LE PROJET SCIENTIFIQUE ET CULTUREL DU LOUVRE-LENS
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LE PROJET SCIENTIFIQUE ET CULTUREL DU LOUVRE-LENS
LE PROJET SCIENTIFIQUE ET CULTUREL DU LOUVRE-LENS Juin 2008 1 Le Louvre est à Paris, mais ce n'est pas pour autant un musée parisien. Dès sa création en 1793, il a été imaginé et conçu comme un musée national, un « musée des musées » dont les collections et le savoirfaire ont vocation à irriguer l'ensemble du territoire français. Le Louvre-Lens renouvelle et réinvente cette politique traditionnelle, celle des dépôts, celle de la "part sacrée", pour reprendre la formule de Chaptal en 1801, que le Louvre doit aux régions. C'est bien le Louvre, dans toutes ses dimensions et dans toutes ses missions - artistique, sociale, éducative - qui sera présent au cœur du bassin minier. Le présent projet scientifique et culturel reflète cette formidable ambition. Il constituera l'âme - au sens étymologique du terme - qui animera le corps du futur musée, cette enveloppe architecturale imaginée par les architectes Sejima et Nishizawa de l’agence Sanaa. Pour le Louvre, l'élaboration de ce projet a été l'occasion de repenser ses missions, d'interroger ses collections et de se regarder d'un peu plus loin. Toutes celles et ceux qui, au Louvre, ont participé à ce chantier ont laissé libre cours aux idées les plus innovantes, imaginant de nouvelles formes de présentation des œuvres, inventant de nouvelles façons d'éduquer le regard du public sur l'œuvre d'art. Une chance unique et extraordinaire pour le Louvre qui, dans ce projet, reçoit autant qu'il donne. Pour le bassin minier, territoire plusieurs fois meurtri dans son histoire, tant par la guerre que par la crise industrielle, le Louvre-Lens sera un formidable témoignage de la Renaissance du Nord Pas de Calais. Ce Louvre immatériel abritera, dans l'écrin de verre et de lumière dessiné par l'agence Sanaa, un pôle de vie et de culture et deviendra, certainement, pour toute la région un pôle d'attraction. Ce document, reflet de cet enrichissement réciproque et de ce rêve commun, est le résultat d'un dialogue continu et exemplaire entre le Louvre, l’Etat et les collectivités territoriales partenaires. Que la Région Nord-Pas-de-Calais, le Département du Pas-de-Calais, la Ville de Lens et la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin soient ici chaleureusement remerciés pour le travail accompli en commun. Henri Loyrette Président-directeur du Musée du Louvre 2 PRESENTATION GENERALE Créer, implanter une institution de l'importance du Louvre-Lens ne peut se faire sans définir les buts d'un tel projet, les raisons de sa création, les enjeux qu'il suscite (I – Le Louvre-Lens pourquoi ?). Ces raisons et ces buts sont nécessairement multiples ; pour la majeure partie, affichés lors du lancement du projet, en 2003-2005, ils évoluent naturellement pendant son élaboration et sa construction. Vue sur le hall d’accueil depuis l’Est © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach Le présent document est l’occasion de mieux les expliciter. Il s'appuie sur le premier projet scientifique et culturel et sur le programme du futur musée remis en mai 2005 aux équipes d'architectes appelées à concourir. Il prend en compte tous les travaux et réflexions conduits depuis tant en matière d'études de publics que d'insertion urbaine ou d'impact du projet. Il s’agit aussi de rappeler à l'intention de tous le concept du projet (II – Le Louvre-Lens : le Louvre autrement). C’est le Louvre qui sera présent à Lens dans toutes ses composantes mais c’est un « autre Louvre » qui y sera édifié : un bâtiment à l’architecture résolument contemporaine accueillera les œuvres du Louvre dans une présentation volontairement nouvelle avec l’objectif de s’adresser à tous les publics, notamment ceux éloignés des musées. Pour répondre à cette volonté, l’offre du Louvre-Lens sera à la fois complète et large prenant en compte toutes les dimensions d’un musée aujourd’hui. Lieu de présentation inédite des collections du Louvre, il fera découvrir ses « coulisses », proposera un grand nombre d’activités pédagogiques et culturelles et donnera la priorité à l’accueil de tous les publics. Si, depuis son lancement, le projet, tant architectural que scientifique et culturel, s’est largement précisé, de nombreux chantiers attendent encore l’ensemble des partenaires. Il faut réussir la « greffe » de cet équipement avec son environnement local, préparer la venue des publics extérieurs à la région et, enfin, enrichir le travail partenarial nécessaire à la mise en place du futur établissement. Ces conditions de réussite (III) sont ainsi rappelées à la fin du présent projet scientifique et culturel. 3 SOMMAIRE GENERAL LE LOUVRE-LENS, POURQUOI ? ........................................................................................ 5 Un projet de décentralisation et de démocratisation culturelles................................................... 6 A – Une volonté partagée.................................................................................................................. 8 A.1 – La conjonction d’une triple volonté.................................................................................................... 8 A.2 – Le choix de Lens, un défi.................................................................................................................... 9 A.3 – Un partenariat novateur ................................................................................................................... 12 B – Une chance pour la région Nord – Pas de Calais................................................................... 16 B.1 – Un levier pour le développement économique et urbain.................................................................. 16 B.2 – Le Louvre-Lens, un outil de cohésion sociale.................................................................................. 22 B.3 – Un nouveau pôle culturel au service du territoire ........................................................................... 26 C – Une chance pour le Louvre...................................................................................................... 32 C.1 – Repenser autrement la présentation des collections ........................................................................ 32 C.2 – Aller vers de nouveaux publics ......................................................................................................... 41 C.3 – Adopter une démarche partenariale nouvelle .................................................................................. 43 LE LOUVRE-LENS, LE LOUVRE AUTREMENT.............................................................. 48 Inventer un « autre » Louvre ......................................................................................................... 49 A – Présenter les œuvres dans un bâtiment résolument contemporain ..................................... 50 A.1 – Un programme architectural exigeant ............................................................................................. 50 A.2 – Une architecture transparente.......................................................................................................... 53 A.3 – Un musée dans un parc .................................................................................................................... 54 B – Mettre les publics au cœur du projet...................................................................................... 57 B.1 – Répondre aux attentes d’un public diversifié................................................................................... 57 B.2 – Prendre en compte la situation du visiteur et sa pratique................................................................ 60 B.3 – Les publics à fort enjeu d’avenir ...................................................................................................... 65 B.4 – Un accueil sur mesure ...................................................................................................................... 67 C – Une nouvelle présentation des œuvres.................................................................................... 72 C.1 – Une vision diversifiée ........................................................................................................................ 72 C.2 – La Galerie du temps .......................................................................................................................... 76 C.3 – L’espace des expositions temporaires............................................................................................... 86 C.4 – La découverte des coulisses du musée.............................................................................................. 91 C.5 – Une médiation au service des œuvres et des visiteurs ...................................................................... 97 D. Un lieu de vie à part entière : les activités éducatives et culturelles .................................... 103 D.1 – Le centre de ressources et d’échanges : lieu de diffusion, de formation et de création ............... 103 D.2 – L’offre pédagogique........................................................................................................................ 107 D.3 – La programmation de la Scène....................................................................................................... 110 D.4 – Les activités culturelles du parc ..................................................................................................... 114 LES CONDITIONS DE REUSSITE.................................................................................... 116 Trois ans pour réussir................................................................................................................... 117 A – Réussir la greffe...................................................................................................................... 118 A.1 – Insérer le Louvre-Lens dans son environnement local.................................................................. 118 A.2 – Développer une stratégie d’appropriation régionale...................................................................... 123 A.3 – S’inscrire dans les réseaux régionaux et locaux............................................................................ 126 B – Préparer la venue des publics................................................................................................ 128 B.1 – Mieux connaître les publics potentiels ........................................................................................... 128 B.2 – Se doter d’une stratégie de communication ................................................................................... 132 B.3 – Une large ouverture du musée et une politique tarifaire raisonnée et attractive.......................... 136 B.4 – Faciliter l’accès des publics au site ................................................................................................ 142 C – Enrichir le travail partenarial............................................................................................... 146 C.1 – Mettre en place le futur établissement............................................................................................ 146 C.2 – Des mécènes à mobiliser ................................................................................................................. 151 C.3 – Développer un partenariat vivant avec les acteurs culturels de la région et de l’eurorégion....... 152 4 PREMIERE PARTIE : LE LOUVRE-LENS, POURQUOI ? 5 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Un projet de décentralisation et de démocratisation culturelles Vue aérienne du site du futur Louvre-Lens © Ville de Lens Le projet du Louvre-Lens s’inscrit dans la politique de décentralisation et de démocratisation culturelles engagée par le Ministère de la Culture et de la Communication. Après l’annonce du choix de Lens le 29 novembre 2004, ces deux objectifs sont réaffirmés d’emblée : « L’implantation du Musée du Louvre à Lens constitue une première historique et l’une des initiatives les plus fortes de la décentralisation et de la démocratisation culturelles depuis la création du Ministère de la Culture » déclare le dossier de presse ministériel. La décentralisation culturelle est justifiée par le choix du site de Lens, qui « constitue une fantastique opportunité de donner un nouvel essor à la région et de dynamiser son développement culturel ». La démocratisation culturelle poursuit l’objectif de promouvoir une culture pour tous et, de ce point de vue, « l’accessibilité, physique et intellectuelle, de tous les publics sera une priorité ». La réduction des inégalités culturelles, qu’elles soient géographiques ou sociales, est l’une des orientations des politiques culturelles à la fois la plus partagée et la plus difficile à mettre en œuvre. Ainsi l’augmentation constatée ces dernières années des entrées dans les musées ne signifient pas une véritable diversification des publics. L’augmentation de la proportion des Français ayant visité un musée au cours des douze derniers mois (33 % en 1997 contre 27 % en 1973) renvoie surtout, en dehors de l’évolution structurelle de la société française, à une progression des taux de fréquentation des cadres supérieurs. Il n’y a pas eu « rattrapage » des milieux sociaux les moins investis dans la vie culturelle. Les inégalités d’accès liées au « capital culturel » et à la répartition de l’offre sur le territoire restent fortes. Malgré un effort très soutenu des collectivités territoriales pour développer en région une offre muséale renouvelée et diversifiée, les grands musées parisiens continuent de drainer la majorité des visiteurs. La décision d’implanter le Louvre à Lens participe ainsi d’une volonté forte et partagée entre l’Etat et les collectivités territoriales que le musée soit aujourd’hui un espace ouvert à tous et un lieu de renforcement du lien social. 6 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Le Louvre-Lens est né d’une volonté partagée : la rencontre entre une décision gouvernementale d’engager une nouvelle étape de décentralisation, le souhait du Musée du Louvre de renouveler et revivifier sa tradition d’action territoriale et la conviction des collectivités locales du Nord – Pas de Calais, et en premier lieu du Conseil régional, que le développement local passe aujourd’hui par une action culturelle forte et ambitieuse. Vue aérienne du projet architectural du Louvre-Lens © Sanaa / Imrey-Culbe t/ Catherine Mosbach Le choix de l’implantation d’un nouveau Louvre à Lens, au cœur du bassin minier du Nord – Pas de Calais, est à la fois un défi et une chance. Le choix de Lens est considéré comme une opportunité exceptionnelle pour le bassin minier. L’arrivée du Louvre constituera un facteur de développement urbain et économique ainsi que de cohésion sociale. Le Louvre-Lens est aussi une chance pour le Louvre, l’occasion de repenser la présentation de ses collections, d’imaginer « un autre Louvre », plus humain, plus accessible. Quittant ses bases parisiennes traditionnelles, c’est un « Louvre-hors-les-murs » où tout est à inventer. 7 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? A – Une volonté partagée Conjonction de volontés nationales et locales, le choix d’implanter le Louvre à Lens est un véritable défi pour tous les partenaires. Il les oblige à un partenariat étroit et novateur associant également la société civile et les entreprises appelées, grâce au mécénat, à conforter l’engagement public. A.1 – La conjonction d’une triple volonté 1. Une décision gouvernementale En 2003, le ministre de la Culture et de la Communication, Jean-Jacques Aillagon, lance un appel en faveur d’un mouvement de décentralisation des grands établissements culturels parisiens. A l’image de ce qui est alors engagé pour le Centre Pompidou, qui a décidé d’installer une antenne à Metz en Lorraine, les établissements culturels sont invités à proposer des actions de décentralisation de leurs activités en région. Parallèlement, le Gouvernement fait adopter par le Parlement une révision constitutionnelle consacrant la décentralisation et engage une nouvelle étape de transferts de compétence de l’Etat vers les collectivités locales. Le 29 novembre 2004, sur proposition du ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, le Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, choisit parmi six villes candidates Lens comme site d’accueil du nouveau Louvre. 2. Une volonté du Musée du Louvre Après l’appel à la décentralisation du ministre de la Culture et de la Communication, le Musée du Louvre, sous l’impulsion de son président-directeur Henri Loyrette, s’engage à créer une « antenne » en région. Le Louvre-Lens est un enjeu inédit puisqu’il s’agit de s’ouvrir à de nouveaux publics et territoires, non plus sous la forme habituelle de prêts d’œuvres ou de mise à disposition de savoirfaire, mais sous celle d’une nouvelle implantation. Le Louvre renoue ainsi avec ses origines. Depuis sa création en 1793, le Louvre est un musée dont les collections et le savoir-faire doivent être au service de l’ensemble de la Nation. Au début du XIXe siècle, déjà, Chaptal évoquait cette « part sacrée » que le Louvre doit réserver aux régions. A Lens, le Louvre va apporter ses œuvres pour les présenter autrement afin d’aller à la rencontre de nouveaux publics. Il apporte aussi son savoir-faire pour concevoir un projet scientifique et culturel ambitieux et appuie ses partenaires locaux dans la mise au point du projet architectural mais aussi des modalités de fonctionnement du futur établissement. 3. Un projet porté par la Région Nord – Pas de Calais et appuyé par l’ensemble des collectivités locales Grâce à l’engagement de son président, Daniel Percheron, la Région Nord – Pas de Calais s’est positionnée fortement et rapidement pour accueillir le projet de décentralisation du Musée du Louvre, acceptant d’être le maître d’ouvrage et le principal financeur du Louvre-Lens. La Région finance en effet la construction du Louvre-Lens à hauteur de 60 % d’un coût total évalué, en phase d’avant-projet sommaire en mai 2007, à 127 M€ TTC. C’est également l’institution régionale qui financera majoritairement le fonctionnement du futur musée. Le président-directeur du Louvre et le maire de Lens devant la pyramide du Louvre en avril 2006 © Ville de Lens La Région Nord – Pas de Calais est par ailleurs maître d’ouvrage du bâtiment. C’est elle qui a en charge sa construction. A ce titre, elle a organisé le concours international d’architecture et a choisi le cabinet Sanaa comme lauréat. Elle est 8 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? bien évidemment assistée dans cette tâche par le musée du Louvre, mais également par ses autres partenaires locaux. Aux côtés de la Région Nord – Pas de Calais, plusieurs collectivités locales se sont impliquées financièrement et humainement dans le projet. Il s’agit du Département du Pas-de-Calais (10 %), de la Communauté d’agglomération de Lens-Liévin et de la Ville de Lens (qui se partagent 10 % du coût). Cet engagement vaut aussi pour le fonctionnement futur du musée. Leur investissement va bien au-delà de leur participation à la construction du futur musée, car il faut aussi préparer l’arrivée du Louvre-Lens en matière d’accessibilité et d’insertion urbaine. Ainsi, la Ville de Lens a déjà engagé un projet ambitieux de réaménagement du quartier des gares. 4. Le soutien de l’Union européenne Daniel Percheron, président de la Région Nord – Pas de Calais, et Danuta Hübner © Ville de Lens Ce projet situé au cœur de l’eurorégion, à proximité de la Grande-Bretagne et du Bénélux, proche de l’Allemagne, bénéficie du soutien de l’Union européenne. A travers le Fonds européen de développement régional (FEDER), l’Union européenne finance la construction du Louvre-Lens à hauteur de 20 %, comme l’a confirmé en janvier 2007 Madame Danuta Hübner, commissaire européenne en charge de la politique régionale, en visite sur le site du futur musée. A.2 – Le choix de Lens, un défi C’est à Lens, au cœur de l’ancien bassin minier, qu’ouvriront les portes de ce nouveau musée en 2010. Le choix de Lens est considéré comme une opportunité exceptionnelle, celle de redéfinir un territoire fortement marqué par la crise industrielle et sociale où l’arrivée du Louvre constituera, outre un pôle culturel pour l’ensemble de la région, un facteur de développement économique, un enjeu de rénovation urbaine, ainsi qu’un outil de cohésion sociale. 1. Lens choisi parmi six villes candidates A la suite de l’annonce, en 2003, par Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication, et d’Henri Loyrette, président-directeur du Musée du Louvre, d’engager la réflexion de création d’une « antenne » du Musée du Louvre, Daniel Percheron, le président de la Région Nord – Pas de Calais, a rapidement fait connaître son profond intérêt pour cette initiative et s’est engagé à la soutenir fortement. Dès lors, cinq villes de cette région ainsi qu’Amiens, préfecture de Picardie, région voisine, ont fait acte de candidature à son accueil. Après avoir personnellement visité les six sites proposés, le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, a proposé au Premier Ministre de retenir la ville de Lens. L’annonce en a été faite par JeanPierre Raffarin lui-même à Lens le 29 novembre 2004. Lens et le bassin minier du Nord – Pas de Calais Le bassin minier, un territoire riche d’une identité propre Le territoire du Nord – Pas de Calais est fortement marqué par la révolution industrielle du XIXe siècle et le développement qu’elle a généré. Un véritable tissu industriel et urbain en est issu. Des systèmes très organisés d’habitat voient le jour à proximité directe de l’usine ou de la mine. Ce sont les corons, les courées et les cités-jardins. Bande à peine large de 15 à 20 km, le bassin minier du Nord – Pas de Calais s’étend sur 125 km entre Bruay-la-Buissière et Valenciennes. A cheval sur les deux départements et se prolongeant même en 9 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Belgique vers Mons et Charleroi, le bassin minier n’en demeure pas moins un territoire spécifique riche d’une identité forgée par deux siècles et demi d’extraction houillère. Cette mono-industrie a profondément marqué les villes (cités minières, corons) et les paysages (chevalements, terrils), mais aussi les pratiques sociales et de loisirs des habitants (syndicalisme, vie associative, jardinage, colombophilie, sport, harmonies musicales…). Ainsi, le bassin minier est pétri des valeurs de travail et de solidarité. Moins de vingt ans après que la dernière gaillette ait été extraite à Oignies (1990), l’image du mineur demeure prégnante, comme le montrent, chaque 4 décembre, les festivités de la Sainte-Barbe ou encore la commémoration en mars 2006 du centenaire de la catastrophe de Courrières. La ville de Lens Sous-préfecture de 36.200 habitants au cœur d’une agglomération qui en compte 250.000, Lens est la principale ville du bassin minier du Pas-de-Calais. Elle est située dans la plaine de la Gohelle aux pieds des collines de l’Artois qui la dominent au sud. Ville étendue, encore très largement structurée par l’exploitation de la houille, Lens est ainsi éclatée en une quinzaine de cités articulées autour des anciennes fosses. L’habitat individuel y est majoritaire tandis qu’au nord-est, le quartier de la Grande Résidence aménagé dans les années 60 se distingue par ses hautes tours HLM. Outre les cités, souvent réhabilitées sinon en voie de l’être, le paysage urbain est rythmé de bâtiments remarquables témoignant de l’activité minière, comme les Grands Bureaux (siège de la Compagnie des Mines de Lens puis des Houillères) aujourd’hui siège de l’Université d’Artois, mais aussi la Maison syndicale, haut lieu de mémoire des luttes ouvrières et le stade Bollaert, élevé par des mineurs en 1931. Pour autant, démentant l’image d’une ville noire et grise, les parcs et squares ainsi que les nombreux jardins privés donnent assurément à Lens un caractère verdoyant. 10 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? 2. Lens a d’abord convaincu par son site Le site proposé par la Ville de Lens, un ancien carreau de mine désaffecté en 1960, offrait plus de 20 hectares disponibles pour l’implantation du musée, permettant d’y réaliser sans contrainte un bâtiment contemporain, tel que le souhaitait le Musée du Louvre. Sa proximité avec la gare, l’absence de contraintes liées au sol, ses qualités paysagères et son insertion au cœur d’une agglomération dense étaient des atouts indéniables qui lui ont permis d’avoir un excellent classement technique. Sur le plan régional, national et international, sa situation géographique plaidait également en sa faveur. Idéalement placée entre Lille et Arras, les deux chefs-lieux des départements de la région, au carrefour des autoroutes A26 (Calais-Reims), drainant les Britanniques, et A1 (LilleParis), passage obligé des Belges et des Néerlandais, Lens n’est qu’à 2 heures de route de Paris, 1 heure 30 de Bruxelles, 1 heure de Calais et 30 minutes de Lille. Près de 14 millions d’habitants, vivant au cœur de l’Europe du Nord, sont à moins de deux heures de route de Lens. Et 100 millions sont dans un rayon de moins de 350 km. Carte de la zone de chalandise du Louvre-Lens © Crayon noir e-medias La ville est de surcroît desservie par le TGV, mettant Paris à 1h10 du futur musée. Via Lille, des liaisons TGV sont possibles vers Bruxelles et vers Londres. Les fosses 9-9 bis de Lens et leurs cités Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’exploitation du charbon a signifié l’expansion de la ville de Lens, dont la population et la surface bâtie ont suivi la croissance des compagnies minières. En 1884, la Société des Mines de Lens prend la décision d’ouvrir une nouvelle fosse, qui prendra le nom de numéro 9, car elle est la neuvième fosse d’extraction créée ; on l’appelle aussi fosse Saint-Théodore. Vingt ans plus tard s’achèvent les travaux de la fosse d’aération 9 bis, baptisée SaintAnatole. La fosse Saint-Théodore se situe sur le territoire lensois, tandis que la seconde se trouve à Liévin, la commune voisine. La fosse 9 de Lens en ruines (1972) © Centre historique minier de Lewarde Les infrastructures des fosses 9 et 9 bis sont classiques. Le carreau de la fosse Saint-Théodore est organisé autour du puits et du chevalement et compte des générateurs, des salles au service des mineurs, des machines de traitement du charbon et une ligne de chemin de fer pour l’acheminer. Complètement rasée en 1918, la fosse est reconstruite plus de dix ans après. Fermée en 1960, elle est dès lors à l’état de friche et le reste aujourd’hui, malgré l’installation en son centre d’une zone d’activités. Ne subsistent des infrastructures minières que le puits et la « salle des pendus », c’est-à-dire un grand hall dont la fonction antérieure reste incertaine (lampisterie ou salle de bain et de dépôt des vêtements des mineurs) au nord du site. Sur la plus grande partie de l’ancien carreau, la nature a repris ses droits, offrant un immense espace vert au milieu de la ville. Comme les autres, la fosse 9/9 bis est pourvue de cités ; il s’agit, à l’ouest, de la cité Jeanne-d’Arc, achevée en 1894, et, au nord, de la cité Saint-Théodore édifiée quelques années plus tard. Cette dernière est organisée selon un plan et une architecture qui reflètent une hiérarchie stricte. Ainsi, le long de la rue La Rochefoucauld, l’église et la maison de l’ingénieur encadrent les établissements communs et les logements d’employés. Les ouvriers habitent des maisons plus modestes avec jardin que la Compagnie leur loue pour un loyer modique, mais à des conditions drastiques. A la suite de la guerre 14-18, ces cités, entièrement détruites, furent reconstruites. 11 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? 3. Un choix symbolique Le choix de s’implanter sur un ancien carreau de mine, la fosse 9 de Lens, n’est pas neutre bien sûr. C’est la reconnaissance de la Nation pour un territoire plusieurs fois meurtri, tant par la guerre que par l’exploitation du charbon. Malgré les efforts de reconversion entrepris ces vingt dernières années, la situation économique et sociale reste encore aujourd’hui marquée par un chômage élevé. Outre la mobilisation de ses édiles, en particulier de son maire Guy Delcourt, bien relayé par le président de la CommunAupôle de Lens-Liévin, Michel Vancaille, Lens a su s’appuyer sur sa population. Un comité de soutien a été créé et les habitants ont été invités à signer un livre d’or à l’hôtel de ville. Plus de 8.000 Lensois l’ont paraphé ! En visite sur le terrain, le ministre de la Culture et de la Communication a été impressionné par la volonté des habitants rencontrés d’accueillir le Louvre, élément pour eux de fierté et de reconnaissance. A.3 – Un partenariat novateur 1. Une collaboration Etat, Musée du Louvre et collectivités territoriales Le projet du Louvre-Lens est aujourd’hui un exemple de partenariat entre les collectivités, l’Etat et un de ses plus emblématiques établissements publics culturels. Les acteurs du projet du Louvre-Lens lors de la signature du protocole d’accord le 12 mai 2005 © Région Nord – Pas de Calais Un partenariat exemplaire entre tous les acteurs du projet s’est mis en place qui s’appuie sur un schéma de coopération et de décision précisé dans un protocole signé le 12 mai 2005 entre l’Etat, le Musée du Louvre et les collectivités locales du Nord – Pas de Calais : Région Nord – Pas de Calais, Département du Pasde-Calais, Communauté d’agglomération de Lens-Liévin et Ville de Lens. Ce protocole formalise la volonté des partenaires de réaliser le projet et en précise les modalités de réalisation : - il définit les diverses instances de pilotage du projet ; - précise les principes généraux et les modalités de pilotage du programme général de conception et de réalisation du projet par référence aux études préalables élaborées par le Musée du Louvre ; - détermine les participations et les contributions de chaque partenaire ; - envisage les grands principes de gestion future du musée du Louvre-Lens dont la présidence sera assurée par le président-directeur de l’établissement public du Musée du Louvre, garant à ce titre des collections, du rayonnement et de la mise en œuvre de la politique scientifique et culturelle du futur établissement. Le protocole définit également le plan de financement de l’opération tant en investissement qu’en fonctionnement. Il institue la Région comme maître d’ouvrage du projet, le programme scientifique et culturel étant établi par le Musée du Louvre. La coopération ne se limite d’ailleurs pas aux seules relations institutionnelles puisqu’il est prévu que le Musée du Louvre s’attache à insérer harmonieusement son programme scientifique et culturel dans le territoire et, en particulier, à développer des partenariats avec les musées de la région en concertation avec la Direction régionale des affaires culturelles. 12 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? 2. Un dispositif de pilotage complet Ce dispositif s’appuie d’abord sur un comité de pilotage associant les partenaires bien au-delà des signataires du protocole. Co-présidé par le président-directeur du Musée du Louvre et le Président de la Région ou leur représentant, il a notamment pour mission de suivre l’ensemble du projet dans toutes ses étapes, de sa définition à sa mise en œuvre. Ce comité de pilotage est complété par trois autres instances : un comité opérationnel qui en est l’émanation, un comité technique qui en est la cheville ouvrière et un conseil scientifique en charge du projet scientifique et culturel. Le conseil scientifique, présidé par le président-directeur du Louvre, constitue une instance de réflexion sur le projet scientifique et culturel. Il rassemble des représentants du Louvre et d’autres musées (du Nord – Pas de Calais, de Belgique…). Le conseil scientifique du Louvre-Lens Créé en 2005 et présidé par Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre, le conseil scientifique du Louvre-Lens a pour objectifs de : - suivre l’élaboration du projet scientifique et culturel du Louvre-Lens, - valider les grandes orientations scientifiques du Louvre-Lens, - veiller aux choix des programmations culturelle et muséographique du Louvre-Lens, - réfléchir à la médiation en adéquation avec la présentation des œuvres et la programmation, - proposer des projets de coopération culturelle avec les établissements culturels de la région Nord – Pas de Calais et de l’eurorégion. Il regroupe les personnalités suivantes : - Marie-Laure Bernadac, conservateur en chef chargée de l’art contemporain au Louvre, - Geneviève Bresc-Bautier, conservateur général chargée du département des sculptures du Louvre, - Laurent Busine, directeur du musée des arts contemporains au Grand-Hornu en Belgique, - Jean-Jacques Cleyet-Merle, directeur du musée national de la Préhistoire des Eyzies-de-Tayac, - Bruno Gaudichon, directeur du musée d’art et d’industrie André Diligent – La Piscine à Roubaix, - Catherine Guillou, directrice des publics du Louvre, - Olivier Meslay, conservateur en chef, responsable scientifique et culturel du Louvre-Lens, - Vincent Pomarède, conservateur général chargé du département des peintures du Louvre, - Marie-Hélène Rutschowskaya, conservateur général au département des antiquités égyptiennes du Louvre, - Jean-Marc Terrasse, directeur de l’auditorium du Louvre. L’importance accordée au partenariat entre les différents acteurs a conduit à étoffer ce dispositif de façon à élargir les organismes associés à la préparation de l’arrivée du Louvre-Lens. Sept groupes de travail se mettent progressivement en place sur les thèmes suivants : - Accessibilité et insertion urbaine, - Développement des publics, - Partenariats culturels et éducatifs, - Sécurité et sûreté, - Mécénat, - Structure de gestion, budget, personnel, - Développement économique et touristique. Enfin, la réussite du Louvre-Lens se préparant dès maintenant et pour que le public du territoire puisse se familiariser avec le musée, les partenaires du projet Louvre-Lens ont décidé de créer un comité d’appropriation du projet réunissant les partenaires du projet, mais aussi des représentants des musées de la région, des universitaires, etc. 13 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? 3. L’accompagnement de la société civile Dès l’annonce du choix de Lens, la société civile a souhaité apporter son soutien au projet. Conseil économique et social régional et Conseils locaux de développement ont témoigné de leur attachement au futur musée. Structures associées aux communautés urbaines ou d’agglomération, les Conseils de développement regroupent, à l’image du Conseil économique et social national et du Conseil économique et social régional, des représentants de la société civile (représentants des associations, des entreprises, des salariés, personnalités qualifiées…). Ils constituent une force de proposition auprès des assemblées élues et donnent des avis sur les principaux projets de développement et d’aménagement. A la demande du comité de pilotage du Louvre-Lens et saisis par le président de la CommuAupôle de Lens-Liévin, les Conseils de développement du Nord – Pas de Calais ont été invités à analyser les conséquences de l’implantation du Louvre-Lens sur le territoire de l’agglomération et plus généralement sur l’ensemble de la région. Les Conseils de développement de Lens-Liévin, d’Hénin-Carvin, d’Artois Comm., du pays d’Artois, d’Arras, du Douaisis et de Lille ont ainsi constitué une commission Louvre-Lens. Après deux années de travail, la commission a remis un « livre blanc », synthèse de ses réflexions. Après avoir évalué les différents impacts du projet, elle préconise une série de propositions concrètes en vue d’en amplifier ses retombées économiques, culturelles et sociales. Une association de soutien : l’Association Louvre-Lens A2L Logo de l’association ©A2L Née du Conseil de développement de la Communauté d’agglomération de Lens-Liévin, l’Association Louvre-Lens (A2L) se propose d’être un interlocuteur privilégié du Musée du Louvre et des collectivités locales initiatrices du projet (Région Nord – Pasde-Calais, Département du Pas-de-Calais, CommunAupôle de Lens-Liévin, Ville de Lens) pour : - accompagner la réussite du Louvre-Lens en proposant des initiatives émanant de la société civile, - sensibiliser et informer la population sur les enjeux du Louvre-Lens, - fédérer et promouvoir les initiatives pour et autour du Louvre-Lens. L’association s’appuie notamment sur les travaux de réflexion engagés par le Conseil de développement de l’agglomération de Lens-Liévin et les autres conseils de développement du bassin minier. Elle a toutefois créé ses propres groupes de travail qui portent notamment sur la communication, les retombées sur la région ou sur la valorisation du patrimoine local. 4. Des mécènes mobilisés Tout grand projet de développement culturel associe aujourd’hui étroitement les institutions publiques et les entreprises, notamment grâce aux nouvelles perspectives ouvertes par la loi du 1er août 2003 sur le mécénat. Le Louvre-Lens entend participer à ce mouvement. Dès le début de l’année 2006, à l’initiative de son président, Philippe Vasseur, le Crédit Mutuel Nord Europe a été la première entreprise régionale à s’engager. De nombreuses autres se préparent aujourd’hui à la rejoindre, soit en choisissant de financer la réalisation même du projet, soit en rejoignant le Cercle Louvre-Lens Entreprises. La recherche de mécénat pour le Louvre-Lens s’appuie sur les nombreux contacts du Louvre avec les grandes entreprises nationales et internationales et sur la bonne connaissance par la Région des entreprises du Nord – Pas de Calais. 14 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Le mécénat dans le Nord – Pas de Calais Un mécénat ancré dans la tradition Si le mécénat est assez peu répandu dans les entreprises de Lens et de ses alentours, le Nord – Pas de Calais dans son ensemble, économiquement dynamique, a déjà une forte pratique du mécénat, comme en témoigne un sondage de l’institut CSA réalisé auprès d’entreprises régionales au début 2007 et présenté aux assises de l’Admical tenues à Lille les 27 et 28 mars 2007. En région Nord – Pas de Calais, 17 % des entreprises de plus de 20 salariés sont désormais mécènes et elles ont apporté, en 2006, 97 millions d’euros à des associations ou des projets. Ce montant représente près de 10 % du mécénat national, supérieur donc au poids économique de la région. Le Nord – Pas de Calais apparaît comme une région d’entrepreneurs qui appuient leurs actions sur un réseau associatif omniprésent, à partir d’un sens collectif développé. Depuis la candidature dans les années 1990 de Lille aux Jeux olympiques de 2004, qui avait suscité un réel intérêt au sein de la population, les milieux politiques, économiques, culturels et associatifs inscrivent le mécénat dans la durée, faisant du Nord – Pas de Calais la région mécène par excellence. Un mécénat culturel dynamique Selon ce sondage, dans le Nord – Pas de Calais comme au niveau national, 63 % des entreprises interviennent dans le domaine de la solidarité. La culture demeure cependant un domaine de prédilection qui est choisi par 34 % des entreprises. Leur soutien à Lille 2004 et Lille 3000 est à ce titre représentatif, de même que les manifestations d’envergure et la multiplication des clubs d’entreprises autour de projets ou de lieux culturels. Le sport rassemble 37 % des entreprises mécènes. Mais ce chiffre appelle un commentaire nuancé à cause d’une possible confusion entre les actions de sponsoring (parrainage) et de mécénat, car la tradition sportive est ancrée dans la région nordiste. Si la pratique du mécénat en Nord – Pas de Calais – comme en France d’ailleurs – augmente avec la taille de l’entreprise, la représentation sectorielle des entreprises mécènes en Nord – Pas de Calais est conforme à la structure économique de la région. En effet, 43 % des entreprises mécènes émanent du secteur des services, de la communication et des activités financières qui représentent 44 % des entreprises de la région. Viennent ensuite à parts presque égales le secteur du commerce et des transports représenté par 30 % des entreprises mécènes et celui de l’industrie, de l’énergie et de la construction pour 27 %. Si le mécénat est principalement pratiqué sous la forme de contributions financières (71 %), les autres formes de mécénat se développent en suivant les grandes tendances nationales. Le mécénat en nature et de compétences concernent respectivement 44 % et 28 % des entreprises mécènes. L’appel au mécénat d’entreprises pour le Louvre-Lens devra se faire en maintenant le soutien des entreprises régionales aux actions et institutions culturelles ainsi déjà bénéficiaires. Le sondage réalisé par le CSA atteste cependant d’une application très discrète de la loi. 24 % seulement des entreprises du Nord – Pas de Calais pratiquant le mécénat déclarent bénéficier, au titre de l’année 2005, de la réduction d’impôts liée à la loi du 1er août 2003. Si on peut y voir la tradition de « discrétion » propre aux entreprises du Nord, apparaît surtout la nécessité d’une meilleure information sur la législation en vigueur. D’ailleurs, cette disposition incite 27 % des entreprises mécènes à vouloir augmenter leur budget dans ce domaine, témoignant d’opportunités pour le Louvre-Lens sans remise en cause des engagements locaux déjà pris. 15 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? B – Une chance pour la région Nord – Pas de Calais L’arrivée du Louvre à Lens représente une occasion de développement pour un territoire qui a été fortement marqué par la crise industrielle suite à l’arrêt de l’exploitation houillère à partir des années 1960. Il conforte le développement touristique de la région à l’échelle européenne. Redonnant fierté aux habitants du bassin minier et offrant à leur territoire une nouvelle image, c’est aussi un outil de cohésion sociale. Surtout, le Louvre-Lens renforce l’attractivité culturelle de la région dans une zone, le bassin minier, où la présence de grands équipements culturels reste encore faible. B.1 – Un levier pour le développement économique et urbain La culture et l’économie ont longtemps été considérées comme des domaines bien distincts. Aujourd’hui, on reconnaît le poids des « industries culturelles et créatives » et leur effet d’entraînement au niveau de l’emploi, de la fréquentation touristique, du renforcement d’image et de la compétitivité générale des territoires. L’impact économique correspond aux dépenses publiques et privées d’investissement et d’équipement, aux dépenses liées à la consommation culturelle mais aussi aux effets d’entraînement sur les autres secteurs de l’économie régionale (services, transports, formation, commerce, approvisionnements et prestations diverses). A l’exemple de la Tate Britain à Liverpool ou du musée Guggenheim à Bilbao, le Louvre-Lens entend participer au renouveau du territoire et à son changement d’image d’autant que, malgré de gros efforts de développement grâce au dynamisme de ses hommes et de ses institutions, la région – et le bassin minier tout particulièrement – n’ont pas achevé leur reconversion industrielle. 1. Une région encore marquée par la crise industrielle Terrils du 11/19 - © Laurent Lamacz La position du Nord – Pas de Calais à proximité de l’Angleterre, berceau de la révolution industrielle, conjuguée à l’existence de foyers pré-industriels anciens, à la disponibilité de matière première et à la présence d’une main d’œuvre abondante, avait fait de la région l’un des principaux moteurs de la croissance économique française au XIXe siècle. Le contact avec la Belgique a alors apporté à l’industrie régionale du capital et de la main d’œuvre. La révolution industrielle s’est ainsi appuyée sur les trois piliers que sont le charbon, la sidérurgie/métallurgie et le textile. En 1914, les industries du Nord – Pas de Calais assuraient les deux tiers de la production de houille et de coke de France. Achevée à la veille de la Première Guerre mondiale, l’organisation industrielle n’a plus évolué jusqu’aux années 1950, date à laquelle la région devient un « colosse aux pieds d’argile ». Les rigidités induites par ce système conduisent aux crises des années 1960-1970 et à la disparition de nombreux emplois. La disparition programmée des mines La généralisation du pétrole comme combustible et les coûts élevés de l’extraction du charbon sont les facteurs principaux qui expliquent la récession minière dans la région. Celle-ci s’est traduite par la fermeture progressive et planifiée (plans Jeanneney et Bettencourt) des puits de mine à partir des années 1960. Cette récession minière menée sur plus de 30 ans s’achève en décembre 1990 par la 16 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? fermeture du dernier puits à Oignies dans le Pas-de-Calais. L’arrêt de l’extraction minière s’est traduit par la disparition de plus de 150.000 emplois entre 1962 et 1990. Au total, la désindustrialisation du Nord – Pas de Calais sera marquée, de 1962 à 1999, par la perte de 325.000 emplois dans les secteurs industriels, comme le textile et la sidérurgie notamment. La reconversion, amorcée dès le milieu des années 1950 et qui s’est intensifiée au cours des années 1960 et 1970, a favorisé l’émergence de nouveaux secteurs d’activités. Toutefois, ce nouveau tissu économique est demeuré insuffisamment dense pour assurer un développement équilibré des territoires de la région et offrir des emplois en nombre nécessaire à la population. En revanche, le secteur tertiaire principalement non marchand s’est considérablement développé, participant à l’effort de conversion économique, mais sans que les créations de postes de ce secteur compensent les pertes subies dans l’industrie. L’emploi tertiaire est ainsi devenu majoritaire dans l’ensemble des bassins d’emploi, devenant dominant dans beaucoup d’entre eux, y compris dans celui de LensHénin (72,9 % en 1999). Aujourd’hui, sous l’impulsion de la métropole lilloise, la région Nord – Pas de Calais sort de la crise. Début 2007, pour le compte du journal L’Expansion, le cabinet Experian annonçait que la région devrait s’enrichir de plus de 205.000 postes d’ici 2017, rivalisant au passage avec des régions comme l’Ile-de-France et Rhône-Alpes. L’arrivée du Louvre-Lens contribuera significativement à ce mouvement et le diffusera dans le bassin minier. 2. Un effet d’entraînement en matière de tourisme Le premier impact du Louvre-Lens concernera le secteur du tourisme. L’implantation du Louvre-Lens modifie la donne, offrant une véritable visibilité touristique au territoire. Elle justifiera le développement d’infrastructures d’accueil et d’hébergement, nourrissant le dynamisme économique de ce secteur. Un territoire touristique émergent Lens et l’Artois-Gohelle ne peuvent être considérés aujourd’hui comme une véritable destination touristique. La prise de conscience de l’intérêt économique du tourisme n’est que récente, même si elle a précédé l’annonce de l’arrivée du Louvre. Un office de tourisme intercommunal y a en effet été créé en 1998, à l’occasion de la Coupe du monde de football, Lens ayant été retenu pour accueillir au stade Bollaert plusieurs matches de la compétition. Il fait preuve d’un fort dynamisme, a Le Mémorial canadien de Vimy © CRT / Pascal Morès développé de nouveaux outils de promotion (site Internet, visite audio téléchargeable…) et a créé plusieurs circuits touristiques. C’est ainsi que le circuit « De la mine au Louvre » répond au besoin d’information des visiteurs sur le site d’implantation du futur musée. La CommunAupôle de Lens-Liévin s’est impliquée également dans le développement touristique. Elle dispose de la compétence tourisme et a conforté son service compétent en 2005. Jusqu’à peu, le tourisme de mémoire (Notre-Dame-de-Lorette et le Mémorial de Vimy) était le principal atout du territoire mis en valeur, mais en marge du cœur de l’agglomération. Plus de 500.000 visiteurs et promeneurs y sont recensés chaque année. Les chemins de la mémoire Le territoire de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin recèle de nombreux sites et monuments rappelant la Première Guerre mondiale. Ce conflit a laissé son empreinte sur le territoire, qui constitue désormais un haut lieu de la mémoire de guerre. Trente-trois cimetières militaires, représentant les nationalités des différents combattants, perpétuent le souvenir des milliers de soldats morts au combat dans l’attaque de la colline de Lorette, au cours de la bataille de Loos ou dans l’assaut de la crête de Vimy. 17 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? La basilique de Notre-Dame de Lorette © OT Artois-Gohelle Notre-Dame-de-Lorette constitue ainsi la première nécropole nationale. Le cimetière sur la colline s’étend sur treize hectares et regroupe près de 20.000 tombes individuelles ; huit ossuaires contiennent les restes de plus de 22.000 soldats inconnus. La surveillance et l’accueil du site sont assurés par l’association des gardes d’honneur de Notre-Dame-de-Lorette qui regroupe 3.100 personnes. Ces bénévoles se relaient pour assurer une présence permanente sur le site et guider les visiteurs. Le parc et le mémorial commémoratifs du Canada à Vimy constituent le plus important monument canadien d’Europe. Ce site de 110 hectares rend hommage aux 66.000 jeunes canadiens ayant péri sur le sol français. Une partie des tranchées datant de la Première Guerre mondiale ainsi qu’un réseau de tunnels y ont été conservés. Pour le 90ème anniversaire de la bataille de Vimy, célébré le 9 avril 2007, le mémorial a été entièrement restauré par le Gouvernement canadien. Les « Chemins de la mémoire », initiative de la Région Nord – Pas de Calais, entend renforcer l’image de ces sites. Courant des batailles de la Somme à celles de Belgique, ils traversent l’ensemble de la région des carrières Wellington, mémorial de la bataille d’Arras, jusqu’au musée d’Ypres (Flanders Fields Museum) à la frontière belge, en passant bien sûr par Notre-Dame-de-Lorette et le site de Vimy. L’arrivée de 550.000 visiteurs au Louvre-Lens, voire plus à l’ouverture, va donner une nouvelle vocation touristique au territoire. Pour l’Artois-Gohelle, le tourisme promet d’être une vocation qui va s’articuler autour de quatre points forts : le patrimoine minier, le tourisme de mémoire, le sport et désormais le Louvre. Dans cette perspective, l’obtention du label « Pays d’art et d’histoire », récemment obtenu (janvier 2008), est une première reconnaissance qui, outre l’épopée minière, permettra de valoriser l’architecture de la reconstruction des années 20, aux belles façades art déco ou d’inspiration néo-flamande. Le classement du patrimoine minier au titre du patrimoine mondial de l’Unesco en qualité de « paysage culturel évolutif » serait aussi un atout considérable pour le territoire et favoriserait les initiatives engagées sur la base du 11/19 à Loos-en-Gohelle (ancien carreau de mine reconverti en pôle d’innovation où la recherche et les nouvelles technologies côtoient la culture et la mémoire) et à la cité Saint-Amé à Liévin (projet d’écomusée sur la mine). Le sport constitue aussi une opportunité touristique avec le stade Bollaert et le stade couvert régional de Liévin qui attirent une clientèle venue de l’extérieur, souvent de l’étranger, comme cela a été le cas lors de la Coupe du monde de rugby en septembre 2007 à Lens. Côté tourisme d’affaire et événementiel, « Bollaert » est aujourd’hui plus qu’un stade : il est devenu un centre multifonctions au fort développement et aux projets ambitieux. De futurs produits associés pourront être conçus avec le Louvre-Lens. L’insuffisance des hébergements sur le secteur du bassin minier L’insuffisance quantitative et qualitative de l’hébergement marchand est notoire. En 2005, 110.000 nuitées ont été recensées dans le territoire de la communauté d’agglomération Lens-Liévin pour 5.865.000 nuitées régionales, soit 1,9 % alors que la population représente 6,2 % de celle de la région. Le territoire ne dispose en effet que de 17 hôtels, dont 7 seulement dans une catégorie supérieure ou égale à 2 étoiles. Les hébergements marchands sont en effet concentrés, comme la demande touristique, dans la métropole lilloise et sur la Côte d’Opale. Le Louvre-Lens sera donc le vecteur du développement de nouveaux équipements en matière d’hôtellerie et de restauration. Ceci devra être réalisé dans le respect du site d’implantation du projet ainsi que des lieux de mémoires avoisinants (cités minières). Le tourisme chez l’habitant n’est pas, dans cet esprit, à négliger tant en ville qu’à la campagne. Mais l’effort devra aussi porter sur l’investissement hôtelier classique. Sur la base d’une fréquentation annuelle de 500.000 visiteurs pour le Louvre-Lens, le bureau d’études Ecodev Conseil a évalué le manque de chambres hôtelières dans l’Artois à 300, correspondant à environ 100.000 nuitées supplémentaires. 18 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Une dimension régionale indispensable Le développement touristique devra être pensé dans une optique régionale. Du point de vue du tourisme, la diversité de l’offre régionale est un atout (littoral, patrimoine urbain, campagne) et le Nord – Pas de Calais se place d’ailleurs au neuvième rang national dans l’accueil des touristes. Le réseau de musées est dense et offrira au Louvre-Lens la possibilité de synergies prometteuses, en renforçant la fréquentation des musées régionaux par les touristes étrangers qui ne représentent aujourd’hui que 10 % de leurs visiteurs. La grande majorité des visites étant associée à des week-ends, des courts séjours et des vacances, des produits touristiques, associant circuits, autres visites, hébergements, animations et transports, devront être mis en place. La proximité de destinations culturelles comme Arras, Douai ou Lille est à cet égard un point fort ; ce sont des villes où siègent des offices de tourisme dynamiques, portes d’entrée des touristes dans la région et qui se sont récemment affirmées comme de véritables destinations touristiques. Lille est à coup sûr devenue une ville événementielle (un événement tous les deux ans : Lille 2004, Lille 3000 en 2007 qui sera renouvelé en 2009). Des synergies devront être également trouvées avec les autres villes majeures de « l’arc sud » : SaintOmer, Béthune, voire Valenciennes, Cambrai et Le Cateau-Cambrésis, comme avec la Côte d’Opale, principale destination touristique aujourd’hui du Pas-deCalais. Le Beffroi de Lille © OT Lille / M. Dufour photographies Le circuit touristique devra s’intégrer également à ceux, déjà existants, de la Flandre (villes d’art et côte belge) et de Bruxelles, destinations à forte notoriété. 3. Une vraie perspective eurorégionale Une large zone de chalandise La position transfrontalière du Louvre-Lens offre une large zone de chalandise qui s’étend sur un territoire multilinguistique (français, néerlandais et anglais, voire allemand) qui devra être pris en compte (31 % des habitants sont néerlandophones dans la zone à moins de deux heures de route du Louvre-Lens). La région Nord – Pas de Calais est une zone de transit importante (175 millions de personnes par an transitent dans la région), bien desservie par un réseau routier dense. De surcroît, la population résidante est nombreuse, offrant une zone de chalandise importante : 14 millions d’habitants sont recensés à moins de deux heures de route du Louvre-Lens. La carte isochrone des publics potentiels détermine quatre grandes zones : - à moins de 30 minutes : le public de proximité représente 760.000 personnes, le territoire concerné étant celui du bassin minier du Pas-de-Calais et de l’Arrageois ; - de 30 minutes à 1 heure : le public (2.510.500 habitants) est principalement régional avec une nette présence de la métropole lilloise ; - de 1 heure à 1 heure et demie : le public reste majoritairement régional (en incluant la Picardie), mais la zone s’étend largement en Belgique tant francophone que flamande (3.014.500 habitants au total) ; - de 1 heure et demie à 2 heures : le public est principalement belge (à 78 %) et presque majoritairement néerlandophone (46 %). C’est le public le plus nombreux : 7.693.000 habitants. 19 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? La zone de chalandise du Louvre-Lens Région frontière naturellement européenne Articulation entre les civilisations latine et germanique, la région est naturellement ouverte sur l’Europe, ses frontières étant plus historiques que géographiques. La frontière avec la Belgique s’étire ainsi sur 200 km mais elle est naturellement imperceptible et les agglomérations de Lille, de Valenciennes et de Maubeuge se poursuivent bien au delà. Le travail frontalier en 2005 concerne 18.800 résidants en France (+ 30 % depuis 1999) et 5.500 résidants en Belgique. A l’inverse, malgré le Tunnel sous la Manche, seules 250 personnes résidant en France travaillent en Grande-Bretagne (d’ailleurs davantage à Londres que dans le Kent). Le Nord – Pas de Calais est depuis toujours un lieu d’affluence humaine, un carrefour où de nombreuses cultures se sont rencontrées parfois pour des raisons belliqueuses, mais souvent pour des raisons économiques. Dès le Moyen Age, les territoires de la région s’inscrivaient dans une dynamique d’échanges avec ce qui constituait le monde de l’époque. Lens était alors un moyen bourg sur la route des villes flamandes et drapières. Plus tard, au XIXe siècle, la région bénéficiera de la proximité des principaux foyers d’innovation et de diffusion industrielles ce qui explique, entre autres, son haut degré d’urbanisation et son patrimoine industriel. La région au cœur de l’Europe du Nord Ouest © PASER Située au cœur de l’Europe du Nord-Ouest, la région est en contact proche avec de grands centres d’importance mondiale : Paris, Londres, Randstad Holland et le bassin Rhin-Ruhr. Elle constitue la frange sud du « continuum urbain » qui couvre sa partie la plus urbanisée et le Bénélux, déborde sur l’ouest de l’Allemagne et, à l’ouest, se poursuit en Angleterre, au-delà de la Manche, les espaces limitrophes du grand bassin parisien étant à cet égard beaucoup moins peuplés. Ce qui n’empêche pas Paris, par son poids économique et surtout politique et culturel, de disposer de l’emprise la plus forte. 20 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? L’eurorégion Esquissée dès 1987 sous l’égide de la Communauté européenne avec la signature d’un protocole d’accord entre la Région Nord – Pas de Calais et le Comté du Kent, l’eurorégion s’est élargie en 1991 aux trois régions belges : Wallonie, Flandre et Bruxelles Capitale. Le groupement européen d’intérêt économique (GEIE) qui régit l’eurorégion s’est fixé cinq objectifs de coopération : coopération technologique et industrielle, aménagement du territoire et transports, gestion des ressources naturelles et développement durable, coopération des administrations, promotion de l’image de marque du territoire. Au-delà de ces thèmes, l’eurorégion est peu à peu devenue un forum de contacts économiques et politiques visant à tisser des liens entre régions et susciter des initiatives transfrontalières. Complétant le dispositif des eurorégions, l’Union européenne a mis en place des programmes Interreg dont la troisième phase 2001-2006 à vocation économique et sociale comprend des aspects touristiques et culturels et dont l’eurorégion a su profiter. Les réseaux institutionnels, culturels et touristiques se sont ainsi développés. Au niveau de l’aire métropolitaine lilloise, territoire regroupant autour de la communauté urbaine de Lille vingt-trois intercommunalités et partenaires, y compris belges, rassemblant plus de 3,5 millions d’habitants, le Louvre-Lens a été porté au rang de projet métropolitain, ce qui témoigne de la volonté des acteurs régionaux de donner à ce projet une véritable dimension européenne. Le caractère européen du Louvre-Lens est également attesté par le soutien dont il bénéficie de la part de l’Union européenne. A travers le Fonds européen de développement régional (FEDER), l’Union européenne finance la construction du Louvre-Lens à hauteur de 20 %. Le Louvre-Lens intégrera la perspective européenne à son action : non seulement en attirant à Lens les visiteurs belges, britanniques, néerlandais et allemands, mais aussi en intéressant son public de proximité à la dimension européenne. De ce point de vue, il peut paraître intéressant de proposer, en matière de programmation scientifique, des présentations et des thématiques orientées vers la compréhension des courants d’art européens, en coopération par exemple avec des musées de l’eurorégion. Renforcé par des échanges européens (classes patrimoine, colloques en partenariat, échanges linguistiques…) et grâce à cette situation aux confluences privilégiées et riches, le Louvre-Lens participera à coup sûr à la reconnaissance d’une identité territoriale européenne. 4. L’enjeu majeur de la requalification urbaine L’exemple du musée Guggenheim à Bilbao montre que l’impact de l’implantation du musée dépend aussi fortement de son accompagnement urbain et de la volonté locale d’en faire un levier d’aménagement et de développement. L’arrivée du Louvre-Lens conduit les collectivités à jeter un regard nouveau sur leur territoire. D’ores et déjà, la Ville de Lens a engagé en 2007 la reconversion du quartier des gares après l’aménagement déjà réalisé aujourd’hui du boulevard Basly, principale artère du centre ville. Un schéma d’insertion urbaine du Louvre-Lens Comme l’indique la Mission bassin minier, agence d’urbanisme du territoire, « l’implantation du Louvre à Lens, au cœur d’un territoire en pleine mutation, constitue potentiellement un formidable accélérateur de développement ». Aussi, afin d’établir une vision commune des impacts du LouvreLens et de définir les conditions de leur maîtrise, les partenaires du projet (collectivités territoriales, Etat et Louvre) ont souhaité établir un schéma d’insertion urbaine du Louvre-Lens, intégrant une perspective d’aménagement à moyen terme sur l’ensemble du périmètre autour du musée, une programmation détaillée pour les secteurs les plus rapidement mutables et un phasage des opérations. Ce travail a été confié à l’agence de l’architecte-urbaniste Nicolas Michelin. 21 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? L’enjeu de l’insertion du musée est à la fois de contribuer à la mutation du tissu urbain environnant, dans le respect d’une valeur historique qui fait l’objet aujourd’hui d’une démarche d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco et dans l’affirmation d’une centralité urbaine. Situé entre le pôle de la gare de Lens, le pôle sportif de Liévin et la base du 11/19, trois projets contribuant au rayonnement de l’agglomération, le Louvre-Lens vient renforcer encore cette dynamique, avec un effet potentiel d’entraînement sans équivalent. Le Louvre, partenaire de la réflexion La cité Jeanne-d’Arc à côté du Louvre-lens © Musée du Louvre / AS Caron Si la démarche du schéma d’insertion urbaine relève bien sûr de la responsabilité première des collectivités locales, le Louvre ne se désintéresse pas du sujet. Bien au contraire. D’une part, les réflexions liées à l’accessibilité au musée concernent directement les futurs visiteurs et leur confort, d’autre part, les aménagements urbains à envisager devront avoir une qualité en cohérence avec l’édifice muséal. Aussi le Louvre est-il associé au groupe de travail sur l’accessibilité et l’insertion urbaine du Louvre-Lens qui a été mis en place par l’ensemble des partenaires du projet avec le soutien de la Mission bassin minier. La Mission bassin minier Nord – Pas de Calais Véritable outil au service de « l’après mine », la Mission bassin minier Nord – Pas de Calais a été créée en l’an 2000. Son installation a marqué une étape décisive pour la revitalisation du bassin minier, dans un processus partenarial entre l’Etat, la Région, les Départements du Nord et du Pas-de-Calais et l’Association des communes minières du Nord – Pas de Calais. En plus d’être un observatoire économique et social de premier ordre, la Mission apporte son savoirfaire et son expertise à des chantiers très différents, comme l’urbanisme et l’habitat minier, la trame verte, le transport, le développement économique ou les programmes européens. Depuis 2006, la Mission bassin Minier relève un nouveau défi puisqu’elle a été mandatée pour conduire le schéma d’insertion urbaine du Louvre-Lens dans son environnement local et régional. B.2 – Le Louvre-Lens, un outil de cohésion sociale Marqué encore par la fin de l’exploitation houillère, le territoire d’implantation du Louvre-Lens reste une zone en difficulté sociale, au taux de chômage élevé, affectée par la précarisation d’une partie de ses habitants et un faible niveau de qualification et de formation. Outre les créations d’emplois qu’elle induit et qui nécessitent d’être anticipées pour bénéficier aux demandeurs d’emploi locaux, l’arrivée du Louvre-Lens offre une reconnaissance et un changement d’image pour le bassin minier, aussi décisif pour le renouveau économique du territoire que pour le regain de confiance des habitants en l’avenir. 1. De réelles difficultés sociales liées à la situation économique A la suite de la fermeture des mines, l’affaiblissement de l’ensemble du tissu local a induit des pertes de revenus et la précarisation de la situation économique et sociale de nombreux habitants. Ainsi le taux de chômage est très supérieur depuis de nombreuses années à la moyenne nationale, même s’il connaît une évolution à la baisse similaire. Au 1er janvier 2007, le taux de chômage du bassin d’emploi de Lens-Hénin était de 14,7 % (pour un taux régional de 12 % et un taux national de 8,5 %). 22 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Les difficultés sociales ont touché non seulement les personnes ayant directement perdu leur travail mais également leurs proches et affecté ainsi l’ensemble de la population et du tissu économique local. Les difficultés professionnelles ont souvent entraîné d’autres types de problèmes qui se cumulent les uns aux autres : précarisation des individus et des familles (rmistes, familles monoparentales), altération de la santé (maladies), comportements sociaux déviants (alcoolisme, délinquance, drogues), difficultés scolaires (retards, prépondérance des secteurs en réseau d’éducation prioritaire). Le profil socio-économique des quartiers où le Louvre-Lens sera construit témoigne de ces difficultés. En 1999, le taux de chômage y dépassait 40 % et le taux d’activité y était très bas (30 %). Un quart des ménages était composé de personnes isolées et l’on notait une concentration de familles monoparentales et de grandes familles. Un tiers des personnes de référence des résidences principales était des ouvriers et un gros quart des retraités. Enfin, 56 % des ménages ne possédaient pas de voiture. 2. Des créations d’emplois significatives De 250 à 300 emplois lors du chantier, de 600 à 700 à terme Le premier impact économique du projet sera celui du chantier. Le bâtiment à édifier représente un investissement de plus de 70 M€ HT de coût de travaux et porte sur 28.000 m2 de surfaces à construire. On peut estimer que cela correspond à 250 à 300 emplois directs pendant la période de construction du bâtiment d’environ deux ans. Si le musée lui-même ne représente pas un potentiel d’emplois directs très important (environ 120 à 160 personnes seront employées directement par lui suivant les options prises en matière de gestion directe ou déléguée), le total des emplois qu’il induit représente une véritable opportunité pour le territoire et pour les populations locales en recherche d’emplois. Les types d’effet sur l’emploi Trois types peuvent être distingués : - des effets directs et indirects, - des effets liés aux dépenses des visiteurs sur le territoire, - des effets d’entraînement liés au changement d’image et à l’attraction nouvelle du territoire. A ce stade, le dernier effet n’est pas aujourd’hui pleinement quantifié même s’il sera certainement à terme le plus prometteur. En revanche, les autres effets ont fait l’objet d’une évaluation par le cabinet Ecodev Conseil missionné par la DDE du Pas-de-Calais pour évaluer l’impact économique du LouvreLens. On entend par effets directs et indirects les emplois directs sur le site du musée (qu’ils relèvent du musée lui-même ou de prestataires et concessionnaires travaillant sur le site), les emplois indirects liés aux prestations de services passées par le musée et, enfin, les emplois induits, ceux générés par les revenus des précédents emplois évalués à environ un tiers de ces derniers. Les dépenses des visiteurs entraînent des créations d’activités dans trois domaines principaux : d’une part l’hébergement touristique, d’autre part la restauration, le commerce et les services, et enfin les activités touristiques, culturelles et artistiques. Quant aux effets d’entraînement, a été évalué le seul impact des programmes de requalification urbaine induits par l’arrivée du Louvre-Lens, c’est-à-dire les aménagements périphériques que les collectivités locales et les promoteurs privés ne manqueront pas d’engager autour du musée. 23 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Au total, comme indiqué dans le tableau ci-après, les emplois générés par le Louvre-Lens représentent 600 à 700 emplois. Estimation des retombées en emplois du Louvre-Lens (hors chantier) Nombre d’emplois Type d’effets Effets directs et indirects Emplois sur le site 190 à 230 Emplois indirects (prestataires divers) 100 à 120 Emplois induits 80 à 100 Effets liés aux dépenses des visiteurs Création d’hébergements touristiques 80 à 90 Création de commerces et services (y compris restauration) 50 à 60 Création d’activités touristiques, culturelles et artistiques 30 à 50 Effets d’entraînement Programme de requalification urbaine Total général 60 à 80 590 à 730 Source : Ecodev Conseil Des emplois bénéficiant au territoire Les retombées de ces emplois seront ressenties sur l’ensemble du territoire régional. Elles pourront concerner un territoire plus ou moins proche selon la capacité des acteurs locaux à s’emparer des opportunités offertes : les hébergements touristiques seront-ils créés dans le territoire de l’agglomération de Lens-Liévin ou diffuseront-ils plus largement sur le territoire régional ? Le musée trouvera-t-il ses prestataires (communication, informatique, montage d’expositions…) localement ou au niveau régional, voire national ? La création au niveau local et régional d’entreprises aptes à répondre aux besoins du musée est ainsi un enjeu important. Le territoire devra aussi se donner les moyens d’offrir les compétences nécessaires aux emplois offerts. Par exemple, les métiers de l’accueil (musée, hôtellerie, restauration, activités touristiques et culturelles, services publics et privés, transports…) seront fortement sollicités et la pratique professionnelle de langues étrangères sera en particulier requise. Des efforts d’adaptation et de formation sont ainsi à engager mais les structures existent localement pour faire face à ces enjeux, à condition de les anticiper. 3. Une reconnaissance et un changement d’image pour le bassin minier La transformation de l’image de Lens, d’agglomération à l’activité disparue en écrin du plus connu des musées du monde, est une autre contribution du Louvre-Lens. D’une certaine manière, le LouvreLens remet Lens sur la carte. D’ores et déjà, par exemple, le marché immobilier est transformé par la perspective de la création du Louvre Lens, les annonces indiquent « près du Louvre » comme une note valorisante. Lens est connue grâce à son célèbre club de football, le Racing Club de Lens, qui a fêté son centenaire en 2006. En effet, le RCL offre à Lens une visibilité que beaucoup d’autres villes de sa taille lui envieraient. Mais s’appuyer sur cette seule image est nécessairement réducteur à l’heure où la 24 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? compétition entre métropoles oblige à multiplier les atouts et les vecteurs de communication. La dimension culturelle est aujourd’hui incontournable pour attirer investisseurs et cadres. Ce changement d’image est décisif pour le renouveau économique du territoire mais il l’est autant pour la confiance des habitants en leur avenir. Le Louvre-Lens suscite des interrogations, mais aussi fierté et reconnaissance. Le choix de Lens pour accueillir le Louvre revalorise et requalifie le bassin minier dans l’esprit de ceux qui l’habitent. Depuis un siècle et demi, l’ensemble du bassin minier n’a jamais eu d’autres finalités que celui de l’exploitation industrielle de ressources charbonnières. Aucun autre rôle ne lui a jamais été associé. Depuis la disparition des mines, l’agglomération se révèle sans aucune autre identité que celle d’une activité disparue. Tournée vers un passé à la fois exécré et idéalisé, la population n’a pas toujours su échapper à un certain fatalisme. Logo de Bassin minier Unesco © BMU L’arrivée du Louvre dans un paysage réel mais aussi imaginaire a déjà changé la perception qu’une partie de ses habitants en avait. Si le Louvre s’installe à Lens c’est que Lens le mérite, et pas seulement parce que le bassin minier a beaucoup souffert. La qualité de Lens et de son agglomération se trouve réévaluée. La possibilité d’une inscription du bassin minier au titre du patrimoine mondial est un autre volet, très important, de cette requalification. Le classement du bassin minier au titre du patrimoine de l’Unesco La mobilisation d’un certain nombre d’acteurs régionaux depuis quelques années a permis d’engager une démarche d’inscription des territoires composant le bassin minier sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 2005 en qualité de “paysage culturel évolutif”. Soutenue par l’Etat, la Région, les deux Départements et l’Association des communes minières, cette initiative s’inscrit comme le prolongement de la Conférence permanente du bassin minier et de la démarche entreprise par la Mission bassin minier sur la préservation des grands sites de mémoire, les projets d’aménagement et les opérations de renouvellement urbain, les actions de développement culturel et de valorisation du patrimoine. Toutes les composantes du patrimoine minier sont concernées : les compositions architecturales et urbanistiques spécifiques, les cités minières, les terrils, les infrastructures (cavaliers, voies ferrées, canaux), les composantes sociales et humaines… Il ne s’agit pas pour autant de figer le patrimoine minier et les territoires qui le portent mais d’organiser et de favoriser, au contraire, leur intégration dans les courants de développement. L’obtention du label Unesco serait un tremplin pour les territoires concernés, d’autant plus que certains peinent à faire reconnaître leurs qualités intrinsèques vis-à-vis du reste de la région. L’association Bassin minier Unesco (BMU), présidée par Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle et conseiller régional, s’appuie sur un comité de soutien destiné à fédérer tous les acteurs de la société civile (personnalités, institutions, associations, habitants) qui se reconnaissent dans ce projet. La métropole lilloise s’inscrit également dans la démarche, ce que confirme l’engagement de Pierre Mauroy en tant que Président du comité de soutien. Ce classement devrait être proposé par le Gouvernement français aux instances de l’Unesco en 2010. L’hôtel de ville et le beffroi de Douai © AL Jacquart Acquis Après le classement déjà obtenu en 2005 de dix-sept beffrois du Nord – Pas de Calais et des géants de la région, cette inscription au patrimoine mondial témoignerait de la nouvelle image culturelle du territoire 25 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? B.3 – Un nouveau pôle culturel au service du territoire 1. Un rayonnement culturel régional conforté par Lille 2004, capitale européenne de la culture Logo de Lille 2004 © Lille 2004 La logique de répartition des grands équipements culturels est traditionnellement tributaire de la hiérarchie urbaine et le Nord – Pas de Calais ne déroge pas à ce principe. L’agglomération lilloise possède l’offre culturelle la plus large et la plus importante. Plusieurs grands équipements assurent la promotion de la métropole et, à travers elle, de l’ensemble de la région. La nomination en 2004 de Lille comme capitale européenne de la culture et le succès de l’opération ont tiré la région vers le haut. C’est aujourd’hui devenue une véritable ville culturelle européenne. Les primovisiteurs reviennent et l’on se réjouit d’une attractivité touristique diversifiée. Mais l’ambition culturelle ne se limite pas à la métropole lilloise. Soutenus fortement par le Conseil régional, de grands équipements ont vu le jour, l’animation et les réseaux culturels se sont développés. Et la notion de capitale a fait école, la région ayant lancé le concept de « capitale régionale de la culture », désignant Valenciennes en 2007, Béthune étant candidate pour 2010. Une offre culturelle largement accrue Des équipements majeurs (Lille-Grand-Palais, Le Nouveau Siècle, le Zénith), des formations musicales renommées (l’Orchestre National de Lille, l’Opéra de Lille), de nombreuses scènes de théâtre et de danse drainent et fidélisent un public bien au-delà des limites régionales. La labellisation de Lille comme capitale européenne de la culture en 2004 a consacré ce rayonnement et lui a donné un nouvel élan, ouvrant notamment un nouveau type d’équipement culturel : les « maisons folies ». Souvent implantées dans des quartiers populaires et des bâtiments symboliques (anciennes usines, forts, hospice…), elles combinent espaces dédiés à la création, équipements de diffusion et lieux de convivialité et d’accueil d’artistes. Elles veulent symboliser une nouvelle approche du rôle de la culture dans le renouvellement urbain et le rayonnement des territoires. L’offre culturelle a aussi gagné le reste de la région. Grâce au soutien des collectivités locales, et en premier lieu de la Région, qui a investi de longue date et de façon pérenne dans ce domaine, de nombreux et importants efforts d’équipement et d’animation culturels sont venus ces dernières années accroître significativement le potentiel de nombreux territoires. Des infrastructures majeures, servant d’appui à des scènes nationales, sont autant de témoins de cet élargissement : le Bateau Feu à Dunkerque, le Channel à Calais, l’Hippodrome de Douai, le Phénix de Valenciennes, le Manège de Maubeuge, le pôle du 11/19 pour Culture Commune dans l’ancien bassin minier. Beaucoup de villes régionales ont fait un effort pour améliorer et compléter les structures culturelles existantes. Certes, les niveaux d’équipement et de programmation n’atteignent pas ceux de la métropole lilloise, mais, grâce à leur proximité, ils permettent une diffusion plus large. Un réseau de musées riche et dense Le Nord-Pas-de-Calais est la seconde région de France, après l’Ile-deFrance, en densité de musées. Plus d’une quarantaine d’établissements consacrés aux beaux-arts, à l’industrie, l’histoire naturelle, locale ou encore l’archéologie accueillent déjà de nombreux visiteurs. Ce réseau est d’une triple nature tant en matière de collections qu’en terme d’histoire des institutions. Le musée de La Piscine à Roubaix © Lille Métropole 26 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Les musées de beaux-arts, dont l’implantation peut paraître régulièrement répartie, sont à l’analyse surtout implantés dans les grands centres urbains traditionnels. Ce sont les musées de Lille, Arras, Valenciennes, Dunkerque, Calais, Boulogne, Douai, Tourcoing ou Cambrai. De nouveaux musées sont venus renforcer cette trame. C’est le cas de La Piscine à Roubaix en 2001. Le musée Matisse au Câteau-Cambresis inauguré en 1952, superbement agrandi en 2002, est un rare exemple de musée construit hors des anciennes grandes cités. Des institutions dévouées à l’art contemporain ont été créées durant les dernières décennies et font preuve d’une remarquable vitalité. Elles sont essentiellement implantées dans le département du Nord : à Dunkerque avec le Lieu d’art contemporain (LAAC) et le Fonds régional d’art contemporain (FRAC), à Villeneuve-d’Ascq avec le Musée d’art moderne et à Tourcoing avec Le Fresnoy, studio national des arts contemporains. Evoquer les musées c’est aussi remarquer l’importance des musées de société, les musées d’histoire, les écomusées. L’une des institutions les plus populaires de la région est le Centre historique minier de Lewarde, près de Douai, qui a accueilli plus de deux millions de visiteurs en une vingtaine d’années. Les musées de la région Nord – Pas de Calais Les deux principaux musées de beaux-arts de la région sont situés dans la métropole lilloise. Le Palais des beaux-arts de Lille a été conçu, à l’instar du Louvre, comme un musée encyclopédique dans lequel se retrouvent les collections de peintures, de sculptures, de dessins, d’objets d’art mais aussi de riches collections d’antiques en particulier romains et égyptiens. Ses collections d’art occidental, parmi les plus importantes de France, sont particulièrement remarquables dans le domaine de la peinture et la sculpture française du XVIIe au XIXe siècles mais aussi les domaines des écoles du nord et de l’Italie pour les XVIe et XVIIe siècles. Sa politique d’exposition, très prestigieuse, a été souvent couronnée de grands succès publics, comme pour Goya en 1998/1999 ou Rubens en 2004 (330.000 visiteurs de tous horizons géographiques, dont plus d’un quart de Belges et de Britanniques). La Piscine à Roubaix est d’une toute autre nature. Le musée a ouvert récemment, en 2001, dans l’ancienne piscine art déco de la ville ; les œuvres présentées sont issues pour une part des anciennes collections du musée municipal mais aussi de nombreux dépôts du Musée national d’art moderne et d’acquisitions. L’ensemble d’une grande homogénéité est essentiellement axé sur la peinture et la sculpture des XIXe et XXe siècles et sur les arts décoratifs appliqués en lien avec l’histoire industrielle textile de Roubaix, mais ouvrant aussi sur la création contemporaine dans tous les domaines. Le succès du musée tient autant à la présentation renouvelée de ses collections qu’à une remarquable politique d’accueil et de médiation. Ces atouts en font depuis son ouverture l’un des musées les plus souvent cités parmi les grandes réussites françaises de ces dernières années. Il reçoit plus de 160.000 visiteurs chaque année. A Douai, le bâtiment remarquable de la Chartreuse met en valeur des collections de peintures et de sculptures du XVe au XIXe siècles parmi lesquels des œuvres importantes de la peinture italienne et flamande avec des chefs d’œuvres de Carrache ou de Jean Bellegambe. La collection d’art décoratif est aussi remarquable. Les collections du musée ont été en grande partie reconstituées après la guerre dans un esprit de collaboration étroit avec le département des peintures du Louvre. Le musée des beaux-arts de Valenciennes bénéficie d’un fonds unique d’œuvres d’Antoine Watteau, JeanBaptiste Carpeaux et Pierre-Paul Rubens. Le fonds Carpeaux, natif de la ville, est au centre d’une collection de sculptures presque sans égale dans la région alors que les collections de peintures forment un ensemble digne de la réputation d’Athènes du Nord que garde la ville. A Arras, dans les vastes bâtiments de l’abbaye Saint-Vaast sont conservées des collections archéologiques, médiévales et d’art décoratif importantes, mais aussi des peintures et des sculptures des XVIIe au XIXe siècles. L’une des collections les plus notables est constituée de la série des mays de Notre-Dame de Paris, un ensemble très important de chefs d’œuvres de l’art pictural français déposé par le Musée du Louvre. 27 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Au château de Boulogne-sur-Mer, des collections archéologiques et ethnographiques, en particulier le très important legs Pinart qui permet au musée de rivaliser avec les meilleures collections françaises d’art du Pacifique. A ces collections, s’ajoutent des œuvres d’artistes du XIXe siècle comme Corot, Boudin ou le verrier Gallé. Les musées de Calais, actuellement en cours de rénovation, abritent des collections de peintures et de sculptures essentiellement du XIXe et du XXe siècles mais aussi une collection importante de dentelles qui rappelle l’une des spécialités de la ville. Le musée Matisse © Conseil général du Nord / P Cheuva L’art contemporain tient aussi une place grandissante dans la région. Au CateauCambrésis, ville de naissance de Matisse, le Département du Nord a édifié un musée qui lui est consacré. A Dunkerque, le Lieu d’art contemporain (LAAC), né en 1982 de la passion d’un homme, Gilbert Delaine, est aujourd’hui l’un des lieux importants de la géographie de l’art contemporain dans le Nord. Non loin de lui s’est installé le Fonds régional d’art contemporain (FRAC). En 1983, était inauguré à Villeneuve-d’Ascq, le Musée d’art moderne autour de la donation Masurel. Il bénéficie aujourd’hui d’une nouvelle extension. Enfin, c’est à Tourcoing que Le Fresnoy, studio national d’art contemporain, opère à la fois comme un lieu d’exposition et une école. De nombreux autres musées complètent cet ensemble déjà imposant avec les établissements de Tourcoing, du Touquet-Etaples-Berck, d’Hazebrouck, de Cassel, de Bailleul, de Saint-Omer et de Gravelines. Des musées d’histoire naturelle (Lille en particulier), des écomusées ou des musées d’histoire (le Centre historique minier de Lewarde, la Coupole d’Helfaut, l’écomusée de Fourmies, le musée du site archéologique de Bavay, le musée portuaire de Dunkerque), des musées consacrés à des manufactures ou des métiers artistiques de la région (les dentelles de Calais, la faïence de Saint-Amand ou de Desvres) achèvent ce panorama. C’est dans ce contexte que le Louvre-Lens s’implante dans la plus grande agglomération du Pas-deCalais, dépourvue, elle, de toute institution d’envergure. Dès maintenant, les liens avec les musées de la région sont au cœur des préoccupations de l’équipe du Louvre-Lens. Ces liens avec les chefs d’établissements, avec les membres de l’Association des conservateurs des musées du Nord – Pas de Calais, une des plus dynamiques de France, sont réguliers et permettent d’élaborer d’une collaboration d’ensemble à l’échelle de la région. L’Association des conservateurs des musées du Nord – Pas de Calais Une des premières associations régionales de conservateurs à avoir vu le jour, elle organise depuis sa création, en 1975, des actions destinées à faire connaître la richesse et la diversité des collections régionales à travers des expositions fédératives, comme, en 2007, l’exposition « Feuille à feuille » sur les estampes. Elle regroupe près de cinquante conservateurs et attachés de conservation travaillant dans une trentaine de musées de la région. Participant au développement culturel, social et touristique de la région, elle est reconnue et soutenue par l’ensemble des partenaires institutionnels : Ministère de la Culture, Région Nord – Pas de Calais, Départements du Nord et du Pas-de-Calais, Union européenne, Villes… Maître d’œuvre pour l’informatisation des collections des musées, l’association a entrepris une campagne d’inventaire, de protection et de restauration ainsi que de valorisation des collections conservées dans les musées de la région. Elle dispose également d’un site Internet « grand public » (Musenor) présentant les différents musées adhérents. Elle est par ailleurs appuyée par une Fédération régionale des amis des musées très présente. 28 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? 2. Au niveau de l’agglomération de Lens-Liévin, la prédominance d’équipements de proximité Un « Diagnostic culturel sur les 36 communes de la CommunAupôle de Lens-Liévin » (rapport de l’ARSEC, avril 2005) permet de dégager quelques grandes tendances de l’offre en équipements de l’agglomération et des pratiques culturelles de ses habitants. Globalement, le territoire bénéficie d’un bon taux d’équipements, particulièrement pour les structures de proximité (écoles de musique, bibliothèques, centres socioculturels). Toutefois, leur concentration est plus forte dans les communes de 10.000 habitants et certains secteurs sont moins bien lotis : arts plastiques, patrimoine, création artistique, culture scientifique et technique. Il faut noter ainsi l’absence de musées de beaux-arts, le seul musée classé « Musée de France » étant le musée d’histoire et d’archéologie d’Harnes principalement consacré aux collections réunies par les anciens combattants des deux Guerres mondiales. Priorité à la démocratisation culturelle et à la sensibilisation artistique Même s’il est aujourd’hui difficile de déterminer un profil et une répartition géographique des publics, les structures n’ayant qu’une connaissance empirique et approximative de ceux-ci, la priorité exprimée en termes de politique culturelle par les collectivités locales réside dans la démocratisation culturelle et la sensibilisation artistique. La principale préoccupation des acteurs culturels est leur fort souci de lien social et de développement qualitatif et quantitatif des publics. La création reste moins développée même si la pratique amateur est favorisée par plusieurs ateliers de théâtre, arts plastiques et surtout de musique. La plupart des actions sont portées par les communes et, pour les associations, une relation étroite s’est établie entre elles et les pouvoirs publics, notamment d’un point de vue financier. L’autonomie des structures est faible, renforcée par l’absence quasi totale de mécénat, sachant que, de surcroît, les communes ont parfois des difficultés à dégager les moyens nécessaires pour assurer le fonctionnement des équipements. Par ailleurs, tous les services municipaux ne disposent pas de postes de direction artistique. Aussi les propositions culturelles du territoire oscillent entre offre amateur et professionnelle, offre populaire et élitiste, offre académique et actuelle, offre militante et divertissante, sans véritable ligne artistique identifiable, d’où la volonté de la CommunAupôle de Lens-Liévin de mieux structurer la politique culturelle du territoire en créant un établissement public de coopération culturelle. Culture Commune, scène nationale installée sur l’ancien carreau de mine du 11/19 à Loos-en-Gohelle © Musée du Louvre / AS Caron Toutefois, deux réseaux de développement culturel se distinguent : Culture Commune, implantée sur le site du 11/19 à Loos-en-Gohelle et Droit de cité, basé à Harnes. Ils sont tous deux marqués par leur programmation de qualité et par la sensibilisation des populations auxquelles ils s’attachent (formations, ateliers de pratique, éducation artistique). Il faut y ajouter l’association La Pomme à tout faire à Béthune qui favorise la présence d’œuvres et d’artistes sur le bassin minier du Pas-de-Calais. L’association s’est constituée à partir de trois lieux de diffusion de la création contemporaine en arts plastiques dont deux de l’agglomération de Lens-Liévin : la galerie Arc-en-Ciel à Liévin, la Maison de l’art et de la communication à Sallaumines et l’espace Lumière d’Hénin-Beaumont. 29 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Culture Commune, Scène nationale du bassin minier Créée en 1990 sous forme d’une association intercommunale de développement artistique et culturel, regroupant trente-quatre communes du bassin minier, Culture Commune est ensuite devenue scène nationale. Siège social de plusieurs artistes et compagnies, son site d’implantation, la base du 11/19 à Loos-en-Gohelle, dispose d’une « Fabrique théâtrale », comprenant trois salles de répétition. Il comporte un centre de ressources sur l’histoire de la mine et de sa mémoire vivante. En 2006, plus de 19.000 personnes ont participé ou assisté à des événements impulsés par Culture Commune. Plus de 2.000 personnes ont participé aux ateliers et aux actions de formation artistique. Pour le Louvre-Lens, des axes de travail se dessinent d’ores et déjà : - la priorité donnée au développement des publics de proximité (opérations de sensibilisation, recherches, rencontres de publics) est une chance pour le Louvre et doit être mise à profit pour permettre aux habitants de s’approprier le musée tout en renforçant le lien social (travail en réseau avec les communautés de proximité) ; - un soutien volontaire accordé à la création et au développement des arts plastiques et du patrimoine serait complémentaire des actions conduites sur le territoire ; - l’opportunité existe de participer à la fédération et à l’organisation du développement culturel du territoire par une stratégie de réseau concertée. Un projet communautaire : le pays d’art et d’histoire La candidature au label « pays d’art et d’histoire » est engagée par la CommunAupôle de LensLiévin depuis 2001. Tout au long de la démarche, l’adhésion et l’implication de chaque commune, des élus du territoire et des habitants eux-mêmes, considérées comme cruciales, ont été recherchées. Le projet a ainsi mûri progressivement et a été déposé à la fin de l’année 2007 auprès du Ministère de la Culture qui l’a labellisé en janvier 2008. Six objectifs sont affichés pour le futur pays qui vont d’une meilleure connaissance du patrimoine à la participation au changement d’image du territoire, notamment dans la perspective de l’arrivée du Louvre-Lens, en passant par la valorisation des divers patrimoines du pays (archéologie, histoire antérieure au milieu du XIX° siècle, patrimoine industriel, patrimoine de mémoire, patrimoine des reconstructions) et la sensibilisation des acteurs du territoire et des habitants à la qualité architecturale et au cadre de vie. Pour assurer ces missions, un service d’animation de l’architecture et du patrimoine sera créé. Un responsable et son adjoint s’appuieront sur une équipe de guides conférenciers et de médiateurs de l’architecture et du patrimoine pour lesquels une formation a déjà été réalisée. Le service développera une politique des publics axée sur la conception et la mise en œuvre d’actions éducatives destinées au public jeune, considéré comme une priorité. Ce nouveau pôle devrait intégrer l’office de tourisme de Lens-Liévin dans la perspective de sa transformation en office de tourisme et du patrimoine et d’une implantation dans des nouveaux locaux, à proximité de la gare de Lens. Ce pôle accueillera également un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine tourné prioritairement vers l’histoire du patrimoine minier et de la Grande Guerre. L’attribution récente de ce label – accordé actuellement dans l’aire de coopération métropolitaine lilloise aux villes de Lille et de Roubaix – et l’existence de ce service laissent augurer de collaborations fructueuses avec le futur musée. 3. Des pratiques culturelles à prendre en compte S’il est un élément de rayonnement largement reconnu de la région, c’est bien la capacité à organiser et à vivre les fêtes et autres manifestations collectives. Une part importante de ces manifestations est issue de l’héritage de l’histoire ancienne (kermesses, ducasses, géants…), que l’industrialisation est loin d’avoir effacé. Les pratiques culturelles, dans leur organisation et leur transmission, s’inscrivent dans le territoire régional et renforcent le sentiment d’appartenance. 30 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Les fêtes populaires Les carnavals Par leur nombre et par leur succès, les carnavals relèvent du patrimoine culturel régional même s’ils ne concernent pas directement le bassin minier. Héritage de la culture flamande, ils se déroulent traditionnellement sur plusieurs jours au moment de Mardi gras, mais les manifestations carnavalesques ont lieu toute l’année. Le carnaval est le lieu d’affirmation de son appartenance à une cité, à une identité locale ou à une légende, symbolisées par un géant, des chars, des chants, des grimages ou des déguisements. Les kermesses Egalement appelées « ducasses », les kermesses sont des fêtes populaires d’origine religieuse, « ducasse » venant du mot « dédicace », consécration d’un monument ou d’un lieu de culte saint ou divin. Aujourd’hui, elles renvoient davantage à la fête locale où les stands de forains côtoient les manèges et les jeux traditionnels. Il n’est pas rare qu’une foire ou une braderie, autres spécificités régionales, y soient associées. Les fanfares et harmonies Sans être une spécificité de la région, les fanfares et les harmonies sont aussi très présentes sur le territoire. En 2006, on comptait 794 formations musicales pour un total d’environ 43.000 musiciens. Les fanfares expriment, dans un contexte festif, une joie de vivre et d’être ensemble autour d’une même passion musicale. Les géants Les géants, « gayants » en picard ou « reuzes» en flamand, sont plus de 300 dans la région. Leur sortie constitue un moment fort de l’année dans la cité. Dominant la foule, effrayants ou grotesques, les géants sont l’âme de la fête. Ils incarnent une L’harmonie de légende ou un mythe auxquels la population s’identifie. Dans certains cas, ils Violaines © Guy Drollet s’inspirent de l’histoire locale et rendent hommage à une figure locale (Bergues par exemple célèbre le poète Lamartine qui fut électeur de la ville pendant la Monarchie de Juillet). Les plus connus sont Gayant et son épouse Marie Cagenon à Douai, Lydéric et Phinaert, les fondateurs légendaires de Lille. Dans l’agglomération de Lens-Liévin, il faut citer Tintin Pourette et Phrasie à Liévin, Nenesse l’pequeu à Wingles ou encore Ch’meneu à Lens. En 2005, les géants du Nord – Pas de Calais et de Belgique ont été classés chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’Unesco. Loisirs et jeux traditionnels Avec 150 jeux traditionnels répertoriés, le Nord – Pas de Calais a su conserver un patrimoine ludique du passé. Si l’origine de ces pratiques remonte au Moyen Age, c’est au cours du XIXe siècle que les jeux régionaux se sont diversifiés et codifiés. On les retrouve notamment dans les traditionnels estaminets flamands. En dépit de l’uniformisation des modes de vie, ces jeux persistent et rencontrent un succès grandissant car ils répondent au besoin d’authenticité exprimé par la population et sont l’expression d’un patrimoine, d’une culture commune. Ils sont une forme d’expression du régionalisme et de l’appartenance culturelle. Dans le bassin minier, la tradition colombophile reste aussi un passe-temps prisé. Le Nord – Pas de Calais compte 14.000 colombophiles, également appelés « les coulonneux ». Le coulonneux ne se contente pas d’élever des pigeons. Son but est de les faire concourir. Les concours de vitesse connaissent un grand succès et font l’objet de paris. Préalablement bagués, les pigeons sont lâchés, à une distance pouvant atteindre plusieurs centaines de kilomètres, et doivent rejoindre leur pigeonnier en un minimum de temps. La démocratisation culturelle et son corollaire, la diversité culturelle, conduisent à ne pas ignorer ces pratiques culturelles et obligent le Louvre-Lens à réfléchir à leur prise en compte. Des événements en rapport avec ces pratiques, à organiser à la Scène, dans le parc ou dans le musée même, peuvent être l’occasion de stimuler la venue et la fréquentation du Louvre-Lens. C’est le sens de l’initiative, prise par le Musée du Louvre, d’accueillir six fanfares et harmonies du Pas-de-Calais au jardin des Tuileries à Paris les 15 et 16 septembre 2007 pour une manifestation « En fanfares aux Tuileries ! », appelée à être reconduite d’ici l’ouverture du Louvre-Lens. 31 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? C – Une chance pour le Louvre Pour le Musée du Louvre, le projet du Louvre-Lens est à la fois un défi et une chance. Un défi parce que nous savons combien faire progresser l’accès à la culture est difficile. Une chance parce que nous percevons bien comment un lieu nouveau – et que nous voulons différent – est pour cela un atout majeur et comment celui-ci, à son tour, pourra être source de vitalité nouvelle pour la « maisonmère ». Les plus grandes réussites doivent être questionnées, les institutions les plus anciennes doivent se renouveler ; le Musée du Louvre n’échappe pas à cette nécessité et à ce devoir. Avec le Louvre-Lens, l’occasion est donnée au Musée d’envisager une nouvelle présentation de ses collections, d’aller à la rencontre de nouveaux publics et de nouer des relations avec de nouveaux partenaires. C.1 – Repenser autrement la présentation des collections Pour mieux comprendre les enjeux du défi du Louvre-Lens, il est nécessaire de prendre la mesure de l’histoire du Musée du Louvre. Pour pouvoir en transporter l’esprit autant que les œuvres, il faut dessiner avec justesse les territoires qui sont les siens, rappeler les complexités de l’histoire, la grandeur des enjeux et des défis que le musée a pu connaître tout au long des deux siècles qui viennent de Vue sur la pyramide et l’aile Sully du s’écouler. De la même façon, il est important de rappeler ici de quelles Louvre © Musée du Louvre / Sautereau parties du monde proviennent les objets dont il a la charge. Enfin il faut aussi évoquer l’histoire et la nature des départements qui sont les dépositaires des collections très diverses qui composent le musée. 1. Un palais, un musée, le Louvre L’origine du palais du Louvre remonte pour l’essentiel à la forteresse érigée par Philippe-Auguste à la fin du XIIe siècle. L’édifice est alors le bâtiment le plus remarquable de la capitale du royaume. Les transformations spectaculaires qu’il connut au cours des siècles suivants, l’intervention des plus fameux architectes comme des peintres et des sculpteurs les plus célèbres de leurs temps en ont fait un joyau de pierre mais aussi un lieu chargé d’histoire. Cette nature remarquable donne à ses collections une couleur très singulière. Il est peu de lieux dans lesquels les bouleversements de l’histoire nationale se mêlent aussi étroitement au déploiement des chefs d’œuvres du monde. Un palais devenu musée La transformation du palais en musée fut le fruit d’une longue histoire et de nombreux débats. Pendant tout le XVIIIe siècle, alors que le Palais n’est plus véritablement une résidence royale, son devenir est déjà associé à l’idée d’un grand musée regroupant essentiellement les collections royales. Les réflexions sur la notion de musée étaient alors l’objet de l’intérêt des philosophes et des dirigeants européens. Le musée passait progressivement du statut de cabinet de curiosité à un lieu d’instruction ouvert à tous mais aussi à un instrument de compréhension scientifique des formes comme du monde. Les collections artistiques se voyaient ainsi attribuer d’autres buts que la seule accumulation de la beauté au profit de leurs uniques propriétaires. C’est au XVIIe mais surtout au XVIIIe siècle que s’ouvrirent en Europe les premiers musées, de l’Ashmolean Museum d’Oxford (1683) aux Offices à Florence (1769). Le Musée du Louvre fut d’abord l’héritier de ces premiers musées. L’ouverture au public en novembre 1793 était la suite naturelle des projets royaux qui voulaient, depuis les années 1750, présenter les collections royales dans un cadre adapté. 32 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Mais le musée naquit dans la tempête révolutionnaire, au moment où le vandalisme s’exaspérait sur les symboles d’un pouvoir abattu. A la dimension éducative et historique, s’ajoutèrent dès lors les notions de refuge et de préservation des témoins de l’histoire et du génie des hommes. Un autre principe, celui d’universalité, avait parallèlement présidé à l’élaboration du musée. Toutes les civilisations, toutes celles du moins que l’époque considérait comme telles, y avaient leur place. Bientôt, les conquêtes révolutionnaires et impériales, les saisies d’émigrés donnèrent encore un autre sens au musée. Le Louvre devenait l’écrin des collections européennes, le musée d’un art « libéré des tyrannies ». Cette dimension développée par Vivant-Denon, réalisée par Bonaparte lui-même, ne survécut pas à la chute de l’Empire, en particulier pour les collections enlevées à l’ennemi. Il n’en resta pas moins le plus beau musée d’Europe, une institution modèle qui avait en vingt ans connu plus de métamorphoses qu’aucune autre en un siècle. Le XIXe siècle vit d’autres transformations. Aux domaines traditionnels hérités de la culture classique, s’ajoutèrent bientôt de nouveaux champs de recherche et de collections, l’Egypte, le Moyen-Orient, l’Islam. Avant d’approfondir l’évocation des collections du Louvre d’aujourd’hui, il faut évoquer celles qui furent longtemps les siennes et sont aujourd’hui conservées dans d’autres musées. Ainsi, pendant près d’un demi-siècle, une remarquable collection d’art extrême orientale, la collection Grandidier fut conservée au palais. Elle ne quitta le Louvre qu’en 1945 pour le musée Guimet. De la même façon, le musée de la Marine fut longtemps installé dans les merveilleuses salles du premier étage sur la cour Carrée. Le départ des collections de la seconde moitié du XIXe siècle pour créer le musée d’Orsay a marqué une étape importante dans la transformation du Louvre. Ce transfert de milliers d’œuvres, dont les grandes collections impressionnistes et toutes les œuvres du début du XXe siècle, aurait pu être un traumatisme irréductible. Il n’en fut rien. Vingt ans après, le Musée du Louvre présente une cohérence, une évidence qui tient d’ailleurs à la nature de ses collections, des collections qui abritent avant tout des œuvres conçues avant même la généralisation des musées, l’avènement des grandes expositions universelles, des Salons où les ruptures artistiques se consommaient en public. Cette redéfinition des champs du Louvre fut la dernière des grandes évolutions. A ces grands mouvements visibles, il faut ajouter le rôle plus discret des dépôts faits par le Musée du Louvre dans les musées français. Ils ont joué un rôle considérable dans l’enrichissement de ces établissements depuis la fin du XVIIIe siècle. Il faut rappeler que c’est en matière d’œuvres de toute nature, de peintures, de sculptures, d’objets d’art ou d’antique, l’équivalent d’un deuxième Louvre qui se trouve aujourd’hui réparti dans l’ensemble des musées français. Jusqu’à récemment, ces collections relevaient encore de la gestion du Louvre. Depuis quelques années, tous les dépôts antérieurs à 1910 font l’objet d’un transfert de propriété. Le Grand Louvre Une mention particulière dans l’histoire du musée du Louvre doit être faite : celle du projet Grand Louvre. Après la création successive du Centre Pompidou en 1977, puis la décision de créer le musée d’Orsay, la décision est prise en 1981, par le Président de la République, François Mitterrand, de donner au musée du Louvre l’aile du palais occupée depuis un siècle par le ministère des Finances. La cour Marly © Musée du Louvre / P. Ballif Ce fut l’occasion d’une refonte considérable du musée ainsi qu’une réhabilitation de son patrimoine architectural et de ses jardins. Le projet du Grand Louvre (1981-1998) a doublé les surfaces d’exposition qui sont passées à 65.000 m2. Ce gain d’espace a permis d’exposer enfin l’essentiel des collections, de les redistribuer à partir de l’accueil central situé sous la pyramide de verre d’I.M. Pei mais aussi d’offrir au musée des infrastructures modernisées, de nouveaux espaces d’accueil du public, un confort de visite nouveau. Le succès du musée du Louvre depuis cette date a été sans égal et le place aujourd’hui au premier rang dans le monde. 33 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? La vocation universelle du musée recouvre ainsi deux notions : l’universalité des collections mais aussi l’universalité de son public. C’est dans cette double optique que la création du Louvre-Lens doit être perçue comme la perpétuation sous d’autres formes d’une tradition bi-séculaire. Le Louvre a toujours fécondé le territoire français de ses collections, par les dépôts mais aussi par la création ou l’enrichissement considérable d’autres musées. Le musée de la Marine, le musée d’Orsay, le musée Guimet ne sont ils pas déjà des enfants du Louvre ? En même temps le Louvre a toujours recherché d’autres publics dans des actions territoriales et internationales. Avec le Louvre-Lens, il peut conjuguer d’une manière entièrement nouvelle cette double tradition. 2. Le Louvre-Lens est tout le Louvre Le Louvre-Lens est tout le Louvre ; en cela il est et doit être une émanation de toutes ses composantes, en particulier au regard de ses collections. Ces dernières sont au cœur de la réputation du musée, mais leur nature précise est d’une certaine manière masquée par l’ampleur du bâtiment, de son histoire, de sa notoriété même, comme par la célébrité de quelques unes de ses œuvres les plus insignes comme la Joconde, la Victoire de Samothrace ou la Vénus de Milo. Leur ampleur géographique, leur nature et leur variété méritent d’être rappelées pour en imaginer les nouveaux usages. Les géographies du Louvre Le champ géographique des collections est complexe et varie considérablement en fonction des époques et des civilisations. Sans être trop schématique, les Antiquités orientales, les Antiquités égyptiennes ainsi que les Antiquités grecques étrusques et romaines sont pour une grande partie naturellement centrées sur l’est de la Méditerranée. Les limites orientales vont jusqu’à l’Afghanistan, l’Arménie ou l’Iran. Au sud, les frontières vont jusqu’au Soudan et au Yémen. Avec l’Italie pré-romaine et romaine, elles s’étendent à l’Ouest jusqu’à l’Atlantique, l’Espagne, la Gaule et, au Sud, jusqu’au Maghreb. Le département de l’Islam recouvre lui une géographie qui s’étend des frontières de l’Indus au Maroc. Il faut noter que par la volonté d’un souverain, Napoléon III, les antiquités nationales, celles trouvées sur le sol français, sont conservées pour l’essentiel au musée de Saint-Germain-en-Laye. Les départements modernes, ceux des Peintures, des Sculptures et des Objets d’art, voient au contraire leurs collections se concentrer sur la partie occidentale de l’Europe même si certaines œuvres viennent de Russie essentiellement caucasienne. Certaines œuvres souvent entrées plus récemment redéfinissent les frontières anciennes. Ainsi une nouvelle politique prend en compte pour les périodes modernes l’Amérique du Nord mais aussi l’Amérique latine. On le voit, la géographie des collections du Louvre est particulièrement riche mais aussi d’une grande complexité. Le Louvre-Lens doit en rendre compte, s’en nourrir. Au-delà de la diversité Cette complexité chronologique et géographique, cette diversité des collections et des champs du Louvre pourraient être perçues comme une hétérogénéité si deux facteurs historiques majeurs n’avaient fortement structuré l’ensemble. Le premier est sans aucun doute la place de l’Empire romain dans l’histoire de cet ensemble. En effet, dans les quatre premiers siècles de notre ère, une grande partie des territoires qui sont aujourd’hui représentés dans les collections du Louvre ont été à un moment ou à un autre sous domination romaine après avoir été, pour la partie orientale, sous influence grecque. Cette unité quoique temporaire a laissé une très forte empreinte et structure encore notre regard. 34 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? L’autre unité tient à l’importance des religions monothéistes, juive, chrétienne et musulmane, qui partagent des traditions et des écrits communs. Si toutes les entités géographiques couvertes par les collections du musée ne sont pas incluses dans l’Ancien Empire romain, presque toutes ont été imprégnées à un moment ou à un autre des cultures et des valeurs de ces trois religions. Les départements du Louvre et leurs collections Il est important de décrire chacun des départements du Louvre, ceux là même qui sont au cœur du projet du Louvre-Lens et dont la combinaison donnera toute son ampleur au projet. Aux fonds initiaux des peintures, des sculptures, des objets d’art et de la statuaire gréco-romaine, vinrent s’ajouter les grandes découvertes archéologiques effectuées sur le large pourtour du bassin méditerranéen. A côté des fouilles de plus en plus précises qui se penchaient sur le monde grécoromain, ce fut l’émergence de la civilisation de l’Egypte pharaonique et celle des civilisations du Moyen-Orient qui bouleversèrent la notion de musée universel. Département des Peintures Léonard de Vinci, La Joconde © Musée du Louvre / A. Dequier – M. Bard Le département des Peintures est probablement celui qui concentre dans ses collections parmi les œuvres les plus célèbres du musée. Son origine remonte au XVIe siècle, lorsque François Ier décide de former dans son château de Fontainebleau une galerie de peintures telle qu’on pouvait en admirer dans les palais d’Italie. Il acquiert les chefs-d’œuvre de grands maîtres italiens et invite certains artistes à sa cour (Léonard de Vinci, Rosso ou Primatice). Les collections de la Couronne, transmises de souverain en souverain, sont sans cesse enrichies par des acquisitions importantes comme celle de la collection du banquier Jabach par Louis XIV. Si sous le règne de ce dernier, la collection connaît une exceptionnelle expansion dans le domaine italien, c’est sous Louis XVI qu’entreront les premières peintures espagnoles et des séries d’œuvres françaises. Les écoles du Nord, quant à elles, font progressivement leur entrée au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle. En 1793, cet ensemble constituera le point de départ de la collection du Muséum qui ouvre ses portes au palais du Louvre. Dans les années suivantes, les saisies révolutionnaires et les conquêtes du général Bonaparte contribuent à l’enrichissement du département. Plus tard, au XIXe siècle, des achats à des particuliers (collection du marquis de Campana) ou lors des Salons et de généreuses donations (collection du docteur La Caze en 1869) enrichissent spectaculairement le département. Cette politique d’enrichissement se perpétue tout au long du XXe siècle avec parmi tant d’autres les dons de la princesse de Croÿ en 1930, de Carlos de Beistegui en 1942 et d’Hélène et Victor Lyon en 1962. En 1986, avec l’ouverture du musée d’Orsay, une étape importante de ce département est tournée avec le partage des collections autour de la date de 1848. Depuis, le département a continué une politique d’acquisition volontaire qui a vu entrer des œuvres insignes comme un nouveau tableau de Vermeer, des tableaux de Poussin et bien d’autres chefs d’œuvres mais aussi la perpétuation d’une politique de dons de collections entières comme la collection Kaufman et Schlageter en 1983 ou la collection Lemme en 1997. Les collections du département des Peintures sont considérables en nombre comme en qualité. Numériquement, c’est environ quatre mille peintures qui sont présentées sur les murs du Louvre. Leur nature et leur diversité sont remarquables. Si les collections de peintures françaises, italiennes, des écoles du Nord sont uniques au monde, la variété des écoles présentées est aussi extraordinaire. A côté des écoles allemandes, anglaises et espagnoles, prennent place aussi des œuvres danoises, suédoises, norvégiennes, grecques, portugaises, russes, suisses ou tchèques. Département des Sculptures Sous l’Ancien Régime, le palais du Louvre abritait des sculptures médiévales et modernes, généralement de commandes royales mais aussi les collections de l’Académie avec en particulier la série complète des morceaux de réception et bustes des protecteurs. 35 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Lorsque le Muséum ouvre ses portes en 1793, les sculptures sont incluses dans le département des Antiques. Cependant, plusieurs œuvres importantes arrivent au Louvre en particulier par le biais des saisies de biens d’émigrés. C’est ainsi qu’arrivent les Esclaves de Michel-Ange, quelques bustes d’artistes et surtout des copies d’Antique, dont de nombreux bustes de bronze. Sous la Révolution, le grand musée de sculptures était le Musée des monuments français, organisé par Alexandre Lenoir au couvent désaffecté des Petits Augustins. Il existait aussi le Musée spécial de l’école française du palais de Versailles, ouvert en l’an X, et réservé à l’école française. A la Restauration, le Musée des monuments français est fermé ; certaines œuvres, en raison de leur qualité esthétique, sont affectées au Louvre. C’est en 1824 qu’est véritablement inauguré le « musée de Sculpture moderne » au rez-de-chaussée de l’aile ouest de la cour carrée, dans ce qu’on appela la « Galerie d’Angoulême ». Cinq salles furent peuplées de près d’une centaine de sculptures. A partir de 1847, Léon de Laborde puis le nouveau directeur Jeanron, secondé par Longpérier, rapportent de Versailles les morceaux de réception, les œuvres de Pilon et de Puget. Une politique d’acquisition volontariste est menée. Un vestibule consacré à la statuaire médiévale est inauguré. Michel-Ange, Captif © Musée du Louvre / P. Philibert En 1893, le département des Sculptures devient indépendant sous la houlette de Courajod. Ce dernier acquiert les premières œuvres romanes, fait entrer les plus importantes sculptures italiennes et obtient de nombreux dons. En 1900, le catalogue publié recense 867 numéros. Les legs et dons de collectionneurs se font de plus en plus nombreux et la Société des amis du Louvre offre des œuvres prestigieuses. De nouvelles salles sont inaugurées en 1934 et en 1936. Les sculptures des XVIIIe et XIXe siècles sont déployées dans le pavillon de Flore après 1968. Le départ vers le musée d’Orsay en 1986 des sculptures de la seconde moitié du XIXe siècle précède de peu le transfert total des collections dans de nouveaux espaces. Dans le cadre du projet Grand Louvre, les sculptures se répartissent dans deux secteurs, inaugurés en 1993 et en 1994 : collections françaises au rez-de-chaussée de l’aile Richelieu autour des cours couvertes Puget et Marly ; collections étrangères, à l’entresol et au rez-de-chaussée de l’aile Denon. Le département des Sculptures expose l’essentiel de sa collection, soit près de mille huit cents œuvres. Elles sont essentiellement françaises, italiennes, allemandes, des écoles du Nord. Les collections comprennent aussi des œuvres espagnoles, anglaises, suédoises, autrichiennes. Le département des Sculptures a aussi la charge de la section de l’histoire du Louvre dans laquelle sont rassemblées toutes les œuvres ayant trait à l’histoire du palais, y compris les objets tirés des fouilles du Louvre. Département des Antiquités grecques étrusques et romaines. La collection des Antiques s’est constituée autour des anciennes collections royales enrichies par les saisies révolutionnaires. Le musée s’installe en 1800 dans les appartements d’Anne d’Autriche. En 1807, sont achetés plus de cinq cents marbres de la collection Borghèse. Après la restitution de beaucoup d’œuvres prises à l’Italie pendant les campagnes révolutionnaires, Visconti mène une efficace politique d’acquisition : rachat d’œuvres de la collection Albani et marbres de Choiseul-Gouffier dont la Frise du Parthénon. La Vénus de Milo offerte par le marquis de Rivière à Louis XVIII en 1821 rejoint les collections. Venus de Milo © R.M.N. / Arnaudet – J. Schormans Composé essentiellement de marbres, le fonds s’enrichit de céramiques acquises de collections particulières et de bronzes et objets du cabinet des antiques de la Bibliothèque nationale. Au cours du XIXe siècle, les campagnes archéologiques contribuent à l’accroissement du fonds. L’achat de la collection Campana en 1861 modifie la composition du département ; elle est installée dans la Galerie qui désormais porte le nom du collectionneur, au premier étage de l’aile sud de la Cour carrée. La Victoire de Samothrace découverte en 1863 par Champoiseau est installée sur le palier Daru, sur l’avant de galère rapporté en 1883. 36 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? La fin du XIXe siècle est marquée par l’entrée dans les collections d’œuvres prestigieuses Coré de Samos (achetée en 1881), Tête de Cavalier (legs Rampin en 1896), Dame d’Auxerre en 1909, terres cuites provenant des tombes fouillées à Tanagra et Trésor de Boscoreale (don Rothschild 1895, complété par dation en 1990). Entre les deux Guerres mondiales, une refonte complète du département est mise en œuvre. La cour du Sphinx dont la couverture est achevée en 1933 reçoit les reliefs du temple de Magnésie du Méandre. Un nouveau redéploiement des collections a été entrepris depuis 1975. Après l’ouverture de la pyramide, plusieurs réaménagements s’achèvent en 1997. Sous la galerie Daru, est présenté l’art grec depuis l’art des Cyclades à la Grèce. Les premières salles du musée Charles X présentent les figurines grecques en terre cuite – selon un parcours chronologique, géographique et thématique – et la galerie Campana les vases grecs. En 2004, la salle du Manège dans sa nouvelle présentation magnifie la notion du goût pour l’Antique dans l’histoire de l’art européen. Le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines présente en permanence au public plus de 6.000 œuvres. Département des Arts graphiques Si la première exposition de dessins s’est tenue dans la Galerie d’Apollon le 28 thermidor An V (15 août 1797), la collection de dessins est bien antérieure à cette date. Les dessins proviennent avant tout du Cabinet du Roi : ils y forment une section créée en 1671 à la suite de l’acquisition par Louis XIV de la collection du banquier colonais E. Jabach, enrichie des œuvres des premiers peintres du roi : Le Brun, Mignard, Coypel et de la collection de P.-J. Mariette. A partir de la Révolution, les marques du Muséum national (MN) et du Conservatoire (RF) sont apposées sur les dessins. Les saisies opérées à titre militaire (dessins des ducs de Modène), sur les biens ecclésiastiques et les Albrecht Dürer, Portrait collections des Emigrés (Saint-Morys, comte d’Orsay) ont considérablement d’Erasme © R.M.N. enrichi le fonds. La collection grandit encore avec l’acquisition, en 1806, des recueils Baldinucci, conseiller de L. de Médicis. Le cabinet des dessins est placé sous la responsabilité du conservateur des peintures en 1832. En janvier 1850, un conservateur des dessins et de la chalcographie, F. Reiset, est nommé. Il entreprend l’inventaire des 36.000 dessins mais aussi une incroyable politique d’acquisition qui voit en quelques années le Louvre s’enrichir à un titre ou à un autre des donations His de la Salle, du legs Granet, des achats à la vente de Guillaume II des Pays-Bas et du Codex Vallardi contenant plus de trois cents dessins de Pisanello et de son cercle. A la suite de la donation du baron Edmond de Rothschild en 1935, les collections de dessins deviennent autonomes. Après la guerre, la générosité des donateurs se manifeste à nouveau (donation D. David Weill). En 1950, les collections de dessins sont transférées à l’attique de l’aile Mollien : deux pièces pour les collections et leur consultation, une troisième consacrée aux expositions temporaires. Une fois le pavillon de Flore affecté au musée, le cabinet des dessins – devenu définitivement autonome en 1963 – déménage. Les nouvelles installations sont inaugurées en 1969 et 1970 avec la salle de consultation au premier étage, dans l’ancien escalier des appartements d’honneur des hôtes de Napoléon III. En 1986, la plus grande partie des pastels du XIXe siècle est reversée au musée d’Orsay. 1989 voit l’élévation du cabinet des dessins comme septième département du musée du Louvre sous l’intitulé « département des Arts graphiques » regroupant, outre la collection des dessins, la collection Edmond de Rothschild et la chalcographie. Un choix de pastels et de cartons est intégré dans le circuit du département des Peintures, tandis que des expositions et des présentations renouvelées sont réalisées dans les salles Mollien, Sully et dans la salle d’actualité du département. Les collections du département des Arts graphiques sont parmi les plus importantes du monde tant par le nombre (près de 140.000 œuvres) que par leur qualité et leur variété. Elles sont présentées par roulement en plusieurs endroits du musée et le public peut demander la communication des œuvres dans les salles de consultation du département. 37 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Département des Objets d’art Aigle de Suger © Musée du Louvre / E. Lessing Dès l’ouverture du Muséum en 1793, on transporta quelques meubles et objets provenant des collections royales. La collection de petits bronzes et de gemmes y entrèrent en 1796. Le nombre d’objets s’accrut grâce à trois apports : celui des trésors de la Sainte-Chapelle, de Saint-Denis, comprenant entre autres les vases assemblés par l’abbé Suger et les Regalia du sacre des rois de France, enfin celui des saisies d’émigrés. Ce premier ensemble fut à nouveau augmenté par les conquêtes révolutionnaires et impériales ainsi que par des achats comme le Bouclier et le Casque de Charles IX. La politique d’acquisition très active sous la Restauration permit l’entrée de nombreux objets d’art comme les collections d’Edme-Antoine Durand (1825) et celle du peintre Pierre Révoil (1828). Le musée possédait alors un ensemble cohérent d’objets d’art de toutes techniques pour le Moyen Age et la Renaissance. Le Louvre s’enrichit du trésor de l’ordre du Saint Esprit en 1830. Le Second Empire marqua une nouvelle extension des collections d’objets d’art. De nombreux grands ensembles entrèrent alors au Louvre : la collection Sauvageot (1856) et la collection Campana (1861). En 1893, le département des Objets d’art devint indépendant. Dès 1870, des objets provenant des Tuileries et de Saint-Cloud étaient entrés au Louvre. La collection fut progressivement complétée d’œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles. L’histoire du département des objets d’art est jalonnée de dons de grandes collections dont celle d’Adolphe Thiers léguée par Madame Thiers en 1880. En 1922, le legs de la baronne Salomon de Rothschild enrichit le département d’objets italiens et français de la Renaissance mais aussi d’œuvres du XVIIIe siècle. Les premières collections spécialisées par époques qui entrèrent au département concernaient surtout le Moyen Age et la Renaissance (collections Davillier, Adolphe de Rothschild, Arconati Visconti), puis des collections des XVIIe et XVIIIe siècles (Isaac de Camondo, Basile de Schlichting). Ce noyau prestigieux s’est accru grâce à de nombreux dons (M. et Mme David David-Weill, 1946, M. Stavros S Niarchos, 1955, M. et Mme Grog-Carven, 1973). La collection de plus en plus dense bénéficia de l’espace libéré par le ministère des Finances dès 1981 et fut augmentée des appartements aménagés sous Napoléon III. Les nouvelles salles destinées au Moyen Age et à la Renaissance ouvrirent en 1993 et l’espace dévolu au XIXe siècle, très enrichi ces dernières années, fut présenté au public en 1999. Le département des Objets d’art présente en permanence plus de 6.000 œuvres au public. Département des Antiquités égyptiennes Le scribe accroupi © Musée du Louvre / C. Décamps Avant Champollion, le Muséum central des arts présentait les oeuvres égyptiennes des anciennes collections royales ou acquises auprès de collectionneurs. Ce fonds s’enrichit sous Louis XVIII avec des sculptures importantes comme Nakhthorheb ou les Sekhmet. Le département des Antiquités égyptiennes au Louvre fut ouvert en 1827 avec Jean-François Champollion comme premier conservateur. Ce dernier avait résolu l’énigme de l’écriture et de la langue pharaoniques en 1822. Avide de faire connaître la civilisation égyptienne, il convainquit le roi de France, Charles X, d’acheter trois des grandes collections en vente à ce moment en Europe (Durand, Salt et Drovetti). Entre 1852 et 1868, les ensembles accumulés par des collectionneurs européens ayant fait carrière en Egypte enrichissent les salles : le docteur Clot, le comte Tyszkiewicz, le consul Delaporte. Mariette, en mission pour le Louvre, découvre le Sérapéum de Saqqara. Entre 1852 et 1853, il envoie à Paris 5.964 œuvres, dont le fameux Scribe accroupi. Le Musée du Louvre participe aux fouilles de l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO) allouées dans les zones archéologiques d’Abou Roach, d’Assiout, de Baouît, de Médamoud, de Tôd, d’Antinoé et de Deir el-Médineh. Certaines œuvres majeures entrent grâce à la générosité d’amateurs : le collectionneur américain Atherton Curtis lègue 1.500 pièces avant et après la Seconde Guerre mondiale ; la Société des amis du Louvre ne cesse de montrer son intérêt, comme en 1997, avec la rare statue de la reine Ouret. 38 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Depuis 1997, dans le cadre du Grand Louvre, les salles se répartissent sur deux niveaux. Une présentation thématique centrée sur les principaux aspects de la civilisation occupe le rez-dechaussée avec les salles du temple et des sarcophages. Une approche chronologique est proposée au premier étage, qui met en valeur les séquences historiques et l’évolution de l’art. L’Egypte romaine et copte est pour sa part installée dans l’aile Denon, autour de la cour Visconti. La galerie d’art copte et la salle de Baouît (reconstitution de l’église du monastère) font revivre l’Egypte de l’époque byzantine. Le département égyptien rassemble plus de 6.000 œuvres ou ensembles d’œuvres présentés au public. Département des Antiquités orientales Dès le 1er mai 1847, le roi Louis-Philippe a inauguré le premier musée assyrien (Cour carrée) avec les œuvres monumentales de Khorsabad (8e siècle av. J.-C.), trouvées par Paul-Emile Botta. L’histoire du département se confond avec celle des découvertes archéologiques au Proche et Moyen-Orient, entre le XIXe siècle et la Seconde Guerre mondiale. Les collections du Louvre, telles celles du British Museum et du musée de Berlin, présentent un panorama complet de ces différentes civilisations révélées par les fouilles archéologiques pratiquées sur de nombreux sites du Moyen-Orient. Si les premières explorations ont été conduites par des diplomates en poste dans le puissant et vaste empire ottoman, les expéditions suivantes seront menées par des orientalistes cherchant à retrouver les traces des peuples mentionnés dans la Bible. Stèle de victoire de Naram-Sin, roi d’Akkad C’est ainsi que, dès 1860, la France, très présente sur la côte levantine, organisa © R.M.N. / H. une mission dirigée par Ernest Renan qui permit de découvrir les Phéniciens. Lewandowski Pratiquement à la même époque (1877), Ernest de Sarzec met au jour en Mésopotamie les fameuses statues du prince Goudéa et révèle alors l’art sumérien. Cette trouvaille provoqua la création du département des Antiquités orientales en 1881, détaché du département des Antiques. Les orientalistes du département participèrent activement aux chantiers archéologiques et rapportèrent, selon les accords établis avec les pays d’origine, vers les salles du musée du Louvre un certain nombre d’objets des grands sites de Suse, Mari, Ougarit, des sites anatoliens ou chypriotes, pour présenter au public toutes ces civilisations oubliées. Depuis, le département s’est enrichi grâce à des donations prestigieuses, comme la collection de Clercq par le comte Henri de Boisgelin en 1967, et quelques achats. Les salles du département des Antiquités orientales ont été complètement remaniées avec le Grand Louvre : en 1993, les prestigieuses salles de l’aile Richelieu ont permis d’avoir un autre regard sur la collection des reliefs assyriens et la collection mésopotamienne. Depuis 1997, l’aile Sackler, au nord de la Cour carrée, a mis en valeur les collections iraniennes et en particulier le palais de Darius 1er de Suse. Les œuvres levantines, chypriotes et la collection sudarabique sont réparties entre le nord et l’ouest de la Cour carrée. Le département présente près de 5.000 objets dans ses salles. Département des Arts de l’Islam Plat au paon © Musée du Louvre J. Hyde Le département des arts de l’Islam est le dernier des huit départements de conservation du musée ; sa création remonte à 2003. La section islamique dont il est issu a vu le jour en 1890 au sein du département des Objets d’art. Une première salle dédiée à la collection islamique est ouverte en 1893. Le legs de la baronne Delort de Gléon, en 1912, enrichit la section d’objets prestigieux issus de la collection de son mari mais aussi d’une forte somme d’argent qui permit d’ouvrir une salle « Delort de Gléon » en 1922 dans le pavillon de l’Horloge, Cour carrée. Après la Seconde Guerre mondiale, alors que les œuvres venant de l’Extrême-Orient sont transférées au musée Guimet, la section est rattachée au département des Antiquités orientales ; les objets sont exposés dans la salle de la Chapelle du pavillon de l’Horloge. Plus tard, les œuvres figurent, nécessairement en petit nombre, dans deux salles en fin de parcours des Antiquités orientales. Le ministère des Finances quittant l’aile Richelieu, cette 39 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? dernière devient un nouvel espace muséographique en 1993 ; il est alors possible, à l’entresol, d’exposer plus d’objets de la collection islamique. Un nouvel horizon s’offre au département, celui de la fin 2010 qui verra l’aboutissement du chantier des salles de la cour Visconti. L’Islam sera alors installé à proximité des salles des « trois Antiques », consacrées à l’antiquité tardive dans le bassin méditerranéen. Certains objets attestent des relations pluricentenaires qu’entretient la France avec le monde islamique. Le Baptistère de Saint-Louis figurant au Trésor de la Sainte-Chapelle du château royal de Vincennes a pour sa part été transféré au Louvre en 1832 sur ordre de Louis-Philippe. Les donateurs jouent un très grand rôle dans l’accroissement des collections et ce particulièrement à la fin du XIXe siècle et au cours de la première moitié du XXe, en particulier Raymond Koechlin et Salomon de Rothschild et son épouse. A l’heure actuelle, le département des Arts de l’Islam présente environ mille œuvres au public. Fin 2010, la nouvelle installation du département permettra d’en exposer plus de 3.000. 3. Une recherche de transversalité Jusqu’à une date très récente, le Musée du Louvre a ainsi d’abord été la juxtaposition de sept départements – huit désormais avec la création du département des Arts de l’Islam – qui étaient autant de musées différents. Ces traditions sont l’héritage d’une réflexion encyclopédique héritée du Siècle des Lumières, même si elle est amendée ci et là pour susciter plus de fluidité, de renvois, de transversalité. Abordant le XXIe siècle, le musée du Louvre s’ouvre largement à un mode de présentation transversale de ses collections. Ainsi, parallèlement à la création des nouvelles salles dédiées au département des Arts de l’Islam qui ouvriront en 2010, un nouveau circuit de la Méditerranée orientale à la fin du monde antique regroupera thématiquement des œuvres des trois départements antiques (Egypte et Proche-Orient romain, Palestine, Syrie byzantine, Egypte copte) et ses prolongements vers le Soudan. Cette recherche de transversalité est également à l’œuvre dans d’autres projets du Louvre, en particulier à l’étranger, comme au High Museum d’Atlanta. L’exposition organisée au Musée national des beaux-arts du Québec de juin à octobre 2008 en est aussi un bon témoignage. Autour de la thématique « Les arts et la vie », le Louvre a sélectionné un ensemble d’œuvres riche et varié (271 au total) en provenance des huit départements du musée. Le visiteur est invité à découvrir les grandes civilisations – cumulant 5.000 ans d’histoire – à l’aide des œuvres et des objets de la vie quotidienne rassemblés sous quatre thèmes principaux : « Aimer et mourir, « Apprendre et œuvrer », « Habiter et embellir », « Célébrer et se divertir ». Le projet Louvre Atlanta Concrétisé en 2006, le projet Louvre Atlanta est une forme inédite de coopération scientifique culturelle et pédagogique. Ce partenariat entre le Musée du Louvre et le High Museum d’Atlanta ne repose pas uniquement sur des expositions temporaires mais prend en compte toutes les dimensions du musée aujourd’hui, culturelles, sociales, éducatives et rappelle que le musée est un centre de recherche. Il interroge le Louvre sur ses missions : comment rendre accessible au Les collections du Louvre sont présentées plus large public des collections qui sont souvent très érudites ; quel dans la nouvelle extension du High rôle le musée peut-il jouer en termes d’intégration ; quelle place Museum d’Atlanta © Musée du Louvre donner aux différentes cultures et comment les faire dialoguer entre elles ? Le Louvre expérimente, quasiment pour la première fois, une organisation totalement transversale. Tous les départements y travaillent ensemble sur un projet commun. Ce parti sera aussi celui du Louvre à Lens. Mais, bien loin de rendre obsolètes les grands choix de la présentation parisienne, le Louvre-Lens en soulignera l’exemplarité et l’intérêt historique. 40 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? C.2 – Aller vers de nouveaux publics Par rapport au public du Louvre à Paris, très majoritairement touristique, le Louvre-Lens sera attentif à son terrain d’implantation, soucieux de prendre en compte des populations peu familières des musées. Un accueil sur mesure et une médiation renforcée permettront de mieux répondre aux attentes diverses des visiteurs. 1. A Paris, un public nombreux, majoritairement touristique Le Musée du Louvre a connu en 2006 un nouveau succès de fréquentation, avec une estimation de 8,3 millions de visiteurs, contre 7,5 millions en 2005. Cette nouvelle hausse concerne tant la fréquentation des collections permanentes, en augmentation constante depuis plusieurs années, que les expositions temporaires. La fréquentation a été très soutenue tout au long de l’année, avec pour chacun des neuf derniers mois, d’avril à décembre, des résultats jamais égalés. Aujourd’hui, et sans conteste, le Musée du Louvre est le musée le plus fréquenté en France et dans le monde. En 2007, ce résultat a été reconduit. Cette dynamique, favorisée par une conjoncture touristique favorable, a concerné non seulement le public étranger, mais aussi le public national. La fréquentation des visiteurs français, en forte progression, a été favorisée par une programmation d’événements exceptionnels, notamment autour de la venue en 2006 de Toni Morrison, prix Nobel de littérature, un calendrier continu d’expositions temporaires, sans rupture estivale, ainsi que par le succès des nocturnes du vendredi, gratuites pour les jeunes de Un public majoritairement moins de 26 ans. Les expositions du hall Napoléon, dont la fréquentation touristique © Musée du Louvre / est majoritairement nationale, ont reçu plus de 660.000 visiteurs. Mais, Ieoh Ming Pei / Etienne Revault pour l’ensemble des visites, c’est la fréquentation étrangère qui domine très largement : 67 % des visiteurs sont étrangers, les Américains restant la première nationalité représentée. Mais, dans la mesure où le bâtiment n’a pas eu pour vocation originale d’accueillir du public, le palais est parfois la cause de désagréments pour le visiteur. Ainsi, malgré des aménagements exemplaires et des formations constantes du personnel d’accueil en matière d’accessibilité, le musée peut se révéler, dans certaines parties, encore difficile d’usage pour les personnes à mobilité réduite (cheminements longs dus aux contraintes du palais). D’autre part, malgré une signalétique abondante, le musée du Louvre reste un lieu où il est difficile de s’orienter, et où les visiteurs succombent parfois à une impression de gigantisme. Aussi, une partie des visiteurs est conduite à négliger des œuvres moins remarquées, et pourtant non moins remarquables. Enfin l’aménagement d’une entrée unique avec la monumentale pyramide, ouverte en 1989, n’a pas réglé toutes les questions d’accueil et d’affluence générées par l’immense succès que connaît aujourd’hui le musée. Sans pouvoir bénéficier de l’attraction propre aux bâtiments historiques, le Louvre-Lens n’aura pas à subir la gêne liée aux contraintes d’un cadre palatial. Car dans un équipement convenablement calibré pour sa fréquentation, avec une architecture contemporaine faite pour accueillir les publics, c’est dans une relation plus sereine qu’il s’offrira à la visite, avec une perception peut-être plus fine de ses collections et plus chaleureuse de ses œuvres. Tout sera ainsi mis en œuvre pour faire de l’hospitalité une réalité qui s’incarne autant dans la relation qui s’engage avec le personnel que dans la programmation, les services et les espaces qui sont proposés. Le Louvre-Lens s’inscrit dans le pari d’un Louvre autrement. Grâce à des objectifs de fréquentation raisonnés et raisonnables, c’est tous ensemble que professionnels et visiteurs gagneront en confort et qualité de visite ; ce qui devrait également permettre d’aller au-devant de publics différents de ceux accueillis à Paris. 41 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? 2. Un public éloigné des musées à prendre en compte La devise du Louvre est « Ouvert à tous depuis 1793 ». Or ce n’est pas parce que chacun a droit de se rendre dans les musées que chacun s’y rend, et les études montrent que les musées sont fréquentés majoritairement par les catégories socioprofessionnelles favorisées. Parmi les objectifs du contrat de performance du musée du Louvre signé avec l’Etat figure la poursuite de l’élargissement de la fréquentation des jeunes et des publics issus du champ social et la mise en œuvre d’une politique de développement des « non publics ». L’effort porte ses fruits. Lorsque l’on observe les chiffres des groupes constitués de visiteurs peu familiers des pratiques culturelles, venus par l’intermédiaire de l’unité social et handicap, on note une très nette progression annuelle (+ 25 % en 2006). Et pourtant, cette fréquentation reste encore faible, à l’échelle de la fréquentation générale du musée parisien. Le Louvre-Lens donnera l’opportunité d’aller de façon plus aisée vers ces publics. En s’implantant en région Nord – Pas de Calais, c’est d’abord un public majoritairement régional que l’on souhaite accueillir à Lens. Il s’agira de partir à la rencontre de ceux pour qui le Louvre était jusqu’à présent trop loin, trop grand… ou trop parisien. Le Louvre-Lens sera ainsi attentif à son terrain – géographique, culturel, sociologique – et soucieux de s’insérer harmonieusement dans le contexte local. Comment ferons-nous venir au Louvre-Lens les habitants des corons environnants, les populations résidantes des villes minières et des villages ruraux voisins, quand ceux-ci n’ont jusqu’alors jamais franchi le seuil d’un musée ? Comment faire comprendre à chacun que l’accès au patrimoine est un droit et que la visite au musée s’inscrit dans la participation de tous à la vie de la cité ? Ce défi – l’un des plus attendus du Louvre-Lens – croise les questions d’appropriation du projet. Si le musée ne venait à battre qu’au rythme de sa fréquentation touristique sans s’ouvrir aux publics de proximité, cela équivaudrait à une fracture avec son environnement, voire à un rejet de l’équipement. Des liens forts et multiformes seront ainsi à nouer avec les habitants proches, de sorte que le Louvre-Lens soit non seulement visité mais fréquenté, et ce de manière durable. Pour autant, les publics extérieurs à la région ne seront pas négligés. Bien au contraire. Pour attirer le public d’Ile-de-France, des stratégies seront à déployer entre Paris et Lens, dans des perspectives d’échange de publics qu’il reste à bâtir entre les deux établissements. En s’implantant au cœur de l’Eurorégion, le Louvre-Lens permettra également de développer la fréquentation de nationalités aujourd’hui minoritaires à Paris. Les Britanniques (3e position), les Allemands (6e position) mais encore les Belges et Néerlandais : autant de voisins du futur musée qui sentiront une proximité nouvelle avec le Louvre. 3. Une médiation renforcée Au Louvre – DNP Museum Lab de Tokyo, une exposition autour du Carabinier de Géricault © Louvre – DNP Museum Lab A Paris, le Louvre a, en quelque sorte, préexisté au public. Si les collections ont été ouvertes au public dès 1793, elles ont été avant tout conçues par et pour des savants et des artistes. Si, depuis plusieurs dizaines d’années, des efforts considérables ont été menés pour donner au public une information plus complète, pour amener au musée des publics nouveaux, le musée n’a pas été conçu dès l’origine dans ce but. L’ampleur des espaces d’exposition (65.000 m2) et des œuvres exposées (plus de 35.000) a conduit à développer de nombreux outils de médiation. Plans du musée, cartels, fiches de salle et audio-guides (ces derniers récemment remplacés par un guide multimédia) permettent de donner une information variée à tout visiteur qui peut aussi faire appel à la base de données des œuvres en ligne sur le site Internet du musée. 42 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Au Louvre-Lens, la médiation sera plus large. Conçue pour un bâtiment neuf, elle pourra être pensée dès le début et dans tous ses dispositifs possibles. A côté des cartels, des panneaux d’explication, des fiches de présentation des œuvres…, les nouvelles technologies de l’information et de la communication seront largement utilisées. L’aménagement des espaces et la scénographie intégreront harmonieusement ces divers dispositifs de médiation, notamment ceux faisant appel à l’interactivité. Ecrans interactifs, projections, outils d’accompagnement de la visite… seront mis au service de la présentation des œuvres tout au long du parcours, en donnant au public de nouvelles clés de compréhension. La médiation humaine ne sera pour autant pas absente. Elle interviendra pour attirer l’attention, questionner et accompagner le visiteur qu’il vienne seul, à deux, en famille ou en groupe, plutôt que pour délivrer un contenu autorisé. Par des niveaux de lecture adaptés à chaque visiteur dans les expositions, par des outils d’accompagnement polyvalents qui favorisent l’autonomie, par un programme d’activités dispensées dans les salles, dans les ateliers, dans les auditoriums ou au centre de ressources, tous les visiteurs pourront trouver leur place au musée qu’ils viennent pour apprendre, découvrir, comprendre ou prendre du plaisir. C.3 – Adopter une démarche partenariale nouvelle En s’engageant à Lens, le Musée du Louvre entreprend de travailler avec des partenaires nouveaux, les collectivités territoriales, dans un contexte de décentralisation qui a fait de ces dernières de vrais acteurs du développement culturel local. L’implantation lensoise conduit aussi à tisser des liens forts avec les partenaires culturels locaux. Mais le Louvre-Lens s’inscrit également dans une redéfinition plus large de la présence géographique du Louvre. Avec en particulier le projet d’Abou Dabi, un réseau international se développe créant de nouveaux liens privilégiés. Enfin, en interne au Musée du Louvre, le projet du Louvre-Lens conduit à une adaptation des modes de fonctionnement, en valorisant le mode projet. 1. Première coopération du Louvre avec les collectivités locales dans un projet d’une telle ampleur Depuis sa création en 1793, le Louvre s’est affirmé comme un musée national, le « musée des musées » dont les collections ont vocation à irriguer l’ensemble du territoire. Cette constante se traduit par de nombreux prêts accordés à des musées français et par la participation à l’organisation d’expositions en région. En plus de cette politique active de dépôt et de prêt d’œuvres, qui continue aujourd’hui et qui sera maintenue après l’ouverture du Louvre-Lens, le Louvre a toujours exercé un rôle de conseil auprès des musées de région. Chaque chef de département du Louvre est également chef de grand département patrimonial des musées nationaux. A ce titre, lui ou ses représentants participent aux commissions régionales d’acquisition et de restauration, tout en exerçant certaines prérogatives de l’Etat (ex : certificats d’exportation). Les conseils dispensés par le personnel scientifique dépassent cependant le champ de ces fonctions officielles et peuvent porter sur toute question liée à la politique scientifique et à la muséographie. Plus récemment, le Louvre s’est engagé avec plusieurs musées en région dans une dynamique de partenariats pluriannuels, mariant dimension scientifique et médiation culturelle (organisation d’ateliers et de visites-conférences, production de documents et d’outils d’aide à la visite, partenariats avec des établissements scolaires). De tels accords ont notamment été conclus ou sont à l’étude avec le musée Ingres de Montauban, le musée de l’Arles et de la Provence antiques, le musée Goya de Castres, le musée des beaux-arts et d’archéologie de Châlons-en-Champagne, le musée des beaux-arts de Lyon et la ville d’Avignon. 43 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Ces partenariats ambitieux, tout comme l’activité de conseil, les prêts et la participation à l’organisation d’expositions, seront poursuivis et développés, le projet Louvre-Lens n’annonçant en aucun cas un tarissement de l’action territoriale du musée. Le Louvre-Lens représente toutefois une nouvelle étape de l’action territoriale du musée, puisqu’il ne s’agit plus de déposer mais de créer un autre Louvre, en dehors du centre de Paris, en accompagnant les volontés politiques locales pour faire de ce musée un levier de développement, un outil de cohésion sociale et un pôle culturel au service du territoire. 2. Un partenariat fort à tisser avec les acteurs culturels de la région et de l’eurorégion La préoccupation d’insertion dans le territoire, d’écoute et de travail avec tous les partenaires guide le projet du Louvre-Lens. Il s’agit de s’inscrire dans le panorama culturel local, déjà riche et dense, et non de d’arriver comme une locomotive culturelle derrière laquelle chacun devrait se ranger. En effet, l’attente face au projet est parfois si forte localement que certains attendent que le LouvreLens opère comme un élément moteur du développement culturel intercommunal, voire du bassin minier ou de la région, qu’il devienne l’acteur de coopération culturelle destiné à fédérer et organiser le territoire. Si le Louvre-Lens entend prendre sa part dans l’animation et le développement culturels du territoire, il souhaite le faire en tant que partenaire, avec les même droits et devoirs que les autres acteurs culturels locaux, qui ont déjà fait preuve de leur talent et de leur savoir-faire. Un groupe de travail intitulé « partenariats culturels et éducatifs » a ainsi été mis en place sous l’égide du Conseil régional Nord – Pas de Calais et du Louvre, en coopération avec la Direction régionale des affaires culturelles et le Rectorat de Lille, afin justement de réfléchir ensemble aux coopérations possibles et à leurs modalités de mise en œuvre. Différents niveaux de coopération sont possibles : des partenariats avec les structures culturelles de l’agglomération et du bassin minier, que l’on pense à Culture Commune et son pôle du 11/19 à Loosen-Gohelle, au pays d’art et d’histoire de Lens-Liévin ou à l’association Bassin minier Unesco, mais aussi au niveau régional, avec l’Orchestre National de Lille, les grands musées de la métropole lilloise ou les écoles d‘art de la région par exemple, et eurorégional, avec les musées et les institutions culturelles de Belgique, du Kent, voire des Pays-Bas et de l’Allemagne. 3. Des liens privilégiés dans un réseau international Le Louvre-Lens s’inscrit dans une redéfinition de la présence géographique du Louvre. Depuis plusieurs années, le Louvre ne se pense plus comme un musée seulement parisien. Avec un réseau de partenaires privilégiés sur d’autres continents, le Louvre est aujourd’hui placé devant de nouvelles perspectives géographiques qui entraînent une nouvelle définition de ses actions. Un réseau des villes « Louvre » voit le jour, porté par le Louvre-Lens, par les partenariats noués avec Atlanta jusqu’en 2009, et par le projet du Louvre Abou Dabi, dont l’ouverture est prévu en 2013. Il va s’appuyer à terme sur trois structures stables, Paris, Lens et Abou Dabi. Par un travail conçu dès l’origine comme international, il va permettre un enrichissement des expériences professionnelles. Il offre une occasion rare de repenser de manière plus large un certain nombre de questions propres à l’organisation d’expositions ambitieuses et à leur gestion humaine et matérielle. Leur coût grandissant comme la mobilisation nécessaire des équipes du Louvre dans les métiers les plus divers doivent conduire à réexaminer la préparation et le montage de ces manifestations. Le partage de leur réalisation avec des institutions soeurs doit permettre de mieux répartir les charges humaines et matérielles mobilisées. 44 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? L’expérience du Louvre à Atlanta a montré de manière éclatante qu’un programme conçu dès l’origine pour servir à la fois la meilleure connaissance des collections du Louvre mais aussi à les faire mieux connaître à l’extérieur ne pouvait être que profitable à l’institution. La possibilité pour les équipes parisiennes de travailler en symbiose avec une institution devenue soeur a été pour beaucoup une rare opportunité. Certaines des expositions conçues pour Atlanta ont été demandées par d’autres musées. Une deuxième étape a permis à la fois de faire mieux connaître le propos et les oeuvres mais aussi de pouvoir par exemple faire traduire dans d’autres langues le catalogue et ainsi d’en répandre la diffusion. Il faut donc prévoir dès aujourd’hui qu’un certain nombre d’expositions mais aussi des manifestations culturelles organisées par les différentes équipes du Louvre puissent être conçues dès l’origine comme des opérations qui irrigueront le réseau des villes Louvre. Ainsi une exposition prévue pour être présentée l’été à Lens pourra être ensuite envoyée à Abou Dabi ; un programme de films pourra être montré dans un musée partenaire aux Etats-Unis, puis à Lens et Abou Dabi. De la même façon, il sera intéressant de pouvoir élaborer, dans le respect et l’attention des différences, des expériences de médiation dont la déclinaison puisse être une source d’enrichissements réciproques. Ce travail sur les réseaux du Louvre n’est pas une simple réflexion abstraite mais une véritable manière de concevoir des expositions et des manifestations très concrètement dans le souci de les rendre à la fois plus aisées à réaliser pour les équipes des institutions mais aussi et surtout plus visibles et plus populaires. Le dynamisme de l’action internationale du Musée du Louvre A côté de son action territoriale, conformément à la vocation universelle qui lui incombe depuis sa création en 1793, le Musée du Louvre s’efforce de répondre au défi de la mondialisation en menant une action internationale soutenue et diversifiée qui contribue au rayonnement culturel de la France. Cela se traduit par l’organisation d’expositions (aux Etats-Unis, en Asie, au Proche-Orient ou en Australie), mais aussi par la signature de conventions de coopérations scientifiques et culturelles avec de nouveaux pays ou la poursuite de partenariats anciens. Une politique active de coopérations scientifiques et culturelles Fouilles Louvre-Ifao au monastère copte de Baouit en Egypte © Abeid Mahmoud A la fois soucieux de s’ouvrir aux territoires qui relèvent de ses apanages et de répondre aux sollicitations sans cesse croissantes émanant de nombreux pays, le Louvre a, depuis trois ans, multiplié les partenariats avec des institutions culturelles étrangères. Il en est ainsi en Syrie, au Soudan, en Iran, en Arabie Saoudite, au Yémen, en Jordanie, en Chine, au Japon et bien sûr en Egypte. Ces coopérations concernent tous les domaines de compétence du Louvre : formation, conservation, muséographie, signalétique, restauration, recherche, publications, l’expertise du Louvre étant de plus en plus sollicitée partout dans le monde. Le Louvre met parallèlement en place un programme de relance de chantiers de fouilles archéologiques, avec l’ouverture de nouveaux sites de fouilles (Soudan, Egypte, Iran…). Parmi ces nombreux projets, trois peuvent plus particulièrement trouver des correspondances et des liens avec le Louvre-Lens. Ainsi, au Japon, le Louvre, en lien avec la société Daï Nippon Printing, a engagé en octobre 2006 une coopération de trois ans baptisée MuseumLab. Il s’agit d’une initiative expérimentale destinée à mobiliser les technologies de l’information et de l’image les plus sophistiquées pour les mettre au service de la (re)découverte d’œuvres issues des collections du Louvre. Le Louvre a développé aussi un partenariat novateur aux Etats-Unis en signant une convention avec le High Museum d’Atlanta en 2005. Enfin, il est bien sûr impliqué dans le projet du musée d’Abou Dabi aux Emirats Arabes Unis, par le biais de l’agence France-Muséums. Ces coopérations sont d’ores et déjà riches d’expérience pour le Louvre-Lens. 45 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? Le dynamisme des expositions et prêts du Louvre à l’étranger Depuis 2001, le Louvre a organisé un peu partout dans le monde (Asie, Australie, Etats-Unis) des expositions qui ont connu un succès de fréquentation sans précédent. Pour ne prendre qu’un exemple : en 2005, une des deux expositions du Louvre au Japon (Chefs-d’œuvre de la peinture française du XIX° siècle) a battu le record mondial de fréquentation avec 1,05 million de visiteurs cumulés sur deux étapes (Yokohama et Kyoto). Ce résultat traduit le rôle exceptionnel de ces événements culturels pour le rayonnement de la France et de ses musées. Dans les années à venir, le Louvre va développer et amplifier cette politique d’expositions à l’étranger. Le Louvre fait par ailleurs preuve d’une grande générosité dans ses prêts aux expositions organisées par des musées étrangers. En 2006, le Louvre a ainsi participé, par des prêts d’œuvres substantiels, à près d’une centaine d’expositions à l’étranger (contre 68 en 2003), celles-ci devenant de plus en plus pluridisciplinaires et nécessitant très souvent la collaboration de plusieurs départements du Louvre. 4. Un fonctionnement en mode projet La conduite d’un projet de l’importance du Louvre-Lens a amené aussi des adaptations dans l’organisation même du musée, anticipant sur une organisation qui prend une place grandissante dans l’institution : le fonctionnement en mode projet. Ce mode de fonctionnement relaie au sein même du musée le dispositif de pilotage partenarial présenté précédemment. Un directeur de projet a été nommé, fédérateur des ressources et animateur des équipes pour assurer les missions à conduire par le musée ; il est aussi l’interlocuteur privilégié des partenaires externes. Il s’appuie sur une équipe dédiée restreinte (la délégation Louvre-Lens) et sur des personnes ressources relevant des huit départements des collections et des grandes directions du musée (direction des publics, direction du développement culturel, direction de l’auditorium…), dont certaines se consacrent entièrement au projet. D’autres ressources sont mobilisées de façon partielle. Toutes sont parties intégrantes d’une équipe projet qui se réunit tous les mois. Sous l’autorité de l’administrateur général du musée et de son adjoint, un comité interne assure le suivi administratif, technique et muséographique du projet en réunissant directeurs et équipe projet une fois tous les deux mois. Une revue de projet est par ailleurs régulièrement présentée au présidentdirecteur et à la direction du musée. Intégré au sein de la délégation Louvre-Lens, un conservateur, responsable scientifique et culturel a en charge la programmation scientifique. Placé sous l’autorité directe du président-directeur du Louvre, il mobilise un réseau de conservateurs des huit départements du musée, correspondants du Louvre-Lens pour le compte de leur département. Il anime également les travaux du conseil scientifique. Les missions de l’équipe projet ont fait l’objet d’une formalisation et donnent lieu à une évaluation semestrielle de leur avancement. Cinq missions ont ainsi été définies. 1 – Finaliser et mettre en œuvre le projet scientifique et culturel : le protocole signé entre l’Etat, le Louvre et les collectivités locales confie au Musée du Louvre la responsabilité d’élaborer et de mettre en œuvre le programme scientifique et culturel, correspondant à la présentation des collections, à l’organisation d’expositions temporaires ainsi qu’à la définition et à la mise en œuvre des politiques de publics, de programmation culturelle et d’activités pédagogiques. 2 – S’assurer des bonnes conditions de réalisation de l’ouvrage : si le Louvre n’est pas directement le maître d’ouvrage du projet architectural, c’est lui qui a fixé les grandes lignes du programme tant architectural et technique que muséographique. Dans la réalisation de l’ouvrage, il s’assure de la bonne adéquation de la réalisation du projet puis des travaux au programme. 3 – Déterminer les conditions de fonctionnement du futur musée : outre la réflexion sur la structure qui assurera la gestion de la future institution et l’établissement des budgets prévisionnels de fonctionnement, il convient de déterminer les modalités d’accueil du public et de la médiation 46 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? culturelle, de définir les conditions de gestion des expositions et des activités culturelles et pédagogiques. 4 – Définir et mettre en œuvre les stratégies de communication et de mécénat du nouveau musée : les études de publics ont démarré dès l’année 2005 en même temps que les premières actions de communication. Grâce à un premier mécène, le développement du mécénat a pu être engagé l’année suivante. La définition de ces différentes stratégies s’affine au fur et à mesure de l’avancement du projet. 5 – Participer à la réussite de l’insertion urbaine, économique, culturelle et sociale du nouveau musée dans son site et sa région : le projet du Louvre-Lens ne sera une réussite que si la population locale se l’approprie. Il doit être pour la région un levier de développement, un facteur de renouvellement urbain et un outil de cohésion sociale. Au Louvre, une équipe projet dédiée L’équipe Louvre-Lens du musée du Louvre : Nathalie Coulon, Jean-Marc Legrand, Katia Lamy, Olivier Meslay, Danièle Brochu, Anne-Sophie Caron et Marielle Pic © Musée du Louvre Au sein du musée du Louvre, la délégation Louvre-Lens assure le pilotage général du projet. Autour de Jean-Marc Legrand, directeur de projet, toutes les compétences sont mobilisées. Olivier Meslay, conservateur au musée du Louvre, assume la responsabilité du projet scientifique et culturel, et en particulier la conception des premières expositions du Louvre-Lens. Marielle Pic, archéologue spécialiste des antiquités orientales, a pris en charge la partie antique du projet scientifique, avant sa promotion en 2008 comme conservateur du patrimoine. Elle a préparé aussi les premières opérations de préfiguration autour notamment des Beffrois du Louvre-Lens. Danièle Brochu, muséologue, se préoccupe dès maintenant de la politique des publics et de la médiation culturelle avec Françoise Feger, chargée du développement des publics. Pour sa part, Katia Lamy, chargée de mission grands projets, suit l’avancement du projet architectural en liaison étroite avec la Région, maître d’ouvrage. Depuis janvier 2007, Stéphane Malfettes, programmateur cinéma de l’auditorium du Louvre, se consacre au futur grand auditorium du Louvre-Lens, baptisé « la Scène ». Nathalie Coulon a quant à elle la responsabilité du mécénat du Louvre-Lens. Enfin, AnneSophie Caron, collaboratrice scientifique et technique, apporte sa précieuse aide à tous avec l’appui de Line Massart. 47 Le Louvre-Lens : Pourquoi ? DEUXIEME PARTIE : LE LOUVRE-LENS, LE LOUVRE AUTREMENT 48 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement Inventer un « autre » Louvre Intérieur du hall d’accueil © Sanaa / ImreyCulbert / Catherine Mosbach Le Louvre-Lens ne sera pas une annexe du Louvre, mais le Louvre même, dans toutes ses composantes et dans toutes ses missions, artistique, sociale et éducative, et la diversité de ses activités. La volonté est cependant, non pas de réaliser un « petit Louvre » mais d’inventer un « autre Louvre », où l’éducation du regard et l’apprentissage de l’œuvre d’art sont au cœur du projet muséographique. L’architecture sera au service de ce projet culturel : la présentation des œuvres dans un bâtiment contemporain à l’architecture transparente et dépouillée, proposée par l’agence japonaise Sanaa, permettra de les redécouvrir sous un nouveau jour. Les publics sont bien sûr au centre des préoccupations du LouvreLens. Les objectifs de fréquentation sont au diapason de l’ambition du projet. Ils visent à fédérer tous les publics, notamment celui peu familier des musées et auquel il faudra donner des clés nouvelles pour déchiffrer ce grand livre du Louvre où Cézanne, comme tant d’autres, apprit à lire. Aussi, une importante médiation, qui n’hésitera pas à faire appel aux avancées les plus récentes en matière de nouvelles technologies d’information et de communication, accompagnera le visiteur. Le renouvellement régulier et la recomposition des présentations donneront un nouveau sens aux œuvres du Louvre et faciliteront leur approche. A côté de la Galerie du temps, épine dorsale du futur musée, de l’aile des expositions temporaires et des autres espaces de présentation des œuvres, la découverte des coulisses du musée fait aussi partie du projet muséographique. L’offre du Louvre-Lens se veut une offre complète et large prenant en compte toutes les dimensions d’un musée d’aujourd’hui. Les activités pédagogiques et culturelles proposent des animations diversifiées à destination tant des professionnels des musées et de la culture, des enseignants et des scolaires que du grand public. Ces activités sont l’occasion d’approfondir ses connaissances artistiques, de développer ses compétences, de découvrir de nouvelles formes artistiques ou de prendre part à des événements festifs. 49 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement A – Présenter les œuvres dans un bâtiment résolument contemporain L’un des défis présentés par le Louvre-Lens pour les collections du Louvre est celui de la confrontation du Louvre à une architecture contemporaine. L’appel à la création d’un bâtiment neuf, sur un site vaste et beau, chargé d’une forte personnalité mais libéré de toutes contraintes matérielles, découle d’une volonté clairement affirmée d’inscrire le Louvre dans la modernité. Depuis l’origine, les collections du Louvre sont intimement liées à une architecture palatiale, puis à une architecture muséale de type classique bien que régulièrement renouvelée et modernisée. L’architecture de l’agence japonaise Sanaa, retenue pour l’édification du Louvre-Lens, est en rupture totale avec ce modèle et sera, à n’en pas douter, l’un des atouts majeurs du Louvre-Lens. Il est probable que la mise en place d’œuvres du Louvre dans un tel environnement permettra de les regarder de manière très différente, d’en réévaluer l’importance, l’esthétique, la puissance, parfois aussi de mesurer leur intime relation avec leur environnement immédiat, donnant une vision totalement renouvelée des collections nationales. Non seulement la lecture de ces collections s’en trouvera enrichie pour le public, mais elle sera aussi l’occasion d’une relecture par ceux là même qui ont la charge de les conserver et de les étudier. L’appropriation du lieu par les publics de proximité devrait aussi être facilitée par la qualité de l’architecture comme par l’atmosphère d’accueil et de convivialité créée par les aménagements et par les activités proposées, notamment le parc environnant. A.1 – Un programme architectural exigeant 1. La volonté de s’inscrire dans la modernité Le choix du Louvre et de la Région, maître d’ouvrage du projet, a été dès le départ de construire un bâtiment contemporain. Un véritable défi à relever : créer un nouveau bâtiment pour le Louvre, qui représente bien le musée parisien sans le copier, qui s’adapte au site de l’ancien carreau de mine sur lequel il s’implante sans le dénaturer. Au Conseil Régional Nord – Pas de Calais, une équipe au service du projet du Louvre-Lens La Région, maître d’ouvrage et partenaire majeur du projet Louvre-Lens, a mis en place un dispositif spécifique au service du projet. Placée à cet effet, sous la double autorité du directeur de cabinet du président Daniel Percheron et du directeur général des services, la direction de projet Louvre-Lens (Gilles Pette) a en charge le suivi de la mise en œuvre des décisions régionales, la coordination de ce dispositif et le suivi des relations avec les partenaires et acteurs du projet. Ce dispositif s’appuie sur l’action du cabinet et des principales directions de la région et sur une « équipe projet ». Pour réaliser la construction du musée, la Région mobilise sa direction des grands projets (Didier Personne). Etant donné l’importance de l’opération, la Région s’est adjoint un mandataire, la société d’économie mixte (SEM) Artois Développement associée à H4 Valorisation, filiale du groupe EDF. Afin de favoriser l’appropriation du projet par la population, la direction de la culture (Isabelle Laforce) engage les opérations culturelles spécifiques et participe à la réflexion sur la maison du projet qui sera créée à l’ouverture du chantier. La mobilisation du monde de l’entreprise autour du projet est prise en charge par la mission culture et entreprise (Léonore Heemskerk). Au-delà, ce sont plus d’une dizaine de directions qui sont membres de « l’équipe projet », qu’il s’agisse des directions de la communication, de la formation professionnelle, de la gestion financière, des territoires, des systèmes d’information, des projets et de l’organisation, des ressources humaines, de l’Europe, de l’Environnement ou encore des affaires juridiques. Le Comité régional du tourisme et la Mission bassin minier sont également des partenaires étroitement associés. 50 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement Tim Culbert et Celia Imrey © C. Imrey – T. Culbert Un concours international, auquel ont participé plus de 120 équipes françaises et étrangères, a été lancé début 2005 par la Région Nord – Pas de Calais, maître d’ouvrage et principal financeur du projet. L’agence japonaise Sanaa (Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa), associée aux architectes muséographes américains Imrey/Culbert (Celia Imrey et Tim Culbert) et à l’architecte-paysagiste française Catherine Mosbach, a remporté le concours avec un projet résolument contemporain. Catherine Mosbach © C. Mosbach L’équipe Sanaa Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa ont créé l’agence Sanaa (Sejima And Nishizawa And Associates) en 1995. En 2000, Sejima et Nishizawa remportent le concours du « Musée d’art contemporain du 21e siècle » de Kanazawa. Ce bâtiment, ouvert en 2004, est salué pour ses qualités esthétiques et fonctionnelles et leur apporte la reconnaissance internationale. Ryue Nishizawa et Kazuyo Sejima © Agence Sanaa En 2006, ils achèvent le « Glass Pavilion », une extension du musée de Toledo aux Etats-Unis. En 2007, ils signent le « New Museum of Contemporary Art » de New York. également salué par la critique. Parallèlement, ils poursuivent leurs expérimentations en matière de façades urbaines, comme en témoigne le projet pour le grand magasin Christian Dior à Tokyo (2003). Outre le musée du Louvre-Lens, ils travaillent aujourd’hui sur de nombreux projets au Japon, en Suisse, en Allemagne et en Espagne. Leur architecture est originale, immatérielle et fluide. Elle abolit la pesanteur des matériaux et transcende la notion d’espace. L’idée de façade principale ou secondaire est souvent exclue au bénéfice d’une conception originale qui en fait une membrane établissant des rapports subtils entre l’intérieur et l’extérieur. Si leur travail est lumineux et minimal dans son esthétique, il est très sophistiqué dans le traitement des détails et la réalisation technique des bâtiments. Cette architecture est guidée par une profonde volonté de respecter le contexte dans lequel elle s’inscrit et de s’affirmer par un rapport audacieux avec la nature et l’environnement. 2. Une architecture qui s’inscrit dans le site Le site du futur Louvre-Lens est au milieu de la ville, sur un terrain légèrement surélevé. A l’objet solitaire et compact, beau geste architectural, abusant de sa position dominante et qui pourrait être installé à Lens comme n’importe où, a été préférée une architecture facilement accessible, proche du terrain et sensible à sa beauté mais aussi à sa fragilité, et ouverte sur la nature. Vue sur le hall d’accueil depuis l’Est © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach L’agence Sanaa a donc opté pour une structure basse qui s’intègre parfaitement au site sans l’écraser de sa présence. Cinq corps de bâtiments la composent. Ce sont quatre rectangles et un grand carré aux parois légèrement incurvées dont les angles se touchent, auxquels s’ajoutent deux bâtiments indépendants pour le restaurant au nord et l’administration au sud. Cette composition rappelle le Palais du Louvre dont les ailes seraient étirées... Les architectes japonais évoquent aussi des barques sur un fleuve qui seraient venues s’accrocher délicatement entre elles. 51 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement 3. Un bâtiment répondant aux exigences muséales actuelles Bien sûr, le programme proposé aux équipes d’architectes mettait en avant les exigences muséographiques pour les salles d’exposition, véritables raisons d’être du musée. Mais une attention particulière a été portée à d’autres fonctions tout aussi importantes dans la réussite d’un équipement muséographique aujourd’hui. Les réponses du Louvre-Lens aux exigences d’un musée aujourd’hui Accès et circulations L’accès public : la recherche de la fluidité des flux a notamment conduit à proposer un accès distinct et un accueil propre pour les groupes. En revanche, les personnes handicapées ou en situation de handicap emprunteront les mêmes accès et suivront les mêmes circuits que les autres visiteurs. Les accès privés : à destination du personnel et du transport de produits, fournitures, documents..., ils sont clairement distingués des accès et cheminements publics. Le circuit de transit et de traitement des œuvres : il bénéficie d’une aire de chargement et déchargement spécifique et d’un circuit dédié à l’intérieur du bâtiment avec des espaces distincts de la logistique liée à la maintenance du bâtiment et de la muséographie. Services Des services de restauration sur place : un salon de thé et une cafétéria sont prévus au coeur du hall d’accueil de même qu’un espace pique-nique. Un restaurant de qualité sera implanté dans le parc, offrant une vue sur le musée et permettant son fonctionnement autonome, notamment en soirée. L’été, des kiosques dans le parc pourront également offrir une restauration complémentaire. Une librairie-boutique permettra aux visiteurs de conserver un souvenir de leur venue ou d’acheter un ouvrage spécialisé. Un espace « club » offrira aux mécènes du musée un lieu d’accueil dédié. Vestiaires et sanitaires seront à la fois fonctionnels et soignés, dimensionnés de façon à répondre aux pics d’affluence. Sûreté Un schéma de sûreté a été engagé avec l’aide d’un prestataire extérieur. Il permet de préciser les contraintes à prendre en compte et d’arrêter les dispositifs de sûreté. La surveillance générale du musée doit en effet répondre aux exigences liées à la sûreté des œuvres mais aussi aux besoins de sécurité des personnes, dans le cadre des normes Vigipirate en vigueur. La multiplication des entrées au hall d’accueil et le fonctionnement autonome de certains espaces (« Scène », restaurant…) devront ainsi être tempérés par le souci de faciliter la surveillance des lieux en minimisant les risques de pénétration. Conservation préventive La conservation préventive est la réunion des actions, directes et indirectes, destinées à assurer la pérennité des collections exposées ou mises en réserve dans un musée. Les normes internationales en la matière seront observées dans les espaces où les œuvres seront présentées ou conservées, tant dans le domaine thermo-hygrométrique que dans celui de la luminosité. Le projet architectural privilégiant l’éclairement zénithal des salles de présentation des œuvres au public, des dispositifs d’occultation de la lumière naturelle sont prévus pour adapter l’ambiance lumineuse aux collections présentées. Un éclairage artificiel complémentaire garantira la luminosité adéquate à la présentation et à la préservation des œuvres. Locaux administratifs Situés dans un bâtiment indépendant sur le parvis sud du musée, ils regroupent en un lieu propre les activités liées aux fonctions de direction, d’administration et de gestion du musée, et disposent d’espaces de bureaux, de salles de réunion ainsi que des commodités et services associés. 52 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement A.2 – Une architecture transparente 1. Le hall d’accueil, un délicat quadrilatère de verre Ouvrant sur le site et son parc, le hall d’accueil central est un grand quadrilatère de verre aux façades totalement transparentes et éclairé zénithalement par des puits de lumière. Il sera soutenu par une structure légère s’appuyant sur de délicats piliers. Espace d’accueil du musée, il est aussi un vaste espace public pour la ville. Transparent, il ouvre sur le parc dans de nombreuses directions et favorise sa traversée. Les deux principaux halls d’exposition auront des façades opaques mais bénéficieront d’un éclairage zénithal grâce à des plafonds partiellement vitrés. En fonction de l’ensoleillement, la lumière sera maîtrisée par un dispositif d’occultation en toiture et une membrane intérieure formant le plafond des salles. 2. L’organisation des espaces Une salle d’exposition © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach Le bâtiment le plus à l’ouest accueille un grand auditorium, la « Scène », de près de 300 places. Il est en lien direct avec le bâtiment des expositions temporaires, lui-même relié à son autre extrémité au hall d’accueil ; grand carré de 68 m par 58 m (près de 4.000 m2), il regroupe les principaux espaces d’accueil du musée (salon d’accueil, médiathèque, librairie-boutique, cafétéria et espace pique-nique, espace pour les mécènes). A l’est du hall d’accueil, se trouvent les deux principaux bâtiments de présentation des œuvres, qui abriteront des présentations régulièrement renouvelées s’articulant autour d’une « Galerie du temps ». A cette galerie, de près de 120 m de long, éclairée de façon zénithale, répond un bâtiment moins imposant dont les façades entièrement vitrées sont ouvertes sur le parc, le « Pavillon de verre ». Les ateliers pédagogiques occupent pour leur part une salle attenante à la grande galerie au sud-ouest. Plan masse du Louvre-Lens © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach 53 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement Du hall d’accueil, on accède par un grand escalier à une mezzanine offrant la vue sur les réserves du musée et les espaces de préparation des œuvres, situés un peu plus en contrebas. Le musée expose ses coulisses au public : ce qui est habituellement caché aux visiteurs sera offert à la vue. A ce niveau, se situent également un petit auditorium et des salles d’activités et de formation. De part et d’autre du hall d’accueil, deux bâtiments accueilleront l’administration et le restaurant, faisant ainsi le lien entre le musée et la ville. 3. Un bâtiment respectueux de l’environnement La Région Nord – Pas de Calais, maître d’ouvrage du musée, est depuis longtemps une collectivité pilote en matière d’environnement, en particulier pour la qualité environnementale de ses constructions. Le Conseil régional a notamment réalisé, de manière expérimentale, plusieurs rénovations et créations de lycées en haute qualité environnementale (norme HQE). L’édification du Louvre-Lens est une nouvelle occasion de témoigner de cette politique, la volonté de la Région étant d’en faire le premier musée à être certifié HQE. Pour répondre à cet objectif, l’agence Sanaa s’est associée aux bureaux d’études Pénicault et Transplan pour le conseil en HQE et le confort thermique. Le système de management environnemental est par ailleurs suivi par le cabinet SETEC, assistant au maître d’ouvrage. Les objectifs HQE du projet La réduction des coûts de fonctionnement et de maintenance du bâtiment Cela sera possible grâce à une approche en coût global et, en particulier, au recours à des énergies primaires renouvelables. La géothermie assurera l’essentiel du chauffage et du refroidissement du bâtiment, l’installation de panneaux photovoltaïques étant également en cours d’étude. La maîtrise de la qualité de l’air intérieur et l’optimisation du confort thermique Les matériaux et revêtements à faible émission de composites organiques seront privilégiés tandis que le système de déplacement d’air évitera toute mise en mouvement intempestive de particules ou de fibres. Quant au confort hygrothermique, il sera adapté aux salles et aux usages. La minimisation de l’impact du bâtiment sur l’environnement Elle sera effective grâce à l’insertion paysagère du bâtiment (avec un traitement des espaces extérieurs basé sur la mise en valeur des essences indigènes, notamment celles qui ont recolonisé naturellement le site), à la récupération des eaux pluviales pour l’arrosage et le nettoyage extérieur et à une gestion optimisée des déchets tant en phase chantier qu’ensuite. Les modifications apportées au projet en phase d’avant-projet sommaire par les architectes, comme la réduction des toitures vitrées du hall d’accueil, répondaient pour une grande part à l’objectif d’apporter une réponse optimale à ces préoccupations environnementales, en améliorant la consommation énergétique, le confort thermique et la qualité acoustique du bâtiment. A.3 – Un musée dans un parc 1. Un parc de 20 hectares… Grâce à la transparence et aux reflets des bâtiments mais aussi par un traitement minutieux du parc, le futur musée s’intégrera parfaitement au paysage de l’ancien carreau de mine reconquis par la nature. Aux façades transparentes du hall d’accueil et du bâtiment situé le plus à l’est, répondront les façades en aluminium poli des autres espaces qui refléteront la nature environnante. Ce revêtement jouera 54 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement avec les changements de lumière, de temps et offrira aux visiteurs un aspect extérieur toujours changeant, toujours renouvelé. Le parc paysager combine plusieurs lieux de découverte : parvis devant le musée, clairières, promenades en son sein et en lisières, parc boisé renforçant la végétation naturelle dans la partie ouest du site, jardins en contrepoint des parties boisées. Il créera un écrin de verdure qui devrait rapidement devenir le lieu de promenade favori des Lensois. En mettant en valeur l’ancien puits d’extraction des houillères, il ranimera aussi la mémoire du site. 2. …qui fait le lien avec la ville et son histoire… Le parc assure en outre la liaison entre le musée et la ville. Il sert d’interface entre l’intérieur et l’extérieur. Il s’offre comme espace de promenade et de découverte pour la population locale qui pourra le fréquenter en dehors même de la visite du musée. Les aménagements favoriseront la déambulation, la convivialité et le confort. Il constitue ainsi une destination propre. Mais il peut jouer aussi un rôle de médiateur en permettant à la population locale de franchir le premier pas vers le musée. Le parc du musée © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach Pour des raisons de sûreté, une partie du parc est clôturée et sera fermée la nuit. Toutefois, et tout particulièrement à la belle saison, ses horaires de fermeture seront dissociés de ceux du musée, offrant une grande plage d’ouverture aux riverains. Pour le visiteur, dès l’entrée dans le parc, l’hospitalité doit être perceptible. Une signalétique directionnelle mais aussi informative de qualité sera mise en place, l’usager devant trouver toutes les informations dont il a besoin pour profiter pleinement du lieu et pour se rendre au musée. Sur le parcours entre les parkings et le musée, l’histoire du site et de son passé industriel pourrait être mise en valeur comme un message clair adressé aux habitants mais aussi aux visiteurs : avant l’arrivée du Louvre, ce lieu existait autrement. La mise en valeur de l’histoire du site Il est essentiel sur le site du Louvre-Lens de conserver la mémoire du lieu et surtout de la transmettre au visiteur. Cette histoire, essentiellement le passé minier de la fosse 9, prendra très naturellement place dans le parc. C’est en effet là que ce passé est le plus tangible, le plus visible, le plus en relation avec les autres sites historiques. C’est en effet là que le visiteur progressant vers le musée pourra prendre conscience du passé du lieu. Le projet de l’architecte-paysagiste Catherine Mosbach met ainsi particulièrement en valeur l’ancien puits de mine. Mais d’autres initiatives sont à prendre par les partenaires du projet pour évoquer l’histoire de la fosse 9 et celle du bassin minier sur le site même. La réflexion est aujourd’hui en cours. Raconter cette histoire peut prendre diverses formes : table d’orientation et belvédère pour signifier les relations avec l’environnement, supports d’interprétation posés aux endroits stratégiques ou outil nomade qui racontent la mine et la vie quotidienne dans les cités, interventions d’artiste, etc. La conception des contenus et du « parcours » doit faire l’objet d’une mission spécifique qui permettra à terme de proposer un scénario et des supports adaptés. Cette interprétation du site ne doit pas être une pièce rapportée ; son contenu doit être défini avec les acteurs du territoire, mais sa forme doit être dans l’esprit de la nouvelle architecture et du travail sur le paysage comme une manière d’inscrire le passé dans ce nouveau présent. 55 Le Louvre-Lens : le Louvre autrement Il faudra en particulier donner au visiteur la possibilité de mettre en relation le site même avec les témoins du passé minier alentours. Au-delà des relations visuelles qui vont s’établir entre le parc et les terrils du 11/19, entre le site et les anciennes cités minières, le long de la rue Jeanne d’Arc au nordouest ou autour de l’église Sainte-Thérèse, œuvre de l’architecte Louis-Marie Cordonnier, l’habitat minier a vocation à être mis en valeur, voire, dans certains cas, transformé en ateliers d’artiste ou d’artisanat d’art ainsi qu’en gîtes pour les visiteurs. D’autres lieux de mémoire, à seulement quelques encablures de la fosse 9, doivent être en résonnance avec le Louvre-Lens : il en est ainsi du site du 11/19 à Loos-en-Gohelle où subsistent les deux plus hauts terrils d’Europe, du projet d’écomusée de la mine dans le quartier Saint-Amé à Liévin, de la Maison syndicale de Lens, des Grands Bureaux de Lens, ancien siège des compagnies des mines, lieu d’accueil aujourd’hui de l’université d’Artois. Alors que les collections du Louvre s’arrêtent en 1850, la nouvelle page d’histoire qui s’engage sur le territoire voisin, avec l’ouverture, en 1851, du premier puit de mine à Lens, doit, elle aussi, être célébrée. Sans attendre l’ouverture du Louvre-Lens, l’office de tourisme de Lens-Liévin a créé un circuit touristique « De la mine au Louvre-Lens ». Ce parcours permet de découvrir ces différents sites, de redonner du sens aux éléments patrimoniaux du territoire et de changer le regard des habitants et des visiteurs sur le bassin minier. La trame verte du territoire passant par le Louvre-Lens et la base du 11/19, l’idée a aussi été émise de développer une intervention de type Land Art entre ces deux sites. Sur le site, le stationnement doit permettre d’accueillir les usagers de la « Scène », ceux du restaurant mais aussi les bicyclettes et motos des visiteurs comme les véhicules du personnel. Il prend également en compte les besoins des personnes handicapées. Une aire de dépose rapide pour taxis et autocars est par ailleurs prévue à proximité de l’entrée du musée. Des parkings extérieurs (parking du stade Bollaert au nord-est et parking à créer entre le stade et le site, parking également à aménager du côté Liévin) accueilleront l’essentiel des visiteurs. La localisation de ces stationnements conduit à devoir traiter avec une grande qualité les cheminements jusqu’au musée et peut-être à envisager la mise en place d’un système de navettes participant au confort du visiteur et à l’animation du parc. 3. …et qui offre des possibilités d’animation Les abords du musée seront aménagés de façon à pouvoir accueillir un large public, dans un esprit d’accueil et de convivialité propre au sens de la fête des habitants de la région. Des manifestations ponctuelles, comme des concerts, des projections de films ou des spectacles de type sons et lumières, seront possibles sur le site. Certaines pourront être organisées par le musée, mais d’autres manifestations pourront l’être par des associations locales, dans un esprit d’échange et d’ouverture à des cultures diverses. Le parvis sera le lieu privilégié d’accueil de ces manifestations qui pourront aussi prendre place dans d’autres espaces plus circonscrits. Des aires de pique-nique, des aires de jeux pour les enfants comme des kiosques mobiles offrant boissons et restauration participeront également à l’animation du parc. 56 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement B – Mettre les publics au cœur du projet Le Louvre à Lens s’implante dans un territoire nouveau, éloigné de ses origines et de sa vie parisienne. Bien que situé aux portes de la Grande-Bretagne et du Bénélux, sa « clientèle » sera d’abord régionale et nationale. Néanmoins, le succès ne sera au rendez-vous que si la clientèle touristique, notamment étrangère, en fait une destination culturelle incontournable. Cette variété de provenance et de logique de visite induit une grande diversité dans les attentes et les motivations de visite. Ainsi, pour toucher l’ensemble des publics, le musée mettra en oeuvre une véritable stratégie de relais et de réseaux. Pour élaborer une médiation et un accueil adaptés à chacun, le Louvre-Lens devra également prendre en compte la situation du visiteur et sa pratique. Le fait de venir seul, en couple, en famille ou en groupe ainsi que le degré de familiarité avec les musées appellent des réponses variées. Qui plus est, un grand nombre de visiteurs ne seront pas des habitués des musées ; pour certains, la découverte du Louvre-Lens sera peut-être leur première expérience muséale. Ce public, enjeu prioritaire et gage du succès populaire du musée, mérite une attention particulière. Il en va de même des familles qui sont en attente d’un loisir culturel intelligent et des adolescents qui représentent un public à conquérir. La fidélisation des visiteurs ne sera enfin au rendez-vous que s’ils se sentent attendus et accueillis. Le Louvre-Lens s’inscrira dans la tradition d’hospitalité de la région en faisant de l’accueil des visiteurs une véritable priorité. B.1 – Répondre aux attentes d’un public diversifié 1. Un objectif de 550.000 visiteurs annuels Le cabinet Public et Culture, qui a réalisé les études de publics pour le compte de la Région Nord – Pas de Calais, a établi différentes hypothèses de travail pour la fréquentation future du musée. L’importance de l’investissement réalisé pour le Louvre-Lens, les attentes locales en matière de développement à partir de cet équipement et la notoriété de l’image du Louvre conduisent à retenir l’hypothèse haute à 550.000 visiteurs annuels, véritable objectif pour les partenaires du projet, correspondant à une ambition partagée. Cet objectif de fréquentation peut être atteint car le projet se situe à la confluence de plusieurs facteurs de succès : Visiteurs au Louvre © Musée du Louvre / Georges Sautereau - un programme culturel et scientifique prévoyant notamment la réalisation de grandes expositions internationales à même de renforcer la notoriété du musée ; - une politique de communication active qui vise à développer les publics tant locaux que nationaux et étrangers ; - une situation géographique très favorable bénéficiant d’une zone de chalandise de 14 millions d’habitants. Ce niveau de fréquentation placerait le Louvre-Lens dans les dix premiers musées français et en ferait le premier musée en région, avant le Mémorial de Caen (404.740 visiteurs en 2006), le premier musée de beaux-arts en province étant celui de Lyon (253.290 visiteurs), juste avant celui de Lille (220.929 visiteurs). 57 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement La création d’un équipement de cette nature attire fortement à l’ouverture. La première année, voire la seconde, bénéficient généralement d’un niveau de fréquentation rarement atteint par la suite, notamment de la part de la population locale. Il n’est ainsi pas anormal de considérer que la fréquentation de ces deux premières années soit supérieure de 25 à 30 % à celle de l’année de référence. Sur la base de 550.000 visiteurs en rythme de croisière, la fréquentation du Louvre-Lens pourrait ainsi atteindre 700.000 visiteurs l’année d’ouverture, avec des pics de fréquentation élevés lors de journées d’inauguration, des vernissages d’exposition, de la « Nuit des musées » ou des « Journées du patrimoine ». Sur 550.000 visiteurs, 30 % viendraient au musée en groupe, une proportion qui correspond à celle constatée dans les principaux équipements touristiques et culturels du Nord – Pas de Calais (comme par exemple le Centre historique minier de Lewarde ou Nausicä à Boulogne-sur-Mer) ou d’autres équipements de référence (comme le Mémorial de Caen). Le Louvre-Lens souhaite participer activement au mouvement général qui tend à réduire le retard scolaire de la région Nord – Pas de Calais en développant l’éducation artistique et culturelle. En conséquence, il affiche un objectif de 20 % du total pour les groupes scolaires. La répartition prévisionnelle des visiteurs par provenance géographique est présentée ci-dessous. Le tableau additionne trois types de public : les clientèles résidantes (à moins de 2 h de route du futur musée), la fréquentation scolaire et la clientèle touristique. Visiteurs du Louvre-Lens Nord – Pas de Calais Picardie Ile-de-France Autres régions françaises Belgique Royaume-Uni Autres pays Fréquentation totale estimée Nombre de visiteurs 260.000 29.000 60.000 42.000 53.000 72.000 40.000 556.000 Pourcentage du total 46 % 5% 11 % 8% 10 % 13 % 7% 100 % Objectifs de fréquentation du Louvre-Lens Nord-Pas-de-Calais Picardie Ile de France 7% 13% 46% 10% Autres régions françaises Belgique Royaume Uni 8% 11% 5% Autres pays 58 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 2. La clientèle régionale : près de la moitié des visiteurs Représentant 46 % du total, la clientèle régionale serait la première fréquentation du Louvre-Lens. Porté par le Conseil régional du Nord – Pas de Calais, avec l’appui des autres collectivités de la région, le futur musée devrait avoir un fort retentissement régional et être un vecteur d’identité pour toute la région. Globalement, le taux de visite des Nordistes du musée serait de 6,4 % (260.000 visiteurs sur une population de 4 millions d’habitants), ce taux variant d’environ 10 % pour la population locale à proximité du musée (moins de 30 minutes de temps d’accès) à 2,2 % dans la zone située entre 1 heure 30 et 2 heures (6,7 % entre 30 minutes et 1 heure, 4 % entre 1 heure et 1 heure 30). Ces taux de visite seront maintenus dans la durée grâce au renouvellement régulier des collections, à la mise en œuvre d’une politique d’appropriation forte du musée en direction de la population et à une stratégie de fidélisation affirmée qui s’appuie sur des réseaux et des relais ancrés dans le territoire :. Près du tiers des visiteurs régionaux (84.400) serait des scolaires, cette hypothèse s’appuyant sur une politique ambitieuse de venue des classes, de la maternelle au lycée, au Louvre-Lens. Les visiteurs des autres régions françaises (131.000) pèseraient pour leur part 24 % avec une attention particulière à accorder aux habitants de Picardie du fait de la proximité géographique de cette région mais aussi aux Franciliens étant donné leur poids démographique et l’importance de leurs pratiques culturelles. 3. Une clientèle touristique eurorégionale Globalement, la clientèle étrangère est estimée à près de 30 % des visiteurs du Louvre-Lens (165.000), ce qui se distingue de la fréquentation habituelle des musées de la région, dont les visiteurs étrangers ne dépassent pas 10 %. Sans surprise, Britanniques et Belges y seraient largement majoritaires : trois quart des visiteurs étrangers et 22 % du total des visiteurs. Si la majorité de cette clientèle serait plutôt anglophone, les néerlandophones (flamands belges et hollandais) viendraient en seconde position, d’où la nécessité de retenir prioritairement ces deux langues dans la signalétique, la politique de communication et de médiation du musée. L’emploi de la langue allemande (pour la communication et la médiation) serait également apprécié par les germanophones, clientèle en plein développement dans la région. 4. Une stratégie de réseaux et de relais Le maintien d’un haut niveau de fréquentation passe d’abord par l’attraction même du musée : son architecture et son site, le contenu de ses expositions et leur changement régulier pour susciter l’intérêt renouvelé du public. Il conduit à disposer d’une politique de communication active « grand public ». Mais il implique aussi une dynamique de réseaux permettant de toucher les visiteurs de multiples façons, au plus près de leurs centres d’intérêt et de leur implication dans la vie collective. La politique de promotion du musée s’appuiera sur des réseaux et des relais qui devront également être des acteurs de projets co-construits avec le musée, en particulier lorsqu’il s’agira de faire venir les publics les moins familiers des pratiques muséales. 59 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Douze réseaux identifiés Ils rendent compte des dynamiques qui traversent le territoire tant au niveau local, régional qu’international. Ils vont de la stricte activité de développement de publics jusqu’aux territoires de la vente et de la communication. 1. réseau éducatif 7. réseau de la création et du patrimoine 2. réseau du monde du travail 8. réseau touristique 3. réseau des collectivités territoriales 9. réseau des transports 4. réseau des associations 5. réseau du social 6. réseau européen 10. réseau de la vente et de l’adhésion 11. réseau des médias 12. réseau Internet Il n’est pas exclu que les réseaux se chevauchent, qu’une structure ou un visiteur se retrouve dans plusieurs réseaux à la fois. De même, un projet pourra impliquer un ou plusieurs réseaux. Et on peut d’ores et déjà dire que les réseaux éducatifs, touristiques, européens, des associations et du social constitueront des leviers permettant d’atteindre des cibles prioritaires : le jeune public, des publics moins familiers des musées, le public touristique et international. Les réseaux suivants complèteront cette dynamique. Le réseau du monde du travail et de l’emploi permettra de développer le public des actifs, mais aussi de tisser des liens avec des milieux professionnels et divers experts. Le travail en réseau avec les structures de la création et du patrimoine aura comme vertu de faire se rencontrer les compétences et les publics. Avec les collectivités territoriales, sera poursuivie et enrichie l’appropriation du musée par les habitants. Les réseaux des transports, de la vente, des médias et d’Internet complèteront cette stratégie en offrant une accessibilité et une visibilité au futur musée. De chaque réseau, découle un ensemble d’acteurs et des publics cibles associés. Il faudra donc poursuivre l’identification sur chaque réseau prioritaire d’un ensemble de « relais » qui, dans le cadre de leurs fonctions, joueront un rôle prescripteur ou incitatif de la visite, auprès de milieux, de clientèles ou de communautés. Ces relais auront la tâche de diffuser l’information et de permettre à leurs publics un réel accès au Louvre-Lens. Comme la fréquentation des musées ne vient jamais spontanément à l’idée de quelqu’un qui n’en aurait pas déjà une première fois franchi le seuil accompagné, certains relais permettront de faire venir au musée des publics qui ne seraient sans doute jamais venus. A la fois ambassadeurs et médiateurs, et forts de la formation et de l’accompagnement procurés par le Louvre-Lens, ces relais seront en mesure de démultiplier considérablement et efficacement l’action du musée. B.2 – Prendre en compte la situation du visiteur et sa pratique Plusieurs critères peuvent catégoriser les familles de publics : la provenance géographique (local, régional, national et international), le domaine d’activité ou le type de clientèle (éducation, tourisme…), la langue, la répartition gratuit/payant ou individuel/groupe, etc. Ces catégories sont au cœur de la stratégie de réseaux qui vient d’être exposée. En revanche, elles ne sont pas suffisantes pour élaborer le contenu du discours et de la médiation qu’il faudra proposer aux visiteurs du musée. Pour cela, il est nécessaire de prendre en compte la situation du visiteur et sa pratique. Plusieurs paramètres peuvent être retenus à ce titre : au premier niveau, la « cellule de visite » et le « degré de familiarité » avec le musée, au second, pour affiner, l’âge. 60 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 1. Le concept de « cellule de visite » Combien de personnes viennent ensemble au musée et quelles sont leurs relations sont les principales données qui définissent la « cellule de visite ». D’un côté, les groupes qui sont accompagnés d’un « guide » qui joue un rôle d’intermédiaire entre le musée et les visiteurs. Le guide prend en charge le temps de visite, le programme, les déplacements et en grande partie la médiation. Il veille à ce que tout Enfants en visite au Louvre © Musée du se passe bien et assure une mission de passeur de contenus. Le Louvre / C. Abad musée doit lui fournir une information complète et fiable et les outils nécessaires pour qu’il puisse jouer pleinement et adéquatement son rôle. Il faut également s’assurer que son intervention laisse une part d’autonomie à chacun, condition indispensable au développement d’une relation privilégiée avec le musée et les collections, et élément déclencheur d’une future pratique individuelle. Il s’agit d’un équilibre délicat à trouver mais des formules combinant un temps de visite en groupe et un temps de visite en individuel et faisant surtout une place à la parole de chacun seront proposées pour répondre à ce défi. De l’autre, les visiteurs dits « individuels » qui possèdent en théorie une autonomie qui leur permet de choisir et de définir leur visite. Mais encore faut-il qu’ils puissent s’approprier l’offre, la comprendre et se sentir aptes à faire des choix. Grâce à un accueil personnalisé, le musée doit fournir à chacun une information complète et à jour, une médiation adaptée et la possibilité de développer un vrai « projet » de découverte. Une fois engagés, ces visiteurs ne doivent pas être laissés à euxmêmes ; les fonctions d’accueil peuvent être réactivées sur demande et la médiation prend la forme d’outils et de points relais qui sont autant d’occasions de mieux s’approprier les contenus et d’entrer en relation avec les oeuvres. Cette première distinction entre « groupes » et « individuels » laisse de côté d’autres cellules de visite, intermédiaires, comme les familles et les amis. Il ne s’agit pas à proprement parler de groupes comme on l’entend de manière classique ; pourtant leur situation de visite n’est pas comparable à celle des individuels. Ces « cellules » ont en commun une importante dimension affective qui conditionne leur pratique de visite. Les contenus des expositions y font souvent l’objet de discussion, d’échanges et de débat et la relation à l’oeuvre n’est plus dans une logique de « un » à « un » mais de « un » à plusieurs... chacun l’investissant en fonction de sa place dans le groupe. Pour ces visiteurs, le musée doit leur donner tous les éléments pour définir un projet commun mais, surtout, proposer une approche de médiation qui intègre la relation avec les autres comme un élément structurant le coapprentissage. 2. Le « degré de familiarité » avec le musée La problématique de la familiarité est complexe et peut se définir de trois façons. D’abord, elle renvoie au fait d’avoir ou non une pratique des musées, ensuite, au fait de connaître un musée en particulier, finalement, elle renvoie au bagage culturel dont chacun dispose. Un public peu familier des musées à prendre en compte Pour beaucoup de personnes, les musées sont perçus comme des lieux arrogants, lointains et face auxquels on a peur de ne pas « savoir » et donc de ne pas « mériter » la culture. Ils peuvent aussi avoir une image de lieu poussiéreux où on risque de s’ennuyer. Ils sont enfin souvent perçus comme des lieux luxueux, donc chers alors que nombre de visiteurs peuvent bénéficier de traitement tarifaire privilégié. Il s’agit d’autant de freins à la visite émis par ceux qu’on appelle les « non publics », c’està-dire ceux qui ne viennent pas habituellement au musée et qui constituent une cible prioritaire pour le Louvre-Lens. 61 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Pour tenir ce pari, il faut persuader l’ensemble des « non pratiquants » que le musée n’est pas ce qu’ils pensent et pour cela il faut d’abord les amener à entrer. Concrètement, il faut utiliser tous les moyens qu’ils connaissent et reconnaissent pour leur faire savoir qu’ils sont les bienvenus ; il faut être là où le musée n’est pas attendu, au cœur de leur quotidien. Une fois le seuil franchi, il faut les accueillir avec hospitalité et, tout au long de leur visite, leur montrer qu’il n’y a pas de raison de se laisser impressionner. A tous ces non-familiers des musées, le Louvre-Lens doit proposer une expérience qui fait une place centrale au plaisir tout en leur permettant de devenir plus compétent. Une attention particulière à porter aux voisins du musée A l’échelle du bassin minier, rappelons que ce territoire ne compte aucun musée de beaux-arts. Les habitants n’ont donc pas pu développer d’habitude de visite dans la proximité de ce type de collection. Il s’agira donc de lever les freins à la visite par une stratégie adaptée mais encore de développer une familiarité qui passe par la complicité entre le Louvre-Lens et les populations jouxtant le site. Les « voisins du musée » (expression utilisée au Musée des arts contemporains du GrandHornu en Belgique pour qualifier les habitants des corons environnants) devront être considérés comme des partenaires privilégiés. Ils bénéficieront d’une attention particulière à travers, par exemple, des invitations régulières aux inaugurations des expositions. Les publics du premier arrondissement parisien n’ont jamais constitué une cible prioritaire pour le musée du Louvre ; alors que les tout proches voisins du Louvre-Lens seront les publics par qui la réussite du projet passera immanquablement. La familiarité avec le sujet et les œuvres Plus un visiteur possède de connaissances préalables sur un sujet, moins il est intimidé et plus il est en position de construire du sens. A condition évidemment que la mise en espace et la médiation jouent adéquatement leur partition. Trois grands profils de visiteurs sont distingués pour construire la stratégie de médiation. Cette proposition de travail s’affinera en fonction des études en cours et des opérations d’appropriation qui seront menées d’ici l’ouverture. Trois grands profils de visiteurs Le novice Il ne connaît rien du sujet, n’a pas de connaissances en histoire de l’art et connaît très peu les œuvres. C’est peut-être aussi la première fois qu’il entre au musée. Forcément, il n’est pas à l’aise et a besoin d’être rassuré sur sa légitimité. Son capital culturel est faible et restreint son degré d’autonomie. De plus, il ne sait pas comment « entrer en contact » avec les œuvres. Le musée doit lui proposer une diversité de points de vue qui peut créer une passerelle entre ses connaissances dans un autre domaine et ce qui lui est proposé. Le plaisir d’être ensemble peut dans certains cas, comme le couple, la famille ou le groupe, servir de levier. Le Louvre-Lens lui fournira les outils de médiation qui l’aident à repérer, à décoder, à lire pour pouvoir construire du sens. Ce n’est qu’à ces conditions qu’il pourra s’approprier les contenus, développer une compétence de visiteur de musée et s’exposer à la rencontre avec l’œuvre. Au sein de sa cellule de visite, il ne se mettra pas spontanément en position de médiateur, mais il en a peut-être envie et il peut apprendre pour la prochaine fois. Le connaisseur ou l’amateur Il aime le(s) musée(s) et connaît globalement le sujet. Sa pratique de ce genre d’institutions fait qu’il s’y sent à l’aise. Il est un visiteur exigeant qui se sent autorisé à avoir un avis sur la qualité de la programmation et les services offerts par le musée. 62 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Son capital culturel le rend autonome, mais il sait plus ou moins bien le mettre à contribution. Il attend, espère et peut idéaliser la rencontre avec l’œuvre. Si elle se produit, il saura la reconnaître et en profiter, ce qui viendra conforter sa compétence de visiteur et le justifier dans sa pratique. Le musée doit aussi le surprendre et l’amener à découvrir autre chose que ce qu’il connaît ou avait imaginé. Le musée doit lui donner toutes les conditions qui permettent la rencontre avec l’œuvre qu’il attend. Contrairement au novice, il peut venir seul au musée. S’il vient accompagné, il peut se mettre spontanément en position de médiateur. L’expert Il connaît très bien le sujet et/ou les œuvres ; c’est un spécialiste. Il vient au musée parce que l’exposition correspond à un événement incontournable ou parce qu’il vient voir ou revoir une « vieille connaissance ». Il ne peut pas laisser ses connaissances et sa compétence à l’entrée du musée. Ainsi, il sera particulièrement attentif aux contenus, vérifiant forcément, et parfois malgré lui, qu’ils ne comportent pas d’erreur et que la médiation ne fait pas de raccourcis préjudiciables au savoir. S’il est venu pour voir ou revoir une œuvre qu’il connaît bien, il sera sensible à sa présentation. Son capital culturel est important, mais il porte souvent sur un aspect bien précis. Le musée doit le surprendre par une approche différente et par la richesse des points de vue. Il doit l’amener à découvrir autre chose. Il vient souvent seul au musée. S’il vient accompagné, les autres voient en lui un expert qui peut expliquer, ce qui n’en fait pas forcément un médiateur. Ces trois profils ne peuvent rendre compte de toute la diversité des visiteurs, mais ils permettent de penser une médiation différenciée intégrant le degré de familiarité ; l’objectif étant que chacun se reconnaisse et puisse passer d’une catégorie à l’autre en fonction des œuvres, des sujets et de l’expérience qu’il acquiert peu à peu. La familiarité avec le Louvre-Lens A l’ouverture du musée, chaque visiteur sera un primo-visitant qui ne connaîtra ni le lieu, ni son fonctionnement. Le risque le plus important est qu’il se sente perdu ou étranger à ce lieu et à ses usages. Pour peu que, de surcroît, il ne soit pas familier des musées et qu’il soit novice, il se retrouvera en situation de handicap, au moins psychologique et intellectuel. Il pourra se sentir mis en échec et aura toutes les raisons de se dire que le Louvre-Lens n’est pas pour lui ni les musées en général d’ailleurs. Une attention particulière sera donc apportée à chaque visiteur qui vient pour la première fois au Louvre-Lens pour qu’il puisse : - se repérer sans ambiguïté dans l’espace, - comprendre le mode d’emploi du lieu, ses usages, ses modalités, - construire son projet de découverte en embrassant le champ des possibles : Galerie du temps, expositions temporaires, mais aussi utilisation du centre de ressources, inscription pour une activité à la Scène ou en atelier, découverte des coulisses du musée…, - intégrer à son projet des moments de convivialité, de partage et de confort qui correspondent à sa cellule de visite. En conséquence, la signalétique sera claire et dynamique ; un mode d’emploi du musée sera proposé aux visiteurs ; un accompagnement sera disponible pour construire le projet de chacun par Internet ou sur place, notamment au salon d’accueil ; des points relais seront accessibles dans l’ensemble des lieux dédiés aux publics. 63 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 3. Un autre critère : l’âge En prenant en compte la cellule de visite et le degré de familiarité, le Louvre-Lens apportera déjà une réponse mieux adaptée aux attentes et aux besoins des visiteurs. De surcroît, l’accueil et la médiation ne seront pas nécessairement les mêmes pour un enfant de 5 ans, un adolescent de 14 ans ou une dame de 70 ans. En conséquence, le critère de l’âge sera utilisé pour affiner l’approche de médiation dans les salles et les différents services du musée. De la même manière, les visiteurs ne parlant pas le français ou étant handicapés ne constituent pas ici une typologie spécifique. L’étude menée sur l’accessibilité au Musée du Louvre par le cabinet Cridev a montré que tout visiteur est potentiellement en situation de handicap, autrement dit, en situation de non-accessibilité physique, intellectuelle ou psychologique, à un moment de sa vie ou de sa visite du musée : les enfants comme les personnes âgées, les visiteurs handicapés comme les touristes étrangers. Au Louvre-Lens, l’accessibilité aux offres et aux services est donc envisagée sous l’angle du confort d’usage pour tous dans une démarche de haute qualité d’usage (HQU). Il n’en demeure pas moins que, et sans stigmatiser certains publics, une attention particulière doit être apportée aux personnes les plus fragiles. L’accessibilité : un enjeu stratégique L’accessibilité est un enjeu important pour le Louvre-Lens. Il s’agit de répondre aux attentes croissantes en terme de confort, d’accueil et de services des visiteurs handicapés. La culture s’inscrit désormais de plein droit dans le projet de vie des personnes handicapées. Leurs attentes sont importantes alors même que l’offre culturelle accessible reste encore faible, quelque soit le handicap. Et le nombre de personnes concernées est beaucoup plus important qu’on ne le pense généralement : plus de 30% de la population en France est ainsi en situation de handicap, plus ou moins profonde, momentanée ou permanente, pour un geste du quotidien, soit 19 millions de personnes. Mais, au-delà, l’accessibilité et le confort de visite doivent favoriser l’attractivité, l’appropriation du site (abords, bâtiment et offre culturelle), la diversification des © Musée du Louvre / M. Chassat publics et la fidélisation des visiteurs. Cela est vrai pour les seniors, de plus en plus nombreux et dont les pratiques culturelles se développent, directement concernés par les questions d’accessibilité et de confort. Cela concerne aussi les visiteurs étrangers et les publics touristiques, de plus en plus attentifs à un haut niveau d’accueil, de service et de confort. Aussi le Louvre-Lens entend-il non seulement répondre aux exigences réglementaires mais aussi assurer la continuité de la chaîne d’accueil et proposer une offre culturelle accessible innovante. Le Louvre-Lens se fixe comme objectif prioritaire de répondre aux impératifs de la loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il ne s’agit pas uniquement de l’accès aux abords et au bâtiment. Seront proposées une muséographie et une médiation innovantes et adaptées aux usages des visiteurs déficients sensoriels, mentaux et moteurs, autour de chaque exposition et de la programmation culturelle. La mise en place d’une information fiable, sur supports accessibles, et une politique de développement active, s’appuyant sur les relais associatifs et institutionnels, permettront également de diversifier et de fidéliser ces publics souvent éloignés des pratiques culturelles. Enfin, une attention toute particulière sera apportée à la qualité de l’accueil, par la formation et la sensibilisation de l’ensemble des personnels aux problématiques de l’accessibilité et du handicap. Pour concrétiser cette politique novatrice, la création d’un comité d’usagers, bien en amont de l’ouverture du musée, est proposée. Cette politique pourra se traduire, dès l’ouverture du Louvre-Lens, par l’obtention du Label «Tourisme et handicap» pour les quatre types de déficiences : motrice, mentale, auditive et visuelle. 64 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement B.3 – Les publics à fort enjeu d’avenir Outre les scolaires qui seront des publics privilégiés et qui bénéficieront d’une offre pédagogique très développée (cf. D. 2), le Louvre-Lens portera une attention particulière à des publics souvent mal pris en compte par les musées et qui représentent pour les années à venir de forts enjeux. Si l’on veut permettre l’accès à la culture dès le plus jeune âge, il faut que familles et adolescents trouvent facilement leur place au Louvre-Lens. 1. La famille : privilégier le co-apprentissage © Musée du Louvre / C. Martin Les familles représentent un public cible pour de nombreux secteurs d’activités. Elles viennent également de plus en plus au musée... Faire de la « famille » un enjeu prioritaire permet de rejoindre un grand nombre de visiteurs, qu’ils soient familiers ou non des musées, qu’ils soient en situation touristique ou voisins du Louvre-Lens. C’est aussi l’un des moyens les plus sûrs de contribuer dès le plus jeune âge à la constitution d’un capital culturel. La famille peut se définir comme suit : une cellule de visite formée a minima d’un enfant et d’un adulte. Elle a des motivations, des attentes, des besoins et des pratiques qui lui sont propres ; la visite au musée peut permettre de répondre à beaucoup d’objectifs : partager une expérience, faire plaisir à l’enfant, éduquer en s’amusant, dialoguer et échanger, mieux connaître l’autre, renforcer la cohésion familiale ou, encore, construire une mémoire familiale. Ici cohabitent deux enjeux : le premier pouvant être résumé par le « être ensemble » (dimension conviviale), le second par la « culture plaisir » (dimension ludo-éducative). Dans cette « équipe, » l’adulte est souvent le relais, le médiateur pour son enfant. Il a la double responsabilité de la transmission et du ludique, dans le souci du plaisir partagé. Dans certains cas, ce sont les enfants qui endossent ce rôle notamment quand ils ont été prescripteurs ou sont déjà venus au musée avant, dans un autre contexte. Le Louvre-Lens proposera une approche qui répond aux attentes de la famille en privilégiant l’échange et le partage tout en laissant une place à chacun. D’abord, la définition d’un projet de visite, par Internet ou sur place au salon d’accueil, offrira aux enfants comme aux adultes l’occasion d’exprimer leurs envies et leurs choix, de moduler le temps de visite, d’établir le programme et de faire une répartition entre ce qui est commun à la famille et ce qui est réservé à chaque membre. Les visiteurs pourront être aidés dans cette tâche par des équipes composées de personnel du musée mais aussi de volontaires : « ambassadeurs du Louvre-Lens », étudiants, parents d’élèves, retraités, etc. Il apparaît en effet essentiel de croiser le regard de plusieurs générations dans le cadre d’un projet qui débouche sur des outils de visite les mieux adaptés possible (ex : programme d’activités pour la journée, personnalisation des parcours, rallyes, jeux, etc.). La famille pourra garder une trace de la visite sous différentes formes (imprimés, circuit parcouru, album photos, etc.) pour prolonger la découverte au-delà des murs du musée et faire part de ses commentaires par Internet ou au centre de ressources à l’intention des autres visiteurs. Au cœur de cette démarche, se trouve la notion de co-apprentissage qui permet de construire une meilleure compréhension en s’appuyant sur les compétences de chacun. Il sera rendu possible par l’utilisation d’outils de visite associés à des points-relais de médiation dans les espaces d’exposition, les dispositifs de médiation dans les salles proposant aussi des contenus à l’intention des familles. Dans le cadre de certaines activités, le musée prendra en charge les enfants libérant ainsi les parents pour une partie de la visite. Sa programmation proposera aussi des séances éclair ou des cycles plus approfondis pour apprendre comment devenir médiateur au sein de sa famille ; une autre manière d’envisager le musée... 65 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Cette approche de médiation ne peut être opérante que si les freins à la visite sont préalablement levés et les contraintes logistiques de la famille traitées adéquatement. En conséquence, le Louvre-Lens offrira une signalétique intelligible autant pour les enfants que pour les parents en mettant en avant l’image, voire l’humour, des lieux confortables qui favorisent le partage et sont dimensionnés à la cellule familiale, enfin des consignes claires d’utilisation du lieu (interdits, limites, etc.) s’appuyant sur une charte du visiteur. Enfin, l’existence du parc autour du musée est également un élément déterminant à valoriser auprès de ces publics. Il contribuera à faire du Louvre-Lens un lieu plaisant de retrouvailles, de promenades, d’animations et de jeux, notamment pour les familles voisines du site qui auront là l’occasion de jouir d’un espace vert sécurisé, propre et beau, en plein cœur de ville. 2. L'adolescence : une période stratégique pour la suite Période capitale pour tout jeune, l’adolescence peut être définie comme la « traversée d’un entredeux-âges » au terme duquel l’adolescent « doit pouvoir se positionner en tant que jeune adulte autonome, capable de faire et d’assumer des choix professionnels, amoureux, sociaux (un peu) durables » (Marcel Rufo). Les adolescents et le musée Adulte de demain, l’adolescent a sa place naturelle au musée. Pourtant, il n’en est rien : il ne vient plus avec sa famille, sauf exceptionnellement ou à l’occasion d’un déplacement dans le cadre des vacances, il ne vient pratiquement plus avec l’école justement à partir du collège, et il ne vient pas avec ses copains. Plusieurs raisons expliquent cette « interruption » de la fréquentation qui peut être temporaire mais peut aussi devenir définitive si elle ne fait pas l’objet d’une attention particulière. L’adolescent, comme le jeune d’ailleurs, est capté par d’autres pratiques culturelles : la musique, le cinéma et Internet qui offre de nombreux moyens pour entrer en © 2006 Musée du contact avec l’autre, que ce soit sous forme de jeux, de « chats » ou de forum. La Louvre / Angèle Dequier pratique sportive occupe aussi de façon massive le temps de loisir des adolescents et des jeunes. Pour les jeunes du bassin minier, l’apprentissage du foot, associé à la fréquentation du stade Bollaert, apparaît comme un facteur identitaire sans qu’il leur soit toutefois réservé. D’autre part, pour arriver à se construire et à trouver sa place, l’adolescent s’oppose, conteste, fait de la résistance. L’autorité des parents est souvent rejetée en même temps que l’école. Le musée apparaît pour eux comme l’expression par excellence de la culture traditionnelle, institutionnalisée, légitime et bourgeoise, celle des aînés dont il faut se démarquer. De plus, le musée induit en général un rapport au savoir, il est donc perçu par les jeunes comme un lieu scolaire, laborieux. En pleine construction de son identité, l’adolescent expérimente tous azimuts et essaie de se projeter dans l’avenir alors que le musée apparaît comme un lieu figé, tourné vers le passé. Enfin, l’adolescent et plus globalement le « jeune » accorde une place capitale à la relation, au lien qui s’exprime au sein de la bande de copains, lieu par excellence de débats, d’échanges et d’expériences et pendant un temps, seule cellule de référence. Le succès du téléphone portable et d’Internet témoigne de l’importance accordée au maintien du lien, ce qu’on appelle la fonction phatique du langage. Force est de constater que le musée n’offre aucune réponse à ce type de sociabilité qui conditionne pourtant cette période de la vie. Le public « jeune » (entre 18 et 25, voire 30 ans) a depuis : quelques années la faveur des musées, y compris au Musée du Louvre. Mais à part certains ateliers, les adolescents ne sont l’objet d’aucune offre spécifique, ce qui se vérifie aussi dans les musées de la région Nord–Pas de Calais. Pourtant, ils sont un enjeu d’avenir et le musée peut être un partenaire privilégié dans cette période de leur vie où 66 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement ils font des choix pour l’avenir. De plus, leur absence pénalise le musée qui se prive de leur enthousiasme, de leur élan et de leur potentiel de création et de contestation, autant d’ingrédients qui pourraient l’aider à se remettre en question pour le plus grand bénéfice de l’ensemble des visiteurs. L’enjeu est donc de développer une offre dans laquelle les adolescents se reconnaîtront sans pour autant qu’ils se sentent étiquetés. L’approche est de les considérer comme acteurs et publics du musée en les faisant intervenir avant, pendant et après la visite. Comme pour la famille, la « cellule de visite » qui se traduit par la bande de copains apparaît comme le socle sur lequel s’appuyer. Reconnaissant d’emblée leur autonomie, leur potentiel de créativité, leur capacité à faire des choix et à interroger de manière constructive, le Louvre-Lens s’adressera à eux directement par la mise sur pied d’un « club des ados ». Il sera notamment investi de trois responsabilités : participer à la programmation du studio de production multimédia du centre de ressources, tester en préfiguration des nouveaux outils de médiation nomades et animer un site web dédié qui propose des visites sur mesure des expositions, un forum de discussion et, plus largement, des propositions pour découvrir le musée autrement. Le Louvre-Lens leur proposera une approche qui correspond à leurs préoccupations et leurs intérêts : rencontre avec les créateurs, invitation exclusive à des événements, ateliers courts axés sur la démonstration et l’expérimentation, mais aussi rencontre avec les professionnels des musées, accès aux coulisses. Comme une manière de faire comprendre que contrairement aux idées reçues, le musée n’est pas un temple du savoir désincarné mais une institution habitée par des femmes et des hommes qui s’interrogent sur ses missions et essaient de construire un avenir. La médiation quant à elle proposera des outils qui permettent l’expérimentation, la découverte de technologies à la fine pointe et garantissent le lien entre copains pendant et après la visite : téléchargement de contenus sur son téléphone personnel, parcours insolites dans les expositions, téléchargement de musiques, échange de messages, etc. Des « rendez-vous de médiation » sous forme de jeu pourront être pris sur place avec des médiateurs disponibles en salle. Enfin, le LouvreLens proposera des lieux de convivialité où ils peuvent se reconnaître et se retrouver : le centre de ressources, la Scène et le parc apparaissent comme les plus appropriés. Un effort particulier sera aussi fait en partenariat avec l’Education nationale et les Conseils généraux, responsables de la gestion des collèges, pour développer une offre en direction des collèges Faire des adolescents un enjeu prioritaire permet de construire un musée différent, plus ouvert et à l’écoute. Sans offrir de garantie, c’est aussi le pari que cette période de la vie ne marquera pas une rupture pour la pratique du musée. B.4 – Un accueil sur mesure Mettre les publics au cœur du projet, c’est privilégier leur accueil ; c’est leur donner les moyens de comprendre ce qu’ils vont découvrir au musée ; c’est enfin leur donner envie de fréquenter ce nouveau lieu culturel autant que de le visiter. 1. Inscrire le Louvre-Lens dans la tradition d’hospitalité de la région Pour être en mesure de rencontrer ses objectifs de fréquentation et sa mission notamment en direction des publics de proximité, le Louvre-Lens fera de l’hospitalité une composante de son identité, s’inscrivant dans la tradition d’hospitalité de la région et offrant une garantie que chacun est bienvenu et attendu. Cette qualité d’accueil devra aussi s’exprimer en amont à travers tous les réseaux d’information et de vente. 67 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Accueillir en amont Le premier cercle d’accueil des publics existe bien avant d’arriver au musée. Il est formé de tous ceux qui informent, incitent et prescrivent : réseaux de vente et d’adhésion, offices de tourisme, touropérateurs, mais aussi, partenaires de projets au travers des réseaux éducatif, associatif, des collectivités, etc. Intermédiaires en prise directe avec les visiteurs potentiels, ils sont autant de relais qui portent la politique d’hospitalité du Louvre-Lens. Mais, pour qu’ils puissent assumer cette responsabilité de manière pertinente et convaincante, certaines conditions doivent être remplies. D’abord, le musée doit travailler en étroite collaboration avec eux pour concevoir les projets, produits et services en direction des publics qu’ils connaissent le mieux. Ensuite, ils doivent pouvoir compter sur une information fiable et de qualité (site Internet, communication, publications), des outils performants (système de réservation et de vente) et une programmation qui peut rencontrer les attentes et les besoins de leurs publics. Finalement, ils doivent profiter d’un accompagnement continu et d’outils d’évaluation pour qu’ils puissent contribuer avec le Louvre-Lens à une meilleure connaissance des publics. Ces relais représentent un ensemble d’avant-postes dont le rôle est capital dans l’accueil des publics. A l’arrivée sur le site, la question du périmètre d’accueil est déterminante : il devra être défini et pensé de la manière la plus large possible, bien avant l’entrée au musée. Le premier enjeu est celui de l’accès, des stationnements (ou des lieux de dépose pour les transports collectifs) et de la signalétique. Qu’on vienne en voiture, en transport en commun, à vélo, à pied, en faisant confiance à sa canne blanche, à son chien ou en poussette, le visiteur doit se sentir accompagné tout en restant libre dans ses choix. Sur le site, le premier contact avec le musée passe par le parc. Les premiers pas doivent faire l’objet d’une attention particulière et être pensés comme une mise en bouche annonçant que le meilleur est à venir. Que l’on vienne simplement pour profiter du site ou pour visiter le musée, les cheminements seront faciles à trouver et emprunter. L’éclairage sera soigné et invitant pour que chacun Parvis Est du Louvre-Lens © Sanaa / Imreyse sente en sécurité. La signalétique privilégiera une approche Culbert / Catherine Mosbach par l’image, intelligible de tous, quelque soit la langue parlée, l’âge des visiteurs, avec ou sans handicap. Sa charte graphique doit rendre compte de l’identité du lieu et sera déclinée sans discontinuité dans l’ensemble des espaces. Malgré tout cela, rien n’est plus rassurant que de pouvoir s’adresser à quelqu’un. Des équipes d’agents d’accueil et de sécurité seront présentes dans le parc comme dans le musée, en particulier lors des périodes de forte fréquentation. Compte tenu des publics attendus, ces agents devront parler a minima l’anglais. En partenariat avec le monde associatif, ces équipes intégreront des volontaires, notamment des jeunes, le temps d’un stage ou d’un événement. Associer les habitants à l’accueil C’est avec les habitants de Lens, et notamment ceux des cités minières, que le Louvre-Lens doit accueillir ses visiteurs. Pour cela, il faut que chacun puisse répondre aux questions qui lui sont posées dans la rue, à la porte de sa maison, à l’école, chez le commerçant du quartier et qu’il puisse en parler à l’aise et avec affection, chez-lui et avec ses voisins. Ainsi, dès la phase de chantier, le Louvre-Lens leur proposera des invitations spéciales, des réunions qui présenteront l’avancement des travaux, des interventions dans la maison du projet, etc. Ils seront aussi sollicités pour participer à un groupe de travail sur l’accueil. D’ici l’ouverture, tous ceux qui le souhaitent doivent pouvoir développer une relation qui fera du Louvre à Lens leur Louvre-Lens. Les commerçants et artisans auront une responsabilité particulière dans l’accueil des touristes. La Chambre de commerce et d’industrie de Lens, ses homologues des territoires voisins et la Chambre des métiers du Pas-de-Calais ont d’ailleurs engagé une réflexion pour mettre en place préalablement à l’ouverture du musée des formations à l’accueil et aux langues à l’intention de leurs ressortissants. 68 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Enfin, le Louvre-Lens s’inscrira dans la démarche régionale de qualité de l’accueil initiée depuis 1987 par le Comité régional du tourisme Nord – Pas de Calais à travers la Chaîne du Savoir Plaire. Cette charte de qualité fédère un ensemble de prestataires du tourisme des secteurs de l’hébergement, de la restauration, de la culture, des loisirs et de la voie d’eau... Comme les autres membres de cette chaîne, le Louvre-Lens s’engagera à : - valoriser l’image du Nord – Pas de Calais et participer à la promotion touristique régionale, - réserver le meilleur accueil à sa clientèle touristique, - favoriser la mise en marché de son équipement sur le marché du tourisme, - participer aux actions initiées par le Comité régional du tourisme Nord – Pas de Calais. 2. Le hall d’accueil : comme un cœur qui bat À l’image du cœur qui irrigue l’ensemble de l’organisme, le hall d’accueil est le centre névralgique du musée. Il bat, du plaisir de recevoir chez-lui des gens avec qui il a envie de partager ses trésors, ses interrogations et ses secrets. Il bat de l’envie d’en savoir plus long sur ceux qui lui font l’honneur de lui rendre visite. Il bat de la diversité et de la richesse de ce qu’il a à offrir. Pour cela, il doit proposer un accueil attentif, chaleureux et sur mesure qui fait de la relation le coeur de ses préoccupations. Un accueil attentif et sur mesure qui favorise la relation C’est au moment de franchir le seuil que se joue le premier acte d’une relation dont l’évolution dépend en bonne partie de la capacité de chacun à reconnaître la légitimité de l’autre, quelque soit sa provenance, quelque soit son âge ou sa classe sociale. La « chaîne de l’hospitalité » qui existe à l’extérieur du bâtiment doit être une fois dans le musée encore plus forte. Les services liés à l’accueil doivent autant que faire se peut se trouver aux endroits qui apparaissent comme les plus évidents pour le visiteur. Ainsi, plutôt que de tout faire converger vers un seul point central, la fonction d’accueil est répartie en plusieurs lieux pour Plan de masse, vue sur le hall d’accueil permettre soit une entrée rapide dans les salles d’exposition, soit une © Sanaa / Imrey-Culber / Catherine occasion d’un contact plus approfondi avec le personnel du musée. Mosbach L’hospitalité c’est aussi la générosité : le visiteur trouvera dans le hall d’accueil un salon d’accueil et un centre de ressources dont les accès sont gratuits. Enfin, la signalétique d’orientation et d’information a un rôle capital à jouer dans l’hospitalité, afin d’orienter et de rassurer même si la simplicité du bâtiment devrait faciliter les choses. Elle doit être dynamique et compréhensible par tous, y compris les enfants. Elle sera disponible en trois langues : français, anglais, néerlandais. Les espaces d’information du hall d’accueil Points d’information et d’orientation Déployés en fonction de l’affluence et déplacés en fonction des besoins, des points d’information et d’orientation, sous forme de guérites mobiles, seront à la fois des avant-postes avant l’achat du ticket d’entrée et des relais en cours de visite, chaque fois que le visiteur repassera par le hall. Il s’agit là d’un moyen de présenter le musée et sa programmation, de répondre aux questions, d’orienter (billetterie, expositions, accueil des groupes, pôle services et confort, salon d’accueil, centre de ressources, espace de découverte des coulisses du musée, réserves visitables, Scène, etc.), de fournir un premier mode d’emploi du musée (plan, tarifs, consignes, programmation de la journée, etc.) et de dépanner (aide ponctuelle pour l’utilisation d’un guide multimédia, fauteuil roulant ou poussette, etc.). C’est aussi un moyen de fluidifier les circulations dans le hall d’accueil pour en faire un lieu serein quelque soit l’affluence. 69 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Billetterie Deux espaces de billetterie seront disponibles à proximité des portes situées au nord et à l’est vraisemblablement les plus utilisées. Des écrans dynamiques affichent la programmation au quotidien en temps réel. S’inscrire à une activité, réserver sa place à une conférence ou simplement acheter son billet pourra se faire soit en totale autonomie au moyen de bornes informatisées, soit en s’adressant au personnel. Le Louvre-Lens s’appuiera sur un système de gestion performant et fiable pour la réservation et le paiement. Les programmes seront faciles à utiliser pour les visiteurs et disponibles au minimum en français, anglais, néerlandais. Du personnel sera disponible à proximité de ces espaces pour aider les visiteurs dans leurs démarches. Le règlement en amont par Internet, par les intermédiaires et par téléphone sera fortement encouragé. Accueil dédié pour les groupes Le Louvre-Lens a comme objectif de recevoir 30% de visiteurs en groupes. Pour leur confort et celui des autres visiteurs, un accueil spécifique leur est réservé. A leur arrivée dans le hall, par une entrée qui leur est dédiée, ils seront dirigés à l’accueil des groupes, au sous-sol, pour effectuer les dernières formalités et accéder à des vestiaires et sanitaires qui leur sont destinés. Accueillis par le médiateur qui les accompagnera ou par un agent L’accueil des groupes au Louvre d’accueil, ils bénéficieront d’une présentation préalable de leur visite ou de © 1996 Musée du Louvre / Michel Chassat leur activité ; un temps échange qui sera aussi l’occasion de donner les consignes à suivre et de répondre à leurs premières questions. Tous les espaces d’attente et de préparation à la visite sont par ailleurs équipés pour diffuser des informations multimédia. Accueil des adhérents et des mécènes Adhérents du musée et mécènes bénéficieront de lieux d’accueil qui leur seront dédiés. Le salon d’accueil : une réponse sur mesure Tenir compte de la configuration dans laquelle les visiteurs viennent au musée et les aider à devenir des visiteurs actifs et compétents appelle la création d’un service d’un nouveau genre : un salon d’accueil qui regroupe un service d’aide à la conception et l’organisation du projet de visite, un espace de préparation et un comptoir où l’on prend et rapporte les outils d’accompagnement (livret, jeu, guide multimédia, etc.). Ce service offre au visiteur la possibilité de comprendre le mode d’emploi du musée, de découvrir plus en détail l’offre, d’obtenir de l’aide pour définir son projet et son programme de visite, de télécharger les contenus préparés sur Internet ou sur place, enfin de récupérer des outils d’accompagnement pour sa visite. Le conseil est assuré par du personnel du musée et des étudiants en formation au Louvre-Lens. Des volontaires « ambassadeurs du Louvre-Lens », parents, grands-parents, formés par le musée, peuvent venir renforcer l’équipe certains jours. Dans l’espace de préparation, des médiateurs animent des séances d’information et de découverte du musée et aident les visiteurs à choisir et organiser leur programme, leurs contenus et les outils nécessaires. Il permet aussi au musée de faire vivre des services comme le centre de ressources ou les ateliers en les proposant comme des éléments constitutifs d’un programme de visite. Il s’agit là également d’un moyen de mieux connaître ses publics, d’en tenir compte dans l’offre et la programmation pour développer une approche qui réponde de mieux en mieux aux besoins. Compte tenu de ce que nous savons des motivations de visite et des attentes, ce lieu sera probablement plus sollicité par les familles, par les primo-visiteurs ou par les familiers des musées qui ont envie de faire une visite différente. Il représente une manière claire de changer les rapports entre les visiteurs et le musée, de les responsabiliser, de les rendre plus autonomes et de leur faire découvrir le musée autrement. 70 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Des services diversifiés Pour assurer le confort des visiteurs et répondre au plaisir du temps passé ensemble, tout musée doit être aujourd’hui attentif aux services qu’il offre en matière de restauration, de librairie-boutique, mais aussi plus simplement d’espace de repos et de confort (vestiaires, sanitaires, espace change bébé…). Leur gestion étant souvent confiée à des prestataires extérieurs (concessionnaires), il convient d’être attentif à la localisation de ces espaces, à la qualité de leur aménagement et au niveau de leurs prestations, d’où l’importance qui devra être donnée à l’élaboration de cahiers des charges précis et exigeants. Restaurant, cafétéria et espace pique-nique L’offre de restauration du Louvre-Lens est actuellement envisagée sous une double forme, une étude de marché ayant été lancée par la Région, maître d’ouvrage, pour confirmer ou infirmer ces intentions. Un salon de thé / cafétéria, correspondant à une restauration rapide proposera à la fois une offre de type sandwicherie et une restauration assise de type cafétéria. Il fera aussi office de salon de thé et de bar. Cet équipement, situé au sein du hall d’accueil du musée, est destiné principalement aux visiteurs du musée, ceux du parc pouvant également en bénéficier. Il a vocation à fonctionner lors des heures d’ouverture du musée. Il offre 120 places assises, une terrasse le prolongeant dans le parc. Un restaurant destiné aux visiteurs du musée mais aussi à une clientèle locale à la recherche d’un lieu original offrira environ 60 couverts. Sa localisation au nord du site dans un bâtiment neuf dont l’architecture est confiée au cabinet Sanaa lui offre une large vue sur le musée, notamment de sa terrasse. Situé près de l’entrée principale du musée, il est en lien direct avec la ville, lui permettant de fonctionner de façon autonome, y compris le soir en dehors des heures d’ouverture du musée. L’installation d’un chef régional qui modernise la cuisine locale pourrait être une option à privilégier. Salon de thé/cafétéria et restaurant sont en lien direct avec le parc par le biais de terrasses pour accroître la qualité des lieux et les capacités d’accueil aux beaux jours. L’installation complémentaire de kiosques temporaires dans le parc au printemps et à l’été (glacier, kiosque « bonbons », sandwicherie…) pourrait compléter cette offre. La Scène est dotée d’un espace bar et restauration légère dans son hall d’accueil. Cet espace est ouvert sur le parc et prolongé par une terrasse pour la saison estivale. Pour les groupes, mais aussi pour les individuels qui le souhaitent, le musée proposera également un espace pique-nique intérieur, situé dans le hall d’accueil. Bien évidemment, le pique-nique sera aussi possible dans le parc et des espaces seront aménagés en conséquence. Librairie-boutique La librairie-boutique se veut un véritable pôle d’animation dans l’accueil général. Elle est située à proximité des accès nord et est du musée, principales sorties des visiteurs. Sans privilégier une offre spécifique de librairie d’art – le bassin local n’étant pas suffisant pour ce type de positionnement, l’espace librairie offrira toutefois des guides et des publications de base en histoire de l’art, en archéologie et en architecture, mais aussi sur le Louvre, sur l’histoire du site et du territoire du bassin minier. Elle diffusera également les publications des musées La librairie du Jardin des Tuileries régionaux. Elle disposera par ailleurs d’un rayon spécifiquement destiné © Musée du Louvre / A. Dequier aux publications pour l’initiation des enfants à l’art. L’espace boutique proposera une diversité de produits permettant à tous les publics, selon leurs moyens, de repartir avec un souvenir de leur visite : carterie, affiches, reproductions, objets « gamme tourisme » (magnets, tasses, portes-clés…) mais aussi moyenne gamme. 71 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement C – Une nouvelle présentation des œuvres Le Louvre-Lens, on l’a dit à maintes reprises, n’est pas une annexe du Louvre, ni un petit Louvre. S’il faut qualifier le Louvre-Lens, peut-être faut-il le considérer comme un nouveau département du Louvre, non pas un département qui s’attacherait à une géographie ou à une chronologie particulière, mais plutôt le département dans lequel pourraient se fondre tous les autres, celui dans lequel chacun d’entre eux pourrait réaliser autrement ce que l’histoire et les traditions ont Le Louvre : la pyramide et la cour organisé au palais du Louvre. La présentation encyclopédique qui a Napoléon © Musée du Louvre / Ieoh présidé à l’élaboration des départements et du Louvre tout entier donne Ming Pei / Pierre Ballif à voir les collections comme autant de chapitres, d’articles, d’entrées d’un immense dictionnaire. Chaque sujet est présenté avec une grande clarté, une grande précision. Mais il reste à chaque visiteur le soin d’organiser l’ensemble dans une vision synthétique ou panoramique. Les rassemblements, les questionnements, les présentations transversales sont difficilement possibles au palais du Louvre. C’est au Louvre-Lens que peuvent se réaliser presque au quotidien ce qui relève à Paris de l’exceptionnel : confronter les œuvres d’une même période mais relevant de techniques ou de civilisations différentes, explorer plus régulièrement les multiples facettes de la création, interroger plus radicalement l’histoire de l’art, donner aux objets d’autres contextes ou leur permettre le temps d’une présentation de retrouver ceux qui les ont vu naître. Voici des missions que le Louvre-Lens peut donner à son programme, les buts qu’il peut s’assigner par exigence, par goût de l’expérience. C.1 – Une vision diversifiée L’offre du Louvre-Lens est vaste. Elle est conçue, au-delà des collections du Louvre qui y seront présentées, comme un ambitieux programme d’expositions, de présentations, de médiations, d’accueils, de spectacles et de conférences. Ce programme est spatialement réparti. Les deux bâtiments de l’aile Est seront consacrés à des présentations des collections du Louvre. Le principal pavillon de l’aile Ouest sera dédié aux grandes expositions. Grâce à son architecture et à une conception initiale entièrement tournée vers le public, le hall d’accueil, au rez-de-chaussée comme au sous-sol, regroupera toutes les fonctions d’accueil du public, mais montrera aussi les réserves du musée ainsi qu’un atelier de restauration d’oeuvres. Enfin, à l’extrémité ouest, la Scène accueillera les conférences, les projections, les spectacles vivants. Plan masse du Louvre-Lens © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach L’ensemble des deux pavillons situés à l’est correspond quant au programme scientifique à l’aile consacrée aux collections du Louvre. Avant d’aborder en détail chacune des composantes de cette aile, il faut en brosser l’articulation générale et les principes qui les régissent. Trois éléments essentiels la composent : la Galerie du temps, le Pavillon de verre, le parcours de retour. 72 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 1. La Galerie du Temps La Galerie du temps est l’élément le plus permanent de cet ensemble constitué pour l’essentiel des collections du Louvre. Elle offre au visiteur un ensemble d’œuvres présentées de manière strictement chronologique. Le parcours est d’une grande simplicité dans son déroulement (la visite s’effectue dans un seul sens, elle commence au IVe millénaire et se termine au milieu du XIXe siècle). Cette Galerie du temps donne une vision claire, ordonnée, balancée des civilisations dont le Louvre conserve les témoins matériels les plus remarquables. Sur une surface d’environ 2.500 m², en 300 objets, la Galerie du temps éduque le regard, elle donne au visiteur les repères essentiels d’une histoire des formes, elle rapproche ce qui au Louvre est souvent éloigné par l’histoire même du musée. Toutes les techniques, toutes les civilisations trouvent leur place dans cette Galerie dont les principes et l’organisation sont exposés au paragraphe C.2 ci-après. La mise en valeur des œuvres adaptée à l’architecture épurée du bâtiment Le Pavillon de verre © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach Loin de leur géographie historique, séparées de l’écrin de leur architecture séculaire, les œuvres du Louvre ne peuvent être montrées à Lens sur les mêmes modes qu’à Paris. Elles ne relèvent plus de manière formelle des collections d’un département, ni de séries accumulées par l’histoire. Le regard du visiteur qui est sollicité dans le Palais par l’extraordinaire ampleur du bâtiment, par l’immensité des perspectives, par le dédale même des salles trouvera au Louvre-Lens un environnement radicalement différent. Simple dans sa conception, épurée sans être froide, l’architecture de l’agence Sanaa offre aussi des volumes d’une grande clarté tant par l’éclairage zénithal ou latéral que par le rapport harmonieux de ses salles. Les œuvres du Louvre transportées dans ce contexte ne peuvent plus être présentées comme au Louvre. Mettre en valeur chaque œuvre L’un des principes de présentation donné au Louvre-Lens tient à la volonté de faire de chaque œuvre l’objet de l’attention particulière du visiteur. C’est donc moins la profusion de la collection que la qualité intrinsèque de chaque œuvre qui sera mise en avant. Cette volonté de mise en valeur de chaque œuvre ne doit pas pour autant conduire à l’isoler, au contraire. La présentation des objets doit permettre au visiteur de faire jouer les correspondances, de passer d’un objet à l’autre tout en gardant le sentiment de profiter de chacun. Jouer sur la lumière naturelle La volonté affirmée dès l’origine du projet est aussi de présenter les œuvres dans une lumière naturelle, dans un rapport direct avec la luminosité du ciel. Le choix d’un éclairage naturel des salles n’est pas seulement un parti architectural, il est aussi un parti muséal. Si le Louvre offre dans plusieurs parties du palais la possibilité d’exposer les œuvres à la lumière naturelle, ces endroits sont rares. Ils sont aussi le fruit d’accommodements avec l’architecture ancienne. La Grande galerie, le dernier étage de la cour Sully, les salles des peintures du Nord sont toutes dévouées à la peinture ; de même que les cours intérieures de l’aile Richelieu bénéficient de la lumière naturelle pour la collection de sculpture française. Pour la première fois, l’ensemble des collections pourra être présenté à la lumière zénithale d’une architecture conçue dès l’origine pour donner aux œuvres la possibilité d’être vues dans la meilleure lumière qui soit. 73 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 2. Le Pavillon de verre Après l’abondance mais aussi la linéarité et l’unicité du discours chronologique de la Galerie du temps, le Pavillon de verre, espace aux façades entièrement vitrées situé à l’extrémité est du musée, à la suite de la Galerie du temps, doit être l’occasion d’un autre regard sur les objets. Le lieu d’un autre regard physique mais aussi d’un autre regard intellectuel. C'est aussi l'endroit d'une réflexion sur les enjeux qui lient objets et musée. A l’atmosphère de la Galerie du temps, éclairée par une stable lumière zénithale, succède dans le Pavillon de verre, de dimension plus réduite, une lumière fondamentalement changeante, celle qui vient du sud et de l’est au travers des grandes parois vitrées du pavillon. Trois espaces intérieurs fermés en forme de rotonde, d'environ 100 m² chacun, permettent de présenter des oeuvres dans les conditions parfaites de luminosité et d'hygrométrie contrôlées. D'un strict point de vue du flux des visiteurs, le Pavillon de verre est conçu pour inciter à une autre découverte avant de proposer le retour vers le hall d'accueil. La configuration du bâtiment avec ses rotondes, avec ses espaces ouverts vers le parc est l'endroit idéal pour un changement de regard, d'atmosphère, de marche et de direction. Le Pavillon de verre est aussi un moment de pose et de repos entre la Galerie du temps et le parcours de retour. Il est souhaitable d’offrir là une nouvelle approche des oeuvres. Renouvelée tous les ans, la présentation d'une exposition consacrée à une thématique particulière s'inscrit parfaitement dans cet espace. Seront explorés là de la manière la plus accessible, la plus attrayante, des sujets comme l'archéologie, le temps, l'objet dans son contexte. Alors que toute la Galerie du temps repose sur une stricte chronologie, il sera possible dans le Pavillon de verre et l'espace de retour de questionner ces visions parfois trop simples. L’art contemporain y sera mobilisé comme les expériences d’utilisation des nouvelles technologies pour la présentation des œuvres, par exemple celles testées au Japon par le Louvre dans le cadre du programme Museum Lab. Certains objets relèvent de plusieurs époques, de plusieurs civilisations. Il est intéressant de pouvoir expliquer, à ce stade de la visite, la notion d’évolution stylistique qui n’est pas obligatoirement une évolution chronologique mais qui peut au contraire enjamber les siècles et les civilisations lors de spectaculaires résurrections. De la même façon, le caractère composite de certaines oeuvres peut être décomposé. Pour beaucoup de présentations, le Pavillon de verre sera associé à l’espace de retour. La combinaison du Pavillon de verre et des 400 m² de l’espace de présentation du parcours de retour permettra alors de concevoir des expositions d'environ 600 à 800 m². Cette association permet d'articuler de manière plus subtile et plus agréable pour le public des expositions dont la richesse permet la division en chapitre. Ainsi sur un sujet donné, les pratiques et les grands principes peuvent être exposés dans le pavillon de verre quand l'espace de retour permet la présentation d'une exposition inspirée des principes développés précédemment. 3. Le parcours de retour Après le Pavillon de verre, le visiteur s’engage sur le chemin qui le ramène vers le hall d’accueil. Ce chemin longe en sens inverse la Galerie du temps, sur une longueur d’environ cent mètres. Sur ce parcours, un espace d’exposition de 400 m2 permet au visiteur un moment supplémentaire de délectation et de réflexion. Cet espace de 400 m2 peut bien sûr être aménagé pour des expositions de plus petites dimensions (2 x 200 m2 par exemple). Cette modularité de l’espace permet de travailler en souplesse les thèmes d’exposition. Pour la programmation des premières années, il a été retenu de présenter des expositions sur l'ensemble du parcours, Pavillon de verre et parcours de retour. Bien que liés, les deux espaces déclinent un même thème, mais abordent dans chacun des espaces un angle particulier. 74 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Le démontage et le remontage de ces expositions auront lieu pendant l'exposition temporaire d'hiver, au moment de moindre affluence lorsque les équipes seront plus disponibles. Dans la mesure du possible, les renouvellements se feront par tranche dans chacun des espaces pour offrir la plus grande offre possible au visiteur. Trois premiers sujets pour le Pavillon de verre et l’espace de retour Trois premiers sujets sont proposés pour des présentations annuelles dont les thématiques s’inspirent de la Galerie du temps. Vu la diversité des espaces d’exposition (« rotondes » du Pavillon de verre, espace retour le long de la Galerie du temps), ces présentations regrouperont divers sujets d’exposition autour d’une thématique annuelle unique, un commissaire coordinateur garantissant l’articulation des différents projets. Il s’agit actuellement de titres provisoires qui pourront être ultérieurement modifiés. Première année : Archéologie, de la fouille au musée Alors que pendant la première année (voir paragraphe C.3 ci-après), les expositions temporaires du Louvre-Lens se focaliseront sur les périodes modernes avec une exposition sur la Renaissance et une autre sur l’Europe de Rubens, il paraît judicieux tant pour l’équilibre intellectuel de la programmation que d’un point de vue de l’utilisation des collections du Louvre de concentrer les présentations du Pavillon de verre et de l’espace de retour sur le thème de l’archéologie. Une double optique présiderait à ces présentations. La première consisterait, à partir des collections du Louvre, de parler de la notion d’archéologie, de ses pratiques et de ses processus qui conduisent un objet de son contexte archéologique (la fouille) au musée. A partir de deux ou trois grands chantiers des départements antiques (Antinoé, Suse, Baouït par exemple), les collections seraient resituées dans leur contexte (mobilier funéraire ou objets de la vie quotidienne par exemple). Seraient aussi abordées les questions de techniques archéologiques et les problématiques de la fouille moderne et contemporaine. Dans une seconde partie, serait évoqué l’impact de l’archéologie sur l’esthétique, l’histoire et l’art contemporain. Montrer comment l’archéologie a été source esthétique, mais aussi moyen d’établir l’histoire, la justifier ou la falsifier, comment elle influence aujourd’hui l’art contemporain. Deuxième année : Temps et contretemps Le sujet même du temps peut donner lieu à de multiples présentations qui mettraient en avant, d’une part, le temps même, son calcul, ses effets, sa représentation, d’autre part, le mélange des temps avec la notion de « Revival », c’est-à-dire la réutilisation de formes du passé. Pourraient ainsi être d’abord explorés la notion de chronologie, la mesure du temps et ses effets : - les systèmes de datation et comput (Hégire, Romulus, calendriers juif, égyptiens, indiens) permettraient de faire lieux comprendre au public la relativité des calendriers ; - les instruments du temps et les techniques de datation contemporaines (datations par thermoflorescence, dendrochronologie, etc.) ; - les effets du temps, tant d’un point de vue de la conservation (analyse des altérations) que de l’esthétique (patine, usure…). La notion de « Revival » permet d'explorer le rapport de la création avec le passé. Elle met en évidence les rapports qu'une époque peut entretenir avec une autre que ce soit l'utilisation des répertoires ou des objets d'une autre époque, les visions rétrospectives, les débats sur la notion de modernité ou de tradition. La vision contemporaine du « Revival » y aurait bien sûr toute sa place. 75 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Troisième année : A l’origine des oeuvres Un musée comme le Louvre est constitué pour l'essentiel d'oeuvres qui n'ont jamais été conçues pour être exposées en tant que tel. Aussi est-il intéressant de donner au visiteur à comprendre et à imaginer quels étaient les contextes des objets qu'ils ont aujourd'hui sous les yeux au musée. Autour de plusieurs exemples concrets tirés de plusieurs départements du musée (Antiquités égyptiennes, Antiquités orientales, Antiquités grecques, étrusques et romaines, mais aussi département des Sculptures, département des Objets d'arts, département des Peintures), il s’agirait de montrer dans quel contexte matériel mais aussi culturel ou cultuel un objet a été conçu et utilisé. Ainsi l'usage d'un tableau d'autel, son contexte matériel autant que cultuel pourrait être reconstitué et expliqué. Pour les arts islamiques, une reconstitution d’un élément de mosquée, avec mobilier, tapis et lampes par exemple, pourrait être proposée. Enfin, mais les exemples sont infinis, une mise en scène de mobilier funéraire permettrait de redonner leur sens et leur usage aux objets. En jouant sur le contraste et le retournement de la notion de contexte, l’exposition pourrait aborder dans une seconde partie la notion de remploi et de reprise. Cette partie donnerait à voir la notion de nouveau contexte, de nouvel usage. Parmi les différentes sortes de remploi, il faut distinguer celles qui changent l'usage de l'objet et celles qui transforment ce dernier pour un nouvel usage ou non. Dans le premier cas, l'objet n'est pas obligatoirement transformé, dans le second, il peut presque disparaître sous une transformation physique radicale. C.2 – La Galerie du temps S’inscrivant dans le premier bâtiment de l’aile Est, en prolongement direct du hall d’accueil, la Galerie du temps est un véritable condensé des collections du Louvre. Elle sera le fil conducteur du musée et son identité permanente. D’une surface d’environ 2.500 m2, elle présentera de manière chronologique pour une durée de trois à cinq ans environ trois cents œuvres du Louvre. La Galerie du temps est donc porteuse d’un rôle important, puisqu’elle doit représenter le Louvre tout en permettant un nouveau regard sur les œuvres et une nouvelle manière de vivre le musée. Le défi consiste précisément à réussir ce double enjeu, presque paradoxal : elle doit porter à la fois l’image du Louvre Paris, et s’en démarquer. 1. Les grands principes de la Galerie du temps La représentativité des collections du Louvre de la Galerie du temps donnera au Louvre-Lens son identité première, celle du Louvre. Sans cette identité, le LouvreLens ne serait qu’un lieu d’exposition et non une part du Louvre. Cette identité repose avant tout sur la nature des collections présentées dans le Palais parisien. En dehors du Palais, cette identité doit être préservée, exaltée, sublimée. Idole aux yeux vers 3500 avant J.-C. © Musée du Louvre / B. Larrieu La Galerie du temps reflétera le plus fidèlement possible la variété et les particularités de ses collections et de ses ampleurs chronologiques (du 4e millénaire à 1850) et géographiques (centrées très largement sur la Méditerranée, de l’Iran à l’Amérique du Nord, de la Scandinavie au Yémen). S’il doit refléter le mieux possible la nature et l’histoire des collections du Louvre, il sera aussi conçu en privilégiant l’idée d’une force visuelle, de plaisir, d’évidence formelle. 76 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement La trame chronologique La présentation chronologique sera suivie comme principe fondamental, retenue pour ses vertus pédagogiques et son évidence comme trame structurante du discours. Ingres, Louis-François Bertin, 1832 © Musée du Louvre / A. Dequier – M. Bard La chronologie est la base essentielle de la Galerie du temps. C’est sur cette notion qu’est organisé le parcours. L’approche chronologique offre au visiteur un guide de visite simple, compréhensible par le plus grand nombre, pédagogique donc, même si l’enchaînement des époques n’est pas obligatoirement connu a priori du visiteur et que ce dernier devra être aidé dans son parcours. Réorganiser au Louvre-Lens les œuvres du Musée du Louvre autour de la notion essentielle de chronologie est une occasion rare de permettre aux visiteurs du Louvre d’aborder les objets et les civilisations qu’elles représentent dans leur globalité. L’abolition des frontières entre les départements Alors qu’au Louvre, le visiteur doit avant de jouir des objets faire d’abord un choix spatial (les différentes parties du Palais), puis un choix de civilisation (Moyen-Orient, Egypte, Grèce et Rome) ou un choix technique (peinture, sculptures, objets d’art), le Louvre-Lens organisera dans la Galerie du temps de manière simple l’ensemble des collections dispersées au Louvre. Ce qui surprendra probablement le plus le visiteur du Louvre-Lens, c’est de trouver rassemblées en une seule galerie, des œuvres qui, séparées au Louvre par l’architecture du Palais, mais aussi par l’histoire des collections, ne demandaient qu’à se retrouver, se confronter et dialoguer. Ce parcours chronologique permet de rassembler les œuvres venues de tous les horizons géographiques du Louvre. Ainsi, la Galerie du temps permet de poser un nouveau regard sur les œuvres et, notamment, la mise en relation des œuvres par affinités ou contradiction de formes, la confrontation de civilisations, la possibilité de poser une variété de regards, de présenter une variété de matériaux et de techniques… La fluidité du parcours Une métaphore fluviale peut rendre compte de l’atmosphère générale de la galerie. Le visiteur sera sur ou partiellement dans le fleuve de la Galerie du temps. Cette idée de fluidité, de profusion, d’ampleur rompt avec une trop forte densité des œuvres dans les espaces muséographiques, laissant une place importante au visiteur et à sa relation aux œuvres (notamment en lien avec les dispositifs de médiation). Cette atmosphère correspond à la définition architecturale que Sanaa a donné aussi à son architecture générale, les cinq bâtiments du musée étant comme des barques assemblées par le fil du courant. La Galerie du temps doit dans une grande fluidité conduire le visiteur de manière sereine mais en ménageant aussi des surprises comme la possibilité de faire se succéder des atmosphères subtiles, des volumes différents, de petits ensembles. 2. Chronologie, parcours et représentativité de la Galerie du temps Si la chronologie reste intangible dans son déroulement, sa matérialisation dans la Galerie du temps doit tenir compte de plusieurs paramètres. Si l’on s’en tenait à une représentation homothétique du temps, les départements modernes n’occuperaient environ qu’un sixième de l’espace ou de la longueur. Une représentation pondérée des départements entraîne une répartition très différente, à la fois plus satisfaisante pour le public 77 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement quant à la variété des objets mais aussi quant à l’importance relative des civilisations dans l’imaginaire collectif. Il serait par exemple surprenant pour le public européen de voir les collections du Louvre représentées essentiellement par ses départements antiques dont la géographie relève majoritairement du Moyen-Orient. Il faut tenir compte aussi que certaines civilisations n’ont laissé que peu d’objets à la postérité. Les époques mérovingiennes et carolingiennes en sont un témoignage. En dehors de quelques très beaux et rares vestiges architecturaux, de magnifiques manuscrits, les objets sont rares et les collections du Louvre se révèlent logiquement pauvres. De plus, les objets légués par l’histoire sont souvent d’une taille et d’une nature peu spectaculaires. De manière différente, l’Islam, dont le Louvre conserve des collections exceptionnelles, n’est pas homogène dès qu’il s’agit de la représentation de la figure humaine par exemple. Si les collections islamiques de provenance iraniennes en sont riches, ces figures deviennent plus rares dans les autres ères géographiques sous influence islamique. En cela, les jalons – qui, dans le parcours, représentent la figure humaine - ne peuvent être pour les périodes concernées des objets tirées des collections islamiques. Enfin, le parti reste de s’appuyer sur les collections du Louvre. Malgré leur incomparable richesse permettant d’offrir au visiteur une variété d’œuvres et une vision largement encyclopédique, la présentation n’est pas exempte de manques si le spécialiste s’attend à découvrir une histoire complète de l’art ; manque notamment les œuvres fragiles (arts graphiques, tissus). Ces remarques faites, il a été imaginé une représentation visuellement et intellectuellement équilibrée de l’Antiquité et des périodes modernes. Cette répartition spatiale correspond aussi à la richesse presque équivalente des différents départements du Louvre. Les principes et l’organisation de la Galerie du temps doivent aussi tenir compte de deux centres de gravité des collections du Louvre. Le premier est un centre de gravité géographique que l’on pourrait situer entre la Sicile et Malte. Le second est un centre de gravité historique que l’on pourrait trouver entre le VIIe siècle et le XIIe siècle de notre ère. Ces deux centres délimitent des partitions presque égales des collections du Louvre en département mais pas pour autant en nombre d’objets présentés. Ange, XIIIe siècle © Musée du Louvre / P. Philibert Sur les 120 mètres de longueur de la Galerie du temps, la première moitié du parcours correspond à une période allant des premières civilisations du Croissant fertile à la fin du premier millénaire de notre ère. Une grande partie des civilisations représentées, à l’exception notoire de Rome, qui les englobent et les fédèrent pendant plusieurs siècles, les ères géographiques sont situées à l’est du « centre de gravité » géographique des collections A partir de l’an mil, le basculement des civilisations représentées au Louvre se déplace de manière spectaculaire vers l’Occident et trouve son centre en France pour des raisons liées principalement à la constitution des collections royales. L’un des buts de la Galerie du temps est de donner au visiteur une représentation tempérée, à défaut d’être parfaitement équilibrée, de l’évolution des civilisations et des productions artistiques dans l’ère géographique qui est celle du Louvre. Elle est aussi une représentation des collections du Louvre qui, pour les périodes modernes, se font de plus en plus riches au fur et à mesure que l’on se rapproche du temps présent. 78 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Les périodes de la Galerie du temps Après une introduction qui sera conçue essentiellement par la médiation pour permettre au visiteur de mieux aborder la Galerie du temps, il a été prévu de concevoir dix sections correspondant à dix périodes. Ce rythme et ce découpage forment un ensemble cohérent qui permet à la fois de rendre compte de l’évolution des civilisations et des formes de manière claire mais aussi de ne pas multiplier sur un parcours de 120 mètres des sections qui se révèleraient trop courtes pour pouvoir être saisies. Ces sections comporteront entre 20 et 40 objets en moyenne. Elles offriront à la fois des réunions significatives d’œuvres qui permettent de saisir l’essentiel des grands éléments de compréhension de cette période mais aussi d’y adjoindre des objets qui témoignent des franges géographiques et artistiques. Les périodes se succèderont dans l’ordre suivant. Période 1 : La naissance des civilisations Les quatrième et troisième millénaires avant Jésus-Christ montrent une lente progression vers une société organisée ; le terme de « révolution urbaine » est utilisée par certains savants pour qualifier cette période. Les quatrième et troisième millénaires ne sont pas nettement séparés mais, au contraire, c’est une lente évolution entre les deux millénaires vers une société de plus en plus établie, sédentarisée, organisée, codifiée. Au quatrième millénaire Les collections d’antiques du Musée du Louvre commencent dès le septième millénaire. Cependant le parti a été de choisir de commencer la Galerie du Temps par le quatrième millénaire, moment où des sociétés constituées se développent en Mésopotamie et en Egypte, plus particulièrement. Dorénavant, les hommes se sédentarisent dans des agglomérations construites, dirigées par un pouvoir solide dirigé par un roi-prêtre intermédiaire entre les dieux et les hommes, en Mésopotamie ; tandis que des « rois » commencent à s’imposer en Egypte à la période prédynastique. Des cités-états organisés, protégés par des dieux tutélaires, commencent à organiser leur administration en inventant l’écriture (- 3300 avant J.-C. pour la Mésopotamie et – 3100 avant J.-C. pour l’Egypte). De part et d’autre des grands fleuves (Tigre, Euphrate et Nil), les codes de représentations des pouvoirs sont mis en place, mais aussi des codes hérités de la préhistoire comme les symboles de la féminité (idole en forme de violon). De nombreux rapprochements stylistiques peuvent être faits à cette époque entre des figures mésopotamiennes et des figures égyptiennes ; y a t il vraiment eu des contacts à cette période reculée entre ces deux grandes civilisations ? Au troisième millénaire La mise en place de codes extrêmement précis en Egypte à l’Ancien Empire s’impose pour l’ensemble des productions artistiques. De même, au Moyen-Orient, chaque période se caractérise par des costumes différents ; même si des codes sont établis pour certains gestes (celui de l’orant par exemple) ou certains rites (libation, banquet) sur l’ensemble de la période. Dans certaines régions, on retrouve le thème récurent de la féminité. Par ailleurs, les Cyclades, entre le continent grec et l’Asie mineure, développe une brillante civilisation en travaillant le marbre : pureté des lignes et dépouillement des formes, triomphe de l’abstraction. Bien des mystères demeurent quant à la fonction réelle de ces figures (idoles de fécondité, concubines du mort, grande déesse mère ?). Ces statuettes savantes et primitives tout à la fois scellent la première rencontre du génie grec avec le marbre cristallin. Période 2 : Un monde international Le deuxième millénaire avant Jésus-Christ se scinde en deux moments forts, interrompus brutalement par l’arrivée d’envahisseurs, dits « Peuples de la Mer » vers le XIIe siècle av. J.-C. 79 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Si, au début du millénaire, la Mésopotamie est toujours un centre de pouvoir et de création essentiel, elle s’ouvre de plus en plus vers l’ouest ; la deuxième moitié du deuxième millénaire voit se développer la puissance du Nouvel Empire égyptien, la richesse des comptoirs tournés vers la mer et la persistance de royaumes périphériques forts en Anatolie, en Iran qui se distinguent par des expressions artistiques originales. Les échanges sur la côte méditerranéenne se font de plus en plus intenses : échanges politiques et commerciaux. L’emploi de l’accadien comme langue diplomatique est caractéristique de la période ; dans le même temps, des systèmes alphabétiques se mettent en place. Les influences sont notoires et les témoignages nombreux entre les empires orientaux, les pharaons égyptiens et les peuples méditerranéens. Dès le début du deuxième millénaire, c’est une brillante civilisation mycénienne qui domine la Méditerranée ; ce sont des Grecs à part entière. Période 3 : Les derniers grands empires orientaux La césure entre les deux millénaires se fait plutôt à la fin du deuxième millénaire avec le début de l’âge du Fer et la destruction des civilisations en place par les « Peuples de la Mer ». Au début du premier millénaire, des grands empires orientaux restent tout puissant, envahissent les pays voisins jusqu’à l’Egypte. Les grands rois Assyriens sont restés dans notre mémoire grâce aux immenses palais décorés de sculptures monumentales révélés par des fouilles françaises au XIXe s. Puis Babylone devient le centre du pouvoir entre 609 et 539 av. J.-C., avec son roi le plus célèbre Nabuchodonosor II qui embellit la cité mésopotamienne (la voie processionnelle de briques bleues est conservée au musée Pergamon de Berlin ; le Louvre ne conserve aucune collection de cette période brillante). L’Empire perse sera le dernier grand empire d’Orient a dominé le monde antique de 539 à 330 av. J.-C. Les sites perses sont spectaculaires tel Persépolis ; le Musée du Louvre montre les restes architecturaux du palais de Darius 1er de Suse. Dans le même temps, des civilisations particulières se développent comme celle de Marlik ou celle du Luristan. Des peuples du Levant dominent la région côtière, les tribus d’Israël, les Phéniciens. Ces derniers vont installer dans tout le monde méditerranéen des comptoirs, diffusant ainsi une culture orientale et l’alphabet, croisant sur leur route les bateaux grecs qui installent aussi des colonies jusqu’aux confins occidentaux de la mer Méditerranée. En Occident, passer la période troublée de la fin du deuxième millénaire, l’art grec se développe à nouveau sous une forme très sévère que l’on nommera « la période géométrique » avec son répertoire rigoureux. La Grèce antique, par la géographie comme par l’organisation politique et sociale, est un monde fractionné. Chaque région, chaque cité possèdent des particularismes qui sont conservés et cultivés. Ce phénomène s’observe dans le domaine de l’art où s’affirment styles et écoles. Période 4 : Du classicisme à l’art hellénistique Au sortir du VIe siècle, qui a vu le développement des échanges entre l’Orient et l’Occident par l’intermédiaire de Chypre et de l’Egypte, le Grèce devient le théâtre des principaux enjeux du Ve siècle av. J.-C. en Méditerranée. Les guerres médiques signent à deux reprises l’échec des Perses à prendre pied en Grèce continentale. Athènes, à la tête de la Ligue de Délos, apparaît alors la seule puissance militaire capable de tenir tête aux Achéménides. La cité devient le foyer d’un nouvel art « classique », fondé sur l’équilibre des proportions et le goût de la perfection des corps. Déjà en germe chez les Pionniers de la céramique à figures rouges, il se développe pleinement dans la seconde moitié du Ve siècle avec Phidias en sculpture. Sur le plan politique, Cimon transforme progressivement la Ligue de Délos en véritable empire maritime et fait d’Athènes une grande puissance coloniale du bassin méditerranéen. Périclès poursuit cette politique impérialiste tout en renforçant les institutions démocratiques de la cité et en présidant à la reconstruction de son acropole, désormais dominée par le Panthénon. 80 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Athènes devient ainsi un modèle. Ses écoles philosophiques du IVe siècle av. J.-C., avec les grandes figures de Platon et d’Aristote, contribuent à sa renommée intellectuelle, malgré le déclin de sa puissance militaire après la Guerre du Péloponnèse (431-404). Paradoxalement, si le IVe siècle marque le morcellement politique de la Grèce et l'affaiblissement de ses cités, il est aussi le siècle d'un grand rayonnement artistique qu'Alexandre le Grand contribue à amplifier en le diffusant jusqu'aux confins de la vallée de l'Indus. Si l'empire s'effondre rapidement à la mort de son conquérant en 323 av J.-C., l'art hellénistique, héritier des formes grecques mais aussi des représentations auliques de l'Orient, s'enrichit de ses diversités locales tout en créant un langage commun à tout le bassin méditerranéen, jusqu'à sa romanisation progressive. Période 5 : La domination de l’Empire romain L’Empire romain se construit dans les affrontements, les guerres et les échanges culturels. Rome devient le centre du monde au début de notre ère jusqu’au Ve siècle. Le monde romain a considérablement évolué pendant les douze siècles de son histoire. La « civilisation romaine » s’est enrichie d’autres cultures qui sont venues se fondre dans l’ensemble. Les Romains mirent huit siècles à conquérir un territoire immense de la « Bretagne » (Grande) à l’Euphrate, de la péninsule ibérique à l’Egypte. Le monde romain est profondément inégalitaire : tous les habitants n’ont pas le même statut : les différences sont énormes entre les hommes et les femmes, entre les étrangers et les Romains, entre les esclaves et les hommes libres. Certains auteurs se posent la question : « existe-t-il un art romain ? » car l’esprit hellénique est encore fortement présent. De ce substrat, les Romains construiront une idéologie morale et politique. L’artiste est au service de son commanditaire. Il est regrettable de ne pouvoir évoquer dans un musée la grandeur de l’architecture romaine, reflet de l’idéal civique romain : sur les sites antiques, les temples côtoient d’immenses bâtiments publics (forums, bains, amphithéâtres, cirques). La sculpture servira dès les premiers siècles de l’empire à immortaliser les hommes d’état. On remarquera que cet art du portrait évoluera vers la monumentalité et la hiératisation des traits. Parallèlement à l’art officiel évoqué, un art raffiné se développera dans les luxueuses villas des nantis de l’empire (traduction de la hiérarchisation de la société) ; un art fait de poésie et de rêverie se manifeste sur les peintures murales, les mosaïques… Une attention toute particulière est accordée au culte des morts en diverses régions du monde romain, reflétant les angoisses et les interrogations sur la destinée des âmes. En Occident, ce sont des sarcophages richement sculptés de scènes inspirées de la mythologie grecque ; les premiers sarcophages chrétiens oublieront ces effets ostentatoires pour leurs préférer un style plus lisible, symétrique et clair. En Orient, la cité de Palmyre construit des tours pour ses morts et excelle dans l’art du portrait du défunt ; en Egypte, l’art funéraire perpétue la tradition égyptienne de préserver l’intégrité du corps du défunt. Période 6 : Le grand basculement Le Ve siècle voit la chute de l’Empire romain d’Occident, en particulier sous la pression des grandes invasions. Cet écroulement est sensible dans les manifestations artistiques qui s’attachent désormais à la réalisation d’objets de dimensions réduites en particulier d’orfèvrerie. C’est jusqu’au VIIe siècle la mise en place de l’Empire romain d’Orient, l’établissement et la structuration de la religion chrétienne sur l’ensemble du pourtour méditerranéen. L’art byzantin tout en restant l’héritier de la tradition romaine s’en éloigne par son hiératisme, son rejet du réalisme et des canons classiques. A partir du VIIe siècle, apparaît l’Islam qui occupe rapidement une grande partie de l’est et du sud de cet ensemble. Période 7 : Les moyens âges Ces quatre siècles sont ceux du renouveau et de l’expansion de l’Occident chrétien. Les croisades qui témoignent de cette vitalité sont aussi la source d’une imprégnation de l’Occident par l’Orient. Les répertoires décoratifs antiques sont rapidement mêlés aux figures et au bestiaire tirés d’un imaginaire plus oriental. A l’Est, si l’empire ottoman s’impose territorialement, l’empire byzantin voit sa 81 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement civilisation connaître une véritable renaissance. D’un point de vue purement artistique, l’Europe voit se succéder essentiellement deux grands moments avec l’art roman puis gothique qui, au-delà de leurs aspects architecturaux, se traduisent par une évolution sensible de la statuaire et des arts décoratifs. Pour ces derniers, l’ivoire et les émaux témoignent de cette recherche grandissante de raffinement et de richesse. Période 8 : Renaissance Alors que la chute de Constantinople (1453) établit un équilibre durable entre la puissance musulmane et l’Occident chrétien, l’Europe connaît une profonde mutation intellectuelle et économique. Après plusieurs siècles, la société qui était jusque là structurée autour des valeurs chrétiennes voit l’introduction d’une pensée humaniste imprégnée des valeurs et des savoirs de l’Antiquité. Ce regard porté sur l’Antiquité se traduit de manière encore plus manifeste dans le répertoire de l’architecture, de la statuaire ou de la peinture entraînant une rupture souvent radicale avec l’esthétique gothique. Parallèlement, la Réforme divise les royaumes européens avec un nord essentiellement protestant et un sud catholique. Cette division aura des conséquences durables sur les pratiques artistiques, les unes souvent liées à l’Eglise, les autres établissant un rapport très nouveau avec la société civile. Artistiquement, la période se divise par un premier siècle imprégné d’équilibre venu de l’Antiquité rapidement bousculé par une vision du monde plus dramatique avec le maniérisme. Période 9 : Baroque et classicisme Pendant près d’un siècle et demi, les royaumes européens vont se structurer fortement autour de monarchies puissantes qui influencent et régissent les arts. Les notions de baroque et de classicisme reflètent les attitudes mais aussi les usages divers que font de l’art ces pouvoirs temporels ou spirituels. A la dramatisation de la première moitié du XVIIe siècle, marqué par les contrastes picturaux du caravagisme mais aussi la prolifération du premier art baroque, va succéder une vision plus ordonnée et coordonnée des arts. La mise en place des Académies et de leurs hiérarchies mais surtout la subordination des arts à un dessein unique, comme à Versailles, sont les marques des dernières décennies du XVIIe siècle. Par réaction, un mouvement décoratif puissant, le rocaille, bouleverse à partir de 1720 les apparences sans remettre en cause les hiérarchies. Période 10 : Un temps de rupture C’est l’époque des ruptures, politiques avec les révolutions inspirées par l’esprit des Lumières, techniques avec les nouvelles sciences, artistiques avec la succession des redécouvertes de l’Antiquité, du Moyen Age mais surtout par l’introduction plus générale du romantisme qui bouleverse les codes établis depuis la Renaissance. C’est aussi une attention grandissante accordée par les artistes aux sentiments individuels et à leurs manifestations. La révolution industrielle, les nouveaux rapports sociaux sont aussi des critères déterminant dans les évolutions esthétiques de la période, marquées à la fois par l’exaltation des grands destins mais aussi par une remise en cause des traditions. 82 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 3. L’organisation de la Galerie du temps : les « jalons » Tout au long du parcours, une dizaine de jalons sera sélectionnée qui, sur le thème de la figure humaine, permettra aux visiteurs de sentir la scansion de l’histoire. Ces jalons devront incarner leur temps, ils seront l’expression de l’homme dans son temps. Les objets choisis devront donner à voir l’homme et la femme dans les « habits » de leur époque. Les critères de choix des « jalons » Qualité visuelle pour le grand public Statuette féminine cycladique (2700 – 2300 avant J.-C.) © Musée du Louvre Chacun de ces jalons doit se signaler au visiteur par l’évidence de son appartenance à une époque mais aussi par sa qualité esthétique. Cette qualité peut prendre les noms de beauté, de virtuosité, d’émotion, mais il faut que l’œuvre « parle » immédiatement au visiteur. Sans parler de réunir un ensemble de chefs-d’œuvres universels, certaines œuvres devront en effet offrir une familiarité préalable au visiteur. C’est par le biais de ces œuvres qui sont à la fois un repère, une assurance, une famille, que le rythme sera plaisant. Qualité artistique Les jalons doivent aussi être d’une extrême qualité artistique, ce qui diffère quelque peu de la notion précédente en ce qu’elle relève de notions qui peuvent échapper aux visiteurs, mais doivent conduire les conservateurs du Louvre dans leur choix. Ce critère doit rester à la base de toute sélection. Représentativité Chacune des œuvres qui constituent les jalons de la Galerie du temps doivent aussi être parfaitement représentatives de la période qu’elles scandent. Pour les époques dominées par l’Egypte, il est naturel que le jalon soit égyptien, pour la période régentée par Rome de même. De la même façon, la fin du XVIIe siècle sera incarnée par un portrait français. Les exceptions, les œuvres atypiques doivent avoir leur place dans le parcours, ne serait-ce que pour expliquer la variété et la complexité d’une époque, mais la Galerie du temps ne peut être une somme d’exceptions. Cette représentativité est aussi la condition de la pédagogie. Homogénéité Enfin, ces jalons doivent constituer un ensemble homogène tant par leur qualité que par leur nature. Une muséographie particulière est souhaitable pour permettre d’en souligner le caractère de scansion. Le thème qui unit les jalons de la Galerie du temps est celui de la figure humaine. Le corps et le visage humain sont depuis les origines de l’humanité l’un des motifs favoris de représentation des hommes et des artistes. Au fil des siècles, ces représentations ont évolué, ont changé, se sont éloignées ou rapprochées de leur objet. Le Louvre possède de ce point de vue une collection d’une incroyable richesse. A travers une sélection d’œuvres provenant de tous ses départements, la Galerie du temps devra montrer les évolutions parallèles ou divergentes, les significations variées, les symboliques particulières de cette représentation. Ce thème est d’une grande richesse et peut être d’ailleurs développé dans une double dimension. Une dimension esthétique qui interroge la figure humaine sous l’angle de la forme et des styles. L’analyse formelle met en exergue les différences, similitudes et « évolutions » stylistiques de 83 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement représentation (par exemple, le langage synthétique des statuettes cycladiques, le réalisme des portraits romains…). Cette dimension permet de favoriser la proximité avec le public : avant d’être des critères de l’histoire de l’art, ce sont des évidences visuelles qui peuvent être très facilement lisibles et perceptibles pour tout un chacun. Une dimension anthropologique : c’est la dimension qui interroge la figure humaine sous l’angle de la civilisation dont elle est issue (l’homme dans son temps et son environnement). Elle permet d’expliquer pourquoi chaque culture a ses propres codes de représentation, liés au degré d’évolution de la société, de ses contacts et échanges, de ses caractéristiques géographiques et de ses ressources naturelles, de sa vision du monde… Cette dimension peut être aussi un moyen fort de rapprochement avec le public, le spectateur étant lui-même questionné comme être humain au sein d’une époque, avec une interrogation de ses propres valeurs. L’empereur Lucius Verus, Entre 180 et 183 après J.-C © Musée du Louvre L’intérêt de cette thématique pour le visiteur est aussi de lui permettre d’avoir une familiarité immédiate avec l’œuvre. Il n’est pas besoin de connaître la Bible, Plutarque, l’histoire égyptienne ou romaine pour comprendre un visage ou la représentation d’un homme. Qu’il soit un puissant, un bourgeois, ou un paysan, la représentation des hommes est universelle, elle est surtout compréhensible par tous quels que soient la nationalité, l’âge, le milieu de celui qui regarde. Chaque visiteur pourra ainsi se retrouver dans le courant de la Galerie du temps. 4. La médiation de la Galerie du temps La Galerie du temps est l’occasion d’offrir aux publics une nouvelle vision du Louvre. Elle donne à voir « le Louvre autrement ». Elle propose aux visiteurs un véritable voyage dans le temps et l'espace en combinant une double approche esthétique et sémantique. Public au Louvre © 2000 Musée du Louvre / M. Chassat Une nouvelle approche esthétique. Les oeuvres, pour la première fois réunies dans un espace unitaire, linéaire, ouvert, clairement orienté par la chronologie, se présentent d’emblée dans leur profusion, richesse et qualité artistique. En même temps, sorties pour la première fois de la logique cloisonnée des départements, elles entrent dans un vrai jeu de confrontations visuelles, de dialogue, de renvois. A un premier niveau, l’impact visuel de la Galerie du temps, immense promenade dans le temps, les civilisations et les différentes formes d’expression artistique, est donc saisissant. Il représente en soi une forme intuitive de compréhension de l’histoire des formes. Une nouvelle approche sémantique. Au Louvre-Lens, les oeuvres ne sont pas seulement porteuses d'un contenu d’histoire de l’art ; elles permettent d'aborder certaines problématiques comme le rapport au temps, les questions de destination et de contexte de production des oeuvres, la constitution de la collection, la place de l'artiste, le sens du Musée. Dans ce contexte, il n’est pas tellement question d’« apprendre » au visiteur des contenus prédéterminés, figés et univoques, mais plutôt de l’aider à acquérir les compétences pour qu’il devienne un visiteur connaisseur. Pour ce faire, la médiation doit donner à chacun les moyens de lire, comprendre et décoder ce qui lui est proposé lui permettant ainsi d'exercer son autonomie. Elle permet de construire du sens et de développer la distance critique nécessaire pour apprécier les oeuvres. Aussi, elle : - fournit tous les outils qui permettent de se repérer dans le temps et de se situer dans l’espace ; - présente le contexte de la production artistique ; - fait émerger les problématiques associées à la production artistique et la constitution des collections ; 84 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement - pose la question de la continuité, des bouleversements, de l'évolution, de la rupture, des influences en histoire de l'art ; - donne à voir la richesse et la diversité des collections du Louvre. Se repérer Le parcours s’organise en dix séquences chronologiques ; chacune propose des cartes et une ligne du temps qui permettent de se situer et de situer les oeuvres. Pour fournir un premier niveau de lecture plus accessible et permettre de comprendre les grands mouvements, les dix séquences seront regroupées en quatre grands temps : l’Antiquité ancienne (périodes 1 à 3), l’Antiquité classique (périodes 4-5), le Moyen Age (périodes 6-7) et les Temps modernes (périodes 8 à10). Le passage d’un temps à l’autre est souligné par la présence de stations-repères qui structurent le parcours et créent une dynamique de visite. Ces lieux ponctuent l’espace au travers d’un principe spatial de récurrence. Ils se distinguent dans leur forme des solutions muséographiques retenues pour la mise en valeur des œuvres. On y traite des grands enjeux géographiques et historiques comme des évolutions culturelles et artistiques. Le visiteur y est invité, seul ou en groupe, à faire le point sur ce qu’il a découvert dans son parcours pour mieux apprécier la suite de sa visite. Ces lieux favorisent une grande interactivité. Aussi les stations-repères intègrent-elles des équipements de confort pour les visiteurs mais aussi des outils de médiation de différentes natures, comme par exemple : - sur une des faces extérieures, une médiation statique introductive à la visite de la séquence (équivalent d’un texte d’introduction). Cette solution évite de multiplier les supports de médiation (concurrents et d’un même niveau) au sein d’une même séquence ; - des cartes dynamiques qui permettent aux visiteurs de se resituer dans l’espace et dans le temps. A chaque station, ces cartes auront la même configuration et le même mode de fonctionnement. Elles s’adressent à tous les publics. Un commentaire audio (parlé et musical) accompagne la manipulation et est accessible par système intégré ; - à côté de ces éléments récurrents, d’autres systèmes de type vidéo/son (en casque) ou des dispositifs interactifs, s’adressant à tous les publics (trois langues systématiquement), parfois adaptés d’un point de vue ergonomique à de jeunes enfants, mai aussi des dispositifs de téléchargement de programmes sur téléphones, ordinateurs portables ou autres appareils nomades, de jeux pour enfants, etc. Devenir un amateur Eduquer le regard est un principe mis de l’avant depuis le début du projet. Il se traduit dans la Galerie du temps par une médiation qui met chaque visiteur en situation de devenir un amateur. Apprendre à analyser les œuvres en les comparant, convoquer ses connaissances et son expérience personnelle pour comprendre, apprendre, s’émouvoir, s’ouvrir au plaisir esthétique sont autant de mises en situation qui lui seront proposées au fil de son parcours dans la Galerie du temps. Un outil nomade lui permettra de voir sa progression dans l’acquisition des compétences qui sont nécessaires pour mieux apprécier les œuvres. La construction de ce savoir-faire n’est possible qu’à condition que chacun se sente légitime. Pour cela, la médiation n’hésitera pas à présenter plusieurs points de vue et à faire comprendre que le musée est certes un lieu de savoir et de connaissance mais qu’il est aussi un lieu de recherche et de débat où chacun a son mot à dire. 85 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement C.3 – L’espace des expositions temporaires Parmi les composantes fondamentales du Louvre-Lens, la politique des grandes expositions a toujours été perçue comme essentielle au succès du projet. C’est pour cette raison qu’un pavillon entier, de près de 2.000 m2 de surface utile, est consacré à ce seul usage. 1. Des expositions visant l’excellence Les expositions présentées au Louvre-Lens devront, si l’on veut assurer un succès populaire à l’établissement, répondre à plusieurs critères. L’importance du choix des commissaires, des sujets, des points de vue doit refléter fidèlement la tradition d’excellence du Musée du Louvre. Cette apparente évidence d’exigence ne doit pas être passée sous silence sous le prétexte qu’elle serait naturelle. La cohérence de la programmation entre le Louvre et le Louvre-Lens ne doit pas être une différenciation de qualité mais bien une différenciation de programme. Il n’y aura pas de hiérarchie qualitative entre les deux établissements mais bien plutôt une répartition consciente des meilleures programmations pour chacun des établissements. A l’heure actuelle, les salles d’exposition du Louvre ne permettent pas de répondre à toutes les sollicitations intérieures et extérieures. Les choix, que l’on pourrait qualifier de cornéliens, sont aujourd’hui le quotidien de la programmation des expositions du Louvre. Il est donc souhaitable et souhaité que le Louvre-Lens offre de nouvelles possibilités d’expositions en coordination étroite avec la programmation du Louvre. L’espace même que l’on peut consacrer à une exposition au Louvre est à l’heure actuelle trop réduit pour certaines expositions d’envergure. Il est donc naturel que le Louvre-Lens soit une des destinations naturelles de grandes expositions que le Louvre ne peut accueillir pour des raisons de manque d’espace. Il est important de noter que la proximité géographique entre le Louvre et le Louvre-Lens doit dès aujourd’hui nous conduire à penser qu’à de rares exceptions près, une exposition présentée dans l’un des deux établissements ne connaîtra pas d’étape dans l’autre. Il faut donc considérer que les deux sites auront une programmation complémentaire, toujours différente. Cette exigence qualitative énoncée plus haut ne doit pas pour autant nous conduire à penser qu’elle soit une exigence contradictoire avec le souhait de proposer des expositions largement accessibles à tous. On l’a vu dans les années récentes au Louvre avec les expositions comme Les artisans de Pharaon ou Ingres, au Grand Palais avec Mélancolie, ou à la National Gallery de Londres avec les expositions Caravage ou Rubens. Le Louvre-Lens doit proposer à son public des expositions qui trouvent dans leur qualité même, dans l’originalité de leur approche, la source de leur succès. Le programme d’exposition du Louvre-Lens est aussi défini dans son ampleur chronologique et géographique. Tout naturellement, le champ des collections du Louvre, des premières cités du Proche-Orient à la fin du XIXe siècle, permet une programmation large sur l’ensemble de cette période et de cette géographie. Toutes les périodes et tous les lieux sont donc susceptibles d’être traités dans ce cadre. Il serait néanmoins dommage, malgré l’ampleur de l’ensemble scientifique, de s’en tenir strictement à ce cadre et ne pas « inclure des excursus ». L’importance des relectures transversales qui sont aujourd’hui l’un des nouveaux champs de l’histoire de l’art doit trouver naturellement sa place au Louvre-Lens. La programmation du Louvre-Lens en matière d’expositions doit donc être conçue et prévue comme la plus ouverte possible, sans exclusive et sans parti pris. Alors même que le Louvre s’est ouvert depuis des années à toutes sortes de formes artistiques extérieures à ses ères et aires de collections, il serait dommage que le Louvre-Lens se cantonne à celles-ci. 86 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 2. Deux grandes expositions chaque année Le rythme des expositions temporaires est un paramètre important du succès du Louvre-Lens. En tenant compte des moments incompressibles de montage et démontage d’une exposition (9 à 10 semaines dont 1 semaine de décrochage au minimum, 2 semaines de démontage et de mise en benne, 4 semaines de montage et finition, 3 semaines d’accrochage et soclage), le Louvre-Lens pourra présenter deux grandes expositions par an. Ces expositions seront ouvertes trois à quatre mois ce qui est la durée normale d’une exposition de format international. Les meilleures périodes pour la présentation de ces expositions ont été déterminées en fonction des saisons les plus favorables pour un lieu tel que Lens. L’enjeu est d’offrir non seulement un nouveau lieu culturel aux habitants du Nord – Pas de Calais mais aussi de conforter l’attractivité touristique de la région. Le calendrier des expositions doit tenir compte de ces objectifs. La première exposition aura lieu à l’automne et à l’hiver de mi-novembre à mi-février. Cette saison est généralement considérée comme la saison majeure des expositions. La seconde exposition aura lieu en été (de fin mai à début septembre). Cette programmation en décalage avec celles des grandes capitales européennes correspond en revanche mieux à une destination du type Louvre-Lens. Elle permet d’attirer dans la région un public touristique, en particulier étranger. Un tel événement répond aussi aux demandes d’animation des touristes d’ores et déjà présents dans la région, nombreux notamment l’été sur la Côte d’Opale ou sur la côte belge. Le positionnement d’été offre de surcroît la possibilité d’accueillir des expositions internationales qui manquent souvent d’étapes estivales. En effet, en dehors de cités festivalières comme Edimbourg, de lieux d’estive, généralement de toutes petites villes comme Céret, ou de quelques villes importantes situées à proximité de lieux de vacances importants comme Aix-en-Provence, Nice ou Barcelone, les organisateurs d’expositions sont toujours à la recherche d’une étape importante et de qualité pour l’été. Il est donc souhaitable que le Louvre-Lens s’inscrive rapidement comme une étape incontournable des grandes expositions internationales. L’exposition d’été devrait démarrer début juin afin de bénéficier d’une bonne couverture médiatique dans la presse régionale, nationale et internationale, avant l’ouverture de la saison des festivals qui se fait dès le début du mois de juillet. Le mois de juin est l’occasion d’offrir aussi aux scolaires de la région la possibilité de sorties de fin d’année. Cette politique de grandes expositions nécessitera de nombreuses collaborations et une parfaite coordination avec les projets imaginés par le Louvre tant pour Paris que pour des lieux extérieurs comme Atlanta aujourd’hui ou Abou Dabi demain. Un véritable circuit international comprenant l’étape lensoise permettrait au public français de bénéficier d’expositions qui étaient jusque là conçues seulement pour une ou deux étapes étrangères. Par son emplacement en Europe et par la qualité et la technicité de ses espaces d’exposition, le Louvre-Lens se présente comme un lieu parfaitement adapté à l’accueil de telles expositions. Proposition de calendrier type Exposition d’été Début de mise en place de l’exposition mi-avril. L’inauguration de l’exposition devrait avoir lieu la dernière semaine de mai, première semaine de juin au plus tard. La fermeture devrait avoir lieu la première semaine de septembre ou à la mi-septembre. Exposition d’automne-hiver Elle pourrait être inaugurée 10 semaines plus tard c’est à dire première quinzaine de novembre. Elle pourrait s’achever à la mi-février permettant ainsi d’être disponible pour une étape de printemps ailleurs. 87 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 3. Le programme des expositions Les expositions du Louvre-Lens seront conçues de manière à alterner des expositions de grande ampleur, sur un lieu ou un temps qui a compté dans l’histoire des civilisations, sur des artistes ou sur des thèmes transversaux à l’histoire de l’art. Les expositions d’automne-hiver seront plus particulièrement orientées vers la présentation d’une période artistique, d’une civilisation. Ces expositions, dites de civilisation, doivent permettre de présenter de manière didactique et complète le point le plus récent sur un grand moment de l’histoire de l’art ou d’une civilisation. L’exposition Renaissance qui fera l’ouverture du Louvre-Lens en est un bon exemple. Ces expositions auront un caractère pédagogique affirmé pour répondre aux attentes des populations scolaires. Les expositions d’été s’adresseront à un public plus large, plus touristique, plus international. Les coopérations internationales seront alors privilégiées. Outre la cohérence de la programmation avec celle du Louvre telle que déjà évoquée, les thèmes des expositions seront choisis en recherchant un équilibre entre sujets antiques et sujets modernes sans forcément conduire à une stricte alternance des expositions, mais plutôt à un équilibre de la programmation sur le moyen terme. Le programme indicatif des expositions envisagées pour les quatre premières années est présenté cidessous, sachant qu’il est susceptible d’être modifié en fonction de la date d’ouverture du musée, certaines expositions ayant été proposées en fonction des disponibilités des œuvres, comme par exemple l’exposition sur « Les Etrusques », prévue lors de la fermeture des salles correspondantes du Louvre. Le programme indicatif des expositions du Louvre-Lens Première année : Hiver : La Renaissance, Eté : L’Europe de Rubens, Deuxième année : Hiver : Le monde d’Homère, Eté : Virtuosité, Troisième année : Hiver : Champollion, Eté : Une histoire du paysage, Quatrième année : Hiver : Les Etrusques, Eté : Monographie. Sont présentés ci-après trois de ces huit expositions. Celle d’ouverture, assurée par Geneviève BresBautier, conservateur général au Louvre, qui portera sur la Renaissance et qui, à la différence des suivantes, fera essentiellement appel aux collections du Louvre pour pallier les incertitudes de la date d’ouverture du Louvre-Lens. Celle d’Andréas Blühm, directeur du Walraff Richarz Museum de Cologne, autour du thème de la virtuosité qui permet de nouer une première coopération internationale. Enfin, celle sur l’histoire du paysage, conçue par Vincent Pomarède, conservateur général au Louvre, qui promet d’être une exposition s’ouvrant sur de nombreuses disciplines. 88 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement L’exposition Renaissance L’exposition dont le commissaire général est Geneviève Bresc-Bautier, conservateur général en charge du département des Sculptures au Musée du Louvre, abordera de manière large le phénomène de la Renaissance en Europe du XVe au XVIe siècles. Scipion, fin du XVe siècle © Musée du Louvre / P. Philibert Cette exposition sera conçue avec les œuvres du Louvre, venant de tous les départements. Les peintures, les sculptures, les objets d’art, les dessins mais aussi les antiques seront présentés de manière à rendre compte du foisonnement d’une époque déterminante dans les arts comme dans l’histoire. L’exposition fera le point sur les dernières découvertes de l’histoire de l’art. Elle rendra compte des complexes passages du gothique à la Renaissance et s’interrogera sur l’importance de la définition du maniérisme qui marque le XVIe siècle. C’est pendant cette période que l’Europe toute entière s’ouvre à de multiples influences, au rayonnement de l’Antiquité d’abord, aux empreintes réciproques des Pays-Bas et de l’Italie, à celles de l’Orient aussi au travers de Venise. L’influence de l’Antiquité n’est pas seulement une inspiration formelle, un retour aux sources de l’art romain, mais aussi la réapparition de tout l’héritage culturel classique, celui des auteurs latins, païens ou chrétiens. Les découvertes archéologiques, l’importance du regard sur la statuaire sont autant de ferments du renouveau. L’architecture, la sculpture en ronde bosse, l’art de la médaille, les thématiques de la peinture, le portrait se trouvent bouleversés par cet apport visuel. A ces apports culturels antiques se mêlent des bouleversements scientifiques. La perspective en est la manifestation la plus visible mais les découvertes mathématiques, l’anatomie sont aussi d’importants éléments de changements. Le développement de l’humanisme, les questionnements religieux avec l’apparition de la Réforme sont aussi des moments cruciaux dans l’élaboration d’un nouveau monde européen. Enfin, la découverte de l’Amérique en 1492 et les premiers voyages autour du monde ouvrent au sens propre des perspectives immenses. Les nouveautés techniques bouleversent les échanges artistiques avec l’apparition de l’imprimerie, le développement spectaculaire de la gravure, le moulage et la diffusion des sculptures par l’édition de bronzes, le développement de la faïence. Ces nouveautés transforment radicalement le système de diffusion des modèles esthétiques. Les échanges entre les grands foyers artistiques deviennent intenses. L’apparition de grands mécènes est aussi déterminante pour l’éclosion des nouvelles esthétiques. Les rivalités comme les alliances sont souvent à l’origine de réalisations spectaculaires dans les tous les arts. Des familles entières comme les Médicis, les Este, la cour de France mais aussi les grandes familles marchandes du Nord sont un ressort essentiel à ce bouleversement visuel et intellectuel de la Renaissance. Virtuosité : les maîtres de l’illusion dans l’art occidental Conçue par Andreas Blühm, directeur du Walraff Richarz Museum de Cologne (Allemagne), cette exposition permet au visiteur d’aborder l’aspect matériel des objets sous l’un de ses aspects les plus spectaculaires, la virtuosité. La virtuosité a toujours été pour les artistes comme pour les amateurs l’un des critères d’appréciation des œuvres. Du chef-d’œuvre de compagnon à l’extrême précision d’un peintre hollandais de l’école de Leyde, du trompe l’œil à l’infini travail de l’ivoire, la virtuosité de l’artiste comme de l’artisan a toujours fasciné le grand public. 89 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Cette exposition explore un principe artistique qui a été longtemps négligé alors même qu’il est à l’origine d’une grande partie des ambitions artistiques : la virtuosité. Cette notion a été longtemps à l’origine des principaux enseignements artistiques dans les cultures les plus diverses et dans les domaines les plus variés. Dans l’art occidental, les artistes ont depuis longtemps (avec les Grecs de manière certaine) développé une incroyable capacité à l’imitation. Les exemples les plus fameux sont ceux de Zeuxis qui peignit de manière si convaincante des grappes de raisins que les oiseaux s’y trompèrent et celui de Pygmalion avec le mythe de la statue qui prit vie. A ces débats anciens, s’ajoutait toujours la compétition permanente entre les artistes, le besoin de convaincre et de garder leur clientèle aristocratique ou bourgeoise. La virtuosité était aussi le moyen d’entrer dans les cercles académiques comme le montrent parfaitement les morceaux de réception, véritables pièces de bravoure technique. Ces capacités techniques que la virtuosité exalte furent parfois niées, comme relevant d’une certaine vulgarité de la conception de l’art. Certains artistes dissimulèrent leur virtuosité sous une apparence de facilité rendant encore plus complexe cette notion. L’exposition permettra ainsi d’explorer sous un nouvel angle la création artistique. Elle permettra aussi, en brisant les notions de chronologie et d’école, de rendre compte différemment des œuvres en rappelant les contraintes et les notions de pure virtuosité. Du paysage : L’art n’est pas chose diverse de la nature Proposée par Vincent Pomarède, conservateur général en charge du département des Peintures au Musée du Louvre, une des expositions organisées au « Louvre-Lens » traiterait l’invention du paysage en tant que genre autonome, c’est-à-dire le passage progressif d’une utilisation de la nature comme décor ou comme clef allégorique, liée à un sujet historique, littéraire, religieux ou mythologique, à une toute autre conception fondée sur la représentation de la nature pour ellemême, sur son étude topographique, quasi scientifique, aussi bien que sur la description des sentiments qu’elle suscite. Dans cette exposition, serait présentée l’évolution à la fois technique, esthétique et poétique - nous pourrions également dire philosophique et émotionnelle - qui a mené de la primauté des paysages symbolique, idéalisé, recomposé et imaginaire à la prépondérance d’une vision réaliste, d’une description objective et d’une théâtralisation intrinsèque de la nature, qui coexistèrent souvent avec un souffle panthéiste ou une aspiration au mystérieux. Pour être complète et démonstrative, une telle exposition serait conçue dans des frontières chronologique et géographique assez amples : de la Renaissance (15è siècle) à l’ère industrielle (1850) ; de l’Angleterre à l’Allemagne, de la Scandinavie à l’Italie, en prenant comme pivot la France, par excellence une des terres d’inspiration des paysagistes. Cette exposition intégrerait d’autres techniques que la peinture - et donc concernerait ponctuellement les départements modernes du Louvre (Sculptures, Objets d’art, Arts graphiques) -, tout en faisant appel de manière référentielle aux œuvres des départements antiques. Elle devrait se conclure par une ouverture sur l’héritage au 20è siècle de cette histoire du paysage, aussi bien que par une réflexion concernant notre époque contemporaine et sa fascination pour l’écologie ou pour les paysages non investis par la présence humaine. Des références précises et signifiantes à la littérature, la musique et même à la politique et à l’économie permettraient de mieux appréhender cette délicate question de la représentation et de l’appropriation de la nature ; dans le même esprit, le recours aux supports de la photographie - et peut-être même au cinéma - s’avérerait sûrement utile. 90 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement C.4 – La découverte des coulisses du musée L’ouverture au public de lieux et d’espaces qui lui étaient jusqu’alors fermés s’affirme actuellement comme une tendance caractéristique des pratiques culturelles collectives. Enthousiasmé à l’idée d’avoir accès à ce qui lui est d’habitude caché, le public se passionne pour ce qui se passe en coulisses. L’ouverture des réserves des musées correspond à de nouvelles attentes où le musée est conçu comme un lieu de participation et de partage des compétences et des savoirs. Popularisés d’abord au Canada et aux Etats-Unis, les musées qui proposent de montrer et, dans certains cas, de faire visiter leurs réserves sont de plus en plus nombreux en Europe. Dernier exemple en France, le Musée du Quai Branly qui donne à voir ses réserves d’instruments de musique. S’ajoutent à ce paysage des lieux spécialisés comme le Centre de conservation de Liverpool qui, en plus d’ouvrir ses ateliers de restauration au public, intègre un espace d’exposition permanent qui présente la vie secrète des objets. Le projet du Louvre-Lens s’inscrit dans ce mouvement. Le musée s’y montrera dans tous ses aspects. Au lieu de dissimuler ses coulisses (réserves, espaces techniques), le musée insistera sur la transparence et l’ouverture ; il exaltera les diverses activités et les divers métiers qui le composent ; il donnera une idée plus juste de ce qu’est la véritable nature de cette institution devenue depuis quelques dizaines d’années l’une des plus visitées mais aussi l’une des plus mal connues du grand public. Cette ouverture n’oubliera cependant pas la fonction première des réserves, celle d’être des lieux de conservation et de recherche, socle et fondement de tout musée. Le projet architectural répond parfaitement à ces objectifs. Grâce à une mezzanine vitrée, située au centre du bâtiment sous le hall d’accueil, il permet d’offrir à l’ensemble des visiteurs une véritable vue plongeante sur les réserves et leur fait immédiatement comprendre la valeur de ces espaces « secrets » que certains pourront ensuite découvrir de l’intérieur. En offrant de nombreux espaces vitrés, l’architecture transparente de Sanaa dévoilera ces espaces jusqu’à présent réservés. 1. Des réserves visibles et visitables La réserve d’œuvres d’art est, par son attrait et sa valeur symbolique, au cœur du programme d’ouverture des coulisses du Louvre-Lens. Elle est une vraie réserve qui : - stocke les collections en conformité avec les normes, - offre des aménagements et des outils qui favorisent l’étude et la recherche, - propose une découverte aux visiteurs, accompagnés par des médiateurs. Une réserve exemplaire Dotée des équipements les plus modernes, la réserve du Louvre-Lens se veut une vraie réserve assurant des conditions optimales de conservation et de recherche. Répondre à l’attente exprimée des publics d’accéder « aux trésors cachés » ne doit pas en effet nuire à la conservation des œuvres et à leur transmission aux générations futures. Aussi les exigences de luminosité, de gestion climatique, de propreté (absence de poussière) et de sûreté seront pleinement prises en compte. Le respect de ces contraintes forme d’ailleurs le point de départ du discours qui sera tenu sur la fragilité des œuvres, afin de faire comprendre les critères de conservation préventive qui structurent l’aménagement de la réserve et de sensibiliser chacun à l’importance de préserver le patrimoine. Réserve de peintures du Carrousel © Musée du Louvre Les œuvres mises en réserve appartiennent aux collections du Musée du Louvre. La sélection des œuvres a été faite pour montrer la diversité des matériaux, des techniques de fabrication, des états de conservation et 91 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement des méthodes de stockage ainsi que la richesse des collections du Musée du Louvre. Une organisation en zones climatiques et en zones d’éclairement différenciées est en particulier retenue. A côté des matériaux inorganiques (tels la pierre et la céramique), on trouvera des peintures, des textiles, des papiers, des objets en métal, en verre, en cuir, en bois, voire en os ou en ivoire. Les objets provenant des fouilles du Louvre représentent le coeur de la proposition. Les fouilles du Louvre Depuis l’an 2000, le Musée du Louvre est devenu le dépositaire de la collection des objets archéologiques trouvés lors des fouilles menées avant le chantier du Grand Louvre, entre 1983 et 1990. De la Cour carrée à l’arc du Carrousel, des dizaines d’archéologues ont mis au jour le « Quartier du Louvre », tout en révélant les transformations progressives du « Palais du Louvre », ce qui a permis entre autres de dégager les bâtiments du Louvre médiéval qui dorénavant sont présentés aux visiteurs du musée. Les témoignages d’une vie de quartier importante depuis le néolithique jusqu’au XVIIIe siècle sont nombreux et essentiels ; ils nous permettent de mieux connaître les activités des Parisiens aux alentours du château du Louvre dont la construction commence vers 1200 (époque de Philippe Auguste). La collection réunit des objets de la vie quotidienne : des céramiques de toutes époques, des verres et des bouteilles, des services de table, des jouets, des dés à jouer, des chaussures en cuir du XVIe siècle, des pipes en terre, des services en faïence de Nevers, de la céramique du Beauvaisis, de nombreux fragments de petites sculptures en terre provenant de l’atelier de Boulle (retrouvés juste à l’extérieur du Palais du Louvre), des bigoudis... un ensemble extrêmement riche et exceptionnel venant du cœur de Paris. Le dépôt de cette collection dans les réserves du Louvre-Lens a un fondement scientifique et pédagogique et une portée symbolique : - scientifique, car les collections issues des fouilles du Louvre sont loin d’être totalement étudiées. Elles nécessitent encore un important travail de recherche qui ne manquera pas d’asseoir la légitimité des réserves et d’alimenter leur programmation scientifique et culturelle (accueil de chercheurs, de conservateurs et d’étudiants) ; - pédagogique, car cette collection permet de faire comprendre la mission fondamentale d'inventaire et de conservation : inscription, étude, techniques de conservation préventive, restauration, documentation et gestion. Elle témoignera aussi auprès des visiteurs qu’un musée ne conserve pas uniquement des peintures et des sculptures mais dispose aussi de collections archéologiques ; - symbolique, car la conservation à Lens des collections issues des fouilles du Louvre témoigne du lien immuable qui va unir le Musée du Louvre et le futur Louvre-Lens ; en quelque sorte le bassin minier devient détenteur d’une part importante de ce qui fait l’histoire du Louvre. Une visite en groupe L'accès aux réserves du Louvre-Lens sera possible pour tous mais la visite se fera en groupe. Dans le premier cas, les visiteurs seront accueillis en groupes de 15 à 17 personnes, ce qui, à raison de trois groupes par jour, permet de recevoir environ 15.000 visiteurs par année. Cet objectif de fréquentation permet d'ouvrir les réserves à un nombre conséquent tout en garantissant la conservation des oeuvres. Les inscriptions à cette découverte se feront sur réservation, à distance ou sur place. La visite sera conduite par un médiateur sur une durée d'environ 45 minutes. Il proposera un parcours qui combine explications, démonstrations et manipulations en misant sur la magie de ces lieux qui d'habitude sont cachés et interdits d'accès. Au-delà de l’acquisition de connaissances spécifiques et de sensibilisation aux enjeux de la conservation, cette visite se veut une expérience unique. Cet accueil du public pose certaines exigences qui ont été prises en compte dans les aménagements. Ainsi, des espaces d'accès séparés pour le public et les oeuvres sont prévus, puis, à l'intérieur des 92 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement réserves, un circuit précis a été établi pour la visite. Il intègre entre autres des lieux de regroupement et d'échanges. La réserve sera aussi un lieu d’étude pour les chercheurs et les étudiants ayant un travail spécifique à effectuer sur les œuvres et des liens seront tissés avec les universités et centres de recherche de la région Nord – Pas de Calais. Des espaces de consultation et d’accès à la documentation, proches des divers espaces de rangement, sont ainsi intégrés à l’aménagement de la réserve. L'atelier de restauration A proximité des réserves, un atelier de restauration pourra aussi être ouvert au public, dans des conditions proches. Il est destiné à accueillir des restaurateurs chargés de restaurations légères sur les oeuvres stockées en réserve, de petites interventions sur les oeuvres exposées ou en transit et des campagnes de conditionnement. Le restaurateur pourra consolider des objets en verre, en céramique ou en métal, refixer des polychromies et des dorures et faire des interventions légères sur des couches picturales. L'atelier pourra être aussi utilisé pour conditionner du petit matériel archéologique comme la confection de boîtes de conservation transparentes ou semi-transparentes qui permettront de voir les objets en verre, en céramique ou en métal tout en assurant une bonne protection mécanique et une stabilité de l'hygrométrie. Un restaurateur procédant à la reparure d’un cadre © Musée du Louvre Cet atelier est un moyen de faire connaître et de valoriser le travail de ces professionnels et de mieux faire comprendre la mission de conservation du musée. Selon une périodicité qui reste à préciser, le musée proposera une programmation permettant aux publics de découvrir les enjeux liés à la conservation et la restauration, les outils et techniques qui doivent être mis à contribution et d'en discuter avec les professionnels qui les vivent au quotidien. 2. Des coulisses qui se donnent à comprendre En complément des réserves, le Louvre-Lens propose deux moyens de mieux comprendre les coulisses du musée : un accès visuel mais aussi virtuel aux réserves et un espace de découverte et d'interprétation. L'accès y est ouvert à tous et gratuit. Une visite virtuelle Quand on rapporte la capacité d'accueil (15.000) aux objectifs de fréquentation du Louvre-Lens, le risque existe de faire de nombreux déçus. C'est pourquoi la visite réelle des réserves se complète non seulement de la possibilité d’en découvrir ses « secrets » par une vue plongeante sur ces aménagements, mais aussi d'une visite virtuelle, accessible depuis l'espace de découverte et d’interprétation de la mezzanine. Sur une paroi vitrée qui surplombe les réserves, les visiteurs, seuls ou à plusieurs, pourront faire apparaître, au moyen d'interfaces ludiques, ce qui se cache dans les mobiliers ou encore discuter de l'organisation des réserves et des règles de conservation avec des personnages virtuels. Puisque les visiteurs ne peuvent tous entrer dans les réserves et aller aux objets, ce sont en quelque sorte les objets qui, par la magie de la technologie, viendront à eux. L'espace de découverte et d'interprétation des coulisses "Le musée est une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l'homme et de son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à des fins d'études, d'éducation et de délectation (...)." 93 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Cette définition de l'institution muséale fournie par le Conseil international des musées (ICOM) est en quelque sorte le point de départ de l'offre proposée dans l'espace de découverte et d'interprétation des coulisses. Cet espace pourrait s'élargir en devenant une sorte de carrefour où les problématiques abordées le seraient en commun avec les musées de la région Nord – Pas de Calais. Dans cet espace, le visiteur est encouragé à l'autonomie même si des médiateurs sont présents en permanence. L'offre sera complétée par des cycles de formation et de conférences, notamment sur les métiers des musées (archéologue, conservateur, restaurateur, médiateur…), proposés au centre de ressources comme autant d’approfondissements et de prolongements. Cet espace poursuit trois objectifs : - donner des clés de lecture de l’institution muséale, - faire découvrir ce qu'est la vie d'un objet de collection quand il n'est pas exposé au public, - faire connaître les métiers de ceux et de celles qui travaillent au musée Pour répondre à cet objectif, outre la vue sur les réserves et leur visite virtuelle, l'espace de découverte et d'interprétation propose une découverte sans parcours précis au travers de trois grands thèmes : - les enjeux et missions du musée du XXIe siècle et plus particulièrement d'un musée de beauxarts, - la « vie secrète » des objets de collection, - des rencontres avec des hommes et des femmes de musée. Les enjeux et missions du musée d’aujourd’hui sont traités au moyen de séquences filmées et fournit le cadre général qui permet de comprendre ce qu'est le musée, quelles sont les problématiques qui sont au coeur de sa réflexion et de son action et quelles sont les responsabilités qui lui incombent. Comment s'acquière une oeuvre ? Qu'est-ce que veut dire « préempter » une œuvre ? Que se passe-t-il à partir du moment où elle entre au musée ? Comment et pourquoi constituer des collections ? Quelles sont les compétences nécessaires ? ne sont que quelques exemples des questions qui pourront être abordées. La « vie secrète » des objets s'incarne dans des « stations de rencontre » qui, en mobilisant différents médias, racontent l'histoire tantôt insolite, tantôt compliquée, tantôt étonnante, tantôt contemporaine d'une oeuvre. Chaque histoire fait l'objet d'un traitement unique tant du point de vue de la scénographie que de la médiation. Les contenus proposés sont mis à jour a minima une fois par an. Des problématiques comme le marché de l'art, l'attribution, les oeuvres tombées dans le domaine public pourront être abordées par le biais des œuvres présentées. C'est l'opportunité de faire connaître des oeuvres du Musée du Louvre, mais aussi pourquoi pas des oeuvres des autres musées de la région. Le musée est aussi un lieu où des compétences sont nécessaires et où des passions s'expriment. L'espace de découverte et d'interprétation propose donc une plate-forme de démonstration et d'échange entre professionnels et visiteurs. A forte ambition pédagogique, les interventions seront relativement courtes, avec la volonté d’en faire un rendez-vous régulier. Se démarquant des autres dispositifs proposés dans cet espace, il laisse toute la place à une médiation humaine qui aborde des sujets comme : Qu'est-ce qu'un médiateur, un conservateur, un muséographe, un commissaire d'exposition ou encore un régisseur, un socleur, un transporteur ? Qu'est-ce qu'un technicien d'art ? Comment construit-on une scénographie d'exposition ? Quelles sont les normes et règles d'emballage et de transport des oeuvres ? Qu'est-ce que le bichonnage ? Comment fait-on de la dorure ? Dimensionnée pour accueillir une vingtaine de visiteurs à la fois, la plate-forme permettra de faire des démonstrations en lien avec l'actualité du Louvre-Lens mais aussi celle des musées de la région. De manière plus globale, il s’agit d’humaniser le musée et de faire comprendre qu’il est un lieu complexe et d’excellence, un vrai pôle de compétences. 94 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement 3. La préservation des oeuvres A côté des réserves visibles et visitables, le musée disposera d’espaces pour la logistique muséographique nécessaire à la réalisation des présentations et expositions qui se veulent tout aussi exemplaires. L’acheminement et le circuit des œuvres au musée ont été pensés de façon à assurer les meilleures conditions de préservation des œuvres. Dans les espaces logistiques comme dans les salles d’exposition, les exigences de la conservation préventive et de la sûreté ont été particulièrement prises en compte. La logistique muséographique La logistique muséographique regroupe les fonctions de la chaîne de transit et de traitement des œuvres, depuis leur arrivée au musée jusqu’à leur exposition dans les salles ou leur mise en réserve. Quatre zones distinctes se succèdent depuis l’aire de déchargement des œuvres jusqu’aux espaces de préparation des œuvres, en connexion directe avec les espaces d’exposition. Les quatre zones de la logistique muséographique L’aire de chargement et de déchargement des œuvres : en lien avec l’aire de livraison générale du musée, cette zone est strictement réservée aux œuvres, et donc séparée du reste des livraisons. Elle permet d’accueillir un, voire deux semi-remorques, en toute sécurité et à l’abri des intempéries. Un sas conduit aux autres espaces logistiques muséographiques. Le circuit de transit des œuvres : sécurisé et contrôlé hygrothermiquement comme l’ensemble des espaces d’accueil des œuvres, il comporte les locaux suivants : - une réserve de transit, « coffre principal » pour le stockage temporaire des œuvres en caisse en transit, - une salle d’emballage / déballage des œuvres permettant notamment de faire les constats d’état des œuvres entrantes ou sortantes, - un lieu de stockage des caisses vides, - et une salle de quarantaine permettant d’isoler et de mettre en attente d’éventuelles collections contaminées (insectes…). Des ateliers « propre » et « sale » : en vue de l’installation des œuvres dans les salles d’exposition, des postes de travail sur les œuvres, séparant les travaux propres et sales, permettent le montage des dessins (hors poussière), le petit montage d’objet (soudure) et le bichonnage (nettoyage) de cadre. Des espaces de préparation des expositions au plus près des salles : en complément de la salle d’emballage/déballage située à proximité du sas d’entrée des œuvres, deux zones de préparation des expositions se trouvent à proximité immédiate des monte-charges conduisant aux salles d’exposition. Tenant compte de l’étendue du bâtiment, ces espaces permettent de déballer et d’emballer les œuvres à proximité de leur lieu d’installation et disposent d’un coffre pour le stockage des œuvres déballées ou non encore emballées en cours d’accrochage ou de décrochage. Une attention particulière a été portée à la qualité et à l’homogénéité du circuit : qualité des matériaux de sol employés, continuité des niveaux et de sol mais aussi des surcharges demandées et des gabarits (hauteur (5 mètres), largeur (4 mètres), rayons de giration…). Si les espaces de circulation des œuvres ne sont pas totalement distincts du circuit lié à la logistique du bâtiment, les zones de recoupement ont été limitées, notamment pour ce qui concerne l’accès à la salle des expositions temporaires. Enfin, le suivi des collections dans les différents espaces du musée devra être organisé grâce à des moyens performants et cohérents (base de données, étiquetage informatisé…). 95 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement La conservation préventive La conservation préventive est la réunion des actions directes ou indirectes destinées à assurer la pérennité du patrimoine. Dans le cas des musées, le patrimoine est constitué des œuvres exposées ou en réserve, et du bâtiment lui-même. Il s’agit de prévenir tout risque de dégradation du patrimoine pour en augmenter l’espérance de vie. Aussi un plan de conservation préventive sera élaboré, incluant un plan d’urgence revu périodiquement afin d’être constamment adapté au volume et à la nature des collections présentées ou en réserve. D’ores et déjà, les règles fixées par la conception du bâtiment prennent en compte les exigences de la conservation préventive : - circuit logistique propre aux œuvres, - stabilité du climat dans tous les espaces susceptibles de recevoir des œuvres, y compris dans le circuit de transit des œuvres, avec des dispositifs de contrôles adaptés. La température devra être maintenue à 21°C avec une variation maximale de +/- 1°C, et l’humidité relative à 50 % avec une variation maximale de +/- 5 %, les œuvres nécessitant d’autres conditions de conservation étant placées sous vitrine, - installation de sas, pour le passage du public du hall d’accueil aux salles, et pour les œuvres de l’aire de chargement/déchargement aux espaces de logistique muséographique, - protection solaire systématiquement prévue dans les salles d’exposition à l’éclairage zénithal, - mise en place d’un système de prévention contre le vol et l’incendie. Ultérieurement, un règlement intérieur pour le personnel et un règlement de visite permettront de réaffirmer notamment les règles que personnel ou visiteur doivent respecter en matière de conservation. Ces textes devront mettre en avant le rôle de chacun dans la préservation du patrimoine, en soulignant que ce sont les comportements et l’action de tous qui y contribue. Des formations pour le personnel et une sensibilisation du public par tout type de support (plan de visite, supports pédagogiques pour les enfants, vidéos…) complèteront l’action réglementaire. La sûreté des œuvres Un schéma directeur opérationnel de sûreté a été engagé. Il définit le zoning de sûreté du musée, en incluant le parc et les interfaces avec les espaces publics alentour. Il prévoit notamment un enregistrement de vidéosurveillance des accès et des salles, le contrôle de l’accès du public aux espaces non publics (avec des serrures de haute sécurité combinées à un contrôle d’accès par badge et des coffres dans certains locaux pour les œuvres). Concernant plus particulièrement la protection des œuvres, leur protection mécanique est privilégiée, les systèmes de détection ne venant qu’en complément. Les salles d’exposition seront cependant équipées d’un système de détection rapprochée des œuvres (fondée sur une technologie sans fil) permettant la détection d’un éventuel mouvement d’œuvre. Une attention particulière sera portée au transfert des œuvres et à leur transport ce qui nécessitera la mise en place d’une procédure spécifique avec les services de police et de gendarmerie. Protection du bâtiment et des œuvres nécessitera une équipe de sûreté dédiée, en complément des agents d’accueil et/ou de surveillance, présente 24h/24 et intervenant également dans le périmètre clôturé du parc. Par ailleurs, le Louvre-Lens étant un établissement recevant du public (ERP) classé type Y (musées) de première catégorie (effectif supérieur à 1.500 personnes) et compte tenu de la valeur de ses collections, le système de sécurité incendie est de catégorie A et l’équipement d’alarme de type 1. Cela oblige notamment le musée à disposer de la présence permanente d’un service de sécurité. Outre la mise en place de détecteurs incendie et la généralisation dans les zones publiques de la diffusion de l’alarme (avec sonorisation de type message préenregistré), un système de sprincklage sera installé dans l’ensemble du bâtiment. 96 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement C.5 – Une médiation au service des œuvres et des visiteurs Traditionnellement, les musées de beaux-arts ont fait la part belle à la contemplation et à la délectation. Lieu de distinction par excellence, les érudits s’y sentent chez eux, ils y retrouvent le calme et la sérénité indispensables au ravissement que l’on peut espérer en découvrant une œuvre. Cependant, l’émotion artistique, le choc esthétique trouvent souvent leurs racines dans une relation intellectuelle déjà établie avec l’art ou dans un rapport affectif en lien avec les œuvres et ce qu’elles font raisonner en chacun de nous. Pour aller à la rencontre des publics de proximité comme des publics touristiques, des familiers comme de ceux qui d’habitude ne viennent pas au musée, et pour faire une place particulière aux familles, aux adolescents et aux seniors, le Louvre-Lens proposera une approche de médiation qui facilite, soutient et encourage l’accès aux œuvres et concourt à l’éducation du regard. Pour cela, la médiation doit favoriser le dialogue et l’exercice du sens critique. Elle doit proposer des moyens adaptés à chacun en tenant compte de son degré de familiarité avec le musée, de sa situation de visite, de ses modes d’apprentissage, de ses motivations et de son âge. Elle doit permettre la construction du sens, provoquer un désir « vif et durable » de découvrir, d’aller plus loin, de poursuivre et de renouveler l’expérience de la visite. C’est pourquoi le Louvre-Lens propose une médiation originale au service des visiteurs et des œuvres, qui privilégie la souplesse, l’autonomie et la participation. Elle se traduit, dans les salles, par la mise à disposition d'une « médiation de référence » au plus près des oeuvres et la présence de médiateurs qui accompagnent chacun en fonction de ses besoins et de ses champs d'intérêt. Elle est complétée par des outils nomades qui permettent d'en savoir plus long ou de découvrir un point de vue particulier et par des outils à distance qui offrent des contenus et des fonctionnalités pour mieux connaître le Louvre-Lens. La programmation du centre de ressources et des ateliers permet d’autres découvertes et/ou approfondissements qui développent la connaissance, le savoir-faire et la compétence du visiteur. 1. Une médiation de référence disponible en salle pour chacun Du point de vue des contenus, la très grande majorité des visiteurs sont des novices et des nonconnaisseurs. Aussi, on considère, au Louvre-Lens, que tout visiteur a un besoin important en repérage et en clés culturelles fondamentales pour faire sienne l'offre culturelle et éducative qui lui est proposée. Du point de vue affectif et social, la majorité des visiteurs viennent au musée dans une démarche d’échange, renforcée par le lien affectif de l’accompagnement. Aussi, le Louvre-Lens doit être un moment d’échanges et de co-construction des contenus. Enfin, du point de vue physique, tout visiteur est en demande forte d’ergonomie et de confort, que ce soit par exemple à cause de l’âge, de la présence d’un enfant, de déficiences visuelles ou auditives courantes ou, simplement, d’un seuil de fatigabilité que l'on sait vite atteint pendant la visite au musée. Aussi, par sa muséographie et les outils qu'il propose, le Louvre-Lens ira au-delà des normes d’accessibilité et garantira toutes les conditions pour une visite sereine et plaisante. 97 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Ces caractéristiques, croisées, définissent une sorte de grand dénominateur commun qui permet de construire le profil d'un « visiteur de référence » auquel répond une « médiation de référence ». Disponible à proximité des œuvres et incluse dans le droit d’entrée, elle comprend tous les contenus et outils que le musée considère comme incontournable pour donner accès aux oeuvres et construire du sens. Ecran tactile utilisé pour une exposition au Japon © Louvre / DNP Museum Lab Présente sous diverses formes dans les espaces d’exposition, cette médiation sert de passerelle intelligente et sensible entre les contenus, les œuvres et les visiteurs. Elle agit comme un révélateur qui laisse apparaître, montre et fait connaître ce qui pourrait rester pour le plus grand nombre, inconnu ou secret. En conséquence, le choix des dispositifs à mettre en place est intimement lié aux contenus à faire passer. Premier niveau d’une stratégie plus globale, la médiation de référence met de l'avant les principes suivants : - les contenus proposent une hiérarchisation systématique des messages, très clairement exprimée, qui va du plus important au plus détaillé et complexe ; - les textes - du cartel au programme multimédia - sont courts, efficaces et proposent des informations de type « clés fondamentales » ; ils sont rédigés en utilisant un vocabulaire accessible aux novices et non-connaisseurs sans pour autant être simplistes ; - ils proposent systématiquement trois langues : français, anglais et néerlandais ; - l'approche interactive est privilégiée chaque fois que cela est possible pour favoriser la coconstruction et le co-apprentissage ; - les équipements et dispositifs sont diversifiés (textes, cartes, plans, maquettes, programmes vidéo et audio, multimédia, mise en scène, manipulation, etc.) et mettent à contribution tous les sens apportant ainsi une réponse aux déficiences de mal voyance et mal entendance, partagées par près de la moitié de la population ainsi qu'au handicap moteur et intellectuel ; - quel que soit le type de support et la compétence mobilisée (lire, écouter, toucher, etc.), la logique d'utilisation des dispositifs et équipements est intuitive, rapidement intelligible et cohérente dans l'ensemble des expositions présentées ; - les équipements et dispositifs sont facilement repérables et lisibles. Ils se trouvent dans une relation d’intégration ou de dialogue sans gêner l’appréhension et l’appréciation des œuvres. Pour être en mesure de jouer pleinement son rôle d’interface et de facilitateur, cette médiation de référence prendra place dans les salles, au fil du parcours, à proximité des œuvres Elle fera aussi l'objet de parenthèses spécifiques, traduites par la muséographie pour permettre au visiteur d’aller plus loin ou de porter un regard différent sur les œuvres. En complément de cette « médiation de référence », pensée pour répondre aux besoins du plus grand nombre, des réponses particulières tant muséographiques que de médiation seront apportées pour certains publics spécifiques, comme les familles, les adolescents, les personnes porteuses de handicap profond et les groupes. Ces outils complémentaires viennent enrichir la « médiation de référence » sans jamais la remplacer. Une médiation sur mesure pour des publics spécifiques Les familles Le lien affectif entre les membres de la cellule familiale détermine un projet de visite interactif qui mise sur le dialogue et dont les thématiques et sujets doivent être adaptés selon les tranches d’âge (5 à 7, 8 à 10, 11 à 13 ans). Pour ces visiteurs, on privilégiera l’interactivité au travers de jeux, manipulations, programmes audio, etc., qui peuvent se distinguer, pour les plus petits, des dispositifs 98 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement de même nature déjà inclus dans la« médiation de référence ». Les familles ont aussi besoin de moments et de lieux adaptés à leurs besoins ; la muséographie en tiendra compte dans sa conception. Les adolescents La visite du musée par les adolescents est dominée par une exigence d’autonomie, de convivialité, de maintien du lien avec les pairs ainsi que par le besoin de s'identifier aux problématiques et au langage proposés par le musée. Ainsi, en termes de contenu, les thématiques seront adaptées chaque fois que cela est possible pour tenir compte de leurs intérêts et de leurs préoccupations. Misant sur leur sensibilité au design et leur goût des technologies, la médiation pensée à leur intention, proposera essentiellement des outils nomades et interactifs (ex: RFID, téléchargement flashé, etc.). Les personnes porteuses de handicap profond Les personnes en "situation de handicap" trouveront dans la médiation de référence des réponses à leurs besoins. En revanche, il est indispensable d'offrir une médiation spécifique (aménagement et équipement) pour les personnes porteuses d'un handicap profond. Par exemple : - supports en braille et autres éléments tactiles pour les aveugles de naissance, - supports en langage des signes pour les sourds profonds, - médiation humaine pour les déficients mentaux et intellectuels, Découverte tactile du moulage d’une sculpture pour les malvoyants © Musée du Louvre / M. Chassat Les groupes La visite en groupe impose des exigences particulières qui, si elles ne sont pas prises en compte dès la conception, sont vécues comme un problème permanent et récurrent par l'ensemble des visiteurs. Ainsi, la muséographie intégrera des zones de dégagement et de pause dans le parcours à leur intention. En termes de médiation, des outils qui permettent une consultation/démonstration conduite par un médiateur seront développés et la visite accompagnée sera construite pour favoriser l'échange. La prise en compte de ces besoins spécifiques conduit à une palette élargie et diversifiée d’équipements et d'outils de médiation. Les outils ainsi ciblés ne doivent pas toutefois être limités dans leur utilisation. Tout visiteur pourra utiliser chacun des outils mis à disposition dans les salles, basculer d’une catégorie à une autre, se reconnaître dans des thématiques ou supports très différents. 2. Une médiation humaine largement présente La rencontre avec l’autre est une excellente stratégie pour s'initier au musée. La médiation humaine est ainsi une réponse particulièrement adéquate pour les publics peu familiers des musées. A Lens, elle prend la forme d’un accompagnement disponible dans les salles, d’animations ponctuelles et de visites accompagnées. Assurée par du personnel du musée, des spécialistes extérieurs, des relais et des médiateurs « amateurs », elle proposera un large éventail de points de vue et d’approches qui renouvellent le regard sur les œuvres. Des médiateurs disponibles, attentifs et créatifs Susciter questions et étonnement, engager le dialogue et faire une place à la parole de l’autre sont des principes qui forcent à penser une médiation humaine qui sait se rendre disponible chaque fois que c’est nécessaire ou souhaitable. Ainsi, le Louvre-Lens mettra à disposition une « équipe volante » de médiateurs dans les salles. 99 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement En posture de veille permanente, leur mission est d’attirer, sur proposition ou sur demande, l’attention d’un visiteur ou d’un groupe de visiteurs sur une œuvre ou une présentation, de répondre à leurs questions, d’encourager l’échange et le débat, d’accompagner ponctuellement la découverte et le parcours. A certains moments de la journée, ces médiateurs deviennent de véritables animateurs en proposant des interventions de courte durée sur une œuvre ou un ensemble d’œuvres, un artiste ou en initiant le débat autour de certaines problématiques du musée : comment authentifie-t-on une œuvre ? Pourquoi Médiateur en salle qui peut-on considérer qu’une œuvre est un chef-d’œuvre ? Comment repérer les renseigne un visiteur traces d’intervention sur une œuvre ? Quels sont les codes et le sens de certains © Musée du Louvre / P. Ballif symboles ? etc. Ces animations seront annoncées dans le hall d’accueil par une signalétique dynamique et par le biais des outils nomades en usage. Elles seront des rendez-vous inattendus qui ponctuent la découverte du musée et laissés au loisir de chacun. Les médiateurs devront pouvoir s’exprimer a minima en anglais et pour certains en néerlandais étant donnée la provenance des visiteurs attendus, mais aussi dans d’autres langues. Les animations, quant à elles, seront programmées en français toute l’année ainsi qu’en anglais en période de forte affluence. Des visites accompagnées qui mixent les points de vue Les visites guidées sont dans les musées de beaux-arts une offre traditionnellement réservée aux groupes. Le Louvre-Lens renouvellera cette approche à la fois dans la forme et dans les publics visés. Ainsi, dans les expositions, elles proposent un zoom sur une période, une aire géographique, un mouvement artistique, le travail d’un artiste ou une visite de découverte et d’exploration sur des sujets transversaux comme la lumière, la couleur, la technique ou encore sur des problématiques liées à la conception de l’exposition comme la scénographie, la présentation des œuvres ; une manière de faire le lien avec ce qui est abordé beaucoup plus en profondeur dans l’espace de découverte des coulisses du musée. Pendant les premières années, ces visites proposeront également de découvrir le bâtiment, son architecture et son insertion dans le site et le territoire. Les publics visés par ce type de visite seront élargis notamment aux familles. Quelque soit le public visé et le sujet, l’accompagnement par les médiateurs mettra l’accent sur l'observation et le dialogue qui permettent de favoriser la construction d’une posture critique. Dans ce contexte, le médiateur devient un « guide » qui fournit des indices, attire l’attention, aide à regarder, comprendre et construire du sens. Il s’appuie sur des outils qu’il emporte avec lui (ex : mallette pédagogique) et des moyens multimédias disponibles en salle (ex : stations repères de la Galerie du temps), qui permettent de faire une place au jeu et offrent une grande liberté de parcours. Pour garantir une vision plurielle, les visites seront proposées par des médiateurs du musée ou en formation au musée, par des spécialistes de différentes disciplines : historiens d’art, archéologues, anthropologues, scientifiques, mais aussi scénographes, techniciens d’art, etc. Tous médiateurs ! Au Musée du Louvre, le « droit de parole » est réservé au personnel autorisé et peut, à certaines conditions, faire l’objet d’une extension pour des personnes qui sont considérées comme des relais. Depuis quelques années, un travail a aussi été engagé pour élargir davantage le périmètre en donnant la parole aux jeunes par exemple dans le cadre d’une programmation spécifique. En cohérence avec la posture de co-apprentissage que préconise le Louvre-Lens, l’idée est ici de permettre à de nouvelles catégories de personnes de prendre la parole. Ni spécialistes du sujet, ni spécialistes de la médiation, personnes relais et visiteurs pourront se retrouver en position de médiateur au Louvre-Lens. 100 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Au cœur de cette problématique se pose la question de la formation de ces futurs médiateurs, qu'ils soient enseignants, travailleurs sociaux mais, pourquoi pas aussi, retraités ou parents. C’est pourquoi le Louvre-Lens propose, dans son centre de ressources et d’échanges, la création d’une école de la médiation qui accueille en son sein des professionnels de musée et des non-professionnels. 3. Des outils nomades en complément Le visiteur trouvera donc dans les expositions les outils dont il a besoin pour construire du sens et apprécier les œuvres quelque soit sa pratique des musées, sa modalité de visite ou son âge. Dans ce contexte, les outils nomades sont là pour apporter un point de vue particulier, approfondir certains aspects ou accompagner le visiteur dans un parcours fait sur mesure. Ils viennent en appui ou en complément de la médiation de référence et de la médiation humaine. Guide multimédia © Musée du Louvre Le guide multimédia est en passe de devenir l’outil de médiation le plus consensuel dans les musées. Contemporain, évolutif, capable de stocker un volume de données et d’informations toujours plus important, offrant un éventail d’options extrêmement large, répondant aux contraintes des langues, s’adaptant à certains types de handicap, peu encombrant et libérant de la place dans les expositions, insonore, discret, il offre de multiples possibilités. Il permet en particulier d’ajouter de l’image (fixe ou animée) tout en privilégiant l’oralité. La capacité de stockage d’informations allant en s’accroissant, il permet de multiplier les approches, de varier les points de vue, de diversifier les langues, d’ajouter des options (parcours) et de répondre à différents niveaux de lecture. Ainsi, au Louvre-Lens, le guide multimédia proposera des visites alternatives pour le public qui revient ou vient régulièrement : parcours thématiques, parcours d’auteurs ou d’artistes, parcours des autres visiteurs à partir de la banque de données du centre de ressources et d’échanges, parcours-jeu ou parcours insolites, autant d’approches des contenus qui viendront enrichir l’offre. Il permettra aussi de communiquer dans et avec le musée et convient particulièrement bien aux familles ou amis qui ont envie d’être ensemble tout en préservant du temps pour chacun. Il permet enfin d’établir des connections avec Internet, soit pour s’envoyer des informations à son adresse courriel au fur et à mesure de la visite plutôt que de lire sur place tous les « en savoir plus », soit par exemple, pour retrouver son parcours sur le web grâce à un identifiant qui permettra d’approfondir la visite de chez soi ou tout simplement d’en évoquer le souvenir et d’en discuter avec ses proches ou à l’école. Néanmoins, cet enthousiasme ne doit pas masquer un certain nombre d'aspects auxquels il faut être vigilant. Par exemple, fortement sollicité par les nombreuses fonctions de l’outil et le foisonnement des contenus, le visiteur peut être momentanément distrait des œuvres. Ainsi, un bon équilibre doit être trouvé entre la médiation de référence et les contenus et fonctions proposés dans les outils nomades. Egalement, pour assurer leur meilleur usage possible, la muséographie doit intégrer de nombreuses assises qui garantissent le confort de consultation. Il arrive aussi que le dispositif technique exige une manipulation trop complexe et décourage certains. Le salon d’accueil, qui intègre des espaces de préparation à la visite et un point de diffusion des outils nomades, devrait permettre d’expliquer leur fonctionnement et de répondre aux questions des visiteurs. Il faut garantir par ailleurs une ergonomie des fonctions, de la navigation et des écrans. Livret-jeu « Au galop ! » © Musée du Louvre Enfin, le choix de l’inclure dans le prix du billet ou de le rendre payant n’est pas neutre dans le rôle que le musée fera jouer à ce type de dispositif. La possibilité de le proposer à tous les visiteurs dans le cadre d’un forfait de visite est un avantage indéniable. Cette problématique doit d’ailleurs être envisagée en tenant compte des usages sur le téléchargement gratuit ainsi que du développement du 101 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement téléphone portable qui deviendra dans les prochaines années un outil multifonctions offrant de nombreuses possibilités. S’il est bien conçu et réalisé, le guide multimédia est un formidable outil de médiation qui répond au souhait du Louvre-Lens, de personnaliser la visite et de multiplier les regards. D’ici l’ouverture du musée, ces dispositifs connaîtront encore de nombreux développements tant du point de vue technologique que des usages. Il convient donc de laisser ouverts les choix à faire le plus longtemps possible tout en intégrant la prospective et les résultats d’études au fur et à mesure de leur disponibilité. Sur ce dernier point, la mise en service récente du nouveau guide multimédia au Musée du Louvre sera riche d’enseignements pour le Louvre-Lens. Dans tous les cas de figure, les outils nomades, qu’il s’agisse de programmes audio ou de propositions plus complexes, viennent compléter la proposition de médiation en salle, qu’elle passe par l’intervention humaine, la muséographie ou les dispositifs qui contextualisent, permettent d’expérimenter ou de dialoguer. 4. Une appréhension globale du musée : avant, pendant, après La découverte du Louvre-Lens doit être une expérience qui s’inscrit dans la durée et se prépare et se prolonge hors-les-murs. Il y a ici l’idée de faciliter les modalités en amont de l’arrivée sur site et de personnaliser la visite en fonction des attentes, du niveau de connaissance, du rapport au sujet et des besoins du visiteur. Ainsi, le site Internet du Louvre-Lens permettra de réserver et payer son droit d’entrée, de s’inscrire aux activités, des services qui facilitent la vie, mais aussi, de prendre connaissance de la diversité de l’offre et ainsi de préparer une visite adaptée aux connaissances et aux attentes et besoins de chacun : parcours thématiques dans les salles, parcours pour publics spécifiques (ex : famille, jeunes publics, personnes handicapées), etc. Les contenus pourront être téléchargés et rendus disponibles sur un téléphone portable ou tout autre support personnel. Ces propositions sont évidemment très utiles pour l’enseignant ou les autres personnes relais, qui vont trouver ici matière à préparation, mise en condition et valorisation ultérieure de la visite, mais aussi pour les familles et le visiteur individuel. C’est aussi là un moyen d’enrichir et de renouveler l’offre en multipliant les points de vue. Une fois sur place, le visiteur pourra aussi être aidé dans sa préparation au salon d’accueil et centre de ressources et d’échanges. Après la visite, le visiteur pourra reprendre son parcours et explorer dans un autre contexte des éléments d’approfondissement, évaluer ses expériences et ses acquis : iconographies complémentaires, lectures, bibliographies, listes de sites web, etc., soit chez-lui, à l‘école ou sur son lieu de travail. 102 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement D. Un lieu de vie à part entière : les activités éducatives et culturelles L’innovation du Louvre-Lens résidera pour une part essentielle à la place qu’il garantira à l’action culturelle et éducative. Il ne s’agira pas seulement de présenter une collection d’œuvres prestigieuses, en garantissant une qualité des savoirs transmis. Dans ce musée éducatif, les œuvres s’inscriront dans des dispositifs qui permettront à chaque visiteur d’être critique, d’exercer son goût et, pourquoi pas, de le confronter à celui des autres. Visiter le Louvre-Lens permettra à chacun de conquérir de la liberté et de l’autonomie, ce qui est la définition même de l’éducation. C’est pourquoi le Louvre-Lens offrira des espaces divers et des activités variées qui permettent une diffusion et un partage des savoirs, mais aussi une large ouverture culturelle et artistique. Centre de ressources et d‘échanges, offre pédagogique, espace scénique sont des facettes d’une même ambition qui s’appuie également sur la volonté de donner au parc du musée une dimension culturelle et événementielle. D.1 – Le centre de ressources et d’échanges : lieu de diffusion, de formation et de création La médiathèque du Louvre © Musée du Louvre Le centre de ressources et d’échanges s’inscrit à la fois comme lieu de diffusion et de médiation des savoirs, mais aussi comme un lieu de sensibilisation et de formation des publics, pour découvrir et s’approprier l’ensemble du musée. C’est également un lieu laboratoire où, grâce aux nouvelles formes de diffusion et d’apprentissage via les technologies numériques (bornes multimédia, Internet, équipements elearning, vidéo-projection…), les publics deviennent acteurs et producteurs de leur découverte du musée. 1. Un lieu central de diffusion et de médiation Situé au cœur du hall d’accueil, en lien permanent avec l’actualité du musée et ses coulisses, le centre de ressources est ouvert à tous gratuitement. D’une surface de plus de 350 m2, les espaces de découverte et de travail du centre de ressources sont répartis entre deux bulles transparentes, reliées entre elles. Livres et multimédia, mobiliers de confort et de détente sont à la disposition des utilisateurs. Les documents sont consultables sur place y compris le dimanche, et une part importante des contenus disponibles sont directement téléchargeables de chez-soi. Visibles depuis l’extérieur du musée et du hall, les espaces suggèrent l’attractivité et la diversité des rencontres possibles. Trois salles de formation, un petit auditorium de 90 places et un studio multimédia complètent ce dispositif au sous-sol. Plusieurs espaces sont aménagés pour répondre aux attentes des publics visés : - un espace « familles », où, des tout-petits aux adolescents, les documents sur tous supports permettent aux familles de débuter, prolonger ou diversifier leur visite au Louvre-Lens, - un espace actualité, animé par de nombreux fauteuils ou causeuses, installe les utilisateurs dans leur pause découverte et lecture, - des espaces de travail individuels ou pour les groupes permettent la consultation, les recherches ou les débats. 103 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement L’accessibilité à tout type de déficiences (physiques, mentales, visuelles ou auditives) est une priorité. Elle se conjugue en haute qualité d’usage (HQU) à travers les contenus proposés et leur médiation, les animations organisées (documentations en braille, programmes de projections adaptés, traduction en langues des signes, etc.), les ressources humaines, l’aménagement des espaces et les mobiliers. Les professionnels de l’éducation et de la culture trouvent non seulement les ressources usuelles de base pour leurs travaux mais aussi la possibilité de partager et d’échanger leurs connaissances grâce aux bases de données en ligne et aux forums professionnels régionaux, nationaux ou internationaux. Une sélection thématique de documents, quel qu’en soit le support, est présentée en lien avec l’actualité du musée mais aussi avec celle des institutions culturelles de la région. Un programme d’animations culturelles (lectures, contes, rencontres, débats, etc.) permet d’accueillir des publics de proximité fidèles. L’organisation, avec les médiathèques de l’agglomération Lens-Liévin, d’un festival de lecture et d’illustration dans le centre de ressources mais aussi dans le parc du musée est un événement à penser, notamment à destination des jeunes publics et des adolescents. Vitrine permanente des créations, le centre de ressources propose une sélection de productions audiovisuelles, issues des espaces de formation régionaux tout comme celles créées par les ateliers du studio multimédia. Les ressources du centre Véritable salon de lecture, d’écoute et de visionnage, le centre de ressources recueille, diffuse et partage différents types de contenus : - contenus actualisées dans le domaine de l’histoire de l’art (catalogues d’exposition, éditions du Louvre, catalogues des expositions régionales…), mais aussi liées aux métiers des musées (restauration des œuvres, scénographie, muséologie, éducation…), à la médiation et aux pratiques muséales. Les ressources accompagnent les utilisateurs dans la préparation ou l’approfondissement de leur visite dans les salles d’expositions et dans les coulisses du musée Elles répondent également aux besoins des professionnels ; - fonds dédié aux autres formes d’expression artistiques (arts visuel, photographie, musique, littérature, audiovisuel) venant élargir les champs de la recherche tout comme prolonger le plaisir de la découverte ; une proposition documentaire à définir en lien avec les offres régionales déjà nombreuses et de qualité ; - archives du musée, mémoire vivante et actualisée, permettant à chacun de voir ou revoir les activités de la Scène, de visionner la restauration d’une œuvre, de prendre connaissance du contenu d’un atelier pour enfants ou adultes, d’écouter les commentaires du commissaire, du scénographe et des médiateurs de l’exposition en cours ; - mémoires des visiteurs : grâce aux technologies de l’information et aux outils d’aide à la visite, il sera possible d’approfondir ou de garder une trace de son passage au musée, de déposer ses commentaires ou ses propres productions pour les faire partager aux autres visiteurs. Même si rien ne remplace la découverte d’un beau livre, surtout lorsque de confortables fauteuils attendent les utilisateurs, les contenus seront aussi largement diffusés par des postes multimédia permettant écoute et vision de haute qualité seul ou à quelques-uns. 2. Un lieu d’accompagnement et de formation des publics et des professionnels : l’école de la médiation Entrer au musée, dialoguer avec les œuvres, rencontrer des artistes, s’initier à l’histoire, cela s’apprend. Surtout quand le musée souhaite s’ouvrir à tous les publics. Un accompagnement, qui audelà des collections d’œuvres, transforme le musée en boîte à outil permettant à chacun d’y trouver matière à acquérir des compétences nouvelles, à d’autres de savoir intéresser le public dont ils ont la 104 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement charge, aux professionnels de développer leurs savoir faire dans le domaine de la médiation et de la pratique muséale. Une école de la médiation permettra d’inscrire durablement le musée dans son environnement, en s’attachant à l’accompagnement des publics relais et prescripteurs généralement peu pris en compte. Cette école mettra l'accent sur l'accueil des publics, la programmation, la conception d'outils, l'animation, les études de publics et l'évaluation. Un tel projet implique cependant des moyens financiers spécifiques, au-delà du fonctionnement habituel d’un musée, qu’il faudra plus précisément évaluer. L‘école de la médiation Des étudiants sur le terrain Dans le cadre de projets communs avec des universités et écoles, y compris étrangères, le LouvreLens pourrait dispenser une partie du cursus et accueillir des étudiants en stage. Contribuant fortement au renouvellement de l'institution, ces étudiants sont autant de « passerelles » vers le monde éducatif. Ils seront mis à contribution dans l'ensemble des services proposés par le musée : salon d'accueil, médiation humaine en salles d'exposition, dans les coulisses, intervention dans les ateliers, à la Scène ou au centre de ressources… Ils pourront contribuer aux études de publics, aux tests de nouveaux outils, etc. Des professionnels en formation continue L'association des conservateurs du Nord – Pas de Calais est l'une des plus actives en France. Elle travaille à élargir depuis plusieurs années l'accès aux musées : numérisation des informations sur les oeuvres et expositions virtuelles sur leur site Internet, journée d'étude en mai 2001 à Roubaix sur les publics et nombreux projets de collaboration entre établissements. A Paris, des chantiers importants sont en cours au Musée du Louvre : étude sur de nouvelles formes d'ateliers dans les salles, projet de médiation des arts de l'Islam, projet Mobilier du XVIIIe siècle, Pyramide et changement de statut des conférenciers. Des besoins importants en formation sont ainsi identifiés. D'autres structures, comme les associations d'amis de musées, l'association nationale des médiateurs, les animateurs du patrimoine, sont aussi en demande de formations. Pour ces professionnels déjà en activité, le musée proposera des cycles thématiques sous forme de séminaires, d'ateliers pratiques et de conférences, plus particulièrement tournés vers la médiation, mais sans que ce thème soit exclusif. Le Louvre-Lens doit devenir une plate-forme de circulation et d'échange de compétences qu’il ne pourra réussir qu’en partenariat, tant avec les acteurs régionaux (association des conservateurs, universités…) qu’avec des institutions nationales comme, par exemple, l’Institut national du patrimoine. Des relais mieux outillés La politique de développement des publics du Louvre-Lens prévoit un travail étroit avec les différents réseaux. Réseaux de l'éducation, du patrimoine, de la société civile, du social, du tourisme ou du travail, chacun a ses spécificités et ses relais. S’ils connaissent bien leurs publics, ils ne sont pas toujours en mesure de proposer une visite qui soit pertinente et profitable. Pour ces non-professionnels de la médiation du musée, le Louvre-Lens fournira les ressources dont ils ont besoin, les accompagnera dans la création d’outils de médiation, mettra à leur disposition des espaces de travail, leur proposera des séances de formation pour leur permettre de mieux comprendre ce qu’est un musée, ses collections, ses œuvres, ses acteurs, son organisation. Des volontaires « ambassadeurs du Louvre-Lens » Pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent s’investir dans la vie du musée, des séances de formation et de découverte seront aussi proposées. Parents d’élèves, étudiants, retraités… pourront s’approprier le Louvre-Lens, engageant ainsi une relation durable entre le musée et son territoire. 105 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Des visiteurs médiateurs Aussitôt que deux visiteurs viennent ensemble au musée, il y a une chance que l'un des deux se retrouve en position de "médiateur". C'est particulièrement avéré dans le cadre familial. L'école de la médiation proposera aux grands-parents, parents, jeunes, adolescents ou enfants qui le souhaitent des séances de sensibilisation pour assumer ce rôle. Pour ces deux derniers « publics », le programme sera composé de séances éclairs dont les enseignements sont à mettre en application dans la foulée et de cycles un peu plus longs pour ceux qui voudraient renouveler l’expérience et s’inscrire dans la durée. Il prendra la forme d'animations, d'ateliers mais aussi de projets sur Internet et pourquoi pas de publications. Ces médiateurs, adultes, adolescents ou enfants, pourront ainsi prendre la parole auprès des visiteurs pour présenter œuvres et expositions suivant leur propre vision. Il s'agit là d'une manière de faire participer les habitants et les visiteurs à la vie du musée là où ils sont les premiers concernés. La rencontre entre professionnels et non-professionnels sera riche d'enseignements pour l'ensemble des acteurs et contribuera à rendre les œuvres plus accessibles et le musée plus démocratique. Le centre de ressources et d’échanges puise ses offres dans un contexte culturel territorial riche en associant de nombreux réseaux (lecture publique, éducation, milieu socioculturel) et en proposant des partenariats forts en matière d’information, de formation et de recherche. Des collections du Louvre à demeure dans la région, il n’y en a pas ou peu. Des lieux de lecture, d’information, de documentation, de rencontre et d’échanges de haute qualité, en revanche, les acteurs de la région n’ont pas attendu pour en développer. Le centre de ressources se doit ainsi de favoriser la rencontre de ces multiples réseaux, de développer au maximum les logiques partenariales pour s’insérer dans ce paysage et devenir un véritable acteur du développement culturel régional. Dans ce cadre, il s’inscrit bien évidemment dans la politique de formation à distance (e-learning, ecenter) que déploie aujourd’hui la collectivité régionale. Le Louvre-Lens pourrait prendre place dans le réseau régional en cours de constitution en développant la thématique des arts visuels et du patrimoine. 3. Un lieu de création : rendre les visiteurs acteurs de leur découverte du musée S’approprier le musée et ses œuvres est l’ambition du Louvre-Lens. Le centre de ressources et d’échanges, notamment grâce à son studio multimédia, participe à ce dessein en proposant un accès libre ou sous forme d’atelier aux outils numériques d’analyse et de créations (visuelles et sonores). Le public et notamment les adolescents développent créativité et partage au sein du musée et prolongent cette découverte à la maison. Riche d’un réseau important d’écoles d’art et d’artisanat d’art, le territoire du Nord – Pas de Calais dispose avec le Louvre-Lens d’un nouveau lieu de diffusion artistique. Le centre de ressources pourrait ainsi accompagner ce réseau en proposant des résidences d’artistes autour de la thématique de la relation du musée avec ses publics. Le studio multimédia pourrait être mis au service de cette idée en développant des projets de médiation numérique. Etre acteur plus que visiteur est la conséquence de nouvelles pratiques culturelles, impulsées par les potentiels des technologies de l’information et de la communication (informations ciblées en temps réel, participation active des internautes aux contenus, fenêtre ouverte en permanence sur le monde, Internet 2.0). Le centre de ressources et d’échanges du musée se veut tour à tour initiateur, formateur et médiateur de ces pratiques. En plaçant les visiteurs au cœur du projet, ils seront encouragés à réagir, à documenter eux-mêmes les œuvres, leur attribuer des mots-clés plus en lien avec leurs émotions ou leur façon de les décrire. Ces mots, attribués aux œuvres, viennent rejoindre les notices scientifiques des collections. Ce projet, tel qu’il est déjà expérimenté par de grands musées d’art américains ou australiens, vise à confronter les points de vue et enrichir la documentation générale sur les collections. Il devient l’instigateur d’une nouvelle approche du musée et de ses collections. 106 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Le laboratoire des pratiques : un lieu de recherche unique Le centre de ressources possède tout le potentiel pour devenir un véritable laboratoire des pratiques du musée. Lieu participatif de documentation, d’archivage et de partage, il présente un terrain privilégié pour toutes recherches scientifiques appliquées en sociologie des arts, anthropologie culturelle, sémiologie, voire historiographie des collections ; des recherches pourront ainsi être développées avec les universités régionales et internationales. De plus, ce laboratoire peut nourrir, par la restitution de ses résultats, les formations dispensées par l’école de la médiation et les offres de médiation du musée, à Lens comme à Paris. L’observatoire des pratiques développe ainsi une légitimité et une spécificité encore inexploitées en matière de pratique muséale des publics pour attirer chercheurs et étudiants. D.2 – L’offre pédagogique Une attention toute particulière sera bien évidemment portée aux jeunes publics, qu'ils soient enfants, adolescents ou étudiants, dans le contexte scolaire ou familial. Une première raison est que celui-ci constitue un engagement sur l'avenir : c'est bien grâce à la formation et la sensibilisation des jeunes générations que se préparent les futurs visiteurs. D’autre part, on entend parfois dire « ce musée ne sera pas pour moi mais pour mes enfants ». Le Louvre-Lens fait le pari que c'est en partie par les enfants que l'on pourra toucher les adultes, même lorsqu'ils ont peu ou pas de pratique des musées. C’est aussi en privilégiant la mixité, l’intergénérationnel dans l’offre pédagogique et culturelle que chacun trouvera sa place à Lens. 1. Un lieu d’accueil privilégié des scolaires Le Louvre-Lens se donne comme objectif de devenir musée éducatif pour tous, un outil d’éducation artistique et culturelle à la portée de chacun. Partant de là, il est naturel qu’une place toute particulière soit faite à tous les enfants, adolescents, jeunes dans le cadre scolaire. Aussi, une évaluation du nombre de jeunes à accueillir a été réalisée en partant d’hypothèses de venue au musée durant une scolarité entière. Pour les élèves les plus proches, ceux situés à moins de 30 minutes du futur musée, le principe serait de leur offrir une visite au musée dès l’enseignement élémentaire et une seconde venue au collège ou au lycée, afin qu’ils puissent visiter a minima deux fois le musée durant leur scolarité. Une telle politique d’accueil des scolaires nécessitera une sensibilisation importante des enseignants et de l’Education nationale. Les freins à la visite scolaire sont en effet aujourd’hui forts tant pour des raisons pédagogiques - l’enseignement artistique n’étant pas toujours jugé essentiel - que pratiques : coût financier important du transport qui sera très prégnant à Lens et lourdes responsabilités des enseignants engagées lors des sorties. Aussi le Louvre-Lens devra s’investir, avec l’aide d’enseignants mis à disposition par l’Education nationale, dans les différents programmes de formation proposés : - interventions dans les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) lors des journées de formation obligatoires ou optionnelles autour de l’éducation artistique et culturelle, - diffusion de laissez-passer Louvre-Lens aux stagiaires étudiants des IUFM, - inscription du Louvre-Lens dans les modules de formations des Centres régionaux de documentation pédagogique (CRDP), - inscription du Louvre-Lens dans le plan académique de formation, - sensibilisation au musée et formation des inspecteurs académiques et des conseillers pédagogiques de l’Académie. 107 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Les objectifs de fréquentation scolaire : accueillir 110.000 jeunes Le taux de visite prévisionnel des scolaires est calculé suivant un taux de venue durant les quinze années de scolarité, de la maternelle à la terminale. De deux pour les élèves de la zone la plus proche (ceux de la zone à moins de 30 minutes), ce taux faiblit évidemment à mesure que l’on s’éloigne de Lens : une venue et demie pour les jeunes de la zone de 30 minutes à une heure, puis une seule venue pour ceux de la zone isochrone suivante. Au total, ce calcul conduit à accueillir chaque année plus de 110.000 scolaires, donc 4.400 groupes (sur la base de 25 élèves par groupe) ce qui représente 20 % de la fréquentation. Un chiffre important, d’autant que la répartition de ces groupes est loin d’être uniforme dans l’année, le temps scolaire ne s’étendant que sur 150 jours, ce qui conduit ainsi à l’accueil de 25 groupes par jour. Il faut y ajouter les 2.200 groupes d’adultes attendus, représentant 55.000 personnes et 10 % de la fréquentation, qui pourront toutefois être accueillis aussi lors des vacances scolaires et les week-ends. 2. Les activités pédagogiques La programmation à l’intention des groupes et des individuels recoupera plusieurs composantes définissant l’éducation artistique et permettant de mieux comprendre ce que sont les enjeux du musée aujourd’hui. Une initiation à l’histoire de l’art et à l’archéologie qui s’appuiera sur Atelier enfants "Représentation des égyptiens" © 2002 Musée du Louvre / Charlie Abad les œuvres et le parcours de la Galerie du temps ainsi que sur les fouilles du Louvre qui seront stockées et étudiées dans les réserves du LouvreLens. Des propositions liées à la découverte des coulisses du musée et des différents métiers des musées en lien avec l’espace de découverte des coulisses du musée et les réserves visibles et visitables. Une sensibilisation aux notions d’architecture, d’urbanisme et d’histoire du patrimoine qui pourra porter sur une découverte soit de l’architecture muséale (du Palais du Louvre à l’architecture contemporaine du Louvre-Lens), soit du patrimoine local, en particulier minier, en coopération avec les partenaires locaux, notamment l’association Bassin minier Unesco et le futur « Pays d’art et d’histoire ». Une initiation à la conservation qui fait dialoguer les problématiques de préservation du patrimoine naturel (parc, terrils, paysage), des collections (archéologie, art) du Louvre et du patrimoine bâti (architecture) pour développer des réflexes de citoyen engagé pour l’avenir. De nombreux partenariats peuvent être envisagés sur ces questions à l’échelle du territoire et de l’eurorégion. Des parcours en compagnie d’artistes contemporains pour montrer comment le patrimoine artistique du Louvre reste un ferment pour la création contemporaine. Des ateliers d’initiation à la lecture et à la compréhension des œuvres permettant une sensibilisation aux techniques, matériaux et gestes de la création artistique (analyse plastique, observation, histoire et contexte de l’œuvre…). Des ateliers stimulant l’apprentissage de la création artistique, en particulier autour du multimédia (photo, vidéo…) et des nouvelles technologies, grâce à un espace (studio) dédié à la production multimédia. Des ateliers qui développent la compétence de visiteur de musée et par là, la posture critique, en particulier grâce à des rencontres multiples et variées et un travail de confrontation des points de vue. 108 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Ces activités seront conçues en fonction de la cellule de visite, du degré de familiarité et de l’âge et s’adresseront à tous les publics : enfants, adultes, seniors, handicapés…. Quelque soit leur forme, elles intégreront une confrontation directe avec les œuvres et permettront de découvrir le musée sous « tous ses angles » : salles d’exposition, centre de ressources, parc, espace découverte des coulisses du musée… Pour les scolaires, les sujets tiendront compte entre autres des programmes scolaires et des apprentissages demandés à chaque cycle. La proposition du musée devra s’inscrire dans un schéma supposant une préparation de la visite et des développements ultérieurs en classe. La visite scolaire au musée n’a de sens que si elle s’insère dans un dispositif complet : avant/pendant/après la visite du musée. Dans ce contexte, le site education.louvre.fr développera des modules spécifiques en fonction des présentations et des expositions du Louvre-Lens. Il serait aussi envisageable de mettre en place des « classes Louvre-Lens », sur le principe des « classes Louvre » existantes au musée parisien. Destinées principalement aux structures partenaires les plus proches, ces classes permettraient de réaliser un véritable travail en profondeur avec les jeunes. Globalement, une part importante des groupes sera autonome, d’où l’importance que l’on devra accorder à la formation de tous les relais et des enseignants en particulier. Pour aller au-delà de la simple visite, le musée incitera les responsables de groupes à mettre en œuvre un projet pérenne de découverte du musée et de son offre. Des outils performants seront proposés par le musée mais les médiateurs extérieurs seront aussi encouragés à développer leurs propres outils par des séances de formation notamment au multimédia. Ces productions seront mises en partage au centre de ressources, enrichissant par là même, la palette des approches proposées par le Louvre-Lens. Ces objectifs ambitieux posent des exigences en terme d’accueil, de médiation et d’aménagement des espaces. Ils s’accompagnent également d’une politique qui met l’accent sur l’autonomie des groupes en élargissant le droit de parole et en proposant, dans les espaces d’ateliers, des activités qui permettent d’initier, de mieux comprendre et d’approfondir. Les espaces d’ateliers Pour mettre en œuvre la programmation culturelle et pédagogique, le musée doit disposer d’espaces d’ateliers qui permettent une approche différente des contenus. Il correspondent à des moments privilégiés pour expérimenter, manipuler, découvrir diverses techniques et être dans la position de concevoir et produire pour mieux comprendre. Les ateliers du Louvre-Lens feront aussi Activtés pour individuels la part belle aux nouvelles technologies comme outil de création, de © 2002 Musée du Louvre / conception et d’appréhension des contenus. Dans ces espaces qui sont un Charlie Abad peu des « parenthèses » au cœur du musée, les enfants comme les adultes peuvent dialoguer et échanger sans avoir peur de déranger les autres. Le médiateur peut développer une relation plus attentive à chacun. Le public plébiscite d’ailleurs cette formule comme le montre la saturation rapide des ateliers pédagogiques du Louvre à destination des scolaires. Les musées de la région proposent également une offre riche et diversifiée qui rencontre son public. Aujourd’hui, étant donné les temps de préparation et de rangement des ateliers, l’expérience du Louvre montre que ceux-ci ne peuvent être utilisés que par demi-journée entière (un accueil le matin, un autre l’après-midi). Si l’on transpose cette situation, les six espaces d’ateliers prévus au LouvreLens pourraient ainsi recevoir 12 groupes par jour sur un total de 31 groupes (25 scolaires et 6 adultes) en période scolaire, ce qui correspond à environ un tiers des groupes. Un effort particulier sera fait au Louvre-Lens pour tenter d’augmenter cette proportion. Ainsi, le temps des ateliers sera modulé pour intégrer de plus courtes durées pour certains sujets et l’accueil des groupes se fera une heure avant l’ouverture du musée au public. Enfin, la programmation proposera aussi des « ateliers » dans les salles ; photos, croquis, théâtre/écriture et dans le parc pendant la belle saison ; ceux-ci pouvant 109 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement d’ailleurs bénéficier des équipements de la Scène. Cette diversité dans l’offre permettra de répondre à des temps de loisir et d’apprentissage qui varient selon les publics et de mettre à disposition des médiateurs extérieurs au musée (accompagnateurs des groupes autonomes) ces espaces pour qu’ils puissent préparer, faire la synthèse et la conclusion avec leur groupe, un service en conformité avec la politique des publics qui souhaite développer l’autonomie. D.3 – La programmation de la Scène La Scène est un espace modulable, polyvalent et pluridisciplinaire de près de 300 places assises, avec une extension possible de même capacité, qui doit permettre la présentation d’une large palette d’événements en lien avec la programmation des expositions et les activités du musée : spectacles vivants, concerts et autres manifestations telles que colloques, conférences, lectures, projections cinématographiques, etc. Principale originalité de la Scène, son lien direct avec l'espace des expositions temporaires permet de développer de nouvelles formes de présentation et d'animation autour des œuvres et d'introduire le spectacle vivant au cœur des expositions. Pleinement intégrées dans la vie générale du musée, ses activités produiront des interactions inventives et éclairantes avec les salles d’exposition et le parc pour rendre les œuvres accessibles au plus grand nombre. Sur le long terme, la Scène devrait également permettre de fidéliser les publics de proximité grâce à une offre culturelle sur mesure et renouvelée. Disposant d'un espace autonome, la Scène adopte en soirée un mode de fonctionnement de salle de spectacles ; le bassin minier se voit ainsi doter d'un nouvel équipement culturel de grande qualité, bénéficiant des infrastructures techniques les plus performantes. Les grands principes de programmation de la Scène peuvent être exposés selon trois modes de fonctionnement distincts et complémentaires : - espace dédié au partage des savoirs (pendant les horaires d’ouverture du musée) ; - équipement culturel pluridisciplinaire (en soirée) ; - structure organisatrice d’événements (rendez-vous pour le jeune public, rencontres internationales autour de la jeune création, par exemple). 1. Un espace dédié au partage des savoirs L’ambition première de la Scène est de développer un langage adapté à tous les visiteurs, quels que soient leur provenance et leur univers culturel. Il s’agit en effet de répondre à la fois au désir d’approfondissement des connaisseurs et à l’indispensable accompagnement de ceux qui n’ont jusqu’alors jamais franchi le seuil d’un musée. La scène comme outil de médiation intégré au parcours de visite L’auditorium du Louvre © 2006 Musée du Louvre / A. Dequier L’inscription directe de la Scène dans le prolongement de l’aile des expositions temporaires intègre pleinement la salle dans le parcours des visiteurs du musée. Cette contiguïté permet d’imaginer des opérations souples et légères techniquement pour accompagner la découverte et l’interprétation du musée et des expositions auprès du grand public. La plupart des séances sera proposée avec un système de traduction en anglais, voire en néerlandais. La salle devra également être équipée de dispositifs pour les malentendants et les déficients visuels (audio-description). 110 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement - Présentations du Louvre-Lens (au départ de certaines visites) Film sur l’histoire du projet, les principes architecturaux du bâtiment, l’organisation et le fonctionnement du musée… : à l’attention des primo visiteurs très peu familiers des musées (individuels ou groupes spécifiques : scolaires, champ social). - Films sur l’art (en début ou fin de visite) Films pédagogiques consacrés à une œuvre, un artiste ou une période pour le grand public et des séances scolaires. Documents historiques issus des collections du Louvre. Programmes autour de thématiques spécifiques : « Les artistes au travail », « Le cinéma et les autres arts », « Regards sur l’Antiquité », « Qu’est-ce qu’une fouille archéologique ? ». - Rencontres autour des collections et des expositions Avec des conservateurs, des commissaires d’exposition, des artistes : séances avec images projetées, pour le grand public et les relais du musée (comités d’entreprise, enseignants, médiateurs sociaux) en lien si possible avec une visite commentée. Une approche adaptée de l’histoire de l’art Les accrochages du Louvre-Lens permettront de décliner des programmes scientifiques à géométrie variable en mobilisant différents niveaux de connaissance. Il s’agit de permettre à chacun d’ouvrir sa curiosité sur des questions générales d’histoire de l’art et de proposer des approfondissements pour des publics plus avertis ou qui le sont devenus grâce à la fréquentation du musée. Ces conférences données régulièrement à la Scène pourront faire l’objet de conventions avec des classes de lycéens et des groupes d’étudiants de la région pour leur assurer un enseignement complémentaire en histoire de l’art. Certaines séances seront disponibles en ligne sur Internet. - « Les cours de l’Ecole du Louvre » Chaque année une approche universelle et chronologique de l’histoire de l’art en 10 séances proposée de façon décentralisée par l’Ecole du Louvre. - « L’exposition en scène » Conférences avec un point de vue original sur les œuvres exposées dans les salles grâce à des projections numériques en haute définition. Cette formule permettra de mieux comprendre la construction de l’exposition en l’enrichissant également d’autres œuvres (images fixes ou animées). La réalisation des projections pourra être conçue par des étudiants dans le cadre de projets avec des écoles spécialisées en infographie et en images numériques. - « Secrets d’atelier » : l’histoire des techniques, le rendu des matières, les effets de réel, la figuration des passions, … à travers les millénaires. L’auditorium du Louvre © 2006 Musée du Louvre / Angèle Dequier - « Actualité des musées » : présentations de chefs-d’œuvre restés au Louvre, de nouvelles acquisitions, de l’actualité des fouilles archéologiques du Louvre et de la Région, des grandes expositions temporaires du Louvre et des musées de la région et de l’eurorégion. 111 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Colloques et débats Quelques grands rendez-vous annuels feront du Louvre-Lens un point de rencontre des artistes, des conservateurs et des chercheurs pour favoriser les échanges entre les professionnels et les publics. Ces journées seront organisées en partenariat avec les réseaux éducatifs (plans académiques de formation pour les enseignants, IUFM, parcours pour les étudiants en art et médiation culturelle), les acteurs du champ social (associations de réinsertion par la culture) et les équipements culturels de la région et de l’eurorégion (musées, salles de concerts et de spectacles, festivals). - Colloques « Musée-Musées » Délocalisation de rendez-vous organisés au Louvre pour mettre en perspective à l’échelle internationale les actions développées au Louvre-Lens et dans d’autres institutions internationales : « Quel musée pour le XXIe siècle ? », « Intérieur/Extérieur », « Jardin, paysage, musée », « Les arts de la scène au musée ». - Débats Art & Société Inscrit dans la vie de la Cité, le Louvre-Lens abordera des questions de société en résonance avec ses expositions : « Virtuosité et handicap », « Découvertes scientifiques, découvertes artistiques », « Musée, mémoire des hommes ». Une fois par an, une journée sera organisée avec un partenaire (Le Monde, France Culture) autour de thèmes qui mobiliseront l’ensemble des acteurs de la vie économique, sociale et culturelle de la région. 2. Un équipement pluridisciplinaire pour tous les publics La « Scène » : le choix de ce terme qui s’énonce avec la force de l’évidence représente d’emblée une promesse d’ouverture à la multiplicité des langages artistiques. Une fois par semaine, ce lieu original adoptera un mode de fonctionnement de salle de concert et de spectacle ouverte à tous les publics. Au Louvre-Lens, le spectacle vivant sera habité par les spécificités du contexte muséal. La programmation prendra son élan à partir des thématiques explorées par la Galerie du temps, les présentations renouvelées et les expositions en privilégiant un axe historique et transversal pour mieux donner à voir et à comprendre les enjeux esthétiques d’hier et d’aujourd’hui. La programmation musicale (une dizaine de concerts par saison) La Scène sera soucieuse de proposer une approche panoramique de la musique, c’est-à-dire sans spécialisation géographique, historique, savante ou populaire. Musique vocale du Moyen Âge, de la Renaissance, musique baroque, classique, contemporaine, musiques traditionnelles du monde, jazz, musiques actuelles, chanson populaire… les programmes seront ponctuels, liés à l’actualité du musée et conçus dans un esprit rassembleur. Concert de Toumani Diabaté à l’auditorium du Louvre © 2006 Musée du Louvre / Angèle Dequier L’enjeu est de proposer au Louvre-Lens des programmes musicaux thématiques qui rapprochent des formes et des univers éloignés (jazz et musiques anciennes, musiques actuelles et musiques baroques, musiques contemporaines et musiques extra-occidentales). Certaines formules de « concerts commentés » revendiqueront aussi une forte dimension pédagogique pour proposer aux spectateurs un accompagnement souvent nécessaire lorsqu’il s’agit de musiques extra-occidentales, de compositions contemporaines ou de formes anciennes. Des thématiques pourront enfin valoriser le patrimoine culturel régional en mettant par exemple à l’honneur « les musiques de la mine » en collaboration avec le futur équipement musical créé à Oignies (Fosse 9/9 bis) et le Centre historique minier de Lewarde. 112 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement La danse contemporaine (5 spectacles par saison) Bill T. Jones en répétition au Louvre © Musée du Louvre / Angèle Dequier Dans un souci de complémentarité avec l’offre locale existante, il semble opportun que la danse contemporaine trouve sa place dans la programmation culturelle de la Scène. La présence de la danse dans un musée comme le Louvre-Lens va d’ailleurs dans le sens des recherches menées par une nouvelle génération de chorégraphes européens qui confronte les composantes du mouvement aux arts de l’image : présence de la vidéo, collaborations avec des plasticiens ou références directes aux beaux-arts. Ces artistes seront à leur aise avec la jauge, les dimensions intimistes de la salle et la modularité de ses espaces scéniques qui favorisent le renouvellement des rapports scène-salle très recherché dans les spectacles aujourd’hui. Des coproductions pourront être initiées avec des musées de la région qui, comme le LAAC de Dunkerque, proposent dans leurs murs des interventions de chorégraphes. De telles démarches artistiques mobilisent spontanément des publics jeunes et étudiants qui, en venant à la Scène, trouveront le chemin du Louvre-Lens. Les formes scéniques insolites (3 spectacles par saison) La forme des spectacles présentés à la Scène tirera pleinement parti des ressources spatiales de l’équipement : situation traditionnelle avec gradins, déambulations… L’articulation originale entre la Scène et l’aile des expositions rendra également possible une double approche scénique et muséale de l’univers d’artistes contemporains dont les productions s’accomplissent sous la forme de performances, de spectacles, d’installations… Au moment où s’opèrent des décloisonnements entre pratiques amateur et professionnelle ainsi que de nouvelles formes d’interactions avec les publics, la Scène peut développer des projets pédagogiques et participatifs ambitieux en direction d’une grande diversité de groupes et d’individus. Chaque année, un spectacle pourra être créé en collaboration avec un lieu de production de la région pour confronter les démarches contemporaines aux mythes fondateurs des arts de la scène : la naissance du théâtre occidental il y a 2.500 ans en Grèce, le théâtre de la Renaissance, la danse baroque, l’émergence de la mise en scène moderne avec Meyerhold. Loin de toute tentative de reconstitution du théâtre grec ou élisabéthain à la manière d’un « musée de la représentation », il s’agira de confronter les démarches contemporaines avec celles qui ont forgé l’histoire du spectacle vivant, en regard des collections et des expositions du musée. Dans cette perspective, la Fabrique théâtrale de Culture Commune pourra être un partenaire privilégié. Le Louvre-Lens s’associera ainsi aux structures régionales pour sonder les origines des arts de la scène avec des pratiques tournées vers l’avenir qui inventent de nouveaux rapports entre spectateurs et créateurs. 3. Des événements culturels fédérateurs La programmation culturelle de la Scène jouera un rôle décisif dans la perception du Louvre-Lens auprès des populations de proximité, des publics de l’eurorégion mais aussi des spectateurs potentiels originaires du reste de la France et de l’Europe. Tous se retrouveront à la Scène pour des événements fédérateurs. Deux exemples de rendez-vous sont ainsi proposés. - « Tous des enfants », 2 week-ends de spectacles pour le jeune public (premiers jours des vacances de Noël et d’été) : Pour s’adresser de façon directe et attractive à un public familial de proximité, le Louvre-Lens doit développer des initiatives fortement visibles pour le jeune public. La Scène proposera ainsi des événements pluridisciplinaires conçus pour les enfants au moment des vacances scolaires. Chaque saison, le premier rendez-vous pourra prendre la forme d’un « Noël du Louvre-Lens » organisé pour 113 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement les plus jeunes (4 à 10 ans) avec les habitants du voisinage, le deuxième marquera le début des vacances d’été et s’adressera davantage aux adolescents (10-16 ans) avec le concours des centres de loisirs. La programmation sera conçue en collaboration avec des structures culturelles forces de proposition en direction du jeune public comme Droit de Cité, le Centre culturel Arc-en-ciel de Liévin ou encore la Comédie de Béthune. Construite autour d’une thématique reliée aux collections et à l’actualité du musée (la bande dessinée, les jouets, les livres sur l’art pour enfant, le conte fantastique, la chanson), chaque édition proposera des rendez-vous riches et variés : - spectacles (danse, théâtre, théâtre musical) et des projections à la Scène, - contes et lectures dans l’auditorium de 90 places, - déambulations musicales et pique-niques en musique dans le parc, - ateliers de pratique artistique (contes musicaux, danse) avec des restitutions publiques. - « Retour vers le futur », rencontres internationales de la jeune création pluridisciplinaire : La Scène pourra constituer une vitrine de la forte capacité d’innovation du Louvre-Lens en accompagnant de jeunes créateurs internationaux (artistes ou interprètes) au seuil d’un parcours prometteur dans les domaines du théâtre, de la danse ou des arts visuels (film, vidéo, nouveaux médias). Cette contribution à l’émergence de jeunes talents s’accomplira à l’occasion d’un festival qui éclairera les grands enjeux de l’histoire de l’art et de la création contemporaine en faisant dialoguer « le monde de tous les vivants du passé » (Marguerite Yourcenar) et les forces vives d’aujourd’hui. D’une durée d’une à deux semaines quand les salles d’expositions temporaires seront inoccupées (avril), cette manifestation sera organisée chaque année en collaboration avec des institutions de formation artistique eurorégionales comme le Fresnoy (Tourcoing), P.A.R.T.S. (école fondée par la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, Bruxelles), la Chapelle Musicale Reine Elisabeth (Waterloo), l’EPSAD (école du Théâtre du Nord, Lille) et européennes comme le ZKM (Zentrum für Kunst und Medientechnologie, Karlsruhe), la Fondation Royaumont, Apple (Amsterdam). Avec ce positionnement prospectif, la Scène se donnera les moyens d’être un acteur artistique de référence au niveau national et international en suscitant l’intérêt des professionnels, de la presse et d’un public averti originaire de toute l’eurorégion et d’Ile-de-France. Les ressources des nouvelles technologies seront mises à contribution pour optimiser le rayonnement de l’événement avec des performances et des concerts créés et diffusés de façon événementielle avec les ressources d’Internet. Les spectacles seront proposés à la Scène, dans la salle des expositions temporaires et dans des lieux voisins comme à Oignies, le Stade couvert de Liévin, la Base 11/19 (Culture Commune) à Loos-enGohelle, le Colisée de Lens. D.4 – Les activités culturelles du parc Le bâtiment du Louvre-Lens est inséparable de l’espace qui l’entoure : il se révélera aux visiteurs en émergeant du paysage et en faisant advenir une émotion qui aura le caractère immédiat de l’essence artistique. Le musée-parc reliera architecture, art et paysage en imbriquant regard, réflexion et compréhension. Trait d’union entre la ville et le Louvre-Lens, le parc paysager aura un impact significatif sur la perception du musée. 1. De grandes manifestations dans le parc L’essor de formes de participation à la vie culturelle « hors les murs » depuis les événements exceptionnels comme la Fête de la musique aux spectacles de rues, en passant par les sons et lumières et les festivals, devrait être mis à profit dans le parc du Louvre-Lens. D’ores et déjà, le site a été investi comme en témoigne le pique-nique des centres loisirs dès le mois d’août 2005 ou l’arrivée, chaque année depuis 2006, de la Route du Louvre. 114 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement Le renouvellement des stratégies d’occupation du site favorisera l’inédit et l’étonnement pour assurer une fréquentation de proximité régulière et durable. Le parc pourra également faire l’objet d’aménagements spécifiques avec par exemple l’installation, chaque été, d’un pavillon éphémère conçu par un designer ou un architecte, comme une version contemporaine et pluridisciplinaire du kiosque à musique. Des formules largement fédératrices, festives et parfois participatives seront ainsi organisées en plein air au moment des beaux jours, soit en s’inscrivant dans les grands rendez-vous nationaux soit en s’associant aux festivals existants (« Z’Arts Up ! », Fêtes de Lens), soit en développant des manifestations propres au Louvre-Lens : - la Fête de la musique, la Nuit des musées, les Journées du patrimoine, la Nuit Blanche, - les « Nuits d’été du Louvre-Lens » (cinéma, ciné-concerts, spectacles, bals modernes), - les « Pique-niques en musique » (concerts le dimanche midi). 2. Les spécificités du projet artistique pour le parc Le parc sera un lieu public largement ouvert sur la ville destiné aussi bien aux visiteurs du musée, qu’aux touristes de passage et aux riverains. Les activités culturelles qui seront proposées participeront à l’accessibilité et à l’ouverture au plus grand nombre du musée en offrant d’autres situations perceptives pour aller à la rencontre de la création artistique. Les associations poétiques entre culture populaire et grand art seront privilégiées pour susciter l’intérêt des publics et permettre la découverte d’esthétiques moins repérées. La fanfare de Liévin au jardin des Tuileries © Musée du Louvre De grandes traditions populaires de la région Nord - Pas de Calais, comme le carnaval, les géants, les harmonies et fanfares, pourront constituer d’intéressants points de départ pour construire des programmes qui associeront également des formes contemporaines de musique et de spectacle vivant. C’est dans cet esprit qu’a été conçu, dès septembre 2007, l’événement « En fanfare aux Tuileries ! » organisé au Louvre en faisant dialoguer tradition des fanfares et création artistique avec de grandes parades constituées de 300 musiciens issus d’harmonie du bassin minier, des œuvres contemporaines pour ensembles de cuivres et des groupes qui mélangent musiques actuelles et brass bands. Ces événements dans le parc seront notamment organisés avec des équipes artistiques de la région (musique et spectacle vivant) : - des formations amateurs (harmonies et fanfares, musiques actuelles), - des ensembles musicaux tels que l’Orchestre National de Lille, le Huelgas-Ensemble (Bruxelles), Ictus et le Concert d’Astrée (Opéra de Lille), - des artistes en résidences dans les équipements voisins tels que Culture Commune, l’Hippodrome de Douai, la Comédie de Béthune, le Théâtre d’Arras, etc. 115 Le Louvre-Lens : Le Louvre autrement TROISIEME PARTIE : LES CONDITIONS DE REUSSITE 116 Les conditions de réussite Trois ans pour réussir La réalisation du projet architectural à l’échéance prévue, la qualité des présentations et expositions, tant du point de vue de leur contenu que de leur scénographie, le dynamisme des équipes qui vont faire vivre le musée sont sans conteste des éléments essentiels de la réussite du projet. Mais, d’une certaine façon, ces obligations vont de soi et ne sont pas spécifiques du projet LouvreLens. Vue du hall d’accueil depuis le nord © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach D’autres questions méritent une plus grande attention dans la mesure où les enjeux qu’elles soulèvent sont intrinsèquement liés à l’originalité même du projet. Le projet du Louvre-Lens, qui n’est pas le Louvre à Lens ou le Louvre bis ou même une antenne du Louvre, exprime dans son appellation même une véritable tension. Le déplacement du Louvre à Lens ne sera pas sans effet. Et il ne sera pas qu’un déplacement. On parle du Louvre-Lens, avec un trait d’union entre les deux : et pour que le Louvre à Lens devienne le LouvreLens, il y a bien nécessité d’insérer le musée dans son environnement, par un dialogue avec les partenaires, les réseaux et les publics de proximité. La notion de greffe est une image qui peut paraître appropriée. Le Louvre-Lens a l’ambition de devenir, de par sa fréquentation, le premier musée en région. C’est un objectif ambitieux qui nécessite des démarches de communication et de promotion professionnelles, s’appuyant sur une bonne connaissance des publics attendus, notamment touristiques nécessitant une politique tarifaire adaptée et passant par une bonne accessibilité du site. Enfin, la réussite du Louvre-Lens passe par un enrichissement du travail partenarial. La greffe prendra aussi si l’ensemble des partenaires partage non seulement les mêmes ambitions, mais aussi, au quotidien, les mêmes objectifs. 117 Les conditions de réussite A – Réussir la greffe Vue du hall d’accueil depuis le sud © Sanaa / Imrey-Culbert / Catherine Mosbach L’implantation du Louvre à Lens est un défi : comme une greffe, ce musée pour une part « étranger » doit se faire accepter par son territoire local. Porté par la Région Nord – Pas de Calais, il doit aussi devenir un emblème pour elle. D’où l’importance d’inscrire profondément le projet dans les différents réseaux régionaux et locaux. A.1 – Insérer le Louvre-Lens dans son environnement local L’appropriation du Louvre-Lens est un véritable pari, en particulier concernant la population locale qui en est la plus proche : les « futurs voisins » du musée. La période de construction du bâtiment sera un moment fort du projet qui doit être mis à profit pour créer du lien et aller ainsi à la rencontre de « l’autre », c’est-à-dire aussi des futurs publics du Louvre-Lens. La maison du projet sera au cœur de cet enjeu. Le Louvre-Lens sera également l’occasion d’insérer dans l’emploi des personnes qui en sont aujourd’hui exclues. 1. Le pari de la greffe Le concept de démocratisation est souvent employé pour caractériser l’ambition du Louvre-Lens. Mais s’agira-t-il seulement de démocratiser la culture, au sens de conquérir un nouveau public étranger aux pratiques culturelles ? On sait par ailleurs que la politique de démocratisation culturelle s’est soldée par un échec, mis en évidence par les études depuis plusieurs années. Il est plutôt à prévoir que, le Louvre-Lens ne devant pas être une forteresse, bien au contraire, il faudra l’insérer dans son environnement, notamment par un dialogue avec les publics et les populations voisines. Le concept de greffe La notion de greffe est une image qui peut paraître appropriée : comment ce qui paraîtra d’abord comme un corps étranger (avec de possibles manifestations de rejet) va lentement parvenir à se faire accepter par le territoire d’accueil, jusqu’à être reconnu sien, ou « propre » ? La greffe, plutôt que de menacer l’identité d’origine, va la troubler pour l’enrichir, dans l’acceptation réciproque et non dans la conquête. Et c’est bien par imprégnation, par les réseaux de circulation, de vascularisation et d’échanges, que cette transformation de corps étranger en corps propre s’opèrera. Ce concept définit bien l’ambition du projet. Il ne s’agit pas seulement pour le Louvre-Lens d’irriguer la nébuleuse minière. Il s’agit aussi que le Louvre-Lens se rende poreux et perméable à d’autres discours et à d’autres valeurs. Faire le pari de la greffe, c’est ainsi questionner la tension entre culture populaire et culture légitime. Car l’implantation du Louvre à Lens va faire se rencontrer deux sphères de pratiques que tout a opposé jusqu’alors et que l’on pourrait qualifier abruptement de « culture prolétaire » ou « minière » d’un côté, et de « culture bourgeoise » de l’autre (à l’image de ce qui se passe sur les terrains de football, lorsque le club de Lens est confronté à celui de Lille, les supporters sang et or revendiquant cette opposition populaire / bourgeois). Pendant longtemps, l’action culturelle mise en place dans l’ancien bassin minier visait à valoriser la culture locale et à réhabiliter l’image d’un territoire marqué par l’exploitation minière. Ainsi, on mettait en avant le patrimoine minier (par exemple avec le Centre historique minier de Lewarde), des pratiques typiques (harmonies, sociétés de majorettes, chorales) et une dimension festive. 118 Les conditions de réussite L’implantation du Louvre-Lens va donc renvoyer le territoire à son propre désir, à savoir celui d’accepter la « culture cultivée » qu’il a appelé de ses vœux mais qui originalement n’était pas la sienne. Et, parallèlement, ce projet va forcer l’institution parisienne à se décentrer, pour s’inscrire dans un paysage littéralement extraordinaire pour elle, afin de se faire reconnaître, accepter… et aimer. La greffe renvoie en somme aux problématiques de la diversité culturelle et de l’interculturalité. Afin de garantir une heureuse union entre l’identité du Louvre et l’identité lensoise, il faut donc aménager toutes les conditions pour que la rencontre ait lieu entre le musée et son terrain d’implantation. La construction de cette nouvelle identité passera par un travail de longue haleine sur le terrain, et ce bien avant l’ouverture du musée. Il s’agit de créer la confiance chez les partenaires et les relais, par le déploiement d’un programme qui donnera à voir et à comprendre ce que sera le futur musée. Il permettra à chacun de trouver sa place, à travers une politique de communication claire qui invite sans discriminer, par l’association des futurs usagers qui deviendront autant d’ambassadeurs du Louvre-Lens. Ici deux réseaux apparaissent d’ores et déjà comme prioritaires : le réseau des associations locales, pour inscrire le Louvre-Lens dans les pratiques des habitants, et celui du champ social, pour travailler en direction des publics non familiers du musée. En somme, ne laisser personne sur le bas côté de la route et être à la hauteur de la promesse initiale. 2. La maison du Louvre-Lens La réussite de la greffe passe ainsi par un lieu de rencontre entre les acteurs du projet et la population. La maison du projet, qui devrait ouvrir avec le début du chantier, est une réponse à la volonté d’associer les habitants au projet. Son appellation mérite d’être discutée : maison du projet, maison du Louvre-Lens ou un terme plus spécifique, à l’image de la « Baraque », nom donné à la maison-chantier de la Condition publique, « maison folie » de Roubaix créée à l’occasion de Lille 2004. A ainsi été proposé le nom de « Cité Louvre-Lens » faisant référence à la fois à la notion de cité de chantier, à l’appellation des quartiers miniers mais surtout à la dimension citoyenne du lieu. Le temps de sa mise en œuvre ne fait en revanche pas débat. Le démarrage des travaux constituera une phase décisive pour le projet. Du jour au lendemain, le futur musée va devenir concret aux yeux du grand public, tant pour la population régionale que pour les touristes. L’enjeu du lancement du chantier est de signifier que le futur Louvre-Lens est déjà en train d’ouvrir, de s’ouvrir à tous. Les objectifs de la maison du projet Dans sa forme comme dans son contenu, ce lieu doit être à la hauteur des ambitions et des attentes que le Louvre-Lens cristallise. Il s’agit ainsi de privilégier quelques objectifs fondamentaux : - donner à voir l’aspect novateur de l’architecture pour que les habitants de proximité mesurent l’importance du Louvre-Lens dans le renouveau de toute une région ; - permettre la compréhension du projet et du processus du chantier jusqu’à l’ouverture du futur musée en le rendant accessible à tous ; - rendre lisibles les liens entre le Louvre-Lens et le Louvre ; - indiquer des points de repères sur l’histoire du site et sur le passé industriel du bassin minier et ses lieux patrimoniaux, notamment ceux liés au tourisme de mémoire ; - soigner la qualité de l’accueil comme avant goût de l’hospitalité qui caractérisera le Louvre-Lens. Un lieu où le public sente qu’il est le bienvenu et qu’il en sera de même au musée et à son ouverture. Ouvert à tous, chacun y a sa place et son mot à dire. 119 Les conditions de réussite Un lieu unique réunissant les acteurs du chantier et le public L’accompagnement de la vie du chantier et la bonne compréhension du projet requièrent l’installation d’un équipement provisoire sur le site pour accueillir, dans les meilleures conditions possibles, un public large et diversifié. Plus qu’un simple site d’information, il faut envisager un lieu qui combine découverte du projet, convivialité, rencontre des publics, expression du travail des acteurs du chantier. Ces fonctions seront intégrées dans un équipement unique et global, même si le centre associatif et culturel Albert Camus, à l’extrémité est du site, pourra aussi être mobilisé, notamment pour l’installation des futures équipes du musée qui trouveront là d’autres espaces d’accueil et de formation, nécessaires avant la livraison du futur bâtiment de l’administration. L’aspect général et les dispositifs d’accueil de cette structure auront un impact significatif sur la perception immédiate qu’auront les visiteurs du Louvre-Lens. Aussi est-il souhaitable d’être en cohérence avec le geste architectural de Sanaa (légèreté des lignes, continuité spatiale entre les différentes parties, transparence, luminosité, intégration dans son environnement) ainsi qu’avec la notion d’hospitalité qui sera développée au futur musée. Ce module d’accueil agira comme un signal visuel fort. Sa présence pourra être renforcée par des éléments de signalétique, de mobilier urbain et d’éclairages extérieurs qui préfigureront les solutions proposées pour le futur musée et son parc. Ces infrastructures pourront être installées de façon progressive. Les missions de la Cité Louvre-Lens Maison du projet du Centre Pompidou-Metz © DR Un lieu de présentation du projet Maquettes, images et plans du futur musée doivent y être présentés à côté des grands principes du projet culturel et scientifique qui intégreront une présentation du musée du Louvre et de ses collections. Il s’agit de donner à voir et à comprendre ce que sera l’établissement. Bien qu’à destination principale de la population locale et régionale, la présentation devra être également faite en anglais et en néerlandais afin de souligner sa vocation touristique. Un lieu d’information Le site du Louvre-Lens est le lieu naturel d’une information permanente sur l’avancement du projet. A la présentation générale du futur musée, s’ajoutera une information en temps réel sur les différentes initiatives en cours. Il s’agira aussi d’informer les publics sur les manifestations des différentes institutions culturelles de la région, en montrant leur richesse et leurs atouts. Un relais de l’Office de tourisme de Lens-Liévin dans la maison pourrait être ainsi envisagé. Un lieu d'hospitalité La maison du projet doit présenter les caractères d’hospitalité et d’accueil que nous voulons donner au Louvre-Lens. L'existence d'un café-restaurant apporterait à cet égard une véritable convivialité au lieu et permettrait de faire rencontrer travailleurs du chantier, habitants et visiteurs. Un des objectifs est d’accueillir et d’associer les habitants du quartier de façon à ce que non seulement ils s’y sentent bien, mais qu’ils investissent suffisamment les lieux pour en être, en tant que bénévoles, les futurs ambassadeurs. Un lieu de travail La maison du projet sera aussi le lieu de la constitution de l’équipe du musée. Le futur établissement devrait être en place début 2009 et ses salariés s’installeront progressivement sur le site. Les personnels rattachés au Louvre trouveront là un lieu de travail, de réunion et d’accueil. Enfin, la maison du Louvre-Lens permettrait aussi d'accueillir des stagiaires, étudiants en médiation culturelle, en muséologie… 120 Les conditions de réussite La maison du projet sera ainsi un lieu d'appropriation active, dont il faudrait que le musée conserve une trace. L’intervention d’un ou plusieurs artistes, sous forme d’un appel à projets, pourrait être sollicitée afin de rendre compte des étapes de mise en œuvre du projet, comme de l’implication des habitants. De la même façon, le chantier pourrait faire l’objet lui-même d’un projet artistique que ce soit par l’habillage de ses clôtures et accès ou par toute autre approche, qui pourrait d’ailleurs s’élargir à l’ensemble du quartier d’implantation. Un relais vers le chantier La période du chantier est, dans tout projet, un temps fort parce qu’attendu, espéré et très concret. La possibilité d’accéder au chantier, de le visiter, au minimum de l’apercevoir, répond à une véritable attente du public qui doit être prise en compte, surtout lorsque le musée annonce qu’il fera découvrir ses coulisses. La maison du Louvre-Lens sera la première étape vers le chantier qui devrait être visible de tous, à toutes les étapes de la construction du bâtiment. Cette ambition reposera sur l’organisation de parcours adaptés aux évolutions du chantier et pilotés par des personnes en charge des visites (notamment des étudiants en architecture). Facilement accessibles (notamment aux handicapés et aux personnes à mobilité réduite), de tels circuits modulables en fonction des possibilités techniques et de sécurité offriront une vue permanente sur le chantier, son environnement et ses protagonistes. Certaines visites événementielles pourront faire l’objet de commandes à des compagnies de théâtre pour scénariser la découverte du site. Sur le modèle des dispositifs d’explications de panorama, les visiteurs du chantier pourront bénéficier d’informations sur le territoire d’inscription du Louvre-Lens, sur l’histoire du site, celle du carreau de la fosse 9 des Mines de Lens mais aussi de son horizon de terrils (la fosse 11/19 de Loos-en-Gohelle et sa reconversion en fabrique théâtrale, Culture Commune). Ces éléments liés à la mémoire du site et du bassin minier pourront donner lieu à l’organisation de visites spécifiques avec des anciens mineurs, des acteurs culturels de la région, des historiens. Enfin, dans le prolongement des festivités organisées à l’occasion de la pose de la première pierre, les abords de la « Cité Louvre-Lens » pourront accueillir des rendez-vous de plein air au moment des beaux jours. Trait d’union entre la ville et le futur musée, le parc paysager du Louvre-Lens aura un impact significatif sur la perception du musée ; il sera un lieu public largement ouvert sur la ville destiné aussi bien aux visiteurs du musée, qu’aux touristes de passage et aux riverains. Ces aspects seront préfigurés en s’inscrivant dans les grands rendez-vous nationaux (Fête de la musique, Journées du patrimoine…), en s’associant aux festivals existants (« Z’Arts Up ! », Fêtes de Lens, les Rutilants) et en développant des manifestations propres au Louvre-Lens : les « Nuits d’été du Louvre-Lens » (avec films projetés sur écran géant, spectacles, bals modernes) et les « Pique-niques en musique » (concerts le dimanche midi). 3. Des emplois pour la population locale En tenant compte des différents effets du Louvre-Lens, le nombre d’emplois attendus s’élève entre 250 et 300 pendant la phase du chantier et entre 600 et 700 lorsque le Louvre-Lens sera ouvert. Il convient de maximiser les retombées locales de ces emplois. Les retombées pourront en effet concerner un territoire plus ou moins proche selon la capacité des acteurs locaux à s’emparer des opportunités offertes. Le territoire devra aussi offrir les compétences nécessaires aux emplois offerts. Par exemple, les métiers de l’accueil (musée, hôtellerie, restauration, activités touristiques et culturelles, services publics et privés, transports…) seront fortement sollicités et la pratique professionnelle de langues étrangères sera en particulier requise. 121 Les conditions de réussite D’ores et déjà, plusieurs réunions ont eu lieu localement entre les différents acteurs de l’emploi et de la formation, avec l’appui de la récente Maison de l’emploi de Lens-Liévin-Hénin-Carvin. Elles ont mis en évidence la capacité du territoire à prendre en charge ce type de problématique, la mobilisation autour de projets porteurs d’emplois étant une pratique assez courante dans le bassin d’emploi et les partenaires ayant l’habitude de travailler ensemble. De même, les formations nécessaires sont déjà en place sur le territoire, que ce soit en matière de tourisme, d’accueil ou de langues étrangères, certaines devant toutefois être développées. Le principal enjeu est celui de l’adaptation des demandeurs d’emploi aux emplois offerts par le Louvre-Lens, qu’il s’agisse des emplois directs pour le musée ou des emplois indirects et induits. Le niveau de qualification reste globalement faible et peu adapté aux emplois offerts. 75 % des demandeurs d’emploi sont peu qualifiés, alors même que les trois quarts des emplois du musée demanderont une qualification. Le projet de création à Lens d’un centre de formation d’apprentis Une étude de programmation d’une nouvelle antenne du centre de formation d’apprentis de la Chambre des métiers du Pas-de-Calais à implanter à Lens a été conduite en 2006-2007 par le Conseil régional et la Chambre des métiers. Le nouveau centre devrait être situé au sein du quartier Van-Pelt. Les formations proposées concernent à la fois des formations classiques, dans les domaines de l’alimentation, de la coiffure, des services aux personnes et aux entreprises et des formations plus spécifiques liées à l’artisanat d’art. Il s’agit de profiter de la nouvelle image du territoire offerte par l’arrivée du Louvre pour développer une filière « métiers d’art divers ». Différents domaines ont été identifiés : bijoux, cuir, bois, art sur métaux, verre, encadrement, dorure, reliure (de niveau CAP, BP, BMA, Bac Pro, MC, DMA), qui devront être validés dans les mois qui viennent. Parmi les formations classiques, certaines pourront être adaptées aux besoins du futur musée en matière de maintenance informatique et de prévention sécurité, en particulier. Parmi les groupes techniques de travail mis en place par les partenaires du projet, le groupe « Développement économique et touristique » va s’attacher à ces questions, avec une première problématique autour du chantier et la possibilité d’y faire travailler des personnes en voie d’insertion sociale et professionnelle. Mais, d’ores et déjà, des actions de formation longue doivent être envisagées dans la perspective des premiers recrutements qui interviendront en 2010, tant au musée qu’auprès de ses prestataires et qui monteront en puissance avec l’ouverture du musée. Dans cet esprit, début juillet 2007, la Maison de l’emploi de Lens-Liévin-Hénin-Carvin a déjà effectué un déplacement au Musée des arts contemporains au Grand-Hornu en Belgique, musée ouvert en 2002 et qui avait alors mis en place un programme pour des chômeurs de longue durée afin de les former à la surveillance du futur musée. La formation des gardiens du Grand-Hornu (Belgique) Le Grand-Hornu © Musée du Louvre / M. Pic Au cours de l’année qui a précédé son ouverture, en septembre 2002, le Musée des arts contemporains du Grand-Hornu, situé en Belgique à proximité de Mons, a formé plus d’une vingtaine d’agents d’accueil et de surveillance. Les critères de recrutement étaient doubles : habiter les environs du site et rechercher un emploi. Aucune compétence en matière de musée ou de beauxarts n’était requise. La formation, conçue spécialement pour l’occasion en partenariat avec les collectivités locales et les organismes spécialisés dans l’emploi, consistait avant tout à former des agents polyvalents, capables de prévoyance et de prévenance. 122 Les conditions de réussite Après une formation généraliste agréée par le Ministère de l’Intérieur sur les métiers du gardiennage, les aspirants ont découvert la conservation préventive au cours d’un module créé sur mesure pour eux. En parallèle de cet apprentissage consacré à la surveillance, ils ont bénéficié d’une formation en accueil et communication autour de l’expression orale et des langues étrangères (anglais et néerlandais). Enfin, la connaissance du musée, de l’histoire de l’art, du site et de la région wallonne a fait l’objet d’un approfondissement à la fois théorique (cours) et pratique (sorties). Cinq ans après la fin de cette formation exceptionnelle de par sa durée et son contenu, la direction du MAC’s en fait un bilan positif ; en témoignent le satisfecit des visiteurs et l’implication de l’équipe dans la vie du musée. A.2 – Développer une stratégie d’appropriation régionale Si c’est au niveau local que l’appropriation du projet paraît prioritaire du fait du bouleversement qu’induit l’arrivée du nouveau musée pour les habitants proches, la dimension régionale de cette appropriation est également importante. Le Louvre-Lens est, avant d’être un musée lensois ou un musée national, un musée régional. Il est porté financièrement et techniquement par la Région Nord – Pas de Calais, principal financeur et maître d’ouvrage. C’est a priori la clientèle régionale qui concourra le plus à son succès de fréquentation d’où l’importance de sensibiliser dès maintenant les habitants de la région, de les familiariser avec les musées et d’en faire des futurs ambassadeurs du Louvre-Lens. 1. Un comité régional d’appropriation pour coordonner les initiatives Dans cette perspective et afin de fixer un cadre de travail cohérent aux initiatives et de favoriser une réflexion collective, les partenaires du projet Louvre-Lens ont décidé de créer un comité ad hoc, dit comité d’appropriation du projet. Ce comité a pour but d’élaborer des propositions visant à développer progressivement, de façon cohérente et réaliste, les activités éducatives ou culturelles visant à la formation et à la sensibilisation des futurs publics du Louvre-Lens. Autour des partenaires du Louvre-Lens (Musée du Louvre, collectivités locales, Direction des musées de France, Direction régionale des affaires culturelles, Rectorat), il associe les institutions culturelles, les professionnels des musées, le monde de l’éducation et les représentants de la société civile mobilisés en faveur du futur musée. Co-présidé par Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre, et par Catherine Génisson, vice-présidente chargée de la Culture de la Région Nord – Pas de Calais, le comité a tenu sa première réunion d’installation le 21 septembre 2006 à Lille. Le comité propose des initiatives. Il recueille aussi les projets portés par les associations, les collectivités locales, les artistes… et les sélectionne en fonction d’une charte de labellisation qu’il a approuvée lors de sa réunion d’installation. Les activités labellisées, menées par les partenaires du projet, mais aussi par les différents acteurs économiques, éducatifs, culturels et sociaux de la région Nord – Pas de Calais, devront permettre soit de faciliter l’appropriation du projet par la population locale, soit d’assurer le développement de la notoriété du Louvre-Lens au plan national et international. Il peut s’agir d’actions de communication, d’activités éducatives ou culturelles ou d’animations festives. 123 Les conditions de réussite La charte de labellisation des opérations d’appropriation La charte de labellisation a pour objectif de garantir aux animations et activités d’appropriation du Louvre-Lens portées par les partenaires locaux un niveau de qualité compatible avec l’image et le rayonnement associés au Louvre. Elle est nécessaire aussi pour assurer la cohérence des opérations d’appropriation conduites par les différents partenaires. Parmi les règles de labellisation des opérations, il faut noter l’obligation de proposer une action éducative, scientifique, culturelle ou artistique qu’un large public peut s’approprier et qui soit en rapport direct avec le projet Louvre-Lens, soit au sens géographique du terme, soit d’un point de vue thématique, soit d’un point de vue des problématiques abordées. Il faut enfin justifier d’un niveau de qualité en rapport avec l’image et le rayonnement associés au Louvre. Ce critère de qualité se décline en particulier dans le domaine scientifique et culturel mais aussi en matière d’accueil du public et d’animations proposées. 2. Les Beffrois du Louvre-Lens Inspirés des Beffrois de la Culture initiés par la Région Nord – Pas de Calais en 2004, initiatrice du concept, huit Beffrois du Louvre-Lens seront organisés d’ici l’ouverture du musée. Dans les lieux publics que sont les hôtels de ville, ils présenteront des œuvres des huit départements du Musée du Louvre et des musées de la région. Autour d’une thématique commune « Le musée, mémoire des hommes », chaque beffroi aura un thème proposé par un co-commissariat scientifique partagé entre le Louvre et un (ou plusieurs) musée(s) de la région. Le musée conserve les traces de nos vies, les témoignages de notre quotidien, le souvenir de nos pratiques religieuses ou funéraires. Les huit Beffrois du Louvre-Lens essaieront de traduire comment ces moments essentiels de la vie ont été représentés dans le passé. Cette thématique offre de riches possibilités pour les départements du Musée du Louvre et les musées de la région ; elle est aussi facile à appréhender par les publics, en retenant des sujets simples, proches de chacun. Les objectifs des Beffrois du Louvre-Lens visent à valoriser et faire découvrir les œuvres des musées autant qu’à faire connaître le projet du Louvre-Lens et peuvent être formulés ainsi : - sensibiliser la population régionale au projet Louvre-Lens, - valoriser le patrimoine du Musée du Louvre et des musées de la région, - susciter la curiosité des visiteurs sur la richesse et la diversité des collections, - mettre en place un dispositif de partenariat avec les musées régionaux, - préfigurer les présentations d'œuvres dans le futur Louvre-Lens. Deux à trois Beffrois du Louvre-Lens seront organisés chaque année d’ici l’ouverture du musée. A chaque Beffroi (huit au total), sera associée une œuvre majeure de chacun des huit départements du musée du Louvre, accompagnée ou non d'une ou plusieurs autres œuvres en fonction de la thématique retenue, en résonance avec des œuvres de musées de la région. Le scribe royal et prêtrelecteur en chef Nebmértouf © Musée du Louvre / C. Décamps Chaque manifestation durera un mois et demi. La commune de Louvroil, près de Maubeuge, a accueilli le premier Beffroi du 15 octobre au 30 novembre 2007 autour d’un chef d’œuvre du département des antiquités égyptiennes (« Le scribe royal et prêtre-lecteur en chef Nebmertouf ») sur le thème de « La magie de l’écrit ». Ce premier Beffroi a également mis en valeur les collections du Palais des Beaux-Arts de Lille et fait écho à l’exposition « Pharaon. Homme, roi, dieu » produite par la Région Nord – Pas de Calais dans le cadre de Valenciennes, capitale régionale de la culture en 2007, exposition qui présentait des œuvres du Louvre et du Musée du Caire. 124 Les conditions de réussite Au printemps 2008, s’est tenu un second Beffroi à Bruay-la-Buissière, sur le thème « Rêver l’horizon », autour d’une peinture de William Turner représentant un paysage. Chaque Beffroi est accompagné d’une politique de médiation culturelle qui s'appuie sur l'expérience acquise par la Région lors des Beffrois de la culture 2004. Dans la perspective du Louvre-Lens, y sont expérimentés de nouveaux outils de médiation. Hôtel de ville de Bruay-laBuissière © Musée du Louvre / M. Pic Quelques autres initiatives Les cours de l’Ecole du Louvre à Lens Cette initiative de la Ville de Lens mérite d’être évoquée tant son succès a dépassé toutes les prévisions initiales. Outre son enseignement traditionnel en faveur des étudiants en histoire de l'art, l'Ecole du Louvre propose à tous, sans condition préalable de diplôme, des cycles de cours à Paris et en région, assurés par des conservateurs de musée, des universitaires, des chercheurs et des professionnels du patrimoine. A la demande de la municipalité lensoise, l’Ecole du Louvre a mis en place à Lens un cycle d'initiation à l'histoire Le Colisée de Lens © Musée générale de l'art, d'une durée de trois ans. C’était une première pour l’Ecole du Louvre / AS Caron dans la mesure où, dans les 25 villes organisant aujourd’hui de tels cours, il y a toujours un musée ou une société d’amis partenaires, alors même qu’à Lens, le musée n’est pas encore construit. Alors que le nombre d’auditeurs potentiels était évalué à une centaine, l’Ecole a vu s’inscrire dès la première année plus de 350 personnes et 520 l’année suivante. C’est le plus fort taux de participation en région, témoignant de l’engouement local et régional à l’arrivée du Louvre. La Route du Louvre La Route du Louvre (marathon, course de 10 km et randonnées pédestres reliant Lille, la capitale régionale, et Lens) proposée par la Fédération régionale d’athlétisme du Nord – Pas de Calais, participe aussi de cette volonté d’appropriation du projet par tous. Il témoigne du rapprochement entre la métropole lilloise et le bassin minier tout en promouvant l’arrivée du Louvre à Lens. Le tracé du marathon – du siège de Lille Métropole à l’ancienne fosse 9 des Mines de Lens, site d’implantation du Louvre – emprunte et valorise des sites remarquables de la région. Au vu du succès de Départ de la randonnée de 10 sa première édition en 2006, l’opération est désormais reconduite chaque km. Route du Louvre 2007 © Musée du Louvre / M. Pic année. L’arrivée sur le site du Louvre-Lens est l’occasion d’une rencontre conviviale et festive dans l’esprit des nombreuses animations organisées tout au long des parcours par les communes et associations à destination de leur population. En 2007, des ateliers pour les enfants ont été organisés sur place par le Musée du Louvre. En fanfare aux Tuileries ! L’esprit de la manifestation « En fanfare aux Tuileries ! » est un peu différent, puisque proposée à Paris à l’initiative du Musée du Louve. Elle témoigne cependant de la même volonté d’appropriation et de partage. Le temps d’un week-end, les 15 et 16 septembre 2007 pour la première année (mais l’opération a vocation à se renouveler), le Louvre a accueilli au jardin des Tuileries une grande tradition populaire de la région Nord – Pas de Calais : les fanfares et harmonies. Evocation hautement Les fanfares aux Tuileries © Musée symbolique des liens que le Louvre tisse avec le bassin minier pour la du Louvre / M. Pic création du Louvre-Lens, « En fanfare aux Tuileries ! » s’inscrit dans un héritage où l’art des jardins s’est associé à un large mouvement de démocratisation de la musique. Dans le décor exceptionnel du jardin des Tuileries, que dessine la perspective de la grande allée, tradition des fanfares et création artistique ont dialogué pour faire entendre des répertoires musicaux originaux et variés. 125 Les conditions de réussite A.3 – S’inscrire dans les réseaux régionaux et locaux Ancrage dans le territoire local, appropriation régionale du projet vont de pair avec une action démultipliée s’appuyant sur les réseaux locaux et leurs relais, et ce bien avant l’ouverture du Louvre-Lens. Le maillage avec le terrain et la mise en réseau sont capitaux pour réussir l’implantation du projet. Plus les publics sont éloignés des musées, plus cette action de sensibilisation des réseaux devra s’engager tôt. Il en va ainsi en particulier des secteurs associatifs et du champ social. Pour mobiliser les réseaux éducatifs, il n’est pas non plus inutile de définir dès maintenant une stratégie. D’autant qu’un certain nombre d’actions peuvent se mettre en place sans attendre l’arrivée du LouvreLens. 1. Les réseaux des associations locales et du champ social Le champ associatif témoigne d’une richesse et d’une diversité d’activités propres au bassin minier et à la région. Parallèlement au réseau des collectivités territoriales, il permettra de toucher les publics de proximité du Louvre-Lens. Il englobe toutes les structures qui participent à la vie du territoire à l’échelle locale, sur la base d’initiatives d’habitants, et souvent avec des degrés de spécialisation importants (pratiques amateur sportives ou culturelles). Il rend compte d’un goût, celui des grandes manifestations populaires collectives avec une dimension participative forte et festive, attachée à la promotion de l’identité régionale. On ne soulignera jamais assez l’importance du football pour la population lensoise qui outre son équipe de première division, comprend une foultitude de clubs amateurs qui se réunissent toutes les semaines pour des événements sportifs, marqués d’une ambiance conviviale et familiale. Les ateliers de la Route du Louvre : un premier partenariat associatif L’organisation d’ateliers pédagogiques par le Musée du Louvre lors de la Route du Louvre 2007 a été l’occasion d’intégrer le réseau des associations locales et d’engager un premier travail collaboratif. Unis-Cité de Lens, qui propose à des jeunes d’effectuer sur une année un service volontaire pour la solidarité, et Les Ateliers du Mercredi, qui organise et anime diverses activités pédagogiques à Loosen-Gohelle, ont ainsi été les premiers partenaires associatifs du Louvre-Lens. Le réseau associatif est également traversé par une dynamique citoyenne liée aux préoccupations environnementales et au développement durable. Après des décennies d’exploitation des hommes et des sols, le Nord – Pas de Calais est toujours la région française la plus polluée, avec les indicateurs santé les plus mauvais et l’espérance de vie la plus courte. Des associations telles que La Chaîne des terrils participent de cette volonté de valoriser l’environnement et le patrimoine naturel. D’autres associations se mobilisent pour préserver le patrimoine local et mieux le connaître. Elles sont toutes des relais naturels du futur musée. L'atelier dessin organisé par le Musée du Louvre. Route du Louvre 2007 © Musée du Louvre / AS Caron Parallèlement au réseau associatif, doit être cultivé celui du champ social. Ce dernier fait preuve, là encore, d’un maillage riche et diversifié. Le domaine de l’alphabétisation et de la lutte contre l’illettrisme en est un bel exemple. L’action d’ATD Quart Monde peut ici être citée à titre d’exemple. Des centres de formations pour adultes dispensent également des cursus permettant une insertion sociale et professionnelle, avec un accompagnement spécifique gage de réussite. Des structures comme les foyers, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les centres sociaux proposent une gamme de services sociaux, de l’urgence aux objectifs d’insertion au long terme. En lien avec la politique de la ville, des lieux comme les maisons de quartier, les structures d'animation et équipements municipaux jouent, de par leur proximité, un rôle prépondérant. 126 Les conditions de réussite Les publics qui fréquentent toutes ces structures sont très variés : enfants ou adultes, familles, demandeurs d’emploi, femmes seules, populations issues de l'immigration, personnes sans-papier ou sans-abri... En somme, des populations en situation de petite, moyenne ou grande exclusion, des publics fragiles et des minorités. 2. Les réseaux éducatifs L’innovation du Louvre-Lens réside pour une part dans ce concept de musée éducatif au sens large, c’est-à-dire une haute qualité d’accompagnement du visiteur doublée d’une invitation au sens critique. Mais il ne s’agit pas d’oublier que le Louvre-Lens se greffe à un terrain déjà riche de pratiques et d'expériences. De nombreux projets à destination des enfants et des jeunes sont conduits chaque année par les services éducatifs des musées de la région, que ce soit à Lille, Roubaix, Arras, Valenciennes ; et même au-delà des frontières, en Belgique par exemple. Au travers des enfants, c'est vers les populations les moins favorisées, en terme d'offres et de pratiques culturelles, que se porteront prioritairement les efforts du Louvre-Lens. D'autant plus que les zones d'éducation prioritaire de la région Nord – Pas de Calais bénéficient de nombreux dispositifs de soutien et de valorisation (les collèges « Ambition réussite » par exemple). Les actions organisées avec les écoles maternelles, primaires, centres de loisirs, écoles ouvertes... permettront d'inscrire des élèves très jeunes dans une pratique régulière des musées. Les tout-petits ne seront donc pas oubliés, pas plus que les futurs enseignants. Aujourd'hui en formation dans les IUFM, demain relais auprès des jeunes, ils font partie de ceux qui garantiront la qualité des projets menés avec le Louvre-Lens. Les organes de formation permanente des enseignants seront des outils de collaboration régulière avec le musée. On pourra également élargir ce réseau au-delà des frontières pour associer des enseignants ou des enfants belges ou anglais par exemple, dans une optique résolument européenne. Un travail en commun est aujourd’hui engagé par les différents partenaires. Il réunit des membres de la Direction artistique de l'action culturelle du Rectorat, des inspecteurs académiques (histoire, arts appliqués...) mais encore la Région, la Direction régionale des affaires culturelles, la Ville de Lens, les deux Départements du Nord et du Pas-de-Calais et la Direction des publics du Louvre . Le but est de bâtir une stratégie sur le long terme, avec une méthodologie de travail concertée, en proposant aux acteurs éducatifs un cadre de travail commun. Les jeunes Lensois au Louvre © Musée du Louvre / G.Poncet Rappelons que la politique éducative du Louvre-Lens ne débutera pas à l’ouverture du musée. Dès maintenant, des habitudes de collaboration entre les différents acteurs se mettent en place. A titre d’exemple, on peut rappeler en avril 2007 la signature de la convention entre la Ville de Lens et le Musée du Louvre pour organiser la venue au Louvre de 400 enfants scolarisés en CM2 (convention amenée à se reconduire chaque année jusqu’à l’ouverture) ; ou encore le Plan d’éducation aux images lancé par le Département du Pas-de-Calais (saison 2007/08) qui a pris pour thème non exclusif « En attendant le Louvre-Lens ». 127 Les conditions de réussite B – Préparer la venue des publics L’analyse des futurs publics du Louvre-Lens montre que plus de la moitié des visiteurs seront extérieurs à la région, près de 30 % étant étrangers. Le succès du musée passe donc aussi par eux. Par ailleurs, même pour la population régionale, Lens et le bassin minier ne sont pas aujourd’hui une destination touristique et culturelle reconnue et il est nécessaire de faciliter son arrivée. Pour préparer leur venue dans les meilleures conditions, il s’agit déjà de bien connaître les visiteurs extérieurs, de pouvoir les sensibiliser dès maintenant au projet du Louvre-Lens en se dotant d’une stratégie de communication, de réfléchir aux conditions d’ouverture et de tarification du futur établissement, et enfin de prévoir et d’améliorer leurs moyens d’accès à Lens et au site du musée. B.1 – Mieux connaître les publics potentiels Les publics futurs du Louvre-Lens seront différents du Louvre Paris et leurs motivations ne seront pas nécessairement les mêmes. Il importe de bien les identifier, de mieux les connaître pour ensuite s’inscrire dans les réseaux touristiques qui permettent de les approcher et de les inciter à venir au Louvre-Lens. 1. Trois principaux foyers de visiteurs en dehors de la région : les Britanniques, les Belges et les Franciliens Les objectifs de fréquentation du Louvre-Lens font émerger trois principales origines des visiteurs en dehors de la région Nord – Pas de Calais, évaluée chacune entre 10 et 13 % de la fréquentation totale, soit, sur la base de 550.000 visiteurs annuels, un ordre de 50.000 à 70.000 personnes. Il s’agit des Britanniques, des Belges et des Franciliens, trois catégories assez distinctes qui devront chacune faire l’objet d’une analyse et d’une stratégie de promotion touristique particulières. Pour les britanniques : valoriser une image francofrançaise Les passagers transmanche © Comité régional de tourisme du Nord – Pas de Calais Le territoire britannique se trouve en dehors de la zone de chalandise directe du futur musée. La traversée de la Manche, qu’elle se fasse par ferry ou par le Tunnel, exclut en effet les Britanniques de l’attraction résidante du Louvre-Lens. Pour autant son importance est telle pour l’activité touristique du Nord – Pas de Calais, qu’il va de soi que le marché britannique constituera une cible prioritaire. On sait que le shopping est la principale motivation de la venue de cette clientèle dans la région (78 % dont 31 % pour l’achat de tabac). Les Britanniques sont également attirés par la Côte d’Opale et le tourisme de mémoire (Arras en témoigne avec son office de tourisme qui accueille 45 % d’étrangers dont 80 % de Britanniques). Malgré sa proximité, la fréquentation de cette clientèle reste dépendante de la concurrence des différents moyens de transport. L’attraction des destinations aériennes à bas coûts ont ainsi pesé sur le trafic transmanche (baisse de 11 % entre 2000 et 2004). Par ailleurs, cette clientèle reste peu attirée par les programmations culturelles de la région. La liaison Londres-Lille par l’Eurostar est cependant un atout à développer, parallèlement à une articulation entre Lille et Lens. Les acteurs du tourisme prévoient d’axer d’avantage l’offre sur le patrimoine, les villes, les sites culturels et de mémoire, tout en proposant des séjours actifs et des produits basés sur l’art de vivre à la française. La carte à jouer du Louvre-Lens est indéniablement là, dans un musée symbole de l’identité nationale française, emblématique d’un goût et d’un art de vivre bien français. 128 Les conditions de réussite On note toutefois que pour l’instant, les Anglais interrogés dans le cadre des enquêtes du public se montrent peu intéressés par le projet Louvre-Lens, alors qu’ils sont une clientèle d’importance au Louvre à Paris (troisièmee position dans le top 10 des fréquentations par nationalité étrangères). Ce qui est susceptible de les motiver pour une visite du futur musée, ce n’est pas le concept du « Louvre autrement » mais bien la marque et l’image traditionnelle du Louvre, « 100 % française ». Reste donc à promouvoir et valoriser activement cette image auprès d’eux, en insistant sur son inscription dans un paysage davantage français que régional. Le public britannique est assez proche de la clientèle parisienne et a une potentialité importante du côté des jeunes (mobiles, curieux). La clientèle régulière du tourisme de mémoire (qui est composé à 22 % de Britanniques) est également à prendre en compte. Il s’agit de séduire ces touristes (par le biais de Maison de la France ou en se joignant aux campagnes publicitaire du tunnel sous la Manche et des bateaux transmanche…) avec une offre touristique structurée et lisible où le Louvre-Lens trouvera naturellement une place de choix. Les visiteurs belges : deux clientèles en une Les visiteurs du nord de l’Europe © Musée du Louvre / S. Loeuillet En accordant la moitié de leurs visites aux musées et monuments historiques, les touristes étrangers fréquentent beaucoup plus les équipements culturels que la moyenne. Les visiteurs étrangers représentent 10 % des publics des musées du Nord – Pas de Calais, et les Belges sont en tête de ce classement. On note également la prédominance des Belges dans la fréquentation des équipements touristiques de la région, alors qu’ils sont moins présents que les Britanniques dans l’hôtellerie, cette donnée tenant sans doute à leur proximité géographique. Le Nord – Pas de Calais est la deuxième région de destination touristique pour cette clientèle derrière l’Ile-de-France. Dans le Pas-de-Calais, les touristes sont surtout présents sur la Côte d’Opale et au Touquet, lieux où l’emprise du béton a été moins forte que sur la côte belge. Ils viennent également pour la gastronomie et les opportunités de randonnées. 20 % des Belges ont entendu parler du projet Louvre-Lens et c’est le meilleur taux de notoriété du projet auprès des étrangers. 24 % se disent intéressés par un projet de visite, et leur motivation repose principalement sur les œuvres du Louvre. C’est une clientèle sensible au prix et aux offres familiales. Il faut cependant distinguer ici deux clientèles en une : les pratiques culturelles et touristiques divergent nettement entre Flandre et Wallonie. Disposant de revenus plus élevés, les Flamands partent plus souvent que les Bruxellois et les Wallons. Cela conduit à prévoir le développement de deux types de stratégies marketing, avec des messages et des outils distincts (une offre de qualité exigeante d’un côté, la promotion de l’accessibilité et du prix de l’autre). Les Franciliens : séduire une clientèle exigeante Parmi les touristes du Nord – Pas de Calais, les Franciliens se placent au premier rang depuis 2004 derrière les régionaux. Plus mobiles et disposant d’un budget plus élevé que la moyenne nationale, ce sont de grands consommateurs de déplacements touristiques. Toutefois, et malgré la proximité de la région avec la capitale, le Nord – Pas de Calais n’est en terme de séjours que la 16e région de destination des Franciliens (la 9e pour l’ensemble des Français). Les Franciliens représentent dans les objectifs de fréquentation du Louvre-Lens 60.000 visiteurs. Cela implique que 1 Parisien sur 100 se rende chaque année au Louvre-Lens, et 1 sur 250 pour les habitants des autres départements de la région. Il faut noter qu’aujourd’hui les Français (hors région Nord – Pas de Calais) et en particulier les Franciliens sont sous-intéressés et ont un faible taux de connaissance du Louvre-Lens. Un travail important de promotion est à lancer bien avant l’ouverture du musée vers cette population. 129 Les conditions de réussite Les Franciliens sont plutôt à considérer comme une population touristique de courts séjours, sauf pour les expositions temporaires qui pourront attirer une clientèle spécifique. Le public parisien reste un public en soi et un public difficile. Une percée en communication sur Paris demande des moyens énormes par rapport à d’autres territoires, car chaque campagne de promotion se trouve en concurrence avec une profusion d’offres. Il s’agira donc de concevoir des produits jumelés attrayants et originaux d’un point de vue de leurs formules et des tarifs (hôtel + transport + exposition) ; voire de segmenter au sein du marché parisien, par des actions précises (en ciblant telle typologie ou telle communauté parisienne en fonction du type de programmation). Il serait par ailleurs dommage de ne pas utiliser les réseaux de clientèles du Louvre parisien, d’autant que le Louvre-Lens a vocation à initier une programmation d’événements de réputation nationale, différents et complémentaires du Louvre parisien. Une cohérence et une complémentarité entre les programmations des deux établissements seront dans ce cadre un atout en terme de marketing, et permettront de parier sur la venue d’une clientèle francilienne exigeante et friande d’événements culturels. Il s’agira aussi de valoriser fortement l’accessibilité du musée lensois grâce à la liaison TGV (1 h 10 de transport), le voyage aller-retour pouvant se faire dans la journée. Des billets jumelés pour les expositions du Louvre à Paris et du Louvre-Lens, des droits d’entrée valables dans les deux établissements pourront être mis en place et une politique de promotion active devra être visible et présente au sein même de l’établissement parisien (affiches, billetterie, packs…) - la réciproque allant évidemment de soi. Sur la base de séjours plus longs, et si l’on veut capter ces visiteurs franciliens en déplacement de loisirs ou de congés au-delà d’une journée, il faudra réaliser un travail important de proposition touristique englobant la métropole lilloise, associant des circuits, d’autres visites, des hébergements, des animations et des restaurants, des transports, dans une offre touristique globale. 2. S’inscrire dans les réseaux touristiques L’enjeu est d’inscrire véritablement le Louvre-Lens dans une offre touristique globale et cohérente avec son environnement. Dans cette perspective, un travail partenarial a été engagé à travers un groupe de travail associant les partenaires touristiques régionaux. Le groupe de travail « Développement des publics – Promotion touristique » Il a débuté ses travaux en septembre 2006. A raison d’une réunion par trimestre, il rassemble une douzaine de structures du secteur touristique régional qui représentent la diversité de ce champ (Comité régional du tourisme, Comités départementaux du tourisme, Offices de tourisme de LensLiévin, de Lille, d’Arras, de Douai…), mais aussi des représentants de l’Etat (Direction des musées de France, Direction régionale des affaires culturelles) et des collectivités partenaires. Ces réunions permettent à la fois de diffuser de l’information sur la vie du projet et du futur musée et de faire remonter de l’information sur l’actualité du territoire. La dynamique lancée par ce groupe de travail n’a pas pour vocation de se dissoudre à l’ouverture. Mais, au contraire, et tout au long de la vie du Louvre-Lens, le partenariat culture/tourisme doit gagner en puissance en se démultipliant à travers divers types d’instances et de mises en œuvre concrètes. Cela passera par la mise en réseau et l’association des partenaires locaux. D’ores et déjà plusieurs préconisations peuvent être faites. Une veille et une prospective mutualisées Le tourisme et la culture appartiennent à deux mondes différents, aux cultures professionnelles ellesmêmes diverses, qui se sont beaucoup rapprochés après s’être longtemps ignorés. Dans les musées, les études de publics se sont développées et le dialogue avec les acteurs touristiques a pris corps. 130 Les conditions de réussite Si l’on souhaite développer une offre touristique globale, il faut prévoir la mutualisation de compétences complémentaires en associant des acteurs d’horizons différents : professionnels des organismes de tourisme, conservateurs du réseau Musenor, Fédération régionale des amis des musées, collectivités locales, représentants des sites de mémoire, prescripteurs privés (autocaristes, tour-opérateurs…), associations, éditeurs de guides touristiques… Conscient de ce besoin, le Comité régional de tourisme, à travers son observatoire régional du tourisme, a entrepris plusieurs études sur les publics des équipements culturels et de loisirs, dont récemment une sur l’impact économique et socioculturel des musées, mettant en commun les observations développées par les uns et les autres sur les clientèles, leurs pratiques, les offres, les réseaux… Avec ses homologues de l’eurorégion, du Kent en particulier, il a entrepris des échanges sur les différentes clientèles. Le Louvre-Lens entend s’inscrire et prendre sa part dans ce travail collectif en cherchant à mieux partager l’existant et à étendre la veille stratégique sur les activités qui rythment le calendrier de la région (événements culturels en particulier) au-delà des frontières régionales, en particulier vers la Belgique. Inscrire le Louvre-Lens dans les circuits existants Une réflexion importante au niveau de la tarification est à prévoir afin d’imaginer des produits incitatifs et adaptés au contexte local mais encore eurorégional, en inscrivant le Louvre-Lens dans les réseaux de produits, de circuits de vente, de communication et de promotion (pass, pack…). En ce domaine comme pour d’autres, il est important de dépasser les frontières franco-françaises. La participation aux grands événements promotionnels (salons par exemple) est à prévoir en concertation avec les autres établissements culturels de la région. De même, il s’agira de rester vigilant - et le cas opportun, de prendre part - aux démarches qualité existantes comme les labels régionaux et nationaux (Savoir Plaire, Tourisme et handicap…). Le classement Unesco du bassin minier ou le label « Pays d’art et d’histoire » participent eux aussi d’une dynamique territoriale que le Louvre-Lens ne devra pas ignorer. Mais encore on s‘attachera à permettre aux professionnels touristiques locaux de mobiliser leurs contacts presse lors de conférences de presse développées par le musée. Et l’on développera des Eductours vers ses prestataires que l’on considèrera à premier titre comme des relais. Passer d’une offre culturelle à une offre de loisirs Si l’on veut que l’offre du Louvre-Lens touche un large public touristique, il faudra élargir la notion de pratique culturelle à celle de loisirs, en appréhendant la visite au musée comme un élément parmi d’autres. On observe par exemple que la question du temps de visite et de séjour est liée à des considérations économiques. Un travail de pédagogie doit être fait en direction de tous les opérateurs touristiques (les autocaristes par exemple) afin de valoriser la notion de confort et pas seulement celle de rentabilité. Repenser de nouvelles offres reviendra à faire évoluer la notion de pratique culturelle vers un mode plus souple, plus confortable, plus pratique et plus diversifiée, qui intègre le point de vue du consommateur. Le développement de produits jumelés ira dans ce sens. Une stratégie concertée et ciblée vers les publics étrangers Si l’on veut faire venir ou s’arrêter les touristes en transit dans la région, même quand leur motivation n’est pas culturelle, il s’agira d’adapter des produits et une communication en fonction de clientèles spécifiques, sur la base du précepte « à publics différents, stratégies d’offres différentes ». Au vu du nombre de cimetières militaires et de nationalités représentées, on sait par exemple que le tourisme de mémoire attire des publics lointains (provenant du Canada, Portugal, Chine, Nouvelle-Zélande, Australie...). On les considèrera comme des clientèles potentielles de choix pour le Louvre-Lens. Le réseau des villes jumelées paraît également intéressant à prospecter, en tant qu’il donnera l’occasion de tisser des liens avec des jeunes publics à un niveau européen et international. 131 Les conditions de réussite Les familles d’origine immigrée installées dans le bassin minier, parfois depuis plusieurs générations, offriront également des opportunités de développement vers les publics polonais, italiens, maghrébins, ces populations ayant souvent conservé un lien avec leur pays d’origine. La clientèle américaine, qui ne craint pas les déplacements de plusieurs centaines de kilomètres lors de ses séjours touristiques en Europe, est aussi susceptible d’être mobilisée si des services adaptés lui sont proposés. Et enfin, gageons que les Japonais (qui arrivent en cinquième position dans le top 10 des nationalités de la fréquentation étrangère du Louvre) seront curieux et fiers de poursuivre leur visite à Lens, pour découvrir la réalisation architecturale de leurs compatriotes de l’équipe Sanaa. Des habitants impliqués dans l’accueil des clientèles touristiques Si l’on souhaite que les populations s’approprient l’équipement et contribue au bon accueil des touristes sur leur territoire, il conviendra de les considérer comme des acteurs à part entière et donc de mobiliser le champ de la société civile et les associations locales. Dans le cas contraire, une fracture risque de s’établir entre les habitants et les clientèles de passage, ce qui équivaudrait à un rejet de l’équipement. La notion d’ambassadeur, présentée comme une piste intéressante par les acteurs touristiques de la région, s’est déjà incarnée à l’occasion de Lille 2004. Les ambassadeurs sont des habitants volontaires qui accueillent des touristes pour leur faire découvrir le territoire sous un nouveau jour ; non dans une démarche professionnelle mais par une approche citoyenne et amateur. Ce dispositif méritera évidemment d’être réactualisé dans le cadre de l’arrivée du Louvre-Lens. B.2 – Se doter d’une stratégie de communication Tant pour l’appropriation du projet que pour sensibiliser les futurs visiteurs touristiques, une politique de communication et de promotion est à mettre en place. Aujourd’hui, le besoin d’information est fort et la notoriété de Lens comme du projet est encore à conforter. Une stratégie de communication globale dans la perspective de l’ouverture du musée est à définir. Elle doit s’appuyer sur un plan de communication pluriannuel. Dès maintenant, une réflexion doit par ailleurs s’engager sur la future politique éditoriale du musée. 1. Un fort besoin de communication Après une phase d’information lors du choix de la Ville de Lens et du lancement du concours d’architecture, la communication sur le projet s’est faite plus discrète en 2006 et 2007 en attente de la réalisation d’un projet architectural définitif compatible avec les engagements financiers des partenaires. Localement, cette absence de communication, légitime dans cette phase, a conduit à beaucoup d’interrogations qu’il paraît important de lever. Les entretiens avec les groupes d’habitants organisés par le cabinet Public et Culture en 2006 ont d’ailleurs permis de recenser les principales interrogations locales sur le projet et à laquelle la communication sur le projet devra répondre. Si, globalement, la population ressent de manière positive l’arrivée du Louvre, perçu comme un vecteur de dynamisation du tissu économique et de valorisation de Lens et de sa région, elle s’interroge sur les répercussions financières du projet, en terme de hausse des impôts locaux ou du prix de l’immobilier, sur les nuisances éventuelles du chantier, sur les incidences en matière de circulation future, sur la réalité des créations d’emplois craignant le transfert de salariés parisiens. Certains redoutent la réalisation d’un Louvre au rabais, voire que le projet ne soit qu’un coup d’éclat sans suite. Même si plus de la majorité des enquêtés répondent qu’ils ont l’intention de visiter le Louvre-Lens, ils ne le feront seulement qu’ « après avoir entendu ce qu’on en dit ». 132 Les conditions de réussite Rassurer les habitants, répondre à leurs inquiétudes et présenter les retombées positives du LouvreLens sont ainsi des impératifs. Pour le public extérieur à la région, la question se pose différemment. Il ne peut ressentir un besoin de communication sur un projet qu’il ne connaît pas aujourd’hui. Interrogés par le cabinet Public et Culture, les visiteurs des différents sites culturels du Nord – Pas de Calais mais aussi du Louvre à Paris, peu représentatifs donc de la population en général et connaisseurs pour la majorité d’entre eux de la région, témoignaient des efforts qu’il reste à faire pour faire connaître le Louvre-Lens. NPdC Français Belges Britanniques Néerlandais Connaissance de Lens : déjà entendu parler 100 % 53 % 53 % 27 % 12 % Connaissance du projet Louvre-Lens 80 % 50 % 20 % 5% 5% Taux de grand intérêt pour le projet 37 % 14 % 24 % 15 % n.s. Source : enquête Public et Culture (2006), les personnes interrogées étant pour l’essentiel des touristes enquêtés dans la région Nord - Pas de Calais et au Louvre à Paris. Si Lens est relativement connu des touristes Français et Belges interrogés (ce qui ne signifie pas d’ailleurs qu’ils sachent le situer précisément sur une carte), en revanche, la majorité des Britanniques et Néerlandais n’en ont jamais entendu parler. Quant au projet, si sa connaissance est réelle au niveau régional, ce taux décline rapidement au-delà du territoire national. Pour mieux évaluer cette connaissance du Louvre-Lens et son évolution dans la durée, le Musée du Louvre va engager à partir de 2008, au niveau français et belge, une enquête annuelle sur la notoriété et l’attractivité du futur musée. 2. La nécessité d’un plan de communication globale Tant pour l’appropriation du projet que pour sa promotion auprès des futurs visiteurs, c’est une véritable stratégie de communication qu’il faut mettre en place. Les grands événements ponctuels, les réponses aux sollicitations de la presse ne suffiront pas à convaincre habitants et touristes de venir au musée. Pour les années à venir, les objectifs à poursuivre semblent clairs et peuvent être ainsi résumés : - réussir l’appropriation du projet par la population locale et régionale, - accroître la notoriété du projet tant au plan national qu’international, - le faire connaître comme un projet novateur et d’excellence porté par un des établissements culturels français les plus prestigieux, - susciter une attente pour donner envie de le visiter à son ouverture. Un plan de communication pluriannuel doit pouvoir mieux déterminer les cibles, préciser des outils et fixer un calendrier d’actions. Si, d’ores et déjà, un site Internet a été ouvert, qui permet de donner une information riche sur le projet, aucun autre outil n’est aujourd’hui disponible pour informer les habitants ou communiquer auprès des différents partenaires.. Il conviendra de s’appuyer sur des professionnels de la communication pour la mise en œuvre de ce plan. 133 Les conditions de réussite Le site Internet du Louvre-Lens Le site Internet louvrelens.fr, mis en ligne le 22 mai 2007, est le premier outil de communication mis à disposition du grand public pour le tenir informé sur le projet. Dynamique, interactif et évolutif, le site a été conçu en coopération avec tous les partenaires du projet. Le site Internet du projet Louvre-Lens www.louvrelens.fr Quatre entrées principales, placées dans la barre de navigation principale, permettent aux internautes de découvrir les objectifs et les acteurs du Louvre-Lens, le projet architectural, le projet scientifique et culturel et la région Nord – Pas de Calais. Trois autres entrées renvoient vers les opérations organisées en amont de l'ouverture (« En attendant le Louvre-Lens »), les possibilités de mécénat (« Comment soutenir le projet ») et les musées du Nord – Pas de Calais (« Musées à découvrir »). D’autres rubriques sont proposées, permettant de suivre l’actualité du projet (« Actualités », « Questions-réponses », « Presse » et inscription à une lettre d’information). Les internautes ont aussi à leur disposition plusieurs sources d’information leur permettant d’approfondir leur connaissance du projet (documents, vidéos et bandes sonores, point de vue des diverses personnalités de la région Nord – Pas de Calais sur le projet…). Enfin, la page d’accueil propose une animation flash témoignant du lien fort qui unit le musée du Louvre-Lens et le musée parisien. Elle renvoie vers les sites Internet de tous les partenaires du projet (Musée du Louvre, Région Nord – Pas de Calais, Département du Pas-de-Calais, CommunAupôle de Lens-Liévin et Ville de Lens). D’autres services sont également proposés aux internautes comme le plan du site, le formulaire de contact, l’outil de recherche, l’envoi à un ami ou l’impression d’une page du site. La lettre d’information permet de leur fournir une communication régulière, actuellement trimestrielle sur le projet. Tenant compte de la future zone d’attraction du musée, le site Internet du projet Louvre-Lens est disponible en trois langues, français, anglais et néerlandais. Il bénéficie par ailleurs du label Argent pour l’accessibilité aux personnes malvoyantes. Un accès vers un site extranet, proposant carnet d’adresses et documents à télécharger, a de plus été mis en place afin de faciliter les échanges entre les différents partenaires travaillant sur le projet. Site Internet du projet et non celui du musée du Louvre-Lens, cet outil de communication sera amené à s’enrichir, à évoluer avec le projet et à se transformer lors de l’ouverture du musée. Il convient en particulier que soient définis le logo et la charte graphique du futur établissement. Pour témoigner des liens indissolubles qui lieront le Louvre-Lens au Musée parisien, le logo devrait être conçu à partir de celui du Louvre, tout en affichant sa propre identité. Cette identité visuelle devra être arrêtée avant l’ouverture du musée afin de pouvoir être utilisée pour les actions d’appropriation, et en particulier pour la communication à conduire autour de la Maison du projet, du chantier ainsi que des Beffrois du Louvre-Lens. Par ailleurs, elle est nécessaire pour la signalétique du musée et du parc dont l’élaboration est confiée à l’équipe de maîtrise d’œuvre. Les médias, en particulier régionaux, portent un grand intérêt au projet. On peut donc avoir l’assurance que, autour des événements organisés et des étapes clés de la vie du projet (pose de la première pierre, journées porte ouverte sur le chantier, inauguration…), les médias régionaux se mobiliseront, comme ils l’ont déjà fait lors du choix de Lens pour l’accueil du Louvre. 134 Les conditions de réussite Cet aspect est un atout réellement important pour la stratégie de communication à venir car ces médias ont un impact direct et conséquent sur la population. Ainsi, parmi les 80 % de la population du bassin minier ayant entendu parler du Louvre-Lens, 49 % l’avait été par la radio ou la télévision et 31 % par la presse, 29 % l’ayant su par le bouche à oreille et 13 % par l’affichage (Enquête Public et Culture). Les moyens financiers à consacrer à l’information sur le projet ne doivent donc pas nécessairement être considérables, d’autant que les journaux des collectivités locales partenaires sont des relais naturels du projet. Par contre, la conception et l’édition de supports d’information, la réalisation de matériels d’exposition, l’édition d’affiches et surtout l’achat d’espaces en France et à l’étranger, l’utilisation des outils de marketing direct représenteront un investissement plus conséquent qu’il convient de prendre en compte. La presse nationale et internationale s’intéressera davantage au projet lorsque la date d’ouverture du musée se rapprochera. Il faudra alors intensifier les relations presse et monter en puissance au niveau des informations à fournir. Quant à l’ouverture, il faudra susciter un fort intérêt - ce qui obligera à ne pas trop dévoiler les présentations futures - et créer un véritable événement en associant si possible la date d’inauguration officielle à un anniversaire ou une commémoration significative dans l’histoire de la région. 3. La politique éditoriale Bénéficiant de présentations et d’expositions spécifiques, le Louvre-Lens développera une production éditoriale. Cette politique, en phase avec les missions artistiques et culturelles de l’établissement, sera complémentaire de celle du musée parisien. Les projets éditoriaux du Louvre-Lens prendront ainsi place dans les différentes collections du Louvre et seront donc soumis à son comité éditorial. Les deux établissements assureront d’ailleurs de manière conjointe la promotion de leur production éditoriale, sur papier, sur support audiovisuel, comme sur Internet. Les éditions du Louvre-Lens s’articuleront autour d’une présentation du musée (avec notamment la promotion de son architecture), de ses collections, expositions et manifestations culturelles (Scène). Afin de soutenir l’apprentissage du musée par tous les publics, le Louvre-Lens veillera à assurer une présentation didactique de ses publications et à enrichir ses outils d’accompagnement et d’aide à la visite, notamment en direction des familles accompagnées d’enfants, mais aussi des visiteurs étrangers. Le fonds d’archives audiovisuelles Première journée de tournage sur la Route du Louvre, le 13 mai 2007 © Musée du Louvre / AS Caron Depuis plusieurs années, le Musée du Louvre mène une politique de production cinématographique, audiovisuelle et multimédia dont le Louvre-Lens se devait d’être partie prenante. Il s’agit à la fois de réaliser un documentaire et de constituer un fonds d’archives audiovisuelles sur la création du musée. Deux axes principaux ont été retenus pour couvrir l’événement : le projet muséographique et architectural du Louvre-Lens et les enjeux culturels et économiques de cette implantation. Pour cette mission, le documentariste Frédéric Compain et la société AMIP ont été choisis. Cette équipe a notamment réalisé trois documentaires pour le Musée du Louvre en 1998, 1999 et 2005 : « Delacroix : mes dernières année », « La bataille de la pyramide » et « L’Alhambra de Grenade ». Un premier tournage a eu lieu à l’occasion de la venue des élus du Nord - Pas de Calais au Louvre en avril 2006. En région, les premières prises de vue de l’équipe ont été réalisées lors de la deuxième édition de la Route du Louvre le 13 mai 2007. 135 Les conditions de réussite B.3 – Une large ouverture du musée et une politique tarifaire raisonnée et attractive La qualité de l’accueil au musée, c’est aussi faire en sorte que le musée soit ouvert au moment où les visiteurs ont envie de s’y rendre et que les conditions financières d’entrée ne soient pas un obstacle à sa visite. Si les considérations qui suivent s’appuient sur l’expérience du Musée du Louvre et sur une première analyse des pratiques des autres musées de la région et de l’eurorégion, elles n’achèvent pas la réflexion sur ces questions qui doivent être débattues avec tous les partenaires du projet. 1. Des jours et heures d’ouverture qui restent à définir Traditionnellement, les musées nationaux en France sont fermés le mardi. C’est ainsi le cas du Musée du Louvre. Beaucoup de musées de province ferment également ce jour là. Cette journée de fermeture offre le temps de réaliser les travaux d’entretien nécessaires et d’assurer le renouvellement des accrochages. D’un point de vue financier, elle permet aussi de réduire les dépenses de fonctionnement, le coût d’une journée d’ouverture supplémentaire n’étant pas négligeable. Une fermeture hebdomadaire le lundi, en complémentarité avec le Musée du Louvre à Paris et les musées de la région Toutefois, ce modèle traditionnel a évolué. Ainsi à Paris, à sa création, le musée d’Orsay a choisi comme jour de fermeture le lundi, dans une optique de complémentarité avec le Louvre et le centre Pompidou, également fermé le mardi. Le musée du Quai Branly, récemment ouvert, a pris la même option. En région, un rapide recensement des jours d’ouverture des musées montre d’ailleurs que la fermeture du mardi n’est plus aussi systématique que naguère. Pour s’en tenir aux musées du Nord de la France, si le musée des beaux-arts d’Arras, le musée Matisse au Cateau-Cambrésis comme celui des beaux-arts et de la dentelle de Calais appliquent toujours cette règle, en revanche, le musée de Picardie à Amiens, la Piscine à Roubaix ou le LAAC (Lieu d’art et action contemporaine) à Dunkerque ont choisi le lundi comme jour de fermeture. Certains sont même fermés lundi et mardi. C’est le cas du musée des beaux-arts de Cambrai par exemple, le musée des beaux-arts de Lille étant, quant à lui, fermé le mardi toute la journée et le lundi matin. Autour du futur musée du Louvre-Lens, constatons que le principe de la fermeture du mardi reste pratiqué tant à Arras (musée des beaux-arts) qu’à Douai (musée de la Chartreuse). A l’étranger (Bénélux, Angleterre, Allemagne), les musées adeptes d’une fermeture hebdomadaire privilégie le lundi comme jour de fermeture, ainsi à Bruxelles, au Luxembourg ou au Grand-Hornu. Le choix d’une fermeture hebdomadaire le lundi ne serait ainsi pas incohérent, conforme aux pratiques de visite des pays voisins, et donnant la possibilité d’une offre complémentaire à celle des musées français les plus proches. Cette complémentarité, peut-être plus virtuelle que réelle, pourrait être aussi défendue par rapport au Louvre parisien, puisqu’elle permettrait d’offrir 52 jours supplémentaires d’ouverture des collections du Louvre au public ! Un musée ouvert tous les jours l’été, voire au printemps La question de l’ouverture 7 jours sur 7, au moins une partie de l’année, mérite d’être posée. En effet, si quasiment tous les musées de beaux-arts ont un jour de fermeture hebdomadaire, beaucoup d’autres sites culturels sont en revanche ouverts tous les jours de l’année. C’est le cas de la plupart des grands monuments, c’est assez souvent le cas également des musées de société. 136 Les conditions de réussite Ainsi les principaux sites gérés par le Centre des monuments nationaux, tant à Paris (Panthéon, Arc de Triomphe, Sainte-Chapelle…) qu’en région (Mont-Saint-Michel, cité de Carcassonne, château d’Angers) sont ouverts tous les jours de l’année (à l’exception de certains jours fériés comme le 1er janvier, le 1er mai ou le 25 décembre). Il est vrai que les travaux d’entretien, notamment muséographiques, y sont moins importants. Certains musées ont pris le parti d’élargir leur plage d’ouverture ouvrant tous les jours, au moins pendant une certaine période de l’année. En juillet et août, le musée Guggenheim de Bilbao est ouvert tous les jours, le musée Fesch à Ajaccio l’étant également du 1er avril au 30 septembre (mais il est fermé l’hiver le dimanche et le lundi). Le CHM de Lewarde © Musée du Louvre / AS Caron Le Mémorial de Caen et le Centre historique minier de Lewarde, deux musées de société, ont pris l’option de ne pas avoir de jour de fermeture hebdomadaire mais de fermer totalement leur établissement quelques jours ou semaines en hiver, occasion de travaux d’entretien du bâtiment ou de renouvellement des présentations des collections. C’est ainsi que le Centre historique minier de Lewarde a fermé en 2007 un peu plus de trois semaines en janvier. Le nombre annuel de jours d’ouverture peut ainsi varier d’environ 314 à l’exemple des musées à fermeture hebdomadaire, tels que le Louvre, à 333 pour Lewarde ou 355 pour le Mémorial de Caen. Certains vont même plus loin, comme le musée Jacquemart-André à Paris ouvert 365 jours par an. Culture Espaces, la société qui gère ce musée, a pris cette option qu’elle met en œuvre dans tous les sites dont elle a la responsabilité (théâtre antique d’Orange, château des Baux-de-Provence, arènes, Maison carrée et tour Magne à Nîmes, notamment). La fermeture hebdomadaire n’est pas non plus systématiquement pratiquée par les musées majeurs des grandes capitales telles que Londres ou Berlin (ex : National Gallery, British Museum, Mitte museum Island ouverts 7 jours sur 7). Cette ouverture totale semble toutefois difficile à mettre en œuvre au Louvre-Lens. Non seulement, comme tous les musées, des travaux réguliers d’entretien devront y être menés, mais il faudra assurer aussi de façon assez permanente le renouvellement des présentations. Une journée de fermeture chaque semaine garantit ainsi une meilleure souplesse de fonctionnement, comme d’ailleurs le décalage de l’heure d’ouverture le matin (10 h au lieu de 9 h). Toutefois, la réflexion doit aussi porter sur les attentes des visiteurs et sur la politique promotionnelle du musée. On peut ainsi penser que le nombre de visiteurs, notamment touristiques, sera plus faible l’hiver et qu’une journée de fermeture est tout à fait acceptable pour le public. A l’inverse, si l’objectif est de faire venir massivement les touristes au printemps et à l’été, il faut éviter de leur offrir portes closes dans la mesure où les alternatives de visite restent faibles sur le territoire lensois. La proposition serait donc d’ouvrir le musée tous les jours l’été, c’est-à-dire au moins en juillet et août, et de retenir, le reste de l’année, un jour de fermeture qui pourrait donc être le lundi. Toutefois, il faut rappeler qu’en région Nord – Pas de Calais, la saison touristique débute exceptionnellement tôt, comparée aux autres régions françaises : dès les vacances de Pâques, pour se renforcer tout au long du mois de mai et juin. Une ouverture 7 jours sur 7 dès le printemps paraît dans ce cadre pertinente, même si elle engage un surcoût et doit être compatible avec les contraintes de renouvellement muséographique. De 10 h à 18 h ou jusqu’à 19 h ? L’heure d’ouverture du musée est aussi une question à aborder de même que l’amplitude d’ouverture. Dans nombre de musées étrangers, qu’ils soient situés dans des grandes capitales ou des villes moyennes, l’ouverture des portes aux publics se fait à partir de 10 h, ainsi à Londres, Berlin, Bruxelles, ou au Grand-Hornu. 137 Les conditions de réussite De même, en France, à l’exception notable du Louvre, ouvert dès 9 h, la plupart des musées aujourd’hui ouvrent leur porte à 10 h, cette situation étant d’ailleurs plus marquée en région qu’à Paris. Après une année de fonctionnement, le Musée du Quai Branly vient de décider de retarder son heure d’ouverture, la fixant dorénavant à 11 h, au lieu de 10 h initialement, les groupes étant accueillis à partir de 9 h 30 (à 9 h auparavant). En contrepartie, il reste ouvert jusqu’à 19 h (18 h 30 auparavant) et même à 21 h les jeudis, vendredis et samedis. La Cité de l’architecture et du patrimoine, ouverte au Palais du Trocadéro en septembre 2007, a retenu des horaires très similaires. Le public du Louvre-Lens ne résidant pas, pour sa majeure partie sur place, la prise en compte des temps de route tend à conforter l’idée d’une ouverture décalée par rapport à celle du Louvre à Paris. Une telle option est par ailleurs compatible avec un accueil des groupes scolaires plus tôt en matinée, les groupes étant alors orientés vers les ateliers pédagogiques jusqu’à l’ouverture des salles. L’amplitude d’ouverture va dépendre pour une grande part des moyens dont disposera le musée pour son fonctionnement. Elle pourra aussi s’ajuster par la suite au niveau de fréquentation réelle et aux pratiques de visite (en particulier le temps de visite). A cet égard ; l’expérience du Centre historique minier de Lewarde peut être intéressante : la billetterie du musée est en effet ouverte jusqu’à 17 h (17 h 30 l’été) mais la fermeture du site n’intervient qu’à 19 h (et 19 h 30). Dans un premier temps, pourrait être retenu le principe d’une ouverture à 10 h (9 h pour les groupes) et d’une fermeture à 18 h, avec une entrée possible jusqu’à 17 h 15 l’hiver, et la possibilité d’une extension l’été d’une demi-heure, voire d’une heure, supplémentaire. L’opportunité d’une ouverture nocturne, qui est devenue une pratique courante dans les musées de centre urbain, mérite une réflexion supplémentaire. Destinée en général soit à la population locale habituée à sortir au spectacle le soir, soit aux touristes en recherche d’animation, une telle ouverture pourra-t-elle trouver son public à Lens ? En fait, les nocturnes n’ont d’intérêt que si elles sont l’occasion d’une programmation de rendez-vous à l’attention d’une clientèle ciblée (les familles et les jeunes principalement). Si l’on choisit de retenir cette option, il faut l’accompagner d’une programmation spécifique qu’il faut anticiper. Ainsi pourrait-on privilégier dans un premier temps une douzaine de nocturnes l’été, en complément d’animations organisées parallèlement dans le parc. Les activités nocturnes ne seront toutefois pas absentes du lieu, du fait de l’activité de la Scène mais aussi du restaurant, équipements qui bénéficieront d’une vraie autonomie par rapport aux horaires d’ouverture du musée. 2. Des modalités d’accès et des tarifs qui restent à préciser Le Louvre-Lens sera un musée que l’on souhaite largement ouvert sur la ville. Le hall d’accueil du musée se veut un espace accessible à tous ; le salon d’accueil, le centre de ressources et d’échanges, la librairie-boutique, le salon de thé/cafétéria comme les espaces de découverte des coulisses du musée et d’accès visuel aux réserves seront ainsi en accès libre. Une liberté contrôlée d’accès au hall d’accueil Cette liberté d’accès devra toutefois être tempérée par les impératifs de sécurité des personnes (plus que de sûreté des œuvres d’ailleurs) qui s’imposeront au musée dans le cadre des dispositions du plan Vigipirate. La mise en place de portiques de sécurité et de contrôle des sacs est probable et le contrôle devra alors être fait dès l’entrée dans le hall et ce pour l’ensemble des visiteurs. Le nombre de portes accessibles au public dépendra alors principalement des moyens que le musée sera capable de mobiliser tant en terme d’investissement dans ces dispositifs qu’en nombre d’agents de surveillance L’entrée dans les salles d’expositions devrait en revanche donner lieu à un billet d’entrée, contrôlé lors de l’accès aux salles. Un système automatisé permettant à la fois le contrôle d’entrée et le comptage des visiteurs serait complété par la présence d’agents d’accueil. 138 Les conditions de réussite Le niveau de fréquentation attendu du musée donne la possibilité de délivrer un billet à tous les visiteurs même à ceux bénéficiant de la gratuité ce qui tout à la fois facilite le contrôle d’accès aux salles et permet un comptage précis des entrées mais aussi l’analyse des pratiques des visiteurs (temps de visite, typologie des publics…). Quelques balises pour la réflexion : la politique tarifaire du Louvre Les principes tarifaires qui soutiendront la politique des publics du Louvre-Lens devront évidemment porter une attention toute particulière au contexte lensois. Mais le Musée du Louvre restera toujours un élément de comparaison pour le visiteur. Ce qui revient à considérer que toute politique tarifaire moins favorable que celle actuellement mise en œuvre au Louvre donnera lieu à débats et polémiques et devra en conséquence être bien étayée. Un rappel des dispositions applicables au Louvre est donc un préalable à la réflexion. L’entrée au musée du Louvre est actuellement de 9 € (depuis le 1er juillet 2007). C’est un billet valable le jour même pour la totalité des collections du musée, excepté les expositions temporaires du hall Napoléon, et le musée Eugène Delacroix qui lui est rattaché. Pour les entrées à partir de 18 h, lors des deux nocturnes du mercredi et vendredi, le tarif d’entrée est réduit à 6 €. Billetterie au Louvre © 2006 Musée du Louvre / Angèle Dequier Le tarif pour les expositions temporaires du hall Napoléon est pour sa part de 9,50 €. Un billet jumelé (collections permanentes et expositions) est proposé au tarif de 13 € (11 € le mercredi et le vendredi de 18 h à 21 h 45). Il existe aussi des tarifs pour les activités proposées au musée qu’elles soient à destination des adultes ou des enfants et familles. A la différence de beaucoup d’autres musées, notamment en région, il n’existe pas de tarifs réduits catégoriels au Louvre, une étude conduite par le Louvre (Crédoc) ayant démontré l’inefficacité de ce principe. Le ciblage des tarifs réduits aboutit souvent à une liste « à la Prévert » des catégories de bénéficiaires, difficile à gérer pour les personnels d’accueil. Cependant, et si les tarifs réduits ne sont pas pratiqués formellement dans le cadre de la politique tarifaire, le musée en crée régulièrement, à titre promotionnel et exceptionnel, via des décisions tarifaires. Les gratuités totales sont en revanche importantes et représentent plus du tiers des entrées au musée, gratuités complétées par plusieurs dispositifs de laissez-passer et de cartes d’adhésion. La politique tarifaire du Louvre a été construite aux fins de privilégier des catégories pour lesquelles le frein tarifaire représente une contrainte effective du point de vue de la pratique : les jeunes de moins de 18 ans (et de fait la visite en famille s’en trouve avantagée), les enseignants et leurs élèves, les jeunes adultes de moins de 26 ans et toute personne en situation contrainte sur le plan économique, social, culturel ou encore reconnue handicapée. Tous les visiteurs bénéficient de la gratuité le premier dimanche de chaque mois, ce qui n’est pas d’ailleurs sans poser de difficultés ces jours là en terme de sur-fréquentation du musée et de conditions de travail des personnels. Cette expérience, engagée par le Louvre à partir de 1996, a été étendue à l’ensemble des musées nationaux par le ministère de la Culture en 1999. L’autre grand champ de gratuité concerne les jeunes de moins de 18 ans, ce qui est incitatif pour les jeunes qui viennent seuls au musée mais surtout pour les familles. Les jeunes de moins de 26 ans bénéficient pour leur part de la gratuité lors de la nocturne du vendredi soir à partir de 18 h. A aussi été mise en place à leur intention une carte Louvre Jeunes leur donnant accès pendant un an aux collections permanentes et aux expositions pour le prix de 15 € (11 € si l’achat est collectif). Cette carte leur donne aussi droit à des réductions à la librairie du musée et dans d’autres institutions partenaires. 139 Les conditions de réussite On observe cependant, depuis 2005, une relative désaffection de la clientèle jeune pour les cartes d’adhésion, au Louvre comme dans d’autres grands musées nationaux. Les personnes en difficulté économique ou sociale bénéficient également de la gratuité si elles relèvent des catégories suivantes : © 2000 Musée du Louvre / Pierre Philibert - demandeurs d’emploi, - bénéficiaires des minima sociaux : revenu minimum d’insertion (RMI), allocation parents isolés (API), allocation de solidarité spécifique (ASS), allocation personnalisée d’autonomie (APA), - titulaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), - demandeurs d’asile et réfugiés, - titulaires de la carte solidarité transport. Les personnes handicapées et leur accompagnateur bénéficient également de la gratuité, sur présentation d’une carte type Cotorep. Enfin, un système de cartes à l’année existe. A côté de la carte Louvre Jeunes déjà mentionnée, la carte Louvre professionnels est proposée aux professionnels des arts, de la culture, du tourisme, de l’éducation ainsi qu’aux encadrants de publics handicapés, du champ social ou médico-social. Valable un an, elle coûte 30 €. Les enseignants qui emmènent un groupe en activité au Louvre peuvent profiter pour leur part d’un laissez-passer annuel. Les membres de la Société des amis du Louvre (60 € l’adhésion annuelle) bénéficient également d’un accès libre au musée (carte des Amis du Louvre). Au total, cette politique de gratuité et de réduction tarifaire conduit à ce que, en 2006, 71 % des visiteurs français du Louvre sont entrés gratuitement ou avec une carte d’abonnement tandis que 77,5 % des étrangers ont acquitté un billet. Les dispositions relatives à la gratuité générale (moins de 18 ans, personnes en difficulté) devraient être reprises au Louvre-Lens puisqu’elles sont communes à tous les musées nationaux. Les autres dispositifs seront à réexaminer par rapport au contexte du Louvre-Lens dans un objectif de fidélisation des visiteurs. La question de la visite en groupe mérite, elle, un traitement à part. Au Musée du Louvre, les groupes d’adultes (hors publics handicapés ou relevant du champ social) doivent s’acquitter d’un droit de réservation qui s’ajoute au droit d’entrée de chacun de ses membres, et éventuellement du droit de conférence s’il est accueilli par un conférencier du musée. La reproduction de ce modèle n’est peutêtre pas entièrement pertinente. Il s’agira au Louvre-Lens de favoriser activement et d’un point de vue tarifaire la fréquentation touristique mais aussi scolaire, et donc la venue en groupe, plutôt que de la pénaliser par un surcoût. La gratuité totale ou partielle : un débat en cours Le débat sur la gratuité de l’entrée dans les musées est régulièrement relancé et a donné d’ailleurs lieu ces dernières années à des initiatives nouvelles, comme en témoigne la décision de la ville de Paris d’offrir, depuis décembre 2001, la gratuité de l’accès aux collections permanentes de ses musées – les expositions temporaires restant payantes. Cette politique a été également mise en œuvre en GrandeBretagne et au Danemark. Plus récemment, le Premier Ministre a annoncé dans sa déclaration de politique générale au Parlement l’expérimentation de la gratuité dans certains musées nationaux. Le Ministère de la Culture et de la Communication a ainsi établi un plan d’expérimentation et d’évaluation des effets de cette mesure en matière de diversification des publics et de démocratisation culturelle. Cette expérimentation est à suivre avec intérêt même si toutes les études internationales déjà effectuées ne démontrent pas que la simple gratuité favorise la venue des publics les plus éloignés des musées, les obstacles éducatifs, culturels et symboliques étant dominants par rapport aux freins 140 Les conditions de réussite financiers. A l’inverse même, elle peut dévaloriser la visite, selon l’adage « Ce qui est gratuit n’a pas de valeur ». Par ailleurs, même si les recettes perçues sur les droits d’entrée restent d’un niveau modéré par rapport au budget total d’un musée, elles contribuent à son équilibre financier. Les réponses apportées à l’enjeu de démocratisation culturelle ont une efficacité lorsqu’elles adoptent d’autres formes : le ciblage précis de publics bénéficiaires de réduction ou de gratuité totale mais aussi la qualité de la dimension éducative et d’accompagnement (médiations), notamment auprès des jeunes et des non visiteurs de musées, permettant de battre en brèche leur appréhension vis-à-vis des institutions muséales. Pour finir il faut prévoir que si la gratuité totale du Louvre-Lens était l’option retenue, elle aurait des impacts considérables, et pas seulement sur la gestion du futur établissement. Elle créerait par exemple, à coup sûr, un sentiment de concurrence chez les autres établissements culturels de la région, qui se retrouveraient face à un musée bénéficiant à la fois de l’aura du Louvre, d’un effet d’annonce mais encore d’une accessibilité privilégiée et largement encouragée. Une politique de fidélisation des visiteurs, qu’ils soient individuels ou en groupes Le succès du musée se mesurera à la fidélité de ses visiteurs pour qu’il devienne un lieu que l’on fréquente autant qu’on ne le visite. Mais le musée doit favoriser cette fidélité par une politique tarifaire appropriée aux attentes des différents visiteurs. Cette politique de fidélisation doit concerner en premier lieu les habitants proches, ceux de l’agglomération et du bassin minier. Mais, elle doit prendre en compte la population régionale dans son ensemble sachant que des publics plus éloignés peuvent aussi être sensibles à des dispositifs incitatifs. Dans le contexte actuel de relative désaffection des cartes et outils d’adhésion, il ne serait peut-être pas pertinent de réinvestir ce type d’outils. En revanche, il peut être intéressant de proposer des tarifs préférentiels, voire des gratuités, qui envoient des signaux forts vers des catégories bien identifiées de publics. Ainsi, la venue de populations locales au musée doit passer par l’organisation de manifestations particulières gratuites, par la mise en place d’invitations privilégiées…, l’idée étant d’associer gratuité ou tarifs préférentiels et action promotionnelle de découverte du musée, soit dans une large perspective, soit au contraire en la ciblant autour d’un public particulier. Cette politique promotionnelle servirait la fidélisation de partenaires qui achèteraient leurs billets en nombre, comme les tour-opérateurs, les comités d’entreprise ou les associations, par exemple. Afin de favoriser la visite des musées et sites culturels, la population régionale serait certainement très intéressée par une carte d’accès inter-musées ou même inter-sites. Il ne faut toutefois pas sousestimer les difficultés pratiques de mise en place de tels dispositifs qui associent des partenaires aux statuts très différents, même si elles peuvent être surmontées quand la volonté commune existe. A minima, un billet acheté chez un des partenaires du réseau devrait permettre le tarif réduit chez les autres. Cette proposition serait également un outil efficace pour fidéliser dans la région les touristes en visite dans le Nord – Pas de Calais. Les visiteurs du Louvre-Lens pourraient ainsi être renvoyés vers les autres sites culturels de la région. Mais, aux touristes étrangers, pourrait aussi être proposé un Pass Louvre offrant à la fois l’entrée au Louvre-Lens et celle du Louvre à Paris. Belges, Néerlandais et Britanniques pourraient combiner visites au Louvre, à Paris et à Lens. La proposition pourrait aussi séduire les publics fidèles du musée parisien, qui seraient alors incités à poursuivre la découverte du Musée du Louvre par une visite du Louvre-Lens, à la fois pour ses collections « permanentes » (la Galerie du temps) et ses expositions temporaires. L’idée d’encourager, sous quelque forme que ce soit, les visiteurs du Louvre à Paris à se rendre à Lens doit être une piste à développer tant son impact peut être fort sur la fréquentation future du 141 Les conditions de réussite musée. Enfin, concernant les groupes, et contrairement à la politique de taxation en vigueur au musée du Louvre, il s’agira d’instaurer à Lens le principe d’un droit de réservation gratuit pour tous les groupes, qu’ils soient composés de scolaires ou d’adultes. B.4 – Faciliter l’accès des publics au site S’inscrivant dans une région très urbanisée, densément peuplée au cœur de l’Europe du Nord-Ouest et au carrefour entre Londres, Paris, Bruxelles, la Randstad Holland et la Ruhr, la zone de chalandise de Lens bénéficie globalement d’une bonne desserte routière. En revanche, la desserte en transport en commun mérite d’être améliorée de même que les accès les plus proches du site. 1. Une bonne desserte routière de Lens mais une accessibilité au musée à organiser De nombreux axes autoroutiers pour rejoindre Lens Lens est bien desservi dans toutes les directions, grâce aux infrastructures suivantes : L'A21, qui passe par Lens, permet de rejoindre l'A26 vers Calais et l'A1 vers Lille ou Paris © Musée du Louvre / AS Caron - l’autoroute A 21 (dite rocade minière) selon un axe transversal Est / Ouest longeant par le nord l’ensemble de l’agglomération de Lens-Liévin jusqu’à Douai et qui se raccorde à Dourges à l’A1 et à Aix-Noulette à l’A26. La RN455 en partie en 2x2 voies prolonge cette artère vers Valenciennes et au-delà par autoroute la Wallonie et Cologne ; - l’autoroute A 1 selon un axe Nord-Sud reliant : au Nord, Lille puis la Belgique (Bruxelles et Flandre) et les Pays-Bas, le bassin de la Ruhr ; au Sud, Paris ; - l’autoroute A 26 selon un axe Nord-Ouest / Sud-Est reliant : au NordOuest, Calais puis Londres et les Iles Britanniques via le Tunnel sous la Manche ; au Sud-Est, Reims, Metz et Dijon ; - la RN 17 en partie seulement en 2x2 voies : vers Arras puis par la N25 Amiens et au-delà par autoroute la Normandie. L’organisation de l’accès au site Si l’accessibilité automobile à l’échelle urbaine est performante, l’accessibilité de proximité est quant à elle plus difficile et contrainte par une position enclavée du site. La route de Béthune et l’avenue Maës sont les axes les plus lisibles et directs pour approcher le musée, mais ne permettent pas une accessibilité au pied du site. Les rues les plus proches du site (rue Paul Bert, voies de desserte au nord traversant les cités minières) sont de gabarit restreint. Toutefois, dans la mesure où il n’y a pas de problème majeur de circulation, un accès rapproché au site serait possible par ces voies à condition d’envisager leur aménagement et d’adapter leur exploitation. Il faut en effet noter que le trafic automobile engendré par le musée sera inférieur à 600 véhicules les trois quarts des jours de l’année. Le parti est cependant aujourd’hui de prévoir des parkings d’accès en périphérie du site, en utilisant en particulier les potentialités du parking du stade Bollaert, situé à 650 m de l’entrée du futur musée et dont l’utilisation est aujourd’hui ponctuelle, correspondant aux horaires de matches. Les visiteurs utiliseraient alors le cavalier existant reliant le site (allée Marc-Vivien Foé), soit à pied, soit par l’intermédiaire de navettes. Tout en conservant l’accès par la route de Béthune et le stade Bollaert, une réflexion est cependant en cours afin d’utiliser comme parking principal une parcelle de terrain (terrain Dumortier) récemment rachetée par la Ville de Lens et située à la limite du parc du musée. Cette option paraît devoir être privilégiée. 142 Les conditions de réussite Un second parking périphérique pourrait être implanté à l’ouest du site, sur le secteur Jaurès à Liévin. Là aussi, un accès confortable au musée (navettes) devrait être mis en place. Il reste à confirmer ces orientations, à les concrétiser car elles conduisent à des projets urbains ambitieux (par exemple, une nouvelle percée de la route de Béthune vers le stade Bollaert) et à évaluer les moyens de fonctionnement qu’elles entraînent pour les collectivités locales (gardiennage des parkings, accueil pour orienter les visiteurs, mise en place éventuelle de navettes). Enfin, un parking pour les manifestations nocturnes liées à la Scène et au restaurant serait implanté au niveau de l’entrée nord, entrée de prestige du musée dans l’axe historique. Il pourrait aussi être utilisé par les visiteurs du musée lors des périodes de basse fréquentation. De même, une dépose minute est prévue sur le site même du musée, pour les navettes de transport urbain, mais aussi pour l’arrivée des cars qui pourront ensuite stationner sur le parking Bollaert. Le groupe de travail « Accessibilité et insertion urbaine » Premier groupe de travail mis en place, il s’est réuni plus d’une demi-douzaine de fois depuis le début de l’année 2006. Deux objectifs lui ont été fixés : définir les conditions d’accessibilité au futur musée et réussir l’insertion urbaine du futur musée dans son quartier et son agglomération. Réunissant les collectivités locales (Région, Département du Pas–de–Calais, Villes de Lens et de Liévin), établissements publics intercommunaux (CommunAupôle de Lens-Liévin, Syndicat mixte des transports), services de l’Etat et le Louvre, le groupe est animé par la Mission bassin minier. C’est à son initiative qu’a été lancé le schéma d’insertion urbaine du Louvre-Lens dont la réalisationa été confiée à l’architecte-urbaniste Nicolas Michelin. 2. Des transports en commun à améliorer tant à l’échelle régionale que locale Lens, gare TGV Lens est desservie 5 à 8 fois par jour par le TGV Paris-Dunkerque (durée du trajet depuis Paris-Nord : 1h10). En juin 2007, un billet plein tarif Paris-Lens coûte 49,8 € en 1ère classe, 40,6 € en 2nde (période de pointe) et 30,1 € en 2nde (période normale). Cette desserte est importante, étant donné l’image du TGV pour la clientèle parisienne et internationale. Toutefois, les trains directs, quoique assez fréquents entre Paris et Lens, répondent avant tout à des déplacements pendulaires liés aux horaires Le TGV Paris-Dunkerque en gare de travail vers Paris. D’autres horaires sont disponibles (2 à 3 par jour) de Lens mais il s’agit de liaisons TGV + TER avec une correspondance à Arras © Musée du Louvre / AS Caron susceptible d’allonger la durée du trajet parfois d’une demi-heure. C’est en particulier le cas des TGV permettant d’arriver en milieu de matinée à Lens, à l’heure d’ouverture du musée. La mise en place de liaisons TGV directs complémentaires devra être examinée avec la SNCF. Par ailleurs, bénéficiant de correspondances aux gares d’Arras et surtout de Lille Flandres et Lille Europe, Lens est intégrée dans le réseau ferroviaire européen à grande vitesse. Mais, la contrainte de changement de gare à Lille est un obstacle sérieux à l’utilisation du TGV, sauf dans le cadre de circuits de visite prévoyant des visites complémentaires à Lille ou à Arras. Une perspective nouvelle se fait jour toutefois avec le projet de troisième gare lilloise à Seclin, à proximité de l’aéroport de Lille-Lesquin. Cette gare polyvalente permettrait à la fois d’accueillir des Thalys vers Bruxelles, Amsterdam et Cologne mais aussi de réaliser une desserte cadencée de la métropole lilloise saturée par les bouchons autoroutiers, en particulier vers Lens. 143 Les conditions de réussite Si, d’ores et déjà, les liaisons TER reliant Lens à Lille sont fréquentes (lignes 13 via Libercourt et 23 via Don-Sainghin : 30 allers-retours quotidiens en semaine ; prix du billet plein tarif : environ 6 €), le temps de trajet reste peu optimisé (de l’ordre de 40 minutes). Mais, en décembre2007, le Conseil régional a mis en place des horaires plus attractifs grâce au TER-GV direct entre Lens et Lille (durée du trajet : 30 minutes). Les liaisons directes possibles vers Calais (ligne 7), Dunkerque (ligne 6), Valenciennes (ligne 21) et Arras (lignes 6 et 7) offrent d’autres opportunités, notamment pour les groupes scolaires en visite au musée. En revanche, les autres trajets depuis la Côte d’Opale, l’Avesnois, la Picardie et Reims nécessitent des correspondances à Arras, Béthune, Douai ou Valenciennes. Des transports en commun locaux en mutation Aujourd’hui, le quartier d’implantation du Louvre-Lens n’est bien sûr pas une destination privilégiée et les réseaux de transport urbain ne le desservent que faiblement (ligne de bus 34 avec une fréquence d’un bus toutes les heures). Le périmètre du syndicat mixte de transport ayant évolué encore récemment (il englobe désormais les agglomérations de Lens-Liévin, d’Hénin-Carvin, de Béthune (Artois Comm.) et la communauté de communes de Noeux-les-Mines et environs), il a été engagé une étude générale du réseau avec pour objectif de favoriser l’intermodalité sur le territoire. Dans ce cadre, la pertinence de mise en place d’un transport en commun en site propre est évaluée, notamment sous la forme d’un tramway. La desserte du Louvre-Lens fait partie bien sûr des variables de l’étude. Il est envisagé un passage de ce site propre à proximité du musée permettant une liaison avec la gare. Le schéma d’insertion urbaine du Louvre-Lens proposé par l’architecte-urbaniste Nicolas Michelin recense trois scénarios possibles dont deux desservent le parc du musée, à son extrémité est. Le Musée du Louvre privilégie plutôt celui des deux qui, franchissant les voies ferrées au sud-est du stade Bollaert, est le plus direct depuis la gare. Côté gares ferroviaire et routière en revanche, de premières améliorations ont vu le jour qui étaient d’ailleurs déjà en gestation avant l’annonce de l’arrivée du Louvre. Ce projet d’amélioration du quartier des Gares à Lens vise à la fois à optimiser l’intermodalité entre les différents types de transports (trains, bus, voitures, vélos, piétons) et à développer une offre urbaine recomposée autour d’un espace public qualifié. Ainsi, le projet s’articule autour d’un aménagement du parvis de la gare ferroviaire, qui dessert une nouvelle gare routière. Un accord avec la SNCF et une politique foncière volontariste de la ville ont permis de dégager un foncier significatif qui permettra le développement de programmes urbains mixtes, intégrant notamment une offre hôtelière qui manque cruellement sur Lens. A terme, la mutation urbaine, actuellement engagée au nord de la gare ferroviaire, pourrait se prolonger au sud offrant un accès piétonnier plus aisé au site du Louvre-Lens par l’utilisation d’anciens cavaliers. 3. Des cheminements doux à développer En termes de circulations douces, le Louvre peut être à la « croisée des chemins » de la trame verte, vaste chantier engagé par la Région Nord - Pas de Calais visant à constituer des espaces protégés verts, boisés ou en culture pouvant jouer un rôle paysager, de corridors biologiques, de préservation des milieux ou de création d’espaces de loisirs. Dans ce cadre, la requalification d’anciennes friches minières, comme celle du Louvre-Lens, permet de constituer des espaces naturels au cœur du tissu urbain des agglomérations du bassin minier. Autour du Louvre-Lens, plusieurs sites sont intégrés à cette trame verte. Il en est ainsi des terrils de la fosse 11-19 à Loos-en-Gohelle mais aussi de plusieurs massifs forestiers. 144 Les conditions de réussite Le bois des Monts et la forêt domaniale de Vimy s’inscrivent en extrémité sud du corridor écologique forestier qui s’étend de la forêt domaniale de Nieppe jusqu’à la forêt de Vimy et qui traverse le bassin minier du nord au sud (bois de Maréquet, bois des Dames, forêt d’Olhain). D’autres boisements constituent un corridor vert potentiel selon un axe nordest/sud-ouest. Il s’agit du nord au sud du bois de Wingles, du val de Souchez, du bois de Givenchy, du bois de Soil et du bois du Mont au sud. Visite guidée par l’association La Le futur site d’implantation du Louvre-Lens s’inscrit directement dans ce Chaîne des terrils @ Droits réservés corridor. Mais le manque de continuité rend cette trame difficilement perceptible aujourd’hui. Un chemin du patrimoine culturel et naturel permettrait de donner du sens à tout ce qui a déjà été entrepris. Des compléments à la trame verte ainsi qu’au réseau de pistes cyclables, déjà arrêté par le Département du Pas-de-Calais, inséreraient ainsi le Louvre-Lens et son parc dans ce maillage d’espaces naturels déjà dense et proche du futur musée ; les terrils du 11-19 sont à 3,5 km (moins d’une heure), le val de Souchez à Liévin à 4 km (1h) et le mémorial de Vimy comme Notre-Dame-deLorette à 8,5 km (2h). Cette armature végétale pourrait être d’ailleurs mise en réseau en partie grâce aux cavaliers qui constituent eux-mêmes des éléments paysagers très forts et un potentiel de liaison unique lié aux traces de l’exploitation minière. A été lancée aussi l’idée de relier le Musée du Louvre à Paris et le Louvre-Lens par un chemin de grande randonnée à vocation culturelle. L’itinéraire et les modalités de mise en œuvre restent à ce stade à définir. 145 Les conditions de réussite C – Enrichir le travail partenarial Le protocole de coopération signé entre tous les partenaires du projet le 12 mai 2005 a posé les fondements du Louvre-Lens. Il a permis que s’engage dans de bonnes conditions la réalisation du bâtiment du futur musée comme l’élaboration du programme scientifique et culturel. Désormais, il convient d’enrichir ce partenariat en mettant en place la structure de gestion de l’établissement, en mobilisant les mécènes pour réaliser le projet à hauteur de ses ambitions et en développant un partenariat vivant avec les acteurs culturels de la région et de l’eurorégion. C.1 – Mettre en place le futur établissement Si le protocole de coopération fixe les grandes lignes de la gouvernance du futur musée, il ne s’est pas prononcé sur la forme de la structure de gestion et d’exploitation à mettre en place. Après avoir examiné les différentes formules possibles, la création d’un établissement public national ou l'intégration du Louvre Lens à l'Etablissement public du Musée du Louvre paraissent être les deux solutions les meilleures, les plus respectueuses des principes posés dans le protocole. Dans les deux cas, il convient préalablement de constituer une équipe projet préfigurant la future structure de gestion et associant agents du Louvre et personnels régionaux. 1. Des principes de gouvernance déjà posés En son article 3–4, le protocole convie les parties à préparer la mise en place d’une structure ad hoc de gestion, cette structure devant être la plus à même de répondre au partage des responsabilités entre les différentes parties du projet. C’est ainsi, selon le protocole, que la présidence du musée du Louvre-Lens doit être assurée par le président-directeur de l’Etablissement public du Musée du Louvre, garant à ce titre des collections, du rayonnement du futur musée et de la mise en œuvre de la politique scientifique et culturelle. C’est à lui que revient le soin de désigner le directeur et les personnes responsables des domaines scientifiques et culturels de la structure ad hoc, chargés de la gestion et de l’exploitation du LouvreLens. Pour sa part, la Région désigne les responsables en charge des domaines administratifs, juridiques et financiers qui sont placés sous la responsabilité du directeur du futur musée. D’un point de vue financier, il est convenu que le budget du futur établissement soit assuré par le financement des collectivités locales et les recettes propres du musée. Sur un budget de fonctionnement estimé à 12 M € TTC en valeur janvier 2005 et jugé suffisant pour assurer à la structure le rayonnement et le succès public espéré, la Région s’est engagée à apporter 60 % de ce montant, le Département du Pas-de-Calais 10 %, la CommuAupôle de Lens-Liévin et la Ville de Lens 10 % à elles deux. Les 20 % restant sont constitués des recettes propres du musée : droits d’entrée, revenus des concessions (restaurant, salon de thé-cafétéria, librairie-boutique, mais aussi parking), mécénat. Le protocole précise qu’un projet de budget prévisionnel devra être établi ultérieurement, dans le cadre de la structure de gestion ad hoc. 146 Les conditions de réussite 2. La création d'un établissement public sui generis ou l'intégration du Louvre-Lens à l'Etablissement public du Musée du Louvre (EPML) Beaucoup de formules juridiques peuvent être imaginées pour le Louvre-Lens. Mais la plupart d’entre elles s’avèrent inadaptées. Les spécificités du projet Louvre-Lens plaident en faveur de deux solutions alternatives : - l'intégration du Louvre-Lens à l'Etablissement public du Musée du Louvre, par modification du décret constitutif du Musée du Louvre, - la création, par la voie législative, d'un établissement public sui generis à caractère administratif rattaché au Musée du Louvre sous tutelle du Ministère de la culture. Les modes juridiques qui paraissent inadaptés Les structures de droit privé L’association Si le recours, par l’Etat ou une collectivité locale, à une association pour gérer des activités qui correspondent à une mission de service public ne peut être regardé comme illégal en lui-même, un certain nombre de conditions doivent toutefois être remplies pour que l’association ne puisse être considérée comme une association transparente. Une association est qualifiée de transparente au regard des indices suivants : composition majoritairement public des organes de décision, financement majoritairement public, utilisation de locaux et de moyens appartenant à la personne publique. Tous critères qui sont au cœur du fonctionnement du futur musée et qui excluent donc le recours au mode associatif. La société Outre le fait que la création d’une société de droit privé n’est pas possible pour les collectivités locales (sauf décret en Conseil d’Etat) et qu’elle pourrait être regardée comme un détournement volontaire des règles de la comptabilité publique, la vocation du musée n’est pas de réaliser des bénéfices. L’activité du musée sera subventionnée par des fonds publics. La création d’une filiale du Louvre L’article 5 al.2 du décret statutaire du Louvre prévoit que « le musée peut assurer des prestations de service à titre onéreux. Il peut prendre des participations financières et créer des filiales ». La notion de filiale relève pour l’essentiel dans son mode de fonctionnement et de financement d’une société civile ou commerciale, ce qui revient au cas précédent. La société d’économie mixte locale (SEML) Entreprise du secteur public, la SEML peut associer différentes collectivités territoriales, une ou plusieurs personnes privées et éventuellement d’autres personnes publiques en vue de réalisation d’opérations d’aménagement ou de construction, d’exploitation de services publics à caractère industriel ou commercial ou toute autre activité d’intérêt général. Organisée sous forme de société anonyme, elle doit tirer ses revenus de l’exploitation de ses activités, ce qui est peu probable dans le cadre d’un musée. Les structures de droit public La régie Quelle que soit sa forme (régie directe, régie avec autonomie financière ou régie personnalisée), ce mode de gestion a exclusivement l’assise de la collectivité à laquelle il est rattaché. La régie ne peut donc associer plusieurs partenaires et son fonctionnement n’est pas compatible avec la présence du président-directeur de l’Etablissement public du Musée du Louvre dans ses organes de gestion. L’établissement public à caractère industriel et commercial Ce mode de gestion est, comme son nom l’indique, réservé aux activités de nature commerciale, par opposition à la nature administrative des autres établissements publics, c'est-à-dire que son mode de 147 Les conditions de réussite fonctionnement est de gestion privée, que son activité est assimilable à une activité d’un commerçant ou d’un industriel privé et que l’origine des ses ressources est majoritairement tirée de l’exploitation. Un musée peut difficilement s’autofinancer et sa gestion relève ainsi plutôt d’une activité de nature administrative, même si plusieurs établissements nationaux à vocation culturelle ont choisi ce statut (Cité des sciences, Cité de la musique, Cité de l’architecture et du patrimoine). Le groupement d'intérêt public "culture" Le décret n° 91-1215 du 28 novembre 1991 autorise la création de groupements d’intérêt public (GIP) constitués pour exercer des activités dans le domaine de la culture. Ce décret a été pris pour l’application de l’article 22 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat : « Des groupements d’intérêt public dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière peuvent être constitués entre deux ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé comportant au moins une personne morale de droit public pour exercer ensemble, pendant une durée déterminée, des activités dans les domaines de la culture, de la jeunesse et de l’action sanitaire et sociale, ainsi que pour créer ou gérer ensemble des équipements ou des services d’intérêt commun nécessaires à ces activités. Les dispositions de l’article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d’orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France sont applicables à ces groupements d’intérêt public ». (La référence à cette loi tient au fait qu’il s’agit des premières dispositions relatives aux GIP. Elle fixe un cadre spécifique auquel les lois ultérieures se réfèrent généralement). Le GIP trouve son origine dans une convention constitutive déterminant les droits et obligations des parties, prenant la forme d’un contrat administratif, lequel fait l’objet d’une approbation du ministre de la culture et du ministre du budget. Il est doté de la personnalité juridique au moment de la publication de l’arrêté interministériel. La constitution d’un GIP se justifie par l’existence d’un intérêt public culturel commun aux membres du groupement. Il peut être uniquement constitué de personnes publiques, même si cette structure a été créée, initialement, afin de favoriser la coopération entre secteur public et secteur privé. L’inconvénient majeur de cette forme de structure est son caractère temporaire, en effet, le GIP est créé pour une durée déterminée. L’établissement public de coopération culturelle (EPCC) L'EPCC est à la différence du GIP une structure pérenne instituée assez récemment par la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002. Il s’agit d’une nouvelle catégorie d’établissements publics destinée à organiser la coopération entre les collectivités territoriales et l’Etat pour la gestion des services publics culturels. Depuis une modification récente de la loi intervenue en juin 2006, la coopération peut s’étendre aux établissements publics nationaux. Au regard des objectifs poursuivis (la loi indique que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent constituer avec l’Etat un établissement public de coopération culturelle chargé de la gestion d’un service public culturel présentant un intérêt pour chacune des personne morales en cause et contribuant à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine de la culture »), l’EPCC semble une réponse pertinente. Toutefois ces modalités de fonctionnement sont incompatibles avec les principes de gouvernance posés par le protocole. L’EPCC ne peut ainsi dans ses statuts fondateurs réserver la présidence au président-directeur du Louvre puisque le président est élu par l’ensemble des membres du conseil d’administration. Par ailleurs, la procédure de nomination du directeur est fortement contrainte et donne à la personne désignée un large pouvoir. C’est ainsi le directeur de l’EPCC qui « élabore et met en œuvre le projet artistique, culturel, pédagogique ou scientifique et rend compte de son exécution au conseil d’administration ». Il assure également « la programmation de l’activité artistique, scientifique, pédagogique ou culturelle de l’établissement ». Ces dispositions sont incompatibles avec la volonté du Musée du Louvre de piloter, en cohérence avec son action nationale et internationale, la politique scientifique et culturelle du Louvre-Lens. 148 Les conditions de réussite La création d'un établissement public national sui generis La forme de l’établissement public national sui generis offre toute latitude pour mettre au point des statuts adaptés au projet du Louvre-Lens et aux engagements pris dans le protocole d'accord du 12 mai 2005. Une telle structure juridique, pérenne, dotée de la personnalité morale et financière permet d’associer l’Etat, l’Etablissement public du Musée du Louvre, chacune des collectivités locales partenaires, voire tout autre organisme de droit public ou de droit privé. De surcroît, la création d'un établissement à compétence nationale, en adéquation avec le statut national des collections présentées, sera la garantie d'un rayonnement du musée aux plans local et national, mais aussi international. Le statut de musée national simplifie sensiblement la procédure d'attribution de l'appellation "Musée de France". Une dispense d'assurance devrait également être obtenue pour les prêts et dépôts d'œuvres issus des collections d'un autre musée national comme le Louvre, et la garantie de l'Etat pourra être sollicitée pour les œuvres prêtées par des propriétaires privés ou publics autres que l'Etat lors d'expositions temporaires. Enfin, le cadre juridique et financier, très proche de celui du Louvre, faciliterait les relations entre les deux institutions, pouvant conduire à certaines économies d’échelle. Cette solution nécessite toutefois l'adoption d'une loi portant création du nouvel établissement, fixant les règles constitutives de la structure et les conditions de définition de la politique scientifique et culturelle du nouvel établissement public, en cohérence avec les orientations du Musée du Louvre, et renvoyant à un décret le détail des statuts. Parallèlement, les statuts du musée du Louvre-Lens pourraient être accompagnés d'une convention de partenariat entre les deux institutions, définissant les modalités de leur coopération. Cette convention sera soumise aux principes de liberté contractuelle et d'autonomie des établissements publics. L'intégration du Louvre-Lens à l'EPML Dans cette seconde option, le musée du Louvre-Lens constituerait, à l'image du musée Delacroix, un site supplémentaire rattaché pour sa gestion et son fonctionnement à l’Etablissement public du Musée du Louvre. Il se distinguerait toutefois par une autonomie budgétaire, par exemple par le recours à un budget annexe. Cette identification budgétaire s'impose en effet dès lors que le financement du musée du Louvre-Lens est pris en charge par les collectivités. Cette solution plus intégrée constitue un montage plus simple, paraît mieux à même d'éviter d'éventuels doublons (en termes de personnels et de structure) et garantit probablement une gestion moins complexe, limitant les coûts de coordination entre les deux musées. Elle règle de fait toutes les questions relatives au statut du musée (appellation "Musée de France"), au statut des collections (dispense d'assurance...) et à la définition des orientations culturelles et scientifiques. En termes de procédure, cette solution semble moins complexe à mettre en oeuvre puisqu'elle pourrait se concrétiser par une modification du décret constitutif du Musée du Louvre. La question se pose toutefois du recours à la voie législative pour assurer le financement du musée du Louvre-Lens par les collectivités territoriales. Cette option induit une association sans doute moins directe des collectivités à la gouvernance du musée. En outre, elle implique d'identifier d'un point de vue budgétaire et comptable la gestion du musée Louvre-Lens, ce qui suppose la mise en oeuvre au sein du Musée du Louvre d'une comptabilité analytique assez poussée. 149 Les conditions de réussite Les principes directeurs du fonctionnement du futur musée Sans préjuger de la forme définitive que prendra le futur musée du Louvre-Lens, plusieurs principes directeurs peuvent d'ores et déjà être mis en évidence. Les missions devront être adaptées au contexte local ainsi qu'à la vocation nationale et internationale du musée du Louvre-Lens. La mission principale sera d'exposer de façon semi permanente une sélection d'œuvres de la collection du Musée du Louvre et d'organiser des expositions temporaires à intervalle régulier. A cet égard, le musée du Louvre-Lens n'a pas vocation à acquérir des œuvres ni à constituer de collections propres. Une politique innovante en matière de publics devra être mise en œuvre afin d'assurer l'égal accès de tous à la culture et d'aller au devant des publics qui en sont le plus éloignés. De nombreux partenariats pourront être noués tant avec les acteurs de tous horizons poursuivant des objectifs répondant à la vocation du musée. Concernant la gouvernance, si le musée du Louvre-Lens est un établissement public, il sera administré par un conseil d'administration et dirigé par un directeur. La composition du conseil d’administration pourra être déterminée en fonction de la volonté des parties, un certain équilibre devant être trouvé entre les représentants du Musée du Louvre et de l’Etat et ceux des collectivités. Le conseil d'administration pourra également accueillir parmi ses membres des personnalités qualifiées et des représentants des personnels du musée. La présidence du conseil d'administration - et de l'établissement dans son ensemble - sera assurée es qualité par le président-directeur du Musée du Louvre. Dans le cas d'un service intégré au Musée du Louvre, la présence des collectivités territoriales au sein du conseil d'administration du Louvre devra être prévue, mais sera nécessairement plus limitée. Une solution complémentaire pourrait résider dans la création d'un conseil d'orientation regroupant des représentants des collectivités territoriales et investi d'un pouvoir consultatif pour toutes les questions relatives au Louvre-Lens. Il pourrait être aussi envisagé que toutes les délibérations du conseil d'administration portant sur le Louvre-Lens, en particulier budgétaires, soient adoptées après avis conforme du conseil d'orientation. Le directeur de l'établissement, désigné par le président-directeur du Musée du Louvre, assurera, dans le cadre des délibérations du conseil d'administration du Louvre ou du Louvre-Lens, la direction scientifique, administrative et financière du musée. Dans le cas du choix d'un établissement public, il sera ordonnateur des recettes et des dépenses, préparera les délibérations du conseil d'administration et en assurera l'exécution. Conformément aux engagements pris dans le protocole d'accord du 12 mai 2005, le directeur pourra s'appuyer sur une équipe de direction composée de responsables des domaines scientifique et culturel désignés par le président-directeur du Musée du Louvre, et de responsables des domaines administratif, juridique et financier, désignés sur proposition de la Région. 3. Dès 2009, une équipe projet commune Le temps nécessaire au choix du statut et à la mise en place du futur établissement rend difficile son installation avant l’année 2009. Et pourtant cette année est décisive pour le projet, pour son appropriation locale et pour définir les principes de gestion du futur musée. Au démarrage du chantier, devrait ainsi pouvoir s’installer dans la maison du projet, prévue sur le site, un embryon de la future équipe du Louvre-Lens. En attendant la décision relative au mode de gestion du futur musée, personnels du Louvre déjà affectés au projet mais aussi agents de la Région ou des autres collectivités locales devraient constituer une équipe commune. L’animation de la maison du projet, les liens à tisser avec les « voisins » du musée, les associations et collectivités locales, le développement des actions d’appropriation, telles que par exemple les Beffrois du Louvre-Lens, nécessitent une présence sur le terrain et une équipe renforcée apte à prendre en charge toutes les facettes du projet. 150 Les conditions de réussite La montée en puissance sera progressive mais il faut envisager dès 2009 une équipe d’au moins une vingtaine de personnes, en sachant que l'effectif à l'ouverture devrait être de 120 à 160 personnes, suivant les options de gestion retenues. Ce premier noyau devra prendre en charge les réflexions sur l’organigramme du futur musée, son budget, ses choix de mode de gestion, notamment par rapport à la gestion déléguée, mais aussi le recrutement et la formation du personnel… Tous ces sujets impliquent au premier chef la présence des collectivités locales, principaux financeurs du projet. C.2 – Des mécènes à mobiliser L’accès de tous à la culture et la redynamisation d’un territoire qui a connu de grandes difficultés sont deux des raisons d’être du Louvre à Lens. Projet structurant au cœur de l’Europe, son rayonnement sera national et international. Henri Loyrette lors des assises de l’Admical à Lille en 2007 © Musée du Louvre Il est offert aux entreprises de s’y associer. Elles participeront ainsi à la création d’un musée du Louvre innovant en région et s’identifieront par là même aux valeurs d’excellence artistique, de citoyenneté et de développement social. Elles bénéficieront d’opportunités de communication et d’opérations de relations publiques de prestige tout en profitant des avantages de la loi sur le mécénat du 1er août 2003. 1. Les différents modes de soutien du Louvre-Lens par les entreprises De grande ou de petite taille, internationale, nationale ou régionale, chaque entreprise pourra marquer son attachement au Louvre-Lens en s’investissant en faveur du projet. Plusieurs modes de soutien sont ainsi proposés de façon à répondre et à s’adapter aux attentes de chacune. Mécènes Bâtisseurs Une entreprise peut associer son nom à la construction du musée et devenir ainsi Mécène Bâtisseur du Louvre-Lens pour un don supérieur à 50 000 €. Au sein des Mécènes Bâtisseurs, trois catégories se distinguent : les Mécènes Bâtisseurs (don de 50 000 € à 500 000 €), les Grands Mécènes Bâtisseurs (don de 500 000 € à 2 millions €) et les Mécènes Bâtisseurs Exceptionnels (don de plus de 2 millions €). La première opportunité offerte aux entreprises est de financer une grande aile du musée : le hall d’accueil, la Galerie du temps, l’aile des expositions temporaires, la Scène, le parc ou les réserves visibles et visitables. Ce soutien lui apportera un fort retour d’image : son nom sera gravé sur les murs de cette aile de manière pérenne. Le mécène peut aussi s’associer à de nombreux projets ou espaces en lien avec son métier. La possibilité lui sera ainsi offerte de lier son nom à un espace (exemples : réserves, médiathèque, forum…), à une grande thématique (exemples : insertion sociale, multimédia, respect environnemental…) ou à la muséographie. Enfin, par un acte de mécénat en nature en fournissant un matériau ou par du mécénat de compétence (exemple : communication), l’entreprise pourra apporter son aide à la construction du Louvre-Lens et ainsi communiquer de manière qualitative sur ses métiers et son savoir-faire. Le Cercle Louvre-Lens Entreprises Ce Cercle a pour objectif de soutenir l’arrivée de ce nouveau musée et réunit les entreprises désireuses d’accompagner sa naissance. Conçu pour fédérer des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité, le Cercle Louvre-Lens Entreprises permet de bénéficier de multiples contreparties dans le Nord – Pas de Calais comme au Musée du Louvre à Paris. Différents niveaux d’adhésion se déclinent de 5.000 euros à 15.000 euros par an. 151 Les conditions de réussite 2. Les avantages pour l’entreprise Grâce à la loi sur le mécénat du 1er août 2003, l’entreprise peut bénéficier d’une réduction de son impôt sur les sociétés égale à 60 % des sommes versées, dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires. Elle peut aussi obtenir des contreparties valorisables, à hauteur de 25 % des sommes versées. Elaborées « sur-mesure », les contreparties seront offertes au Musée du Louvre à Paris, au LouvreLens et dans la région Nord – Pas de Calais, donnant une visibilité optimale à l’entreprise et au partenariat. Elles peuvent être déclinées en opérations de relations publiques et en accès privilégié au Musée du Louvre et aux différentes opérations qui prépareront l’arrivée du musée. Le mécène aura ainsi l’opportunité d’organiser des événements privés au Louvre ou dans le Nord – Pas de Calais, notamment des vernissages privés lors de l’ouverture du musée. Il pourra aussi participer à des visites du chantier, associer son nom à la communication du LouvreLens, obtenir des entrées au Musée du Louvre et dans d’autres lieux culturels de la région Nord – Pas de Calais… Il suivra ainsi au plus près les différentes étapes de la construction : avant, pendant et après l’ouverture. De plus, les Mécènes exceptionnels et les Grands mécènes verront aussi leur nom inscrit pour une longue durée dans le musée du Louvre-Lens. 3. Les donateurs individuels Les individuels français et étrangers peuvent aujourd’hui devenir mécènes en téléchargeant un bulletin de don sur le site Internet du Louvre-Lens. Grâce à la loi sur le mécénat du 1er août 2003, le donateur français bénéficie de réductions fiscales. Pour un don, il peut déduire de son impôt sur le revenu 66 % des sommes versées, dans la limite des 20 % de son revenu imposable. Pour un legs, il peut décider de léguer une somme au Louvre-Lens. Celle-ci sera exonérée de droit de mutation, c’est-à-dire que les héritiers ne paient aucun impôt sur les sommes léguées. C.3 – Développer un partenariat vivant avec les acteurs culturels de la région et de l’eurorégion Le nord de la France a su profiter des programmes de création de nouvelles institutions et de labellisations impulsés par les politiques culturelles nationales depuis leur « invention » à la fin des années 1950. Il y a une trentaine d’années, la région Nord – Pas de Calais a également été pionnière pour avoir placé la culture au cœur de son projet de développement. La création du Louvre-Lens s’inscrit ainsi dans un contexte de vivacité culturelle qui se manifeste aujourd’hui aussi bien dans les domaines des musées, de l’art contemporain que du spectacle vivant et de la musique. Le Louvre-Lens entend s’insérer dans ce réseau culturel riche et dense en insistant sur son organisation collective et pluridisciplinaire et en conduisant une politique de programmation partagée tant au niveau régional qu’eurorégional. 1. Une dimension collective et pluridisciplinaire On ne peut pas être sourd aux craintes exprimées quant aux risques d’une trop forte hégémonie du Louvre-Lens et ses répercussions sur la future répartition des financements publics. Pour apaiser ces inquiétudes, chacun doit comprendre que la montée en puissance de la vocation culturelle du projet global de développement du bassin minier ne pourra se réaliser pleinement qu’avec la mobilisation de tous les équipements en activité aujourd’hui et demain. La présence d’équipes culturelles, sur un même territoire mais avec des espaces et des projets spécifiques, doit être valorisée pour que tout le monde tire parti de ce nouvel environnement. Le rôle 152 Les conditions de réussite d’un chantier exceptionnel comme celui du Louvre-Lens est précisément d’offrir une nouvelle dimension à la coopération culturelle et au développement du territoire. En entretenant le climat de confiance qui existe déjà entre les acteurs culturels, il convient d’organiser collectivement des démarches partenariales concrètes, bien en amont de l’ouverture du Louvre-Lens. Le groupe de travail « Partenariats culturels et éducatifs » Dans cette perspective, un Groupe de travail « Partenariats culturels et éducatifs » a été mis sur pied en juillet 2007 avec la Direction régionale des affaires culturelles, le Rectorat, les directions culture des collectivités concernées et des représentants de structures pluridisciplinaires de la région : Association des conservateurs du Nord – Pas de Calais, Culture Commune, Droit de cité, la Pomme à tout faire, la Comédie de Béthune, le Centre historique minier de Lewarde, la Coupole (Centre d’histoire et de mémoire du Nord – Pas de Calais), le Fresnoy, l’Université d’Artois… Ce nouveau cadre permet de favoriser les échanges sur le projet scientifique et culturel du Louvre-Lens, notamment concernant les offres éducatives et culturelles du futur musée. L’objectif de ce groupe de travail est de faire travailler ensemble des équipements de nature différente (musées, théâtres, universités) autour d’enjeux communs : développement des publics, qualité de l’accueil, renouvellement des dispositifs de médiation, partage des lieux ressources, politiques multimédia et Internet, organisation des activités culturelles. A l’occasion de la première réunion, un consensus s’est d’emblée imposé concernant la nécessité d’envisager collectivement les opérations menées en direction des publics. Des colloques ou des séminaires sur les thèmes des métiers et de la médiation culturelle sont d’ores et déjà envisagés avec l’ensemble des acteurs culturels de la région. La première étape est de bien faire connaître les initiatives et les résultats des uns et des autres afin de dégager des points de convergence. L’organisation d’un tel réseau doit donner lieu à des projets collectifs de programmation pour les activités pédagogiques mais aussi pour les expositions et pour les manifestations de la Scène du Louvre-Lens. Le studio national des arts contemporains du Fresnoy à Tourcoing © Ministère de la Culture et de la communication Les pôles universitaires et les écoles d’art que compte la région Nord – Pas de Calais seront partie intégrante de cette dynamique partenariale. Des parcours pédagogiques, des journées d’études et des programmes culturels spécifiques pourront être mis en place avec les associations culturelles des universités (d’Artois, du Littoral Côte d’Opale, de Valenciennes, de Lille). Le Louvre-Lens sera également un site privilégié pour accueillir les travaux d’unités de formation ou de laboratoires de recherche en histoire de l’art mais aussi en sciences sociales et en sciences et techniques. La formation et la professionnalisation des étudiants en filières médiation culturelle, arts de spectacle, valorisation du patrimoine, développement territorial pourront faire l’objet de conventions avec le futur établissement du Louvre-Lens. Des opérations en lien avec l’actualité du musée seront enfin élaborées avec le réseau de formations artistiques constitué par le Fresnoy et les écoles d’art (de Tourcoing, Dunkerque, Valenciennes et Cambrai). 2. Une politique de programmation partagée Les programmes d’appropriation du Louvre-Lens déjà amorcés se construisent en associant étroitement les ressources culturelles régionales. Les expositions organisées dans le cadre des Beffrois du Louvre-Lens sont ainsi conçues en cocommissariat scientifique (Louvre et un ou de plusieurs musées de la région) pour présenter aux visiteurs une rencontre éclairante entre des œuvres issues des huit départements du Musée du Louvre et des musées partenaires. 153 Les conditions de réussite L’événement « En fanfare aux Tuileries ! » fait quant à lui dialoguer tradition des fanfares et création artistiques en mobilisant des harmonies et des ensembles musicaux de la région Nord – Pas de Calais. D’autres rendez-vous seront proposés dans la région ainsi qu’au Louvre à Paris en écho à la création du musée à Lens. L’idée est que chaque initiative fasse intervenir à Paris une ou plusieurs structures culturelles ou équipes artistiques de la région. L’auditorium du Louvre pourra ainsi proposer, avant l’ouverture du musée, des coups de projecteurs sur la vie culturelle du Nord – Pas de Calais: un important colloque autour de la reconversion des sites miniers en Europe et notamment du territoire du Louvre-Lens, un grand rendez-vous transversal consacré à la notion de transmission dans le secteur des arts de la scène en invitant notamment des artistes associés au Fresnoy, une grande artiste et pédagogue comme Carolyn Carlson (directrice du Centre chorégraphique national de Roubaix), Lev Bogdan (directeur du Phénix de Valenciennes et spécialiste de Stanislavski)… La maison du projet et le parc permettront d’accueillir le public à l’occasion notamment d’événements proposés dans le cadre de rendez-vous déjà existants comme les Fêtes de Lens, le Festival « Z’Arts Up » ou de manifestation à venir comme la prochaine « Capitale régionale de la culture ». Fort de l'expérience de Lille « Capitale européenne de la culture » en 2004, le Conseil régional Nord - Pas de Calais a créé le concept de « Capitale régionale de la culture ». Tous les deux ans, une ville de la région est choisie pour accueillir tout au long de l'année une série de manifestations artistiques exceptionnelles. Logo de Valenciennes 2007, capitale régionale de la culture © Valenciennes 2007 En 2007, Valenciennes a inauguré la formule avec notamment l’exposition « Pharaon » présentée au musée des beaux-arts avec près de 250 œuvres en provenance du musée du Louvre et du musée égyptien du Caire. En 2010, c’est Béthune qui célèbrera la culture sous toutes ses formes en s’associant à Lens et à toute son agglomération. Quelques temps avant son ouverture, il est évident que le Louvre-Lens sera un des lieux importants de cette Capitale régionale en proposant des visites de chantier et des animations liées au projet architectural (en partenariat avec la Maison de l’architecture et de la ville de Lille, avec l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille et avec le Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement du Pas-de-Calais). Ces multiples initiatives ouvriront la voie pour une programmation culturelle régionale commune qui permettra de marquer fortement l’ouverture du Louvre-Lens et de mettre en valeur la richesse des propositions dans la région. Le fil conducteur de la Galerie du temps et l’exposition Renaissance pourront ainsi connaître des développements complémentaires dans d’autres musées et centres d’art. Cette concordance des temps et des thèmes incitera fortement l’itinérance des visiteurs en valorisant la spécificité et la complémentarité des institutions partenaires. Lieu d’art et d’action contemporaine de Dunkerque © Comité départemental de tourisme du Nord Des systèmes d’appels et de renvois entre les lieux seront signalés aux publics avec des outils de communication, des billetteries éventuellement couplées, mais aussi avec la présence effective d’œuvres : par exemple une sculpture du Louvre-Lens exposée au LAAC de Dunkerque et une installation du Frac Nord – Pas de Calais présentée au Louvre-Lens en contrepoint. La circulation des œuvres pourra également s’appliquer au spectacle vivant sous la forme de coproduction : une création chorégraphique in situ pourra connaître plusieurs étapes de réalisation entre, par exemple, la Piscine de Roubaix, le musée Matisse au Cateau-Cambrésis et le Louvre-Lens. Ces initiatives croisées pourront enfin avoir comme origine des enjeux liés à l’identité minière du territoire pour proposer aux visiteurs des parcours patrimoniaux riches et variés avec le site du 11/19, Oignies, Lewarde et la Belgique. 154 Les conditions de réussite 3. Mais aussi des projets eurorégionaux La fondation, à partir de 1991, d’une entité eurorégionale a été relayée par des dispositifs « Interreg » mis en place par l’Union européenne pour encourager et soutenir des coopérations transfrontalières. Certaines institutions culturelles, de part et d’autre de la frontière franco-belge, ont ainsi pris l’habitude de monter conjointement des projets à géographie variable. Le MAC’s Grand-Hornu s’associe par exemple chaque année au Musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq autour de réalisations communes. Ces deux structures ont proposé que le Louvre-Lens enrichisse dès 2008 ces collaborations déjà existantes, notamment en lien avec la formation aux métiers des musées (personnels de médiation, de surveillance, d’entretien) et à la conservation préventive (appliquée aux œuvres du passé et aux réalisations contemporaines). L’eurorégion Des projets équivalents pourront être menés avec le musée Groeninge à Bruges, le Musée des beauxarts de Gand et le Musée royal des beaux-arts d'Anvers. Ces trois institutions flamandes se sont engagées dans un accord de coopération structurelle. Aujourd’hui baptisé Vlamse Kunstcollectie, ce cadre leur permet une mise en commun de la gestion de leurs collections et des expositions. La Scène et la programmation culturelle du Louvre-Lens seront résolument inscrites dans cette dimension eurorégionale avec un réseau de collaborations qui pourra également englober Londres, Amsterdam, Cologne et Paris pour coproduire des projets originaux. D’ores et déjà, un future grande exposition du Louvre-Lens sur le thème de la virtuosité a été confiée à Andréas Blühm, directeur du Walraff Richarz Museum de Cologne. Un festival consacré à la jeune création pluridisciplinaire prendra le relais d’institutions de formation artistique de référence comme le Fresnoy (Tourcoing), l’école P.A.R.T.S. (école chorégraphique d’Anne Teresa De Keersmaeker, Bruxelles), la Chapelle Musicale Reine Elisabeth (Waterloo), le ZKM (Zentrum für Kunst und Medientechnologie, Karlsruhe), la Fondation Royaumont, Apple (Amsterdam)… Cette échelle européenne sera celle des collaborations scientifiques et culturelles du musée du Louvre-Lens. La richesse et la diversité des institutions culturelles implantées dans l’eurorégion permet d’envisager des collaborations pour prolonger des programmes du Louvre-Lens en direction d’autres domaines artistiques et scientifiques : la mode, le design, le cinéma d’animation, la philosophie, les sciences, l’environnement… Cette diversification permettra de créer des espaces de communication entre des pratiques issues d’horizons différents en favorisant les échanges de publics. Des expériences pourront être menées avec, par exemple, le MoMu (Musée de la mode d’Anvers), le Design Museum (Gand et Londres), Cité philo (Lille), Ecofilm (Festival international d’environnement et de développement durable, Loos-en-Gohelle), la KunstFilmBiennale de Cologne ainsi qu’avec différents pôles universitaires européens. 155 SOMMAIRE DETAILLE LE LOUVRE-LENS, POURQUOI ? ........................................................................................ 5 Un projet de décentralisation et de démocratisation culturelles................................................... 6 A – Une volonté partagée.................................................................................................................. 8 A.1 – La conjonction d’une triple volonté.................................................................................................... 8 1. Une décision gouvernementale ....................................................................................................... 8 2. Une volonté du Musée du Louvre ................................................................................................... 8 3. Un projet porté par la Région Nord – Pas de Calais et appuyé par l’ensemble des collectivités locales ............................................................................................................................................ 8 4. Le soutien de l’Union européenne................................................................................................... 9 A.2 – Le choix de Lens, un défi.................................................................................................................... 9 1. Lens choisi parmi six villes candidates ........................................................................................... 9 2. Lens a d’abord convaincu par son site .......................................................................................... 11 3. Un choix symbolique .................................................................................................................... 12 A.3 – Un partenariat novateur ................................................................................................................... 12 1. Une collaboration Etat, Musée du Louvre et collectivités territoriales ......................................... 12 2. Un dispositif de pilotage complet.................................................................................................. 13 3. L’accompagnement de la société civile......................................................................................... 14 4. Des mécènes mobilisés.................................................................................................................. 14 B – Une chance pour la région Nord – Pas de Calais................................................................... 16 B.1 – Un levier pour le développement économique et urbain.................................................................. 16 1. Une région encore marquée par la crise industrielle ..................................................................... 16 2. Un effet d’entraînement en matière de tourisme ........................................................................... 17 3. Une vraie perspective eurorégionale ............................................................................................. 19 4. L’enjeu majeur de la requalification urbaine................................................................................. 21 B.2 – Le Louvre-Lens, un outil de cohésion sociale.................................................................................. 22 1. De réelles difficultés sociales liées à la situation économique ...................................................... 22 2. Des créations d’emplois significatives .......................................................................................... 23 3. Une reconnaissance et un changement d’image pour le bassin minier.......................................... 24 B.3 – Un nouveau pôle culturel au service du territoire ........................................................................... 26 1. Un rayonnement culturel régional conforté par Lille 2004, capitale européenne de la culture ..... 26 2. Au niveau de l’agglomération de Lens-Liévin, la prédominance d’équipements de proximité .... 29 3. Des pratiques culturelles à prendre en compte .............................................................................. 30 C – Une chance pour le Louvre...................................................................................................... 32 C.1 – Repenser autrement la présentation des collections ........................................................................ 32 1. Un palais, un musée, le Louvre ..................................................................................................... 32 2. Le Louvre-Lens est tout le Louvre ................................................................................................ 34 3. Une recherche de transversalité..................................................................................................... 40 C.2 – Aller vers de nouveaux publics ......................................................................................................... 41 1. A Paris, un public nombreux, majoritairement touristique............................................................ 41 2. Un public éloigné des musées à prendre en compte...................................................................... 42 3. Une médiation renforcée ............................................................................................................... 42 C.3 – Adopter une démarche partenariale nouvelle .................................................................................. 43 1. Première coopération du Louvre avec les collectivités locales dans un projet d’une telle ampleur ..................................................................................................................................................... 43 2. Un partenariat fort à tisser avec les acteurs culturels de la région et de l’eurorégion ................... 44 3. Des liens privilégiés dans un réseau international......................................................................... 44 4. Un fonctionnement en mode projet ............................................................................................... 46 LE LOUVRE-LENS, LE LOUVRE AUTREMENT.............................................................. 48 Inventer un « autre » Louvre ......................................................................................................... 49 A – Présenter les œuvres dans un bâtiment résolument contemporain ..................................... 50 A.1 – Un programme architectural exigeant ............................................................................................. 50 1. La volonté de s’inscrire dans la modernité.................................................................................... 50 2. Une architecture qui s’inscrit dans le site...................................................................................... 51 156 3. Un bâtiment répondant aux exigences muséales actuelles ............................................................ 52 A.2 – Une architecture transparente.......................................................................................................... 53 1. Le hall d’accueil, un délicat quadrilatère de verre......................................................................... 53 2. L’organisation des espaces............................................................................................................ 53 3. Un bâtiment respectueux de l’environnement............................................................................... 54 A.3 – Un musée dans un parc .................................................................................................................... 54 1. Un parc de 20 hectares… .............................................................................................................. 54 2. …qui fait le lien avec la ville et son histoire… ............................................................................. 55 3. …et qui offre des possibilités d’animation.................................................................................... 56 B – Mettre les publics au cœur du projet...................................................................................... 57 B.1 – Répondre aux attentes d’un public diversifié................................................................................... 57 1. Un objectif de 550.000 visiteurs annuels ...................................................................................... 57 2. La clientèle régionale : près de la moitié des visiteurs ................................................................. 59 3. Une clientèle touristique eurorégionale......................................................................................... 59 4. Une stratégie de réseaux et de relais.............................................................................................. 59 B.2 – Prendre en compte la situation du visiteur et sa pratique................................................................ 60 1. Le concept de « cellule de visite » ................................................................................................ 61 2. Le « degré de familiarité » avec le musée ..................................................................................... 61 3. Un autre critère : l’âge................................................................................................................... 64 B.3 – Les publics à fort enjeu d’avenir ...................................................................................................... 65 1. La famille : privilégier le co-apprentissage ................................................................................... 65 2. L'adolescence : une période stratégique pour la suite.................................................................... 66 B.4 – Un accueil sur mesure ...................................................................................................................... 67 1. Inscrire le Louvre-Lens dans la tradition d’hospitalité de la région .............................................. 67 2. Le hall d’accueil : comme un cœur qui bat ................................................................................... 69 C – Une nouvelle présentation des œuvres.................................................................................... 72 C.1 – Une vision diversifiée ........................................................................................................................ 72 1. La Galerie du Temps ..................................................................................................................... 73 2. Le Pavillon de verre ...................................................................................................................... 74 3. Le parcours de retour..................................................................................................................... 74 C.2 – La Galerie du temps .......................................................................................................................... 76 1. Les grands principes de la Galerie du temps ................................................................................. 76 2. Chronologie, parcours et représentativité de la Galerie du temps ................................................. 77 3. L’organisation de la Galerie du temps : les « jalons »................................................................... 83 4. La médiation de la Galerie du temps............................................................................................. 84 C.3 – L’espace des expositions temporaires............................................................................................... 86 1. Des expositions visant l’excellence............................................................................................... 86 2. Deux grandes expositions chaque année ....................................................................................... 87 3. Le programme des expositions...................................................................................................... 88 C.4 – La découverte des coulisses du musée.............................................................................................. 91 1. Des réserves visibles et visitables ................................................................................................. 91 2. Des coulisses qui se donnent à comprendre .................................................................................. 93 3. La préservation des oeuvres .......................................................................................................... 95 C.5 – Une médiation au service des œuvres et des visiteurs ...................................................................... 97 1. Une médiation de référence disponible en salle pour chacun........................................................ 97 2. Une médiation humaine largement présente ................................................................................. 99 3. Des outils nomades en complément ............................................................................................ 101 4. Une appréhension globale du musée : avant, pendant, après ...................................................... 102 D. Un lieu de vie à part entière : les activités éducatives et culturelles .................................... 103 D.1 – Le centre de ressources et d’échanges : lieu de diffusion, de formation et de création ............... 103 1. Un lieu central de diffusion et de médiation................................................................................ 103 2. Un lieu d’accompagnement et de formation des publics et des professionnels : l’école de la médiation.................................................................................................................................... 104 3. Un lieu de création : rendre les visiteurs acteurs de leur découverte du musée........................... 106 D.2 – L’offre pédagogique........................................................................................................................ 107 1. Un lieu d’accueil privilégié des scolaires.................................................................................... 107 2. Les activités pédagogiques.......................................................................................................... 108 D.3 – La programmation de la Scène....................................................................................................... 110 1. Un espace dédié au partage des savoirs....................................................................................... 110 2. Un équipement pluridisciplinaire pour tous les publics .............................................................. 112 157 3. Des événements culturels fédérateurs ......................................................................................... 113 D.4 – Les activités culturelles du parc ..................................................................................................... 114 1. De grandes manifestations dans le parc....................................................................................... 114 2. Les spécificités du projet artistique pour le parc ......................................................................... 115 LES CONDITIONS DE REUSSITE.................................................................................... 116 Trois ans pour réussir................................................................................................................... 117 A – Réussir la greffe...................................................................................................................... 118 A.1 – Insérer le Louvre-Lens dans son environnement local.................................................................. 118 1. Le pari de la greffe ...................................................................................................................... 118 2. La maison du Louvre-Lens ......................................................................................................... 119 3. Des emplois pour la population locale ........................................................................................ 121 A.2 – Développer une stratégie d’appropriation régionale...................................................................... 123 1. Un comité régional d’appropriation pour coordonner les initiatives........................................... 123 2. Les Beffrois du Louvre-Lens ...................................................................................................... 124 A.3 – S’inscrire dans les réseaux régionaux et locaux............................................................................ 126 1. Les réseaux des associations locales et du champ social............................................................. 126 2. Les réseaux éducatifs .................................................................................................................. 127 B – Préparer la venue des publics................................................................................................ 128 B.1 – Mieux connaître les publics potentiels ........................................................................................... 128 1. Trois principaux foyers de visiteurs en dehors de la région : les Britanniques, les Belges et les Franciliens.................................................................................................................................. 128 2. S’inscrire dans les réseaux touristiques....................................................................................... 130 B.2 – Se doter d’une stratégie de communication ................................................................................... 132 1. Un fort besoin de communication ............................................................................................... 132 2. La nécessité d’un plan de communication globale...................................................................... 133 3. La politique éditoriale ................................................................................................................. 135 B.3 – Une large ouverture du musée et une politique tarifaire raisonnée et attractive.......................... 136 1. Des jours et heures d’ouverture qui restent à définir................................................................... 136 2. Des modalités d’accès et des tarifs qui restent à préciser............................................................ 138 B.4 – Faciliter l’accès des publics au site ................................................................................................ 142 1. Une bonne desserte routière de Lens mais une accessibilité au musée à organiser..................... 142 2. Des transports en commun à améliorer tant à l’échelle régionale que locale.............................. 143 3. Des cheminements doux à développer ........................................................................................ 144 C – Enrichir le travail partenarial............................................................................................... 146 C.1 – Mettre en place le futur établissement............................................................................................ 146 1. Des principes de gouvernance déjà posés ................................................................................... 146 2. La création d'un établissement public sui generis ou l'intégration du Louvre-Lens à l'Etablissement public du Musée du Louvre (EPML) ................................................................ 147 3. Dès 2009, une équipe projet commune ....................................................................................... 150 C.2 – Des mécènes à mobiliser ................................................................................................................. 151 1. Les différents modes de soutien du Louvre-Lens par les entreprises .......................................... 151 2. Les avantages pour l’entreprise................................................................................................... 152 3. Les donateurs individuels............................................................................................................ 152 C.3 – Développer un partenariat vivant avec les acteurs culturels de la région et de l’eurorégion....... 152 1. Une dimension collective et pluridisciplinaire ............................................................................ 152 2. Une politique de programmation partagée .................................................................................. 153 3. Mais aussi des projets eurorégionaux.......................................................................................... 155 158