Recherches retrospectives sur les insignes et les marques

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Recherches retrospectives sur les insignes et les marques
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RECHERCHES RÉTROSPECTIVES
SUR LES INSIGNES ET LES MARQUES DISTINCTIVES
DE L'ADMINISTRATION DES EAUX ET FORTS
EN FRANCE
L'étude qui va suivre u été précédée, dans cette Rep ue même, par
de nombreux articles touchant, plus ou moins accessoirement, au sujet
qui nous occupe. Nous devons citer, en particulier, celui de M. P. Weyd,
sur l'Uniforme des Agents et Préposés des Eaux et Forêts (1), qui donne
une revue très complète des textes ayant régi la matière, depuis la
Révolution. Mais, dans les recherches concernant ce que je me permettrai d'appeler la paléontologie administrative, il convient de ne
pas se borner à explorer la stratigraphie des archives, et de recourir
quelquefois .à l'étude des fossiles'caractêristiques. J'appelle ainsi les
souvenirs matériels des âges passés pièces de costume, boutons,
plaques de baudrier, de ceinturon ou de shako, marteaux, armes,
sceaux et cachets, en-tête de lettres, commissions et brevets, etc. Le
point de vue du collectionneur, auquel nous avons surtout voulu nous
placer, donne parfois des aperçus que ne peut ouvrir l'étude la plus
minutieuse des textes.
Nous en voulons donner tout de suite un exemple caractéristique.
L'expression« Eaux et Forêts »a disparu des textes réglementaires , avec
la loi du 29 septembre 1791, supprimant les anciennes maîtrises. Elle
n'a reparu officiellement ni sous le Premier Empire, ni sous la Restauration, ni sous la Monarchie de Juillet, ni sous le Second Empire.
Nous avons ait Code forestier, et non le Code des Eaux et Forêts.
L'Ordonnance pour son exécution, dite Ordonnance réglementaire
porte en son titre premier De l'Administration forestière s. C'est
seulement le Décret du 19 avril 1898 qui a rétabli la double dénommaLion traditionnelle. Eh bien, en dépit des textes, tous les objets matériels Plaques, boutons, cachets du Premier Empire, portent Eaux
et Forêts impériales. Sous la Restauration, les mots Eaux et Forêts sont
également inscrits sur les plaques et sur les boutons; et il n'est pas
jusqu'au bouton du modèle fixé par l'Ordonnance réglementaire qui
ne s'écarte de la lettre du texte, tant est grande l'impuissance des lois
et des règlements sur les usages et sur les traditions.
Notre travail est-très incomplet. Nous en sentons profondément
(l
Reçue des Eaux cL For&s 15
mars, jer avril, 15 avril 1930.
Document
D l 11111f III f0111111111 II D
0000005549054
REVUE DES EAUX ET
FORÊTS
l'imperfection. Pourtant il nous n semblé que, tel quel, il valait la
peine d'être présenté au public forestier. Lé sujet, pour être épuisé,
demanderait un volume. Peut être l'un dé nos lecteurs sera-t-il tenté
de l'écrire. Si cela est, ce sera notre meilleure téconi.pense.
La notion d'uniforme, qui est aujourd'hui considérée, dans les
armées et dans un grand nombre de corps constitués, comme un des
éléments essentiels de la discipline, est une notion relativement récente. On sait qu'en France ce fut Louvois qui, en 1670, créa l'uni-.
forme militaire. il ne faut donc pas s'étonner si, sous l'ancien régime,
nous ne trouvons point, pour les Officiers des Eaux et Forêts, d'uniforme au sens moderne du mot.
D'autre part, il ne faut jamais oublier, lorsqu'on parle des Eaux
et Forêts sous l'ancien régime, que c'était, avant tout, une Juridiction, et que les Officiers avaient le caractère de magistrats. Pour certains de ces officiers, ce caractère judiciaire était exclusif ils portaient
la robe dans l'exercice de leurs fonctions. La robe , longue (noire)
était portée par les Lieutenants et les Procureurs du roi des maîtrises. La robe rouge, réservée aux membres des cours souveraines,
était portée par les Lieutenants généraux et les Procureurs généraux
auprès des Tables de Marbre (1). La robe courte était portée par des
officiers spéciaux, dits de robe couite (Prévots et Lieutenants-criminels).
Les Grand s4'1aîres et les Maîtres particuliers ne portaient point
la robe. C'est ce qui résulte du Commentaire sur l'Ordonnance de
1669 (2). L'article VI du Titre XIII de cette Ordonnance stipule que
les Grands-Maîtres pourront assister à toutes les audiences des sièges
de la Table de Marbre. Le Commentaire indique qu'ils seront, dans
ce cas, revêtus de l'habit noir, avec manteau et épée.
Il ne laissait pas que d'y avoir quelque jalousie entre les Officiers
(1) Rappelons que les 'fables de ,,,arbre étaient en quelque sorte (les Chambres
spéciales, instituées auprès des Parlements, pour statuer en appel sur les matières
d'Eaux et Forêts. Pêches et Chasses. La première en date, dont' on ignore i. peu près
'l'origine, fut celle de Paris, qui tira son nom d'une grande table de marbre qui lenoit
tout le travers de ].a salle du Palais, cl sur laquelle les juges prononçaient leurs
jugements (Massé, p. 2 70). Le non, fut, transmis aux chambres analogues créées
ensuite aux parlements de Rouen, Toulouse, Dijon, Bordenuix, Provence, Dauphiné
et Bretagne. Des Tables de marbre furent oséme créées plus tard a Mclx (1629) et
à Tournai (1204).
Les officiers des tables de ,no,'bre étaient assimilas aux mnen,hnes des enurs sou,veraines. Une déclaration du 10 avril I C25 leur co,,tinne le droit de putter robe mage
Cd cluaperoim. Toutefois, 'in arrêt du Conseil du, 2 septembre 'I 7fl2, décida que la jtur'idiction 'te pouvait (rendre la qualité de Cour.
Gomme il était d'umsage sous l'ancien régime, il y cul d'innombrables conflits (le
compétence, d'attributions et de préséances entre les Officiers des Tables de marbre,
les Membres des Parlements, et les Gmands-Ma!t.res. Nous en verrons quelques-uns.
(2) Ce Com,snenuaire a eu de . très nombreuses éditions, toutes à très pi, près semblables dans leur texte, éditées à Pariset à Lyon, jusqu'en 1782.
M
INSIGNES ET MARQUÉS DISTINCTIVES
(le CC5 diverses catégories, dont les titres, fonctions, droits, privilèges
Pl . préséances étaient quelque peu embrouillés.
Les jugements des Tiibles de marbre étaient rendus, au nom des
Grands -M a îtres. Les 'orestiers de robé, si j'ose me permettre ce néologisme, supportaient assez impatiemment celle dépendance (1). Les
traités ne cessent de la rappeler avec insistance.
r Les charges de Grands-Maîtres, écrit Massé (2), ont été dans tous
les temps très belles et très, honorables, et les Officiers des Tables de
Marbre,... doivent avoir beaucoup de respect pour eux, et« les regarder
comme leurs chefs et supérieurs. »
Ces rappels n'étaient pas inutiles, comme on va le voir.
Un arrêt du Conseil d'État tRi '14 janvier 1687, ordonna au sieur
Potot, Procureur général de la Table de Marbre (le Dijon, (le se transporter chez M. de Mauroy, Grand Maître au Département de Bourgogne, auquel il avait parié en termes peu respectueûx, pour lui faire
satisfaction « en présence de tels officiers de la Table (le Marbre que
ledit sieur Grand Maître voudroit y appeler, et jusqu'à ladite satisfaction, ledit sieur Potot interdit des fonctions de sa charge; lui enjoint de porter à l'avenir honneur et respect' au dit sieur Grand-Maître,
et le condamne en 50 livres d'amende» (3).
Nous citerons encore un autre arrêt du Conseil, du 31 décembre
1701, rendu sur procès verbal du sieur Le Boults, Grand-Maitre au
Département de Touraine, concernant les ventes de Chatéau-du-Loir,
sur le fait que le sieur Maçon, Lieutenant de la Maîtrise « qu'il n'avait
point vu aux adjudications depuis plus de huit ans y étoit arrivé, et
avoit monté au Siège l'épée au côté. Ledit sieur Le l3oults lui aurait
dit que ce n'était ainsi qu'il devoit paraître, mais bien avec une Robe,
tous les Lieutenants des Maîtrises devant y être lorsqu'ils alloient
au Siège. s Le Lieutenant avait fort mal reçu ces observations, et
l'arrêt ci-dessus mentionné lui enjoint d'assister aux audiences de la
Maîtrise, Chambre du Conseil, et adjudication des bois, en robe longue,
« à peine de privation de ses gages, et de plus grande peine, en cas de
récidive, s'il y échet. »
Aucun autre document, édit, ordonnance, arrêt du Conseil ou déclaration n'est venu 'è notre constiissance, concernant la tenue des Officiers des Eaux et Forêts sous l'ancien régime. Nous ne, pensons pas
qu'aucune réglementation précise ait existé à ce sujet. Ce n'était pas
dans l'esprit de l'époque. En un mot, il y a eu prescription du port
d'une même sorte de vêtements (robe, habit noir, conformes à 'la
mode de chaque époque) mais min uniforme proprement dit.
('I) NIOLIs 'verrons plus loin une tentative d'usurpation, concernant le Marient,
r-yal.
(2) Dictionnaire portatif des Eaux et Forêts, par M. iMassfm, avocat en J'arleme,it.,
Paris, 1966.
(3) Le sieur Potot fui très loi,, de se soumettre à r_otto injonction, puisque près de
cieux ans plus tard, le 28 décembre 1688, il fallut un nouve.l arrêt le déboutant de
i'oppnsition qu'il avait formée au premier, et lui enjoignant, d'y satisfaire dans ta
quinzaine. On rie sait comment l'affaire se termina. Le maquis de la procédure n'est
pas d'aujourd'hui.
REVUE DES EAUX ET
Parmi les marques distinctives des officiers des Tables de Marbre,
il nous faut dire un mot des Jetons. Les Tables de marbre ont eu leurs
Jetons particuliers. Nous en connaissons trois modèles, mais nous ne
savons s'ils ont servi pour toutes les Tables de Marbre, ou pour celle
de Paris seulement.
Le premier est un jeton de bronze, frappé sous Le règne de Henri IV,
et du diamètre de 27 millimètres. il porte à l'avers un sujet allégorique : Une femme, tenant la balance de la main droite et Pépée de
la main gauche, symbolise la justice. Elle est située dans un décor
aquatico-forestier, et entourée d'animaux sauvages. En exergue,
cette devise tirée du Psaume CXXX] de David In campis sy1a.e
inuenimus eam (1). Au revers, une représentation schématique de la
Table de Marbre, surmontée du double écusson géminé de Fiance
et de Navarre, sommé d'une couronne unique, symbolisant la récente
réunion des deux pays sous le même sceptre. En exergue, le libellé
(abrégé) Sumina aguarun sy1arum que sedes, et la date 1606.
Les deux autres modèles qui sont parvenus à notre connaissance
sont tous deux relatifs au règne de Louis XV; ils sont en argent et
du diamètre de 30 millimètres.
Tous deux portent, au revers une table de marbre à pied central,
surchargée d'attributs cynégétiques, halieutiques et forestiers un cor
de chasse, un bois de cerf, un filet de pêche, un couteau de chasse, un
fusil, une épée, un marteau. Au pied de la table, quelques poissons,
un lièvre, un marcassin. En exergue Eaux et Forêts de Fr. au Siège
G' de la T. de Marh. de Paris. Si le revers est identique pour les deux
jetons, l'avers diffère. Sur l'un l'effigie de Louis XV, profil à droite.
avec l'exergue 1.UD. XV. RE.X CHR1STJANISS. sans date.
Sur l'autre, nous trouvons une allégorie qui rappelle celle, du Jeton
de 1606 La Justice, personnifiée par une femme tenant d'une main
l'épée, et de l'autre la balance; à gauche une forêt, que foule une chasse
à courre; à droite une rivière, avec un pêcheur à la ligue. En exergue.
la devise Amnes silvasque tuetur, et la date 1743(2).
(t) Dans le Psaume de David, il est question de l'Arche d'alliance. Ici, la devise
paraIt s'appliquer à lu Justice, qui règne en Forêt, ce qui tait l'éloge de la Table de
Marbre.
(2) F,rni les Jetons ayant trait aux Eaux et Forâts, nous devons citer encora ceux
UISIGNES ET MARQUES j,isTltSCTivES
On vient de voir que nous sommes assez mal renseignés sur les
insignes des Officiers des Eaux et Forêts de l'ancienne monarchie.
Nous ne le sommes guère davantage en ce qui concerne les fonctionnaires subalternes SergentsrtraversicrS, Maitres-Gardes, Surgardes,
Bordiers, Verdiers, Sergents dangereux, etc. (1), et plus tard Gardes
généraux .et Gardes ordinaires, ou Sergents à garde.
Les articles 20 et 21 de ('Ordonnance de Janvier 1518, indiquent,
non sans quelque obscurité, que les sergents doivent e porter bigarrures e. Ce n'était d'ailleurs qu'un cas partieulier d'une règle générale,
puisque. les Sergents de toute nature, Officiers publics chargés de
l'exécution des décisions de justice, ne devaient exercer leurs fonctions que «revêtus de leurs manteaux bigarrés, et la verge à la main. »
Mais nous n'avons aucun renseignement sur ces manteaux bigarrés:
et surtout nous ne savons pas si les bigarrures portées par les Sergents
des Eaux et Forêts avaient un caractère spécial.
L'article lI] du titre X de l'Ordonnance dc 1.669 prescrit que les
Gardes généraux « porteront des casaques brodées de nos armes pour
le, faire reconnoistre u. Qu'étaient ces casaques? Nous n'en savons
rien. Aucun texte ne nous l'indique. Cela n'est pas étonnant; le souci
du détail exact, documentaire, tel que nous l'avons aujourd'hui était
inconnu des administrateurs du Règne de Louis XIV. Nous n'avons
pas davantage pu découvrir de gravure nous représentant un garde
revêtu de ce vêtement. Les armes royales (trois fleurs de lys), étaient
d'abord brodées à môme la casaque, comme le dit l'ordonnance.
Mais plus tard, il semble qu'il n'en ait plus été ainsi : des procèsverbaux, sous le règne do Louis XVI, mentionnent : « Moi,.... revêtu
de ma bandoulière aux armes du Boy. » Il est probable que la casaque
a fait place à un simple baudrier d'abord brodé, puis muni d'ue
plaque de métal. De telles plaques ont existé sous l'ancien régime;
elles sont parfois d'identification difficile, parce que les plaques de
maîtres de poste, par exemple, et de bien d'autres corps de fonctionnaires sont pareilles. Ces plaques étaient de bronze, et portaient un
ovale, marqué de trois fleurs de lys, surmonté d'une Couronne, et
entouré de deux palmes; aucun attribut spécial aux forêts; en haut
le nom de la Maîtrise; en bas un numéro (de triage). Il semble bien
qu'il ait existé d'autres plaques, d'un modèle plus riche, argentées,
avec des attributs spéciaux. Nous en avons entendu parler, mais
nous n'en avons jamais vu.
des Receveurs ries Domaines et Bois de chaque province (fonctionnaires qui sont les
ancêtres plus ou ,noins directs de nos Receveurs des Domaines. Ces jetons portent
à l'avers la tête de Louis XV entant; au revers, une forêt, avec en exergue Domaines et bois de (ici le nom dola province) en la date : 1724. Ces jetons sont de cuivre
rouge, et ont 30 millimètres de diamètre.
(1) L'Ordonnance de 1669 supprima toutes ces catégories, et ne laissa subsister
que des Gardes généraux et des Sergents à garde, qui peuvent être, approximativement, comparés aux Brigadiers et aux Gardes d'aujourd'hui.
REVUE DES EAUX ET FORÉTS
De nombreux documents, déclarations, arrêts, etc., mentionnent
que les Gardes portent 1' « habit du roi ", e la livrée du roi s. Là encore
nous n'avons que peu de renseignements précis. Domet (I) dans son
ouvrage sur la Forêt de Fontainebleau nous donne quelques indications Sous le Premier Empire... l'uniforme, de bleu et or « qu'il était
sous l'ancien régime, devint vert et argent il. La livrée du roi, l'habit
du roi, aurait, donc été Heu et or. Cet usage était-il général? Il est
permis d'en douter. Domet n'indique pas ses sources, et son ouvrage
renferme plusieurs graves erreurs qui rendent son témoignage sujet
à vérifications.
D'autre part, notre vénéré maître M. Ch. Guyot, qui a bien voulu
nous donner quelques éclaircissements, pense que les Gardes de l'ancien régime portaient l'habit vert, et que c'était de là qu'était verni
le nom de Verdier (2). Cela nous parait vraisemblable. II est certain
que l'habit vert était, pour les Gardes forestiers, le plus approprié
à l'exercice de leur profession. Il était, de longue tradition, adopté pas'
les personnes fréquentant les forêts, et notamment par les veneurs.
e Et doit le Veneur, écrit Gaston Phoebus (3), esire vestu de vert
en esté pour le cerf, et pour le senglier en yver de gris s
Cet usage s'était généralisé
Jamais ne voiz tarit de gens verts
Car cliascun eu estait vestu..
est-il dit dans la Chasse du Grand-Sénéchal.
Cette mode persista longtemps. Nous voyons François Jer, à la
chasse, vêtu d'une robe verte tombant jusqu'aux genoux. Charles IX
s'habillait, dans les mêmes circonstances, d'une robe de serge verte de
Florence (4).
Mais c'est seulement l'Arrêté du 15 germinal air IX qui introduisit
explicitement l'uniforme vert dans l'Administration des Forêts. II
n'est pas impossible que ses rédacteurs, parmi lesquels se trouvaient
certainement d'anciens officiers des maîtrises, aient saisi l'occasion
de renouer une longue et obscure tradition. Et nous aimerions à
penser qu'il en fut de même pour les promoteurs de l'Arrêté du 28 avril
1873, qui dota les officiers forestiers du pantalon gris, réunissant
(I) Pou! Doar.r r Histoire de la Forêt de Fontainebleau. Paris, 1873 (p. )•
(2) la lire(3) Cf. La Chasse de Gaston Phoebus, comte de Foix. Réimpression Pairault 1817.
Chapitre 45, p. 272. Certains auteurs ont piété à Gaston Phoebos l'idée biscornue du
faire habiller ses veneurs de fourrures précieuses, de l'air et de petit-gris C'est une
erreur aujourd'hui reconnue. [)il reste Phœb ,us explique fort bien, dans un autre
chapitre, que ces couleurs sont destinées à rendre le chasseur moins visible, selon In
saison.
(4) Henri IV, le premier, endossa la casaque rouge comme vétenic,,t de Classe.
Cette couleur fut adoptée clans la vénerie royale jusque vers le milieu du règne de
Louis XIV, C'est en justaucorps rouge que ce souverain fit sa fameuse entrée ail
Parlement, en habit de chasse, botté, et In follet à la main. Plus tard, Louis XIV
adopta pour &a la couleur hie,, turquoise à revers rouges. Les princes adoptèi'ent généralement polir leurs équipages la couleur de lotir livrée personnelle.
Pr. I
JETONS DL . LA TABLE DE MARBRE DE PARIS (Règne de Louis XV),
PL. I bis
s.."-
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I
41
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BOUTONS
1 Époque révolutionnaire. 7•. 8 iRèpublicpre de 1848.
2 Modèle du 15 Germinal an IX. 9 Service forestier maritime (RestauPremier Empire.
'e.
ra lion).
4 Rostaurai,ion.
. 10 Forêts de lit Couronne (Restauration).
5 Modêle de lOrdonnaneerdglemenl.aii'e. 11 Forêts de la Couronne (Louis-Philippe).
6 Louis-Philippe.
12 Forêts de la Couronne (Second Empire).
INSIGNES ET MARQUES -DISTINCTIVES
ainsi harmonieusement, sur notre uniforme, deux couleurs consacrées
depuis plus (le cinq siècles aux praticiens de la forêt.
En tout cas on voit combien c'est à tort que certains ont prétendu
que la couleur verte de notre uniforme nous vient d'autres administrataons du Département des Finances. C'est au contraire l'uniforme vert
des forestiers qui n été adopté et copié par les autres services de ce
Département. Le « vert-finances s a eomfflencé par être uniquement
le e vert-forestier. n Le rang distingué que tenait jadis l'Administration des Forêts parmi les services des Finances, et le prestige
considérable dont elle jouissait (1) a, tout naturellement, entraîné
une imitation. Ce n'et point sans quelque mélancolie que nous constatons aujourd'hui dans ce prestige une diminution telle qu'on en a
perdu jusqu'au souvenir.
Parmi les insignes les plus caractéristiques des fonctions (le forestier, on doit citer le Marteau. Cet instrument, qui tient une si grande
place dans notre Administration est d'origine for? ancienne; nais
il est assez difficile de préciser à quelle époque on peut 'faire remonter
son usage.
Il semble qu'au début, un marteau spécial était remis aux acheteurs (qu'on nommait alors marchands), avec lequel ils marquaient
eux-mômes le bois de leurs coupes, établies par contenance, après avoir
prêté le serment de n'en point marquer d'autres. C'est ce qui résulte
de l'Ordonnance de Charles V, rendue à Melun eu juillet 1.376 (2). La
même ordonnance stipulait que les ventes comporteraient la retenue
de dix ou huit baliveaux par arpent (3). Mais il n'était pointspéciflé
comment ils seraient marqués. C'est l'ordonnance de Saint-Germainen-Laye, de juin 1523, qui prescrit pour la première fois que les arbres N
de retenue « appelIez hoyveaux seront toujours marquez et martelIez
bien et deuèmenà, et attestez bons et convenables pour le repeuplement... sans pourvoir par après les, changer ou muer.. s Dès 1516,
François Jer avait ordonné que les pieds corniers seraent marqués
Rappelonsune anecdote, qui démontre ce pr rstige (l'une façon topique, tout
el) appelant quelques réserves sur la -manière dont il s'était manifesté. L'histoire
lions fut contée par feu M. le Conservateur Barthélemy, ancien élève de la 37' pro-
notion de l'École de 'Nancy. il en avait été le témoin, étant jeune garde général.
M. Ilun,- qui fit partie de la 2' promotion de l'Ecole de Nancy, était Conservateur,
cl, présidait une vente. Sur une remarque que tir le Trésorier-payeur général, il se.
tourna vers lui, et lui dit tout- haut -' Silence, Monsieur. Ici, vous n'êtes qu'un sacL'observation fut, parait-il, acceptée -comme un rappel à l'ordre. Ce n'est pas alors
qu'il serait venu è l'idée de qui que ce soit, d'assimiler l'Administration dés Forêts
-à une simple régie financière.-
-de leurs exploit2l Les marteaux des marchands devaient être rapportés à lit
tai-ions, pour étre brisés et rompus, dé façon (limon ne p0t désormais s'en servir. (3) lI s'agit ici de l'arpent des eaux et forêts, ou arpent d'ordonnance, qui mesurait 10 perches de côté, ou '100 perches de superficie. La perche était de 22 pieds.
En mesures métriques, l'arpent d'ordonnance était donc de 51 aies 7 centiares 1e
balivage piescril comportait par conséquent environ 16 baliveaux à l'hectare. On
voit, qu'à l'époque, on n'avait guère l'idée des balivages riches..ccpendant Du Chant
fouit nous apprend que l'on laissait souvent beaucoup plus de baliveaux que ne l'indiquaient les ordonnances.
04M LtD Tkirii
'r
&
REVUE FIES EAUX ET
ronPrs
des marteaux des Maistres, Gruyers et Verdiers. Du Chauffourt (I)
nous donne une figure explicite, sur la façon dont se faisait la marque
des pieds corniers.
Qu'étaient ces Mar teaux? L'a rticle 2 du Règlement du 4 septembre
1601, porte que le Marteau du Roi seul aura des fleurs de lys; que ceux
du Grand-Maître et des Maîtres particuliers seront empreints de leurs
armes, et ceux du Garde-Marteau et Arpenteur des deux premières
lettres de leurs noms et surnoms.
Outre ces Officiers, personne ne devait avoir de Marteau, pas même
les Officiers des Tables de Marbre, ainsi qu'il fut jugé par Arrêt du
Conseil d'État du 14 février 1688. ,
Les Officiers des Tables de Marbre, ainsi que nous l'avons vu, supportaient impatiemment que d'autres Officiers des Eaux et Forêts
possédassent des droits et prérogatives qu'ils n'avaient pas. Le droit
au marteau est un de ceux qu'ils cherchèrent avec le plus de persistance à s'arroger. Ces prétentions furent réprimées, notamment par
•deux Arrêts du Conseil, du 30 juin 1692, et du 27 janvier 1693.
« Il fut donné avis à sa Majesté, dit ce dernier Arrêt, que 80 ou
100 personnes, aucuns se disant Officiers de la Table de Marbre, et les
autres Clercs du Palais, se seroient assemblés en la Forest de Bonds',
« où ils avoient marqué de leur autorité, avec un marteau portant
l'empreinte d'une fleur de lys, fabriqué à l'imitation de celui de la
Maîtrise de Paris, deux baliveaux chênes, et en avoient fait abattre
+ un le même jour. Que cela étant contraire aux Ordonnances et à la
Police des Forests, il avait été ordonné qu'il seroit incessamment
informé contre ceux qui ont fabriqué ou fait fabriquer ledit faux marteau, et fait marquer avec icelui, et abattre les chênes en question...
u Le Roi en son Conseil... a ordonné et ordonne que le Marteau que
les Officiers de la Table de marbre ont fait fabriquer.., sera incesamment rapporté par les Officiers dudit siège, pour être cassé et brisé
en présence du sieur du Buisson, Intendant des Finances, et des
Parties. Fait sa Majesté défense aux dits Officiers de la Table de Marbre de plus faire faire de pareils marteaux, et de commettre aucun
d'entre ex pour faire des descentes dans les forons, s'ils ne sont
commis â cet effet par sa Majesté ou parle Grand Maitre (2).
Ce texte a un intérêt documentaire particulier, en ce qu'ilnous décrit
un marteau portaiit une seule fleur de lys. Il semble qu'avant 1669,
- les marteaux royaux aient été aux armes de France, et aient porté les
Crois fleurs de lys. Mais aucun de ces marteaux n'a, subsisté, et leurs
empreintes elles-mêmes ont disparu avec les arbres qui les portaient.
Nous ne pensons pas qu'il existe actuellement, dans toute la :France,
un arbre marqué en réserve avant 1669.
Sous la Révolution, la fleur de lys ne pouvait évidemment subsister sur les marteaux. Un décret de la Convention, du 15 novembre
(t) Cf. Instruciion sur le l'aie des Eaues ei Foresis., par ;lacqi,es us CI,ÀUFFOUIIt,
Lieu tenant des Eaucs «I. Forest au Bailliage de Gisors. 1642, p. 484. Ce. t.ouvrage
eu I trois éditions. Colle que nous citons est la troisième.
( .2) Mémorial alphabétiqi+e des Macères des Eaux et For&s, iu,-1°, -173, pp.436-48.
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INSIGNES Et NABQUES DISTINCTIVES
1.792, prescrivit le Changement des empreintes « d'une manière convenable aux principes de la Révolution. » La nouvelle empreinte porta
Un faisceau de licteur, surmonté d'un bonnet phrygien, et • flanqué
des deux lettres F. N. (Forêts nationales). Sous le Premier Empire.
le Marteau porta l'Aigle impériale. La fleur de Lys repartit en 181.5»
jusqu'en 1830. Les figures de ces empreintes ont été données dans
un article publié, dons cette Revue, en 1923, par nette camarade
P. Noel.
*
**
La Révolution empressée à faire table rase du passé, supprima dès
1791 les. Maîtrises des Eaux oC Forêts et rèorganfsa l'Administration,
sous le titre de Conserpation générale des Forêts (1). Mais, dés cette
époque, on constatait que Tes réorganisations radicales offrent bien
des difficultés insoupçonnées. Presque partout, les anciens officiers
des maîtrises restèrent en fonctions. Ce maintien provisoire fut même
consacré par la loi du 18 mars 1.792 « en attendant que l'Assemblée
se fût prononcée sur la vente ou sur la conservation des Forêts. » Pendant cette période troublée, il surgit de nombreux insignes, touï
inspirés plus ou moins par le symbolisme révolutionnaire. L'intrêt
commercial excitait Te civisme •des fabricants, empressés à proposer
aux autorités des insignes marqués au coin du républicanisme le plus
épuré. Aucune trace ne subsiste, dans les textes, de ces modèles dus
à l'initiative individuelle. Seules, quelques pièces d'archives lettres
de propositions, accusés de réception, ou commandes, les mentionnent. Les objets eux-mêmes sont fort rares. Nous pouvons citer,
cependant, Te. bouton bien connu de l'Administration forestière de
Fontainebleau, représentant tin arbre surmonté d'un bonnet phrygien. M. Ch. Guyot nous a signalé qu'il avait eu entre les mains une
plaque de Garde de cette époque, portant une pique fichée en terre,
avec le mot s Forêts s et à côté ors chien, emblème de la vigilance.
Ce thème du chien, gardien fidèle et symbolique, se retrouve sur l'entête des Commissions des Agents forestiers de l'époque.Il a existé bien d'autres modèles, unissanties attributsrévolutionnaim-es (Piques, faisceaux, bonnet phrygien) aux attributs forestiers,
parmi lesquels les feuilles de chêne jouaient le rôle principal.
L'uniforme lut réglementé - Un projet de Fan Vil prescrivait un
uniforme bleu, à parements et collet rouge; gilet et culottes jaunes;
boutons de méal blanc portant l'empreinte d'un arbre. Des broderies
argent distinguaient les différents grades. Les Agents portaient le
Chapeau retroussé, è ganse blanche; les gardes: un bonnet de cuir
noir. Ils avaient, en outre, une bandoulière bleue à liseré rouge, parLes titres de Conservateur, et d'inspecteur des Eaux et Forêts, turent cml'ancienne monarchie après la guerr de 1700 ' nous dit Peoque I.
s'agissait d'offices non "eaux. créés pour enrichir le Trésor, pi
qui ne durèrentt 1
(1)
ployés rljà sous
lot cil., I, p. 103). 11
10
REVUE DES EAUX ET FORÊTS
tant sur toute sa longueur cette inscription, en lettres blanches
République française, et munie d'une plaque- de métal blanc avec
l'empreinte d'un chêne, et pour légende Garde forestier. Ce projet
ne tut jamais mis en vigueur.
*
**
C'est avec la loi du 16 nivôse an IX. (6 janvier 1801) que nous VO)'011s
se préciser la ph sionomie nouvelle de l'Administration. Pendant
dix ans, la gestion des forêts de l'État s'était exercée dans des conditions extrêmement difficiles. Le décret du 4 brumaire an IV avait
plaflé les forêts sous l'autorité de la e Régie de l'enregistrement et des
Domaines e. Mais comme nous l'avons dit déjà, un grand nombre des
Officiers des Maitrises étaient restés en fonctions. Les circulaires des
Régisseurs (le l'Enregistrement et du Domaine national, ornées d'un
cartouche elliptique représentant la hache et les faisceaux surmontés
du bonnet phrygien, étaient adressées, généralement, aux Agents
forestiers de la ci-devant Maftrs'e de (I)... Les conditions dans lesquelles s'effectuait le travail de ces agents étaient fort pénibles.
Humiliés, suspectés, peu ou point soutenus, ils avaient à encourir à
la fois la méfiance du gouvdrnement, et l'impopularité naturellement
attachée à leurs fonctions.
Aussi ne faut-il point s'étonner qu'ils aient été û peu près impuissants à empêcher les dévastations de tout geni'e qUe les forêts eurent
à subir pendant cette période, et que tous les documents contemporains enregistrent avec consternation.
La loi du 16 nivôse an IX marqua lepremier pas dans la voie d'une
reconstitution dont la nécessité était devenue visible à tous. Mais
cette reconstitution ne pouvait pas se faire sur les bases anciennes.
La première et la plus importante des différences entre le nouveau
régime et l'ancien était la perte du pouvoir judiciaire possédé jadis
par les Mitrises. Pour le reste, les Conservateurs remplaçaient assez
exactement les ci-devant Grands-Maîtres, et les Inspecteurs et Sousinspecteurs succédaient aux Maîtres particuliers. Cette perte du pouvoir judiciaire, bien que remontant en fait à 1791, n'était pas sans
causer un certain ma4aise dans l'Administration, qui se trouvait
désormais incapable de régler seule les affaires de son: ressort, etqui
éprouvait quelques difficultés à e se diriger entre l'autorité des
Préfets et celle des Tribunaux (2) e.
L'arrêté du 15 germinal an IX (5 avril 1801) fixal'uniforme de la
nouvelle administration. Le texte de cet arrêté a été donné in extenso
dans l'article de P. Weyd que nous avons déjà cité (3). Nous avons reproduit (pl. Ibis) le bouton de l'uniforme des Agents; la planche il
représente la plaque des Gardes généraux et 'Gardes particuliers.
y
1) cf. Peu! Burr* ULr Les Origines de l'Ad,ui,ustrati&,, des Eaux et Forêts (:Rep,ie
Roux et Forêts, 1 avril 1918. p. 4).
lue. cil-., p. 96.
21 Circulaire n° 19, dit thermidor an IX, citée par P. 13U
(3) Revue des Eaux et Forêts, 15 mais 1910, p. 162.
-
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COUTEAUX DE GRASSE DE L'ÉCOLE DE NANCY
t Premier modèle (824-1840½. 2. Modèle 1840-1852. - . Modèle 1852-i85.
4. Modèle du Second Enipire(185'i-1870)..— 5. Modèle 1870-1878.
JtPEs D'AGENTS FORESTIERS
1 Restauration (persista jusqu'en 1840).
2 Modèle 184.0-1854.
3 Modèle du Second Empire (1854-1873).
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I
INSIGNES ET MARQUES DISTINCTIVES
1 1
11
Cette plaque était portée sur une bandoulière couleur chamois. Ainsi
que irons l'avons dit, l'arrêté fixait le vert foncé comme couleur
essentielle de l'uniforme. 11 l'est resté, depuis lors, sans interruption.
La transforihation des insignes, lors de la création du Prener,
Empire, ne parait avoir laissé aucune trace dans les textes. Cependant
ce changement eut lieu. Les plaques et les boutons furent marqués de
l'Aigle, avec la légende Eaux et Foréts impériales qui-attestait ainsi,
malgré la lettre des règlements en vigueur, une persistance remarquable dc la tradition.
L'arrêté du 15 germinal an IX stipule que les agents forestiers porteront une arme. Cette arme sera-s un sabre français, avec un ceintoron vert, avec plaque au milieu ». Il ne semble pas qu'il ait existé
pour le sabre, de modèle particulier. Les armes de cette époque ont
été très étudiées, et les recherches n'ont jamais fait ressortir aucun
sabre dont l'ornementation permit de le classer comme ayant armé
Un agent forestier. De môme, nous n'avons pu découvrir aucune indication relative à. la plaque de ceinturon. 11 est cependant probable
qu'elle devait être d'un modèle spécial.
La Restauration amena un nouveau changement dans les insignes.
Une circulaire du 21 octobre 1814 mentionne que les Gardes recevront, pour leurs bandoulières, des plaques aux armes de France.
Ces plaques portaient trois fleurs de lys, surmontées de la couronne, et entourées de branches de chêne. Notons que la Restauration vit éclore de nombreux modèles de plaques.. k- celte époquè,
l'Administration forestière traversa une période pénible, indécise et
troublée. La nouvelle monarchie renouvela la faute de la Révolution,
en réunissant par économie, l'Administration des Forêts à celle de
l'Enregistrement et des Domaines. Les conséquences de cette économie inconsidérée furent si fâchetfses que la mesure fut rapportée au
bout de trois ans- Les inconvénients des aliénations désastreuses qui
furent réalisées alors (300.000 hectares en 1814, 150.000 en 1817)
éclatèrent aussi aux yeux des moins prévenus. On reconnût à nouveau ['importance de la question forestière, et il en résulta un motivement d'opinion qui aboutit à la création de l'École de Nancy (26 août
4824) et à la promulgation du Code forestier (31 juillet 1827). Le
Code forestier est encore en vigueur. Il n'a subi que quelques modifications de détails, nécessitées par le progrès des idées démocratiques et en somme, au point de vue administratif et légal, il n'y a cri,.
depuis 1827, dans les règlements forestiers, aucun changement essentiel. Le Code forestier et l'Ordonnance réglementaire démentirent la
base et la règle de notre activité.
Mais, au point de vue qui nous occupe, c'est pendant cette période
que nous trouvons les plus nombreux et [es plus profonds changements d'insignes, occasionnés par les vicissitudes politiques. Les
insignes de l'Administration ont presque toujours, en effet, porté en
France les attributs du régime cri même temps que ceux de la profession. Il n'en fut pas de même en Allemagne, par exemple, où les cou-
12
REVUE DES EAUX ET FOBITS
teaux (le chasse des Préposés et' des OberfôrsLer se sont maintenus
sans changement depuis plus de cent ans, parce qu'ils rie portaient
que des attributs spéciaux au corps forestier (1.).
eut plusieurs modèles- de
Nous avons dit que ]il
plaques. Nous avons décrit le premier. Le second portait ]a mention
Eaux et Forêts et au-dessous, le cartouche aux trois fleurs de lys.,
sommé dé la couknne et surmonté d'un oeil, emblème de la vigilance.
Le cartouche était entouré de deux palmes, l'une de branches de chêne,
l'autre de roseaux. Les eauet lesforêts avaient ainsi leur place dans
cette symbolique.
Il y avait un modèle ârialoguè, mais plus réduit, pour les Gardes
terrassiers' jorestiers, ancêtres des Gardes cantonniers, aujourd'hui
supprimés. La plaque (les Gardes communaux était du premier medèle, avec la légende Garde de bois communaux.
Toutes ces plaques portaient le numéro de la Conservation; pu était
quelquefois intitulée arrondissement forestier.
L'Ordonnance réglementaire. du jer août 1827 prescrit, en son
article 29 que les Gardes ilporteront, une bandoulière chamois, avec
bandes de drap vert, et au milieu une plaque rie métal blanc portant
ces mots Forêts royales, avec une fleur de lys. ), Chose remarquable,
cette plaque ne fut jamais fabriquée, et ainsi in seule indication nette
qui résulté d'un texte précis est relative à une plaque qui n'existe pas
*
**
Les boutons d'uniforme comptent, après les plaques, . parmi les
insignes les plus caractéristiques, par les attributs qu'ils figurent.
Soùs la Restauration, nous trouvons un premier modèle aux aimes
de France (écusson à trois fleurs de lys, timbré de la couronne, et
portant en exergue Eaux et Forêts).. Ce bouton en argent,, plat,
comportait un grandet un petit modèle (pour l'habit et pour le gilet).
Nous trouvons ensuite le bouton du modèle prescrit par l'ordonnance
réglementaire. Ce bouton, nous l'av6ns dit, porte contrairement au
texte légal Direction générale des Eaux et Forêts et ajoute une palme
de roseaux aux feuilles de chêne réglementaires. Nous parlerons du,
bouton des Forêts de la Couronne au chapitre spécial que nous aurons
à consacrer aux insignes du personnel de ces forêts, depuis le Premier
jusqu'au Second Empire (2). Enfin, nous devons signaler un bouton
doré, marqué de l'ancre et de la fleur de lys, avec l'exergue« Service
forestier maritime On peut, selon toute vraisemblance, attribuer ce
bouton aux agents marteleurs de la Marine. Mais nous avons vaine(1) certains forestiers français, sous le premier Empire, servant dans les déparie,monts rhénans (Mont-Tonnerre, Hoêr, Rhin-ei.-Moselie) nul porté ces couteaux de
chasse allemands, dont nous avons figuré "n modèle daims notre « Histoire du Coli tel
de Chasse . ( Bulletin du, Saint-If uherr-Cln.b de France. 1926). Notions qu'avant ]a
création de l'École de Nanc y , et même depuis, un cerLein nombre de forestiers franÇ2i5 ont reçu en Allemagne (notamamnènt h'rhra,idl, en Saxe) leur formation professionnelle.
(il Nous devons dire un mot d'un hou (on représentent une fleur de l ys e ,it,juréu,
d'une trompe de chasse posée surfine couronne de feuillage. Ce ])air n été, parfois,
M
INSIGNES ET MARQUES DISTINCTIVES 13
ment cherché dans les textes ],a de Service forestier
maritime. Les quelques exemplcs.que nous venons de citer montrent
bien que l'étude des textes ne suffit pas, et que les recherches sur des
objets aussi infimes qu'un bouton d'uniforme ne sont pas sans intérêt et peuvent apporter quelques lumières utiles à l'histoire des institutions.
Les Agents forestiers de la Restauration portaient l'épée. Cette
épée était du modèle dit clavier, k poignée de nacre. La garde était
ornée-d'attributs forestiers (Têtes de chien, de sangliers, guirlandes
de feuilles de chêne), entourant un cartouche aux armes de France
sommé de la couronne (1).
*
A l'avènement de la monarchie de Juillet, l'uniforme proprement dit
ne subit pas de changements. Seuls, la plaque et le bouton, qui portaient les fleurs de lys, furent remplacés.
La nouvelle plaque portait un cartouche ovale, avec ces mots
Forêts du. Roi (2) entouré de branbhes de chêne, et surmonté de la
Couronne. Le bouton portait la couronne avec, au-dessous Administration des Forêts-
En 1840 eut lieu une nouvelle réglementation de l'uniforme des
préposés destinée surtout à permettre un habillement économique et
approprié au service des Gardes n. Cette réglementation fut fixée
par deux arrêtés du 8 août 1840, notifi gs par la Circulaire ancienne
r° 448, du 14 août suivant. Cette circulaire annonçait un dessin lithographié et peint.Malgré nos recherches dans plusieurs Conservations,
nous n'avons pu le retrouver. Disons tout de suite que l'application
de cet arrêté ne fut pas sensiblement plus exacte que celle des nombreux règlements qui l'avaient précédé.
Cet arrêté prévoit notamment que les gardes seront armés du Couteau de Chasse. Or, seuls les Gardes des Forêts de la Couronne (3) portèrent cet accessoire; les autres restèrent armés du sabre briquet.
En outre le képi décrit par l'arrêté fut remplacé en fait par un
shakô à fond de cuir et à plaque frontale en cuivre, portant lemotFor&s.
L'épée des agents forestiersdut également modifiée en 1840. La
nouvelle épée avait une fusée de corne. entourée -d'une spirale de
filigrane; le pommeau en forme de couronne; la garde portant un coi
de chasse, entouré de deux. palmes.i'nne (le roseaux, l'autre de feuilles
de chêne.
ii tort., attribué à l'Administration des Forêts. C'est en réalité, le bouton de la Vé,terœ
royale, pour la période comprise cati-e 1815 et 1822, année où fut repris le boutan
nu cerf.. Cf. Baron FLEUR Y: Historique dcta Vénerie française (La Chasse illustrée,
janvier 1013).— FouI PETIT Anciens" avenirs deçènerie. Évreux 1914, p. 31-32.
(1) Le spécimen que nous figurons o eu son cartouche rieurdelysé gratté en 1830
et remplacé par un coq. En fait, cette transformation dut être à peu près générale,
car le modèle resta en usage jusqu'en 18110.
(2) Ce terme Forêts du Roi, au sens légal, est ici l'équivalent de i?orêms doman#eles,
ou de Forêts de
t 3 ) Voir plus loin.
'-'j
14
1
REVUE DES EAUX ET FORÊTS
Entre terTt ps, l'École forestière (le Nancy
vait:
a été fondée, et
avait reçu un uniforme analogue à celui des agents. Seule la coiffure
différait : étant constituée par une casquette (lu modèle de l'École de
Tharandt (Saxe), où nombre de forestiers français avaient fait leurs
études forestières. Geste casquette fut portée, en petite tenue, par
les élèves de l'Ecole de Nancy, jusqu'en 1914.L'influeitce allemande,
qui se fit si longtemps sentir sur nos méthodes (le sylviculture, se manifesta aussi d'une façon durable : ( jans les moeurs des élèves (1).
Au lieu dc l'épée, ceux-ci portaient le couteau (le chtisse, à quillous
contrariés, et à tête de lion, d'unmodèle identique à celui dela Vénerie
royale, de Charles X, mais avec l'inscription École foresti4re sur la
lame.
Ce modèle persista jusqu'en 1840, époqtie à laquelle (,rit remplaça
par un couteau symétrique à quillons en têtes de loup, et à pommeau
en forme de couronne, comme celui de l'épée.
Les uniformes de l'École de Nancy ont été très fidèlement réconstitués pour l'exposition de Nancy en 1909; il l'ut fait, à cette époque,
une fort jolie photographie d'ensémble de ces anciennes tenues, portées par les élèves d'alors. Beaucoup de nos lecteurs connaissent bien
cette photographie, et d'autres ont revu ces tenues anciennes à l'occasion du centenaire de l'École, célébré l'année dernière.
*
**
A la suite des événements de 1848, et de la proclamation de
République, eut lieu l'inévitable changement dans les insignes Cette
fois, les dirigeants de l'Administration renoncèrent aux emblèmes
politiques. Lit
des Gardes, et les boutons des agents portèrent
tout simplement deux branches de chêne, avec les mots Admirastration des Forêts. Les plaques, (le cette époque manquent d'uniformité. Certaines portent de nouveau l'oeil, symbole de vigilance, que
nous avions déjà vu sur une plaque de la Restauration. On trouve
même des spécimens dorés.
Avec le coup d'État, nouveau changement à vue. Les çinhlêmes
impériaux, l'Aigle et les Abeilles, reparaissent partout sur les plaques,
les boutons, les armes.
La plaque des Gardes est en cuivre massif, avec l'Aigle. C'est la
première rois qu'on renonce à la plaque argentée. Le schako des
Gardes porte aussi une plaque ovale avec l'Aigle, surmontant le mot
Forêts. Les.boutons portent ]'Aile et aussi le mot Foréts.
Les boutons des élèves de l'Ecole de Nancy portent l'Aigle cou(1) Les traditions, chères au coeur de Lait[ ai,cie n élève de l'École, et qui comporte fit
des cérémonies d'initiation plus ou moins burlesques, connues sous les noms d'absorption. de brimades, et de prise d'habit, s'apparentent aetteinent aux Xomnure
des étudiants allemands, dont elles paraissent dériver pour partie. Une autre partie n,
sans doute, une origine nlaçoiliIiqi.e. IMS premiers élèves (le l'École de Nancy trou.
fiaient volontiers la Monarchie et les ultras, comme on le sait. Cela explique certains
aspects de ces traditions, dont le sens s'est très rapidement, perdu, mais qui se sont
maintenues avec une remarquable persistance.
INSIGNES ET MARQUES i)ISTINCTTVES.
15
ronné avec l'exergue École Impie forestière. Leur couteau de chasse,
'près un modèle éphémère, tout d'acier, cri usage de 1852 à 1854,
et qui fut supprimé pour difficultés d'entretien, porta deux quillons
à têtes d'Aigles, avec l'Abeille sur le pommeau.
Enfin, l'épée des Officiers 'changea de modèle, et devint celle de tous
les fonctionnaires: garde dorée, portant l'Aigle, et fusée de nacre.
L'épée réglementaire portait l'abeille sur le pommeau, et une palmette comme bouton porte-épée. Mais la tradition ne perd jamais ses
droits. Toutes les épées achetées à Nancy par les élèves leur sertie
de l'École eurent le pommeau à tête de loup, et le bouton porteépée à tête de sanglier (identique au bouton porte-épée du couteau de
chasse). Ces différences permettent de reconnaitre l'épée d'un agent
forestier du Second Empire de celle d'un ingénieur (les Ponts et Chaussées, ou d'un Maire, qui à cette époque portaient aussi l'épée.
L'uniforme lui-même avait été modifié dans certains détails: pour
les Agents, par le décret du 17 novembre 18.52, et pour les Préposés
par celui du 3 juin 1854.
Ces modifications ne faisaient pour la plupart que consacrer les
errements déjà en vigueur. Certaines d'ailleurs visaient des articles
de l'arrêté de 1840 qui n'avaient jamais été en application, et ne le
furent pas davantage depuis lors (par exemple le port du couteau de
chasse pour les Gardes).
*
**
Il nous faut ici dire un mot des insignes du personnel des Forêts de
la Couronne, que nous avons déjà cités à plusieurs reprises, et qui
méritent une étude particulière.
Les Forêts de la Couronne, juridiquement parlant, étaient des
forêts appartenant à la nation, et dont la jouissance était attribuée
au Souverain. Avant 1789, les biens (le la Couronne n'étaient pas distincts des biens de l'État, tous les droits de celui-ci se trouvant absorbés dans ceux du Roi. Ce sont les décrets de 1,791 sur la Liste civile
qui ont déterminé les forêts dont la jouissance appartiendrait au Roi,
et qui ont constitué la dotation de la Couronne en France. Ces forêts
comprenaient les Parcs de Versailles, de Marly, de Meudon, de SaintCloud et de Saint-Germain; les forêts de Rambouillet. de Compiègne
et de Fontainebleau. Après le 10 août 1792, ces forêts retombèrent
clans le domaine national ordinaire. Elles en ressortirent avec le
Premier Empire. L'article 15 du Sénatus-Consulte du 28 floréal
an XII portait que la Liste civile resterait réglée ainsi qu'elle l'avait
été par les décrets dcl 791.
La situation resta telle à la Restauration (Lois du 8 novembre 1814
et du 15 janvier 1825).
Sous la monarchie de Juillet. la loi du 2 mars 1832 stipula que la
dotation serait faite pour la durée du règne; certains immeubles importants en furent distraits, ruais la forêt d'Orléans y fut, par contre,
ajoutée.Toutes Ces forêts firent, après février 1848, retour au domaine de
16
REVUE DES EAUX ET FORÊTS
l'État; mais pour peu de temps, car le Sénatus-consulte des 12-17 décembre 1852 régla de nouveau la dotation de la Couronne. Elle coinprenait les forêts citées plus haut, plus les forêts de Vincennes,
Sénart, Dourdan, Laigue.
Les forêts de la Couronne sont, en 1870, redevenues simples forêts
domaniales.
Dès le Premier Empire, ces forêts avaient été gérées par un personnel particulier. Les Gardes portaient une plaque spéciale, avec en
exergue Administration générale des Forêts de la Couronne.
De même sous la Restauration, et sous Louis-Philippe, les Forêts
de la Couronne ont leurs modèles propres de plaques et de boutons (1).
Sous le Second Empire, le personne] des Forêts de la Couronne
reçut l'uniforme vert et or, au lieu de l'uniforme vert et argent qui
était la tenue ordinaire des Forêts. Les gardes avaient une plaque
en cuivre aux aimes impériales; ils portaient le couteau de chasse, et
le chapeau bicorne.
Il y avait souvent conflit d'attributions entre le service des Forêts
de la Couronne, et celui des Forêts, tout court, et les rapports entre
les agents des deux administrations n'étaient, parfois, pas des plus
chauds. M. de la Rue nous a laissé, dans ses Chasses du Second Empire, quelques anecdotes savoureuses concernant ces différends inLimes.
*
**
Nous alTivons à la guerre de 1870, et à la proclamation de la
3° République.
La pratique de la guerre modifia profondément les idées françaises
concernant l'uniforme. 1.1 se fit alors une révolution coiiparable à
celle que nous vimes, avec la guerre de 1914-1918.
Mais cette révolution ne se fit pas tout d'un coup. L'arrêté ministériel de 1873 laissa subsister la grande tenue, telle qu'elle était auparavant, sous l'Empire. Mais cette subsistance était de pure forme.
Li grande tenue tombée entièrement en désuétude, disparut officiellement en 1878.
C'est en 1.883 que le Couteau de Chasse et le Bicorne cessèrent de
faire partie de l'uniforme de i'Ecole de Nancy (2).
La petite tenue de 1873 devint, avec quelques modifications, la
(1) Sous Louis Philippe, la plaque des Forêts de la Couronne est semblable à celle
des Forêts dit Roi, et n'en diffère que par la légende. On trouve, à la même époque
une plaque du môme modèle portant Domaine privé dit Roi. Cette plaque concernait
des biens possédés par Louis Philippe, ut primant, avant son accession au trône. Ce
domaine privé, confisque,> sous le Second Empire, fut rendu à la Maison d'Orléans par
la loi du 24 décembre 1872 (24.667 hectares).
(2) En 1870, les emblèmes impériaux avaient dû disparai&e de tous les ,,nifon,,es.
Le Couteau de Chasse de l'É-oole fut modifié en conséquence la laine porta luiseription École forestière au lieu de École impériale foresliére, et les tôles d'aigles des
quillons firent, place aux tètes de loup.
Les boulons virent également disparaître l'Aigle couronnée, qui fut remplacée
par une couronne de feuilles de chênes entourant les mots École /orcstière.
1NSIGES ET MARQUES D17TI1CTIVES
17
tenue unique. C'était la vareuse croisée, à deux rangs de boutons
avecgalons en trèfle montant Je long du bras; beaucoup d'entre nos
lecteurs, et nous-même l'avons portée, avant la transformation du
14 octobre 1909 qui mit l'uniforme en harmonie complète de coupe
avec celui de l'armée.
Les transformations récentes sont nées de la guerre, comme les
précédentes. Elles sont connues de tous. Nous n'en parlerons pas,
sinon pour exprimer notre satisfaction d'avoir vu consacrer le maintien des deux couleurs fondamentales de notre uniforme qui, nous
J'avons vu, remontent bien plus haut dans l'histoire que ne le supposaient beaucoup de nos lecteurs.
Nous devons cependant mentionner un léger détail. La plaque du
ceinturon facultatif de grande tenue parait inspirée de la plaque du
ceinturon de l'École de Nancy en usage sous le Second Empire. En
réalité elle reproduit exactement, non pas cette plaque, mais la plaque
presque identique de l'ancien ceinturon des adjudants de Chasseurs
à pied. Celle-ci porte des feuilles de laùriers, et un crochet figurant
un noeud tressé. La plaque qu'on a, sans doute, eu [intention de
reproduire porte des feuilles de ehéne non seulement sur les médaillons,
mais encore sur le crochet.
*
f* *
Nous voici arrivés ,iu terme de cette étude. Elle nous parait présenter un certain intérêt d'ordre général, en ce qu'elle nous a montré
un désaccord parfois complet entre les textes réglementaires et les
faits qu'ils ont la prétention de régler. Nous voyons ainsi nettement
qu'en matière historique, un texte, même officiel, ne doit pas être
accueilli sans contrôle et sans recoupements. L'histoire, pas plus
qu'une autre, n'est une science simple.
Nous sentons pleinement; comme nous l'avons déjà dit, l'imperfection de notre travail. Il a pu, peut-être, s'y glisser quelques
erreurs. Il comporte, surtout, de nombreuses lacunes. Nous serions
fort heureux si quelques-uns de nos lecteurs pouvaient contribuer à
rcdresser les unes et à combler les autres. Nous n'avons pas la prêtertion d'avoir épuisé le sujet.
Spécialement pour ['ancien régime et l'époque révolutionnaire,
il a pu exister des insignes spéciaux (notamment des boutons), non
prévus par les textes, et provenant de l'usage ou de l'initiative de
certains Grands-Maîtres. Des pot-traits, des gravures, peuvent les
mettre en lumière. De même pour les périodes suivantes. Il , est probable que des recherches dans les Archives du Conseil d'Etat, que
nous n'avons pas eu la.possibilité d'entreprendre, permettraient de
compléter notre documentation, à partir du Premier Empire. Et il
serait sans doute possible de tirer quelque chose du Département des
Gravures, à la Bibliothèque nationale. Peut-être plusieurs de nos collègues, en lisant cette esquisse, auront-ils pris quelque plaisir à contempler l'image des vénérables reliques qui en ont fait l'objet.
L
IS
REVUE DES EAUX ET FORÊTS
En les regardant, peut-être auront-ils donné une pensée pieuse à
ceux qui les portèrent, à -ces forestiers d'autrefois, dont nous sommes
les continuateurs et les héritiers, et sur l'histoire et la vie desquels
notre étude nous t ,tout nat,irellernent, amenés ' t ouvrir quelques'
aperçus.
Sans doute, le lecteur aura remarqué, comme nous, que leur forte
empreinte professionnelle a-sous toutes les époques, marqué les
forestiers d'une réelle unité d'aspect.
Éloignés par leurs fonctions mêmes des marches du pouvoir, et
portés par l'objet de leurs préoccupations à négliger l'influence passagère des hommes, puisqu'ils travaillent, pour un lointain avenir,
les forestiers n'ont obtenu des pouvoirs publies la sollicitude à laquelle
ils pouvaient prétendre, que dans des circonstances particulières, indé-'
péndantes de-leur rôle utile, sans égard à leurs mérites et à toutaction, et trop souvent ou trop vite oubliées.
« il est diffléile de former de très bons Officiers, écrivait Pecquet'
dès 1753 (1), mais un bon Officier d'Eaux et Forêts est en son genre
in homme fort précieux. et son état est, autant peut être qu'aucun
autre, et doit êtrè.l'objet des récompenses du Prince. Le malheur pour
lui est que le bénéfice que le Roi retire de sa conduite et de ses talents - ne peut pas être sensible journellement, mais il n'en est pas moins
réel. Les forêts du Roi mal administrées ne sont pillées et endom'nagées que par le détail, eti'insensible progression deleur dégradation
empêche qu'on ne puisse coîanaitre à mesure et sur le champ le bénéfice et l'avantage de les bien conserver, s
En fait, l'histoire nous montre, depuis l'organisation créée par la
forte mciii de Colbert (2) un corps forestier ayant notion de sa dignité
et de sa valeur, mais toujours discipliné, probe, et hautement conscient de ses devoirs.
Depuis 1a chute de la monarchie, malgré des conditions difficiles
et même humiliantes, parfois rattachés ou soumis' à des administratons étrangères incompétentes, .les forestiers ont toujours manifesté
cet esprit de discipline et d'attachement au bien de l'État qu'on
aimerait à retrouver aujourd'hui dans tous les servicespublics. Ils ont eu, parfois, à défendre les intérêts qui leur étaient confiés
contre le Gouvernement même. Ils se sont souvent trouvés partagés
entre leur conscience de forestier qui leur défendait de souscrire â
des exploitations abusives, et les exigences des pouvoirs publics pour
qui la grande affaire était de se concilier l'opinion par l'étalage de
recettes élevées, qui ne pouvaient être obtenues qu'au détriment de la'
forêt, en sacrifiant délibérément l'avenir au présent. Cet antagonisme a
valu à quelques-uns le sacrifice delcur carrière. La disgrâce de Lorentz,
en 1839, en est l'exemple le plus célèbre. Mais aujourd'hui que l'on
(i) PE1QuRT Leiz forcszières de J"rancc,
111.40,, 1253, I, p. 583.
(21 Colbert fat aidé dans sa tAche par quelques forestiers de métier, parmi les,
qnels il tau L surtout citer de Froid ou r, qui joua un rôle très important dans la' prépara lion de l'Ordonnance de 1669, et qui fut, é Icaà égards, un homme remarquable.
INSIGNES ET MARQUES DISTINCTIVES
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peut porter des vues sereines sur ces luttes et sur ces événements, on
doit reconnaître que les forestiers ont eu raison. Les abus d'exploitation, les rendements élevés entamant le capital forestier, peuvent
éviter momentanément . aux pouvoirs publics certaines difficultés,
d'ordre parlementaire et constituer une apparence de prospérité
trompeuse. Mais ce n'est qu'une apparence, qui disparaît vite, parfois
plus vite qu'on ne peut le penser, et ne laisse après elle que des ruines.
Au contraire, la politique sage et prudente du corps forestier français, la volonté délibérée de convertir les taillis en futaies partout où
cela était possible, et de multiplier la production des gros bois, ont
porté leurs fruits. On l'a constaté pendant la guerre, ou les énormes
besoins en bois des armées ont pu être satisfaits sans trop de difficultés ni de sacrifices, grâce aux réserves accumulées.
Si, cédant à des considérations captieuses, nous avions jadis adopté
les théories allemandes du taux élevé, et de l'arbre d'exploitstion de
faible taille, il est plus que certain que nos forêts n'auraient pu résister à l'épreuve qu'elles ont eu à subir. Nos prédécesseurs ont droit,
à juste titre, à la reconnaissance du pays.
Les chiffres, publiés avec une inlassable persévérance par M. l'Inspecteur principal Granger montrent, d'autre part, jusqu'à l'évidence,
que peu d'entreprises, même privées, sont gérées avec autant de
prudence, de compétence et de stricte économie, que nos forêts soumises, domaniales et communales. Jamais le pays n'a eu autant, ni
de meilleures raisons .d'être fier de son corps forestier. C'est une conclusion qui, nous l'espêrons, réjouira tous nos lecteurs. L.
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