L`équivoque européenne

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L`équivoque européenne
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L'équivoque européenne
Je viens d’être gratifié, à l’instar de quelques-uns de mes anciens collègues fonctionnaires européens, d’un D
d’Honneur 1957-2007 à l’occasion du 50e anniversaire de la signature (23 mars 1957) des traités de Rome (Euratom
Marché commun) en reconnaissance de (notre) contribution à la création des institutions européennes. Mais…Par
Edmond Carlier
Je viens d’être gratifié, à l’instar de quelques-uns de mes anciens collègues fonctionnaires européens, d’un D
d’Honneur 1957-2007 à l’occasion du 50e anniversaire de la signature (23 mars 1957) des traités de Rome (Euratom
Marché commun) en reconnaissance de (notre) contribution à la création des institutions européennes. Une invitation à u
déjeuner à Bruxelles le vendredi 1er juin 2007 avait été adressée à cette fin par le Vice-président letton de la Commis
Kallas à tous les vétérans en service avant la mi-1958 (j’y étais depuis le 1er mai 1958 et ce pendant un quart de siè
Cette distinction, qui nous honore tous, je la dédie pour ma part à tous mes anciens compagnons disparus.
Mais…
Dans son discours d’accueil, le Vice-président, soulinant la devise Ensemble depuis 1957, semble en dater la fondation
de l’Europe. Mon ancien collègue Schubert, aujourd’hui président de l’Association internationale des anciens
fonctionnaires européens (AIACE), corrige le tir en rappelant que cette fondation date du 9 mai 1950 par le discours du
ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman appelant les États qui le voudront à faire des instruments de
guerre désormais des instruments de paix en instaurant un marché commun du charbon et de l’acier sous l’égide d
Haute Autorité dont la vocation serait le bien commun et non des compromis minimaux d’intérêts prétendument
nationaux. Six pays ont répondu présent : France, Allemagne fédérale, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg.
Entre-temps, l’Allemagne doit participer à la défense de l’Europe occidentale contre une éventuelle agression soviÃ
En 1952, la France propose, pour l’encadrer, une Communauté européenne de Défense (CED) ; 1954 : rejet par
l’Assemblée nationale (domi-née par gaullistes et communistes), et ipso facto de la Communauté politique européen
(fédérale et démocratique) qui devait la chapeauter. L’Europe à peine née va-t-elle mourir ? Le Belge Spaak provoq
relance de Messine. En 1957 sont signés les traités de Rome.
La méthode communautaire (CECA = Communauté européenne du Charbon et de l’Acier) s’étant avérée eff
fédérale par décisions à la majorité), on étend le marché commun à tous les produits et services, la poursuite du bie
commun étant confiée à une Commission. Mais Rome crée en 1957 une Europe purement économique. Dès les
premiers élargissements au-delà des Six (1973 : Angleterre, Irlande, Danemark), les nouveaux venus ne voient en
l’Europe qu’un énorme supermarché. Naît l’équivoque européenne.
L’Europe de Schuman, à vocation fédérale annoncée dès le départ, est humaniste : paix, démocratie, fraternité
social, donc primauté de la personne. L’Europe de Rome est uniquement économique. Gommage de la personne par le
boutiquier. Telle est l’équivoque : humanisme (1950) ou économisme (1957).
L’inspirateur de Schuman, Jean Monnet, avait sous-titré ses Mémoires Nous ne coalisons pas des États, nous unisson
des hommes. Or la gouvernance d’un marché commun n’est ni la politique étrangère, ni la fiscalité, ni l’orienta
sociétale, attributs fondamentaux de toute identité nationale. En 1974, à la suggestion de Monnet, le Français Giscard et
l’Allemand Schmidt muent les conférences au sommet sporadiques de chefs d’État ou de gouvernement, qui ont Ã
ces questions quand elles se posent au niveau européen, en Conseil européen. Mais ce qui dans l’esprit de Monnet ne
devait être qu’une étape vers une Europe fédérale est devenu fin en soi : de traité en traité, d’élargissement
élargissement, le Conseil européen est devenu le monarque absolu tout puissamment impuissant de l’Union (voir l’Ir
L’Europe : géant économique, néant politique.
Il devenait de plus en plus évident que sous une telle gouvernance l’Europe progresserait de moins en moins. En 1994,
les Allemands Lammers et Schäuble proposent un noyau dur fédéral autour d’un Euroland prévisible (à l’époq
moins l’Italie). Giscard y répond en proposant une Europe-puissance au sein d’une Europe-espace. En 2000, l’A
Fischer propose de fédéraliser l’Europe selon le modèle allemand. Pour le Français Moscovici, le fédéralisme est
dépassé (Dites, qu’entend-il par fédéralisme ?). Dans mon rapport au Parti fédéraliste (français) sur les questio
européennes (11 septembre 2001 !!!), je préconise un noyau fédéral démocratique (président fédéral élu, bicam
législatif, subsidiarité) au sein de l’Union pour reprendre, au moins à quelques-uns mais ouvert à tous, le projet humani
de 1950, faute de quoi l’Union confédérale du Conseil européen se déliquescerait comme la Confédération amé
1776 à 1786 ou comme la Suisse en 1848 avant leur adoption de constitutions fédérales.
Au demeurant, l’appellation « marché unique » est aussi équivoque. Qui dit marché unique dit égalité de concur
entre les acteurs (salariés, entreprises, citoyens) donc harmonisation fisco-sociale, et non concurrence entre États par le
moins-disant fisco-social (délocalisations purement profitaires mais non recherche de la performance sur place), au
rebours de l’objectif humaniste de progrès social. Seul un noyau fédéral d’humanisme commun peut le permettre.
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Et l’équivoque européenne perdure avec l’illisible traité prétendu constitutionnel. En vérité, s’il améliora
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interétatique de l’Union, ce traité ne rendait en rien l’Europe au peuple, ce qu’eût dû faire une vraie constitutio
forcément fédérale. Ce sont toutes ces équivoques que, au-delà de toute démagogie socialisante ou souverainiste,
avaient perçues les Fran-çais qui, voulant une Europe humaniste, y ont dit non. Ceci dit, une large part des politiques
français, bêlant comme le passionnant parce que passionné mais peu intelligent grand historien français Michelet
(première moitié du XIXe siècle), confirment l’exception inculturelle française : ne concevant d’autre démocratie q
jacobine, pour eux un État européen fédéral, c’est la mort de la Nation (la France, évidemment). En fait, si l’un
force, c’est quand les décisions sont prises à la majorité (fédéralisme démocratique), non à l’unanimité (con
d’États). C’est ce que semble penser le troisième candidat (donc éliminé) à la présidentielle française 2007, F
Bayrou, qui préconise dans son livre Projet d’espoir des volontaires d’une Europe active (les Six, ouverts à tous
évidemment) devant les tenants d’une Europe zone. Europe-puissance versus Europe-espace ? Encore faut-il que ce
soient les peuples, non les sacro-saints États, qui en décident. Or notre avenir est actuelle-ment entre les seules mains
de nos États. Libre à eux de se faire les eunuques de l’Histoire. Mais tant pis pour nos peuples !
  Edmond CARLIERMembre d'honneur, Ancien fonctionnaire européen(Me 13.06.2007)
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