nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez les

Transcription

nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez les
NOUVEAUX SCÉNARIOS ET PRATIQUES SEXUELS CHEZ LES
JEUNES UTILISATEURS DE SITES DE RENCONTRES
Marie Bergström
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
2012/1 - N° 60
pages 107 à 119
ISSN 1268-5666
Article disponible en ligne à l'adresse:
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2012-1-page-107.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bergström Marie, « Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez les jeunes utilisateurs de sites de rencontres »,
Agora débats/jeunesses, 2012/1 N° 60, p. 107-119. DOI : 10.3917/agora.060.0107
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po.
© Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
Presses de Sciences Po | Agora débats/jeunesses
Dossier
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
Nouveaux scénarios
et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs
de sites de rencontres
Marie Bergström
INTRODUCTION
Quinze ans après l’apparition en France des premiers sites de rencontres
généralistes sur Internet, l’usage de ces espaces en ligne représente
aujourd’hui une pratique largement répandue. En tant que médias spécialisés dans les rencontres amoureuses et sexuelles, fondés principalement sur la communication écrite, ils s’inscrivent dans la lignée des
petites annonces et du « minitel rose ». Toutefois, alors que les annonces
matrimoniales constituent, selon les termes de François de Singly, un
« marché parallèle » où cherchent à se rencontrer des individus « exclus
du marché matrimonial normal » (1984, pp. 523 et 525), la spécificité
de ce nouveau mode de rencontre médiatisé réside dans le fait qu’il
concerne une large partie de la population et plus particulièrement les
jeunes. Selon l’Enquête sur la sexualité en France, menée en 2006 et dirigée par Nathalie Bajos et Michel Bozon, près d’un tiers des hommes et
des femmes de 18 à 24 ans se sont déjà connectés à un tel site (Bajos,
Bozon, 2008). Cinq ans après l’enquête, et comme le suggèrent également les auteurs, il est très probable que ces chiffres soient aujourd’hui
plus importants.
Face à la popularité des sites de rencontres, la volonté de savoir scientifique a rapidement conduit à un nouveau champ de recherche en
sciences sociales. Motivées principalement par la question de savoir si
« ça marche », les études relatives aux rencontres hétérosexuelles sont
principalement limitées à une analyse des usages à finalité amoureuse
(Illouz, 2006 ; Lardellier, 2004) et des couples stables nés grâce à Internet
(Dutton et al., 2008). Les dimensions sexuelles de l’usage des sites sont
par conséquent peu explorées, notamment en ce qui concerne les jeunes.
Toutefois, les sites de rencontres émergent aujourd’hui comme un espace
important de sociabilité, d’expérimentation et de rencontres sexuelles
pour cette partie de la population. De plus, avec une organisation sociale
Agora débats/ jeunesses n° 60, année 2012 [1]
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
107
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
qui tranche avec celle des lieux de rencontres hors ligne, les sites changent les manières habituelles de faire et sont générateurs de pratiques
nouvelles. Une étude menée auprès de jeunes utilisateurs hétérosexuels
montre en effet comment l’usage de ces sites s’accompagne d’un élargissement du répertoire des pratiques sexuelles et d’un nouveau scénario
de rencontres qui favorisent les relations sexuelles de courte durée. Dans
les pages qui suivent nous proposerons d’explorer ce nouveau « territoire
sexuel » (Deschamps, Gaissad, 2008 ; Léobon, Frigault, 2005) que constituent aujourd’hui les sites de rencontres pour les jeunes adultes.
Méthodologie et données
Cet article se base sur une recherche menée dans le cadre d’une thèse en
sociologie portant sur la fréquentation des sites de rencontres en France.
Les résultats présentés sont premièrement basés sur des entretiens
biographiques menés avec 25 utilisateurs de sites de rencontres hétérosexuels, dont 16 femmes et 9 hommes. Les interviewés sont âgés de 20 à
26 ans, ils sont issus de différents milieux sociaux et ont principalement
été recrutés sur leurs lieux d’études, à savoir des IUT et des universités en
région parisienne. Il doit être noté que la grande majorité des enquêtés ne
savaient pas au préalable que l’entretien porterait plus spécifiquement sur
leurs expériences des sites de rencontres. La recherche a été présentée
comme une étude générale des rencontres amoureuses et sexuelles afin
de mieux pouvoir comparer les relations initiées hors ligne et en ligne.
Viennent compléter cette analyse les premiers résultats issus d’un questionnaire en ligne à destination des utilisateurs de 25 sites de rencontres
francophones, dont les plus grands sites dits « généralistes ». L’enquête a
été annoncée à travers des bannières publicitaires sur les sites en question
et 7 105 réponses complètes ont été enregistrées à la date de la rédaction
de l’article (avril 2011). Sera présentée ici une analyse faite des 270 questionnaires remplis par des jeunes adultes âgés de 18 à 30 ans, dont
133 femmes et 137 hommes, s’identifiant comme hétérosexuels et étant
inscrits sur des sites généralistes (ont été exclus les répondants issus de
sites « trans », homo et bisexuels ainsi que de sites libertins). Le faible
nombre de jeunes répondants conduit à interpréter les résultats avec précaution. Les résultats relatifs à l’ensemble des répondants hétérosexuels
(N=2294) seront ainsi présentés en point de comparaison.
FLIRT ET SEXUALITÉ EN LIGNE
Plutôt qu’un simple médium, et contrairement aux annonces papier, les
sites de rencontres constituent de véritables espaces de sociabilité en
ligne et cela en particulier pour les plus jeunes utilisateurs. En effet,
les interactions en ligne ne débouchent pas toutes sur une rencontre de
visu qu’elles n’ont pas nécessairement pour objectif. Avant d’être des
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
108
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
lieux de rencontres de futurs partenaires, les sites sont des espaces
de « flirt », appréciés et fréquentés en tant que tels (voir également
Kaufmann, 2006). Parmi les répondants au questionnaire, 54 % des
hommes et 50 % des femmes disent avoir flirté avec des interlocuteurs en
ligne sans nécessairement les avoir rencontrés par la suite « en vrai ». Les
entretiens révèlent plus précisément comment l’anonymat et l’absence
de face-à-face sont vécus comme des facteurs qui diminuent le risque de perdre la
face et créent ainsi un espace propice à
Avant d’être des lieux de rencontres
la séduction dans la mesure où les enjeux
de futurs partenaires, les sites sont
sont considérés comme moindres.
« C’est un terrain de jeu quoi. C’est vraiment drôle, tu peux faire tout ce que tu
veux et… et puis il y a pas de risque d’être
démasquée quoi. […] Franchement c’est
ça, c’est que c’est drôle en fait. Et vraiment, quand tu te fais chier toute la journée, c’est vraiment possible de passer
toute une journée juste à te marrer avec
ça quoi. C’est très distrayant ! » (Manon,
22 ans.)
des espaces de « flirt », appréciés et
fréquentés en tant que tels […]. Les
entretiens révèlent plus précisément
comment l’anonymat et l’absence de
face-à-face sont vécus comme des facteurs
qui diminuent le risque de perdre la face
et créent ainsi un espace propice à la
séduction dans la mesure où les enjeux
sont considérés comme moindres.
« De temps en temps je joue le jeu, parce
que ça m’amuse. C’est amusant je trouve.
Et ouais, c’est un jeu de séduction et c’est assez amusant. […] À chaque
fois que je suis dans cet esprit-là, je me connecte sur ce site. » (Corinne,
20 ans.)
Loin d’être nécessairement orienté vers une relation physique, le jeu de
la séduction est une pratique sociale à part entière dont les sites de rencontres sont aujourd’hui un espace privilégié. L’usage des sites comme
un divertissement en soi est particulièrement fréquent chez nos interviewées qui déclarent prendre du plaisir à « se faire draguer » et qui
envisagent aussi ces plateformes comme une arène propice à tester leur
attractivité. Par rapport aux contextes hors ligne les sites permettent
aux femmes de se prêter au jeu du flirt tout en gardant une meilleure
maîtrise du déroulement et surtout de la durée de l’interaction.
En raison d’un scénario d’interaction largement genré, le flirt en ligne
n’a pas la même signification pour les utilisateurs. Ayant l’obligation de
l’initiative, et étant en situation de concurrence avec des hommes plus
âgés, les jeunes utilisateurs sont premièrement moins sollicités que
leurs consœurs. Si la séduction est généralement moins recherchée en
tant que telle, les sites sont néanmoins envisagés par certains comme
un terrain de découverte, voire d’entraînement.
« C’est ça que j’essayais de faire [“aller vers les filles” sur des sites de
rencontres]. Mais comme je l’avais jamais fait, je pouvais pas savoir. Et
Agora débats/ jeunesses n° 60, année 2012 [1]
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
109
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
110
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
En tant qu’espaces de flirt et d’expérimentations, les sites ne sont donc
pas seulement une nouvelle arène pour des pratiques qui ont lieu par
ailleurs dans la « vraie » vie mais ils sont générateurs d’expériences
nouvelles. Cela est également vrai dans le domaine de la sexualité et
plus précisément de la sexualité en ligne. Parmi les répondants au
questionnaire, 23 % des femmes et 26 % des hommes déclarent avoir eu
une conversation à connotation sexuelle sur le site de rencontres où ils
sont inscrits. De même, 13 % des hommes et 8 % des femmes disent y
avoir regardé quelqu’un s’exhiber devant une Webcam et 5 % des utilisatrices et 8 % des utilisateurs déclarent s’être eux-mêmes exhibés1. Ces
pratiques sont également relatées en entretien où elles sont décrites
comme des expériences nouvelles.
« Cette personne commence à me parler, tu vois, de ses envies sexuelles,
direct. Très rapidement. Et moi, je suis très réticente au début et après
ça me fait rire. Il met sa Webcam et commence à parler de sexe et tout.
Et moi je fais rien. Je regarde. Enfin je regarde [rire]… Et les gens, ils ont
beau ne pas te connaître, ils vont très loin ! » (Corinne, 20 ans.)
Des recherches relatives aux rencontres en ligne entre hommes bi et
homosexuels montrent comment Internet constitue un espace à la fois
d’initiation et de diversification des pratiques sexuelles (Bolding et al.,
2007 ; Léobon, Frigault, 2005). Alain Léobon qualifie ainsi le réseau
comme un environnement « propice à l’expression de la diversité des
sexualités entre hommes comme à la découverte de nouvelles pratiques
ou corporalités » (Léobon, 2009, pp. 198). De la même manière, notre
étude tend à montrer que l’usage des sites de rencontres hétérosexuels
vient avec la découverte de nouvelles expériences dites de « cybersexualité » qui s’ajoutent au répertoire des pratiques des jeunes.
UN NOUVEAU SCÉNARIO DE RENCONTRES
Si les sites de rencontres sont des espaces de sociabilité à part entière,
ils donnent également lieu à des rencontres en face-à-face, qui pour
certaines débouchent sur des relations amoureuses et/ou sexuelles.
Ils s’ajoutent ainsi aux contextes de rencontre habituels entre jeunes
– l’école, l’université, le cercle d’amis, les bars, etc. – et introduisent
en même temps un processus de mise en relation qui tranche avec les
1. Les taux pour l’ensemble des répondants hétérosexuels sont les suivants : conversation
sexuelle, 19 % des femmes et 33 % des hommes ; regarder quelqu’un s’exhiber, 5 % des
femmes et 17 % des hommes ; s’être exhibé, 3 % des femmes et 9 % des hommes.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
justement, j’essayais d’apprendre si tu veux, tout ce que normalement tu
apprends avant, au collège par exemple. Tout ça, toutes ces phases-là, je
les avais ratées finalement. » (Georges, 23 ans.)
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
manières habituelles de faire. Si l’écran interposé modifie les conditions
d’interaction, les changements observés ne tiennent pas seulement au
caractère numérique de ces espaces. L’absence des pairs ainsi que le
fait qu’il s’agit de sites spécialisés dans les rencontres sont deux éléments qui changent également les modalités d’entrée dans la relation
et qui distinguent ces sites d’autres espaces en ligne. Plus précisément,
ces facteurs tendent à faciliter l’entrée dans des relations sexuelles de
courte durée et conduisent les utilisateurs à envisager les sites comme
des espaces pour des rencontres « pas sérieuses ».
Explicitation et accélération
Alors que l’ambiguïté occupe généralement un rôle important dans les
jeux de séduction, les sites de rencontres ont la particularité d’être des
espaces principalement et explicitement organisés en vue de rencontres
amoureuses et sexuelles. Ainsi, l’inscription sur de tels sites revient a
priori à se déclarer célibataire et à la recherche d’un partenaire. Cette
explicitation des intentions a notamment pour conséquence une accélération de l’entrée dans la relation. En effet, si la séduction hors ligne est
habituellement un processus de tâtonnements et d’un rapprochement
progressif, la séduction sur les sites de rencontres est une interaction
« en connaissance de cause » qui pousse les interlocuteurs à trancher
rapidement sur l’avenir de la relation.
« - Mais c’est quoi qui est différent sur les sites [au niveau du processus
de formation du couple] ?
- Je pense que… sur Internet… ou plutôt dans la vraie vie, il y a une
espèce de jeu, on ne sait pas trop comment ça va se terminer. Alors que,
peut-être sur Internet, quand tu rencontres, les dés sont déjà un petit
peu préjetés. Quand j’ai rencontré mon copain [lors du premier rendezvous hors ligne], sachant les conversations qu’on a eues précédemment,
sachant tout ce qu’on avait abordé, je m’en doutais que si je lui plaisais et
si lui il me plaisait, enfin on sortirait ensemble. Alors que, quand tu rencontres quelqu’un dans une soirée, tu es plus finalement à la recherche,
tu essaies de savoir “est-ce que tu plais à l’autre, est-ce que l’autre te
plaît ?”, etc. Vous vous voyez, vous vous voyez pas, vous vous appelez, etc.
Donc, ça se construit plus petit à petit, alors que sur Internet tu perds
toute cette dimension un peu de progression. » (Sandra, 23 ans.)
Indépendamment des temps de communication sur Internet, le passage
à la rencontre hors ligne est très rapidement suivi par l’entrée dans
la relation éventuelle. Le premier rendez-vous constitue un moment
charnière où les interlocuteurs décident de la fin ou de la poursuite
des contacts. Si le « courant passe », le manque d’ambiguïté relatif aux
intentions des deux parties donne rapidement à la relation un caractère physique et sexuel. Sans considérer la durée totale de la relation,
nous observons en effet un nouveau schème temporel qui conduit les
Agora débats/ jeunesses n° 60, année 2012 [1]
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
111
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
112
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
Cette accélération du processus de mise en relation est vécue par les
acteurs comme le fait de « sauter des étapes » et a des conséquences sur
la manière d’appréhender à la fois les sites en tant que lieux de rencontres
et les relations qui en découlent. Comme le montre Sharman Levinson
(2001), la temporalité constitue en effet un critère fondamental pour la
catégorisation des relations intimes. Plutôt qu’à partir des sentiments
éprouvés, les adolescents qu’elle étudie qualifient et classent leurs relations en fonction notamment du temps écoulé entre la rencontre et les
premiers rapports sexuels ainsi que la durée totale du couple. Plus précisément, comme le souligne Michel Bozon, « laisser durer la période
de séduction laisse ainsi entendre qu’on est prêt à s’engager dans une
relation relativement longue » (Bozon, 2009, pp. 107). À l’inverse, précipiter les rapports sexuels est généralement perçu comme un indicateur
de la nature passagère de la relation. Il s’agit là de grilles d’interprétation – qualifiées d’« histoires de référence » par Sharman Levinson – à
l’aide desquelles les individus donnent un sens à leurs expériences et
adaptent leurs attentes. La temporalité accélérée des rencontres sur Internet conduit les utilisateurs à considérer les sites de rencontres comme des
lieux peu propices à des relations « sérieuses » de longue durée.
« Tu vas devoir faire une distinction fondamentale entre la personne que
tu vas pêcher sur Meetic, tu parles trois mots avec elle, tu vas au café,
tu couches avec elle au bout de trois [jours] et puis ça se finit au bout de
quinze. ça c’est un type d’histoire. Et l’autre histoire, c’est la personne
que tu rencontres sur Facebook avec qui tu parles, que t’invites à des
soirées, que tu réinvites encore à des soirées, qui t’invite à des soirées et
tu finis par sortir avec elle. Et ça, ça peut mettre un an. Et donc tu l’auras
donc vu beaucoup et sur un temps très long avant de sortir et coucher
avec elle. Tout simplement parce que c’est pas un site de rencontres ! »
(Matthieu, 22 ans.)
Dans les discours des interviewés transparaît très clairement une histoire de référence spécifique aux sites – intitulée « l’expérience Meetic »
par une des interviewées – qui renvoie les relations internet à des
relations sexuelles qui ne durent pas dans le temps. Plus que d’une
catégorisation individuelle et a posteriori, il s’agit d’un script collectif
d’interprétation et d’anticipation qui oriente l’usage et qui produit notamment des prophéties autoréalisatrices.
« – Et le deuxième garçon que tu as rencontré sur le site… ?
– Ouais, ça n’a pas marché parce que j’ai… à cause de ce problème de
religion. On s’entend très bien, etc., et on s’appelle toujours, mais voilà. Au
fond, le fait aussi qu’on s’est rencontrés, comme je disais tout à l’heure,
par ce site, ça me donne pas envie de continuer. C’est bizarre à dire parce
qu’on va sur ce site pour rencontrer quelqu’un et en fait on dit “ah ben
non, pour moi ça peut pas être sérieux”. » (Corinne, 20 ans.)
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
utilisateurs à s’engager plus rapidement que dans la « vraie » vie dans
des relations de nature sexuelle.
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
L’association faite entre l’espace de rencontre et le déroulement ultérieur de la relation fait qu’anticipations et expériences effectives tendent
à concorder. Parce que nées sur Internet, les relations qui débutent en
ligne seront plus difficilement considérées comme des histoires potentiellement « sérieuses ». Ainsi les interviewés sont aussi nombreux à
avoir vécu une relation sexuelle passagère avec un partenaire rencontré sur ces sites. C’est le cas de près d’un tiers des jeunes hommes et
femmes ayant répondu à notre questionnaire2. Or, si les sites apparaissent comme des espaces privilégiés pour la rencontre de partenaires
occasionnels, cela tient également à l’absence des pairs.
Absence des pairs
Contrairement à d’autres contextes de rencontre en ligne (notamment
Facebook) ou hors ligne, les sites de rencontres sont une arène où se
nouent des contacts à l’extérieur du cercle de sociabilité et souvent
à l’insu de ce dernier. Ce facteur a pour première conséquence une
moindre régulation sociale des entrées et des sorties des relations
intimes.
L’attribution du statut « en couple » dépend non seulement de l’affirmation des partenaires concernés mais également de la confirmation
de l’entourage qui prend acte de cette relation. Si le premier baiser
marque le fait de « sortir ensemble » pour nos interviewés, c’est lorsque
le couple se présente aux amis en tant que tel que la relation sera considérée comme une « vraie » relation ou une relation « sérieuse ». Les
pairs jouent ainsi un rôle fondamental dans le fait d’instituer le couple.
En tant qu’observateur de la relation, le cercle d’amis effectue également un contrôle sur son déroulement et sa durée. La séparation est un
évènement socialement délicat, non seulement pour des raisons sentimentales, mais aussi parce qu’il s’agit d’un changement statutaire qu’il
importe souvent d’annoncer et dont il faut rendre compte.
Avant qu’elles ne soient volontairement rendues publiques, les relations
issues des sites de rencontres débutent et se déroulent dans l’intimité
des deux partenaires. Ainsi extraites du contexte de sociabilité, et souvent clandestines dans un premier temps, elles engagent moins les partenaires face à leurs réseaux amicaux. Par conséquent, et par rapport
2. 31 % des répondants des deux sexes déclarent avoir rencontré au moins une personne avec
qui ils ont ensuite eu une relation sexuelle passagère. En comparaison, 32 % des femmes et
28 % des hommes disent avoir rencontré une personne avec qui ils ont ensuite eu une relation amoureuse. Sur l’ensemble des répondants hétérosexuels, 28 % des femmes et 45 % des
hommes disent avoir fait l’expérience d’une relation sexuelle passagère avec un partenaire
rencontré en ligne. Pour les relations amoureuses, ces chiffres sont respectivement de 34 %
et 41 %.
Agora débats/ jeunesses n° 60, année 2012 [1]
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
113
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
aux relations initiées avec des partenaires rencontrés hors ligne, les
interviewés tendent à s’engager ainsi qu’à se désengager avec plus de
facilité vis-à-vis des partenaires rencontrés en ligne. Sans l’audience
des pairs, les seuils d’entrée et de sortie de la relation se trouvent
moins marqués et donc plus facilement perméables. Dans le discours
des interviewés transparaît ainsi le récit de relations sexuelles qui, sans
être des « rencontres sans lendemain », ne sont pas considérées comme
des histoires de couple. Non officialisées et de courte durée, mais dont
la nature passagère n’est pas nécessairement anticipée, ces relations
sont difficilement catégorisées par les acteurs. Ne rentrant pas dans
les grilles de lecture habituelles, elles se trouvent qualifiées d’« expériences », de « trucs » ou de « pseudo-histoires ».
Le manque d’ambiguïté relatif aux intentions des acteurs ainsi que le
moindre contrôle social de la part des pairs participent donc à doter les
sites de rencontres d’un nouveau scénario de rencontres. Celui-ci tend à
faciliter à la fois la formation et la dissolution de couples et donne lieu à
des relations sexuelles de courte durée qui brouillent les frontières entre
conjugalité et rencontres occasionnelles. La clandestinité dans laquelle
peut se dérouler ces relations paraît particulièrement significative pour
les femmes pour qui la sexualité fait l’objet d’un contrôle de soi plus
important.
CHANGEMENTS DES PRATIQUES ET RÉSISTANCE DES NORMES
Pour les femmes, l’accès à la sexualité est encore soumis à une « exigence d’amour » (Ambjörnsson, 2007 ; Bozon, 2009) : alors que les rapports sexuels hors couple peuvent apporter du respect et être considérés
comme un gain de maturité pour un garçon, ils traduisent pour les filles
le risque de se voir imputer le stigmate de la « fille facile » (Bäckman,
2003 ; Clair, 2008).
« [En réponse à une question concernant les rencontres occasionnelles.]
À l’origine, je dis toujours non. Mais après, ouais, j’en ai eu. Ben, genre la
deuxième personne que j’ai rencontrée sur le site [Meetic]. Mais c’était pas
genre un coup d’un soir. On s’est vus plusieurs fois quoi. Ouais… Si en fait,
ça m’est arrivé de rencontrer une personne juste… Globalement, je suis
pas du tout dans l’optique d’un coup d’un soir ! Je suis pas du tout comme
ça ! Après… après, ça m’est arrivé de pas donner de suite parce que la personne me plaisait pas. Mais à l’origine, je suis pas dans cette optique là. […]
Souvent les hommes… Ben, c’est même pas souvent, c’est tout le monde.
En gros il y a deux sortes de filles. Il y a les filles “c’est juste pour s’amuser
un peu un soir”. Il y a cette catégorie de filles-là et les autres. Et j’ai pas du
tout envie de faire partie de cette catégorie de filles-là. […] Quand je discute
avec les gens que je rencontre sur les sites ou ailleurs, les mecs finalement
ils aiment pas ces filles-là. Mais, pour un soir, voilà. Donc, ils les respectent
pas. Et je fais vraiment attention à ça parce que quand on dit qu’une fille fait
ça, on dit que c’est une salope. » (Corinne, 20 ans.)
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
114
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
Plus tard dans l’entretien, Corinne affirme que « finalement [des coups
d’un soir], il y en a eu plein » bien qu’elle soit très réticente à les désigner ainsi. Très consciente que les pratiques sexuelles catégorisent
socialement les femmes, la qualification de ce qu’elle fait constitue un
enjeu pour ce qu’elle « est ». Par conséquent, elle fait « vraiment attention » aux circonstances dans lesquelles elle s’engage dans des relations sexuelles. Comme pour d’autres interviewées, Internet constitue un
environnement qui permet plus facilement de vivre des rencontres occasionnelles ou des relations de courte durée dans la mesure où l’absence
des pairs diminue le risque de stigmatisation qui y est associé et anticipé.
Recruter des partenaires en dehors et à l’insu du cercle de sociabilité
traduit en effet la possibilité de vivre des histoires peu légitimes tout en
gardant une image sexuellement modérée face à son entourage.
Internet constitue un environnement
De la même manière que pour d’autres
qui permet plus facilement de vivre
populations avec des pratiques potendes rencontres occasionnelles ou des
tiellement stigmatisées (homosexuelles,
relations de courte durée dans la mesure
échangistes, fétichistes, etc.), les sites
où l’absence des pairs diminue le risque
de rencontres apparaissent comme des
de stigmatisation qui y est associé et
lieux qui facilitent l’accès des femmes à
anticipé.
la sexualité en raison de la dissociation
relative qu’ils permettent entre pratiques
sexuelles et identité sociale. Cette caractéristique du réseau conduit Alain Léobon et Louis-Robert Frigault à
le considérer comme un « environnement libre et non contraint » qui
permet aux hommes bi et homosexuels qu’ils étudient d’échapper « à
la pression normative qui [vise] à la régulation sociale de la sexualité »
(Léobon, Frigault, 2007, p. 88). Toutefois, à la différence des rencontres
en ligne entre hommes, la pression normative qui pèse sur les femmes
hétérosexuelles continue largement à encadrer leurs actions également à l’intérieur des sites (Bergström, 2011). L’impératif de modération sexuelle se retrouve notamment dans les présentations de soi qui
puisent très largement dans le discours romantique. Qu’elles souhaitent
vivre une relation de courte ou de longue durée, les utilisatrices soignent
en effet une image pudique et affirment leur intention de faire des rencontres « sérieuses » ou amicales. De la même manière, lorsqu’elles
reçoivent des propositions sexuellement explicites, le refus est quasi
systématique.
« Il y a des mecs qui viennent te voir, qui t’abordent en disant clairement
voilà “je cherche un plan cul”, machin. Là il est con, je réponds que je suis
pas intéressée. » (Sandra, 23 ans.)
« Il y en a qui affichent “moi, je suis pour les relations libres”. Voilà. Oui,
ben, pas moi ! Pas comme ça dans tous les cas. » (Aurélie, 22 ans.)
Agora débats/ jeunesses n° 60, année 2012 [1]
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
115
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
116
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
« C’est jamais dit, mais beaucoup de filles mettent genre “carpe diem”
dans leur profil et on comprend que c’est juste une autre façon de dire
qu’elles sont open à des trucs pas sérieux. » (Thomas, 26 ans.)
Loin du cruising area3 que constituent aujourd’hui les sites gays où la
recherche, l’organisation et les conditions des rencontres occasionnelles sont souvent explicitées, les rencontres hétérosexuelles se négocient sur les sites de rencontres dans l’implicite et à demi-mot. L’image
romantique que mettent en avant les utilisatrices ne traduit pas nécessairement un refus de rencontres occasionnelles mais le refus d’être
abordées et de débuter une éventuelle relation d’une manière explicitement sexuelle. Cela doit se comprendre à la lumière des conséquences
concrètes que peut avoir le fait d’afficher une
trop grande disponibilité sexuelle, comme le
montre la citation suivante :
À la différence des rencontres en ligne
entre hommes, la pression normative qui
pèse sur les femmes hétérosexuelles
continue largement à encadrer leurs
actions également à l’intérieur des sites.
« J’ai l’impression en fait que sur ce site-là de
rencontres [site libertin], comme le présupposé c’est que… tu es une fille facile, puisque
tu es là, c’est pour baiser. Donc, en quelque
sorte, c’est comme le truc des prostituées qui
se font violer quoi. Tu vois ? Tu vas pas pouvoir refuser parce que tu es là pour ça quoi. Tu
vois ? Donc, c’est ça je pense qui m’inquiétait
quoi. C’est de se dire, tu rencontres la personne et si jamais elle te plaît
pas ou si ça va pas, tu vas être coincée un peu. […] Tu vas être obligée
d’aller jusqu’au bout parce que toi, tu es… tu étais d’accord et… et tu as
tout fait pour montrer que tu étais d’accord, donc t’as plus le droit de dire
que t’es pas d’accord quoi. » (Manon, 22 ans.)
Manon se décrit comme une libertine et a fait l’expérience de nombreuses rencontres occasionnelles. Néanmoins, elle décrit le site sur
lequel elle s’est inscrite comme « hyperdangereux » dans la mesure
où elle perçoit que sa simple présence dans cet espace sexuellement
explicite la fait basculer dans la catégorie des « filles faciles ». Plus précisément, elle anticipe que cette catégorisation revient à signaler une
disponibilité sexuelle inconditionnelle qui annule son droit de refuser des
rapports lors de la rencontre « en vrai ». Plus qu’une simple « question d’image », la stigmatisation provient du rapport de pouvoir inégal
entre les sexes qu’elle accentue et qui prend également des formes physiques. Par conséquent, et contrairement aux hommes gays, le stigmate
3. Expression informelle utilisée principalement par des hommes gays pour désigner un
espace public où se nouent des relations sexuelles passagères et souvent anonymes.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
« Il ne faut pas parler du sens premier de la démarche. C’est-à-dire :
“Bonjour. Tu es jolie et je t’aborde parce que j’ai envie de passer un
moment de tendresse réciproque avec toi.” » (Éric, 21 ans.)
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
a des conséquences non seulement pour les relations sociales avec le
« monde extérieur » mais aussi pour la relation avec le partenaire. Éviter
les sites sexuellement explicites et se dire à la recherche d’une relation
amoureuse ou amicale permet aux filles, comme le dit Sandra (23 ans),
de poser des « barrières » afin de dire « qu’on verra bien. Qu’il se passera
peut-être quelque chose ». Il s’agit de stratégies de présentation de soi
qui visent en effet à créer des marges de manœuvre lors de la tractation
des relations sexuelles. L’usage des sites de rencontres par les jeunes
femmes hétérosexuelles est ainsi accompagné d’une importante gestion
du discours qui entraîne une distinction entre ce que l’on envisage de
faire et ce que l’on peut en dire. Si les sites de rencontres paraissent
ainsi porteurs de changements au niveau des pratiques, cela est moins
vrai en ce qui concerne leurs cadres normatifs.
CONCLUSION
Meetic, AdopteUnMec, Pointscommuns, Proximeety, Attractive World…, ainsi
s’intitulent les nouveaux espaces sociaux en ligne où flirtent et se rencontrent aujourd’hui de nombreux jeunes en France. Sans pour autant
supplanter les lieux des études et de sorties ou le cercle d’amis, ces sites
spécialisés dans les rencontres amoureuses et sexuelles forment désormais un territoire constitutif de la géographie sexuelle de la jeunesse.
Démarche solitaire et sous pseudonyme, l’usage des sites modifie les
modalités d’interactions et de rencontres et s’accompagne de nouvelles
pratiques, notamment dans le domaine de la sexualité. Outre le flirt et la
sexualité en ligne, il en ressort un nouveau scénario de rencontres qui
tend à la fois à faciliter et à accélérer l’entrée et la sortie des relations
sexuelles. Caractérisés notamment par un moindre contrôle social des
pairs, les sites constituent un environnement qui facilite le recrutement
de partenaires occasionnels, en particulier pour les femmes. L’anonymat
d’Internet ne favorise ainsi pas seulement l’accès aux pratiques sexuelles
minoritaires mais également l’hétérosexualité. Toutefois, contrairement
aux sites gays qui, grâce à l’entre-soi, créent un environnement « libre
et non contraint » (Léobon, Frigault, 2007, pp. 88), l’usage des sites de
rencontres hétérosexuels est fortement marqué par l’inégalité sexuelle
entre femmes et hommes. L’usage de ces sites par les jeunes femmes
est en réalité particulièrement révélateur des contraintes qui conditionnent leur accès à la sexualité. Le risque omniprésent de stigmatisation
sexuelle amène les utilisatrices plus que jamais à jongler entre faire, dire
et être. L’avenir nous dira si les changements observés au niveau des
pratiques seront suivis également par un changement des normes et si
« les règles du jeu [vont] changer » comme le promet l’emblématique
slogan de Meetic.
Agora débats/ jeunesses n° 60, année 2012 [1]
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
117
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
118
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
Ambjörnsson F., I en klass för sig. Genus, klass och sexualitet bland
gymnasietjejer [Une classe à part. Genre, classe et sexualité parmi des
lycéennes], Ordfront förlag, Stockholm (Suède), 2007.
Bäckman M., Kön och känsla. Samlevnadsundervisning och ungdomars
tankar om sexualitet [Sexe et sentiment. L’éducation à la sexualité et les
réflexions des jeunes sur la sexualité], Makadam, Stockholm (Suède),
2003.
Bajos N., Bozon M., Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre
et santé, La Découverte, Paris, 2008.
Bergström M., « La toile des sites de rencontres en France. Topographie d’un nouvel espace social en ligne », Réseaux, no 166, 2011,
pp. 225-260.
Bolding G., Davis M., Hart G., Sherr L., Elford J., « Where Young MSM
Meet their First Sexual Partner : The Role of the Internet », AIDS and
Behavior, no 4, vol. XXI, 2007, pp. 522-526.
Bozon M., Sociologie de la sexualité, Armand Colin, coll. « Domaines et
approches », Paris, 2009.
Brym R., Lenton R., Love Online. A Report on Digital Dating in Canada,
MSN.CA, Toronto (Canada), 2001.
Clair I., Les jeunes et l’amour dans les cités, Armand Colin, coll. « Individu et société », Paris, 2008.
Daneback K., Love and Sexuality on the Internet, thèse de doctorat soutenue à l’université de Göteborg (Suède), 2006.
Deschamps C., Gaissad L., « Pas de quartier pour le sexe ? Le développement durable des rencontres sans lendemain », EchoGéo, no 5,
juin-août 2008 (mis en ligne le 4 juin 2008 sur http://echogeo.revues.
org/4833).
Dutton W., Helsper E., Whitty M., Buckwalter G., Lee E., Mate Selection in the Network Society. The Role of the Internet in Reconfiguring
Marriages in Australia, the United Kingdom and United States, rapport
de recherche de l’Oxford Internet Institute, Oxford (Angleterre), 2008.
Hogan B., Li N., Dutton W. H., A Global Shift in the Social Relationships
of Networked Individuals. Meeting and Dating Online Comes of Age, rapport de recherche de l’Oxford Internet Institute, Oxford (Angleterre),
2001.
Illouz E., « Réseaux amoureux sur Internet », Réseaux, n° 138, 2006,
pp. 269-272.
Kaufmann J.-C., La femme seule et le Prince charmant, Armand Colin,
coll. « Individu et socitété », Paris, 2006.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
n bibliographie
Dossier
Nouveaux scénarios et pratiques sexuels chez
les jeunes utilisateurs de sites de rencontres
119
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
Leobon A., « Le corps à l’épreuve du risque. Les expressions minoritaires sur l’internet gay » Esprit, no 353, mars-avril 2009, pp. 197-207.
Leobon A., Frigault L.-R., L’Internet gay : un nouveau territoire, face
à une géographie des espaces de visibilité et de rencontre « en face à
face », rapport de recherche de l’ANRS, Paris, 2005.
Leobon A., Frigault L.-R., « La sexualité bareback : d’une culture de
sexe à la réalité des prises de risque », in Bozon M., Doré V. (dir.),
Sexualité, relations et prévention chez les homosexuels masculins. Un
nouveau rapport au risque, rapport de recherche de l’ANRS, Paris,
2007, pp. 87-103.
Levinson S., Les « histoires de référence » : cadres socio-temporels et
représentations des premières relations sexuelles, thèse de doctorat
soutenue à l’École des hautes études en sciences sociales, Paris,
2001.
Madden M., Lenhart A., Online Dating, rapport de recherche de Pew
Internet & American Life Project, Washington (États-Unis), 2006.
Schulz F., Skopek J., Klein D., Schmitz A., « Wer nutzt Internetkontaktbörsen in Deutschland ? », Zeitschrift für Familienforschung, no 3, vol. XX, 2008, pp. 271-292.
Singly F. de, « Les manœuvres de séduction : une analyse des
annonces matrimoniales », Revue française de sociologie, no 4, vol. XXV,
octobre-décembre 1984, pp. 523-559.
n l’auteure
Marie Bergström
[email protected]
Doctorante en sociologie, Observatoire sociologique du changement (OSC), Sciences Po/
CNRS.
Thèmes de recherche : formation du couple ; sexualité ; genre ; homogamie.
A notamment publié
Bergström M., « La toile des sites de rencontres en France. Topographie d’un nouvel
espace social en ligne », Réseaux, no 166, 2011, pp. 225-260.
Bergström M., « Sites de rencontres. Nouveaux territoires sexuels, nouvelles frontières », Poli. Politique de l’image, no 4, 2011, pp. 99-111.
Bergström M., « Casual Dating Online. Sexual Norms and Practices on French Heterosexual Dating Sites », Journal of Family Research, no 3/2011, à paraître.
Agora débats/ jeunesses n° 60, année 2012 [1]
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Nice - Sophia Antipolis - - 134.59.1.109 - 22/10/2014 10h26. © Presses de Sciences Po
Lardellier P., Le cœur NET. Célibat et amours sur le Web, Belin, coll.
« Nouveaux mondes », Paris, 2004.