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70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 1 financesplacements Une croissance de mauvaise qualité Dosseir réalisé par Carine Fernaini L’année 2010 s’est déroulée sous le signe de la relance. 2011 devrait faire place au rééquilibrage et à la stabilisation, selon le Fonds monétaire international (FMI). Dans ses “Perspectives de l’économie mondiale” du mois d’avril, le grand argentier a annoncé une croissance du PIB réel mondial de 4 % en 2011 et en 2012, soit une légère baisse par rapport aux 5 % de l’an dernier. Les pays avancés sont les moins bien lotis avec seulement 2 % de croissance prévue, alors que les pays émergents et en développement affichent un solide 6 %. « La crainte d’une double récession ne s’est pas concrétisée », notent les experts du FMI. Car c’était la grande inquiétude de ces derniers mois : que le retrait de l’impulsion budgétaire, sous forme de transfert de la demande publique vers la demande privée, ne provoque une double récession. Le contrecoup a été finalement un léger essoufflement de la croissance dans la plupart des grands pays développés. Même son de cloche chez les banquiers : le Crédit Agricole Suisse parle de « ralentissement modéré » et Audi-Saradar de « stabilisation ». « Mais il y a de l’argent sur les marchés, ce qui est toujours bon signe », note Toufic Aouad, directeur de la banque privée Audi-Saradar. Ce contexte macroéconomique globalement positif crée en effet une dynamique favorable sur les marchés financiers, les bénéfices des entreprises faisant monter les cours des actions, baisser ceux des obligations et diminuer la volatilité et les écarts de crédit. Ces perspectives relativement satisfaisantes divergent néanmoins considérablement d’une région à l’autre. 70 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 2 Pays développés : une reprise vacillante L es problèmes qui gangrenaient les pays industrialisés en 2010 sont pour la plupart toujours d’actualité. Dette souveraine européenne, chômage et crise immobilière continuent d’assombrir les perspectives des mois à venir. Du côté des marchés, la situation s’améliore mais reste particulièrement fragile, étant donné les besoins de financement élevés des banques et des États. Les flux de capitaux sont assez moroses du fait de l’atonie de l’activité et du mauvais état des systèmes financiers. « Les investisseurs doivent s’habituer à être inquiets », note Jean Riachi, président de FFA Private Bank. Aux États-Unis, « la production est encore très inférieure à son potentiel, le chômage est élevé et la faiblesse de la croissance donne à penser qu’il le restera pendant de longues années », analyse le FMI. Le secteur du logement est toujours déprimé, ce qui pèse sur les investissements. « Le marché immobilier et celui du travail restent anémiques, moins de 15 % des emplois perdus en 2008-2009 ont été retrouvés en 2010-2011 », explique Christina Azouri, Senior Investment Advisor au Crédit Agricole Suisse. La croissance économique ralentit également, avec un PIB de 1,8 % au premier trimestre 2011. Pour la spécialiste, la hausse des prix des matières premières et du pétrole, ainsi que la contraction des dépenses gouvernementales auront un effet positif limité sur le portemonnaie des Américains. L’état incertain des finances publiques – la dette atteignait mi-mai près de 14 295 milliards de dollars – reste une source d’inquiétude majeure en dépit des efforts de l’administration Obama. Des efforts qui atteignent leur échéance, avec la fin du plan de “quantitative easing”, qui favorise une décontraction de la masse monétaire. « Ce plan, face au déficit budgétaire colossal du pays et à la hausse continue de sa dette publique n’a pas donné le résultat escompté », remarque Paul Douaihy, directeur du Centre de recherches en économie et marchés financiers de l’université de Balamand. Seuls indices en légère progression, la consommation et les investissements peinent à masquer le reste du paysage. « C’est comme un malade que l’on traite depuis trois ans qui est toujours en soins intensifs : on ne sait plus quels médicaments lui administrer », remarque Paul Douaihy. En Europe, la situation n’est pas meilleure avec un PIB en berne et le spectre de l’inflation. Le ralentissement de l’économie est dû en partie au resserrement budgétaire des pays et à la hausse mondiale des prix des matières premières. Mais ce sont la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne qui sont surtout montrés du doigt. Athènes est dans une situation particulièrement critique et aurait besoin d’une aide de près de 86 milliards de dollars pour sortir la tête de l’eau financièrement jusqu’en 2013, selon les autorités. « Le marché a tardé à pénaliser la Grèce en acceptant ces dernières années de maintenir les taux du pays très bas en dépit d’un déficit de plus en plus important », souligne Paul Douaihy. La situation actuelle pourrait affecter les autres pays de la zone par capillarité. « Une restructuration de la dette grecque pourrait impacter l’achat d’obligations de pays qui lui viennent en aide, comme l’Allemagne ou la France », note l’universitaire. Les notations de l’Italie et de la Belgique sont également revues à la baisse. La conjonction d’une croissance faible, d’une détresse budgétaire et de tensions financières rend particulièrement difficile la guérison économique de la région. Cette situation fragile déprime les cours des actions financières dans la zone euro et maintient à un niveau élevé les écarts sur les obligations publiques et les contrats d’échange sur le risque de défaillance bancaire dans les pays les plus affaiblis. Le Japon se remet, lui, doucement du tsunami du 11 mars 2011 et entame sa reconstruction. « Nous prévoyons un freinage initial de la croissance suivi d’une amélioration guidée par la reconstruction », analyse Christina Azouri. La situation du pays devrait toutefois rester délicate, avec une croissance domestique incertaine. « Elle est principalement tributaire de l’export, soutenu traditionnellement par une déflation compétitive d’environ 1 % par an, remarque Paul Douaihy. Le pays est un cas exceptionnel, avec une dette à plus de 200 % du PIB, et pourtant il n’y a pas de krach obligataire. » En outre, la question du remplacement de l’énergie nucléaire par l’énergie thermique amènera le pays à importer davantage de combustibles fossiles, mais l’impact sur la demande globale devrait être limité entre 0,1 % et 0,3 %, selon les experts du FMI. C Pays émergents : attention à la surchauffe L es pays émergents ont eux une santé plus solide, affichant globalement une meilleure situation budgétaire et financière que les pays développés. La forte croissance tendancielle et le bas niveau des taux d’intérêt facilitent cette embellie. Selon le FMI, le fléchissement de la demande extérieure a été compensé par un accroissement de la demande intérieure et les entrées de capitaux, les perspectives de croissance étant meilleures et les taux d’intérêt plus élevés que dans les pays avancés. Cette croissance fait toutefois craindre une surchauffe et un emballement du crédit. « Les Chinois continuent à appliquer leur politique économique du “stop and go” et, même si un ralentissement en décou- le, la croissance reste considérable », explique Christina Azouri. En avril, le pays a enregistré son plus fort excédent commercial depuis quatre mois après avoir connu au premier trimestre le premier déficit trimestriel de sa balance commerciale depuis 2004. L’excédent du mois d’avril a atteint 11,4 milliards de dollars, soit presque quatre fois plus que prévu. Les autres pays membres des BRIC se portent bien. « L’Inde reste un pays solide, ancré dans une économie de services, et la Russie devrait bénéficier de la hausse des prix du pétrole et du gaz », remarque Paul Douaihy. Du côté des marchés financiers, les rendements relativement élevés attirent les capitaux dans les pays émergents. 71 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 En Asie et en Amérique latine, les cours des actions se sont approchés de leurs sommets d’avant-crise. Cependant, des doutes concernant les politiques macroéconomiques et l’incertitude géopolitique pourraient ralentir ces flux à court terme, selon les spécialistes du FMI qui pointent également le problème du chômage, source d’instabilité économique et sociale. Le principal risque de révision à la baisse de la croissance tient à de nouvelles hausses des cours du pétrole. À court terme, la bonne santé des bilans des entreprises dans les pays avancés et le dynamisme de la demande dans les pays émergents et les pays en développement pourraient dynamiser la croissance mondiale. C 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 3 financesplacements Quel impact sur les marchés de capitaux ? S elon l’édition d’avril 2011 du GFSR (Global Financial Stability Report), les risques financiers ont diminué depuis octobre 2010 grâce à l’amélioration des résultats économiques et les perspectives favorables pour les actifs des pays émergents renforcent l’appétit pour le risque. « Les pays et les investisseurs ont réalisé que l’on peut sortir encore vivant d’une crise souveraine, ce qui a relancé la confiance dans les marchés internationaux », note Toufic Aouad. Cependant, les faiblesses de la zone euro, l’endettement élevé et l’accumulation graduelle de risques de crédit ternissent les perspectives pour 2011. « La remontée des marchés financiers a été possible grâce aux capitaux injectés par la Fed dans les marchés et non grâce à une embellie économique », confirme Albert Letayf, associé-gérant du courtier Optimum Invest. Pour Jean Riachi, il faut décider des allocations de chaque portefeuille de manière scientifique, en tenant compte des objectifs de rentabilité et des objectifs de risque. « La diversification est la clé d’un bon investissement, il faut considérer tous les types d’actifs. Attention également au choix des fonds et des instruments de marché. L’erreur est de se précipiter sur ce qui est à la mode : la performance d’une année ne garantit pas celle de l’année suivante. » Même stratégie pour Paul Douaihy, qui va plus loin : « Un portefeuille à risque modéré doit se composer à 50 % de cash, d’or et d’actifs monétaires de devises à taux d’intérêts élevés. Le reste doit être réparti sur les marchés boursiers et obligataires. Les investissements doivent être ciblés, et il ne faut pas laisser un actif dominant sur les autres en attendant de sortir du brouillard pour se prononcer. » Youssef Kamel, co-gérant du fonds Future Trends Capital Fund, a lui une lecture moins optimiste de l’évolution de la situation et prône la prudence. « Le ralentissement potentiel de l’économie chinoise, associée à la crise souveraine européenne, au chômage et à la fragilité du secteur immobilier aux États-Unis, ne constitue pas un tableau radieux. Je conseille de conserver de fortes liquidités en dollar et de patienter pour de meilleures opportunités. » Les marchés d’action ont pourtant la cote cette année. « Les taux d’intérêt toujours faibles et les bons résultats des entreprises supportent bien Le spectre de l’inflation s’approche C ar la question de l’inflation est sur toutes les lèvres, dans les banques centrales notamment. La Fed américaine continue de maintenir ses taux bas, théoriquement jusqu’à la fin de l’année, par peur de freiner la croissance. Cette politique sonne le retour des investisseurs, parfois au détriment des pays émergents. La BCE a elle haussé de 25 points de base ses taux début avril, signe d’optimiste sur la croissance et pour éviter tout risque d’inflation. L’annonce en avril d’une inflation à 2,8 % sur un an fait craindre aux marchés une nouvelle remontée des taux en juin. « La Fed est pragmatique, la BCE est dogmatique, ce qui se traduit par une différence culturelle sur les concepts d’inflation totale et d’inflation sousjacente. L’inflation totale a augmenté cette année avec la hausse de la facture énergétique », note l’universitaire Paul Douaihy. Dans les pays industrialisés, le rôle décroissant du pétrole, la disparition de l’indexation des salaires et la stabilisation des anticipations inflationnistes devraient limiter les risques d’inflation tendancielle, selon les experts du FMI. La donne est différente dans les pays émergents où les denrées alimentaires et les carbu- rants représentent une part plus importante de la consommation et la politique monétaire a souvent moins de crédibilité. L’Inde a ainsi récemment élevé son taux d’intérêt de 0,5 % pour atteindre 7,25 %. La hausse du prix du pétrole fera tout de même quelques heureux et permettra ainsi à la Russie d’accélérer sa croissance économique, mais évidemment au prix d’une inflation à la hausse (9,8 % en glissement annuel en février), selon Christina Azouri. Le FMI préconise un durcissement de la politique macroéconomique dans bon nombre de pays émergents. À l’échelle mondiale, l’inflation non corrigée est montée à 4 % en février, 72 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 les marchés : 72 % des 64 % des sociétés du S&P500 qui ont annoncé leurs résultats ont surpris à la hausse. Les actions restent donc intéressantes et surtout celles qui possèdent une exposition aux pays à forte croissance », analyse Christina Azouri. Face aux risques de volatilité, certains professionnels privilégient les fonds. « Les stratégies suivies par les fonds CTA (Commodity Trading Advisors) devraient profiter de la hausse de la volatilité sur les principaux marchés financiers et pourraient procurer aux investisseurs une couverture intéressante en cas de renversement prolongé de tendance des marchés », explique Tarek al-Ahdab, de l’Arab Finance Corporation. Un renversement qui n’est pas à exclure, les marchés financiers hésitant entre une tendance à la baisse, compte tenu de la fragilité économique ambiante, et une tendance à la hausse, pour se protéger contre l’inflation par l’achat d’actions. Youssef Kamel partage sa stratégie pour se prémunir de la volatilité : « Il est plus prudent de miser sur des bons du Trésor américain à long terme et de se placer en long dollar pour se protéger des fluctuations à court terme. » C dépassant 2 % dans les pays avancés et 6 % dans les pays émergents. L’inflation hors alimentation et énergie se situe bien en deçà de l’inflation non corrigée, même si elle a augmenté rapidement dans les pays émergents. Pour Albert Letayf, la baisse du pouvoir d’achat des ménages est inéluctable, cependant, elle ne sera plus due à l’inflation mais à la hausse des taxes et autres impôts. Les solutions adoptées par les gouvernements face à la crise ont généré un endettement massif et ont favorisé la chasse à l’évasion fiscale et la hausse des prélèvements d’État sur l’économie. C 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 4 financesplacements Actions : les affaires reprennent omme en général en période de reprise, même fragile, les actions reviennent dans les bonnes grâces des professionnels et des investisseurs. Pour Jean Riachi, président de FFA Private Bank, ce sont les actifs à privilégier au cours de la prochaine décennie. Il explique cette position optimiste par trois raisons. La première est qu’entre 2000 et 2010, les marchés ont subi de lourdes pertes et une forte volatilité. Les investisseurs ont donc été échaudés et ont déserté les marchés d’actions. Ceci permet aujourd’hui au secteur d’afficher de bonnes perspectives de croissance, beaucoup de liquidités attendent d’être investies. La seconde est que cette tendance est appuyée par un niveau de valorisation des titres historiquement bas par rapport à leurs perspectives de profits. La troisième est que les entreprises cotées bénéficient en moyenne de bilans solides et de perspectives de profits en hausse pour les prochaines années. « À moyen terme la tendance est positive », confirme Tarek al-Ahdab, de l’Arab Finance Corporation. Si à court terme des risques de pressions inflationnistes et de perturbations géopolitiques perdurent, « les mouvements de correction représentent des opportunités d'achats », analyse Christina Azouri, Senior Investment Advisor au Crédit Agricole Suisse. Une façon de se protéger est d’investir dans des fonds collectifs de placement ETF (Exchange Traded Fund), qui reflètent les performances d’un indice ou d’un ensemble d’actions. Ils permettent d’éviter les risques trop spécifiques. En entrant dans le détail, les marchés américains relancent leur activité, en demi-teinte depuis la crise. Les spécialistes du Crédit Agricole Suisse sont surpondérés sur l'Amérique du Nord et plus précisément sur les secteurs liés aux matières premières : énergie, charbon et or. L’investissement doit être sectoriel, « il faut privilégier les entreprises dont la part de la dette par rapport aux actifs est faible », note Paul Douaihy, directeur du Centre de recherches en économie et marchés financiers de l’université de Balamand. Selon lui, les secteurs porteurs sont les valeurs énergétiques, les entreprises pharmaceutiques et industrielles. Autre critère de choix, le dividende doit être C élevé pour permettre de profiter du taux zéro de la Fed. Toufic Aouad, directeur de la banque privée Audi-Saradar, recommande les actions préférentielles bancaires, dont le rendement peut aller jusqu’à 8 % pour un investisseur un peu agressif. « Aux États-Unis, les investisseurs paraissent moins frileux, ce qui montre une nouvelle fois qu’ils ont la mémoire courte », remarque le spécialiste. Du côté du Vieux Continent, l’enthousiasme est moins visible et les perspectives plus ternes. « En cas de restructuration de la dette grecque, le secteur bancaire allemand en souffrirait rapidement », explique Paul Douaihy. Les grands noms de l’exportation germanique sont néanmoins toujours prisés. Le Crédit Agricole Suisse, lui, favorise le marché anglais et son secteur de mines diversifiées. Les pays émergents proposent des bons plans à saisir. L’intérêt, selon Christina Azouri, est que les économies à forte croissance permettent non seulement une diversification du portefeuille, mais aussi des opportunités d’investissement dans des fondamentaux généralement solides et des valorisations attractives résistantes aux turbulences à court terme. Toutefois, la croissance est souvent accompagnée d’une fragilité de l’économie, qui conserve une part de risque non négligeable. La stratégie de Jean Riachi est alors d’investir dans les sociétés des pays développés qui profitent de la croissance des pays émergents, comme la grande consommation, le luxe ou les technologies. Les entreprises basées directement dans les régions émergentes présentent un risque de plus grande volatilité. Les obligations, tributaires des taux S’ils font encore office d’investissements refuges pour les plus frileux, les marchés d’obligation n’ont plus le potentiel qu’ils avaient en 2009 et 2010. Mais les Libanais s’y intéressent encore, car pour Jean Riachi ils sont traditionnellement attachés à la notion d’intérêts (proche du système des dépôts à terme de la banque de détail). L’investissement dans les obligations est largement tributaire de la 74 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 Christina Azouri : « Les mouvements de correction représentent des opportunités d'achats. » question de la hausse des taux, prévue par la plupart des spécialistes. Les politiques monétaires aussi bien en Europe qu’aux États-Unis sont donc suivies de très près. « Certains ont acheté de la dette grecque entre 15 et 20 % (quand l’Allemagne tourne autour de 3 %), mais cela s’apparente à de la spéculation, ce qui ne doit pas concerner la majorité des investisseurs. Les Libanais sont en général peu intéressés par ce type de placements », explique Toufic Aouad. Aux États-Unis, la spéculation sur la politique monétaire après l’arrêt du programme de “quantitative easing” fin juin inquiète davantage. La dette gouvernementale américaine semble de moins en moins attrayante dans l’hypothèse d’une hausse des taux. Le Crédit Agricole Suisse a établi deux stratégies en fonction du profil de risque des individus. Pour les investisseurs conservateurs, un positionnement sur des obligations à taux variables leur permettra d’accompagner la montée des taux, alors que les plus agressifs pourraient se positionner de manière très sélective sur des obligations à hauts rendements qui offrent une prime de crédit suffisante pour compenser une hausse des taux. Antoine Salamé, associé-gérant du courtier Optimum Invest, préconise 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 5 financesplacements de ne pas s’engager à trop long terme et de privilégier les intérêts variables, car si le taux Libor venait à augmenter (il se situe à 0,26 % à trois mois fin mai), les rendements s’ajusteraient à la hausse. Il faut également éviter les obligations dont la cote est inférieure au niveau “Investment Grade” pour ne pas augmenter les risques de crédit en plus des risques de taux en cas de hausse prononcée des taux. Causes directes ou indirectes de la hausse possible des taux, le marché obligataire souverain n’est donc pas à l’abri des deux maux du moment, l’augmentation de la dette souveraine chez les principaux pays industrialisés et une possible reprise de l’inflation. « Les gains pourraient être sérieusement affectés », prévient Tarek al-Ahdab. Il n’exclut toutefois pas les bonnes affaires dans les obligations indexées sur l’inflation. Du côté des pays émergents, il faut distinguer les États très endettés des autres. Antoine Salamé met en garde contre les pays émergents endettés, car la hausse des taux américains va les affecter négativement. Il est souvent sage d’investir à travers des fonds ou de mêler émetteurs internationaux et régionaux. Les spécialistes du Crédit Agricole Suisse délaissent complètement les pays émergents, la prime offerte ne justifiant pas pour eux le risque inhérent de l’investissement. Pour ceux qui s’y intéressent, les produits structurés reviennent timidement, certains reverse convertibles affichant 8 ou 9 % de rendement. Obligations corporate La dette des entreprises doit être considérée avec précaution. « Nous favorisons de manière très sélective la dette corporate sous-évaluée des sociétés les plus solides », explique Christina Azouri. La Russie reste l’axe d’investissement privilégié de la banque privée suisse, qui surveille également le Brésil et l’Asie (Indonésie, Chine, Inde), et les obligations en devises locales (SGD, RUB, CNY, MXN). « Ces dernières permettent de bénéficier des pressions inflationnistes qui entraînent à la hausse la devise et les taux à court terme ». Toufic Aouad est lui freiné par la hausse des prix. Pour le banquier, il va y avoir des rééquilibrages risqués. Mais les inconditionnels des titres corporate trouveront toujours leur bonheur. « Les banques américaines et européennes, même si elles ont souffert de la crise, ont un faible risque de défaut, car les gouvernements ont montré qu’ils étaient prêts à donner une garantie implicite aux obligations de premier rang émises par ces banques », analyse Jean Riachi. Il ne faut pas, selon lui, s’attendre à une plus-value importante, mais plutôt à un revenu régulier. Les notations A ou AA peuvent afficher des rendements allant jusqu’à 5 %. Pour les notations inférieures, se concentrer sur les banques internationales bien capitalisées et classées “investment grade” (au-dessus de BBB) ou investir sous forme d’actions privilégiées ou d’obligations perpétuelles émises par des établissements solides. « Même si la garan- Matières premières : l’incertitude de l’offre es cours des matières premières ont rapidement retrouvé des niveaux élevés, en raison de facteurs structurels, cycliques et particuliers, et des tensions qui restent élevées sur les marchés. Pour le FMI, le principal changement structurel est la croissance rapide dans les pays émergents et les pays en développement, qui accroît la consommation des matières premières et en modifie la structure. L’évolution macroéconomique prévisible reste favorable à l’essor des cours. Les projections de croissance du L 76 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 tie des États ne joue pas pour cette catégorie de titres “subordonnés”, les risques de non remboursement sont moindres aujourd’hui, surtout depuis la mise en œuvre des critères de Bâle III », précise Jean Riachi. La prise de participation dans les sociétés non cotées est également appréciée par les investisseurs. L’activité de private equity est soutenue par des liquidités abondantes. Les spécialistes conseillent d’investir au cas par cas, notamment sur les marchés émergents. « Dans un contexte de prix élevés, nous restons très sélectifs et privilégions les gérants spécialisés, en particulier en Europe où le réservoir de sociétés à transformer demeure important», conseille Christina Azouri du Crédit Agricole Suisse. Elle signale en outre les opportunités de rachat à décote de dettes performantes cédées par des institutions financières cherchant à être conformes aux nouvelles règlementations liées aux capitaux propres. C 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 6 financesplacements grand argentier donnent à penser que les pays émergents resteront les locomotives de l’expansion. « Les cours des matières premières ne sont pas prêts de redescendre, il faut que le monde s’y habitue. Il y aura quelques corrections, mais les prix ont franchi un nouveau palier », annonce Albert Letayf, associé-gérant du courtier Optimum Invest. Les matières premières sont donc incontournables dans un portefeuille. Alors quelle stratégie d’investissement adopter ? Celle du Crédit Agricole Suisse privilégie la prudence. « Notre stratégie d’investissement tactique s’efforce d’exploiter les corrections pour mieux bâtir notre exposition », explique Christina Azouri, Senior Investment Advisor de la banque privée. Les incertitudes au sujet de la croissance mondiale et des événements géopolitiques exposent les marchés à de fortes variations. Pour les experts du FMI, « les investisseurs rationnels bien informés devraient injecter des liquidités sur les marchés de dérivés et en diminuer ainsi la variabilité ». Leur présence devrait aussi faciliter la découverte des prix et maintenir un alignement plus étroit des cours sur les données fondamentales de l’offre et de la demande. En revanche, ils mettent en garde contre les choix guidés par l’émotion ou des règles d’investissement rigides. Certains professionnels néanmoins se positionnent à contre-courant et boudent les matières premières. « Je ne conseille pas de toucher aux matières premières en ce moment, elles sont trop chères », dit Youssef Kamel, cogérant du fonds Future Trends Capital Fund. À moyen terme, la progression des prix devrait ralentir, en partie parce que l’on prévoit une modération de la croissance économique de quelques grands pays émergents. Mais la pénurie de ressources est désormais une préoccupation généralisée et devrait devenir un des principaux facteurs de tension des marchés. « La solution pour juguler la hausse des prix serait de développer les énergies alternatives, mais surtout de réfléchir à des modèles de consommation différents », conclut Albert Letayf. Ce qui ne paraît pas être à l’ordre du jour prochainement. Pétrole, gaz Les experts du FMI sont formels : la combinaison des aléas de l’offre et de la vigueur persistante de l’activité écono- Tarek al-Ahdab : « Le panorama des hausses de taux peut être plus favorable au dollar dans les mois à venir. » Youssef Kamel : « Je ne conseille pas de toucher aux matières premières en ce moment, elles sont trop chères. » mique mondiale, malgré un léger ralentissement, signifie que les cours pétroliers vont rester fermement orientés à la hausse. Le facteur cyclique principal a été la croissance plus forte que prévu de la demande de matières premières au deuxième semestre de 2010, qui a fait passer les cours du pétrole à environ 90 dollars le baril début janvier 2011, audessus des prévisions. Le principal facteur particulier est la sous-réaction de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) lorsque les prix ont passé la barre des 80 dollars, ce qui a accru l’inquiétude des marchés. Les troubles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis janvier 2011 constituent un autre facteur particulier. « Tous les grands pays exportateurs sont touchés directement ou indirectement par des soulèvements, ce qui engendre une profonde incertitude concernant l’offre. Il est difficile de spéculer sur cette situation, car elle est sans précédent », note Paul Douaihy, directeur du Centre de recherches en économie et marchés financiers de l’université de Balamand. À court terme, l’évolution du marché pétrolier dépend pour une large part de la stabilisation de la situation dans certains pays exportateurs du Moyen-Orient et de l’interaction de trois facteurs : la vigueur de l’expansion économique mondiale, la dynamique de la demande de pétrole et la réaction de l’offre. D’après les projections des “Perspectives de l’économie mondiale”, la croissance devrait se modérer au cours des 12 prochains mois, ce qui entraînerait un ralentissement de la hausse de la demande pétrolière. « Ce mouvement devrait être appuyé par l’inversion du sur-ajustement de la demande de pétrole qui accompagne habituellement les premières phases de la reprise de l’activité économique mondiale », selon les auteurs du rapport. Le gaz n’a pas le même historique récent que le pétrole. C’est l’une des rares ressources énergétiques à avoir connu de fortes baisses récemment. Après un pic en 2008, le gaz naturel a perdu la moitié de sa valeur, du fait d’une demande en berne. L’extraction récente de gaz de schiste, notamment aux États-Unis, pourrait multiplier les réserves mondiales par cinq et accentuer la surcapacité du secteur. Les spécialistes tablent néanmoins sur une reprise des cours en 2011, le gaz étant indexé à 75 % sur le pétrole en Europe. 78 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 Métaux précieux et industriels Les cours des métaux se sont vivement redressés depuis le deuxième semestre de 2010, dans la logique de l’ensemble des matières premières. Pour de nombreux banquiers privés, ces marchés recèlent de bonnes opportunités. « Une exposition sur les métaux précieux et industriels offre une protection contre les risques d'inflation ainsi que la baisse du dollar et continue à être soutenue par une forte demande des pays émergents », explique Christina Azouri. L’or occupe comme toujours une place à part, bénéficiant des incertitudes des marchés. « La perte de crédibilité des principales monnaies auprès des investisseurs remet 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 7 financesplacements l’or au goût du jour, même si ce dernier était toujours resté une valeur refuge face à la peur de l’inflation, aux rendements obligataires bas et à la peur engendrée par les marchés d’actions », rappelle Albert Letayf. Certains spécialistes doutent de l’intérêt d’acheter de l’or actuellement, alors que le métal jaune pourrait passer le palier des 1 600 dollars l’once. « Il y aura de meilleures opportunités d’achat. Quand le dollar remontera, l’or devrait connaître une forte correction à la baisse », note Youssef Kamel. L’argent, qui évolue en temps normal dans l’ombre de l’or, connaît une forte volatilité. « L’argent est un marché plus petit, plus spéculatif, et pas très liquide. On l’a vu avec sa chute soudaine début mai 2011. Il faut être expert pour s’intéresser à ce marché », rappelle Antoine Salamé, associé-gérant d’Optimum Invest. Un avis partagé par Youssef Kamel, qui explique que cette contraction est la conséquence cumulée du dégagement de gros fonds et de prises de profits. Les métaux industriels sont tirés à la hausse à moyen terme par les perspectives de reconstruction du Japon, qui était deuxième pays consommateur de nickel et de minerai de fer et troisième consommateur d’aluminium et d’étain avant le tsunami. À court terme, les prix sont à la baisse, ce qui crée des opportunités. Matières agricoles Les marchés agricoles sont sans l’ombre d’un doute le secteur à surveiller en 2011. Pour le FMI, la production mondiale de denrées alimentaires devrait se redresser rapidement après les chocs récents sur l’offre : l’augmentation de la superficie consacrée à la production à l’échelle mondiale et le retour à des conditions climatiques plus normales laissent prévoir des récoltes favorables en 2011. Il faudra du temps pour reconstituer les stocks, qui sont bas, et il est donc probable que les prix resteront plus volatils qu’habituellement. Après une progression d’environ 41 % depuis mi-2010, l’indice des cours des produits alimentaires du FMI a continué sa remontée en 2011, avec une envolée spectaculaire de 82 % des cours des céréales. Des intempéries (sécheresse au Kazakhstan, en Russie et en Ukraine; été chaud et humide aux États-Unis et les vents “la Niña” sur les pourtours du Pacifique) ont affecté l’offre et contribué à une révision à la baisse de 2,7 % de la production mondiale de céréales pour 2010-11. Parallèlement, la Chine a augmenté ses importations notamment de maïs, alors qu’elle avait été autosuffisante pendant de longues années. Autre facteur évoqué par le FMI, la demande de matières premières pour la production de biocarburant a aussi rebondi plus rapidement que prévu, car le secteur américain de l’éthanol à base de maïs s’est remis des faillites en cascade de 2008-09. L’offre va décider de l’évolution des cours des produits alimentaires à court terme. L’incertitude règne sur le marché des changes a faiblesse du dollar est la nouvelle donne de 2011. Cette situation perturbe les investisseurs, habitués à considérer le billet vert comme monnaie de référence. « Depuis quelques mois, on se trompe beaucoup sur les marchés des changes, dont les fluctuations sont devenues imprévisibles », confirme Toufic Aouad, directeur de la banque privée AudiSaradar. Les devises américaine et européenne, extrêmement sensibles, réagissent de façon épidermique à tout mouvement économique. « En début d’année, L 80 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 Les matières premières agricoles tirées par la raréfaction des terres cultivables La superficie cultivée réaugmente après deux décennies de stagnation, mais est ralentie par la relative rareté des terres productives bien irriguées dans des régions disposant d’infrastructures de distribution bien établies. « Les investissements porteurs sont les terrains agricoles, les ressources forestières et dans une moindre mesure les sociétés minières. Je recommande d’investir dans les fonds agricoles, les terrains agricoles et l’eau. Mais attention à ne pas spéculer et à demander conseil à des professionnels », prévient Albert Letayf. Pour les investisseurs frileux ou qui ne s’y retrouvent pas dans les fluctuations constantes des marchés, la solution est toujours de faire son allocation par le biais de fonds de placements collectifs ou d’ETF. Certains fonds permettent d’investir dans les matières premières, métaux précieux, matières premières agricoles ou l’énergie. « On peut y consacrer 20 % de son portefeuille », pense Jean Riachi, président de FFA Private Bank qui déconseille fortement l’investissement direct, notamment dans les marchés de “futures”. C 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture nous parlions de parité euro/dollar, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui », ajoute Toufic Aouad. Alors, quelle stratégie d’investissement adopter ? Pour Jean Riachi, président de FFA Private Bank, il faut d’abord déterminer sa devise de référence. « Toute diversification dans une autre monnaie comporte un risque. La diversification géographique permet une diversification implicite dans les autres devises, mais doit avant tout être la résultante des choix d’investissement. » En d’autres termes, les allocations en devises doivent suivre la même logique que le reste des placements. Les Libanais, traditionnellement amateurs de dollars, peuvent donc soit miser sur une reprise probable du dollar à moyen terme, soit en profiter pour se diversifier. « Pour un investisseur libanais qui place principalement en dollars et qui s’inquiète d’une éventuelle dévaluation, il peut être bon à terme de se diversifier, mais nous ne prônons pas la spéculation sur les devises », explique Toufic Aouad. Le duel euro/dollar Depuis quelques mois, l’euro confirme sa tendance haussière par rapport au dollar. Pour Antoine Salamé, associé-gérant du courtier Optimum Invest, cette situation s’explique par deux facteurs. La hausse des cours de l’euro a poussé les investisseurs frileux à acheter la devise européenne au détriment des marchés d’actions. L’expansion monétaire est enfin plus limitée qu’aux États-Unis : la hausse de l’euro est en réalité une baisse du dollar. Le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet définit effectivement la tendance comme « un phénomène dollar plutôt qu'un phénomène euro ». Le relèvement des taux de la BCE n'a pas pour l'instant d'effet significatif de “second tour”, susceptible d'aggraver les pressions inflationnistes. Tous les yeux sont donc rivés sur le billet vert, devenu le baromètre du marché. Le taux directeur du dollar américain est compris depuis novembre 2008 entre 0 % et 0,25 %. La Fed n'envisage pas pour l'heure de le hausser avant la fin de l'année 2011. Le différentiel de taux pourrait alors faire grimper l'euro au-dessus du seuil des 1,60 dollar, atteint en juin 2008 au plus fort de la crise. Mais certains spécialistes doutent aujourd’hui d’une appréciation de l’euro de cette ampleur. « Nous pensons que cette tendance va s’inverser quand 6/1/11 11:43 AM l’euro approchera du palier des 1,50 dollar, le panorama des hausses de taux pouvant être plus favorable au dollar dans les mois à venir », remarque Tarek alAhdab, de l’Arab Finance Corporation. Paul Douaihy, directeur du Centre de recherches en économie et marchés financiers de l’université de Balamand, partage le même sentiment. « Sur le papier, l’euro semble être au meilleur de sa forme. Pourtant, le risque d’éclatement de la zone euro n’est pas à écarter, ce qui va nuire à l’euro et profiter au dollar. » Youssef Kamel, co-gérant du fonds Future Trends Capital Fund, conseille donc de se positionner en dollar. « L’arrêt concomitant du programme américain de “quantitative easing” et une hausse possible des taux de la Fed devraient pousser les investisseurs vers le dollar. Il devrait repartir à la hausse à la suite d’une baisse généralisée des actifs entraînant des appels de marge massifs et deux nouvelles crises, souveraine européenne et immobilière. » Les investisseurs libanais peuvent donc être rassurés : le dollar a toujours le vent en poupe. « Les entreprises ici ne sont pas très familières avec les stratégies de “hedging”, qui consistent à souscrire des contrats ou options sur les marchés dérivés pour prévenir un risque de variation défavorable », note Albert Letayf, associé-gérant du courtier Optimum Invest. « Les détenteurs d’euros peuvent envisager les options “put”, qui permettent de “hedger” à la baisse. » Pour les plus aventureux, d’autres monnaies présentent des opportunités intéressantes. Bank Audi-Saradar s’intéresse au franc suisse et à la couronne norvégienne, et les traditionnelles alternatives au billet vert que sont le dollar canadien, australien (avec des taux pouvant atteindre 4,75 %) et néo-zélandais sont toujours appréciées, car adossées aux matières premières. Youssef Kamel met néanmoins en garde contre le risque de contraction à moyen terme des cours de l’énergie, qui pourraient affecter négativement les monnaies. Dans les régions émergentes, les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) sont toujours porteurs. La Chine est toutefois un cas à part cette année, les autorités ayant “dépeggé” le yuan du dollar (restauré une fluctuation quotidienne) en juin dernier. La monnaie a gagné environ 5 % par rapport au billet vert. Les tentatives de Washington pour que la Chine réévalue davantage sa mon81 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 Page 8 Jean Riachi : « Toute diversification dans une autre monnaie comporte un risque. » naie sont à surveiller. La version 2011 des BRIC est le groupe des CIVETS (Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte, Turquie et Afrique du Sud). Ces marchés sont toutefois réservés aux investisseurs qui aiment le risque. « En 2001, les BRIC ont largement profité de l’afflux de dollars à taux très bas qui a boosté leurs économies. En 2011, les CIVETS font de même », note Antoine Salamé. L’Égypte est à considérer séparément, compte tenu des remous politiques qu’elle traverse actuellement. Antoine Salamé s’intéresse également à l’Argentine, qui propose des coupons (ou warrants) indexés au PIB et ajustés à l’inflation ; et au naira nigérian qui offre des taux au-delà de 10 % sur les dépôts. La monnaie peut bénéficier de la hausse probable des matières premières. L’immobilier moins attractif Le FMI l’annonce clairement : « Les marchés immobiliers sont moribonds dans plusieurs pays avancés. » Le risque posé par un stock virtuel de logements qui pourraient être saisis aux États-Unis reste considérable, ce qui fait fuir les investisseurs. Par ailleurs, de nouveaux risques apparaissent du fait de la forte expansion des marchés immobiliers dans les pays émergents. Un seul mot d’ordre : faire du cas par cas. « Des opportunités existent toujours dans certaines grandes villes américaines et à Berlin, notamment », remarque Jean Riachi. C 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 9 financesplacements Moyen-Orient : pétrole et politique nourrissent l’incertitude i la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) a traversé la crise financière internationale sans trop de dégâts, les événements politiques et sociaux qui la secouent depuis le début de l’année la mettent sous les projecteurs des marchés. Les cours du pétrole, déjà poussés par la reprise économique mondiale, sont également affectés à la hausse par l’inquiétude sur la stabilité de l’offre. « Si cette instabilité perdure et touche l’Arabie saoudite, cela aura un impact majeur sur l’économie mondiale », prédit Toufic Aouad, directeur de la banque privée Audi-Saradar. La région se divise en deux zones distinctes, l’une S Spreads de dérivés sur événement de crédit souverain (CDS), en points de base, à échéance à 5 ans 31-12-2011 Abou Dhabi 94 Qatar 88 Arabie saoudite 75 Bahreïn 186 Dubaï 415 Égypte 243 Liban 305 Portugal 501 Irlande 609 Grèce 1 010 Date 6-5-2011 3/15 3/17 2/21 3/15 2/28 1/28 1/31 4/26 1/10 4/26 99 99 117 265 362 362 365 640 659 1 339 regroupant les pays exportateurs de pétrole et l’autre les États qui importent. Les perspectives diffèrent beaucoup entre ces deux groupes, mais le FMI constate que la révision du risque en cours dans l’ensemble de la région majore les coûts d’emprunt dans tous les pays. Le mécontentement politique, le chômage élevé et la hausse des prix alimentaires causent une agitation sociale qui va sans doute peser sur la croissance à court terme. Compte tenu de ces facteurs, les experts du FMI tablaient en avril sur un PIB en progression de 4 % en 2011. L’Institute of International Finance (IIF) dans son rapport “The Arab World in Transition : assessing the economic impact” publié en mai en collaboration avec la banque Byblos évalue la croissance des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à 6,5 % cette année, contre 5,1 % en 2010. Leur secteur extérieur affiche également une embellie, les excédents courants de la région MENA devraient à nouveau augmenter à mesure que le redressement progresse, en partie sous l’effet de la hausse des prix à l’exportation de l’énergie. L’excédent courant régional, qui était descendu de 15 % du PIB en 2008 à 2 % du PIB en 2009, devrait, d’après les projections du FMI, passer à plus de 12 % du PIB en 2011. L’inflation est en hausse, car les cours plus élevés des matières premières nourrissent l’inflation globale. Le taux d’inflation des prix à la consom- 82 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 mation devrait, d’après les projections, passer à environ 10 % en 2011 pour l’ensemble de la région. « Selon la durée et l’intensité de l’agitation politique et sociale, ses effets intérieurs pourraient dépasser les prévisions actuelles, surtout si les troubles persistent et s’étendent à d’autres pays », diagnostique le FMI. Les pays exportateurs sont donc les mieux lotis, avec une croissance attendue de 5 % cette année, bien que certains comme la Libye ou Bahreïn soient le théâtre de révoltes populaires. La hausse des cours des matières premières et la demande extérieure dopent la production et les exportations. Des programmes de dépenses publiques continuent par ailleurs à soutenir la reprise. Selon le FMI, le pays le plus performant est le Qatar, qui affichera une progression de 20 % en 2011, sous l’effet de l’expansion continue de la production de gaz naturel et de grosses dépenses d’investissement, notamment pour la Coupe du monde de football de 2022. En Arabie saoudite, le taux de croissance devrait être d’environ 7 % cette année, du fait d’investissements publics considérables dans les infrastructures. Les perturbations de la production en Libye signifient, puisque la capacité des pays non membres de l’OPEP est limitée, que la production pétrolière des pays de la région va augmenter en 2011. Certains puisent déjà dans leurs réserves. Les pays importateurs affichent des perspectives moins optimistes. Garbis Iradian, directeur adjoint du département MoyenOrient et Afrique de l’IIF, évalue à 0,5 % du PIB réel la contraction, conséquence des événements politiques. Selon lui, la production en Égypte, Tunisie et Syrie devrait cette année tomber de 3 % à 1 % ; et la croissance en Jordanie ralentir de 3,1 % en 2010 à 2,8 %. Même son de cloche du côté des banquiers. « Nous constatons une inquiétude des investisseurs à court et moyen terme en Égypte et Tunisie, car l’intelligentsia économique était proche du pouvoir », note Toufic Aouad. L’impératif de la plupart des pays est de stimuler la croissance et de faire reculer le chômage chroniquement élevé, chez les jeunes en parti- 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture culier. Certains ont donc récemment relevé les subventions pour les produits alimentaires et les carburants (Jordanie, Koweït et Tunisie) ou accru les transferts sociaux. Mais l’endettement élevé limite leur marge de manœuvre budgétaire. La préoccupation est également d’éviter une augmentation des prêts improductifs dans les pays en proie à des troubles. Une instabilité, source d’opportunités Alors faut-il investir dans la région, à la fois débordante de richesses mais plongée dans une instabilité dont on ne voit pas la fin ? Cette situation a poussé de nombreuses banques à établir un baromètre socio-économique, qui offre de nouveaux critères aux décisions d’investissement. Tarek al-Ahdab, de l’Arab Finance Corporation, voit les événements actuels comme globalement positifs pour l’investissement sur les marchés de la région. « Cela concerne toutefois les investisseurs prêts à se positionner sur le long terme et qui ne sont pas impressionnés par les fluctuations au jour le jour. » Et il faut surtout faire du cas par cas. Pour Albert Letayf, associé-gérant du courtier Optimum Invest, la Libye est devenue un pays à fort potentiel pour les investisseurs libanais. Les relations entre les deux gouvernements avaient été refroidies par la disparition de Moussa Sadr, mais si le régime tombe, il existe de nombreuses opportunités. L’Égypte et le Soudan ont également un fort potentiel agricole. Attention à la Syrie, dont le futur politique est encore très instable. En outre, les investisseurs syriens ont tendance à se positionner massivement dans les secteurs à la mode, remarque Albert Letayf, ce qui leur fait perdre leur potentiel de profitabilité, tels que la minoterie, aujourd’hui en surcapacité. S’ils sont nombreux à voir le potentiel à moyen terme, la plupart des professionnels ne sont pas prêts à prendre trop de risques. « Les investissements, la bourse, l’immobilier : tout est figé au Moyen-Orient. La Bourse saoudienne a connu une forte correction. Les indices et l’activité sont en baisse, même si les pays producteurs de pétrole continuent d’injecter des fonds dans leurs économies », met en garde Toufic Aouad. Michel Chikhani y voit lui une opportunité d’investir dans certains titres sous-évalués de la Bourse saoudienne. Les inves- 6/1/11 11:43 AM Page 10 tisseurs doivent donc bien connaître leur profil de risque avant de s’engager. Paul Douaihy, directeur du Centre de recherches en économie et marchés financiers de l’université de Balamand, distingue les différents types de portefeuilles selon les profils des investisseurs. « Un profil frileux se dit que la situation est trop floue et récente pour être analysée correctement. Un profil à risque en revanche se dit qu’il doit profiter du changement et de l’instabilité, ce qui peut rapporter gros. » Les obligations quasi souveraines limitent le risque Le marché obligataire, souverain et corporate, est le plus approprié, car la plupart des pays du Golfe tentent de reconstituer les volants de fonds propres et de liquidités qui ont été complètement utilisés pendant la crise (comme Dubaï), et investissent dans les secteurs non liés à l’énergie pour diversifier leurs économies. « Il faut toutefois être prudent avec le marché obligataire dans la région. Les taux ne peuvent plus baisser », prévient Albert Letayf. Les pays du Golfe proposent des obligations souveraines, quasi souveraines et corporate. Pour son associé Antoine Salamé, spécialisé dans les marchés de la dette, les quasi-souveraines sont les plus intéressantes actuellement, car elles bénéficient de l’appui financier de régimes dont les coffres sont pleins. Les favoris sont Abou Dhabi, le Qatar et Koweït, qui sont stables politiquement et financièrement. Dubaï, Bahreïn et l’Arabie saoudite dans une moindre mesure sont moins bien positionnés. L'Egypte devrait attirer de nombreux investisseurs dans les mois à venir. Le G8 réuni fin mai a annoncé une enveloppe de près de 40 milliards de dollars d'aide au pays ainsi qu'à la Tunisie. Cet argent sera débloqué par les banques multilatérales de développement, les grands pays industrialisés et le Conseil de coopération du Golfe. En Jordanie, Maroc et Tunisie, l’activité est presque gelée et les investisseurs attendent de voir comment la situation va évoluer. Des noms comme Tourist and Development Investment Company (TDIC), soutenu par Abou Dhabi, ou Sabic en Arabie saoudite se posent en valeurs sûres. Certaines obligations corporate, telles que Kipco au Koweït ou la National Bank of Abu Dhabi (NBAD) ont également le soutien financier de membres des autorités locales. « Les critères de choix sont 83 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 Toufic Aouad : « Nous constatons une inquiétude des investisseurs à court et moyen terme en Égypte et Tunisie, car l’intelligentsia économique était proche du pouvoir. » le rapport risque/gain, le rendement et la notation. Les investisseurs peu friands du risque ne doivent pas s’intéresser aux obligations inférieures à A. » Youssef Kamel, cogérant du fonds Future Trends Capital Fund, mise sur les secteurs des infrastructures, télécoms et des routes, ainsi que les entreprises de consultants dans ces domaines. Jean Riachi, président de FFA Private Bank met en garde contre les entreprises locales de BTP, notamment en Égypte, et recommande les industries de construction qui exportent. Le private equity est aussi un bon moyen d’investir dans la région. « Jusqu’ici les entreprises se finançaient principalement par la dette, mais la pression sur les banques, notamment depuis les accords de Bâle III, ainsi que les incertitudes politiques et économiques, forcent les entreprises à relever le niveau de leurs fonds propres par un appel aux investisseurs extérieurs », explique Albert Letayf. Les opportunités peuvent se présenter soit en bourse, soit par des prises de participation directes. Les secteurs à surveiller sont ceux de la santé (comme le développement d’hôpitaux ou de cliniques) car les infrastructures sont sous-développées dans la région ; ainsi que le secteur agricole. FFA Private Bank propose par exemple un fonds spécialisé dans les produits financiers de la région, le “FFA Fixed Income MENA Fund”. C 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 11 financesplacements Le Liban doit régler ses problèmes internes pour profiter de l’instabilité régionale ausse du pétrole, inflation, baisse des investissements étrangers et tourisme en berne : le Liban ressent déjà les conséquences du tumulte de la région depuis le début de l’année. L’Institute of International Finance (IFF) projette une forte contraction de la croissance de 7 % en 2010 à 4 % en 2011. De son côté, le FMI pointe du doigt le ralentissement des secteurs du commerce, de l’import-export et de la construction. Les experts envisagent un déficit supérieur à 10 % du PIB, renforcé par la baisse des revenus fiscaux. La nature de l’impact du tumulte régional sur le Liban n’est pas encore claire. « Les stratégies de nombreux groupes libanais étaient de se diversifier vers ces nouveaux marchés. Ils ont donc décidé d’adopter un comportement attentiste tant que la situation restera floue », note Toufic Aouad, directeur de la banque privée d’AudiSaradar, qui craint que cette paralysie ne nuise à l’activité si elle persiste. Les conséquences peuvent également être favorables, notamment en termes de flux de capitaux : la solidité du secteur ban- caire local fait qu’il est considéré par beaucoup d’investisseurs régionaux comme un refuge. Mais les problèmes politiques internes du pays et le vide gouvernemental écornent cette image. « En janvier 2011, il y a eu une pression sur la livre libanaise avec une vague de retrait de capitaux par les clients, effrayés par la chute du gouvernement. Mais dès le mois de février, nous avons constaté un retour de la croissance », tempère toutefois Toufic Aouad. L’autre nuage sont les accusations de blanchiment qui ont éclaboussé la Lebanese Canadian Bank en février. « L’économie libanaise a traversé les crises grâce à la solidité de la BDL et du secteur bancaire, si leur réputation est mise en cause, cela peut être très nuisible », craint Paul Douaihy, directeur du Centre de recherches en économie et marchés financiers de l’université de Balamand. Albert Letayf : « Il y a un déséquilibre, l’offre n’est pas adaptée à la demande, le marché beyrouthin est trop cher pour les Libanais. » Dory Hage : « La clientèle cherche à améliorer ses rendements sur les placements. » H Des investissements protégés par le secteur bancaire Pour Garbis Iradian, directeur adjoint du département Moyen-Orient et Afrique de 84 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 l’IIF, l’absence de gouvernement va affecter négativement le tourisme, les investissements étrangers et reporter les réformes urgentes dans l’énergie, les transports, les télécommunications et l’eau. « Cela met en danger la croissance à court et moyen terme. » Cette inquiétude est partagée par Nassib Ghobril, économiste en chef qui dirige le département de recherche et d’analyses à la banque Byblos. « Dans les circonstances actuelles, l’économie libanaise fait face à la fois à une instabilité régionale et domestique, qui nuit à tous les secteurs. » Riad Salamé, le gouverneur de la Banque centrale (BDL), se veut toutefois rassurant. « Notre gestion saine a permis de stabiliser le marché des devises et le taux de dollarisation des dépôts bancaires s’est stabilisé à 65 %. » Au cours du premier trimestre, les banques ont ralenti leurs achats de bons du Trésor, ce qui a forcé la Banque centrale à mettre la main au porte-monnaie, augmentant ses réserves de 4 milliards de livres libanaises en trois mois. Ce geste a permis aux taux des eurobonds et des bons du Trésor de rester stables. Les clients qui investissent dans la dette sont surtout des investisseurs institutionnels. Selon Antoine Salamé, associé-gérant du courtier Optimum Invest spécialisé dans la dette, les taux marquent une légère tendance à la hausse, poussée par le rebond mondial général et l’incertitude politique locale. « Le marché n’est pas efficace, ce qui le rend parfois illogique. Une obligation à cinq ans peut parfois rapporter davantage qu’une obligation à huit ans en raison du manque de liquidités en plus d’un écart assez important entre le prix d’achat et de vente. » Aux États-Unis, ce “spread” se calcule en fractions de points ; au Moyen-Orient, en temps de crise, il peut atteindre des centaines de points de base. « Il faut procéder à une gestion dynamique, être prêt à vendre en cas d’instabilité politique ou de variation des taux. Traditionnellement, les profession- 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 12 le pays sont acheminés d’Europe. Les prix de référence des importateurs sont donc en euro, et dès que le dollar faiblit, l’inflation augmente dans le pays. Les dépôts à terme, grands favoris des épargnants Michel Chikhani : « Les produits boursiers locaux ne sont pas très populaires auprès des investisseurs libanais, qui préfèrent investir dans les marchés étrangers et dans l’immobilier. » Selon Antoine Salamé, les taux marquent une légère tendance à la hausse, poussée par le rebond mondial général et l’incertitude politique locale. nels conseillent plutôt de conserver les titres jusqu’à échéance, mais ce n’est plus payant », remarque le spécialiste. même si ces derniers ont de plus en plus accès aux prêts bancaires », note Albert Letayf, associé gérant du courtier d’Optimum Invest. La généralisation des prêts devrait toutefois soutenir la demande, qui maintiendrait les prix hauts. L’immobilier de bureaux est lui freiné par les infrastructures de télécoms obsolètes. Côté bourse, l’offre est toujours aussi réduite. « Les produits boursiers locaux ne sont pas très populaires auprès des investisseurs libanais, qui préfèrent investir dans les marchés étrangers et dans l’immobilier », remarque Michel Chikhani. Jean Riachi, président de FFA Private Bank, conseille d’étudier les actions bancaires au cas par cas. Selon lui, Solidere est sous-évalué, mais attention l’entreprise connaît des problèmes de licences et le secteur de l’immobilier en général commence à plafonner. « La réglementation de la Bourse de Beyrouth est obsolète et pas assez développée, l’assouplir permettrait la création d’un second marché qui permettrait d’investir dans des entreprises plus modestes, en développement. Cela attirerait des capitaux sur la place financière, permettrait de financer les entrepreneurs libanais et offrirait aux investisseurs des rendements élevés », suggère Albert Letayf. Aujourd’hui, il n’y a pas d’investissement à fort potentiel, ni à fort risque. Il conseille également aux investisseurs libanais de détenir au moins 25 % de leur portefeuille en euro, car la plupart des biens de consommation dans Succès des fonds de placement Les banques proposent de plus en plus de fonds de placement d’actions, d’obligations ou mixtes, avec en général une mise de départ de 50 000 dollars. La plupart des fonds sont internationaux et mutuels. « Mais les actifs les plus demandés ces trois dernières années étaient les investissements locaux », précise Dory Hage, responsable du département conseil en administration à La Libano-Française Finance. Les fonds libanais offrent un rendement régulier, avec 7 à 10 % d’objectif. Nombreux sont les départements de gestion d’actifs qui développent les fonds de placement tournés vers la région, notamment l’Arabie saoudite dont le marché d’actions est considéré comme sousévalué. « Leur “price/earnings ratio”, qui calcule le bénéfice par rapport au prix, est bon actuellement », analyse Michel Chikhani, spécialiste de la gestion d’actifs chez BlomInvest. Le marché immobilier se stabilise cette année. Quelques sociétés d’investissement immobilier ont vu le jour récemment, mais le gros des transactions reste des achats individuels à but résidentiel. « Il existe un déséquilibre, car l’offre n’est pas adaptée à la demande, le marché beyrouthin est trop cher pour les Libanais, 85 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 Le succès des dépôts à terme ne se dément pas d’année en année auprès des épargnants libanais. « C’est un placement sécurisé et rentable, la formule préférée des Libanais », remarque Dory Hage. Le taux est établi selon l’échéance définie au moment de l’ouverture du compte. La plupart sont à court terme (jusqu’à 36 mois), sécurisés et rémunérés au taux du marché. Les maturités varient entre sept et 18 mois, avec des taux compétitifs en livres libanaises et en dollars. L’autre raison est que, dans un contexte international de taux bas, les Libanais préfèrent investir dans un risque avec lequel ils sont familiers. « La baisse de la dollarisation que l’on observe depuis l’an dernier donne des taux intéressants », note Michel Chikhani. Le livret d’épargne s’éteint progressivement Le livret d’épargne se caractérise par la remise d’un livret au souscripteur. Contrairement au DAT, il est possible de continuer à y déposer de l’argent. Le taux d’intérêt dépend de la monnaie choisie et est légèrement inférieur à celui du dépôt à terme. C’est pour cette raison, mais aussi avec la baisse du montant minimum requis par les DAT, que le livret d’épargne disparaît progressivement. Plans d’épargne et assurances-vie s’affirment Le secteur de la bancassurance est en plein boom. « La clientèle cherche à améliorer ses rendements sur les placements », explique Dory Hage. Les produits sur les études et la retraite sont les plus demandés, avec de nouvelles offres chaque jour. Le marché de l’assurance-vie a atteint, en 2010, 357 millions de dollars et les primes d’assurances ont progressé de 13 % à 1,2 milliard de dollars. « Le client doit bien comprendre que ce sont des produits à moyen et long terme avant de s’engager, précise Dory Hage. Ils servent à diversifier les placements et à offrir une sécurité. » C 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 13 financesplacements Charles Najjar : « Il est possible d’investir sur les marchés boursiers sans risques majeurs » Charles Najjar, auteur du livre “Comment placer votre argent”, représentant de la banque UBS au Liban, livre au Commerce du Levant ses astuces pour bien investir. Quel est le montant minimum pour investir sur les marchés financiers ? Il n’existe pas vraiment de montant minimum, mais un portefeuille n’est intéressant qu’à partir de 10 000 dollars et le service de banque privée est proposé à partir de 250 000 dollars. Les clients qui disposent d’une somme de 500 000 dollars peuvent bénéficier d’une allocation cohérente, avec un bon équilibre entre les différents actifs. Que conseillez-vous pour faire fructifier son argent ? La première règle est la diversification, qui n’est pas une simple répartition entre les actifs. L’allocation doit être continuellement adaptée aux opportunités du marché en réduisant par exemple la part des obligations lorsque les taux d’intérêt et la prime de risque sont faibles et en aug- mentant la part des actions lorsqu’elles sont sous-valorisées avec des ratios de cours par rapport aux bénéfices faibles et des rendements de dividende élevés. Il faut aussi savoir aller à contre-courant du marché, tout en prenant des risques bien calculés. Diversification ne signifie pas non plus accumulation de positions, difficiles à gérer et pouvant affecter la rentabilité. Quelles sont les règles de base à respecter pour se lancer dans les investissements ? Le plus important est de savoir se fixer des objectifs précis. Recherche-t-on surtout à préserver son capital, à le faire fructifier ou à obtenir des revenus réguliers ? Il est également nécessaire d’analyser la situation des marchés pour éviter d’investir dans des actifs potentiellement surévalués. Quelles sont les différences de stratégies entre un profil conservateur et un profil risqué ? La distinction classique d’un profil risqué par rapport à un profil conservateur se traduit généralement par une part plus importante d’actions dans un portefeuille relativement aux obligations. Cette distinction est assez basique, car une position sur un indice d’actions avec un mécanisme de protection peut s’avérer moins risquée qu’une obligation sur un émetteur qui rencontre des difficultés financières. Par ailleurs, à vouloir être trop conservateur, on aboutit souvent à de très faibles rendements, alors qu’il suffirait parfois de prendre quelques risques bien calculés pour pouvoir profiter de certaines opportunités du marché. Je défini86 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 rais un investisseur au profil conservateur comme étant celui qui sait prendre des risques mesurés et a une vision de long terme. Le profil risqué correspond plutôt aux investisseurs qui aiment spéculer en prenant des positions à court terme sur les devises ou sur des actions individuelles. Quelles sont les caractéristiques des investisseurs libanais ? Il y a d’un côté ceux qui ont une grande aversion au risque, avec une crainte exacerbée des marchés boursiers, gardant l’essentiel de leur fortune en cash et investissant uniquement dans les bons du Trésor ou l’immobilier. Et de l’autre, ceux qui au contraire aiment spéculer, surtout sur les devises. Il faut qu’une catégorie intermédiaire se développe et que les investisseurs libanais comprennent qu’il existe des outils d’investissement donnant accès aux marchés boursiers sans prendre de risques majeurs. Y a-t-il au Liban toute la palette de conseillers et d’instruments financiers nécessaires à la gestion de portefeuille ? La plupart des conseillers financiers au Liban ont été formés dans de grandes institutions financières internationales. Les principales banques libanaises ont accès aux marchés boursiers mondiaux et offrent une vaste panoplie d’instruments financiers. Les structures internationales bénéficient toutefois de plates-formes de recherche et d’analyse très performantes qui permettent de mieux affiner les décisions d’investissements, il vaut donc mieux avoir recours à de telles institutions pour les opérations sophistiquées. C