavesque. Voilà, ça c'est du remix. Alors malgré leur street-credibilty qui fleure bon le auteuil-neuilly-passy (tel est leur ghetto), ne crachons pas dans la soupe, n'oublions pas que les meilleurs disques pop français de cette dernière décennie sont l'oeuvre de bourges patentés nés "sous le signe du V" comme dirait l'autre. Tant qu'ils nous abreuverons de skeuds comme celui-là, ça ira ! Note : 4/6 Page 141/185 NEBELUNG : Mistelteinn Chronique réalisée par Sheer-khan Nebelung fait dans le strict nécessaire. Nebelung fait simple, cru... il fait de la folk triste et nue. Pas de toucher d'or pur, pas d'arrangements brilliants : Stefan Otto et Thomas List font avec ce qu'ils ont : une indéfectible naïveté, à l'origine de leur souffrance, et un sens profond de la vérité. Nebelung ce sont deux guitares qui croisent leurs arpèges, la voix sincère de Stefan Otto, profonde et hésitante, et un violoncelle grave et essentiel qui asseoit l'acoustique et souligne l'harmonie. Le duo allemand décline ensuite ses sobres matériaux sur des structures simples et pondérées, des mélodies automnales, ponctuées d'une percussion minimum qui rythme la complainte comme le battement du coeur. Languissante comme "Heimsuchung" et "Regen...", fière, marquée d'un rythme volontaire comme "Abel und Kain" et "Heimatlos", picturalisme minimal avec les deux instrumentales, la musique que Page 142/185 renferme "Mistelteinn" est à déconseiller aux coeurs secs et aux universitaires autoproclamés du language musical. Celui qui ne se sait pas faible aura bien du mal, bercé qu'il est de ses illusions, à trouver son compte dans cet étalage parfois simpliste d'humanité toute nue. Car écouter, et aimer Nebelung, c'est écouter son âme peureuse, accepter son visage qui se reflète dans l'eau, et qu'une seule goutte de pluie suffit à effacer. Note : 5/6 Page 143/185 MERGENER ET AMICI : Nox Mystica Chronique réalisée par Phaedream La beauté de la musique électronique, et des composantes qui aide l’art à développer les sonorités les plus extrêmes, est la possibilité de créer, de sculpter des œuvres complexes qui n’auraient sans doute jamais vu le jour, à cause des frais financiers qu’elles engendrent. Évidemment, ça prend le talent. Savoir écrire, jouer de la musique et avoir une imagination débordante pour être capable de transposer ses idées, ses visions sur musique, car il n’y a pas de paroles. Peter Mergener est un artiste très talentueux, doublé d’un incroyable sens de l’écriture et d’une immense connaissance des équipements électroniques. Ex membre de Software, Nox Mystica est son 11ième album solo, une pièce de théâtre musicale d’un réalisme étonnant. Soleae Umidi ouvre sur une intro théâtrale aux strates violonées, sur un échantillonnage sonore d’époque. Rien n’est laissé au hasard, des coups d’épées aux crépitements du feu, Nox Mystica étincelle d’authenticité dès son ouverture qui se fond sur Spectaculum. L’orateur de l’arène s’adresse à la foule en Latin et Spectaculum secoue les colonnes du temple avec son ouverture pompeuse, ses grosses caisses et ses clairons qui nous transportent à l’ère Romaine sur un tempo lent, lascif structuré de superbes strates synthétiseuses. Les synthés sont d’une richesse sonore renversante. Fort bien structuré, chaque commande à son rôle dans cette somptuosité musical dense. De mouvements flûtés aux strates orchestrales à l’équivalence d’une section complète de violonistes, Peter Mergener livre un opus complexe dans les détails, mais harmonieux et mélodieux dans les résultats. Fornix et Aquae Ductus sont des couloirs atmosphériques aux effets sonores caverneux, structurant une ambiance détaillée, comme si nous y étions, sur la discrète et douce voix d’Alquimia. Des accords de guitare s’entrelacent à des strates qui épousent les mêmes modulations, alors qu’une fine percussion échotique perce l’atonie du moment, alimentant un rythme fluide et mélodieux. Une belle pièce aux émanations tribales d’une Grèce antique, relevé par le flair incontestable de Peter Mergener à la réalisation. Plus rêveuse, avec une guitare qui coule comme une harpe, Nox Mystica est une douce mélodie avec une flûte enchantée et des arrangements orchestraux valsant qui imposent un rythme romanesque. Pyrricha et Cuniculus sont des titres aux atmosphères tribales d’une jungle inexploitée qui ouvrent les portes d’une arène sanguinaire avec les pratiques souterraines des gladiateurs, parmi les rugissements de lions affamés. Avec une intro sous le signe des lions, les souffles austères de Bestiarius jètent une ambiance inquiétante dans l’arène. Des tambours insufflent une marche progressive sur des strates à la symphonie de l’Olympe, qui croisent les combats sur des modulations harmonieuses, aux effets sonores de percussions enclumées. Une flûte bédouine perce le silence de Aquarum Calentium Fontes et se berce avec la merveilleuse voix d’Alquimia formant une belle mélodie céleste. Te Deum termine ce théâtre musical sur une mélodie progressive, dont les notes sillonnent un mini tourbillon séquentiel, guidée par un excellent solo de guitares et la voix d’Alquimia. Un titre très près du répertoire mélodieux et spatial de Peter Mergener. Nox Mystica est une splendeur aux strates synthétiseuses étonnantes d’émotions. J’ai rarement entendu un synthé à la fois si structuré et si mélodieux dans des titres aussi courts. Intense et symphonique, Nox Mystica est une histoire agréablement contée sur des arrangements stupéfiants, et là je ne parle pas seulement des violons ou des sections à cordes. Je fais allusion aux effets sonores, à ces petites percussions éparses qui gravitent ici et là, aux percussions manuelles et tribales, aux clairons, aux processions somptueuses, aux Page 144/185 flûtes mellotronnées et aux sublimes agencements avec la voix céleste d’Alquimia. Bref, un travail colossal ou rien n’est laissé au hasard. Et, pour les fans de Mergener qui se sentent un peu perdus dans cet univers structuré, Te Deum est un superbe titre à l’essence d’un Mergener qui ne peut renier son passé. Mais après 1 à 2 écoutes, vous retrouverez les modulations mélodieuses et les coups de génie du synthé magique de Peter Mergener, qui a juste dévié de son cours pour nous présenter une merveilleuse pièce de théâtre musicale. Note : 5/6 Page 145/185 DELTRON3030 : S/t Chronique réalisée par Progmonster Deltron 3030 n'est peut-être pas le meilleur album hip hop de tous les temps mais il possède suffisamment de personnalité que pour surprendre positivement toutes celles et ceux que cela arrange finalement pas mal d'avoir une idée arrêtée sur la grammaire hip hop. Derrière ce concept fumeux d'un avenir désolé décrit par les rares survivants d'une humanité décimée, on retrouve un trio de choc qui a beaucoup à prouver. Il y a d'abord The Cantankerous Captain Aptos, plus connu sous le nom de Dan The Automator, qui reste en territoire connu après les aventures tordues de Dr.Octagon en compagnie de Kool Keith ; il porte certainement sur ses épaules l'univers décalé et décadent qui donne son identité au projet Deltron. On l'attendait au tournant et il prouve pour cette fois du moins - qu'il est un producteur avisé plein d'imagination. Il y a ensuite Skiznod The Boy Wonder, pseudonyme sous lequel se cache le jeune prodige Kid Koala qui avait déjà mis tout le monde sur les genoux suite à la publication de son premier album solo, "Carpal Tunnel Syndrome" sur Ninja Tune un peu plus tôt dans l'année. Il confirme son talent, même si ses coups d'éclats sont ici distillés pour servir l'ensemble. Il y a enfin Deltron Zero, le maître de cérénomie et véritable surprise de ce disque. Il s'agit de Del Tha Funkee Homosapien qui, curieusement, était parvenu à se faire oublier dans les années quatre-vingt dix dans lesquelles il était pourtant entré en force. Au-delà des délires intergalactiques et apocalyptiques qui parcourent le disque ("3030" sur un sample du "Lux Aeterna" de William Sheller dont la présence ici a peut-être poussé à sa réédition tant attendue en cd), l'ambiance doucement schizoïde laisse déjà transparaître par endroits ("Virus", "Time Keeps On Slipping" avec Damon Albarn de Blur, "Memory Loss") ce qui sera déjà la prochaine étape de Dan The Automator et sa fine équipe : Gorillaz. Note : 4/6 Page 146/185 DYSRHYTHMIA : Barriers and passages Chronique réalisée par Progmonster L'histoire qui me lie à Dysrhythmia est compliquée et tumultueuse. Vous aurez sans doute déjà pu le constater en parcourant les chroniques déjà rédigées au sujet de leurs précédentes réalisations dans ces mêmes pages. Voilà en effet un groupe de métal instrumental au potentiel technique irréfutable et qui, selon des critères qui me sont propres, ne sont toujours pas parvenus, pour une raison que je ne m'explique pas, à nous présenter un album si pas irréprochable, en tout cas qui ne s'épuise pas aussi vite. Comme toujours, le trio américain entame plutôt bien son propos, ce qui aussitôt nous pousse à croire qu'on le tient, enfin, ce disque idéal ! Eh bien non... "Barriers and Passages" n'échappera pas à la règle en croulant lui aussi très rapidement sous le poids de son auto-suffisance. Les structures sont complexes et touffues - ça s'arrête, ça repart, ça ralentit, ça accélère ; c'est leur marque de fabrique - mais, contrairement au Don Caballero de l'âge d'or, c'est au détriment de la réelle puissance que le groupe a pourtant les capacités de déployer. On peut lire ça et là que le groupe emprunterait au passage à King Crimson. Il me semblerait plus juste de mettre leur travail en parallèle avec les plages instrumentales du Rush le plus énèrgique et le plus audacieux. Les producteurs les plus émérites ont beau se succéder derrière la console (Martin Bisi succède à Steve Albini), aucun n'est encore parvenu à trouver la recette miracle. En fait, le constat est triste mais simple (l'inverse est vrai aussi) ; plus on s'éloigne de "No Interference", leur second album pour lequel j'émettais pourtant déjà de solides réserves, plus "No Interference" acquiert une place de choix dans leur discographie. On pourrait passer des heures, et des jours, et des semaines, et des mois à se le réécouter en boucle pour se convaincre du contraire, mais un tel effort n'aura pour seule conséquence que de renforcer ce sentiment de lassitude. Note : 3/6 Page 147/185 THE BLACK HEART PROCESSION + SOLBAKKEN : In the fishtank/11 Chronique réalisée par Progmonster Le onzième "In The Fishtank" est peut-être le plus singulier du lot à jamais avoir été publié par le label Konkurrent. Cette fois, ce sont les américains de The Black Heart Procession qui sont venus soumettre leur demande en suggérant de s'associer aux hollandais de Solbakken, groupe peu connu, avec lesquels ils avaient déjà pu partager quelques souvenirs de tournée. Le point fort de cette série, ne l'oublions pas, c'est non seulement la collaboration inédite qu'elle propose entre deux groupes, mais aussi le haut degré d'improvisation dont ceux-ci peuvent parfois faire preuve. Ce n'est donc pas le fruit du pur hasard si des noms aussi prestigieux que No Means No, Sonic Youth ou The Ex ont inscrit en lettre d'or leur nom au palmarès de cette superbe initiative, unique en son genre. C'est là justement où le bât blesse avec The Black Heart Procession et Solbakken ; au travers de leurs discographies respectives, ces deux formations nous ont bien montré qu'elles étaient aux antipodes d'une telle démarche. Résultat ; ce EP trimballe tout de même une atmosphère foncièrement dépressive, grâce à ses tempos lents, son piano tragique et ses voix sombres ou déchirées, quelque part entre les Tindersticks et Nick Cave. Sur "Voiture en Rouge" ou "A Taste of You and Me", on sent bien que pour tenter de combler ce déficit, on laisse tourner les thèmes un certain temps, dans l'attente qu'avec un peu de chance quelque chose de plus prenant pourra venir s'y greffer. C'est d'autant plus vrai sur "Things Go On With Mistakes", titre pas tout-à-fait ironique d'ailleurs, où The Black Heart Procession et Solbakken s'embarquent dans un long périple aux échos post rock énervés. Face aux résultats explosifs que le label nous a apporté par le passé, "In The Fishtank #11", sous ses airs pop plus modérés, pousse à dresser un constat en demi-teinte. Il n'en reste pas moins une réalisation dont on ne pourrait mettre en cause aussi bien sa sincérité que sa sensibilité. Note : 3/6 Page 148/185 THE BLACK HEART PROCESSION : The spell Chronique réalisée par Progmonster Pall Jenkins et Tobias Nathaniel, les anciens Three Mile Pilot, reviennent plus de quatre ans après le presque contre-emploi que fût "Amore del Tropico" avec le cinquième disque des Black Heart Procession, "The Spell", titre qui, à lui seul, semble vouloir remettre les pendules à l'heure. Mélancolique mais sévère. Retour donc aux ambiances noires et lugubres des origines tout en préservant l'assise plus carrée qui permettait au groupe de sortir de la léthargie dans laquelle ils se complaisent d'habitude. Cette musique autrefois hantée et plaintive assume plus que jamais le côté rock latent qu'elle a toujours eu et qui apparaît cette fois au grand jour. Parce que les titres de "The Spell" se reposent pour la plupart sur une rythmique appuyée où la batterie martèle le temps sans discontinuer - même sur les plages au profil plus apaisé et qui démarrent pourtant sur la pointe des pieds comme "The Letter" ou "Return to Burn" - dans une formation recentrée sur elle-même où brillent de leur aura noir un violon lointain et inquiétant, un piano grave et solennel, et une guitare perturbatrice et guide à la fois. L'aisance mélodique du combo cherche l'émotion là où autrefois elle se concentrait presque exclusivement sur la mise en place d'ambiances noires. La voix de Pall Jenkins, à rapprocher de dEUS par instants, renforce le côté fataliste et sordide de leurs douloureuses complaintes dont le développement semble parfois tourner à l'obsession ("GPS", "The Fix"). Avec le recul nécessaire qui s'impose, "The Spell" apparaît aujourd'hui comme l'album tremplin dont les Black Heart Procession avaient tant besoin ; celui qui, sous ses traits aguicheurs, parvient à faire une habile synthèse de leurs travaux précédents sans trahir leur intention initiale. Ce revirement esthétique, loin d'être radical pour autant, destabilisera peut-être les amateurs de la première heure qui appréciaient plus particulièrement chez eux l'aspect introverti de leur univers acoustique. Un changement certes. Mais point une déception. Note : 4/6 Page 149/185 TANGERINE DREAM : Three O'Clock High Chronique réalisée par Phaedream L’aventure de Tangerine Dream avec le cinéma et les studios américains se poursuit. Le trio Allemand se spécialise de plus en plus sur les courtes pistes, quitte à en perdre son identité. Mais, l’important pour Edgar, Chris et même Paul Haslinger, c’est de monter au plus vite leur propre studio d’enregistrement. Three O'Clock High est un navet cinématographique, accompagné d’un navet musical. De courtes pistes, en manquent d’inspiration. Les séquenceurs et les synthés de Sylvester Levay sont plus agressifs que ceux de Franke et de Tangerine Dream. D’ailleurs, ses pistes sont les meilleures de cet album affreux. La seule pièce significative de cet album est Go To The Head Of The Class. On sent un peu d’émotion, de l’intérêt. Les pièces sont trop courtes et balancées en vitesse sur des fade out totalement ratés. Bonding By Candlelight aun air de déjà entendu, alors que Kill Him (The Football Dummy), prépare la table à la prochaine trame sonore, Near Dark. Un album épouvantable qui n’a absolument rien à voir avec l’univers de Tangerine Dream. En ce qui me concerne, c’est avec cet album que la chute aux enfers de Tangerine Dream s’amorça. Un album à éviter, à moins d’être un collectionneur. Note : 2/6 Page 150/185 STAHLWERK 9 / COLD FUSION / RUKKANOR : Triumvire Chronique réalisée par Marco Si la qualité apporté par le label polonais à des packaging luxueux constitue sa marque de fabrique depuis ses débuts, la productivité en matière d'indus et de neofolk également, et malheureusement pas toujours avec un bonheur égal. Un revers de médaille qui ne tient finalement qu'à une politique éditoriale pas toujours judicieuse. Il reste que certaines productions méritent que l'on s'y attarde, telles que ce "Trimuvire" sympathique. La Rome Antique et les guerres civiles de la République sont donc mises à l'honneur, avec en tête Stahlwerk 9, excellent projet allemand toujours sur la brèche de la dark-ambient et de l'industriel old-school. Sa participation est d'ailleurs la plus hypnotique, nappes et mélodies éthérées, sentiment épique diffus mais palpable. Cold Fusion alias Marcin Bachtiak (l'une des têtes pensantes du label) fait d'entrée sonner la cavalerie avec son mix martial/atmosphérique qu'il a déjà éprouvé avec plus ou moins de réussite par le passé. Il semble que le projet se soit plutôt bien amélioré, "Tesser arius" donnant une mesure martiale efficace, tandis que "Regia" ouvre des horizons nouveaux avec son léger aspect ethnique. Son compatriote de Rukkanor, auteur du superbe "Requiem For K-141 KYPCK" en 2004, incarne ici la partie la plus folk et neoclassique. Un feeling plus "organique" qui rappelle étrangement Dead Can Dance sur "Alexandria", influence pourtant souvent présente dans ce registre. Au final, sans bouleverser un univers souvent trop rigide et campé sur ses gimmicks, "Triumvire" apporte un souffle agréable et crédible, ce qui est en soi une qualité plus que notable. Note : 4/6 Page 151/185 TANGERINE DREAM : Near Dark Chronique réalisée par Phaedream Je suis peut-être l’un des rares à avoir aimé cette bande sonore. Remarquez que j’ai bien aimé le film, ça peut aider, mais il y a plus. On sent une atmosphère, une ambiance de mystère, qui colle au film, donc les membres de TD étaient connectés au film. Pourtant Caleb's Blues part bien mal. Un rock à la synth pop bien structuré, il ne manque que les perruques platines, et ça y est, TD est devenu agent commercial. Ce sont plutôt des titres comme Pick Up At High Noon qui jètent une atmosphère sombre et ténébreuse, rejoignant les passages sombres et tendus du film. La finale est rude et violente, Fight At Dawn, que l’on retrouve plus loin, est le complément idéal pour ce titre explosif. Rain In The Third House est un rock étouffé, sur une sonorité faiblarde. Les lignes de basse de Bus Station ramènent une portion de l’atmosphère de Le Parc. Le titre a beau duré près de 9 minutes, mais TD ne l’exploite pas dans son entier, se contentant de jouer la carte de l’atmosphérique, de l’atonique sur des bons accords de basses rondes. Un titre facile qui démontre que la sécheresse avait traversé les rides désertiques de la pellicule pour assécher quelques neurones de, jadis, mon groupe fétiche. Good Times est un gros rock. Bonne percussions électroniques, qui ne cadrent pas vraiment, sur les bons riffs et solos crevants d’Edgar. She's My Sister (Resurrection I) est un titre intéressant. Bien exploité et structuré, il est dans l’ambiance du film, tout en y amenant une petite touche ÉM. Mae Comes Back et Father And Son (Resurrection II), sont d’autres bons titres. Ils seraient des sessions de Legend ou The keep, que je n’en serais pas surpris. Après le très nerveux et cacophonique Severin Dies, Fight At Dawn reprend les souffles et lignes infernales de Pick Up At High Noon; deux titres très épicés. Mae's Transformation clôture Near Dark, sur une ballade atonique, mélange d’amour et d’espoir sur un synthé léger, aux strates immobiles, comme des cousins aux harmonies contingentées. Ce n’est pas mauvais, c’est aseptisé. C’est TD des années 85 à 90. Near dark est une trame sonore honnête qui a le mérite de respecter les atmosphères de ce film de vampires contemporain. J’ai trouvé ça bon, et c’est parce que j’ai vu le film. Sans images pour situer les séquences, je ne suis pas trop certains. Note : 4/6 Page 152/185 TANGERINE DREAM : Shy People Chronique réalisée par Phaedream Un élément de collection, Shy People est le dernier véritable album studio de Tangerine Dream, avec Chris Franke. D’ailleurs, certaines rumeurs laissent entendre que Franke en a eu marre lors de cette session d'enregistrement. Ce qu’Edgar Froese prévoyait être une commande facile se tourna en véritable cauchemar. Le réalisateur du film, lui-même musicien, établit des horaires astreignants de 16hres par jour, dans un contexte où l’inspiration manquait. En 2 mois d’un travail intense, le Dream n’avait qu’écrit 84 minutes de musique. À 4 jours de la date butoir, l’album n’était toujours pas complet. On peut s’imaginer la gueule d’Edgar. Il a fallu qu’un jour l’album soit complet, et le résultat est loin d’être proportionnel à l’effort, ni aux problèmes encourus. La version vocale de Shy People aurait pu se trouver sur Tyger, tant la similitude avec la session est apparente. Les atmosphères et la guitare sont belles. Ça ressemble à du Pink Floyd sur Wish You Were Here. Les lamentations vocales de Diamond Ross sont belles et coulent avec sensibilité. Dès qu’elle chante, ça se dégrade un peu. Elle a les mêmes intonations que Jocelyn Bernadette Smith. Déjà que la structure musicale est dans le même moule que Tyger… L’apparence est trop évidente pour ne pas y penser et ça agace, car soit c'est un pauvre remix de Tyger ou un titre bâclé faute de temps et de moyens! Joe’s Place est une courte atmosphérique très près des ambiances de Legend avec la flûte et une synthé flottant, un bon titre comme Transparent Days et Swamp Voices, des titres aux atmosphères éthérés, mais incompplet dans leurs structures et leurs impulsions. The Harbor est un gros rock symphonique avec solo de guitare et des trompettes à la Phil Collins. Bref un TD en panne qui cherche à s’inspirer de n’importe quoi. Nightfall est un titre au mouvement symphonique atonique. Civilized Illusions est un titre comme TD en a écrit ses dernières années; du synth pop arrosé d’effets sonores sur un synthé agressif. Un titre pas si mal considérant le reste. Ouvrira-t-on un débat à savoir quel est le titre le plus niais de TD? Je vote pour Dancing On A White Moon. C’est la plus pire des chansons que TD ait composé;cucu et rose bo185on d’un fétichisme enfantin dégradant. Je ne peux pas croire que TD ait écrit, et endisquer un titre aussi nul. Mais je ne dois pas connaître la musique de TD tant que cela, car ce fut le single de Shy People. La version musicale clôture cette bande sonore sur un titre nettement plus harmonieux avec un clavier qui a pris la mauvaise décision de souffler des airs lugubres, aux passages où Diamond Ross chantait. C'est dommage que la fin d'une si belle association se produise sur un titre aussi poche. Remarquez que ça peut expliquer des choses...La fin d'une époque, car le Dream tente un voyage financier vers les USA! Note : 1/6 Page 153/185 TANGERINE DREAM : Optical Race Chronique réalisée par Phaedream C’est un Tangerine Dream, amputé de son bras séquentiel, qui entreprend l’écriture d’Optical Race. Un nouveau venu, Ralf Wadephul, participe à la composition de l’album et à la tournée Nord Américaine qui s’ensuit, mais à cause de différents irréconciliables (sic), il quittera TD à la fin de cette tournée. Nous sommes dans les années Melrose, qui s’étalent à partir d’Optical Race jusqu’à Canyon Dream, soit les années Seattle en 91. D’emblée, ce ne sont pas mes années préférées et cela aurait dû être le temps pour Edgar d’honorer ses comparses et de changer le nom du groupe. Son refus de le faire, en explique long sur le mépris du personnage pour ceux qui l’entoure. Pourtant cette 1ière mouture n’est pas si mauvaise. Un peu comme le Parc, Optical Race est structuré sur de courtes pièces. Majoritairement mélodieuses, avec une 1ière touche d’inspiration américaine avec les ‘’soundscapes‘’ comme sur l’intro de Mother of Rain ou encore l’insupportable Twin Soul Tribe où TD tente d’importer le Berlin School, idem avec Turning Off The Wheel, Optical Race verse dans un Nouvel Age facile. Il y a peu de séquences et de rythmes tordus, tout est flat et uniforme, comme un groupe sans âme. Et c’est toute la différence d’avec Le Parc, qui était un album à courte pièce, mais avec de la recherche, de la chaleur, de l’émotion. Dorénavant, tout ce qui va suivre Optical Race, même les gros concerts, ne sera plus l’ombre de l’ombre qu’était jadis un si grand groupe. Marakesh est sans doute le titre le plus intéressant d’Opticale Race. Rythme franc, bonne percussion et séquences rondes bien huilées sur des modulations qui surprennent. Loin d’être un titre cucu, il est fort bien développé avec tout ce qu’il faut pour plaire et étonner. Encore aujourd’hui, surtout avec la nouvelle édition d’Optical Race, je me plais à l’écouter ainsi que la très suave et belle Mother of Rain, l’une des belles pièces de Tangerine Dream. Le reste est sans façon et manque totalement de conviction, de passion. Trop longue, Cat Scan finit par tomber sur les nerfs avec sa redondance platonique. Sun Gate est une belle ballade, avec un beau solo de guitare, à la mode synth pop des années 80, comme avec The Midnight Trail et Ghazal (Love Song). Il n’y manquait plus que le blond platine. Je peux comprendre que certains artistes plient sous la pression de leur compagnie de disques pour faire une percée commerciale, mais Edgar a toujours maintenu que TD a été libre de ses choix. Ce virage américain, pour s’entendre à la radio, fut une claque sur la gueule pour Froese et toute l’institution qu’était Tangerine Dream. Un peu comme si Rogers Waters aurait conservé le nom de Pink Floyd pour faire du hip hop! L’arrivée de Tangerine Dream et d’Optical Race devait ouvrir les portes de la MÉ sur le marché Nord Américain. Il y a certes eu un engouement où les stations de radio ne présentaient des courtes pièces, des pièces avec de la flûte de Pan (Zamfir) et ce fut l’éclatement du Nouvel Age qui tua dans l’oeuf, une possible percée de la MÉ Berlin School et progressive. Qui aurait osé prédire que les principaux précurseurs de cet art cosmique allait un jour y couper les souffles? Note : 3/6 Page 154/185 SCHULZE (Klaus) : En=Trance Chronique réalisée par Phaedream Réalisé en 1988, En=Trance est le 20ième album de Klaus Schulze. À l’époque c’était un album double, avec 1 titre part côté. Un album qui a reçu un bon accueil, à cause de la très belle pièce FM Delight, mais surtout parce que Klaus Schulze délaissait ses mouvances et errances numériques et digitales pour se concentrer sur un album plus structuré aux nappes et strates synthétiseuses éthérées sur des modulations minimalistes. Pourtant c’est en pleine cacophonie statique que débute En=Trance, la pièce titre. Un tintamarre métallique hostile à l’oreille, d’où émerge un remarquable mouvement séquencé sur des chœurs doux qui se mêlent agréablement à la flûte mellotronnée. Un beau morceau sur un mouvement minimalisme que Schulze habille de belles strates synthétisées et d’accords de guitares virtuelles qui entourent ce titre d’un charme Schulzien des années X. Les lourdes strates symphoniques qui introduisent @-Numerique projètent une atmosphère dramatique où l’intrigue est au rendez-vous. Un beau mouvement dense qui dévie sur une belle ligne à l’harmonie aisée sur de beaux xylophones qui copient les moindres ombres d’un clavier aux mains exploratrices. À la mi-temps, @-Numerique s’efface sur une ligne basse aux strates boudeuses. Le rythme xylophoné revient sur un piano nerveux et de bonnes percussions percutantes sur une modulation saccadée qui se termine sur une fusion métallique des strates agitées par des percussions martelantes. Composé en une nuit, soit à l’occasion de son 40ième anniversaire,FM Delight est un pur bonheur musical. Près de 20 minutes d’un rythme coulant avec mélancolie sur un mouvement d’une étonnante ampleur. Les strates synthétiseuses se suivent en un mouvement valsant. Tissées serrées, elles flottent en virevoltant sur une basse fluide qui soutient une structure minimaliste, appuyée par un bon jeu de percussion. Des chœurs empreints de tristesse se mêlent aux strates, aux harmonies troublantes. Oh qu’il s’en est versé des larmes sur ce mouvement d’une tristesse inexplicable. Un classique qui fut voté ‘’ Hit Of The Year‘’ sur les ondes d’une radio Allemande, en 1988. En douceur, et un peu à l’image de FM Delight, Velvet System suit la courbe mélodieuse des strates violonées jusqu’à l’éclat synthétique où la modulation se modifie subtilement en mouvement plus agile. Tranquillement, la candeur harmonieuse se permute en mouvement plus agressif, dont les percussions facilitent l’évolution. Les échantillonnages baroques imposent une finale à éclats, sur d’onctueuses strates à l’approche nettement plus musicale que tonitruant. Cours séquenceur 101; Elvish Sequencer est la possession séquentielle. Enregistrée en 75, alors que Klaus Schulze s’exerçait sur un prototype de séquence. Une pièce intacte qui démontre la vraie nature d’un séquenceur, sa portée et son utilisation. Et, si on écoute attentivement, on peut sentir des séquences qui ont servi pour des albums comme Timewind et Picture Music. Écrit et réaliser en seulement 3 semaines, En=Trance marquait un retour aux sources pour Schulze, ainsi que ses fans. Un grand disque que l’on redécouvre avec plaisir avec cette ré édition de Revisited Records. Et, comme le veut la coutume, les fans débattent de la qualité sonore de cette édition. Je tiens juste à rappeler que SPV n’as pas le mandat de remixer, mais de réunir les œuvres de Schulze sous une nouvelle bannière, ce faisant, et pour inciter les fans à se les procurer, des pièces en prime, ainsi qu’un beau livret accompagnent Page 155/185 chaque ré édition. De ce que j’ai entendu, la qualité est très bonne, sauf pour un Mirage qui avait des grincements au début. SVP a remplacé les cd défectueux, donc faut faire gaffe si on achète Mirage en usagé. Note : 5/6 Page 156/185 AIR : Talkie walkie Chronique réalisée par dariev stands Quand je vous disais que la meilleure pop française de ces dernières années provenait du XVIeme ou bien de Versailles, vous vous en doutiez, je pensais – entre autres – à Air. Le classieux duo versaillais nous livrait en 2004 son fort attendu cinquième album (sixième si l'on compte le très atmosphérique projet City Reading/Baricco). Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel nous avaient plus ou moins habitués à changer de visage à chaque nouveau disque : ludiques et un brin rétro sur Moon Safari, sombres et psyché pour Virgin Suicides, et enfin mégalos et barrés pour l'immense 10 000Hz Legend, les voilà acoustiques et dévoilés sur Talkie Walkie. Tout en ambiances ouatées et confortables ; ce disque se veut rassurant, là ou certaines des précédentes créations de Air étaient parfois inquiétantes. Le groupe peut se targuer de réunir Nigel Godrich (qui a produit l'album aux mythiques studios Ocean Way à Hollywood) et Michel Colombier (le plus grand arrangeur de cordes au monde ?) sur un même disque, et le résultat ne déçoit pas. On a souvent comparé Air à Pink Floyd, ce qui ne manquait pas de les énerver; eh bien, ces comparaisons hâtives n'ont désormais plus lieu d'être : ils s'affranchissent ici de toutes les influences pour créer leur album le plus personnel. Oui, personnel. Après avoir intrigué par les textes étranges de leur précédent opus, ils dévoilent ici leurs sentiments et renoncent à tout cynisme. Ce qui donne un grand album romantique. Seul bémol : trop court ! On aurait aimé en entendre plus, surtout que Alone In Kyoto, la dernière chanson, figurait déjà sur la B.O. de Lost In Translation. D'ailleurs, la réécouter nous replonge dans cette scène magnifique où l'angélique Scarlett Johansson erre dans un univers qu'elle ne comprend pas. A noter que le gimmick d’intro peut rappeler « 5 Years » de Björk, ce qui est loin d’être une tare. Et puis il y a le tubesque Alpha Beta Gaga, incroyable siffloterie destinée à l'origine à Madonna! L'impudente bougresse (comme la nomme le rédacteur en chef d’un certain magazine français) a refusé le morceau. Tant mieux. Il trône bien mieux sur le velours de Talkie Walkie qu'au milieu de la rébellion en carton pâte de la vieille Ciccone. C'est assez incroyable de se laisser prendre au piège moelleux de ces mélopées archi-simplistes (presque tous les titres sont d’un dépouillement enfantin) après l'electro quasi progressive de 10 000hz. Venus, l'entrée en matière, captive à la première seconde avec ses quatre notes bien sonnées qui semblent vous regarder de haut. Cherry Blossom Girl séduit par des paroles touchantes (on ne pensait vraiment pas entendre ça de la bouche de Air après le désespoir de Virgin Suicides!). Il faut d'ailleurs remarquer que la plupart des paroles de ce disque sont destinées à la gent féminine. Run est le sommet du disque, poétique et intimiste, proche de Françoise Hardy ( ! ) à sa manière. Suit le lumineux Universal Traveler, l'instrumental baroque Mike Mills (dédié au graphiste du groupe), et Another Day, sorte de ballade qu'on ne peut plus se sortir de la tête après deux écoutes… et encore une mélodie simple comme bonjour, mais où les trouvent-ils? Je crois qu'on a fait le tour… Nous voici avec un autre chef d'œuvre. Peut être moins magistral que 10 000hz Legend (difficile de faire mieux), cet album confirme ce que l’on pensait déjà : les Air ont le don d'instaurer une ambiance unique en trois accords. Ils prennent en tout cas un sacré risque en dénudant leur chansons de tous les artifices et en se dévoilant bien plus que d’accoutumée dans les paroles. Ou comment faire un disque fleur bleue sans se ridiculiser et en gardant la classe. Note : 5/6 Page 157/185 WILT : Dark meadows Chronique réalisée par Marco Un nouveau Wilt est toujours la promesse d'un séjour dans le néant, un appel à se débarrasser des parasites quotidiens qui entraveraient la bonne réception de perverses comptines. Plus qu'une simple écoute, la musique de Wilt relève souvent d'une expérience sonore à l'immersion exigeante. L'avalanche de productions de James P. Keeler chaque année est d'ailleurs une preuve supplémentaire de sa boulimie de savant fou du son. "Dark meadows", sa nouvelle livraison pour Ad Noiseam, se caractérise par une noirceur toute particulière, plus organique que d'ordinaire. Nous conviant à faire le tour d'un domaine dévasté, l'américain accompagne la visite d'une bande-son très épurée, proche de la dark-ambient pure par moment et d'où émanent régulièrement des esquisses de mélodies plus proches du cauchemar que de la transe extatique. Cauchemar est bien le mot, "For Blake", "Dark meadows" ou "Keeper of lanterns" témoignent d'un univers désolé et froid, presque aseptisé, tandis que "Amerikan zombie" ou "The Devil's rai185ow" se chargent d'en exprimer le versant le plus dérangeant et bruitiste. Et même lorsque l'acoustique s'en mêle comme sur "Harmonic convergence" il subsiste peu d'espoir de voir apparaître un semblant de lueur. Peu de "field recordings" cette fois-ci, Wilt s'enferme plus volontier dans un univers isolationiste, au rendu minimal mais qui fait forte impression. Une des meilleures réalisations de l'américain, farouche mais attractive et vénéneuse. Note : 5/6 Page 158/185 ARTEFACTUM : Rosarium hermeticum Chronique réalisée par Marco Un pas de plus sur le chemin escarpé et étroit de la philosophie hermétique : un pas qui se veut gracieux, soucieux et pleinement acquis au but à atteindre. "Rosarium hermeticum" honore une fois de plus les capacités de la Merissa à infuser des atmosphères mystérieuses et oniriques à son ambient toute particulière. Sensualité délicate, glorification de la beauté des éléments à la fois tenant de la célébration rituelle ("Misterium magnum"), du mystère des fluides et des sens ("Sperm of the philosopher") et de la subjugation (le très hypnotique "Rosenkrieg"), "Rosarium hermeticum" se démarque des autres oeuvres de la polonaise par une poésie mystique relayée par une voix envoûtante qui délivre des litanies gorgées d'allégories et de métaphores. Le livret superbement illustré offre à ce propos une continuité esthétique à cette initiation rituelle qui s'efforce d'invoquer le retour à l'innocence primordiale. Une oeuvre de toute beauté, tour à tour apaisante et inquiétante. Note : 5/6 Page 159/185 GHOULTOWN : Bury them deep Chronique réalisée par Twilight Cuidado, Hombres ! Les Ghoultown sont de retour traînant sur les pistes abandonnées d'un Ouest oublié de Dieu et des hommes le cuir noir et fatigué de leurs bottes de desperados...Le vent souffle, une trompette s'élève comme un glas avant que n'éclate la cavalcade infernale. En effet, si nos cow-boys de l'enfer restent fidèles à leur recette à base de country gothique ('Bury them deep'), d'horror punk, avec une touche rockabilly sauvage, ils semblent plus inspirés que jamais. On note en effet une énergie punky plus marquée ce qui les rapproche parfois d'un psychobilly sans contrebasse et plus électrifié ('Tekilla', 'Mexican moonshine'...). Quant aux arrangements, ils sont fouillés et variés. Une version psycho de New Model Army ? C'est un peu ça...Les Ghoultown ont un univers qui leur est propre et ils s'y sentent chez eux...Après le western spaghetti, le western gothique ? Note : 5/6 Page 160/185 QUADRA : First Contact Chronique réalisée par Phaedream Quadra est le dernier des super groupes de MÉ anglaise. Composé de Brendan Pollard (Rogue Elment) Steve Humphries (Create et Astrogator) Jez Creek (Astrogator) et John Sherwood (4m33s); les 4 synthésistes Anglais se sont donné rendez-vous dans les studios de Brendan Pollard, en Février 2006, pour y faire un jam session qui résulte en ce double cd. Une musique étonnamment riche aux influences très moulantes d’une douce Berlin School mellotronnée, avec un côté exploratoire psychédélique qui augmente l’aspect délirant d’une musique sans frontières. Une impulsion bourdonnante, qui oscille tel un phare sonore rotatif, dessine les premières ondulations de Convergence. Terrée dans l’ombre de sa vibration, une pulsation trace une séquence fine, appuyée par une légère mélodie issue d’un clavier aux notes carillonnées. La chaleur analogue qui se dégage des flûtes mellotronnées ravive la flamme harmonieuse, tout en accélérant la séquence qui élargit sa portée, avec une double ligne sur un synthé spectrale. Une belle entrée qui nous plonge dans un Berlin School rétro, aux dimensions encore inexplorées. Minimaliste, le rythme coule doucement, sur de belles nuances de basses et, vers la 11ième minute, le tempo diminue sur des chœurs mellotronnés. Nous pénétrons dans un univers abstrait, où une flûte enchanteresse caresse des émanations sonores hétéroclites, sur des séquences intermittentes aux mouvances errantes. Un purgatoire sonore où tout se crée, sans prendre forme, dans l‘incursion d’un monde psychédélique et industriel aux profondeurs ténébreuses. Des souffles de velours dans une aridité céleste, où de frêles mélodies se lovent dans le confort et la sécurité des mellotrons flûtés, gravitent dans ce vide cylindrique qui graduellement s’anime autour d’une pulsation. Et c’est le charme des longues pièces. Les musiciens ont toute la latitude nécessaire pour façonner et jouer autour de leurs structures, explorant toutes ses possibilités. Ce que Quadra a amplement expérimenté avec Convergence, qui renoue avec son mouvement séquentiel d’origine, sur de bonnes percussions métalliques, de beaux solos de synthé et cette superbe fascinante séquence aux strates synthétiques imprégnantes qui avait captivé notre ouïe à l’intro. Pastorale, c’est du bo185on. Une belle pièce aux strates synthétiseuses denses et mélodieuses, accompagnées de belles notes cristallines qui tintent sur un mellotron flûté et un rythme séquentiel léger. Du vrai bo185on pour les oreilles, ça s’écoute sans effort comme Starbirth. Plus flottante avec un synthé aux accords rêveurs, Heritage est une tendresse subliminale. Un léger tourbillon sonore aux émanations très cosmique ouvre Emergence. Une intro éclectique qui se moule à de belles strates synthétiseuses, d’où se forme une belle ligne séquentielle basse qui ondule dans une ambiance synthétisée. Mouvement feutré, inondé de mellotron flûté et d’harmonieuses toiles synthétisées qui flottant dans une ambiance très spatiale. Un croisement entre les atmosphères cosmiques de Schulze sur Black Dance et de Software dans Electronic Universe; 2 classiques de la MÉ contemporaine. Une séquence basse et fluide se forme sous les flûtes mellotronnées, amenant Emergence dans un flot synthétisé où strates et solos s’entrecroisent sur une séquence circulaire aux percussions staccato. Rythme libre et bouclé, cet intense segment percute un récif sonore qui éclate le rythme en une longue fresque psychédélique. Comme sur Page 161/185 Convergence, Quadra explore les sonorités chimériques sur des accords fragmentés où mellotron et synthé subdivisent les ambiances dans un univers psychédélico-spatial. Astral Plane est une douceur qui défile sur une séquence basse aux ondulations subtiles. Minimalisme, le tempo évolue sur de belles incursions synthétiseuses qui filtrent ses strates et solos avec acuité, accentuant une cadence timide sur des modulations hachurées. Callisto est une pièce flottante et atmosphérique, un doux intro avant de tomber sous les envoûtantes voiles synthétiseuses de Take-Off. Un titre lourd, aux ambiances industrielles, sur un rythme cassé par des percussions métalliques et des synthés aux courbes épineuses. Un excellent titre, aux dimensions insoupçonnées que les amateurs de Redshift et Ramp vont apprécier avec délire. Quadra est un excellent album de MÉ contemporaine. Un album génial qui exploite un côté psychédélique, trop souvent négligé, facilitant la digestion auditive de ses longues explorations atmosphériques. Une fresque harmonieuse, où les mellotrons se moulent harmonieusement aux strates synthétiseuses progressives et enveloppantes, dans un monde musical sans frontières, sauf celles que l’ont s’imposent, de nos oreilles frileuses. Disponible au http://www.modulator-esp.co.uk/quadra/ Note : 5/6 Page 162/185 HUYGEN (Michel) : Angkor Chronique réalisée par Phaedream Angkor est le 1ier volume d’une série de la collection Extrême Méditation, par Michel Huygen, Principalement inspiré par ses voyages en Asie, notre bohème espagnol se sent l’âme d’un poète virtuel à la quête de la beauté intérieure et de la beauté spirituelle. Passé maître dans l’art de transposer les émotions les plus intimes, par les notes de ses claviers, le synthésiste Espagnol va encore plus loin que la simple réflexion ou relaxation avec Angkor. Je dirais que c’est un voyage mélodieux, sur des mouvements lents et flottants. Mais avec de l’émotion, de la profondeur sur des modulations sensibles. L’intro Tibétaine, avec les souffles d’un violon chinois, de Siem Reap est un beau segment mélodieux qui flotte sur une essence tribale des peuples claniques. Une belle sonorité à la Neuronium vient relever les délicats arômes, sur un synthé moulant et enveloppant. La beauté de la musique planante du leader de Neuronium est sa capacité à épouser les nuances, aussi discrètes soient-elles. Sur Siem Reap c’est plus qu’évident; les mouvements de tendresse suivent les souffles harmonieux qui se scindent dans une passion retenue par une superbe flûte sur de fines modulations. Naga est un mouvement carillonné avec des échantillonnages de voix mélancoliques hachurés. Un message de désespoir, de tristesse. Ta Prohm est un superbe titre en suspension, qui progresse de façon hésitante et nerveuse, pour se transformer en sublimité onctueuse avec une fusion chœurs/synthé aux profondeurs émotives. Cette finale aux strates caressantes et enveloppantes, comme les charmes innés des violons romantiques, se transporte sur les structures mouvantes de Bayon, Apsaras, After the rain et Angkor Wat; 4 titres d’une douceur envoûtante, Bayon est incroyablement beau, qui nous transporte dans des mondes féeriques qui n’ont de beauté que leurs cultures et leurs histoires que Michel Huygen dessine avec une émotion étonnante. Une beauté qui pleure, une beauté qui a mal. Il ne faut pas fuir l’appellation d’Extrême Méditation, car de méditation, point je n’entends. J’entends par contre la beauté, l’innocence, la virginité sur des souffles pudiques, comme si tout était fragile. Trop fragile pour être étreint, même caressé. Disponible au http://www.neuronium.com Note : 5/6 Page 163/185 WOLFMOTHER : Wolfmother Chronique réalisée par Nicko Parfois, les jeux vidéos, ça a du bon. L'autre jour, j'ai joué chez un pote à un jeu bien fun, "Guitar Hero II". Le concept du jeu, c'est tout simplement du "Air Guitar" sur ordi. Bref, si vous savez pas jouer de guitare, vous pouvez toujours vous prendre pour n'importe quel monstre sacré de la six-cordes et vous éclatez sur des tubes intemporels. Dans ce jeu en plus, on est servi avec du Lynyrd Skynyrd, du Guns N' Roses, du Black Sabbath, du Megadeth et j'en passe... Enfin non, je passe pas tout à fait. Au milieu de tout cela il y avait aussi des groupes plus récents comme ces australiens de Wolfmother. Et franchement, le morceau du groupe présenté sur ce jeu, "Woman" est une tuerie sans nom ! Je pèse mes mots. Je ne pense pas avoir entendu un hit qui soit aussi énorme que le "Paranoid" de Black Sabbath. Putain, comme ce morceau est fabuleux. D'ailleurs, c'est plus qu'inspiré par le morceau du quatuor de Birmingham. Autant dire qu'à mon retour en France après avoir joué à ce jeu, je me suis rué sur l'album du trio. Et bien quelle claque mes aïeux ! Wolfmother, c'est pas dur, c'est un condensé de ce qui s'est fait de mieux dans les années 70 en matière de rock. Et encore, le riff d'intro de "Joker & the thief" est directement inspiré par celui de "Flesh of the blade" d'Iron Maiden ! Nan, sérieusement, cet album est excellent. Il y a du Deep Purple dedans (arrgh les claviers !), des Doors (les claviers aussi !), du Led Zep, du Black Sab' (surtout !), du Lynyrd Skynyrd (un peu). C'est bourré de feeling et le chanteur chante (!) comme à l'époque. Bref, on s'y croirait. Alors, ok, c'est remis à la sauce 2006 avec une production un peu trop proprête faisant un peu pop actuelle sur les bords (style White Stripes & co.), mais putain, ça fait du bien d'entendre du BON rock burné tourner avec des compos de 3-4 minutes sans se prendre la tête et avec de bonnes mélodies et une envie de tout balancer dans la maison ! Et oui, il y a de la chaleur, du gros son (hélas, pas assez lourd par moment), de l'énergie et ce feeling 70's présent du début à la fin. Et puis ce "Woman"... Putain, LE morceau de l'année... voir de la décennie... Note : 5/6 Page 164/185 LE VENE DI LUCRETIA : Le vene di Lucretia Chronique réalisée par Twilight '...Lasciami piangere la morte nelle mie vene...', dernière ligne d'une citation d'un texte baptisé 'Le Grida di Parijinkoff' (je n'en sais pas plus, navré)...le deathrock italien, c'est quelque chose de sérieux, presque sacré, une musique qui semble prendre un malin plaisir à perpétuer le culte de l'obscur avec classe et esthétisme...Sans originalité mais avec une grande efficacité, les Florentins de Vene di Lucretia s'avancent pour prendre le flambeau. C'est le spectre de Madre del Vizio qui flotte sur leurs compositions : des guitares deathrock torturées et glauques, une basse sombre, des vocaux hantés en Italien entre chant et récitation ('lamentation' serait plus juste mais avec une touche de colère), une touche d'orgue et de programmation pour ajouter la touche atmosphérique, sans compter la froideur de la batterie qui sonne comme une boîte à rythmes...rien de bien neuf mais ça marche ! On se laisse vite prendre par ces atmosphère nocturnes, cette fascination ambiguë pour une Mort crainte et respectée, fascinante et terrifiante...La plupart des formations italiennes ont cette foi, cette passion de la noirceur qui rend crédible leur démarche, que l'originalité soit au rendez-vous ou non. S'ils n'ont pas la classe de Chants of Maldoror, les climats étouffants de Il Giardino Violetto ou la pêche de Artica, le Vene di Lucretia s'affirment néanmoins comme des seconds couteaux de talent. Note : 5/6 Page 165/185 COMPILATION DIVERS : Hampshire Jam 'Jam' 2006 Chronique réalisée par Phaedream Depuis le 27 Octobre 2001, a lieu à Liphook Angleterre, un festival de MÉ intitulé Hampshire Jam. Très prisé par les fans, ce festival attire des milliers d’amateurs des quatre coins du globe pour assister à festival unique de Berlin School rétro. Les amateurs du dernier Hampshire Jam, le 5ième, eurent toute une surprise en pouvant assister à une soirée d’improvisation la veille du festival. John Sherwood (4m33s), Jez Creek (Modulator ESP et Astrogator), Steve Humphries (Astrogator et Create), Dave Gurr et Xan Alexander (The Omega Syndicate), Brendan Pollard (Rogue Element) et Stephan Whitlan (Narcosis) étaient les artistes invités à cette session improvisée de musique électronique. Une jolie brochette d’invités. Des gros noms, des artistes alléchants qui offrent un spectacle de plus de 21/2 hres d’une musique étourdissante aux modulations minimalismes, rythmées et complexes, dans les difficiles conditions d’improvisations. De belles lignes serpentines, qui glissent dans l’intensité abstraite, ouvrent le concert avec une dense intro atmosphérique. Tout semble en place pour une soirée magique. De lourdes pulsations, sur des tintements métalliques, bourdonnent dans une ambiance sombre. Une belle mélodie s’échappe de cet environnement éclectique pour croiser un segment plus animé, qui bat sur une bonne pulsation méthodique, des accords de guitare et un synthé aux notes discrètes. Cette soirée d’improvisation décolle en harmonie, chacun des musiciens semblant connaître la suite des évènements tant la complicité semble tissée serré. Vers la 8ième minute, le tempo modifie son axe musical pour initier un mouvement plus ambiant avec des pulsations rapides et des ondes synthétiseuses qui scrutent l’horizon de son voile verticale. Un superbe jeu de percussion s’installe, donnant un tempo suave et lent arrosé de belles strates synthétiseuses. Un séquenceur nerveux, aux battements saccadés dessine une ligne rythmique où les accords et les solos de synthés sont moulants et mélodieux, dans une ambiance truffée d’effets sonores. À cet endroit, ont perçoit les hésitations improvisées, ajoutant un cachet d’authenticité à un titre assez bien structuré, un petit bijou musical qui se joue sur l’étendue de la cette première partie. Les percussions minimalistes structurent une aire d’improvisation assez vague et chacun des musiciens apportent sa touche personnelle, avec de beaux solos qui gravitent dans une ambiance striée d’effets synthétisés, grossissant encore plus les impulsions mélodieuses qui foisonnent de partout. Statique, l’intro de la 2ième partie vrombie sourdement avant d’embraser une séquence lourde aux chœurs et flûtes mellotronnés. Intense, la migration musicale s’étend jusqu’aux ombres ténébreuses des synthés symphoniques et spectraux, à la TD, sur un mouvement moulant qui atténue sa course dans une ambiance atmosphérique sombre. C’est la 1ière portion atmosphérique de ce concert improvisé. Imprégnée d’une belle flûte, de beaux et délicats solos et un mellotron dense, une fine ligne pianotée circule en spirale ascendante. Le synthé et le mellotron sont lourds et forment une ambiance aux chœurs et aux ombres lugubres. La 4ième partie revient sur les rythmes séquencés aux structures lourdes et moulantes. Sans dynamisme, ni prédominance cette partie s’écoule sans grands intérêts, un peu comme si tout le monde se cherchait. Un long prélude à une 5ième partie nettement plus allumée, avec ses synthés aux stries fantomatiques et une séquence ondulante qui serpente une atmosphère psychédélique dans une jungle aux sonorités syncrétiques, où tout se fond pour reformer des segments ambiguës sur des séquences époustouflantes. Un excellent titre qui ralentit le tempo en pénétrant dans le territoire de la 6ième partie. Un titre aux mouvances incertaines qui jouit d’un superbe mouvement séquentiel de courte durée, avant d’explorer des Page 166/185 territoires incertains aux errances aléatoires. Une fin un peu amer, qui finit en queue de poisson. La 2ième partie de ce concert improvisée débute merveilleusement bien. Une séquence minimaliste, aux notes valseuses et rotatives, sillonne une atmosphère éclectique, aux solos tortueux et atoniques. Des chœurs se moulent à une séquence en mutation sur de longs et intenses solos de synthétiseurs alertes. La 2ième partie connaît un départ mélodieux avec une belle voix, virtuelle, qui chantonne sur un beau mouvement de carrousel harmonieux. Une intro douce et soyeuse qu’une séquence bien structurée nous amène en territoire harmonieux. Un superbe titre, sauf que la sonorité est déficiente par endroit, surtout lorsque le rythme s’intensifie sur de beaux solos de synthé. La 3ième partie est un genre de ballade avec des strates traînantes et lascives sur un suave mellotron. Après les longs fleuves tranquilles et atmosphériques de la partie 4 et l’intro de la partie 5, un lourd séquenceur spirale la 2ième moitié de la partie 5 sur un rythme sinueux et lent, comme un carrousel vrillant sur de lourdes strates aux mouvements symétriques. Tout un spectacle et tout un cd. Malgré quelques longueurs, Hampshire Jam 'Jam' 2006 demeure un cd attrayant. Un album live qui souffre des défauts de l’improvisation, par moments on à l’impression que le monde se cherche, et qui a des carences au niveau du mixage final. En contrepartie, c’est un opus qui réunit tous les ingrédients pour plaire aux fans de MÉ. Dans un contexte où l’inspiration est nuancée par l’improvisation, nous retrouvons d’excellents moments, où nous voyageons au travers différentes époques de la Berlin School, qui méritent l’écoute et qui seront isolés dans ce double cd, à moins que ce groupe improvisé songe à prendre la route des studios. Une décision justifiée, parce que le talent et la chimie crève nos tympans, malgré un long concert improvisé. Disponible au www.ambientlive.com Note : 4/6 Page 167/185 LA KEMIA : S/t Chronique réalisée par Progmonster One shot unique qui joue à fond la carte de la diversité, La Kemia a pour socle trois influences majeures qui vont s'entrochoquer dans un feu d'artifice qui n'a rien à envier au spectacle pyrotechnique, mystérieux, fascinant, irréel, donné par l'assaut des forces américaines sur la capitale irakienne au début des années quatre-vingt dix ; electro, jazz et world. L'aspect electro, presque tous les participants du projet le revendiquent, même s'il traduit avant tout une volonté de se fondre dans une grammaire aujourd'hui fédératrice. Culturellement parlant, les membres de La Kemia sont plus rattachés au jazz : le trompettiste Antoine Illouz, le très actif Cyril Atef (batteur des méconnus Olympic Gramofon), qui est alors à quelques mois de connaître le succès public au travers de Bumcello - sorte de prolongement plus lisse de la formule exposée ici - et enfin Mehdi Haddab, collaborateur de Smadj dans le projet DuOud, joueur de oud donc mais pas seulement. Reste donc le côté world music, dans son sens le plus large, qui cimente littéralement toute la musique contenue sur cet album. On passe par la musique moyen-orientale, dominante comme on peut s'en douter, mais on fait aussi des escapades pas toujours heureuses en musique africaine sur "Hell Yo Police", un peu trop facile à mon goût, asiatique sur "Kotomania" ou encore latino américaine sur "Berimbau". L'approche est résolument moderne, une fusion des genres surprenante qui fonctionne à plein tube sur des titres comme "Bagdad" ou "Las Ultimas", aventureux et ténébreux à la fois, souvent moins téléphonés que les expérimentations d'Erik Truffaz, devenues redondantes depuis le temps. N'attendez donc pas le chef-d'oeuvre, on en reste bien loin, mais un album qui a toutes les cartes en main pour titiller puis, espérons le, satisfaire les quelques curieux amateurs des trois genres musicaux précités et plus particulièrement friands des combinaisons hybrides. Note : 4/6 Page 168/185 VEDETTE : S/t Chronique réalisée par Progmonster Si vous pensiez avoir déjà tout entendu, le duo Vedette risque de vous prendre en défaut. Et plutôt deux fois qu'une ; c'est à deux, justement, qu'ils se sont mis pour nous concocter cet univers foutraque qui ne ressemble à aucun autre, si ce n'est au reflet de leur cerveau malade, collage dadaiste extrême où l'electro abstract se cogne la tête contre les murs, une poésie décharnée s'extrayant du plâtre ainsi morcelé, non sans évoquer les plus belles heure d'un autre tendem, celui de Martin Rev et Alan Vega. Aux manettes, Manuel Stagars, au micro Neil Carlill dont les intonations et le timbre renforcent cette impression. Derrière ce bouclier d'émotions contrariées, servant paradoxalement à protéger les deux artistes d'une pudeur qui transparaît tout de même par endroits ("Chessmaniaque" proche du Radiohead de "Kid A"), se bousculent en permanence folie douce, mélancolie aux ailes brûlées et sentimentalisme blessée qui se débat comme il peut pour faire entendre sa voix dans un monde qui a compris tout le bénéfice qu'il pouvait tirer à l'exploiter en le vidant de son sens premier. Remarqué par le courageux label indépendant Stilll qui s'est aussitôt senti investi de la mission délicate qui consiste à propager leur parole pour contrer l'aseptisation ambiante, Vedette n'a aucun scrupule à ouvrir grandes les portes d'une demeure depuis longtemps désertée où rôdent encore les fantômes d'une époque révolue, et où chaque pièce, malgré le fatras qui y règne et qui nous empêche de distinguer la nature même du sol surlequel il repose, possèdent un charme et une personnalité intimement lié à leur condition de faux abandon. Telle une oeuvre de Escher, ses structures sans dessus dessous possèdent une logique interne qui échappe à la logique communément admise, et ce en dépit des apparences. Un album pour le moins difficile donc mais dont la nébuleuse beauté finira bien assez tôt par avoir raison de vous d'une manière ou d'une autre. Note : 4/6 Page 169/185 BAJA : Maps/systemalheur Chronique réalisée par Progmonster Il y a les voyages organisés. Et puis, il y a ceux qui se décident sur un coup de tête, à l'écart des sentiers balisés. Ce sont souvent ceux-là qui nous procurent les émotions les plus authentiques, ceux dont on se souviendra encore longtemps pour toutes les anecdotes, tous les accidents, tous les bons moments que l'on vit alors à cent pour cent parce qu'on a préféré s'en remettre à la part d'imprévisible qui peut parfois guider nos existences. Phrase longue et laborieuse qui tente de traduire modestement tout ce qui se passe sur le disque de l'allemand Daniel Vujanic sous la bannière de Baja. La nature schizoïde du projet "Maps/Systemalheur", il ne faut pas nécessairement aller le chercher dans l'origine même du projet, combinaison de deux approches qui auraient pu donner deux disques indépendants mais que l'oreille avisée du producteur a réussi à concentrer en un seul élan de générosité (soixante-dix minutes). Les plages instrumentales de ce disque, les plus longues du moins, sont très souvent fragementées, à un point tel que le découpage passerait presque pour anarchique puisqu'au sein de ces morceaux langoureux qui ne négligent jamais le silence on peut découvrir toute une série d'instants volés comme autant de photos souvenirs que l'on passe en revue les unes après les autres, stimulant nos sens à la réminiscence d'embruns tantôt suaves tantôt musqués qui auraient égrené notre parcours. "Maps/Systemalheur" s'écoute d'une traîte ou ne s'écoute pas. Mieux ; "Maps/Systemalheur" se vit ! Même si le système d'écriture employé par Baja transpire trop le dictat du laptop, l'album n'en est pas pour autant dépourvu d'âme. Les couleurs pastels apportées par les percussions (vibraphone, marimba), la guitare électro-acoustique et les rares cuivres (clarinette, soprano ?) donnent toute sa profondeur à un disque éminemment poétique, cristallisant une rencontre jusque là encore inédite entre Kieren Hebden (Four Tet) et Mark Hollis (Talk Talk). Note : 5/6 Page 170/185 KONONO N°1 : Congotronics Chronique réalisée par Progmonster Prodigieux ! Konono N°1 est le fer de lance d'une nouvelle tendance qui fleurit depuis un certain temps dans les bas quartiers de Kinshasa. Mawangu Mingiedi, joueur de likembé de son état et instigateur du présent projet, explique que si ce dernier a vu le jour, c'est en réaction aux aléas de la vie moderne. Musicien traditionnel, Mingiedi et les siens ont en effet de plus en plus de mal à se faire entendre dans une ville qui s'étend, s'agrandit, se développe, apportant son lot quotidien de pollution aussi bien matérielle que sonore. Aussi, et pour paraphraser Metallica, les Konono N°1 ne vont pas devoir combattre le feu par le feu, mais bien le bruit par le bruit, en optant pour l'amplification ! Mégaphones pour propager le son, microphones faits maison à base de bois sobrement rebaptisés lance-voix, batterie de fortune en récupérant et en empilant les vieilles casseroles usagées de mama yebo et, cerise sur le gâteau, électrification des pianos à main africain, les fameux likembés, dans un large orchestre où danseurs et danseuses (dommage, pas de photos), chanteurs et musiciens se disputent la vedette. Ce n'est pas encore sur ce disque qu'on pourra saluer l'émergence du Jimi Hendrix des mille collines, bien que Mingiedi soit un musicien hors pair (il manipule trois likembés simultanément, assurant à la fois les rôles de pilier rythmique et de soliste), mais les sons générés par l'ensemble ont de quoi surprendre ; même s'ils prennent racine dans le contexte familier des musiques traditionnelles, ils leur apportent néanmoins une toute nouvelle dimension, pour le moins atypique et originale. C'est le label Crammed Discs qui aura dégainé le plus vite en produisant ce premier volume des "Congotronics", initiative bienvenue puisque, saluée par tant de succès, elle s'est depuis déjà enrichie d'un deuxième tome ! Et qu'on ne vienne pas me dire cette fois que ces musiciens n'existent pas ; Konono N°1 est bel et bien réel, pas de doute là-dessus ! Note : 4/6 Page 171/185 LAST EXIT : S/t Chronique réalisée par Progmonster Mi-janvier 2007. Je vis mes dernières heures de liberté. Las, j'ai tourné en rond et cherché pendant longtemps une porte de sortie qui puisse me satisfaire. Mais quel choix plus judicieux pouvait s'offrir à moi si ce n'est jeter mon dévolu sur Last Exit, la dernière issue, le rendez-vous de l'extrême où quatre monstres sacrés allient leur force pour donner forme à une créature hélas fort peu connue mais qui fût à l'origine d'un genre nouveau. J'en suis conscient ; découvrir Last Exit vingt ans après sa première sortie officielle pourrait bien laisser sur sa faim les quelques acharnés qui ingurgitent du Painkiller ou du Naked City matin, midi et soir. Pourtant, force est de constater que sans Last Exit, le terrorisme jazzcore de John Zorn aurait sans doute eu bien du mal à s'extirper de son imagination (on ne remettra pas en cause sa débordante créativité... en terme de marketing). Last Exit, c'est la réunion exceptionnelle de quatre des jazzmen les plus fous furieux de la planète : Bill Laswell à la basse - vous voyez, pas de quoi être franchement dépaysé - Peter Brötzmann au ténor, contorsionniste des voies respiratoires devant l'éternel, Ronald "Shannon" Jackson à la batterie et le regretté Sonny Sharrock à la guitare, sans doute le moins connu des quatre musiciens impliqués ici et qui est pourtant celui qui va le mieux sortir son épingle du jeu. Des connexions subtiles unissent déjà nos quatre hommes (c'est à se demander avec qui Laswell n'a jamais joué, Shannon Jackson étant pour beaucoup dans la réussite de son fameux "Baselines"), elles sont aussi concrètes, physiques, que purement symboliques. Assurant un rôle qu'aurait très bien pu remplir quelqu'un comme James "Blood" Ulmer dont il est finalement fort proche, Sharrock et Jackson adaptent les préceptes du Prime Time d'Ornette Coleman à la violence d'un Brötzmann et à la vitesse d'un Laswell fraîchement rôdé du côté de Material et Massacre. C'est toute cette énergie qui est concentrée dans les quarante premières minutes de ce témoignage enregistré en concert à Paris en 1986. Une vraie révolution pour l'époque, injustement passée sous silence. Note : 4/6 Page 172/185 LAST EXIT : The noise of trouble Chronique réalisée par Progmonster Tout comme le premier Last Exit, "The Noise of Trouble" est lui aussi un enregistrement live, assemblé cette fois autour de deux performances données par le groupe fin 1986 respectivement au Parco Space et au Pit Inn de Tokyo. En fait, excepté "Iron Path" qui suivra d'ici peu, tous les albums de Last Exit proviennent de la scène, ce qui en dit long sur le caractère unique de cette formation à la durée de vie expéditive (pas plus de deux ans) dont le terrain de jeu principal restait les salles de concerts où leur immuable volonté d'improviser leur permettait de se réinventer un peu plus chaque jour. Trois petites subtilités, de la plus anodine à la plus significative, permettent de déterminer quelle place dans la hiérarchie de leur discographie cette nouvelle réalisation se doit d'occuper. "The Noise of Trouble" se fait un point d'honneur à signaler la présence du clarinettiste japonais Akira Sakata, ainsi que celle de Herbie Hancock. Il faut rétablir la vérité historique ; en réalité, les deux musiciens ne participent pas à l'effort de groupe, chacun d'eux contribuant à en élargir la palette sonore, l'un sur "Needles Balls" pour un duo d'instruments à vents à vocation volontairement comique par instants, l'autre sur "Help Me Mo', I'm Blind", où rien de vraiment déterminant ne se produit. De manière générale, ce live au Japon est celui où les racines blues transparaissent le plus, notamment à cause (ou grâce) aux interventions vocales de Ronald Shannon Jackson (le medley "Straw Dog/You Got Me Rockin'/Take Cover/Ma Rainey/Crack Butter" qui sent le chaud et le froid, et parfois même le réchauffé). On est en droit de se poser la question : quel réel besoin de le revendiquer ? Le blues restant au demeurant le langage musical sur lequel il est le plus facile d'improviser... Le propos n'en est pas fondamentalement déforcé mais au milieu de ces diversions et autres exercices de style ("Panzer Be-Bop", "Pig Cheese"), "The Noise of Trouble" est certes un nouvel élément à rajouter au dossier, mais pas un de ceux qui nous en apprendra le plus sur Last Exit. Note : 3/6 Page 173/185 LAST EXIT : Iron path Chronique réalisée par Progmonster "Iron Path" est la mise en abîme d'un devenir volé. Cet unique album studio de Last Exit nous montre à quel point le contexte a une incidence considérable sur la musique - même si nous le savions déjà - mais plus particulièrement en matière de jazz, fusse-t-il aussi aventureux que celui-ci. Le sentiment d'urgence inhérent au groupe et à l'improvisation dont il se nourrit est toujours palpable, mais la construction des titres laisse à penser que, dans de telles circonstances, le trait se fait plus sûr et maîtrisé, là où d'habitude on s'en remet plus volontiers à un brouillon réalisé à main levée, quitte à affiner les traits du croquis au fur et à mesure. Celui qui en bénéficie sans doute le plus, c'est Sonny Sharrock ; le guitariste double ses pistes, juxtaposant riffs et nappes de sons inquiétants générés à partir d'effets larsens (plus sans doute de légères touches de synthétiseurs non crédités). Cela a pour conséquence immédiate de circonscrire Last Exit dans un espace prédéterminé où le groupe a l'occasion de tailler un costume sur mesure aux explorations thématiques qui leur sont si chères. Les titres s'enchaînent sans temps morts et se présentent souvent comme autant de manières différentes d'aborder le même problème à chaque fois sous un nouveau jour, seulement interrompus dans cette progression par l'ensoleillé "Sand Dancer". Moins hystérique et donc finalement beaucoup plus posé que les innombrables témoignages en concert qui constituent la charpente de leur oeuvre, "Iron Path" nous permet d'envisager le laboratoire Last Exit sous un angle inédit par choix, mais unique par raison, dessinant les perspectives d'un groupe qui visiblement pouvait être bien plus que simplement une bête aveugle et dangeureuse mûe seulement par la rage et la colère ; une bête en pleine possession de ses moyens et qui sait exactement quoi faire et comment pour parvenir à ses fins et assouvir ainsi ses plus bas instincts. C'est sans doute nettement moins spectaculaire, mais en tout cas beaucoup plus sournois. Note : 4/6 Page 174/185 LAST EXIT : Köln Chronique réalisée par Progmonster Épineux cas que celui de "Köln". Pour une obscure question de droits opposant Bill Laswell à l'ancien label Enemy, la publication officielle de ce disque fût gelée pendant plus de quatre ans (!) alors qu'il s'agit, d'un point de vue purement historique, parmi les toutes premières captations de Last Exit en concert, avant même ce qui allait donner la matière première à leur album éponyme... Pour ses débuts, Last Exit se trouve encore sur les terres du hurleur Brötzmann et "Köln" de s'imposer très vite comme le Last Exit qu'il faut avoir écouté. Pourtant, ça me gêne terriblement d'écrire en ces termes ; c'est typiquement le genre de phrases définitives que certains lecteurs attendent pour s'éviter des investigations laborieuses, trop pressés d'atteindre le Saint Graal tout de suite, sans efforts. Le mauvais côté de la chose - et vous le savez - c'est que vous vous mettez alors volontairement à l'écart de découvertes qui pourrait peut-être bien vous toucher davantage. Pourtant, il m'est bien difficile d'envisager de parler autrement de ce disque tant ce qu'il nous propose semble à l'abri de toutes formes d'objections. Faut bien se dire une chose ; c'est que, même si constitués de vieux routiers, en 1986, Last Exit est alors un jeune groupe. Et c'est cette débordante vitalité qu'on entend sur "Köln", avant que les habitudes et la routine viennent entâcher la dose de spontanéité propre à toute musique improvisée. Est-ce parce qu'il est ici face à son public que Brötzmann hurle tant ? En tandem avec Sharrock sur les traces d'un chaos électrique qu'ils sont alors les premiers à rôder, la section rythmique Laswell/Jackson fait front avec bravoure (et non pas bravitude), redoublant d'inventivité. Du monumental "Hard School" aux plus expéditifs "Take A Beating" ou "Last Call", Last Exit se ballade comme un chien fou pendant près de quarante minute, à la recherche d'une issue qui a pour seul nom liberté. Ah, et dernière chose : Atavistic a eu la grande idée de rééditer ce disque en 2005. Vous savez ce qu'il vous reste à faire avant qu'il ne disparaisse à son tour de leur catalogue... Note : 5/6 Page 175/185 LAST EXIT : Headfirst into the flames Chronique réalisée par Progmonster Fond de tirroir qui émergera en 1993 seulement, alors que la messe est dite depuis longtemps et que de nombreux autres groupes se sont empressés de reprendre à leur compte la formule que Last Exit avait initié sans jamais récontrer le moindre succès critique ou public, "Headfirst Into The Flames" vient compléter la légende du quatuor jazzcore avec ce qui s'apparente à un pamphlet noise. La reproduction sonore de ce montage audio restituant des bribes de concerts accumulés aux quatre coins de l'Europe à la fin des années quatre-vingt perd en définition ce qu'elle gagne en dynamique. Avec une qualité qui frise le bootleg par moments, ne serait-ce que dans le mauvais équilibrage des balances et une prise de son qui se ballade parfois on ne sait trop pourquoi, "Headfirst Into The Flames" est peut-être bien l'album de Last Exit le plus destroy, au propre comme au figuré. La manière dont les titres ont été édités y est pour beaucoup aussi, déboulant souvent au coeur de l'action, quand le groupe est en plein boeuf et semble ne plus trop prêter attention à ce qui se passe, fascinés qu'ils sont eux-mêmes par le boucan qu'ils parviennent à générer. Sharrock et Brötzmann (ce dernier étant malheureusement relativement sous-mixé par rapport à l'ensemble, à moins que Sharrock soit lui sur-mixé...) s'abandonnent sans compter, rappelant la sauvagerie déployée par le King Crimson de la grande époque comme illustré dans le coffret "The Great Deceiver" (les notes hautes et tendues du guitariste sur "Jesus ! What Gorgeous Monkeys We Are" ou "Hanged Man Are Always Naked" n'en sont qu'un bref aperçu). Brutal et dense la plupart du temps, malgré quelques zones de repos judicieusement placées sur leur parcours accidenté, "Headfirst Into the flames" est peut-être aussi un peu trop long, ses soixantes généreuses minutes risquant de friser la lobotomie parmi les profanes. Comme en toutes bonnes choses, à consommer avec modération si vous désirez en préserver toute la saveur. Et c'est plutôt corsé... Note : 5/6 Page 176/185 LAST EXIT : From the board Chronique réalisée par Progmonster Connu aussi sous le nom de "Cassette Recordings '87" paru en 1988 sur le label Celluloid, "From The Board" est une réédition tardive que l'on doit à Enemy et qui ne propose aucune autre amélioration (ni détérioration d'ailleurs) du pressage d'origine, si ce n'est que le tout est présenté sous un titre et un emballage différent, de quoi alimenter la confusion... Si l'on devait le comparer à "Headfirst Into the Flames", "From The Board" jouit d'une production plus soignée, attachée au détail, mais qui perd aussi par conséquent en profondeur. On ne peut décidément pas tout avoir... Paradoxalement, bien qu'enregistré lors de leur tournée de 1986 à travers l'Europe et les États-Unis, cette série de performances mises elles aussi bout à bout parviennent difficilement à dégager la même puissance que celles, plus tardives de "Headfirst Into the Flames". Mais pourquoi donc avoir décidé de le publier ? C'est sans doute qu'alors Last Exit n'avait pas encore mieux à proposer. La longue suite "Line of Fire" tourne en rond pendant trop longtemps avant de finalement se fixer sur un thème où le groupe préfère assurer ses arrières plutôt que de tenter vraiment quelque chose. "Hard School" ne tombait jamais dans ce travers. C'est assez embêtant, d'autant qu'à lui seul "Line of Fire" représente plus de cinquante pour cent de l'album... Le constat est malheureusement de même nature sur les pièces plus courtes, laissant apparaître ça et là quelques tics de langage acculant Last Exit au rang d'institution et non plus de révolution. Les quelques trouvailles sonores se développent sur base d'une recherche texturale sans réelle incidence au détriment d'une pure énergie ("Ulli Bulli Fooli" et nouvelle version de "Ma Rainey" où Ronald Shannon Jackson se souvient de Buddy Miles). Le plus triste dans tout ça, c'est que les personnes que ce discours ne touche pas n'entenderont jamais aucune différence entre cet album et, par exemple, "Köln". Pour eux, cela restera toujours du n'importe quoi. Tant qu'à faire, je préfère que ce n'importe quoi en ait des grosses comme ça. Note : 3/6 Page 177/185 HOFFMANN-HOOCK & FRIENDS : Psychedelic Breakfast Chronique réalisée par Phaedream Il n’y a vraiment que Klaus Hoffmann Hoock pour réaliser un tel projet. Psychedelic Breakfast est vraiment ce que ça veut dire; un déjeuner musique entre amis, histoire de profiter de la vie, de s’épanouir avec les sourires amicaux qui vous entoure. Et c’est avec Paradiso que ce déjeuner psychédélique débute. Une des premières œuvres de MOM, Paradiso est une lente procession qui démarre ici avec un étrange bourdonnement tribal et la prière matinale. Les premiers accords filtrent une réverbération qui se mélange parfaitement à une basse à progression sensuelle. Le piano de Stephen Parsick est d’une douceur virginale sur un mellotron dense, aux voiles lourdes et sensibles qui se moulent en parfaite symbiose avec un mouvement crescendo d’une infini tendresse. Ceux qui ne connaissent pas le mellotron, ni son effet romanesque ont tout intérêt à découvrir le charme profond de cet instrument. Ici, Klaus Hoffmann Hook nous sert toute une prestance; des moments magiques, ondulatoires où les ondes et les vagues sonores s’entrecroisent dans une atmosphère paradisiaque. Raga reflète l’aspect psychédélique du déjeuner. Le sitar de KHH est tranchant sur des vocales errantes et des percussions maisons. MoM-Medley est un collectif de guitares acoustiques aux accords vifs, où les hôtes interprètent des segments du répertoire de MOM, avec une dextérité étonnante et un sens du rythme bien affûté. Un très beau moment qui nous amène à l’atmosphérique et très Ashraienne Sehnsucht. Spatiale et flottante, la guitare électrique résonne dans une ambiance lunaire où de placides voiles de synthétiseurs flottent dans la stridence d’une six-cordes planante. Un merveilleux moment d’une ère Krautrock planant que l’on retrouve d’une façon plus élaborée sur le splendide Ganges. Heart of the Sun est une interprétation, aux riffs coulants, de cet hymne psychédélique de Pink Floyd. L’interprétation est d’un réalisme étonnant, dépassant même les lubies les délirantes du quatuor Anglais. Un vrai tourbillon d’une violence psychédélique statique, dans une atmosphère musicale survoltée, sur un magnifique jeu de guitare enflammée. Plus animé que Ganges, Sri D exploite les mêmes sentiers flottants d’un rock spatial des années 70 avec un jeu de clavier discret, une orgue lancinante, des tablas et une basse moulante, qui donnent plus de vigueur à une impulsion passive qui se terre dans la noirceur d’un silence cosmique. Psychedelic Breakfast de Mind Over Matter répond nettement aux attentes crées par son titre. Dans une ambiance très intimiste, les musiciens de MOM donnent un concert qui nous rejoint. Un concert auquel on s’identifie sans problème, grâce à une magnifique prise de son, qui nous rapproche plus. Une fois assis bien relaxe, on a l’impression d’y être. Et ce n’est pas parce que c’est un déjeuner que c’est nécessairement tranquille. Certes, il y a des moments doux, mais le côté sauvage et rebelle de Klaus Hoffmann Hoock jaillit assez souvent, pour le plus grand plaisir de l’écoute. Un autre bon album pour Mind Over Matter, un groupe qui résiste au temps tout en gardant son identité. DISPONIBLE AU : http://www.mindala.de/ Note : 5/6 Page 178/185 MIND OVER MATTER : On the Wings of the Wind Chronique réalisée par Phaedream De délicats bruits de la nature ouvrent Crossing Jamuna River (Balloonflight Of Our Fantasy). Des insectes qui chantent, qui charment sur un clapotis d’eau. Avec le titre et la pochette, nous savons que nous survolons la rivière Jumani, par un moment paisible qui nous permet d’entendre aussi loin que le vent n’interfère. Le synthé flotte parmi les merveilleux souffles d’une flûte à bec. La tranquillité de l’atmosphère, la fusion entre la flûte et le synthé sur les accords d’un sitar sont des moments d’apaisement unique qui s’étend aussi loin que nos yeux percent l’horizon. Klaus Hoffmann-Hoock est au paradis. Aussi haut que les nuages, lui et son comparse flûtiste, Volker Kuinke 2 fois champion Européen de montgolfières, sillonnent les hauteurs d’Asie à la recherche d’inspiration. Et sur cette première pièce, nous y sommes. On se ferme les yeux et la connexion ce fait. On a l’impression d’y être, de voir les images que la musique décrie si habillement, avec tendresse et émerveillement. C’est avec d’étonnants tonnerres que débute Mountain Thunder. Un titre à essence tribale avec ses percussions tablas qui flottent sur d’épaisses strates mellotronnées aux mouvements lascifs. Le bruit de l’eau qui coule, se mélange avec les souffles magiques de la flûte de Volker Kuinke, sur l’intro de Journey to Brittany. Une voix céleste s’élève parmi cette transition. Mi animal, mi humaine elle se mue en souffles éthérés, comme les passages synthétiques que le vent soulève au dessus des nuages. Flottant, avec de mélodieuses harmonies flûtées Journey to Brittany doit sa beauté à son environnement. Un étrange tic tac émerge d’un concerto pour insectes qu’un infime tourbillon carillonné enterre à moitié. Fullmoon Desert devient une superbe mélodie, sur un mouvement atonique, truffée de carillons et serpentins scintillants de notes harmonieuses qui spiralent avec tendresse. Cloud Ghosts ouvre sur des bourdonnements qui se joignent à de doux souffles flûtés. Bercé par des nappes synthétiques, à peine muable, cette lente procession progresse sur une belle basse sensuelle qui ondule une intonation animée de fines percussions tablas. Cloud Ghosts est un beau titre d’une douceur nostalgique qu’une belle flûte surdimensionne la beauté sur de splendides strates synthétiques qui soufflent dans une ambiance aux murmures hostiles. On the Wings of the Wind est tout un voyage musical où Mind Over Matter trace un portrait romantique d’un bout de planète que nos yeux ne fouleront sans doute jamais, mais que nos oreilles auront vues, grâce à la perspicacité de Mind Over Matter. Note : 4/6 Page 179/185 Informations Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com. © 2000 - 2008 Page 180/185 Table des matières Les chroniques ........................................................................................................................................................................... 3 ISIS + AEREOGRAMME : In the fishtank/14 .................................................................................................................. 4 CALLISTO : Signal to the Stars ........................................................................................................................................ 5 XIMENG / SOLAZZO (Domenico) : Ximeng vs. Domenico Solazzo split EP................................................................ 7 VAN DER WOUDEN (René) : Pro Sequentia .................................................................................................................. 8 VAN DER WOUDEN (René) : Alchemia ....................................................................................................................... 10 EBIA : Elosophy .............................................................................................................................................................. 12 COUTURIER (François) : Nostalghia - Song for Tarkovsky.......................................................................................... 14 ARTEMIEV (Edouard) : Tarkovski par Artemiev : Solaris, Le miroir, Stalker.............................................................. 15 CAVE AND THE BAD SEEDS (Nick) : Your funeral...my trial ................................................................................... 17 CAVE AND THE BAD SEEDS (Nick) : Murder ballads ............................................................................................... 18 LUDMILA : Disadorne .................................................................................................................................................... 19 MIND OVER MATTER : Indian Meditation Vol. 2 ....................................................................................................... 20 DEAD MAN IN RENO : Dead Man In Reno.................................................................................................................. 21 BOYS FIRST TIME : The Final Soul Trade ................................................................................................................... 22 SALVING THY AMISS : Horsewreck, Oh Trail's Highlight ......................................................................................... 23 VAN BOGAERT (Frank) : One Out Of Five The Best of Frank Van Bogaert ............................................................... 24 SVARTSYN : Skinning the lambs................................................................................................................................... 26 LA BARBARA (Joan) : Voice is the original instrument................................................................................................ 27 ELEMENT 4 : Neotunes .................................................................................................................................................. 28 BRAINWORK : Back to Future ...................................................................................................................................... 30 BLUT AUS NORD : Mort ............................................................................................................................................... 32 TRIBES OF NEUROT : Meridian ................................................................................................................................... 33 KOEPPER (Jeffrey) : Momentium................................................................................................................................... 34 ROACH (Steve) : Life Sequences.................................................................................................................................... 36 TANGERINE DREAM : Live Brighton 1986 ................................................................................................................. 38 TANGERINE DREAM : Live Cleveland 1986 ............................................................................................................... 40 TANGERINE DREAM : Live Ottawa 1986.................................................................................................................... 42 JAMES TRIO (Bob) : Explosions.................................................................................................................................... 44 BYBLOS : Energy............................................................................................................................................................ 45 INDRA : Ocean of Silence............................................................................................................................................... 47 MYTHOS : Mysteria - An Electronic Journey Into Sound.............................................................................................. 48 [´ramp] : Looking Back in Anger..................................................................................................................................... 50 Page 181/185 FOREST SILENCE : Philosophy of winter ..................................................................................................................... 52 FURZE : Necromanzee cogent......................................................................................................................................... 53 [´ramp] : Oughtibridge ..................................................................................................................................................... 54 MAMMATUS : S/t .......................................................................................................................................................... 56 LA DIAGONALE DU FOU : La forme du vent.............................................................................................................. 57 ASH RA TEMPEL : S/t ................................................................................................................................................... 58 BEREAVED : The spirit driven by hate .......................................................................................................................... 60 ARKAN : Burning flesh................................................................................................................................................... 61 SOLACE OF REQUIEM : Utopia reborn........................................................................................................................ 62 ZORN (John) : Moonchild ............................................................................................................................................... 63 ZORN (John) : Astronome ............................................................................................................................................... 64 YAKUZA : Way of the dead............................................................................................................................................ 65 UFOMAMMUT : Snailking............................................................................................................................................. 66 SULA BASSANA : Dreamer........................................................................................................................................... 67 VAN BOGAERT (Frank) : Nomads ................................................................................................................................ 68 GLEISBERG (Rüdiger) : Fragile Fairytales .................................................................................................................... 70 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : Music from the Penguin Café Orchestra ................................................................. 72 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : S/t............................................................................................................................. 73 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : Broadcasting from home.......................................................................................... 74 PENGUIN CAFE ORCHESTRA : Signs of life.............................................................................................................. 75 ARCADE FIRE : Funeral................................................................................................................................................. 76 E=MOTION : Telepath .................................................................................................................................................... 78 ESP : The Gate ................................................................................................................................................................. 80 HANCOCK (Herbie) : Takin' off..................................................................................................................................... 82 HANCOCK (Herbie) : My point of view......................................................................................................................... 83 HANCOCK (Herbie) : Inventions & dimensions ............................................................................................................ 84 HANCOCK (Herbie) : Empyrean isles ............................................................................................................................ 85 HANCOCK (Herbie) : Maiden voyage............................................................................................................................ 86 HANCOCK (Herbie) : Speak like a child ........................................................................................................................ 87 HANCOCK (Herbie) : The prisoner ................................................................................................................................ 88 HANCOCK (Herbie) : Fat Albert Rotunda...................................................................................................................... 89 HANCOCK (Herbie) : Head hunters ............................................................................................................................... 90 HANCOCK (Herbie) : Thrust .......................................................................................................................................... 91 HANCOCK (Herbie) : Man-child.................................................................................................................................... 92 HANCOCK (Herbie) : Flood ........................................................................................................................................... 93 Page 182/185 HANCOCK (Herbie) : Secrets ......................................................................................................................................... 94 HANCOCK (Herbie) : Directstep .................................................................................................................................... 95 HANCOCK (Herbie) : Future shock................................................................................................................................ 96 HANCOCK (Herbie) : Future 2 future............................................................................................................................. 97 VAN DER WOUDEN (René) : Recreation ..................................................................................................................... 98 SCALD : Vermiculatus .................................................................................................................................................. 100 MAXXESS : Offroad ..................................................................................................................................................... 101 COMPILATION DIVERS : Père-Lachaise ................................................................................................................... 102 HOROLOGIUM : Songs for hunters ............................................................................................................................. 103 DIE KRUPPS : I............................................................................................................................................................. 104 COMPILATION DIVERS : Extreme music from Africa.............................................................................................. 105 NURSE WITH WOUND : Chance meeting on a dissecting table of a sewing machine and an umbrella.................... 106 ANTIGAMA / DEFORMED : Roots of chaos .............................................................................................................. 107 MISERY SIGNALS : Mirrors........................................................................................................................................ 108 DEAD HEARTS : Bitter verses ..................................................................................................................................... 109 SKALDIC CURSE : Pathogen....................................................................................................................................... 110 ENSLAVED : Isa ........................................................................................................................................................... 111 HARMS WAY : Oxytocin ............................................................................................................................................. 112 PAGANIZE : Evolution hour......................................................................................................................................... 113 CRAFT : Fuck the universe............................................................................................................................................ 114 SENSITIVE CHAOS : Leak .......................................................................................................................................... 115 COX (Ben) : On Water................................................................................................................................................... 116 PADILLA & ZERO OHMS : Path of Least Resistance ................................................................................................ 117 SCHULZE (Klaus) : Miditerranean Pads....................................................................................................................... 119 LFO : Advance ............................................................................................................................................................... 121 COMPILATION DIVERS : ...All my dead friends ....................................................................................................... 122 ROACH (Steve) : Kairos................................................................................................................................................ 123 ROACH (Steve) : Core................................................................................................................................................... 125 HINT : Product topology................................................................................................................................................ 127 HINT : Wu-Wei.............................................................................................................................................................. 128 GOLGATHA : Seven pillars - Reflections on the myth of Thomas Edward Lawrence................................................ 129 TANGERINE DREAM : Live At The Tempodrome Berlin 2006 ................................................................................ 130 TANGERINE DREAM : Live at The Guild Hall Preston 1980 .................................................................................... 132 MISSTRIP : Sibylline .................................................................................................................................................... 134 MAPLEBEE : Hello Eve................................................................................................................................................ 135 Page 183/185 JOHANSSON (Pär) : The empty palace ........................................................................................................................ 136 HAERETICUS : Our legions fight religions.................................................................................................................. 137 LAC PLACIDE : Closer................................................................................................................................................. 138 ALPHA LYRA : Music for the Stars ............................................................................................................................. 139 ALPHA LYRA : Aquarius ............................................................................................................................................. 140 JUSTICE : Waters of Nazareth ...................................................................................................................................... 141 NEBELUNG : Mistelteinn ............................................................................................................................................. 142 MERGENER ET AMICI : Nox Mystica ....................................................................................................................... 144 DELTRON3030 : S/t...................................................................................................................................................... 146 DYSRHYTHMIA : Barriers and passages..................................................................................................................... 147 THE BLACK HEART PROCESSION + SOLBAKKEN : In the fishtank/11 .............................................................. 148 THE BLACK HEART PROCESSION : The spell ........................................................................................................ 149 TANGERINE DREAM : Three O'Clock High .............................................................................................................. 150 STAHLWERK 9 / COLD FUSION / RUKKANOR : Triumvire................................................................................. 151 TANGERINE DREAM : Near Dark.............................................................................................................................. 152 TANGERINE DREAM : Shy People ............................................................................................................................ 153 TANGERINE DREAM : Optical Race.......................................................................................................................... 154 SCHULZE (Klaus) : En=Trance .................................................................................................................................... 155 AIR : Talkie walkie ........................................................................................................................................................ 157 WILT : Dark meadows................................................................................................................................................... 158 ARTEFACTUM : Rosarium hermeticum ...................................................................................................................... 159 GHOULTOWN : Bury them deep ................................................................................................................................. 160 QUADRA : First Contact ............................................................................................................................................... 161 HUYGEN (Michel) : Angkor......................................................................................................................................... 163 WOLFMOTHER : Wolfmother ..................................................................................................................................... 164 LE VENE DI LUCRETIA : Le vene di Lucretia ........................................................................................................... 165 COMPILATION DIVERS : Hampshire Jam 'Jam' 2006 ............................................................................................... 166 LA KEMIA : S/t ............................................................................................................................................................. 168 VEDETTE : S/t .............................................................................................................................................................. 169 BAJA : Maps/systemalheur............................................................................................................................................ 170 KONONO N°1 : Congotronics....................................................................................................................................... 171 LAST EXIT : S/t ............................................................................................................................................................ 172 LAST EXIT : The noise of trouble ................................................................................................................................ 173 LAST EXIT : Iron path .................................................................................................................................................. 174 LAST EXIT : Köln......................................................................................................................................................... 175 Page 184/185 LAST EXIT : Headfirst into the flames ......................................................................................................................... 176 LAST EXIT : From the board ........................................................................................................................................ 177 HOFFMANN-HOOCK & FRIENDS : Psychedelic Breakfast...................................................................................... 178 MIND OVER MATTER : On the Wings of the Wind................................................................................................... 179 Page 185/185