HIGH NITROGEN INSENSITIVE 9 (HNI9)

Transcription

HIGH NITROGEN INSENSITIVE 9 (HNI9)
Jonathan PRZYBYLA-TOSCANO et Nicolas TISSOT
Critique d’un article scientifique
HIGH NITROGEN INSENSITIVE 9 (HNI9)-mediated
systemic repression of root NO3- uptake is associated with
changes in histone methylation
Thomas Widiez, El Sayed El Kafafi, Thomas Girin, Alexandre Berr, Sandrine Ruffel, Gabriel
Krouk, Alice Vayssières, Wen-Hui Shen, Gloria M. Coruzzi, Alain Gojon, and Marc Lepetit
Biochimie et Physiologie Moléculaire des Plantes, Unité Mixte de Recherche 5004, Institut National de la
Recherche Agronomique-Centre National de la Recherche Scientifique-Sup Agro-UM2, Institut de Biologie
Intégrative des Plantes, F-34060 Montpellier, France; bInstitut de Biologie Moléculaire des Plantes du Centre
National de la Recherche Scientifique, Université de Strasbourg, 67084 Strasbourg Cedex, France; and cCenter
for Genomics and Systems Biology, Department of Biology, New York University, New York, NY 10003
Edited by Joseph R. Ecker, Salk Institute, La Jolla, CA, and approved June 30, 2011 (received for review
December 1, 2010)
Résumé de l’article :
Paradoxalement, l’azote (N) tire son nom du grec –a –zôê- qui signifie sans vie. Pourtant cet élément
entre dans la composition de nombreuses macromolécules telles que les acides aminés, les protéines,
les acides nucléiques et la chlorophylle. Les plantes ont donc besoin d’absorber l’N présent dans le
sol pour assurer leur croissance et leur développement. Le nitrate (NO3-) est la source majeure d’N
chez les herbacés non symbiotique. Avant d’être réduit et assimilé en acide aminé, le NO3- doit
pénétrer dans les cellules racinaires puis être transloqué dans la plante entière. Comme la disponibilité
du NO3- du sol est hétérogène et fluctuante dans le temps et dans l’espace, les plantes doivent
constamment moduler cette capacité d’absorption afin de maintenir une entrée de nitrate conforme aux
besoins de la plante. Pour cela, deux mécanismes gouvernent les réponses de la plante à la
disponibilité en N. Une voie de signalisation locale qui agit au niveau cellulaire et une voie de
signalisation systémique qui agit à l’échelle de la plante entière et qui permet à la plante de réduire son
absorption quand ses besoins en azote sont satisfaits. Lorsque les concentrations en NO3- du milieu
sont faibles, le gène NRT2.1 est la composante majeure du transport racinaire de NO3- (Lejay et al.,
1999). Il a été montré que NRT2.1 est régulé par plusieurs gènes impliqués dans la réponse locale au
NO3-, notamment par le transporteur NRT1.1 (Muños et al., 2004), la protéine kinase CIPK8
(calcineurin-B like-interacting protein kinases 8) (Hu et al., 2009) et les facteurs de transcription
NLP7 (NIN-like protein 7) (Castaings et al., 2009) et LBD (Lateral Organ Boundary Domain) (Rubin
et al., 2009). Concernant la répression de NRT2.1 par signalisation systémique très peu d’acteurs
moléculaires ont été caractérisés et cette voie reste largement mal connue. Trois mutants hni (high
nitrogen-insensitive) déficients dans la signalisation systémique ont été isolés par une approche de
génétique directe dont un de ces trois mutant est hni9 (Girin et al., 2010).
Afin d’étudier fonctionnellement d’HNI9 chez Arabidopsis les auteurs ont cherché à obtenir des
mutant purifiés avec une mutation homozygote sur l’allèle étudié. Dans ce but, ils ont établi une
corrélation entre le profile de ségrégation de l’allèle et le phénotypage de la descendance du
croisement : mutant Col hni9 X sauvage Ler. Le rôle fonctionnel d’HNI9 chez Arabidopsis a été
caractérisé par une analyse des transcrits de NRT2.1 par RT-qPCR (Fig. 1). Cette expérience permet de
mettre en évidence l’implication de HNI9/AtIWS1 sur la répression du gène NRT2.1. Le gène HNI9,
très conservé chez les organismes eucaryotes, code pour une protéine nommée IWS1 (Interact with
SPT6) du noyau des cellules végétales dont la fonction semble être associée au complexe ARN
polymérase II. Afin de déterminer si la répression de NRT2.1 était spécifique à un type d’organes (les
feuilles ou les racines) des quantifications de l’activité du promoteur du gène dans différentes
configurations de greffage ont été mises en place (Fig. 2). Une dé-repression de pNRT2.1 est observé
quand les parties aériennes de plantes sauvages sont greffées sur des racines de hni9, ce qui démontre
que la perte de fonction de HNI9/AtIWS1 dans les racines est nécessaire et suffisante pour lever la
répression de NRT2.1. HNI9/AtIWS1, via le complexe de l’ARN polymérase II, induirait
potentiellement le dépôt de marques H3K27me3 sur la chromatine de NRT2.1. Dans le but de valider
cette hypothèse les auteurs ont quantifié les marques H3K27me3 sur la chromatine de NRT2.1 chez
des plantes sauvages (WT) et mutantes hni9 en fonction du statut azoté de la plante (Fig. 5). Ils ont
montré que lorsque la plante est à satiété, HNI9/AtIWS1 est responsable du dépôt de marques
épigénétiques H3K27me3 au niveau du gène du principal transporteur membranaire de nitrate de la
racine. D’autres éléments du complexe de l’ARN polymérase II ont été testés, et seul VIP5 semblerait
avoir un effet semblable à HNI9/AtIWS1.
Ces recherches ont permis de faire une avancée importante dans la compréhension de la nutrition
azotée des plantes. Un gène régulateur du transport de nitrate semble ici réprimer en condition de
satiété par le dépôt de marque épigénétiques le long de sa chromatine. La quantité de transporteur
étant en conséquence diminuée, l’absorption racinaire de nitrate sera également réduite. Cette
découverte coïncide avec l’hypothèse que les modifications post-traductionnelles des histones
contrôlent l’acquisition des nutriments chez les plantes.
Applications et avancées scientifiques :
Cette étude a permis une avancée considérable dans la connaissance scientifique en comprenant
d’avantage la nutrition des plantes d’une part, mais aussi en mettant en évidence une voie génétique
dans la régulation d’un transporteur de NO3- d’autre part. En effet, pour la première fois les auteurs ont
mis en évidence une voie épigénétique à travers la déposition de marques H3K27me3 par HNI9/IWS1
sur la queue N-terminale des histones au niveau du gène NRT2.1, le principal transporteur
membranaire de nitrate dans les racines. D’une manière plus général, ces résultats suggèrent que les
plantes, étant sessiles, ont la capacité de s’adapter à leur milieu par des régulations épigénétiques
intervenant le long de leur chromatine. De plus, comme démontré au cours de cette étude, d’autres
mécanismes épigénétiques sont probablement impliqués dans la régulation de NRT2.1 et qui sont cette
fois-ci indépendants de l’activité de HNI9/IWS1.
Par l’identification de plusieurs acteurs moléculaires mis en jeu dans la régulation du transporteur de
NO3- racinaire, NRT2.1, cette étude clarifie le mécanisme de répression de ce transporteur lorsque la
plante est en condition de satiété. Par conséquent, en comprenant d’avantage le fonctionnement de la
nutrition des plantes, de nouvelles questions de recherche restent en suspens. A savoir, quel est la
nature du signal répresseur ? Par ailleurs, est-ce que ces marques épigénétiques sont la cause ou la
conséquence de la répression de NRT2.1 ?
Ces premiers résultats nous laissent présager qu’un mécanisme complexe intervient dans la répression
de NRT2.1. En approfondissant ces recherches nous pourrions maîtriser la nutrition des plantes et
plusieurs perspectives d’application sont déjà envisagées. La présence de NO3- est fréquemment
limitante en agriculture ce qui amène à une utilisation massive d’engrais azotés. Au cours des quarante
dernières années, l’augmentation de la production agricole associée à l’accroissement de la population
mondiale a multiplié 7,4 fois la quantité d’engrais N apportée et on estime que 250 Mt pourrait être
répandu d’ici 2050 (Tilman et al., 2011). Le problème est que plus de 50 % de l’azote apporté est
perdu parce qu’il n’est pas absorbé par les plantes (Hodge et al., 2000). Il en résulte une pollution des
nappes phréatiques par les NO3- qui conduit à l’eutrophisation des systèmes aquatiques (Dion and Le
Bozec, 1996). Ainsi, les résultats de cet article ouvrent des pistes pour améliorer l’efficience de
l’utilisation des engrais en agriculture. La découverte des mécanismes naturellement mis en œuvre par
les plantes pour ajuster l’acquisition de nitrate à la demande nutritionnelle de la plante est à ce titre
importante. Une des perspectives à long terme est de rendre la plante capable d’accumuler l’azote
même lorsque ses besoins nutritionnels immédiats sont satisfaits pour le remobiliser plus tard. Ceci
pourrait améliorer l'efficience de l’utilisation du NO3- du sol par la plante et permettre de diminuer
notamment les apports d’engrais en agriculture.
Références Bibliographiques :
Castaings L, Camargo A, Pocholle D, Gaudon V, Texier Y, Boutet-Mercey S, Taconnat L,
Renou JP, Daniel-Vedele F, Fernandez E, Meyer C, Krapp A (2009) The nodule
inception-like protein 7 modulates nitrate sensing and metabolism in Arabidopsis. Plant J 57:
426-435
Dion P, Le Bozec S (1996) The French Atlantic coasts. In SWeN P.H, ed, Marine benthic vegetation.
Recent changes and the effects of eutrophication. Ecological studies, Vol 123, pp 251-264
Girin T, El-Kafafi el S, Widiez T, Erban A, Hubberten HM, Kopka J, Hoefgen R, Gojon A,
Lepetit M (2010) Identification of Arabidopsis mutants impaired in the systemic regulation of
root nitrate uptake by the nitrogen status of the plant. Plant Physiol 153: 1250-1260
Hodge A, Robinson D, Fitter A (2000) Are microorganisms more effective than plants at competing
for nitrogen? Trends Plant Sci 5: 304-308
Hu HC, Wang YY, Tsay YF (2009) AtCIPK8, a CBL-interacting protein kinase, regulates the lowaffinity phase of the primary nitrate response. Plant J 57: 264-278
Lejay L, Tillard P, Lepetit M, Olive F, Filleur S, Daniel-Vedele F, Gojon A (1999) Molecular and
functional regulation of two NO3- uptake systems by N- and C-status of Arabidopsis plants.
Plant J 18: 509-519
Muños S, Cazettes C, Fizames C, Gaymard F, Tillard P, Lepetit M, Lejay L, Gojon A (2004)
Transcript profiling in the chl1-5 mutant of Arabidopsis reveals a role of the nitrate transporter
NRT1.1 in the regulation of another nitrate transporter, NRT2.1. Plant Cell 16: 2433-2447
Rubin G, Tohge T, Matsuda F, Saito K, Scheible WR (2009) Members of the LBD family of
transcription factors repress anthocyanin synthesis and affect additional nitrogen responses in
Arabidopsis. Plant Cell 21: 3567-3584
Tilman D, Balzer C, Hill J, Befort BL (2011) Global food demand and the sustainable
intensification of agriculture. Proc Natl Acad Sci U S A 108: 20260-20264