Le fouet du berger - Neira des Volcans

Transcription

Le fouet du berger - Neira des Volcans
Le fouet1 du berger.
Cherchant chez monsieur Googlé ce qui pouvait bien avoir été mis en ligne sur le
fouet du berger, je me suis retrouvé dans un univers glauque sado-maso…
C’est dire la connotation de brutalité du fouet. Pas loin de la vache cravache !
Le fouet du berger fait exception à cet univers de plaies et bosses.
Il est un signal à l’attention des brebis, un prolongement du bras du berger, et
même de sa seule intention. L’empathie est souvent grande entre le berger et les
plus familières de ses brebis, celles qui marchent en tête du troupeau et qu’on
incite à le faire un peu plus qu’elles le font naturellement en les encourageant
d’un peu de sel ou d’une petite gourmandise. Grégaires, les autres brebis suivent
et marquent les arrêts. Agneaux et agnelles calquent leurs mouvements… A
moins qu’une bonne herbe les tente vraiment.
Le fouet ne sert pas à frapper. Sa hampe et sa lanière sont l’image de la clôture
ou de la clède2. Ils veulent dire suivez-moi, allez dans cette direction, ou stop.
Et si vous en fabriquiez un ?
Un vrai fouet de berger…
Le manche3.
Un beau geste millénaire est l’attitude de repos du berger, les mains l’une sur
l’autre, enlacées avec la lanière, appuyées sur le sommet du fouet.
Ou on est berger, ou on regarde, mais « faire comme si », ça non…
Au choix du berger, le manche est en bois dur ou un peu souple selon les
espèces locales. En Velay on le souhaite traditionnellement en genévrier. Il peut
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Lou foueï diy pastre. En phonétique.
Une clède, mot local de même origine que claie, est une barrière ou un élément d’un parc en bois.
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On peut dire aussi la hampe.
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aussi être en frêne, houx, chêne, châtaignier, acacia. La viorne4, quasi
incassable, convient aussi très bien. Un diamètre de 2,5 à 3 cm sera parfait. Sa
longueur ? Ce que le berger jugera confortable pour s’appuyer et diriger ses
bêtes. Comme une canne, sa longueur peut être la distance entre le sol et la
tête du fémur ou l’arête de la hanche. Voire un peu plus pour soulager le dos en
s’appuyant. Disons 95 cm à 1,20m pour un adulte.
L’attache et la lanière.
Au bout le plus fin du manche on constitue une boucle5 en cuir dans laquelle
viendra d’attacher la lanière6.
La lanière est traditionnellement en cuir. On en trouve chez les tanneurs. A
Espaly nous avons trouvé notre bonheur chez Jacques Chapat, 24 rue SaintMarcel (06 87 21 10 82 sur rendez-vous). Choisir une lanière de cuir de 2 m de
long.
La boucle.
La tsaplada est en cuir. Le plus simple est de prélever 25 cm sur les 2 m de la
lanière. Elle dépasse du manche suffisamment pour que la lanière y entre et
tourne aisément. On l’applique en U de chaque côté du manche sur lequel on
pourra avoir créé deux légers méplats qui ne sont pas obligatoires. On peut la
fixer avec des petits clous inox ou laiton ou des agrafes.
La boucle est elle-même assurée au manche par une ligature ou une surliure
comme le font les marins.
La ligature.
Assurez la boucle en la ligaturant. Vous pouvez choisir du cordonnet de 2 mm de
diamètre ou de la sangle de 1 à 2 cm de large. Vous commencez par le bout du
manche en superposant la sangle sur deux tours. Puis vous descendez vers les
extrémités du U de la tsaplada en décalant de la moitié de la largeur de la
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Viburnum lantana. Arbrisseau des sous-bois en terrain volcanique.
La boucle : en patois du Velay, la tsaplada (en phonétique).
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Certains disent aussi « la courroie ».
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sangle. 10 à 11 tours suffiront y compris la superposition du départ. Pour finir
vous faites remonter le bout de la sangle. Il est possible de renforcer la ligature
en la clouant ou en la collant. Brûler les extrémités si la sangle est synthétique.
La surliure.
Elle se fait avec du cordonnet. On peut commencer par le bout du manche ou les
bouts du U. L’essentiel est d’effectuer une boucle à l’opposé du départ de la
surliure ? On serre bien le cordonnet bord à bord, on termine la surliure en
passant dans la boucle.
On tire alors la boucle sous la surliure qui se bloque d’elle-même. Des points de
colle peuvent assurer une surliure un peu approximative ou trop peu serrée.
L’avantage de la surliure sur la simple ligature est qu’on ne voit pas les
extrémités.
La lanière.
Elle est faite de telle façon qu’on puisse la remplacer quand elle est usée,
éventuellement grignotée par le chien du berger…
Une bonne largeur me semble comprise entre 1,5 et 2 cm. 1 cm ou moins, c’est
à la limite de faire ficelle… Plus de 2 cm ça fait un peu bricolage. Une vieille
ceinture étroite (2 cm), en cuir râpé, souple, conviendra bien si elle est assez
longue. Il faudra y ménager des petites fentes, comme des boutonnières, de la
même longueur que sa largeur ou à peine plus. Un cutter sera parfait, mais
attention, il ne faudra pas le laisser déraper ou aller au-delà de la bonne
longueur des boutonnières. Plus la lanière est étroite, plus les boutonnières sont
périlleuses à fendre, et moins elle créera un obstacle visuel pour les brebis un
peu myopes et qui n’ont pas de lunettes. Evitez de couper la jolie table de la
salle à manger ! Placez une planchette sous la lanière que vous fendez…
L’extrémité sera coupée en V, mais pour un premier fouet mieux vaudra la
couper quand vous serez certain de sa bonne longueur…
Quelle longueur ? Une fois la tsaplada finie ainsi que le nœud de berger cidessous, une bonne longueur est celle qui va du sol au bout du fouet quand on le
tient horizontalement.
La fonction du fouet et de sa lanière n’est pas de frapper, surtout pas, ni de
claquer comme la chambrière pour les chevaux. Lorsqu’on veut arrêter le
troupeau, le berger tient le fouet perpendiculairement au chemin ou à la
direction qu’il a prise avec le troupeau. Cet obstacle composé de l’horizontale du
manche et de la verticale de la lanière est un signe clair qui forme une clède, une
barrière, et qui signifie bien stop ! Il suffit de replier la lanière le long du manche
et de remettre le tout, accompagné du geste du berger, dans le sens du chemin,
et tout ce petit monde se remet en route. Le chien accompagne les gestes et les
appels du berger.
Le nœud de berger.
Ce n’est pas vraiment un nœud, mais c’est une façon traditionnelle que les
bergers ont d’attacher la lanière à travers la tsaplada. La tradition c’est la
tradition, et ça se respecte... Surtout quand elle est belle et bonne, et qu’elle a
du sens.
Il va falloir tâtonner…
Vous aurez fait d’abord une fente dans l’axe de la lanière près de son extrémité
qu’on appellera « le bout dormant » et une autre, toujours dans l’axe de la
lanière un peu plus loin… Vous pourrez faire un nœud plus ou moins serré en
rapprochant les deux fentes ou en les éloignant. Un vrai berger nous a
confectionné un fouet avec une lanière de 2 cm de large. La première fente est à
2 cm du bout dormant. Elle mesure un peu plus de 2 cm pour que la lanière
puisse y être enfilée. La seconde fente est à 25 cm après la première. Elle
mesure 5 cm de long.
Pour fermer le nœud.
Enfiler le bout dormant dans la tsaplada puis dans la seconde fente jusqu’à ce
que le première fente en ressorte. Passer le cout courant dans la première fente.
Le tout sans tortiller la lanière… Reste à tirer sur le courant en retenant le
dormant jusqu’à ce qu’ils se bloquent l’un dans l’autre…
Pas compris ?
Nous reprenons…
Non non, voyez plutôt les illustrations.
Vous pouvez simplifier avec un demi-nœud. Vous ne faites que la fente proche
du bout dormant et un seul passage dans cette fente. La tenue est correcte…
mais c’est un demi-nœud…
Effet tressé.
Comme si ce n’était pas assez compliqué, on peut faire un effet tressé en un ou
plusieurs emplacements de la lanière. Pas tout du long, ce n’est pas joli.
Attention ça raccourcit un peu la longueur du bout courant.
A l’aide du cutter, faites une série, deux ou trois de 10 à 12 fentes chacune un
peu plus longue que la largeur de la lanière et séparées d’autant. L’effet tressé
s’obtient en passant le bout courant dans chaque fente et en tirant pour que le
cuir se retrousse. En procédant de la même façon, fente après fente, vous
obtiendrez un bel effet de tresse en cuir.
Ce n’est qu’une fois tout cela achevé que, tenant le manche du fouet
horizontalement, vous couperez l’extrémité de la lanière au ras du sol ou
quelques cm plus long en prévision de toutou qui en mâchonnera l’extrémité et
la raccourcira encore un peu…
Association La Neira
2013
G. Duflos